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CIHM/ICMH Collection de microfiches.

Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microroproductions historiques

Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliogrephiques

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1

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3

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DISCOURS

SUR LE

reLiTioi

PRONONCÉ Par

M. MV^. LAURIER

DÉPUTÉ FÉDÉRAL

26 JUIN \QjJi A LA SALLE DE MUSIQUE

Sons les auspices du CLUB CANADIEN

QUEBFcl:

IMPKIMERK DE L'ÉVÉNEMENT

1877

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INTRODUCTION

Jamais, depuis les «T^rar.ds triomphes oratoires de M. Papineaii, oti n'avait vu un pareil auditoire, un public aussi intellin-ent. aussi cultivé et éclairé, se précipiter au devant d'un orateur venant lui parler de libertés politiques et lui exposer la vraie théorie du réprime constitutionnel, ce régime aux procurés succ<\ssifs, mùrem(»nt élaborés. lents et siîrs, expression raisonnée. ferme et pacifique de la marche d'un peuple vers des destinées meilleures.

Depuis de lonf^ues. oui. de bien lons^ues années, nous avions perdu l'habitude d'entendre un homme public parler d'autres choses que de ses adver- saires, des mérites de son parti, des crirnes de ceux qui lui font opposition, des mille petites chicanes qui sont la monnaie courante des discou- reurs. Il nous manquait la théorie le sens des principes constitutionnels, la thèse qui établit, qui démontre et qui élucide

En un seul jour M. Laurier s'est placé à la hauteur de l'homme d'état et nous a ramenés aux notions saines et viriles qui, d'âi>'e en âge se déve- loppant, ont fait du régime constitutionnel le modèle de tous les gouvernements

L'auditoire semblait avoir été cho^'si, tant il y avait de notabilités de tout genre se pressant, se disputant une place pour entendre le chef désor- mais accrédité des libéraux canadiens, pressentant l'immense portée de ses paroles et toutes prêtes à les recueillir comme la formule éloquente, comme le code précis, net et lumineux de nos institutions.

On était venu de toutes parts, de tous les dis- tricts environnants, et jusque de tSt. Hyacinthe et de Montréal, pour assister à cette fête unique dont le spectacle a été aussi imposant qu'instruc- tif. Les premiers hommes du pays, appartenant à la magistrature, au barreau, à toutes les profes- sions libérales, au commerce, à l'industrie, aux

n

métiers,— car il n'y avait pas d'exceptions pour ce que l'on considérait comme une grande démons- tration nationale —s'étaient donné rendez vous pour encombrer la salle M. Laurier faisait sa conférence et pour mêler leurs applaudissements, sans distinction-^ d'opinions, de partis ou de ten- dances.

Il y avait plus de deux mille personnes rassem- blées datis une salle qui en contient à peine douze cents dans les occasions les plus chères au public ; les gardiens des portes, envahis par un flot montant et grossissant sans cesse, avaient renoncé à recevoir les billets d'entrée ; la foule était trop nombreuse et trop avide pour attendre ; on ne pouvait pas la contenir ni la soumettre aux règlements ordinaires, il a fallu de bonne heure lui laisser libre cours et lui abandonner toutes les issues ; la grande porte centrale elle-même, tou- jours fermée, même dans les plus attrayantes circonstances, et qui ne mesure pas moins de vingt pieds de largeur, avait être laissée toute grande ouverte, et les gradins, qui mènent de cette porte au plancher de la salle, étaient littérale* ment inondés d'auditeurs qui se prêtaient appui pour tenir le plus profond silence, afin de ne rien perdre des paroles qu'ils venaient entendre.

Il y avait quelque chose de magnifique dans le spectacle de cett>3 foule attentive et en même temps enthousiasme, qui voulait applaudir à cha- que phrase de l'orateur et qui se contenait malgré elle, pour ne rien perdre de ce qu'il lui disait, de ce qu'il lui démontrait ; car le discours de M. Laurier a été une démonstration en même temps qu'une harangue ; il a été une exposition écla- tante et vivante de ce que sont les véritables prin- cipes libéraux, si méconnus, si dénaturés, si ca- lomniés, et que l'on vout assimiler en vain aux élucubrations funestes du libéralisme européen.

On peut dire que ce discours ouvre une ère nouvelle dans notre politique. Il l'affranchit des

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coteries de toutes les misérables petitesses qui constituent l'aliment quotidien des partis qui se disputent sur des ïiens ou pour des satisfactions passagères ; le libéralisme, envisagé à ce point de vue, devient une grande et féconde thèse qui le débarrasse des accusations vexatoires, et lui rend son action salutaire en même temps qu'il l'élève à hauteur d'une théorie sociale.

L'événement du 26 juin est pour nous surtout, canadiens français, un sujet d'orgueil et de su- perbe encouragement. On nous a erus jusqu'ici impropres à la vie parlementaire, et l'on a eu trop souvent raison, tant notre éducation est peu de nature à nous donner le tempérament n.^ct'ssaire, tant notre conduite dans les i irconstances poli- tiques trahit cette lacune de, l'éducation, et tant notre presse, presque uniquement occupée de querelles secondaires les personnes sont seules en cause, semble en avoir peu l'intelligence. Mais il ne faut pas confondre une certaine inexpé- rience avec de l'inaptitude, et les canadiens fran- çais ont démontré, dans la hoiroe désormais mé- morable du 26 juin, qu'ils pouvaient, tout aussi bien que leurs concitoyens d'origine anglaise, comprendre le jeu et saisir la portée des institu- tions représentatives, lorsqu'ils leur sont exposés avec la clarté, la méthode lumineuse, l'argumen- tation calme autant qu éloquente, en un mot avec le sens exact qu'a déploj'-és Mi Laurier dans tout le cours de sa conférence.

Cette conférence n'a pa'* été une simple plai- doierie en faveur d'un parti politique, comme on pouvait s'y attendre en toute justice, elle a été une définition d^s choses, des cnoses depuis si longtemps oubliées pour les mots, et nous a rame- nés par l'histoire, par l'exemple des libéraux de la Grande-Bretagne, et par l'aperçu de la marche pro- gressive des institutions, au sentiment des prin- cipes, guides indispensables dont nous contem- plons tristement le naufrage de plus en plus pro-

IV

tond dans les chicanes journalières do la vie pu* bli(|ue.

C'est de la r^^connaissance que ses compatriotes doivent maintcnajil à M. JL^aurier, après l'hommaîre éclatant qu'ils lui oiit rendu. Ils lui devront d*avoir soulaucé la conscience populaire d<^s acca* blantes doctrines qu'on veut lui imposer, et qui sont la né<>iition absolue de tout principe consti» tutionnel ; ils lui devront d'avoir ouvert une voie et montra la route à suivre, hienl'ait inestimable pour un peuple égaré dans toute espèce de brouil- lards, en proie à toutes les incertitudes ; ils lui devront enjin de les avoir rendus au sain amour du libéridisme, ce srlorieux et immortel penchant qui a été le salut des peuples et auquel s»'S adver- saires ont rendu hoinmage, dans tous les âges, par la conct^ssiou des réformes nécessaires et par la reconnaissance de droits populaires, longtemps combattus et désormais inaliénables

(Vent donc une sorte d'apostolat dont M. Lau- rier a jeté les premières semences dans la soirée du 26 juin. A nous d'en suivre avec un soin jaloux les développements et de les recueillir au temps de la moisson. A nous de marcher sans crainte et sans hésitation, " le front haut." comme dit l'ora- teur libéral, et avec l'orgueil de nos principes. Nous savons nous allons désormais ; nous n'allons pas aux cataclysmes révolutionnaires ; le libéralisme est dégagé de ses aspects farouches, de son caractère anti-social et anti-religieux, et il ne garde plus que sa physionomie véritable, celle de l'amour des libertés légitimes et nécessaires,^ des libertés progressives, qui résultent des con- ditions naturellrs du progrès, et non des brusques poussées en avant, que veulent imprimer des esprits dangereux.

Voilà la physionomie qu'a le libéralime cana- dien, celle que M. Laurier a indiquée, et celle que nous devrons à l'avenir savoir lui conserver.

Québec, n juin 187 T.

A M. Wii.niio LALRiEn, M. P.,

Arthabaskaville

MouKiour

J'ai l'hoiintnr de vous informer qn« les membres «lu Club < iina- vlien do (juébec, club fondé tlan» un but d'iustructiou politique, ont décidé, à lune de leur» séances, de vous prier de faire une confé- rence publiciue ù québcc sur le " Libéralisme politique".

Nous vivons dnns un temps les partis politiqtu « se font une <ruerrc a<:bnrnée, junorre do personnalités le plus souvent. Aussi leg membres du Club Canadien ont-ils cru qu'il serait oppoitun, dans l'intérêt du pays ( t du purti libéral, de vous inviter à jeter une nou- velle lumière sur les principes qui dirigent ce parti et It; but- que ses chefs ont en vue.

Espérant que vous répondrez favorablement à la demande de» membres du <'lub Canadien dont je suis l'interprète,

J'ai l'honneur d'être,

Monsieur, Votre très-humble et très-dévoué serviteur,

ACHILLE LaKTE, Président du " Club Cana^Men*

ArtliabaBkavi k-, 14 juin 187T.

M. AcuaiiB LaRub,

Président du Club Canadien,

Québec

*

Monsieur

J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre ni'invitant, an nom du Club Canadien, Ji faire une conférouco publique ù QîJtbeo, sur le " Libéralisme politique ".

Je me fais un devoir autant qu'un plaisir d'accepter vohe invita- hon, et, si. ce jour convient à votre Club, je Hserai dès maintenant le 26 courant, pour la date de cette conférence.

.l'ai l'honneur d'être.

Monsieur, Votre dévoué sei vit; ur,

WILFIUD LAURIER

LE LIBERALISME POLITIQUE

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»^-;t in?.

Mesdames et Messieurs,

Je ne saurais cacher .nie j'ai accei^t/î avec uu certiiin senti- ment do lilaisir l'offre ,iui ni^K^té laite do venir exposer <iuel- lés sent les doctrines du parti lib^nd, et ce que comporte ce mot de «libéralisme, " pour les lihérnux de la province de

Québec. .

Je dis que ce n'est pas sans nn^cortain sentiment de plaisir 'mie j'ai accepté ; mais j'aurais certainement refusé si je n'avais regardé qu'aux difficultés de la tâche, (.^pendant, si les difficultés de cette tAche sont nombreuses et délicates, d'uii 'autre caté, je suis tellement pénétré de l'importance qu'il y a pour le parti libéral de définir nettement sa position, devant l'opinion publique de la province, que cette considération a .été pour moi supérieure à toutes les autres. "^'' En effet, je ne me fais pas illusion sur la position du parti libéral dans la province de Québec, et je dis de suite qu'il y occupe une position fausse au point de vue de l'opinion pu- blique. Je sais qm-, pour un grand nombre de nos compatno- 'les, le pkrti libéral est ur parti composé d'hom...e3 à doctrines perverses et à tendances dangereuses, marchant sciemment et <lélibérément à la révolution. Je sais que, pour une portion <le nos compatriotes, le parti libéral est un parti composé d'hommes à intp-^ions droites peut-ôtre, mais victimes et du- "pes de principes «ar lesquels ils sont conduite inconsciem- ment, mais fatalement, à la révolution. Je sais enfin que pour une autre partie, non pas la moins considérable peut-être de notre peuple, le libéralisme est une forme nouvelle du mal, une hérésie portant aveq elle sa propre conaamnation.

Je sais tout cela, et c'est parce que je le sais que j'ai ac- cepté de venir devant vous. Je n'ai pas l'outrecuidance de croire que rien de ce que je pourrai dire ici ce sioir, aura l'ef- fet de dissiper aucun des pn'jugcs qui existent aujourd'hui contre nous ; ma seule ambition est d'ouvrir la voie, comptant que la voie ouverte sera suivie par d'autres, et que l'œuvre commencée sera complètement achevée ; ma prétention ne va pas au delà. >

Et que personne ne dise que cette manifestation est inutile ou intempestive.

Il n'e&t ni inutile ni intempestif de combattre les préjugés qui se dressent partout entre nous et l'opinion publique ; il n'est ni inutile ni intempestif de définir nettement notre po- sition telle qu'elle est.

Il est \mi que nous avdhs été assez longtemps déjà devant l'opinion publique, pour qu'elle ait eu l'occtision de nous con- naître et de nous apprécier. Mais il est également vrai que si, comme toiit parti politique, nous avons eu nos ennemis, plus qu'aucun parti politique nous avons été attaqués. Des enne- mis que nous avons, les uns nous ont systématiquement déni- grés, les autres nous ont de bonne foi calomniés, I-es uns et les autres nous ont représentés comme professant des doctri- nes dont l'effet, prévu et calculé pour certains d'entre nous, non entrevu, mais fatal pour les autres, serait le bouleverse- ment de notre société, la révolution avec toutes ses horreurs. C'est pour répondre à ces accusations, pour définir notre posi- tion, que la démonstration de ce soir a été organisée par le Club Canadien.

D'après ma manière de voir, le inoyen le plus efficace, le seul moyeu de mettre à néant oos accusât' ns, de défendre nos idées et nos principes, c'est de les faire connaître. Oui, j'en suis convaincu, la seule exposition de nos principes en sera la meilleure comme la pins éloquente apologie.

Et quand nous nous serons fait connaître tels que nous sommet., quand nous aurons fait connaître nos principes tel» qu'ils sontj nous aurons, je crois, obtenu un double résultat.

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I^ premiar sera d'amener à nous tous les amis de la KLea**-, tous ceux qui, avant comme après 1837, ont travaillé îwwr MOUS obtenir le gouvernement responsable» le gouverneniflËl» du peuple par le peuple, et qui, cette forme de gouverneM«fc établie, se sont éloignés de nous, par crainte que nous nie lîi^ sions ce que l'on nous représentait, par ci-ainte que la résJu»- tioB des idées qu'on nous attribuait, n'amenât la destructào» du gùuverjùement qu'ils avaient eu tant de peine à étaWii:. TiC second résultat sera de forcer nos ennemis véritables, ww ceux qui au fond sont des ennemis plus ou moins déguisé* ♦!« la liberté, non plus à en appeler contre nous aux pr(yug«L'S «A à la peur, mais ù se présenter franchement comme nous «Sw- lant le peuple avec leurs idées et leurs actes.

Et quand la lutte se fera sur les pures questions de parti- cipes, quand les actes seront jugés d'aprc'S les peusc^îs »;pfe les inspirent, et les pensées d'après leur •valeur pvo"pf«>^r; quuiid on ne craindra plus d'accepter oe qui e^i bien ou en rejeter ce qui est mal, de peur qu'en acceptant ce qui est hwav, en. rejetant ce qui est mal, on ne rende trop fort un part* 4 doctrines perverses et à tendances dangereuses, il m'intpiMtft peu de quel côté sera alors la victoire. Quand je dis^jafBÎ m'importe peu de quel côté sera la victoire, je n'entends |i«k direquo je suis indifférent au résultat de la lutte. Je veiuciftBe ,ceci : si la lutte tourne contre nous, l'opinion exprimée met la libre expression du peuple; mais j'en ai la. couvidiom, un jour viendra nos idées, jetées en terre, germeront *dt porteront leurs fruits, si la semence en est saine et juste.

Oui, j'en ai la confiance, j'en ai la certitude, si nos Hess, sont justes comme je le crois, si nos idées sont une émaaaitwaE du vrai éternel et immuable, comme je le crois, «ffieis ne périront pas ; elles peuvent «Itre rejetées, honnies, iieïisets»- fées, mais un jour viendra on le« verra germer, le^«r«iL grandir, lorsque le soleil aura fait son œuvre, et suffisuraMfeaft préparé le terrain.

J'ai déjà signalé quelques-unes des accusations <itte n fait circuler contrenous, je reviendrai eicore sur ce sujet,'

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c'est le poiiit lo plus important. Toutes les accusations portées eontitî nous, toutes les objections à nos doctrines, peuvent se résuaner dans les propositions suivantes : lo. lo libéralisme est une foiine nouvelle de l'erreur, une héréssie déjà, virtuellement condamnée par le chef de Féglise ; 2o. un catholique ne peut pas être libéral.

Voilà ce que proclament nos adversaires. M. le président, tous ceux qui me font en ce moment l'honneur de ni'écouter me i\3ndront cette justice que je pose la question telle (qu'elle est, et que je n'exagère rien. Tous me rendixint cette justice que je reproduis fidèlement les reprocher qui nous sont tous les jours adressés. Tous admet- tront que c'est bien le langage de la presse conservatrice

Je sais que le libéralisme catholique a été condamné par lo chef de l'église. On me demandera : «pi'est-ce que le libéra- lisme catholique? 8ur ie seuil de cette question, je m'arrête. Cette question n'entre pas dans le cadre de mon sujet ; au surplus, elle n'est pas de ma compétence. Mais je sais et je dis que le libéralisme catliolique n'est pas le libéralisme politique. S'il était vrai que les censures ecclésiastiques por^ tées contre le libéralisme catholiquie, dussent s'appliquer m. libéralisme politique, ce fait constituerait jDour nous, français d'origine, catholiques de religion, un état de choses dont les conséquences seraient aussi ékiinges que douloureuses.

En effet, nous canadiens-français, nous sommes une race conquise, ("est une vérité tiiste à dire, mais enfin c'est la vé- rité. Mais si nous sommes une race conquise, nous avons aussi fait une conquête : la conquête de la liberté. Nous som- mes un peuple libre ; nous somioes Tine minorté, mais tous nos droits, tous nos privilèges nous sont conservés. Or, quelle est la cause qui nous vaut cette liberté ? C'est la constitution qui nous a été conquise pai nos pères, et dont nous jouissons aujoord'hui. Nous avons une constitution qui place le gon- vernement dans le suffrage '^es citoyens ; nous avons uûb constitution qui nous a été octroyée pour notr^ propre pffotec, tion. Nous n'avons pas plus de droits, noue n'avons pas pluB

de privilèges, mai» nous avons autant de droits, autant de privilèges que les autres populations qui compostent avec nous la faaaiille canadienne. Or, il ne faut pafi oublier que les au- tres membres de la famille canadienne sont partagés en deux partis : le parti libéral et le parti conservateur.

Maintenant, si nous qui sommes catholiques, nous n'avions pas le droit d'avoir nos préférences, si nous n'avions pas le droit d'appartenir au parti libéral, il arriverait de deux choses l'une : ou nous serions obligés de nous abstenir complète- ment de prendre part à la direction des affaires de l'état, et, alors, la constitution, cette constitution qui noijs a été oc- troyée pour nous protéger ne serait plus entre nos mains qu'une lettre morte ; ou nous serions obligés de prendre part îi la direction des affaires de l'état sous la direction et au profit du parti conservateur, et alors, notre action n'étant plus libre, la constitution ne serait encore entre nos mains qi une lettre Lfiorte, et nous aurions par surcroît l'ignominie de n'être plus, pour ceux des autres membres de la famille canadienne qui composent le parti conservateur, que des instruments et de» comparses.

Ces conséquences absurdes, mais dont personne ne pourrait contester la rigoureuse exactitude, ne montrent-elles pas jus- qu'à l'évidence à quel point est fausse l'assertion qu'un catholique no saurait appartenir au parti libéral 1

Puisque la Providence a réuni sur ce coin de terre des po- pulations difterentes d'origine et de religion, n'est-il pas iïianifeste que ces population-^ doivent avoir ensemble de.» intérêts communs et identiques, et que, sur tout ce qui tou- che à ses intérêts, chacun est libre de suivre soit le parti li- béral, soit le parti consei'vateur, suivant que sa conscience lui dicte de suivre iun ou l'autre parti ?

Pour moi, j'ap^^^artiens au parti libéral. Si c'est un tort d'être libéral, j'accepte qu'on me le reproche ; si c'est un crime d'être libéral, ce crime, j'en suis coupable. Pour moi, je ne demande qu'une chose, c'est que nous soyons jugés d'après nos principes. J'aurais honte de nos principes, si nous

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:ai^MiiouB pas les exprimer ; notre cause ne vaudrait pas nos «jBorts pour la faire triompher, si le meilleur moyen de la faire tdonxpher était d'où cacher la nature. Le parti libéral a été ■wûagt-cinq ans dans l'opposition, qu'il y soit encore vingt- «inq ans, si b peuple n'est pas encore arrivé à accepter ses {d«es, mais «ju'il marche le front liaut, bannières déployées, ila face du pays !

ïl importe cependant avant tout de s'entendre sur la ajj^Qification, la valeur et la portée de ce mot " libéral," et de «et autre mot " conservateur:'

J'affirme qu'il n'est pjis une chose, si peu connue en ce pays, par ceux qui l'attsiquent, que le libéralisme. Il y a ^uâieurs raisons à cela.

Kûus n'avons été initiés que d'hier aux institutions repré- i^entaiives. La population anglaise comprend le jeu de ces âistitutions, en quelque sorte d'instinct, en outre par suite •l'une expérience séculaire. Notre population, au contraire, 9^ les connaît guère encore. L'éducation ne fait que de fiorameucer à se répandre parmi nous, et pour ceux qui ■ssuDi instruits, notre éducation française nous conduit natu- «Uement à étudier l'histoire de la liberté moderne, non pas (dans la terre classique de la liberté, non pas dans l'histoire "Jfela vieille Angleterre, mais chez les peuples du continent «•uropéen, chez les peuples de même origine et de même IPBligion que nous. Et là, malheureusement, l'histoire- de la Ubertié est écrite en caractères de sang, dans les pages les ^«s navrantes que contiennent peut-être les annales du ^taue humain. Dans toutes les fîhisses de la société instruite, <iyfa i>eut voir, ettrayéos par ces pages lugubres, des âmes loyales ':^ui regardent avec terreur l'esprit de liberté, s'imaginant que l'esprit de liberté doit produire ici les mêmes désastres, les gaêineB crimes que dans les jiays dont je parle. Pour ces «ïsprits de bonne foi, le seul mot de libéralisme est gros do «cJ&mités uatiOAales.

San(: blâmer tout-à-fait ces craintes, mais sans nous en laisser *iÇîayev,reinont<jus jusqu'à la source même, et examinons avec

calme ce qui se trouve au fond de ces deux mots : h'hfv^^ comenKtfeur. Quelle idée cache ce mot de libéra/ qui nous * valu tant d'anatlièmes 1 Quelle idée cache ce mot de conêer- vafeur, qui semble tellement consacré qu'on l'applique modes- tement à tout ce qui est bien î L'un est-il, comme on le préten<4> comme de fait on l'affirme tous les jours, l'expression d'une forme nouvelle de l'erreur ? L'autre est-il, comme on gemfelfc constamment l'insinuer, la définition du bien sous tous ses aspects ? L'un est-il la révolte, l'anarchie, le désordre î L'autre «st-il le seul principe stable de la société 1 Voilà des questrans qu'on se pose tous les jours dans notre pays. Ces distinoti«»s subtiles, que l'on retrouve sans cesse dans notre presse, ne sont cependant pas nouvelles. Elles ne sont que la répétitvMt des rêveries de quelques publicistes de France, qui, TdUÎerwè» dans leur cabinet, ne voient que le passé et critiquent amèrement tout ce qui existe aujoui-d'hui, pour la raison <pate ce qui existe aujourd'hui ne i-essemble à rien de ce m existé autrefois.

Ceux-là disent que l'idée libérale est une idée nouvelle, et ceux-là se trompent. L''dée libérale, non plus que Vid&t contraire, n'est pas une idée nouvelle ; c'est une idée vieille comme le monde, que l'on retrouve à chaque page de l'hiattoîie du monde, mais ce n'est que de nos jours qu'on en connsâtk force et les lois, et qu'on sait l'utiliser. La vapeur existaH; avant Fuiton, mais ce n'est que depuis Fulton qu'on connaît toute l'étendue de sa puissance et qu'on sait lui faire ])rodiu»ft ses merveilleux effets. C'est la combinaison du twbe et da piston qui est l'instrument dont on se sert pour utiliser k. vapeur ; c'est la forme des gouvernements représentatifs qà». a révélé au monde les deux principes libéral et conserva- teur, et cette forme de gouvernement est l'instrument qui leur fait rendre tous leurs effets.

Sur quelque sujet que ce soit, dans le domaine des choses humaines, le vrai ne se manifeste pas également à toutes lee intelligences. Il en est dont le regaid plonge plus loin daWB l'inconnu, mais embrasse moins à la fois ; il en est d'atiteSR

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dont le regard, s'il est moins pénétrant, aperçoit plus nette- ment dans la sphère il peut s'étendre. Cette distinction primordiale explique de suite jusqu'à un certain point ridéit3 libérale et l'idée conservatrice. Par cette seule raison, lo même objet ne sera pa« vu sous le même aspect par des yeux diÔ'érents ; par cette seule raiâon, les uns prendront une route que les autres éviteront, quand cependant les uns et les autres se proposeront d'arriver au même but. Mais il y a une raison concluante qui explique clairement la nature, la raison d'êtve et le pourquoi des deux différentes idées. Macaulay dans son histoire d'Angleterre, en donne la raison d'une manière admircd)le de clarté. Pariant de la réunion des chambres pour la Bccondie session du Long Parlement, sous (/harles 1er, le grand historien s'erprime ainsi :

" De ce jour date l'existence organique des deux grands partis qui, depuis, ont toujours alternativeraent gouverné le pays. A la vérité, la distinction qui alors devint évidente, a toujours existé. Car cette distinction a son origine dans la diversité de tempe raments, d'intelligences, d'intérêts, qu'on retrouve dans toutes les sociétés, et qu'on y retrouvem aussi longtemps que l'esprit humain sera attiré dans des directions opposées, par le clwxme de l'habitude ou par le charme de la nouveauté. Cette distinction se retrouve, non pas seulement en politique, mais dans la littérature, dans )es arts, dans les sciences, dans la chirurgie, dans la mécanique, dans l'agricul- ture, jusque dans les mathématiques. Partout il existe une classe d'hommes qui s'attachenx avec amour à tout ce qui est «mcien, et qui, même lorsqu'ils sont convaincus par des arguments péremptoires qu'un changement serait avantageux, n'y consentent cependant qu'avec regret et «spugnance. Il se trouve aussi partout une autre classe d'hommes exubérants d'espérance, hardis dans leufs idées, allant toujours de l'avant, prompts à discerner les imperfections de tout' ce qui existe, estimant peu les risques et ies inconvénients qui accom- pagnent toujours les améliorations,^ disposés à regarder tout changement ûom^ une Amélioration," - ' •:

Les pnemiears sont les cona^vateurs ; les seconds sont les libédraux. Voilà te sens réel* l'explication véiitaJbile et du principe libéral et , du principe coçscrvabaur. Ce so»t deux

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attribut» de notre nature. Com le le dit admirablement Macaulay, on les letrouve partout : tians les arts, dans les sciences, dans toutes les branches ou^ ferles à la spéculation humaine ; mais c'est en politique qu'ils sont le plus apparents.

Ainsi ceux qui condamnent le libéi-alisme comme une idée nourelle, n'ont pas réfléchi à ce qui se passe chaque joujr sous leurs yeux. Ceux qui condamnent le libéralisme comme une erreur, n'ont pas réfléchi qu'ils s'exposaient, en le faisant, à condamner un attribut de la nature humaine.

Maintenant, il ne faut pas oublier que la forme de notre gouvernement est celle de la monarchie représentative. C'e«t l'instrumeoit qui met en relief et en action les deux principe» libéral et conservateur. On nous accuse souvent, nous libéraux, d'être dos républicains. Je ne signale pas ce reproche poiu: le relever : le reproche ne vaut pas d'être relevé. Je dis simplement que la forme importepeu ; qu'elle soit monarcliique, qu'elle soit républicaine, du moment qu'un peuple a le droit de vote, du moment qu'il a un gou- vernement responsable, il a la pleine mesure de la liberté. Cependant, la liberté n^ serait bientôt qu'un vain mot, si elle laissait sans contrôle ceux qui ont la direction du pouvoir. Un homme, dont la sagacité étonnante a formulé les axiomes de la science gouvernementale avec une justesse qui n'a jamais erré, Junius, a dit : " Eternal vigilance is fhe 2n'ice of liherty. " Une vigilance éternelle est le piix de la liberté., Oui, si un peuple veut rester libre,, il lui faut comme Argus àVoircent yeux, et toujours être en éveil. S'il s'en- dort, s'il faiblit, chaque moment d'indolence lui coûtera une liarcelle de ses droits. Une vigilance éternelle, de tous les instants, c'est le prix dont il doit payer ce bienfait inap- préciable de la libeïté. Or, la forme de la monarchie repré- sentative se prêté merveilleusement, plus peut-être que la forme républicaine à l'exercice de cette vigilance nécessaire. ï)'un côté, vous avez ceux qui gouvernent, et de l'autre, ceux qui surveillent. D'un côté,- vcus avez ceux qui sont au pouvoir et qui' ont intérêt à y rester, de l'autre,

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«ans avez ceux <iiii out intérêt à y arriver eux-mêmes. "Quel sera le lien de cohésion qui réunira chacun de ce» ■iifFérentij groupes î Quel sera le principe, le sentiment qui tangtna les divers éléments de la population, soit parmi ceux i^ik gouvernent, soit parmi ceux qui surveillent? Ce sera ou le ^principe libéral, ou le principe conservateur. Vous verrez ««semble ceux (Qu'attire le charme de la nouveauté, et voua Tcarrez ensemble ceux qu'attire le charme de l'habitude. Vous ^rearrez ensemble ceux qui s'attachent à tout ce qui est ancien, ^ TOUS A'crrez ensemble ceux qui sont toujours disposés à léfonuer.

Maintenant, je le demande ; entre ces deux idées qui con- siiitiient la base des partis, peut-il y avoir une différence i&orslc ? L'une est-elle radicalement bonne et l'autre nidi- «alement mauvaise 1 N'eist-il pas manifeste que toutes deux aont ce cju'on appelle en morale indifférenfeM, c'est-à-dire «pse toutes deux sont susceptibles d'appréciation, de pon- dération et de choix î Ne serait-il pas aussi injuste qu'al> a«rde de cciidamner ou d'approuver, soit l'une soit l'autre, eomme absolument mauvaise ou bonne ?

L'une et l'autre sont susceptibles de beaucoup de bien 4X)mme de beaucoup de mal. Le conservateur qui défend les Tjeilles in. l;:tutions de son pays, peut faire beaucoup de fcienj de n^Ome qu'il peut fcire beaucoup de mal, s'il s'obstine « vouloir l' laintenir des abus devenus intolérables. Le ^'béral «jtiî combîi t ces abus, et après de longs efforts parvient à les «xtirper, peut être un bienfaiteur public, de même que le ïib<Çra1 qui porterait une main légère sur des institutions sacrées, pourrait être un fléau uton seulement pour son pays, aoaîs pour ^'humanité tout entière.

Certes, je suis loin de faire un reproche à nos adversaires dfe leurs convictions, mais pour moi, je l'ai déjà dit, je suis TOï libéral. Je suis un de ceux qui pensent que partout, dans les choses liumaincs, il y a des abus à réformer, de nouveaux horizons à ouvrir, de nouvelles forces à développer.

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Du reste, le libéralisme me parsiit de tous points supérieur à l'autre principe. Le principe du libéralisme réside dana l'eseence même de notre nature, danscette soif de bonheur que nous apportons avec nous dans la vie, qui nous suit partout, pour n'être cependant jamais complètement as- souvie ù.) ce côté-ci de la tombe. Notre âme est immortelle, mais nos moyens sont bornés. Nous gmvitons sans cesse vers un idéal que nous n'atteignons jamais. Nous rêvona le bien, nous n'atteignons jamais que le mieux. A peine sommes-nous arrivés au terme que nous nous étions assignés^ que non " y d/^iouvrons des aorizons «luo nous n'avions pas même soupçonué^i. Nous nous y précipitons, et ces horizons, exploré*} à leur tour, nous en découvrent d'autres qui noua entrainc^nt encol« et toujours plus loin.

Ainsi en sera-t-il tant que l'homme sera ce qu'il est ; tant que l'âme immortelle habitera le corps mortel ; ses désirs seront toujours plus vastes que ses moyens, ses actions n'ar- riveront jamais k la hauteur de ses conceptions. Il est le véritable Sysiphe de la fable ; son oeuvre toujours finie est toujours à recommencer.

Cette condition de notre nature est précisément ce qui fait la grandeur de l'homme ; cai elle le condamne fatale- ment au mouvement, au progrès ; nos moyens sont bornés, mais notre nature est perfectible, et nous avons l'infini pour champ de course. Ainsi il y a toujours place pour l'amélioration de notre condition, pour le perfectionnement de notre nature, et pour l'accession d'un plus grand nombre t une vie plus facile. Voilà encore ce qui, à mes yeux,, constitue la supériorité du libéraliMme.

En outre, l'expérience constate qu'insensiblement, imper- ceptiblement, il se glissera dans le corps social des abus qui finiront par entraver sérieusement son ascension pro- gressive, peut-être par mettre son existence en danger.

L'expérience constate encoue que des institutions qui, au début, auront été utiles, parce qu'elles étaient appropriées à l'état de société elles avaient été introduites, finiront par

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devenir, par lo fait seul que tout changera autour d'elles, d'intolérables abus. Telle a i'-ié parmi nous la tefnure sei-' gneuriale. Il est incontestable ({u'auix débuts de la colonie, ce système avait singulièrement facilité l'établissement du 8ol. Mais en 1850, tout avait tellement changé parmi nou3- que ce système aurait fini par pro-duirc des complîcatiotkî" déplorables, si notre assemblée, sur l'initiative des libéraux, n'avait eu la eagesse de l'abolir.

Comme conséquence de cette loi que j'ai indiquée comme la cause déterminante des idées libérale et conservatrice, il se trouvera toujours des* hommes qui s'attaclicront avec amour à ces abus, qui les défendront k outrance et qui verront avec terreur toute tentative d'y porter la main. Malheur à ces hommes, s'ils S3 trouvent a^.-oir le pouvoir, et s'ils ue savent pas faire le sacrifice de leurs préférences; Malheur à ces hommes, s'ils ne savent pas céder et adopter les réfonues proposées ! Ils attireront sur leur pays des commotions d'au- tiint plus terribles que justice aura été refusée plus longtemps^. L'histoire, hélas ! constate surabondamment que bien peu de ceux qui gouvernent ont su comprendre ces aspirations de l'humanité et y faire droit. Il y a eu plus de révolutions causées par l'obstination des conservateui-s que par les exage- lalions des libéraux. '

L'art suprême de gouverner est de guider et diriger, en les contrôlant, ces aspirations de l'humanité. Les aurais possè- dent cet art au suprême degré. Aussi voyez f œuVre du grand parti libéral anglais. Que de réformes il a opérées, que d'abus il a fait disparaître, sans secousse, sans perturbation, sans Tiolencé ! Il a compris les aspirations des opprimés, il a compris les besoins nouveaux créés par des situations nou- velles, et, sous l'autorité de la loi, etsans autre instrument que la loi, il a opéré une série de réformes qui ont fait dti peuple anglais, le peuple le plus libre, le plus prospère et le plus heureux de l'Europe.

Voyez au contraire les gouvernements du continent. La plupart n'ont jamais su comprendre les aspirations de leurs

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peuplcti. Quand los malheureux relevaient la t<}te, pour tairo ajtriver jusqu'à leurs poumons quelques souffles d'air et de liberté, ils ont été brutalement repouss(!'8 dans un cercle tovvjoura de plus eu plus hormctiquemont resserré.

Mais, un jour est venu les obstacles ont volé eji éclats, oîi ces peuples se sont rués liors des machines qui les para- lysaient, et, alors, soua le nom sacré de la liberté, on a vu &*ao€omplir les plus effroyables crimes. Faut-il s'en étonner I

S'étonne-t-on (juand les nua^'es amoncelés sur notre tête, éclatent en grêle et en foudre 1 S'étonne-t-on quand la vapeur Mt voler en éclats lea parois qui la retenaient captive, parce que le mécanicien n'a pas eu la prudence de lever la soupape qui doit la dégager de l'exubémnoe de sa propre force î Non, il y a une loi fatale, qui aura toujours le même eflet, dans r©rdre moral, comme dans l'ordre physique. Partout il y a compression, il y aura explosion, violences et ruines. Je ne dis pas cela pour eyuser lea révolutions ; je hais les révolu- tions ; je déteste touie tentative de vouloir faire triompher ses opinions par la violence. Au surplus, je suis moins disposé à en faire retomber la responsabilité sur ceux qui les font que aur ceux qui les provoquent par leur aveugle obstination. Je ilis cela pour expliquer la supériorité du libémlisme qui, comprenant les aspirations de la nature humaine, au lieu de lea violenter, tâche de les diriger.

Croyez-vous par exemple que si l'AngleteiTe avait per&ist<5 ^ refuser aux catholiques leur émancipation j si elle avait jpeiaisté à refuser aux -catholiques, aux juifs, et aux dénomi- ipations protestantes qui ne font pas pailie de l'église établie, la plénitude des droits civils et politiques ; si elle avait per- sisté à conserver le suffrage restreint au petit nombre ; si elle avait persisté à refuser le libre commerce des céréales ; si elle avait persisté à refuser le droit de suifrage'aux classes ou\Tières, pensea vous qu'un jour ne serait pas venu le peuple se fût levé en armes, pour se faire à lui-même cette justice qui lui aurait été obstinément refusée ? Pensez-vous que le lion hideux de l'émeute n'aurait pas grondé sous les fenêtres de

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"Wcstininsl^'f, ft (|ue It' miiL,' de lii guerre civile ri't*nmit pas ensanglauté les nies de Londres, comiue il a tant de foi:^ ensanglanté les iiies de Paris ? Ij\ nature humaine est j^rtoul la mt'nie, et là, comme ailleurs, la compression aumit produit •xplosion, violences et ruines, ('en calamitéa terribles ont été (évitées, grâce à l'initiative dos libéraux qui, comprenant le mal, ont proi)08é et appliqué le remède.

Qu'y a-t-il de ])lu8 beau (}ue l'histoire du ginud parti libéral anglais dans ce siècle i Au début, c'est Fox, le auge, le généreux Fox, défendant la cause des opprimés, partout oh il y a des opprimés. TJn peu plus t«ird, c'est O'ConneU, le grand O'C'onuell, revendicjuaiit et obtenant pour ses coreligionnaires les droits et les imvilégcS de sujets anglais. Il est assisté dans cette (jcuvre par tous les libéraux des trois royaumes, Grey, Bi-ougham, Tîus.<»ell, Jefirey et une foule d'autres. Puis vien- nent successivement l'abolition de l'oligarchie gouvernemen- tale, la rappel des lois i)rohibant le commerce des céréales, l'extensiou du suffrage aux classes ouvrières, et enfin, pour eoiTonncr le tout, l'abolition de l'église d'Angleterre comme religion d'étîit eu Irlande. Et remarquez-le bien, les libéraux qiiî opèrent ces réformes successives, ne sont pas recrutés seulemen,' dans les cLisses moyennes, ^ais quelques-uns de leirrs chefs les plus illustres sont recrutés dans la pairie d'Angleterre. Je ne sache pas de spectacle qui'fsisse plus d'honneur à l'humanité, que le spectacle de ces pairs d'An- gleterre, de ces nobles, de ces riches, de ces puissants, combattant opiniâtrement pour déraciner une foule d'abus séculaires, sacrifiant leurs privilèges avec un calme enthou- siasme pour rendre la vie plus facile et plus heureuse à un plus grand nombre. A ce sujet, laissex-moi vous citer une lettre do ^Macau-'ay à unde ses amis, écrite au lendemain du vote sur le fameux bill de réforme, qui mit fin au système des ho}fr(jê.-j)ourrif<. Cette lettre, suivant moi, fait voir admi- rablement ce que c'est qu'un libéral anglais. La voici. Je demande pardon de faire cette citation, parce qu'elle est un. peu longue :

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" Je i-uvorrai jauiai«, je ne m'attends pas ù jamais revoir une àcène semhlaljle ù la (Hrlulim (^ilin'Mtf)n) de mardi dernier. Si je devain vivre cin<|u«ntr iiiH, l'impression m'en resterait aussi fraîche et aussi vive que si elle venait d'avoir lieu. C'eltt doit être comme d'avoir u César poijjrnarflé dans le 8<^nat, ou Cromwell enlevant la i)ifiH«e (maer) de sur la tablo du Parlement ; une scène (ju'ou voit une fois et <[u'on n'oublio jamais. I^i foule d<^bordait de la chambre de toutes parts. t,>uandle8 otrangei-s eurent re^ni l'ordre do se retirer et que les portes eurent été fermées, nous étions six cer.t huit membres présents, cinquante-cinq de plus qu'on n'en avait jamais vus dans aucune autre division précédente. Les oui, et les non furent comme deux volées do canon, tirées des deux côté.s opposés d'un cliamp de bataille. Lorsque l'opposition se fut retirée dans le corridor {lublnj), opération (|ui dura plus de vingt minutes, nous nous répandîmes sur les banquettes des deux côtés de la chambre ; car il y en avait plusieurs parmi nous qui n'avaient pas pu trouver de siège pendant la soirée. <^}iiand les portes eurent été fermées, nous commençâmes faire des calculs sur notre nombre. Tout le monde était dé- couragé. " Nous soiimies battus, nous ne sommes au plus que

pense pas (pie nous soyons L'échevin Thompsoa les a deux cent quatre-vingt-dix- neuf." Voilà ce qui se disait pajmi nous. I^ chanibi'e, lorsque les ministériels seuls s'y trouvaient, était déjà très remplie, plus même qu'elle ne l'est généralement dans les débats d'un intérêt considérable. Cependant )e n'avais pas d'espérance <{ue nous fussions trois cents. Comme les scrutateurs (teller») passaient le long de la plus basse rangée gauche, l'intensité de notre attention devint intolérable— -deux-cent-quatre-vingt onze deux cent quatre-vingt douze, nous étions tous de- boutj le cou tendu, comptant avec les scrutateurs. A trois «sente, il y eut un léger cri de joie ; à trois-cent-deux, un au- tre, mais supprimé au môme instant, car nous ne connaissions pas encore le nombre des forces ennemies ; nous savions cependant <iue si nous étions battus, la défaite ne pouvait pas être considérable. Enfin, les portes sont ouvertes, et les voici qui entrent. Chacun d'eux, comme il entrait, apportait un compte différent du nombre qu'ils étaient. ÏJi ettet, pressés comme ils l'étaient dans le corridor, il était iniposaible de se rendre compte exactement de leur nombre. D'aboi-d on nous dit qu'ils étaient trois-cent-trois, puis ce chifFre s'accrut jus-

, *f deux cent quatre-vingts. Je ne " même deux cent cinquante. '* comptés. 11 dit qu'ils sont

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qu'à troia-ceut-dix et décrut de suite jusqu'à ti-ois-cent-sept. iN^ous étions tou^ muets d'anxiété, loreque Charles Wood qui ae tenait près de la porte, saute sur un banc en criant : ils ne sont que trois-cent-im. Alors nous poussons un cri qui aurait pu être entendu jusqu'à t'haring Cross, nous je ons nos cha- peaux en l'air, nous battons des pieds, nous nous frappons les mains.

" Les scrutLt;ci:rs peuvent à peina se fraye/ un passage dans la foule ; la chambre était remplie jusqu'à la table, et une mer de têtes s'y agitait comme dans le parterre d'un théâtre. Mais vous auriez po entendre tomber une épingle, lorsque Dun- eannon lut les chiftres. Alors, de nouvelles acclamations écla- tant, et plusieurs d'entre nous versent des lannes. Pour moi, je pouvais à peine retenir les miennes. Et il fallait voir la mâchoire de Peel tomber, et la figure de Twiss qui avait l'air d'un damné, et Herries qui avait l'air de Judas ôtant sa cra- vate pour la dernière opération. Nous nous donnons des poi- gnées de mains, nous nova frappons dans; le dos, nous sortons riant, pleurant, et poussant des hourras. Et à peine les portes aont-elleis ouvertes, que d'autres acclamations répondent aux nôtres. Tous les passages, tous les escaliers, toutes les anti- chambres étaient pleins de gens qui étaient restés jusqu'à quatitt heUi. 3 du matin, ixmr connaître quel serait le résultat, ^ous nous frayons péniblement un passage à travers deux masses compactes de gens qui crient et agitent leurs chapeaux au-dessus de leurs têtes. Enfin nous voici en plein air ; j'ap- pelle une voiture, et la première chose que le cocher me dit : " Le bill est-il passé, monsieur? Oui, par une voix. Que le ciel en soit béni !" Et Macaulay finit par une phrase qui in- diqnc bien le libéral : " Ainsi, continue-t^il, finit une scène qui n'aura probablement pj\8 d'égale, jusqu'à ce que le parle- mont réformé ait lui-même besoin d'être réformé. "

Celui qui écrivait ainsi, dans ces termes exliilai mts, venait de voter l'abalitian du système en vertu duquel il tenait son mandat. Macaulay tenait son mandat de la générosité d^m pair d'Angleterre, Lord Lansdowne, qui l'avait fait élire par boiagpourn de Calue. Je connais peu de pages qui fassent plua d'honneur à l'humanité que cette simple lettre qui naos montre ces natcu'es ivnglaises, calmes et opiniâtres dans la lutte, qui s'émofionmnt enfin, pleurant et riant à fois.

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parce qu'un acte de justice f jeut d'être accomiîli, parce qu'un ivbus vknt d'être déraciné du soi de la vieille Anglet-env.

Membres du Chih Cmmdien, libéraux de la |M"ovince de Québec, voilà quels sont nos nikod-èleg ! voilà quels sont nos principes ! Twilà quel est notre parti î

Il est vrai qu'il existe eu Euroi>e, en France, en Italii» «t en Allemagn-e, une classe d'hommes qui se donnent le titty de libéraux, mais c[ui n'ottii de libéral qr.j le nom, et qui sont les plus dangereux des honunes. Ce ne sont pas des libéraux^ ce sont des révolutionnaires ; dans leurs principes ils sont tellement exaltés qu'ils s'aspirent à rien moins <pi'à la de- struction de la société moderne. Avec ces liommes, nous n'a- vons rien de cummiin j mais c'est la tactique d'e nos adversaires de toujours nous assimiler à eux. Ces Aceusations sont au- dessous de nous, et la seule recouse que nous puissions faire dignement, c'est d'affirmer nos véritables princijjes, et de faire de telle sorte que nos actes soient toujours conformes à noa principes.

Maintenant, airivé à.oe point de mon ex^)Osé, je passerai en revue l'histoire du parti libéral de notre pays. Je suis de ceux qui ne craignent pas de scruter l'histoire de mou parti. Je suis de ceux qui pensent qu'il y a plus à gagner à dire franchement Ja vérité, qu'à essayer de se faire illusion à soi- même et aux autres. Ayons le courage le dire la vérité ! Si notre parti a fait des fautes, nos dénégations n'empêcheront pas les choses d'avoir été ce qu'elles ont été. Du reste, si notre parti a commis des fautes, nous trouverons toujours dans l'autre parti assez de fautes pour compenser les nôtres, et au surplus, l'autre parti, fftt-il immaculé, nos principes n'en seraient, pour cela, ni meilleurs ni pires, Ajons le courage de dire la vérité, et que la vérité dite sur nos fautes passées nous empêche d'y retomber à l'avenir.

Jusqu'à 1848, tous les Canadiens Fi-an^ais n'avaient forme qu'un seul parti, le parti libén\l. Le parti conserA'ateur, ou plutôt le parti fori/, comme on l'appelait, n'était qu'une faible minorité. C'est de 1848 que datent les premières traces de»

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deux partis qui, depuis, se sont disputé le pouvoir. M. 1a- fontîiine avait accepté le régime établi eu 1841, lorsque M. Papineau fut revenu de l'exil, il attaqua le nouvel ordre de cliObes avec sa grande éloquence et de toute la liauteur de ses idées. Je n'entreprendrai pas ici de faire la critique de la po- litique respective de ces '^'eux grands hommes. Tous deux aimèrent leur pays, ardemment, passionnément, tous deux lui dévouèrent leur vie ; tous deux, par des voies différentes, n'eurent d'autre but que de le servir ; tous deux furent pro- bes et désintéressés. Restons sur cos souvenirs, sans clierclier, qui des deux eut tort et qui eut raison.

Il se trouvait, à cette époque, une génération de jeunes gens d'un graul talent et d'une impétuosité de caractère plus- grande encore. Désespérés d'être venus trop tard pour jou^r leur tête dans les événements de 37, iL se précipitèrent, avec une alacrité aveugle, dans le mouvement politique de l'épo- que. Ils se trouvèrent au premier rang des partisans de M. Lafontaine, dans sa glorieuse lutte contre Lord Metcalfe. Ils l'abandonnèrent ensuite pour la politique plus avancée de M. Papineau, et, tout en se rangeant à sa suite, comme il était naturel, ils l'eurent bientôt devancé.

Enhardis par leur propre succès, entraînés par leur propre enthousiasme, ils fondèrent un journal V Avenir, dans lequel :''.3 se posèrent en réformateurs et en régénérateurs de leur i>ays. Non contents de s'attaquer à la situation politique, ils s'attaquèrent audacieuse!.^ ent à la situation sociale. lis lan- cèrent un programme contenant pas moins de vingt-ct-un articles, qui commen(^'ait par l'élection des juges de paix et finissait par l'annexion aux Etats-Unis, et qui n'était en somme rien autre chose qu'une révolution complète de la province. 8'il eût été possible que, par un coup de baguette magicpie, les vingt-et-un articles de ce programme fussent réalisés dans le cours d'ime nuit, le pays au matin n'eut jilus été reconnaissable. Celui qui l'aurait quitté la veille et y serait revenu le lendemain, n'aurait pu s'y retrouver. .

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Ija. seule excuse de ces libëraux, c'était leur jeunesse ; lo plus «gé d'entr'eux n'avait pas vingt-deux ans. K

Messieurs, je constiite (^es faits, je n'entends pas faire de reproche à qui que ce soit. Le talent et les convictions sincères ont toujours droit à notre respect. Quel est celui d'entre nous, du reste, qui, s'il eût vt'cu à cette époque, peut se flatter qu'il aurait été plus sage, et qu'il ne serait pas tombé dans les mêmes écarts 1 Tout prêtiiit alors à ces exagé- rations : la situation de notre pays, la situation en Europe.

ï^e pays n'était pas encore guéri des blessures de l'insur- rection ; on nous avait octroyé une constitution libre, il est vrai, mais la nouvelle const'* tion n'était pas appliquée de bonne foi par le bureau colonial. 11 y avait, au fond de chaque âme, des grondements que comprimait seul le souve- nir de la vengeance tirée de l'insurrection. De tous les côtés, du reste, arrivaient jusqu'ici des effluves de démocratie et de révolte. La société frémissait déjà aux premiers souffles de ■oette grande tempête qui devait éclater quelques anné&s plus tard, presque par tout le monde civilisé, et qui fit un moment chanceler la société sur elle-même. Les années qui précèdent 1848 sont effrayantes à contempler. On éprouve de l'hor- reur à constater ce travail sinistre qui- se faisait partout et qui jeta dans la révolte, à un moment donné, plus de quatre- vingts millions d'hommes.

Cet état de choses devait puissamment agir sur des imagi- nations jeunes, ardentes et inexpérimentées. Aussi, nos jeunes réformateurs, non contents de vouloir révolutionner leur pays, saluaient avec transport chaque révolution nouvelle en-. Europe.

Cependant, à peine avaient-ils fait deux pas dans la vie .qu'ils s'apercevaient de leur immense erreur. Dès 1852, ils publiaient un nouveau journal. Ils abandonnaient L'Avenir aux énergumènes et cherchaient dans le nouveau journal Le Pays, sans toujours la trouver, il est vrai, la voie nouvelle «jue devaient suivre les amis de la liberté sous la nouvelle ■conf^titntton. '"

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On ne peut aujourd'hui, en relisant le programme de V Avenir, c'empêcher de sourire ; on no j^eut s'empêcher de sourire, en retrouvant avec un si grand bon sens quelquefois^ tant de propositions absurdes ou impossibles. Il serait oiseux de repasser, une à une, toutes les propositions incongi-ues que contenait le prc^imme de L* Avenir. J'en prendra» une au hasard : les parlements annuels. Je suis certain que chaicun des jeunes réformateui-s d'alors, qui est arrivé aujourd'hui ù la députation, est fermement d'opinion qu'une élection tou» les cinq ans est tout-à-fait suffisante. Et d'ailleurs, n'est-il pas manifeste que les parlements annuels seraient une entrave» constante à toute législation sérieuse, et une source d'agitation en permanence?

Cependant, le mal était fait. Le clergé, alarmé de ces allures qui ne rappelaient que trop les révolutionnaires d'Eui'ope, déclara de suite une guerre impitoyable au nouveau parti. La population anglaise, amie de la liberté, 2nais amie de l'ordre, se déclara également contre le nouveau parti, et pendant vingt-cinq ans, ce parti est resté dans l'opposition, bien que l'honneur lui revienne d'avoir pris l'initiatiA'e de toutes les réformes accomplies depuis cette époque. C'est vainement qu'il demanda et obtint l'abolition de la tenure seigneuriale ; c'est Aainement qu'il demanda et obtint la décentralisation judiciaire ; c'est vainement que le premier il donna l'élan à l'œuvre de la colonisation, ces sages réformes ne lui furent pas comptées ; c'est vainement que ces enfants, devenus hommes, désavouèrent les entrainements de leur jeunesse ; c'est vainement enfin que le parti consen^ateur commit fautes sur fautes, la génération des libéraux de 1848 «jtait presqu'entièrement disparue de l'arène politique, lors- que commença à poindre l'aurore d'un jour nouveau pour le parti libéral. Depuis ce temps, de nouvelles accessions ont été ftiites au parti ; des idées plus réfléchies, plus calmes, y ont prédominé ; quant à l'ancien programme, de to ate la partie sociale, il ne reste plus rien du tout, et, de la partie

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politique, il no reste que les principes du \ïa.rti libéral d'Angleterre.

Perdant <îe temps, que faisait l'autre parti ? Lorsque la scission entre M. Papineau et M. Lafontainc fut devenue complHe, la fraction du parti liWral qui suivit M. La- fontaine, finit, après ^[uelques tâtonnements, par s'allier aux tories du Haut-Canada ; alors, au titre de libéral qu'elle no pouvait ou n'osait pas encore avouer, elle ajouta celui do conservateur. Le nouveau parti se donna le nom do libéral-conservateur. Quelques années s'écoulèrent, et de nou- velles modifications survinrent ; le nouveau parti alDandonna entièrement le titre de libéral, et ne s'appela plus que lo parti conservateur. Quelques années s'écoulèrent encore, de nouvelles modifications survinrent ; Je ne saisplus de (juel nom nous appelons ce parti. Ceux qui aujourd'hui semblent y tenir le haut du pavé, s'appelleront eux-mêmes : le parti ultramontain, le parti catholique. Ses principes se sont modi- fiés comme son nom. Si M. Cartier revenait aujourd'hui sur la terre, il ne reconnaîtrait plus son parti. M. Cartier était dévoué aux principes de la constitution anglaise. Ceux qui aujourd'hui, parmi ses anciens partisane, tiennnent le haut du pavé, Tepoussent ouvertement les principes de la consti- tution anglaise, comme \me concession à ce qu'ils appellent l'esprit du mal. Ils ne comprennent ni leur p..ys, ni leur époque. Toutes leurs idées sont calquées sur celles des réac- tionnaires de France, comme les idées des libéraux de 1848 étai!ent calquées sur celles des révolutionnaires de France. Ils se passionnent pour Don Carlos et le comte de Chambord, comme les libéraux se passionnaient pour Loui^ Blanc et Ledvu-Rollin. Ils crient : vive le roi ! comme les libéraux criaient : vive la république ! I^n parlant de DonCarlos et du comte de Ciiambord, ils affectent de ne jamais dire que Sa Majesté L ,w/ CharJ&s VIT, Sa Majesté le rot/ Henri Y, tout comme les libéraux, en parlant de Napoléon III, ne disaient jamais que M. Louis Bonaparte.

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Certes, je respecte trop l'opiniou de mes adversaires, pour ne leur lancer jamais aucune injure ; mais je leur fais le re- proche de ne comprendre ni leur époque, ni leur pays. Je les accuse de juger la situation politiijue de notre pays, non pa<» d'ai)rc'8 ce qui s'y ^passe, main d'après ce <|ui se passe en France. Je les accuse de vouloir introduire ici des idées dont l'application serait impossible dans notre état de société. Je les accuse de travailler laborieusement, et par malheur trop efficacement, à rabaisser la religion aux simples proportions d'un parti politique.

C'est l'habitude, dans ie parti de nos adversaires, de nous acccuser, nous libéraux, d'irréligion. Je ne suis pas ici pour faire parade de mes sentiments religieux, mais je déclare que j'ai trop de respect pour les croyances, dans lesquelles je suis né, pour jamais les faire servir de base à une organisation politique.

Vous voulez oi-ganiser un parti catholique. Mais n'avez- vous pas songé que si vous aviez le malheur de réussir, vous attireriez sur votre pays des calamitïs dont il est impossible de prévoir les conséquences ]

Vous voulez organiser tous les catholiques comme un seul parti, sans autre lien, sans autre base que la communauté de religion, mais n'avez-vous pas réfléchi que, par le fait même, TOUS organisez la population protestante comme un seul parti,, et qu'alors, au lieu de la paix et de l'harmonie qui existent au- jourd'hui entre les divers éléments de la population cana- dienne, vous amenez la guerre, la guerre religieuse, la plus terrible de toutes les guerres.

Encore une fc^à, conservateurs, je vous accuse à la face du Canada de ne comprendre ni votre pays ni votre époque.

Nos adversaires nous font encore un reproche : ils nous re- prochent d'aimer la liberté, et ils appellent l'esprit de libertéT un principe dangereux et subversif.

Est-il quelque raison à ces attaques ? Aucune, sinon qu'il existe en France un groupe de catholiques qui poursuivent la liberté de leurs imprécations. Certes, il n'y a pas en Franc»

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^ue des ennemis do la libert«5 qui la regardent avec terreur. Les amis les plus ardents de la liberté la contemplent souvent avec le môme sentinieTit. Rappelez-vous le dernier mot de Madame Koland. Elle avait ardemment aimé la liberté, elle i'avait appelée de tous ses v(«ux, et son dernier mot est ce mot navrant : 0 liberté ! que de crimes on commet en ton nom ! Combien de fois les mômes paroles n'ont-elles pas été •répétées aussi sincèrement, par des amis aussi sincères de la liberté !

Je conçois très-bien, sans cependant les partager, les senti- ments de ces Français (jui, regardant ce que la liberté leur a coûté de larmes, de ruines et de sang, appellent quelquefois pour leur pays un despotisme vigoureux ; je conçois leurs anathèmes ; mais que ces anathèmes contre la liberté soient répét<5s parmi nous, c'est ce que je ne saurais comprendre.

Eh quoi ! c'est nous, race conquise, qui irions maudire la liberté ! Mais que serions-nous donc sans la liberté 1 Que se- rions-ious maintenant, si nos pères avaient eu les mêmes sen- timents que les conservateurs d'aujourd'hui ? Serions-nous autre chose qu'une race de parias 1

J'avoue bien que la liberté, telle qu'elle a été généralement comprise et pratiquée en France, n'a rien de séduisant. Les français ont eu le nom de la liberté, ils n'ont pas encore en la liberté. ^Tn de leurs poètes, Auguste Barbier, nous a donné une idée assez exacte de la liberté qui a quelquefois passé en France, et qu'on a vue pour la dernière fois à l'oeuvre en - 187L 11 la représente comme une femme

" A la voix raiique, anx dm s appas * Qui du brun sur la peau, du feu dans les prunelles

'* Agile et marchant h. grands paR, " Se plnit aux cris du peuple, aux sanglantes mêlées

" Aux longe roulements des tambours. " A l'odeur de la poudre, aux lointaines volées

" Des cloches et des canons souixls ; •*' Qui no prend ses amours que dans la populace,

" Et ne prête sou large liane ■'■' Qu'à "les gens f<ut8 comme elle, et qui veut qu'on l'ombrasse

'' A\ec des bras rouges de snng.

m

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8i la liberté était bien cette virago sinistre, je compientlraîs les anathème» de no» advfersairesv, et je aérais le premier à m'y nssocier. Mais ce n'est pas la liberté. Un pcb'te angki», Tennyson a clianté la liberté, la liberté de son pays et du nôtre. Dans son poi^me In Memorktm, Tennyson s'adresse ù nu ami qui lui demande, pourquoi il ne va pas chercher dans les îles des ïners du sud, un climat plus doux, et pourquoi, malgré sa santé altérée, il persiste à reyter aovis le ciel bru- meux de l'Angleten-e. Et le poète lui répond :

" It la the land tbat freemen till, That gober-suited Freedom chose, Tbe land where, girt with friends or foes, A man may speak the thiog he will ;

** A land of settled government, A land of just and old renowo, Wliere Freedom broadens slowly down, Fiom précèdent to precedeat :

" Where factiop, seldom gathera head But by degiees to fulness wrought, The strength of some diflfusive thought Hath time and space to work and sprcad."

Le poëte répond à^son aini,'7qu'il ne veut i)as s'éloic,ner de l'Angleterre, parce que :

" C'est la terre des hommes libres, c'est la terre choisie par la liberté calme et modérée, oii, qu'il soit environné d'amis ou d'ennemis, un homme peut dire ce qu'il veut dii'e.

" Une terre d'un gouvernement stable, une terre d'un juste et antique renom, la liberté s'épand lentement de précédent en précédent.

" les factions lèvent rarement la tête, la force de toute pensée féconde, s'élevant par degrés jusqu'à la maturité, a le temps et l'espace pour se développer."

Telle est la liberté dont nous jouissons, telle est la liberté que nous défendons et que nos adversaires attaquent sans comprendre, et tout en en possédant les bienfaits. Jean- Baptiste Eousseau, dans une de'ses odes, parle de peuplades barbares qui, un jour, dans un]]moment d'inconcevable folie,

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86 mirent à insulter le sokil d^ leurs cris et dcleurs impréca- tions. Le poi-'te caractérise d'un mot, tjtto inepto impiété: ,

Le Dieu poursuivant sa carrière, Vorsait des torrents de lumière Sur 80(8 obscurs blasphémateurs.

Ainsi eu est-il parmi nous de ceik (jui attaquent la liberté. La liberté les couvre, les inonde, les protège et les défend jusque dans leurs imprécations.

Le Dieu poursuivant sa carrière, Versait des torrents de lumière &\ix ses ob»cui-s blasphémateurs.

Mais nos adversaires, tout on nousreprochant d'être les amis de la liberté, nous reprochent encore, par une inconsé- quence qui serait très grave, .,; l'accusation ('tait fondée— de refuser à l'église la liberté à laciuelle elle a droit. Ils nous reprochent de vouloir fermer la bouche au corps adminis- tratif de l'église, au clei-gé, de vouloir l'empêcher d'enseigner au peuple ses devoirs de citoyen et d'électeur. Us nous reprochent, pour me servir de la phrase consacrée, de vouloir empêcher le clergé de se mêler de politique et de le reléguer dans la sacristie.

Au nom du parti libéral, au nom des principes libéraux, jo repousse cette assertion !

Je dis qu'il n'j a pas un seul libéral canadien qui veuille empêcher le clergé de prendre part aux affaires politiques, si le clergé veut prendre part aux affaires politiques.

Au nom de quel principe les amis de la liberté voudi-aient- ils refuser au prêtre le droit de prendre part aux affivii-es poli- tiques ? Au nom de quel principe les amis de la liberté vou- draient-ils refuser au prêtre le droit d'avoir^des opinions politiques et de les exprimer, le di'oit d'approuver ou de dé- sapprouver les liommes publics et leurs actes, et cFenseigner au peuple ce qu'il croit être son devoir ? Au nom de quel principe le prêtre n'aurait-il ])as le droit do] dire que si je •ima élu, moi, la religion est menacée, loi-stiue j'ai le droit,

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moi, de dire que «i mou uJverHaire est ^lu, l'éUit est eu danger? Pourquoi le pi-ctre n'aurait-il pas le droit de dire que si je suis 6\\i, la reliyiou va être infailliblement détruite, lorsque j'ai le droit de dire que si mou advei-saire est élu, l'état s'en va droit à la banqueroute ? Xon, que le prêtre parle et prêche connue il l'entend, c'est son droit. Jamais ce droit ne lui sera contesté par un libéral canadien.

I^ constitution Viue nous avons invite tous les citoyens à piendre part à la direction des aftaires de l'état ; elle ne fait, d'exception pour personne. Chacun a le droit, non-seulement d'exprimer son opinion, mais d'influencer, s'il le peut, par l'expression de sou opinion, l'opinion de ses concitoyens. Ce droit existe pour tous ; il ne peut y avoir de raison pour que le prêtre en soit privé. Je suis ici pour dire toute ma pensée, et j'ajoute que jo suis loin de trouver opportune l'intervention du clergé dans le domaine politique, comme elle s'est exercée depuis (pielquts années. Je crois au contraire que le prêtre a tout à perdre, au point de vue du respect à son caractère, en s'immisçant dans les questions ordinaires de la politique ; cependant son droit est incontestable, et s'il croit bon de s'en servir, notre devoir à nous, libéraux, est de le lui garatt- tir contre toute conteste.

Cependant, ce droit n'est pas illimité. Nous n'avons patj parmi nous de droits al)solus. I^es droits de chaque homme, dans notre état de société, finissent à l'endroit précis ils empiètent sur les droits d'un autre.

Le droit d'intervention en politique finit à l'endroit il «npièterait sur l'indépendance de l'électeur.

1^ constitution de notre pays repose sur la volonté libre- ment exprimée de chaque électeur. La constitution entend que chaque électeur dépose son vote, librement, volontairement, comme il l'entend. 8i le plus grand nombre des électeurs d'un pays sont d'une opinion actuellement, et que ,par suite de l'influence exercée sur eux par un ou plusieurs hommes, par suite des paroles qu'ils auront entendues ou des écrits qu'il*

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imais ce

auront lus, leur opinion change, il n'y a lu rion que de par- faitement k'gitinu'. Bien que l'opinion (qu'ils exi riment soit diftcWente de celle qu'ils auKiient exprinnjo «anH cette inter- vention, cependant l'opinion qu'ils expriment est bien celle fju'ils veulent exprimer, celle qui est au fond de leur con- science ; la constitution reçoit son entière a])plicatiou. Si, cependant, malgré tous les raisonnements, l'oiiinion des élec- teurs est restée la même, mais que par intimidation ou par fraude, vous les forciez à voter dift'éremment, l'opinion qu'ils expriment n'est plus leur opinion, et la constitution est dès lors violée. La constitution, comme Je l'ai déjà dit, entend que l'opinion de chacun soit librement exprimée comme il la conçoit, au moment qu'il l'exprime, et la réunion collective de chacune de ces opinions individuelles, librement expri- mées, forme le gouvernement du pays.

La loi veille d'un (eil si jaloux à ce que l'opinion de l'élec- teur soit exprimée telle qu'elle est, que si, dans un comté, l'opinion exprimée par un seul des électeurs n'est pas son opinion réelle, mais une opinion arrachée par lu crainte, par la fraude ou par la corruption, l'élection devra être annulée.

Il est donc parfaitement permis de changer l'opinion de l'électeur, par le raisonnement et par tous les autres moyens de persuasion, mais jamais par l'intimidation. Au fait, la persuasion change la conviction de l'électeur, l'intimidation ne la change pas. Quand, par persuasion, vous avez changé la conviction de l'électeur, l'opinion qu'il exprime est son opi- nion ; mais quand, par terreur, vous forcez l'électeur à voter, l'opinion qu'il exprime, c'est votre opinion ; faites disparaître la cause de terreur, et alors il exprimera une autre opinion, la sienne propre.

Maintenant, on le conçoit, si l'opinion exprimée de la majo- rité des électeurs n'est pas leur opinion réelle, mais une opinion arrachée par fraude, par menace ou par corruption, la constitution est violée, vous n'avez pas le gouvernement de la majorité, mais le gouvernement d'une minorité. Or, si un tel état de choses se continue et se répète ; si, après chaque

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I : I

élection, la voJoat<! exprimée u'est }>iw lu volonté réelle Uu pays, eûcûïe nue l'ui;^, vo\w i-ntiavc/ la conntitiitiou, gou- varnemeut reMpouHtibk n'ont plu^ (pi'uu vaiu mot, ot tôt on lard, ici cojiuim ailleui's, con4vi-eâ.siou nnumera l'explo- fliou, Ia violei.i'e vi les ruinos.

Mais il nt) ni.incpiera pas du i,'ens <pii diront (juo le clergt's A dioit de dicter au peuple quels sont ses deroire. .le réponds siniplomeut que nous sommes ici sous le gouvernoiuent de k Reine d'Angleterre, sows l'autor'té d'une coiwtitntion qui BOUS a été accordée couime un acte île justice ; et que, si IVxercice des droite (pui vous réciùiiiez devait avoir pour effet d'ientraver cotte constitution et de noua exposer à toutes les conséquences d'mi i)areil acte, le ciei-gé lui-mênio u'en vou- dmit pas.

Je ne suis pas de ceux fjui se donnent avec aflfeetation comme les amis et les défenseurs du clergé. Cependant, je dis ceci : comme la plupart des jeunes gens, mes compatriotes, j'tii été élevé par des prôtres, et au unlieu (le jeunes gens qui sont devenus des prêtres. Je me flatte que je compte parmi eux quelques amitiés sincères, et à ceux du moins je pui.s dire, et ije dis : " Voyez s'il y a sousle soleil un pays plus heureux «pie le nôtre ; voyez s'il y a sous le soleil un pays régli-t' catliolifiue soit plus libre et plus pri%'ilégiée que cellil-ci. Pourquoi donc iriez-vous, par la revendicntion do droits incompatibles avec notre état de société, exposer eo jmys à des agitations dont les conséquences sont impossibles à pr(''Voir ?"

Mxiis, je m'adresse à tous mes compati'iotes indistinctement, je leur dis :

" Xous sommes un i)euple liem'eux et libre ; et nous sommes heureux et libres, grâce aux institutions libérales qui nous régissent, institutions que nous devons aux eiforts de nos pères et à la sagesse de la mère-patrie. "■ T^a politique du ]')ftrti libéml est de protéger ces institu- tioas, de les défendre et de les propager, et, sous l'empire de «es, institutiofts, de développer les ressources latente» de notre

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pays. Telle est Ift politiViue du parti libéral ; il n'en a pas trautro. "

Maijitenant, pour apprécier toute la valeur de» iastitutions qui noua régissent aujourd'hui, comjiarons l'état actuel de notre pays avec ce ({u'il était avant qu'elles nous eûaaent ot6 o£5troyées.

Il y a maintenant qutuuuto ans, le pays se trouvait sous le coup d'une émotion tiévreuae, en proie à une agitation (jui, quelque mois plus tard, éclatait en insurrection. I-a couronne britannique ne fut maintenue dans le pays que jMir la foToe de la poudre et du canon. Et cependant, ([no demandaient nos devancieva'f Ils ne demandaient rien autre chose que le« institaitions que nous avons maintenant ; ces institutions nous ont été octroyées, on les a appliquées loyalement ; et voyez la cousé(pienco : le drapeau britannique flotte sdi la vieille citatlelle de Québec, il flotte ce soir au-dessus de nos têtes, et il ne se trouve pas dans le paya un seul soldat anglais pour le défendre ; sa seul»? défense, c'est la reconnaissance que noua lui devons pour la liberté et la sécurité que nous avons trouvées sous son ombre.

Quel est le canadien qui, comparant son pa3''s aux pays même les plus libres, ne se sentirait fier des institutions qui l3 protègent ?

Quel est le canadien qui, parcourant les rues de cette vieille cité et arrivant au monument élevé à deux pas d'ici, à la mémoire des deux braves morts sur le même champ do bataille en se disputant l'empire du Canada, ne se sentirait fier de son pays ?

Dans quel autre pays, sous le soleil, trouverez-voua un monument semblable, élevé à la mémoire du vaincu aussi bien que du vainqueur ? Dans quel autre pays, soils le soleil, trouverez-vous le nom du vaincu et du vainqueur honorés au même degré, occiqiant la même place dans le respect de la population 1

Messieurs, lorsque dans cette dernière bataille que rappelle le monument de Wolfe et Montcalm, la mitraille semait la

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mort dans les rangs de l'année française, lov8«iuc les vieux liéros que ia victoii'e avait tant de fois suivis, virent enlin la victoire leur échapper, lorsque, couchés sur le sol, sentant leur sang couler et leur vie s'éteindre, ils virent, ''onime con- séquence de leur déftiite, Québec aux mains de l'ennemi, et le pays à jamais pei'dii, sans doute leur pensée suprême dut se tourner sur leurs enfants, sur ceux qu'ils laissaient sans protection et sans défense ; sans doute ils les virent pewécu- tés, asservis, humiliés, et alors, il est permis de le croire, leur dernier soupir put s'exluler dans un cri de désesixjir. Mais si, d'un autre côté, le ciel permit que le voile de l'&A'enir se déchirât à leurs yeux mourants ; si le ciel permit que leur regard, avant de se fermer pour jamais, pénétmt diuis l'incou- niî : s'ils purent voir leurs enfants libres et heureux, mar- chant le front liant dans toutes les sphères de la société ; s'ils purent voir, dans la vieille cathédrale, le banc d'iiouneur des gouverneura fi-ancais occupé par un gouverneur français ; s'ils, purent voir les tlèchesdes églises s'élançant de toutes les vallées, depuis les eaux de Gaspé jusqu'aux plaines de la Rivière Pouge ; s'ils purent voir oe vieux drapetiu, qui noua mppelle la plus belle de leui-s victoires, promené triomphale- ment dans toutes nos cérémonies publitjues ; s'ils i)urent, enfin, voir nos libres institutions, n'est-il pas pennis de croire que leur dernier soupir s'éteignit dans un murmure de recon- naissance pour le ciel, et qu'ils moururent consolés 1

Si les ombres de ces héros planent encore sur cette vieilla cité pour kupielle ils sont morts, si leui-s ombres planent ce soir sur la salle nous sommes réunis, il nous est permis de croire à nous, libéraux, du moins nous avons cette chère illusion, (lue leurs sym})athies sont toutes a^ec nous.

WILFiai) LAUIUER.

flSK