l'^Jj' l PÈRE COULANGE )\D ou F.NTKKTIENS •"t ' . • ** * * T.,>t SUR LA CULTURE \ f;i la A PKÉPAEATION DU TABAC ^ Par OCT. CITISSET QUÉBKC IMPRIMERIE A. COTÉ ET 0«« .12, me Sainte-Anne 1876 Hi ;'■) ■ ■ V IVyi! m mmÀMïï) mmM •' i .>' ■i aaij riti:) ki m^ i 4 A '•..■> MtiAî :i<\ y.oï\ / H iMm ,XH*'^vfi|;*.\v'IVHI' tfl«t' '<- '■/". 4 i ■ •■ Jk' ^^}fî^i.m *-4*M'**A^fr4w«»«-"»'-»>M;>*'- ;•■ ■ ■■'-^r''--'"-'Y'-«-i^irtriiWiiiw^pij|.-|ij»^' .•■».A*^> ,rf ,5r- LE PÈRE COULANGE ou ENTRETIENS SUR LA CULTUBE ET LA PRÉPAEATION DU TABAC ei Par OCT. CUISSET 34535 QUEBEC IMPRIMERIE A. COTÉ ET G'« ^ 12, rue Sainte-Anne 1876 .. , ■ .-^ ••«?»•' r^ >s r f If^ '5fev»r ' /. ?Cy:> ;.'';7Î; **.,. C ''J-t' * ", ' .■ '-V '*,! '■•,''''' LE PÈEE COULANGE I. QUI ÉTAIT LE PÈRE COULANGE. Lo Pèro Coulange était un homme plein de savoir et de bon sens. Il avait vu un grand nombre do pays, et il avait acquis beaucoup de connaissances et d'ex- périence. Son lieu do naissance était fioisin, village situé sur la frontière do Franco et de Belgique, dont les environs produisent une excellente espèce de tabac nommé Tabac de Eoisin, ou tout simplement Roisin. Ce tabac est très-renommé en Europe. Il se fabrique en partie à Hoisin même, mais on en expédie aussi une grande quantité à l'état brut, c'est-à-dire en feuilles. Pierre Coulange était fils d'un cultivateur expéri- menté et actif, mais peu riche, et la principale res- source de sa famille, qui était nombreuse, avait con- sisté dans la culture du tabac. A l'âge de vingt-cinq ans, il avait perdu son père et sa mère qui iie laissaient à leurs nombreux enfajj^s qu'un bien légQr patrimoine, mais en revanche, iK leurs avaient légué un bien inestimable qui ne peut se perdre : une bonne éduca- tion et l'amour do la vertu et du travail. — 4 — Trop pauvre pour s'établir à son compte dans une ferme, il s'employa pendant cinq ou six ans, chez dif- férents cultivateurs du pays, où il affermit ses connais- sances en agriculture, et où il se fit toujours remarquer par son intelligence et son activité, mais où il aug- menta peu son avoir, malgré la plus stricte économie. Enfin, il y a une trentaine d'années, il partit pour l'Amérique, et débarqua à Québec. S'étant rendu à Montréal, il y rencontra un cultivateur du comté do Joliette^ qui lui offrit un engagement. Avec le petit avoir qu'il avait apporté et qu'il mé- nageait avec le plus grand soin, Pierre Coulange aurait pu reprcndi-e une terre et s'établir immédiate- ment; plusieurs occasions en ap])arcnce favorables, s'étaient présentées à lui. Mais en homme prudent et sage, il pensa qu'il valait mieux passer quelques an- nées comme engagé chez des cultivateurs pour ap- prendre à connaître le pays, et qu'il pourrait toujours juger dans la suite de ce qi^'ii aurait j\ faire. Il accepta donc l'occasion qui lui était offerte de se placer. Comme partout, Coulange, dans sa nouvelle sittia- tion, se montra vertueux, honnête, actif et intéresiîé pour les intérêts de f^on maître. 8on intelligence et son humour toujours égale et joyeuse, le tirent remarquer et estimer par celui-ci, et au bout de deux ans, il se maria avec sa fille unique, et prit définitivement la direction de la propriété de son beau-père qui se faisait vieux. Jusqu'à l'arrivée de Pierre Coulange, la ferme dont il était désormais le propriétaire avait été très-peu productive comme toutes les autres fermes ; l'agri- culture était peu en honneur et les cultivateurs sem- blaient ignorer que la terre renferme des trésors ines- timables pour quiconque sait les lui faire produire j aussi la fortune de son beau-pèie, en dehors du fond, se réduisait à bien peu de cho||^. Mais avec son acti- vité, son intelligence et son petit capital en argent, tout changea bientôt de face, et la terre qu'il s'était acquise produisit en peu d'années de jolis revenus» — 5 — D'un autre côté, Toxomple fut du plus houreux ré- sultat pour los cultivalours voisiiiH, qui d'abord, regar- deront les améliorations do Coulaii^o avec indifféi-onco, puis avec dtonnemont, ensuito avec intérêt, et qui, enfin, témoins dos résultats avantageux qu'il obtenait, se risquèrent à l'imiter et s'en trouvèrent bien. Mais Coulango ne se bornait pas à prêcher d'ex- emple : il donnait volontiers de sages avis à ceux qui venaient lui en demander, leur expliquait avec la plus grande complaisance pa manière de cultiver, et il s'intéressait à la prospérité de tous ceux qui l'entou- raient. Cependant Pierre Coulango, que l'on appelait maintenant lo père Coulango, avait rapidement aug- menté son bien : il était devenu riche, et il avait vieilli heureux, entouré d'une famille qui grandis- sait sous ses yeux et dont il était adoré. Il était si bon, si comj)laisant, si aflPiible envers tout le monde, que, chose assez rare maliioureusoment, sa prospé- 1 rite n'avait soulevé la jalousie de personne : chacun l'estimait, le respectait et l'aimait comme si c'eiit été un pèro commun. Souvent, pendant les veillées d'hiver, il réunissait autour de lui les fermiers, ses voisins, et dans des en- tretiens pleins d'intérêt, il les initiait t\ toutes les améliorations dont pouvait être susceptible la situa- tion do chacun en ])articulier, et l'agi-iculture en gé- néral, et tous s'empressaient de recueillir ses enseigne- ments comme des oracles, pour les mettre en pratique en temps convenable. II. UNE VEILLÉE CHEZ LE PÈllE COULANGE. C'était par une do ces longues veillées d'hiver où, dans les campagnes, les voisins ont coutume do so réunir pour passer les heures les plus agréables dans l'intimité. Comme d'habitude, le père Coulango avait réuni autour de lui une nombreuse société de cultiva- teurs avides de venir écouter ses intéressants discours. — 6 — Ils 80 trouvaient dans uno va^sto sallo cliaufféo modé- rément. Lob femmes et les filles des visiteurs, qui avaient suivi leurs maris et leurs pèro.s, étaient dans uno autre pièce contiguc, entourant madame Coulango ot ses demoiselles, fie temps à autres, une main plus ou moins expérimentée tapotait sur un piano et essayait d'en tirer quelques accords pour accompagner une romance. Mais dans les intervalles, on entendait des voix animées et de frais éclats de rire qui annonçaient que si, do ce côté, on négligeait pour le moment les affaires sérieuses, la gaieté et l'entrain régnaient en maîtres au milieu de cette aimable compagnie. Du côté des hommes, la gaieté était moins bruyante : quand le maître parlait, on se taisait ; mais quand il avait fini, la conversation devenait générale. Sur une table placée au milieu de la salle se trouvait un énorme pot do gros où chacun, tour à tour, allait bourrer ^a pipe d'un excellent tabac récolté par lo maître. A vrai dire, il y avait bien h\ quelque jeunes gars peu disposés à écouter de long discours sur l'agricul- ture en gémirai, et sur lo tabac en particulier ; l'o- reille distraite do plus d'un cherchait sans doute à dis- tinguer une voix connue au milieu des cris joyeux ot des éclats de riro qui partaient do la sallo où se trou- vaient les dames. Ils auraient certainement préféré faire la causette de ce côté, mais ils tâchaient de se contenir en attendant une chance meilleure. Tout le monde, ou presque tout le monde fumait, et le maître donnait l'exemple, no laissant sa pipe que lorsqu'il faisait un long discours et la reprenant dès qu'il avait fini. Jja fumée produite par les veil- leurs s'élevait en spirales ou en ronds, et sous les formes les plus capricieuses, et allait se confondre dans l'air on un nuage commun : elle était l'image de la concorde affectueuse qui les unissait dans uno ami- tié commune ^jour le père Coulange. A voir toutes ces figures réjouies plongées dans une douce quiétude, on pouvait apprécier les heureuses sensations que lo tabac, cette plante admirable, produit sur ceux qui sont habitués à en faire usage. Lo père Coulange commença en ces termes : • ' III. SUR LA CULTURE DU TABAC. r Tandis que nos femmes et nos filles causent, fond de la musique, jouent, rient de l'autre côté, nous allons, nous, tout en fumant nos pipes, nous entretenir de choses un peu plus sérieuses. Nous ne pouvons être mieux disposés, en présence de ce pot rempli d'un tabac que tous, vous m'avez vu planter et récolter, et dont vous appréciez comme moi le goût excellent, nous ne pouvons être mieux dispo- sés, dis-je, moi à vous parler de cette plante qui pro- duit une des plus grandes jouissances de notre vie, et vous à m'en ertendre parler. Quel est celui d'entre nous qui n'a pas cent fois rendu grâce à la Providence d'avoir créé lo tabac qui éloigne les soucis et charme l'ennui, et remercié les sauvages de nous avoir appris à l'employer? Vous avez vu depuis nombre d'années les belles récoltes de tabac que j'ai obtenues sur ma terre, et vous pouvez jugez aujourd'hui que si les récoltes ont été belles et abondantes, la qualité ne le cède en rien aux tabacs étrangers que l'on trouve dans le com- merce. On peut voir par là que la culture do cette plante serait avantageuse dans notre pays. Je vous la conseille donc à tous ; si vous n'en faites pas pour le moment un article do commerce, ftiites en au moins nn article de consommation : ce sera une économie. Tous les cultivateurs doivent du reste produire sur leurs terres le plus d'objets de consommation possible et n'acheter que ce qu'ils ne peuvent économiquement produire par eux-mêmes. C'est le premier moyen pour arriver à améliorer sa position et à s'enrichir : on ne peut pas négliger même les moindres écono- mies. y — 8 — Je vais aujourd'hui vous donner les explications nécessaires sur la culluro et sur la préparation du tabac telles que je les pratique, afin que vous puissiez réussir vous-mêmes dans cette culture. Lorsque l'on cultive le tabac, il ne suffit pas do chercher à produire des plantes bien fournies, aveo des feuilles grandes et larges, c'est-à-dire qu'il no suffit pas d'obtenir une récolte abondante, il faut encore, et surtout, arriver à obtenir un tabac de bonne qualité, dont l'arùme soit agréable, et cette circons- tance dépend non seulement de l'espèce de tabac que l'on cultive, mais particulièrement de la manière dont on le cultive, et dos soins que l'on apporte depuis son ensemencement jusqu'à ce qu'il soit propre à la con- sommation ; et ces soins ont rapport au choix et à la préparation de la graine, au choix de la nature et de l'exposition du terrain, aux engrais à employer, à la culture proprement dite, au séchage après la récolte et à la préparation définitive. Je vous parlerai de ces différents points l'un après l'autre, et je vais commencer par le choix du terrain au point de \ue de sa nature et de sa position. IV. DU CHOIX ET DE l'exPOSITION DU TERRAIN. La difficulté du choix du terrain n'existe pas à proprement parler pour vous si vous ne desirez cul- tiver qu'une ])etite quantité de tabac : vous pouvez toujours trouver dans votre jardin un coin conveiiablo abrité contre les vents du Nord et du ^ÎSTord-Est, et qui no soit pus trop humide. Généralement, les jar- dins, formés d'une terre appropriée, riche en humus, grasse, sont propres à la culture du tabac. Mais si vous voulez cultiver le tabac plus en grand, pour en faire un article de commerce, il faudra prendre cer- taines'précautioris que je vais vous indiquer. D'abord, il faut que le terrain ait une bonne expo- 8ition,5 à l'abri des vents du Nord et du Nord-Est, qu'il soit en pente vers le Sud, et il faut le choisir — 9 — plutôt dans les vallées qu'en plaines, sur les côtes plutôt que sur les plateaux. Il ne doit pas être trop humide ni trop bcc, etilfaut qu'un sous-sol perméable lui permette de s'égoutter convenablement ; mais il est nécessaire qu'il retienne bien un certain degré d'humidité, et comme pendant la première croissance du tabac, on a besoin de l'arroser souvent, il faut que l'on ait à sa disposition, le jilus proche pof?sible, de l'eau en abondance. Maintenant, quelle est la nature du terrain propre H cette culture ? Un sol ni trop fort ni trop léger, avec une bonne couche de terre végétale, égale, meuble. Sans doute le tabac peut venir sur toutes les terres qui peuvent s'appliquer aux différentes cultures, mais je le répète, de la nature du sol dépend en grande partie la qualité du produit. Les terres noires, grasses, contenant beaucoup de débris végétaux en décomposition, et les terres fran- ches, grasses, limoneuses, produisent des récoltes abondantes. Les feuilles sont épaisses, de grande dimension, et le tabac prend une couleur très-foncée après la préparation. Ce tabac est ordinairement trop fort pour être fumé, quoique sa qualité s'améliore beaucoup en vieillisant. Ces récoltes sont surtout avantageuses quand on cultive le tabac pour le livrer aux fabricants, qui l'emploient le plus souvent pour la préparation du tabac en poudre. Les terres douces mélangées de sable, ou les terres franches schisteuses donnent un tabac trcs-grôs, à feuilles grandes mais moins épaisses que celles qui sont récoltées sur les terrains précédents. Après la préparation, ce tabac est moins foncé en couleur que celui dont je viens de vous parler ; il est aus^i moins fort, d'un arôme plus agréable, et il est plus propre aux usages de la pipe. Enfin, les terres sableuses, contenant une faible quantité d'argile, et des résidus végétaux en décom- position donnent des i-écoUes moins abondantes d'un — 10 — tabac i^lus léger : co tabac a ordinairement une dcfi ceur et un arôme remarquables qui le fontreclicrchîli des vrais fumeurs, et il peut être employé avantla gcusement à la fabrication dos cigares. C'est sur t|l tels terrains que se récolte le fameux tabac d'Obouiifï qui fait les délices des fumeurs de mon pavs quaii^ il peuvent se le procurer pur. Le tabac de Roisiîr ma place natale, se rapproche beaucoup do la scconcl- espèce dont j'ai i^arlé. 1^ Ces trois espèces de sols sont donc favorables à i)^! culture du tabac. Mais quels que soient les terrai il dont vous disposiez, vous pouvez toujours les amdliorc^ par les labours et les amendements, et vous rapprd cher de la meilleure qualité do terre pour la culturW de cette plante. Ainsi, sur les terres fortes, argileuse^! vous transporterez du sable et de bons composts faille avec de la chaux et des débris de végétaux. Si voii4 avez affaire à des sols légers, sablonneux, vous le i mélangerez avec de la marne argileuse, et sur lej terrains compactes calcaires, vous répandrez de l'ar p gile et de la terre végétale pour former une bonnt e couche végétale. j Ainsi que vous le voyez, les améliorations que Toi doit apporter aux terrains par les amendements, pour i la culture du tabac, ne s'écartent point des règles i générales qui dirigent les amendements pour les " approprier aux autres cultures, et cette culture doii avoir pour vous l'immense avantage de vous encou- rager à améliorer vos terrains, ce qui concourra à augmenter la valeur de votre propriété. I Les terrains des forêts nouvellement défrichées sont | aussi très-propres à la culture du tabac, à cause de la^ grande quantité de résidus de végétaux qu'ils renfer- ment. ^ La raison qui doit faire rejeter les terrains humides n est pas parce que le tabac ne vient pas bien sur ces terrains. Au contraire, il y vient généralement trop Dien, et la végétation s'y prolonge si tard que, le plus souvent, il ne peut mûrir. Par suite, on n'obtient — 11 — dcii'nn produit qui demeure vert après la dcRsicatioii chÉla fermentatioii, et qui est toujours do mauvaise intlalité. r «Du reste, ces terrains peuvent quelquefois être araé- iu»rés par le drainage. aulAprùs avoir fait choix d'un sol convenable, il favJù sijnger à lui procurer l'engrais nécessaire. ne lie tabac demande une terre substantielle bien chargée rengrais, et les engrais les plus actifs sont les meilleurs ]DPur sa culture. il On mt' donc en première ligne les matières fécales ■cet les urines, que l'on répand sur le sol au moins un ■(mois avant la plantation, puis le fumier de volaille iqiii est si énergique, qu'il doit être mélangé avec une 3>6onne quantité de paille ou d'autre substance ana- (logue qui sert de litière. Viennent ensuite le fumier ]4e mouton qui donne au tabac de l'onctuosité et un goût très agréable, le fumier de vache qui convient îsaux sols légers, le fumier de cheval qui est plus propre • pour les terres fortes, et enfin les différentes autres ( espèces de fumier et d'engrais que je ne pourrais vous mentionner au détail. w[ En ce qui concerne les fumiers, vous ne devez les appliquer que lorsqu'ils sont bien consommés, qu'ils présentent l'aspect d'une masse grasse bien uniforme, et sont propres à fournir tout de suite à la plante tous leurs principes nourrissants. Les engrais, qu'ils soient solides ou liquides, étant répandus sur le sol un mois avant la transplan- tation du tabac, sont enfouis immédiatement par le labourage. Il est nécessaire d'en agir ainsi, car si on les laissait séjourner plus ou moins longtemps étendus jsur la terre, ils ne manqueraient pas de perdre par l'évaporation, une bonne partie de leurs principes utiles, et ceci est vrai, non-seulement pour la culture du tabac, mais encore pour toute autre culture. Un fumier qui renferme beaucoup de litière non consommée est peu utile au tabac, à moins qu'il ne soit enfoui avant l'hiver. On pourrait l'employer de- — 12 — • • - cette façon sur les terres fortes où il servirait onj mêmes temps à ameublir la couche végétale, et il au- rait le temps de se consommer suffisamment en terre pour produire son cfl^et utile au printemps. V. PRÉPARATION DU SOL. On ne saurait préparer avec trop de soin le sol des- tiné à la plantation du tabac. Rappelons-nous toujours que cette plante demande une terre bien meuble, bien fine, exempte de moites, avec une surface ])lane qui absorbe les eaux des pluies, mais qui retient son humi- dité ; qui s'échauffe facilement, et qui permet aux racines de s'étendre sans efforts pour puiser les sucs nourrissiers. Dans les terres fortes, on laboure profondément en automne, et on laisse ouvert le sillon tracé par la charrue. La gelée agit pour briser les mottes ; l'eau des pluies qui a pénétré la terre se dilate en se trans- formant en glace et la réduit en poudre. Dès le prin- temjDS, et avant l'emploi de l'angrais, s'il n'a pas été employé en automne, on laboure une seconde fois en sens inverse, de manière à remuer la terre en tous sens et à la bien mélanger. On répand ensuite le fumier, on laboiu'e de nouveau, puis on herse et on roule, de manière à briser toutes les mottes, et à rendre la surface bien fine et bien unie. Quant aux terres légères, il suffit de leur faire subir un labour de printemps avant d'employer le fumier, ou même de ne labourer qu'après l'avoir répandu, et de herser et rouler ensuite pour unir la surface. Il faut herser et rouler avec intelligence de manière à ne pas des- sécher trop la terre, et cependant à lui permettre autant que possible de s'échauffer sous l'action de la chaleur du jour quand il fait bon soleil. On répète les labours deux ou trois fois en les faisant suivre d'un hersage. Enfin, le matin du jour oii l'on doit planter le tabac, on herse de nouveau avec soin, on roule pour ■4 — 13 — réduire les petites mottes qui pourraient rester, et la terre est prête à recevoir les jeunes plantes. Lorsque l'on n'a qu'un très-petit espace de terrain à planter, le labour se fait avec la bêche, et le her- sage avec le râteau, tout comme pour vos autres opé- rations du jardinage ; mais pour peu que l'on cultive le tabac en grand, on doit renoncer à ce moyen qui serait trop dis))cndieux, et il faut absolument que l'on ait recours à la charrue, à la herse et au rouleau, ainsi que vous me l'avez vu faire depuis plusieurs années déjà. VI. TRAVAIL DES COUCHES CHAUDES ET ENSEMEN- CEMENT. Pendant que vous vous occupez de la préparation de voire terrain, vous devez, au commencement du mois de mai, préparer votre couche chaude et semer votre graine. La grandeur do votre couche dépendra de la quantité de tabac que vous voulez planter. Chaque plante, pour croître à l'aise, doit occuper sur la coucho un espace d'un pouce carré, en sorte que chaque pied carré de surface de couche portera 144 plantes. Il est bon de ne compter que 130 et même 120 plantes, et de réserver la différence pour les cas d'accidents. Si nous considérons que notre plantation sera espacée de 3 pieds pour les lignes et de deux pieds dans les lignes, nous trouvons qu'il nous faut, pour planter un arpent, 5,400 plantes, c'est-à-dire, 60 lignes de 90 plantes. Poumons procurer ce nombre de plan- tes, et pour parer aux accidents les plus ordinaires, nous devrons donner à notre couche une surface de 40 pieds carrés, soit une longueur de 10 pieds, et une largeur de 4 pieds, ou bien une largeur de 3 pieds et une longueur de 14. Dans le cas où l'on ne plante- rait qu'une petite quantité de tabac, on pourrait faire sa couche dans une caisse plus ou moins grande selon les circonstances. Quoiqu'il en soit, pour faire la couche, vous poses — 14 — en terre un cadre en bois do 3 à 4pîeds de largeur sut une hauteur de 2 pieds et demi ; la longueur se règle ; d'après les besoins. Vous tassez bien dans cette espèce"^ - de boîte deux pieds de fumier de cheval frais, que vous arrosez avec une quantité suffisante d'eau bouil- lante, et vous le recouvrez d'un demi pied de bonno terre de jardin et do terreau mélangés par moitié. Tous égalisez bien, et vous semez votre graine bien régulièrement et bien clairement. Je dit bien clairement, parce que la graine est si fine, que si l'on n'agissait pas avec précaution, les petites . plantes viendraient trop épaisses et s'étoufferaient elles-mêmes en naissant. Vous recouvrez la semence d'une légère couche d& terreau bien fin, puis vous arrosez avec do l'eau chaude au point que vous y puissiez plonger la main, et vous recouvrez la couche avec des vitraux si vous en avez, ou avec des planches si vous n'avez pas de vitraux. Quand il fait beau soleil, vous découvrez la couche vers dix heures du matin pour la recouvrir dans Taprès midi vers deux ou trois heures. Tous les deux jours, vous arrosez avec une eau dans laquelle vous avez fait détromper du fumier. Lorsque, huit ou* dix jours après, la graine lève, vous continuez à arroser modérément et roulement quand le terreau commence à sécher, car il ne faut i)as trop activer la végétation de crainte d'empêcher les racines de se développer : il est nécessaire qu'uno sorte de besoins les force, dans cette première crois- sance, à s'étendre pour chercher leur nourriture et leur permettre de se fortifier. Pour mettre la couche à l'abri des pucerons et les détruire s'ils apparaissent, on répand sur les germes, Boit de la cendre mêlée par moitié avec du sel pilé fin, soit de la suie ou de la chaux en poudre. La graine étant levée, on ne tarde pas à voir pousser une quantité d'herbes nuisibles qui étoufferaient bien- tôt les germes du tabac si on ne les enlevait par le Barclage toutes les fois que le besoin le demande. — 16 — Enfin, aprô3 quoique temps, il faut éclaicir les jeunes plantes afin qu'elles ne se nuisent jms dans leur croissance. Autant que possible, vous emploierez do la semence do la dernière récolte, car la gruino do tabac devient on vieillissant plus lente à germer, et elle perd mémo îa (acuité de germer au bout de trois ou quatre ans. îî est toujours prudent d'en essayer quelque temps d'avance un nombre déterminé de graines dans une petite caisse, afin do se rendre compte do sa valeur €t de voir si on peut l'employer sûrement. ^ Souvent on sème la graine sans préparation. Pour moi, je la trempe pendant vingt-quatre heures dans do l'eau de fumier, en l'enfermant pour l'y plonger dans un sachet de toile. "Pn la retirant, je la mélange avec dix fois son poids de sable bien sec, et j'ai trouvé par expérience que mes germes sont bien plus vigou- reux que sans préparation. Mais si l'on ne semait pas tout de suite, cette préparation serait plus nuisible qu'utile. VII. TRANSPLANTATION. Pour arriver à maturité, il faut généralement au tabac deux mois et demi à trois mois, depuis la trans- plantation jusqu'à la récolte. L'époque de la trans- plantation la plus favorable est du 1er au 15 juin. Le tabac peut ainsi être récolté de la fin d'août au 15 septembre. Lorsque vous voulez planter le tabac, choisissez autant que possible un temps couvert et humide, mais non un temps qui fait présager de fortes pluies ou un orage, car la violence de la pluie abîmerait les jeunes plantes. La nécessité de choisir un temps couvert et humide -est d'une grande importance, car il est nécessaire de retarder le moins possible la reprise et la croissance ■de la plante. Si l'on ne prend pas cette précaution, et fil l'on plante dans une terre sèche et par un temps :¥" —16 — Boc, les jcnncR plantes éprouvent nn temps d'arrC. __ elles iangninsent et souvent elles meiircnt. Celles qii-^i résistent éprouvent un retard préjudiciable à leii: croissance. Mais si elles sont plantées dans une terr t qui a conservé un certain degré d'humidité, et par ut temps humide et chaud, cette opération n'amène pa i do changement dans leur croissance, et elles no st j ressentent pas même, en apparence, qu'on les a chan • gées de place. Toutefois, si un tel temps se faisait par trop at- tendre, il ne faudrait pas différer indéfiniment la transplantation au point do conpromettrc la récolte : vous devez alors suppléer au manque d'humiditd de la terre et du temps par des arrosages convenables, et en mettant les plantes à l'abri des rayons trop ardents du soleil, jusqu'à ce qu'elles soient assez reprises et assez fortes pour les supporter ; vous devez en outre attendre le déclin du jour pour planter. _ S'il fait chaud et si le soleil est brûlant, vousdevjz, pour quelque temps, et jusqu'à co que les plantes Boient bien reju-ises, les recouvrir pendant les ardeurs du jour, avec dos fouilles largos, do choux ou autres, ou planter à côto, soit un bardeau, soit un branchage qui emj)oche le soleil d'atteindre la plante, et arroser le soir. Il faudrait également couvrir les plantes pendant la nuit, si l'on craignait la gelée, car le tabac est très sensible au froid. Les plantes de la couche sont devenues bien vigou- reuses, et elles sont pourvues de quatre ou cinq belles feuilles. On arrose d'abord la terre de manière qu'elle soit parfaitement humectée, puis, lorso'ie l'humidité à pénétré la couche de terre dans laquelle se trouvent les racines, on arrache les pieds un à un avec précau- tion de manière à ne pas les blesser et à enlever avee les racines un peu de la terre qui les entoure, et or> les pose délicatement dans dos paniers plats. On choisit les pieds les plus vigoureux, laissant les plu^ ; — lY — fiiiblea qui peuvent, ayant plus d'espace, se fortifier •^n peu de temps. En même temps on a donné un dernier hersage à la terre destinée à la tran'^'plantation. On plante on carrées régul'ers ou en quinconce (en «arrés pointus si Ton jjcut s'exprimer ainsi: comme je rapporte les paroles de père Coulange, les puristea ou les géomètres trop à chuval sur les règles gramati- îBales et les définitions mathématiques devront un peu tne pardonner ces carrés pointus, en exprimani la plantation en quinconce.) f La disposition en quinconce est la plus favorable à la croissance des plantes, parce que les racines trouvent plus d'espace dans la terre pour y puiser les sucs •nourriciers, et les feuilles plus d'étendue pour se dé- Telopper. Les lignes doivent être espacées do trois pieds, et les plantes dans les lignes, de deux pieds. Quand on plante du tabac qui vient très-fort, ces dis- tances sont augmentées d'un demi pied. Pour espacer convenablement, on pfend deux cor- deaux munis de nœuds do deux en deux pieds, que l'on tend sur la largeur du champ, aux deux bouts duquel se trouvent deux mesures de trois jncds. Les deux cordeaux tendus, le planteur, armé d'un plantoir, fait un trou à chaque nœud du premier, dépose délicate- ment la racine de la plante dans le trou, et tasse légè- rement la terre autour avec le plantoir. Si l'on plante en quinconce, les nœuds de i un des cordeaux doi- vent correspondre avec le milieu do l'intervalle com- pris entre les deux nœuds do l'autre. Yous comprenez l'utilité d'avoir deux cordeaux : le planteur étant arrivé au bout d'une ligne, n'a pas besoin de revenir sur ses pas pour changer son cor- deau. Il ne perd donc pas de temps : arrivé de •chaque côté du champ, il change ses deux bouts et a toujours une corde tendue sur les deux. Il arrive souvent que quelques pieds par- ci par-là meurent par suite do la transplantation. Aussitôt ^u'on s'en aperçoit, on doit les remplacer par les pieds — 18 — les plus vigoureux qui so trouvent dans la couch'< -i d'où on les enlève avec le plus do terre possible autou des racines. ^ ï , on • Ici le père Coulango s'interrompit : un besoin inw périeux se luisait sentir en lui. Ces nuages de funu'o que ses auditeurs envoyaient au plafond n'avaient pas précisément pour effet de satisfaire son envie do^ mêler les émanations de sa pipe à celles qui s'échap- paient des calumets do ses compagnons, quoique, cependant, de temps à autre tandis qu'il parlait, il^ l'eût rallumée pour un instant. " Mes bons amis, dit-il en bourrant sa pipe avec un^ sourire qui témoignait de son espoir d'une jubilation * prochaine, vous me permettrez, je l'espère, de mo ^ reposer un peu et d'aspirer quelques bouffées de cette ^ fumée aromatique. ' Tous applaudirent, et il se mit à envoyer des tour- billons qui, par leur énormité, leur intensité, leur rapidité, témoignaient de l'impatience du fumeur émérite à se rattrapper de ses pertes. Aussitôt, les conversations se croisèrent dans tous les sens, tandis que dans la pièce voisine, le piano résonnait, les chansons retentisaient, les jeunes filles riaient et folâtraient, et que les mères s'entretenaient ] de leurs affaires de ménage et de jn-ojets d'avenir pour leurs charmants rejetons. Les jeunes gars, eux, négligeant leurs pipes, et prê- taient une oreille attentive et avide aux bruits de 1 autre salle. Le père Coulange aspira les dernières bouffées, retira comme à regret sa pipe de sa bouche, la secoua et toussa deux jmissants coups comme un homme qui a envie de parler et de se faire écouter. Tout le monde comprit le signal et se tut, et il continua comme suit. — 19 — m. DE LA TRANSPLANTATION A LA RÉCOLTE. lotro tiibac est donc planté dans les mcillouros o*it ons possibles. Jo vais maintenant vous exph- Z lès soFns que vous devez lui donner pendant sa X'^aT.r depuis la transplantation jusqu a la raatu- 'iî Ces soins sont de to.'s les jours, ou a peu près. '-' t)ans le premiers temps, vous devez souvent visiter '£ntalion pour voir si tous les pieds ont bien repris "'*Peî;Jra"nU;pr"mière semaine, on remplace les pieds 'nni n'ont pas Repris par d'autres pieds que 1 on rel.ro 'dêlàcôucto. Ces plantes do la couche, qui ont cto fortement éclaircies" ors do la transplanta ion, ont pu croU.^ plus rapidement, en sorto que, 7P"l»o««. «!'«« pourront être aussi fortes que les autres. Mais co «^placement des plantes mortes no peut aller .m deïÀ de buit, ou tout au plus do dix jours, soit parce Z:t plantes de la couche, étant ^^^V^^"^'^^ fiivaipnf, iiar suite de la transplantation, soit p. ico î l'e lesn^pour raient pins atteindre et suivre e deve- ?ôppomen?dcs autres.' Ces plants rop.q«& taiv^ ve- mouï laiiLniissent le plus soiyent, restent courts et rniitont nlus qu'ils ne rapportent. . - „„ En mcCe temps, on doit veiller activement a ga- rantir le tabac contre les insectes qui pourraient 1 at- 'l'iTarrive qu'un plant, après avoir bien repris et iionssé avec viKueui-, s'affaiblisse tout a coup et so CeT:rs foliiflerez'tout autour, et vous rencontrerez certainement un ver qui a attaque •» '^<''"^- ^^'H^. tuerez le ver et vous remplacerez '« P"^"*- ^^* ^?^_ dent n'arrive que quand les plantes '^o' ' 0"^°^° *'^^ jeunes, en sorte qu'on peut toujours !«« ;°™I^^««^: Plus tard les racines ont pris assez ^eff'.'; «,J '^'''=^^3 sistance pour qu'elles soient a l'abri des atteintes dea ! ""Ti'les vers attaquent les racines, les pucerons atta- que!.! les feuillet qu'ils rongent. Contre ce nouvel — 20 — eniiomi, noua omploicrons un mcIaii<^o par moitié i^x\ condro et do isol pilé dont nous 8iiu|)()udrorona h-t^'î pluntos. En'in, m co sont los liniiu;on.s (pn noij^î troublent, nous les éloignerons on faisant autour dt pieds un cercle de cendres, ou bien si lo cœur nous e|ei dit, nous leur ferons la chasse avec une lanterne, tout^i en prenant la fraîche vers dix heures du soir, et nougc tuerons tous ceux que nous trouverons. Tout en cherchant à i^arantir le tabac contre le t( attaques des insectes, nous avons d'autres boins à lu 1 donner. ^ Rappelez-vous que je vous ai dit qu'il était ndces j saifo d'avoir à noiro portée de l'eau en abondance ' pour les arrosemcnts. Si nous laissons la terre livrée à ello-mcnio, à moins que le temps no soit pluvieux, elle hg dessûchern bientôt autour des plantes dont los racines ne pour- ront trouver leur nourriture faute d'humidité, et qui languiront et dépc-iront, ou mûriront prcmaturément. Je ne vous dirai pas : '-^Arrosez tous les jours, fous les deux jours, tous l^s trois jours." Il faut pouvoir juger quand une plante à soif, ou plutôt, vous devez savoir deviner quand elle est sur le point d'avoir soif, car si vous attendez qu'elle l'an, elle souffre, et toute plante qui souffre est retardée. Maintenez donc constamment un certain degré d'humidité dans la terre où les ra- cines puisent les sucs nourriciers. " Il faut de Varro- semrnt, pas trop n'en faut." Los arrosemcnts doivent toujours se faire au déclin du jour. Ijos arrosemcnts exagérés et trop prolo?igés auraient pour etlot d'ac- tiver la végétation outre mesure et de retarder la maturité du tabac. Lorsque la i)lante à atteint tout son développement, la tige se durcit, les feuilles re- couvrent la terre et empêchent le soleil d'absorber l'humidité qui se maintient dans le sol. Alors los arrosoments deviennent inutiles et doivent cesser tout à fait. On emploie l'eau pure pour arroser. Cependant si l'on jugeaU que la culture languit ftuite d'engrais, il I — 21 — 'îerait bon d'y ajouter dos urinos ou du jus do fumior ' illrf rendraient à la torro les principes fertilisants curc tout à la fois. Des (taçlics jaunc« verdâtrcs apjjnraissent et sont surtout 'JvÎBible.s lorsque l'on regarde les feuilles contre le soleil. iD'uii autre côté, les feuilles semblent fatiguées, elles itie he maintiennent plus avec cette espèce de vigueur 'qu'elles montraient auparavant pendant la croissance. Elles s'inclinent vers la terre, et leur surface paraît (se rider. Alors, il faut couper le tabac avant que la -maturité soit tvoj) prononcée. Le tabac coupé trop vert pèse moins quand il est sec, contient moins de sels, conserve toujours une mauvai.-e couleur et est de mauvaise qualité. On ne peut indiquer une époque précise pour la récolte du tabac qui mûrit plus tôt ou plus tard, sui- vant une foule de circonstances qui ont pu avapcer ou retarder sa croissance : il faut dans chaque cas s'en rapporter aux indices doïit j'ai parlé, et agir avec intelligence. S'il te trouve dans la ])lantation des pieds qui sont moins avancés que les autres, on passe uudesHus et on les laisse encore quelque temps debout j)our leur permettre de mûrir. Le coupage du tabac, pourvu qu'on agisse avec précaution pour ne pas briser les feuilles, est l'opéra- tion la plus simple du monde. On choisit un beau temps, on attend que les feuilles soient dépouillées de la rosée, et on commence la récolte : de la main gauche on penche un peu le pied, et de la main droite urmée d'un couteau bien tranehant, on coupe la tige au bas à ras de terre, puis on pose délicatement la plante sur le sol de inanière à ne pas froisser les feuilles. Un laisse les plantes couchées sur le terrain })endant quelques heures, jusqu'à ce qu'étant suffi- samment fanées, on puisse les transporter au séchoir sans risquer d'endommager les feuilles. ' e b' — 24 — On doit éviter de couper le tabac quand la terre trop humide ou par la pluie, parce que les feuil se saliraient, comme aussi il ne faut pas le faire j^^J un soleil trop ardent. ^^^ Lorsque les feuilles sont suffisamment fanées po^^^'î: qu'il n'y ait plus risque de les abîmer en les remuai ^ on les transporte au séchoir. ^^^^ Cette manière de récolter le tabac est la plus simj#?^ la plus expéditivc, et la plus généralement emplo^^é^*^* mais ce n'est pas la meilleure. En effet, les feuill^^*^ ne mûrissent pas toutes en même temps; elles miiri"^ sent successivement en commençant par les plus rai^H prochées du sol, en sorte que si l'on commence quari"*^ les premières sont mûres, celles du sommet nelë^ sont pas ; si au contraire, on attend que celles d ^ Bommet le soient, les autres le sont trop, ce qui e.^ ^ également nuisible à la qualité du tabac. Il serai ^ donc infiniment mieux de cueillir d'abord les feuille ^ qui sont assez avancées, et d'enlever les autres à me ^ sure qu'elles arrivent à maturité. Dans ce cas, b •* récolte se fait ordinairement en trois fois : on enlèv» ' d'abord le premier quart à partir du pied, qui repré ^ sente le tabac fort, puis la moitié du milieu qui cons ^ titue le tabac moyen, et enfin le quart du sommet for ' mant le tabac doux. A mesure qu'on fait la cueillette. * on transporte les feuilles dans le séchoir où on les laisse en tas pendant deux jours pour leur donner le temps de se ramollir et de blanchir, puis on les enfile ainsi que je vous le dirai plus tard. Cette méthode n'a d'inconvénient qu'en ce qu'elle exige une plus grande dépense de main-d'œuvre. Le tabac est une plante excessivement sensible au froid, et il faut que la récolte soit complètement enle- vée lors des premières gelées. • X. SÉCHAGE ET PRÉPARATION DU TABAC SEC. Le séchoir est tout simplement un grenier ou han- gard que Ton peut fermer et ouvrir à volonté selon — 25 — jje besoin, par un grand nombre d 'ouvertures munies vlo chassip. Au moyen do ces châssis on procure au labiic de l'air, de la chaleur et do l'humidité selon les ((^cin'onstanccs. rjj On trouve dans le séchoir, des solives espacées con- venablement à une hauteur sutlisante, des baguettes j|servant ù la sus])cnsion du tabac, et une grande quan- ,;,lit^ de brochettes en bois de trois ])()iices de long sur june ligne de diamètre, pointues par un bout. Ces .brochettes sont c nfonc/es en biais dans le bout de la jtige, dans le sens naturel des feuilles, et servent I do ]K)int d'arrêt pour suspendre le tabac sur les ba- j guettes. I Le tabac étant apporte dans le séchoir, on procède à la susj^ension des plantes au moyen des brochettes: on pose une l>aguctte sur les solives et on la charge de plantes ; on pose une seconde baguette que l'on , charge également, puis une troisième, et ainsi do suite, en avîint la précaution d'espacer suffisamment los plantes et les baguettes ]K)iir permettre la facile circulation de l'air entre elles. •Si l'on a fait la récolte en feuilles, on emploie des baguettes plus tines, on fait un trou dans le bout des cotons, et ])ar ce trou, on enfile le> feuilles avec les ba- guettes pour en former des espèces de guirlandes, et on place ensuite les baguettes chargées sur les solives. Il faut toujours laisser un espace vide entre les ba- guettes et les feuilles ])Our que celles-ci puissent sécher le plu> vite possible. A mesure que le tîibac sèche, il prend une teinte plus ou moins foncée du jaune au brun. On donne le plus d'air ])Ossible au tab:ic suspendu, et surtout dans les premiers temps, atin do hâter la dessiccation. Les ouvertures du séchoir sont donc ouvertes toutes les fois que le tem|)s est beau, mais il faut avoir soin de les fermer si le temps est humide et pluvieux. Après un mois et demi ou doux mois, quand les cotons sont parfaitement socs, on procède au dépoud- — 26 — lemont ot au manoquage. Pour cola, on choisit lan^ temps bien humide, on ouvre tous les châssis ot je r laisse les feuilles se ramollir suffisamment pour qu'elle n ne se brisent pas pendant le travail. Alors on dépctini les tiges que l'on pose en tas sur le plancher et ne commence l'offeuillago. fer iSi l'on veut classer le tabac suivant la force, onpei rappellera que les feuilles du pied donnent le talx '. le plus fort, colles du milieu, un tabac moyen, da celles du sommet, un tahac doux. On mettra doipe à part les Icuillos do ces trois espcces, en on comptaiil un quart pour la })romière, la moitié pour la secorii et le dernier quart pour la troisième. A mesure qier l'on dépouille, on fait des paquets do 12 à 15 fouilkp( réunies par le bout des queues et liées au moyiipi d'une autre feuillo. Ces paquets, appelés manoqmtn sont réunis séparément, s'il y a lieu, selon les espèce? b< On les place en tas sur doux rangées, les pointe s croisées de quelques pouces, et les queues en dehor d Ces piles légèrement tassées et hautes de 2J- à 3 pied c sont abandonnées à la fermentation pendant un moi; ( Dans les premiers tem])s, il faut souvent inspecte i les tas en introduisant la main dans l'intérieur afi i do voir si le tabac ne chaufïe pas. 81 cet acciden < arrivait, il faudrait changer les manoques do plact en mettant au dehors celles do l'intérieur. La fer mentation améliore la couleur, la quantité et le goù: du tabac. Pendant cette opération, les cô'es, si ellet n'étaient pas bien sèches, pourraient occasionner la pourriture do la feuillo, ou tout au moins lamoisissuro, Lorsque l'échaulTomont n'est plus à craindre, on met de gros poids sur les piles afin de tasser le tabac. An bout d'un mois à un mois et demi, on mot en caisse. On range les manoquos dans la caisse, les pointe.* des feuilles en dedans et croisées de quelques pouces, et les queues en dehors de manièi'o à remplir égale- ment bien partout. La caisse étant pleine, on applique un couvercle en bois entrant exactement entre les bords, et au moyen d'un levier, on oxerce une puis- — 27 — liante pression sur ce converclo : le volume du tabac Ne réduit ])ar cette pression ; on Otc le couvercle, on ''remplit la caisse et on presse de nouveau ; on con *ctinue jusqu'à ce qu'elle soit pleine et que la pression f ne fasse plus diminuer le tabac de volume. Alors on ferme la caisse et on abandonne le tabac à lui-même I pendant G, 8 mois, un an ou plus. '^i Ijc tabac s'améliore considérablement en vieillissant dans cette position, il achève de former sa couleur, ^iperd son goût do jeune et acquiert tout l'arômo dont II il est Hussoptible. Je no vous parlerai pas du travail de la fabrication I en grand du tabac, mais seulement de sa })réparati()n tpour votre usage j)trsoiinel. Si vous cultivez lo tabac pour le vendre aux fabriques, il vous suffira de lo I soigner comme je vous l'ai dit. Si vous le cultive/, seulement pour votre propre consommation, il voa.s suflira anssi de le cultiver et de le })réparei' avec soin, de l'employer seulement quand il aura vieilli encaisse, et autant que possible, d'éviter l'emploi des sarc-îs qui sont souvent plus nuisibles qu'utiles. Lo meilleur arôme d'un tabac est un arôme naturel, et les sauces no servent le plus souvent qu'à masquer la mauvaiso qualité de certains tabacs;* que votre tabac soit biea mûr quand VOIS le récoltez; prenez les plus grands soins ])Our le faire sécher et fermenter, conservez le un tempo suffisant tassé en caisse pour qu'il puisse acquérir toutes ses qualités, et vous pourrez être cer- tain que vous aurez toujours un tabac agréable qui sera aj^précié et goûté des véritables connaisseurs. Vous en avez du reste urj exemple dans celui que vous fumez actuellement et qui est vieux de doux ans. Jamais je ne fume le tabac ([uo la seconde année après la récolte, et je ne le retire de la caisse pour lo couper ([u'à mesure de mes besoins. Pour cou])cr le tabac j'en retire une partie de la caisse, que je place dans un lieu humide pour le ra- mollir suffisamment, je l'arrose même modérément avec de l'eau. Lorsqu'il a pris une suffisante quantité — 28 — d'humidité, qu'il est bien mon, j'culèvo Ioh côtes av^eftp la précaution do ne pas déchirer les feuilles, et nuvpie avec la précaution de mettro de côté les feuilles qiqu< pourraient être avariées pur lu nioisjissure, ]»uis je huci i mon tabac fin avec mon couteau à couper le tubuc. , ler place ensuite ce tabac coupé sur une platine expose de un feu doux pour le faire fri er. (^uand mon taliaseï est convenablement frisé, je le retire et je i'étend su qi des feuilles do papier, des gazettes, posées sur le plan cher, et je le laisse bien resuer; ensuite, lorsqu'il os d( assez sec ])Our pouvoir être fumé, je le tasse dans ui ni pot de grés pour l'employer selon le besoin. Avaii p de le mettre en pots, il lUut qu'il soit sullisammcir e sec, car s'il demeurait liumidc, il pourrait moisir oi prendre un mauvais goiÀt. XI QUELQUES OUSKRVATIONS. ( I Cette année j'ai essayé un modo de plantation qu ^ m'a très-bien réussi ,et je me dispose à le faire plib en grar.d l'an née ])rochaine. Je sème mon tabac assci épais dans une couche chaude piéj)aratoire, puis lors que les feuilles ont environ un quart de pou e dt diamètre, je transplante dans une nouvelle couche pour la prépai-ation de laquelle je me borne à em- ployer une terre très-grasse. Je traiis|»lante sur cette seconde couche en espaçant mes pieds de deux pouces. Lorsque les plantes ont acquis une vigueur conve- nable, qu'elles ont 5 à G feuilles, et que les gelées ne Hont plus à craindre, je transplante de lu seconde couche en pleine terre, mais pour cette seconde opé- ration, j'use de certaines précautions: je n'arrache pas les plantes, mais j'enlèvo avec elles toute la terre dans laquelle les racines se sont développées et j'em- ploie pour cet objet une petite pelle assez semblable à colles dont les épiciovs se servent dans leurs maga- sins. Les plantes, déposées sans dérangement en terre n'éprouvent point do temps d'arrêt. Comme le tabac traité do cette façon vient excessivement fort, il fuut — 29 — ^espacer les plnntos de trois pieds et même de troîtj I pieds et demi. Pour tous les autres soins, j'en agi ainsi I que jo vousl'ai dit il y n un instant. Cotlc double transplantation m'a procuré un excel- lent tabac bien plus vigoureux, et j'ai môme obtenu deB pieds qui m'ont donné jusqu'à une livre do tabac 1 sec. C'était vraiment admirable: j'avaia des feuilles qui mcBuraient 45 pouces. 1, Ce poids énorme fourni ]*ar une plante est sans > doute un lait exceptionnel, mais il est certain qu*uno t mesure de terre plantée de cette façon produit une plus grande quantité de tabac sec et que sa qualité eit loin d'en Otre dIus mauvaise. Lorsque l'on a récolté le tabac, on recueille quel- quefois une nouvelle récolte des feuilles qui poussent sur le tronc si l'on a fait la cueillette en feuille, ou au pied du tronc si l'on a coup? la tige au ras de terre ; mais ce tabac appelé rega-ti est toujours d'une valeur insignifiante et d'une qualité très-inférieure qui le fait bien peu apprécier des fumeurs. Mais la valeur dos tiges, que reffouillement ait eu lieu dans le champ même, ou dans le séchoir, est loin d'être nulle à qui sait l'employer connue engrais. Ces tiges en effet contien- nent en grande quantité des substances qui, rendues à la terre, doivent la fertiliser. Quelquefois on les brûle, et la cendre, contenant une quantité notable de sols de potasse, est répandue sur le sol. Mais par ce pro- cédé on perd tout le bénéfice des substances orga- niques qui entrent dans leui* composition. Le meil- leur moyen à employer pour qu'elles soient profitables est d'en faire un fumier ou un compost. A cet effet, vous les réunissez dans un lieu convenable pour Is^ ranger en tas : vous posez d'abord v i lit de tiges sUj. lequel vous mettez une couche do chaux vive, vou posez ensuite un second lit de tiges, puis une socoude couche do chaux, et ainsi de suite. Lorsque votre ta8 est terminé, vous le recouvrez d'une couche d 8 ^ 1f^-1r ^ JO — 10 pouces de terre que vour tassez ; et vous laisbez îe fermentation se produire. La décomposition dos ti^es ne tarde pas à s'opérer et la musse se convertit en un excellent terreau. Comme le père Coulange achevait ces mots, il vit que l'heure de la retraite allait sonner. Avant de prendre congé de ses visiteurs, il leur promit pour une pro haine occasion un nouvel entretien sur d'au- tres objets importants de culture, pais ou se sépara, chacun étant satisfait de sa veillée, et se promettant bien de cultiver au moins quelques porches de tabac à la saison suivante. Pour nous, nous un manquerons pas d'assister à la prochaine conférence du père Coulange, et nous trans- crirons fidèlement ses discours pour peu qu'ils inté- ressent la généra! it' /■ '■'* -Mxx^ruA mttm iux.iu^ i^-.'Pt' ' Pvi;'.;...i '0 #«fe ::UtP .^iHO^f 'TU/IT -^o'iiàn': ' ^AJmtn ,'HÏi t^ ■'•-..^-^.v. ;« ■ '-■"^" ■■* " - l; »■.•' PAB LE MÊME AUTEUR. TRAITÉ POPULAIRE de la culture de la betterave et de la fabrication du sucre en Canada. Edition française, 25ct8. POPULAR TRBATISE of beet root culture and sugar fabrication in Canada. Ënglish translation of the same, 25 cts. En vente chez J. A. Langlais, libraire, 177, rue St. Joseph, Québec, et chez les principaux libraires. •■ I i il ZSSK