uv SCÈNES DE LA NATURE DANS LES ÉTATS-UNIS ET LE NORD DE L'AMÉRIQUE TOME DEUXIÈME \ LE MANS. — IMPR. ED. MONNOYER. SCÈNES DE LA NATURE DANS LES ÉTATS-UNIS ET LE NORD DE L'AMÉRIQUE OUVRAGE TRADUIT D'AUDUBON PAR EUGÈNE BAZIN AVEC PRÉFACE ET KOTES DU TRADUCTEUR « Genuine poetry, like gold, loscs iittle «hen properly trnnsfused. > rMACPBCRSON.) TOME DEUXIÈME ••• • ;• •• »• l • •••..•. : •. : . PARIS A. SAUTON, LIBRAIRE-ÉDITEUR RUE DE RIVOLI, 49 4868 > c > • • ' ' SCÈNES DE LA NATURE DANS LES ÉTATS-UNIS. LOIE DU CANADA. On considère TOie du Canada comme appartenant presque exclusivement au nord ; cependant , sous des latitudes moins froides, et en diverses parties des États-Unis, il en reste, toute l'année, un assez grand nombre, pour qu'on ait plein droit de dire que cette espèce habite aussi, d'une niîinière permanente, les régions plus tempérées. On la trouve, mais aujour- d'hui en petite quantité, nichant au bord des lacs, des marais et des grands cours d'eau de nos districts de l'ouest, sur le Missouri, le Mississipi, les parties basses de l'Ohio, le lac Érié , les lacs plus reculés au nord, et sur chaque grand étang de l'intérieur, vers l'est des États de Massachusets et du Maine ; mais leurs nidsde- II. i 3 f-'oiE ni! CANADA. viLMiMont plus abondiiiils à niesiirc (lu'oii avance à Test et au nord. Lors ilo mon excursion au Labrador, j'en trouvai ([ui couvaient, au mois de juin, sur les îles de la Madeleine. Dans Tile d'Anlicosti, coule u,ne grande rivière sur les rives de iaiiuelle on dit ([u'il s'en élève, cha»iue saison, d"innond)ral»les couvées; et au Labrador, il n'y a pas de plaine niar«''(a^euse tant soit peu à la convenance de ces oiseaux, qui necontienne ([uelques- uns de leuis nids, ('.elles de ces oies cpii viennent nous visiter d(!s latitudes les })lus septentrionales, retiturnent, connue tant d'autres espèces, avec le printemps, dans ces tristes régions où elle:; (jut l'ecu rexistencc. En hiver, il n'en l'Cste ([ue tiès peu, ou même pas du tout, dans la Nouvel le-lu'usse. Ainsi mon ami Thomas M'Culloch m'a dit n'en avoir jamais vu nue seule, dans cette saison, aux environs de Pictou (l). Au printemps, ([uand elles renionlent vers le nord, elles passent, en immenses bataillons, bien haut dans les airs ; tandis ([uà Taulonme les bandes sont beaucoup moms tortes et volent plus bas. Pendant leurs mi- grations du printemps, les priiiL'i[)ales stations où elles s'arrêtent, en attendant des jours plus doux, sont la baie des Chaleurs (2), les îhîs de la Madeleine, Terre- Neuve, Labrador, à chacune diîsquelles il en reste tou- jours quelques-unes qui se d«''cident à y nicher et à y séjourner tout l'été. (1) Petite île , rivière et baie , à rexlrémité méridionale du golfe Saint-Laurent. (2) Forn»«?e par le golfe Saint-Laurent , entre le Nouveau-Brunswick et le Nouveau^Canada, à rcmboucîiurc de la Ristigonche. I/OIK DU CANADA. 3 Leurs «^Taiulos iiii^i'alious du print<'mj)s comiukmi- cent, ilans u«)s districts du centre et de l'ouest, à lu première tonte des neijjjes, ou du 20 nuus à la (in d'avril; mais le moment pr(''cis du départ (h'peud tou- jours de Tétat plus ou moins avancé de la saison. Les troupes immenses (|u'on voit hivernei' dans ces i»randes savanes ou piairies marc'c ageuses du siul-ouest du Mississi))!, connue il en existe dans TOpelousas, sur les bords de la l'ivière Arkaiisas. ou dans les clairières éternellement désolées des Florides, reprennent sou- vient leur vol en se dii'i^^eant vers le nord dés le mois de tevri«;r; en ellet, les individus appartenant à des espèces plus éloignées des lieux où prescpie toutes elles finiront par se rassend)ler, doivent natuiellenient son- ger au retour avant celles tjui ont passé l'hiver dans ties stations plus rapprochées. .l'ai lieu de croire (|ue tous les oiseaux de cette espèce qui, chaque printemps, «piittent nos tets pour les pays lointains du nord, se sont accouplés préala- hlenientà leur départ. Cela tient nécessairement à la nature du climat où ils font leur lésidence d'été; la belle saison y est si courte, (pi'ils ont à ]»eine le tenqis sulfisant pour élever leurs petits et renouveler leui' plumage. Je fonde mon opinion sur les faits suivants. Très souvent j'ai observé de grandes troupes d'Oies (jui prenaient leurs ébats sur des étangs, des mar(?cages. ou môme à sec sur des bancs de sable; et je voyais çà et là les oiseaux pr(''cédemment appariés se faisant, dès le mois de janvier, de mutuelles canisses ; tandis que les autres ne s'occupaient qu'à se quereller ou à h I-'OIE nr CANADA. co(|uel les ennuie, se retirent traïuiuillement à l'écart pour se reposer sur l'herbe ou sur le sable, à (piehpie dislance des autres ; et soit que la troupe prenne son vol, soit qu'elle se précipiter à l'eau, ils restent, conmie des délaissés, toujours en arrière. Cette manière de se pn'»parer à la saison des œufs m'a paru d'autant plus remarciuable, (pi'à peine arrivés au lieu (Qu'ils ont choisi pour l'été, les oiseaux il'une môme compagnie se séparent par couples, cjui font leurs nids et élèvent leur famille à de grandes distances les uns des autres. C'est un spectacle extrêmement curieux de les voir, à chacune de leurs stations, se faire la cour. Je vous assure, lecteur, que si le niàle ne se pavane pas devant sa femelle, avec toute la pompe que déploie le coq d'Inde, et ne se pique pas de cette délicatesse et de cette grâce qui distinguent les amours de la tourte- relle, ses démonstrations, pour cela, n'eu plaisent pas moms à sa bien-aimée. Je m'en représente un main- r/oiK mi CANADA. 5 i(M)aiil qui vioiil, apivs un aniihut d'une (N'iiii-luMire ou plus, (rintli}z; n'cii perdis aucun ik trois au- nôes; lo vieux couple \w nicha plus tant qu'il demeura en captivité, les deux couples de jeunes pondirent et pan'inrent à mener à bien. Tun trois petits, l'autre sept. Tous, ils montraient'une aversion particulière! j)Our les chiens et haïssaient prescpie aussi cordialement les chats; mais les objets spéciaux de leur animosité étaient un vieux cy^we et un coq d'Inde sauvage «pie je nourrissais à la maison. D'habitude, ils s'occupaieid à débarrasser le jardin de chenilles et de limaçons. Ils m'endommageaient parfois quehjue arbuste et quehiue fleur ; en somme, pourtant, je puis dire que j'aimais leur compagnie. Quand je quittai Henderson, je leur rendis à tous la liberté, et je ne sais ce ([ue depuis lors ils sont devenus. Dans l'une de mes chasses, vers les mômes parages, il m'arriva de tuer une Oie sauvage , ipi'à mon retour j'envoyai à la cuisine. Kn l'accononodant , on trouva dans son corps un œuf près d'être pondu, et cpi'on m'apporta. Je le mis sous une poule, et il vint à bon terme. Deux ans après, la femelle qui était éclose de cet œuf s'accoupla avec un mâle de son espèce et eut des petits. Cette Oie était si privée, (ju'elle se laissait caresser par tout le monde, et venait volontiers manger dans la main. Elle était plus petite que ne le sont habi- tuellement ces oiseaux , mais parfaitement conformée sous tout autre rapport. Quand arriva l'époque des mi- grations, elle se tint assez tranquille, tandis que son mâle, qui autrefois avait été libre, ne montrait pas, tant s'en faut, la même indifférence. l'oie du canada. 17 Je n'ai jamais pu savoir pourquoi plusieurs du ces oiseaux, pris, pour anisi dire, à la sortie de l'œuf, ou Irouvj's t»)ul jeunes encore, et (pi'oii avait élevés en captivité, manifestaient tant de répupjiiance à se re- pmdiiire, si ce n'est (pie peut-être ils étaient st«''riles de leur nature. J'en ai vu ([u'on {Jjardait ainsi depuis plus de huit ans, sans ([u'ils se fussent jamais accou- plés, alors que d'autres avaient des petits dés leur se- cond printemps. J'ai renianiué aussi ([ue quelipiefois un niàle volage abandonnait les femelles de son espèce pour courtiser une Oie domestique, d'où provenait, en tenq>s voulu, une jeune famille cpii n'-ussissait à mer- veille. Cette disposition tardive est loin d'être le cas ordinaire dans l'état sauvat^e, car j'ai vu des petits à n(»nd)re d'individus (jue, d'après leur taille, l'appa- rence né|j;li{;ée de leur plumage, et d'autres indices bicFi connus des vrais ornitholofçistes, je jugeais n'avoir pas plus de quinze ou seize mois. Aussi pensé-je (lue, dans cette espèce comme dans beaucoup d'autres, il faut mie longue série d'années pour dompter la nature et lui faire oublier ses besoins natifs et ses instincts d'in- dépendance. Combien d'essais, en ce sens, dont le résultat devait être avantageux à l'homme, ont été abandonnés en désespoir de cause, alors que quelques années de plus de soins persévérants eussent produit l'effet désiré. Immédiatement après le complet développement de sa famille, l'Oie du Canada se rassemble par troupes; mais elle ne recherche pas la compagnie des autres es- pèces. Partout où roie à front blanc , l'Oie de neige, II. 2 tS i.'oin nr canada. lu ll(M*iiiU'l»(,' tni (l'uulnîs vciilciil parlii^iT av(T cUp Io nu'^iuo claii}^, (îIIc les loi'c^»» k so tenir ù (lislaiin;, et, piMidaiit los ini;^n"ati()iis, lu* soiilïViî aiirune clo ces rtniu- gr'r<'s dans ses rangs. Son vol est ternu^ assez ra[>i(l«î et très prolonj<«''. Une iois(|n'ellea jijaj^MK' l«'s hantes rcj^ions de l'air, elle s'avanci' d'un iMonvenienl (Miislanl el rc'^iilier. Kn s'»'»- levant tU teri'i^ on de la snrlaei^ de l'eau , elle aeou- tuiu(^ de l'aii'e mielijues p;is eu eoui'anl. les ailes toutes gi'andes onvei'tes; mais ipiaud elle est surprises et (pie ses plumes sont bien d(''velopp(''es , mi simple ('lan de sou lar^^e pied palme snflit poiu' lui taire prendre l'es- sor. Quand elles parlent on trou[»e pour »pieli[n(î long voyage, elles s'enlèvent ti e-iviron un mille» dans l'air, et jmssent eu se dirigeant Uh\[ droit vers le lieu de leur destination. Leurs rlanieurs. ahrs. s'entendent au loin, et Ton distiiigue très bien les divers changemenls qui s'oi)èrent dans l'ordre et la disposition de leurs rangs. En de telles circonstances, je le rv'-pète. elles s'avancent avec la phis;;raude rcgulaiil'' ; n<''anmoins. lorsipi'aux prenneis heau^ jours on les voit s'en retourner du sud vers le nord, elles volcMit beaucoup |)lus bas, se posent plus souvent, et se laissent ass(»z facilement mettre en di^arroi, soit |)ar la rencontre subite d'un épais brouillard, soit eu passiuit au-dessus des villes el des bras (le uier où elles peuvent a})ei'cevoir de nombreux vaisseaux. Alors la consternation s'empare de toute la bande ; les rangs se rompent, elles se nuMent, ne font nue tournoyer, et l'on entend ime sorte de can can per- pétuel qui ressemble au bruit confus d'une multitude I.'oli; DU CANADA. 19 CM «It'i'oiil»'. Qiichun'ldis lu troupe stîsi'pari', t'I plusieurs iii(li\iilus, se (letueluuit soudain' des autres, prennent une direeliou opposite à colle (lu'ils suivnieni; puis, au l)out (Tun instant, connue ne sachant plus où aller, ils descendent, et une t'ois pos«''s par terre, rest«Mit là étourdis et stupel'aits, iUi taçon cpi'on peut les tuer à coups ih' fusil et nièrntj à coups de bâton. Cest ce (pii airive assez souvent, nfa-t-on dil; et nioi-nu^nu', j'ai plusieurs t'ois été t«Mnoiu de pareilles sci'ui's. De vio- lents tourbillons de neige les troublent aussi considé- rableinenl; et quanil elles s'en trouvent en velop|)ées, il y en a qui, en plein jour, vont doinier de la t('^te contre les liiurs des si^niaux et des phares. Dans la nuit, la luiuiî're de ces bàtinitîulsles attire, et parfois toute une troupe se laisse ainsi prendre. Un simple chang«)nienl de temps suflii également pour les arnHer; et elles send)lent en deviner rapproche, car, sans retard, elles font volte-face et n-prennent, [)endant plusieurs milles, le chemin du midi. Souvent des troupes entières re- viennent de cette façon aux lieux ([u'ellesavaient quittés depuis une quinzaine. Même en hiver, elles savent pré- voir avec une griude sagacité les variations de tem- pérature, et se dirigtîut tantôt [)lus au nord, tantôt plus au sud, selon (pi'il y doit faii'e meilleur pour vivre. ^ Cette connaissance de Tétat futur dn tenqis est si cer- taine, que lorsqu'au soir on les voit gagner le sud, on peut prédire qu'il fera froid le lendenuu'ii matin, et vice versa. Ces oiseaux sont moins farouches (piand on les ren- contre enfoncés dans l'intérieur des terres que lors- 20 l'oie du canada. qu'ils se tionnent sur les bords de la mer, et moins ont d'étendue les lues et les étangs cju'ils fréquentent, plus il est facile de les surprendre. Ils cherchent ordinaire- ment leur nourrilunî à la nuuiière du cygne et du canard, c'est-à-dire en enfonçant la tète sous l'eau, dans les étangs peu profonds, au bord des lacs et des rivières, tandis que tout le devant du corps est sub- mergé, et qu'ils ont les pattes et le derrière en l'air ; mais dans ce cas, jamais ils ne plongent. Lorsqu'ils paissent sur les chanqjs ou les prairies, ils tranchent l'herbe de côté, ainsi que fait l'Oie domestique ; et après qu'il a plu, on les voit fouler rapidement la terre des deux pieds, comme pour en faire sortir les vers. Par- fois ils barbotent dans l'eau fangeuse , mais bien moins fréquemment que les canards, et surtout que le Canard sauvage. Ils recherchent avidement les champs de blé, quand la feuille est encore tendre, y passent souvent la nuit, et y commettent de grands dégâts. En queUjue lieu ({u'on les rencontre, et si loin que ce puisse être des demeures de l'homme, on les trouve toujours soup- çonneux et sur le qui-vive. Pour la puissance de la vue et la subtilité de l'ouïe, il n'est peut-être pas d'oiseau au monde qui les surpasse. Ils se gardent les uns les autres ; et pendant que la troupe repose, un ou deux mâles font sentinelle. La présence du bétail, d'un cheval ou d'un daim ne les étonnera pas; mais qu'il s'agisse d'un couguar ou d'un ours, sa venue est aussitôt aimoncée; et si la troupe est par terre, dans le voisi- nage de (pielque étang, tous ils se retirent à l'eau dans le plus profond silence, gagnent le large et restent là, l'oie du canada. 21 attendant »iuc le iljingcr soit passi». Si ronnciui s'acharne à les y ponrsuivre, les niàles conniiencent à jHtnsser de grands cris, la troupe se tbrnie en rangs sern's, et ils s'envolent tous à la fois, mais ordinaire- ment sans présenter ni ligne ni angle, disposition qu'ils ne prennent ipie lorsipi'ils ont à parcourir une distance considérable. Leur ouïe; est d'une finesse si extraordi- naire, ([u'au seul bruit des pas, ils recomiaissent, sans s'y tromper, à cpielle sorte d'ennemi ils ont afTaire. Rien (pi'en entendant casser une branche sèche , ils distinguent avec un tact excpiis si c'est homme ou daim qui s'approche. Une douzaine de grosses tortues se jettent en tumulte à l'eau, un alligator se laisse pesamment choir dans le marais, ne craignez pas (jue l'Oie sauvage bouge ni s'en préoccupe; mais voilà que de là-bas, bien loin , arrive, faible et presque im- perceptible, le bruit de la pagaie d'un Indien qui, par mégarde, a heurté contre les flancs de son canot: sou- dain l'alarme est donnée, les tètes se dressent, et toutes, le regard tourné vers le lieu d'où vient le danger, elles surveillent, silencieuses, les mouvements de leur ennemi . Elles sont aussi extrêmement rusées. Quand elles croient n'avoir pas été aperçues, elles se glissent dou- cement parmi les hautes herbes , en baissant la tète , et restent })arfailement immobiles juscju'ji ce que le ba- teau soit passé. Je les ai vues, pour échapper aux regards du chasseur, quitter furtivement la surface gelée d'iui grand étang et se réfugier dans les bois, puis revenir quand le chasseur s'était éloigné. Mais s'il y a de la neige sur la glace ou dans les bois, elles sont constam- 22 l'oie du canada. mont on alerte, et s'envolent lonj^^tomps rivant qu'on arriv{» à portiH; Oo les tirer, comme si elles savaient combien loin' tiaci; est plus aisée à suivre sur lablancho et perfide surface. Elles aiment à retourner aux lieux de repos qu'elles ont une fois choisis, et y reviennent sans cesse, tant qu'on ne les y tourmente pas trop. (>hez nous, là où on ne les trouble pas, elles vont raremoiit plus loin ([ue les bancs (h sable voisins des côtes et les rivasses socs des lieux on elles trouvent leur nourriture. Dans d'autres pays, elles cherchent, à plusieurs milles, des retraites mieux appropriées, ci dont TcHendue leur permette de découvrir le danger longtemps avant qu'il puisse les atteindre. Lorsqu'il s'en rencontre une de ce genre et qu'elles l'ont reconnue bien sûre, de nombreuses troupes s'y rassemblent, mais toujours par groupes sé- parés, (^est ainsi ([ue, sur ([uelques-uns des immenses bancs de sable de l'Ohio, du Mississipi et autres grands fleuves, on voit parfois, vers le soir, ces oiseaux réunis par milliers pour passer la nuit, et reposant en petites bandes (jui se tiennent à quelques pieds l'une de l'autre, chacune avec ses sentinelles particulières. Dés l'aube, toutes sont sur pied; elles arrangent leur plu- mage, foîit leur toilette, vont boire à l'tîau voisine, et repartent alors pour les lieux où elles ont coutume de pâturer. Lors de ma première visite aux chutes de l'Ohio. sur les pentes rocailleuses et dénudées de ses rivages, j'en trouvai des multitudes qui s'y réfugiaient ordi- nairement pour la imit. Les nombreux et larges canaux l/oiK 1)1 CANADA. 28 foniiîuil les îles uhi'iiplt'sdo l'un vA rauli'eh(ti'd,i'(iniïno aussi lii ijipidih' (l<îs courants {[in rcgnciit entre elles, l'ont (le cet asile l'un des plus convenables (ju'elles puis- sent d<''sirer. i'^lles se n^tirent ('gaiement sur les îles j)en(lant l'hiver; mais alors leur nond)re (.'st lùen di- minu(''; (>t maintenant, aux environs de Louisville, ces Oies sont deveim(;s si farouches que. sur 1(îs (étangs où elles viennent cha(jue niatin pour manger, la moindre alerte, la simple détonation d'une arme à feu, les fait se renvoler innni'diatement vers leurs rochers : et ce- pendant, môme ici, le danger les menace encore; car, assez souvent il arrive ([u'une troupe enti(îre s'abatte à demi-port(''e de fusil d'un chasseur à l'affût dans une [)ile de bois flotte'', dont il sait se faire un abri, qui gé- n(!'ral(?nient leur devient funeste. J'ai connu un gentle- man , proprii'taire d'un moulin situ(? en face Rock- lsland,et qui s'amusait à Ikhu barder ces pauvres Oies, à la distance d'un ([uart de mille, au moyen d'un petit canon chargé à balles; et si je ne me trompe, M. Ta- rascon en jetait ainsi bas plus d'une douzaine à chaque coup, (^ela se pi;»J;quait à la point** du jour, alors que les malheureuses n'(''tai(Mit (^ccu))(^es qu'à se remettre les plumes en ordre, un instant avant de prendre l^ssor. Mais cett(3 guerre d'extermination ne pouvait durer: les Oies déstîrt('rent le roc fatahet le redoutable canon du puissant meunier ne dut pas lui servir plus d'ime semaine. Sur l'eau, l'Oie du Canada se meut avec une grâce re- manjuable, et sa manière d'être, en général, ressemble beaucoup à celle du Cygne sauvage, auquel je la crois 24 l'OIE DU CANADA. alliùn de tn-s près. Quand c'est à l'aile qu'on l'a blessée, elle plonge parfois à une petite profondeur, et s'(''chappe avec une prestesse étonnante, toujours dans la direc- tion du rivage. Dès (pi'elle l'a touché, vous la voyez se traîner parmi les herbes ou les broussailles , le cou tendu un ou deux pouces au-dessus de terre, et marchant si doucement, qu'à moins d'avoir l'œil constamment dessus, on est presque certain de la perdre. Si on la tire sur la glace et qu'elle se sente frappée, elle se met aussitôt à fuir , mais fièrement et d'un pas assuré , de manière à vous faire croire qu'elle n'a aucun mal ; et elle ne cesse de crier bruyamment , comme à l'ordi- naire: mais, du moment qu'elle a gagné le bord, elle devient silencieuse, et disparaît, ainsi que nous venons de l'indiquer. Un jour, surlacôte du Labrador, jefusvraimentsurpris de l'habileté avec laquelle l'un de ces palmipèdes, alors dans sa mue, et par conj^quent tout à fait incapable de s'envoler, sut manœuvrer, tout le temps, pour se dérober à notre poursuite. On l'aperçut d'abord à quelque distance de la rive: à l'instant, le bateau fut lancé après elle ; mais s'étant mise à nager de tontes ses forces, elle faisait mine de vouloir gagner directe- ment la terre, et quand nous n'en fûmes plus qu'à quelques pas, elle plongea. Nous ne savions ce qu'elle était devenue ; chacun se tenait sur la pointe des pieds pour voir à quel endroit elle allait reparaître, lorsque, par hasard, Ihomme qui était au gouvernail venant à baisser les yeux vers la poupe, l'aperçut presque sous le bout de notre barque , son corps toujours enfoncé l'oie du canada. 25 dans reaii, d'où sortait seulement la pointe du bec, et ramant vigoureusement des deux pieds, pour mar- cher de conserve avec nous. Le marin essaya de la prendre; mais, avec la rapidité de la pensée, elle pas- sait d'un côté à l'autre, à l'avant, à l'arrière , et jamais il ne put mettre la main dessus. Enfin, charmé de trouver tant d'esprit dansimeO/e, je demandai la grâce de la pauvre bête , et nous la laissâmes s'en aller en paix. Le croisement de l'Oie du Canada avec l'Oie domes- tique réussit aussi bien que celui du dindon sauvage avec le dindon privé. La race métisse qui en provient est plus grosse, plus facile à élever, et il faut moins de temps pour l'engraisser. C'est maintenant un procédé en grande faveur dans nos États de l'est et de l'ouest ; et communément, hiver comme automne, on offre do ces hybrides sur le marché, où ils se vendent plus cher qu'aucun individu de la race primitive. C'est du milieu de septembre cà celui d'octobre que les Oies du Canada font leur première apparition dans l'ouest et le long des côtes de l'Atlantique, où elles ar- rivent par troupes composées de quelques familles seu- lement. Un chasseur habile, et qui d'abord a eu soin de tuer les vieux, est presque sûr d'avoir ensuite les jeunes, moins rusés, et dont l'habitude est de revenir manger aux lieux que les parents leur avaient d'abord indiqués. On n'a qu'à les attendre aux étangs connus, et généralement on fait bonne chasse. Pour moi, cette sorte d'affût n'a jamais été bien de mon goût : dès que paraissait un autre oiseau dont j'avais envie, je me 26 lV)IE du CANADA. mettais à roiirii' aju'ès , ot les Oios en j»r(»fllaioiit pour s\miv()1«m'; mais si ji^ n'en ai i^iièro tiK^ moi-iiu^iiio, en revaiK'lie j'(Mî ai vu tuer l)eauc()up et (l(; la {ilus l)elle espèce. Je vous demai nierai la [x-rmission de vous ra- conter une ou deux anecdotes ijui ont trait à ce genre d'exercice. Je connais intimement l'un des meilleurs chasseurs (jui soient, de nos jours, dans tout les pays d(; l'ouest. Force, adresse, patience et courai^e, il possède toutes ces qualités de premi(3r ordre pour un {)areil m«Hier. Souvent. A minuit, je l'ai vu monter un cheval vigou- reux et rapide, alors (jue le thermomètre manjuait z(''ro , que la terre était couverte d(? neige et de glace, et (jue le verglas enveloppait si complètement les ar- bres, que vous les eussiez crus de verre. Mais que lui importe? 11 part au petit galop, son cheval est ferré à neuf, et personne ne sait où il va, personne, excepté moi, qui suis toujours à ses ccWs. Sa valise contient notre déjeuner, force munitions et autres provisions nécessaires. La nuit est noire conmie la cheminée et passablement rude; mais il connaît les bois comme pas un chasseur du Kentucky, et moi, sous ce rapport, je ne lui en céderais guère. Nous marchons depuis longtemps, et les premiers rayons du jour conmiencent à poindre vers l'orient; nous savons parfaitement où nous somuies: nous avons fait juste vingt milles. Les cris de la chouette nébuleuse (1) interrompent seuls le silence mélanco- lique de l'heure matinale. Nous attachons nos chevaux (1) The barred Owl, l'oie nu CANADA, 27 à un arbir, et maintcMiant, à pied, sans faire de hriiit, nous nous dirigeons vers un long étang, dû des li'oupes d'Oies ont coutume de venir chereher leur nourr:'. o. Aucune n'est encore arrivée; mais déjà t(tut<' la surf;\.e de l'eau, libre de ij;lace, est couvei'te de canards, de ma- creus(^s, de pilets et de sarcelles aux ailes bleues et vertes. Le fusil de mon ami,conmie le mien, porte loin, et l'oc- casion est bien tentante! A plat ventre, nous rampons jusqu'au bord de l'étang; puis, un ^enouen terre, nous mettons en joue et le coup part ! La détonation résonne, répétée par mille écbos dans les profondeurs de la fo- rêt, et l'air est rempli de canards de toute espèce. Nos chiens se sont jetés à la nage au milieu des glaçons, et en quelques minutes nous avons devant nous un petit tas de gibier. C(>la fait, nous rentrons sous bois, et nous nous séparons pour gagfier chacun un côté de rc'tang. A juger par moi de l'état des doigts de mon camarade, nous ne serions certes pas capables de mettre un seul bouton ; nous grelottons, nos pieds se cris])ent, nos dents claquent mais voici venir les Oies! On entend retentir, au haut des airs, leur cri bien connu : hauk, hauk^ awhauk, awhauk; elles tour- noient, tournoient, puis, par un mouvement gracieux, descendent sur l'eau, où elles s'amusent d'abord à se baigner et à prendre leurs ébats; bientôt elles regar- dent autour d'elles, car la faim les presse. A ce mo- ment, il peut y en avoir vingt ; mais il en arrive vingt autres, et en moins d'une demi-heure, nous en avons devant nous une centaine. Mon ami, qui connaît son affaire, a passé par-dessus ses habits une sorte de che- 28 l'oie du canada. miscfruii blanc de ncigp, et (nielque attentif «[iic jo sois à observer ses mouvements, je reste convaincu ((u'il est imp()ssil)le de les suivre, môme pour r(eil perçant d(; l'Oie cpii se tient en sentinelle. Pan! pan! fait son grand fusil, et la troupe, en désarroi, s'enlève, gagnant de mon côté. Dès que je les vois à portée, je me mets debout : les Oies éperdues piquent droit en l'air ; je presse l'une après l'autre mes détentes, et l'aile brisée, déjà morts, deux de ces oiseaux viennent lourdement tomber à mes pieds. Ah ! que n'avons-nous d'autres fu- sils ! ('ependant, pour cet étang-ci, il n'y faut plus son- ger. Nous ramassons notre butin, retournons k nos che- vaux, attachons ensemble par le cou oies et canards, et les jetant de travers sur nos selles, repartons pour une nouvelle expédition : de cette manière se continue la chasse, jusqu'à ce qu'eniin nous ayons assez tué d'Oies pour ne plus les compter. Une autre fois, mon ami, seul pour le moment, se dirige vers les chutes de l'Ohio, et comme de coutume atteint le bord du fleuve, longtemps avant le jour. Son cheval, bien dressé, plonge au milieu des tourbillons du rapide courant, et parvient, non sans peine, à dé- poser son intrépide cavalier sur une île où il prend terre, tout mouillé et transi. Le cheval sait ce qu'il a à faire aussi bien que son maître; et pendant que l'un broute aux environs et tâche d'attraper quelque gueulée d'herbe que la gelée a durcie, celui-ci s'approche tout doucement d'une pile de bois flotté qu'il savait être là, et se cache dedans. Son fameux chien Neptune est à ses talons. Enfin , à la lueur incertaine et grisâtre de l'oie du canada. 29 Taiibo, il commence ù entrevoir les Oies; il tire, plu- sieurs restent sur place ; mais une, cpi'il a bien blessée, s'envole et va s'abattre dans la chute indienne. Neptune saute apri's: déjà le terrible courant l'entraîne lui- même ; alors le cbasseur siffle son cheval, (pii, les oreilles dressées, accourt au galop. Il l'enfourche, s'é- lance avec lui au milieu des flots perfides, d'une main saisit le gibier, de l'autre soutient son chien ; et après de longs efforts, le cavalier et le cheval parviennent à mettre le pied sur la rive indienne. Tout autre que cet liomme, dont je ne fais que vous rapporter fidèlement les moindres exploits, y eût depuis longtemps péri ; mais s'il affronte ainsi la fatigue et le danger, c'est bien moins pour le profit en lui-même, (lue pour le plaisir que trouve son excellent cœur à distribuer son gibier entre les nombreux amis qu'il s'est faits à Louisville. Dans l'est, c'est autre chose , les chasseurs tuent les Oies pour le gain, et s'y prennent d'une façon diffé- rente. Quelques-uns les attirent au moyen d'oies artifi- cielles ; d'autres, avec des oies véritables. Ils restent en embuscade souvent des heures de suite, et en détruisent un ïiombre inmiense à l'aide de leurs fusils, d'une lon- gueur démesurée ; mais comme cette chasse n'offre guère d'agrément, je n'en parlerai pas davantage. Dans ces contrées, l'Oie du Canada se nourrit prin- cipalement d'une herbe longue , à feuilles hnéaires, V algue marine, et en môme tenqjs d'insectes aquati- ques et de petits crustacés, genre d'aliment qui lui fait perdre en partie l'agréable saveur qu'a sa chair, lors- qu'elle ne vit que de plantes d'eau douce, de blé et 30 L'on: nu canada. (llierbc. Elle se lioiil, la plupart du Icinps, à une ilelile distance des rivages, devient plus tanMiche, diminue de vohane et est bien inlerieuro, ciunnio mets, à celles «pii visitent rintérieur du pays. Un autre artillce assez curieux qu'on emploie, pour tuer ces oiseaux, et que j'ai pratiqué nuà-mAme avec beaucoui) de succès, consiste en ceci. Dans hî sable îles bancs que les Oiesont coutume de tVé(|uenter pendant la nuit j'enfonçais un tonneau jusqu'à quehpies pouces du haut, et m'installais dedans à rapproche du soir, ayant eu soin de tii'cr par-dessus (pjantiti' de broussailles, et de placer sm- le sable mon fusil, égalenuMit recouvert de broussailles et de leuillcs. Parfois des Oies venaient s'abattre tout piès de moi, et de cette manière j'en ai tué souvent plusieurs d'un seul coup; mais ce stra- tii{^ème s'use bientôt, et n'est bon au plus que pour ([uelques mois. Même au plus rude de l'hiver, ces oi- seaux, par leurs mouvements continuels dans l'eau, peuvent la maintenir libre, sur une certaine étendue, et em[)ècher la glace de prendre aux endroits les i)lus pro- fonds d'un (Haug. Lorsque le hasard, ou autre cause, leur réserve ainsi de ces espaces ouverts à la surface des marais, des étangs ou des lacs, elles ne manquent pas d'en profiter, et le chasseur peut les y fusiller tout à son aise. On prétend que, dans l'État du Maine, il existe une espèce distincte d'Oie du Canada, beaucoup plus petite que la nôtre, à hujuelle d'ailleurs elle ressemble sous tous les autres rapports. Comme la première, elle fait un large nid, qu'elle double de son propre duvet. Elle I.'OIE PII CANADA. 3i IV'laliIit laiitol au l»nnl de ia liicr. lanlcM près d'un lac ou d'un viiUVfi, d'oau dourc. On la coimatt. dans co pays, sous le nom d'Ow vmjaijeuso, car on la dit nilièrcnuMit ('ini^ranlL', tandis qu'au ci m traire l'Oie t\[\ Canada réside. Mais diins toutes mes excursions, et mal!;n'' tous meselïorts, je n'ai pu parvenir ii me pro- curer seulement une ])lume de cette pn-tendue espèce. Pendant noir»? exin'dition à Terrcî-Neuve. et comme nous revenions du Labrador, h 15 août !iss(»N-,s(H.i:ii, d'ami uiyin;. lYS iiiii|)i«l(> pDiii- ([lit', siiiis s<> Iciiiii-, les rayons du soleil juiissciil loiiilMM'siir lu riche; c()lttMl(*iimillr'S(|iii lo revôl. H«'gar(le/-le : coiniiic il se liîilance inolli'iiieiit à l'aliri ilii viMit, sons le couvtM't (le ce roc, à vos pieds! voyez ('(tiniiu; il s»' lien! ferme en ('(iiiililu'e! et coiiiplez, s'il se peut, les iiieessaiites viloiilioiis de ses iiaj^eoii'es. Mais iii) antre vient de siir^nr à ses cCAvs, resplendis- sant du nu'^iiie ('elal. et se haianeant. coinnie lui. i ••• (l(^ la Umv hiiniide; le second a n'iit(îriii('; dans imhj bouteille une cin(|uantaine de sauterelles, également en vie; le troisième n"a rien du tout pour amorcer, mais il empruntera ii son voisin. Et les voilà, mes trois *j^ix\\- lards, qui font tourn(ner lem's baguelles en l'air, afin de dérouler les lignes, à l'une des([uelles est attachée nn«; plaque de liège, tandis (pie l'autre n'a qu'un ])efit morceau de bois légei', et la dernière deux ou trois gros grains de plomb pour la faire coul(?r. Maintenant, les hameçons ont reçu l'appât, et tout est prêt. Chacun jette sa ligne là où il croit qu'il fait le meilleur, ayant eu soin, avant tout, de sonder avec sa baguette la pro- fondeur de l'eau pour s'assurer que la petite bouée pourra se maintenir en place. Toc, toc... le liège file et s'enfonce , le morceau de bois disparaît, le plond) donne des secousses, et au même instant volent en l'air trois de ces pauvres poissons, qui, chemin faisant, se d('crochent et vont tondjer bien loin parmi les heibes, où ils sautillent et se débattent jusqu'à ce que moil s'ensuive. Mais déjà les hameçons, amorcés de nouveau, sont retournés en chercher d'autrc^s. Le fretin abonde, le temps est propici», la saison délicieuse (on est nu mois d'octobre) , et les poissons sont devenus si gour- mands de vers et de sauterelles, ({u'une douzaine à la fois sautent après le môme appât. Nos jeunes novices, je vous l'assure, s'anmsent joliment: en une heure, ils ont pres(pie vidé le trou, et peuvent emporter une fameusfî friture à leurs parents et à leurs petites sœurs. Diti^s- moi, est-ce que ce plaisir-là ne vaut pas celui du premier f)ècheur. avec toute son expc'rience et sa méthode ? i-t i'oisso.\-s()Ij:il j)\\Mi:iugijE. 37 Parfois, apW's qu'on avait lâché récluse d'un îuou- liii. pour fies raisons mieux connues du nieuiiier ([ue de moi, je voyais tous ces petits poissons se retirer en- semble dans im ou deux l>as-tonds, connue s'ils n'eus- s«Mit voulu, à aucun prix, abandonner leur retraite fa- vorite. 11 y en avait alors tant et tant, (pi'on pouvait en prendre à volonté avec la première ligne veiuie, pourvu (|u"il y eût au bout une ('pingle amorcée de ([uelipie sorte de ver ou d'insecte ([ue ce fût, et même d'un morceau de poisson frais. Puis tout à coup, je ne sais ))ourquoi, sans aucune cause apparente, ils cessaient de mordre, et il n'y avait ni pr(''caution, ni appât qui pût les engager, non plus qu'aucun autre du même trou, à reprendre à Thamecon. Pendant les grandes inondations, ce poisson ne veut daucune espèce d'amorce ; mais alors on peut le pren- dre il l'épervier ou à la seine , à condition que le pé- cheur ait une parfaite connaissance des lieux. Au con- trîure, quand l'eau se trouve basse, il n'est pas de trou écarté, pas de remous à l'abri de (pielque pierre, pas de j)lace recouverte de bois ilotté, où l'on ne puisse se promettre anqîle capture. Les nègres de quelques con- trées du Sud en font d'abondantes pèches à la fin de l'autoume. Pour cela, ils choisissent les parties peu pro- fondes des étangs, entrent doucement dans l'eau et placent, de distance en distance, un engin d'osier assez semblable à un petit baril et ouvert aux deux bouts. Du moment que les poissons se sentent retenus dans la partie inférieure ([ui pose au fond, leur frétillement avertit le pécheur qui n"a pas alors grand nud à s'en enq>arer. o8 LE t'OISSOX-SOLKlI. d'aMKUIQUF. Ces jxHssoiis. (jiii exccdonl nu'OiiKMit n'iui on six pouces (îii loîiL;iieiii'. n'en oiild'onliiuiire (jne de (jnatr*! iicinc], sur un on denx d<' Iiiip;(\ Leur cluiir, ([ui ren- i'erine peu d'arcMes. ibundl en Unûc saison un nianc^er excellent. Ayanl l'enjanpu' ([ue leur conleui- ehai!;i,»'ait, sin'varil les diiïV'rentes eontri'es et les rivièr«'s. lacs ou ('taug-s (ju'ils tV('([u.enleiit. j'ai ét('^ conduit à jienser (pie c(^ curieux n'sultat pourrait bien provenii' de la dilTé- rcnce de coloration des eaux. Ainsi, ceux (jue j'ai pris dans les eaux profondes dt> la rivière Verte, au Ken- tucky. présentaient une teint(» olive brun foncé toute autre ipie la couleur t^énc'rale de ceux cpi'on pèche dans les oiides si claires do l'Ohio ou du Schuylkill ; ceux des eaux roniicàtres des marais, dans la Louisiain\ sont d'un cuivre terne, et ceux enlin (pii vivent dans les courants (lu'onibrau'ent des cèdres ou des pins, se distinguent par mu; îuiaiice pâle. jainuUre et biènie. En (pielque lieu ([u'on la rencontre . cette petite Perche ténioiîïne une préférence décidée pour les lits rocailleux, les bancs de sable et de gravier, et toujours elle évite les fonds bourbeux. Quand vient le moment du frai, cette préférence est encore plus marqu('^e : on la voit alors passer et repasser sur les endroits où l'eau est basse, cheichant le gravier le plus fin ; un instant elle se balance, puis se laisse aller lentement jusqu'au fond, on. àl'aidedesosnageoires. ellecreuse dans le sable une; sorte de nid de forme circulaire, et (|ui peut avoir une étendue de huit à dix pouces. En quelques jours, un petit rebord s'élève à l'entour, et la place ainsi préparée et rendue bien propre, elle y dépose ses œufs. Si vous LK POISSON-SOLKII. 1)' AMÉRIQUE. 39 r(',!4iii'(lpz alleiiliveineiîl. vous coin])teroz ciiKiiiiuite, soivanle (ui plus de ces nids, les uus st-puirs pur un iii- 1('rvalledetjueii|uespiei}s seulement, d'autres à r<''cart, à [)iusieui's pas. Au lieu (ra])andoiuier son produit, coniiiie ceux de sa tainille ont coutume de le faire, ce ciiannant ])etii poisson veille dessus avec toute la solli- cilude d'un oiseau qui couve; il se tient immobile au- dessus du !iid, oltservant ce qui se passe aux environs, «ju'une ieuiile tombée de l'arbre, un morceau de bois ou ([ueique autre corps étranij,er vienne à rouler de- dans, il le pi'eiid avec sa gueule et le rejette très soi- lUieusement de l'autre coté de sa fragile min'aille. C'est iin fait dont ]'ai ét('' plusieurs fois témoin; et, frappé iie lii prudence et ih l;i propreté île cet être si mignon, avant renumpié d'ailleurs qu'à cette môme épO([ue il lii^ voulait mordre à aucune espèce d'appât, je me mis (Mi tète, un beau matin, de tenter plusieurs expérieu- (t's. afin de voir ce que l'instinct ou la raison le ren- diaient capable de faire, si on le poussait à bout de [tatience. M'étant muni d'une belle ligne et des insectes que je savais le plus de son goût, je gagnai un bai]c de subie recouvert par un pied d'eau environ, et où j'avais préa- lablement recomm plusieurs de ces dépôts d'œufs. ,1e nra))[»rocbai tcuit près de la riv(^ sans faire de bruit, misa mon hameçon un ver de terre dont la plus grande partie était laissée libre pour qu'il pût se tortiller tout à son aise, et jetai ma ligne dans leau, de façon qu'en passant par-dessus le bord, l'appât vînt se placer au fond. Le poisson m'avait aperçu, et (juand le ver eut ftO l.t l'01SS0.N-S()lJ-;iL DAMÉlUgiJli. envahi son oncointe. il niis?oa jns([u'au boni opposi». où il resta ((uclcjno temps à se balancer; enfin, se hasar- dant, il se rap])rocha du ver, le prit dans sa i;iienle et le repoussa de mon cAté si iJ!;entim(;nt et avec tant de précaution, qu'en vérité (''(Hait à en demeurercontbnchi. h) r(''pétai Texpérience six ou sept t'ois, et toujours avec le même résultat. .1(^ changeai d'amorc(; ci mis uiu? jeune sauterelle ([ue je fis fiotter dans l'intérieur du nid : rinsecte fut n^jeté conmie le ver; et vainement, il deux ou trois reprises, j'essayai de piciuer le poisson. Alors, je lui présentai rham(H'on nu, en employant la môme man(ruvre. Il parut d'abord £!;rand(nnent alarm('' : il naii;(Mut d'un C(Mé, puis de l'autre, sans s'arrêter, et semblait comprendre tout le danger de s'attafjuer. c<»tle fois, il un objet aussi suspect. Pourtant il finit encore par s'en approcher, nuiis petit, à petit le prit délicjite- ment, l'enleva, et l'hameçon, à son tour, fut rejeté hors du nid! Lecteur, si, connne moi, vous (Hudiez la nature pour vous élever l'esprit par la contemplation des phéno- mènes étonnants (ju'elle offre à chaque pas dans son inuTiense domaine , ne resterez-vous pas frappé d'une admiration profonde en voyant ce petit poisson, objet si chétif et si humble, auquel le Créateur a donn('^ des instincts si merveilleux? Pour moi, je ne cessais de le regarder avec ravissement, et je me demandais com- ment la Nature avait pu le douer d'un sens aussi réflé- chi et d'une telle puissance. Un désir irrésistible d'en apprendre davantage me poussa à continuer mon expî'- rience. Certes, je savais alors manœuvrer un hameijoii I.K l'OiSSON-SOLiai, I) AMKUinn:. h\ l(Uit coimne un autre; mais (iui'l([ue (^ITort que je tisse, je ne pus jamais parvenir à prendre ce petit poisson, et ce fui (le wi'iw inutilement que je dressai mes bat- teries contre plusieurs de ses camarades. Ainsi, j'avais trouv»'* mon maître! Je repliai ma litiiie. et donnai un cçrand coup de baguette dansTeau, de manière à atteindre pres»[u«^ le poisson. IVun clan, il le lança connue un trait à ladistance de plusieurs nu'- tres, resta quel([ue lemi)s à se balancer d'un air tran- quille; puis, dès (pie ma baguette eut quitté l'eau, re- vint prendre son poste. Alors, y) j)us comiaître tout le donnnage que je lui avais causé, car je l'aperçus qui s'enq)loyait de son mieux à nettoyer et lisser son nid; mais, pour le moment, je ne jugeai pas à propos de pousser plus loin mes expériences. LE BEAU CANARD HUPPÉ. Quel boidieur pour moi quand je pouvais, au sein des retraites où il se plaît, étudier les mœurs de ce ma- gnifique oiseau! Là, je ne manquais jamais de compa- gnons, et, bien que pour la plupart ils ne parussent même pas s'apercevoir de ma présence, je n'en passais pas moins, en les voyant vivre (?t se jouer à mes côtés. (l'2 LE HKAll CAiNMll) IIIM'IM':. (Uîs luniivs dont In clKunic uw scmldaii loiijniii's iiuu- v(.'!Ui. .le mtî liuiirctMiooi'n vUv assis {ii'èsdii ln»iic lilaii- cliissiiui il«' qui'lijiin L;igiiiiu'sqiu' sycoiiKU'c dont Uîs lu'.inclH.'ss'rlcndout ot iiionleiil vers It; ciel, couniu; ini- patioiilos do doiiiiiKM* IN-paisso tbrèt ; un bmjou soinhro ot lortuoiix se dc'rouh. ItMîhMïU'iit, sons les ('rahles (|ni Ijui'dont ses rives niaréeageuses. au milieu des hautes herbes et d(\s roseaux. Towi autour ue moi règne un mysh'rieux siliMice (|U(> trouhie k ])eint^ le bourdonne- ment de milk' insecies. Le moustique avide de sang essaye de se poser sur ma main, et je le laisse faire tout à son aise pour mieux l'observer, taudis (pu; si dextrc- meiit sa triiuu;c délieah3 me perce la peau. H pompe à saliél»; le louge licpnde: en quelques instants son corps en est gontl<'. et, dé})loYant avec peine ses petites ailes, iil s'envole pour ne plus jamais revenir. Par-dessus les feuilles thHries, je vois grimper, en se hâtant, plus d'un joli searab('e ipii se fait petit pour éehapj;er à l'œil vi- gilant de ce gros lézard ; lii-haut. le corps collé contre un arbre, se tient un écureuil, la tête tournée par en bas : il vient d(» m'apercevoir et surveille mes mouve- ments; les oiseaux chanteurs avancent aussi la tête pour regarder à travers les broussailles ; sur l'eau, les grenouilles mugissantes ^l) cherchent un rayon de so- leil; une loutre se montre k la surface, tenant un pois- son dans sa gueule , et nmn chien aussi vite plonge après, mais revient bientôt à mon appel C'est à ce moment, quand mon cœur déborde d'émotions déli- (1) Voyez, au premier volume, Mort d'un Pirate. I.K IlLAI L^.NAKI) IIIJI'IM;. /|5 ciiMises, .ju un siliUMiiLMil d'ailos sa tait ciiteiitin; à tia- vcisii's ixtis, (>l soudain, cniiiiiio un trail, jiasscî sur uui ItMc une Imndi* de (^uuirds suuva^vs. IJnt; t'ois, (hnix l'iiis, ii'ois lois, ils passoiit ol repassent en exjdin'aiil lu livirro; uidiii. nayaiil rien di'couvi'i'l qui juiisso les alariiirr, iis descendeiil. en envoyant un cri d'averlis- scnicii! aux autres t[ui sont plus loin. Mille (•! nulle lois, j'ai pu voir de |)areilles scènes; et je regrette de ne point <'n avoir joui plus souvent, en soiio-canl aux occasions si nond)reuses (jui ont sollicité iiioii inh'nM. Du moins ([ue j'essaye, ici encore, de vous taire connaître 1»^ résullat de nies observations. Otte belle espèce del^anards parcourt la vaste éten- due des l^tats-riiis. et je Tai renconlri'e partout, de la Lonisiaiie aux coidins du Maine. v[ du voisinage de nos ('(Mes de i"Atlanii(jue jiiSi[ue dans l'intérieur des terr(3s, aussi loin cpie mes courses ont pu s'étendre. i)uianl la saison des œufs, on la voit aussi, ([uoiiiue en petit nombre, îi la Nouvelle-Ecosse ; mais davantage au nord, je ne l'ai plus trouvée. Presipie en tous lieux, sur cette innnense surface de pays, elle reste à de- meure; ([uelquefois nu>nie elle hiverne dans le Massa- chusetts et par delii les sources chaudes des l'uisseaux sur le Missouri; néanmoins, elle ne t'n'quente pas les (.'aux fraîches, prélV'i'ant »mî tout(^ saison les (Midroils les plus retin's des étangs, des rivièi'es ou des cri(|ues, (îounne il s'en i'encofitr(3 si souvcid dans nos bois. I.'homme ne hu est (pie trop ci>miu, et elle l'évite au- tant qu'elle peut, si ce n'est au printemps ; car, lors- qu'elle cherche un lieu convenable pour déijoser ses hk II-; bi;mi <;an.\ki. m im'k. uMils ol l'Icîver sre; et j'ai connu d'habiles chasseurs qui n'en tuaient pas moins de trente^ ou qua- rante en une seule soirée. Mais l'époque oii ces parties deviennent surtout amusantes , c'est à la fin de l'au- tomne, quand les vieux mâles ont rejoint les troup<;s des jeunes, conduites par les femelles. Que plusieurs chasseurs se placent à égales distances sur la ligne que doivent suivre ces pauvres oiseaux ([ui seml)lent cou- rir la bague dans leur vol, et souvent ils abattront à la file plus de la moitié de la bande. Pendant ciu'à cette heure ils fendent ainsi l'air, on ne les entend jamais pousser un seul cri. Dans les États du centre, ils font leur nid au com- mencement d'avril, un mois plus tard au Massachusetts. f.i: ni:\ji «ianard iupi'i;. A5 ri dans la Noiivcllc-Kcoss»' ou sur nos lars du n(»i'd. la- n'uicnt avant les pn'imVi's jours (h; juin. A la Lonisiaiio et au Kiîutucky. où, sous co l'aijport, j\'ii eu lo j)lus d'occasions pour les bien étudier, ils s'ajjparient d«\s le pi'eMuier mars, el ([iiel([uefois une (|uinzaine plus t(M. Je n'ai jamais liouvé aucun de leiu's nids ))ai' lene ou sur la cime d'un aihre. Ils send)lent préférer lacavitc' de (pu'hpie ^:rosse biauelie brisée, le creux d(î noti'e ^rand pic ou la l'etraile abandonni'e de Técunniil; et souvent je les ai vus. non sans élonnement, y entrcu' ou en res- sortir av«'c une éj^ale facilité, bien ((u'en les rejiçardant en l'air, leur corps nie parût plus de moitié plus hr^a ([ue le trou môme où ils avaient d( posé leurs œufs. Uik; fois seulement, je trouvai ini nid contenant dix (cufs, et (pii était dans la crevasse d'un rocher, sui' les bords de la rivière Keutucky. ([uchpies milles au-dessus de Francfort. Kn ij;énéi'al, ilsaimentàs'établir dans les d'eux qui sont au-dessus des marjiis profonds. j)ai'mi les champs de cannes, ou sur les branches rompues des liirands sycomores, et d'habitude à (piarante ou cin- (piante pieds de r<îau. Ils conservent un vif attache- ment pour les lieux dont ils ont fait choix : trois années ik suite, près de Henderson, je vis le même couple re- venir habiter et pondre dans un ancien nid de J*ic à bec d'ivoire. Les œufs, au nombre de six a quinze, suivant l'âge de l'oiseau, reposent sur de l'herbe sèche, des plumes, et une miiu^e couche de duvet ([ue la fe- nHîlle s'arrache presqu'en entier de la gorge. Ils sont parfaitement lisses, d'un»? foi'ine approchant beaucoup d(^ l'ellipse, et d'un vert pâle ; ils ont deux pouces de 40 !.K HKAT CANARI) lll'l'l'l^:. loiiu" sur un et ('eiiii «I».' liiiyr. L'rcaillo. prcsiiiM» aussi soliilcquc (lausccux du raiiard sauvau;(^ onlinain», est. je le i(''|!ète. Inul il t'ait lisse et douée au touclier. La leuiejliî n"a pas plulol lenniiié sa ponte, (pie le inàle raltauddune pour allei' se joindre à d'autres, et foi'iner ensemble des troupes eonsidérahles. Ils restent ainsi séparés jusiprii ce que les jeunes soient (;apal)les d(^ voler. Alors ils se réunissent «M vont de compagnie, vieux et jeunes de riin et de Tautre sexe, jusciu'ii la nouvelle saison des œufs. Dans tous les nids ipie j'ai (îxainiiié's. j\ii tr(»uvé, avec ipieupie surprise, (piantité' de |)lunies ap|)arteiiant à (rautres oiseaux, nii^nie à des oi- seaux di\ basse-eoiir, tels surtftut (jiie l'oie et le dindon. Chatpie t'ois que, i)rofltant de Tabsenee de la t'einelle ((ui était ù cliereher sa nourriture, je me suis approclié' d'un de ces nids , j'ai toujours observ»'* ipie les œufs étaient recouverts do plumes et de duvet, bien (pie le nid fiHtoiit à fait horsdi^ vue, dans la profondeur d'un trou de Pic ou d'i'cureuil. Au ((nitraire, (juaiid il est établi siii' une branche, les plumes, k^s bûchettes et les herbes si'ches ipii pendent autour, le font facilement apercevoir d\m bas. Lors(iu'il est innuédiatement au- dessus de leau, les jeunes, à peine ('dos, se hissent jus(iu'à l'ouverture du trou, se lancent dans l'air avec leurs petites ailes ouvertes, et, les jambtis traînantes, font le plongeon dans leur élément favori; mais si le nid se trouve à (fuelque distance de l'eau, la mère les charrie l'un apn'^s l'autr (iaus son bec, les tenant de façon à ne pas blesser leur corps si délicat. Quand la distance était de trente à quarante pas ou plus, j'ai i.K HKMi r.\N\ni) m l'pj^;. 47 (|iiel(ju«'lni.s vu lu iiifTO les |)()iiss('i' ('lle-nu''mL* hors du tioii |)(uirl«'s faire tniniMM'. (ls tViiilh's moites au pied de l'ai'hie. ))îiis les con- duire direrleiiient au marais ou à la ciiiiue la plus vfù- sine. A cet }\j il s'incline devant l'objet de son amour et redresse son aigrette soyeuse^ ! Sa gorge se gonfle, et ii en sort un son guttural (pii semble des plus doux à celle ([ui va devenir sa com- pagne. Incapable elle-même de dissimuler le désir de plaire qui la transporte, elle nage à côté de son mâle, lui caresse les plumes avec son bec, et manifeste vive- ment son déplaisir à toute autre de son sexe qui ose ap- procher. Bientôt l'heureux couple se retire à l'écart; leurs caresses redoublent, et le pacte conjugal étant enfin scellé, ils s'envolent dans les bois pour chercher quelque spacieux trou de pic et s'y établir. Parfois les mules se battent entre eux ; mais leurs combats ne sont pas de longue durée, et le champ de bataille est rare- LE BEAU CANARD HUPPÉ. 51 meut eiLsaiiglîUitr. I.a perte de quelques plumes, un bon cuup lie bec sur la tcHe, suliiseut presque toujours pour décider la victoire. Bien que le nid ne soit ja- mais construit que dans le creux d'un arbre, leur union se consoniïne uniquement sur Teau, quand môme ils se seraient préalablement donné des preuves de leur amour sur quelque haute branche de sycomore. Pen- dant que la lemelle dépose ses œufs, on voit le mâle voler rapidement autour de la cavité qui la dérobe aux regards ; sa crête est relevée, et il t'ait entendre un cri d'appel auquel elle ne cesse de répontlre. Sur le sol, le Canard huppé court légèrement et avec plus d'aisance qu'aucun autre de sa tribu. Quand il a touché terre près d'un étang ou d'une rivière, il com- mence par secouer la queue, regarde autour de lui, et part en quôte de nourriture. 11 se meut avec une égale facilité sur les laiges branches des arbres. Pai'fois, au bord d'un marais solitaire, j'en ai vu trente à quarante perchés sur un seul sycomore, et je l'avoue, c'était pour moi le plus curieux et le plus charmant spectacle. Us m'ont toujours rappelé le Canard de Moscovie, dont ils sont comme la fine et délicieuse miniature. Lors- qu'ils veulent marcher, c'est de préférence sur quelque souche inclinée, ou sur le tronc d'un arbre renversé et dont une extrémité plonge dans l'eau, tandis que l'autre porte sur la rive escarpée, et ils se tiennent prêts à s'en- voler à la première alerte. C'est ainsi (jue, dans les grands remous de lOhio ou du iMississipi, j'en ai vu des bandes entières s'enlever de l'eau et gagner les bois, quand l'approche d'un steamer leur était signalée. S'ils 52 I.K BI-AU CANVRI) HrPlMv. se senteiil l)lesst's ot suivis de près, ils nagent vite et plongent bien ; (pielquefois, se maintenant presfiiie à fleur (l'eau, ils ne laissent païaître que leur bec; mais, en d'autres temps, ils s'échappent au fond des bois ou se tapissent au milieu d'un champ de cannes, derrière quelque grosse souche. C'est là souvent que je les ai trouvés, conduit par mon chien, qui les avait suivis à la piste. Quand l'alarme est donnée, ils s'envolent de dessus l'eau d'un seul coup d'ailes, soit pour fuir dans les bois, soit pour descendre ou remonter au long de la rivière; mais qu'un ennemi se montre, tandis qu'ils sont à couvert sous les broussailles ou les roseaux d'un étang, alors, au lieu de partir, ils nagent en silence au plus épais du fourré, et finissent par tromper toute recherche en abordant sur la rive et en courant à quelque petite place bien cachée au milieu d'un autre étang. En autonine, on voit souvent toute une famille debout ou bien se re- posant sur une souche flottante, où elle demeure ainsi des heures entières, occupée à s'éplumer (ît à faire sa toilette. Dans ces moments-là, un chasseur expéri- menté peut en tuer une demi-douzaine et plus d'un seul coup. Le Canard huppé, ou, comme on l'appelle dans les États de l'ouest et du sud, le Canard d'été, se nourrit de glands, de faînes, de raisins et de baies de diffé- rentes sortes, après lesquelles il plongea moitié, comme le Canard sauvage commun, ou qu'il cherche en retour- nant très adroitement les feuilles, sous les arbres du ri- vage et dans les l>ois. Dans la Caroline, ils se retirent, durant la nuit, sur les champs de riz aussitôt que le LE BEAU CA.NAHI) HUFl'É. 53 i>raiii devient laiteux. Ils mangent aussi des insectes, des limaces, des grenouillettes, de petits lézards d'eau, et avalent en même temps quantité de sable et de gra- vicH' pour aider à la trituration des aliments. Le sens de l'ouïe est, chez ces oiseaux, excessive- ment délicat; et par ce moyen, ils déjouent souvent les ruses de leurs ennemis le vison (1), le raton et le putois. L'animal qu'ils ont le plus à craindre sur terre, c'est le vil serpent qui rampe jusque dans leurs nids et détruit leurs œufs; sur l'eau, les jeunes doivent sur- tout redouter la tortue serpentine (2), l'orphie, l'an- guille, et, dans les districts du sud, les coups de queue et les formidables mâchoires de l'alligator. Ceux qui nichent dans le Maine, le New-Brunswick ou la Nouvelle-Ecosse, partent pour le sud dès les pre- mières gelées; et il n'en est aucun qui passe l'hiver au nord, dans ces régions si reculées. J'ai été très surpris lie lire dans Wilson que les canards de cette espèce ne s'attroupent presque jamais au nombre de plus de cinq ou six individus. Un de nos prétendus naturalistes, qui cependant a été plus à même d'étudier leurs mœurs (lue l'auteur si justement admiré de VOrnitliologie d'Amérique, répète la même erreur et s'imagine, à ce (jue je me suis laissé dire, que toutes ses assertions sont prises pour la vérité. Quant à moi, ce que je puis af- firmer, c'est que j'en ai vu des centaines dans une (1) Mynx ou mynk [Muslella vinon), l'ulois des rivières de l'Amé- rique septentrionale. (2) Snappinu turtlc {Tesludo scrpinlina, Lin.). 54 LE BEAU CAWRI) IHTppH. m^me troupe; et l'ai su pnsitiviniieiit ({u'ou en avait tué quelqiK^fois quinze d'un soûl coup; mais il est exact de dire qu'ils n'élèvent ([u'une couvée par saison, à moins que leurs œufs ou leurs petits n'aiiMit été détruits; et, dans ce cas, la femelle sait bien rappeler à elle sou mâle du milieu de la troupe à laifuelle il s'était joint. Dans un journal de notes que j'écrivais k Henderson il y aura bientôt vingt ans, je trouve constaté ce qui suit : L'altacbement du mâle pour sa femelle ne dure (prune saison, et chaque année ils savent se pourvoir d'une nouvelle conq)a£!;ne, les plus forts choisissant les premiers, et les })lus faibles devant se contenter de ce (jui ]vs{i\ Les jeunes ipie j'élevai chez moi, quel que fût le lieu d'où ils parvinssent à s'échapper, ne man- (piaient jamais de se diriger tous en droite ligne vers rohio. bien (pi'auparavant aucun d'eux n'eilt assuré- nuMit ni fréipienté. ni même vu ce fleuve. Une dernière circonstance que j'ai à mentionner ici, c'est (pie, lors- qu'il entre dans la cavité où est son nid, ce Canard s'y plonge tout eutiei' du premier coup, sans s'éti'e préa- lablement posé sur l'arbre; jamais non plus je n'en ai vu prendre, par force, poss(?ssion du trou d'un pic ; en- fin . pendant l'hiver , il souffre volontiers que des Canards d'espèces différentes fassent société avec lui. LES CHERCHEURS D'ŒUFS DU LABRADOR. On donne co nom à certains individus, dont l'occu |)idi()M principale, sinon exclusive, est de se procurer (les œufs d'oiseaux, pour aller ensuite les vendre à (liiehpK! port (Hoigné. Leur irs h^urs compa|jçnoiis et planent en désordre au-dessus de leurs assassins, (jui, vociférant et jurant, s'élancent pour achever leur glorieuse victoire. Voyez- les broyer le poussinavec la coquille, écraser en riant les œufs sous leurs bott(.'s puantes et grossières. Et cpiand la besogne est fmi<% quand ils ([uittent cette île, pas un œuf qui n'ait été détruit à plaisir. Les oiseaux morts sont mis en tas, ils les emportent et rentrent en- lin dans leur hideuse chaloupe. Les guillemots, plumés en un tour de main et encore chauds, sont jetés sur des charbons, où ils grillent en quelques minutes. Quand on les juge suffisamment cuits, on apporte le rhum; et après s'être bourrés de cette chair huileuse, à demi empoisonnés , et savourant les jouissances de cette; digestion de brute, nos pirates tombent pôle-mèle sur le pont de leur bâtiment en ruine, pour y passer deux ou trois heures d'un lourd sommeil, ou plutôt d'un v<''ritable cauchemar. Déjà, vers l'est, le soleil brille sur le sommet nei- geux (le la montagne; doux est le souffle du matin, même dans ces régions désolées; le passereau redresse sa blanche crête et témoigne bruyanmient sa joie en voltigeant autour de sa femelle qui couve ; du haut du rocher, la perdrix des saules fait retentir au loin son appel ; toute fleurette rouvre sa pure corolle qu'avait 58 LES CIIERCIIELHS DOEIJIS DU I.ABRADOR. ierui(''(> l'air d»^ la nuit; <'t les feuilles des heii)es, agi- li'cs |)iir une molle Itrise. laissent tomber les gouttes pe- santes de la ri)s(''e. OpiMidant, lesf^uillemols se; sont ré- taltlis sur V\h et renouvellent leurs earesses et leurs amours. Surpris ]»ar IN'clat du jtjur, l'un des pirates se n'veill»; en sursaut et secou<î ses camarades cpii repir- deid autour d'eux, ('lonm's el connue r.e sachant plus où ils sont. Voyez-les, ces dqjjoiUants coquins, s'essuyer les yeux de \mvs sales doij^s ; lentement ils se mettent sur leurs jand)es. se détirent, et leurs nîAclioires, en hàillant, scmhlenl se disloipier Vous reculez! c'est ipren vérité cette houclie et ce *i;osier feraient peur à un requin! Mais le ('hef, se rappelant (jue tant d'œufs valent au moins un dollar ou une couronne, jette; un coupd'œil du c«'>t('' du roc, marque le jour dans sa mémoire, et donne les or(]i'es pour le départ. La brise légèi'C les pousse vers un autre port, à quelques milles plus loin, et (pii, comme le premier, est également caché et défendu conti'e l'Océan par une île et des rochers. Là recom- mence dans tousses détails la scène de la veille; et. pendant une semaine entière, chaipie nuit se passe ainsi, pour eux, dans la crapule et l'ivrocçiierie. Enfin, ayant atteint la dernière station où ils espèrent trouv(U* des oiseaux, ils revieiment par la même route, touchent successivement à cha([ue île, massacrent autant de ces pauvres êtres qu'il leur convient, et font provision d'œufs frais jusqu'à en avoir une cargaison complète A chaque pas, ces misérables ramassent un œuf si beau que c'est pitié, surtout quand on sait pour quel motif I.KS CMKHCIIKLKS I) UEDFS DU lAHHADOH. 9 ils !«• ruvissciil. Mais eux, ils sont bien siMisiblcs à ces ('ln)S(\s-lii! QiKî l(Mir iiiiporlo! pourvu ((iTils laiiuissont, ramassent toujours, cl (pTapivs^ux il u'cmi ivstc^ pas un si'iil sur le roc nu! Des dollars! des dollars! Toi est h;, seul cri de leurcccur s(U'dide; et ils continuent Itrave- inciit ce tnt'licr si n''j)ugnant |»our tout honnnehonnc^te ci (lui s(; connaît (luehjuc auti'c nu)\'en do •j;aî'au iiiomcnl (les amours, lorsc^uo les niàloscomiiiciicciit à chci'clicr lies coni[)au;n('s : au levoi* du soleil, vous les voyez ai- rivcisr et desceudn; sur les bords de (juelquc! large banc de sable ou sur une savaue. Us viennent de différents quartiers, Tun après Tautre et pendant plusieurs heures. Vous (Ml avez (pieUpa^t'ois devant vous (juarante ou cin- (puuite. et niùnie, aux Florides, j'en ai vu des centaines s'assembler aiiisi dans U) courant d'une matinée. Ils sont alors dans toute leur beauté, et l'on ne renuir(|ue point de jeunes parmi eux. Ces mâles se pavanent d'un air important et jettent le défi à hnns rivaux ; tandis que les l'emelles font les belles de; leur côté et poussent toutes à la fois leur cri d'appel, pour les entlannner et solliciter leurs caresses. Il n'est aucun de ces fiei's cham- pions (pie ne transporte un ('gai désir de plaire, et qui par suite, dans chaque prétendant, ne rencontre un ennemi toujours prêt ii commencer ratta(iu(3. Bruta- lement, avec fureur, sans la moindre courtoisie, ils s'élancent l'un sur l'autre, ouvrant leur bec redoutable et se battant les flancs de leurs ailes. Il semblerait qu'un seul coup bien appliqué dûtsuiïire pour terminer la que- relle ; mais ils sont sur leurs gard(\s : plusieurs passes sont échangées, les coups succ(;dent aux coups; le plus habile maître d'escrime ne parerait pas mieux. J'ai vu de ces combats durer plus d'une demi-heure, sans ([iic mort s'ensuivit; mais souvent aussi, l'un des deux reste sur le carreau, brisé et tout meurtri , C(! (|ui arrive quelquefois même après (pie l'incubation acommeiice. Quand la paix est faite , mâles et femelles s'envolent LE GRAND III^IRON BLEU. ()7 |)iii' couples, et je [U'iisc (luMls s(tnt apparit's pour toule lii siiisuu ; (lu moins, je ne les voyais plus s'utli'ouper. comme précéch'mincul , ('uns un même lieu, et leur liiimeui', (lès lois, paraissait beaucoup plus pacifique. Ils ne sont pas, tant s'en faut, tlans riiabitudo con- stante trélever leur famille en conununauté plus ou moins nomlneuse.Sans doute, jai vu plusieurs associa- lions (le ce i!;enre; mais souvent aussi j"ai trouvé des couples qui nichaient ii part. Ils ne font pas non plus invaiiablement choix darbres sY'levaut de rintcu'icur d'un marais, puis(pi'aux Florides j'ai renianpié des hé- roni(''res au milieu de landes couvertes de pins, à plus de dix milles de tout marais, (Hang ou rivière. Les nids siint établis tant(jt sur la cime des plus grands arbres, (Taiitres fois à (pielcpses pieds seulement déterre; il y en a (pii rejiosentsurle sol même, et on en trouve jusque sur des cactus. Aux (>arolines. les hérons de toute es- [H'ce sont extrêmement al)ondants, non moins peut- être que dans les parties basses de la Louisiane et des Florides, lîi où des réservoirs et des ftjssés, sillonnant (le toutes parts les })lantations et U;s champs de riz, sont reuiplis de poissons de diverses sortes, qui leur assurent une proie riche et facile. Aussi viennent-ils y nicher en grand nombre; et quand ils ont eu soin de s'établir au- dessus d'un marais, ils peuvent y vivre aussi sûrement qu'en aucun lieu du monde. Qui donc oserait les pour- suive; au fond de ces affreuses retraites, dans une sai- son où il s'en exhale des nùasnies mortels, et au risque d"êtr(; cent fois englouti avant d'arriver jusqu'à eux? Imaginez-vous une surface de quelques cents acres, 68 i.i: r.RANi) ukron lu.Eii. couverte d'éiiorines cyprès dont les troncs, moulant sans branches jusqu'à une cin(iuantaine de pieds, s'élancent du milieu des eaux noires et bourbeuses. Plus haut, leurs larges cimes s'étendent, s'entrelacent et semblent vouloir séparer les cieux de la terre ; à travers leur sombre voûte pénètre à peine un rayon de soleil. Ol espace fangeux est encombré de vieilles souches (pii disparaissent sous les herbes et les lichens ; tandis (pic dans les endroits plus profonds s'épanouissent les nym- phéas, auxquels se mêle une foule d'autres plantes aqua- tiques. Le serpent congo (1), le moccasin des eaux (2) glissent devant vous et se dérobent à votre vue ; vous entendez le bruit que font les tortues effrayées qui se laissent tomber de dessus les troncs flottants, d'dii plonge aussi le perfide alligator en enfonçant sa tiMf monstrueuse sous l'infect marais. L'air est imprégné de vapiuu's empestées , au milieu desquelles s'agitent ot bourdonnent des milliers de moustiques et toutes sortes d'insectes ; le coassement des grenouilles, les rautjiios clameurs des anhingas et les cris des hérons, font uiu' musique digne de la scène. Embourbé jus(|u'au genou dans la vase, vous déchargez votre fusil sur Tun des nombreux oiseaux qui couvent au-dessus de votre tète: mais alors s'élève un tel vacarme , (lue c'est à ne plus rien entendre. Les oiseaux épouvantés se croisent con- fusément dans leur fuite ; les petits cherchent à se saii- (1) tongo'snake {Amphiuma means. Ilaiian), .'2) H ater-mocrofiin {Crntalvfi pisn'rnrus. T.alroillp). ver, et, trop faibles encore pour se soutenir, dégrin- golent etfoiil rejaillir l'eau fj'tide (jui vous éclabousse; nue pluie de feuilles pi([uantes comme des aiguilles des- cend en tourbillons du haut des arbres, et vous ne de- mandez plus({u"à fuir Courage! au contraire; res- tez ferme au poste pour tircn* des hérons , et tirez, tirez! le gibier ne vous manquera pas; vous en aurez (le plus d'une espèce : grand héron bleu, héron blanc, et (piehpiefois des hérons de nuit et des anhingas. Si on ne leur fait pas une guerre trop cruelle, tous ils re- viendront nicher d'année en année dans ces tristes lieux, où ils se plaisent. Le nid est toujours large et plat, extérieurement forini; de bûchettes, avec lesquelles sont entrelacées, sur une épaisseur considérable, des herbes et de la mousse. Quelquefois on en trouve plusieurs ensemble sur le même arbre, quand il est touffu et à la conve- nance de ces ois(îaux. Il contient trois œufs au plus ; je n'ai pas souvenir d'y en avoir jamais vu davantage, et il en est constamment de môme pour toutes les grosses espèces que je connais, depuis le héron bleu ju^. lll-KON lîLia. s(>|)l (ioiiziiMiM's (!(.' Im'^v;la coulcuir est d'im Maiic l>I(Miiitre lenic, sans lâches; la (uciiiilhî nitlcaii loucher et «Tune forme ovale r(''5j;iilièn\ Le mâle oX la femelle couvent altei'uativemeut et se (lomient à mangei' l'un à l'autre. Leur muluelle atfec- tion est aussi foite ([ue celle (ju'ils portent à lems pe- tits; et ils ont soin (rcMitretenir ces derniers dans une telle abondance, cpiil n'est pas rare de trouver h> nid approvisionne d(^ poisson et d'autre nourriture, soit fraîche, soit à différents degi'és de putréfaction . A mesure que les jeunes tçrandissent. ils sont moins fi'étiuemment visités par leurs parents, ([ui cependant ne manquent pas de leur faire partager toutes leurs bonnes aubaines; mais dans des nids placés bas, j'en ai vu })arfois cjui. s'ap])uyant sur leur denière et les jand)es ('tendues toutes droites devant eux. avaient l'air de souifrir de la faim et demandaient <ï grands cris à manger. 11 leur faut une telle (piantité d'aliments, (pie c'(;st à peine si le pÎM'e et la mère, malgré tout l'i^xercice t[u'il se don- nent, suffisent à satisfaire la voracité de leur appétit. Ce n'est que lorsqu'ils savent bien voler, qu'ils sont ca- pables de se subvenir à eux-mêmes. Alors bs parents les chassent ai les laissent s'en tirer connue ils pour- ront. Quand ils (juittent le nid, ils sont générahîmeiil en bon état; mais étant encore inexpérimentés, il leur faut d'abord considérablement rabattre de leur oïdi- naire, et bient(M, ils deviennent maigres et chétifs. Au- paravant, leur chair «'tait passable ; ([uant à celle des vieux, elle n'est nullement de mon goût, et j'en c('ck' volontiers le régal aux amateurs. I*our moi, je le ré- M, (iUWn IIIHON RI.KU. 71 l»(Mt'. il n'i'st ni roriMMlIc, ni jcime ai^lr (iiic jo iir leur pi'j^V'iv (Ml loiitr saison. Lo t^rand llcron l)it'ii s»^ nourrit |)rinripahMn«Mit de poisson; mais il niauLie aussi des ijrenouilles, des lé- zards, des serpents el des oiseaux, ainsi cpie de petits «piadrupèdes, tels (jue musai'aifj^nes, mulots et jeunes rats. Il ne dédaiiçne pas non plus les insectes aquatiiiues et sait 1res adi'oitenient attra))er, soit au \ol, soit par ti'rre, mouches, scarabées. ])apillons et libellules. 11 (It'lruit une i:,i'ande (piantité de poules d'eau, raies et autres oiseaux; mais j«; n'«Mi ai jamais vu pnMidre de erabes; et les seules i^raines «pie j'aie ti'ouvées dans son esloniac (Haient C(;ll(^s du i^rand lis d'eau d(? nos Ktats (\u sud. 11 t'raj)pe toujours sa proie d'un coup de bec, de manière à lui transpei'cer le corps le plus près pos- sible de la tète. Quand l'aniinal «^st fort et vivace, il achève de le tu(M' en le battant par terre ou contre le roc; après ([uoi. il lavale tout d'une pièce. Un jour, sur la rivière Saint-,lean, dans la Floride, j'en tuai un ipie j'ouvris et dans l'estomac ducpiel je trouvai une j(»lie perche encore toute fraîche, mais dont la tète avait ('té coup(''e. On la fd cuire, et elle me parut excel- lente, ainsi (^u'au lieutenant Piercy et k mon aide, M. Ward; mais M. Le(»hman ne voulut pas même en goûtei'. Un de mes amis, John lUdow. avait, à di\erses l'éprises, apporte'' de New- York des dorades pour les mettre dans un (Hang bien enclos d'un mur et que tra- versait un petit ruisseau ; mais, (pudiques jours après les y avoir lâchées, il les voyait toutes dispai'aitre. In- struit de cette circonstance et soupçonnant cpiehpie m \M (illAM) IIIIKON IJI.I'II. Ik'moii iWHw raiitciii' (lu inôruit, jr lui cousoillai (l(; se uieltiv (Ml cuiluisciult; avec un fusil: (;Y'sl ce (ju'il lil: et ('(;ll(i iiiesiM'(' eut poui' iV'sultjil la uu»rt d'un superbe h(''i'()ii,(!(?c(Hix (li; noln; cspi^'ce, dans leiiuel il nsliouva sa (l('riii("'ro dorade. A IV'tat sauvap:(», jamais roi h'ron u(; nian}i;(î de pois- son luoit, ni d'aucun autio animal (pi'il n'ait Uk' lui- niôme. Il lui arrive parfois de s'alta(iu('r à un poisson si j^ros et si fort, ([u'il court i'is(iue de sa propnî vie. (l'est ainsi (pi(5, sur la C(Me (1(^ la Floride, j'en vis un ([ui ne craii^nit pas d(; s'adresser ji un adversaire ch; cette taille. Bien (ju'il se tînt ferin(^ et raide sur ses hautes jambes, il fut entraiiK' assez loin, tantcM à la surface, tantôt sous r(3au; enfih par une brusque secousse, il parvint iïdégaij;er son bec mais il paraissait à bout, et resta pr('s du rivaj^e, tournant la [Hg k la mer, et pro- bablenuîut sans envie de nîcomnuîucer. On ne s'ima- gine pas C(imbi(m de poissons de cin([ à six pouces un de ces oiseaux peut manger par jour. J'en avais ([uel- ques-uns à bord de la Marion (jui, dans une demi- heure, consommaient plein un seau déjeunes mulets; et quand je leur donnais de la chair de tortue, il hnir en fallait plusieurs livres à chaque repas. Je ne fais pas de doute qu'un seul individu, bien disposé, ne pût di'- vorer quotidiennement plusieurs centaines de petits poissons. Sur l'une des clefs de la Floride, ncms en prîmes un qui était en \ie, mais si maigre et si pauvre, que je me décidai à le tuer pour connaître la cause de cet état misérable. (Vêtait nne femelle adulte et (jui avait eu des petits au printemps. Son ventre était gan- I.i; (iUANI) llhIlUN m.lil. 7i5 ^ivm, et, iMi rouvrant, nous vîinos une t(H<' «le poisson (1(3 plusieurs pouces (pii , tout enti(''r(; eneore, sN'tait i(»iree (liuis seseiilrailles. Le inalheuieux oiseau, coui- liieu il avail dû soutlrir! Tue autre t'ois, vers (^harhvston, je trouvai deux de ces jeunes Ih'rons, (h'jà en (Mat de voler, et (pii se te- naicMil droits ii (|uel([ues pas du nid, dans hnpiel un Iroi- si<"MU(^ était n3st(', à nioiti('' pourri, (;t ([ue l(!s autres semblaient avoir misa mort à force de le battre et de le pi(''tiuer. Il nroppos(M'ent peu de n'sistance, se ('on- lentaiit de LÇi'mir et de faire entendre un sorte do fjçro- •>n(Muent sauvage, .le les mis dans une *]çrande nuie où étaient enferm(''s cpuitre Hérons l)lancs qui tout à coup se ruèrent av«3c tant de fureur sur les nouveaux vernis, ([ue je fus oblijj;é de les lâcher sur le pont. J'avais sou- vent remanpié Textrème antipathie ([ue la majestueuse aii^rette témoijjjne contre le h('ron bleu à l'état sauvage; mais je fus étonné de la retrouver aussi forte dans de jeunes sujets ({ui n'en avaient jamais vu, et (pii^àcette (''po(jue, ('taient de moindre taille que les autres. En vain j'essayai de les réconcilier en les mettant ensend)le dans une grande cour; sur-le-champ les blancs atta- (liiaient les bleus qui avaient toujours le dessous. Ces derniers montrèrent une humeur plus sociable et plus d'attachement l'un pour l'autre. Quand je leur jetais on l'air un morceau de tortue , ils le recevaient avec lieaucoup d'adresse et l'engloutissaient au môme in- stant. A mesure qu'ils devinrent plus familiers, je leur donnai du biscuit, du fronuige et même de la couenne de lard. ^h l-V. liRANI) lll'KON HI,KII. IK's«|imI se seul blessé, le «framl Hi'Tori hleii se piv- |mi'e à lii (jeteuse: et iiiallieiii- au elmsseiir ou au chien i|iii. sans |M«''cautiou. approcluMl»; son l'edoutable I»«h'! il est lertuin de rcccvoii' inie cruelle l>lessui'e, et d'au- tant plus dauiifCM'euse- {\\u* l'oiseau vise ordinairement JUIN yeux. Si on le frappa avec une j^aule ou m» lon*i; l»àton. il se i'eiiv«'rse sui' le dos et donne de grands (M)ups de hec et de j^rilTes. J'en ai tue plusieurs cpii, loii|nteinps après la mort, restaient pendus à Tarhre [)ar les ])ieds. .l'ai vu aussi ce lu^ron donner la chasse ù l'aigle p(^clieur. alors (pie ce dei'niei' s"en allait sans (h'fiance au travers d(.'s ans, cherchant une place où il piU manuel' en |)aix le poisson ([u'il tenait dans ses serres. lii(Mit(M le h(''ron l'avait rejoint, et à ptune fai- sait-il mine d'atta(pier, ipie l'aigle lâchait sa proie, et rAutr(\ se laissant glisser en has, allait traïupiillement la ramass(M' par terre. Dans une de ces rencontres, le poisson r(^tond)a dans Vi^au, et le iK'ron. vex('' de ne pouvoir en profiter, s'acliarna contn^ le |)auvre aigle, et 1(^ poursuivit jus([u'au milieu des hois. Le vol du grand Ih'M'on bleu est ('gai. puissant, et peut se soutenir longtemps sans taiblir. l'Ji s'eidevant de terre ou en ipiittant la branche, il reste silencieux, et part, le cou tendu et les jambes pendantes; puis son cou se retire en arrière, les jambes s'allongent en droite ligne à la suite du corps, et il contiiuie sa rout(î par des battements d'ailes faciles et mesurt^s ; tant(M l'asant la surface des marais, tant(.H, comme s'il y eiU appa- rence de danger, passant à une grande hauteur au- dessus des champs et des ibr<^ts. Il va directement d'un I.K (il(AM> llhlKON RI.KC. /O cliinj; «'1 iiK^DK' iliiM inamis à l'uutn». «'I iH' diMc k (li'oilc ou à piiiclic, i\\'v lorsini'il a|>|M'('lMMi(l(' (|ii«'l(|iie |)i«''nv. Quiiiid il «'sl |ti)iii' s«' posri". il plaiUMin iiiom«;iil eu (l«'( rivaiil (N's ccrch's. ot (ipscnid |mmi à prii vim's la place (pTil a choisie,'. A mesure qu'il eu approche, il ehMid de uouveau ses jand»es et ti«Mil ses ailes toutes i^raudes ouvei'tes, juscpi'à ce ({u'eidin il ait pris pied, (letle UH^uie maudMivre est r(''p(''t(''e hu'sipMl veut s'a- Itattfe sur les arhres. où cepeudaiit il ne paraît pas si hieu à Taise (pie sur le sol. S'il est tout à coup surpris paripiehpie euiieuii. il ))ousse |)lusieurs ciis torts et (liscordauts. (}ui cessent au inouuMit où il s'env(>le. Ces oiseaux nu'tteiit trois ans et plus à actpn'rir leui' entier devehtppenient. A la sortie de i'(eid', ils seud>leid l(»ut gauches et mal faits, et ne sont, en(|uel(pn' sorte, (jue hec et jandtes. Au bout d'une semaine, la tôte ot le cou se jj^arnissent d'un duvet soycni.v d'unes couleur ^ris-somhre, et le corps commence à montrer de jeunes plumes, avec de larges tuyaux entoun's d'une mem- ltran(> mince et bleuâtre. A ce moment, les jointures lihio-tarsiennesparaiss(Mit d'une grosseur monstrueuse, et les os des jambes sont si mous, (pi'on peut les courber et les ployer sans qu'ils se bris(Mit. A ([uatre semaines, le coi'psel les ailes s«? couvrent de plumes d'une nuance ardoise foncée, avec une large bordui'e rouille de fer qui domine principalement sur les cuisses et l'articula- tion de l'aile. Le bec aussi s'est prodigieusement al- longé, les jambes sont devenues plus solides, et l'oiseau peut se tenir droit sur son nid ou aux environs. Alors, ils ne reçoivent plus guère la nourriture cprune fois y)ai' 70 l.li (illAM) ilÉKON m.iii;. jour, coinine si les parents voulaient leur apprenilre (le bonne heure (pie l'abstinenee leur sera souv(Mit une ii('cessit('! dans h cours de leur vi(\ Enfin, à Tàge et je me retrouve maintenant dans l'Athènes britannique, écrivant un épisode pour varier mes biographies d'oiseaux ; autour de moi s'entassent de jaunes et poudreux in-folios, d'où je cherche à extraire quelque particula.rit(3 intéressante relativement il la pèche du Chat marin (1). Cependant avant d'enlrer en matière, je veux, dans une rapide description, vous donner au moins une idée de la de meure ([ue j'occupais sur les bords du fleuve. Quand je débarquai pour la première foisà Henderson, dans le Kenlucky, ma fauiilh?, de môme que ce viflage, ('tait très peu considéraljle : l'un se composait de six ou huit maisons, l'autre de ma fenmie, d'un enfant et de moi. Si peu nombreuses ([ue fussent les maisons, nous eûmes C(;pendaiit la chance d'en trouver une de (1) Voyez la noio do la pago 55 au proinior voimno. 78 l.A PÊCHE DANS i.'onio. ilis|)onil)lo. Je nu; Iroinpo (iiiaiid jo dis inaisoii ; c était iino liutte faite do souches et de troncs d'arbres. Coiunie il n'y en avait |ms de ineilleine. nous dûmes nous en coideider, et nous nous y instailànies de notre mieux. Le ])ays, aux environs, se trouvait presijue sans habi- tants; les provisions étaient rares, mais nos voisins étaient de braves gens, (4 nous avions apporté avec nous de la farine et des jambons. Nos plaisirs étaient ceux de deux nouveaux mariés, pleins de vie et 1»; cu'ur joyeux ; un sourire de notre enfant nous valait tous les trésors du monde. Les bois étaient peuplés de i^ibier, la rivière abondait en poisson; et, de temps à autre, un doux rayon de miel sauvage, «jue je dérobais à ([uelcjue arbre creux, venait emichir notre petite table. Le ber- ceau de notre enfant formait la plus riche pièce de notre mobilier; nos fusils et des lignes k pécher <''taient les instruments qui nous rendaient le plus de services. Nous avions bien commencé îi cultiviîr un coin de jai- din; mais la terre était si forte, que la première année, nos semis se trouvèrent de boinie heure étoull'és sous de grandes herbes. J'avais avec moi un associé, ou homme d'affaires, et de plus un jeune Kentuckien, il qui les anmsements de la forôt et de la rivière allaient bien mieux que le livn; journal ou le grand livre. C'était, je puis le dire, un garçon né pour la vie des bois ; il était chasseur, pécheur, et comme moi comp- tait avant tout, pour fournir le ménage, sur le poi:;son et le gibier. Ce fut donc de ce coté que, d'un connnun accord, se dirigea toute notre industrie. Quantité aussi bien que qualité étaient des objets LA IM-Clli: DANS l/()lll(>. 79 iinpoliimis pour nous; nous savions partuittîniciit (jur rohio nourrissait trois espèces iU' cliats marins, toutes assez bonnes; mais nous n^'tions pas encore fixés sur la meilleure mi'thode poui' les prendre. N(!anmoins, nous l'ésolùnu's de travailler en ij,rand, et sur-le-champ nous nous mîmes k tahriquer [i\w iirjne donnanle. Ici sans doute, un mot d'explication devient nécessaire. La lii;ne dormaiile n'est autre chos(; cprune corde louiiue et i^Tosse, en proportion toutefois de l'étendue du cours d'eau et de la taille du poisson auquel vous la destinez. C.omnie FOhio, à llendei'son, est large d'au moins un demi-mille, et ([ue les Chats marins pèsent depuis une jus(|u'à cent livres, nous contectiomiàmes un(! ligne qui pouvait avoir deux cents mètres de long, grosse connue le petit doigt d'une belle jeune fille de ({uinze ans, et aussi hlanche que puisse l'être la main mignonne de la chai'inante entant. JSous l'avions faite tout entière de coton du Kentucky, pai'ce ([u'il résiste mieux à l'eau que le chanvre on le lin. La })riiici|)ale ligne achevée, nous en pré|(aràmes une centaine de beaucoup plus petites, à chacune desquelles nous atta- châmes un excellent hameçon de Kirby (ît C'^ laissons maintenant à rajjpàt. Xous étions au mois de mai; la nature avait fait re- naître uiK! multitude de petits aninniux ipù couvraient la terre, fendaient les ondes et bourdomiaient au mi- lieu des airs. Le Chat marin, par temjH'rament, est très glouton, et liullement dilïicile sur le choix de ses morceaux. Connue le vautour, il se contente de cha- rogne, (juand il n'a rien de mieux. Après (luekiues 80 LA VÉCUE DANS l.'oillO. («sais, nous roconiiûim's que. tic l(>iil(« les friandises avec lesquelles nous cherchions à rallécher, ce qu'il préférait décidément en cette saison, c'était des cra- pauds vivants. Nous en avions grandi! abondance aux environs de notre village. Soit instinct, soit raison, on les voit rôder ou chercher leur vie, ordinairement iï la fin ou au commencement de la nuit, pendant le clair de lune, et surtout après une ondée; mais ils sont in- capables de supporter la chaleur du soleil, quelques instants avant ou après midi. En Amérique, il y a bon nombre de ces immondes animaux, spécialement dans les régions de l'ouest et du sud; et nous n'y manquons pas non plus de grenouilles, sin'pents, lézards, ni même de cette espèce de crocodiles qu(5 nous nommons alli- gators: c'est qu'aussi tous, tant (pi'ilssont, ils trouvent là facilement à vivre, et tpie nous les laissons rampei', sauter et frétiller à leur aise, suivant les goûts divers (pi'ils ont reçus de celui (pii a créé et cpii dirige chaque chose. Donc, pendant tout le mois de mai, et même? jus- (pi'ji l'autonnie, nous eûmes des crapauds à discrétion. J'imagine que plus d'une délicate lady se serait trouvée mal, ou du moins n'aurait pas manqué de jeter les hauts cris et d'avoir ses nerfs rien qu'à r(\L»arder dans nos paniers où grouillaient ces animaux, tous bien poi- tants et dodus. Heureusement nous n'avions ni prin- cesse de tragédie, ni vieille fille sentimentale à Hender- son ; nos dames du Kentucky ont assez de leurs propres affaires, et si par hasard elles se mêlent de celles d'au- trui. ce n'est (|U(» pour vendre service le plus qu'elles I.A VÉCUE DANS l/oiIlO. 81 |M'iiv(Mit. l.os cmpaiuls, ramusM's un ji un, (Paient ciii- poi'tt's dans nos paniers à la maison, et renfermés dans un baril, pour ôtre employés à nu^sure. Su))posons maintenant que la nuit est passée, et •lions essayer notre ligne. Du liant de ce tertre, au bord de l'eau, vous pouvez suivre nos mouvements. Assevez-vous à Tabri de ce tarife cotonnier, <ît n'ayez pas peur, en cett(3 saison, d'y prendre froid. Mon aide me suit avec un liarpon; moi, je porte la l»iigaie de notre canot; un garçon a sur son dos une ceutaini; de crapauds des plus appétissants. Notre ligne Ah! j'avais oublié de vous dire (lue nous ruvions posé<î la veille au soir, mais sans les petites, (jiie vous voyez maintenant sur mon bras. Un bout avait ('té attaché là-bas, à ce sycomore ; et nous avions l'ail tilei' notre canot, portant le reste proprement en- roulé à la poupe ; puis, arrivé à l'autre bout, je l'avais jet('' })ar-dessus le bord , avec une grosse piern;, pour ruiiunener à fond : toutes précautions qui n'avaient eu pour ol)jet ([ue de la faire bien tremper, afin qu'au matin elle fût ferme et serrée. A présent, vous voyez: nous dc'tachons de la rive notre léger bateau; les cra- pauds, toujours dans le panier, sont placés sous nui main, à l'avant; j'ai sur mes genoux les petites hgnes, chacune toute i)réte avec son nœud coulant. Nathan manœuvre la pagaie, et profitant du courant, main- tient notre barque, la poupe juste au fil de l'eau. David lixe Tappàt vivant à chaque hameçon; et moi, qui n"ai pas quilté la principale ligne, j'y attache une des pe- tites, (pie je laisse tomber dans la rivière. Voyez comme u. 0 82 LA pÈcm- DANS i/omo. le pauvre crapaud saute (^t se dt-bat dans l'eau. Cepen- dant toutes les autres petites lii^nes sont ainsi succes- sivcMuent attachées, amorcées et jetées dans le courant, et nous rei»a^nons paisiblement h^s bords. Quelle délicieuse chose ({ue la pèche! ai-je souvent entendu s'écriera un lioiniùte pêcheui' qui, patient comme Job, immobile ou marchant à pas complets le loni!,' d'un ruisseau large de vingt pieds et profond de trois, promène bravement sa mouche artificielle de- vant une truite, laquelle se prend enfin , et se trouve au bout du conqjte peser une demi-livre. Quant à moi, je n'ai jamais eu cette vertueus(; résiunation; pourtant j'ai attendu dix longues années: et maintenant les trois quarts seulement de mes oiseaux sont gi'avés, bien (pie j'aie t'ait la plupart des dessins depuis 1805, et qu'il me faille encore attendre deux ans, avant d'en voir la fin ! Mais, je le répète, en fait de pêche, jamais je n'ai pu tenir une ligne plus de deux minutes, à moins que ça ne mordit rondement, et que sans cesse un poisson no suivit l'autre par-dessus ma tète. Si je pèche la truite, je veux, ou m'en retourner sur-le-champ, ou bien en prenilre comme j'ai fait en Pensylvanie et dans le Maine cinquante et plus dans une couple d'heures. — Pour notre ligne, elle dort dans la livière, et elle du moins attendra très bien que je vienne y regarder ce soir. Maintenant, rien ne m'empêche de prendre mon fusil, mon aibuin, et, suivi de mou chien, de faire nui tournée dans les bois jusqu'au dc'jeuner. Peut-être reii- contrerai-je un dindon sauvage ou quelque daim. Il n'est que quatre heures, et la matinée est si belle ! LA PÈCHE DANS l'oHIO. 8.^ Mais iIi'JH voici losoir; les étoiles coniniiMiccnt k scin- tiller au fii'iiiiinient, et cependaiii l'astre du jour vient à peine de disparait le. Quel calme dans Tair! les in- sectes et les «[uadi'upèdes nocturnes sont sortis de lems retraites; Tours sonii;e à se melti'e en mouvement au travers de l'obscure caunaie, la corneille rei^a^ne son perchoir, Técureuil fait entendre son petit siillement d'adieu, et le hibou, glissant silencieux eth^ger, tond)e à rimproviste sur rinnocent animal, dont il interrompt les joyeux ébats. — Vite il notre bateau! nous poussons au large ; bientôt la grosse ligne est dans ma main ; je sens des secousses : il faut qu'il y ait quehiue chose de pris! J'amène le premier hameçon, rien ! les secousses redoublent, les hauiecons se succèdent... rien encore ! Ah! quel magnitiiiue Chat marin est entortillé au- tour de cette petite ligne! jNathan, un bon coup de galle! et harponne-le-moi près de la queue; ne lâche pas, mon garçon ; enlève-le ! Bien ! maintenant nous le tenons. On continue de tirer la ligne ; et quand nous sonnnes au bout, plus d'un beau poisson a fait le saut dans notre bateau. Alors on met de nouvelles amorces et l'on s'en revient, en se félicitant do cette heureuse pèche, car il y eu a pour nous régaler nous et nus voi- sins. Dans ce temps-là, à Henderson, j'aurais pu laisser ma ligne à l'eau toute une semaine, sans (jue rien la dé- rangeât. La navigation s'elfectuait presque toute par le moyen de bateaux plats qui, durant les nuits sereines, s'en allaient tlottant au milieu de la rivière, de façon que les gens du bord ne pouvaient voir le poisson qui 8/| I.A Pl";('.IIK DANS I.'OIIIO. s\''tait liiissr preiulre. Alors aucun sN-anier n'avait oncow. descendu l'Ohio. De temps à autre, à la vérité, passiiit une barque ou un keelboat qu'on poussait à force de perches (;t de rames ; mais la nature de la rivière en cet endroit est telle, ([uc ces bateaux, en remontaiil. étaient obligés de longer la rive inib'enne, et ne j)on- vaient regagner le courant c^u'au-dessus du petit (piai du village, tandis (pie nos lignes étaient toujours pla- cées au-dessous. 11 y a plusieurs espèces ou variétés de Chats marins dans rOhio : entre autres la bleue, la blanche et celle dite couleur de vase, qui diffèrent autant par la forme et les ha])itudes que par la coloration. La dernière est la meilleure, mais elle atteint rarement la taille des au- tres. La bleue est la plus grosse, et cpiand elle ne dé- passe j)as ({uatre à six livres, elle fournit un assez bon manger. La blanche est préférable et moins connnuiie. Toutefois, je le répète, la meilleure, comme aussi la plus rare, c'est la variété jaune. On en a pris de bleues qui pesaient jusqu'à cent livres; nuiis c'est presque un phénomène. Chez toutes, la Ibrme tourne au cône. La tète est démesurihnent large, tandis que le corps va se termi- nant en pointe à la racine d(; la queue. Les yeux, petits, très écartés, sont situés sur le devant de la tète, mais latéralement ; la gueule, large et armée de nombreuses dents fines et extrêmement aiguës , est en outre dé- fendue par des épines qui, lorsque le poisson se déhat dans l'agonie, se dressent à angle droit et tiennent si solidement, qu'on les casse quelquefois avant de pai'vc- I.A Viii.mi DANS i/oiiio. 85 iiir ;ï l»'s (l(''tacli(M'. Lo ('liât marin |)oit(î juissi «les Itar- l)illoiis (rime loii^iKMir pi'oporliomu'c. vi (jiii lui sont utiles a|)[»ai"OiinM(Mit pour lo cjuidcr au toiul de \\)i\u, |)eii(laiit que ses yeux s'occupent à surveiller les ol)j(;ts ipii passent au-dessus. Veut-on se scrvii' avec succès de la ligne dornianto, il tant «fue les eaux soient d'une hauteur moyenne : liop basses, elles sont trop claires, elle ])oisson, cpioi- (jiie exIn^^nuMuent vorace, y regarde à deux fois avant (le lisipier sa vie pour un crapaud. De niAme, pendant les crues subites, c'est hasard si votre ligne n'est en- traînée par l'un des nombreux arbres que la rivière chairie ; un juste milieu, c'est donc ici ce qu'il y a de mieux. Quand les eaux montent et deviennent troubles, on n'emploie qu'une seule ligne pour cette pèche ; on l'at- tache il la branche souple de quelque saule (pii s'incline sur le courant. Elle doit avoir de vingt à trente pieds (If long. Dans ce cas, mettez pour amorce les entrailles triin dindon sauvage ou bien un morceau de venaison fraîche; et (juand vous y reviendrez voir au matin, pourvu (pie l'eau n'ait pas trop haussé, les mouvements (le la branche vous indiqueront qu'un poisson tient à lautre bout, et vous n'aurez plus qu'à l'amener sur le rivage. Un soir que je voyais la rivière? croître rapidement, bien qu'elle ne fût pas encore débordée, je m'apenjus que la perche blanche mouvait, c'est-à-dire montait de la nier. J'avais grande envie de goûter de ce poisson délicat, et, sans perdre de temps, j'amorçai ma ligne 80 |,A PftCIIF DANS I.'OIIIO. avpr niKM'crovissr, r\ rulfacliai, conirno jo l'ai dit, aux y)raiirl)('s (riiii ailuv. \a* IciKh'niaiii matin, (jnaixl j'allai pour la tirer, il me sciiiiila ((u^'llr tenait ii tond: ceiM3ndanl, en m'y ])n3nanl on ditncenr, je la sentis ve- nir; maisun»? forte secousse me fit jçlisser la corde entre les dnififts, et au m^me instant un i?ros (^liat marin l»on- dit hors de l'eau. Je le laissai se déhatti'e uîi momenl. et llc, d tous les autres du m^^nio p'iire (ju'oii reiiroutre aus i^^tats-Unis, iV'sident cou- slaiiiuieiil dans certaines parties de nos districts du sud, l)ien (|u'ils accoiuplisscMd cependant de courtes iniu,rati(tns. Il en est m^'^nie, mais en pt!til nond)re, qui remontent jns([ue dans les Ktats du ceidre. Je ne sache pas «ju'à Test on eu ait vu plus loin (pie le Maryland, saui' peiil-t^tre ([uehpu's individus des espi'ces Manche el verte [i) (pu ont été pris en Pensylvanie et dans les l'ilats de New-York et de New-Jersey. L(»s Caroliues, la GéorEfie. les Florides, l'Alahama, la basse T.ouisiane, y compris l'Opelousas et le Mississi[)i, sont les lieux qu'ils rechei'chent ih pn'férence el où ils restent toute Tannée. A Texception de l'ihis vert, ({u'on peut rescar- der comme appartenant au Mexique, et qui, dans l'U- nion, se montre ordinairement solitaire ou par couples, tous les autres vivent en société et par troupes immen- ses, surtout dans la saison des œufs. Le pays qu'ils ha- bitent est sans doute celui qui convient le mieux à leurs mœurs : je parle des vastes et nombreux marais, des laponnes, des eaux stagnantes et des savanes noyées de (1) Glossy Ibis ( Tnntalus viridis , Gniel. — Ibis fakinellus , Vieill. ). 88 l'ihis 1)i;s hois. nos fliats iiH'i'idioiiuux. Là, on ('fTot, ils trouvent des roi)tiles et des poissons en al)ondance , et la tempéra- ture est parfaitement appropriéi; à l(nu' or^çanisation. En traitant de ce môme Ibis, M. Will. Bartliram dit : Cet oiseau ne s'associe pas en troupes, nuiis demeure û;én(''ralement solitaire ; assertion (jue Wilson a ré[)ét(''e, et après lui tous ceux cpii ont écrit sur ce sujet, sans autre laison, probablement, cpie la croyance où ils ('laient ([ue les pi'emiers avaient eux-mêmes constaté le tait. Or, dans cette espèce, c'est prc'cisc'ment tout le contraire. Je suis fâché d'avoir à relever cette erreur; et M. Barthram ne l'aurait peut-être pas commise, s'il eût eu ])lus d'occasions d'observer l'oiseau dont il s'agit sur les lieux mêmes. L'Ibis des bois ne se rencontre presque jamais isolé, même après la saison des œufs; et il est bien moins lare, à toute éporpie, d'en voir une centaine cnsemlth; cpie d'en trouver un ({ui soit seul. Pour moi, j'en ai vu des troupes composées de ])lusieurs «îdlliers; et c'est la nature même qui leur fait un»; nécessité de se réunir ainsi. Ils ne se nourrissent que de poisson et de reptiles a(iuati(|ues, dont ils di'truisent une énorme quantité, et bien plus qu'ils n'en peuvent manger. Après eu avoir tué pendant une demi-heure et s'êtn? bien gorgés, ils laissent ce qui reste sur I'cmiu, sans y touch«;r, riche pâ- ture abandonnée aux crocodiles, aux corlxîaux et aux vautours. Pour pêcher, ils se mettent en nombre et parcourent les endroits peu profonds des lacs et des nuirais bourbeux. Dès qu'ils ont découvert une ]>!a('0 où le poisson abonde, ilsconunencent tous à danser dans i/iHis i>i:s itois. 89 Tenu, jusqu'à ce ([u'olle soit dovonuc noin^ <'t épaisse eu se chargeant de la vase ([ue leurs pieds i'out monter ireii l)as. Alors, à mesure ([ue paraît un poisson, ils le frappent à coups de l)ec et, cpiand il (\st mort, le re- loiirnent et le laissent là. Kn moins de dix on ([uinze iniiuiies, ihs centaines de poissons, de grenouilles, de jeunes alligators et de serpents d'eau en couvrent la sintace; de sorte (pie les oiseaux n'ont plusipi'à nuui- g(M'. jusipi'ii ce (pi'ils soient complètement repus. Après ([uoi, ils se dirigent vers la rive la plus rapprochée, s'y (lahlissent en longues fdes, tous la poitrine tournée du côté du soleil, à hi manière des pélicans et des vau- toiM's, et restent dans cette posture une heure ou plus. Onaiid la digestion est sutïisamment avancée, ils s'en- volent, montent en tournoyant à une immense hauteur, où ils planent pendant une heun^ ou deux, en taisant les plus helles évolutions qu'il soit possible d'imaginer. Leur cou et leurs jandjes sont tendus à toute longueur, et le blanc pur de leur plumage» fait mieux ressortir en- core l(^ noir de jais du bout de leurs ailes. Tantôt en liuges cercles, ils sembkMit vouloir gagner les r(*gions les plus élevées de l'atmosphère; tantôt ils plongent vers la terre, puis doucement se relèvent, pour rc- connnencer leurs gracieux mouvements au haut des iiirs. Bientôt cependant la faim les rappelle; et (!(''- veloppant ses lignes, la troupe vogue rapidement vers lin autre lac ou un autre marais. Remarquez où ils vont, et tachez de les suivre à tra- vers les grands roseaux , les cyprès submergés et les laillih inqiénétrables. — Il est lare qu'ils rcvien- 90 l'ibis ï)i:s bois. noiit, le niômo jour, manger à la môme place. — En- fin, vous y voilà. C'est au horrl de cette eau sombre et croiipissant«\ dont les sinuosités égarent vos yeux qui vont se perdre au fond d'un labyrinthe où règne une complète obscurit(''. Les roseaux se penchent comme pour se toucher d'une rive à Tautre; les arbres sécu- laiies (pii les dominent, revêtus de lichens funèbres, s'aii'itent à peine au soulïlf» d'un air sufl'ocant ; la gre- nouille alaruK'e rentre sous l'eau, le crocodile montre sa tète à la surface, sans doute pour reconnaître si les oiseaux sont arrivés, et le rusé couguar s'avance sour- noisement vers l'un des Ibis ([u'il croit déjà tenir dans son repaire. Regardez bien : sous le demi-jour, ne voyez-vous pas briller quelque chose? C'est le blanc plu- mage des oiseaux (jui s'en vont se promenant de droite et de gauche, comme autant de spectres. Le terrible cla([ueni(Mit de leurs mandibules vous apprend quel af- freux ravage ils commettent parmi le peuple épouvanté des eaux, taudis que le son de leurs pieds, semblable à un glas, a))porte à l'âme un sentiment de terreur. Re- muez, doucement ou non, faites un seul mouvement, et, pour cette fois, vos observations sont finies; car de- puis longtemps vous êtes découvert : un vieux mâle vous a remarqué. Est-ce à l'aide de son oreille ou de ses yeux? Je ne sais; mais, au moindre bruit sous vos pas , sa voix rauque donne l'alarme , et tous ils partent, abattant les roseaux et les petites branches au travers desquels leurs ailes puissantes se frayent un passage. Parlez-moi de la stupide indifférence de l'Ibis des l'ibis des bois. 91 bois; dites qu'il ne connaît pas le danger, qu'on rap- proche aisément et (ju'on le tue de même... je vous «'Coûte, mais c'est par pure complaisance. Moi, qui ai j)u TiHudier si souvent et dans tant de circonstances, j'afllrme que nous n'avons pas, dans les Etats-Unis, dloiseau plus prudent, plus avisé et d'une vigilance plus remai(|uable. I*endanl deux années entières pass«''es, je puis dire, au milieu d'eux, puisqu'il cette époque j'en voyais, en quelque sorte, autant ([ue je voulais, je ne suis jamais parvenu à en surprendrez un seul, non pas même la nuit, quand ils étaient perchés sur leurs ar- bres, à près de cent pieds de haut, et parfois au milieu d'un vaste marais. Un autonnie, lorsque je demeurais sur les bords du bayou Sara, désirant me procurer huit u dix de ces ibis pour en donner les peauxà mon savant et bon ami le prince Charles-Lucien Bonaparte , je pris avec moi ikiw domestiques, l'un et l'autre de vrais hommes des bois et de première force à la carabine ; et bien que nous eussions rencontré des centaines de ces oiseaux, il nous fallut trois jours pour en avoir une quinzjiine; encore furent-ils tués, pour la plupart, au vol, avec des balles et à plus de cent pas. Nous avions remarqué qu'une troupe venait se percher régulièrennnit au- dessus d'un vaste champ de blé couvert d'arbres énor- mes, dont les cimes chenues annonçaient l'entière déca- dence. Nous nous postâmes dans un coin de ce champ, cachés parmi les grandes tiges du blé mûr, et nous at- tendîmes en silence. Le soleil venait de se coucher, loi*sque, sur un front étendu, parut la troupe des Ibis 02 l/lKlS DI-IS MOIS. se dirigeant vers nous. Ils s(^ posèrent en foule sur les î^rosses branches des arl)res morts; et chaque fois (ju'une de ces branches venait à casser sous le poids, ilsserenvolaienttousensendile, passaient et repassaient en l'air à diverses reprises, puisse posaient de nouveau. Un de mes compaîçnons, profilant d'une occasion, fit feu et en abattit deux avec la même balle; mais le jeu finit là, car cinq minutes îiprès |)as un seul ibis n'était resté à un mille à la ronde, et la place fut dc'sertée pour plus d'un mois. Lorsqu'ils se trouvent au bord d'un lac ou môme au milieu (tous les lacs où ils se retirentétant extrêmement i)eu profonds), ils s(î mettent innnédia- tement sur leurs gardes, dès qu'un hounne s'offre à leur vue ; et pour peu qu'il avance d'un pas, ils par- tent tous. Le nom d'Ibis des i)ois, qu'on donne à cet oiseau, ne lui convient pas mieux qu'à toute autre espèce, car je n'en connais pas qui, pour le moins autant que celle- ci, ne fréquente les bois à certaines époquesde l'année. Toutes, on les rencontre sur les savanes humides, sur les îles, même entourées par les eaux de la mer, par exemple les clefs de la Floride, ou les parties les plus reculées et les plus sombres des bois, pourvu qu'elles soient marécageuses ou qu'il y ait des étangs. J'ai trouvé l'Ibis des bois, le rouge, le blanc, le brun et le vert, autour d(î ces étangs, au milieu d'immenses fo- rêts, et même sur des landes couvertes de pins, aux Florides ; parfois à plusieurs centaines de milles des côtes de la mer, sur la rivière Rouge, dans la Louisiane et au-dessus de Natchez, dans le Mississipi, aussi bien l.'iniS DES ROIS. 0.'^ (|irà (jiicUiues inillcs de l'Océan. Ccpeinlanl. au delà de certaines limites, on n'en voit plus. Voici maintenant l'une des j)articularités les plus cu- rieuses de l'histoire de ces oiseaux : Pendant (ju'ils prennent leur nourriture;, ils sont pres([ue constannnent à la merci de gros alligators, dont ils mangent les pe- tits, et pourtant ces reptiles ne les attacpient jamais; tandis (pie, si un canard ou un héron approche à portc'c de leur (lueuc;, il est infailliblement tué et avalé. Il y a plus: les Ibis passent jusijue sous le ventre du crocodile et s'avancent au bord de son trou, sans être le moins du monde inquiétés; mais si l'un d'eux vient à être lu('', le crocodile le saisit immédiatement et rentraîne sous l'eau. L'orphie n'est pas aussi courtoise : elle donne la chasse aux Ibis, chaque fois que l'occasion s'en pré- sente ; la tortue aussi fait une rude guerre aux jeunes oiseaux de cette espèce. Le vol de l'Ibis des bois est pesant, lorsqu'il s'enlève déterre. A ce moment, son cou se recoui'be profondé- ment en bas; ses ailes battent lourdement, mais avec une grande force, et ce n'est (ju'après avoir ainsi fait péniblement quelques mètres ([u'il étend ses longues jambes en arrière. Cependant à })eine est-il à huit ou dix pieds du sol , qu'on le voit monter avec une rapidité extrême, le plus souvent en spirale, et silencieusement si rien ne l'effraye. Dans le cas contraire, il fait enten- dre une sorte de coua coxia dur et guttural. Enfin, (juand il est en i)lein vol, il s'en va sans dévier, planant tour à tour et battant des ailes par intervalles de trenhî ou (piarante verges. Il descend sur les arbres avec plus 94 l'ibis des bois. (l'aisanco (juc lo horoii, et s'y lient droit ou s'accroupit sur la branche, à la inaiiière du dindon sauvage et quehiuet'ois des hérons. Quand il est au repos, son l)ec se couche sur la poitrine et le cou s'enfonce entre les épaules. Vous pouvez en voir cinquante dans cette at- titude, sur le même arbre ou par terre, tous restant des heures entières dans une immobilité parfaite, bien (jue quelque individu de la bande ait toujours l'œil aux aguets et soit prêt k donner l'alarme. Au printemps, lorscpie ces oiseaux se rassemblent par |i,randes troupes, avant de retourner aux lieux où ils ont coutume ^3 nicher, j'en ai vu des milliers passer ensemble au-tlessus des bois, formant une ligne de plus d'un mille d'étendue, et rasant la cime des arbres avec une légèreté surprenante. Lorsc^u'ils ont fait choix de quelque lieu favorable pour élever leur famille, ils y reviennent d'année en année; et quand ils ont des œufs , il n'est pas facile de le leur faire abandonner. Néanmoins, si on les a trop tourmentés, une fois la sai- son passt'-e, vous ne les reverrez jamais plus. Outre la grande quantité de poisson (juc les Ibis dé- truisent, ils dévorent aussi des grenouilles, de jeunes alligators, déjeunes râles, des mulots, des crabes et au- tres crustacés, de même que des serpents et de petites tortues; cependant jamais ils ne mangent, ainsi qu'on l'a prétendu, les œufs du crocodile, dont, je suppose, ils ne se priveraient pas s'ils pouvaient démohr son nid, trop solidement construit pour eux ; mais c'est là une tache qui dépasserait les forces de tout oiseau que je connaisse. Jamais non plus je n'ai vu aucun ibis man- l/lUIS DKS KOlS. 96 fçer 11*1111 aiiiiiiiil «|ui n'cilt viô lut', soil par hii-u)ùiue, soit par un autre (!«.' ses camarades; et niùiiio, lors(prils Tout tué, ils n'y louchent pas s'il y a déjà cpieliiue temps »[u'il est iuui't. IN'udaiit ((u'ils nianj^eut, le claquement (le leurs mandibules se fait entendre à plusieurs cen- taines de pas. Quand ils se sentent blessés, il est danj^ereux de les approcher, car ils mordent cruellement. On peut dire ({u'ilsonllavietrès dure. Ils sont ^ras d'ordinaire, bien qu'ils aient la chaii' coriace et huileuse , et par cela même d'un assez mauvais goût. Cependant les nègres s'en régalent, en ayant soin de les taire cuire dépouilh's de leur peau. Moi aussi j'«.'n ai essayt';, mais, je l'avoue, sans succès. Les nègres de la Louisiane détruistMit sou- vent les petits pour en avoir l'huile, (pi'ils emploient à giaisser les machines. Les créoles français de cet État les appellent grands \hinants, tandis ipie les Espagnols de la Floride orien- tale les coimaissent sous le nom de fous ou boubies. Étant à Saint- Augustin, je voulus faire une excursion vers un grand lac où Ion m'avait dit qu'il y avait abon- dance de boubies, en m'assurant t^u'avec de sulllsantes précautions je pourrais en tuer sur les arbres. Je de- iiiaiidai ([uelle apparence avaient ces boubies; on me n'pondit (]ue c'étaient de gros oiseaux blancs, avec du lioii' au bout de l'aile , un long cou et un grand bec |iiiiiitu. Celte description convenant en eilet très bien aux bouiiies, je ne lis pas de (luestions relativement aux jand)es ni à la queue, et je me mis en route. Cher lecteur, figurez-vous trente-trois longs milles au travers OC) 1,'lHIS DKS MOIS. (les l)()is, avant tralteiiulm lo bir'ulieiin'ux lac! Kiillii j'arrive : ([iielle drceptioii ! I«'s riva^ACS d les arbres aux environs étaient couverts (TIIms des Itois! VA [)onrtanf. si je m'en étais ra|»|»ort(''aux lu'aves |iens([ui m'avaient rensei*i;né à leur manière, et «lue je n'eusse pas vérilic la chos(; par moi-même, j'aurais pu ('crirc , connut' tant d'autres, (pi'on trouve des lujubiesdans l'inté'rieui' des Florides, (pi'elles se perchent sur les arbres... as- sertion «[ui, une fois imprimée, ei'lt prol)ableinent passe aux {\jjf(^s futurs, j^n'ikc à messieurs les compilateuis, tous aussi ignorants (jue moi. L'Ibis met ([uatre ans à accpiérir son entiei' dt'veloj)- pement, bien (pie, dés le siTond print(Mnps, on en voie quel(pi(?s-uns s'accoupler; mais c'est rare, car généia- lement les jeunes vivent en troupes distinctes juscpià ce «[u'ils aient atteint leur tioisième amu-e. Ils sont da- l)or«l d'un brun sond)re. avec une bordiu'e |)lus claire àcha«[ue plume; la téti; est coiwerte, juscpi'aux man- dibules, de plumes courtes et duveteuses qui tombent à mesure que l'oiseau avance en âge. A la troisième année, la tête est toute nue, ainsi iprune i>ortion de lii partie supérieure du cou. Le mâle est beaucoup plus gros et plus pesant (pie la femelle ; mais il n'y a })as(le ditVérenci; de couleur entre les sexes. LES NAUFRACKIRS fl ) DE LA FLORIDE. Loiifçtoinps aviiiit d»» soiu^^t à visit«M' inoi-niAme les îlt's (h'Iicieust's des iiva,iA«'s sinl-csl iU\ nos Fl(tri('ins m'avait inspire ('onti'e eux d»' lerrildrs pn'vciitious. Souvent on m'avait i)arlé dos moyens làrlios et l)aii (l), s(ui h'^er tiiaj(«'. r^xucliliule do sa lijçiie (h; tlottiiisoii, la pioprdi^ de ses tiaiics pcinls, le poli de SCS mâts toujours soijfneuseinent ^raissi's, cMitiu la beaut»' de tous S4's a^iès. Nous fûmes accueillis à bord avec cette cordialité naturelle à nos loups de uier. Sur le pont i'«ynaieut l'ordre et le silence. Lecoimnaiidant et le second nous conduisirent dans ufie cabine spa- cieusi;, bien cclaine et lournie do tout ce ([ui pouvait ôtre nécessaire à tme ((uinzaine dt; pas.saj>'ers ou [»lus. L(! [iremier me nnintra sîi collection de eoipiilles ma- rines; et t(»utes celles «pie je n'avais pas encc^ie vues et t|ue jelui signalais, il nie les oHrait avec une amabilité ttîlle, ipie je dus devenir plus circonspect dans mes démonstrations adiiiiratives. Il possi'dait aussi plusieurs a'iit's d'oi.seaux rares, (juil me mit dans la main, en nrussurant ([u'avant un mois il s'en serait aisément procuré de nouveaux, car, dit-il, «c'est maintenant pou? nous la morte-mison sui les récits. » On servit le dinei consistant on poisson, volailles et autres mets dont nous primes notre part. (>es deux otïiciers, l'un et l'autre des basses contrées del'Kst, étaient deshonnnes vigoureux, actifs, propres et mémo coquets dans leur tenue. En peu de temps nous fumes tous ensond)le l'umnie de joyeux compagnons. Ils traitaient mon ex- cursion aux Tortujias. rien t|ue pour cliercber des oiseaux, de caprice et de simple atlaire de curiosité; ce (1) //cam, bau. Se dit des |)oulres qui sont posées dans le sens (le la largeur du bûiimiMit, i)uiir afleriiiir les bordagos et soiilcnir les ponts. iOO i.i:s >vi HKAGiURs m: i\ ff.oridk. qui ne los onipi^clia pas d'oxprimer le plaisir qu'ils éprouvaieiit en voyant quelcjucs-uns de mes dessins, et de m'olTrii' leurs services pour me procurer de nouveaux échantillons. On proposa des expéditions au loin et au près, on en arrêta même une pour le len- demain matin, et nous nous quittâmes amis. Le lendemain donc, de bonne heure, nous partîmes, avec plusieurs de ces braves gens, pour la clef dite l'île des Foubies. (»t éloignée d'environ dix milles. Leurs bateaux , bien manœuvres . volaient sous l'impulsion prolongée de vigoureux coups de rames, tels que savent en donner les équipages des baleiniers et des vaisseaux de guerre. Le capitaine chantait, et parfois en se jouant, courait des boi'd('»es avec notre belle chaloupe. Bientôt nous atteignîmes l'île des Boubies, et là ce fut une vraie partie de plaisir. Ils (Paient de parfaits tireurs, avaient d'excellents fusils, et en sa- vaient plus long, sur les Fous et les Boubies, que les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des meilleurs natura- listes du monde. Ajoutez qu'ils nétaient pas de moindre force à la chasse au daim; et qu'à certains moments, quand l'ouvrage manque^ ils n'ont qu'à descendre sur quelque île un peu étendue, pour se procurer, en deux heures, une provision C()mplète de venaison délicieuse. Quelques jours plus tard, ils vinrent me prendrr pour une autre expédition : on devait, cette fois , cher- cher des coquilles marines. 11 fallait les voir, tous dans l'eau jusqu'à la ceinture et même jusqu'au cou, plongeant comme des canards, et rapportant, à cha(|ue LES NALIUAGEURS DE LA FLORIDE. 101 lois, un bi3uu cotniiliagc. ('o dernier exercice semblait parliculièrenient de leur goût. La mission du contre se trouvant terminée, nous (lonnàmes aux naut'rageurs avis de notre prochain tli'part. Ils m'adressèrent une invitation pour retourner il bord de leurs vaisseaux, et j'acceptai. Ils voulaient me montrer et m'olï'rir de superbes coraux, des co- quilles, des tortues vivantes de l'espèce dite à bec de faucon, et une iii'iinde (piantit('' d'œufs. Je ne pus leur faire absoluniiMit rien accepter en retour; seulement ils mereniirent (juehjues lettres, nu» priant d'être assez bon pour h,'s jetei* ii la poslt; à (Iharlestow. C'était, me dii'iMit-ils, pour ' hu's femmes, là-bas. dans l'Est. Ils étaient si empressi's dcî faire tout pour m'étie agréables, qu'ils proposèrent d'aller eux-nuMnes dcn^ant la Marion, pour venir la retrouver à lancre et m'apporter des oiseaux rares de la côte, dont la retraite leur était connue. Des circonstances tenant au service m'empo- chèrent de profiter de leur obligeance; et ce fut avec un sincère regret, et non sans (pudique sentiment d'amitié, (pie je dis adieu à ces joyeux camarades. Qu'il est différent, me pensais-je, de connaître les choses par soi-même, ou par oui-dire ! Jamais, avant cela, je n'avais vu tle naufrageurs d(î la Floride, et depuis lors je n'ai plus eu la chance d'en rencontrer; mais mon ami, le docteur Benjamin Stro- bel, ayant passé ipielques jours au milieu d'eux, a bien voulu me comnuiniquer à ce sujet les pages suivantes, que je vous soumets telles (^ue lui-même les a écrites: « Le 12 de septembre, étant au port à la clef 102 LES NAUFRAGEURS DE LA FLORIDE. Indienne, nous fûmes rejoints par cinq vaisseaux nau- fraiçeurs dont les licences étaient expirées, et qui allaient les renouveler à la clef de l'Ouest. Nous réso- lûmes de les accompagner 1<' lendemain matin ; et ici, je ne puis m'empécher de dire (juelques mots de ces fameux naufrageurs, tant capitaines qu'équipages. D'après tout ce ipie j'avais entendu dire , je m'atten- dais à trouver des vaisseaux malpropres, sentant la piraterie, commandés et manœuvres par une bande de noirs et barbus cocpiins dont b^s regards môme dénotaient les instincts sanguinaires. Je fus agréa- blement surpris de voii' d(^ beaux sloops, de spacieux scbooners, des clippers parfaitement construits, les uns et les autres dans le meilleur ordre. Les capi- taines étaient, pour la plupart, pleins de jovialité, comme de gais fils de Neptune; chez eux, la bonne humeur s'alliait à une disposition hospitalière et polie. et au désir d'être de toute façon serviables aux navires qui montaient ou descendaient en vue des r('»cifs. Quant aux matelots, très proprement mis, ils portaient sur leur figure un air de fraiichise, et, pour tout dire, d'honnêtes gens. » Le 13, à l'heure indiquée, nous mîmes tous en- semble à la voile, c'est-à-dire les cin(| naufrageurs et le schoonei' Jane ; mais connne notre vaisseau n'était pas très bon marcheur, nous acceptâmes l'invitation d'aller k bord d'un des autres. La flotte leva l'ancre à huit heures du matin; le vent était léger, mais bon, la mer unie et la journée superbe. Je manque vérita- blement de termes pour exprimer le plaisir et la satis- LES NAUFRAGEURS DE LA FLORIDE. 108 faction que j'éprouvai. La surface des eaux calme et paisibl<% d'un vert magnifi(|ue et transparente comme une içlaccî, n'était agitée que par notre sillage et les évolutions du pélican qui plongeait soudain du haut ries airs et fondait, les mandibules ouvertes, sur sa proie. Les navires de notre flottille, la voile tendue au souille de la brise, et faisant jaillir la blanche écume rie chaque côté de la proue, glissaient silencieux, sem- blables à des îles d'ombres vaporeuses, sur une mer immobile de lumière. A quelques verges seulement, et jusque sous nous, des troupes de poissons plongeaient et se jouaient au sein des ondes, parmi les varechs, les éponges, les pennatules (l) et les coraux, dont le fond était émaillé. A droite commençaient à se montrer les clefs de la Floride, paraissant, de cette distance, comme autant de points perdus à l'immense horizon , mais qui , k mesure que nous approchions, grandissaient, grandissaient, revêtues de la plus riche livrée du printemps, et offrant à nos regards une variété de couleurs et de nuances qu'adoucissaient encore et rendaient plus délicates la pui'oté des cieux et l'éclat du soleil au-dessus de nos têtes. C'était un spectacle féeriijue; mon cœur battait, et ravi d'admiration, je m'écriai dans la langue de Scott : « Vois CCS mers enlaçant, de leurs vagues profondes, » Trois cents îles, là-bas, t'parscs sur les ondes. » Les vents alizés nous caressaient de leur haleine fraîche (1) Genre de zoophytes marins dont la forme rappelle assez bien cello d'une plume. 104 LES NAUFllAGEURS DE LA FLORIDE. et embaumée; et poiu' achever de donner la vie à celte scène, c'était entre nous à qui monterait le plus rapide vaisseau. Pendant cette lutte animée, de pro- fondes émotions accompagnaient tour à tour chacun des jouleurs, selon que celui-ci s'élançait en avant, ou que cet autre restait pesamment en arrière. » Environ vers trois heures de l'après-midi , nous arrivâmes à la baie de Honda. Nous n'avions qu'un vent faible, et nul espoir d'atteindre, ce soir môme, la clef de l'Ouest. Il fut donc résolu (ju'on feiait port où nous étions, et nous entrâmes dans un beau bassin où nous jetâmes l'ancre à quatre heures. Immédiate- ment les barques furent mises à flot, et des parties de chasse organisées. Nous prîmes terre et fûmes bientôt en quête, les uns de coquillages, les autres d'oiseaux. Un Indien qu'un des naufrageurs avait recruté le long de la côte, et qui était employé comme chasseur, fut expédié pour nous procurer de la venaison. On lui avait remis une carabine chargée seulement d'une balle ; et au bout de quelques heures, il revenait avec deux daims tués du même coup. Il avait attendu pour tirer tju'ils fussent tous deux côte à côte, dans la direction de son point de mire, et les avait abattus l'un et l'autre. » Quand nous fûmes tous de retour et qu'on eut réuni notre butin, il s'en trouva, et de reste, pour faire un repas copieux. jNous limes porter presque tout le gibier à bord du plus grand vaisseau, où l'on se pro- posait de souper. Nos bâtiments se tenaient à portée de voix l'un de l'autre; et ([uand la lune fut levée, on put LES NALFRAGEURS DK LA FLORIDE. 105 voir les baloaux allant et venant entre chacjuo navire, et tout occupés dY'changer des compliments et des j)()litesses. On n'eût jamais supposé que ces hommes fussent, par métier, des rivaux, tant ils se manifes- taient mutuellement de bon vouloir. Sur les neuf heures nous nous rendîmes au souper. Déjà un certain nombre de convives nous attendaient. Dès que nous parûmes à bi)i(l, un matelot allemand qui jouait très bien du violon fut appelé sur le tillac ; bientôt toutes les mains s'unirent, et au son d'une musicpie joyeuse on dansa jusqu'au souper. La tal)le, dressée dans la cabine, gémissait sous le poids des mets, tels que venaison, canards sauvages, courlis, poissons On porta des toasts, on chanta; et, entre autres pièces curieuses, notre Allemand, qui s'accompagnait de son instrument, nous régala de la chanson suivante, dont il passait pour t^tre l'auteur. Je ne dis rien de la poésie, et vous la donne simplement comme je l'ai entendue; mais telle qu'elle est, elle ne manque pas de caractère : LA CHANSON DES NAUFRAGEURS. Vous tous, écoutez en silence Un betit air de ma façon ; Et, sans plus tarder, ché commence : Chai fait et musique et chanson En riionneur de notre vaisseau ; Q'.''il est donc lier et qu'il est beau, Lorsqu'il porte, affrontant Torage, Les joyeux amis du naufrage I Ce rue, au milieu de Pablme, Est notre sompre rentez-vous : 106 LES NAUFRAGEURS DE LA FLORIDE. Là, sans soubçon, paufrc fictimc, liasse un nafirr, près de nous. Dan.sons et rliantons .* dans la nuit, Le courant IVntrainc sans bruit. Sur recueil où gronle l'orage, A nous les tébris du naufrage! Au secours ! spectacle funeste ! Il est pertu Saufons les biens, Les agrès aussi l'our le reste, Au bon Tieu de sauver les siens. Kt nous allons, le lentemain, Kn or cliancber notre butin. Sur recueil où gronte l'orage, A nous les tébris du naufrage! Alors, sans souci, poche pleine, A terre, en praves matelots, Nous puvons, toute une semaine, A ceux qui voguent sur les flots, i'uisse, vous poussant par ici , Un bon fent nous jeter aussi. Sur recueil où grunte l'orage. Les tébris de votre naufrage ! » Le chanteur, avec un tort accent germanique, appuyait einpliatiquenient sur certains mots, et entre cliaque couplet jouait une ritournelle, en ayant tou- jours Ijien soin de nous lép^Her : iMessieurs, c'est de ma composition! Vingt ou trente voix reprenaient en chœur; et je vous assure que, dans le calme de la nuit, cela ne produisait pas un trop mauvais effet. » LE CANAHl) SAUVAGE. On ci'oit ii!;(Mi(Taleiiieiit (jini co (^ananl est très rom - niiiii dans toutes les parties des fitats-Uiiis; mais moi, j'ai (les preuves positives du contraire. Si les auteurs avaient entendu ne parler ainsi ((ue d'après le rapport (les autres, ou (juMls eussent simplement voulu dire qu'à l'état domesti(jue cet oisiMiu v('M'ital)lement abonde, rien (If n)iréte- iriice même sur le tanuîux Canard de la Valisnérie. Regardez-le, ce beau mâle tlottant sui' le lac : il re- dresse sa tète, (pii lirille d'un vert d'émeraude ; son œ\\ cmileur d'ambre étincelle à la lunii(>r(^: même de cette (listaiice il vous apeivoit , et u soupçonne que vous n'avez pas de bonnes intentions à son (\iiard. car il voit un fusil dans vos mains, et tr<>p souvent il en a entendu l'cflrayante détonation. AussibM il ramène ses pieds sous son corps, eu détache sur l'eau deux coups vigou- reux, ouvre les ailes, pousse (piebpies bruyants quack, quack. et vous dit adieu. En voici un autre devant vous, sur le bord de ce ruisseau murnuu'ant. Que ses mouvements sont vifs et légers, comparés à ceux de ses frères qui se traînent si gaucheuient dans votre basse-cour! combien ses formes sont plus gracieuses, (luel auti'e lustre sur tout son plumage î C'est ([ue l'oiseau que vous avez chez vous (loscend d'une race d'esclaves, et ses facultés natives ilO LE CANARD SAl VAGE. 8ontalKiliinliL's;s('sail«'ss\)xemMilsi rarrmoiit, quelles peuvent ù parer qu'au lu'uit que lait l'aigle en fondant sur sa proie; tandis que d'autres, comme si elles suspectaient la si^rete de la place, passtîut et re- passent ])lusieurs luis, avant de s#déci(ler à descendre. Danslunet l'autre cas. ils commencent par se baigner, se battent les lianes de leurs ailes, et t'ont de couits plon- geons entrenièh'S de telles cabrioles, ipi'on les croirait entièrement fous. En réalité, cependant, toutes ces démonstrations, toute cette gaieté, seud>lent n'avoir pour but (jne de se dc'barrasser le corps d'insectes nui- sibles ; ensuite, ils veulent exprimer le plaisir qu'ils éprouvent en se trouvant dans un climat plus doux après une journée et une nuit de fatigue ; ils se nettoient et rajustent leur plumage, avant de se mettre à manger. A leur place, tout voyageur n'en ferait-il pas autant? Maintenant, vers les rives ombragées, ils nagent par petits pelotons. Voyez-les sauter hors de l'eau pour LK CANARD SAUVAGE. ill courbnr les tMrs pesantes des liantes herl)(»s. Malheur au limaçon (|ui se reneuntre sur leur piissa^e! IVaulres barliotent dans la vase i^t tout la ^^iim'it aux sangsues, gn'iiouilles el lézards qu'ils ont à porti'e de leur hec. Les plus vieux couieut dans les liois et s(; nnuplissenl le jal)ut de laines et de glands, sans dédaigner de se le jfHi'iiii', chemin taisant, de tpu'lipuîs souris (|ui, el- frayées de l'approehe de ces maraudeurs, se hâtaient (le regagner huir trou. Kl pendant tout ce temps, leur caquelage vous assonrdiiait. si vous étiez plus près d'eux Mais soudain il a cessé; ijuchpie chose d'ex- traordinaire les nuMiace, et t«»us ii la lois ils sont deve- nus silencieux. Les cous s'allongent, les têtes se dres- sent, et d'un regard incpiiet ils explorent les environs. Heureusement ce n'est rien : ce n'est qu'un ours qui, iKtu moins qu'eux, friand de glandcc, laboure avec sou museau les feuilles tombées nouvellement, ou (jui re- tourne une vieille souche pourri».' [)our y chercher des vers; et les Canards, de plus belle, se remettent à la besogne Mais un autre bruit s'est fait entendre, et cette fois bien plus alarmant. L"ours lui-même se dresse sur ses pattes de derrière, renifle lair et, avec un sourd li^rugnement, rentre au galop dans les profondeurs de sa cuimaie. Les canards battent en retraite vers l'eau, se ré- fugient au centre du marais et. ne hasardant plus que quelques cris à demi étoullés, ils attendent que.se mon- tre au loin l'objet de leur terreur. Cependant l'emiemi s'avance ; plein de ruse et à petits pas, il marche à cou- vert, d'un arbre à l'autre. 11 sait qu'il a manqué la meil- leure occasion : Tours lui échappe ; mais il a faim, et 112 LK CANARI» SAUVAGE. un (lanunl, apri'sloiil, vaut bien un coup de sa cara- hine rouillro. C'est un liidicti; vous le recoiinaissoz à sa peau roujçe, à ses cheveux noirs et n»tonil)ants (ju'il a coupés ras de chacpie crité de la l^t»;. Au milieu d'une sorte de mauvaise couverture dont rarijuisition lui u cortt<'; bien cher, il a t'ait un trou par on ])asse sa hMr nue; et cette ^nienille lui sert, connue le caparantii (Vui\ cheval, pour chasser les derniers mousticpies qui. dans cette saison, .s'acharnent encore sur .ses jambes et lui .sucent le siin;;'. (larde à vous, (lanards! ne perde/, plus une miiuite, car je le vois (pii met en joue; j)ar- tez, partez vile! Non?... eh bien! un de vous certai- nement lui servira pour son dincr. Parmi la cime des arbres la fumée monte en tournoyant; une détonation retentit, oi tous les (lanards s'envolent, moins deux. qui, traînant le derrière et battant en vain l'aii- de leurs pieds, ont (Hé frappés par la même balle. Alors lente- ment il s'approcluî, le fds de la fon^t ; d'un rei^ai'd il e.stime la profondeur du mar(''ca|i;e , entre résolument dans l'eau, puis à l'aide d'un long roseau attire à lui son butin. Pour le moment, c'est assez : il n^gagne le bois, allume un petit feu, et bientôt les plumes volent autour de lui. De chacpie aile il a soin d'arracher un tuyau pour déboucher la lumière de son fusil, dans les temps de pluie, et de mettre de côté les entrailles, qu'il destine à servir d'appât pour quelque piège. Mais déjà les Canards sont cuits, et le chasseur se livre à la joie d'un bon repas, bien qu'il ne perde guère de temps à .savourer ses morceaux. C'est qu'il iaut que la lune le retrouve sur pied, courant les bois à la faveur de sa LE CANARD SAUVAGE. 113 pâle liimù'îre, pour làclicr de siir|H'c'ii(lrc (raulrc gi- hier. Les canards qui rostenl avec iiims diiraiil toute Tan- nh. et ([ui nichent sur les rives du Mississipi, du lac Michii^an , ou dars les plaines bordant ea et là le Scluivikil, en Pensylvanie. connneucent à s'accoupler au ciiMir nu^nie de rhiver: et liiempi'on ne puisse dir<î, en aucune t'aeon, (jue ces oiseaux soient doiK's de lal'a- nilt»' du cliant, ce|»en(lant ils ne laissent pas (jue de se montrer îxalants à leur manière. I.esniAles, eu brillants si'ducteurs. t'ont tout d'abord la cour à la |)reuii«M'e6e//e (lii'ilsiu}i;ent di;^nedeleiu'attention; ilslui promettent une ûdélité inviolable, uneaJïeclionà toute épreuve: ce qui ne les enipôche pas de renouveler ailleuis leui's protesta- tions, dès (pi'ils'en rencontre une autre à leur ^oût. Re- jfiiidez celui-ci : comme il étale avec coinj)laisance, et (lii!is toute sa beauté, le plumajj^e soyeux (pii lui orne la ttMe! connue il tait jouer la lumière sur les miroirs de ses ailes, tandis (pie S(»n babil doucereux (exprime lextrùme ardeur de sa tendresse! TantcM à Tune, tautAt à l'autre il adresse son adminition et ses flatteries, jusqu'à ce que seutlamment de jalousie entre les rivales; et de là, des querelles, des racccuimiodements, que suivent bientôt de nouveaux dédains. Enfin , pour mettre un terme à ces manœuvres amoureuses, les femelles s'éloignent et cherchent une place sûre où déposer leurs œufs et élever leur couvée. Elles amassent autour d'elles une grande quantité d'herbe sèche assez négligemment arrangée en forme de nid, dans lequel sont déposés de sept à dix œufs; puis elles s'arrachent elles-mêmes leur duvet II. 8 li/l LE CANARD SAUVAGE. le plus moeihnix, rétcndt^nl sous les œufs, et commen- cent la longue tâche de l'incubation, pour ne rinter- roinpre ([u'à de courts intervalles, loisque le besoin de nourriture se fait trop inipérieusein«Mit sentir. Enfin, au bout de trois semaines, la vit; s'annonce par de faibles cris sous la cocjuille, et la nouvelle famille, faisant un violent eftbrt, paraît au jour. Qu'ils sont gentils, i)endant i[w de leur bec si tendre encore ils démêlent et assèchent leur léger duvet! Mais déjà, s'alignant l'un a})rès l'autre, voyez-les suivre leur heu- reuse mère, qui les conduit ù Teau où ils se baignent et plongent aussitôt, comme pour exprimer toute leur joie d'avoir reçu le jour. Bien loin de là, sur un autre marais, se tient à l'écart le mâle fatigué et amaigii; père dénaturé, jamais il n'eut souci de sa progéniture; sans regrets, il a pu d(''laisser sa femelle, ipiautrefois il semblait tant aimer ! Que lui importent ses cruelles inquiétudes et la peine ({u'elle a dû ressentir en se voyant si complètement abîuidonnée? A elle-seule, d'abord la lourde charge des œufs, et maintenant les soins et les anxi(''tés pour cette nombreuse et innocente couvée, qu'elle voudrait di'fendre et faire prospérer aux dépens de sa propre vie ! KUe les guide, ces chers petits, le long des rives couvertes d'herbe, dans les endroits peu profonds, et leur appnnid à saisii' les insectes qui volti- gent en abondance, les mouches, les moustiques et les scarabées étourdis, (^ui tournoient ou serpentent à la surface. A la moindre apparence de danger, ils pren- nent leur élan, se dirigent vers le bord, ou plongent et disparaissent. Au liout de six semaines,ceux qui ont LE CANARD SAUVAdE. 115 échappe!' à la gueule vorace dos poissons et des lortuos, C(»niineiic(Mit à èUv passableineiit ^ros; les tuyaux leur poussent aux ailes, le corps se re\^t de plumes; mais aucun n'est encore en état de voler. Ils savent déjà se procurer la nourriture, en enfonçant la tète et h; cou dans l'eau, ainsi (pi'ils continueront de le faire par la suite; à ce moment aussi, ils sont devenus bons pour lu table, et leur chair est non moins délicate ([ue savou- reuse. Enfin, quand les fouilles commencent à changer de couleur, les jeunes Canards pnnment librement l'essor, et c'est alors que les vieux màlos rejoignent lo reste de la troupe. Les pionniers du Mississipi en élèvent un grand nombre qu'ils preiment très jeunes, et qu'une année suffit pour apprivoiser entièrement. Los couvées qu'on en obtient sont supérieures moine à celles des Canards sauvages, mais seulement pour la première ou la se- conde amiée; après ({uoi, elles dégénèrent et no don- nent plus que des Canards ordinaires. Les hybrides provenant de l'espèce sauvage et du Canard de Mos- covie sont de grande taille et fournissent un manger excellent. Quelques-uns de ces métis restent plus ou moins vagabonds, ou mémo redeviennent tout à fait sauvages. Certaines personnes les regardent comme formant une espèce distincte. A î'état domestique, ils produisent aussi avec la macreuse et le chipeau (1); et ce dernier accouplenuMit donne naissance à un très beau métis, qui retient les pieds jaunes ainsi que le (1) Anas strepera. 116 LE CANARD SAUVAGE. plumage bigarré de l'un des parents, et le vert de la \Hg de l'autre. J'ai vu des nids de Canards sur de grosses souches brisées, à trois pieds de terre et dans le milieu d'une cannaie, à plus d'un mille de l'eau. Une fois je trouvai, dans les bois, une femelle à la tête de sa jeune couvée, que sans doute elle ficheminait vers l'Ohio; Mais elle m'avait aperçu la première, et s'était cachée parmi les herbes, ayant autour d'elle toute sa famille. Quand je voulus approcher, ses plumes se hérissèrent, et elle se mit il siffler en me menaçant, comme aurait pu faire une oie ; pendant ce temps, les petits décampaient dans toutes les directions, .l'avais un chien de première qualité , et parfaitement dressé à prendre les jeunes oiseaux sans leur faire aucun mal. Je le lançai sur leurs traces ; aussitôt la mère s'envola, mais en aiîectant de se soutenir ù peine, et semblant prête à tomber à chaque instant. Elle passait et repassait devant le chien, comme pour le troubler dans ses recher- ches et en épier le résultat; et quand les canetons. l'un après l'autre, m'eurent été rapportés et que je les eus mis dans ma gibecière, où ils criaient et se débat- taient, elle vint d'un air si malheureux se poser tout près de moi, par terre, roulant et culbutant presque sous mes pieds, que je ne pus résister à son désespoir. Je fis coucher mon chien, et avec une satisfaction que comprendront ceux-là seulement qui sont pères, je lui rendis son innocente famille, et m'éloignai. En me retournant pour l'observer, je crus réellement aper- cevoir dans ses yeux une expression de gratitude; et cet LE CANARD SAUVAGE. 117 instant me procura l'une des plus vives jouissances (jue j'aie (le niavieéprouvécîs, en cherchant à surprendre les secrets de la nature au milieu des bois. Dans les lieux peu fréquentés, les Oinards volent , pour chercher leur nourriture, le jour comme la nuit ; mais quand ils sont troublés par des coups de fusil, ils ne sortent guère que la nuit ou vers le soir et au lever du soleil. Dans les temps très froids, ils remontent les cours d'eau, et se retirent même aux petites sources où on les rencontre en compagnie de la bécasse. Souvent, après de fortes pluies, on les voit chercher des vers sur les champs de blé ; et quand arrive la fin de l'au- tomne, ils aiment à pâturer sur les rizières de la Géor- gie et des Carolines. J'ai lieu de croire (pie ces oiseaux accomplissent alors une seconde migration, car c'est par milliers qu'ils viennent, de l'intérieur, fondre sur les plantations de riz. Dans les Florides, il y en a par- fois de telles multitudes, ([ue l'air en est obscurci ; et le bruit qu'ils font en s'enlevant des vastes savanes ressemble au roulement du tonnerre. Lors de mon séjour chez le g(''néral Hernandez, dans la Floride orientale, ces Canards étaient si nond)reux, qu'un nègre que ce gentleman avait pris à son service comme chasseur en tuait à lui seul de cinquante à cent vingt par jour, et en entretenait ainsi toute la plantation. Le vol du Canard sauvage est rapide, fort et bien soutenu. D'un seul coup d'aile il s'enlève de terre , aussi bien que de l'eau, et monte perpendiculairement pendant dix ou quinze mètres, ou même, quand il part du milieu d'un bois, jusqu'à ce qu'il soit au-dessus de la 118 LE CANARD SAUVAGE. cinic (les plus grands ;n'br(>s; après ([uoi, il prend sou essor et sv, dii'it»:e hon'zoïitalemeiit. En cas (ralarine, il ne niaïKpie jamais de pousser plusieurs quack. quack; inais, si rien ne r(''pouvante, il reste silencieux en s'cMivolant. Quand il passe en l'air, pour quelque destination lointaine, le silïlenient de ses ailes s'en- tend d'une distance considérable, particulièrement pendant le calme des nuits, son vol peut, je pense, être (îstiuK' à l'aison d'un mille et demi })ar minute ; et s'il veut en dc'ployer toute la puissance , et qu'il s'agisse d'un long voyage, je crois fermement qu'il peut faire cent vingt milles à l'heure. Ce (Canard est omnivore dans la véritable acception du mot. Tout lui est bon pour satisfaire son excessive voracité ; propre ou non, il engloutit ce qui se rencontre: vieux rebuts, tripailles, poisson pourri, aussi bien que reptiles et petits quadrupèdes. Les noix et les fruits de toute espèce lui sont un régal, et on l'engraisse prompte- ment avec du riz. du blé ou d'autre grain. Il est en général si goulu, que souvent j'en ai vu deux tiraillant et se dispu- tant pendantplus d'une heure lapeau d'une anguille que l'un avait dc'jà en partie avalée, tandis que le camarade tenait ferme à l'autre bout. Ils gobent aussi très adroi- tement les mouches, et ont l'habitude de piétiner la terre humide pour en faire sortir les vers. Outre l'homme, le Canard a pour ennemis l'aigle à tête blanche, le hibou de neige, le grand duc de Vir- gitiie, le raton, le lynx et la tortue. On le prend faci- lement au fdet et au piège amorcé avec- du blé ; mais, comme aux États-Unis nous ne savons ce que c'est LE CANARD SAUVAGE. 119 que la chasse ù l'appeau, je ne veux pas vous ennuyer en vous donnant une nouvelle édilion de tout ce qui a été dit et redit, dans tous les traités d'ornithologie, relativement à ce procédé, i\m n'est, hélas! que trop destructif. Lesœufs, dans cette espèce, ont 2 pouces 1/û de long sur un pouce 5/8 de large. Us sont moins gros que dans l'espèce domesticiuc, et rarement aussi nond)reux. La (;{H[uille est lisse, d'im vert h'gèrement foncé. Aussitôt queTincubation commence, les màlesse réunissent entre eux par tn)upes, jusipi'à ce que les ji^unes soient capa- bles de les suivre dans leurs migrations. Ils n'élèvent qu'une couvée par saison ; et jamais, en automne, je n'ai trouvé d'œufs dans leur nid. La femelle a soin de les couvrir avant de s'éloigner pour chercher de la nourri- ture ; et de cette manière, elle les maintient suffisam- ment chauds jusqu'à son retour. L'HUITRIEU A MANTEAU D'AMÉRIQUE. Les domaines de cet oiseau comprennent nne grande étendue de pays. L'hiver on le rencontre au long des côtes, depuis le Maryland jusqu'au golfe du Mexique; et counnc il abonde alors sur les rivages des Florides, on peut dire qu'à toute épocjue de l'année il habite l'un ou l'autre des États de l'Union. A l'approche du 120 L'iirÎTRItR A MANTEAU d'aMÉRIQUE. printemps, il re;5'agiic ceux du ceiilrc où il niche, aussi bien i\uc dans la ('arolino du Nord. IMus rare entre Long-Island et Porlland dans le Maine, où cependant il reparaît, on le tronv(; jusqu'au Labrador; et dans cette dernière contn'e, j'en vis plusieurs (jui avaient des œufs au mois de juillet. Sauf rhivei", qu'ils se ras- seml)lcnl au nombre de vingt-cinq ou trente individus, ces oiseaux ne vont ordinairement que par petites sociétés d'un ou deux couples, avec leurs jeunes familles qui paraissent suivre les par rencontre pouvaient bien ap[)artenirà la mènuM^spèce; et mon doute ne cessa (pie lorscpie niNHant pro(;ui'('' deux spécimens pris dans la saison des œufs, l'un au Labrador, l'autre dans nos États du centre?, je me fus ('(uivaincu. par le pins minutieux examen, (pi'ils (Haient, en elTet, tous deux parfaitemt^nt identiques. Mais, ([uelle ipie soit la lati- tude, j'ai toujours remarcinc» que l'Huîtrier choisit de préférence les endroits où h; Ilot i'(.*jette des débris de coquillages ou des c^raines et des herbes marines, comme plus sûrs pour s(;s œufs qui, de fait, n'y sont pas très faciles à trouver. 11 n'en pond que deux ou trois, ayant un peu plus de d(!ux pouces de lonij; sui' nu pouce et demi de large. Ils ressemblent, pour la forme, à ceux de la poule domestique, et sont iWiw couleur de crème piile, manjués pres(pie ('gahnncîut partout de points, les uns d'un noir brunâtre, les autres plus clairs. Lors même (pfil ne hîs couve pas, l'Huîtrier veille sur eux avec tant de sollicitude, qu'à la vue seule d'un ennemi, il pousse le cri d'alarme et s'envole en I,'llUÎTRlKR A MAME.VU d' AMÉRIQUE. 123 ((tiiiiiaiit ciutour lie vous, inais toujours à une distance i('s|»ertuas. leni's dernières fdcs ont disparu. Le ji:osier, chez cet oiseau, peut au besoin s«^ dilater considérablement. Quand vous y introduisiez le doi^t, il passe sans <^ène dans une sorte de jabot où probable- ment les aliments sont })réparés avant de parvenir au jfésier, qui se compose* de muscles forts et nombreux. Mîiiiitenant , (pi'y deviennent les ])arties dures des co(|iiilles, les petits cailloux et autres matières sem- lilahles dont les aliments sont nK'Iani^és? C'est ce ([ue je ne puis absolument coniprendre; et je vous laisse volontiers le problème à résoudre. La chair est noi- i'ùtre, coriace, et ne peut se mang«;r que dans un cas (le n(''cessité extrême. Les femelles et les jeunes sont, en dessus, d'un brun olive, connue les mâles; mais cependant avec une teinte plus foncée. Jamais, dans aucune partie des Ëtats-Unis, je n'ai rencontré l'Huîtrier d'Europe {Ilœmatopus oslrale(jus), et sans pouvoir affirmer qu'il n'y existe pas, je serais porte'' à croire (pie Wilson et autres l'ont confondu avec notre espèce à manteau. Du moins la figure donnée; par Wilson ressemble à cdui d'Europe, quoique sa description de la femelle et (les jeunes, ainsi que leurs dimensions, se rapportent plutôt à la présente espèce. LA PERCllK BLANCIIK KT LKS I^LCREVISSES. Les eaux (h'-bordées, par suite des premières pluirs (lu |)i'inieuips, ne sont pas plutôt reutiées dans l(îur lit, et la tenijMM'ature sVst à peine radoucie^, ((u'on v(»it n(»s bois épanouir l(Mirs Itoutons el leurs tltîurs. CVst le moment où la Peiebe blanclie i[ui, dînant Tbiver. a véeudansl'Oeéan, commence ii reinonler les rivières pour cherclier les retraites bien connues auxcjuelles, la saison dernièn;, elle a confu» son frai. Son impétueux élan li'iompbe de la violeiice du Mississiju . donl le courant troubh' ne peut ce[)eiK!ant lui convenir. Ellf a litUe (rentrer dans Tun des innondirables atîlueiils qui, pacitiques v\ limpides, portent au fleuve majes- tueux le Iribut de leurs ondes. Parmi ces derniers, rOhio est un de ceux dont la pureté send>l(;surb)ul lui plaire; et c'est par troupes et en se jouant. (|ue nos légers poissons s'avanccMit, le long des rives, jusi[ii'ii ses principales sources. Sur les bancs caillouteux (»ii couverts de gravier, ils poursuivent leur proie; tantùt saisissant la moule rampante, et tantôt, avec la rapi- dité de la flèche, tombant sur un vaii on. D'autres fois, à la pointe d'un roc qui penche, ou simplement à côte d'une pierre, ils surprennent quelque écrevisse. Sur- tout pas d'aliments impurs! la grondeuse n'y touche LA rKRCHE BLWCHE ET LES l'iCREVISSES. 127 jamais; c'est |Mtur«)iioi. Irclciir, «i;jin lez- vous d'en ('l)iiisir (le tels pour ramoner; autrenuMit vous eu série/ pour votre |M'iue, itl vous auriez le désii^n'Mueut lie ne pas jouter de (;e poisson (h'Iieieux. Si donc vous n'iive/ pas rhal>itude d'une pareille jMVhe, rejçardcz ces gens qui sont lii, di'vant vous sur l(^ l'ivage, ils [iDiii'i'oiit vous donner une leron. Aucun soiitlle ne ride la surlace des eaux, \v ciel est clair, cl le courant s'en va doucement, sans l'aire peut- (Mic plus d'un mille a riiruic; le sih'uct! n^ne autour lie vous. Voyez: cliacpie p(\lieui* porte un panier ou une calebasse contenant iilusieurs ecrevisses vivantes; et chaque lii^ne. grosse connue une plume de conuulle, es! il peine longue d'ini stade. A l'un des bouts, deux liaiiKVoiis il [lercln' sont attacln's. de nuuiière à ne |i(iiivoir se nuMer enseud)le: (pielipies pouces jui-des- Sdiisdii point où se trouve le derniiîr, un |)oids d'en- viiTMi un quart de livre et percV' d'un trou dans sa Idiigiieur. passe sur la corde et se fixe, par un na'ud, à son exli'emilé. L'autre bout de la ligne tient sur le lionl, où vous observez cpie le tout est soigneusement eiiioiilé au ])ied du pêcheur. Mainieiuujt, à chaque hameçon, ou eidile une écrevisse ({u'on perce, pour œla, en dessous de la (pieue. en enfonçant la pointe (lu ter jusque dans la tête du pauvre animal, dont les pattes peuvent ainsi s'îigiter en toute liberté. Ah)rs, i3 pt^cheiir saisit sa ligne envii'on un mètre au-dessus des hameçons, la fait toui'iioyer plusieurs fois en l'air, et la lance, à toute volée, en travers de la rivière. Aus- sitôt qu'elle a touché le fond, mollement entraînée par 128 LA PERCHE BLANCHE ET LES itCREVISSES. le courant, elle Hotte d'abord de côté et d'autre, et finit par prendre le fil de l'eau Mais déjà je m'aper- çois que le poisson a mordu; le pécheur, pour le mieux piquer, donne une brusque secousse, et lentement ramène la ligne à soi. Perche infortunée, que te sert de plonger et de te débattre si péniblement? Ils n'au- ront aucune pitié de toi, et l'on va te jeter sur le sable pour t'y laisser longuement sentir le frisson de la mort. Ah ! j'en vois deux à cette ligne, là-bas, et des belles, s'il vous plaît; Cependant, d'ordinaire, il no s'en prend qu'une à la fois, et encore, nombre d'amorces sont enlevées par d'autres habitants des eaux plus rusés. Quels magnifiques poissons ! comme leurs écailles brillent en dessous d'un vif éclat d'argent, quelles riches couleurs en dessus, et quel œil superbe! En deux ou trois heures, chaque pécheur en a tout ce qu'il peut désirer; il enroule sa ligne, accroche une demi- douzaine de ces perches de chaque côté de la selle, enfourche son cheval, et reprend joyeusement le che- min de la maison. C'est de cette manière qu'on prend la Perche blan- che, le long des rives sablonneuses de l'Ohio, depuis son embouchure jusqu'à sa source. Dans beaucoup de lieux, notamment au-dessus de Louisville, les pêcheurs préfèrent se servir de la ligne dormante. Dans ce cas, on amorce plus souvent avec des moules qu'avec des écrevisses, peut-être simplement parce que ces der- nières sont plus rares que vers le bas de la rivière. On prend aussi un grand nombre de Perches à la seine, surtout quand les eaux viennent à croître pour quel- LA PERCHE BLANCHE ET LES ÉCREVISSES. 129 ques jours; mais on ne p^cho guère ù la gaule, parce que ces poissons se tiennent généralement au long des bancs de sable,, près des endroits profonds. Comme tous les autres individus de son genre, la Perche blanche recherche, pour déposer son frai, les lits de fin gravier que recouvrent cinq à six pieds d'eau. Ces lits sont ronds avec un rebord formé du sable qu'elle tire du milieu, en le creusant de deux ou trois pouces. D'ha- bitude elle reste quelques jours à veiller sur son trésor, sans le garder toutefois avec cette tendre sollicitude que nous avons admirée chez le petit poisson soleil ; au contraire, elle s'en éloigne à la moindre apparence de danger. Souvent j'ai pris plaisir à laisser flotter mon canot au-dessus de ces espèces de couches, quand l'eau était assez claire pour me permettre de voir et le pois- son et le nid où reposent les œufs ; mais dès que le soleil brillait, l'ombre môme du bateau le faisait fuir. Je suis porté à croire, sans en être cependant certain , qu'il rentre, pour la plupart du temps, dans l'Océan, vers le commencement de novembre. La longueur de ce poisson, qu'on appelle dans l'Ohio la Perche blanche, et dans l'État de New -York, la grondeuse, est communément de quinze à vingt pouces. J'en ai vu cependant de beaucoup plus fortes. Le poids varie depuis une jusqu'à quatre et même six livres. Six semaines après leur arrivée dans les eaux douces, elles sont dans leur vraie saison : la chair en est alors blanche, ferme et excellente ; mais durant les chaleurs fie l'été, elles deviennent maigres et sont rarement bonnes à manger. Quelquefois, cependant, dans les n. 9 180 LA PERCHE BLANCHE ET LES ÉCREVISSES. derniers jours de septembre, j'en ai goûté dont la chair me paraissait de même qualité qu'au printemps. L'une des habitudes les plus remarquables de cette Perche est celle qui lui a valu son nom de grondeuse. Quand elle se balance dans l'eau, près du fond d'une barque, elle fait entendre une sorte de murmure sourd qui ressemble assez à un gro^çnement. Dès qu'on fait le moindre bruit dans le bateau, en frappant au fond ou sur le bord, il cesse à l'instant même, pour recom- mencer quand tout est redevenu tranquille ; mais on ne l'entend d'ordinaire que quand le temps est calme et beau. La Perche blanche ne mord à l'appât qu'avec de grandes précautions; et très souvent elle l'en lève sans se prendre. Aussi faut-il beaucoup d'adresse pour la piquer; et si vous la manquez la première fois qu'elle touche à l'hameçon, il est probable qu'elle n'y reviendra plus. J'ai vu à l'œuvre des mains novices qui, dans tout le cours d'une matinée, ne réussissaient qu'à en attra- per une ou deux, en perdant peut-être vingt écre- visses. — Maintenant que je vous ai mis au courant de quelques-unes des particularités qu'offre l'histoire de la Perche blanche, laissez-moi vous dire un mot de ses amorces favorites. On ne peut certes pas prétendre que l'Écrevisse soit un poisson, bien que ce soit par ce nom que d'ordi- naire on la désigne ; et comme chacun connaît sa forme et sa nature, je vous tiens quitte, à cet égard, de plus amples explications ; mais du moins on peut dire que c'est un beau crustacé qui, par son importance, doit, LA PERCHE BLANCHE ET LES ÉCREVISSES. 131 de même qiio tous ceux de sa famille. Hre considéré comme de premier ordre. Quant à moi, les Ëcrevisses d'eau douce ou d'eau salée, dépouillées de leur cara- pace, m'ont toujours paru figurer merveilleusement dans un potaj^e. Bouillies ou rôties, je ne les estime pas moins; et vous-même, lecteur, qu'en pensez-vous? Celles dont je parle plus spécialement abondent dans toutes les parties de l'Union ; on les trouve nageant, rampant au tond des eaux ou sur le rivage, et travail- lant à creuser leur trou bourbeux. Si je ne me trompe nous en avons deux espèces, dont l'une se plaît bien plus que l'autre dans les ruisseaux caillouteux, et est de beaucoup la meilleure, (|uoi([ue l'autre ne soit pas, tant s'en faut, à dédaigner. Toutes les deux nagent en donnant do forts coups de queue ([ui les poussent, à reculons, à une distance considérable. Je n'ai qu'un reproche à adress(3r à ces animaux, c'est d'être absolu- ment de petits vautours aquatiiiues, ou, si vous l'aimez mieux, des crustacés à mœurs de vautour. Ils font ventre de tout, frais ou non, du moins lorsqu'ils n'ont pu se procurer autre chose ; aussi peut-on en prendre autant qu'on veut, simplement en attachant à une corde un morceau de viande qu'on laisse un moment dans l'eau ; ensuite on n'a qu'à le retirer avec une certaine précau- tion, et en le soulevant avec un filet, on est certain d'amener en môme tenqis plusieurs Écrevisses sur le rivage; mais ce procédé, d'ailleurs excellent, n'est bon que pour celles qui vivent dans les eaux courantes. La forme de ces dernières est délicate, leur couleur oli- vâtre, et leurs mouvements sont très actifs. Les autres. 132 LA PERCHE BI.ANCHE ET LES ÉCREVISSES. plus lourdes, d'un brun grisâtre, paraissent moins alertes dans l'eau que sur terre, quoique étant bien de véritables amphibies. Les premières se cachent sous les rochers, les pierres ou les plantes aquatiques ; les autres se font un trou dans le sol humide, eu rejetant à côté les matériaux, comme lorsqu'un homme creuse un puits. Ces trous sont plus ou moins profonds, suivant la nature du terrain ; cela dépend également de la séche- resse croissante du sol, augmentée par la chaleur de l'été, et enfin de la composition des diverses couches. Par exemple, dans les endroits où l'Écrevisse peut atteindre l'eau au bout de quelques pouces, elle reste là, pendant le jour, sans pousser plus avant, et se met en route, quand vient la nuit, pour chercher sa nourri- ture. Toutefois, lorsqu'elle se trouve à sec, elle recom- mence à piocher; et c'est ainsi que, tandis qu'un trou n'a quelquefois que cinq ou six pouces de profon- deur, un autre peut avoir deux, trois pieds et môme plus. Dans le premier cas, on la déloge facilement; mais lorsque le trou est profond, il faut se servir d'une ficelle à laquelle on attache un morceau de viande; l'Écrevisse mord avidement à l'appât, «alors on la tire petit à petit, et on s'en empare sans plus de cérémonie. L'Ibis blanc s'y prend d'une autre façon: ayant remar- qué ces petits tas de boue, qu'elle établit en forme de rempart autour de son trou , il s'en approche douce- ment, puis commence à démolir la construction par le haut, et en rejette les fragments dans la cavité où se tient l'animal. Cela fait, il se retire à l'écart, et attend LA PERCHE BLANCHE ET LES ÉGREVISSES. 153 patiemment le résultat. L'Écrevisse, incommodée par le poids de la terre, veut immédiatement réparer le dégât, et monte, aussi vite qu'elle peut, à l'entrée de sa retraite; mais, à l'instant où elle paraît, l'Ibis est là qui l'arrête d'un coup de bec. Jugez maintenant quelle est la méthode la plus ingénieuse de celle de l'homme ou de celle de l'oiseau. Cette espèce est abondante au bord des lacs stag- nants et des étangs de nos districts méridionaux. J'en ai même vu prendre dans les rues des faubourgs, à la Nouvelle-Orléans, après de grandes pluies. Elles cau- sent d'énormes dommages en perforant les chaussées et les écluses, et sont souvent maudites par les meu- niers, les planteurs, et même par les inspecteurs des digues qu'on élève au long du Mississipi. Mais, après tout, ce sont de curieux petits animaux, créés, sans aucun doute, dans un but utile, et, tels qu'ils sont, très dignes assurément d'être connus. LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, ou CRUE BLANCHE D'AMÉRIQUE. Les teintes variées du feuillage annoncent que les derniers jours d'octobre sont arrivés; le ciel se charge de sombres nuées, les vents du nord soufflent par 184 LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, rafales, et comme heureux d'échapper enfin aux ré- gions glacées qui leur ont donné naissance, ils se jouent avec un redoutable mupfissement paj-mi les arbres et dans les clairières de la forêt, et chassent devant eux des ondées de givre et de neige qui. par intervalles, couvrent la terre. Le laboureur soigneux rasscîmble ses troupeaux pour les mettre iiTabri ; le voyagcîur accepte de grand cœur Thospitulité de riiabitant des bois; il s'assied à son foyer cpii pétille, et prend ])laisir ii con- templer les divers travaux de ses hôtes diligents. C'est le moment où le bûcheron se prépare à son long voyage, où le trappeur cherche les retraites de l'in- dustrieux castor, et où llndien à jieau rouge fait ses dispositions pour les chasses de Thiver. Déjà, vers le sud, les oies et les canards sont arrivés sur les étangs; de temps à autre, on aperçoit un ou deux cygnes poursuivant leur migration au sein des airs; et tandis que l'observateur de la nature se tient l'esprit attentif aux apparences et aux changein{3nts de la saison . de là-haut parvient à son tDreille le cri des Grues qui passent rapides, sans que son œil puisse encore les voir. Mais soudain l'atmosphère s'est éclaircie et la troupe errante apparaît. Graduellement elles descendent, met- tent en ordre leurs longues lignes, et se disposent à toucher terre. Le cou tendu, leurs grandes jambes osseuses en arrière, elles s'avancent, portées par leurs ailes blanches comme la neige, et que termine une pointe d'un noir lustré. Les voilà qui planent au- dessus de l'immense savane; elles tournoyent, s'appro- chent lentement du sol, puis, les ailes à moitié fermées ou GRUK BLANCHE d' AMÉRIQUE. 135 et allongeant les pieds, elles s'abattent, ayant soin de faire (|uel(|ues pas en courant , pour amortir la violence (lu choc. Maintenant elles se secouent bruyamment et rajustent leur plumage. Fiers de la beauté de leurs formes, plus fiers encore de leur vol si puissant, voyez-les, ces ma- jestueux oiseaux, fouler les berbes flétries et marcher à pas comptés, de l'air imposant d'un chef superbe. lis poitent haut la tête, leurs yeux brillent de plaisir: c'est que le grand voyage est fini ; c'est qu'ils sont de retour au pays bien connu que si souvent ils ont visité, et où ils vont, sans perdre de temps, se préparer pour passer l'hiver. ('es Grues arrivent dans les États de l'Ouest vers le milieu d'octobre ou le commencement de novembre, par trou[)es de vingt à trente individus, et quelquefois enuombre double ou triple, les jeunes se tenant à part, mais suivis de près par leurs parents. Elles se répan- dent depuis rillinois, en franchissant le Kentucky et tous les États intermédiaires, jusqu'aux Carolines, aux Florides, à la Louisiane et même aux frontières du Mexique. C'est dans ces diverses contrées qu'elles doi- vent séjourner pendant l'hiver, attendant, pour repar- tir, d'ordinaire le milieu d'avril, ou les premiers jours de mai. On les trouve au bord des vastes étangs où abondent de hautes herbes, sur les champs et les savanes, tantôt au milieu des bois ou dans les maré- cages d'une grande étendue. L'intérieur des terres et le voisinage des rives de la mer leur conviennent éga- lement bien, aussi longtemps, du moins, que la tem- 136 L\ GRUE AU CRI RETENTISSANT, pérature s'y maintient assez élevée; mais dans les États du centre, on en voit rarement ; et à l'est, on ne les connaît pas. En effet, toutes leurs migrations s'accom- plissent par le milieu des terres, et c'est ainsi qu'elles quittent et regagnent leurs retraites du nord où, dit- on, elles nichent et passent l'été. Pendant qu'elles émigrent, elles semblent voyager de nuit comme de jour, car très souvent je les ai vues le jour et entendues la nuit, tandis qu'elles se rendaient à leur destination. Que le temps soit calme, ou la tempête déchaînée, peu leur importe; la force de leurs ailes leur permet de se jouer des caprices du vent. J'en ai vu qui précipitaient leur vol au milieu de l'ouragan le plus furieux, et se dirigeaient tantôt haut tantôt bas, avec une dextérité surprenante. Parfois, les membres d'une même troupe se forment en triangle aigu; ou bien ils volent en longue file, puis se mêlent confusément ou s'alignent sur un front étendu; mais quel que soit l'ordre qu'ils gardent en avançant, chaque oiseau fait entendre tour à tour sa note sonore, qu'il répète de la même manière en cas d'alarme. Tant qu'ils restent avec nous, c'est également toujours par troupes qu'on les rencontre. Maintenant , lecteur, permettez-moi de me reporter à mon journal, d'où j'extrairai, relativement à ce remarquable oiseau, certains détails que, je l'espère, vous ne jugerez pas sans intérêt. Ijouisville, État de Kentucky, mars 1810. — J'ai eu le plaisir de conduire Alex. Wilson à quelques étangs éloignés de plusieurs milles de la ville, et là, je lui ai montré nombre d'oiseaux de cette espèce dont jusqu'ici ou GRUE BLANCHE d'aMÉRIQUE. id7 il n'avait encore vu que des échantillons empaillés. Je lui ai dit que les sujets blancs étaient des adultes , et les gris des jeunes. Wilson, dans l'article qu'il consacre à cette Grue, ne manque pas de faire allusion à ce fait; seulement, ici, comme en d'autres circonstances, il oublie de dire au lecteur d'où lui est venue l'infor- mation. Ilendersoriy 11 novembre 1810. — La Grue est arrivée, vers le 28 du mois dernier, au long étang, où. j'en ai vu deux troupes de jeunes ; il y en a aussi une d'adultes sur le petit étang. Les unes et les autres se sont mises immédiatement à fouiller dans la boue, les eaux de pluie commmençant à peine à couvrir ces bas-fonds qui, dans l'été, sont tout à fait à sec. Elles travaillent résolument de leur bec, et parviennent à déterrer les racines des grands lis d'eau, qui souvent s'enfoncent à une profondeur de deux ou trois pieds. Plusieurs Grues sont ensemble dans le môme trou, bêchant après les racines et autres substances qu'elles finissent par découvrir, et qu'elles mangent avidement. Tandis qu'elles travaillent, on a chance de les approcher; en effet, comme elles baissent la tête, elles ne peuvent vous voir; et en attendant qu'elles la relèvent de temps en temps, pour examiner ce qui se passe aux environs, vous pouvez vous avancer à portée de fusil. Je remar- quai que pendant qu'elles étaient à l'ouvrage, elles gardaient le plus parfait silence. Je me tenais caché derrière un gros cyprès, à une trentaine de pas d'une de ces troupes ainsi occupée; chaque oiseau était enfoncé, comme je l'ai dit, dans les grands trous qu'ils 138 LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, avaient creusés; et, de cette distance, ils me faisaient l'effet d'une bande d'ours ou do cochons «lans les lieux oiî ils aiment k se vautrer; je ]>ouvuis niônie distinguer la couleur de leurs yeux, ([ui sont bruns chez les jeunes, et jaunes chez les adultes. Après les avoir observées à loisir, je sifflai; et aussitôt toutes relovî'rent la télé pour voir do (pioi il s'ii<(issiiit. L'occasion était trop belle, je ne pus résister à la tentation; d'autant moins que plusieurs de ces oiseaux avaient leurs cous si raj)- prochés, que j'étais siir d'en tuer plus d'un. En consé- quence, au moment mémo où leurs derniers cris d'alarme retentissaient, et où je les voyais prêts à se remettre a l'ouvrajs^e, je tirai. Deux seulement, à ma grande surprise, s'envolèrent en descendant l'étang, et se dirigèrent vers moi; do mon second coup, je les abattis. Ym allant au trou, j'en trouvai sept, (belles qui étaient dans les autres trous, plus au loin, s'enlevèrent en criant, et ne reparurent pas de l'après-midi. Il ne leur avait fallu qu'une semaine pour retourner la terre et labourer profondémcjnt toutes les parties sèches des étangs. Dès que les creux sont remplis par les grandes pluies, les Grues les abandonnent et se retirent en d'autres lieux. Natchez , novembre 1821. — Les Grues fré- quentent maintenant les champs de blé, de pois et de pommes de terre, en même temps que les plantations de coton. Elles se nourrissent de la graine des pois et déracinent les pommes de terre , dont elles paraissent très friandes. Dans les endroits humides, elles attrappent des insectes aquatiques, des crapauds, ou GRUE BLANCnB D'AMÉRIQUE. 139 des grenouilles ; mais je no leur ai jamais vu prendre de poissons. liayou-Sara, 12 avril 1822. — Tontes les Grues ont (|iiitt«'' les cliamps, pour fia^ïner les marais et les lacs de l'intérieur. J'en ai vu quelques-unes prendre de jeunes «ifrenouilk's nui^issantes, des lézards et des ser- pents d'eau, et jus(|u'ù de jeunes îdliifatoi's. L'une d'elles aniéme attaipié une tortue ([ui, ctîpendant, est parvenue iis'éehapper. L'Ibis des bois ne va pas avec ces oiseaux, qui le chassent et le poursuivent dans l'eau justju'au ventre. 10 awil. — J'ai vu neuf do ces Grues, adultes et dans toute la beauté de leur ])luniaiîe; elles étaient autonr d'un tronc d'ai'bre couche'' par terre , à environ 20 mètres do l'eau, et fort occupj'es à d«''truire une bande de jeunes alligators (jui, probablement, avaient cherché à se sauver en se cachant sous la souche. J'ai tiré dessus, mais sans beaucoup d'elfet, car elles se sont toutes envolées; cependant je crois en avoir blessé lieux. Auprès de la souche, j'ai trouvé plusieurs j 3unes alligators de 7 à 8 ])ouces tle loni^, et dont le crâne était brisé d'un seul coup de bec ; ceci me donne à penser que ces oiseaux font un grand massacre d'animaux avant d'en manger aucun, comme nous avons vu que c'était la coutume de l'Ibis des bois. Cette après-midi, j'ai vu quatre jeunes Grues ([ui laboia'aient la terre, en cherchant des écrevisses. L'une a pris un papillon qui voltigeait près d'elle et l'a de suite avalé. Du reste, ces oiseaux ne cherchent leur nourriture que pendant le jour, et de temps à autre, ils mangent iÛO LA CRUE AU CRI RETENTISSANT, aussi des taupes, des niul(»ts, et parfois môme à ce que je pense, des serpents d'assez grande taille. J'en ai ouvert un qui avait dans l'estomac un serpent jarre- tièrcî de plus de (juinze pouces de long. Ils sont exti'(^!neinent farouches, et parfois, il ne faut rien moins cpie toute la ruse d'un chasseur indien pour mettre (mi d(''faut leur surveillance, surtout quand il s'agit de vieux oiseaux. Doutas d'une vue très per- çante, ils ont l'ouïe d'une merveilleuse finesse : cher- chez à vous approcher d'eux, même à la distance d'un quart de mille ; qu'une petite hranche craciue sous vos pieds, ou simplenKMit armez votre fusil; aussitôt ils vous voient, ils vous entendent; à l'instant toute la troupe lève la tête, et le signal du départ est donné. Fermez derrière vous la barrière d'un champ; de ce moment, vous êtes découvert, et vous ne ferez plus un seul mou- vement qui ne soit épié. Une fois qu'ils ont reçu l'éveil. vous aurez beau tenter de les joindre en rampant parmi les grandes herbes, c'est inutile; à moins que vous ne vous couchiez à plat pour les attendre, sans bouger ni souffler mot, ou que vous ne vous teniez tapi sous quelque arbre touffu, un tas de broussailles ou derrière une grosse souche, vous ferez aussi bien de rester chez vous. En général, ils vous voient longtemps avant que vous les ayez aperçus vous-même, et tant qu'ils croient que vous ne les avez pas remarqués, ils demeurent silencieux ; mais, si par mégarde ou autre- ment, vous leur donnez à connaître que vous les savez là, sur le champ leur cri d'alarme vous avertit que vous ne devez plus compter sur rien; pour moi, j'aimerais ou tinUE ULANCriE D'AMÉRIQUE. 141 aiitunt essayer do prendre un daim à la course, que de tiioi' une Grue qui est ainsi sur ses ^^ardes. Quelquefois, aux approches ilu printemps. lors((u'elles so disposent à retourner aux lieux où elles doivent nicher, le cri (l'une seule sullit pour eflaroucher et taire fuir toutes les autres à un mille à la ronde. Dans ce cas, elles se réunissent en une jurande troupe, s'eidèvent. f^n'aduel- leineiit en d(''cri\ant une spirah?, montent à une hau- teur innnense et partent en droite lijijne. Lorsqu'on a blessi* un de ces oiseaux, il ne faut s'en approcher qu'avec précaution, car leur bec peut faire de cruelles blessures. Je le sais par expérience, et donne avis à tout chasseur de ne pas oublier derrière soi son fusil, quand il veut poursuivre quelqu'une de ces Grues qu'il a frappt'e. Une après-midi, pendant l'hiver, des- cendant le Mississipi pour aller à Natchez, j'en aperçus plusieurs posées sur un large banc de sable. Aussitôt, prenant ma carabine et des munitions, je sautai, du bateau plat, dans un canot, en recommandant à mes hommes de ne pas me perdre de vue, à cause de la rapidité du courant que le banc de sable, en cet endroit, resserrait et rendait dangereux. Je saisis donc la pa- [îaie, et tout en me dirigeant vers le rivage, je remar- quai qu'en m'y prenant bien, je pourrais m'approcher des Grues, sous le couvert d'un gros arbre échoué près du bord. Bientôt je débarquai, amarrai mon canot, et me mis à ramper de mon mieux, en poussant mon arme devant moi. Arrivé au tronc d'arbre, je levai tout doucement )a lète, et de derrière une branche qui me cachait, je vis les Grues qui n'étaient pas à plus de 142 LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, cent mètres. J'ajustai très l)ien, du moins je le crus, car l'extrême; désir ijue j'avais de faire valoir, devant les bateliers, rexcelleiice de mon coup d'œil, le rendait peut-être moins sùv ([u'à l'ordinaire, et je tirai. Les Grues épouvantées s'envolèrent toutes, moins une qui fit quelques sauts eu l'air, mais retomba de suite, et se mit à courir çà et là, en traînant une aile. Quand je fus debout, elle m'aperçut, j'imaiçine, pour la première fois, car elle conmiença à pousser de cfrands cris et à se sauver avec la rapidité d'une autruche. Moi, laissant là ma carabine décharijfée, je n'eus rien de plus pressé que de partir à ses trouss(;s, et sans doute elle m'eût échappé, s'il ne se fût rencontré par hasard une pile de bois, près de laquelle elle se retrancha et m'attendit. Quand je voulus m'en approcher, haletante et épuist'e comme elle était, elle se redressa de toute sa hauteur sur ses loniijur's jambes, étendit le cou, hérissa ses plu- mes qui fn'îniirent, et marcha sur moi le bec ouvert, les yeux étincelants de colère. Je ne puis vous dire si ce fut, chez moi, l'etret d'un abattement inusité, ou d'une extrême fatigue ; mais toujours est-il que je ne me sentis nullement dhumeur de me mesurer avec mon adversaire, et que je ne songeai qu'à battre en retraite, sans cependant le i[uitter des yeux. Plus je reciileais, plus la Grue avançait; tant et si bien, que je lui tournai enfin les talons, et connnençai à jouer des jambes, en fuyant plus vite que je n'étais venu. La Grue me pour- suivait toujours, et je fus bien heureux d'atteindre la rivière où je me jetai jusqu'au cou, en appelant les hommes du bateau qui vinrent, en toute hâte, à mon ou GRUE BLANCHE d'aMÉRIQUE. 143 secours. Le maudit oiseau ne cessait cependant de me lancer des regards furieux ; entré lui-même dans Teau jusqu'au ventre, et stîulement à quelques pas de moi, il m'adressait de Itàde jijrands coups de bec, et ne quitta la place que quand il vit approcher les rameurs. Vous vous imaginez sans peine combien ma triste position dut leur donner à rire. Néanmoins la bataille fut bientôt terminée; un ou deux coups d'aviron sur la tête me débarrassèrent de mou antagoniste à plumes, et sans autre encombre, nous pûmes l'emporter à bord. Durant mon séjour aux Florides, je ne vis qu'un petit nombre do ces oiseaux vivants ; mais on m'en montra beaucoup que des F^spagnols et des Indiens avaient tués pour leur chair et leurs belles plumes dont on fait des éventails et des chasse-mouches. L'hiver, il n'en reste aucun dans ces contrées; et Will. Bartram, qui dit le contraire, doit avoir confondu cette espèce avec l'Ibis des bois. Les jeunes sont beaucoup plus nombreux que les adultes, et c'est cette particularité qui probablement a fait croire à certains naturalistes que les premiers con- stituaient une espèce distincte à laquelle ils ont donné le nom de Grue du Canada. Suivant les circonstances, ces oiseaux passent la nuit tout simplement par terre, ou se perchent sur de grands arbres. Dans ce dernier cas, ils quittent les lieux où ils cherchaient leur nourriture, environ une heure avant le coucher du soleil, et se retirent en silence dans l'inté- l'ieur des forêts où ils choisissent les arbres les plus élevés pour se poser, d'ordinaire à six ou sept, sur la ihk LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, même branche. D'abord, ils emploient une demi -heure à s'arranger les plumes, et pendant ce temps restent tout droits; ensuite, ils s'accroupissent sur la branche, à la manière du dindon sauvage, et quant ils sont dans cette posture, on en tue quelquefois au clair de lune. Ceux qui se retirent dans les plantations, au voisinage des grands marais couverts de hautes herbes, de queues de chat (1) et autres plantes, s'établissent pour la nuit, sur quelque monticule où ils se tiennent sur une seule jambe, ayant l'autre ramenée sous le corps, et la tête cachée par les plumes de l'épaule. Au matin, lors- qu'ils se renvoient, plus ou moins tôt, selon le temps, ils crient comme d'habitude, mais d'une voix sourde et beaucoup moins forte. S'il fait froid, et que le ciel soit clair, ils repartent de très bonne heure ; mais quand il fait chaud et qu'il pleut, ils n'abandonnent leur re- traite que tard dans la matinée. Au soir, leurs mouve- ments sont déterminés par les mêmes circonstances. Pour s'enlever de terre, ils font quelques pas en cou- rant, volent bas, pendant trente ou quarante mètres; puis montent, en décrivant des cercles qu'ils mêlent et confondent de toutes les manières, comme c'est l'habi- tude pour les vautours, les ibis et d'autres oiseaux. Si on les surprend, et qu'on tire dessus, ils poussent alors des cris perçants que je ne puis comparer au son d'aucun instrument que je connaisse. Je les ai entendus d'une distance de trois milles, au commencement du prin- ■ {i)Cat''s-tail. C'est le Typha ou MasseUe, qu'on appelle aussi queuû de renard» ou GRUE BLANCHE d'aMÉRIQUE. 145 temps, lorsque les mîiles font la cour aux femelles, ou qu'ils se battent entre eux. C'est une sorte de kewrr, hewrr,kewrooh;ei, si étranges et si rauques qu'ils parais- sent, mon oreille les a toujours écoutés avec plaisir. En décembre 1833, j'envoyai mon fils à Spring- Island, sur la côte de Géorgie, où ces Grues ont l'habi- tude de séjourner chaque hiver. M. Hammond, le pro- priétaire de l'île, le reçut avec cette bienveillante cordialité qui distingue les planteurs du Sud. Les Grues abondaient; on en trouvait sur tous les champs de pommes de terre, qu'elles fouillaient avec non moins d'adresse que les nègres eux-mêmes; on les voyait explorer avec soin chaque sillon, le sonder de leurs pieds et de leur bec, à la manière des bécasses et bécas- sines, et quant elles avaient frappé sur quelque tuber- cule, en écarter la terre, l'arracher, et enfin le manger par petits morceaux. C'est ainsi qu'elles s'en allaient, sur la surface entière du champ, glanant toutes les pommes de terre qui avaient échappé aux cueilleurs. Cependant, elles étaient si farouches, que mon fils, malgn'^ les plus grandes précautions, et bien qu'il eût la main prompte et le coup d'oeil bon, ne put jamais en tuer qu'une jeune. Je la reconnus pour être de l'an- née, à sa couleur d'un brun rougeàtre, aux longue? plumes qui commençaient à paraître sur le croupion, et enfin à ce que la tête était encore couverte d'une sorte de poils entre lesquels se voyait la peau ridée si remarquable chez les vieux oiseaux de cette espèce. Ce jeune sujet, du reste, fut soigneusement étudié et décrit, et la peau est maintenant au musée britannique II. 10 146 LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, à Londres. La chair en était tendre, juteuse et excel- lente. J'en dirai autant de toutes celles de cet âge dont j'ai goûté, et qui sont réellement un mets délicat, aussi longtemps, du moins, qu elles portent leur livrée brune, et alors même que les taches blanches commencent à se montrer. Mais la chair des vieilles devient noire, coriace, et tout à fait impropre pour la table, n'en déplaise aux Indiens séminoles ([ui leur font la chasse. En captivité, cette Grue s'apprivoise très bien, et ,se nourrit volontiers de grain et autres substances végé- tales. M. Magwood, de la Caroline du sud, en garda une quelque temps, à laquelle il ne donnait que du maïs. Par accident, elle se blessa au pied en marchmit sur une écaille d'huître; et malgré tous les soins qu'on lui prodigua, elle périt, après avoir langui deux ou trois semaines. Moi-même, j'en ai eu chez moi une vivante. et voici ce que j'ai pu observer de ses mœurs : Elle était presque entièrement venue, quand elle me fut donnée, et son plumage passait du brun grisâtre au blanc. C'était un présent du capitaine Clarck comman- dant du sloop de guerre VÉrié. Blessée à l'aile, sur la côte de la Floride, on lui avait amputé le membre frac- turé, et bientôt elle guérit. Pendant un voyage de trois hiois, elle s'apprivoisa parfaitement, et par sa gentil- lesse et sa familiarité, devint la favorite de l'ckpiipage. — Je la plaçai dans ma cour, en compagnie d'une belle oie de neige (1); c'était à Boston. Elle se montrait si douce, que je pouvais la caresser avec la main. Son (l) Amn hyperhorens. où GRUE BLANCHE d' AMÉRIQUE. 147 ^^rand plaisir t^tail do chercher des \ers et des chenilles flans une pile de bois qui se trouvait là, et dont elle sondait chaque trou avec autant de soin et de dextérité que le pic à bec d'ivoire. Parfois aussi, avec la patience fl'un chat, elle guettait k»s mouvements de quelques souris qui avaient (Habli leur domicile aux environs. Du premier coup elle les tuait, les avalait d'un seul morceau ; et tant et si bien elle en prit, qu'elle les extermina toutes, l'une après l'autre. Je la nourrissais. (Ml outre, de blé, des restes de la cuisine auxcpiels j'ajou- tais (\u pain, du fromage et même des pommes. On lui avait donné de la paille, pour l'empêcher de se salir les pieds; elle la prenait dans son bec et l'arrangeait autour d'elle en rond, comme i)our fair(> un nid. Par- fois, elle restait des heures entières sur une seule jambe, dans une posture très gracieuse ; mais ce ipii me parais sait surtout cui'ieux, c'est ipiil y avait une jambe dont elle se servait de prt'férence. ou plutôt exclusivement, car personne de la maison ne i)ut jamais la voir se tenir ainsi sur l'autre, (x'tte habitude se rattachait pro- bablement à la mutilation de son aile, la jambe dont olle faisait usage correspondant au côté blessé. Le moi- t^non de l'aile send)lait l'incounnoder beaucoup, et par- ficulièrenKMit à l'approche de l'hiver. Elle h('M'issait et ramenait ses plumes tout autour et rul)ritait avec tant (le soin, cpie véritabkMuent j'en soutirais pour la pauvre bète. Quand le froitl devenait trop vif, elle se reti- rait régulièrement, au soir, sous un {)assage couvert où elle restait pendant les heures de la nuit; mais elle n'y entrait jamais qu'avec une répugnance marquée, et 148 LA GRUE AU CRI RETENTISSANT, seulement alors que tout était tranquille et qu'on n'y voyait presque plus. Qu'il y eût ou non de la neige sur la terre, elle ne manquait pas d'en ressortir à la pre- mière lueur de l'aube. Par moments, elle se mettait à courir, en étendant la seule aile qui lui restât, puis fai- sait plusieurs sauts en criant, comme inquiète et dési- reuse de s'en retourner au séjour de la liberté; ou bien, elle regardait vers le ciel, et semblait appeler à grands cris quelque connaissance passant là-haut dans les airs; mais elle reprenait son ton de voix ordinaire, chaque fois que sa camarade, l'oie de neige, faisait entendre son propre signal. Rarenient avalait-elle un morceau sans le porter auparavant à l'eau où elle le plongeait plusieurs fois, et même elle se serait dérangée d'assez loin tout exprès pour cela. L'hiver fut très rude, puisque le thermomètre, dans certaines matinées, des- cendit jusqu'à dix degrés: cependant elle n'en engraissait pas moins et semblait se porter parfaitement. Le natu- rel soupçonneux était si fort chez elle, que je la voyais s'approcher à pas lents de quelques feuilles de chou, les regarder de côté l'une après l'autre, avant d'y tou- cher; et quand après tout, il lui arrivait par mégarde d'en lancer quelqu'une en l'air, en voulant la déchirer, aussitôt elle se sauvait, comme si l'ennemi eût été à ses trousses. Je n'ai point eu la satisfaction de voir, par moi- même, les lieux où nichent ces Grues; mais je sais qu'elles ont souvent des petits, longtemps avant l'entier développement de leur plumage. Celles dont mon excellent ami, le prince Charles Bonaparte, a cru devoir ou GRUE BLANCHE d' AMÉRIQUE. 149 faire «ne espèce à part [Àrdeapealii) s'accouplent, ainsi qu'il arrive souvent pour l'aipfle à tête blanche, entre individus dont les uns, non encore complètement venus, portent une livrée blanc de nei^e, tandis que les adultes sont d'un pourpre bleu-grisâtre. Les jeunes de VArdea cœrulea ont été aussi considérés quelque temps comme une espèce distincte, parce qu'ils sont blancs d'abord, puis bleus et blancs, et finalement d'un bleu fonc(\ Mais c'est surtout l'Ibis écarlate qui nous offrirait un remarquable exemple des changements que l'âge fait subir au plumage des oiseaux. Dans mon humble opinion, j'estime, qu'à moins qu'ils ne soient primitivement que d'une seule couleur, laquelle, malgré ses variations, continue toujours de rester uniforme, on ne doit guère s'arrêter au x nuances successives que revêt leur plumage, pour établir un caractère spécifique. Je remarque encore que la force extraordinaire des cuisses, des jambes et des pieds, dans notre Grue, tend à en faire un oiseau beaucoup plus terrestre que les hérons. La grandeur et l'élévation des narines, presque en tout semblables à celles des vautours, se trouvent très propres à garantir l'intérieur de l'organe de la terre et des autres matières avec lesquelles il serait en contact, lors pi'elle cherche dans le sol ou la boue les racines et les substances végétales qui composent sa principale nourriture. Je suis convaincu également que cette espèce n'est complètement venue et dans toute sa beauté, qu'à la quatrième ou cinquième année. Durant la saison des amours, sa parure devient plus brillante; elle est rehaussée parle rouge des parties charnues de ^50 LA GUUE AU CUl RETENTISSANT. la tête, tît pur la ('(Hiiciir du boc (|ui, dv. uirnie ([lie celui du ibu et de l'ibis blanc, prend alors un éclat inaccou- tumé. UNE CHASSE AU RATON DANS LE KENTUCKY. Le Raton, animal fin et rusé, se rencontre dans cha- cun de nos bois. 11 n'est pas un entant, dans les l^^tats- Unis, à qui son nom ne soit familier. (Vest un grand mangeur d'oiseaux de toute esi)èc(;; il n'en épargne aucun de ceux ciu'il peut capturer durant ses courses nocturnes, et se repaît avidement de leur chair. Je ne crois donc pas sortir de mon sujet, en vous donnant quelque idée du jdaisir ([ue l'on trouve à le détruire, dans nos contn'es de l'ouest; et si vous permettez, cher lecteur, nous allons partir pour ce ([ue, dans le langage du pays, on appelle une chasse au Ton. Depuis quelques heures à peine, le soleil a disparu dans l'occident lointain ; les chantres de la forêt ont regagné leurs l'etraites; la matrone, ayant couché sou bambin, vient de reprendre ses fuseaux; l'habitant des bois, ses garçons et Vétranger babillent devant un hou feu, en faisant toutes soi'tes de sages réflexions sur les événements passés, et aiiticîipant sur ceux qui sont à venir. L'automne, sombi'e et ti'iste, courbe déjà la tète UNE CHASSE AU RATON DANS Lli KENTUCKY. 151 soiislestVoitlesboulV(''es(l»^riiivL'i(iuis"a|)pr()che;lcMuaïs, droit encore sur sa {\^c, a eepeiidaiit perdu toutes ses feuilles; devant la caliane sont rangées d'énormes piles de bois; les nuits deviennent picpiantes; la rosée, qui chmpu! malin a clianijçé i»radnell«Mnent de forme (;t de cunsistance, revùt les herbes tlétriesd'une eoucheétince- lîuite de glace. Pas un nuance au ciel; des milliers d'étoiles scintillent, réfléchies sur la surface d«îs eaux dormantes; tout est silencieux, tout repose dans la forêt, sauf les rôdeurs nocturnes (pii maintenant en fouillent les pro- fondeurs. Qu'on est heureux dans l'humble cabane ! Kxa'llentes gens! C'est à ((ui se disputera le plaisir (î'«Mre agrc'able à V\\(){v (pie le hasard a conduit près d'eux. On a dit que les Ratons abondaient dans le voi- sinage, et de suite l'on propose une partie qui est ('ic'cepté(; de grand cœui'. La mèi'c, toujours attentive , quitte son rout;t, car elle a entendu ce que disait son mari. Elle s'approche; de la cheminée, preiid la pelle, écarte les braises, apporte un panier de pommes de terre (lu'elle range devant le feu, et recouvre de cendre chaude et de charbons: et tout cela, parce qu'elle devine qu'il y aura plus d'un estomac affamé au retour de la chasse. Douces et pures joies du modeste foyer, scènes délicieuses! Le riche peut faire mieux, sans doute, ses banquets sont plus soniptueux; mais jamais il ne res- sentira ce qu'éprouve, dans son cœur, le pauvre homme des bois. l\'iuvre! Et pourquoi? La nature et son indus- trie fournissent aniplement à tousses besoins; la rivière et la forêt lui réservent les mets l(;s plus délicats, et pour lui. le travail est (îiicore un ])laisir. 152 UNE CHASSR AU RATON DANS LE KENTUCKY. Maintenant, regardez : l'infatigable Kontuckien est sur pied; ses garçons et r(''tranger se disj)osent k le suivre. Tous les fusils sont mis en réquisition. Le brave homme ouvre sa porte (pie ferme un loipiet (ie bois, et l)ousse dîins sa corne un l)euglcment à épouvanter un loup. Les ratons détalent grand train, abandonnant les champs de blé; ils traversent en toute hâte les sentiers, et courent se cacher dans l'épaisseur de la forôt. Le chasseur prend une hache sur un tas de bois, et rentre en criant (jue la nuit est claire et (pie nous ferons une superbe partie. Il soulîle dans sa carabine, pour s'assurer qu'il n'y a rien, examin(î sa pierre et passe une plume dans la lumière. Sa poire à poudre est attachée à un sac de cuir où tient aussi son couteau; en dessous pend une étroite bande de toile filée à la maison. Il prend une balle dans le sac, arrache avec ses dents le bouchon de bois de la poire, met la balle dans le creux de sa main, et avec l'autre, verse de la poudre dessus, juste assez pour cju'elle en soit couverte; puis, le bouchon replacé de la même manière, il intro- duit la poudre dans le tube, frappe la crosse contre terre, graisse la bourre avec du suif, et la met sur le bout du canon dont l'intérieur est cannelé; alors, il pose la balle à l'entrée, par-dessus la bourre, et la presse avec le manche de son couteau qui ramène en dedans les bords de la toile dont il l'a enveloppée; enfin, tenant à deux mains sa baguette de noyer, il pousse doucement le tout en place. Une fois, deux fois, trois fois la baguette élastique a rebondi ; le chasseur relève son arme, la plume est retirée de la lumière, \ . UNE CHASSE AU RATON DANS LE KENTUCKT. 153 la pondre remplit le bassinet; il le ferme et s'écrie: Jo suis pr^t! Ses compajifnons le sont aussi. Je voudrais qu«'vous l'eussiez vu, pendant qu'il charjiçeait ; tout cela ira|)as pris plus d'un»; minute. Mais écoutez : on entend les aboiements des cliiens. Au dedans (;t au dehors, c'est un tapage à ne pUis s'y reconnaître ; un domestiiiue allume une torche, et nous partons pour la fortM. — Ne faites pas attention aux enfants, mon cher monsieur, dit l'homme des 1 ois ; suivoz-moi de pr<;s, car la terre est couverte de 5onches et de troncs d'arbres, et, devant nous, de lon- pws branches de vignes pendent de toutes parts, à la traverse. — Toby, tiens la lumière plus haut, ou nous ne verrons pas les fondrières et les fossés. — Traînez votre fusil, comme disait le général Clarck; — pas ainsi, mais comme cela, — très bien ! — Maintenant il n'y a pas de danger, voyez- vous ; surtout n'ayoz pas peur des serpents : les pauvres bêtes ! ils en ont assez du froid ({ui les engourdit, et ne songent guère à mor- dre. — Les chiens ont éventé (juelque chose ; — Toby, vieux fou, tourne donc adroite; pas tant, avance un peu et donne-nous la torche. —Qu'est-ce que c'est; qu'y a-t-il? Ah! jeunes drôles, vous vouliez nous jouer un tour! Bien, bien, mais en arrière, où je vais et en effet, les deux garçons, perçant de leurs yeux les ténèbres au milieu desquelles ils voient presque aussi bien que le hibou, s'étaient jetés parmi les chiens qui venaient de surprendre un raton par terre et l'entou- raient en aboyant. Quelques coups sur la tête l'ont bientôt fait déguerpir. — Après, après, mes bellots! 15^1 UNE CHASSE AU RATON DANS Lli KENTUCKV. etloschicns, le iKîzsur lapisle, parltMil iitdiitcsjainht's. — Maîtm, cric le vitniv Tol>y, ^a va vers la ci'i(|ue. — A laci'i(iiie (loue, (M en avaiil! ([uels bois, mon Dieu! pour sur, ce n'est pas là le pare d'un niilord an|j,lais! Pour le moment, nous ronrons dans un Ims-roiul; Mil sol maigre recouvre à peine les couchtis trargile durcie; rien que deshi^ti'es autour de nous, et (ù et là, (|uel(pies(''ral)les. — Maudites jambes,— maudites bran- ches de vi^ncî. — .le suis (empêtré; j'en ai jusi[u"iiu cou. — Coupez-les av(!e votre couteau! — .le viensde ni'abîmer le ^enou contre une souche; ah bon! nujii pied ti(Mit entre deux racines; je ne peu.v pas l'en arra- cher. — Toby, retourne; en arrière; ne vois-tu i)as quo rétrangcu' n'est pas tait à nos bois? — Holà, Toby, Toby ! — JVitais v^Jritabhnnent pris, sans pouvoir l)ou- ger; et le chasseur de rire, tandis que les garçons pro- fitaient de l'occasion pour s'esquiver. Toby arrive, penche la torche vers le sol; 1»; chasseur, avec sa ha- chette, cou[)e une des racines, et je suis eniin délivré. — Vous ôtes-vous fait mal? — Non, du tout! et nous repartons. Les jeunes gens avaieid, pris les devants à lu suite des chiens qui venaient d'acculer un raton dans \\\\ ptîtit bourbier. Bientôt nous les eûmes lejoints avec ]d^ torche. Maintenant, monsieur, regardez bien : Le Raton ne nageait pas, mais se soutenait avec ses pieds qni touchaient le fond du marais. L'éclat de la torche semblait beaucoup le gêner ; son poil était hérissé, et sa qneue annelée paraissait trois fois plus grosse qu'à l'ordinaire. Ses yeux brillaient comme des émoraudes; la gueule ccumante. il surveillait rliaque mouvement UNE CHASSE AU RATON DANS LE KENTUCKY. 155 (Ils chiens, prèl îi saisir par U* umscaii 1«» piviuior ((iii teiilcrail «le sapprnclicr. (leux-ci le timvMitni lialcino |iiMi(laiil (|ii('i(|ii('s miiiitti's; Tcau roiiiiiiL'iiçail à so charger crmn! vase «'paisse.'; le poil U\u\ tiviiipé lui Hïtitiiibail à plal siirlerorps, ot sa «pn.Mic, coiivt'rte do liiiiic. flollail inmiobile à la surtacc. Son ^rogiuMnciil i^iittiinil, au lieu (Piiitiiiiider les assaillaiils, ne taisait (|ii('les (îxcitei' davanta'iei et tous, saus iiîlàclu! ni misé- ricorde, ils le liaicclaienl de leurs altoienients furieux, ntiimio uik; bande, de chiens ^nossiers et mal appris (jinIs «'laient. l'intin, Tiin d'eux se hasai'daà le happer au derrière, mais il dut prompleinent eu dénu^rdre; a 1111 second ipii Tavail attaipié par le coté, le Raton iviulit son coup de «lent, et je vous assun? «[u'il «Hait iiiieiix ai)pli«pu' «pu,' celui «pi'un troisi«''m«; venait de lui |iiii'ler il la «pieue. (^l'iait vraiment ])ilié «l'entendre .gueuler le pauvre Tike (jue le Uaton ne lâchait pas. ('.l'pondant, les autres s'<'taient rgt^'s tous ensend)le sur lui. avec des cris «le mort ; mais, jusiprau bout il tint Itoii. et resta susp«'ndu au museau de son ennemi. A la tiii. l'iapiM' à coups «le ha«'he sui' la t«^te, il tomba, ren- tliint le dernier s<)Ui)ir; «,'t le pénible battement de ses tliiiK's faisait «louh'ur à voir. Debout autour du nuirais, les chasseurs contemplaient son ag«Miie; l'éclat «le la torche donnait aux «>l)jets environnants un aspect plus sombre et «pielitu«> chose «le sinistre : c'était une tic ces Isrèiies que les peintres aiment à reproduire. Nous avions di'jà deux Tlatons dont les fourrures pl.iiicnt bien un «lemi-«lollar, et «lont la chair, qu'il ne IfiiMl pas oublier, devait, ainsi que le remarqua Toby, 156 UNE CHASSE AU RATON DANS LE KENTUCKY. rapporter deux fois plus. — Et maintenant? cleman- dai-je. — Maintenant! répondit le père, continuons! Ainsi fimes-Uoiis, les chiens en tête, et moi bien loin à rarrièrc-c^arde. En moins de rien, nos intrépides en eurent dépisté un troisième; et en les rejoisjnant, nous les trouvâmes postés sur leur derrière, qui regardaient en haut et aboyaient. Alors on eut recours aux haches, et bientôt les copeaux volèrent d'une telle force, que l'un d'eux me frappa à la joue et me marqua si bien que mes amis me demandaient encore, une semaine après: Mais, au nom du ciel, où avez-vous donc attrape ce coup à l'œil? Cependant l'arbre commençait à trem- bler, puis à pencher d'un côté ; et refoulant l'air qui mugissait à travers les branches, la pesante masse finit par s'étendre sur la terre, avec un horrible craque- ment. Ce n'était pas un Raton, mais bien trois qui s'y étaient réfugiés. Seulement l'un d'eux, plus vieux et plus avisé, en sentant l'arbre frémir sous lui, avait les- tement sauté de la cime en bas. Quant aux autres, ils s'étaient enfoncés dans le creux d'une branche, d'où ils furent promptement délogés par un des chiens. Tikeei Lion, qui avaient flairé la piste du premier, détalèrent après, ne donnant sans doute pas de la voix aussi savam- ment que la meute bien dressée d'un de nos chasseurs de renards du Sud, mais en criant comme des enragés. Les fds du chasseur se chargèrent de ceux de l'arbre; lui et moi, précédés do Toby, nous suivîmes l'autre; et vous pouvez croire qu'il nous donna assez à faire à tous les trois. C'était un animal d'une taille extraordinaire. Après avoir longtemps couru , nous parvînmes à lui UNE CHASSE AU RATON DANS LE KENTUCKY. 157 loger une balle dans la tôte ; il ne fit qu'un bond et retomba mort : on dépêcha les deux autres à coups de hache et de bâton; car, dans ce temps-là, on épargnait le plomb et la poudre, et l'on économisait ainsi de quoi tuer un daim, (jui valait mieux que la peau d'un raton. Maintenant, la lune brille au ciel, éclairant notre chasse (lifanime une nouvelle ardeur; c'est le moment propice: en avant, en avant! et nous allons, l'un suivant l'ombre (le l'autre, qui s'allonge sur la terre. Qu'importent fossés et broussailles î Nous doublons le ])as en rega- gnant les montagnes. Quels hurlements , (piel vacarme ! Ce sont encore les chiens. — Tous en cercle, les chas- seurs lèvent la tôte, cherchant à distinguer, à chaque bifurcation des branches, quelciue chose de rond (jui doit être un Raton. — En voici un, entre la lune et moi ; je le vois qui s'est mis en boule et se tient coi. Je lève im peu mon canon, j'ajuste, presse la détente, et l'ani- mal dégringole. — Un autre; encore un autre! tous sur lemômearbre. Pan, pan!! . . Nous n'avons (pi'à ramasser. - A présent, monsieur, allons-nous-en, dit l'homme des l)ois ; et contents de notre chasse, nous reprenons le chemin de la cabane. En arrivant, nous trouvons un Iton feu ; au dehors, Toby s'occupe à préparer le gibier; il étend les peaux sur une claie de roseaux et lave les corps. Cependant la ménagère drosse la table; elle y dispose en rang quatre bols de petit-lait; les gâteaux et les pommes de terre fument à faire envie, et les chas- seurs commencent l'attaque. Le Raton, ainsi que je l'ai dit, est un animal fin et 158 UNE CHASSE AU RATON PANS LE KENTUCKT. rusé ; n(';annioins, avec des soins on l'apprivoise, et il devient très familier. Comme le singe, il se sert foii adroitement de ses ]iattes de devant, ajiprend à trottei- après son maître, à la manière d'nn ours, et mèjno In suit par les rues. Il est friand d'œufs. mais les préfère crus. Que ce soit le matin, le midi ou le soir, cela ne lui fait rien, quand il en trouve une douzaine. dans un nid de faisan, ou seulement lorsqu'il en flaire un que vous avez mis dans votre poche pour ralhV'her. Il eonniiil les habitudes des moules, mieux ([ue la plupart des conchyliologistes, grinqie on ne peut plus lestement, ot monte au trou du pic, dont il dcWore les petits. Très habile à découvrir la retraite des tortues, il l'est plus encore à dérober leurs œufs. Parfois, au bord d'un étang, il reste (Hendu comme un chat, faisant le mort. ou seml)lant dormir, jusqu'à ce ([u'un canard ini- prudeut ])asse à sa portc'e. Il n'est pas un nègre ijui sache plus pertinenmient que lui ({uand le grain est laiteux et agréable à manger. Les («curenils et les pics le savent également ; mais, dans la saison , le Raton séjourne bien plus longtenqis ([u'eux sur les champs de blé, et y prélève une véritable dîme. En hiver, sa fourrure est assez recherchée ; et on ne mauifue pas de gens qui disent ([ue sa chair r:i bonne aussi. Pour niui, je préfère le Raton vivant au Raton mort, et j'ai plus de plaisir à le chasser qu'à le manger. LE STERNE FULIGINEUX , ou HlUONDELLE DE MElî A GRANDE ENVERGURE. Dans l'après-midi du 9 mai 1832, je me trouvais sur lo pont de la Marion : le tcmips («tait beau, (juoique chaud, et, poussi» par une brise favorable, notre vaisseau tendait rapidement les ondes. Le capitaine Robert Day, qui se tenait auprès de moi. jt^ta un reifard vers le sud- ouest, et commanda qu'on envoyât quelqu'un dans la hune, pour reconnaître si l'on n'avait pas la terre en vue.  peine l'ordre était donné, qu'un mousse grim- pait le long des cordages, et bientôt après retentissait le cri : Terre, terre ! (tétait les ba:ses clefs des tor- turas vers lestinelles nous gouvernions. Rien ne fut chana;é dans la direction de la Dame au vert manteau. qui continua de voguer légère et confiante dans rexpérience éprouvée de son commandant. Déjà com- mençait à paraître la lanterne du phare étincelant dd mille feux aux rayons du soleil ; puis on aperçut les miits et les banderoles de plusieurs naufrageui's à l'ancre dans le port t[ui est étroit, mais parfaitement sûr. Nous avancions toujours; notre actif pilote, qui rem- 160 LE STERNE FULIGINEUX . montra du doigt une petite île sur laquelle il m'assura que se retiraient, en cette saison, des milliers d'oiseaux qu'il désignait sous le nom d'Hirondelles de mer blan- ches et noires; et là-bas, sur cet îlot, ajouta -t-il, abon- dent d'autres oiseaux qu'on appelle noddies ou fous, à cause de l'habitude qu'ils ont de s'abattre, le soir, sur les vergues des vaisseaux et de s'v endormir. Il racontait que l'une et l'autre espèce se tenait par mil- lions, chacune dans son domaine respectif; que les œufs de la première reposaient sur le sable, à l'abri des broussailles, et que leurs nids se touchaient presque, tandis que les nids de la seconde, non moins près l'un de l'autre, étaient établis sur les buissons mêmes de l'île qu'ils s'étaient exclusivement assignée. Au reste, dit-il, avant que nous ayons jeté l'ancre, vous eu verrez se lever des essaims semblables à ceux des abeilles qu'on a troublées, et leurs cris vous assourdiront. Vous comprenez combien ses paroles durent ex- citer ma curiosité. Impatient de contenqjler la scène de mes propres yeux, je demandai qu'on me mît à terre sur l'île. — Mon cher monsieur, me répondit le brave officier, vous serez bientôt fatigué de leur nombre et du bruit qu'ils font, et croyez-moi, vous aurez beau- coup plus de plaisir à prendre des boubies. ('ependant, après avoir couru plusieurs bordées, nous parvînmes à nous diriger à travers ce labyrinthe de canaux si dan- gereux qui conduisent au petit port dont j'ai fait mention, et dans letiuel on se mit en devoir de laisser tomber l'ancre. Au seul bruit de la chaîne grinçant sur le cabestan, je vis une masse sombre, pareille à un gros LE STERNE FULIGINEUX. 161 nuage, monter au-dessus de Vile aux oiseavx dont nous n'étions éloignés que de (jnelques cents mètres; et bientôt après, la chaloupe nous déposait, mon aide et moi, sur le rivage. En abordant, je crus un moment que les oiseaux allaient m'enlever de terre, tant ils étaient nombreux autour de moi, si vifs et si précipités étaient les battements de leurs ailes. Leurs cris, en efï'et, m'as- sourdissaient ; cependant, la moitié au plus s'étaient envolés lors de notre arrivée, et c'était pour la plupart (les mâles, ainsi que nous le reconnûmes dans la suite. Nous traversâmes la grève en courant, et lorsque nous fûmes entrés sous le fourré qui s'i'tendait devant nous, poussant chacun de notre côté, nous n'eûmes en quelque sorte qu'à allonger le bras pour prendre des oiseaux, les uns, restés sur leurs nids, d'autres cher- chant à se sauver parmi les broussailles. Ceux de nos matelots qui avaient déjà visité ces lieux, s'étaient nmnis de bâtons dont ils se servaient pour les abattre, tandis qu'ils volaient par troupes serrées, tout autour et au- dessus d'eux. En moins d'une demi-heure, plus de cent gisaient en tas à nos pieds, et plusiems paniers étaient remplis d'œufs jusqu'au bord; nous revînmes alors au vaisseau et ne voulûmes pas les troubler davantage pour ce soir-là. Mon aide en dépouilla une cinquantaine, assisté du domestique de notre commandant. Les ma- I telots m'affirmèrent que la chair de ce Sterne était I excellente; mais, sur ce point, je n'ai pas grand'chose à dire à l'appui de leur assertion. Pour les œufs, à la l)onne heure ! De quelque manière qu'on les fiisse cuire , [c'est vraiment un mets délicieux, et pendant notre 162 LE STERNE FULIGINEUX. sc^jour aux Torturas, nous eûmes soin l'autre, le Sterne ton qui, parla forme de sa (jueiie et i)lusieiirs de ses habitudes, mon- tre une certaine afrniit('avec les p«''trels. non-seulement se pose très souvent sur la mer, mais encore s(î laisse aller au ii\v des vatçues, sur les tas flottants des i^q-andes herbes, et saisit, en nageant, le Innin et les petits crabes qui se cachent parmi les tip^es ou sous les feuilles. L'étude que j'ai faite des mœurs de l'oiseau qui nous occupe m'a conduit à penser cpi'il diffère matérielle- ment de tout autre espèce du même ^ciuv, du moins, parmi celles qu'on l'encontre sur nos côtes. Ainsi le Sterne fulitiineux ne ploiiL-e jamais la tète en bas et perpendiculairement, comme font les petites espèces, telles (jue le Sterna arclica. le Sterna minuta, le Sterna dougallii ou le Sterna nigra ; mais il passe au-dessus (le sa proie, en d(^crivant une courbe et l'eidève. Je ne puis mieux comparer ses mouvements qu'à ceux du faucon de nuit, lorscpi'il ploniçe au-dessus de sa femelle. J'ai souvent vu de ces Sternes planant dans le sillage d'un marsouin, tandis que ce dernier poursuit sa proie; et à l'instant où faisant jaillir les ondes, 1(> cétacé amène à la surface le fretin épouvanté, l'oiseau s'élance dans l'eau bouillonnante et emporte, en passant, un ou deux petits poissons. Le vol, dans cette espèce, n'est pas non plus flottant et indécis, comme celui des autres (|ue je viens de citer; il est plutôt ferme et assure'', sauf toutefois lorsque l'oiseau s'occupe à chercher sa nourriture. De même que diverses petites mouettes, je le voyais effleurer les vagues pour y ramasser des morceaux de lard ou d'au- I6& LE STERNE FULIGINEUX. très substances jj^rasses ({ue nous prenions plaisir à lui jeter par-dessus le bord. Je dois noter ici une autre particularité de mœurs relative aux deux espèces dont je parle plus spéciale- ment : c'est que le St. stolida ou nnddi^ se construit tou- jours un nid sur des branches ou des buissons, où il se pose avec autant de facilité que la grive ou la corneille; tandis qu'au contraire, le Sterne fuligineux ne fait jamais de nid d'aucune sorte, mais pond simplement dans un petit enfoncement qu'il a creusé dans le sable, sous un arbre. — Revenons maintenant à l'île aux oiseaux. De bonne heure, le lendemain, j'étais à terre pour y compléter mes observations. Je ne faisais nulle atten- tion aux cris lamentables des Sternes, moins perçants toutefois, à présent que je ne songeais plus à les tour- menter. Je m'assis sur le sable entièrement composé de débris de coquillages, et y restai sans faire un mouve- ment pendant plusieurs heures. Les oiseaux rassurés. venaient se poser h ([uelques mètres de moi, de sorte que je pouvais parfaitement voir combien il en coûtait de peines et d'efforts aux jeunes femelles pour parvenirà pondre. Leur bec ouvert, les palpitations de leurs flancs indiquaient l'excès de leurs souffrances ; mais aussitôt que l'œuf était expulsé, elles partaient en marchant len- tement et d'une manière gauche, jusqu'à ce qu'elles eus- sent trouvé une place libre d'où il leur fût possible de s'envoler, sans se heurter aux broussailles qui les entou- raient. A tous moments, des femelles ayant complété le nombre de leurs œufs, s'abattaient devant moi, et LE STERNE FULIGINEUX. 165 commençaient tranquillement la tâche laborieuse de l'incubation. Do temps en temps aussi, un mâle venait se poser non loin de lii, et dégorgeait un petit poisson à poi't(''e de la feinelle; ensuite, après qu'ils s'étaient fait récipro(iuement plusieurs inclinationsdetôte(iui me pa- raissaient très singulières et par lesquelles ils désiraient, jen'en doute pas, se t/'uioigner l'un à l'autre leur tendre atfection, le niàle se renvolait. Je voyais d'autres indi- vidus qui n'avaient point encore commencé la ponte, gratter le sable avec leurs pieds, à la façon des volailles ordinaires lorsqu'elles cherchent la nourriture. Durant le cours de cette opération, ils se foulaient souvent dans l'étroitt; cavité, comme pour en essayer la forme à leur corps, et reconnaître ce qui pouvait y manquer pour qu'ils y fussent bien à l'aise. Je n'ai pas vu l'ombre d'une mésintelligence ou d'une querelle entre ces inté- ressantes créatures cpii toutes paraissaient les heureux membres d'une seule famille; et, comme pour mettre le comble à mes souhaits, certains d'entre eux arri- vaient en se faisant la cour, jusque sous mes yeux. Fré([uemment les mâles se tenaient la tête haute et la ramenaient en arrière, comme c'est l'habitude pour diverses espèces de mauves; leur gorge se gonflait, ils tournaient autour des femelles, et finissaient par faire entendre un son doux, pour exprimer leur joie pendant qu'ils se livraient à de mutuelles caresses. Alors, pour quelques instants, le mâle recommençait ses évolutions auprèsde sa femelle, tousiesdeux, tournaientl'un autour de l'autre; puis, ils prenaient l'essor, et bientôt je les perdais de vue. C'est là, je puis le dire encore, une de 166 LE STERNE FULIGINEUX. ces noniln'cijw's s(*«';iK'S(|iril m'aét*'' donné de contem- pler et qui, toutes, ont ini|)i'in»(' dans mon âme le sentiment protoiid de la ])uissanc(3 divine, toujours agissante et paitout la mt'^me! (ù(;tte espè('(î n'a jamais cpte trois (eufs au plus, et dans aueim des nids (|ui, pai' milliei's, (^ouvraient Pile aux oiseaux, il ne m'est ai'iivé den trouver davantaj^e. J'avais envie de m'assurer si l(; mâle et la femc^lle cou- vent alternativement; mais je ne pus y parviîiiir, les oiseaux ne s'éloignant (rhal)itud(^ de h'ur nid ([ue pour une demi-heure ou trois cpiarts d'heure. La ditlereiice très légère de taille et dt; couleur (piil ) a entre les sexes tut une autre cause ([ui m'empêcha d'éclaircir mes doutes à cet égard. (l'était chose cui'ieuse (rol)s«M'ver leurs mouvements et la manièi'e dont ils se com|)ortaient. chaque l'ois qu'une grosse troupe de leurs semblables abordait sur l'île. Tous ceux que ne retenaient ]ms les soins de l'incubation, s'enlevaient m poussant de grands cris; ceux qui »''tai(Mit resh's piir terre les rejoignaient aussi vite que j)ossible; et tous ensend)hî, t'oi'mant une niasse compacte et sur un front «l'une immense «'tendue, ils semblaient vouloir fondre sur nous, passaient au-dessus de nos tètes, et bient«^t tournaient brusquement pour rcnouvelei' leiu* sinuilacre d'atta«[ue. Quand n«\s mate- lots se mettaient à crier de toutes leurs forces, la pha- lange entière faisait un moment silence, connue pour écouter; mais l'instant d'après, ainsi qu'une vague pro- fonde se l)j'isant contre un r«jcher, ils se précipitaient en avant, avec un bruit épouvantable. LE STERNE FULIGINEUX. 167 Quand on a blesse un de ces oiseaux et (|u'(m veut lo|)i'eiidre, il mord assez hrutaleiiieiit et pousse un cri plaiiilit", din«''r(Mit d»; sou cri ordinaire, et qui, reton- tissjiiil et aif^'u, imite ii |»eu pn'sles syllal)es oa-ee, oo-ee. Louis nids, toujours ('i'(;us»''s près des racines, ou sous los lii'aiicii(;s des tuiissons, ne sont dans l)eaucoup dViidroits (|u'ii (|uel(jU(!s pouces les uns des autres. Sous 1(^ l'appoil delà ;4:rosseur et de la coloration, il y a outre leurs (ruts moins d»; ditVéï'eiice fpi'on n'en remar- (|uo conununément entre (;eux des oiseaux d'eau. Ils mosiirent en général 2 pouces 1/8, sur 1 pouce 1/2; loui'{'ni[uilleest lisse, avec un fond jaunâtre pâle, inar- (|U('dietlà de diverses teintes (Time légère couleur Wnv. (i'oinl)re. {\i de taches d'un pourpre clair qu'on (Toiniit éti'c en dedans de la coquille. Le lieutenant Lacoste m'appj'it que, peu de tenq)s après qu'ils sont edos, les jxîtits s'en vont ])ôltî-méle à travers l'île, poui' chercher leurs parents et recevoir d'eux la nour- riture; ([Ut; ces oiseaux ne vieiment se rassembler ici que dans l'intention d'y nicher, (pi'ils y arrivent d'ha- bitude en mai, et y demeurent jusqu'au commence- ment d'août, (îpoque k laquelle ils se retirent vers le sud, pour passer les mois d'hiver. Cependant, je ne suis pas parvenu à me procurer une description assez satisfaisante des divers états de leur plumage sui 'ant IVige. pour me permettre de l'in(lit[uer ici. Tout ce que je sais, c'est qu'avant leur dépai't. les jeunes sont, en ilessus, d'un brun grisâtre, d'un blanc sale, en dessous, et (ju'ils ont la (pieue très courte. Sur cette môme île, nous trouvâmes une bande de i68 TE STERNE FULIGINEUX. chercheurs d'œiils qui étaient espaj^nols et venaient de la Havane. Ils avaient (i(''jii une oar}^aison d'environ huit tonnes remplies des (l'ut's de ce Sterne et de roux du noddi. Je leur (Nnuandai ([uel pouvait en ^tre le nond)re; mais ils me répondin^it (pi'ils ne les com- ptaient jamais, nx^me en les vendant, et (prils les don- naient à raison de 75 cents ])ar gallon. Kn un seul marche'', ils se faisaient (piel([uetV)is deux c(înts dollars, et il ne leui* fallait qu'unes semaine pour aller, et reve- nir comphHer un nouveau chargement. D'autres cher- cheurs, qui viennent de la (^lef de l'ouest, vendent leurs œufs domo cents vX demi la douzaine; mais, en quehjue lieu (pi'on les tiansporte, il ne faut [)as tarder à s'en défaire et k les manger, car ils se gâtent en quelques semaines. Je trouve consignée, dans mon journal, la note sui- vafite : 11 semble (ju'ii une certaine époque, (|ui ne doit pas être fort reculée, le noddi ait formé le dessein de s'approprier le domaine de ses voisins. Du moins, en explorant cette île, ai-je vu des milliers de nids que cet oiseau avait bâtis sur des buissons, bien qu'actuelle- ment il ne s'y rencontre plus aucun individu de cette même espèce. Il est donc probable que si une entreprise de cette nature fût tentée par les noddis, ils se virent défaits et contraints de se confiner dans les autres îles environnantes, où effectivement ils nichent à part, bien qu'éloignés de leurs rivaux seulement de quelques milles. Au reste, dételles prétentions et de tels conflits ne sont pas rares entre diverses espèces d'oiseaux; d'autres personnes ont souvent remarqué le fait, et moi LE STERNE FULIGINEUX. 169 mi^inc, j'en ai été plusieurs fois t(''moin, notamment parmi les Iktous. Kii pareil cas, à tort ou a raison, le parti le plus fort ne inanciue jamais d'expulser le plus faihlcet de prendre possession du terrain disputé. UN CHEVAL SAUVAGE. Pendant ma résidence à Henderson, je fis la con- naissance d'un gentleman (pii revenait de visiter les contrées voisines des sources de la rivière Arkansas. Là, il avait acheté un Cheval sauvage, tout récemment capturé, et qui descendait de ces chevaux primitive- ment amenés d'F^spagne. qu'ensuite on avait mis en liberté dans les vastes prairies du Mexique. L'animal n'était pas beau, tant s'en fallait; il avait une grosse IfHo, avec une proéminence considérable au milieu du front; sa crinière, épaisse et en désordre, lui pendait du cou sur la poitrine, et sa queue, trop peu fournie pour qu'on pût la dire ondoyante, balayait presque la terre; mais, en revanche, il avait un large poitrail, des jambes fines et nerveuses, et ses yeux, aussi bien que ses naseaux, annonçaient du feu, de la vigueur et i70 UN CHEVAL SAUVAGE. I^eaucoup de fond, il n'avait jamais été ferré, et, bien que surmené dans un lon^ voyage (|u'il venait de faire, ses noirs sahots n'étaient iuill<;uient endonnnagés. Sa couleur tirait sur le bai; les jambes, d'une teinte plus foneée, se renibruiiissaieut ])eu k peu. jusqu'à devenir par eu bas presipie noires, .le m'informai du pii\ (pi'il pouvait valoii" cliez les Indiens osages, et le proprié- taire actuel me répondit ([u'attendu que l'animal n'était aiifé que de ([uatre ans, il lui avait fallu donnei' pour l'avoir, avec le bois de la selle et le harnais en peau de buftliî, divers articles éi[uivalant à (Miviron trente-cinq dollars. Il ajouta (pi'il n'en avait jamais monté de meil- leur; et ne doutait pas que, bien nourri, il ne fit faire pendant un mois, à son houmie, de 35 à /|() milles par jour; du nu)ins, c'était de ce train ([ue lui-même il avait voyagé, sans lui laisser ])rendre d'autre nourri- ture que rherb(î des prairies et l(îs roseaux des basses terres. Seulement, api'ès avoir traversé le iMississipi à Natchez, il lui avait domié du bh'. Maintenant, dit-il, que j'ai fini mon voyage, je n'en ai plus besoin et je voudrais le vendre, .le ))ense ipi'il vous conviendrait pour un bon cheval de chasse; il porte très doux, ne se fatigue pas et est ardent connue je n'en ai guère vu. Je cherchais précisément un cheval ayant les qualités qu'il m(î vantait dans le sien, et je lui demandai si je pourrais l'essayer. — L'essayer, monsieur, mais très bien ! et si vous voulez le nourrir et le soigner, libre à vous de le garder un mois. En conséquence, je fis mettre le cheval à l'écurie et me chargeai de sa nour- riture. UN CHEVAL SAUVAGE. 171 Deux heures après, je prenais mon fusil , enfour- chais le coursier de lu ])rairie et partais pour les bois, .le ne fus pas longtemps sans nfapercevoir (pril était Iles sensihhî à Téperon; j'observai de plus tfu'eu effet il iiiiuchait parfaitement sans se faliuju(;r et sans incom- luuder son cavalier. Je voulus de suite nrassui'er de ce (liic je jHturrais en ati»Midre dans ui'k^ chasse au daim un à Tours, en le faisant sauter par-dessus une souche (le phisieurs pieds de diamèti'e. Je lui rendis les rônes, pressai ses tlancs de mes jambes, sans employer l'épo- l'oii; et rintelliii;ent animal sendtlant comprendre qu'il s'aiiissait pour ' li de faire ses preuves, bondit et fran- iiiit la souche aussi légèrement qu'un filan. Je tour- iiiii bride, le fis sauter plusieui's fois de suite, et toujours j'obtins même résultat. Bien convaincu maintenant riiiavec lui je n'aurais ii craindre aucun obstacle de ce genre à travers les bois, je n'îsolus d'i'prouver sa force, et pour cela me dirigeai vers un marais, (pie je savais bourbeux et très difficile. 11 enlru dedans en flairant leiui, comme pour juger de sa piofondeur, ce (jui indi- Hiiait une prudence et une sagaciti' qui me plurent. Hiisuite. je le conduisis en ilitli'rents sens tout au tra- vers, et le trouvai |)rompt, sûr et décidé. Sait-il nager? me demandai-je; car il y a d'excellents chevaux (jui lie savent pas nager du tout, mais «pii se couchent sur !•' oAté, connue poui* se laisser tlotter au courant, de MH'te qu il faut cpie le cavalier lui-même se mette à la liage en les tirant vers la rive, si mieux il n'aime les iibaiidonner. L'Ohio n'était pas loin ; je le poussai au lieau milieu de la rivière, et il commença à prendre 172 UN CHEVAL SAUVAGE. obliquement le fil de l'eau, la tête bien élevée au-dessus de sa surface, les naseaux dilatés, et sans faire entendre rien qui rappelât ce bruit de reniflement habituel à beaucoup de chevaux, dans de semblables occasions. Je le menai et le ramenai, tantôt en aval du courant, tantôt directement à l'opposé; enfin, le trouvant tout à fait à mon gré, je regagnai le bord oii il s'arrêta de lui-même, et se détira les membres en se secouant, de façon ta me faire presque perdre la selle. Après quoi, je le mis au galop, et tout en courant pour revenir à la maison, je tuai un gros dindon sauvage dont il s'ap- procha, comme s'il eût été dressé pour cette chasse, et qu'il me permit de ramasser sans descendre. A peine rentré chez le docteur Rankin, où je de- meurais, j'envoyai un mot au propriétaire du cheval, pour lui dire que je serais bien aise de le voir. Quand il fut venu, je lui demandai son prix. — Cinquante dollars au plus bas. — Je comptai la somme, pris un reçu et devins ainsi maître de l'animal. Le docteur, juge des plus compétents en cette matière, me dit en souriant: Monsieur Audubon, quand vous en serez fatigué, je me charge de vous rembourser votre argent: car, comptez-y, c'est un cheval de première ([ualité. Lui-même il le fit ferrer ; et pendant plusieurs semaines ma femme s'en servit, et s'en trouva parfaitement bien. Des affaires m'appelant à Philadelphie, Barro(il avait été ainsi nommé, d'après son premier propriétaire), fut mis au repos et convenablement préparé dix jours à l'avance. Le moment de mon départ étant arrivé, je UN CHEVAL SAUVAGE. 173 montai dessus, en lui faisant faire à peu pW's quatre milles à l'heure. Je veux vous tracer mon itinéraire, afin que, si cela vous convient, vous puissiez me suivre sur (luelque carte du pays, comme celle de Tauner, par ('xom])le : de Hendei'son, par Russellville. Nash- ville, Kuoxville, Abiu^içton en Virginie, The natural Bridge , Harrisonburg , Wiuchester , llarper'sferry, Frederick et I.ancaster, jusqu'à Philadelphie. Après être demeuré plusieurs jours dans cette dernière ville, je m'en revins par Pittsburg, Whceling, Janesville, Chillicothe, Lexington, Louisville, et de là, à Hendersou. Mais la nature de mes affaires m'obligea souvent à m'écarter de la grande route, et j'estime que je pus faire en tout comme deux mille milles(l). Je n'en avaisjamais parcouru moins de quarante par jour ; et le docteur avoua que mon cheval était en aussi bon état à l'arrivée qu'au départ. Un tel voyage, et sur le même cheval, peut semblera un Européen quelque chose d'extraordinaire; mais, dans ce temps-là, chaque marchand avait, pour ainsi dire tous les jours, à en entrcpren^lre de pareils; et quelques-uns partaient des lointaines contrées de l'ouest, même de Saint-Louis, sur le Missouri. A la vérité, il leur arrivait fréquennnont de vendre leurs chevfiu.v en s'en revenant, soit ti Baltimore ou Phila- delphie, soit à Pittsburg, où ils prenaient le bateau. Ma femme aussi a fait sur un seul cheval et en nuir- cliant du môme ti-ain, le voyage de Henderson à (1) Huit cent deux lieues de France, ou 3,208,000 mètres.] 174 UN CHEVAL SAUVAGE. Philadelphie. A cette époque, le pays était encore comparativement nouveau; il y avait peu de voitures; et, au fait, les chemins n'étaient ifuère praticables pour aller à cheval de i.ouisville à Philadelphie; tandis qu'aujourd'hui, on parcourt cette distance en six ou sept jours, et même moins; cela dépend de la hauteur des eaux dans l'Ohio. Vous aimerez peut-être à savoir de fpielle manière je traitais mon cheval pendant la route ; chaque matin, debout avant le jour, je commençais par le nettoyer, lui pressais la croupe avec la main pour m'assurer qu'il ne s'écorchait point. et jetais par-dessus une couverture pliée en double. Le surfaix, au-dessous thupiel ('taieiit placées l(?s poches, assujettissait la couverture sur le siège; et, en arrière, était attaché un grand manteau roulé et bien serr(\ Il y avait un mors à la bride; un poitrail boucli' de cha(iue côté, servait à maintenir la selle dans les montées; mais mon cheval n'avait pas besoin de croupière, ayant les épaules hautes et bien formées. En partant, il prenait le trot, à raison, comme je l'ai dit, de quatre milles à l'heure, et continuait ainsi. Je faisais d'ordinaire de quinze à vingt milles avant déjeuner; mais api'ès [a première heure, je le laissais boire k sa soif. La hult(3, pour déjeuner, était générale- ment de deux heures. Je l'arrangeais l)ien comme il faut, et lui donnais autant de feuilles de blé qu'il en pouvait manger. C.ela fait, je me remettais en route jusqu'à une demi-heure après soleil couché. Alors, je le lavais, lui versais un seau d'eau froide sur la croupe. le bouchonnais partout, lui regardais les pieds et les UN CHEVAL SAUVAGE. 475 nettoyais. Je remplissais son râtelier de feuilles de blé, son auge de grain; je mettais dedans, quand je pou- vais m'en procui'er, une citrouille d'une bonne gros- seur, ou «luchpies œufs de poule; enfin, si rorcasion s'en présentait, je lui domiais un demi-boisseau d'avoine (le préférence au hU'\ (jui ([uehpiefois échautfe les che- vaux. Au matin, son auge et son râtelier, presque vides, nriiulitiuaient sutïisamment l'état de sa santé. Je le montais diîpuis ([uekpies jours seulement , et (Irjî'i il m'était si attaclu? ([u'en arrivant au bord d'un ruisseau limpide, f)ù j'avais envi(», de ine baigner, je pus le mettre en lilierté pour j)aitre,et (ju'il ne but qu'à mon conunandement. 11 ('-tait extrêmement sûr du pied et toujours si bien en train ipie, de temps à autre, lorsqu'un dindon venait à se levei' devant moi du lieu iiù il taisait la |)()udrette, je n'avais qu'à incbner le corps eu avant, pour le faire partir au galop, ([u'il continuait jusc^u'à ce que l'oiseau, quittant la route, fût rentré dans les bois. Aloi's il reprenait son trot ordinaire. lui m'en revenant, je rencontrai, au passage de la rivière Juniata (1), un gentleman de la Nouvelle- Orléans, du nom de Vincent Nolte. Il se prélassait sur 1111 superbe cheval qui lui avait coûté tnds cents dollars; et im domestique, ('gaiement à cheval, en menait en laisse un autre de rechange. Je ne le cormaissais pas (lu tout alors; néanmoins je l'abordai, en lui vantant la (1) Étal de Pensylvanie. 176 UN CHEVAL SAUVAGE. beauté de sa monture, politesse à laquelle il répondit assez malhonnêtement, en me disant qu'il m'en aurait souhaité une pareille. 11 m'apprit qu'il se rendait à Bedford, dans l'intention d'y passer la nuit. Je lui de- mandai à quelle heure il comptait y être; assez tôt, dit-il, pour faire apprêter quelques truites pour k souper, à condition que vous viendioz en manger votre part, dès ([ue vous serez arrivé. Je crois, en vérité, que Barro comprit notre conversation, car immédiatement il redressa les oreilles et allongea le pas; aussitôt, M. Nolte, faisant caracoler son cheval, le mit au grand trot ; mais tout cela fut peine perdue, car j'arrivai à l'hôtel un bon quart d'heure avant Uii, commandai les truites, fis mettre mon cheval à l'écurie, et eus encore du temps de reste pour attendre mon caîuarade sur la porte, où je me tins prêt à lui souhaiter la bien- venue. A dater de ce jour, M. Vincent Nolte est devenu mon ami; nous fîmes route ensemble jusqu'à Ship- pingport, où demeurait un autre de mes amis, Nicholas Berthoud; et en me quittant, il me répéta ce qu'il m'avait déjà dit plusieurs fois, que jamais il n'avait vu un animal d'aussi bon service que Barro. Si je me rappelle bien, je crois avoir communiqué quelques-uns de ces détails à mon savant ami Skiuiiev, de Baltimore, qui a dû les insérer dans son Sporting magazine. Lui et moi, nous étions d'avis que l'mtroduc- tion dans notre pays de cette espèce de chevaux des prai- ries de l'Ouest , devrait servir généralement à améliorer nos races; et, si j'en juge d'après ceux que j'ai vus, je suis porté à croire que certains d'entre eux pourraient UN niEVAI. SAIIVVGE. 477 devenir propres k la course. Quelques jours après mou retour à Heudersou, je me s(''parai de Barro, uou saus re^iiret, ])our la souunede ceut viuijft dollars. LE HÉRON DE NUIT, ou liUJOr.RAU. Le Héron de nuit ne quitte pas les États du midi; (iii l'y trouve eu abondance dans les contrées maréca- ifeiises, aux environs des côtes, depuis l'embouchure (le la l'ivière Sabine jusqu'aux frontières est de la (^ai'o- liiioduSud. Sur toute cette vaste étendue de i)ays, on |H.'iils'en procurer, quelle (jue soit la saison. Les adultes SL' tiennent moins au sud (juc les jeunes ; et môme des linupes de ces derniers demeurent tout l'hiver dans la Caroline méridionale, où ces Hérons sont plus communs il cotte épo(iU(i que la plupart des autres espèces de la intime famille. Dans cet État, on les appelle poulets indiens; dans la Basse-Louisiane, les créoles leur don- nent le nom de gros-becs; les habitants de la Floride "rit'iitalç celui tk poules indiennes; ({uant à la désigna- iiuii [iliis singulière de ijiia binl par latiuelle il sendjle >iu un ait voulu innter le cri de cet oiseau, elle est géiié- l'^lcnient usit('M' dans les États de l'est, u. 12 178 I.K HKRON I)K MUT. Diiiis le coms de mes oxcursious ii travers la Flo- ri(ie-()i'it'iilale, j'ai reiifonlrc souvent (l(^ c<'s i;'i'aii(l> espaces où se réunissent les Hérons de nuit ; entiv autres lieux de ee i^eni'e, j'en ai vu lui particuliéreinciil reiiiariiualilepar le nondn'e innnense de ces oiseaux ([in s'y étaient rassembles. C'est comme six milles jui-des- .sous de la plantation de mon ami John lUillow, sui- un hayou ([ui dt'houclie dans la rivièi'e liaiitax. Là. j'i'i; trouvai par ceidaines, et ipii paraissaient dt'ja s'(Miv accou|)lés. bien «pron ne t'ùt tpi'au mois de janvier. Beaucoup de leurs nids des années pn''C(''den1es (''taieiil encore debout ; et tous, ils sendjiaient vivre en paix et parfaitement heureux. Mon ami John Bachman con- naît, sur la rivière Ashley, à <[uatre milles de (Ihai- leston, un boucpiet dechénes-saules parmi les bruiiclic^ desquels chaque hiver, et pendaid les ipiinze dernièies années, il a constamment \u se retirer une troupe de cinquante à soixante Bihorcîiux. Ce sont tous des jeunes, et il n'en a observé aucun ([ui (>ût le pluniaii»' des adultes ; ce qui paraît d'autant plus remar(|iial)lt'. qu'en hiver, comme je l'ai dit, les jeunes s'avaiiccni ordinairement plus au sud que les vieux. C'est al(ir> que les chasseurs des environs de Charleston ont l'ha- bitude de se poster au bord des «Hangs salés pour les attendre àlabrune, et souvent ils en abattent plusieiii'^ du même coup; mais on n'a jms d'exemple qu'un seul vieux ait ét('' ainsi tué, dans cette saison. Le Héron de nuit pénètre rarement bien loin dans l'intérieur du pays; il se coniine plutôt le long de la côte, sur les terrains bas et marécageux. Au delà de I,E IIl-RON DE NUIT, 479 riMiiliouchmv (le rArkansas, on en tiouvi.'ra pur hasard (|ii('l(iues-ims ([ui se sont laissé eiilraiiier en côtoyant le maiid fleuve; mais je n'en ai pas vu, ui n\ii entendu (lire (juil y en eût dans le Kentueky, doutant tort qu'il cil paraisse jamais dans les paities supérieures du Tennessee. ï.eurs excursions dans Uis terres ne doivent pas s'étendre à, plus de cent milles de la limite des marées; d'autre part, ils aiment à se retirer sur les ïb (jiii bordent la côte, et même à y nicher. A raiiproche du printemps, la plupart de ceux qui (lUl liiveiiK' dans le sud se disposent à retourner vers lost, bien que pr(»bablement un certain nombre aussi M'joiinie, toute l'année, sur les basses terres de la Loui- siane et dans les Florides. Là, du moins, j'en ai trouvé ayant des œufs en avril et mai, et comme j'en voyais ('galeiiient une loule de jeunes qui commençaient à [Ji'iiKj à [trendre des plumes, j'en conclus que ces œufs fiaient d'une seconde couvée. Dés le miheu de mars, le nombre des lierons de nuit augmente journellement aux (luroliiies. et un mois plus tard, queUiues-uus font leur apparition dans les districts du centre, où beau- coup restent pour couver. Us ne sont déjà plus aussi abundants dans l'État de >'e\v-York, et nichent rare- ment dans le Massachusetts; très peu s'avancent jusque liaus le iMaine, et plus loin à l'est, on les regarde comme uue véritable curiosité. A la Nouvelle-Ecosse, à Terre- Neuve et au Labradoi', cette espèce est tout à fait inconnue. Quelques auteurs Européens prétendent que ce Héruii est rare aux États-Unis, et que c'est un hasard 180 i.K iii;r()\ ni; nuit. (rK Mir. 181 iiiic cliiissc (|iii m'a IV<''(|ii(Mmn(Mil r('Missi dans diviîi'siîs parties des Klats-I'iiis. nu^mc dans les Ktats du ('rnln». l.i>|)(Midaiit. ils se laissiMil raroinont joiiidiT ([uaiid ils SI Dit il Unw. car ils uni Touk! plus fiin^ nicun; (jue li» hiild!' aiiKTicain : celui-ci, loi'sijiril ciilcnd (\\\ ln'uii, se tii|iil [lai'ini les herbes; tandis ([ue le litron di^ nuit sViivule iiniiu'dialeinenl. (le dernier niche en ciuninuiiaiih'. autour des «'lan^s (Idiil IVau est stutiiiante, près des plantations de ri/. (laiis riiitéri(!ur d(^s niaiais l'eciili's. ou dans la mer. sur i[ii('l(|iies Iles couv(M"tes d'arhres verts. î.es ïh'roimièi'es sont établies. tantiM parmi les busses branches des buis- sons. taiitAl sur des arbres (rime hauteur moyenne, iiii. îui contraire, très ('levés, selon (par les uns ou les aiilivs leui' jKiraissent plus convenables et plus surs. Dans les KIorides. ils recherchent les manL;liers cpii lit'iK'hent au-dessus des eaux sah'es; dans la Louisiane, ils pn'terent les cypr("'s, et dans les districts du milieu, li's cèdres leur semblent mieux approprit's à leurs 'soiiis. Dans ((uel(jU(^s-unes de leurs colonies, non loin lit' CJiarleston, «jutî je visitai en compagnies de liachman. ms trouvâmes h's nids ])lacés bas sur des buissons, M'iTés les uns contnî les autres, c(nix-ci, ii un niètn; seulement de terre, plusieurs à sept ou huit pieds, im iiTiind nombre a plat sui' les branchc's, d'autres entin lans les bifurcations. On en apercevait plus ,. cent à iit'tiis, tous bâtis sur la lisière des l)uissons et faisant liice il la mer. Ceux ipie je vis dans l(3s Florides étaient iiivi»nahlement placés sur le côté sud-ouest des îles de Sangliers, mais plus écartés l'ni de l'autre, (pielques- 182 !.K HI^RON T)K NUIT. uns n'étunt qu'à uti pied au-dessus de la marque des hautes eaux, taudis quMl y en avait jusqu'au soimnet des arbres, lesquels toutc^tois ne dépassaient tjfuère viiigl pieds. Dans la Louisiane, j'en reniar(|uai tout au haiil d'immenses eyprès (pii n'avaient ])as moins de crni pieds; et à cAtiM'laiiMit des nids de VAnlea herodias. de VArdea alba, et d(^ (piel(|ues Anhingas. Mon ami Thomas Nuttall m'a dit ijue sur une île très retirées maréeageuse, dans TcHanii; iju'on appelle Freshpoml. près de Boston, il existe une de ees anciennes héroii- nières; de méchants garnements ont beau dérobera plaisir les œufs des pauvres oiseaux, c(Hix-ci ne s»] rebutent point, mais se remettent de suite à pondre et réussissent ordinairem(;nt à éhwer une seconde couvre. Le nid du Bihoreau est larcçe, aplati, composé de petits bâtons croisés en divers sens et sur une i'q)aisseiii' de trois à quatre pouces. Parfois, il est ari'an^f'^ avec si peu de soin, que les petits font la culbute en bas. avant de pouvoir voler. Souvent, les oiseaux se bornent à réparer ces nids, chaque année; et quand ils ont une fois trouvé quelque position qui leur plaît, ils y revien- nent périodiquement, jusqu'à ce qu'une catastrophe les contraig;ne à l'abandonner. Ils ont, au plus, quatre œufs dont le grand diamètre est de 2 pouces t/O. sur 1 pouce 1 /2 de large. La coquille est mifice et d'un beau vert de mer. Trois semaines environ après être <''clos. la plupart des jeunes quittent le nid. grimpent le Ions; des branches auxquelles ils s'accrochent, et parviennent à se hisser jusqu'au sommet des arbres et des buissons où ils attendent que les parents leur apportent la nour- I.K HKKON Db; NUIT. 183 liture. Si V(»us vous eu approchez dans (rs moincnts-là, voire jurseiice jcHc le 1 rouble paiini les petits et les ^laiuls : le ri'oassement »pie les uns et les autres ont jiisijii'ici continuelleuieut tait entendre, cesse tout à coup; les vieux s'envoient et viennent planer autour de v)rbeaux, vautours et faucons tourmen- tent ces oiseaux pendant le jour, tandis que les ratons et autres animaux dfu'e genre les détruisiMit à la faveur fie la nuit. La chair des jeunes, tendre, errasse et suc- culente, est aussi bonne à niang(;r que celle du pigeon, et n'a ({u'à un très faible degré ce goilt désagn'able quon reproche aux autres oiseaux qui, comme eux. se nourrissent de poissons et de reptiles. A cette épo(jue (le l'anuf'e, on trouve rarement les vieux parés de ces plumes eflilées qui leur pendent dei rière la tête en J8Û I,K IIËRON I)K NUIT. foniK^ (1(^ l(''^er païuiclic, et ce n'est qu'ù la fin He l'hi- ver suivant (^relies l'epoiissent; mais alors elles atlei- j];nent toute leurlonijfueur en «(uelijues s«Mnaines. Leur vol est f«M'uie. plut(M lent (pie vifi^t souvent tivs prolongé. Ils se dii'iijfent en avant pai' des battements d'ailes réijçuliers, et, de même cpn^ les vrais Hérons, retirent leur tôte entre les épatd(;s, tandis (jue lenis jambes s'étendent derrière eux, et ijue leur ([ueue t'onno une sorte de gouvernail. Quand ils sont alaruK's, ils montent droit dans les airs, où ils planent quel(|uc temps à une grandi? hauteur, ("est aussi ce (pi'ils fuiil avant de descendre pour chercher leur nourriture; iiiuis ils ont soin, pour j)lus de sûreté', de s'abattre préala- blement sur le sommet des arbres voisins, et d<; pio- mener ih là un regard attentif aux alentuurs. Leurs migrations s'accomplissent ite nuit, et leur passage est amioncé par des cris rauques et retentissants, assez semblables à la syllabe qua, et (pi'ils émettent par intervalles réguliers. Ils semblent alors voler plus rapi- dement que de coutume. Par terre, la dc'marche de cet oiseau ne rapp(?llo en rien la grâce ipii distingue celle des vrais Hérons : il s'en va, baissant le dos, le cou rentré, guettant sa proie; mais du moment qu'il l'aperçoit, par un mouvement subit, il darde son bec avec force et s'en empare. On nele voit jamais, comme les premiers, attendre, innno bile, quelque bonne aubaine; mais il est constannnent en quête pour se procurer de quoi vivre. Il explore habituellement le bord des fossés, les prairies, les rives ombragées des cri(iues, des étangs et des rivières; il LK IIKKON 1)1. Mir. 185 fr('((iientc uussi les j^nuids marais sal<'s. v\ les l>auf's de viisi' (\uc les «aux laissent à dt'coiivert *•!» se retirant. JVn ai ni^nie r(Miian[ii('» qui, vers le soir. vrMiaieiii se piiser sur lesétaiii>s, jus([iie daiislestauliouri^sde C.har- leston, où ils cherehai«'nt iraiiiiuilleuieiit leur nour- riture. Dansées diil'érenls cas. saut' pourtant le dernier, ou peut voir ces oiseaux, (juehiuelois h^ jour, mais sur- tout le soir et le matin, s'avancera ^ué dans Teau, jusqu'à ini-jand>e. Leur nourriture se com])Ose de ]>ois- sous. crevettes, L»renouilies, Iczards aciualicjues, sani;- sues, petits crustacés de toute sorte, d'insect«'s d'eau, et nii^nie de souris dont ils s(Mnl)lent s'accommod(;r aussi bien (pie de tout le reste. Tin; fois rassasiés, ils seretir«Mit sur de i»rands arbres, soit au bordcrun ruis- seau, soit dans l'inté'rieur de (juehpies marais, et là ils se tieiment des heures entières, ordinairement sur uiu' seule jambe, (lii»érant et sonuueillant. nuiis sans (Mre tout à tait endormis. Quand Tun d'eux se sent blessé, il cherche d'abord à se fh'rober parmi les herbes (^t les broussailles, où il se foule dès ([u'il a trouvé une bonne cachette. Au con- traire, lorsqu'il croit n'avoir aucun moyen de fuir, il s'arrête, redresse son aigrette, hérisse ses plumes et se lirépure à la défense, en ouvrant son long bec dont parfois il administre de rudes coups ; mais il fait encore Itiou plus de mal avec ses griif(3s. Si vous mettez la uiaiii dessus, il pousse un cri fort, lauque et continu, et cherche, à tous moments, à s'échapper. Le Bihoreau change de plumage tiois aimées de suite, avant d'atteindre son état parfait. Cependant, i86 l.E HÉRON DE NUIT. boîuicoiip d'individus s'accouplent au printemps de U troisième auni'c. Après lu première mue d'automne, le jeune est tel «pie je l'ai repr<''S(^nt«' dans la planche. Au second autounie, les lâches loni»;itudinales dis])arais- sent presque entièremetit du cou et du reste du coips: les parties suptM'ieures de la tète devieimeni d'un vcrl triste, se mêlant, près de la mandibule supérieure avec le brun t'onct' de la ]>reinièi'(> saison, tandis que le sur- plus du plumage pri'seute une teinte uniforme; d'ocre sombre et de brun ffrisàtre. Dans le cours de l'année suivante, connnence à se montrer 1«; vert de la tète et des épaules ; celle-ci se par(; de riches couleurs, et la bande frontale qui se voit entre la mandibule supérieure et l'œil, est d'un blanc pur. A cet âge, les plumes grêles du derrière d(; la tête ont rarement plus d'un pouce ou deux ; les cAtés du cou et toutes les parties infé- rieures sont devenus d'un gris blanc plus clair; les ailes ne laissent plus voir aucune tache et sont partout d'un gris légèrement brun, de même que la queue. Enfui. au quatrième printemps, le plumage est dans son é'ai complet. A partir de ce moment . le Héron de iiuil ne change plus de livrée, si ce n'est qu'il ])er«l sa longue crête après que ses petits sont é'clos. Il n'y a pas de diffi'rence de coloration entre les sexes; mais le mâle est un peu plus gros que la femelle. En toute saison, on remarriue une grande différence de taille et de grosseur entre les divers individus de cette espèce : les uns, qui ont toutes leurs plumes, et sont par conséquent dans leur troisième année, pour ne pas dire phis, mesurent quatre pouces de moins (jur I,E Hl-RON DE NUIT. 187 (l'autn^s du m^nie soxe et du môme ùgo, et pèsent à |)io|)orli()n. Os cnnsidr'rations suHiniieiit s.ms doute pour t'aiic naîti"<; iiccrtains iwituialislcs l'envie d'c^tablir ici deux espèces, au lieu dune ; mais j'ose afïinner que la tentative ne serait pas heureuse. Au voisinat^e de la Nouvelle-Orléans et le lonij^du Mississipi, en remontant jusqu'à Natchez, la chasse du Héron de nuit forme Tune des occupations favorites de nos planteurs, qui le regard«mt comme é^'alant, en Fait d'oiseaux, tout autre gibier, pour la délicatesse de sa chair. SOUVEMKS DE THOMAS BEWICK. Par l'intermédiaire obligeant de iM. Selby de Twizel- house, dans le Northumberland. j'eus le plaisir d'être mis en rapport avec le célèbi;^ Bewick, aussi recom- iiiandable par son caractère que par son talent, et dont les travaux font époque dans l'histoire de la gravure sur bois. C'était en 1827. lors de mon voyage vers le siifl. Après avoir quitté Edimbourg, j'arrivai ii Nevv- castle, sur la Tyne, au milieu d'avril, c'est-à-dire à cette époque de l'année où la nature commence à revê- tir d'une parui'e nouvelle les riches campagnes des environs. L'alouette, de retour, chantait à pleine gorge; le merle exhalait, en sifflements joyeux, l'exu- 188 sorvDNiHs in: thomas ukwick, Im'm'uim'c (!«• SCS tiaiisiMH'ls; le lahournir sôUiW reiiiis, ItM'U'ur coulent, ii ses paisibles tiUMUix. cl moi-iiK^mo. ctranjjjcr sur inu' Icitc loiutaiuc, je ])ouvais jouir d»; tout ('(Miuiiu'cnlouiait, c.ai'jcui'ctais t'ait des aniisniTa- l»lcs et bons, cl je coiuptaissur la durée d(> leurallec- lion. Mes espérances n'ont piunt «''t('' (hrues. Htnvick avait v\v instruit de mon an'iv(''<* à Ncnv- castle. cl avant luénic ipie j'eusse pu profiter {Vum occasion pour aller le v(^ir. il urenvoya sou fils avec io l)illet suivant : « Thomas lîewick pn-senle ses compli- ments à M. Auduhon; il sera flatté iravoii'iiujounriuii rhouneur de sa compagnie, et l'attend à six heures, pour prcMidrc le the. « ('es ((uehpies mots ])eii;u!ueiil l'homme : simple et franc ; et connue mes travaux so trouvaient terminés pour la jouru^'c. je suivis sou iîls. Je n'avais enc(^re (pi'à peine aperçu la ville, uN'taiit pas passé de l'autre ciMé delà rivière. Le premier nio- uument remartiuable «pii attira mes reiçards. fut une belle éiiiise ipie mon compagnon mv dit être Saiiit- IVicolas. . 1 traversant la Tyno sur un ])ont do pierre do plusieurs arches, j'aperçus, le long des cpiais, un nom- bre considérable de navires, parmi lesquels j'en distin- guai quel((ues-uns de construction américaine. La vue. sur l'un et l'autre bord, me parut très agréable; le terrain, ouduleux, offrait une variété de uuiisous, de moulins à vent et do verreries i[ui plaisait à l'œil; et sur l'eau, glissaient ou s'avançaient, poussés par de lon- gues rames, plusieurs bateaux d'une forme singulière, pesamment chargés des produits souterrains des mon- tagnes voisines. SOl'VKNIHS l>K THOMAS IH-WICK. 180 Kiifîii nous îillci^iiîiiu's riiubitatioinlu ji:i'av«Mii'. et jo lus iiiiuKMliiilciiUMii coiidiiit à son atelier où je liouvai II' vieil artiste (|(ii venait au-devant (l(^ moi, et nTac- ciieillit par une eonliale poij^née de main, en mettant de côté, |M)ur un moment, son boniu't de coton un peu noirci par la fumée du lieu. C'était un houune jjjrand, nerveux, à forte charpente, avec une grossi? t^^tt; et des yeux siécarté's, «pie je n'avais enconj rien vu de pareil. — W'i'italile AiiLïlais de la vieille roche, plein de vie, Mii\l et (Pun travail aclievi», (Haient tous de sa liucui. cl je puis le dire en V(M'it('' : son atelier est 1«^ seul atelier d'ai'tiste (pie j'aie jamais vu si parfaitement propre et bi(ni t(;nu. Dans le courant de la jouriR'e. Bewiek me lit app(îler d(; nouveau, et s'inserivit sur ma liste de souscripteurs, au nom de la Soei(''t('' littiMaire et philo- sophique deNeweastle. iMicela. cependant, son entliun- siasme U* trompa, car h corps savant pour lequel il s' ('tait si sponlaïK'ment avanc(' ne juj^ea |)as ii prn|i(is de ratifier l'engaLïement. Une autre invitation m^'tant venue de Gcf/e-//efl(/. je trouvai mon lion ami assis à sa plac(? d'habitude. Sa figure semblait rayoniKîrde joiecpiand il me prit la main. Je ne pouvais, dit-il, supporter Tidi^e de vous laisser partir, sans vous faire comiaître, par ('crit, ce (pie je pense (h vos Oiseaux (rAm(''ri(iue. Prenez cette k'ttre; c'est tout simplenuMit e\prim('' avec le ])ai)ier et l'encre; faites-en rusag(^ (pi' il vous plaira, si tant esl que cela puisse <^tre bon à quehiue chose. Je mis la lettre non cachet('e dans ma poche, et nous babillàme sur divers sujiîts. mais toujours en rapport avec l'his- toire naturelle. De temps à autre, il bondissait sur son si(''gc et s'écriait : Ah ! ([ue ne suis-je jeune, j'irais aussi en Amt'rique! — Quel b(^au pays ce s(?ra, mousiein'Aii- s SOI VKMRS I)i: THOMAS IIIAVICK. 193 (IuIhhi! Dih's pliilùl : {)w\ hcaii juiys c'csl déjà! M. Hewick. — Au niilicii ilit('' profonde, don*' d'une imaLcinatimi puissante et d'un esprit droit. p(''n(Hrant et observateur, il n'avait eu besoin que de peu de secours ('trangeis. pour (Nnenir ce (pi'il fut l'i-elh^nent : le pr(Mnier tiia- veur sur bois ([u'ait produit l'Aniiieten-e. Regardez s{\s vignettes, et dites-moi si vous ave/ jamais rien vuiic si bien exprimt'. de si vivant, d(»puis son glouton (|iii précède le grand goéland à manteau noii'. jusqu'à cts enfants (pii s'amusent à jouer au cerf-volant? et ([w penser de son cbasseur dcsapjiointi' (pii. jtour tuei* une pie, laisse t'cliap[ier un coq de l)ruy(^'re; de son cheval cherchant à gagner l eau. de son taureau beuglaiil sorvEMus Di: thomas nEwir.K. 195 cciiitiT imo l)ni'i-i«M'('. de sn?i nu'iuiiiint altaqiic par le (Idgii»; (In riche... ; (Ihiuiuo fcnillc ([iio vous tonniez, (lu nnniniMicoiiKMii k la lin dccot incomparable recnoil. lait passer sous vos yeux une succession de scènes qui tniites se disputent vr^tre admiration ; et sans aucun ddiite vous concluez, connue moi. ([ue. dans cette voie (jui est ])roprenieiit la sienne, personne jusqu'ici ne TacLiah'. Opendant je ne nn'tends pascpTil n'y ait. de nos jours, ou ipie dans la suite il ne doivt» y avoir des lionnnes dont les ti'avaux. sous certains rapports, ne soient appelt's h lialancer. sinon même à surpasser ceux-ci: niaistoujoiu's est-il ipion j)eut dire de Thomas Bewick. en ce (pii concerne la c^ravure sur hois. ce que Ton dira «'ternellement de Linuc. pour l'histoire naturelle : que. s'il ne Ta pas cnV'c. il a du moins jeté sur cet art une vive Inniièie, (ju'il la renouvelé et en a été rillusti pi'onioteur. LE (iHAND GOELAND A MANTEAU NOIR. Dans les hautes r(''|?ions de l'air piqnant et ran'llé. bien loin au-dessus des redoutables écueils qui boi'dent les côtes d'''solées du I.abrador. itlane tièrement sur ses ailes qu'on dirait immobiles le (îoéland tyran, sem- le à laigle. tant son vol est calme et majestueux. 19G m: (iRAND (JOlilAM) A MANTEAU NOIR. D(''[)loyuiil son innncns»' ciiverguiv, il se iDoiit en larj»es cercles, sans perdre de vue les ol)jets au-dessous de lui ; l'auques et puissants, ses cris retentissent et j)or- tent répouvîinte en bas, parmi les nuiltitudes einplii- inées. Maintenant il pi'end son essor, eilleure les rochers de chacpie baie, visite les petites iles et s'élaiicf vers la terre eouveite de bruyères et de mousses, du milieu desquelles pi'ut-ùtn.' le cri du tétrao ou de (juel- ([ues autres oiseaux est ])arvenu jusqu'à lui. Tandis qu'il passe ainsi au-dessus des Ilots l)ouillonnants, des lacs, des marais, l(»s parents, qui l'ont aperçu, se pr(''- parent à di^fendrc leur couvée encore sans plunu^s, ou à la dérober, par la fuite, au bec cruel du ravisseiu'. Mi^nuîle ])euple des eaux, effrayé, rentre ii son ap])rocli(' plus profondément sous les ondes; les jeunes oiseaux deviennent silencieux dans leurs nids, ou cherdieut à se cacher dans les crevasses des rochers. Les guillc- mots, les boubies n'osent regarder en haut, elles autirs Goélands, incapables de se intvsurer avec un adversaire si redoutable, lui font place lorsqu'il s'avance. — Là-iins. là-bas, parmi les vagues ('cumantes, il a vu tloiter le cadavre de (piekiue monstre de l'abîme, et c'est vers cette riche proie qu'il se précipite. 11 s'abat surl'énorni'' baleini;, redresse vivement la tête, «^ivre le bec, cl plus perçants, plus triomphants que jamais il envoie ses cris au travers des airs. Alors il se promène k son aise sur la masse en putréfaction, et (piand il s'est as- suré que tout va bien, connnence à tirailler, à déchirer, engloutissant morceaux aj)rès morceaux ; enfin, rempli jusqu'à la gorge et n'en pouvant plus, il se couche. m; (iRVM) (ioia.AM) A >iami:ai noiu. 107 pour se reposer im nioiiUMit uii\ t"iiil»lrs l'ayons «riiii sdlcildu Nord. (Irandiîs (V|)(Mi(laiit sont les taculli's de son estomac, et l)ienl(M il a dijA'én'' les aliments à demi coiTonijuis dont, ainsi ((ue le vautonr. il t'ait ses di'lices. Mais, eomme tons les cloutons, il aime la vai'i«'«t(''. et W voilà (|iii se dirige vers (|uel(jne île bien connue, où il doit trouver des milliers d'ieufs et de jeunes oiseaux. IJi, sans miséricorde, il brise les co(iuilles. en avah le contenu, et dévore ii loisir l(\s pauvres [letits sans (ii'fense. \i les cris des païen Is. ni leurs «'tforts pour icpousser le destructeur, ne le [leuvent «'mouvoir, et il lie s'arrête qu'après avoir satislait de nouveau la vora- cité de son appi'til. Toutefois ce despote impitoyable est un vrai lâche : il ne soniJ!:e plus tpràse cacher, lors- (jiril voit venir à lui le .s7.7ia (1^ qui. cimiparativement petit comme il l'est, tait preuve d'un courage et d'une iuidace devant lesipuîls l'igiiobhî maraudeur se sent trembler. Va\ confrontant cette espi'^ce avec (piehjues autres de la même trilm, en remarquant sa grande taille, la puis- sance de son vol et sa constitution robuste, on s'étonne nue ses «excursions soient si liniit('M\s pendant la saison (les œufs. On n'cMi trouve que (luelques individus au nord de l'fMitrée de la baie de liallin, et rarement plus haut, puistpie le docteur Hichardson ne les mentionne |>as dans sa faune de l'Amérique boréale. Le long de nos côtes, aucun ne vient nicher plus bas (jue l'extré- (1) Theskna, aux îles Feioè ; on appelle ainsi le Goéland varié on giisard. 198 I.l, (iKAM) (iOI'I.AM) A MANTEAU NOIR. iiiitt' L'sl (lu MiiiiKi. Les livit^cs ouest du l.abrufloi', sur iiuo (''tendue d^îiiviroii Iniis rents milles, leur olïVent des l'etiaites où ils |)iissi;iil le piiiiteuips (;t r(Hé; aussi al)ondeut-il> dans ces |)ara;.^es, et c'est là qiuî je les ai bien (''tudi(''s. Les jeunes, lors de l(;uis migrations d'hiver, ne (lépasseid pa.:, autant (jue j"ai pu rol)ser\er. le milieu delà C(He ori(M)taie d-..; ''lorides. Dans l'hiver de JSol. àSaint-Au!4ustin, j'en vis j^lusieurs couples en socitHé avec les jeimes du p(''liean bnm; nuus i)lut(M piirinh'rét que par amitit', car ils leur doiniaient lV(''(piemment la chasse, comme pour les Ibrcei', ainsi (pie tait le sterco- raire envers les petites esp«>ces de mouettes, à d(''ti,or- ger une i)arlie du [)roduit de leur i)(Vhe; toutefois je dois le dire. C(,'tte leutalive de ])iralerie n'(''tait suivi».' d'aucun succ(''s. ils ('taieiil excessivement farouches, ne se posaient jamais ipiii l'extrémité d(»s bancs de sable les i)lus l'eculés, et ne se laissiiienl pas approcher. Des qu'ils voyaient l'un de noiis se diriu;er vers eux, ils ne manipiaient jamais de i^agiun', eu marchant, la der- nière pointe hors de l'eau, puis s'envolaient. (H ne son- geaient à S3 reposer (|ue lorsqu'on ne les voyait plus. Je ne puis dire à (publie (''p(upu3 ils ([uittèrent cette côte. On en trouve ([uel(pies-uns de répandus au long de k mer, depuis les Floridt^s jusqu'aux États du centre, et dans ce nombre très peu de vieux oiseaux. I^'espèce ne devient commune qu'au delà des limites du (^onnec- ticut et de Loug-lsland , mais ])lus loin le !ioud)re en augmente ra[)id(Mnent iunesure qu'on avance. Sauvages et défiants, sur tout»; cette immense surface de mers el I.i; (IHAM) (iOJ.I.AM) A MAMhAl .NOIR. IU9 (le terres, et- ii'eï»l tiiie pai* une sorte de liiisiird iju'o!) peut s'eii proeui'er. îîareiueiil s'uvîuiciMit-ils haut dans les luiies. à moins ny »Mic l'oiecs par la ri.nin'ur de la suismi ou ia violeiie;' du vent, .le lésai trouves sur nos "[ruiiiis iaes; mais je ne me ia[»[»el'(' jiiis en avoir JHiiiais vu sur nos rivières de Test, à une certaine ilis- iaiiee (N' '.a iiii.m'. là où, au contrains le Guëland n man- li'tui 1)1<'U se ii'nconire tViuiuemment. Vers le eommeucenieid de rc't)', ces oiseaux vaga- lioiids abandonnent l'Océan et vont prtMidre, [)()ur un tt'uips. leurs ét)als sur les rives sauva-ies du Lal)ra(!or, rives .sauvaijjcs et di'solces aux yeux de l'homme, mais (liiU'manlespour eux, et cjui leur olVi'ent tout ce (pnls (l('sir(Mit. L\m api'ès Tautro ils arrivent, les plus vieux les premiers; apercevant de loin la terre où ils sont lies, ils ia saluent de leurs notes hruyantes. joyeux ('('iiune le voyageur qiiaïui il sent ([u'il approche de sa (lemoiin' chi'rie. I^ius ou moins t(M chaipie iiuile sVpparie avec une t\'melle de son clioix. et ils se vvù- reiii eiisendtle sur ([uelipie banc de sable à l'écart, d'où iU reuipiissenl l'air lie leurs «'dats de rire furieux ipie ri'piie l'î'cho des rochers. Pour quicoinpie aime ii sm- [iitMidre l(^s seci'ets de la natiu'e, \v sinrlacle, mùme ioiiilain. de ces tendres rencontres ne man({ue ni d'in- lériM ni d'altrail. Le mâle tourne en s'incliiiant aulour (le sa compagne, et sans doute sV'vertue à lui di'clarer ainsi son amour; mais bientôt tout s'jirnmgeà la satis- l'actioii (les deux parties, et les jours suivants, on les voitse n'uiiir d'un nuituel accord, sui- la grève d'où les eaux se retirent. Tantôt ils mettent leur i)lumagt; 200 i.i; <;h\M) (;oki.am) a mwtkai noik. en onli'e; lantùt, les ailes a mcitié déployj'-es, ils se réehautleiit au soleil; ((iiel (iOKIAMi \ MAMKAl NOIK. 2()l ('\y,\i\[w siiisiiii. Tant que (lm'<' riiicubalioii, les oiscaiiv ne s"(''loit!;iuMit jamais poiii' loiifj^tomps do leurs œufs ; le mille eouve aussi bien (jue la tenielle, et tandis (]uc Fim d'eux est sur le nid. Vautre a soin de ne le laisser iiiiUKluer de rien. I.a première semaine, les panMits (l(''norgent la nourriture dans le hee des jeunes; mais ([iiand eeux-ci sont devemis un peu i;rands, ils se con- k'iiteiit de la di'poser devant eux. A l'ajjproehe de riionnne, on les voit fuir en toute liàte et tacher de '^wmn' ([uel(pie cachette, ou le rocher voisin sous le rf'bord ihupiel ils se tapissent. Au bout de cinij ou six scniiiiiies, ils peuvent s'échapper à l'eau, où ils nagent légèrement et avec beaucoup d'aisance. Si on met la main dessus, ils crient de la même manière que leurs parents. Le 18 juin, nous en prîmes plusieurs (pie nous lâchâmes sur le pont du Ripleij, où ils marchaient sans iuicime li'ène et ramassaient les aliments qu'on leur jetait. Aussitôt ipie l'un d'eux allait pour engloutir sa lioi'lion, un autre courait dessus, saisissait le morceau, liiaillait de son coté, et s'il (Hait le plus fort, l'empor- tiiit dans un coin et l'avalait. Le 23 du même mois, lieux autres individus, âgés de (quelques semaines, et iiyaiit déjà une partie de leurs plumes, furent aussi ap- |inrt»''sà bord. Leurs cris, quoiipie fiiibles encore, res- semblaient exactement à ceux de leurs parents. Ils mangeaient goulûment tout ce qu'on leur présentait. Quand ils étaient fatigués, ils se reposaient sur leurs I taises, ([u'ils allongeaient (mi avant par terre, comme fout tous les lierons, et restaient plus ou moins de temps 20*2 \.i: (iRANO (iOr.l.VNH \ MANIKAU NOIR. i'(-oiil(M|irils si> iiiuiiti'iit (»n ne \h'\\[ plus raiiiilich avec le niisiiiii.r: ils ''tiiitMit. en (iiili'C, (N'vcims tiv> ^'ras. Ku uiainlcs circunslaiios ils iiiaiiircslaiciil les iiu''nnvsiiiciiiia(i(iiis(iiii' les vaiiluiirs, rai" lorsqu'iii leur i(Mail ti'M-aiiai'd iiidiIou iii('^iuL''((ii(iM<'>laiul (Ip ioui- |irn- jïiv espèce, ils le mettaient eu pi«'eos, huvaieiil s(tiisaii|i'. s tout transi et i^'relotliint derrière iu\ ruclu.'r. iNous UM'endhnes il son frère, et c(''taii phiisii' de vnii la vivacité de leurs mutuelles tV'licilalions. î^u'tui.^ n^ s'envolaient d'eux-mêmes pour se hiu^nei'; nuàs ijiici- que ellbrt qu'ils tissent, ils ne pouvaient regagiiei L pont sans notre aide. Je m'étais attachi' à ces puuvn (l) A l'île de Cap-Breton, au sud du goUe Saint-Lauienl. iv. (JHAM) r;()i:i.A>'i) \ mwti.m noir. 20^^ WWs. «M n' ircliiil pus sîiiis un vrai sciilimt'iit de (miiu- 'ihsioiU'hriiilciAl (|ii«» jelcs vityais ('leiidussiir le cùlé, sitiilliiiiil cl paiili'Iaiils, Imcm :|iii> le tiiiM'iiioiiii'ti'r lU' mitiitiU »|irà 'lô (l(*j;r('s. Ils avaiciiL |)oiii' le cliicii de iiiiiii lils. iiiic aiilipaliue pi'iiii*)iu-(>('. (T^'lait pointant ii,i aiiiiiiiil (11111 naliii'cl doux <>! aimaid; ils ne cessaient lie h' liiim.'ler, de le mordre, et le pourehassaieid iinpi- iiiviiliicment du pont dans la eahine. Quelques jom's ;iinvs iioti'e (î<'-part de la haie de Siiiid-(leui'u"es. mais iViiiit's assaillis par un ouragan et ol)liii(''s de niellre en |iiiiiiie. Le lendemain un des(îo('laiids l'ut halay»'* jtar- .Icssiis le Ikoi'd ; il essaya de i'exa; \ mvmkm noiu. ayiinl l'air de iM'uiicoup sdullrir, mais sans chcrfiici pour ('«'la à remli'c î;orn«'. Vers ri'iuuiiM' <»ù les jciiiics se (lisjioseiit à sVnvoIrr. on en hic. aii\ «'nvimiis du nid, des ((iiantitcs considriiiMos ^uc Ton d«''pniiillt'K que l'on sale pour les eolons et les pécheurs n'-sidciiN de Lulu-adorel de Terre-Neuve. Quand ilssonl eapahltv dc! se subvenir ii eux-uu'^uies, les parents les aluuidini- nent tout à t'ait, et dès lors vieu\ et jeunes eherchciil sépan'uient leur nourriture. I.e vol du ^rand (loëland ii manteau noir «îst fciiiic assuré, parfois éléj^ant, assez rapide et piolon<;é. (,)ii;iii'l il accomplit ses lointains voya«j;es. il se tient ordiiiain- ment à une hauteur de einciuante ou soixante ni(''lr(\ et se diri^a^ en droite li^ne par des battenuMits irail' aisés et rt'guliers. Si le temps tourne à la teinpiMo. n C.oëland. de même que la plupart de ceux de satrih elfleure la surface des eaux ou de la terre, et piciiiiii! contre lèvent, sans jamais lui céder, se fraye un |iib- sai*| précipite par bonds rapides qui toutefois ue se pro gentpas, et bientôt après se renlève et recominentv i planer, en décrivant des cercles. Si riiomine teii d'empiéter sur ses domaines, il se tient au-dessus li'l lui, à une distance respectueuse, non plus en iilanaiitf I.K (iHAMJ (.OI.I,\M> A MANTEAU NOIR. 20.') mais ('oiiniic iiii|iiit't. ri (loiiiiaiit (l<> cAtc ot (rautrc (If vitscdiipsd'iiil»'. Pour s'cinpanT (1rs poissons iloiil il l'ait hiibiliicllniu'iil sa proi»?, il se. laisse ^lissLT l<'i;è- iviiit'iil «Ml l»as et. vAi passant aii-clcssiis «h; sa victimn, rt'iilcvc dans sou lii'c. Si l«3 poisson «îst petit, 1(5 (lo('- laïul l'avale en volanl ; mais lors([u"il est gros, il se pos(î siirlVaii. on ^^aj^nie le plus prochain rivap^e, pour taire XIII repas à son aise. (Jiioiiiue silencieux, on peut clir(> l(;s trois (piaris (h; raiiiiL'e, ce (ioi'land se montre tn'îs bruyant lors(pie airive la saison des amours, et nu'^me tant (|ue les jL'unos n'ont i>as tout(^s leurs pUnnes ; mais ensuite il it'ldinlie dans son sihmce. Ses notes les j)lus ordinaires, iliiaiid un rinterrom|)t ou (ju'on le surprend, sont une sditede cack, caclc, ewc/t /lorsqu'il t'ait la coui' à sa t'e- iiit'lle, ell(;s s'adoucissent, deviennent moinssaccad(!'eset ii'sseinhlent aux syllabes caî<;a/<, cawali. (pi'il r(''p('te t'n''- (liH'ininent, tandis (pfil (h'crit ses cercles en l'air, au- ilossiis de sa retraite, ou bien en vue d(; sa compagne. Iliiiaiclie l)i«Mi, iVuw nas t'erm(! et avec un air d'iin- jinitaiRe. naiiv ](''jj;('M'ement. (pioi([ue avec lenteur et siuis pouvoir (Vhapper à la poursuib; d'un bateau. Il III' sait })as plonjrer; mais parfois, en chercliant sa iioiiiritureau iouii," des rivages, il eidre dans l'eau j)oui' courir apW's un crabe ou une (''creviss(? de mev, et réussit à s'en emparer. Au Labrador, j'en vis un plonger •Icius deux pieds d'eau envii'on. après un gros crabe '|ii'il parvint à tirei- sui' le rivage. (»ù ille mangea. J'ob- scniiis tous ses mouveuKMîts à l'aide d'une lunette, et jHis parfaitenuMit remar([uer connuent il s'y prenait 200 |,K (iRVNI) coll. A M) \ MWTKAI NOIR. pour le iih'llir en |)i(''('rs ri fii avaler les pallies char- iiiH's. laissaiil de cùlc les pallrs ri la nirapacr. (JiiaïKi il «Mil Uni. il s'riivulu vers SCS petits et «li'ifnrp'a «leviiiii eux. K\(r('^iiuMinMit vcuacc. il l'ail vciilif «Ir ImiiI. saiifdr v«y(''l!Ui\ : iiK^iiicIcs j>liis piiaiiles cliarouncs ne lui n- pu^nieiit pas, ( cpemlaiil il pn l'èii' du poisson Imis. (Il' jeunes (lisuauxcai de petits '.piadriipéd^'s. Il .suce tdiis les a;iils(pril )UMd hitiivei- et en delruit ainsi un <:rai:il nombre. irépai'iAiiant pas davantai^e les jiareiits. s'ils son! t'aihles et sans di'lense. .raisoiivenl vu de resdiu»- Innds attaquer une troupe decanaidsnaueant aux nMis lie leur inere. (j'Ile-ci. ipiaiid ils étaient trop jeiiiio. prenait seule son vol, et les pauvres petits plniiLicaitiii: mais souvent ils «'taient caplio'i's en ^-eparaissaiit à la suiiaee. ii nioins (pi'ils ne se trouvassent parmi dt^ joncs. I.a lenielle de TKider est la seiiie de sa Irilui ijiii. en pareille orciision. risipie sa vie pour sauver sa in mille: elle s'enlève de dessus Feau. taudis ipie sa cuii- véeilisparaît au-dessous, el tient le (io«%nd en respect. jiisipi'à ee (|ue ses petits soient à FalM"! sous (jueltjiie l'orher; ce iTest ipialors (pfelle paît dans une aiitie dii'eelion. laissant reimenii tout penaud diiîi'rer sa iiutrlilication il loisir. Mais lorsque la tendre mère e>l sur ses œufs et à (hrouvert, le niaraud«Mir rassailif. lacontiaint de s'envoler, el pille son trésor, lielas! sou^ ses yeux. Les jeimes té'traos deviennent aussi la nmic de ceGoëiand. ipii linir donne ta chasse sur les m-> couverts de mousse, et les (Ii'voih; devant leurs parents: enfln. il s'attache aux bancs de poissons pendant de; i.i; (iHAM) (ioii \\i» \ Mwn \r Nom. 207 heures (!«' siiilc. cl (l'Iialiiliitlc l'nil livs liniiiic \h\'\w. Siirliicùl»' (lu l.jilii'juloi'. je voyais ces oiseaux Iouj^it les has-loïKls (le la mer v\ prciidiv des plies. Parfois liscssjivainii dv les avaler loiil «Milirivs; mais ne poii- \aiil ni Nciiii'i'i Im'uI. ils yaiiiiaiiMit (|iii>lt|(i(> km-Ikt. les luillaiciil coiiliv la |ii(Miv. ))iiis les (hrhiniieiil par iiior- ri'îiiix. Ils pamissenl diuV'nM' sans peine les pliinies. It'SdsrI aiilrivs parliesdinvs. e1 ne dé«rorueMl (pie pour iH'iiiTir leurs petits, ou celui (rcnlvceux «pii est occupé ,i('nii\er; à nioius encore qu'ils ne se scidenl Messi's l'Isiir le |>oint dVIre pris par Tlionnuc. ou ((u'ils ne Miit'iil poursuivis pai- (pielipie oisc-au plus lorl (pi'eux. In jour, à h'»slon. je vis un de cesdoëlands prendre, Miriiii hanc de vase, nue ani^^uille «pu* n'avait pas moins 'il! quinze à dix-lniit pouces de Ioul^'. Il s'enleva péni- lili'iieiil. parviid après de ^-raiMls e'toris à en avalei' la lèlt'.ejsediriijfeaitverslerivaiîe,.,, emportant sa proie, lorsque survint un aii^'le à 1(Me blanche (nii. Ii'aitanten iiiailre rint'oi tuiM' (îoëland. Tent hieniôt lorci' à s'en 'Icssaisir. Alors l'aiale. se laissant -lisser a[irès l'an- -'iiillt'. la rattrapa avant (pi'clle ei'lt toucli'- l'eau, et i'iinrainpiillement en la tenant dans ses serres. <'et (tiseau est exc(>ssivenuMd tantuche et Nii-ilant; ii'i'iiie au l.ahra chercher la nourriture pour leur proi)re compte, ri môme très loin des parents. Le l!2 du même mois. il> avaient tous (piilti' le Labrador. Nous les reti'ouvàiiu^ plus tard, le lonij; des cotc^ de Terre-iNeuve, dans If aïolfe Saint-Laurent et sur les baies de la Noiivellt'- Écoss(\ — La chair des vieux est coriace et très mau- vaise ; leurs plumes sont ('lastitpies et bonnes pour faiir des coussins, des oreillers et autres choses semhliiltlt's: mais rareuKMit peut-on en n'colter une quantité suffi- sante. (let oiseau doit jouii' d'une lonp,évité extraordiiiairi' puisque j'en ai vu qu'on i^ardaiten captivité depuis |)lii> de cin(iuante ans. Je dois à mon savant ann le docloiir iNeil. d'Édindjourg". le rapport inti'ressant ipu' voiei. sur les habitudes d'un individu de celte <'spèce (pi'il avail apprivoisa' : LE GRAND GOtLANl) A MANTEAU NOIR. 209 » Dcins le couranl de l^Méde ramiée 1(S18, im jeune Goélaïui me fut apporté par un petit ])ùcheur deNew- haveii, qui me dit (pi'on l'avait pris sur mer, vers l'embouchure du Forth. Il n'était encore revêtu que d'iiiie partie de ses plumes et n'avait aucun mal. Il apprit promptement à se nourrir de pommes de terre et (le rebuts divers, en com})aii;nie de plusieurs ca- nards, et devint bientôt plus familier qu'aucun d'eux; à ce point ([u'il venait regarder ])ar la fenêtre de la cui- sine, attendant qu'on lui jetât quelque morceau de graisse ([u'il aimait par-dessus tout. Il avait l'habitude de suivre ma servante Peggy Oliver aux alentours de la maison, battant des ailes et criant bien fort, pour qn'un lui donnât à manger. Après deux mues, je fus agréabl(Mnent surpris de voir paraître le manteau noir, ainsi que la forme et la couleur du bec auxquels on reconnaît le lanis marinus, ou grand Goéland à man- teau noir; carje l'avais jus([u'alors simplement regardé connue un ijel exemplaire d'une espèce plus petite, le larus fuscus, tlont je possédais deux individus qui n'a- vaient jamais voulu permettre au nouveau venu de faire société avec eux. Mou Goéland s'était parfaite- ment ai)privoisé, et je ne crus pas devoir prendre la précaution de lui rogner les ailes pour l'empêcher de s'envoler. Beaucoup de personnes qui viniaient chez moi nie le vantaient comme l'une des plus superbes mouettes de mer qu'elles eussent vues, et je ne voulais pas le mutiler. Dans l'hiver 1821-1822, je lui donnai pour compagnon un héron mâle qui, blessé sur le marais de Coldinghani et apporté vivant à Edimbourg, n. 14 210 LE GRAND GOÉLAND A MANTEAU NOIB. OÙ on le ^arda quelques semaines dans une cellule du vieux collège, mc^ l'ut [iiésentt' par le portier, M. John Wilson, honinie véritahlenient distinguer par Tintcrèt qu'il prenait à tout ce (jui pouvait servir aux progrès de l'histoire naturelle. >«V)us réussîmes aussi à appri- voiser coinplétement ce héron ; et jusqu'en la présente année 1835, il est demeuré chez moi, ayant tout le jardin pour se promener, les arbres pour se percher. et jouissant d'un libre accès dans le Loch (i) (pii tonne la limite de mon jardin. Un jour, c'était au printemps de 1822, le gros Goéland se trouva manquer à l'appel, et nous nous assurâmes, je ne me souviens ])lus com- ment, qu'il n'avait été ni volé, ni tué, ainsi ipie nous le supposions d'abord, mais qu'on l'avait vu passer par- dessus le village, allant au nord , probablement puni gagner la mer. J'avais perdu tout espoir de le revoir jamais, lorsqu'en rentrant chez moi, vers la fin d'oc- tobre, môme année, je fus tout étonné d'entendre la servante me crier, d'un air de triomphe : Moiisiem". monsieur, le gros Goéland est revenu ! Ktléctivenieiit. je l'aperçus (pii s(? promenait, connue d'habitude, à travers le jardin, en com])agnie de son vieil ami le héron, que, j'en suis convaincu, il reconnaissait parfai- tement. 11 disparut de nouveau le soir, et revint au matin, pendant plusieurs jours de suite. Alors Peg;u;y jugea prudent de l'enlérmer; mais évidemment hi pri- son n'était pas de son goût, et on se di'cida à lui leiuliv la liberté, bien qu'il courût grand ris([Ue d'être tué sur l'étang du moulin par quelque jeune chasseur d'iulim- (1) MaraiK. LE GRAND GOÉLAND A MANTEAU NOIR. 211 boui'g. Sa raptiviU' temporaire Tavail reiitlu un peu plus UH'fiant et plus farouche; cepeiulaul il lùm continua pas moins ses visites (piotidiennes au jardin, où il ra- massait les harengs et autres morceaux qu'on y jetait à son intention. Au conimenc(;ment de mars 1823, ses visites cessère'nt, et nous ne U) revîmes plus cpi'à la fin de l'antonme. Ces éclia|)pées pendant Thiver, à Canonmills, et ces excursions d'été, dans quelque endroit inconnu où sans doute il se retirait pour nicher, se prolongèrent pendant |)lusieurs annt'es, avec une grande régularité. Seulement, je remarcjuai qu'après la mort de sa protectrice, en 1820, il se montra plus rarement. — Mon journal porter cette note, à la date du 26 octobre 1829: Le ^rand Goéland de la vieille PegLiy est arrivé ce matin sur ré'tang. C'est le septième ou huitième hiver qu'il revient r«''gulièrement. — Il amenait un jeune avec lui, mais qui ne tarda pas à être tué sur le Loch par quehpie étourdi de chasseur. C'(''tait sans doute un de ses petits; il avait l'aile cassée, et demeura deux ou trois jours au milieu du marais, en poussant des cris lamentables, jusqu'à ce que la mort fût venue le délivrer. — Innnédiatement. et ])our tout l'hiver, le vieux Goéland quitta la place, connue pour nnus reprocher notre <'ruaul(''. L'antonme suivant tou- lei'uis. il paraît qu'il avait oublié son injure, car je vois dans mon journal (|ue, le 30 ocU)bre 1830. il revint au jardin de Canonmills. Les périodes de l'arrivée et du départ furent presipie les mêmes l'année d'après; maison 1832, octobre, novend)re et décembre se pas- sèrent sans qu'il reparût, et cette fois je désespérais 212 LE r.RAND GOKL.VNI) A MVNTEMI NOIR. de le revoir. A la fin pourtant, il revint. — Autre note de mon journal: Dimanche, 0 janvier 1833, le grand Goéland s'est montré de nouveau sur Tétang du moulin pour la onzième année, si je ne me trompe. Dans les premiers temps, il arrivait en octobre, et je l'ai cru mort ou tué. Il a reconnu ma voix, et s'est mis, comme toujours, à planer au-dessus de ma tête. — La dernière mention est celle-ci : 11 mars 1835, le grand Goéland était ici hier, on ne l'a pas revu aujourd'hui, et je ne l'attends plus qu'en novembre. Ce Goéland a souvent attiré l'attention des personnes qui passaient par le village de Canonmills, et qui s'éton- naient de le voir voler presque à ras de terre, bien que porté sur d'aussi grandes ailes. Les entants du village ne le connaissaient que sous le nom de Goéland de Neil; et plus d'une fois, m'a-t-on dit, ils lui ont sauvé la vie, en racontant aux chasseurs étrangers les détails de son histoire. Tout d'abord, quand il arrive en automne, il commence par tourner plusieurs fois autour de l'étang et du jardin ; puis il descend peu à peu et se pose doucement vers le milieu de l'étang. Le jardinier n'a qu'à monter sur le mur du jardin, avec un poisson dans la main, l'oiseau tout de suite gagne les branches avancées de quelque gros saule, d'où il reçoit ce qu'on lui jette, plutôt que de le laisser tomber à l'eau. Il hp peut y avoir aucune espèce de doute relativem(;nt à son identité ; il reconnaît trop bien ma voix, quand je crie tout haut M gull, gull (1);» et, qu'il soit en l'air on sur l'eau, il s'approche immédiatement. (1) Goéland, Goéland. LK GRAND GOÉLAND A MANTEAU NOIR. 215 Qiiekiues couples do ce grand Goéland nichaient, cha([ue anni'e, au bas rocher; il est très probable (lue le mien venait de là ; et, s'il m'est permis de hasarder une conj<*cture, je suppose qu'après avoir atteint lui- môme l'âge adulte, il s'y retirait chaciue année pour nicher à son tour ; mais (jne, dans ces derniers temps, ayant perdu sa femelle ou essuyé (pielque autre désastre, il est allé, pour le même objet, s'établir plus au loin, cetiui retarde ainsi, de six semaines, son retour pério- dique aux quartiers d'hiver. » LA FOSSE AUX LOUPS. Il existe parmi les hommes un sentiment universel irhostilité contre le Loup. Sa force, son agilité, sa ruse presque comparable à celle de son parent, maître re- nard, le rendent un objet de haine, spécialement pour le laboureur dont les troupeaux sunt toujours exposés à ses ravages. En Américjue, où ces animaux abondaient jadis, et où, dans certaines contrées, on les rencontre encore en nombre considérable, on ne les traite pas avec plus de miséricorde ([uc dans les autres parties du monde. Ti'apj)es et pièges de toutes sortes sont employés pour les détruire, de môme qu'on dresse chiens et che- 214 LA FOSSE AUX LOUPS. vaux pour la chtasse du renard. Quant au l.oup. à moins qu'il ne soil blessé, ou ne puisse, par (juehiue autre cause, user de tous ses moyens, roiium^ il est plus puis- sant et ipi'il a peul-iHn; plus d'halein»? (pie le renard, on \v [)oursiiit rariMuent, à chasse ouverte, avec une nuudeoud'autreschiens. (Cependant, à raison des grands dégâts qu'il connnet, et parce? ([u'il est très nuisible au fermier, tous les moyens ont été mis en œuvre pour extei'miner sa race. On a peu d'exemples, dans notre pays, de cas où il se soit attacpié à Thonmie; pour ma part, je ne connais qu'un seul t'ait d(; ce genre et le voici : Deux nègres, d'environ vingt-trois ans, demeu- rant siu' les bords de TOhio . dans les parties basses du Kentucky, avaient leurs belles sur une plantation, à dix milles de là. Souvent, après que le travail du jour était tei'miné. ils allaient leur rendre visite, et le chemin le plus court pour les conduiie auprès d'elles passait directement au travers d'un grand champ de cannes. Aux yeux d'un amant, cha([ue minute est pré- cieuse, et c'était cette route que d'habitude ils pre- naient pour perdre moins de tenqis. Lhiver avait com- mencé froid, somlire, menaçant ; et après le coucher du soleil, à peine dans tout l'atTreux marais restait-il un rayon de lumière ou un soutHe de chaleur, si ce n'est dans les yeux et le cœur des ardents jeunes gens, ou des loups voraces qui l'odaient aux environs. La neige couvrait la terre et rendait leurs traces plus aisées à suivre de loin pour les botes alîanK'es. Pru- dents jusqu'à un certain point, nos amoureux avaienl la hache, siu' l'épaule et marchaient aussi vite que le LA FOSSE AUX LOUPS. 215 permettait Tétroit sentier. Il leur scml)lait bien, de loiiips en temps, voir hrillei' (iuel([iie cliose devant eux, mais ils ('laient asscv. simples poiu' croin; (jue c'était rdlel (les petit(\s hraiielies couvertes de nei^e qui ve- naient leur fouetter U) visai2,'e. Tout à coup, un long et rmloiilable hurlement é(^late presipie sur eux, et ils ivcoiiiiaissent de suite ipi'ils ont atï'aire à une bande de loups 'jue la l'aim rend t'uiieux et ])(Hit-ôtre déses])érés. Ils s'an'«Ment et se niellent en d(''tense. attendant le résultat. Tout «Hait sombre aulour d'eux, sauf la neige ('puisse^ iU' plusieurs pieds; et h^ silence du la nuit rem- plissait leuràme d'enVoi-Que faire ?(piel parti prendre? Après (Hre restés (piehpie temps innnobiles et prêts à repousser l'attaiiue, ils se décident à continuer leur route; mais à peine ont-ils remis leur hache à l'épaule et fait un pas, (pie le ])i'emier se voit assailli par plu- sieurs emiemis. S(;s jambes se trouvent prises comme dans un étau, et il sent de tous cotés des coups de griffe et (l(î dent qui le torturent. Kn même temps, d'autres loups sautent à la gorge de son conqKignon et le jettent à bas. Tous les deux ils combattirent bravement; mais bientôt l'un ne donna plus signe de vie, et l'autre, itbout d(! forces, d(''sesp(''rant de se maintenir seul, et plus encore de porter secours à son camarade, s'ac- crocha à une branche et grimpa, connue il put, sur la ciiiKî d'un arbre où il se trouva enfin en sûreté. Au matin, il vit kîs restes de son nudheureux ami rongés et disperstis sur la neige (jui était toute tachée de sang; autour gisaient les cadavres de trois loups; les autres avaient disparu. Scipion alors se laissant glisser par 216 LA Fossi; AUX Lours. terre, ramassa les haches et rep^aj^na, do son mieux, la mîiison fin maître, pour raconter sa triste aventura. Il pouvait y avoir deux ans que ce malheur ctait arrivé, lorscju'un soir, voyap^eant entre Henderson et Vincennes, je m'arrôtai pour passer la nuit, dans une ferme situé(> au bord de la route. Après avoir mis mon cheval à Técurie et m'être rafraîchi moi-même, j'en- trai, comme c'est mon habitude, en conversation avec le fermier, qui me demanda si je voulais aller avec lui rendre visite à quelques fosses à loups qu'il avait éta- blies à environ un demi-mille de chez lui. J'accédai bien volontiers à sa proposition, et le suivis, à travers champs, jusque sur la lisière d'un bois épais où j'aper- çus l)ientôt les engins de destruction. Les fosses, au nombre de trois, à quelques centaines de mètres l'une de l'autre, et pouvant avoir huit pieds de profondeur, étaient plus larges d'en bas, de manière qu'une t'ois tombé dedans, aucun animal ne pût s'en échapper. L'ouverture était couverte d'une plate-forme à bascule construite de branchages et fixée à un axe central qui formait pivot. Dessus, on avait attaché un gros mor- ceau de venaison corrompue, dont les exhalaisons, peu flatteuses pour mon odorat, étai(înt cependant propres à attirer les loups. Mon hôte était venu les visiter ce soir-là, simplement parce qu'il avait l'habitude de le faire chaque jour, i)our s'assurer que rien n'était dérangé. 11 me dit que les loups abondaient, cet au- tomne, et lui avaient mangé presque tous ses moutons et l'un de ses poulains, mais qu'il s'apprêtait à le leur faire payer cher; il ajouta que si je voulais tarder Je L\ FOSSE AUX LODPS. 217 quelques heures, le lendemain matin, il promettait de me procurer une partie de plaisir telle cpi'on en voit rarement dans le pays. Sur ce, nous rentrâmes à la ferme, et a])rès une nuit employée à bien dormir, nous étions, le lendemain, debout avec l'aurore. Je crois ([ue tout va à souhait, dit mon hôte, car les chiens me paraissent impatients do i)artir. Ce ne sont pourtant cpie de pauvres chiens de berger ; mais leur nez n'en est pas pour cela plus mauvais. Effectivement, en le voyant prendre son fusil, sa hache et un grand couteau, ils se mirent à hurler de joie et à gambader autour de nous. — A la première fosse, nous trouvâmes Tappàt enlevé et toute la plate-forme bouleversée : l'animal s'était pris, mais à force de gratter, il était parvenu à se creuser un passage souterrain par où il avait })u s'échapper. Le fermier alla regarder dans Fautre... Ah, ah! s'écria-t-il, il paraît que nous avons là-dedans trois camarades et de la belle espèce, je vous en réponds. J'avaneai la tète et je vis les loups, deux noirs, le troisième roussàtre, et tous, pour sûr, d'une taille respectable. Ils étaient étendus à plat par terre, les oreilles couchées, et leurs yeux manifestant plus de frayeur ([ue de colère. — Maintenant, dis-je, connnent faire pour mettre la main dessus ? — Comment, mon- sieur? mais probablement en descendant dans la fosse où nous leur couperons le nerf du jarret. Un peu no- vice en ces matières, je demandai au fermier la per- mission de rester simple spectateur. — A votre aise, me répondit-il, demeurez ici et regardez-moi faire à tra- vers les broussailles. Ce disant, il se laissa glisser en bas, 218 LA FOSSE AUX LOUPS. aprt^s s'^trt; arnu' {\v. sii haclio ot de son roiitoan. tandis que je ganhiis la carabine, (^l'iail |)iti('' (l<5 voir la couar- dise (les loups. Il leiii'tiia, ruia; après rautn\ les jainhcs do derrière, el cruii coup desoii couteau, leur trancha le principal tendon au-dessus du joint. Il y allait d'un air aussi trantjuille (pie s'il se fi^t a^i de maniuer des agneaux. Ah! sV'ciia-t-il, (piand il l'ut remonté, nous avons oubli(3 la corde; je cours la chercluM'! Kt il |)artit vit et léger, connue un jenn(5 houune. HieiihM il était de n^- tour, essouUlé, tout en na^e. et s'(3ssuyant U) tVoiit du revers de sa uiaiu. A pressent, en besogne. — Moi, je dus relever et uiainlenir la plat(3-toiine, pendant (jue lui, avec la dextérité d'un Indien, jetait la corde et passait un nœud coulant au cou de l'un des loups. Nous le hissâmes en haut, comph'tement immobile, comme mort de peur, ses jaml)es, désormais sans mouveiiiont et sans vie, ballottant ça et là contre les parois du trou, sa gueule toute gi"an(l(î ouverte, (»t indiciuant, par le seul râle de sa gorg(î. (pi'il respirait enc(jre. Une fois qu'il fut étendu sur le sol. le terniier délit la corde au moyeu d'im bâton, et l'abandonna aux chiens, qui tous se ruèrent dessus et l'étranglèrent. Le second tut traitci sans plus de cérémonie ; mais le troisième, le plus noir et qui sans doute était le plus vieux, montra moins de stupidité, du moment (ju'on l'eut détaché et qu'il se vit à la merci des chiens. C'était une temelle, comme nous le reconnûmes après, et quoique n'ayant l'usage que de ses jambes de devant, elle s'en servit pour fuir et batail- ler avec un courage que nous ne pouvions nous empê- LA FOSSE AUX LOUPS. 219 clicrdejuiîor di^ue d'un mcillour sort. Elle so (li'feiulit en c\M vuillaïuiiioiit, (loiiiuuit do droite ol de gaucho iiii coup de dent :iii |)reinier chien assez liiirdi pour l'up- pmcluT, el «[ui s'en retournait avec cela, l)raillant et jiilt'iix, en lui laissant toute une ^aieulétî de sa peau. Kiiliii, elle fil tant et si bien, que le fermier, de peur HUL'lh; ne s'i'chappàt, lui envoya une balle au travers (lu cœur. Alors les chiens se jetèi(Mit dessus, et assou- virent leur vengeance dans le san}< de la maudite bôto qui avait ravagé le troupeau de leur maitre. LE CANARD EIDER. L'histoire de ce (^lanard doit être un objet de grand iiitt'i'iH pourquicon([ues"occu])e de Télude de la nature : lii l'di'ine déprimée de son corps, la singulière configu- latioi) de son bec, la belle couleur de son plumage, le iiiix (le son duvet comnu* article de commerce, tout, jusqu'aux lieux où on le trouve, mérite de fixer notre attention; aussi tàcherai-je de ne vous laisser lien ignorer de ce qui le concerne, en tant du moins 11K3 j'ai pu moi-même m'en instruire par mes propres observations. D'abord, ce fait que l'Eider niche sur nos côtes est 220 LE CANAIU) KinF.R. intiMvssant pouilos oniitholojçistosdo rAin(''riqiM;,(loiii la famn' possnic peu d'oisraiix ilt? la famillodos (laiiiuds (jui soiiMit dans rc cas. Olui-ci, et en };«'in''i'al les fuli- gulcs, s(*dislin};iuMit d«' toutes l(\s autres espèces de cette niAine tainille vivant sin* les eaux douces ou salées, par leur cou compaiativeineut court, par la plus ^riuuic étendu(î de leui's pieds, la fornu; aplatie du corps, et Li faculté de plonger, à une profondeur consid(''i*al»i»'. jusqu'aux lits de co({uillaji;esdont ils font leui' principale nourriture. Leur vol aussi diffère de celui des vrais canards, en ce sens qu'il se maintient plus près de la surface de l'eau. Hareinent, en effet, les fuligules s'eii- lèvent-elles à une grande hauteur au-dessus de cet élé- ment, et sauf trois espèces, on ne les rencontie pres((iie jamais dans Tintérieur des terres, à moins ([u'elles n'y aient été poussc'es [)ar l'ouragan ; elles ont encore pour habitude, à elles particulière, de nicher (mi connnii- nauté et souvent à une très petite distanc?» l'uiio do l'autre. Enfin, les maies sont communénuMit plus en- clins à abandonner leurs femelles, du moment

. puis, au bout de cin- quante ou soixante mètres, s'enfoFieaient tout à coup sons IVau, pour ne reparaître qu'une minute et par in- tervalles. Dès l'instant ipie la couvée était dispersée, la mère prenait son essor ; et là se terminait notre chasse. Le cri de la femelle est un croak, croak dur et prolongé. Je n'ai jamais entendu celui du mâle. Ouand on lui a dérobé ses œufs, la femelle cherche immédiatement un màlo, lequel tant (jue je puis croire, est moins souvent un nouveau que l'ancien ; cependant je n'ai pu vi'rifier le fait. Quoi qu'il en soit, elle ne larde pas à en trouver un ; et on les voit, le môme jour, revenir ensemble au nid. Us nagent, volent et se pro- mènent côte à côte ; et dix ou douze jours ne se sont pas écoulés, que le mâle prend son congé et se renvoie k la mer. vers ses compagnons, tandis que la femelle reste k couver sur sa nouvelle ponte qui se compose rarement de plus de quatre œufs, encore faut-il que la saison soit peu avancée; car jai remarqué qu'aus- sitôt que les mâles étaient entrés dans leur mue, les femelles dont le nid avait été pillé, abandonnaient la place. Une des particularités les plus remarquables de l'histoire de ces oiseaux, c'est (jue les femelles ayant des petits ne commencent à muer que trois grandes semaines après les mâles, au lieu que celles qui n'ont 252 LK C.VNAKI) KIDKR. pas de nid, subissent ce changement de pluniaj^'o on môme temps qu'eux. Cela peut sembler étrange, mais c'est un fait dont au Labra-dor, j'ai pu parfaitenieiil m'assurer. Quehiues auteurs ont avancé que les mâles veillent auprès des femelles. Cela peut être, dans des pays comme le Groenland et l'Islande où les Eiders ont été réduits à un état de demi-domesticité ; mais tel n'est certainement pas le cas pour le Labrador. Jamais nous n'y avons vu un seul mâle rester auprès des femelles, après que l'incubation avait commencé ; sauf, par ha- sard, comme nous venons de le dire, lorsque celles-ci avaient été privées de leurs œufs. Toujouis les mâles se tiennent au loin, en grandes troupes, quelquefois de plus de cent individus, se retirant à la mer, sur de lar- ges bancs, par neuf ou dix brasses d'eau , et, quand vient la nuit, gagnant les îles couvertes de rochers. Nous nous étonnions beaucoup de ne pouvoir décou- vrir, au milieu de leurs longues lignes, un seul oiseau qui ne fûtdans son plumage d'adulte. Les jeunes mâles, s'ils s'accouplent avant d'avoir revêtu leur dernière livrée, se tiennent entre eux pendant cette même pé- riode, ou bien avec les femelles stériles qui, comme nous l'avons observé, sont séparées de celles qu'occu- pent les soins de l'incubation ou de la maternité. Je suis porté à croire que les vieux mâles commencent leurs migrations vers le sud plus tôt que les femelles et les jeunes; du moins, une quinzaine avant le départ de ces derniers, on n'en voyait plus aucun. En hiver, au moment où on les trouve aux États-Unis, sur les côtes LE CANAhD EIUKR. 233 de rAtlantique, niiVlos et femelles sont nuMés ; et quand vient le printemps, ceux qui sont accouplés voyagent par grandes troupiîs, disposi'es en ligne où Ton voit dis- tinctement alterner les individus de l'un et de l'autre sexe. Le vol des Eiders est ferme et puissant. Ils s'avan- cent en battant fréquemment des ailes, et faisant on- duler leurs fdes, suivant les inégalités mômes de la siirftice des vagues au-dessus desquelles ils passent à la hauteur de quelques mètres, et rarement à plus d'un mille du rivage. Quelques-uns seulement traversent le golfe de Saint-Laurent. Généralement ils préfèrent sui- vre les côtes de la Nouvelle-Ecosse et de Terre-Neuve, jus(iu a l'entrée orientale du détroit de Belle-Ile, au delà de laquelle un certain nombre continuent plus au nord, tandis que d'autres, remontant ce canal, s'établissent pour la saison au long des rivages du Labrador, et vont parfois jusqu'à la baie des Perdrix, ou même plus loin, sur le Saint-Laurent. Pendant le temps qu'ils séjournent sur nos eaux et dans les lieux (ju'ils ont choisis pour nicher, on les voit assez fréquemment voler beaucoup plus haut que lorsqu'ils voyagent ; mais dans ce cas ils semblent n'avoir pour but que de se maintenir hors des atteintes de l'homme. On s'est assuré que la rapi- dité de leur vol était d'environ quatre-vingts milles par heure. Ils plongent avec une agilité remarquable, peuvent rester longtemps sous l'eau, et vont souvent chercher leur nourriture à une profondeur de huit à dix brasses, sinon plus. Cependant, lorsqu'ils sont blessés, ils s'épui- 234 LB r^NAnn eider. Sflîit biontAt par suito des oiïods (|ii'ils fi)Dt pour plonj^er. et im bateau lùcii manœuviv peut les jfa^'iier (lo vitesse en une demi-heure. Il en est do mi^iufl qtiand ils ronnneiieent a se fali^iier. ear alors ils nagont pres(jiie à tletir (Tea'!, et on les lue lacileiiienl d'un coup de perelie (»«i d'aviron. l.our nourriture consiste principalement on mollus- ques (^t cruslaci^s dont il semble qu'ils aient la fa- cidt»' de broyer les cocpiilles. Dans plusieurs individus que j'ouvris, j»» ti'ouvai les intestins presipie entière- ment remplis de p<'tits tVa<îments de ces coquilles m(^lan}j:és avec d'autres matières. Il y avait, en outre, dafis leur estomac, des œufs de crustacés et de divo:*» poissons, parfi^is mémo des cailloux iïros comme uii« noisette. Leurœsnpbai?e. (pii est en forme de sac et a la consistance du cuir, était souvent distendu par les uli' ments, et d'ordinaire émettait une désajiçn'able odeur de poisson. Le gésier est très lai'ge etmusculeux. La tra- chée du jeune mâle, aussi longtemps qu'il n'a pas toutes se.s plumes, ou pendant les douze premiers mois, ne ressemble pas à celle des vieux ; et en général l'oiseau n'apparait dans son plumage complet qu'au quatrième hiver. D'abord, il ressemble à la mère, puis devient moucheté et couleur pie; mais ce changement ne s'opère que par degrés, et jamais en moins de deux ans. Il faut une bonne charge pour tuer un Eider, et l'on en vient à bout plus facilement pendant que l'oiseau est en l'air, que lorsqu'il nage. Sur le rivage, il vous voit venir de très loin , et s'envole avant que vous soy^î à ga portée. Parfois vous pourrez le surprendre. LE CANVRn FtDFR. 235 tandis i\u'\\ iiîi;;o sous de j^riiiids imcIum's ; ot si vous vous y prein'Z Itiou, vous luircz cliiiiin' de le liici" ; miiis lors- qu'il vous il d'uliord ii[H'ivu, il plon^^f si vile (lui», pour oetle fois, vous pouvez dire i[M(' votre coup «*st iniiiupié. Pcnduiit queiious ('tions au port Groat-Miicatiiiii, nous ilécuuvrîiiics un lai'iJje bassin qui coininuniipiait avec la iiicrau inoycMi d'une etroiti» passe d'environ .'iO mètres, H par laquelle avee la inar«'v» entraient et s'(»n retour- naient les F.iders. Nous nous poslAines de ehacpio côté (le ce canal, et parviinnesàen tuer bon nombre, mais rareineid plus d'un à la fois. Opeiidant, h plusieurs reprises, il nous arrivad'en abattre, dans une seule file, autant que nous avions de coups de fusil à leur envoyer. Je n'ai jamais trouv»^ de duvet pur ((ue dans un seul nid ; dans les autres, il «Hait plus ou moins mélangé de petites branches sèches de pin et d'herbes. Quand il est nettoyé, ce qu'un nid peut en contenir ne pèse guère plus d'une once; toutefuis. vu sa grande élasticité, il se renfle assez pour remj)lir un chapeau, et même plus, s'il est convenablement pn'pjiré. Les chercheurs (ffrufs du l^abrador en n'coltent des quantités consi- df'rahles ; mais ils font, en même temps, un tel ravage parmi lesoiseaiîx, que ce trafic ne peut durer de lori'- gues années. UNE RUDE PROMENADE POUR DE JEUNES JAMBES. Il y a de cela douze ans : je naviguais avec mon fils Victor, du Bayou-Sarah jusqu'à l'embouchure de rOhio , à bord du steamer Magnet , commandé par M. M'knight auquel je suis heureux d'offrir de nou- veau tous mes remercîments pour ses attentions et sos bons soins. La vue seule de la belle rivière me rem- plissait de joie ; mais en arrivant au petit village de Trinité, il nous fallut prendre terre, avec plusieurs autres passagers, les eaux devenant trop basses pour permettre au bateau de poursuivre jusqu'à Louisville. On ne pouvait pas se procurer de chevaux ; et comme je désirais continuer ma route sans délai, je pris le parti de remettre mes effets à la garde de l'hôtelier, qui s'engagea à me les faire parvenir par la première occasion. Mon fils, à cette époque, n'avait pas encore quatorze ans ; mais, avec toute l'ardeur de la jeunesse, il se vantait de pouvoir accomplir, de son pied, le loiifi; voyage que nous avions en perspective. Deux des passa- gers manifestèrent le désir de nous accompagner, pourvu, dit le plus grand, et en apparence le plus ro- buste, pourvu que le petit puisse supporter la fatigue. Mes affaires, ajouta-t-il, sont urgentes, et il me faudra pousser rapidement jusqu'à Francfort. Après le dîner. Vm RUDE PROMENADli: POIJK DK JEUNES JAMBES. 237 auquel nous avions conlribur pour notre part, grâce au j)oisson de la rivière, mon fils et moi nous prîmes notre chemin par les côtes tie Cash-Creek où, quelques aimées auparavant, j'avais été retenu plusieurs semaines par les glaces. Nous couchâmes à la taverne, et le len- demain, nous disposant à repartir, nous fûmes rejoints par nos compagnons ; mais il était plus de midi quand nous traversâmes la crique. L'un de nos camarades de route, nommé Rose, d'une complection délicate et d'une tournure distinguée, s'avoua tout d'abord poui* un mauvais marcheur, et dit \\\{\\ ('tait bien aise que mon fils fût avec nous, car il pourrait, du moins, aller de pair avec lui. L'autre, un individu gros et fort, était déjii parti en avant. Nous marchions à la file, à la manière des Indiens, le long d'un étroit sentier frayé au milieu d'un champ de can- nes ; puis, nous traversâmes des terrains couverts de piles de bois, à la suite desquels nous entrâmes dans hforêl bnilée. Ici, nous rencontrâmes tant de sou- ches et de ronces, qu'il nous parut préférable de prendre au long de la rivière dont nous suivîmes le cours sur un banc de petits cailloux, mon fils tantôt marchant à l' avant-garde , tantôt restant en arrière ; enfin, nous atteignîmes America, village très agréable- ment situé, mais d'un difficile accès. Nous nous arrê- tâmes à la meilleure auberge, comme devrait le faire tout voyageur, soit à pied, soit à cheval ; car là, du moins, on est sûr d'être bien traité, sans pour cela payer plus cher. Avant de repartir, nous établîmes M. Rose pour notre trésorier. Nous avions fait dix milles 238 UNE RUDE PROMENADE par des sentiers escarpés et raboteux, lorsque nous re- gagnâmes la rivière. Après sept autres milles non moins pénibles, nous trouvâmes une maison près du bord, où nous résolûmes de passer la nuit. La première personne qui s'offrit à nous fut une temme cueillant du coton dans un petit champ. Nous l'abordâmes en lui deman- dant si elle ne pourrait pas nous recevoir dans sa ca- bane. — Très volontiers, répondit-elle; et j'espère que vous voudrez bien vous contenter du peu t{ui nous suHit pour vivre, à mon mari et à moi. Pendant qu'elle ren- trait au logis pour préparer le souper, je pris, avec M. Rose et mon fils, le chemin de la rivière, sachant qu'un bain nous forait beaucoup de bien. Quant ù l'au- tre camarade, il refusa de nous suivre, et s'étendit sur un banc devant la porte. Le soleil allait se coucher; des milliers de robins (1) fendaient l'air, se dirigeant vers le sud; l'atmosphère était calme et pure; devant nous s'étendait l'Ohio, comme un miroir poli : et ce fut avec un indicible sentiment de plaisir que nous nous élan- çâmes au milieu des ondes. Bientôt le brave homme de la hutte nous appela pour souper ; et en trois sauts nous l'eûmes rejoint. C'était un grand gaillard sec et osseux, avec une bonne figure bronzée par le soleil. Après notre frugal repas, nous nous couchâmes tous quatre sur un large lit étendu par terre, tandis (\w. l'honnête couple se retirait au grenier. Notre hôte, comme nous le lui avions recommandé. nous réveilla à la pointe du jour et nous dit que, sept (i) Grive Giralique, ou Litorue du Canada. POUR DE JEUNES JAMBES. 239 milles plus loin, nous trouverions un déjeuner beau- coup meilleur que notre dernier souper. Il ne voulut jamais recevoir d'argent ; seulement, je parvins à lui faire accepter un couteau. Nous nous remimes en roule; au départ, mon lils paraissait très i'aible, mais il reprit courage, tandis (jue notre vaillant compagnon que j'appellerai S. montrait tous le symptômes d'une extrême lassitude. Conune on nous l'avait annoncé, nous arrivâmes à une maisonnette habitée par une espèce de grand fainéant aucpiel le ciel avait accordé plus qu'il ne méritait, en lui donnant une femme active et six robustes enfants qui tous travaillaient pour le faire vivre. La femme nous accueillit bien; son langage et ses manières indiquaient une naissance beaucoup au-dessus de sa position. Jamais je n"ai mieux déjeuné : le pain était fait de blé nouveau, moulu par les mains de notre hôtesse aux yeux bleus; les poulets avaient été prépan's par une de ses charmantes tilles. Nous eûmes aussi d'excellent café, et mon fils put se régaler de lait frais. La bonne dame, qui maintenant tenait un petit enfant sur son sein, semblait toute réjouie de nous voirmanger avec tant d'appétit. Ses fils s'en furent à leur ouvrage, et le paress(?uxde uuiri s'installa devant la porte pour fumer sa pipe. iNous mîmes un dollar dans la main potelée de l'enfant et dîmes adieu à sa mère. D'abord, nous vouliunes continuer le long du rivage; mais il nous fallut bientôt rentrer dans les bois. Cependant, mon fils coninienruit à s'alïaisser. Cher enfant! Je le vois encore se couchai t sur une souche, épuisé de fatigue, et de presses larmes lui tombant des 2Û0 UNE RUDE PROMENADE yeux. Je baignai ses tempes, l'appelai des noms les plus doux ; et par hasard, ayant aperçu un gros coq d'inde qui trottait devant nous, je le lui montrai A cette vue, et comme soudain ranimé, il se lè^^e et se met à courir après l'oiseau ! De ce moment, il parut avoir acquis de nouvelles forces ; et nous atteignîmes enfin Wilcox, où nous nous arrêtâmes pour la nuit. A la vérité, on nous reçut assez mal et sans faire grande attention à nous; mais du moins nous eûmes à manger et un lit. Le soleil se leva le lendemain dans toute sa splen- deur, réfléchissant sur l'Ohio ses rayons couleur de feu. Impossible d'avoir une plus belle vue que celle dont nous jouissions en quittant Wilcox. Après deux milles à travers des bois inextricables, nous arrivâmes à Belgrade ; puis, ayant dépassé le fort Massacre, nous fîmes halte pour déjeuner. S. se plaignait tout haut, nous donnant à entendre que le manque de routes rendait le voyage très désagréable. Il n'avait pour habi- tude, nous dit-il, ni de se cacher comme un voleur. dans les broussailles, ni de trébucher à la pleine ardeur du soleil, parmi les rochers et les cailloux. — De quelle manière alors avait-il donc voyagé? C'est ce qu'il ne jugea pas à propos de nous faire savoir, M. Rose se conduisait à peu près aussi bien que Victor ; et c'était moi maintenant qui marchais à l'avant-garde. Vers le coucher du soleil, nous avions regagné les bords de la rivière, en face l'embouchure du Cumberland. Sur une montagne, propriété du major B., nous trouvâmes une maison où il n'y avait qu'une femme extrêmement POUR DE JEUNES JAMBES. 2Ûi pauvre, mais d'un cœur excellent. Elle nous dit qu'en cas que nous ne pussions traverser la rivière, elle nous hébergerait pour cette nuit; mais, ajouta-t-elle, comme la lune (;st levée, je vous passerai dès que mon bateau sera revenu. Morts de faim et n'en pouvant plus, nous nous étendîmes sur l'herbe brûlée du soleil, en atten- dant notre maigre souper, ou l'esquif qui devait nous transporter de l'autre côt('' de la rivière. Déjà j'avais égrugé le grain, atlrappé les poulets et j'allumais du feu, lorsque le cri : « Le bateau, le bateau », nous fit tous lever. Nous traversâmes la moitié de l'Ohio, fran- chîmes l'île de Cumberland, et nous trouvâmes bicmtôt dans le Kentucky, la terre natale de mes enfants chéris. Je n'étais plus maintenant qu'à deux ou trois milles du lieu où, quelques années auparavant, j'avais eu mon cheval tué sous moi par la foudre. Inutile de vous énumérer tout au long nos diverses stations et les rencontres que nous fîmes, avant d'at- teindre les bords delà Rivière ver^e. Nous étions partis de Trinité le 15 octobre à midi; et le 18 au matin, on eût pu voir quatre voyageurs qui, descendant une mon- tagne, contemplaient, dans le lointain, les rayons du soleil réfléchis sur un horizon de forêts. L'épaisse gelée blanche qui recouvrait la terre et les clôtures des champs, étincelait à la lumière et fondait peu à peu. Que toute la nature semblait belle, dans son silence et dans son repos ! Mais les jouissances que j'éprouvais en admirant cette magnifique scène étaient bien troublées par l'état où je voyais mon fils : Il ne faisait plus que se traîner, comme un oiseau dont l'aile est brisée; les II. 16 242 UNE RUDE PROMENADE autres ne valaient {jçiière mieux (|ue lui ; et pourtant il souriait, se redressait encore et s'eirorçait de se maintenir à côté de nous. Le pauvre M. S. . . pantelant, et de plu- sieurs pas en arrière , ne parlait plus ([ue d'acheter un cheval. (Cependant, nous avions pour le moment assez bon chemin; et le soir, nous arrivâmes à une maison où j'entrai pour demander à souper et des lits. En res- sortant, je trouvai Victor (pii déjii dormait sur l'herbe; M. Rose regardait ses pieds tout saignants; quant àS..., il venait de s'administrer une dose de mononijahela (1). et du coup avait vidé la bouteille. H fut décidé qu'à partir de là, au lieu de prendre par Henderson, nous couperions à la traverse, sur la droite, pour gasfner directement Smith's Ferry, par la route de Higliliuul Lick Creek. Le lendemain, nous reprîmes notre pénible voyage; il ne nous arriva rien de bien intéressant, excepté la ren- contre d'un beau loup noir, tout à fait doux et appri- voisé et dont le propriétaire avait refusé cent dollars. M. Rose qui était homme de ressource et de goilt, char- mait nos ennuis avec son flageolet, et parlait souvent de sa femme, de ses enfants et de son foyer, ce qui me donnait encore meilleure opinion de lui. — En passant au long d'un verger, nous nmiplîmes nos poches de pêches d'octobre; et quand nous arrivànu's à la tra- versée de Water-River, noustrouvàmt;s les eaux extré- basses. Déjà les vents avaient dispersé le gland sur les (1) Voy. pour ce mot, ;ni proDiior voluino: « r,a Vùlo du A ji'iUf' dans le Keiilucky. .) POUR DE JEUNES JAMBES. 2/13 endroits peu profonds, et les canards huppés couraient apivs pour le riiniasser. — Là , nous remarquamos une grande source salée que fré([uentaienl les bulîles ; mais, où sont-ils aujourd'hui, ces puissants animaux qui, faisant voler la poussière, exhalaient alors en longs beuglements leur colère ou leur amour? Cependant, les pieds du bon M. |{ose devenaient de plus en plus malades; M. S... était aux abois, et mon (ils, chacpie jour, paraissait j)lus leste et plus dispos. Le 20, il fit sond)re et nous craignions de la pluie, (fautant plus que le terrain était plat et argileux. Dans le eoiulé d'Union, nous atteignîmes une large clairière où se trouvait l'habitation d'un juge qui eut la com- plaisance de nous mettre dans la grande route et de nous accompagner un mille plus loin, avec d'excellentes instructions touchant les ruisseaux, les l)ois et landes qu'il nous faudrait encore traverser; ce qui toutefois ne nous eût pas tirés d'embarras, si un voisin à cheval ne s'était offert pour nous montrer notre chemin. La pluie tombait maintenant à verse, et nous incom- modait fort; mais enfin, arrivés à Highland Lick, nous heurtâmes à la porte d'une cabane, que nous fail- lîmes défoncer, en bousculant une chaise qui était placée derrière. Sur un sale lit, un homme était étendu, ayant devant lui une petite table sur laquelle se trouvait un livre de commerce ; un pistolet pendait au clou à son chevet, et une longue dague espagnole à son côté. Il se leva, en me demandant ce i[ue je voulais? — Une meil- leure auberge, et le chemin pour aller à Sugg. — Suivez la route, et au bout de cinq milles, vous trouverez le 244 UNE RUDE PROMENADE gîte ((uc VOUS cherchez. Mes corr>paj]çnons m'attendaient en se réchauffant au feu de chaudières à sel. Le sin- gulier personnage que je venais de voir n'(4ait vm moins qu'un inspecteur. 11 nous fallut traverser plus d'une crique avant d'apercevoir la bienheureuse hôtel- lerie ; le pays était niontueux, le sol argileux et glissant; S... jurait, Rose ne faisait plus cpie clopiner, mais Victor se conduisait comme un vétéran. Encore un jour, cher lecteur, et pour un nu)m<'iit, du moins, je fermerai mon journal. La matinée d» 21 fut belle; nous avions bien dormi àSugg', et n(^ tar- dâmes pas à entrer dans des laudes de pins d'un aspect assez agréable, avec une bonne route devant nous. Rose et S... se trouvaient réduits à un tel état, qu'ils nous proposèrent de nous laisser aller sans eux. .Nous fîmes halte pour délibérer un instant là-dessus; mais leur parti était pris; ils voulaient continuer d'un train plus modéré : en conséciuence. nous dûmes leur dire adieu. Je demandai à mon fils comment il se trouvait: — Il se mit à sourire et doubla le pas ! bitîutôt nos an- ciens conquignons disparurent à notre vue. Environ deux heures après, nous étions assis sur le bac de la Rivière verte, nos jauibes pendant au frais dans l'eau. A Smiths Ferry, la rivière prend l'aspect d'un lac pro- fond : Les grands roseaux de ses bords, les saules touffus qui rond)ragent, le vert foncé de ses ondes, forment un tableau remarquable en toute saison, mais particu- lièrement dans le calme d'une soirée d'automne. M. Smith nous donna un bon souper, accompagné d'un cidre pétillant, et d'un lit confortable; et de plus, il fut POUR I)K JEUNES .ÏAMBES. 245 convenu (ju'il nous conduirait dans sa voiture jusqu'à Louisville. Ainsi finit notre promonade de deux cent cinquante milles! Si vous voulez nous accomi)agner le reste du voyaj^e, vous n'avez qu'à vous reporter au 1'' volume, à l'article « L'hospitalité dans les bois. » LE COUMORAN DE LA FLORIDE. 11 est peu d'oiseaux des États-Unis, si mal comms, ou qui aient été aussi négligemment décrits, (jue les Cor- morans. Quelques espèces môme, parmi c(hix d'Europe, ne sont pas encore bien déterminées; tant ils ont été superficiellement étudiés par des auteurs qui, après en avoir donné l'extérieur et les formes d'une manière satisfaisante, ont sans doute manqué d'occasions pour les observer plus à loisir, là où réellement on peut le mieux apprendre à les connaître , c'est-à-dire dans les lieux où ils se retirent pendant la saison des œufs. Ceux d'Amérique ne sont pas, tant s'en faut, de i^rands voyageurs; et cependant ils émigrent tous, plus ou moins, à certaines époques de l'année. Les trois espèces auxt[nellts seules, pour le moment, j'entends faire allusion, sont confinées dans une partie relative- ment peu étendue de 1 Amérique du Nord. Le graid Cormoran [Phalacrucorax carbo) monte rarement plus 2Ûf> LE CORMOllAN DE LA ILORIDE. haut (|iio lu côte méridioiialo du Laluador, et no des- cend guère au sud aussi bas que la l»aie de New- York. LeConnoran à double erèle(/*. diloplms), <(ui est lu second par la taille, s'avance plus loin dans les deux dinîclions, du moins à ce ([u'assure le docteur Uielmnl- son, bi(;n que mon excellent ami le ca|)itain(; .luiiius (llark lioss ne tasse nuMition d'aucim des oiseaux di! cette laniille dans le cours de son voyage aux mers arcticpies. Quoiqu'il en soit, ils nichent (Mi grand nom- bre au Labrador, et durant l'hiver se rencontrent le long de nos côtes orientales, (juelquefois jusqu'à (lliur- leston, (hms la Caroline du Sud. Quant au (>>rmoran de la Floride [P. Floridanm], il l'éside constamment dans les jjarties méridionales de TÉtat d'où il tire son nom, et s'y montre en abon- dance , surtout au commencement du printenqjs et de l'été. C'est là, en effet, qu'il aime à taire son nid sur les îles, et au bord des petites baies de l'extrémité sud de la péninsule, d'où il en part des quantités considé- rables, les uns pour visiter les eaux du Mississipi , et même de l'Ohio; d'autres pour s'avancer à l'est, jus- qu'au cap Hatteras (1); iMais tous reviennent aux Flo- rides, aussitôt que le froid se fait sentir. Le Cormoran de la Floride se risque rarement bien loin en mer. Il préfère le voisinage des terres, el se trouve dans les baies, les déti'oits et les larges rivièies. Je n'en ai jamais vu à plus de cinq milles du rivage. Il (1) Dansla Caroline du Nord, sur TAtlantiquc; c'est l'un des caps les plus dangereux des États-Unis. LE COUMORAN DU LA FLORIDE. 247 vit en toute saiscm pur tioiipos , (|ui ne sont pas }iféné- ralcincnt tr^s noinbn'iisr's. Los oiseaux de cette es- piVenen soul!i'eiitaii('im du nu'^ine j»(MinMlaiis les lieux qu'ils ont eux-in»^ines choisis pour nicher ; ils s'acconi- nioderont plusvolontierstle lasoci«''t«'Mriiulividusa[»par- Iciianl à un | sombres, il se réunit avec d'autres, pour former de grandes troupes. lise nourrit principalement de })oisson, et préfère ceux de petite taille. Sur les clefs de la Floi-ide. je me pro- curai cinq échantillons de l'hippocampe, tout frais encore et n'ayant aucun mal, bien qu(^ je les eusse arrachés du bec des (Cormorans. Ces oiseaux sont diffi- ciles il tuer et vivent très lon<]ftemps. Ils n'exig:ent pas trop de soins en captivité; mais leurs mouvements diso;racieux sur le sol, où ils sont (jnehiuefois obligés de se s(M'vir de la queue pour se sout(Miir, les rendent d«''plaisants à voir. Kn outre, ils mangent sans mesure, empestent tout de leur fiente. et au lieu de vous charmer par leur voix, ne savent faire entendre qu'une sorte de grognement. Leur chair est noire, ordinairement dure, et ne peut convenir ([u'au palais d'épicuriens lilasés. Les Indiens et les Nègres des Florides tuent les jeunes, quand ils sont pour quitter le nid, enlèvent la peau et les salent, comme provisions. J'en ai vu vendre sur le marché de la Nouvelle-Orléans; les pauvres les achètent pour faire du bouillon. Un de ces Cormorans que je tuai, non loin du nid, et que je reconnus pour une femelle, avait les plumes de la (lueue couvertes d'herbes marines, extrêmement délicates, d'un vert clair, et qui semblaient y avoir poussé; j'en ai souvent remarqué de semblables sur des tortues de mer. Les petites plumes des côtés de la tète tombent dans n. il 258 l.¥. CORMORAN W. LA FLORIDE. 1(3 temps OÙ rincuhatioii comiiuMiciS et ne reparaissent pas pendant Thiver, ainsi ([ne certains auteurs l'ont prétendu; elles ne subsistent non plus que (luelcpies se- maines, comme on l'observe souvent chez les aigrettes et les hérons. LA DÉBÂCLE DES GLACES. En remontant un jour le Mississipi. au-dessus de sa jonction avec l'Ohio, je trouvai la navigation inter- rompue par les glaces. Cela me contrariait beaucoup; mais je n'avais d'auti'e parti à prendre (lue de charger mon pilote, (jui ('tait un Fian(;ais du Canada, de nous conduire en un lieu convenable ])0ur établir nos quar- tiers d'hiver. C'est ce qu'il fit, en nous choisissant un endroit où le fleuve décrivait une grande courbe appelée Tawapatee-Bottom . Les eaux étaient extraordinaire- ment basses, le thermomètre indiqujiit un froid excessif, la neige enveloppait la terre, des nuages obscurcissaient les cieux; et comme toutes les apparences nous inter- disaient pour le moment l'espoir de contiiîuer notre voyage, nous nous mîmes tran([uillement à l'œuvre. Notre grand bateau à (piille fut amarré tout près du bord, et la cargaison ayant été mise en si^reté dans les I.A DI^IBACI.F; des «iLACES. 259 Ihms, nous l'Iiin's sur INniii iin (il»!itis«lc|j:i'Os tj'oiics, ([iio nous (lisposànu'S autoiii' tle iiutr»' tMiiharciilion do nia- nitTO iï lu 5;ai'jiiitir do la prcssKiii des masses do jjflaces tldttaiilos. \'A\ moins do deux jours, nos provisions, notre Itu^afjjo et nos munitions ('laitMit dc'posés on tas, suiis l'un dos maj;iiiti(iuos arhros iU) latbrùt; nous «Hon- (liuies nos voihîs par-dessus, et un vérital»lo camp s'éleva dans la solitude. Mais comme tout nous sem- blait sombre et menaçant ! Si nous n'avions eu en per- spective le plaisir que promettait à notre esprit la contemplation de cette nature pourtant si sauvage, il aurait bien fallu nous résigner à passer le temps dans le triste état où sont réduits les ours durant leur hiber- nation. Toutefois nous ne tardâmes pas à trouver de l'occupation et des ressources; les bois «Haient remplis degibier: daims, ratons, dindons et opossums venaient rôder juscpiaux alentours de notre camp; tandis que, sur la glace cpii mainttMiant joignait les deux rives du viiste tleuve, s'étaient installées des troupes de cygnes, objet de convoitise pour les loups atfamés dont nous prenions plaisir à les voir déjouer Tattaciue désespérée. C'était un spectacle curieux d"obsei'ver ces blancs oi- seaux, tous accroujiis sur la glace, mais attentifs à diaque mouvement (h leurs insidieux ennemis. Que I nu de ces derniers se hasardât à approcher, même à cent mètres, aussitôt, poussant leur cri d'alarme qui retentissait comme le son de la trompette, les cygnes "'talent debout, ('tendaient leurs larges ailes, faisaient, eu courant, quelques pas sous lesquels résonnait la iilace. avec un bruit semblable au roulement du ton- 260 i..\ ni^iRACF.i; i)i:s r.Lvr.F.s. nerro Ji travers les bois; et enfin ils s'envolaient d'un air (l(i triomphe, laissant les loups tout mortifiés et con- traints (l'imaginer d'autres ruses, pour satisfaire les pressants besoins de hnir appi'tit. Les nuits ('talent e\tr(^mement froidi's, aussi taisions- nous continuellement un lion teu, |)our l(^(piel U) hoisne nous manquait pas : fr(''nes et noyers tomlx'rent sous notre hache, et nous les (^'lutàmes en bûches d'une grosseur convenable, pour les rouler en un p^ros tas au sommet du(juel, à l'aide de menues broussailles, le feu fut allumé. Nous pouvions être une quinzaine, les uns chasseurs, ceux-ci trappeurs, mais tous plus ou moins habitués à la vie des bois; vA lors(ju'au soir n(jus(''tioiis revenus de n(^s diverses exp(''ditions, et ranufés autour de ce brasier flamboyant qui illuminait la forêt, je vous assure que. j)Our un pinceau hardi, nous offrions le sujet d'un tableau k grand (»ffet. Sur un espace de trente mètres ou plus, la n(;it!;e avait ét('' refoulée et empilée de façon à former un mur circulaire qui nous défendait de la bise. Autour de nous notre batterie de cuisine se déployait avec un certain appareil, et huit jours ne s'(''taient pas écoulés que venaison de toute sorte, dindons et ratons, pendaient aux branches à pro- fusion. Du poisson aussi, et d'une excellente qualité. figurait avec honneur sur notre table; nous nous l'étions procuré en faisant des trous à la cçlace des lacs. De plus. ayant remaniué qu'à la nuit les opossums sortaient de leurs retraites sur les bords de la rivière, pour y rentrer au matin, nous apprîmes ainsi ii connaître leurs pas- sages et à leur tendre des pièges où plus d'un se pi'it I.A ni'RACI.E DES GLACES. 261 Copondant, an houl de (iniiize jours, le pain manqua, et deux (le nos camarades furent d(''p(\'h(''s, pour tacher (le nous en avoir, m.m's un village situé sur la rive occi- tk'iitale du Mississi|)i. A la rigueur, nous eussi(»ns pu le remplacer pai' du blanc de dindon ; mais du pain est toiij(»urs du pain, et l'honmie civilise'' se pass(;rait de tout autre aliment plutôt (pie diî celui-là. L'expcklition quitta le camp avec Taurore. L'un de nos envoyés faisait ^rand bruit do sa coimaissance des bois, l'autre suivait et ne disait rien. ïls nuircht>rent toute la journée et revinrent le lendemain malin, les paniers vides. Une seconde tentative fut ))lus heureuse : ils iu)us rappor- tèrent, sur un traîneau, un baril de farine et dt;s ponnnes de terre. Qiu'hpie temps aprf's arriv(''rent plu- sieurs Indiens, et l'étude de leurs manières et de leurs mœurs fut [)0ur nous une utile et bien agréable dis- traction. Nous étions là depuis six semaines ; les eaux avaient toujours été en baissant, et couché sur le tlanc, notre bateau était resh' complètement ii sec. Sur les deux rives du fleuve, les glaçons amoncelés formaient de V(''ritables murailles, ('luupie jour, notre })ilote venait voir ([uel (Hait r('4at des choses, et s'assurer ])ar lui- même s'il n'y avait pas d'apparenc(; de changement. Une nuit nous dormions tous d'un profond sommeil, sauf lui, (pii se hna subitement en criant de toutes ses forces: La débâcle, la débâcle! au bateau! garçons, prenez vos haches; et vite, ou tout est perdu ! Réveillés en sursaut et nous précipitant, comme si nous eussions été attaqués par une bantle de sauvages, nous cou- 262 lA niiUACLi; nts ci.acks. rrtiiies pôle-nu^lo un riva^n'. Kii etl'el, la ^lace se rom- pait uvo(^ un tracas siMiiMahlr aux di-toiiatioiis (rime pesaiilc artillcii»'; cl ((Hiiiih' les cau\ sVlaiciit soudai- neniont ^diilliM's, par suite du dt'hurchMUi'ut de l'Ohio, les deux Meuves se lieurtiiieut l'un l'autre avec l'ureui'. Des niasses cou^eh'essedc'tacliant par larges IVa^uieiits se levaient un luonieul, presipie droites, pour retoiiduîi' avec un bruit ('>[)ouvaiilal)k\ comme t'ait la lialeiiie blessée, lorsque, dans l'agonie de la douleur, elle s«) dresse un instant, puissante! et t<'rrible, et bientôt après plonge au milieu des ondes écuuuuites. Nous étions extrùmement étoimés devoir cpie le temps ipii, la veillo au soir, était (uUnu3 et à la ^elée, venait de tourner au vent et à la pluie. L'eau ruisselait par toutes les tissures delajj;iace ; c'était un spectacle à lain; perdre courage. Quand le jour vint Téclairer, il nous parut encore plus redoutablf? et plus étian^e. Toute la masse des eaux était dans une aj^itation violente ; la ^lace cjui la recou- vrait naguère tlottait à la suit'ace \nn' petits fragments; et bien qu'entre chacun d'eux il y eût à peine l'espace d'un pied, l'honnne le plus téméraire n'eût osé s'aven- turer à faire un pas dessus. Xoti'e bateau était dans un danger imminent. Les arbres qu'on avait |)lac»''s autour poui' l'abriter, avaient été coupés ou broyés, et leurs débris battaient le frêle esciuif; inq)ossible de le remuer. Alors noti'e pilote nous employa tous à ramasser ilo grosses brassées de roseaux ([u'on laissait tomber le long de ses ilancs. Et fort heureusement, avant qu'ils fussent anéantis par le choc, l'embarcation se retrouva à tlot et put se mettre en mouvement, soutenue sur LA l)KU\CI.K DKS (il.ACES. 263 ces sortes (liî houées. Désormais plus truiuiuilles, nous |)i'(im('iiioiis nos rt'^ards sur ct'tUî scène jçraniiiose, loisi|irini honildc eiii([U(3nient se fil enleiuln;, parais- sant venir il'envii'on un mille plus lias , (;t tout à C4»ii|) rinuiKMise (li}i;ue «pie tonnait la ^laee eéda: le cornant du Mississipi s'était tait passade en refoulant roiiio, et en moins de quatre heures la débâcle était cuiuplète. Durant (;e nu>me hiver, la j^lace fut si épaisse, qu'en l'ace Saint-Louis les chevaux et les lourdes charrettes purent traverser le Mississipi. Nombre de bateaux avaient été retemis prisonniers comme le nôtre, de sorte t{ue les provisions et autres articles de nécessité devinrent extrêmement rares et se vendaient à un très haut prix. — (x'ci arriva il peut y avoir à peu près vingt-huit ans. LE GRÈBE CORNU. CVst au commencement d'octobre, après la saison des œufs, que ces Grèbes font leur première apparition sur les eaux de nos États de Touest, telles que celles de rOhio, du Mississipi et de leurs nombreux tribu- taires. Je les ai souvent vus arriver, à cette époque, 26/i LE r.RÈHK CORNU. volant huul dans les iiirs cl suivant le cours des fleuves. L'idée coinnunK'UKMit reçue ([ue ces oiseaux n'accom- plissent Itnu's migrations (jue par eau. est on ne peut plus absurde. J'ai (h'jà fait quekpies l'emanjues ;i ce sujet; mais connue on n'en peut trop dire, ([uand il s'agit de coinliattre untî erreur ([ui tend à s'accréditer, jeréjx'te ici (piu j'ai vu des troupes de Grèbes passant, au temps de leurs migrations, très liant en l'air, et avec une grande rapidité, sans pour cela paraître plus gènes (pie beaucoup d'oiseaux en apparence mieux doués pour le vol. Un soir, le 14 octobre 1820, je me laissais aller pai- siblement an cours de l'Ohio ; le temps était très calme, et je fus :urpris d'entendre au-dessus de mu tète, comme un sifflement d'ailes send)lable au Imiit que fait un faucon lorsqu'il fond sur sa proie. Je levai les yeux et vis une troupe d(> Grèbes, tr(3nte environ, qui glissaient vers les eaux, comme pour s'y poser, à un quart de mille de moi. Déjà ils n'étaient plus ([u'à quelques pieds de la surface, lorsque, se renlevant tout à coup, ils continuèrent leur route et disparurent. Mais peu de temps après ils revinrent, passèrent à iiuaraiito ou ciiuiuaiite mètres de moi, en décrivant un cercle, et finirent par s'abattre pèle-mèle. Je les vis bientôt tout occujx's à se baigner et faire leur toilette, selon l'habitude des canards, des cormorans et autres oiseaux a(piatiqu(,'s. Je me mis à ramer autour d'tîux; à peine firent-ils attiMition àmoi, et jepus m'en approchera mon aise. Quand je les jugeai en nond)re sulïisant et qu'ils me parurent bien serrés l'un contre l'autre, je LE GRÈBE CORNU. 265 tirai et en tuai (iiiatrc. Le reste s'enfuit, d'abord en iiiiovant ; mais bient(M ils prirent leur essor et s'envolè- rent en petit corps très compacte, dans la direction du couiaut, et ne seiid)lant pas décid<''s à se reposer de sitôt. Je ramassai les morts: il yen avait quatre, connne jo l'ai dit, trois jeunes et un adulte, dont le plumage ilhiver connneneait à paraître, et tous de l'espèce du Grèbe corim. Je remarque ici qu'en général les Grèbes lie muent pas aussitôt que la plupart des autres oi- seiiux, après qu'ils ont eu des petits. Ainsi, lorsque le Grèbe à crête part en septeml)re pour le sud, sa tète est encore ornée de la plupart des plumes (jui lui conqjo- seiit cette parure pendant le printemps et l'été. Eli automne et en hiver, les Grèbes cornus abondent sur les grandes rivières ou les baies de nos États du sud; mais ils sont rares le long- des ciMes, dans les dis- tricts de l'est et du centre. Sur les livières, aux envi- rons de (-harleston , et de là jusqu'aux embouchures duMississipi, on les rencontre, à ces mêmes époques, en quantités considérables, quoique jamais par troupes lie plus de quatre à sept individus. Ils recherchent par- ticiiliènmient les coui's d'eau dont les bords sont cou- verts de grands joncs, de roseaux et autres plantes, et ilaiis lesquels le flux de la marée se fait sentir. Là ils vivent plus en sûretV» et plus traïupiilles que sur l(;s 'tana^s. où cependant ils arrivent en foule quand ap- proche le tenqjs de s'accoupler, c'est-à-dire vers les premiers jours ck février. A ce moment, on croirait que ces oiseaux peuvent à peine voler, tant on les voit larenient faire usage de leurs ailes; mais qu'ils soient 266 LE GREBE CORNU. poursuivis et qu'il souille une bonne brise, alors ils s'enlèvent très facileuieiit de dessus l'eau, et volent à des centaines de mètr(!s, sans paraître t'atiiiués. Eu dé- cembre et janvi<;r, je n'en ai jamais vu ipii eussent gardé la moindre trace de crête; tandis qu'en mars, lors de leur retour vers le iNoril, les longues plumes commencent à leur repousser sur la tôte. Il faut, je crois, (piinze jours ou trois semaines, pour que ces toulï'es aient acquis leur entier développement; et ce changement s'accomplit plus tôt chez les vieux que chez les jeunes, dont quelques-uns quittent le Sud portant encoi'e leur livrée d'hiver. Sur terre, le Grèbe cornu ne t'ait pas meilleure con- tenance que le Grèbe de la Caroline, car, de môme que ce dernier, il est obligé de s'y tenir presque droit, ap- puyé sur le derrière, les tarses et les doigts étendus latéralement. 11 plonge en un clin d'œil, et une fois qu'il a connu les effets du fusil, on n'a plus guère chance de l'approcher. Souvent au seul bruit de la détona- tion les vieux disparaissent sous l'eau, bien qu'étant déjà hors de toute atteinte. Les jeunes, pour la pre- mière ibis, s'y laissent prendre plus aisément; mais le moyen le plus sûr de s'en procurer, c'est de se servir de filets de pêcheur, dans les mailles destiuels ils seni- barrass(;nt. Sauf une espèce de faucon tenant de près au cirm cyaneiis (1), je ne connais pas d'oiseau qui ait les yeux de la couleur de ceux du Grèbe cornu. L'iris est exte- (l) L'oiseau Saint- Martin. LE GRÈBE CORNU. 267 rioureincnl d'im rouge vil', avec un cercle int(';rieur m laiic. ce qui lui donne un air tout à fait singulier. riiez aucun de nos plongeons et de nos (irèbes, je n'ai trouvé rien de [)areil. Le Orèhe cornu ne semble pas voir mieux pour cela, ni «Hre plus diurne ipie les autres; (111 ne peut pas dire (fu'il se nourrisse iTobjets que leur |)elitess(? rendrait plus diUiciles ii découvrir, puisque (hiiis rc'stuniac des Grèbes de la plus grande espèce jai ti'ouvé d'aussi nuînues graines que dans celui de cediMuier. La raison de cette étrange coloration de Tifis reste donc pour moi un mystère. La pliq)art de ces oiseaux se retirent, pour nicher, très luiut dans le Nord ; cependant il en demeure quelques- uns, toute rannée, dans les limites des États-Unis; et alors ils élèvent leurs petits sur le bord des étangs, spécialement dans les parties septentrionales de l'État (leroiiio, au voisinage du lac Érié. Deux nids que je trouvai avaient été placés à ([uatre mètres de l'eau, au sommet d'une toufb de grandes herbes sèches et fou- lées; ils étaient composés de ces mêmes herbes gros- sièrement entre-croisées jus([u'à une hauteur d'environ sept |if»uces. Le diamètre, ii la base, pouvait être au moins d'un pied; l'intérieur, de quatre pouces seule- ment, était mieux fini et rend>ourré de plantes plus tielieates, dont on voyait en outre, sur les bords, une certaine quantit»' que l'oiseau, sans doute, y avait lais- sées en ri'serve pour en recouvrir ses œufs (|uand il 'tait obligé de les quitter. Je conq)tai, dans l'un de ces mds. cinq œufs, sept dans l'antre; tous renfermaient des l"'tits bien développés (on était au 29 juillet), et mesu- 268 LE GRÈBE CORNU. raient en longueur un pouce trois quarts, sur deux huitièmes et denii (1(^ larcço. La co([uille, lisse «;t d'un blanc jaunâtre uniforme, ne présentait ni points ni taches d'aucune sorte. Les nids pouvaient être à cin- quante mètres l'un de l'autre, et sur le bord sud-ouest de l'étang. Je note exactement tous ces détails, îi cause de la proche parenté de cet oiseau avec le Grèbe à oreilles de Latham, et parce qu'en n'y faisant pas atten- tion, on pourrait les confondre l'un avec l'autre, ainsi que leurs œufs, qui sont précisément de la même lon- gueur; mais j'observe [ue ceux du Grèbe à oreilles sont d'un bon huitième de pouce moins larges, ce ijui iem' donne une forme plus allongée. J'ai constaté la inênio différence entre les œufs de ces deux espèces en Lurope. Je ne suis pas certain si le mâle et la fenK^lle couvent à tour de rôle; néanmoins, connue j'en vis deux cou- ples sur l'étang, je serais porté à le croire. Les nids n'étaient point attachés aux joncs qui les entouraient. et ne me paraissaient nullement faits pour pouvoir flotter, en cas de besoin, ainsi ({ue l'ont prétendu divers auteurs. Je n'ai pu voir encore de ces Grèbes tout petits: mais d'après ce que je connais des autres espèces. j'affirmerais presque tpie ce que l'on raconte de l'hahi- tude où seraient les parents de les emporter sur leur dos ou sous leurs ailes, pour les soustraire au danger. n'est qu'une fable, fin pareil cas, les Grèbes ont cou- tume de plonger ou de s'envoler tous à la fois, et je ne vois pas alors coiument les vieux (ît les jeunes s'y pre; draient pour se tenir ainsi attachés Yva à l'autre. LE GRÈBE CORNU. 269 Dans Testomac de presifue tous ceux (jue j'ai ou- vei'ts, j'ai reinanjué une ([uantitc' consi{l«*i'al)le de matières comme des poils roulc's en pelotes, s(mibial)les il celles (jii'on trouve dans les hiboux. Je ne sais s'ils les (li^orgent, nuiis certainement ellcîs ne })asseraient pas iiu travei's des intestins. A moins (ju on ne tienne ces oiseaux dans une volière pour les y éi.jdier, c'est un point ([u'on ne i)eut î^uère espérer d'éclaircir. Sur la mer, leur nourriture consiste en crevettes, petits pois- sons et crustacés ; dans les eaux douces, ils savent at- fiiiper insectes, sangsues, gi'enouillettes et lézards aiinatiques. Ils mangent aussi des graines d'herbes, et dans un seul estomac j'en ai recueilli assez pour rem- plir la co([uille d'un de leurs œufs. Quant à leur vol, il se compose de battements d'ailes réguliers et courts, exécutés avec une grande rapidité. UN CAMP A SUCRE. Une fois, cheminant avec grand" peine au travers lies bois nuignifiques (jui recouvrent les terrains ondu- leux des environs de la rivière Verte, au Kentucky, je fus surpris par la nuit. Je dus alors redoubler d'atten- tion et n'avancer que très lentement. Je craignais 270 vn r.AMP a siîcrï;. même de m'éj^çarer; mais heiireusemenl la lime se leva et vint m'apporter, tort k propos, le secoiii's de sa lumière amie. Je eomiiKMuais à trouver l'air siii<>iili('- rement pi([uant, et la hrise lé^i^e (pii, de tem|»s a auti ^ agitait la eiiiu? des grands arbres, me doiiiiail envie de faire halte et de dresser ma lente pour la nuit, Tantôt je songeais aux campagnes de mon vieil ami Daniel Boon, à ses aventures étranges, au milieu de ces mômes bois, ainsi (pi'à la marche extraordinaire qu'il lui fallut faire pour sauver ses send)lahles au l'orl Massacre, et les empêcher d'être scalpés par les Indiens; tantôt je m'arrêtais au bruit des pas (riiii opossum ou d'un raton sur les feuilles sèches, i)uis je reprenais ma course fatigante, l'esprit occupé d(; sou- venirs, les uns gais, les îuitres tristes. Tout à coup le reflet d'un feu lointain vint m'arracher à mes rêveries et me doimer un nouveau courage. Je hâtai le pas et j'aperçus, en approchant. ditlV'rentes formes cpii som- blaient s'agiter devant la tlamme, connue des spectres; et bientôt des ('clats de rii'c, des cris et des chants m'annoncèrent (pi'il s'agissait rie quelque joyeuse réu- nion : j'avais sous les yeux ce que, dans le pays, on appelle un camp à sucre. Hommes, fennnes et enfants tressaillirent tous ({uand jt; passai pi'ès d'eux ; juaisils avaient l'air de braves gens, et sans plus de cérémonie que le cas n'en comportait, je me dirigeai vers le feu. où je trouvai deux ou trois vieilles femmes avec leurs maris qui avaient le soin des chaudières. Leurs simples vêtements, de grossière étoffe du Kentucky, me plai- saient bien plus à voir que les turbans enrubanés de UPf CAMP A SUCRE. 271 nos citadines, ou les perruques luMidn^'s et les habits brodés des beaux de i'juicie!! ivj^inie. Je reçus un cor- iliiil accueil, et Ton m'offrit un s^im morceau de pain avec un plat de mélasse et (pichpies ])onHnes de terre, ftpuisé par une loiiLçue marche, je m'étendis du côté fil)[)osé à la fumée, et ne tardai pas à m'endormir d'un |)i'otbii(l sommeil. Quand je me réveillai, il taisait jour. Une épaisse gelée couvrait la terre; mais la troupe liisliciue déjà levée, après avoir dit sa prière, s'était remise à l'ouvrage avec un nouvel entrain. Je portais avec bonheur mes regards autour de moi : tout le terrain aux environs semblait avoir été déblayé et iléharrassé du taillis et des broussailles, et l'on eût dit (lue les érables hauts et sei-rés, (jui seuls restaient debout, avaient et«'' plantés en alignement. Entre eux serpentaient divers ruisseaux qui taisaient entendre un (loiix murmure en précipitant leur cours vers une ri- vière; le soleil fondait peu à peu les gouttes de rosée 'lue le froid avait rendues solides, et déjà quelques iliiuitres ailés joignaient leurs refrains précoces aux cliœurs bruyants des tilles des bois. Qu'un éclat de rire vînt à être répété par l'écho sous les voûtes de la forêt, aussitôt n'pondait 1(3 houhou de la chouette ou le glou- S'otulu dindon ; et les garçons se réjouissaient, en prê- tant loieille à ce signal. Avec de grandes cuillers on «Imitait, dans les chaudières, le jus de l'érable qui st'jiiiississail; les plus jeunes de la troupe apportaient a seaux la sève recueillie des arbres, tandis (lue cà et 'a tiU voyait les hommes robustes occupés d'abord à taire une entaille au tronc des érables, puis, à l'aide 272 UN CAMP A SUCRE. d'iiiK; tai'i<>n5, pratiiiiiaiit un trou dans IcMjuel ils intro- duisaient un tuyau de cainic par où le liquide devait s'écouler. Une dcîmi-donzaine de travailleurs s'étaient einparc's d'un l)eau peuplier jaune dont le tnmc. sci('' en plusieui's pièces, avait «Hé creusé en aiigets (jui, plac(''s sous les tuyaux, servaient à recevoir la sève. Maintenant, cher lect(nn", si jamais dans le coins de vos voya*^es il vous arrive de traverser, soit en janvier, soit en mars, ces terrains couverts (réra])les «}ui s'éten- dent sur les rives charmantes de la rivière Verte; soit, en avril, ceux qui lon^içent le Mononp:ahela aux eaux pro- fondes; ou l)i(;n encore, si vous vous égarez au hord de ces hmpides ruisseaux qui. du sommet des montagnes Pocano, roulent impi'tueux vers le Lehii^fh, et que la vous rencontriez un camp à sucre, suiv(?z mon conseil, arrêtez-vous un moment : (pie vous soyez à pied ou a cheval, si vous avez soif, nulle part ailleurs vous ne trouverez un breuvai^je plus atj;r(''al)le et plus sain (luelc jus de l'érable. Dans les Florides, un homme boira de la mélasse délayée dans l'eau ; au Labrador, il boira ce qu'il aura ; h New- York ou à Philadelphie, il boira ce qu'il voudra ; mais, au milieu des bois, cpi'nne gorgée de la s(*ve de l'érable lui paraîtra fraîche et délicieiisel Bien souvent, dans mes Ioniques excursions, j'ai ujjaisi' ma soif en appli(piant mes lèvres au tuyau d'où couiaili la liqueur sucrée; j'aurais voulu ne pas quitter ces abondantes sources que m'offrait la Providence, et Ion eût dit que mon cheval lui-même s'en éloignait avecj regret ! Vy CAMP A SUCRE. 27S Je vais essuyer de vous taire runnaîlrc, en deux mots, lu luuiiière doiil on obticMit v{\ sucre : L'arbre qui le fournit, l'érul)leîi sucre {acer saccharijuim), croît plus ou moins ul)onduinineni dans toutes les purties de ri'nion, de|)uis lu Louisiane jusqu'au Maine. Surchu([ue tniiic. il lu huuteur de deux ù six pieds, on luit une incision duns hupielle on introduit un tuyuu de carme ou il autre bois (1); on place dessous un au^et pour recevoir la sève qui distille goutte à goutte, aussi lim- pide que la plus pure eau de source. Quand tous les arbres, sur un certain espace, ont été ainsi perforés, et lorsijue les augets sont renq)lis, on en verse le contenu dans de grands vaisseaux. Pendant ce temps, un camp a (Hé dressé au milieu des érables ; des chaudières de fer sont établies sur des supports en pierre ou en brique, et l'ouvrage avance rapidement. QueUpiefois des fa- milles du voisinage se réunissent aux premiers arrivés; c'est comme une partie de plaisir, et tout ce monde reste ainsi hors de chez soi, pendant des semaines, car les augets et les chaudières veulent être surveillés sans relâche, jusqu'à ce (lue le sucre soit fait. Les hommes et les jeunes gens se chargent de la grosse besogne ; les femmes et les filles ne manquent pas non plus d'oc- cupation. Il faut dix gallons de wSéve pour faire une livre de (1) Ordinairement de sureau ou de sumac ; pour les augets, on ^vite de se servir de châtaignier, de chCne, et surtout de noyer noir, parce que la sève se chargerait de la partie colorante de ces bois, et même en contracterait un certain goût d'amertume. II. 18 274 UN CAMP A SUCRE. beau siirn^ g;raiiié. Mais eu barboules [ï) , on en obtient davaulajçe, ù lav<'M'it«'* iruiie (jualit»' intV'i'ieure. (iiu'l'ini appelle cakesugar. Quand la saison est trop avancée, le jus nese prend plusen^rain parla euisson, inaisdonne Sfiuleinenl un sirop. J'ai vu de ce sucre d'éi'ahle d'ini si bon usa^e, (ju'au bout de six mois de fabrication il ressemblait à du (;andi ; je me i'a|)pell(5 très bien le temps où, devenu un objet (b; commei'ce assez inijMir- tant dans le Kentucky, il se vendait de six ù douze cents la livre, suivant la (pialité. Alors (je parle d'il y a 25 ou 30 ans) il était journellenuMit demandé dans les magasins et sur les marchés. Les érables qu'on a travailb'sde cette façon ne durent plus guère, les entailles et b^s ti'ous prati({ués dans leur tronc finissant par les altérer; car après qu'ils ont ainsi p/ewré quelques années, ils tombent malades, poussent. par le bas, des excroissances monstrueuses, dé|)(''risseiil graduellement et finissent par mourir. (Cependant je ne doute pas ([u'avec des soins convenables on ne pût obtenir la même (luantité de sève, sans maltraiter au- tant les arbres. Il est grand temps (jue les propriétaires et les fermiers y fassent attention et songent un peu plus à la conservation de leurs érables. (1) In lumps , c'est-à-dire en masses non cristallisées. LE PÉTRFX FULMAR. Le Fiilinar, oiseau de moyenne taille, est cependant (loué d'une force eonsidéiahie. et se t'ait remaniuer par Siiii vol puissant et l>ien souteini. Fn autonnie et en hiver, on le voit sur nos cotes deTFst, (juil ahandonne iui connuencenient de l'été, f)our |^ajataille s'engageait sur-le-champ: ils se tiraillaient, se poussaient l'un l'autre avec leur bec, et me donnaient le spectacle le plus divertissant du monde. Le nid, composé sans beaucoup de soin de feuilles sèches et d'herbe, est ordinairement caché dans une partie retirée du bois, au pied de quelque buisson, ou le long d'un arbre déraciné. Une fois, près de Camden, 29Û i.A PKTiTE r.i-CAssi; u'AMiiiRiyui';. j'en trouvai lui dans un petit nuirais, sur la partie supé- rieure d'une souche dont le bus plongeait dans l'eau de plusieurs pouces. La ponte sefaitdepuis f(''vii(M' jusqu'au premier juin, suivant les latitudes; communément il y a (piatre œufs, bien (ju^assez souvent j'en aie compté cinq dans le même nid. Leur longueur est de 1 pouce cinci huitièmes et demi, leur laigeur de i pouce 1/8; ils sont lisses, d'une épaisseur variable, et présentent une couleur d'argile jaunâtre foncée, avec des taches irré- gulières, maistrès serrées, d'un brun sombre, mélangées d'autres d'une teinte pourpre. Les jeunes se mettent à courir en sortant de la C(v quille. Dans run(^ de mes excursions, je fus tout étonné d'en ren(;ontrer trois au long d'un banc de sable, sur rOhio. Ils étaient sans leur mère, et très probablement à peine éclos depuis douze heures. Je me cachai non loin d'eux, et pendant tout le temps que je restai aies observer, ces pauvres petits ne cessèrent de suivre en trottinant le bord de l'eau, comme si lanière eût prises chemin. Je passai ainsi une bonne demi-heure, mais ne la vis pas paraître, et je ne sais ce qu'ils devinrent. En naissant, ils sont couverts d'un duvet brun jaunâtre; puis il paraît des raies d'une teinte terre d'ombre pliis| foncée, et par degrés ils preiment la couleur des vieux Au l)out de trois ou quatre semaines, ils n'ont pi^i encore toutes leurs plumes, mais sont déjà capables dej déployer leurs ailes et d'échapper à leurs enneniisi Quand ils atteignent six semaines, ils sont presque aussi! difficiles à tuer au vol que s'ils étaient beaucoup fH vieux. A cet âge, on les traite généralement de s IV^cnsso est lueiitcM exp<'(li«''e....! Ali! lecteur, ou |>liit(M hélas ! car je ne suis pas pour le moment dans les Jerseys, en compagnie ({'Rdouard Ilarris, ou sons lu toit hospitalier de John Bachman. Non ! je suis à l^diin- bourg, m'escrinuuit de mon mieux de; ma plunu; de ter, et sans la moindre ll«''casse en persjxM'tivcî pour mon dîner, ni d'aujotn-d'hui, ni de demain (juc j(î sache, ni de plusicui's mois, je nrimagine. UN LONG CALME EN MER. Le 26 mai 1826, je quittai la Nouvelle-Orléans, à bord du vaisseau le Délos, commandé par Joseph Hattii esquire, et fn'té pour Liverpool. Le vapeur Hercules, qui nous remorquait, nous laissa à quelques milles au delà du fort Balize (1), environ dix heures après notre dépîirt. Mais il n'y avait pas le moindre souffle de vent: la surface de la mer était plus unie que les prairies de rOppelousas, et bien que nous eussions déployé toutes nos voiles, nous restions sans avancer sur les ondes. comme une baleine morte qui flotte à la merci des cou- rants. Le temps était extraordinairement beau, la cha- (1) Balize, à trente lieues S.O. de la Nuuvelle-Orléans. UN LONCi CAI.Mi: KN MtR. 301 leur oxcpssive, v\ nous (hMncurAiiu's |)liisi«Mirs jours ilaiis n'ilr iminohililc «li''sos|M'raiil<«. lue ."t'iiiuiiie s't'L'oula; nous avions enfin pcnlu le tort de vne, quoi- i}ii*;lt; capitaine m'assurAt ([ue, pendant tout ce temps, iKilrc navire avait rarement oImm au jt oiseau pé- nètre rarement, à l'est, plus loin que la baie de (^har- lestow, dans la Caroline du Sud; et cependant il abonde en toute saison, depuis le cap Floride jusqu'au nip Sable, ces deux points extrêmes de la Péninsule. Maintenant, jusqu'à quelle limite s'avance-t-il dans le midi? C'est ce que je ne puis dire. 308 I.A FRÉr.ATE-Pl^JJCVN. La Frégatfi-P(''licaii vit on société, comme nos vau- tours. Vous les voyez par liaiides pins ou moins nom- breuses, suivant les circonstances. De môme encore que les vautours, elles passent la plus i^rande partie du jour à voler, en cherchant leur nourriture; et ainsi qu'eux enfin, lorsqu'elles sont repues ou (qu'elles veu- lent se percher, elles se rassemblent en troupes consi- dérables, soit pour s'éventer avec leurs ailes, soit pour dormir à côté les unes des autres. Elles se montrent, non moins qu'eux, paresseuses, despotiipieset voraces; elles tyrannisent les oiseaux plus faibles, et dévorent les jeunes de toute espèce en l'absence des parents: en un mot, ce sont de vrais vautours do mer. Vers le milieu de mai, épocpiequi me semblait très tardive pour un climat aussi chaud ([ue les Clefs de la Floride, les Frégates se réunissent par troupes de cin- quante à cinq cents couples ou plus. On les voit alors voler à une grande hauteur au-dessus des îles où, depuis nombre d'années, elles ont coutume de nicher. Pendant des heures entières, elles se font la cour, puis se rabattent vers les mangliers où elles se posent, et commencent ensemble à réparer leurs anciens nids, sinon à en construire de nouveaux. Elles se dérobent mutuellement leurs matériaux, et pour s'en procurer d'autres, font des excursions sur les Clefs les plus voi- sines. Tout en tendant l'air d'une aile légère et comme en se jouant, elles cassent les petites branches sèches des arbres, d'un seul coup de leur bec puissant, et les emportent. C'est en réalité un beau spectacle de les voir, surtout quand il y en a plusieurs, passant et repas- LA FHI^;r.ATE-PIl(M'! Mais di'-ji! Ir \m\ {\\\\ \v\y,{- rail: les ailes à diMiii riMiiiccs, il descend lenleiiieiil vers la mer; ini instant il s'ari'tMe. puis se replmiKH dans les airs. Trois l'ois il s'est approelie de la surfaw de r()céan;eidin, iruii niouviMiient brusi[ue et vinliMit. il bat des uiles, sendtlahle au ;/uemei' ([ui tait tour- noyer sa clayinore; ton! vaImMi! et il piirt, en \m\s- sant des Ixiidtrs de ( ôti' et d'aulnî, poin* elierclK!!' la proie. (lepeiulanl le soleil arrive au milieu de sa eoiirse; des images inenai;anlsol)seur(iss(Mit l'horizon, la luise. (jue Ton lie sent point eneore, eommenee à soulevi'i k'vS ondes: un Itrouillaid »'pais sï'tend sur l'abîme, Iw cieux s'assombrissent; «léjà les vents déebaines t'uiit écuiner les vajïues, et k leur mugissement répondt'iit les roulements lointains du tonnerre. La nature entii're est enveloppée de tf'uèbi'es. les «'b'inents sont confondus: seule, la Kré^ate tient vaillamment tiHe à rouni^aii. Si sou vol ne peut en forcer l'impétuositc', du muiiis elle ne recule pas et contimie de se balancer cuiniiie le faucon, dont l'œil est fix('' d'en liaut sui' sa proie. Mais lu tempête a redoubh* de fureur; alors l'oiseau s'élève obliquement : en ([uc'lques vigoureux cou|)> (raile. il surmonte les nuages tumultueux et w tarde pas à entrer dans une atmosphère paisible, où il vogue a fabri d«îs orages, attendant cprau-dessous de lui le monde ait repris sa tranquillité. Souvent j'ai vu la Fi'éji^ate se gratter, en volant, la L\ FHIG.VTK-PII.ICAN. 315 l(M»'iiv«M' st's picils. (i'esl c«î «juo j'avais i'»Miiaii|ii(' ii»»- tiiimiMMil clu'z Tmi de cos ois(îaiix (|iii, s'i'lanl laissé IuiiiIm'I" au tiavris des airs, roiiiiiu; ils «tit pailois c-ou- liimt' de N' l'airr. vint ii poilco dt; liisil jiishî au-dessus (If ma UHe, où je le tuai Je cherchais depuis loujKues itiiiuTS cpiel pouvait tMre Tusauc des ourles pectiues |ioiu' les oiseaux; celui-ci, <|iie je uie hàlai de ramasser, t> rappi'it. Eu examinant les deux pieds à la loupe, '('11 trouvai l(*s deutelures toutes ^aniies d'insectes liils i|irM!i en voilà sa liMe et principalement autour di^ ses rt'illes. Je l'euuiriiuai aussi t|iMî ces oiifiles soûl, dans (l'Ile (!spèce. l»eauc(mp plus loni^s, plus aplatis, et res- H'iiiblent davaiitajjfe aux dents d'un peii!,iie. » pie ceux Hiiciiiie autiv «lu»; je comiaissi^ ; et jt; conclus, en con- M'([ii(!iue. que cet inslrunieul. phis ou moins utile eu rmilres cas. seit incontestal>l(Mueiit ici à Toiseau pour iK'ltoyer les parties de sa peau (pie son bec; ne peut ittciiidre. l^uluis on voit c«;s ri'(''i>ates se chasser et se ])ouss(M' 'une l'autre, connue eu t'olàlranl:, après (juoi, elles imik'iil il tircHraile et en droite? lig:i<'. justprii ce iliù^lk's soient h'»rs de vue; mais, si !ei,r vol est libre et imissaut, n un degi"»' qu'aucun auli'e \u) surpasst?, eu iwaiulie elles épi'ouveiit la plus L»i'aud(? ditticult(NÏ se mouvoir sur la terre. Néanmoins elles peuvent s'en- it'vi'i* d'un banc de sabh;, ([uekpie uni et bus ([u'il soit l"^ii pa.'eil cas, de mènu' que lorsqu'elles se leptjseut sur I eau, ce qu'elles ne ibid ([ue rarement, elles com- iin.'iii'ciit par relever perj)endiciilairemeiit les ailes; la jueue s'étale et se redresse, et au premier coup qu'elles 316 LA lUÉGATE-PÉfJUAN. eu (lomiciit siiiuiltauéuHînt sur le sol, dles iHmdisseiii, et puis s'cMiYolent. Los pieds, outre ee que j'en ai dit. ne leur servent Lçuère ((u'à supporter le (;orps, (juaiul elles s'abattent sur une branche. Dans cette i)ositioti. elles se tiennent dilïicilement droites, bien que pouvaiil marcher de côté, comme les perroquets. Jamais ellns ne plongent. Leur bec, par sa l'orme, rappelle celui du cormoran qui, lui non plus, ne plonge jamais en voliinl pour prendre un poisson, mais se laisse seulement ullor dans l'eau, de dessus sa perche ou son rocher, quand quelque danger le menace. C'est, du reste, ce que t'ont les anhingas et différents autres oiseaux. Quand notre Frégate a besoin d'un poisson mort. d'un crabe ou de tout autre objet flottant qui convient à son appétit, elle s'approche de l'eau k la manière des goélands, les ailes hautes et battant sans cesse, jusqu'il ce que le bec ait accompli sa fonction. Cela fait, elle se renlève immédiatement et dévore sa proie. Elle voit très bien la nuit, et cependant ne va jamais à la mer que le jour. Maintes fois, et à différentes heures, j'ai longé sur nui bar([ue d(îs îles couvertes de mangliers où se tenaient perchés des centaines de ces oiseaux, qui paraissaient profondément endormis. Alors. pour les faire partir, je n'avais qu'à tirer un coup de fusil, et sur-le-champ je les voyais prendre l'essor et fendre l'air avec autant d'aisance qu'au milieu du joui: puis ils revenaient se percher, quand le bateau s'éloi- gnait. Ils ne sont point farouches, et même seniblont ne pas craindre le fusil. Rarement partent-ils tons. quand on tire après eux ; ils ne s'effrayent sérieusemeiill LA FRteATE-Pl-l.lCAN. 317 qu'après qu'on on a tué un i^rand nombre. C(3 qui sur- Iniit est cause qu'on a du mal à s'en procureur, c'est ([u'en quittant les arbres ils montent de suites à une hiuiteur considérable. Mais nous avions d'excellents fusils: et Tom le l.oni/, celui île notre digne pilote, se distinguait entre tous. Dans une de ces rencontres, ils |ilanèrent pendant plus d'une (l(Mni-heure au-dessus lie notre tête, et nous en tuâmes près d'une trentaine. Nous pouvions entendre le coup les frapper; et en tom- liaiit, le bruit de leurs grandes ailes qui tournoyaient en l'air ressemblait à celui d'une voile battant contre ic mût. dans un temps calme. Dès (ju'ils se sentent touchés à mort, où même très légèrement, i!:- rendent iforge, comme les vautours, les mouett'^s et quelques sternes. Vmt fois tombr's, si l'on cherche à s'en appro- ( lier, ils continuent de vomir le contenu de leur estomac, ijiii parfois exhale une odeur insupportable. On peut mettre la main dessus, bien qu'ils soient à peine blessés, sans qu'ils montrent grande dispositi LE SriiRNE SAM)WK;II. (lu Slenit^ urcliquc ou du Steine coniuuiu. Parfois suii corpsonliri's'cntbricoilaiisrcjiu, mais l'iuslaut (ra|)ri's il so roulèvo el jiçaujno pn^stenieut une position avanU- ^ouso d'où il puisse tondiv sur une nouvelle j»ioio. S'il urrive <(ue U) poisson disparaisse, landis (jue Toiseau so précipite vers lui. aussitôt ce dernier s'arr^^to, sans luèim descendre justprà la surface de Teau. Sa vuix est aigre, perçante, et se distingue à un deini-niillo. 11 la fait entendre par intervalles en volant ; et (juand vous approchez de son nid, il se tient au-dessus de votr» tête et ne cesse de vous menacer de ses cris de colère (jui déchirent les oreilles. Quand je découvris l'île où nichent ces oiseaux, j'en trouvai qui pondaient encore; niais il n'y on avait au- cun qui couvât. Le même nid ne contenait, au |)lu3, que trois œufs qui reposaicnit sur le sable, à petite dis- tance les uns des auties ; v.{ c'est ii peine si l'on distin- guait une apparence de trou prépar<'' pour les recevoir. Quelques-uns avaient été placés au pied d'une maigre toulfe d'herbe; et tous étaient exposés en plein à la chaleur du soleil qui, je le crois, était à cette époque bien suffisante pour les cuire. Ils varient autant en cou- leur que ceux du Sterne aictiqueoudu grand guilleuiol, et paraissent non moins disproportionnés avec la taille de l'oiseau, leur grand diamètie étant de deux pouces un huitième, et le petit d'un pouce trois huitièmes et demi. Us sont d'une forme ovale et j)ointus; le fond, d'un gris jaunâtre, est plus ou moins taché, barbouillé ou nuancé de différentes teintes de terre d'ombre, de bleu pâle et de rougeàtre. D'après ce que dit mou ami i.i. sTKRxr: swirnicii. .S'i7 \\. Il<'\vilsuii.(|iii('n il (loiiiK' (r«»x('('lln!f('s ilcsciiplioiis iKroiiii>a;4ri7 sinueuses formées jiar la marée sur une grande île i)lalc que la mer reeouvi'ait eu partie. Là, nous espéi'ioiis trouver abondauee de Hérons ; mais lonp!;tenips nous chci'chàmes sans succès. Kn vain d'antres oiseaux s'ot- tVaient {inoscou})s; nous nous étions ])romisd(Mie faire feu (jue sur le grand Héron blanc, et i)as un ne s'était encore approché de nous. Enfin, après six ou sept heures de fatigu»;, un Héron s'enleva au-dessus de notre tiHe, et nos deux coups partirent ii la fois. L'oiseau tomba roide mort. C'était une femelle qui couvait en- core, ou dont les petits devaient étriî nouvellement éclos, car son ventre était nu (ît tout son plumage? en mau- vais état. Nous prîmes alors un peu de repos, déjeunâ- mes de quelques biscuits assaisomiés de mélasse et trempés dans l'eau, et nous étendîmes à rond)re des iiiangliers, offrant aussi aux moustiifues une excellentt^ occasion de rompre leur jeûne. Ensuite nous visitâmes l()scl(;fs l'une après l'autre, et vîmes un grand nondne (le Hérons blancs. Enfin, à la nuit, nous regagnâmes la Marion , épuisés et n'emportant pour tout butin ijiiun seul oiseau. (Cependant M. Ëgan et moi, nous sonnions aux moyens d'en avoir d'autres à moins de frais, ce qui eût pu se faire très facilement un mois |)lus tôt, alors que ces oiseaux, comme il médit, étaient ''ntièrement absorbés par les soins de l'incubation. 11 me demanda si je ne voudrais pas retourner, cette nuit même, à minuit, sur la dernière île que nous venions lie parcourir? J'acceptai la proposition et en fis part à notre capitaine, qui, ne cherchant que l'occasion de m obliger (juand le service ne n'clamait pas sa présence H. 22 338 LE GRAND HÉRON BLANC. à bord, s'offrit à nous acconipajifiiei' lui-même dans la yole. Les fusils furent promptement nettoyés; on mit les provisions et les munitions dans les bateaux; et après avoir bien soupe, nous attendîmes, en causant ci en riant, l'heure du départ. Au coup de huit heures, nous étions sur pied, faisant route pour les îles. La lune brillait dans le clair firma- ment; mais il n'y avait pas môme un souille de brise, et nous tûmes obligés de prendre les avirons. De plus nous avions la marée contre nous, et pendant plusieurs milles il nous fallut tirer nos bateaux sur des bas-fouds vaseux et glissants. Enfin nous arrivâmes à une grande île, au milieu d'un profond canal ombragé deman^lieis sur lesquels, le soir précédent, nous avions rem.iniué que les Héi'ons venaient se percher. Nous restâmes là. sans bouger, jusqu'à la pointe du jour. Ah ! lecteur, vous ne vous imaginez pas ce que c'est que de passer une mortelle heure, dans un pareil lieu, en proie aux mouches et aux moustiques, alors surtout qu'il vous est absolument interdit de faire un seul mouvement. Heureusement le jour parut; les bateaux se séparèrent en se domiant rendez-vous au bord opposé de l'île, et nous conmiençâmes à ramer chacun de notre côté, en faisant le moins de bruit possible. Bientôt un Héruii s'enlevad'une branche, juste au-dessus de nos têtes; une triple décharge retentit ; niais l'oiseau n'en volait ({iie mieux : sans doute, le pilote et moi nous nous étions trop pressés. Le héron, tout en s'en allant, poussait de grands ciis ([ui. joints au bruit de nos armes à feu, en réveillèrent des centaines d'autres que nous vîmes s'en- Ï.E GRAND HÉRON BLANC. 339 lever également des nmngliers. et planer autour de nous à la paie clarté de la lune, semblables à une légion (le spectres, .le; désespérais de |K)uvoir m'en procurtîr un seul; la marée montait rapidement; et ((uand nous rejoiginnn.'s Tantie baleau. on nous dit (|ue si nous avions eu la précaution de; ne l(;stirer(iuesm' les arbres, nous aurions |)u en tuer plusieurs ; mais (ju'à présent il nous faudrait attendre jusiprii la pleine marée, tous les oiseaux étant partis pour cbercher la nourriture. l.es bateaux se stîparèrent de nouveau ; et on con- vint ([ue celui qui tuerait un H<'Mon en donnerait cha- (jne t'ois avis aux autres, en tirant un second coup do l'usil, une minute exactenuint après le premier. M. Égan nous avait, en passant, montré un nid sur lequel on voyait dc^ux jeunes Héions, et s'était t'ait mettre à terre pour guetter au pied de l'arbre. Quant à moi, je poussai mon bateau dans une petite anse où j'attendis environ une demi-heure. Alors un Héron passa au-dessus do nui tête, et celui-là, je ne le manquai pas. C'était un beau vieux mâle. Avant même que j'eusse pu tirer pour avertir mes compagnons, j'en- tendis un coup au loin ; le nnen partit, et j'en entendis un second : j'étais donc certain qu'il y avait deux oiseaux de tués. Efîectivement, en rejoignant le bateau du capitaine, je le trouvai qui en tenait un. Mais M. Égan avait en vain fait sentinelle, pendant deux heures, auprès du nid ; ni le père ni la mère n'avaient paru. Nous le reprîmes avec nous, et nous chaigeàmes de notre double capture. Maintenant le flot était pres- que entièrement monté. A un mille à peu près du lieu 340 LE CnAND m:RON ukanc où nous ('tious. se iLMiiiiciil plus lU", criil ll(''i'oiis sur un Imiic (le vase; où ils «'tiùcMit nit'ouccs jus(|u'jui vcntn*. Lo pilotis Flous aYar le liant, vors le milieu de la cuisse, au moyen de courroies (pii, bouclées par-dessus la hanche, les maintenaient solidement en place. Enfin, nous nous étions precautionnés de plu- sieurs bateaux à répreuve et dont Tun, extrêmement léger, avait été construit poui* les eaux basses. Aussitôt arrivés sur la côte et à peine entrés dans le port, nous convînmes d'un règlenuMit |)our l'ordre elle bien général : chaque matin, il fallait que le cuisinier fût debout avant trois heures, et le d«\jeuner sur table à trois heures et demie. A ce moment chacun devait être équipé. Fusils, nmnitions, boîtes de botaniste, paniers pour les œufs et les minéraux, tout cela «îtait prêt. Notre déjeuner se composait de café et de pain, avec quelques accessoires. A quatre heures, sauf le cuisinier et un matelot, tous partaient, chacun dans sa direction, et emportant avec soi des provisions cuites. Les uns ga- gnaient les îles, d'autres les baies profondes ; ceux-lii. en prenant terre, se mettaient à battre le pays jusqua midi: alors ils s'étendaient sur la riche mousse, ou bien s'asseyaient sur le granit, et [irenaient une heure de repos pour manger leur dînei' et causer entre eux deleurs succès ou de leurs désappointements. Je regrette de ne pas avoir crayonné les gi'oupes curieux que Inr- maient, dans ces occasions, nos jeunes amis; ou lors- qu'au soir, revenus à bord, ils étaient tous occupés a LK LABRADOR. 351 mesurer, peser, comparer et disséfjuer leurs oiseaux ; opération importante et qu'éclairaient nombre de chandelles enfonc«''es dans le cou des bouteilles. Ici l'un examinait les feuilles et les tleursde ([uel([ue |)lanle , là un autre explorait les derniers n^plis de la j^orge d'un plongeon , tandis qu'ailleurs un troisième levait la peau d'une mouette ou d'un tétrao. Notre journal, non plus, n'était pas oublié; on prenait de nouvelles dispositions pour le matin, et à minuit, nous en remet- tant du reste au cuisinier, chacun regagnait son hamac. Si le vent soulHait trop fort , tous descendaient sui" le rivage ; et, sauf dans les jours de grande pluie, nos explorations continuèrent régulièrement ainsi pendant toute la durée de notre séjour. Dans ces arrangements nous avions égard aux diverses dispositions physiipies des jeunes gens : Shattuck et Ingals allaient ensemble ; le capitaine et Cooledge se recherchaient l'un l'autre, attendu que ce dernier avait aussi été officier. Lincoln et mon fils, qui étaient les deux chasseurs les plus ro- bustes et les plus déterminés, marchaient généralement deconqmgnie ; et moi, je me mciltais tant(M avec celui- ci, tantôt avec celui-là, suivant les cas, mais je ne sor- tais pas tous les jours, car j'avais assez de besogne pres- sante (jui me retenait au vaisseau. Le retoui' de mes compagnons et des marins était toujours attendu avec une vive impatience. En mettant le pied k bord, ils ouvraient leurs sacs, dont ils étalaient le contenu sur le pont; et c'était une joie et des éclats de rire ! ceux qui rapportaient les plus rares échantil- lons se moquaient de ceux qui ne brillaient que par la 352 LE LABRADOR. (|iiaiitité; ù charge de revanclie pour ces dciiiiors. Mais toujours ils étaient sûrs de trouver un bon repas, cai' nous avions un tin cuisinier, (pii nialheuicus(Miieiit aimait un peu trop la bouteille. Nous t'«Mànies religieuscnnent l'anniversaire de nutro quatre juillet, et chaque samedi soir nous ne man- quions jamais de porter des toasts aux femmes et aux fiancées d'abord, ensuite aux parents et aux amis. Quelles douces heures de loisir et quel entrain dansées réunions ! Ix's uns chantaient, les autres accompa- gnaient sur la tlûte et le violon. Un mois ne s'était pas écoulé (jue maintes dépouilles d'oiseaux pon- daient tout autour de notre appartement ; plant(^s et fleurs étaient sous la presse; moi, de mon cole. j'avais achevé plusieurs dessins, et nos grand(;s jarres se remplissaient de poissons, de (piadrupèdes, de rep- tiles et môme de mollus([ues. Nous avions aussi des oiseaux vivants, tels (pie mouettes, cormorans, giiil- lemots, pufïins, et enfin jusqu'à un corbeau. Dans quel- ques havres, l'eau était si transparente, ({ue nous pou- vions voir les poissons, et beaucoup d'espèces très cu- rieuses, venir se prendre à l'hameçon. Cependant les campements, la nuit, hors du vaisseau étaient véritableuient pénibles. Les mouches et les moustiques ne nous y laissaient pas une minute de repos, Ils nous attaquaient par nuées, surtout cpiand nous étions couchés ; à moins qu'on n'eût pris soin de s'en- velopper de tourbillons de fumée ce qui n'était pas non plus fort agréable. Une fois, par un tcnqos affreux, nos chasseurs se trouvaient à vingt milles de Wopatiguan: LE LABRADOR. 355 la nuit commenHiit jï venir, la pluio tombait par tor- rents et Tair était extrêmement froid. On planta en terre les avirons pour servir de supporta (pielijues cou- vertures, etiitirand'peine un petit feu lui allumi? devant leiiuel on pn'para un maigre repas. Quelle ditférenee avec un campement sur les bords du Mississipi! Lii, i)ù le bois est abondant et Tair généralement si doux; où les moustiques, bien ((u'assez connnuns, ne sont pasdumoinsaccompa^nés deriiLsupportablecorté}?e des mouches du renne ; où les jappements du joyeux écu- reuil et les notes plaintives de la chouette nébuleuse, ce [trave bouffon de nos bois de l'Ouest, ne manquent jamais ifarriver à Toreille du chasseur, tandis (ju'il coupe, à droite» et à gauche, les branchages et les roseaux dont il veut se bàlir un abri! Au Labrador, rien de sembla- ble : il ne voit autour de lui que mousse et granit ; lo silence du tombeau l'enveloppe de toutes parts; et i[uaiid les voiles de la nuit ont caché à ses regards cette liin-ubre scène, les loups s'approchent pour dévorer les restes de son chétif souper. Couards comme ils sont, ils ne se hasardent pas à vous attaquer ; mais leurs hurlements troublent votre sommeil. Vous vous rôtissez les pieds pour les maintenir chauds, et, pendant ce temps, votn? tète et vos épaules gèlent. Enfin apparaît l'aurore, non plus souriante et les joues roses, mais triste- ment enveloppée d'un manteau de brouillard qui vous annonce, hélas ! tout autre chose qu'un beau jour, l'expédition dont je parle avait pour objet de se pro- curer quelques hiboux qu'on voyait voler dans la jour- née ; elle ne produisit absolument rien, et nos geus. n. 2r> 55/i LE LABRADOR. transis et d(''COurag(^s, «'taieiit dobnut au petit matin, heureux de regagner les bateaux et de rentrer à leur vaisseau. Avant de quitter le Labrador, plusieurs de nos jeunes amis commencèrent à sentir le besoin de renouveler leurs vêtements ; alors nous aussi nous nous finies lail- leui's, à rinstar des matelots, toujours si adroits à ma- nier l'aiguille, et nos genoux ainsi que nos confies se couvrirent de pièces aux couleurs bariolées. Nos chaus- sures en lambeaux, nos babils graisseux, nos chapeaux défoncés, étaient en hai'monie avec nos fiLfui'es tannées et ridées par le froid. Nous avions vt'ritablement l'air d'une bande de gueux et de vagabonds; mais le cœur était joyeux, car nous pensions iiu retour, et nous nous sentions tiers de notre succès. Cependani les bourrasques glacées qui précèdent les tempêtes de Thiver, amoncelant le brouillard sur les montagnes, soulevaient les vagues sombres de la mer: et nous, chaiiue jour nous trouvait plus impatients de partir et de quitter ces mornes solitudes, ces rochers à l'aspect sinistre et ces stJriles vallées; mais les vents contraires nous empêchèrent pendant quelque temps de déployer nos blanches voiles. Enfin, un matin que le soleil semblait vouloir adresser un dernier sourire à cette terre de brumes et de frimas, nous pûmes lever l'ancre. Bientôt le liiplcy bondit sur les flots, et nous tournâmes nos regards versées régions désolées, en leur disant, de bon cœur, adieu pour toujours. LE GOELAND A MANTEAU BLEU. Le 22 mai 1833, mes compagnons et moi, nous fûmes reçus à boid du scliooiier le Swiflsvre comman- dé par le capilaiue Cooledge, qui nous débarqua, le malin suivanl, sur Tile Jilanclw-'léie, à l'enlrce de la baie de Fundy. Celle île est la propriété d'un digne An- glais, du nom de Fi'anckland , (jUi nous accueillit avec la plus grande aniabdité et nous autorisa à meltie ses domaines à contribution, en nous priant de rester aussi longtemps que cela nous ferait plaisir. « Les Gcèlands à manteau bleu, nous dit-il, nichent chez moi en nombre considérable, et vous trouverez où vous exercer. » En conséquence, nous nous mimes en chasse et cirigeàmes nos retheiches vers les bois desapirsoù Ton nous avait prévenus que nous les trouverions. Après avoir tra- versé un grand mai'ais, nous arrivâmes à l'erdroit in- diqué, et j'aperçus en etlet beaucoup de Goélands poses sur des pins, et d'auties qui planaient aux environs; mais quai.d nous voulLn.es appiccher, les picnJers aussi abandonnèrent leuis nids et conmiencèrent à vo- ler autour de nous en poussant des cris continuels. Je fus bien surpris de Vdir ces nids sur des arbres, les uns près du sommet, d'autres vers le milieu ou sur les basses branches; tandis qu'il y en avait plusieurs ft56 LE COKLANFi V MANTKKII m.P.U. tout à Tait par tonc. Il rst vrai quo le capitaine» m\'ii jivail avoiti : mais j»' iin' disais (jiriiiHî fois sur les lit'ii\ jo trouverais prohalthMiiciil dus oiseaux tout autres (juc (les (îoëlauds. M(?s doutes luaiiileuaiit ne pouvaient plus subsister; et j'c'taiseliarui»'' do C(?lte prévoyance qu'uvail su leur enseijiçner l'infiV'uieuse nature, pour mettre leurs œufs et leurs petits il l'al)ri des entrei)rises de l'honimc. Dans la suite, j appris encore avec bien plus de plaisir. de M. Franckland. cpie c'»''tait là, chez eux, une hahi- tudo acrjiiise, ainsi «pTil îivait pu personnellement lo reconnaître; « car, me dit-il, dans les premiers temps que je vins ici, il y a déjà nombre d'années, tous les Goélands bâtissaient leur nid dans la mousse et sur la terre, sans aucune antre précaution ; mais les pécheurs et mes lils, ravissant leurs œufs ])our les besoins de Vhiver, ennuyèrent tellement ces pauvres bétes, que les vieux son!j;èrent, dès ce moment, k placer leurs nids sur les arbres dans les parties b s plus épaisses des bois. Quant aux oiseaux plus jeunes et moins expérimentés. ce sont eux ijui en ont encore (jnelques-uns sur le sol. Cependant ils sont redevenus tous un peu moins sau- vages, depuis que j'ai défendu aux étrangers de toucher à aucun de ces nids. Quanta vous, messieurs, vous êtes les seules personnes, si j'en excepte celles de ma famille, qui, depuis plusieurs années, aient tiré un coup de fu- sil sur l'île Blancbe-Téte ; mais je sais que vous n'en userez qu'avec discrétion : aussi étes-vous les bienve- nus. » Je rendis un juste hommage k l'humanité de notre hôte, et le priai de me faire savoir quand tous les Goë- LE GOELAND A MANTEAU BLEU. 357 liiiiils, OU du moins, lu pluparl dVMitn; (Mix, auraient iibiunloniu' los ai'brcs o[ i'('|)iis leur aiicieurir iiiaiiiiTo lie iiichrr par tciTc. Il me It» promit ; mais «Papivs eu (jiK' j'ai vu dans la suito, j«! ne crois pas cpic cclU? lia- |iilii(l<' rovi»;nii(î jamais: car siu* plusieurs autres îles vdisines où les juVheurs et les cherche'ursd'œursoiitun libre accès, les (ioëlaiids, pillc's chaipie aiim-e, ont tout à fait prish^ parti de ne plus nicher cpu' sur les arbres. .Il' crois im'^me qu'à la lonj^u»;. se voyant ainsi tour- mentés, ils finiront par s'établir sui'Ies i)ai'ties les plus inaccessibles des rocluM's; et j'ajoute ([ue .M. Franckland m'a dit que déjà plusieurs couples avaient choisi ces lieux de refuge, pour élever leur lamille en par- laite sécurité. Le plus remarquable elTet produit par ce (haiiu;ement de domicile, c'est que les petits éclos sur bai'bres ou les rochers élevés ne peuvent (juitter le iiid(|u"ils ne soient capables de voler; tandis que ceux iloiil le berceau est placé sinq)lement par terre, cou- rent aux environs au bout d'une semaine et se cachent, a la vue de l'homme, parmi les mousses et les plantes où souvent ils trouvent leur salut. Quant aux premiers, on les jette à bas du nid. ou bien on les assomme à coups de gaule, leur chair étant considérée conmie excellente par les chercheurs d'œufs et les pùcheurs. qui en font provision et la salent pour l'hiver. Quelques-uns de ces nids étaient placés à plus de cin- ([uante pieds de haut sur les arbres; d'autres, trouvés dans les profondeurs des bois, n'étaient qu'à huit ou dix pieds de terre et collés contre le tronc, comme pour échapper plus sûrement k l'œil. C'était vraiment un 558 LE GOELAND A MANTEAU BLEU. spectacle intéressant de V(jii' ces oiseaux aux larges ailes passer et repasser autour de ces retraites si bien cachées. Les nids ([ui repi^saieiit par terre étaient éloi- gnés Tun de Taulrede j)liisieui's mètres, et présentaient un dianièire de (|uinze ii dix-huit pouces, sur une pro- fondeur de (piati'e à six. \a\ couche int'éi'ieure se com- posait d'herbe, de diverses plantes, de lichen ^ris, le tout bordé de jonc très ihi, mais sans aucune plume. Le diamètre extérieur de ceux (jue je vis sur les aibres pouvait être de vinjj^t-quatre ou vingt-six pouces. C'étaient les mêmes matériaux, mais en plus grande quantité; et je reconnus là encore Tetlét d'une sage prévoyance, ayant pour but d'assurer plus d'espace aux jeunes à mesure qu'ils grandii aient, attendu qu'ils ne pourraient, comme les autres, s'ébattre sur la n)ousse aux alentours. Peut-être aussi cette capacité moindre des nids placés par teire tenait-elle à ce qu'ils appartenaient à de jeunes Goélands; car j'ai maintes ibis remarqué que, plus l'oiseau est âgé. plus grand il fait son nid. M. Franckland me dit qu'ils réparent souvent les vieux nids an commencemeni de la saison, et c'est ce dont j'ai pu m'assurer de mes propres yeux. On y compte trois œufs qui ont trois pouces de long et deux de large; ovales et même un peu en forme de poire, ils sont rudes au toucher, mais sans granulations, d'une cou- leur terreuse, jaunâtre sombre, et irrégulièrement ta- chetés de brun foncé. Presque aussi larges que ceux du grand Goéland à manteau noir, ils en diffèrent ce- pendant beaucoup par le volume et la couleur, étant les uns plus ronds, d'autres plus allongés. Le jaune est LE (iOELAM) A MANTEAU BLEU. 359 urange clair, ralbuniLMi d'un blanc bleuâtre , et je les lionne pour un excellent manger. Vers les premiers jours de mai, ces Goélands se ras- semblent par grandes troupes : le tein;)s de la l'epro- (luction est arrivé. Alors ils se retirent sur les bafics de sable ou de vase, dans les eaux bassiîs, et Ton entend de très loin b'ur bruyant caipielage. A Taide d'une lu- nette vous |)ouvez suivre les mâles dans leurs galantes (lonionstrations : la ti^te baute et la gorge gonflée , ils marchent fièrement et tàcbent, par leuis notes les plus tendres, d'exprimer toute la vivacité de leurs désirs. Ces réunions généiales ont lieu à quehpie heure du jour que ce soit, selon Tétat de la marée, et se continuent pen- dant une quinzaine; après (juoi ils parlent tous pour les îles où ils anilent nicher. IMusieurs de ces îles sont si- tuées près celle où nous étions. Il y en a une, non loin du cap Sable, à quelques milles de Textrémité sud de la Nouvelle-Ecosse, sur laijuelle, en longeant cette cote, comme nous voguions vers le Labrador, nous en vîmes des milliers perchés sur les arbres. Certains d entre eux commencent à pondre dès le 19 mai et môme quelques jours plus tcM, tandis que d'autres n'ont pas encore fini à la mi-juin. Dans cet intervalle ils se retirent, à des heures déterminées, sur quebfues îlots couverts de ro- chers où la copulation s'accomplit. Un jour que nous étions assis au bord d'un grand banc de sable, man- geant notre dîner, nous aperçûmes un nombre im- mense de ces Goélands formant sur les rochers une masse épaisse (pii couvrait environ une demi-acre. A midi, ceux qui n'étaient pas retenus à couver passèrent 360 LE GOELAND A MANTEAU BLEU. par-dessus nos têtes et se posèrent sur la mer, ù un de- mi-mille (lu rivage, on ils restèrent près d'une lioure à nager gracieusement et en silence. Un veau niariii, qui vint à montrer sa tète hors de Teau, leur fit peiii'; et tous ils levèrent les ailes , connue prêts à s'envoler. Bientôt après, en etïèt, ils partireut ensemble, puis se séparèrent pour chercher la nourriture, et revinrent au bout d'une heure versl'ile. volant haut et criant fort. Un peu avant le coucher du soleil, ceux ([ui n'('taienl point occupés sur le lîid gagnèrent, pour se percher, les mêmes rochers, en volant silencieusement et la pin- part en longues files. Nous remarquâmes qu'aussitôt qu'une troupe nombi-euse s'approchait de la mer eu ca- quetant, tous les canards qui étaient aux environs. comme saisis de frayeur, s'envolaient à de grancbs distances; et nous pûmes constater que ces Goélands, bien que craintifs en présence de l'homme, attaquaient avec beaucoup de courage les oiseaux rapaces tels que geais, corneilles, corbeaux et même des faucons qu'ils pourchassaient jusque dans la profondeur des bois, ou du moins forçaient à abandonner le voisinage de leurs nids. Presque aussi défiants et aussi farouches que le (ioë- land à manteau noir, on ne pouvait les approcher qu'en se tenant bien à couvert ; le moindre bruit les faisait immédiatement quitter leur perche. Nous étions six. armés chacun d'un bon fusil, et la plupart assez bons tireurs; cependant nous ne pûmes jamais en tuer, pour ce jour-là, qu'une douzaine, et tous au vol. Dès que l'un d'eux partait, il donnait le signal d'alarme; et LE GOELAND A MANTEAU BLEU. 361 des centaines s'enlevaient et planaient sur nos tètes, ù une hauteur où il était impossible de les atteindre. Ce iH'taittpK^par hasard ([u'il en passait à portée, en rasant la cime des arbres. Comme nous nous en revenions, le soir, nous en tirâmes un ({ui volait très haut ; il tomba, avant seulement le fouet de Taile cassé. Nous le prîmes et le posâmes parterre, dans un étroit sentier, et aus- sitôt il partit en courant devant nous, presque jusqu'à la maison du gouverneur ; c'est ainsi qu'on appelait le capitaine Franckland. H ne lit pas de résistance, mais mordait cruellement, et de temps à autre se couchait pour se reposer (juelques instants. Il marchait assez vite pour nous précéder de plusieurs pas, sans jamais cesser de crier; une fois il s'élança hors du sentier, à l'im- proviste, et fut sur le point de nous échapper. Leur aile est aussi puissante ([ue celle du grand Goéland ; mais ils volent avec plus d'aisance et plus de grâce. Tant que dure la saison des îmiours, leurs évo- lutions aériennes otfrent un spectacle que l'on aime à contempler : à une hauteur immense, vous les voyez fendre les airs, en décrivant de larges cercles ; puis ils ledescendent, en curieux zigzags jusqu'au sommet des itrbres, ou près de la surface de la mer. Quand ils poursuivent le poisson, ils dardent en lignes courbes, iivec une extrême rapidité, se mettent soudain à tour- noyer lorsqu'ils sont au-dessus de leur proie, et tom- htrâ sur elle comme un trait. Dans leurs grands voya- ?:es, ils passent indifféremment par-dessus la terre ou sur l'eau; mais d'habitude à une hauteur considérable. — Leur nourriture se compose principalement de harengs 3C2 LE GOELAND A MANTEAU BLEU. dont ils font de grandes doslrnctions ; de là vient qu'on les appelle aussi Goélands des harengs. Ils mangent, en outre, d'autres poissons de moindre taille, des crevettes, des crabes, des crustacés, m<^me de jeunes oiseaix, de petits quadrupèdes, et sucent tous les œufs qu'ils peu- vent trouver. Je vis les rochers des îles où ils nichent couverts d'oursins de mer hérissés de courtes épines grisâtres qui leur donnent l'apparence d'une boule de mousse. Dans les eaux basses, les Goélands se jettent sur ces animaux et percent de leur bec la coquille, dont ils aspirent le contenu. Ils savent aussi très bien les lancer en l'air et les faire tomber sur les rochers pour qu'ils s'y brisent. Nous en vîmes un qui s'était attaqué à une moule très dure, la jeter ainsi trois fois de suite. sans parvenir à ses fins ; et nous prenions, à cette petite s(-ône, un intérêt d'autant plus vif, qu'à chaque fois l'oiseau la laissait retomber d'une plus grande hauteur. Ils semblent avoir certaines heures pour aller pêcher à la mer; du moins nous remarquâmes qu'ils partaient dès que les tlots commençaient à se retirer, pour revenir au rivage avec la marée montante. Dans les premiers temps, les jeunes ne sont nourris que de crevettes et autres petits crustacés que les pa- rents ramassent sur les bancs de sable, au long des bords. Ils ont, à ce moment, tout le dessus du corps d'une nuance de rouille foncée, et conservent en partie cette couleur qi.and ils deviennent adultes, saufqueles plumes sont bordées de gris ou de brun clair, Les pieds et les jambes sont d'un bleu verdàtre, tirant sur le pourpre; le bec est sombre ou presque noir. Au prin- LE GOELAND A MANTEAU BLEU. 363 temps, ils uc i nieront loiil lt;iii' (lévo!ojj|)(MntMil, mais reliemient encore le plumuj^e lîi'Is rouillé. I/année sui- vante, la kMe iiioiiîi'e davantaj^e de gris cendré clair et de blanc, ainsi (ju'oii en vtiil sui' 1«' cou et les parties inférieures. Des laches oran<;e paraissent sur le bec ; les pieds et les jambes deviennent couleur de chair; la queue est toujours partiellement bai'rée vers le bout. Je crois cpralors ils peuvei.l se re|)ro(luire: du moins j'en ai vu jioi tant cette livn'e, ({ui s'(''taient accouplés avec de plus vieux oiseaux. Aucune autre espèce, n ma connaissance, n'avait ses iiifls sur ces mêmes îles. Vieux et jeunes vivent ensem- ble durant toute ranniM.», si ce n'est quand vient la saison des œufs: à celte é'poque, les premiers se reti- rent il l'écart pour se livrer aux soins importants qui les réclament. Leur cri, qu'on entend de très loin, imite assez bien la syllabe hac, Ikic, hnc ; cah, cnli, cah. Le Goéland des harengs, dans ses migrations le long de nos côtes et à l'intéi'ieur, parcourt une étendue de pays plus considérablt^ ip.i'aucune autre espèce d'Amé- rique : je l'ai trouvé, dans les mois d'autonnie, sur nos grands lacs, sur l'Ohio. le Mississipi et jusque dans le golfe du Mexiipie ; en hivei", sur les bords de ce même golfe, comme au long de toutes nos cotes oiientales. On peiitdire qu'il habite constamment les Ltats-LInis. puis- qu'il niche depuisB)ston jusqu'à Last-Port; toutefois le plus grand nombre remonte davantage au noi'd. Nous en recueillîmes t[uelques nids sur les rochers du Veau- Maiin. au Labradoi"; mais aucun sur la cùteelle-môme. Ils étaient composés d'herbes sèches et de mousse ap- 364 LE GOELAND A MANTEAU BLEU. portées du continont. Les oiseaux se tenaient k piirt entre eux, et semblaient coniplcHenicMit dominés par le grand Goéland à manteau noir. A notre retour, nous en a()errûmes des vieux et des jeunes sur la côte nord de Terre-Neuve et sur les diffih'entes baies où nous passâmes. LE GRAND PORT AUX ŒUFS. Il y a tléjà ([uelques années, après avoir employé lo printemps à étudier les mœurs des passereaux émigrants et autres oiseaux de terre que je voyais arriver en troupes nombreuses dans le voisinage de Camden (New- Jersey), je me préparai à visiter les rivages maritimes de cet État, pour y continuer le cours de mes observa- tions. C'était au mois de juin; on jouissait d'un temps délicieux, et le pays semblait sourire dans l'attente des beaux jours et des fraîches brises. Des pêcheurs pas- saient journellement entre Philadelphie et les difiérents })etits ports, avec des wagons à la Jersey, chargés de poisson, de volailles, de provisions et autres articles in- dispensables aux familles de ces hardis bateliers. C'est avec l'un d'eux que je fis marché pour me conduire moi et mon bagage jusqu'au grand Port aux œufs. l.V. GKAND rORT AUX OEl'FS. 3G5 Tno après-midi, couimo le soloil iillait se coucher, un véhicule fit halte à ma porte, et le coii(liu;t(Hir luiMlonua (le suite à entendre (ju'il était très pressé de repartir. ¥a\ conséquence, sans perdre de temps, je mis sur la char- rette une malle, deux Fusils avec les autres choses né- cessaires en pareil cas; puis j'y montai moi-même. Le conducteur n'eut ipi'à sifïler, et ses chevaux partirent au bon trot par-dessus les sables épais et mouvants qui, dans presque toutes les parties de cet État, forment le fond des routes. Nous marchions depuis un certain temps, lorsque nous rattrapâmes toute une caravane (le véhicules semblables au nôtre etqui suivaient la même direction. Quand nous fûmes près d'eux, nos chevaux se mirent au pas ; et étant tous deux descendus de voi- lure, nous nous trouvâmes au milieu d'un groupe de joyeux charretiers eu train de se raconter leurs aven- tures de la semaine (on était alors au samedi soir). L'un faisait le compte des têles de mouton qu'il portait à la ville; l'auti'e parlait des courlis qui restaiejit encore sur les sables; un troisième se félicitait d'avoir ramassé tant de douzaines d'œufs de râle, etc., etc. A mon tour, je demandai si les faucons pécheurs étaient abondants aux environs du grand Port aux œufs : à cette question lin individu d'un certain âge ne put s'empêcher de rire, l't me demanda ii moi-même si j'avais jamais vu le yoeak fish, au long de la côte, sans l'oiseau dont je lui parlais ? Ne sachant (juel animal il entendait par là, j'avouai mon ignorance; alors toute la bande poussa de grands «iclats d(^ rire auxquels je tus le premier à me joindre. 866 LE GRAND PORT AUX OEUFS. II pouvalK^trc niiiuiil. lorsijiic iKiiisarrivAnies aune sorte (TauluM'^o où nous |H'îiiies (|ii('1(ji! mer. ('/('tait aussi un rude marcheur. S(î riant des tlitlieultes et saehant manier l'aviroii connue le meilleur marin. ^)uant au tir, je ne sais vraiment à ([uidoimer la palme, de lui ou de M. \i^i[\\, le pilote de l'Ile Indienne. Ce que je puis dire, c'est que rarement je les ai vus l'un ou l'autre man- quer le but. Nous fûmes debout avec l'aube et pi'tMs à nous mettre en route. jMoi, j'avais mon fusil à deux coups en bandoulière ; mon licMe s'était armé d'une longue canardière et, en plus, de deux avirons et d'une paire de pinces pour les huîtres, tandis que sa femme et sa fille s'étaient chartïées d'une seine. Le bateau était bon. la brise favorable ; et nous non - en allions naviguant ainsi sans fatigue, le long des «'troites passes, vers des retraites bien connues de mes conqjagnons. Pour les naturalistes ([ui ont la facultc* d'observer nombre d'ob- jets à la fois, le grand Port aux œufs fournit un champ d'étude aussi abondant et aussi varie» qu'aucune autre partie de nos côtes, si j'en excepte lesclefsde la Floride. On y trouve des oiseaux de toute espèce, aussi bien cpie des poissons et des animaux à coquilles. Les forêts abri- tent jne foule de plantes rares, et jusque sur les arides bancs de sable habitent des insectes aux teintes les plus brillantes. Cependant notre principal objet était de nous procurer certains oiseaux qu'on appelle ici des LE URAM) l'ORT AUX OFIFS. 369 avocettes (l);et pom'ypiU'Wiiir, nous siiivîiiios i)(3n(lant pliisi(nirs milles iiiio passi; l(»rtu(Mist' (|iii nous ('(induisit il.ms rint(''ri('ur d'un vaste marais où, après (|U('l(|ues recherches, nous finîmes pai'ti'ouver non-seulement ces oiseaux, nuu's encore leurs nids. Noti'e filet avait ('lé tendu en travers du canal ; cl (piand nous revînmes, la iiiiiiV'e, en se retirant, y avait laiss('' (iuanlil('' (l(^ \). \i\\ jiiiissons dont plusieurs turent cuits et mau^(''s sur place. J't'ii H'servai un (jui me parut curieux et ((U(! j'envoyai iiii baron Cuvier. N(jtre repas fini, nous ('tend imes le liletpourle faire SL'cliei', etcontinuànKîsnos recherches jiisijirau retour de la mar('e. Apn's avoir t'ait un assez lielie butin, nous repi'îuK^s l(.'s avirons et ne nous arrti- tàiiies (ju'en face la maison du p(^cheur, où nous traî- iiùnies plusieurs fois la seine (^t toujours avec grand profit. Je passai, de cette mani(>re, plusieurs semaines, sur ces rivages salubres et dcMicieux: tantôt m'enlon(;ant iiii travers des l)oiset des nuirc'cages, retraittîs prt'ft'rt'es ilesh('rons ; tantôt prenant plaisir à écouter le cri reten- tissant des râles; ou bien encore portant la destruction parmi les blanches mouettes; d'autrefois m'amusant à pécher, dans (juelques remous près du bord, le pois- son qu'on appelle tête de mouton, et suivant enfin du regard le sterne rapide qui faisait ses évolutions au sein (1) Lawyers. Ce nom cravoccUc, ou avocat, leur a t'ttS donné, remnrquo Wilson, parce qu'ils ont la lan^uc bien pendue et crient coiuinueliomont ; mais là, ajoute-l-il, s'anèlc la comparai on, car l'avocetle est simple, timide et incapable de faire aucun mal. II. n 370 LE GRAND PORT AUX OEUFS. fies airs ou plonî?eait apr^s ijiielqiie menu fretin. Là aussi j'ai fait plus d'une esquisse et j'ai vu s'écouler plus d'un heureux jour. Avec quel plaisir j'irais revoir encore l'honnête famille et la petite maison que j'habi- tais avec elle ! LE PLUVIER DORÉ. Le Pluvier doré passe l'automne, l'hiver et une par- tie du printemps dans les États-Unis. 11 se montre par troupes considérables, soit le long de nos côtes , soit dans l'intérieur, et même souvent sur les terrains les plus élevés. Cependant le plus grand nombre s'avance, dans les hivers rigoureux, jusqu'au delà des limites de nos États méridionaux; et, dans cette espèce, les mi- grations partielles sont surtout inlluencées par l'état de la saison. Du milieu d'avril au commencement de mai, ces oiseaux sont plus abondants sur les côtes maritimes des districts du centre et de Test; tandis qu'en automne ils fréquentent l'intérieur, et plus spécialement les prai- ries de l'Ouest. Dans les premiers jours de mai, ils se réunissent en troupes immenses, et commencent leurs migrations vers les contrées septentrionales où l'on dit qu'ils vont nicher. Les détails que donne Wilson sur cette espèce se LE PLUVIER DORl':. 3"'1 rapportent en partituiu Pluvier à (ête de bœuf Chara- drius lu'Ivelicus) ; et nièini;, diiiis la seconiie édition de ses œuvres, l'éditeur a rejeté le Pluvier doré, comme n'appartenant pas à l'Amérique, l)ien qu'il eût pu en voir très souvent sur les marchés de Philadelphie. Le prince Bonaparte a fait justice de cette erreur dans ses Yemain[U'àhhi'!iOhservalionssurlanomenclaturedel''Orni- tholo(jie de ÏVilson. M. Selby, en parlant du Pluvier doré, dit que, dans son opinion, l'oiseau qu'on désigne sous ce nom en Amérique ditTère de celui d'Europe, Pour moi qui les ai vus et examinés sur les deux con- tinents, j'ai reconnu que leurs mœurs, le son de leur voix, leur manière d'être, en un mot toute leur appa- rence, étaient exactement semblables. Ce Pluvier marche légèrement sur le sol ; souvent, quand on l'observe , il séloignc de quelques pas en courant, puis s'arrête tout court, fait deux ou trois in- clinaisons de tôte en se secouant tout le corps, et lors- qu'il croit qu'on ne le voit plus , se foule et demeure ainsi caché jusqu'à ce que le danger soit passé. Quand vient pour ces oiseaux le moment de quitter le Nord, et pendant qu'ils se tiennent sur les sables ou les bancs de vase au bord de la mer, ils lèvent fréquemment les ailes, comme pour leur faire prendre l'air quelques instants. En cherchant leur nourriture, ils se dirigent en droite ligne, regardent souvent en bas et de côté, et chemin faisant, ramassent ce qu'ils trouvent en se courbant par un mouvement particulier. On les voit aussi fouler avec leurs pieds la terre humide , pour en faire sortir les vers. En automne, ils serelirenl sur les terraius les 372 LK PU'Vir.u im>ri;. plus ('U'vt's, on ilssiivoiil (|ir!ilt(iiuk'nl les l)aies, les in- s(?d(\s (H Icssuiilcrcllcs. L()rs(|iril lioit voyaji^cM'Ioiii, Ir Pluviordon'' \ith imne hauteur de trente à s(Mxante pieds, d'une niani«''re ré- guli»Ve et avec une grande rapidité. Si la troupe est nombreuse», elle se l'orme sur un front «'tiMidu et se pousse en avant par des battements d'ailes bien n^Iés, cliaipie individu émettant une note assez douct^'t cpi'il répète pai* intervalles. Avant de se poser, ils t'ont di- verses évolutions; tantAt descendent en (?ttl(HU'ant le sol, tantôt dé{'riveni une courbe ou s\'»lancenl de côté; d'autres fois resserrent, puis étendent leurs rangs; et à la fin, au moment même où ils send)laient prés de s'abattre, le cîiasseur, impalientéde les attendre, les voit subitement prendre l'essor et lui ('cbapper. Quand ils se posent à portée, h» meillem* nu>ment pour les ti- rer est celui où ils toucbent la terre, car alors ils ne présentent (prune masse compacte et se dispersent rinstant d'après. J'en ai souvent remarcpuMpii.en pas- sant d'un endroit à l'autriî. rompaient soudain leur élan connue pour regarder les objets au-dessous d'eux, ainsi que le font les courlis. Le 16 mars 1821. étant à la Nouvelle-Orléans, je fus invité, par quchpies cbasseurs français, à une par- tie dans les environs du lac Saint- Jean : c'était pour assister au passage des IMuviers. cpii par myriades venaient du nord et continuaient leurs migrations vers le sud. Dès le matin . à la première apparition de ces oiseaux, des compagnies de vingt à cinquante chasseurs s'étaient postées dans les différents lieux où ils savaient IV. rmviiiK iKiRi;. 373 par cxpciiciu'*' «iiriis dcvaioiil iiussor; plucrs à ofçale (iistaiirc les mis «les aiiircs. ils allnulaiiMii assis par terre. Qiiainl iiik^ troupe ap|)r<)('liait , cliaqne iiuii- vidu so inellail ii siillcr en imitant iciii' cri d'appi;!; à C(î signal, les Pluviers (iescciidaieiit (;t commeii- çaiJMit à tounioytîr en (Iclilaiit devant les e.hass(;iirs , (|ui tous, il tour de rôle, leur tMivoyaieiil liuir coup de fusil, avec tant lU) siiecès, (pi(^ j'ai vu de ces troupes, composéc^s d(^ ceid oiseaux (!l j»lus, (pii se trouvaicnit ainsi réduitivs à un misérable n;sti; d(3 (-in([ ou six indi- vidus. Pendant (pie les chasseurs nîcharj^eaient les armes, les chiens rapportaient h; tçibier. I^e jeu conti- nua de celte numière toute la journée, et au coucher du soleil, quand j»* ([uiltai ces destructeurs, ils parais- saient tout aussi acharnés à lalMîso^ne (jue lors de mon arrivée. Un s(ud individu, tout près (h; IVndroit où j'étais moi-même, en tua, [)0ur sa part, soixante-ti'ois douzaines. Kii évaluant le nomhre des chasseui's à deux cents, etsuppos»'^ (pa^ chacim (îu (Mit tué vinjiçt douzaines, c étaient (piarante-huit mille Pluviers dor(''S(pii avaient été abattus dans cette journée. Je demandai si leur passaL;(; avait litni fr(''([uem- ment, et Ton uie répondit (pie, six ans auparavant, on les avait vus arriver en aussi grand nombre, immédia- tement a|)r(3s deux ou trois jours d'une chaleur exces- sive, pouss(''s (Qu'ils ('taient par un(; luise du nord-(îst. Parmi cette nuiltitude d'oiseaux, (juel({ues-uns seule- ment étaient gras, la ])lupart de c(}ux (|ue j'examinai me parurent très maigres; à oeine si je leur trouvai quelques aliments dans l'estomac, et les œufs dans 37/i i.E pirvitR Doi\i>. l'ovaire des feiiielU's n'étaient nnlieineiit «Ith'eloppés. J'ai eu de nouveau recours à l'oliliiceauce de mon ami W. MacfJiillivray, pour obtenir des renseignenienls sur leurs mœurs, et je ne |»uis mieux faire (pic de trans- crire ici ceux qu'il m'a dontiés. « Le Pluvier doré est un oiseau très commun dans prescjue toutes les pai'ties de rf^cosse. sp<''cialement dans les Highlands du nord t^t aux Hébrides. Quand le temps conmience à s'adoucir, vers la fin du printemps on les voit, le long des rivages ou sur les champs à pro- ximité, voler à une grande hauteur et en troupes peu serrées qui tantôt se massent en rangs profonds, tantôt présentent des lignes anguleuses et irrégulières. Us avancent d'un mouvement paisible et r«''glé, faisant en- tendre, à de courts intervalles, leurs notes douces et plaintives; parfois ])oussant un cri singulier qui res- semble aux syllabes courlie-ioee. Ces oiseaux alors aban- donnent leurs retraites de l'hiver , et retournent aux marécages de l'intérieur, sur les(iuels ils se dispersent par couples. Au commencement du printemps, si vous traversez un de ces marais à l'aspect sinistre, vous êtes presque sûr d'entendre la voix g(''missante du Pluvier, qu'accompagne souvent le faible cheep-clieep de la bé- cassine ou le cri perçant du courlis. Avancez encore un peu : devant vous, sur ce tertre couvert de mousse, vient de se poser un mâle revêtu de sa belle livrée d'été, noir et vert ; vous pouvez, si cela vous convient, en approcher à moins de dix pas; et dans certaines localités il ne serait pas ditïicile à un seul chasseur d'en tuer, en cette saison, plusieurs douzaines par jour. LE nuVIER DORÉ. 375 Après que l'iinMibiitiuu a (.oiniiuMic»''. les femelles se tiennent à leiii' |)Ost(; el ne se montrent, plus jjuère. Je ne sais si les niàles les assistent ou non dans leur tâche pénible , mais toujours est-il ([u'ils ne les abandonnent pas. I.e nid a tout simjilemeîit l'apparence d'un petit enfoncement dans une touiîée de mousse ou dans une place sèche sur la lande; cpielques brins d'herbe flétries en tapissent néjijlifîemment le fond. Les œufs, ne dépassant jamais h) nonibre de quatre, se trouvent, comme c'est riiabitucle dans cette famille, ramassés en- semble par le petit bout. Ils sont l)eaucoup plus gros et plus pointus (pie ceux du vanneau, leur longueur étant d'environ deux pouces un huitième, sur une largeur d'un pouce et demi. La coquille, rnince et lisse, est dun jaune grisâtre, irrégulièrement brouillée et poin- tillée de brun foncé, avec ipjelques légères taches pour- pres, plus marqut'es vers le gios bout. Les jeunes quit- tent le nid immédiatement après avoir brisé la coquille, et commencent à se cacher en se foulant à plat sur la terre. A ce moment, la femelle témoigne la plus vive inquiétude pour leur sûreté : s'il en est besoin , elle feindra d'être boiteuse, pour attirer l'ennemi à sa suite; plusieurs fois je l'ai vue, cette tendre mère, s'envoler à une distance considérable, puis, se posant dans un endroit bien découvert, se traîner par terre comme si elle eût été prête à mourir, et battre péniblement des ailes pour faire croire quelle les avait cassées. Les œufs sont excellents, et la chair des jeunes n'est pas moins délicate quand ils commencent à prendre leurs plumes. 376 m FLUVIbR DORÉ. » Dèsqiie lems potilssoiit on état (levulLM',lesPlnviers se réunissent do nouveau par ti'onpes, mais lestent sur les marais jusiju'au commencement de riiiv«M'. (le n'est qu'alors qu'ils j^agnent les(;hamps; et cpiand la saison est trop rigoureuse, ils se retirent sur les terrains bas, près des bords de lu mer. Pendant les longues geli-es ils cherchent leur nourriture sur les sables et les rivages rocailleux, il la marée tiescendante ; et en général, tant que dure la mauvaise saison , ils ne s'éloignent guère de la mer. » Quand une troupe s'abat sur un champ, les divers individus se dispersent et courent chacun de leur côté avec une grande activité, en récoltant ce qui se trouve. 11 y eu a de si peu farouches, qu'on peut s'en approcher à quinze mètres; et souvent j'ai fait plusieurs fois le tour d'une de ces troupes éparpillées, pour les ramener ensemble avant de tirer. Dans les temps de vent, ils se foulent à ras de terre, et j'ai lieu de penser que d'or- dinaire ils gardent cette position durant la nuit. Sur les Hébrides, j'ai été maintes fois à la chasse de ces oi- seaux au clair de lune ; et je ne les trouvais pas moins occupés et moins actifs (pie dans le jour; ce qui, je crois est aussi le cas pour les bécassines. Mais rare- ment i^isais-je capture, alteîidu la dilïiculté de bien apprécier la distanctî dans les ténèbres. Le nombre des iMuviersipii fréquentent, en cette saison, h^s pâturages sablonneux et les Hébrides sporades (1) est véritable- ment étonnant. {[) Outer ffebrides. C'est rarchipel qui comprend les îles éparse» ei les plus éloignées de la côte d'Ecosse. LE PLUVIER DORÉ. 377 » Le IMuvier dort* enlro paifuisà j^aié «laiis l'eau, pour chercliersu nourriture ; cepuiuluul il prôlèrede beaucoup les terrains secs, et sous ce rapport il dilï'ère essen- tiellement des chevaliers et des har^tîs. 11 aime à son- der les sables humides; et dans Tété, sur les marécjiges et les prairies, on trouve les résidus de la fiente de vache fréquennn^Mit perforés par son bec. La chair de cet oiseau est délicieuse et, dans mon opinion, ne le cède guère à celle du la bécasse. » LE CANARD DE LA VALLISNÉRIE. On rencontre ce fameux Canard depuis les bouches du Mississipi jusqu'à THudson ou rivière Nord; au delà de cette dernière limite, il se montre rarement sur nos côtes de l'Est, quelle que soit la saison. Cette circon- tance, jointe à cet autre fait, qu'on le voit de temps en temps sur les hautes eaux de nos districts de TOuest, et qu'il niche en grand nombre, soit au bord de la rivière de l'Ours, dans la Californie supérieure, soit sur les marais et au long des cours d'eau, dans maintes parties des montagnes Rocheuses, cette circonstance, dis-je, me porte à penser qu'au lieu de côtoyer la mer ou les fleuves, ces oiseaux passent par le milieu des terres, en 378 LE CANVRÎ) nP, TV VAI.I.lSNl'niR. gnp^iiant losn^p;ioiis(»ù ils vciili'iil luire leurs nids. (|uel- qiio rerul(Vs qu'i^lles soient vei-s l«; .Noid. D'apivs lo docteur Rieliardson. ils niellent dans loiites les contrées on l'on va cheieher «les fourrures, depuis le cinquan- tième parallèle jusqu'aux ])lus hautes latitudes se|)ten- trionales. Tout le temps (pi'il demeure dans ceux de nos États qui bordent lAtlanlitpie. cet lanard abonde piinci|»aie- ment sur la baie de ('.besapeake et les coiu's d'eau qui s'y d<'»versent. Il n'y a pas plus d'une viuLitaine (rannees que ses apparitions n''p;ulièi'es et son sj'joui' ont «'It' oIh servés ou du moins siLriiiil^'ssur nos eaux du Sud ; cepen- dant à la Nouvelle-Oiléans. où on le désijïne sous le nom de Canard-cheral. il (Hait coinni de tenqis ininié- morial, au dire d(*s plus anciens chasseui's encore vivants ; et selon eux, c'est seuhîinent environ depuis quinze ans. (pi'il a comnieiuM' de monter, d'ini prix très bas, jusqu'à deux dollars la paire, taux auquel il était rigoureusement tenu lors de mon passajj^e en cette \ille, au mois de mars 1(S,S7. Ce renchérissement extraordinaire est dil, je crois, à la préférence marquée que lui donnent les épicuriens de nos Ëtats du centre, où on le vante avec exagération comme infiniment supérieur à tous les autres canards du monde. La plupart de nos méridionaux sont telle- ment enfiçou(''s de cette prétendue supériorité, que plu- sieurs fois ils ont fait venir des provisions de ces fins Canards, de Baltimore à Charleston et même jusqu'à Savannah, en Géorgie, bien que l'espèce n'en soit pas très rare au voisinage de cette dernière ville, non plus LE CANARI) IM. I A VAI.I ISNÉRIt. S79 nue sur la fj;ran(lo rivi«'M'(; Suntee. l'ii jour j«î montrais, à lin ami qui n'est ])lus. quchiues douzaines de ces nnMiies ('.îinanls rU\\vs sur le marché de Savannah; mais lui voulait, h toiitt; force, (jue je fusse dans l'er- reur, et me soutenait t|ue ce n'était là (jue de pauvre gibier, sec, maij;n\ avec un insupportable ^oiUde pois- son, et (Tune ijualité lùen inlV'rieiire à celle du canard Miivajîc et de la sarcelle aux ailes bleues. Kt de fait il n'avait pas tort, car dans cette saison ils no valent imv mieux cpi'il ne disait. Jeu ai vu des quantités consideiables sur les nom- lueux ilôts et les rivières de la Floride oriiMitale ; niais >;iiisen rencontrer un seul sur le içolfe Saint-Laurent, au long des cotes du Labrador ou de Terre-Neuve. Ils arrivent dans les (Mivirons de la Nouvelle-Orléans, du 20 octobre à la fin de (b'cembre. par compaj^nies de huit à douze individus, ipii piobablement ne seconi- piistînl (pie des mendwes (ruiie seule lamille ; et à l'in- verse de plusieurs autres espèces, ils se tiennent par petits groupes, tant que dure Tbiver. Néanmoins, à rapproche du printcnq)s, ils se réunissent entre eux et, vers le premier avi'il, partent en grandes troupes. Dans leurs stations, ils ont coutume de se poser à découvert sur les prairies humides, les étangs vaseux, et font leur nourriture des graines de diverses plantes, notamment décolles du lis d'eau et de Tavoine sauvage. Au rapport d'Alexandre Wilson, qui le premier a décrit cette espèce, leur apparition dans les districts du Centre a lieu vers le 15 octobre ; mais plus récemment d'autres auteurs ont écrit qu'à moins d'un froid rigou- 880 Lli CAN\KI> l)i: I.A VAI.I.ISMIUE. reux dans le iNuid, ils s(» iiKniliciil l'aioiiioiil .ivaiii lu 15 iiovtMnlu'o. (Vesl aussi mon avis, «'tant (Mmvaiiini.jole Répète, (jii« pour se rendie aux lieux où ils nichent, de môme ([ue pour les «piitter, leurs voyages s'arcompliii- sent pai' le milieu des terres. Si ce dernier point ciail bien vérifié, il faudrait y voir la preuve «pie ces oiseiuix, diftérents en cela des autres canards, au lieu d»; s'uviiii- cer directement au Sud. ipiand viennent rautoiiiiu; «>! l'hiver, suivent une direction oblique vers les réj^jions de TEst où ils résident, juscpi'à ceipiele froid s'y l'ass»' trop vivement sentir, et ipiMls repremient leur vol [muu gagner des contrées plus chaudes, où ils demeurent toiil le reste de l'hiver. Leur vol, bien (jne rap])elant par sa pesanteur celi de nos plus grosses espèces de mer, est puissant, rapide. par moments très éhîvé et bien soutenu. Us nagent en- foncés dans Teau, surtout quand ils redoutent (luelqui' danger, et probablement pour ôtre toujours ])rèls à «liv paraître en plongeant, exercice auquel ils sont des plli^ experts. Us fendent l'eau avec une extrême iigilité, mais se meuvent lourdement sur terre. Leur régime varie suivant les lieux et les saisons. I^a plante nommée Ftil- lisnérie (1), et dont on dit qu'ils font leur nourriture sur la baie de Chesapeake, est plus abondante dans ces eaux que partout ailleurs; et là même elle devient «(uelque- (1) C'est celte mc^me plante qui présente, dans ses amours, des phé- nomènes si singuliers, d'ailleurs bien constatés par les savants, et doni plusieurs poètes ont fait l'objet de leurs cliants : voyez Darwin, dm> a*i& Amours des plantes ^ et Delillc dans tes Trois régnes de la mtm.\ I.E CANARO I»E LA VAIJ.ISNÉRIE. 381 lois assez lair |u»iir i|uo rc (iaiianl. ainsi c|iie d'autres |iii II Vu sont pas moins IViaiuis, se voimit olili^és de iiciiiirir aux paissons, gieuouillettes et lézards aipia- :ii|ii(>s. liniaees et luolluscpies. ainsi ipTaux graines de diverses espèces (pnm retrouve en plus ou moins jjjraude i|iiiuitite dans leur estoinae. On ne sait rien de leurs nueurs durant la saison des mis, et Ton ignore (paiement ce (|ui se rappoite aux rliiiiifîeiiieiits de plumage «prils peuvent subir à cette luhiie époipie. Quant aux moyens (|u'on emploie pour en a|)provi- «loiiiier nos marcln's. n'ayant pu, faute d'occasions, mon instruin; suilisammeiit par moi-même, je vais transcrire ici un comptiî rendu de lâchasse aux (lanards m' les eaux du C-hesapeake, publié il y a d«''jà ([uelques liiiiKTs dans le Cabinet inùslinre ndtvrdle. et dont une 'pie m'a «'té transmise par l'auteur, le docteur Sliar- jihsdePhiladelpbie. Je nrem[)ressede lui en adresser iiii'sremercîments. sans oublier les nombreuses preuves il(iljli^i,a'ance qu'en mainte autre circonstance il m'a iiiinnces : « La baie de Chesapeake. avec ses divers tributaires, est le lieu le plus t'n'quentt'' par les oiseaux d'eau qu'il wiil dans tous les l^tats-rnis. (lela tient à rid)ondance hionrriture ([u'ils y trouvent, soit sur les immenses liaïu's (le sable ou bas-toiids ipii, de l'embouchure delà ^iisciueiiamiab, s'étendent tout lehmgde la rivière Klk, S"it sur les bords mêmes de la baie et de ses affluents, jusqu'aux rivières York et James dans le sud. » Cependant leur nombre va en décroissant depuis f 582 I.E CANAUn DR I.A VALLISNÉRIE. qiielcjues aiiiuHîs ; et mhwc plusieurs personfies m'ont assun^ (jue, rien (jue daus les (|uiuze dei'uières. il avait diniiuu»' (le uioitic. delà, à n"eu pas douter, provient d'abord de la plus t»ra!Mle destruetiou iju'ou en l'ail, tout le moude aujounTIuii s'acharnaut après eux. par occupation oupai'passe-tuuips; ensuite le trouble inces- sant qu'on leur cause les porte à se disperser plus au loin et à déserter leuis anciennes retraites. » Dès la première ou la seconde semaine d'octobre on voit apparaître, sur les parties sup-rieuresde la baie, les petites espèces de canai'ds. telles ({ue la sarcelle reli- gieuse, le canard à lonj;ue(pieue elle canai'd rouiloàtre ; puis, dans les derniers jours du mois, le millouiiiuii. le jonsen et le millouin (1), ([ui avec l'oie du Canada se répandent bientôt sur toute létendue de la baie. Enfin, nuiis seulement aj)rcs (pie le froid a sévi dans le Nord, arrivent en grand nondu'c et jus(pi'au milieu de novembre le Canard de la Vallisnérie et le cygne d".\- mérique. Tous ces oiseaux, dans les premiers temps. sont maigies et sans goiU, îÏ cause des privations qu'ils ont soullértes pendant le voyage et peut-être pendant les préparatifs de leur installation. 11 faut plusieurs jours J dun repos non interrompu pour leur connnuni(piLïj cette saveur qu'on prise tant cbez certains d'entre eux. Dans les basses marées (pii suivent leur retour, ils sej tiennent sur les bancs, loin du rivage, et rareuieiilj prennent l'essor, à moins qu'ils ne soient in(iuietes; mais quand les marées du i)rintemps rendent les eaux (1) Anas albeola, glacialis, ruhida, marila, Americana, ferim. LE CANARI) Dli: I.A VALMSNÉRIE. 388 trop profondes nom' (pTilsy puissoiit trouver leur nour- riture, ils s'eiivolen'. ehiU|uo matin, pour descendre la baie et revenir avec le soir. La plupail se nourrissent de la inAuie herbe ([ui croit ahondaninientdanslesbas- fonds de la haie (?t les eaux adjacentes et (ju'on appelle Uerbe aux Canards, ou Vallisnérie d'Aniéricpie. Elle a d'ordinaire de six à dix-huit pouces de haut et s'arra- che tiH^'s tacileinent. Des personnes qui ont observé de près nos Canards, lorsipj'ils vont pour mander, disent que, de m»'Mnc (jue le inillouinan, ils plontçent pour se procurer cette heihe, se contentant eux-niènies des racines, tandis ([ue le jensen et le niillouin prennent les feuilles. En etl'el, bien que le jensen soit beaucoup plus })etit que le Canard de la Vallisncrie, il ne se gène pas, attirnie-t-on, pour lui dérober tout le butin qu'il rapporte, au uionient même où il revient du fond de l'eau. » Toutes ces i;rosses esi)èces (;herchent la pâture de compagnie, nuiis se st'parent (piand elles s'envolent. Qu'elles vivent les unes et les autres de la même herbe, cela est évident, leur chair à tous ayant le même fumet: si bien que les individus dont le goût est le plus exercé sous ce rapport sont embarrassés pour dire à quelle es|)èce ils ont atlaire ; cependant le jensen est celui qu'on préfère gént'ralemeiit. » Vers le milieu de (lécend)re, surtout quand l'hiver ;i été un peu rigoureux, ces ditTérents canaids sont devenus si gras, que j'en ai vu dont la gorge crevait en tomban urleau. Dès lors, connue ils ilépensent moins detempsà manger, ils passent et repassent, matin et soir, 384 LE CANARD l)K LA VALLISNÉRIE. par-dessus la baie;, offrant ainsi au chasseur des occasions très favorables. Ils constMvent, dans leurs plus courts voyages, l'ordre qu'ils observent pour leurs migrations, c'est-à-din; qu'ils volent en ligne ou bien en formant un I riangle sans base ; et si le vent souftle sur les pointes de terre ((ui font saillie au-d«^ssous d'eux, ecst alors qu'on a beaucoup de chance d'an tuer. D'ordinaire, en effet, ils évitent autant que possible d'approcher du rivage ; mais lors([u'une forte brise les |)ousse vers ces sortes de promontoires, ils sont obligés de c<'Hler au vent et |)asseiH à portée de fusil du bord, quehiuefois môme par-dessus la terre. » Quand on les trouble sur leurs bancs, alors même qu'ils y trouveraient abondance de nourriture, on les force la plupart du temps à s'éloigner et à chercher d'autres lieux pour vivre. Aussi, sur les rivières qui des- cendent à la baie, au voisinage des pointes d'où il est aisé de les guetter, jamais, soit de jour, soit de nuit, ils ne se voient inquiétés par des bateaux chasseurs. A la vérité, le bruit des coups qu'on tire du rivage les fait d'abord s'envoler , mais bientôt ils reviennent : tandis que si une voile les poursuit seulement pour quelques instants, ils abandonnent leur retraite favorite, et ou ne les revoit pas de plusieurs jours. » D'après le nombre de Canards qu'on aperçoit dans toutes les directions, on serait tenté de croire qu'on n'a qu'à les attendre à. la première pointe venue, pour être sûr d'en abattre à discrétion; mais si l'oo fait attention à la puissance de leur vue qui distingue de si loin, comme aussi à l'immensité de l'espace dont LE CANARD DR I.A VAr,MS\i^:iui:. 385 ils disposent, on rrconnaUi'a (lu'ii moins do circon- stanccf 'ssez hcuronsos, un cliasscin' piuit restcîr des jours entiers sans ol)t(Mni* aucun succès. Du ciMé ouest do la ImiIc, là où croît surtout la plante ([u'ils aiment, les vents du sud sont lesi)lus ])ro|)ices. Si lamaré(îest hiuite, avec une petite jijelée et un vc.'ut frais du midi. ou môme par une matinée calint;, ces oiscjaux se met- tent (;n mouv(Mnent])ar troupes dontli^ nofrdovdi'passc toute idée ; et ils appi'ochent si près des [)ointes. (pj'iui médiocnî tireur peut en tuer de cincpiante à ccMit par « I^orsiprun étranjifer visite ces eaux (;t (ju'il voit ces Canards cpii par milliers couvnjiit 1rs bancs de sable et remplissent l'air de leurs bataillons serrés, avec des multitudes de beaux cygnes blancs posés non loin du rivage, où ils ressemblent à des masses de neige nou- velle, il s'imagine qu'on n'a qu'à tirer et qu'au milieu de ces rangs profonds il n'est pas un coup de fusil qui ne porte. iMais (pi'il considère l'^'-paisseur du plumage qui les défend, la rapidité de leur vol, la promptitude et la durée de leurs plongeons, sans compter les circonstances du vent et de la saison, qui ont ici une si grande in- fluence, tît il s'étonnera bien plutôt que l'on en puisse détruire autant. » Jusc^u'ici la méthode la plus habituellement em- ployée contre eux a été de les tuer au vol, soit des pointes dont j'ai parlé, soit du rivage ou posté sur des bateaux, après qu'ils se sont posés pour manger; ou bien encore, comme Tondit, en \gs attirant-^ opération qui consiste à faire venir les Canards quelquefois d'une II. 25 386 i,F. c;.\N\Hi) i)i: i.a vm.lisnkrie. (listanrc (le plusieurs ctMilaiiies (l<* niètrtîs, de faron qu'ils s'appiocluMit à quelcpies pi«!fls de la terre. Pour cela, on choisit m lieu où on les ait auparavant lais- sés vivre assez trancpiilles et où ils se tiennent habi- tuellement à trois ou (piatn^ cents mètres du bord, dont ils peuvent dailleurs appiocher jusipi'à cinipiante ou soixante pas; ce ou'au reste ils ne t'ont jamais (jue lors- qu'ils ont la lacilitV» d'y nager librement. Plus la ma- rée est haute et le temi)s serein, plus on a de chance de réussir, car alors ils sont moins éloignés de la rive et voient plus (lislincttmient. La plupart des gens qui habitent ces côtes élèvent une petite race de chiens blancs ou argentés, qu'on désigne familièrement dans le pays sous le nom d'appeleurs, et (pii. je crois, sont tout bonnement des baib(»ts conununs. Ces chiens sont très vifs, aiment beaucoup à jouer, et on leur apprend à courir çà et là sur le livage, en vue des Canards, soit à un simple mouvement de la main, soit en leur jetant des morceaux de bois de côté et d'autre. Bientôt ils comprennent parfaitement ce qu'on leur demande: et quand ils voient que les (Canards conjmencent à venir. ils font leurs sauts et leurs gand^ades moins haut, et finissent même par ramper, de peur que ces oiseaux ne découvrent quel est rul)jel ([ui excite ainsi leur cu- riosité. On a aussi mis à profit cette disposition qui les pousse à s'approcher j)our reconnaître ce (pii leur pa- raît singulier, en agitant devant eux un mouchoir noir ou rouge dans le jour et blanc pendant la nuit, ou même en battant doucement Teau au long des bords. Les Ca- nards qui s'en trouvent les plus voisins sont d "abord I.B CANARD OP, TA VAl T.lSVrniE. .^87 frappés (1(^ ceti(M''triiiii;(' ajtparilioii ; ils i^viMil la \Me, reÉ^ardenl avnr (|ii(M nictt^rr à Ixiiit lu patience du plus dctt'i-- iiiiiH' cliassenr? Opciidaiil. c'est nu aiiuis«Mneiit plein (I attrait et de ( haruie ; et ct.'Ini (|ni, don»' d'un icMnpé- rament capable do supporter le rude froitl «les pAles, voudra s'y riscpier, sans se laisser rebuter par la per- s|)ectiv(^ lie nombreux jours de misère et de l'alignes, celui-là, je le lui promets, y trouvera une moisson de jouissance et de sant«'' telleiju'unrAdeurdes bois à rare- ment l'occasion d'en faire. » Le nom de ce (lanard si renommé lui vient, connno m sait, (h; la Vallisnériecpii, sur les eaux douces, forme lefondsde sa subsistance. Toutefois, comme cette plante se trouve assez peu i'«''pandue, il est loin de s«> borner à cette seule espèce végétale, mais se nourrit encore et principalement de celle ([u'on appelle; Ib'rbe àranjçuille [zostera marina) (1) , ([ui abonde dans les détroits et les fonds plats, tout lelon^descôtesdelarner. ]*ourmoi, je dois l'avouer, sa chair ne me semble ^iwiv plus déli- cate que celle du millouin, qui se trouve souvent avec lui dans les mêmes troupes ; et, sur les marchés, on les vend indiiféremment l'un pour l'autre. (1) Genre de plante monocotylédone, de la famille des Aroïdées. La Zosière marine croît au fond de la mer, dans l'Océan et dans la Médi- terranée. LK TOUn.NK-IMKIlIlK. (loi oisprtii. l'un dos plus Immiiix de su t'ainillr, qimnd il a vvxMu lii Uwvo du piiiitrmps. s«> loncoiiln'. en hi- ver, le loii^ d«'s ('iM«vs iiHMidioualcs ch's Mlals-rnis. (i(>|)uis la (iaroliiic du .Non! jusi|(ri( riMiihoucluire de la rivière Sabine, el j'ajoute (jiM' là nu le trouve en nom- bre edusidtVable, Ineu «lu'eu rette ni<^me saison il \ pu ait peut-tMre tout autant (pii V(»ya^MMit dans li; Texas et le Mexique, où l'ai pu lesvoir, du {'umiiiencenu'ntcraviil à la Hii de mai, lois de leurs nuuralions vers l'est. Je m'en pnMMuai plusieurs sp^'riincMsdausiei'ouisde mes explorations sui- les ciels de la Kloiide, et nu voisinage de Saiut-Au^;ustiii; eu uiai et juin, aussi bien tpi'en septembre et octobre, il y en a sur piesipie toutes nos (^tes maritimes, du Maine iiu Marylaud ; mais au La- brador j'en chtîreliai vainemeiit, cpioicpie le docleui' Richardson assure qu'ils viennent nicher sur les bords de la baie d'IIudson. et depuis rocj'an \rcti([ue jus- (ju'au soixante-quinzième parallèle. Au pi'intemps. les Toui'ue-pierres se réunissent ra- rement par troupes de plus de cini( ou six individus; mais ils s" associent souvent avec d'autres espèces telles que chevaliers, maubèches et alouettes de m(îr. Ce|)eii- daut, vers la fin de rautumue, ils Ibrment des rassem- blements bien plus considérables et qui durent tout U TOl'RNF.-IMKKRE. 395 rhivpr. J<' n'ni ai ijiiniii.sr«Mic(iiitn'' au lionl «l«'s rivi«'i'«»s et (les lacs, mais toujours juvs dt» lu iiuT, ri surtout au loll^Mlt's iai'^t's Ilots. SI iiouiltrt'ux sur nos creux dans l'intérieur de ces mômes contrées, en re- montant jusqu'au seizième degré, mais qu'ils appro- chent rarement à moins de deux cents milles de la l)aie d'Hudson. Ils déposent leurs œufs sur les rochers des îles, à la chute des cascades, là où ils n'ont guère à craindre d'être inquiétés ; et cependant ce ne sont pas des oiseaux farouches. Mon savant ami parle aussi de la longue protubérance osseuse qu'ils portent sur la niaii- dibule supérieure, et cpioique ni lui ni M. Swaiiison ne fassent ressortir les autres différences bien réelles qu on remarque entre cette espèce et celle d'Europe, il constate néanmoins que l'existence de cette dernière particularité n'a point été signalée chez le PéUcan blanc de l'ancien continent. 11 y a déjà plus de trente ans, lorsque je me retirai pour la première fois dans le Kentucky,- je voyais très fréquemment de ces Pélicans sur les bancs de sable de rOhio et sur les rochers qui brisent le cours de cette majestueuse rivière, à l'endroit qu'on appelle les fta/^îV/es, situés entre Louisville et Shippingport ; et môme quel- ques années plus tard, lorsque je m'établis àHendersoii, ils étaient si abondants, qu'il m'arriva souvent d'en LE PÉLICAN DLANC d'aMÉRIQUE. ÛOl tuer plusieurs d'un seul coup, sur un hune de sablo bien connu derrière lequel s'abrite l'île de la Clique au canot. En ces jours fortun(?s de ma première jeunesse, que d'heures d(!'licieuses j'ai passées en les guettant ! Il me semble y être encore ; et ([uand j'y songe, je relis avec moins de fatigue les notes «'*parses dans mon journal tant de fois feuilleté. Rangés en lignes brisées sur les bords du banc de sable, se tiennent une centaine de Pélicans aux larges pieds. Les riches teintes de l'automne décorent lesarbres aux alentours; et à les voir réfléchies comme des frag- ments de l'arc-en-ciel, on dirait qu'elles remplissent (le leurs nuances variées les profondeurs mêmes du fleuve qui laisse dormir ses ondes. L'orbe du jour n'a plus que des rayons rougeàtres et voilés : c'est le commen- cement de l'été indien, cette heureuse saison, plus qu'aucune autre, charmante et sereine, et semblable à l'automne de la vie qui , pour un véritable amant de la nature, est, en effet, l'époque la plus pure et la plus calme de l'existence. Les Pélicans rassasiés se mettent il nettoyer leur plumage, attendant avec patience que lafeim les presse de nouveau. Si l'un d'eux, par hasard, vient à bâiller, aussitôt, et connne par sympathie, tous, les uns après les autres, ouvrent leur large bec et s'en donnent longuement et à leur aise ; puis ils re- commencent à se parer, à lisser leurs plumes , en les étirant tout du long entre leurs mandibules, jusqu'à ce qu'enfin tout soit bien en ordre, comme s'ils se prépa- raient à figurer dans quelque grande cérémonie. Ce- pendant le soleil va bientôt disparaître, et sa lumière n. 26 402 LE PÉLICAN BLANC d'aMÉRIQUE. rougeiUrc ne colore plus quo les dernières cimes des arbres. L'estomac des Pélicans n'clame à grands cris, et pour l(î satisfaire, il faut maintenant travailler : ils se leond ntouveinent du liée en haut, le poisson se trouvait englouti. Après avoir aifisi halay«i un espace d'(Miviron cent pas, en lijçne d(''ploy(^(} et na- geant parallèlement l'un à rautr(\ ils prenaient l'essor, tournoyaient ([uelque temps dans le voisinage, ethiontAt redescendaient à l'endroit où ils avaient commence^ la pèche, pour n'pj'ter les mômes manœuvres. Ils so tiennent plus loin du riva{]je (pie les P(Micans bruns, et dans de plus hautes eaux ; rependant il s'en détachait parfois quelqu'un de ces derniers qui, en poursuivant un poisson, s'approchait tout près des autres, sans qu'ils se témoignassent entrecux le moindre mauvais vouloir. Je les observai pendant plus d'une heure, caché der- rière de grosses souches ; et quand leur repas fut ter- miné, ils s'envolèrent tous de compagnie vcîrs une autre île, sans doute pour y passer la nuit, puisqu'ils sont les uns et les autres des oiseaux diurnes. Une fois repus, ils gagnent la rive, les petites îles dans les baies et les rivières, ou bien se posent sur des troncs d'arbres flot- tants à la surface des basses eaux, mais à une bonne dis- tance du bord ; et dans ces différents cas, ils aiment à se tenir ensemble et très rapprochés les uns des autres. Il m'était absolument indispensable d'en avoir plu- sieurs spécimens, pour pouvoir en donner une bonne description anatomique; et j'avais mis en réquisition i,E pti.iCAN niANC d'amérioue. ftO? lousles ^(Misch; l'(''(|uii)U}];o, lournîcommaiidani de m'en liuM" lo |)lus(|irils pourniiont. Mais voyant (iiio, inalgrù l()iit(îs ces pn'îcaulions, jo n'avais oncon» pu m'en pro- curer un soûl, jn nie décidai à tenter nioi-ni^ine uno expédition avec ([uelipies hommes choisis. .Pavais en- ten(hi dire a nos mat(3lols (pie i\v ^raud(\s troupes de cesois(MUix IVéquenlaient les îlots intérieurs de la haie (le Barataria : en cons('Miuence, je fis ('([uiper un bateau, (3t mon ami I^^douard Ilarris, mon fils et moi, nous partîuuîs pour les (chercher. Effectivement nous no tardâmes pas à en apercevoir un nombre consid('rable sm'(l(îj3;ros tas de souches; mais il n'('>taitpas facile d'en ajjprocher, à cause du peu de profondeur (pie pn'îsen- liiit l'eau, à près d'un demi-mille autour do nous. Cependant, avec toute la précaution possible, nous parvînmes à nous avancer sulïlsamnient ; et je l'avoue, j'éprouvai un sinj^ulier plaisir (mi me retrouvant, uno fois encore, à portée de fusil d'un(; troupe de Pélicans blancs. Et vous non plus, cher bîctour, vous n'eussiez pu vous défendre d'un vif inténH, en voyant le cahne et la inis minutes avant «piil toiidie. Quanta cette opinion (pie l'Auliinga nag(? toujours le corps enfoncé sous Peau, c'est une erreur complète : il ne le fait rpreii piV'sence d'un ennemi ; nuiis s'il n'appréhende! aucun danger, il se laisse aller, en flot- tant à la surfac(;, avec autaiit d'aisance et de grâce qu'aucun autre oiseau plongeur, cormoran, harle, glèbe ou pl()ng(!on propi'cMiient dit. IV's (pi'il aperçoit nnenneîni, ilcommencc^às'entoncer plus avant, comme c'est rhabitiidiî de ces derniers; et à mesure cpie le danger s'a|)pro('lie, il disparaît peu à peu, jus([u'à ne présenter au-dessus de l'eau tpie la tète et le cou, (pii, d'après leurs formes et leurs mouvements, rappellent assez bien la tète et partie du corps d'un reptile; et c'est de cette circimstance même qu'il tire son nom d'Oiscau-serpent. On h; voit alors (Constamment tourner la tète de cAté et d'autre, et ouvrir souvent le bec, comme ])0ur asj)irer une plus grande ipiantité d'air, et se préparer à rester sous l'eau assez longtemps pour ne revenir à la surface que lorsqu'il sera hors d'atteinte. Lorsfpi'il pèche sans (pie rien le trouble, il ])longe pn^- cis(''ment à la manière du cormoran, puis reparaît dès (|u'il s'est procuré (pielque autre poisson ou un bon mor- ceau ; il le secoue, et quand il n'est pas tro]) gros, le ou l.'OISEAU-SRRPENT. Û25 ïj'tUîon l'air, h; n'coit julroifpfiu'nt dans son hec et raval»', pour n'cmmiHMUMM' aussitôt à (mi rluM'cluM'd'au- tres. Jr (loiito tort qu'il saisisse jainais mu» proie (pi'il iit> puisst^ (Mi^^ioiitir tout rutitMc d'iui soûl coup, (les ()is(>au\ ont la siii<:;ulii'MV haltiludc de plonger sous tout rorpsqurli* veiiloii lescouiaiitslialloHeiil àlasuit'aced»; l'eau, roinine des tas d'Iierlteseld»; leuilles,ou hieudes siil)staii('es verdies et df'eoni posées par la putiV'tiu'tioii; cl cette haltitude, ils ne la perdtMit pas, rn«Mne (;ii état (io domesticité parfaite. Mou ami .lolrn Haehman on avait UDipii ploni»'eait ainsi dès (ju'il approchait, à quel- (jues pii'ds. d'une masse de halles d»^ rizipii lloltail sur iiM de ces étants on monte la marée, dans le voisinage (leC.hai'Ieston. De nu'^me cpie l'oic^ connnune, rAnhinj^a baisser toujours la tête quand il passe sous Paiclie d'un pont [»eu élevé, sons une hranche ou le tronc d'un arhre ([ni s'avance au-dessus du courant. En naj2;eant sous l'eau, il ouvre en ))artie les ailes, sans les employer cependant comme moyen d'impulsion ; mais la queue est entièrement étendue, et il .se sert de ses f)ieds en gui.se de rames (pi'il fait aller iMisendde ou alternati- vement. La (piaiititt* de poisson (pi'il ahsorhe, pour sa con- sommation journalière est ivellement siir|)renante : un matin, mon ami Bachman et moi. nous ctunniençàmes par donner à l'un de ces oiseaux, (jui n'avait pas plus (le sept mois, un poisson noir (1 Ule neuf pouces et demi (le long sur deux de large. La télé était l)ien plus (1) I.a Perche noire. 424 l'anhinga grosse que le reste du corps, et ses fortes nageoires épineuses forniaieiit un obstacle redoutable. Néanmoins TAnhinga l'avala d'une seule bouchée, la tête la pre- mière. Une heure et demie après il était digéré, et il lui en fallut encore trois autres un peu plus petits. Une autre fois nous en mîmes plusieurs devant lui, ([ui avaient de sept à huit pouces ; il en avala neuf, sans désemparer. Pour un seul repas, il en mangeait au moins une quarantaine de trois pouces à trois pouces et demi. Nous le nourrissions aussi de plaises (1), et il en avalait (|ui avaient quatre pouces de large, en dila- tant sa gorge et les comprimant pendant qu'elles des- cendaient dans son estomac. Il paraissait ik^ pas aimer les anguilles; du moins il mangeait les antres poissons les premiers, et renvoyait celles-ci pour la fin. Sur l'étang, au bout du jardin, il plongeait assez souvent et l'apportait parfois une écrevisse, qu'il serrait forte- ment et battait de côté et d'autre en la tenant dans son bec, évidemment pour la blesser et l'étourdir avant de l'introduire dans son gosier; jamais il ]ne prenait de poisson qu'il ne lui fit subir le même traitement. Pendant le S(''jour (jue je fis sur les bords du Bayou- Sara, dans l'État de Mississipi, j'jdlais assez souvent rendre visite à quelques connaissances qui demeuraient à Pointe-Coupée,presqu'en facerembouchureduBayou. (1) t'ieuronectes dentutus. Poisson hétérosome, qui a les deux yeux à gauche, et dont la nageoire caudale est arrondie. Ses t'cailles sont dentelées ; son côté gauche est parsemé de points rouges et de teintes noires. On le pêche dans les eaux de la Caroline. ou l'oiseau-serpent. 425 Un jour, en entrant dans la maison d'un humble colon, sur la rive occidentale du Mississipi, je remarquai deux jeunes Anhingas ([u'on avjiit pris dans un nid qui en contenait quatre et était bâti sur un grand cyprès, au milieu d'un lac, à l'est du tleuve. Ils étaient maintenant apprivoisés, tout à fait familiers et très attachés à leurs ])arents adoptifs, l'homme et la femme de la maison, qu'ils suivaient partout. Ils mangeaient indifféremment du poisson et des crevettes; et quand il n'y en avait pas, se contentaient de maïs bouilli, dont ils recevaient très adroitement chacjue grain, à mesure qu'on le leur jetait. J'appris, dans la suite que, lorsqu'ils furent devenus grands, on les laissait aller au Bayou et sur les étangs des deux rives, où ils pochaient pour leur propre compte, et que régulièrement, à la nuit, ils revenaient se percher sjr le faîte de la maison. C'étaient deux mâles, (jui plus d'une fois se livrèrent entre eux de rudes combats; mais enfin ils firent chacun la rencontre d'une femelle qu'ils décidèrent, dans les premiers temps, à venir partager leur perchoir, où ils dormaient tous quatre ensemble. Cependant les femelles ayant sans doute pcmdu dans les bois, les deux couples dispa- rurent, et les personnes qui me racontaient cette petite histoire ne les ont plus revus. La Dame-Grecque devient farouchequand elle habite dans des contrées où la population est nombreuse; mais ce cas est rare, comme je l'ai dit précédemment ; et lorsqu'elle ne quitte pas ses paisibles et solitaires re- traites où presque jamais on ne va l'inquiéter, elle se laisse approcher très facilement. Quelquefois même 426 l'anhinga elle restera à la niêiiie place et dans la même posture, tandis que vous lui envoyez ])lusieui's balles coup sur coup. Elle pêche, je l<5 répète, non i)as en plongeant de dessus la branche, ou en tombant à plomb sur la proie; mais elle plonge en nageant, comme le cormoran et maints autres oiseaux; (*t il lui serait enelîet assez dif- ficile de découvrir un poisson, d'une certaine hauteur, au-dessus des eaux troubles où elle se i)laît. Elle se meut gauchement le long des branches, en s'aidant de ses ailes, qu'elle a soin d'ouvrir, et parfois de son bec, comme leperroijuet. Parterre, elle marche et môme court avec beaucoup d'aisance, et certes bien plus adroitement que le cormoran, (pioiqu'elle se donne à peu près les mômes mouvements ; mais dans ce cas elle ne fait point usage de sa (jucine, qu'elle redresse au contraire; et en s'en allant ainsi d'un lieu à l'autre, elle darde continuellement la tète et le cou, qui s'étend de toute sa longueur. Pendant la saison des amours, ces mouvements acquièrent beaucoup de grâce et de- viennent alors lents etonduleux;en môme temps aussi, la poche placée au-dessous de la gorge est distendue, et ces oiseaux font entendre des sonsrauques et gutturaux. Quand ils se caressent au sein des airs, à la façon des cormorans, ils poussent une sorte de siftlement qui rap- pelle celui de certains rapacfîs, et qu'on peut rendre par les syllabes eck, eck eck, la prc^mière la plus forte, et les autres en faiblissant. Sur l'eau, leurs notes d'appel ressemblent tellement au sourd grognement du cor- moran, que je les ai souvent pris l'un pour l'autre. Le vol de l'Anhinga est légei' et par moments sou- ou l'oiseau-serpent. 427 tenu ; mais, de m^me que le cormoran, il a pour habi- tude, en s'cnlevant de la branche ou de la surface de l'eau, d'étendre les ailes et d'cHaler sa queue, ce qui donne souvent prise aux coups du chasseur. Une fois en plein essor, il peut montiM' à une grande hauteur, en décrivant de belles coiu'bes que, dans la saison des amours, le in aie surtout aime à varier par de fréquents zigzags, tandis qu'il tourne autour de sa compagne. Parfois tous deux disparaissent coîjiplétementà la vue, comme perdusdans les plus hautes régions de l'air; et se tenant beaucoup plus bas en d'autres moments, ils sem- blent rester plusieurs secondes immobiles et suspendusà la même place. Pendant toutes ces évolutions, et même aussi longtenq)s ([u'ils volent, leurs ailes sont ouvertes en ligne droite, leur cou se porte en avant, et leur queue est plus ou moins étalée, suivant le mouvement à accomplir, c'est-à-dire qu'ils la ferment presque pour descendre, et la rouvrent en l'inclinant d'un côté ou de l'autre quand ils veulent monter. Durant leurs migra- tions, ils battent des ailes par intervalles, à la manière des cormorans, particulièiement lorsqu'ils ont à tra- verser une grande étendue de pays boise''. D'autres fois, quand il faut passer au-d(^ssus de quelque vaste nappe d'eau, ils planent comme le busard des dindons et cer- tains faucons. S'ils sont inquiétés, ils fuient ra])idement et avec des battements d'ailes sans cesse rc'péti's. J'ai déjfà dit qu'ils éprouvent (juelque difficulté à s'enlever de leur perche, sans ouvrir préalablement les ailes; de même, avant de se poser, ils s'en servent ])Our se sou- tenir le corps, en attendant que leurs pieds se soient /l28 l'anhinga suffisamment atlermis sur la branche. Sous ce rapport, ils ressemblent exactement au cormoran de la Floride. Il y a tels faits bien observés, dans les habitudes des oiseaux, d'apr»'s lesquels on pourrait avoir une idée tivs exacte des tenip('*ratures propres aux diverses parties d'un ptiys, pendant une saison donnée, ('eux que j"ui constatés dans l'histoire de TAnhinga, me semblent (Hre de ce genre : ainsi j'ai trouvé la Dame Grecque nicluuil sur la rivière Saint-Jean, près le lac Georges, dès le 23 février. Précédemment déjà j'en avais vu qui se fai- saient la cour sur les eaux, d'autres charriant de petites branches pour bâtir leurs nids, et j'avais môme tué des femelles ayant des œufs très développés. Or, à celte époque, on ne trouverait peut-être [)as un seul Anhiiii^^a aux environs de Natchez , et c'est à peine s'il y en a quelques-uns dans le voisinage de la Nouvelle-Orléans, dans l'est de la Géorgie et les parties maritimes ou cen- trales de la Carohne du Sud. A la Louisiane, ils nichent en avril ou mai, et dans le sud de la Caroline, mon ami Bachman a trouvé, jusqu'au 28 de juin, des petits non- vellement éclos et même des œufs. Dans la Caroline du Nord, où Ton n'en voit plus que quelques couples, la saison des amours est d'une quinzaine de jours encore plus tardive. J'ai déjà dit aussi que les oiseaux qui nichent de cette manière beaucoup plus tôt dans une partie du pays que dans une autre, spécialement ([uand c'est à de grandes distances, peuvent encore, après une première ou môme une seconde couvée, avoir assez de temps pour gagner de plus hautes latitudes et en élever une troisième ou l'oiseau-serpent. /i29 flans la môme cannée. De récentes observations m'ont, en outre, convaincu que les individus de la même espèce, nés dans des régions chaudes, ont une plus forte pro- pension à se reproduire ([ue ceux des climats septen- trionaux. Cehx étant, connue la plupart des oiseaux (loués du pouvoir d'éniii^ner ne manquent presque jiimais de l'exercer, ne peut-on pas en conclure que le couple d'Anhinujas qui niche en février, sur le Saint- Jean, se sent porté à aller nicher de nouveau, quelques mois plus tard, soit dans la ('aroline du Sud, soit aux environs de Natchez? Cependant jusqu'ici je n'ai point encore de fait positif à présenter à l'appui de cette iipinion. Le nid de l'oiseau-serpent est différemment placé, suivant les diverses localités : quelquefois dans des brous- sailles, ou même sur un smilax, à huit ou dix pieds au- dessus de l'eau, si le lieu est retiré; dans le cas con- iraire, à l'extrémité des branches des plus hauts arbres, mais toujours au-dessus de l'eau. Dans la Louisiane et i'État du Mississipi, où j'en ai trouvé bon nombre, ils liaient généralement sur de très gros cyprès qui s'éle- vaient à une grande hauteur du milieu de lacs ou irétangs, ou qui couvraient les l)ords des lagunes, des bayous et des rivières, loin de Thubitation des hommes. Souvent ils sont isolés, mais parfois aussi au milieu d'une muhitude d'autres nids de hérons, tels que V/4rdea (ilba, Yyirdea lierodias, et les grandes espèces blanche et lileue. Quoi qu'il en soit, comme dans tous les cas la forme, la grosseur et les matériaux qui les composent wntàpeu près les mêmes, je me contenterai de donner 430 l'anhinga la description d'un de ces nids que m'a procuré le doc- teur Baclnnan : D'une forme aplatie, il mesurait deux pieds en dia- mètre et ressemblait beaucoup à celui du cormoran de la Floride. La première couchese composait de bilclieltes sèches de diverse grosseur, quelipies-unes ayant près d'un demi-pouce de diamètre et entrelacées en rond. Des branches vertes garnies de leurs feuilles, la plupart appartenant au myrte commun, avec une quantité de mousse d'Espagne et de petites racines, formaient lu nichetle aussi compacte et solide que celle d'aucun nid de héron que ce soit. Celui-ci renfermait quatre œufs; un autre vu le même jour avait quatre petits; un troi- sième, trois seulement, et jauiais on n'a trouvé de nid d'Anhinga contenant huit œufs ou deux œufs et six petits, comme le prétend M. Abbott, dans ses notes transmises à Wilson. Je dois ajouter cependant que M. Abbott est dans le vrai, quand il dit que ces oiseaux nichent plusieurs années de suite sur le même arbre: moi-même j'en ai connu un couple qui, pendant trois années, occupa le même nid, qu'il augmentait et répa- rait à chaque printemps, comme font les cormorans et les hérons. Les œufs ont 2 pouces 5/8 de long, sur 1 pouce 'l/li de large et sont d'une forme ovale allongée. L'extérieur présente une teinte d'un blanc sale et uniforme ; mais c'est parce qu'ils sont encroûtés d'une substance calcaire qui, lorsqu'elle est soigneusement grattée, laisse voir la coquille d'un bleu clair. Sous ce rapport, ils sont exactement semblables aux œufs des différentes espèces de cormorans que je connais. ou l'oiseau-serpem. 431 Les petits, (|iiaiid ils ont une quinzaine de jours, sont re\f tus d'ini duvet brunâtre; leur bec est noir, leurs pieds d'un blanc jaunâtre, leur tète et leur cou presque nus, et à cet Age ils ressemblent aux jeunes cormo- rans, bien que dune autre couleur. Les plumes des ailes connnencent à paraître à travers le duvet et sont d'un brun foncé. Ceux d'un môme nidditï'èrent en taille et en grosseur, non moins ([ue les petits du cormoran. A cet âge ils s'exercent ordinairement à se lever et à se tenir droits, et pour c(îla ils placent leur bec sur le rebord du nid ou sur une branche à leur portée, en se hissant à l'aide des mandibules, ([u'en pareille occasion ils ouvrent de toute leur grandeur. Les jeunes en cap- tivité conservent cette habitude, qui est aussi particu- lière au cormoran [Phalacrocorax carbo), dont les petits s'aidaient de leur bec en rampant sur le pont du Hipley; et c'est même ce qu'on voit toujours faire aux vieux Anhingas. Dans les premiers tem))s, l'appel des jeunes consiste en une sorte de sitïlement bas, et l'on croirait, à certains moments , entendre les cris de quelques petites espèces de hérons. Dès leur naissance, les parents leur dégorgent la nourriture, et cette opération semble être douloureuse pour ces derniers, qui se donnent alors de pénibles mouvements et mn\ obligés d'avoir tou- jours les ailes ouvertes et la queue relevée. — Je ne puis rien dire de certain sur l'époque précise et la durée de l'incubation ; mais ce dont je suis positivement sûr, c'est que le mâle et la femelle couvent à tour de rôle. Celle-ci toutefois reste beaucoup plus longtenqis sur les œufs. Quand on s'approche des jeunes Anhingas encore dans 432 l'anhinga le nid, ils s'y cramponnent avec force, et s'ils sont pré- cipités en bas, ils tlottcnit simplement sur l'eau, où l'on peut aisément les prendre. Les jeunes cormorans, au contraire, se jettcnit d'inix-mèmes à l'eau et plongent innuédiatinnent. A trois semaines, les plumes de la (jueue poussent rapidement, mais ofTrent toujouis cette même couleur d'un brim sombre qu'tîlles conserveront jusipi'à ce (jue les Anbingas si»ient capables île voler; et lors même qu'ils sont prêts à (initier le nid, leur plumage présente une singulièie apparenc(3 bigarrée. Quand les plumes des ailes et de la ([ueue sont presque développées, celles des ilancs et de la gorge deviennent visibles à travers le duvet, et l'oiseau send)le encore plus curieusement mar(iu('' qu'auparavant. Le jeune mâle est alors de la couleur de la femelle adulte, et la conserve jusqu'au commencement (roctol)re, où des raies obscures se montrent sur la poitrine. On commence aussi à aper- cevoir des taches l)lanches sur le derrière, dont le noir devient plus intense), et les barres des deux plumes du nnlieu de la (jueue, ([ui dès les premiers jours ont été plus ou moins visibles, sont maintenant tout à fait appa- rentes et ne doivent plus changer. Vers le milieu de février, le plumage du mâle se trouve dans son état de perfection ; mais les yeux n'ont pas accjuis tout leur éclat et ne sont encore que d'un rougeàtre orange foncé. A cet égard, je dois noter deux différences entre r Anhinga et les cormorans : la première, c'est le rapide développement du plumage chez l' Anhinga; la seconde, c'est qu'il se Diaintient ainsi durant toute la vie de Toi- ou l'oiseau-serpent. 433 seau, saiisjamais changer (lo couleur aux diverses mues. Le cormoran, au contraire, met trois ou quatre ans à prendre la livrée qui distingue la saison des amours, et encore ne la garde-t-il (jue })endant cette pc'i'iode de surexcitation extraordinaire. Chez la femelle de l'Anhinga, les plumes poussent aussi promptemeiit que chez le mâle, et les mues qu'elle subit n'en allèrent pas non plus la couleur. Comme tous les oiseaux carnivores et piscivores, l'Anhinga peut rester ù jeun des jours et des nuits, sans en paraître Ix^iucoup incommodé. Lors([u'il est blessé et qu'on veut le prendre et l'amener à terre, il semble regarder ses ennemis sans frayeur. En pareil cas, je le voyais surveiller attentivement mon approche ou celle de mon chien; il se tenait aussi droit que ses blessures le lui permettaient, la tête retirée en arriére, le bec ouvert, la gorge gonflée de colère; puis, quand il nous croyait à bonne distance, il dardait en avant son bec qui faisait souvent de cruelles blessures. Un, entre autres, en donna un si furieux coup sur le nez de mon chien, qu'il y demeura attaché et se laissa traîner l'es- pace de trente pas, jusqu'à mes pieds. Si on les prend par le cou, ils font sentir à l'assaillant le pouvoir de leurs griffes aiguës, et se défendent en battant des ailes, avec une vigueur qu'on serait loin de leur supposer. J'ai pu remarquer souvent l'adresse singulière avec laquell(> cet oiseau sait se tirer d'un danger imprévu; et je veux vous en rapporter un exemple qui témoigne d'une sorte de raison : Un jour, en compagnie du capitaine Piercy de la marine des États-Unis, je remontais la rivière II. 28 l^Zl\ l'aniiinga Saint-Jean, et nous étions arrivés en ramant dans un bassin circulaire dont les eaux claires et peu profondes dormaient sur un lit sablonneux. (!les bas-fonds, assez fréquents dans ces para^^(\s, sont [)roduits par les pluies du [irintemps (lui roulent le sable des hauteurs jiist(ue dans les rivières bourbeuses et dans Icîs lacs. Nous ne pûmes pénétrer dans cette espèce de petite bai<;(|u'eH passant entre les branches des aibres (jui traînaient à fleur d'eau, tandis que d'autres, à une inuneuse hau- teur, s'étendaient au-dessus de notre tète. En levant les yeux, j'aperçus une femelle d'Anhinga perchée sur le bord opposé de la ci'ique; et couuncî je ne me souciais pas de la tuer, nous continuâmes à ramer tranquillemeiit vers elle. Mais déjà son œil vigilant nous avait vus, et connneneant cà avancer la tète, elle s'était mise à re- garder de tous côtés, attentive à ne perdre aucun de nos mouvements. Je le répète, la place était étroite et entourée d'arbres très hauts ; et bien qu'elle eût pu prendre son vol et s'échapper, elle persistait à denieuier au bout de sa branche, uuiis évidemment inquiète et sur ses gardes. Enfin, quand le bateau n'en fut plus qu'à une courte distance, elle se rejeta subite- ment en arrière, fit le saut périlleux à couvert sous les branchages, piqua droit vers l'épaisse forêt et bientôt disparut à nos regards. Je n'avais encore jamais vu d'oiseau de cette espèce s'enfuir à travers les bois. Je laisse maintenant parler mon ami John Bachman qui va nous décrire un de ces lieux dans lesquels les Oiseaux-serpents aiment à revenir nicher chaque ou l'oiseau-serpent. 435 année, (lolui dont il s'ugil ust siliiô non loin de Char- lésion, dans la (Caroline du Sud. «Le 28 juin iHli?, accompagné des docteurs Wilson, Drayton etdeW. Ilainsayesciuiro, je n'st>lusd"allei' visi- ter Tétan^ de (îliisliolni, à ([uelijues nulles de la ville. Celait un bon nionient [)our étudier les Anliiii^as (^ue réclamaient alors tout entiers les soins du nid ; en outre, la journée était belle, et en moins d'une heure, nos chevaux nous eurent portés au bord du marais. A peine arrivés, nous aperçûmes un oiseau (jui volait au- dessus de nos tôles, en se dirigeant pai le haut de l'étang", vers une place retirée (ju'un terrain bourbeux encombré de joncs et de vignes sauvages rendait tout à fait inabordable. 11 n'y avait moyen ilen approcher que par eau; en consé(juence, nous halàmes un petit canot ([ui se trouvait sur l'étang. iMallieureusement il faisait eau de toutes parts ; nous essayâmes bien de le calfater de notre mieux, mais sans pouvoir y réussir complète- ment; et de plus, connni; il était fort inconnnode et ne pouvait contenir que deux persomies, il fut convenu que je m'embarquerais seul avec mon domestique dont je connaissais l'adresse à pagayer. » Cet étang établi de main d'homme, n'est, comme on dit dans le pays, qu'un réservoir. Creusé au bout de plusieurs champs de riz qu'il domine, il a pour desti- nation de retenir une ipiantité d'eau sullisante pour pouvoir, au besoin, arroser et submerger les planta- tions. On y remarque quel([ues îlots sur lesquels pousse une immense quantité de petits lauriers de l'espèce du Laurus geniculata et de saules noirs, le tout entremêlé A36 i.'aniiinga d(^ difliVeiites sorlrs de siiiilax vi autirs plantes, au milieu (l(>.s((Mell('s ou a{M^i'c(;vait do nombreux nids de Ik'toiis. Plus haut enûn, l(>s bihoreaux avai(;nt aussi fondi' une colonie. » J'avaneais jM-niblement, et, à cha((ue instant, les obstacles se multipliaient; Teau devenait plus basse, la vase moins résislante et plus profonde, et mon domes- tique avait toutes b;s peines du momie à manœuvrer lo petit bateau parmi les vignes et les joncs (jui raccro- chaient. D'énornuîs chênes et des cyprès non moins vt^ntTables drt;ssai(Mit leur tùte vers le ciel, taiulis (pie les branches et le tronc disparaissaient sous une épaisse couche de mousse d'Kspagne (pii pendait en longs fila- ments jusiprà la surface de l'eau, et y faisait du jour la nuit. De gros alligators se vautraient dans la fange, ou, du haut des vieilles souches ipii de tous cAtés nous bar- raient le passage, plongeaient avec bruit au milieu du marais. On ne voyait (jue tortues, serpents et reptiles grouillant et nageant autour de nous. Ma situation n'était pas du tout agréable, et d'autant moins que j'étais obligé de m'escrimer sans relâche contre des légions de moustiques, et de veiller non moins attenti- vement à ne pas chavirer dans un bourbier pareil. Nous avancions donc très lentement ; cependant nous avancions, et nous finîmes par arriver dans un espace libre, entouré d'arbres d'une grosseur médiocre et où je découvris devant moi le nid de l'Anhinga que nous avions d'abord aperçu. La femelle était dessus; mais quand elle nous vit approcher, elle grimpa en s'aidant de son bec. sur une branche élevée d'environ un pied, ou l'oiseau-serpent. Û&7 et resta là, lo cou Ij'ndu, iniinolùlo comnio une statue. Il rtiiit cruel de lu irouhler nu) instant, le coup partit ; mais le balancement contiiuiel du canot, pcuit-Atre aussi 1(^ défaut d'assuranc»^ de ma main qui n'avait pas l'habitude de cette arme, lui sau- vèrent la vie. Elle était n^slée dans la m<^me position, sans faire un seul mouvement : je nîchargeai et tirai trois fois de suite sans la toucher; enfin une balle ayant coupé la branches, mais (lesséehé«'s, ([ui paraissaient Atre de i'anni'e préei-denle, et parmi lesipielles j(; no remartpiai ni tij4;es, ni brindilles vertes d'aucîmit; sorte. Le l'ond pituvail avoii' ein»! pouces de diamètre, et h? bord l'tait ^arni il«^ ihii) liei'be des prés, diflt'rente de rt.'lle (pii croissait sm' les ilols. ('.eux-ci ne send)laient j)as être expost's aux inondations, et aucun des nids ne paraissait avoir el('' surélevé depuis b^ connnencement de lincubalion, ainsi ((ue h) rapporte Wilson de ciuix ([u"il nous a dc'crits. Les cents, au nond)r(; de quatre, connue ceux (le la |)lu[>art des ('cbassiers, se toucliaienl par le j)elil bout; leur loniçueur (îtîiit de 2 pouces, sur une largeur de I j)ouce 3/8, et la couleur exactenuMit celle indi(iu(''e par h; naturaliste américain : olive foncé, avec de larges taches irré^ulières de noir, et d'autres (l'une teinte plus i'aibl(\ .rajoute (pi'ils sont en forme de poire et lisses; (piant au tcfups de leur éclosion, je iKî sais rien de particulier. Après avoir pris mes notes et numissé les oiseaux cjuc j'avais tués, je fis trois fois le tour du marais en cher- chant tout au travers d(3s joncs; mais n'ayant pas mon chien, je ne })us jamais revoir ni la mère ni sa jeune couvée. Le lendemain je revins deux fois pour cher- cher (Micore; je fis à i^ué le tour de l'étang- et funjtai sans succès sur tous les autres îlots. Il ne reparut pas une seule Avocette, et je n(? doutai pas (jne la mère lieùt emmené ses quatre petits dans quelque autre heu plus sur. II. -29 450 r'AVor.F.TTr: nAMiniouE. Lo nid (le rAvncott»? resscMuItlc à relui ilc 17/mjfln- topns nigricollis (I). (lomiinj le chevalier criiml, ces lieux oiseuux. (|UiUi(l ils feiideiit rtiir. semblent tou- jours tMre au (lélMit (l'un p:rau(i voyajj^e; ils s'avancent avec gi'àce, d'un vol ra[)ide et conliiui, les jambes el le cou tendus de joule leur lonj'ueur. Lorscjue, alarmt'e par la vu«'d'ini ennemi. TAvocette plonge d'en huit |)our le reconnailre, elle passe parfois tout près de lui avec la rapiditi' d'une tlècbe. puis revieni et sc-loii^ne encore en laissaid pendre ses jandies très bas; mais je n'en ai vu aucune dont les jandies lussent trend)lo- lantes et ployées comme le prétendent certains auteurs, alors mh\u* (pu* je les avais l'ait à T improviste partir de leur nid. Je crois pouvoir «''^alemeid dire en toute assin-ance, (tue le bec n'a jamais (Ht' dessiné sur un (échantillon IV.nis. ni avant ipu; se soit produite la courbure (pi'en ell'et il ne mont repas (piand le sujet est vivant (2). Les notes (pu'i cet oiseau l'ait entendr«» ont le môme son (pie la syllabe click plusieurs l'ois r(''pélee et avec hâte, spécialement en ('as d'alarme. (1) L'ftchasse îi cou blanc of noir. (2) De colle ob8(>rvalion d'Aïuliihon, rossorl nn fai! entifiremenl nouveau dans la science, et iri'îs curieux, en ce (|u'il contraste singii- llirement a\('e Tétai du jjec de l'Avocelte, tel qu'un le voit dans les collections zoologiques, et les diverses représentalions qu'on a cru devoir donner de cet oiseau. i;f: (] Il M K un noir ou IJEC EN CISEAUX. Gît oiseau, Tiin des i>liissin^uli(M'.s «^t (l«;s plus ruriiîux que la ualuroail produits, so nMicontic «mi loutr siiisou sur les bords saitl(»un»;ux et inarcca^ru.v di; uos Ktats les plusuiéridiouaux, depuis iadaroliuc^du Sud, jus(|u'à la rivière Sabine, et sans doute aussi dans 1(^ Texas où je Tai trouvé en al»s si pressés qu'on dirait un nuage soinljni ((ui tantôt monte, tantôt s(; préeipit(n^ers la tei're coninu; un torrent. S'ils voient que vous vous éloiL^nez, ils tournent encore ([uel- ques instants; et ([uand ils sont eertiiins qu'il n'y a plus tic danger, ils descendent pô^î-niéle, portant haut les ailes qu'ils ramènent ensuite pi'ès du corps; et formant alors une masse confuse, ils s'(';lendent de nouveau sur le sal)le, poiu' ne se renlever (pic lorscpic la niariM^ les y forcera. Mais quand c'est sur la terre ferme ([u'ils se reposent ainsi durant le tlux, d'ordinaire ils ne restent pas longtemps à la môme place, comme s'ils craignaient de ne pas y être en sûreté; et si on les observait, à ce moment, on pourrait croire qu'ils s'occupent à chercher leur nourriture. Dès que les nnhres du soir sont descendues, les Écu- meurs commencent à se disperser. Ils s'(mi vont seul à seul, par couples, ou bien en petites troupes de trois ;ï quatre, quelquefois de huit à dix individus, selon appa- remment que la faim les presse ; puis ils partent. s(^ dirigeant chacun de leur coté, vcm's des jiarties du ri- vage qu'ils ont préalablement reconnues, et s'élèvent avec la marée jus([u'à une hauteur considtM'able le long des bords. Ils volent tant (pie dure la nuit, pour cher- cher la proie, et j'ai eu moi-même la preuve de ce fait, un jour que je remontais le Saint-Jean, sur le Spark. schoonerde la marine des États-Unis. Toute la nuit, je le répète, sauf une seule heure, j'entendis retentir leurs cris perçants, et je distinguais ainsi parfaitement dans h^li l'écumrur noir. los t^^nchrcs. iiiiand ils passuient par en haut nu pareil bas (le la livière : j'ajoute ([u'à ce nionieiit nous étions au uioiiis à cent milles de son embouchure. Longtemps avant de visiter moi-UK^me la péninsule des Florides et autres parties de nos eûtes du sud, où aboiid(Mit les Becs en ciseaux, j'avais eu coiuiaissancedes observations de M. T.essun à leur sujet, et j'ai)pliquai toute mon attention aies bien étudier, toujours à l'aide d une excellent»* lunette, pour m'assurer s'il est vrai ou non quils se nourrissent de inollus(|ues bivalves trouvés dans les liasses eaux ou les creux peu profonds des bancs de sal)le. Mais je dois b; dire, pas un seul fail ne s'est passé sous mes yeux , ([ui soit venu confirmer cette assertion. J'aime mieux en croire Wilson qui dit (|ue, tandis qu'ils sont dans nos contrées, ces oiseaux ne man- iïcnt jamais ni crustacés ni mollusques. Au reste, voici les propres termes de Lesson : « Quoique le Bec en ci- seaux semble peu favorisé par la forme de son bec, nous acquîmes la preuve qu'il savait s'en servir avec avantage et très adroitement. Les plages sablonneuses de Peuce sont en eiï'et l'emplies de mactres, coquilles bivalves que la marée descendante laisse presque à sec dans de petites mares. Le Bec en ciseaux, très au courant de ce phénomène, se place auprès de ces mollusques, attend que leurs valves s'entr'ouvrent, et profite aus- sitôt de ce mouvement, en introduisant de force la lame inférieure et tranchante de son bec entre les valves qui se resserrent. T.'oiseau alors enlève la coquille, la frappe siH' la grève, coupe le ligament du mollusque et peut ensuite avaler celui-ci sans obstacle. Plusieurs fois, il a L'itCUMrAÎR NOIR. 655 doiiiK' devant nous des [)i'(!uves dt; wi iiistiiu-t remar- quable. » En observant les manœuvres de rKeunieur, pendant qu'il taisait sa pôclie, qneliiuet'ois une bonne heure avant lanuit, je le voyais passer sa mandiluileintV'iienre sous l'eau, de mainère à i'oi'mer un anijçle d'environ /l5 degrés, tandis (jue la supérieure, (lui est mobile, s élevait un peu au-dessus de la surlae(3. 1)(^ cette faeoii, l(!s ailes étendues et n.'dressees, il labourait Télcment [joissonneux, en poussant, d'une haleine, son sillonii))lu- sieurs mètres; puis il s'enl(3vuit et retondjait |)ar iider- valles, selon i[u'ii le jugeait tiécessaii-e pour s'assurer de sa proie ([uand il Pavait en vu(î; car je suis certain que jamais il n'eidbnce sous l'eau sa mandibule inierieure. qu'auparavant il n'ait a|)ercu l'objet qu'il pouisuit et voilàpour([uoi ses yeuxsontconstannnenl dirigés en bas, connneceux du sterne etdu ton. Maintes t'ois, je me suis tenu pendant prèsd'uneheuresur le b(*rd d'un petitétang d'eau salée, connimni(}uant avec la mer, tout exprès pour voir passer ces oiseaux k quelques \erges do moi. lis semblaient alors ne pus s'iniiuiéter du tout de ma présence, et s'occupaient tranquillement à leur pêche, de la inainère ([ue je viens d'indiquei'. Au counnence- ment, ils gardaient le silence, puis devenaient bruyants à mesure que l'ombre gagnait, et bientôt faisaierd en- tendre leurs notes habituelles d'appel, sendjlables aux syllabes liiirk, hurk, deux ou trois l'ois et assez prom- ptement ré[)ét.ées, conjme pour engager ([uehiue cama- rade à suivre leur sillage. D'auties (pje j'ai vus de cette manier* fendre les eaux, toujours en quête de la proie, /iSG l'i',cumi:ur noir. tantôt sur un loiiiç bayou sah', tantôt dans un ôtioit juissap^e dont ils parcouraient toutes les sinuosités, su baissaient do temps à auti'e vers l'eau (jii'iîs ('euniaiciil do leur bec; et dès (pi'ils avaient atlrap*' une crevello ou un petit poisson, ils prenaient leur vol en les mâ- chonnant et les avalaient en l'air. Vu jour, sur l'île Galveston, accompat^ni' d'I^ldouard Ifai'ris (;t de mon fils, je remarquai trois d(M'es oiseaux qui, voyant passer au-dessus d'eux un li('M'ond(» nuit, s'enlevèrent à la l'ois pour lui donner la chasse et le poursuivircMit assez loin comme s'ils eussent voulu le prendre. Leurs cris, en pareil cas, ressemblent aux jappements d'un très ])etil chien. Le vol de rËcumeur noir surpass,^ peut-être en él(''- gance celui (U) tout autre oiseau d'eaii. La grand(! en- vergure de ses ailes elîil(''(?s, les justes proportions (h) sa queue allongée et fourchue, son corps mince, el l'extrême aplatissement de son bec contribuent ëgale- lementà lui donner cette grâce, cette aisance de mou- vements (pi'on ne peut bien admire^r que lorsqu'il a pris l'essor. Il sait se maintenir contre l'ouragan le plus impétueux; et l'on n'apas d'exemple, je crois, qu'aucun oiseau de cette espèce ait jamais ôié jet('î dans l'inté- rieur des terres par la violence de la tempête. Mais où il se présente avec tous ses avantages, c'est aux li(Mix mômes (pi'il choisit pour n^traites au temps de ses amours : là, vous voyez plusieurs mâles {\m) la [)assion transporte, harceler une seule femelhî non (Micore ap- pariée ; timide et réservée, celle-ci s'élance, fait des feintes, et d'une aile merveilleusement légère, trompe i/i'CrMKiJu Noiu. /I57 leur anlciii' cl {'iiit diins loiiloslcs (lii'oclidiis; toiilctois ses poiirsiiivîiiits un la ([iiitleiit pas; leurs d'is fl'amour éclaloiit Oini)ross('s et hriiyaiits. c'est un plaisii'd^'coutci* leur doux et leiuli'c lui hn, ou les liack liack, cnc. cac, do celui qui vient le dernier dans cclh; chasse L;alante. Ils suivfMit et serrent la lemello dans Ions ses curieux zigza;4's, et cliacun d^nix, en la (h'passant tour à tour, entr'ouvre un moment ses ailes et lui doinie un petit coup sur le C(M('. hi.tois, toute une ti'ou|)e s'enlève d'un l)anc de sable, file en lij^qie droite, cha([ue individu ne semblant attentif ([u'à devancer ses coujpagnoiis, et inilU; cris confus d(î lia ha, liack hack, cac cac, remplis- sent les aii's. Un j<»ur. je vis un de ces oiseaux volti- çjeant autour d'une troupe qui venait (\c se poser. 11 s(» tenait à une hauteur d'environ viiiL^t mètres; par mo- ments faisait mine de se laisser tomlxn', comme si ses ailes eussent subitement faibli, puis remontait très haut, à la manière d'un piiieon faisant la culbute. Le 5 mai LSBT, je i,^uettais siu' Tile de (lalveston «juelques faucons de mars (1) dont les nids se trouvaient dans le voisinau,(?, loi'scjue j'aperçus avec surprise une de ces grandes troupes d'Iunimeurs qui s'étaient abattus et semblaient dormii' sur une partie sèche et herbeuse de l'île. Mais j'eus r(»xplication de ce tait, en n^tournant au rivage : c'est qu'en etï'et. la man'-e beaucoup plus haute que d'habitude, avait re(;ouvert tous les bancs de sable sur lesipiels ces oiseaux se reposiv.it ordinairement pendant le jour. (1) Le Buzard sous buse {Falcu cyaneus). /|58 l.'lT.UMLL'R NOIR. .MiiiiitiMiiiiit. (juc (lire de cet iiisliiict, ou philol de celle élumianle saL-iicitc ([iii. anrès (jifils se sont dis- persés cl niant une loiiu;iie nuit. j)oiir|)(>iiiToir chacun à leurs besoins, les raniène ensemble vers le malin; el, souvent de dislanci^s ('onsid«''rables, b's t'ail se n'unir avant de descendre sur la paitie de la ii,rève où ils ont résolu de se reposer? Poui' moi, je serais lent*' decroire que, la veille, ils ont eu siiiide fixer entn? eux le lieu du rendez-vous. Lorsqu'ils sont de coinpa;4'nie occupés à leurs nids, ilsn«? soulVrent la ])résenc(; ni de lacorneille ni i\[\ buzard des dindons. Dès (jue lun ut; ces nuirau- deurs veut s'ap[)rocher. des douzaines d'S'.cumeurs se précipitent pour le chasser ei ne cessent de le poursui- vre i[u\\ ne soit tout à fait hors de vue. Il y en a parmi ces oiseaux qui (juittent le Sud, et gagnent pour nicher, les rivages de llist: mais rare- ment en airive-t-il au (irand [Xirt aux œufs, avant le milieu de mai; et encore ils n'y pondent (pi'un mois plus tard, c'est-Ji-(iire vers répo(pu3 où, dans les Flo- rides ainsi (jue sur les cns nous enipcVliei' de recoiniaîti'e ([ue la vu»' seule d'un tel speclacle valait qu'on traversât TOcéau. Pour moi. je Tavcsu»?, j'i'pntuvais un vif regret de n'avoir pu le conlem])lei' (le pivs; du moins, je vous en olïVe ici la des('i'ij)tioii telle que me la (lonn(''e notre pilote, M. Godwin. « L(,' rocher princij)al se t(M'min(' en haut par nue plate-forme d'un (piart de mille de lariïe. du nord au sud ; mais plus ('troite dans l'antre sens. Son c'l(''vation [)eut (^tre de quatre cents pieds. 11 est situ(^' par 47" 52' de latitudi'. Le ressac en liât la l)ase avec violence, sauf apr(''s un long calme ; et il est tn's dithcile d'y aborder, encore plus de l'escalader juscju'au sommet. Le seul point par où Ton peut en a|)procli(,'i' est du côt('' du sud ; et à l'instant nK'^nie où le bateau vient à y toucher, il faut le tirer il sec sur le roc. La surface enti('re de la plate-forme est couverte de nids, plac(''s connue à deux pieds l'un de l'autre, et disposés en ordre si rc'gulier que l'œil peut i)longer (mtre les lignes (pii courent nord et sud, aussi facilement (pi'il se dirige entre les sillons d'un clianq) profond(''ment laboure'. L(^s p('^cheurs du LalVi'ador et autres (|ui visitent, cha([ue ann(''e, ce lieu extraordinaire, afin de faire provision de chair de Fou, dont ils se servent connue d'amoi'ce pour la p(''che de la morue, y montent par petites troupes de huit ou dix, pnq3ortant puur toute arme, chacun un gros bâton : et sur-le-champ, ils commencent leurceuvrede carnage. LE FOU DH DASSAÎÎ. ÛOS A la viio (le cos odieux onvahissoiirs, lesoiseaux eiïravùs s'envolent avec un battement d'ailes ciui resseml)lc au roulement du tonnerre, et fuient avec tant de précipi- tation, qu'ils s'embarrassent les uns dans les autres; de sorte ([ue des milliers sont forw's de redescendre et do s'amoncelei' en tas de plusieurs pieds de liant ; dès lors les hommes n'ont plus (pi'à tuer, jusqu'à ce (|ue leurs liras soient tatigiiés de frajjper, ou ([u'ils trouvent en avoir assez assomm('\ M. Godwin me racontait (juc, précisément poiu'le même objet, et pendant dix saisons consécutives, il avait visita' le roc aux Fous, ajoutant qu'ime t'ois, à six (ju'ils étaient, ils en avaient détruit cinq cent quarante en moins d'une heure ; et (juoique la plupart des oiseaux survivants eussent (|uitté leur voisinage imnuMliat, tout l'espace autour d'eux, à la distance de cent mètres, (Hait encore «Micombré de Fous restés sur leurs nids, tandis qu'une multitude d'autres remplissaient les airs. Quant aux morts, on les dépouille tout à la grosse ; la chaii* de la poitrine est découpée par morceaux qui se conserveront, pour servir d'appât, pendant quinze jours ou trois semaines. Knfîn, la des- truction que l'on fait de ces oiseaux est telle, (|ue leur chair suftit, conmie amorces, à cpiarante ])!iteaux pé- cheurs (jui fréquentent ainsi, tous les ans, les parages de l'ife Brion (1). Vers le 20 mai, h; rucher est couvert d'oiseaux (|ui couvent, et environ un mois après les petits «'dosent. Les Fous, comme nous l'avons d<''jà dit, (l)Une des Iles de la Madelciucdans le ^nlfo Saiiil-f.anrcnt. n. 30 /iCG Lli i'OU nE BASSAN. se contentent de ^liitler la terre à (juelqncs pouces de profondeur; et autour de celtt? excavation ils entiela- cent assez proprement, en forme de bourrelet, des her- bes marines et d'autres débris, jusqu'à une hauteur de huit à dix pouces. Chaque femelle ne pond qu'un œuf, d'un blanc pur et de la grosseur d'un bel œuf de poule. Quand les petits viennent d'éclore, ils sont d'un noir bleuâtre, et pendant une quinzaine ou plus leur peau ressemble à celle du chien fie mer. Peu à peu, ils se revêtent d'un duvet blanc ; et quand ilsont six semaines, on dirait, à les voir, un gros rouleau de laine cardée. » Ce rapport de notre pilote me satisfit d'autant plus, que moi-même avec ma lunette j'avais remarcpié l'ali- gnement, en etfet très n'gulier, de leurs nids, et vu plu- sieurs de ces oiseaux occupés à creuser la terre avec leur bec, en môme tenqis ipie des centaines d'autres charriaient des masses de cette longue herbe marine qu'on a})pelle herbe à fanf/nille, ei ([u'ils semblent aller chercher du côté des îles de la iMadeleine. Tant que le Hiplej ïiii à l'ancre près du roc, des troupes de Fous ne cessèrent de voler au-dessus de nos têtes ; et bien que j'en eusse tiré plusieurs qui tombèrent à l'eau, ni le bruit du fusil ni la vue de leurs compagnons morts ne semblaient faire la moindre impression sur eux. Quelques-uns de ceux qu'on avait apportés à bord pesaient un peu plus de sept livres; maisiM. Godwin me dit que les jeunes, (juand ils sont sur le point de quitter le nid, en pèsent huit et souvent neuf. C'est ce que je vérifiai moi-même par la suite; et j'attribue cette dif- férence à l'énorme quanlih» de nourriture que leur LE FOU DR BASSAN. ^67 apportent à cello épo(iuo les parents, qui paraissent alors ne s'occuper que de leur progéniture, au point de s'oublier presque eux-niôines. Le pilote me dit encore que l'odeur qui s'exhalait du sommet du roc était insup- portable, encombré comme il l'est, durant la saison des amours, et après la première visite des pécheurs, de débris putrides de vieux et de jeunes oiseaux, d'excré- ments etdesrestesd'une multitude de poissons. 11 ajoutait que les Fous, bien que peu braves de leur naturel, résis- tent cependant parfois, et attendent de pied ferme l'approche de l'honmie, en le menaçant de leur bec, dont ils lui portent de rudes et dangereux coups. Maintenant, lecteur, je puis vous afïirmer qu'à moins d'avoir vu de vos propres yeux la scène dont mes amis et moi nous fûmes ici témoins, il vous est impossible de vous faire aucune idée de l'impression qu'elle laissa dans mon esprit. Après avoir élevé sa famille, le Fou parcourt, dans ses migrations vers le Sud, une étendue de pays beau- coup plus considérable qu'on ne l'a jusqu'à présent supposé : souvent, à la fin de l'automne et en hiver, j'en ai vu sur le golfe du Mexique ; et même, lors de ma dernière expédition, j'en ai rencontré jus(|u'à lem- bouchure de la rivière Sabine. Comme c'est exclusive- ment un oiseau de mer, jamais il ne s'avance dans l'intérieur des terres, k moins d'y être emporté par uu fort coup de vent; et c'est ce qui arrive quelquefois, par exenq)le, dans la Nouvelle-Ecosse, dans le Maine et dans les Florides, où j'en ai vu un qu'on avait trouvé mort au milieu des bois, deux jours après uu furieux 608 Li'. For Mi: uassav. op.i'Hjfari. La pluimrl de ceux iiui passK îiassan. il îini.'inqiH' le but, il s»; rciijrve (mi Imitant sans cosse drs aih^s; si^eoiio sa (ji eue de côté et d'autre, en rame- nant sur ses pieds larj»'enieul pulinivs les sous-couver- turcs de cet excellent gouvernail; puis, tout d'un coup, part en li^ne droite; et (juand il a rencontré un souffle d'air sutfisant pour soutenir son essor, remonte par degrés jusqu'à la hauteur où il se tenait d'abord, et là recommence à chercher fortune. Au milieu de grands coups de vent, j'ai vu le Fou continuer de s'avancer contre la rafale, et même gagner beaucoun de terrain, en se plaçant le corps de côté ou dans une direction oblique qu'il changeait alternative- ment, ainsi que font les pétrels et les guillemots. 11 m'a semblé même ((u'alors son vol était plus rapide qu'en aucun autre moment, si ce n'est lorsqu'il fond sur sa proie. Les personnes qui l'ont observé pendant qu'il travaille à se procurer la nourriture seront, comme moi, fort étonnées de lire dans certains auteurs «qu'on n'a pas connaissance que les Fous plongent jamais, et que cependant il arrive assez souvent qu'on en prenne au moyen d'un poisson attaché à une planche qu'on a plongée dans l'eau à une profondeur de deux brasses; et que, dans ce cas, on retire toujours l'oiseau avec le cou disloqué, ou le bec solidement fixé dans le bois. » Devant de pareilles assertions, on croirait avoir été le jouet de ses propres yeux, si l'on n'avait eu soin de noter exactement le résultat de ses longues et minu- tieuses observations; et comme c'est là ce que je n'ai jamais manqué de faire, je vais vous soumettre les miennes, cher lecteur, et vous me permettrez de ne LE FOU DR BASSAN. ft?! t«nir aucun rompto de co qu'avant moi ofi a pu dô- bitoi' sur ce sujet. J'ai très lue» vu le Fou plonjj^er et rester plus d'une minute sous l'eau. Une t'ois, nolainnient, j'en tuai un à l'instant où il en ressortait : il tenait un poisson entre ses mandibules et en avait deux autres à moitié des- cendus dans le gosier; il peut donc suivre sa proie sous l'eau et prendre |)lusieurs |)()issons de suite. D'autres fois, j'en ai remai'qué (pii plongeaient au milieu d'un banc d'ammodytes (1); mais si h'gèrement, qu'à peine s'ils écumaient la surface. Pour donner la chasse aux petits poissons, ils se mettaient à nager ou même à courir sur l'eau, à l'aide de leurs ailes qu'ils portaient en avant et dont ils frappaient de droite et de gauche, jusqu'à ce qu'ils fussent rassasiés. Sur le golfe du Mexique, je blessai un de ces oiseaux (jui tomba à l'eau et s'enfuit, en nageant si vite devant notre barque, que nous diimes forcer de rames pendant un bon cpiart de mille, avant de pouvoir le rattraper; et quand il nous vit près de le joindre, il fit face tout à coup, ouvrit le bec et se prépara à la défense; mais on l'acheva d'un coup d'aviron. Si on tire les Fous, même sans les tou- cher, ils rendent souvent gorge, comme les vautours; et c'est ce qu'ils font toujours étant blessés, quand ils (1) Ammodytes tobianus. Ammodyte appât, poisson qui, soit par la forme de son corps, soit par ses mœurs, a beaucoup de ressemblance avec les Murènes. On le trouve dans le sable, où il a la faculté de se rouler en spirale, presque comme une couleuvre. Sa couleur est d'un blou argentin, sa longueur 1 dc'ciml'tre 1/2 environ. — A Dieppe, les pécheurs le connaissent sous le nom (TÉquille, /l7iî LE fOU Di; HASSAN. oui li'sldiiiiic (III le ixosicr pl«Mr!. Par inoniciils. lors- (lii'dii les a frappes aux ailes, ils so laisseiil allei' o\\ ll(tllant,('l on peut iik'^iiu' les |)reii(lre avec la main, sans qu'ils tassent W moindre etlorl i)oni' s'échapper. Il y a plus : un jour, mon jeune ami (ieort-c; Sliattnck, étant avec moi au Labrador, en prit im (pii se promenait au milieu d'une troupe de guillemots, sur inie ile basse et rocailleuse. Loi'squ'ils vont jiour s'envoler de dessus les rochers où sont hnns nids, ils lèvent la tête, la rejettent en airière. ouvrent le bec et poussent un cri tort et pi'o- loiif^é avant de se lancer dans les airs, ce qu'ils font en s'essiiyant d'abord par (juel([ues pas mal assurés et en s'aidant de leurs ailes, qu'ils étendent en partie. Leur premier n»ouvement les reporte en bas; nuiis bientôt leur vol se ralfermit. se redresse, et ils semblent se soutenir en l'air avec la })lus grande facilité. Une fois à la hauteur de vingt ou trente métrés, vous les voyez s(;coiier la([ueue, dont les sous-couvertures cachent leurs pieds; ou bii^n les pieds s'(''tendent et s'ouvrent tout à coup, i'(mnne pour saisir (piehpie objet au-dessous d'eux; niais cela ne dure qu'un instant, et de nouveau, grâce à la manœuvre que je viens de décrire, la (lueue s'agite et les i)ieds disparaissent sous les plumes. Ils battent des ailes et planent alternativement, même alors qu'ils se bornent à voler autour de leurs nids. Sur le sol, les mouvements du Fou sont très gau- cheset des plus disgracieux ; on dirait qu'il est empôtré ; encore est-il obligé de s'y soutenir avec stîs ailes, qu'il porte à moitié ouvertes pour s'empêcher de tomber. Sa M, ion i)i: BASsw. M^ niarchi' n'est, à » rai diro. «ju'im périii»!»' cldjiiiiniKMit. Quand le so1(m'I iM-ilic, il a'inciU'tciHlro sos ailos |M)nr sor(''<'liaun('r: ('Lpcndanl huit ce tonips, il auilrsa tMo avec viokMKM» ot ne cesse de pousser snn cii ranipie et guttural: cara, harew, karoirl liepreseiilez-vous l'elTet que produit im concci'l de celle espèce. e\ccut('' par tous les Imuis rassend)l»''s sur leurs nids et couvrant un rocher connue celui du jijolte Saint-Laurent ; tandis <|u'au milieu d<'ce vacarme s'élèvent, sans discontinuer, les hurlements vA les i;lapissements de ceux cpii se pr«> parent à s'envoler. Quand le nid vieni d'èlre terniin(\ il a iiien deux pieds de haul, et autant en diamètre à l'extérieur. Il est construitd'herhes marines et de vai'ccli.cpie ces oiseaux vont (juchpietbis chercher très loin. (Tesl ainsi (pie les Fous qui nichent sur le ^olfe Saint-Lain*ent doivent le cliarrier des îles de la Madeleine, les([n(?!les sont à une distance de près de trente milles. Quant aux herhes, ils les arrachent sur la j)lace même el en pé'lrissent do grosses mottes, composées en outre de lacines et de terre, dans lesquelles ils pratiquent une ouverture assez semhlahle à l'entrée du trou des pulfins. Ces nids, comme ceux des cormorans, sont agrandis ou réparés chaipuî année. La femelle n'y dépose ([u'un œuf. d'une forme ovale allong-ee, et dojit le grand diamètre est de 3 pouces j/h2, le })etit de i2 pouces. Une matière cal- caire blanche et rugueuse revêt entièrement laco([uille, qui, lorsqu'on Ta giatlée, laisse voii' t.Mi-dessous une couche d'un bleu paie verdàtre. D'habitude, ces oiseaux arrivent au roc déjà accou- Û7/i LE FOU DE n\s.s.\N. pl(^s, et soimMit (Ml lih's «h; plus deront. Biont(M après on Ii's voil se IxM'cpKîtci' oftinm»' tout les connoniiis, et la copulation s'accomplit siirlcs i'ocIums niAinos, ot ja- mais sur Tcaii, ainsi qu'on Ta (picicpicfois suppose. Du reste, IV'poipie rie leur arrivée aux lieux où ils veulent nicher paraît dépendre de la latitude: sur /?a.v.ç-/?oc/f, dans le Fitili of Forth (1 ), ils S(^ montrent dès le mois de février: tandis (jue dans le golfe de Saint-Laurent, on ne les voit pas sur le Grand-Rocher avant le milieu d'avril ou le connnencement de mai. A Châleau-Benu, dans l(»sd(''froits de lielle-lsle, ils ne paraissent encore (pie quinze jours ou trois semaines plus tard. Doués du même naturel que les membres des plus nombreuses communauté's d'(aseaux, les Fous, l)ien ([u'à ce moment ils aiment réellement à vivre en société, manifestent cependant, dés «pie rincubation commence, beaucoup d'animosilé contre leurs plus proches voisins. Par exem- ple, une femelle paresseuse, trouvant plus commode de piller le nid de ses amies que d'apporter de loin les herbes et autres matc'iiaux in'cessaires pour la con- struction du sien, se hasarde partois à envahir la pos- session d'une autre; aussitôt toutes prennent part à l'injure faite à leur camarade, et de bons coups de bec sont dirigés contre la voleuse, en plein jour, à la vue de ses sœurs rassemblées et qui ne manquent pas d'ap- plaudir au châtiment, en se passant la nouvelle de l'une à l'autre, jusqu'à ce que la troupe entière soit [l) Firth of Forth {liodotria œstuarium). Golfe formé par la mer du Nord, sur la côte orientale de TÉcosse. LF FOn DP, BASSW. /|75 mise un courant de !a (1ii(to1Ii\ Opcfidaîit If s jours sVronleiil, la palionli» iiirn*. poiirtniii' plus chaiid son cpuï niii(iiio, s'ai'racluî (|iu'li|iips ]»liiiii('s d'aiiloiii' la i^orjT»': dans 1rs Iumu'i's où U\ soh'il luit, ollc clah» celles t|ui lui rcc(»uvicnl le dessus du C(ii|)s, et passanl son bec h' \o\]^ du tuyau, elle les neltoie et dt'Iniil les vils insectes qui y pullulent. Qu'ini venl iiujH'lueux s't'lèvo ou qu'un froid brouillard vieinie à voiler la beauh' du jour, aussitôt elle resserre autour crelle les bords de sa couche et s'y enfonce |)lus avant ; s'il |)leut j elle se place de niani«''re à enq)^cher r<\an de ))én«''trer dans son mé- nage. Qu'elle est heureuse, lorsque son(eil attentif peut découvrir au loin, dans la foule, son niàle atlectionné qui revient de la pèche, le bec cliarji;é. et (pii lui aussi l'a déjà reconnue, parmi ses mille conq)aii;nes, toutes également in(pii«"'tes el guettant le lelour du bien-aimél Mais le voilà (jui doucement se pose à coté (relie et lui présente le morceau qu'elle préfère ; il ('change avec elle de tendres caresses, puis déployant d(^ nouveau ses ailes, il repart pour donner la chasse à cpielcpie banc de harengs. Eidin la coquille senlr'ouvre, et un nou- vel être en sort en rampant. Ih'las! le pauvre petit est tout noir! quel étrange coiitiasle avec le blanc si pur de la mère! Cependant, elle laime tel i\u\\ est, avec tout le dévouement des autres mères. Pleine d'an- goisse, elle épiait son éclosion; et maintenant elle n'a d'autre souci que de le nourrir. Mais il est encore si frêle, qu'elle préfère attendre un peu avant de lui pré- senter l'aliment. Toutefois le moment propice est bientôt venu : avec quels soins extrêmes elle l'entretient ÛTO i,r. FOI ni: rassan. de Hiorcoîiiix coiivciiahlcnKMit nuurrc's ot (lu'cllc lui (l«''pr«Mii('nt uri'aiiiïr's, sont aplatis et foulrs aux pieds; les jeunes oiseaux, jR'^Ie-inf'^le. va^irahondent partout où il leur plaît. Ils ont bien la mine, en v/'rité, «le grands iainéants: et cli(*z nul autre oiseau jfMi'ai vu cet ail de nonehalanee «pii doiniei'ait à penser qu'ils s'occupent aussi peu du pn-sent (pie de l'avenir. Main- tenant le père et la mère sont déchargés d'une partie de leurs soins; ils se contentent de déposer à ciMé d'eux tels poissons (pi'ils peuvent attraper; encore leur en donnent-ils rarement plus d'une fois par jour; et, chose singuhère, les jeunes ne semblent pas même taire atten- tion à leurs parents, lorsqu'ils vienn«Mit ainsi leur a]i- porter à manger. Les rous ne se nourrissent pas exclusivement de harengs, quoi ipien aient dit nondue de personnes; car moi, je leur ai trouvé dans Testomac des capelans de huit pouces de long, ainsi (pie de torts maquereaux d'Améri([ue (jui, pour le dire eu [)assant, sont très dil- terents de ceux qu'on rencontn* «mi si grande abondance sur les C(Mes (ri']uro])e. î^es jeunets ne (piittent jamais le lieu où ils ont v\é élevés, (pfils ne soient bien en état de taire usag(; do leurs ailes; et alors ils se s(''parent des vieux oiseaux, ])Our ne l(?s rejoindre, an plus t(M, (pi'une ami(''(^ apW's. .l'en ai vu ([iielquel'ois qui étaient toujours biganrs do taches gris sombre, avec la plupart de lem's rémiges pi'imaires encore noires ; et je ne crois [)as (pie leur plumage puisse se montrer, dans tout son beau, avant la lin de lu deuxième aniK'C. J'ai vu aussi des individus quiavai(Mit une aile d'un noir tr«s pur et la queue de 478 LE FOU DE BASSAN. cette môme couleur, d'autres ayant seulement la queue noire, plusieurs enfin avec des plumes toutes noires éparses sur le coi'ps, dont la teinte était généralement blanche. Selon moi, il n'existe pas d'oiseau qui ait si peu d'ennemis à redouter que le Fou: des diverses espèces de labbes que je connais, il n'en est pas une seule qui cherche à rinqui»''ter. J'ai souvent vulafréjçate pélican passer près de lui en poursuivant la proie, et jamais je n'ai remarqué qu'elle fit mine de l'insulter. D'un autre côté, les îles sur lesquelles nichent ces oiseaux au mi- lieu des rochei's, sont inaccessibles aux quadrupèdes. Les seuls animaux qui mangent leurs œufs et leurs petits sont le larus marinus et le larus glaucus (1). On dit que le skua ou labbe calamcte donne quelquefois la chasse au Fou; mais cette espèce ne se rencontre pas dans r Amérique du Nord, et je l'avoue, je doute beau- coup de ce fait: car je le répète, je n'ai jamais vu de labbe s'attai^uer a un oiseau aussi grand et aussi fort que lui. Quelque temps a])rès que les jeunes Fous se sentent capables de voler, ils partent avec tous les autres oi- seaux de la même espèce, pour ne revenir que la saison suivante aux lieux où sont les nids. A Terre-Neuve, je me laissai ilire que les pécheurs anglais et français sa- laient de jeunes Fous pour leur provision d'hiver, ainsi qu'on fait en Ecosse; quant à moi, je n'en vis pas môme un dans ce pays, et je trouve leur chair si mauvaise, (1) GoëlauU h manteau noir. — Goèluml bourgmestre. LE FOU DE BASSAN. 479 que je ne conçois pas ([u'on songe à y recourir, tant qu'on peut s'en procurer (rauti'c. Un fait assez curieux, c'est que les Fous savent prendre des maquereaux et des liareng;s quatre ou cinq semaines avant que les ptV'heurs en voient même paraître sur nos côtes. Toutefoiscela s'explique par les lointaines excursions qu'ils font en mer. (l'est un oiseau qu'on garde facilement en captivité, mais dont on ne retire pas grand agrément : son ordure est abondante et cho- que également le nez et les yeux ; son air paraît tout à fait gauche, et même le regard terne de son œil de hibou produit sur vous une inqjrcssion désagréable. Ajoutez à cela la dé})ense de son entretien ; et je con- cevrai sans peine ({uc vous ne lui donniez point place dans votre volière, si ce n'est pour le plaisir de lui voir happer à la volée le morceau qu'on lui jette et qu'il reçoit non moins adroitement qu'un chien. Les plumes du dessous du corps diifèrent, chez le Fou, de celles de la plupart des autres oiseaux, en ce qu'elles sont en dehors extrêmement convexes ; de sorte qu'il a l'air d'avoir cette partie comme recouverte d'une couche de petits coquillages. C'est ce qu«une figure ne pourrait guère représenter. Mon excellent et très savant ami \V. Macgillivray s'est beaucoup occupé des mœurs de ces oiseaux, qu'il a étudiés sur le Bass-l\ock, en Ecosse ; et je ne puis mieux faire que de vous transcrire ici ses obser- vations : « LeBass est un rocher abrupte, dont la base, d'une forme oblongue, peut avoir un mille de circonférence. ÛSO LE rou in; tiassxn. A certains fîulniits, les roclici's sont à pic ci plomlient les uns sur les autres, pivsentant partout de v(Ti- tahles jirécipices. si ce n'est vers une pointe (Hroite près de la terre où, par une pente un peu plus douce, ils forment à leur pied une léofèrc projection (jui seule per- met de les aborder. Un peu au-dessus se voient des ruines de maisons et de fortifications, le Bass ayant anciennement sei'vi de prison d'fitat. Quel(|ues-uns de ces rochers paraissent avoir deux cents pieds de haut , et le sommet vers le(iuel monte leur surface escarpt-e les domine encore d'au moins cent cin<]uant«? pieds. Toute la masse, autant ipie j'ai pu m'en assurer, est d'une structure uniforme, consistant en trapp inter- médiaire à des diorites et à des phojwliles d'un routée brunâtre et à petits grains. Bien cpie la superficie do l'île soit aussi en majeure parti(î couverte de roches, elle porte une abondante végétation cpii se compose principalement de festuca avenu et duriuscula, avec quelques autres herbes môlées aux plantes ipie produi- sent d'ordinaire les stations maritimes. » Le Bass offre surtout cela d'intéressant pour lo zoologiste, (ju'il est l'un des lieux, assez rares dans la Grande-Bretagne, où les Fous viennent se réunir pour nicher. Le 13 mai 1831, la première fois que je le visitai avec quelques amis, le nombre de ces oiseaux que nous y aperçûmes s'élevait peut-être à vingt mille. Toutes les faces du roc, et principalement son sommet, en s, et ne se trouve nulle part en plus grand manbn» qu'aux bords de la Tweed et de ses tributaires, dans les comtés de Peebles et de Si^lkirk ainu's des troupeaux. Il est aussi très bien connu aux grandes Hébrides. Non-seulement il n"émigre pas. mais l'arement s'é'loigne-t-il di^ sa rési- dence ordinaire, si ce n'est ([uand les gelées si-s prolon- gent; et alors il descend au long des ruisseaux, où on le voit voltiger en suivant le courant et près des cas- cades. L'écluse d'un moulin est aussi sa retraite favorite, particulièrement au i)rintemps et en liiver. .le ne l'ai jamais aperçu sur des bancs à fond tourbeux ou cou- vert de vase ; cependant on le voit quelquefois sur ceux dont les bords sont caillouteux et peu ])rofonds, comme à Saint-Mary's-Loch, sur le Yarrow (1), où j'en ai tué. » Le vol du Cincle est ferme, droit et rapide, comme (1) Hivière dti comté (!<' Sclkirk, qui so jcile dans la Tweed et es^ céli'bic par les siles pilloresqties qu'elle offre dans son cours. î88 r.K pLON(ii;» n. trliiidii r(ii-|HVli(Mii M»cuiii|)(tsuiil do coups d'aile vifs, ngulir'istiurcel (lisomidoiiiic. sans iiilcrvullcs; et jamais 110 plane, lise peiclie sm* des piiMres. destVa^Mnenlsde l'odier qui s(> projeltent au liord des ruisseaux, ou liien un milieu mèuK^ de l'eau; et on le voii, par un inouve- uient l)rusi[ue el iV«'(|neul, incliner la ^orj^e en bas et touellcr de la ([Utîue, a peu près comme le cul-blanc, le Inupiel, ou mii'ux encore, comme le tro^çlodyte. Ses jambes sont ployées, son cou l'cnln''. et ses ailes lé{j;è- renuMil lond>anl»'s. Il plonge dans l'eau, s'y enfonce, sutsciaiiidre la l'oi'ce du coui'ant contre leipicl, «'ii ffr- n<''iiil, il s»! dii'i^(% (^t s'avance ainsi au-dessous de la surface, souvjmU avec une rapidib' éloneante. Cepen- dant il ne tondte pas de liant, la tèle la première, comme fait le roi-pècheur, le sterne ou le fou; nuiis il entre dans l'eau en nuirchant, ou se pose dessus; et c'est alors seulement (pi'il plon|j;e. à la manière d'un maca- reux ou d'un cfuillemot ; puis, ouvrant à moitié les ailes, il disparaît avec une agilité, une prestesse cpii prouvent cond)ien il est heureusement doué pour celte étrange manœuvre. Je l'ai vu se mouvoir, sous l'eau, dans des positions (lui me pci'mettaient tb; le contempler à mon aise ; et je reconnaissais bientôt que son mode d'action était alors exactement semblable à celui des plongeons, harlcs et cormorans cpie maintes fois j'avais observés d'une éminence, pendant qu'ils pour- suivaient des bancs d'anunodytes sur les rivages sa- bloimenx des llébi'ides. On peut dire en j'éalité qu'à ce moment il vole, puisqu'il fait usage de ses ailes, non-seulement à partii* de la jointure du carpe, mais i.K l'ioNriKin. /|89 (Ml les eniployanl dans tdiitc Iriii' «'hMidiic. «vxacIcMiU'iit (•(MiiiiH' s'il uvaiiniit an sein drs airs. Dans c*; ni(tnv(^- iiicnt. son corps est «rhalMUidi^ piMiclif *m) aviinl ; et sans doute il lui faut di'piMisiM' une ;;rande tbrce pour contrcî-balanccr les elVets de la j^ravilc'. car il ne peut que très ditliiilenieiil se uiainlenir au tond ; (>t ou le voit revenir à la siirlace. connue du lic^e. dès (jimI se relâche un instant de ses elFoits. .Monla};u a piirlaite- inent deciit ce sinjj^ulier spectacle, lorsipTil dit : l'ne ou deux t'ois j'ai «'t»' bien plac»' poui' iVxauu'ner sous l'eau, <'t jt.' l'ai vu s'y démener deçà et la, d'une t'a<;ou ti'ès extraordinaire, avant la tète en bas. coinnn; s'il pieotait (juehiue chose, eu nièuie temps qu'il se domiait un violent exercice et faisait aller h's ailes et les jand)es à la t'ois. Cependant tout ce uiouvemiMit lu; lui est ha- bituel (pu; lorsipiil lutte contre un fort comaut ; et l'œil alors est véritablement charmé de le suivre, au milieu des teintes Itrillantes et varii'es ([uu umlliplie autour de lui l'int^aliti' de réfraction des diverses couches du licpiide. Lorsipj'il cheiche sa uouiiilure, il ne va pas loin sous l'eau : d'abord il se pose sui' ([uehjue point qui fait saillie , ensuite s'enfonce. re[)araît biiMitùt tout près de lîi et plonge encore ; ou bien il prend sa volée, pour aller fouiller une autre partie de la rivière ou s'a- battre sur ime pierre. Souvent vous le voyez i(ui, du haut de ([uelque gros caillou, tait de courtes excursions à travers l'eau. Il jtart d'un air vif, en courant, mais sans précipitation, et l'instant d'après sa tète se lève en barbotant à la sujl'uce, et il regagne sou poste ii la nage ou à gué. Quant à cette assertion de certaines per- /|90 LE PLONfiEUR. sonnes, qu'il marche dans Teaii ou au fond de l'eau, elle n'est hast-e ni sur robservation, ni sur la nature mên)e des choses. Le Plon^inir, en etl'et, n'est nulle- ment un oiseau marcheur ; mi^me sur le sol, je n'en ai jamais vu fainî plus de deux ou trois pas, et encore n'était-ce (ju'une sorte de sautillement. Ses jambes courtes, ses ongles recourbés sont peu propres à la course, mais admirablement calculés, pour lui permettre de fixer un pied solide sur les cailloux glissants, soit en dessus, soit en dessous de la surface de l'eau. De même que le roi-pécheur, il restera queUiuefois longtemps perché sur une pierre ; mais, sous d'autres rapports, les niœurs de ces deux oiseaux sont tout à fait diffé- rentes. » La première fois que j'eus l'occasion de bien observer le Cincle, pendant qu'il chemine ainsi sous l'eau, ce fut en 1819, sur les montagnes Braemar (1). Du bord de la rivière qui passe piès de Castle-Town, j'en pus voir un r[ui se livrait à ses exercices dans le courant, ti'ès rapide en cet endroit. En septembre 1832, j'en guettai quelque temps un autre sur la Tweed : il s'était envolé de la rive pour se poser au milieu de l'eau, où sur-le-champ il plongea. Le courant était également très rapide ; il se montra d'îibord un peu plus haut, flotta pendant ([uelques secondes, plongea encx)re, reparut, s'enfuit vers la rive opposée, et en l'atteignant s'en- fonça de nouveau, revint à la surface, et continua de cette manière ses capricieuses évolutions. Quand il est (1) Comté d'Abeideen. LE Pr.ONCJElR. /i91 perché près du bord, sur uno pierre autour de laquelle la rivière est assez tranquille, il entre dans Teau ii plu- sieurs reprises , sans doute pour attraper (jneUiue chose, et retourne chaijue lois à son poste d'observation. Dans ce cas, on peut aisément en approcher, pourvu qu'on use de certaines précautions ; mais, en iiçé'néral, il se tient sur ses gardes et prcMid facilement l'alarme. J'en ai souvent tué ([ui me regaidaient , tandis que je marchais sur eux, sans faire mine de rien ; cependant il est rare ([u'ils vous laissent venir à portée de fusil. Après qu'on l'a poursuivi environ un (juart de mille, soit en remontant, soit en desc7 dix pouces du dessus de l'cntiv'c, à la parlio postérieure, sur huit et demi de large et six de haut. L'ouverture, pratiipK'c sur le cùté, vers le somuiel, est d'uue tbrino obloiigue et surbaisst'c, ayaul 3 ])ouces * ' ^^^ large, avec une élévation d'un pouce 1/2. L'extérici.r se com- pose de diverses espèces de mousses, principalement d'hyi>née, solidement feutrées, de manière à ])résenter un tout compacte et très n'sistant par en bas. Cette dernière partie ne sert évidennnent (pic comme une sorte de boîte destinée à contenir le nid proprement dit, et, sous ce rapport, rappelle l'enveloppe boueuse qui constitue celui des hirondelles. Quant au nid lui- même, il est hémisphérique et n'a que 5 pouces i/2 de diamètre. Les matériaux consistent en jeunes tiges et en feuilles d'herbes, avec une ample garniture de feuilles de hôtre. J'en ai examiné plusieurs autres (jui étaient scmblablement construits et tous bordés de feuilles de hôtre, mêlées tantôt à (juclques feuilles de lierre, tantôt à une ou deux feuilles de platane. Montagu décrit ce nid comme étant très gros, formé en dehors de mousse et de plantes aquatiques, et bordé de feuilles de chône sèches. D'autres ont reconnu que la bordure se compo- sait de feuilles de différents arbres, ce qui peut dépendre des localités. Les œufs, au nombre de cinij ou six, en forme d'ovale régulier, sont légèrement pointus et d'un blanc pur. Leur longueur varie en général de 11/12«* de pouce à un pouce 1/12"; leur largeur se mesure par 9/12'^^ — Ils paraissent un })eu plus petits que ceux de la grive des vignes. » Le genre Cinclus peut être considéré comme placé i[. 32 /|1)8 U: IMONGEIIR. sur la liiiiih^ dos lioiix ramilles des tvrdidés et des mi/r- mothrriticx [\). bien qu'au tond plus (''troitement allié à la grive qu'à la brève, uiais d'iiu autre eAlé. par le chania'za {'2), se rapprochant peut-ôtre uu peu davan- tage de cette dernière. Les organes digestifs (iu (linclo sont exactement les mêmes (pie ceux des giives et autres genres voisins; pourtant ils ne rappellent en l'ien ceux des oiseaux piscivores, attendu (pie l'œsophage est étroit, et l'estomac un véritable gésier. Connue la nature l'a destiné à se nourrir d'insectes atiuatiijues et de mollus- ques qui adhèrent aux pierres sous l'eau, cet oiseau, dans son ensend>le, est organisé pour y descendi'e ù de petites profondeurs et s'y maintenir pendant une minute ou deux : en c(»nsé(juence, il a les plumes ser- rées, médiocrement longues, ainsi ipie la queue et les ailes, celles-ci, en outre, étant larg(;s et puissantes. Son l)ec. que n'embarrassent ni poils ni barbules, est façonné pour pouvoir saisir de petits objets et les déta- cher des ])ierres. Par ses pieds faits comme ceux des grives, mais proportionnellement plus forts, il établit le passage entre les oiseaux de teire à bec mince, et les palmipèdes, de même que le roi-pécheur semble les unir aux oiseaux plongeurs du même ordre. La seule observation propre aux mœurs du Cincle d'Amérique que j'aie à vous présenter est la suivante, et je la dois à l'obligeance du docteur Townsend : Cet oiseau, dit-il, fréquente les clairs ruisseaux qui descen- (1) Les Grive» et les fourmiliers. (2) Genre de Passereaux de TAiiK^rique du Sud. LR PLONGEUR. /l99 dent des rnf)ntnQ:nes, au voisinait? de la rivièro Co- lombie. Quand je raporrus, il nageait au milieu des rapides, tantôt elHeurait en volant la surface de Teau, s'y plongeait bientôt et ne reparaissait (pi'au bout d'un temps assez long; ([uelipietbis il se posait sur la rive, oii il se donnait toutes sortes de mouvements saccadés, et relevait brusquement la ([ueue, comme le troglodyte. Je ne l'entendis pas moduler une seule note. Quand je l'ouvris, je trouvai dans son estomac des restes frais de limaces aquaticiues; je ne l'avais jamais vu s'abattre préalablement sur l'eau, mais il s'y plongeait tout en volant. LE CYGNE TROMPETTE. On peut le dire, l'histoire des Cygnes d'Amérique n'a été, jusqu'à présent, qu'ébauchée. Sur les mo3urs do ces oiseaux si majestueux, si élégants et dignes de tout notre intérêt, nous ne possédons encore qu'un bien petit nombre de pages auxquelles il soit possil)lc d'ac- corder queliiuc confiance : leurs migrations, l'étendue des pays qu'ils parcourent, restent toujours pour nous un problème. Une espèce a été figurée pour l'autre, même par des naturalistes de premier ordre : le Cyg- nus Bewickii, de la Grande-Bretagne, a été donné comme un Cygne de l'Amérique du iNord, à la place du Cycnus americanus, si bien décrit par le docteur 600 LE CYGNE TROMPETTE. Sliarploss, dans la faiiiio do TAiiKTiiiiic bon'alc; ce dernier a élé pris pour h; (ly^^iic sillleiir, Cycnus mu- siens, de Bec'lisleiii, ])ar k ]»riiue Boiiaparle, ([ui dans son Sijnopsis des oiseaux des Elnis-Vnis dit (pi'il est très connnnn, Tliiver, sur la haie de (lliesapeake.il est possible, api'ès tout, (jne nous ayons plus de deux espèces de (lyjjfiies. dans les limites de rArnèriciue sei)tenlrio- iiale; mais (piani à moi, je ne connais, du nutins [)our le moment, (pie celle qui lait Tobjel du ju'ébeni article, et le (,'ijcnus aniericanus de Sliarpless. Dans une note du journal de Le\Yis et de Clark, écrite par ces intrépides voyageurs dans le cours même de leui'c.\p(klilion au travers des montagnes Hocheuses, je lis ceci : « 11 y a deux espèces de Cygne, la grande et la petite : la giande, c'est celle du Cygtie connnun de nos l^llats de TAtlantiipie; la petite diiï'èie de la pre- mière seulement par la taille et, si je puis diri?, par son chant : elle est environ d'un quart moins forte, et sa voix ne raitpelle en rien celle de l'autre. Les premiers oiseaux de cette espèce furent trouvés au-dessous des grands détroits de la Colond)ie, près la nation des Chil- luckittequaws (1). Ils abondaient dans les environs, et restèrent avec l'expédition, tout l'hiver, en nondDre qui dépassait ceux de la griuide espèce, dans la proportion de cinq à un. » Ces ol)servations sont en partie exactes, en partie erronées : en réalité, la i)etite espèce, je veux dire celle (1) Tribu indienne, qui compte encore environ quatorze cents 1 ndividu.s. LK CYGNK TROMPr.TTE. 501 (lu Cycnus amcn'caiivs (h Sliaiploss est la senlo (jui soit alioiidaiiliMliiiis nos l'étais de l'Allaiili(iiio; laiulis que le t,M'aii(l (ly^iio uc se trouve que rareinent. pour ne pas dire jamais, à l'est des bouches du Mississipi. Quant au petit, uieutioiiiK' par LeNvis (!t Clark, le doc- teur Towusend ui'eu a envoyé, de la riviéic Col(tiiil)ie, un ('chantillon (pii ne laisse rien à dc-sirei ; et j'ai pu m'assurer ([lie, de tout puinl. c'est bien le in»Mn(M[uo le (yycnus americanu LE CVGNr. TROMPETTE. coiilrairr». ils le nMiioiituioiii, si lo Icinps thîvenait plus favoiahlc. J'ai cru nMnan|uer, «Micllet, (\m\\'\ lo }?rand tVoid ni la^ranil<'('lialiMirii('lcin'(-i>iiv(Miai('iit aussi hien qiruiie t«Mn|H''ialuro iiioycma.'. J'ai pu suivre leurs mi- grai iofis vers le sud. jus(|u"au Texas, où iiarlbis ccîlte espère aboFide, ci où j'eu ai vu eu caplivilé un c(>u})le do jeuiKîs paii'aileuieul a|)privoisés et ((u'eu avait pris dans l'hiver de 1S;3(). Jls pouvaient avoir deux ans, étaient d'un blanc j)ur, mais d'une apparenocî relativo- nioni chétivo: peut-être n'avaiont-ils pas eu à manger leur content, ou bien (pielijuo blessure les faisait-elle encore souffrir. Lcmus notes bien connues me rappe- laient les jours de ma jeunesse, ce temps hélas ! déjà si loin, où je passais la moitié de l'année au milieu des nondjreuses troupes de ces oiseaux. A la Nouvelle-Orléans, on voit souvent, dans les marchés, des ('ygues trompettes tués sur les étangs de rinti'ricin* et les grands lacs aboutissant au golfe du Mexique. Cette espèce n'est pas connue de mon ami le révérend John Bachman. qui, durant les vingt années de sa résidence dans la Caroline du Sud, n'en a jamais rencontré un seul, et môme n'en a pas entendu parler ; tandis ipie le Cygne américain môme, dans les hivers rigoureux, est loin d'y ôtre rare, quoiqu'on général il ne dépasse guère le midi de cet État. Les eaux de l'Ar- kansas et ses tributaires sont, chaque année, visités par le Cygne trompette ; et le plus gros que j'aie jamais vu avait été tué sur un lac, près la jonction de cette rivière avec le Mississipi : son envergure était environ de dix pieds, et il ne pesait pas moins de trente-huit livres. I.C CYGVE TROMrr.TTn. îiO.'i S«*stiivrtnx, (loiii jt'iiK,* suissfi'vi pour «los^iiuT les pieds et les^i'ill'es «le presque Ions mes pelitsrtiseaiix, avaient une poiiilo si cliire el pouilaiil si |]e\ii)le. cpie la plus fir)e pluiiuî d'aeier l'altritpiee «le nos jours aurait lait triste li^in'Jî, si elle avait dû leur<^lre eoniparée. Il y a ({«'jà nombre (TanjM'es, dans une expt'dition entrepi'iso à la redierehe des tbnrruros, mon associé ol moi (car j'en avais alors un dans mon connnerco), nous nous étions <'lal>lis en campement sur le Tawapatee- Boltom. ApW's avoir amarn» «lotrc bateau à Taliri sous la rive orientale du Mississipi, nous avions lait melli-e ù terre tout notre ba