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WEBSTER, N. Y. MS80

(716) 872-4503

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CIHM/ICMH

Microfiche

Séries.

CIHM/ICMH Collection de microfiches.

Canadian Institute for Historical Microreproductions Institut canadien de microreproductions historiques

1980

Technical and Bibliographie Notes/Motes techniques et bibliographiques

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L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du point de vue bibliographique, qui peuvent modifier une image reproduite, ou qui peuvent exiger une modification dans la méthode normale de filmage sont iridiqués ci-dessous.

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Pages de couleur

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I I Pages restored and/or laminated/

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Pages restaurées et/ou pelliculées

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Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est imprimée sont filmés en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première page qui comport? une empreinte d'impression ou d'illustration et en terminant par la dernière page qui comporte une telle empreinte.

The last recorded frame on each microfiche shall contain the symbol -^^-imeaning "CON- TINUED "), or the symbol V (meaning "END "), uuhichever fipplies.

Un des symboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole —^signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN".

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Mapi.. , ates, charts, etc., may be filmed at différent reduc\ion ratios. Those too large to be entirely included in one exposurb are filmed beginning in the upper left hand corner, left to right and top to bottom, as many frames as required. The follcwing diagrams illustrate the method:

Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être filmés à des taux de réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite, et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode.

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CANADA D'AUTREFOIS

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ESQUISSE GEOLOGIQUE

PAR

l'abbé J.-C.-K. LAFLAMME,

PROFESSEUR A L'univERSITÉ I.AVAL.

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CANADA D'AUTREFOIS

ESQUISSE GEOLOGIQUE!')

l'abbé J.-C.-K. LAFLAMME,

PROFESSEUR K l'uNIVKRSITÉ I.AVAU

Monsieur le Président,

Mesdames et Mesr'eurSj

L'année dernière, j'avais l'honneur de traiter, dans une conférence donnée à l'Université Laval, un sujet de géologie économique assez important pour Québec. Il s^gissait de savoir s'il y avait, oui ou non, des mines de houille dans la province. Après un examen con sciencieux et détaillé des faits observés et des lois générale^ de la géologie, j'arrivais à la conclusion que le moyen le plus sûr de perdre à la fois son temps et son argent était de chercher des mines de houille dans le Bas-Canada ; que ni à Lévis, ni à Laval, ni à Saint-Gésaire, ni auSaguenay. ni à l'Ile d'Orléans, on ne verrait Jamais d'exploitation nouillière.

Eh ! bien, qu'est-il arrivé ? Tout dernièrement, la presse annonçait la découverte de gisements puissants de houille à l'Ile d'Orléans. Les terrains, paraîi-il, sont déjà achetés, peut-être même payés, ce qui serait plus gravj. La nouvelle compagnie demande a la législature un acte d'incorporation. Enfin l'avenir est couleur de rose pour les insulaires.

Quel revers pour la géologie ! Voilà pourquoi j'éprouve un certain malaise à traiter devant vous, ce soir, un sujet géologique. D'autant plus que je vais

( t ) Conférence donnée- à rinstUul Canadien de Québec, durant l'hiver de 1882.

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aborder une thèse bien autrement audacieuse que celle i.e l'an dernier. Cependant, pour ma propre justiiica- tion,Je me permettrai de remarquer que la houillère de l'Ile d'Orléans n'est pas encore en exploitation, et que, tant qu'elle ne le sera pas, la géologie reste par- faitement mtacte avec ses théories et ses lois. Et vrai- ment, en dépit de tout, fai peur qu'il en soit ainsi pendant bien longtemps. N'oublions jamais, à propos des mines de houille de notre province et des réclames qu'on fait à leur sujet, ce vers du bon Horace :

Parluriunt montes, nascetur ridlculus mus.

Je voudrais vous faire remonter ce soir le cours de» siècles jusqu'à celte époque commença le jeu de» forces mystérieuses dont la résultante devait être le Canada tel qu'il existe aujourd'hui, avec ses montagnes, ses rivières et ses plaines. Mais cette histoire est beau- coup trop vaste pour que nous puissions l'embrasser d'un seul coup-d'œil. Force nous est donc de res- treindre le champ de nos recherches, et, laissant de côté les milliers de siècles qui se sont écoulés depuis le commencement des âges géologiques, nous étudierons uniqviement la dernière de ces époques, celle qui a pré- cédé immédiatement l'apparition de l'homme sous le» érables de nos montagnes. Bien qu'elle embrasse un laps de temps d'au moins 300,000 ans, c'est encore la plus courte de toutes les époques géologiques.

De plus pour donner a notre travail un cachet de plus grande actualité, nous examinerons tout particu- lirroiru ut l'origine et formation du sol arable, for- niutimi qui est d'ailleurs l'événement principal de l'éiioque q it! nous avons à parcourir ensemble.

Nous ][ioarrons ensuite tirer quelques corollaire» intéressants sur la composition physique et chimique de ce sol et sur sa fertilité relative dans les différente» parties de notre province. Ce sera peut-être indiquer, par même, la colonisation, prise comme ensemble, présente le plus de chance de succès.

»**

Avant de commencer l'histoire d'un peuple, l'histo- rien consciencieux recueille avec zèle les document»

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qui doivent servir de base à son travail. ïi îes rang« par ordre, les classe méthodiquement, les étudie avec soin, accorde à chacun d'eux une valeur plus ou moins grande suivant leur importance et leur clarté, de telle sorte que son livre n'est que la mise en action de ces pièces multiples. C'est la vie donnée à un ensemble de membres, dispersés d'abord, puis réunis et groupés en ordre par le génie de l'écrivain. La géologie, histoire pnysiq^ue du globe, n'a pas une manière de piocéder qui soit autre que celle de l'histoire de 1 huma- nité. Elle a aussi ses documents, elle a ses archives. C'est de qu'elle tire ses déductions. Ce sont comme des hiéroglyphes mystérieux qu'elle essaie de déchif- frer et à l'aide desquels elle voudrait reconstruire l'histoire du passé.

Ces documents, contrairement à bon nombre de documents historiques, ne sont jamais le fruit de préju- gés ou d'idées préconçues ; ce sont des faits et rien que des faits.

Malheureusement leur rareté est trop grande pour qu'on, puisse dans tous ies cas, marcher à pas ferme dans les obscurs dédales des âges géologiques. « L'his- toire primitive de la terre, disait Vogt, se trouve t'^crite dans son écorce, et la géologie est le déchiffremint de cette chronique. » Cette lecture est souvent pénible, puisque Lyell ne craint pas de dire : « Le récit géolo- gique est une histoire de la terre écrite dans un dialecte toujours changeant, dont nous ne connaissons que la dernière partie, appliquée à deux ou trois pages ; encore de cette partit', nous ne possédons qu'un cha- pitre bien court, et de chaque page nous n'avons çà et que quelques lignes. »

Cependant je ne voudrais pas vous laisser sous l'im- pression que l'induction géologique est tout simple- ment une affaire d'imagination, que les meilleurs géo- logues sont ceux qui savent le mieux bâtir une théorie attraction faite de l'observation et de l'expérience. Nous ne cacherons pas que des savants de cette sorte existent quelque part; savants qui, suivant Texpres- sion pittoresque de iHarley, seniblables à de jeune» poulains, se senteat portés à galoper dans l'investlga-

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tinn sans s'inquiéter des palissades et des foss^^ (\\ii fixent les limites de leurs iecher€he8. Heureusement qu'ils ne sont i)a» les docte^irs de la science, et le ridi- cule dont ils s*i couvrent (ot ou tard est la juste puni- tion de leur témérité. Le vrai géologue choisit pour point de départ des faits dont l'observation est facile et in«onte8table. De ces faits il essaye de donner l'in- terprétation la plus naturelle possible. Il se trompe quelquefois, errave humanum est. Il revient alors sur ses pas pour faire de nouvelles recherches qui le con- duiront à d'autres conclusions. De laces changements qui pour le véritable géologue, sont plutôt superficiels qu'absolus, et qui peuvent non pas jeter du discrédit sur la géologie, mais la ranger dans la catégorie des sciences humaines, qui toutes, sans exception, ont va naître et périr une foule de systèmes plus ou moins hasardés.

Pour mieux vous faire apprécier la valeur de ces preuves et les conclusions qu'on en tire, j'ai mis sur la table ce morceau de pierre, q^ui, malgré son humble apparence, est pour le géologie toute une mine de renseignements intéressants. Cette pierre est un frag- ment du rocher de Québec, recueilli dans la côte de la Basse- Ville alors qu'on y travaillait à l'installation des tuyaux de l'aqueduc. Empâté dans la masse, se trouve un caillou de jaspe^ arrondi, usé et se logeant exactement dans une cavité évidemment pratiquée par lui-nicme dms la roche dure du promontoire de Québec^

Ce caillou arrondi n'a pas été créé on l'a trouvé. Il a faire partie d'abord d'un lit quelconque de ro- cher, et il en a été séparé plus tard. Gomment ? Par uncnoc? Par l'action désagrégeante de l'ctmosphè- re ?— Impossible de le dire.

Puis, a commencé pour lui un long voyage. En- traîné par les eaux des torrents et des rivières, il se déplaçait tantôt vite, tantôt lentement, frappant adroite el à gauche les cailloux ses compagnons de route, ou les roches du fond et des rives. Peu à peu sa forme anguleuse a été- remplacée par des contoursplus arron- dis et, à la fin, il rei^ôtit cette apparence quasi sphéri- que que vous lui voyez maintenant. Le temps néces-

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•saÎTe pour en carriver a ôtre d'autant plus long, les frottements, les chocs qui l'ont pour ainsi dire re- manié ont dft être d'autant plus nombreux que le cail- lou était plus dure. Quant à son point de départ, il ne serait pas impossible de le retrouver. Il doit exister •quelque part un banc de rocher absolument semblable à celui-ci en composition chimique et physique ; c'est laque cet individu demeura attaché, durant de longs «iècles peut-être, avant d'entreprendre le grand voyage qui devait le polir et l'amener ou se dressent 'maintenant les murs de Québec, H cela longtemps avant l'existence du rocher de Québec lui-même.

A l'arrivée de ce voyageur, les lits rocheux qui com- posent notre promontoire n'existaient pas tous; ceux qui se trouvaient en posi'ion n'étaient pas durs comme ils le sont maintenant, puisijfie cet étranger put y faire son nid. C'était évidemment une espèce de boue ab- solument semblable à celle qui recouvre le fond des fleuves et des mers.

Nous voilà déjà en possession d'une foule de faits relatifs à l'histoire géologique de notre pays et cela par le seul examen de Ccr pauvre caillou, document bien maigre en apparence, mais riche en renseignements

Eour celui qui sait, ou mieux, qui veut lire les admira- les archives de la nature.

Résumons ces renseignements. Le rocher de Qué- "bec n'a pas toujours existé depuis la création de notre globe ; à sa place, il y eut autrefois unemer plus ou moins profonde, dont le fond était une espèce de boue argilo-sableuse. -Cette mer était sillonnée par descou- rants capables d'y apporter des fragments de rocher, il y avait alors des rivières longues et rapides dont les eaux agitées transportaient en les usant des fragments arrachés à leurs rivages. Ce n'est que plus tard que ces dépots argileux, grâce à leur incessante actiimula- tion, se so-nt durcis, soit par la pression, soit par l'élé- vation de la températue, puis, la mer s'étant retirée, ou les coQches géologiques ayant été redressées, ces lits ont fait saillie à la surface des eaux pour former, après un intervalle de temps plus ou moins long et .•apvès avoir é4é modifiés plus ou moiws par les agents

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atmosphériques, le roc sur lequel Québec dresse main- leiiant ses solides remparts.

Voilà comment raisonne I'î géologue. Cette manière de voir est-elle logique ? N'est-il pas plus simple de dire que rien do tout cela n'est arrivé ; que les événe- ments géologiques ne sont que des rêves d'imagination, en délire ; que Dieu a créé ce petit caillou usé comme nous le voyons aujourd'hui ; que les lits du rocher de^ Québec ont également été créés avec les plissements et les cassures que nous leur voyons actuellement ? Dieu est tout puissant, dit-on, pourquoi mettre des bornes à sa puissance? D'ailleurs, le géologue n'apporte aucune preuve directe de la réalité de ses prétendus événe- ments géologiques. Ni lui, ni ?^irun aulre. n'ajamai» assisté à ces étonnantes transformations. Tout ce qu'il peut affirmer c'esi que l'observation nous apprend que tout est disposé dans la croûte terrestre comme si les choses s'étaient passées comme il le suppose. On ne peut pas conclure de la possibilité à la réalité.

Loin de moi l'idée de refuser à ce raisonnement la valeur qu'il peut loyalement réclamer: cependant per- mettez qu'à l'aide de l'analogie, je me demande ce qu'il vaut réellement. " Vous croyez, disait Tyndali^ que, dans la société, vous êtes- entourés d'êtres raison- nables semblables à vous; vous êtes peut-être aussi convaincus de ce fait que de tout autre. Quelle garantie avez-vous de la vérité de vos convictions? Simple- ment et seulement ceci : vos compagnons d'existence se conduisent comme s'ils étaient raisonnables; l'hy- pothèse, car ce n'est rien de plus, rend compte du fait." De même, vous croyez à l'existence des événements géologiques bien que vous n'en ayez pas été les lé- moins. Et, guidés par l'observation et l'expérience, vous dites : étant donné tel et tel fait, les choses ont se passer de telle et telle manière, et vous êtes en droit de croire à la rectitude de votre raisonnement.

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Abordons maintenant notre sujet. Après avoir été édifiés sur la valeur et le caractère des preuves dont nous étayerons nos conclusions, vous sersz plus à môme d'en apprécier la solidité.

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Qu'est-ce que le soi arable? C'est ce que l'on dé- signe partout du nom si commun et en môme temps si vague de terre. C'est dans ce sens qu'on parle de terre argileuse ou sableuse, de terre noire, grise ou jaune, de terre forte ou légère, de bonne ou de mauvaise terre, etc. Toujours, le mot terre désigne la partie du globe que le laboureur travaille et cultive de diverses ma- nières, pour lui faire produire le pain de chaque jour. Considéré dans sa composition physique et cnimique, le sol arable, ou la terre, est un agrégat de particules assez ténues, siliceuses, calcaires ou argileuses, les- quelles, quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, sont des Sroduits secondaires de décomposition ou le résultat 'actions mécaniques.

Il y a donc pour le sol arable une double origine. La partie dure de la croûte terrestre, c'est-à-dire le roc, peut se décomposer et se transformer en une masse de débris de tontes sortes qui constituent une couche meuble et friable, en d'autres termes, une couche de terre. Ou bien encore, les roches peuvent-être usées, broyées, sous laction énergique d'agents puissants. Ces fragments de rochers sont à leur tour réduits en mor- ceaux plus petits, en gravier, en sable et en argile, puis ces matériaux pulvérulents sont transportés et dis- tribués de diverses manières à la surface des rochers et dans les vallées pour y former encore une couche de terre. Une décomposition partielle peut accompagner, et, de fait, accompagne toujours cette action mécanique ; cependant le rôle principal revient à cette dernière.

Examinons ces deux origines du sol un peu plus en détail.

Très peu de minéraux résistent à l'action dissolvante de l'oxygène , de la vapeur d'eau et de l'acide car- bonique de l'atmosphère. Les rochers môme les plus durs, comme les gneiss, les granités, sont attaqués et décomposés, surtout si la surface est recouverte de vé- gétation, mousses, lichens ou autres plantes. Les acides organiques sécrétés par ces plantes ont une action très marquée sur les minéraux. Les sommets des Lauren- tides sont ainsi énergiquement attaqués par l'atmos- phère. Les gneiss, les granités qui les constituent perdent leur feldspath, qui se dissout en partie et se

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change en partie en argile. Le quartz devient pulvéru- lent, les oxydes de fer sont enlevés et l'on voit partout un sable blanc ou grisâtre s'accumuler dans les anfrac- tuosités des rochers. Arrive une pluie abondante, elle lave tous ces débris et les transporte avec elle dans la plaine. C'est sans doute de cette manière que se for- ment à la hauteur des tejres les grandes masses de sable que les rivières du nord du lac Saint-Jean, au té- moignage de M. A. Buies, charrient sans cesse dans le lac.

On peut encore suivre cette décomposition pas à pas, dans une tranchée quelcojique pratiquée a travers un rocher. A la surface se trouve le sol, la terre^ puis une substance intermédiaire entre la terre et le roc, et enfin ce dernier avec tous ses caractères minéralogiques dis- tinctifs. Assez souvent certains lits résistent mieux à ces actions dissolvantes ; ils finissent par faire saillie à la surface. Si quelques portions de rocher sont plus compactes, la décomposition les entourent bientôt, et elles forment ces galets de décomposition très faciles à distinguer des galets de transport.

Le rocher de Québec n'est pas à l'abri de cette loi générale. Il suffit d'examiner une coupe un peu longue faite perpendiculairement à la tranche des lits pour toucher du doigt ce travail de décomposition. Certains lits en particulier se décomposent avec une telle facilité qu'ils paraissent constitués uniquiement par de l'argile. On les dirait encore à l'état pâteux de leur formation originelle. On trouve aussi abondam- ment des galets de décomposition dont les feuillets concentriques attestent l'origine.

Dans plusieurs pays, par exemple, dans le sud des Etats-Unis, dans presque toute la France, eu Italie, en Es'f)agne, le sol arable n'a pas d'autres causes. Et voilà pourquoi il y a tant de ressemblance entre sa composition chimique et celle du roc sous-jacent.

Ce n'est pas ainsi que s'est formé la plus grande partie de notre sol arable.

Quelle est donc son origine ? Jetons d'abord un coup-d'œil rapide sur nos fertiles campagnes. Nous trouverons que la surface en est généralement très unie, sauf quelques ler^assesqui ep élèvent subitement

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le niveau eu certains endroits, et quelques collines rocheuses qui lont saillie ae place en place. C'est bien l'apparence des vastes régions du Saguenay et des paroisses qui bordent la rive sud du lleuve, depuis Québec jusqu'à Rimouski. Cette surface si uniforme est déjà une présomption que notre sol ne s'est pas formé sur place.; car on ne pourrait expliquer la régu- larité de sa surface qu'en supposant au roc sous-jacent une régularité semblable, ce que l'observation directe cojitredit complètement Le roc se trouve à des profon- deurs qui varient dans de grandes limites. De plus ce même roc a une composition très changeante. Schiste en un endroit, il est gneiss dans un autre ; calcaire ici, il est granitique plus loin. Or, on ne remarque aucune relation entre la composition des lits rocheux et celle du sol immédiatement superposé. Donc celui-ci n'est pas le produit de la décomposition de ceux-là.

Que reste-t-il à conclure ? Que notre sol arable est le résultat de la trituration et de la décomposition de roches étrangères aux endroits on le trouve et qu'il a été transporté et déposé dans nos plaines par un agent mécanique très puissant.

J(^ dis très puissant parce que la partie meuble ne compose pas à elle seule tout le sol. Il y a de plus des cailloux roulés très volumineux, très nombreux, dont le transport a exigé le concours d'une force extraor- dinaire.

Chose curieuse, nous trouvons des indices de ces transports dans toutes les parties septentrionales de l'Amérique orientale, jusqu'aux limites sud de la Pen- sylvanie. Partout, nous trouvons la surface de la terre recouverte de débris, quelquefois dispersés au hasard, quelquefois stratifiés avec une grande légula- rilé. Ici ce sont des sables ailleurs des argiles ; de longues traînées de cailloux roulés, montrant pour ainsi dire la direction suivant laquelle la force motrice déplaçait tous ces débris.

Cette direction se trouve encore indiquée par d'au- tres faits. En étudiant avec soin les cailloux roulés de nos champs, on leur trouve une composition abso- lument analogue à celle des puissantes assises laur^n- tiennes. Ce fait particulier peut se généraliser, et l'on

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arrive à cette remarquable coriclusive : que les roches, le sol d'un endroit déterminé ont été transportés par un agent faisant sentir son action du nord vers le sud. Ce sont les montagnes placées au nord qui ont fourni les matériaux des terrains méridionaux avoisinants.

Et pourquoi ne pas mentionner encore, à propos de ces déplacements vers le sud les curieuses migrations de plantes que l'on constate dans notre Amérique? Dans les montagnes blanches se trouvent des espèces végétales dont l'habitant est le Groenland. Ne seraient- elles pas à leur tour comme une preuve de ce grand déplacement superficiel qui se fit un jour des latitudes élevées vers les régions tempérées.

***

Lorsqu'on recherche les agents qui ont pu effectuer ces déplacements, on trouve que deux seulement sont assez imissants pour s'adapter à tous les faits observés. Ce sont les banquises et les glaciers.

Les banquises sont des masses énormes de glace, cii- bant quelquefois plus de 500,000,000 pieds cubes et

?[ui, échappées de continents polaires, flottent à la sur- ace de l'océan vers les régions équatoriales. Ces blocs de glace transportent des quantités prodigieuses de ro- ches et de terre arrachées aux continents d'où elles partent, et, à mesure qu'elles fondent sous l'action plus énergique du soleil ou au contact i'eaux chaudes, ces substances terreuses se distribuent sur le fond de l'océan. C'est ainsi que le grand banc de Terreneuve 9*est formé et augmente encore tous les jours, grâce aux banquises qui sont transportées du pôle par le cou* rant du Labrador et qui fondent à la latitude de Terre- neuve, au contact des eaux chaudes du gulf-stream.

Les glaciers, d'un autre côté, sont drs fleuves solides, 8'avançant lentement dans les vallons qui sillonnent les flancs des montagnes à neige éternelle. Véritables fleuves de glace, ils ont leurs courants, leurs rapides et leurs chutes tout comme les rivières ordinaires. La rapidité de leur cours ne dépasse jamais un mille en dix-huit ou vingt ans. En revanche, l'action érosive de ces immenses amas de glace est énorme. Les roches

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les plus dures sont broyées, usées, par le frottement du

f placier et bientôt le courant glaciaire entraine avec ui une quantité considérable de ces débris qui se mê- lent à la glace des parties profondes du glacier, ou se distribuent à la surface en longues traînées auxquelles on donné le nom de moraines. Les roches sur les-

?[u les passent ces r.ourants sont usées et polies par îe rottement. La surface générale devient mamnielon^ née. On désigne cette forme extérieure du nom roches moutonnées. La surface se recouvre on môme temps de rainures plus ou moins profondes creusées par les fragments de roches plus dures entraînées par la glace. Ces rainures indiquent donc à la fois et le passage d'un glacier et le sens du courant glaciaire. Quand la masse de glace atteint mille, deux mille pieds d'épais* seur, son passage modifie profondément le relief du pays sur la surface duquel elie se déplace.

Peut-on attribuer le transport mécanique de notre sol, des cailloux roulés de nos champs, à l'action des banquises ?— Nous ne le pensons pas. En effet, nous rencontrons ces divers matériaux a des hauteurs qui atteignent quelquefois six mille pieds, v. g., au mont Washington. Il faudrait alors admettre que le Canada fut un jour recouvert par un océan qui avait plus de six mille pieds de profondeur, à la surface du([uel se promenaient ces blocs erratiques de glace. Cet océan continental aurait s'étendre depuis la baie d'Hud- scn jusque dans la Pensylvanie, au sud, et jusqu'à Wiîinipeg, à l'ouest. Or, entre la baied'Hudson et la Pensylvanie, il y a de nombreux vestiges d'anciens rivages. Plusieurs, par exemple, se rencontrent à dif- férentes hauteurs sur les flancs de la montagne de Montiéalj d'autres à Beauport, àla Malbaie, à Saint- Al- phonse du Saguenay, au lac Saint-,Tean et ailleurs. Pas un ne dépasse la hauteur de cinq cents pieds au-dessus de la mer. Donc le Canada n'a pas été recouvert par cette mer profonde sur laquelle auraient vogué les banquises polaires. Donc il est impossible d'attribuer le transport des galets et des matériaux du sol à l'ac- tion des banquises.

Restent les glaciers. Les preuves de l'existence des glaciers à la surface du Canada^ à une époque très

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reculée, ne manquent pas. Les collines lauren tiennes qui longent la chaîne des Laurentides depuis le lac Supérieur jusqu'au Cap Tourmente sont de véritables loches moutonnées. Ces roches moutonnées, vous les trouvez encore à Sai it-Anse)me, sur la hauteur des terres dans le canton de Ware, à la Beauce, aux Trois- Pistoles, au lac Saint-Jean, elailleurs. Leur surfar.e est toujours sillonnée par les rainures caractéristiques du passage des glaciers, rainures qui,en règle générale, se dirigentdunordausud. Souvent on découvre ces stries sur le sommet de montagnes très élevées. Au mont Washington, elles existent à plus de six mille pieds de hauteur. A tout cela, ajoutez ces blocs erratiques, pro- venant toujours -de montagnes placées au nord de l'endroit on les trouve. Ajoutez encore que la plu- part des collines rocheuses sont plus escarpées f*\i nord qu'au sud. Tous ces faits nous forcent à admettre que le Canada fut un jour couvert d'une grande nappe de glace coulant lentement vers le sud.

Essayons maintenant de reconstruire par l'imagina- tion l'aspect général de notre pays à cette froide épcq-e que les géologues appellent l'époque glaciaire.

Notre province, Ontario et les provinces maritimes, étaient enveloppées d'une couche de glaces dont l'épais- seur devait atteindre plusieurs roUliers de pieds, puis- qu'on trouve des traces certaines du passage des glaces sur ia frontière entre le Canada et les Etats-Unis, à plus de deux mille pieds au-dessus du fleuve. Cet immense voile de glace aminci dans les états de New- York, de Pensylvanie, d'Ohio, et dans l'ouest, croissait en puissance en gagnant le nord-est. Au nord de Montréal, commençait une puissante arête de glace, se prolongeant parallèlement au fleuve jusqu'au Labrador.

La cause de cette accumulation irrégulière de la glace est facile à trouver. La quantité de neige et de glace est une conséquence de la quantité de pluie qui tombe sur la surface d'un pays. Il est donc évident que la partie de notre continent voisine de l'Atlantique, iouissant d'un climat plus humide que les parties de l'intérieur (il tombe ici deux fois plus de pluie que dans les plaines de l'Ou^ist) la couche de glace a néces- sairement être plus épaisse ici qu'ailleurs. li nU assez

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probable encore qiie, la barrière des glaces canadieniretf, interceptant les vents humides de l'Atlantique, les con- tinents polaires devaient avoir moias de neige et de glace que maintenant. Actuellement, les glaciers du Groenland ont des milliers de pieds d'épaisseur.

L'effet mécanique de cette masse de glace sur la sur- face du Canada lut immense. Le fleuve gla«é exerçait une pression de plus de mille livres par pouce carré ; il usait, broyait les roches superficielles-, enlevait les collines, pénétrait dans les vallées, labourant profonde" ment le sol et entraînant avec lui une masse incalcd- lable de débris de toute espèce. Ces matières terreuses n'atteignaient pas la surface du glacier, car aucune terre ne faisait saillie au-dessus du champ de glace, sauf le raortt Washington, ce géant des Montiignes Blanches. En revanche, nous pouvons affirmer que, sur une épaisseur de plusieurs centaines de pieds, la partie mférieure du glacier devait être remplie d'une foule de débris arrachés aux rochers qui lui servaient de lit.

Au moment commençait ce long" hiver, noua sommes en droit de croire que notre patrie était, comme au temps de Champlain, couverte de liches et puissantes foret». Ces arbres furent déracinés au premier mouvement de la glace. Les troncs les plus solides ne purent résister à la terrible impulsion et tous ces débris organiques formèrent plus tard le» amas végétaux qu'on trouve de nos jours à différents endroits de la province, enfouis dans les profondeurs du sol arable.

La surface des rochers, exposée elle-même depuis des siècles à l'action dissolvante de l'atmosphère devait être admirablement préparée pour ce labourage grandiose de l'époque glaciaire. Aussi ce fut alors que les som^ mets des Laurentides furent abaissés à leur niveau actuel; les lignes en furent adoucies, et l'incomparable horizon qu'elles dessinent au nord de Québec date sans doute de cette époque. Ce fut alors que nos vallées furent creusées, et cela à u-ne profondeur mal connue, parce que plus tard elles futent à moitié remplies p^ir les débris charriés par le glacier lui-même.

Avez-vous jamais remarqué le nombre pour ainsi

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dire infini de petits lacs, semés à profusion daris no» terrains laurentiens, entre le tlevive et la baie d'Hudaon ? La position de ces flaques d'eau dépend d'une manière remarquable de la constitution géologique du pays. JËlles existent une roche plus molle a cédé plus tellement à Taction érosive de la çlace. Et quel(|ues- lins de nos grands lacs n'ont peut-être pas eux-mêmes d'autre origine. Il n'est pas impossible que les grandes cavités qui leur correspondent ne soient dues en partie à la même cause. Du reste, il est certain que le glacier de Tépoque glaciaire traversait la surface occupée main-: tenant par ces mers intérieures. On trouve au sud du Lac Supérieur des roches provenant évidemment des formations septentrionales.

Le Saint'I^urent eut également son Ht occupé parle grand glacier, qui, sans aucun doute, contribua pour une large part à en augmenter la profondeur et la largeur.

Les rivières, surtout celles qui courent dans la direc' tion du sud, subirent aussi l'action du glacier. Leurs lits furent creusés à une grande profondeur. A tel point que, dans certains cas, cette profondeur serait inexplicable sans l'intervention du glacier continental.

Que de problêmes renferme cette étude de l'action glaciaii^ 1 Quel rôle immense elle a joué dans l'en* semble des causes à qui notre pays doit sa configura- tion actuelle I

Nous pourrions ici, sous forme de digression, appli- quer ces données à un cas particulier, a l'étude de l'o- rigine du Sftguenay. La plupart d'entre vous ont par couru ce beau fleuve qui s'étend depuis Tadoussac jus- qu'au fond de baie des Ha I Ha ! Ils ont admiré la pro- fondeur des eaux, le pittoresque des rives, souvent cou- pées à pic comme par l'épée d'un autre Roland. Qui sait? Peut-être se sont-ils demandé comm*. .* les eaux avaient pu se creuser un lit aussi profond et aussi ca-

f>ricieux. Et, ne trouvant pas de réponse satisfaisante, Is ont cru voir dans l'origine de eette rivière, une ré- volution terrible de notre glol)e, se brisant comme le verre sous la pression intérieure, et laissant pénétrer les eaux dans cette fissiire gigantesque, la sonde ti'atteint qu'à mille pieds de profondeur.

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Ces idées poétique», je les trouve admirablement exposées dans le livre iiititulé Le Saguenay^ par M. A. Buios, Non content, d'accumuler sur cette riche con» trée les données, les statistiquei les plus intéressantes, l'auteur, retraçant avec une imagination de feu, le bouleversement terrible qui. d'après lui, fit un jour conununiquer brusquement le Saint-Laurent et le lac Saint-Jean par uue crevasse véritablement plutonique» nous fait assistera ce qu'il appelle le cataclysme. Tout un chapitre de l'ouvrage est consacré à ce phénomène grandiose, et, telle est la magie du stylej tel est le colo- ris des images, que ce panorama géologique se déroule pour ainsi dire sous nos yeux, avec tous ses épisodes et ses palpitantes péripéties.

Nous ne sommes pas partisan des cataclysmes géolo» giques en général, et, si le temps nous le permettait, nous examinerions cette théorie déjà ancienne, de l'origine du Saguenay. Il y aurait une foule de re- cherche'*, de rapprochements intéressants à faire. En attendant, contentons-nous de mettre un point d'in- terrogation ou d'exclamation à la suite du cataclysme Saguenayen. Au point nous en sommes x'endus dans notre étude, nous ne possédons pas encore tous les faits dont la connaissance est requise pour entre-? prendre avec profit cotte intéressante monographie.

Avant de dire adieu à notre glacier, je dois en jus- tice répondre à deux questions que vous vous êtes peut-être déià posées à son sujet. On peut se demander en premier lieu (luelle a été la cause de sa formation. Cette cause a dii être multiple, mais, sans aucun doute, une des plus puissantes a été l'élévation de la partie nord de l'Amérique septentrionale. Nos montagnes, si hum- bles maintenant, atteignaient alors les hauteurs la neige des sommets ne fond plus. Les glaciers ont ainsi commencé à se former, puis ils ont augmenté peu à peu, jusqu'à recouvrir une grande partie des possessions anglaises de l'Amérique du nord. Ces glaciers se sont accru très vite, grâce à une abondante précipitation de neige. En efl'et, les mers polaires étant fermées aux courants chauds de l'Equateur, l'Atlantique était plus tempéré qu'aujourd'hui, l'évaporation était plus abondante et la chute de la pluie ou de la neige sur ses

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Mvages piiis considérable. Jn savant va même jusqu'à explii]iier la formation de la glace de l'époque glaciaire, en supposant que le soleil était alors plus ardent que de nos jours ! Laissons-lui toute la responsabilité de cette théorie originale.

On peut se demander, en second lieu, comment ex- pliquer la marche du glacier vers le sud. Les glaciers actuels ne se déplacent que sur des pentes dont l'incli' naison atteint au moins deux ou trois degrés. Si nous admettions les mêmes conditions comme nécessaires au déplacement du grand glacier, il faudrait supposer aux parties nord du continent une hauteur verticale de huit ou neuf milles, ce qui est absolument impossible et évidemment absurde. A cela nous pouvons répondre par une comparaison qui fera toir qu'un déplacement d'une substance plastique comme la glace, est possible, même si le fond est rigoureusement horizontal. Je laisse tomber sur une table un filet de goudron. Le liquide sirupeux s'accumule d'abord au point de chute. Mais peu à peu, grâce précisément à cette accumula- tion continue en un môme point, il se déplace à la sur- face de la table, se dirigeant de l'endroit se trouve l'épaisseur la plus grande vers les parties voisines. IjC lit sur lequel il coiHe reste pourtant horizontal, il suffit donc que la surface du goudron soit inclinée.— La glace est plastique comme le goudron ; autrement le mouvement des glaciers serait impossible. Donc, il suffit de supposer sur les parties septentrionales de notre continent une accumulation considérable de glace pour que celle-ci se mette immédiatement en mouvement vers les latitudes plus basses ; et cela^ môme si la surface du sol n'est pas inclinée, môme si elle présente des irrégularités.

***

A cette période de notre travail, nous savons com- ment la plupart des matériaux qui composent notre sol arable ont été arrachés aux flancs de nos montagnes et distribués sur toute la surface du çays par de puis- sants glaciers coulant, comme direction générale, du nord vers le sud. Que se passa-t-il quand le glacier

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disparut sou8 les rayons du soleil ? Voilà ce qui nous reste à voir pour nous former une idée précise de la dernière transformation géologique de notre province.

Le mouvement d'élévation superficielle qui carac- térisa l'époque glaciaire se ralentit d'abord, et ensuite s'arrêta. Puis se produisit un mouvement inverse, se faisant, lui aussi, avec une lenteur séculaire. C'était le commencement de ce que les géologues ont appelé l'époque Champlain. Bientôt l'océan envahit la surface du continent. Le climat devint plus tempéré et le gla- cier fondit avec une rapidité d'autant plus grande qu'il en restait moins à fondre. Les substances terreuses charroyées par la glace se dispersèrent et sur le continent en amas irréguliers et plus ou moins volumi- neux. La pluie, lavant sans cesse les collines, entraîna dans les vallées les parties les plus meubles des détritus glaciaires, et ne laissa en place que les cailloux les plus gros, les plus pesants.

L'affaissement continental fut plus marqué vers le nord et cette cause jointe aux inondations provenant de la fonte du glacier, fit que l'eau des lacs, des rivières d'alors, avait des niveaux beaucoup plus élevés que les niveaux actuels. C'est ce qu'il est facile de constater en examinant les vestiges de rivages que l'on trouve autour de nos lacs et le long de nos rivières. Près des lacs Erié, Ontario et Supérieur, on voit des rivages à 200 ou 300 pieds au-dessus du niveau actuel de l'eau. Il est probable que ces grands lacs de l'ouest ne for- maient à cette époque qu'une seule et même masse d'eau, une immense mer'intérieure. Le lac Saint-Jean était aussi plus vaste que maintenant; il devait s'é- tendre, au sud-est, jusqu'à la baie des Ha ! Ha ! et à plus de quarante milles au-delà de son lit actuel au nord et à l'ouest.

Le fleuve Saint-Laurent finissait à Montréal. Un immense bras de mer, s'échappant du golfe, recouvrait toute la vallée du Saint-Laurent et communiquait au sud avec le lac Champlain.

L'existence de cette méditerranée canadienne est

complètement démontrée par les coquillages marins

qu'on trouve en différents endroits de notre province.

Citons entre autres localités, Beauj)ort, se voit, à

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250 pieds au-dessus du fleuve, un lit puissant de co- quillages marins absolument semblables à ceux qui vivent main';cRant dans le golfe Saint-Laurent. De sem- blables dé pots se trouvent encore aux Trois-Pistoles, à Saint-Jean-Chrysostôme, au lac Saint-Jean et ailleurs et toujours M dos niveaux assez ôlevés au-dessus du fleuve. A Ottawa, se trouvent empâtés dans la glaise, des sqi^elettes de poissons (Mallotus villosus) vivant encore, eux aussi, dans les eaux salées du golfe. J'allais ou- bli u* de mentionner les restes d'une baleine [Belugo vermontana,) trouvés à une assex grande hauteur sur les bords du lac Champlain.

Do ces faits, nous sommes en droit de tirer une dou- ble conclusion: lo Les eaux de l'océan ont envahi Sartiellement notre patrie y, cette é])oque particulière e son histoire géologique. 2o Les lacs et les rivières, gonflés par les eaux du glacier, modifiés également dans leur distribution et la rapidité de leur cours par l'alfaissement du continent, couvraient également une portion considérable du pays.

Gnlce à l'envahissement général des parties basses par les eaux douces ou salées, les matériaux terreux charroyés et dispersés çà et par le glacier, furent re- maniés et déposés avec ordre, en lits réguliers, dans les eaux tranquilles des mers et des rivières. C'est à cette époque que remonte l'origine des immenses plaines arables qui s'étendent sur la rive sud du fleuve, depuis la Rivière-du-Loup jusqu'à Montréal et au-delà. C'est à cette époque que se sont déposées les riches alluvions du Saguonay et du lac Saint-Jean.

Rien de plus simple alors que l'explication de ces masses rocheuses qui surgissent abruptement au milieu des plaines argileuses des campagnes du Saguenay et du bas du fleuve. Le glacier canadien a usé et enlevé les lits rocheux sur lesquels il se déplaçait proportio- nellemont à leur friabilité plus ou moins grande. Evidemment, les arêtes des roches les plus dures ont résisté plus que le reste à cette action destructive. Elles sont restées en relief, tandis qu'auprès d'elles se creusaient des gorges et des vallons Les alluvions de l'époque Champlain, déposées sur cette surface irré- gulière, ont nivelé tout d'abord les cavités les ^lus pro-

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fondes en les remplissant, et les saillies les plus élevées sont restées en deliors des dépots argileux et sableux. Cette explication est la seule qui puisse rendre compte de tous les faits.

Nous avons dit plus haut que le grand glacier cana- dien disparut au commencement de l'époque Cham- plain. Or, ceci exige nécessairement un changement dans le climat glacial de l époque précédente. Le gla- cier n'eut pas fondu si la température moyenne n'eiit pas été sensiblement modifiée. Y a-t-il des preuves que l'époque Ghamplain fut plus chaude que l'époque glaciaire ?•— Elles ne manquent pas. Nous n'en citerons qu'une seule, c'est la présence, à nos latitudes, d'ani- maux qui ne vivent que dans les climats chauds, comme certaines espèces d'éléphants qui dépassaient en dimension les éléphants modernes; de grands édentés qu'on ne retrouve plus maintenant que dan» les pays tropicaux et encore avec des proportions fort réduites.

Nul doute que ce changement de climat n'ait été amené par l'abaissement lent et progressif des parties nord (le notre continent: abaissement d'autant plus rononcé qu'on l'étudié plus au nord. Si, en effet, à uébec, les traces dps anciens rivages se trouvent à 200, 400 et 500 pieds au-dessus de l'océan, ces rivages sont à 1000 pieds et au delà sur les bords de la Baie d'Hudson., Ceci n'indiquç-t-il pas d'une manière claire que les contrées septentrionales se sont enfoncées, durant l'époque Champlain, plus que les pays méri- dionaux ?

Nous touchons au terme de notre longue et fasti- dieuse excursion. Encore un pas, encore un événement géologique, et notre pays nous apparaîtra tel que nous le voyous aujourd'hui, avec les montagnes, les plaines, les lacs et les rivières qui font sa richesse et sa beauté. Puis le Créateur jettera sur notre sol fertile les se- mences de nos essences forestières, et cette surface argileuse disparaîtra sous un riche tapis de verdujo. A T'ombre de nos forêts nous verrons courir des troup s nombreuses d'animaux de toutes sortes jusqu'à ce que l'homme des bois vienne à son tour planter son wigwam sur le bord de nos grands lacs et de nos rivières.

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Le récit de ce dernier épisode de notre histoire de 300,000 ans est relativement court et facile. Au moment les eaux de l'éponue Cha'mplain couvraient encore une grande partie ae la surface de notre patrie, uni second mouvement ascensionnel, affectant la môme por- tion du continent américain, se déclara. Les eaux de l'océan se retirèrent elles sont maintenant. Les lacs se vidèrent en partie et les rivières, plus rapides, creusèrent plus proiondéniont le lit elles coulent encore aujourd'hui. Ce mouvement ne fut peut être pas continu, comme on pourrait tout d'abord le croire. Sur les rivages des lacs et des rivières on voit appa- raître à différentes hauteurs des terrasses argileuses ou sableuses correspondant à autant de phases différentes du mouvement général. On doit croire que ces phases se sont succédé tranquillement les unes aux autres, et rien n'autorise à les regarder comme des commotions spasmodiques qu'aurait éprouvées la surface de notre globe. L'ensemble de cette dernière période a reçu des géologues le nom d'époque récente ou des terrasses.

* *

Résumons en terminant les principaux faits que nous a fourni l'observation, aidée de l'induction et de l'expérience.

Nous avons vu notre pays couvert primitivement de forêts séculaires, exposé pendant de longues années, pendant des siècles, au froid incessant d'un rigoureux hiver. Tout disparait sous l'épais linceuil d'un im- mense glacier. Et pendant que le silence le plus absolu s'étend sur sa blanche surface, les profondeurs du cou- rant glaciaire attaquent les roches, les pulvérisent et, de leurs mille «iébris, forment la matière preinière du sol qui nous nourrit aujourd'hui. Epoque glaciaire.

Son oeuvre achevée, le glacier disparait et laisse notre patrie couverte des détritus qu'il transportait avec lui. Le continent s'enfonce, les eaux douces ou salées le recouvrent en partie et remanient les moraines glaciaires. Dans ceb eaux tranquilles, les sables, les argiles se déposent avec une grande régularité, entraî- nant av3C elles les débris d'animaux, mollusques ou

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aiitres, qui peupiaieut les mers d'alors. Epoque Cham- plain.

Enfin arrive l'époque récente. Un dernier mouve- ment de bascule se produit. La surface de l'Amérique arctique se souIjwcî ; l'eau déserte le continent, les riches alluvions émergent et forment \ni sol des plus riches qui se recouvre bientôt d'une vigoureuse végé- tation. Le climat canadien qui, à l'époque Champlam, permettait aux éléphants de vivre ici comme dans les chaudes régions de l'Inde, se refroidit et se rapproche peu à peu de notre climat actuel.

A quoi attribuer ce refroidissement ? Très probable- ment au mouvement ascendant de la surface nord de l'Amérique. Ce mouvement se continue encore de nos jours, comme il est facile de le constater d'après des observations directes faites au Groenland et au Labra- dorj et d'après certains faits observés par le regretté P. Petitot dans les régions glacées de la rivière Mackenzie.

Y a-t-il dans tout ceci autre chose qu'une œuvre d'imagiudtion ? qu'une pure T^ntaisie ne reposant sur aucune base scientifique sérieuso ? Les faits que je vous ai cités en grand nombre répondent d'eux-mêmes à cette question. Sans vouloir affirmer solennellement drtiis tous ses détails cette merveilleuse histoire de plu- sieurs milliers de siècles, je crois qu'il serait imprudent de taxer de fausseté les grandes lignes du tableau que je viens de vous tracer. D'autant plus que cette théorie de la formation de notre sol rend parfaitement compte de certains faits que nous sommes à môme de consta- ter tous les jours.

Pourquoi, par exemple, le sol du Saguenay est-il exceptionnellement fertile, si ce n'est parcequ'il est composé des débris de roches laurentiennes, riches en feldspath et par conséquent en sels de potasse, de soude et de chaux, substances éminemment utiles à la crois- sance des plantes. Pourquoi la plaine de Québec est- elle elle-même si fertile: Uniquement parce que son sol, à elle aussi, vient en grande partie des roches lau- rentiennes broyées, décomposées et transportées par les glaciers. Pourquoi le sol des contrées monta-

Sneuses, comme certains districts des comtés de Beauce, e Dorchester, contient-il tant de roches ? Parce que

ce soi a perdu, sous l'influence des pluies de l'époque Ghamplain, les débris meubles qu'y avait laissés le grand glacier. Les cailloux les plus lourds sont restés en position, la partie meuble est eu grande partie dis- parue. Pourquoi y a-t-il plus de probabilité de trouver un sol plus riche dans les plaines du nord que dans celle de l'extrême Fud ? Parce que, dans ces dernières, les débris des roches laurentiennes sont nécessaire- ment plus rares. Voilà pourquoi j'ai beaucoup plus de confiance dans la fertilité prolongée et continue des alluvions du lac Saint-Jean que dans celle des cantons du sud.

***

Je vous

disais au commencement de cette étude, que nous avions à faire l'histoire de 300,000 ans. Je ne crois pas qu'il y ait eu dans ce chiffre l'ombre d'une exagération. Permettez-moi de vous en exposer les preuves ; ce sera mon dernier mot. La chute Niagara est distante de six à sept milles du lac Ontario. Gom-me toutes les autres chutes, elle use le rocher qui lui sert de lit et peu à peu elle se rapproche du lac Erié. La rapiiité de ce mouvement de recul est difficile à ap- précier, à mesurer d'une manière précise. Aussi les évaluations qu'on en a faites varient-elles ciiorraément Cependant on peut dire qu'en supposant que la cLute recule vers le lac Erié d'à peu près huit pieds par siè- cle 01,1 est sûr de dépasser sa plus grande vitesse de déplacement. Admettons cepv ndant cette progression ; nous trouvons alors que pour parcourir les quelques milles qui la séparent du lac Ontario il lui a fallu plus de 300,000 ans. Or, il est certain que, pendant l'époque Ghamplain, cette chute, n'existait pas elle est maintenant, puisqu'on trouve des lits de coquillages de cette époque sur les bords de la rivière Niagara, à des hauteurs telles que nappe d'eau qui leur servait d'ha- bitation devait s'é'endre à plus de six milles en aval de la chute. Il s'est donc écoulé plus de 300,000 ans depuis l'époque Ghamplain jusqu'à nous.

Or. cette longue suite de siècles, quelque formidable qu'elle soit, est comme un point si on la compare aux

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autres époques géologiques, surtout aux époques an- ciennes ; et ce serait par millions d'années qu'il fau- drait peut-ôu e calculer la durée de l'existence de notre globe. De tels nombres ne disent plus rien à l'imagi- nation, et il est impossible de les apprécier exactement Ne sommes-nous pas en droit de dire, comme con- clusion générale, que l'existence de l'humanité tout entière, comparée aux époques géologiques, n'est que le rôve d'un instant, une moisissure, un point impercep- tible qui ne se mesure pas tant il est étroit. Et cepen- dant, cette moisissure humaine, cet être rphémère qui ne compte pas dans la supputation géologique, c'est pour lui que toutes les forces de la nature étaient en jeu depuis le commencement. C'est pour lui que la rrovidence ménageait, par l'action continue d'une foule de causes merveilleuses dans leur simplicité, notre petite terre, perdue elle-même comme un atome dans l'immensité de l'espace. Pourquoi cela ? Qu'il nous soit permis de croire que dans ce grain de pous- sière animée. Dieu voyait comme un souffle divin en- noblissant et surnaturalisant tout ; il voyait une âme pensante et immortelle. Et notre pauvre petite terre. Dieu la contemplait déjà comme le marche-pied de son Christ, Sauveur et Rédempteur de tout l'univers.