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Photographie

Sdences

Corporation

33 WeST MAIN STREET

WEBSTER, N.Y. MS80

(716)872-4503

CIHM/ICMH

Microfiche

Séries.

CIHJVI/ICJVIH Collection de microfiches.

Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de nrticroreproductions historiques

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Pages restored and/or laminated/ Pages restaurées et/ou pelliculées

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Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est imprimée sont flirtes en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration et en terminant par la dernière page qui comporte une telle empreinte.

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Un des symboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole signifie "A SUIVRE", le symbole V signifie "FIN ".

Maps, plates, charts, etc., may be filmed at di'i'ferent réduction ratios. Those too large to be ontirely included in one exposure are filmed beginning in the upper left hand corner, left to right and top to bottom, as many frames as required. The following diagrams illustrate the method:

Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être filmés à des taux da réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un seul cliché, il est filmé è partir de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite, et de haut en bas, an prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode.

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ESQUISSE BIOGEAPHIQUE

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CHEYALIEE DE LORIMIER.

PAR

HECTOR FABRE.

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Prlar: 30 sous.

MONTREAL;

DE LMMPWMERIE DU "PAYS," RUE SAINTE THÊEÈSE

1856.

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ESQUISSE BIOGRAPHIQUE : ; ' ,;

OHEYALIEK DE LORIMIER.

15 Fevriuk 1836.

I.

La loi (lu rnallnur a été imposée aux peu- f>les comme aux individus. Les uutiuii:^, dans leur longue course à travers les siècles comme Thomnie dans son court passage sur la terre, portent le poids des regrets et du deuil. Dans leur histoire c.ornme dans celle de la famille, il y a des tombes cliéres et des douleurs éternelles, des catastrophes dont on se souvient toujours et des n; jrts qu'on n'ou- blie jamais.

Dieu a donné comme une consolation et une espérance suprêmes, à Phomme la certi- tude d'un monde meilleur, aux peuples la gloire ; tel qu'il fait croître des fleurs sur les tombes.

Notre race honorée de la mission de re- présenter dans l'Amérique Britannique le catholicisme, la France et la liberté, a subi dans toute sa rigueur et toute sa gloire la loi commune. Française et catholique, elle s'est vue séparée presqu'à son berr.eau de Ja mère-patrie qui lui avait donné sa foi sainte et son illustre origine. Libérale, elle a vu après 50 ans de la plus magnanime ré- sistance à la plus injuste tyrannie, non le tri- omphe, mais les funérailles de ses libertés ; non l'aube de l'indépendance mais le règne de la terreur et de la cour martiale. Après avoir pleuré Montcalm mort, la France perdue, le drapeau français proscrit des bords du St. Laurent et repassant en deuil les mers, elle a gémi sur l'emprisonnement, la mort ou l'exil de ses meilleurs fils, sur les ruines et les cadavres dont les malheurs de 37, 38 et 39 avaient jonché son sol.

C'est un fragment de la lugubre et glo- rieuse histoire de cette dernière époque que

je viens vous lire ce Rolr. Les pages sui- vantes sont consacrées à retracer la noble vie et la mort héroïque d'un de ces martyrs de " 39 " dont les noms rayonnent dans le sang et la gloire.

Les vies de ces compatriotes, pluiaes de vertus intimes, de grandeur modeste, de saintes affections, de foi en Dieu, de dévoue- ment à la patrie, d'amour pour te bien; douces et pures au foyer, palno'iques et ar- dentes au forum, sont plus belles et plus par- faites que les existences honorées et bruy- antes des citoyens antiques. Leurs morta que la foi a bénies, que la certitude d'une vie iTiiiilleure a consolées, que l'héroïsme a immortalisées, que le contact de l'échafaud a éclaboussées de sang et de gloire, rappel- lent les plus vailians, les meilleurs trépas.

Agenouillé sur tes tombes de pareils liomiuco, on est lier d'èlre Canadiens-fran- çais, on se sent le droit de lever le front à la hauteur de l'orgueil des autres peuples. Ils sont nos héros, à nous à qui la France a légué, il y a quelques siècles, le sang avec lequel ils se font grands et nombreux. Leur histoire ruisselante de larmes et de patrio- tisme, de vaillance et de fierté, est la page la plus pathélique de nos annales. Les ôcha- fauds et les gibets ils succombèrent sont nos ctiamps d'honneur ; les obscures cime- tières où gisent leurs corps mutilés sont nos Pan! Iléon et nis St. Denis. Pour mausolée nous leur avons donné une simple croix Je bois, le symbole du Golgotha ; le symbole qui depuis 18 cents ans couvre de son ombre sacrée, guide de sa lumière, sauve ou crée par sa divine inllucace les civilisations chié- ticnncs cl les grands peuples, les noblo-i

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«duri et tes idées généreuses, les progrés et les libertés; le symbole qui protège nos berceaux, qui sanctifie nos vie», qui sacre nos tombes et que baisait en mourant, avec une suprême félicité, l'bomine dont je vais ra- conter les œurre».

Nos cœurs et nos souvenirs, notre deuil et notre admiration «ont les otateurn et les historiens émus et attemlris qui perpétueront leur mémoire.

L'heure fatale qui verra Toubli remplacer la reconnaissance dans le cœur de notre peuple, ne doit jamais sonner. Car alors le cœur de ce peuple sera bien près de cesser de battre ; la fusion et l'Angleterre seront à quelques moinens de leur triomphe impio. La Toix française, qui depuis des :iièclt>:i, parle des bords du St. Laurent de liberté, de France, de catholicisme, à toutes les race^ étrangères, s'éteindra d^épuisemcnt aux stu- pides applaudissemens de ceux qui ne com- prennent pas quel reflet de gloire notre ex- istence jette sur TAmérique, et combien tous ceux qui ont le sentiment des grandes choses doivent ^enir à la conserver.

Le meurtre ou le suicide de notre natio- nalité suivra de près Toubli de nos gloires. Car une nition qui a de la sève et de l'a- venir ne saurait ainsi flétrir ses lauriers, briser sa couronne d'immortalité, déchirer les pages de son martyrologe, en«evelir son passé dans le silence de l'ingratitude, dé- truire son panthéon, abandonner son patri- moine national, user pour ainsi dire avec de l'infamie ou laisser effacer par la main du temps son nom de toutes les grandes choses qui doivent le porter en triomphe à la pos- térité.

Ce n'est que lorsqu'une nationalité ago- nise qu'elle souffre de telles profanations ; ce n'est que lorsque le sang français se sera misérablement appauvri dans nos veines qu'on les verra sur ce sol.

Pour que le souvenir des Chrnier et des Perrault, morts au champ d'honneur, des Duquette, des Cardinal et des DeLorimier, morts sur l'échafaud, soit toujours vivace ; il faut souvent parler d'eux dans nos réu- nions publiques, comme au foyer des familles l'on s'entretient de parens qui no sont plu». Il faut présenter leurs histoires comme de patriotiques reliques aux larmes et à l'admi- ration de nos compatriotes : enseignement pour les générations qui commencent, sou- venir pour celles qui s'en vont.

Il faut surtout que la jeunesse, que la jeu- nesse actuelle étudie et vénère ces histoires pour se préparer à l'avenir ; qu'elle s'im-

preigne de la vaillance, du patriotisme, de la foi qu'on y respire pour conserver le coin de sol que Dieu et la France nous ont donné. Il faut qu'elle se fasse la chaste et fidèle amante de ces méinoire;^, qu'elle les aime, les honore, les préserve et, enfin, les dépose intactes et pures dans le cœur de ceux qui nous remplaceront dans le service de la patrie.

C'est parce que je sais que la jeunesse actuelle est fidèle à ces souvenirs sacrés, c'est parce que je sais qu'elle garde reli- gieusement dans son cœur la mémoire de toutes les grandeurs et de toutes les tris- tesses de la race française en Canada, que uie trouvant le premier de ses membres à parler de cette tribune, j'ai choisi pour sujet de ma Ircture la vie et la mort d'un des martyrs de notre cause nationale.

Il m'a semblé encore qu'il appartenait à ceux qui ont vu la mort frapper ce qu'on a de plus cher après Dieu, jeter un voile de deuil sur leur foyer, éteindre leurs plus dou- ces joies domestiques, de raconter les dra- mes du malheur, de parcourir le sentier des grandes infortunes historiques.

■l'ai espéré aussi que le pieux devoir qui m'amenait à cette tribune, m'obtiendrait l'indulgence de mon auditoire.

C'est donc, mesdames et messieurs, pour raviver en nous tous le souvenir béni de nos martyrs politiques, et pour déposer mon mo- deste hommage, rehaussé par votre con- cours, sur leurs tombes, que j'ai écrit la vifl et la mort d'un des plus braves de ces bra- ves, d'un des meilleurs de ces bons, de Che- valier de Lorimier.

n.

François Marie Thomas Chevalier DE Lorimier naquit à St. Cuthbert, comté Je Berthier, le 2() décembre 1803.

Après avoir fait un cours d'études classi- ques. De Lorimier commença sa.cléricature sous M. Pierr» Ritchot, notaire, en 1824. Dans les abords de la profession, il rencontra les aridités légales que tous les étudiants en droits savent par cœur, mais qui n'ôteot pas à celte portion de la vie le charme qu'y répandent la jeunesse et Pespérance. Ca- ractère ferme et droit, nature loyale et pure, iisut éviter les amolissemens, les oublis du devoir, les désordres qui souillent ou gaspil- lent que trop de jeunes intelligences et de nobles cœurs. Il ne fut pas de ceux pour qui le séjour des villes est malsain et qui voient leurs facultés qu'auraient rigoureuse- ment développé la solitude, la niéditation,

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la vie austère des champs, se rétrécir, so rapetisser, se fermer à l'ardent contact des influences urbaines. Il sut résister aux en- traîntmens d'une exubérante jeunesse et se préparer Aérieusenient, énergiquenient aux devoirs de la vie.

Admis notaire en août 1829, De Lorimier apporta dans Pexercice de sa profession une haute probité, des lumières, de l'assiduité et un jugement solide. Fidèle aux lois de la reconnaissance et de l'amitié, il rendit plus tard d'iinportans services à la famille de celui dont i! avait été d'abord lu clerc, puis l'associé.

En 1832, il épousa la fille de J. M. Ca- dieux, notaire ; la compagne de son choix, qui le .pleure depuis 17 ans dans le deuil et le veuvage, était digne de lui aider à sup- porter les terribles douleurs que lui préparait la Providence.

Comme tous les hommes qui aiment leur pajs, non avec la langueur et la molle insou- ciance d'un asiatique, mais avec l'ardeur des cœurs jeunes et enthousiustes, De Lori- mier se mêla de bonne heure de politique et d'affaires publiques.

La race canadienne française n'était pas alors divisée en deux camps comme elle l'est malheureusement aujourd'hui. A la voix puissante d'un illustre tribun, nous étions unis sur le même terrain, dans \iy même cause ; nous marchions avec un admirable accord vers le même but. T^ous faisions ensemble les luttes du forum ; un seul dra- peau ombrageait nos rangs ; les victoires et les défaites étaient communes, toutes les âmes, toutes les voix françaises à l'unisson acclamaient les unes ou déploraient les autres.

Cjuelques traîtres à l'ambition perverse ou au courage défaillant avaient seuls, à diffé- rents intervalles,dèserté la phalange nationa- le ; mais ces désertions avaient été plus que compensées par l'adjonction importante des hommes d'élite de l'émigration irlandaise,tels queles Waller,lesTraceyetlesO'Callaghan. Nous avions reconnu les éminens services que nous rendraient ces hommes distingués en chargeant quelques-uns d'entr'eux de re- présonter au parlement des comtés cana- diens-français. Nous voulions aussi prou- ver à l'Angleterre que dans le malheur nous pouvions faire ce qu'elle n'osait pas dans sa puissance : se dépouiller des pré- jugés aveugles et violens et reconnaître le mérite, la vertu, l'intelligence partout ils se trouvaient : tout en maintenant les droits de nos compatriotes à la libre

existence, à la jouissance du lol, au gouTtr- nement de leurs affaires.

La politique d'alors si simple et en roèmt Irms si gtaiide pouvait se résumer eu deux mots : <' Liberté et nationalité." Nous de* mandions la liberté pour le Canada fran- çais ; puis nous élevant au-dessus de tout ressentiment quelque juste qu'il fut, nous la réclamions même pour ceux qui jouissaient de nos souffrances et qui foulaient aux pieds tout ce qu? nous aimions.

Aimant notre nationalité d'un amour qu'a- vait passionné plutôt qu'affaibli les persé- cutions et les malheurs, nous voulions qu'on en respectât l'existence comme une chose sacrée. Nous désirions les mêmes droits, le même respect pour les autres, voulant non proscrire mais vivre. Nous étions prêts à tendre la main de la fraternité à n'importe quelle race, qu'elle fut heureuse ou infortu- née, pourvu qu'elle n'attentât pas à nos droits et à nos libertés.

Hors de cette politique il n'y avait alors pour notre race que honte et ruine. La forme de la position a changé depuis, mais le fonds est resté le même. Notre salut et notre gloire veulent toujours et voudront toujours la permanence de notre nationalité,^ la possession de la liberté. Toutes nos luttes politiques pour n'être pas stériles ou nuisibles doivent avoir ce double but, proté- ger la nationalité française, étendre ou sau- ver la liberté. Si jamais nous voulons bri- ser l'union sainte qui les relie, si jamais nous voulons sauver l'une, la liberté, et rejeter l'autre, la nationalité ; nous les perdrons tou- tes deux. Dieu ne permettra jamais que nos compatriotes soient heureux et libres lors- qu'ils auront renié la langue, les lois, les mœurs, le sang que nous tenons de lui et de la France. La servitude et l'abaissement seront le deuil de notre nationalité. Morte, la génération parricide ne laissera qu'une mémoire ignominieuse et un héritage dévoré par l'étranger.

De Lorimier ne put donc hésiter, il em- biassa comme tous les hommes de patrio- tisme, la cause française et libérale. Il le fit avec tant d'ardeur que lors de l'élection du Dr. 'Irucey par le Quartier Ouest de Montréal, en 1832, il faillit être blessé et une balle brisa dans sa main son manche de parapluie, au moment Billet tombait mor- tellement frappé à quelques pas de lui. Oa sait qu'à la fin de cette élection, le 21 mal, trois Canadiens, ouvriers paisibles, furent tués par les troupes anglaises qui, avec une sauvage brutalité, tirèrent sur les citoyens.

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rlus tard dans une de ces assemblée*) on élections que la minorité tory troublait par la rioh>ncc, il fut assez grièvement blcii&û à la jnmbe.

De Lorimior fut fidùlu à un tri débui Dans la marclio du parti populaire vers dus mesures de plus en plus énergiques puiir te- nir l'attitude du pays à la hauteur de la ty- rannie croissante, on ne le compta jamais parmi les rrtiirdalaires, les patriotes tiiniiles. iSon patriotisme ardent était inaccessible aux faiblesses des cœurs pusillanimes, et il ignorait les prétextes et les détours dont certains hommes savent couvrir leur retraite du chemin du devoir.

Il prit une part active aux mouvemens politiques et aux assemblées publiques qui organisèrent la résistance pacifique aux em- piètemens croissants de nos persécuteurs. Il fut le secrétaire de la grande assemblée du comté de Montréal, tenue le 15 mai 1837, et de l'assemblée des citoyens de la ville de Montréal du 29 juin 1837. A la première de ces assemblées, un comité cen- tral de résistance fut nommé, qui choisit De Lorimier pour secrétaire. En cette qua- lité il fit preuve d'une vigilance et d'un dé- vouement remarquables. En un mot, ami de son pays, loin de fuir il recherchait avec avidité les occasions de le ser\ir. Prodi- guant volontiers son tems et ses labeur», il ne demandait ;ien en retour de ses sacrifices patriotiques que la satisfaction d'un devoir noblement accompli et la certitude d'un peu de bien fait à ses compatriotes. Sa grande àrae était inaccessibles à ses puérils acres de vanité qui font croire à certains hommes que leur moindre démarche politique sauve la patrie qu'une démarche «imblab'.e de la part d'un adversaire avait mis en danger la veille.

III.

La tourmente de novembre et décembre 1837 approchait. On commençait à en- tendre dans les campagnes les sinistres pré- ludes des insurrections et des orages. Comme un souffle ardent passait sur les âmes pour les exciter, sur les courages pour les aigui- ser ; un sombre enthousiasme brûluit toutes les poitrines. Partout, dans tous les foyers et dans tous les cercles, on parlait des inaU heurs de la patrie et des injustices de l'An- gleterre ; on s'enflammait à ces récits et on gémissait ensemble sur les tristesses du pré- sent et de l'avenir. L'exaspération générale était telle, que de nouvelles persécutions pouvaient amener un fatal recours au< armes.

: C'est ce que nos (yrons comprirent areo I une terrible sagacité. Par des mesures d'une illégalité évidente et d'une outrageante ty- ' raniiie, ils nous poussèrent i Tinsurrection. ! Le système adopté a ) début par le parti ' national avait été d'opposer à toutes les op- pressions une résistance pacifique et tût ou I tard efficace, " en tarissant, comme disait I une résolution adoptée par l'assemblée du comté de Montréal, la source du revenu ! que les mesures du ministère anglais avaient ' pour but de nous dérober."

Ce sage système qui nous donnait l'invin- : cible force de la modération, n'allait pas pour cela à nos oppresseurs qui redoublèrent I d'insolence pour nous pousser au désespoir et à l'insurrection. Notre situation était 1 telle, qu'un membre éminent du la chambre j des communes d'Angleterre s'était écrié eu i face des ministres : " Oui ! si rous préten- ' dez consommer votre œuvre d'iniquité, c'est I pour les Canadiens une obligation morale que de nous résister. Oui ! si le même sang coulait dans leurs veines que celui qui a pro- duit les Washington, les Franklin, les Jef- : ferson, ils vous chasseraient de leur pays, ! comme vous avez été justement chassés des anciennes colonies."

Poujsés au désespoir, les jeunes hommes, les tôtes ardentes voulurent prouver que le sang qui coulait dans les veines du Canada- français était digne, était capable de renoii- I vêler les drames héroïques qui avaient coni^ I mencé la grandeur de la nation américaine. Ce que les remontrances, la justice de la I cause n'avaient pu obtenir d'un pouvoir im- pitoyable, on essaya de le conquérir par la force des armes. On s'en remit aux hasards i de la guerre, on en appela à l'épée; lu tri- : bunc fut abandonnée pour le cjiamp de ba- 1 taille. '

I De Lorimier qui, comme je l'ai déjà dit, ! avait pris une part active dans l'organisation de la résistance pacifique, fut entraîné dans le parti de l'insurrection. Il se jeia résolu- ment dans les rangs de l'armée patriote. Il , était de ceux qui ne savent pas refuser une large part dans les périls de leur race, et qui sont à leur poste à l'heure de la lutte. Eloi- gné ds la carrière militaire par son carac- [ 1ère et ses habitudes, il se fit soldat par pa- ; triolisme.

V^ers le 15 novembre, De Lorimier se rendit dans le comté des Deux-Montagnes pour seconder Girod et Chénier dans les préparatifs d'insurrection.

Bientôt une immense rumeur de victoire traversant le pays, semant partout l'enthou-

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«la».mc et IV.spévance, vint apprendre aux patriotes des Deux-. Montagnes qu'à .St. Denis une poignée du brnrcs avait vaincu ie.i soldiits anglai». Mais durant totitc niltc épo'|uu les joies devaient être courtos et se llétrir bien vite, comme des fleurs d'un jonr, nu souHiu du malhci r; les lombes de- vaient être plus communes que lus tropiiées, les sanglots plus retentissants que les cris du victoire. A puiau les lauriers de St. Denis étaient ils posés au fiont de la patrie qu'il fallnil les entrelacer de ciôpes et do cou- ronnes le martyrs. Le mussiacre et l'incrn- d48 di; St. Charles, le sac de ?t. Denis njo'.iliiieul des pajjes funèbres au innityio- loge lie notiu race et de nouvelles douleurs à iiOh vieilles douluui.s.

Victorieux d'une insurrection sans orga- nisation, san« armes, soutenue seulement par la justice et le désespoir do cœurs braves et sans crainte les troupes britanniques su por- tèrent à St. Eustnche pour y écrasnr djtis le sang les durnères résistances des oppri- més. On les y attendit de pied ferme quoi- q le l'insuccès fût certain ; car on roulait que de la défaite de St. Éustache comme de la victoire de St. Denis l'honneur sortit sauf. Celle sulilime espérance ne fut pas déçue. Cliénier et ses compagnons s'ic- combùrent, Colborne triompha ; mais fde- puis ce jour-là et devant l'histoire, la défuito de Chénier est devenue son triomphe, et lo triomphe de Colborne est devenu son igno- minie. Le nom de l'un, honoré et béni vil dans le cœur du peuple, Panthéon des grands souvenirs; le nom de l'autre n'aj'ant pas même le vulgaire bonheur de l'oubli, reste à l'histoire nul ne le prononce avec respect tous le voient avec l'horreur qu'inspire U4ie tache de sang.

De Lorimier assista au combat d.i fît. Eustache. A la fin de la lutte, lai=>!i!,t 'on général et son ami accomplir son iioroï.jii" «lestiuée, il se réfugia à St. Benoit. Là. voyant l'inutilitA de nouveaux rlf^rts et vou- lant conserver à ses compatrioles un hn^* dont ils pourraient encore avoir besoin, il ré- solut de pa'ser aux Etats-Uni'^. Avec qiii:l- ques amis et à la faveur de dégniscmcnH, il pagna 'Trois Rivières, traversa le St. Fiau- rent et les towuships et arriva enfin aux frontiùies, 6j*ais6 de fatigue, de stratngèmes, du raar.!he et de privations. Souvent sur la route ils faillirent être reconnus et pri'* |>ar lus volontaires, et ne durent leur salut qu'à d'iogéuitiuses ruses et d'hospitaliers asiles. La pensée trouve, il me semble, un mélan- colique plaisir à suivre ces quelques hommes

I duni leur longue et pénible course à travera

leur patrie et à la compaier à |j fuite des

I Girondins dans le Midi de la France. Les

' uns et lus autres cherchaient à soustraire à

la mort des vies qu'enchantaient PafTection

de femmes chastes et belles et les douces

I jouis»ances d'heureux foyers.

De Lorimier se rendit à Montpellier,

Vermont. Sur la terre étrangère il dut

éprouver toutes les dures nécessités du l'ex*

I il, et gagner son pain quotidien par les plus

I rudes labeurs.

Ainsi le gouvernement anglais, ce gou- I vernement qui avait laissé mourir la Vendée 1 et In Polo^uo, pouvait dire à son pailemcnl: ; en parodiant lus paroles de L-ébastiani : " La paix régne en Caiiada."' I La paix régnait en effet en Canada, mais I c'était celte paix qui, enfant de la mort, pla- I ne dans les nimetièrcs. La paix régnait »ur des cadavres et des ruines, sur St. Charles et St. Eustache, sur les gémissements étouf- fés dans toutes les poitrines et sur les pleurs silencieusement versés au coin des foyers sur lus absens, aux portes dus prisons sur les captifs, à l'ombre des saules sur les morts. La paix régnait sur la race française, comme lu paix règne dans les forêts dont l'orago a brisé les rameaux, crevassé le sol, desséché et dispersé les feuilles.

L'élite des patriotes était en prison et en exil, Chenier et Perrault étaient dans l'é- ternité, la tribune était brisée, la voix de Papineau ne pouvait plus retentir, la cham- bre d'assrmbléc n'était plus qu'un grand souvenir, le cliquetis des fers était devenue la persuasive éloquence de l'autorité, la ter- reur était la loi, on volait paisiblement le trésor public en haut lieu, le patriotisme était un crime pour lequel on souffrait, la trahison érigée tout naturellement en vertu éir.it récompensée : " La paix régnait en Ca- nada."

Les soiilTiances des opprimés étaient poi- snantus. lu tiinmiihe des oppresseurs était iiisoliT.î, li^ sang avait r.oulé de quelques vei- ni 5 f.rriyai-i «, bien des femmes étaient en lioiul, bitii d^'s ( Mifants se trouvaient orphe- lins, Taguniu du la race Canadienne semblait commencer et la liberté n'attendait plus que les dernières heures de sa compagne pour quitter, comme autrefoisie drapeau de la France, une terre qui ne savait donner que l'hospitalité du sépulcre: " La paix régnait en Canada."

Les cachots regorgaient de captif!*, le chemin de l'exil était encombré de pros» dits, l'épéc qui avait combattu sur les jtlat-

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Ml d*Abnli»in et oui avait Taîncu à Ch&- teauguay et à St. Denii était briiée, ça et dana les campagoea il y avait des ruines fomantes et des mares de sang, enfin de tout ce que nova aimions il ne restait debout que la crois n'ombrageant que dips foyers déserts ou mornes ;> " La pais régnait eu Canadar"

IV.

Les proscrits sentaient se glisser dans laura ènies les tristesses de la nostalgie, et Pimpérieus besoin de revoir, au moins pour quelques jours, le ciel aimé de la patrie. En pensant à toutes leurs douleurs, à leur na- tionalité menacée, à tout ce que leurs compa- triotes souffraient pour avoir aimé la liberté, pour être restéa fidèles au souvenir et à la langue de la France, ils se sentaient au cœur une amertume profonde et un effrayant dé- air de lutte et de vengeance. Il leur sem- blait que le vaillant dévouement de qnelqucs braves pouvait tout accomplir, tout surmon' ter ; lorsqu'ils auraient devant eux la pers- pective de la patrie sauvée, de la liberté ci- catrisant de son souffle les pluies d'un de- mi-tiôcle, de la fin de l'exil et du malheur, et si le sort était contraire, la certitude de l'immortalité dans la ntort, d'nne gloire im- mense consolant et éclairant leurs tombus. Leur noble espoir fut déçu. Ils n'eurent ni le bonheur de sauver leur pays, ni la su- prême consolation d'un grand trépas.

La troupe qui envahit le pays sous le commandement du Dr. Robert Nelson, en ftvrier 1838, et dans laquelle servait De Lorimier avec le grade de Capitaine, était si faible, si peu discipliné, si dépourvue de tout, si peu soutenue qu'elle ne put opérer rien de sérieux, et dut se débander bien vite.

Les proscrits ne perdirent pourtant pas tout espoir, et l'on recommença bientôt à organiser une nouvelle invasion, qui devait être appuyée par une insurrection dans l'in- térieur. De Lorimier fut chargé d'aller préparer le soulèvement dans le comté des Deux-Montagnes.

Lors de la prise d'armes du 3 novembre 1838, il commandait à Beauharnais comme brigadier-général. Ayant reçu l'ordre de venir joindre, à Napierville, le corps princi- pal de l'armée patriote, DeLorimier s'y di rigea avec ses troupes et ses prisionniers. Il apprit en route que Colborne marchait vers cette partie du pays avec des forces consi- dérables, et que l'armée patriote incapable de soutenir la lutte, était dissoute et en fuite. Ne voulant pas exposer de braves gens à

une mort inutile et jugeant le «ttccéa impôt» sible, il donna A ses compagnons d'armet Tordre de chercher leur salut dans la fuite. Avec quelques-uns d'entr'eur, il essaya de gagner les Etats-Unis, mai» dans hi nuit do 12 novembre ils Airent attaqués près det frontières, et DeLorimier, séparé des siens, fut pris entre 1 et 2 heures du matin.

Les volontaires anglais incapables de corn» prendre le respect et les égards dus au cou- rage malheureux, insultèrent et garottèreni leur prisonnier, et le forcèrent de marcher 15 milles à pied. On le mit dans un humide cachot, au pain et à l'eau, à Napierville. Il y demeura jusqu'au 23 novembre, jour de sa translation à la prison de Montréal,

Cetie translation se fit sans incident et sans trouble. Notre population avait pris la doulou- reuse habitude de voir passer de tels cor- tèges, conduisant au cachot, peut-être à la mort, les meilleurs citoyens. Daas le mal- heur on elle était tombée, rien n'avait plua le triste privilège de l'éîonner. Toute l'a- mertume de son sort lui était connue, le» sinistres nouvelles d'arrestations, de persé- cutions, de défaites qui éclataient de temsà autre, comme des glas funèbres, ne feraient qu'assombrir encore les cœurs, que faire monter aux yeux quelques larmes, dont la source semblait devoir être épuisée tant elle avait coulée.

En entrant dans la prison de Montréal, en franchissant le seuil de la sombre de- meure qu'il ne devait quitter que pour la gibet et l'éternité, DeLorimier eut comme un pressentiment de son sort. Son cœur se serra, il lui sembla que la vie libre, le soleil lui disaient adieu, et plein d'une ineffable tris- tesse, il dit à ses compagnons de captivité qu'il n'espérait plus sortir de la prison le jetaient la tyrannie et le malheur des tems.

Le 8 janvier 1839, De Lorimier fut offi- ciellement notifié que son procès aurait lieu dans trois jours. Son attitude devant la cour martiale fut simple, digne et fière. Niant au préalable la compétence de l'ini- que tribunal, il se défendit ; mais toute dé- fense était inutile. Les juges militaires n'a- vaient pas été nommés pour la clémence et la justice ; ils étaient membres d'un tribunal de vengeance ; ils condamnèrent l'accusé k la peine de mort. De Lorimier écouta la sentence sans effroi comme il devait la subir sans faiblesse.

Cette triste nouvelle fut accueillie avec une joie féroce par tous les homme» qui, avides de se gorger du sang français, trou- vaient qu'il ne sortait pas assez vite et assez

I

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•boadMiNPtfel r.M raton, Noa rantmit qui, me»* tu fa!u dt ieur Nnglint triom- pb*, IranbUirat qu« la Providence ne nous auieitfct des fengenra, et que des nobles cceurs ùt moins rassuraient considéruble- incnt, s'épanouirent d'aise et de rage. Au eoniraire, les patriotes, les captifs, les pros« erits, notre race presque toute cnliôre qui vojait réehafnud après le champ de bataille dévorer ses fils, furent constirnés ; et uu iMoitnse sanglot décbira les poitrines ca- ■ndiennes.

Mais qu'étaient les afflictions de la patrie en cette circonstance, auprès de l'affliction de la famille, frappée plu» spécialement et plus inlimoment dans son chef T L'homme qui devait mourir en bérrs, n'avait su répan- dre, dans des tems plus heureux, que joie et bonheur autour de lui. Son cœur bon, af- fectueux, sensible n'avait Jamais contenu que des tendresses et de l'amitié. Il était de ceux qui, pour leur compagne, sèment la roule de la vie de fleurs en gardant pour eux les ronces, qui vident la coupe des dou- leurs plutôt que de la voir approcher des lèvres chéries. Ausfii comment dire le dé- sespoir de la femme à qui on allait enlever le compagnon de sa vie, le père de ses en- fans, la lumière, l'amour, l'espérance de son fojrer T La mort qui, arrive pour la plupart des hommes dans l'ombre et le mfstére, s'approche lentement à la faveur des vacil- lations et des répits de la maiddie, et qui avant de frapper laisse, pour ainsi dire, l'esprit s'habituer graduellement à son hideux as- pect, se présentait dans sa désolante certi- tude dénuée'd'espéronce et de masque. La victime ét&it marquée pour le sacrifice ; l'heure fatale était fixée. L'abime était ouvert, et cet abîme nos oppresseurs ne le fermaient jamais... En face de ces épreuves, les cœurs ne pouvaient que se fermer à l'es- pérance et s'ensevelir dans les larmes et dans la prière.

De Lorimier le cœur briné, car il p»t triste de quitter ce monde lorsqu'on y laisse une jeunesse inachevée, de douces amitiés, d'heureux liens brisés trop t6t ; De Lori- inier, dis-je, se roidissant contre la douleur, essayait de consoler sa femme et ses amis. On lui parlait de son supplice ; d'une voix inspirée et affectueuse il parlait d'immorta- lité et de gloire. Madame De Lorimier, dans l'ejialtation de ses peines, s'écria qu'il allait avoir une mort cruelle et ignominieuse, il lui répondit avec uhe douce sérénité : *< Ma mort sera cruelle, ma chère Henriette, mais elle m sera pas ignominieuse. Oiterte

en hotoeousta i mon pajri «t à la liberté, le contact du gibet ne pourra la souiller. La défhonneur attaché au trépas sur l'échafaud, n'atteint pas les victimes d'une pareille MUse. La mort des Duquelle, des Cardi- nal, des Lount, des Math«ws est plus hono- rable quH la vie d'esclave sous un gouverne» ment despotique."

Il se préparait à la mort par les prière» et les pratiques religieuses qui adoucissent pour le catholique, le pa»kuge de ce monde à l'éternité. L'impiété sarrilége qui assom* brit, souille et désole le rhevel de trop des grands moribonds des tems modernes, était absente de la pensée et du cœur de nos patriotes. La foi ajoutait sa suprême béné» diction aux bénédictions de la patrie et de la liberté. En mourant pour des choses humoines, ils n'oubliaient pas celui sans le« quel le bien ne serait qu'une sublime chimè- re, la vertu qu'une erreur splendide. C'était au pied de la croix, dans la contemplation recueillie du drame divin du Golgoiha, qu'ils se préparaient à mourir en héros et en mar- tyr, sans crainte et sans faute.

V.

Dans les loisirs de la prison, De Lorimier écrivait des lettres à su femme, à ses amis, à ses compatriotes. Ces lettres sont tou- chantes et 'ristes comme le murmure qu'ar- rache le vent d'automne à la feuille qui tombe, comme les bruits du soir dans les mausolées, comme la dernière plainte de la vague se brisant au rivage. On y sent pal- piter un noble cœur qui va se briser, couler des pleurs sur les têtes chagrines d'enfaus chéris et sur la poitrine sanglotante de la femme aimée ; on y sent frémir et écldter tous les sentiroens qui bonor«nt les cœur» mourans. Ces adieux écrilAj aux dernières lueurs de la vi3 tt aux premières lueurs de réternité, pénètrent l'àme d'une mélancolie profonde et d'un funèbre enlhousia^tme.

A son frère il f crit : " Il m'est doulou- reux de laisser ma patrie encore dans les chaînes et ma famille dans l'infortune ; quoi- qu'il en soit, il faut que je meurs ; mais je meurs courageux, ferme et calme."

A un ami il dit : " Je ne regretterais pas la vie si je n'avais m femme, ni enfans, ni amis, ni patrie " ; à nn autre il recommande de se rappeler qu'il est mort sur l'échafaud pour ron poys.

Les derniers adieux de M. De Lorimier à la compagne dévouée de sa vie sont déchi- rons : " Des assassins avides de sang vien- nent in'urracher de tes bias, ils ne pourront

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jamais uffucer tni mémoire de ton cœur ; j'en ai la couviction. Ils viennent t'arracher Ion soutien et ton protecteur, ^linsi que celui (le met cliers entaus. La Providence et les amis de la putrio y pourvoiront. Ils '•a m'ont pas seulement donné le tems de voir mes deux chères petites filles,pour les ser- rer coiitie mon cœur paternel, et leur donner un dernier adieu, lis m^ont ;>rivé de voir mon bon vieux père, mes frères et sœurs, pour leur faire mes adieux ! Ah cruelle pen- sée ! Cependant je leur pardonne de tout

mon cœur Tu as reçu hier nu !>oir

mes derniers einbrasscinens et mes derniers ndieux : cependant du fonds de mon froid, humide et solitaire cachot, entouré de tous les appnreils de la mut, je te fais mon der- nier, oui, mon dernier adieu. Ton époux, tendre et chéii, enchaîné comme un meur- trier, ses bras à la veille d'être liés, le sou- haite, ma chère Henriette, le bonheur, si jamais ton cœur abimé de douleur, puisse le ((oûter. Sois heureuse, ma chère et mal- iieureiise épouse, ain^'i que mes chtrs petits enfans ; c'est le vœu le plus ardent de mon âme."

Craignant que des ennemis ignorant jus- qu'au respect au malb>;ur, ne lui attri- buassent des opinions et des sentimens étran- gers à son cœur et à sa pensée, il en fit une déclaration publique à ses compatriotes. Cette déclaration \Av\nQ d'une grandeur et d'uiie éiévalion antiques, se termii.e par ces mots : " (juant à vous, mes coni|)atriotes, puisse mou exécuLinn et celle de mes roui- pagnons d'infortune vous être utile. Je n'ai plus que quelques heures à vivre, mais j'ai voulu partager mon teins entre mes devoirs religieux et mes devoirs envers mes compa- triotes. Pour eux je meurs sur le gibet, de In mort infàmc du meurtrier ; pour eux je me sépare de mes jeunes enfans, de mon épouse chérie, sans autre appui que mon in- dustrie ; et pour eux je meurs en m'écriiint : Vire la liberté I V^ive rindcpeiidance ! "

Ces mots d'indépenJance cl de liberté qu'articulaient les lèvres mourantes de De- Lorimier, sont eotnme un éeho de la c'ameur qui partie des gorf^es des Therinophj'les et du forum iiomain, a traversé les siècles se mêlant aux grandes choses, *t a relenti sur les champs de bataill« de rilnrope, dans les tiibuues du Nouveau Monde et jnsijue sur nos èrhafauils. C'est le cri il'es|>t;raiiee des nations en détresse, c'est l'hymne des grands triomphes pn|iulairei:i. C'est la protesl.itinn dfs victimes rontiu les Iwin-ieaux, de reux ijui mciiiei.i dans la gloire coude n ux qui

I vivent dans l'iniqitité, des Vergniand contre ; les Robespierre, des De Lorimier contre lei ! Colborne. Inscrivons ces mots sur nos dra- j peaux, pour qu'en s'inclinant ils tes mêlent à I II poussière de nos compatriotes morts, et I qu'en se relevant ils les portent tièrement i dans les airs ! Qu'ils retentissent dans les I fêles de notre race, dans les funérailles ou

les triomphes de nos libertés, comme un ; adi^ nu passé et comme un salut à l'avenir. j La veille de l'exécution, les captifs don- I nèrent à De Lorimier et llindelang, un sou- I per d'adieu en imitation du dernier banquet

; des Giiondins. Â la fin du repas, De Lo-

I rimier d'une voix profondément émue porta

le toast suivant : " A mon pays ! Puisse-t-il

: ne jamais oublier que des braves ont sacn-

llé pour lui '"ur vie sur l'échufuud. J'ai

vécu patiiote, je meurs patriote." Le mo-

; incit était trop solennel et l'espace de tems

\ q"i le séparait de l'éternité était trop court,

' pour lui permettre de les gaspiller en vains

i discours. Il ft.t bref, grave, ému, éloquent.

' L'ombre lie la prison et de l'échafaud, le

deuil de sa famille et de sa patrie se proje<

I taient, pour ainsi dire, sur ses paroles et les

j rendaient sombres et funèbres. De tems à

autre cependant, refoulant dan» son cœur avec

un suprême courage toute tristesse et tout

atendrissement, il parlait avec enthousiafime

' de l'avenir de son pays, le déroulait comme

\ une suite et une compensation du présent,

beau, ma5;ique, éblouissont, embelli par

Dieu, ctincelant de grandeur et de liberlt.

, I! prophétisait la venue des jours du soleil

après les jours d'orage, du printemjis après

Ihiver, du calme après l'épreuve. Au bout

; du sentier d'itifortunns dont il allait franchir

i ia dernière étape, il montrait pour lui 1 1

pour ses compatriotes un monde meilleur, un I champ de repos, un oasis. Après avoir dé- ; ploré les malheurs de sa famille désolée, ' de sa patrie insultée comme une m^^ndiante, : foulée aux pieds eotnme une esclave, de ses

amis prisonnier»; proscrits ou morts, il eut I encore la force de prédire à tous ce qu'il ! avait rêvé pour eux, aux jours d'tspoir et de bonheur.

llindelang, jeune français, le Lafayette mallieuicux de notre hitoire, prit ensuite la j parole : " Ma voix s'altè'e, «-hcrs ami«, dif-il, quant' je me représente vos inlortunes nsi- ' [jonales, et mon cœur se bii?e à la pensée de l'aQliction ti>; ma vieille mère en appre- nant ma mort dans un pays étranger, lur l'é- chafaud et par les mains d'Anglais impiloy- nbles. Que Dicn lui piète force et courage ! Qu'un de vous lui étiive ccinbien j'ai ♦'»«

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ferme et lésignè dans mon «uit niulliuurcux. Dites-lui que je suis mort comme un Fran- çais. Avant i!e fiuir, lai&sez-moi vous dire que la liberté de votre malheureuse pairie ne peut ôtre achetée trop cher, et que pour tsacause je fais de bon cœur le sacrifice dn ma vie."

blancH, voUins du sépulcre, et des jeunctf hommes à quelques années de Tenfance san- glot taient ensemble. Tous le» fronts ridés ou hautains pliaient vers la terie, écrasés sous le désespoir. Il sembla que de ces poitrines dévorées par lei chagrin, allait sortir un cri formidable qui teirilierait 1rs tyrans S^adressant ensui'e à ses compagnons de j dans leurs palais et qui irait dans les chau- supplice, il s'écria : " Dem'in est le jour de i inières mettre le feu au cœur, les armes aux doulciirs, non pour nous, mais pour nos amis J bias des débris de notre race. On sie tut Vos noms et le mien seront gravés en lettres I pourtant, car le soi de Tinsurrection avait d'or sur Tautel delà liberté. Je porte le | déjà trop bu de sang innocent. Les pri- toast suivant : "Au Canada : Je ne regrette ' sonniers mornes et abuttU!i,Dn Lorimier triste pas nia vie, si t<i peux un jour être arraché mais ferme, llindeulang insouciant et gai en à la lyrannie de TAngitituire. CVs^t lu vœu apparence, se serrèrent une dernière fois les «incùre de celui qui mourra pour toi demain. | inuins, et on se sépara. C'étaient les pré- Un teins viendra dans leurs fôtes tet. en- : ludes du drame. < fans se rappelleront que Charles Ilinde- lang, un étranger, fut martyr pour eux et Tictime de la haine britannique."

Lus prisonniers jeunes et vitux pleurèrent à ces paroles touchantes. C'était en etTut

VL

L'aurore du 15 février 1839 parut à l'Iio- rison, morne et triste pour tous les cœurs un spectacle navrant que de voir ce jeune ; canadiens. Ses rayons en descendant sur les étranger, brave et chevaleresque, Aenu de si < villes et les campagnes, en se glissant, mes- loin pour sacrifier à notre cause, sa vie avant j sagers et hérauits de la mort, à travers les

son crépuscule, sa jeunesse a»ant s& :natu rké, son bonheur avant sa plénitude, sa part de joies et d'atïeitions terrestres avant leur épuisement. Ils étaient heureux pourtant d'entendre comme la voix de la France se réveillant, après des années de silence, pour dire qu'elle avait encore de la sympathie

barreaux de la prison, n'éclairèrent que cons- ternation partout, hors les pâles sourires de quelques-uns des condamnés. On eût dit que i)ieu avait jeté un linceuil de plomb sur le pays tout entier, linceuil que dans leur rage des mains impies essayaient en vain de soulever. Il les écrasait ùe son poids, et

pour nous, et qu'elle voulait comme une j leurs rires motiraienl sans écho dans ses plis raère attendrie et lièi e de ses fils d'Ainé- profonds. Qu'i chaque anniversaire de ce rique, méldr sus larmes et son sang à nos jour, on voie (|uelque chose de ce spectacle ; larmes et à notre sang. Cette voix à cetle j que notre race se souvienne, qu'en deuil elle lieure solennelle et sous les murs sinistres . salue, comme nour le fesons ce soir, une des

de la prison, retentissait comme une belli queuse mélodii: d'un barde, pèlerin et guer- lier de la Normandie, venu de la vieille terre d'Europe pour consoler par ses chants, les d'auteurs de la Nouvelle-France. Il leur semblait à cos hommes, qu*un rayon de ce

dates les plus noires de notre martyrologe. De Loriiïiier vit sans pâlir les rayons de l'aurore venir donner, commK une caresse d'adieu, à son front qu'allait refroidir la mort. L'hoiniue, môme lorsqu'il est Fur le point lie quitter la vie aime à respirer les par-

soleil qu'on up|>elle la Fiance et dont les i fuins charmans qui s'échappent de tout ce brumes brilannit|ues nous cachaient la face ; qui est jeune et radieux, du printems, du «{ilouissante, \enait se repose.' sur leurs i matin et des berceaux, plaies et sur leurs soulVranccs pour en allé- 1 II était préparé aux événemens de la ger lu fardeau, pour les |>leurer, les bénir, journée. Il avait rendu à Dieu un compte les gloiifier. i lidèle de la vie qui lui avait été donnée, un

A travers to is ces entretiens et ces dis- prêtre l'avait absous; son âme était prête cours, l'heure dont rien no rnlenlit ni ne pour le voyage de l'éternité. Son attitude lÂte la iHnrcliti inSexible, avançait toujours, était ré>ignée, sou cœur ferme lorsque le et le moment fdtal de la séparation ttiiil geôlier entra dans sa cellule pour lui lier les airiké. Il fuliail lji-ser les condamnés con- . mains. Cela fait, on le conduisit vers ses sacrer le teins qu'il leur rc-lait, à une der- , compagnons de supplice, Nicolas, Daunais, nièie préparation aux évèuemens du lende- ! Nai bonne et llindeulang. En joignant ce muiu. Les adieux fuient |.leius de lai mes et ; dernier il s'écria : •' Courage, ce sera bien- de déchiremcns. Des viiiliards aux cheveux lt\t fait."' ii'héioïi|ue jeune homme réfon-

J!f

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dit : *' La ntort n'ett rien pour un Français qui la subit pour la cause de la liberté."

Le funèbre cortège étant com;)l«;t, on s'achemina vers Pécliafaud. A c6té des premières marches, on avait placé cinq cer- cueils sur chacun desquels on avait l'crit arec de la craie, le nom d'un des condamnés. C'étaient les sépultures et les épilapbes que leur avait préparées le bourreau. £n passant, aucune des victimes ne parut remar- quer, ces preuves sinistres de la prévoyance de l'autorité.

Farv<>nus sur la platcForme, les condamnés purent contempler à la fois, la foule silencieu- se qu'avaient attiré les séduisante, perspecti- ves d'un horrible spectacle, le som>re don- jon où ils laissaient tant d'amis, un coin 'lu St. Laurent, derrier représentant de la p,\lrie bien-aimée. Triple apparition qui ne cessa qu'avec la pression de la main du prêtre, sous l'étreinte glacée du bourreau et de la mort.

Avant le moment fatal, llindeling s'avan- çant du côté de la foule, prononça quelques paroles, qu'il couronna du cri de " ^^ive la Liberté."

De Lorimier sourit et approuva de la tête.

Le supplice commença. Fendant son terrible accomplissement, l'in- térieur de la prison présentait un émouvant et solennel spectu'le. Les captifs réunis^u centre de leurs quartiers étaient agenouillés, le front penché, le cœur saignant et la pen- sée élevée vers Dieu, comme pour escoi fer aus célestes demeures, les âmes de leurs amis roourans. il fesait sombre, les fenêtres ne laissaient pénétrer qu'uue lumière terne et sans éclat ; les figures étaient pâles, de cette pileur que jette sur les traits de l'homme lo passaf^e des grandes aillictions. Un vieillard aux cheveux blancs, disait la prière des morts, le De profil ndis ; toutes les luvres murmu- raient les lugubres et sublimes paroles du psaume sacré, pendant que de tous les yeux coulaient silencieusement des larmes. Ces voix pieuses, ces sanglots, cette assemblée en ce lieu rappelaient les catacombes et les premiers chrétiens priant sur les corps muti- lés de leurs irères martyrs.

La ftule présentait un sper^tacle bien diffé- rent. i::^lle était pleine d'agitation et de trouble. La pilié ou les remords déchiraient toutes les consciences, pâlissaient toutes les figures. On suivait avec une effrayante émo- tion les péripéties de l'exécution, et de temps à autro des Itommes s'évanouissaient.

La bourreau fit son œuvre. La mort itendit son suaire sur ces cinq vaillans hom-

mes ; leurs généreux coeurt cessèrent it baltie, tandis que le deuil et la gloire con>* meiiçuient a veiller sur leurs corps inaninéa et que cinq crêpes funèbres ceignaient le front meurtri de la patrie.

De Chevalier de Lorimier ri ne restait plus sur la terre qu'un corps inerte ?t une mémoire impérissable. L'un pouvait tom- ber en poussière, l'autre sous la garde de l'histoire était immortelle. L'oubli ne peut être le salaire de tant de vertus et de cou- rage, de dévouement et de patriotisme y Dieu leur donne haut d'éternelles récom- penses, ici-bas d'éternels souvenirs. Il pose au front des martyrs, comme de Lorimier, des couronnes que les puissans ne peuvent briser. La tyrannie avait eu le pouvoir d'oe- vrir l'éternité à notre compatriote, mais elfe n'avait pas celui de lui fermer le ciel et les cœurs des hommes de bien.

Mort il léguait à sa famille désolée, un nom honorable et pur, titre de noblesse Dien plus solide que les blasons des patri- ciens ; à sa patrie un nom et des actes qui transmis de génération en génération, com- me des traditions nationales, ne cesseront d'être honorés q<ie lorsque sur ce sol, à la fumée des usines, on aura perdu jusqu'au sentiment des grandes choses.

VIL

L'homme de bien en mourant martyr, une grande époque en sombrant dans une catas- trophe comme un vaisseau dévoré par l'in- cenilie, laissent à leur pays avec des regrets et des débris, un héritage de traditions et de principes.

Trois seiitimens principauux ont animé la vie de De Lorimier, et couvèient de leur égide l'époque qui s't teignit avec lui dans le sang ; la fidélité à la foi de nos pères, le dé- voiitnient à la nationalité française, l'amour de la liberté.

Catholiques, ce fut sous la protection de la croix qu'ils placèrent leurs berceaux et leurs foyers, leurs œuvres et leurs tombes. Ca- nadiens français, ils s'attaihérent à la cause de leur nationalité, la protégèrent au milieu de tous les perds ; persécutés et décimés, ils la servirent encore et leurs derniers efforts, leurs derniers vœux furent pour elle. Amis de la liberté, ils en profes èrent le culte lors- qu'elle ne pouvait plus avoir d'autels que dan» les prisons et sur les gibets, et courtisans su- blimes, leurs regrets lui firent cortège dans son exil passager.

Llejetterons-nous ces principes pour en adopter d'autres î Refusurons-nous ce< piem

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legs pour ftccepter les doos funeslea de l'é- traoger 1 Abandonnerons-nous la route par- courue et tracée par nos pères pour prendre cellen idiquée par Pennemi ?

Deptiiâ que celte ter^e a été conquise à U civilisation, elle a été catholique. I<j sang chrétien qui y coula, il jr a deux siècles, lui donna ce glorieux privilège, elle Ta con- servé, (les orages ont passé sur elle, mais ils n^ont pu déraciner la vieille crois. Toutes les générations en entrant dans la vie ou dans Tétei-nite, ont défilé à ses pieds. Nulle n'est entrée sans son secours, nulle n'esit sor- tie sans ses adieux.

Cesserons-nous de présenter ce sublime spectacle ] Fuirons-nous le sentier chrétien, bordé de grands souvenirs ^t dunt la pous- sière est !a cendre de nos aïeux ? Le sym- bole que les tempêtes n'ont pu briser, sera- t-il ébranlé et insulté par les fils de ceux <)«ii l'ont protégé 1 Le inulilera-t-on par lâ- rlieté ou par trahison ? Aurons-nous honte d'être catholiques dans notre vie privée et publique, dans nos associations et nos jour- naux, parce qu'il y en a qui trouvent qu'a- voir des principes religieux, c'est être fana- tique, que les professer en face du tous c'est être intolérant ; parce qu'il y en a qui veu- lent qu'on taise sa foi en certaines circons- tances, pour plaire i ceux qui n'en ont pas ou qui en ont une autre }

Il est peu de voix canadiennes qui ôsc- faieat r<r^pondre " oui," à des questions ainsi Aettement formulées ; mais prenons garde par notre inaction et nos com|ilais;)nces d'en augmenter le nombre. Les bonnes causes flo triomphent que par des amis vigilans, elles ne s'affaiblissent que par la faute des tièdes Amis. Que Dieu nous garde d'être pour la cause catholique ces tiéiies amis !

Durant un dtimi-^iècle, le gouvernement britannique a versé Kur ce sol ses richesses «t ses valets, il a employé corruption et vio- lence pour eu bannir la liberté. Mais le succès qui ailleurs ét»it lidéle à sa voix, lui a fait défaut ici. La liberté traquée sans relâche n'a pas péri cependant. Illustre fugitive, elle a trouvé refuge dans les rangs des vaincus de 1760. Les Canadiens, dont la destinée a été d'être les martyrs et les soldats des meilleures cars^^s, l'ont protégée et défendue. Ils ont combattu ses ennemis, partagé ses disigiâces, assuré ses triomphes. Cette généreuse complicité leur a attiré cette tyrannie et ces dénis de justice, a pro- voqué cette énergique résistance, dont le ré- cit forme une des pages les plus dramatiques d* Pèpnpée française.

Si aujojrd'buî il y a de la liberté dans ce pays, s'il n'est pas devenu une terre de ser- vitude, un tache au front radieux de l'Amé- rique ; c'fcst i nous qu'on le doit. C'est nous qui avons porté le poids de la lutte, c'est à nous qu'appartiennent les lauriers de la victoire mouillés des larmes, teints du sang de nos pères. Rappelons quelquefois à nos détracteurs qui nous reprochent notre pauvreté et nos chaumières, que le tems qu'ils ont passé i faire fortune nous l'avons employé à de plus rudes et de plus patrio- tiques travaux, à la conquête de la liberté. Nos chaumières qu'ils méprisent ont donné l'hospitalité à cette liberté, lorsque les de- meures des puissans lui étaient fermées ! Pendant qu'ils entassaient des écus et qu'on s'occupait an pouvoir à nous voler nos épar- gnes, nous jetions au milieu des périls les bases de l'édiAcc qui nous recouvre tous maintenant et qui demain agrandi abritera l'avenir. Demandons leur, s'ils trouveraient juste de reprocher au guerrier appauvri par le service de la patrie, ses haillons et ses blessures, de comparer avec dédain son ho- norable misère au faste éclatant des riches!

Rougirons-nous de continuer ces œuvres t Cesserons-nous d'aimer la liberté parce qu'en passant à travers les passions humai- nes elle est susceptible de «e souiller, parce qu'en touchant la terre elle pose parfois ses pieds dans la boue, parce qu'elle n'échappe pas plus que l'autorité aux atteintes dfis abusl

Aimons-la plutôt et en l'aimant serrons- la. L'ennemi de la liberté dans cette portloa du siècle, ce n'est pas seulement le despotis- me, c'est aussi la licence. Il faut se prému- nir à la fois contre les agressions de l'une et les entraîneinens de l'autre. Présentons le spectacle d'une race aimant la liberté, sans exagération, la pratiquant sans excès, se protégeant à la fois contre les attaques de l'étranger et contre ses propres eutraîne- mens. Ce ne serait pas la servir que de la lancer à la suite de théorie aventureuses i la poursuite d'une perfection chimérique, que de la poser en antagoniste constant arec l'autorité dont elle ne doit être dans une so- ciété démocratique que l'alliée et le contre- poids. Ce serait au contraire la serrir que de lui faire éviter les voies inconnaes et ha- sardées, que de lui frayer des voien droites et sures, que de lu idonner pour base dans l'âme des citoyens la pratique du devoir, la modération et le respect du droit.

En même temps que cette terre était faîte catholique, elle était faite française ; taïUlii

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que fa foi chrétienne tn firrnait possession, la race frutiçaisu l'adoptait comme une he- conde patrie cr66e à sa taille tt'lle que la première, la rieille (raiile. Ce coin inconnu tle TAmérique t;tait ain^i honoré d'un double dépôt que pouvaient lui envier les peuj le» tes plus fortunés du inonde. j

Comme la croix, la race française restai debout malgré la barbarie, malgré Topines- j sion. V'aincue Mir les champs de bataille par ! le nombre, persécutée au forum, elle sse re- leva toujours de ses chutes plus trançaise i que jamais. La fortune put trahir son cou- : rage, mais jamais dénationaliser son âme. llien n'en put effacer l'empreinte de la ; France. j

Sera-ce après tant de luttes et d'épreu- ve», qu'on viendrait proposer à cette race le suicide, l'abdication f Comment! ce qu'elle n'a pas fait, lorsqu'elle n'avait que G0,000 ; enfans, elle le ferait maintenant qu'elle en a ] près d'un million ; ce qu'elle n'a pas voulu , faire au commencement du combat, en face d'un insuccès probable, elle le ferait lorsque les plus rudes jonrnées sont passées, lorsque | l'ennemi est divi'té ? Elle détruirait tout- à coup, l'œuvre consolidé par plus de deux siècles passés dans la lutte, sur le champ de bataille d'abord, puis nu forum ? Une gêné- ', ration dans son orgueil prendrait la respon- sabdité, s'arrogerait le droit de bouleverser ' tout ce qu'on a fuit avant elle, et ce qui a coûté plus de saug qu'elle n'en a dans les , veines, et ce qui a requis plus de dévouement au bien public qu'elle n'en aura jamais? On sacrifierait à une utO|>ic, le passé et l'avenir ; de notre race, on insulterait l'un et on fer- , ineraii l'autre ] Aux générations écoulées, aux gér.ératioi.s qui dorment dans le sëpui- 1 cre de l'histoire, on dirait : " Votre sang a été gaspillé et il n'a fécondé que l'erreur, vos : labeurs ont été vains et ils n'ont fondé que sur le sable, vous êtes restés Français et vous auriez devenir Anglais loisqu'en '. 17()3 c'était chose si facile; la France serait oublié, le Canada &eiail prospère et nous n'aurions pas le trouble de détruire votre : œuvre." Aux générations naissantes on di- rait: " Oubliez votre origine, si elle fut fran- çaise c'est la faute de vos aïeux et non la ; nôtre ; changez de langue, elle n'est bonne , que pour la poésie et l't^loquence et il vous ; faut parler affaire ; n'aimez au-delà des mers que l'Angleterre, c'est le pays des écus ; sojez Anglais ou Américains, l'ancienne | Chambre d'Assemblée, nos murtyrs, ne le voulaient pas, mais ils étaient aveuglés par de bieji piteux préjugés ! "

Ma» encore à quoi sacrifier cette existcft-' ce sacrée i A quoi 'l A des craintes chimé- riques, à des ombres.

Dira t-on pour nous pousser au suicide, que nous devons nous détruire jiour éviter les luîtes de race, des luttes qui n'existent pas encore, mais qu'on prévoit avec une mer- veilleuse aptitude? Mais est-ce que réliés par la fraternité des peuples divers ne peu- vent pas vivre sans s'enlredéchirer sur un même sol, comme ils virent sur un môme con- tinent] Est-ce que l'état de chose possible dans un grand espace est impossible dans un petit ? C\'A une question de géographie alors et elle se résout en notre faveur, car notre pays est immense et il y a place pour tous. Est-ce ([ue notre paisible existence, nos mœurs douces, notre langée harmonieu- se, notre foi sainte sont des insultts pou? les autres races î Est-ce que chacun ne peut pas régler comme il veut son intérieur, d'abord qu'il se soumet aux lois générales? Si, pour sitlisfaire les exigences fusioniiistes, il faut détruire tout ce qu'empêche la société d'û- tre une communauté sans classification et sans fractions, il faut alors détruire la famille, source des races, car elle perpétue des dé- marcations entre les citoyens, elle nuit à l'u- niforniité !

Diia-t-on que la fuMon profitera au pays auquel les races nuisent ? Mais est-ce que par h isard, au moyen du inôine procédé qui fait lire dans l'avenir, ou aurait récemment dé- couvert que le bien fait à une race, n'était pas profitable an pays ? Pense-t-on q-ie ce que l'on fait pour l'un, n'est pas ressenti par l'autre ? Nie-t-on que la prospérité de celle- ci, contribue à la prorpérité de celui-là î

Si l'on essaie de détruire les races, de les fusionner, ça ne se fera pas sans déchire- mens et sans lenteurs, car enfin on n'oublie pas son origine, on ne change pas d'affec- tion, on ne lenie pas sa mère, sans combat et sans hésitation. La transformation sera lente, pénible. Le cœur est si tenace si peu pratique, il laisse si dilficilement partir les nobles sentiinens, les vieilles habitudes. On dirait que c'est une portion de lui-môini! qui s'en va. Fendant tout ce temps, et il sera long, souffrance générale, désarroi complet des esprits. La crise passée, com- bien d'années ne seront-elles pas employées, à éteindre les derniers restes de l'amour de la race et à y substituer l'amour exclusif de j la nationalité bigarrée et multicolore réceni- ; ment intronisée î Tous ces cœurs dont on ' aura brisé les affections qu'ils tenaient de leurs foyers et de Icins autels, pouriont-ils

Ml

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aiiiier encore î Iii»trui(ï de Uiir eirtiir pas- | des iiilùi^t:* tr.nniiuti!'. Pui sonne uu rotiJiu Bée, tlécouri«gës |iur cette découverte, de j commettre aujourd'hui des violriices et de^ peur de ec tromper encore, ne he fermeront- | injustices, que demain on pourrait lui rendre ils pas au nouveau palriotisine ? Toutes ces : avec usure, qui n'atteindraient >i!*^ jculemcut cendres du pa^sé, tout ce levain s'il on veut, ' une race, mais toutes les raccs,i)iais la socié'tè ne nuiront-ils pas à la croi^sunce du nouveau I toute entière intéressée à leur répression, venu 1 Toute celte p:MJt promise ne sera-l j Ce n'est ceites pas un système nouveau, elle pds troublée t Après avoir vendu notre | c'est le système conçu par nos pères, venus

patrie, manquerions-nous (te recevoir notre kalaire î

trop tôt pour le voir appliquer complète- ment. Depuis que la malveillance des autres

En supposant même que tout irait comme i races a cédé devant notre bon vouloir, il a par enchantement, que la fusion se ferait | porté des fruits abondans ; il en portera sans etforl et que la prospûnlé en résultant j bien plus encore, si les bons citoyens de serait éblouissante, qu'est-ce que noire race ! toutes les origines s''unissent pour le faire y aurait gagné 1 ilieu que la mort. Q>ie I prévaloir. lui sei virait alors toutes les richesses, tous Mais que les temps soient propices ou mau-

les trésors de la fusion 7

Kn supposai.t plus encore, en supposant

vais, que les jours qui nous sont comptés soient des jours de soleil ou d'orage, sachons

l'impossible, c'est-à-dire que nous puissions ; fuire notre devoir ! Qu'importe à quel prix être en état de profiter de ce bien-être fa- j s'évite la défaite 1 Qu'importe à quel prix on buleux, nous en laisserait-on prendre notre | achète quelques jour de plus pour notre nu- part ? Trop faibles pour nous faire I lionalitè ? Montcalm et De Lorimier, les craindre, serions-nous obéis? Les races i vaincus del759 et les martyrs de 1839 ont pour lesquelles nous nous serons sacrifiés, i donné leur sang, menagerions-nous nos la- n'oublieront-elles pas nos services? Soni-lbeurs?

ines-nous donc tellement habitués à voir les | Toute notre histoire, tout notre passé, la Anglais tenir leurs promesses, à écouter la \ voix de Papineau, la tombe de De Lorimier, reconnaissance que nous devrions sur des ba- 1 les mots de St. Lustache, nos malheurs ses aussi fragiles tout risquer pour tout pcr- et nos gloires, nous crient: " Nationalité."

are!

Ainsi la fusion en nous donnant la mort

Serions-nous sourds à ces appels 1 Ces fiers accens n'auraient- ils plus d'échos dans nos

et le déshonneur, pourrait nous refuser la j âmes dégénérées? misérable pitance que nous aurions con- Non, les générations actuelles ne seront Toitée. Triste politique qui nous det-honorc- , pas les meurtrières de notre nationalité ; rait sans nous enrichir, qui briserait notre I elles ne flétriront pas à la fois l'espérance cœur sans emplir notre bourse. Le chàti- 1 de l'avenir et le souvenir du passé ;elle n'o- tnent serait digne du forfait, et criminelle j teront pas à ceux qui viennent leur berceau, vulgaire, notre race n'aurait pas même ! à ceux qui ne sont plus leur tombeau ; elles l'horrible honneur d'un grand suplice, d'une ne creuseront pas de leurs mains la fosse de

bruyante ignominie

Ce que la fu<iou ne pourra jamais nous

la France d'Amérique.

Elles sauront comprendre que notre na-

donnor, nous le trouverons dans la fraternité tionalilè leur a été confiée comme un dé- des races, c'est-à-dire le bien-être dans une pût, qu'elles n'ont pas le droit d'en disposer paix honorable. Nous n'aurons pour cela et qu'elles doivent la remettre à l'avenir rien à sacrifier, il n'y aura de proscrits que agrandie ou intacte si c'est |i05sible, mais les préjugés. On n'aura pas à donner pour i dans tous les cas sans tache et sans souillure, base au salut des uns la destruction des au- S'il faut pour cela soulTrir et combattre, très. Notre sol aura des foyers j)Our tous, elles sauront supporter les soulfiances avec des tombeaux pour nul. A chaque race on fermeté, soutenir les luttes avec énergie, dira de conserver ses mœurs, sa langue, son Si lo devoir rein|)li notre race décline, existence distincte sans empiéter sur les c'est que Dieu le voudra, il n'y aura plus droits des autres, en concédant les mêmes ' qu'à prolonger Tagonie et au moment su- privilèges à tous. On étendra aux races les prèine à tomber, comme De i^oriniier, le lois qui régissent les citoyens: Voilà tout, cœur brisé, Tàme en deui', mais sans blas- Les droits de tous seront sous la sauvegarde , phêine et sans faiblesse.