#. IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) A 1.0 l.l 1.25 2.0 "^ Bits Us 1^ 1.8 U IIIIII.6 ^. P ^. /i <^ /a /a ^%. '.^ y /^ Photographie Sciences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 \ 00 \^ \\ LV - *^ ^ ^ <> 'V fe ^ CIHM/ICMH Microfiche Séries. CIHM/ICMH Collection de microfiches. Canadian Institute for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductions historiques Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques The Institute has attempted to obtain the best original copy available for filming. Features of this copy which may be bibliographically unique, which may alter any of the images in the reproduction, or which may significantly change the usual method of filming, are checked below. D D El D Coloured covers/ Couverture de couleur I I Covers damaged/ Couverture endommagée □ Covers restored and/or laminated/ Couverture restaurée e;:, ou pelliculée 1~~| Cover title missing/ Le titre de couverture manque Coloured maps/ Cartes géographiques en couleur □ Coloured ink (i.e. other than blue or black)/ Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire) I I Coloured plates and/or illustrations/ Planches et/ou illustrations en couleur Bound with other matériel/ Relié avec d'autres documents Tight binding may cause shadows or distortion along interior margin/ La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure Blank leaves added during restoration may appear within the text. Whenever possible, thèse hâve been orriitted from filming/ Il se peut que certaines pages blanches ajoutées lors d'une restauration apparaissent dans le texte, mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont pas été filmées. L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du point de vue bibliographique, qui peuvent modifier une image reproduite, ou qui peuvent exiger une modification dans la méthode normale de filmage sont indiqués ci-dessous. D D D 0 D 0 D D D n Coloured pages/ Pages de couleur Pages damaged/ Pages endommagées Pages restored and/or laminated/ Pages restaurées et/ou pelliculées Pages discoloured, stained or foxed/ Pages décolorées, tachetées ou piquées Pages detached/ Pages détachées Showthrough/ Transparence Quality of print varies/ Qualité inégale de l'impression Includes supplementary matériel/ Comprend du matériel supplémentaire Only édition available/ Seule édition disponible Pages wholly or partially obscured by errata slips, tissues, etc., hâve been refilmed to ensure the best possible image/ Les pages totalement ou partiellement obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure, etc., ont été filmées à nouveau de façon à obtenir la meilleure image possible. J Additional comments:/ Commentaires supplémentaires: Les pages froissées peuvent causer de la distorsion. This item is filmed at the réduction ratio checked below/ Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous. 10X 14X 18X 22X I I I I I I I Ivl I I I I I 26X 30X 12X 16X 20X 24X 28X 32X The copy filmed hère has been reproduced thanks to the generotity of: Seminary of Québec Library L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la générosité de: Séminaire de Québec Bibliothèque The images appearing hère are the beat qusiity possible considering the condition and legibility of the original copy and in keeping with the filming contract spécifications. Les images suivantes ont été reproduites avec le plus grand soin, compte tenu de la condition et de la netteté de l'exemplaire filmé, et en conformité avec les conditions du contrat de filmage. Original copies in printed paper covers are filmed beginning with the front cover and ending on the last page with a printed or illustrated impres- sion, or the back cover when appropriate. Ail other original copies are filmed beginning on the first page with a printed or illustrated impres- sion, and ending on the last page with a printed or illustrated impression. Les exemplaires originaux dont la couverture en papier est imprimée sont filmés en commençant par le premier plat et en terminant soit par la dernière page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration, soit par le second plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires originaux sont filmés en commençant par la première page qui comporte une empreinte d'impression ou d'illustration et en terminant par la dernière page qui comporte une telle empreinte. The last recorded frame on each microfiche shall contain the symbol ^^ (meaning "CON- TINUED "). or the symbol y (meaning "END"), whichever applies. Un des symboles suivants apparaîtra sur la dernière image de chaque microfiche, selon le cas: le symbole —»> signifie "A SUIVRE ", le symbole y signifie "FIN". Maps, plates, cherts. etc., may be filmed at différent réduction ratios. Those too large to be entirely included in one exposure are filmed beginning in the upper left hand corner, left to right and top to bottom, as many frames as required. The following diagrams illustrate the method: Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être filmés è des taux de réduction différents. Lorsque le document est trop grand pour être reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir de l'angle supérieur gauche, de gauche è droite, et de haut en bas, en prenant le nombre d'images nécessaire. Les diagrammes suivants illustrent la méthode. 1 2 3 1 2 3 4 S 6 ■^s 'J ■ -* • ■I'*.- '..J*''' -, Chez PanckouCKE, Libraire , à l'hôtel de T/wu , rue des Poitmns ^ quartier Siùnt-André^des-Arcs^ / i \ -,-._ ; ** . - '- ■ % ' ■. "' •■ .*■■■'* ,:•.> •. ••■■■.■..' .: > M- .- . ., ' ^, - -" : , . .V, .*, .:t ' '^V . v« •■ .-># HféxOIRE NATURELLE, GÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE. \Par M. DE Bu F F ON, Intendant du Jardin du Roi, de l' Académie Françoife , & de celle des Sciences, &c, N O U V E L L E È D ï T4 O N. Tome Premier. PARIS, E L'IMPRIMERIE ROYALE. M. D C C L X I X, \. l ^ >t\ k - to A. i ^>-^ ^y:^t''^r,^:^^^^:;! >*• ' /• •<%., •~ 1 5 ' f ,.. y ^ 'V f l -■ . . *;»£'1;:^i!^fr^^''S''ff'i?' m^ jL^liJM^ AU ROI. ■*fe. S IRE, L^Hiftoire if les monumens immortaliferont les qualités hér rdiques , i^ les vertus pacifiques que rUnivers admire dam la per- fonne de VOTRE MAJESTÉ : Cet ouvrage qui contient l'hif toire de la Nature , entrepris par vos ordres , confiicrera à la pojlérité votre goût pour les -Sciences , if la proteâîon éda- tante dont vous les hdnorei^ Senfible à toutes les fortes de gloire, grand en tout, excellent en vous-même , Si RE, vous Jère:^ à jamais l'exemple des Héros if le modèle des Rois. Nous fommes avec un très- .profond refpeél , .^ , •—.—':'. C / /? 77 ' . V ■■■ \. t . V u Z>£ Votre Majesté, M" *.",■ •'- * ;.>»♦■ V ♦ t.- > ï \ • '■> •¥■«. Les très-humbîes , très-obéifïâns & très- fidèles fujets ik fèrvîteurs , B TJ F F o N , Intendant de votre Jardin 6.t% Plantes , . - v^ Daubenton, Garde & Démonftrateur de votre Cabinet d'Hiiloire Naturelle. TABLE De ce qui eft contenu dans ce Volume. Premier Discours. De la manière d'étudier & de traiter ïHifloir^i Naturelle, Page 3 Second Discours. Hifioire à^ , théorie de la Terre • . . . . 35?; Preuves dé la Théorie de la Terre. Article I, De la formation des? Planètes» • • • • 185 Art. II. Du Syfeme de J\/L. Winfton. . • • . ^45 Art. III. Du Syfîème de M^. Buriiet. • • . K 2.6z Art. iV. Du Syflème de M. ^j Article V. Expofitwn de quelques autres Syftèmes, 27 5 Art. V I. Géographie 297 Art. VII. Sur la produâ'wn des couches ou lits de terre, ..... 334 Art. VI il Sur les coquilles & les autres produâiotiS de • ^' :. la mer, qu'on trouve dans 1' inteneur de " la terre 388 ?!■■•.,.♦ :•', ,♦. * .• .f w n u '!1 :\ HISTOIRE j.i.i V HISTOIRE NATURELLE Premier Pifcûurs. m mmmmm 01R£ Tome u i V Res ardua vetujlîs novîtntem dare , novis 4iui%ritatem , obfoletîs nitorem, obfcurts liicern , faflîditis gratiamt dubîis fidem, omnibus vero naturam, Ù" naturcefiia: omnîa, Plin. in, Praef^ ad Vefpaf. »» I .' # V" II s s i HISTOIRE NATURELLE. PREMIER DISCOURS. \ De la manière J! étudier & de traiter l'Hifloîre Naturelle, . L'H I s T O I R E Naturelle prî(ê dans toute fon étendue, eft une Hiiloirc |iniincnfe, elle embraflê tous les objets [que nous préfente l'Univers. Cette mul- titude prodigieufe de Quadrupèdes, rOiieaux, de Poiflbns, d'Infedes, de Mantes, de Minéraux , &c. offre à la :uriofité de l'efprit humain un vafle pet^acle dont l'enfemble efl: fi grand, lu'ii paroît & qu'il efl en effet inépui- ^ble dans les détails. Une (êule partie le i'Hiftoirc Naturelle, comme i'Hif- )ire des Inledcs, ou l'Hifloire des A i; r ! i: î$ Manière de traiter Plantes, fufîit pour occuper pïufîeurs hommes i & les plus habiles Oblèrva- teurs n'ont donné , après un travail xle plufieurs années, que des ébauches affez imparfaites des objets trop multipliés que préfentent ces branches particulières de i'Hiftoire Naturelle, auxquelles ils s'-éioient uniquement attachés : cepen- dant ils ont fait tout ce qu'ils pouvoient faire , & bien loin de s'en prendre aux Ob(èrvatciu*s du peu d'avancement de la Science , on ne fâuroit trop louer leur afliduité au travail & leur patience , on .ne peut même leur refuler des qua- lités plus élevées ; car il y a une efpèce de force de génie & de courage d'efprît à pouvoir enviiager , (ans s'étonner, la Nature , dans la multitude innom- brable de fes productions , & à .fe croire capable de les comprendre & de les comparer ; il y a une efpèce de goût à îcs aimer, plus grand que le goût qui n'a pour but que des objets particu- iiers, & l'on peut dire que l'amour de l'étude de la Nature fuppofe dans l'ef- prit deux qualités qui paroifîênt oppo- {é^i^ les grandes vues d'un génie ardent H >M -f>Jè iHeuri ferva- rail àc îsafTez Itipliés :uUères lies lis cepen- avoient dr« aux lient de p louer aliénée , le? qua- e efpècc ; d'eCprit îtonncr , innpm- fe croire de les gout a ;out qui particu- naur de [ans l'ef- At oppo- cie ardent îHiJloire Naiureïïe. f qui cmbrafTe tout d'un coup-d'œiï, & les petites attentions d'un *iftinél la- borieux qui ne s'attache qu'à un feuf points Le premier obftacîe ^ul Ce pré(entef dans l'étude de l'Hiftoire Naturelle, vient de cette grande multitude d'objets ; mais la variété de ces mêmes objets, ôc la difficulté de raffemblcr les produc- tions diverfes des différens climats , for- ment un autre obilacle à I avancement de nos connoiflànces , qui paroît invin- cible, & qu'en effet le travail (eul ne peut furmonter; ce n'eft qu'à force [de temps, de foins, de dépenfès, ôi ifouvent par ées hafàrds heureux , qu'oa )éut Ce procurer des individus bien, :onfervés de chaque efpèce d'animaux , le plantes ou de minéraux, & former me colledion bien rangée de tous les fuvrages de la Nature. Mais lorfqu'on eft parvenu à raflêm- iîer des échantillons de tout ce qui iuple rUnivers, lorfqu'après bien des îines on a mis dans un même lieu des )dèles 3e tout ce qui fe trouve rc- ludu avec profufion fur la terre, ^ À iij t 1 * 6 Mûtnere de tmtîer qu*on jette pour la première fois \t% yeux fur ce magafiii rempli de choies diverfes , nouvelles & étrangères , la première ienlâtion qui en réfulte , ejfl un étonnement mêlé d admirati.on , & la première réflexion qui fuit, feft uit retour humiliant .fur nous-mêmes. Oa re s'imagine pas qu'on puifTe avec le temps parvenir au point de reconnoîire tous ces différens objets, qu'on ptiilTe parvenir non - feulement à les recon- ïioître par la forme , mais encore à fa- voir tout ce, qui a rapport à la naif- {ànce , la produdion , l'organifation , icâ ufages, en un mot à i'hifloire de chaque chbfç eil particulier : cepen- dant , en fe familiarifànt avec ces mêmes objets, en les voyant fouvent, 5c, pour ainfi dire, fans deffeîn, ils forment peu à peu des impreflions durables , qui bientôt fe lient dans notre efprit par des rapports fixes &■ invariables ; & de- ià nous nous élevons à des vUes plus générales, par ïefqueiles nous pouvons cmbrafTer à ia fois plufieurs objets dif- yférens; & c*efl alors qu'on eft en état " d'étudier avçc prdrç, de réfléchir avec )it lut lue •érei fois Tes I chofcs ;res , la Ite, efl ipn , ^ , bft un nés. Oa avec le :onnoîire 311 pUiiTe is recon- ore à fa- i h naif- anifaûon , ^ liftoire de| ' : cepen- :es mêmes , & , pour rment peu ables, qui efprit par les ; Ôi de- vUes plus s pouvons objets ciif- eft en état léchir avec rHtJloire Naturs^ . y fruît , & de fe frayer des routes pour arriver à des découvertes utiles. On doit donc commencer par voir beaucoup & revoir fouvent ; quelque nécefTaire que l'attention foit à tout , ici on peut s*en difpenfer d'abord : je veux parler de cette attention fcrupu- leu(ë , toujours utile iorfqu'on fait beau- coup , & fouvent nuifible à ceux qui coinmencent à s'inftruire. L'eiïentiel cfl de leur meubler la tête d'idées & de faits, de les empêcher, s'il eft polîible, d'en tirer trop tôt à^ raifonnemeiis & àt% rapports; car il arrive toujours que par l'ignorance de certains faits « & par 11 trop petite quajitité d'idées y [Ils épuifent leur efprit en faufTes corn- Ibinaifons , & fe chargent la mémoire le conféquences vagues , & de réfultats :ontraires à la vérité, lefqucis forment lans la fuite à&% préjugés qui s'cfïàcent lifficilement. C'eft pour cela que j*ai dit qu'il fîif- )it commencer par voir beaucoup, il lut aiiOl voir prefquc fans deflein , parce je fi vous avez réfolu de ne confi- ?rer les chofes que dans une certaine A iii} v_ 1 11 \ : 1 , »" ,' 9 Alanière de traiter vue, dans un certain ordre, dans un cer- tain fyftème, eufliez - vous pris le meil- leur chemin, vous n»*arriverez jamais à la même étendue <{e connoiiïànces à laquelle vous pourrez prétendre , fi vous laiiïèz dans les commencemens votre elprit marcher de lui - même , fê Tcconnoître, s'afîurer fans fecours, & former fèul ia première chaîne qui repréfente i*ordre de fes idées. Ceci eft vrai fans exception , pout toutes les perfonnes dont Tefprit efl fait & le raifonnement formé ; ies jeunes gens au contraire doivent être- guidés plus tôt & confeillés à propos , il faut même les encourager par ce qu'il y a de plus piquant dans la fcience j en Icuf faifant remarquer les chofes les plus fin- gulièrcs , mais fans leur en donner d*ex- piicauons précifes ; le myflère à cet âge excite la curiofité , au lieu que dans I*âge mûr il n'infpire que le dégoût ; les enfàns fe lafTent aifément des chofes qu'ils ont déjà vues, ils revoient avec indifférence , à moins qu'on ne leur pré- fente les mêmes objets fous d'autres points de vue , & au lieu de leur répéter 'M "i THifloire Naturelle. 9; fimpTement ce qu*on leur a déjà dit, il vaut mieux y ajouter des circonf- tances , même étrangères ou inutiles ; on perd moins à les tromper qu'à les dégoûter. Lorfqu'après avoir vu & revu plu- sieurs fois les chofes , ils commenceront à fe les repréfenter en gros , que d'eux- mêmes ils fê feront des divifions, qu'ils commenceront à apercevoir des diftinc- tions générales , le goût de la fcience pourra naître, & il faudra l'aider. Ce goût fi nécefïàire à tout , mais en même temps fi rare , ne fe donne point par les préceptes ; en vain l'éducation voudrôit y fuppiéer, en vain les pères contrai-^ gnent-ils leurs enfans , ils ne les amè- neront jamais qu'à ce point commun à tous les hommes , à ce degré d'intel- ligence & de mémoire qui fuffit à la» fociété ou aux affaires ordinaires; mais c'eft à la Nature à qui l'on doit cette première étincelle de génie, ce germe de goût dont nous parlons , qui fè dé* veloppe enfuite plus ou . moins , fuî- vant les différentes cixconftances & les diiférens objets. Ay Il 10 Manière de trmîer Auffi doit-on préfentcr à i*efprît des jeunes gens des cho(ès de toute efpèce ,' des études de tout genre , des objets de toutes fortes , afin de rcconnoître le genre auquel leur efprit (e porte avec plus de force , ou fc livre avec plus de plaifir : THidoire Naturelle doit leur être préf entée à fon tour, & précifé- ment dans ce temps où la raifon com- mence à fc développer , dans cet âge où ils pourroient commencer à croire qu'ils fa vent déjà beaucoup ; rien n'cft plus capable de rabaifTer leur amour propre, & de leur faire lêntir combien il y a de chofes qu'ils ignorent ; & indépendamment de ce premier effet , qui ne peut qu'être utile , une étude même légère de THiftoire Naturelle élèvera leurs idées , & leur donnera des connoiflances d'une infinité de choies que le commun des hommes ignore, & qui fe retrouvent fou vent dans i'ulàge de la vie. Mais revenons à l'homme qui veut s'appliquer férieufcment à l'étude de là Nature , & reprenons - le au point où nous l'avons iailTé, à récifé- com- cet âge croire m n'eft amour ;oinbien !nt ; & r effet , e étude Naturelle nera des î chofes lore, & l'ufage qui veut de de là 3oint où nt où '^ rHifloire Naturelle, i i commence à généralifer fes ide'es, & à fe former uiie méthode d'arrangement & des fyftèmes d'explication : c'elt alors qu'il doit confulter lés gens inftruiis , lire les bons auteurs , examiner leurs différentes méthodes , & emprunter deç lumières de tous côtés. Alais comme il arrive ordinairement qu'on fe prend alors d'afïedion & de goût pour cer- tains auteurs , pour thodc , & que fou^ men afîez mûr, tème quelquefois que nous donnl tions préliminaire qu'on a imaginée! telligence de l'Hilio^jg^iimp^^pr ces méthodes font ^è\ -^BB||p|^irfqu'oiT ^e les emploie qi^^^^i^^ ies re(Vl<âions convenables; elles abrègent le travail , elles aident la mémoire , & elles offrept à Tcfprit une fuite d'idées, à la vérité compofées d'objets différens entr'euxv mais qui ne laiflènt pas d'avoir des rap- ports communs , & ces rapports for- ment des imprefllons pliïs fortes que 22C pourroieiu faire des objets détaché^' A vj '1 2 'Mûinère Je traiter qui n'auroicnt aucune relation. V0TI& la principale utilité des niéihodes, mais l'inconvénient cft de vouloir trop alon- ger ou trop rcflerrer fa chaîne , de vou- loir foumettre à des loix arbitraires les ioix de la Nature, de vouloir la divî- fèr dans des points où elle eft indivf- fjble , & de vouloir mefurer fes forces par notre foible imagination. Un autre inconvénient qui n'eft pas moins grand , & qui eft le contraire du premier , c'eft de 5 afTujettir à des méthodes trop par«» ticuiièrcs , de vouloir juger du tout par une feule partie, de réduire la Nature à de petits fyftcmes qui lui font étrangers, & de fes ouvrages immcnfcs en former arbitrairement autant d'aflcmblages dé- tachés ; enifiii de rendre , en multipliant les noms & les rcpréfêntatîons , k langue de ia fcience plus diiîicile que la fcience ellt-m'ême. Nous fommes naturellement portés à imagfner en tout une efpèce d'ordre & d'uniformité, & quand on n'examine que légèrement les ouvrages de la Na- ture , il paroît à cette première vue qu'elle â toujours travaillé fur un mêm« u THiftoire Naturelle. ij pîan : comme nous ne connoiflbns hous- mêmes qu'une voie pour arriver à un but, nous nous perlUadons que la Na* ture fait ôl opère tout par Ie$ mêmes moyens & par des opérations fem- blables ; cette manière de penfêr a fait imaginer une infinité de faux rapports entre les produdions naturelles , les plantes ont été comparées aux ani- maux , on a cru voir végéter les mi- néraux , leur organifaiion ii différeme , te leur mécanique fi peu reflèmblante ont été Souvent réduits à la même forme. Le moule commun de toutes ces cbofes fi difîèmblables entr*elies , eft moins dans ia Nature que dans i'efprit étroit de ceux qui l'ont mal connue, & qui favent auffi peu juger de la force d'une vérité , que des julles limites d'une ana- logie comparée. En elffet , dort - on , parce que le (àng circule , aflTurer que la sève circule auflî f doit- on conclure de la végétation connue des plantes à une pareille végétation dans les minc- ^raux, du mouvement du (ang à celui de la sève , de celui de la sève au mou- vement du fuc pétrifiant! n'eft-cc pas { • .''/. 14 Manière Je traiter porter^dans h réalité des ouvrages âif Créateur , les abdradioiis de notre eC- prit borné , & ne lui accorder , pour ainfi dire, qu'autant d'idées que nous en avons l Cependant on a dit , & on dit tous les jours des chofes aufli peu fondées , .& on bâxit des fyflèmes fur des fafts incertains , dont i'examen n a jamais été fait , & qui ne fervent qu'à montrer le penchant qu'ont les hommes à vouloir trouver de la reflemblance dans les objets les plus différens , de la régularité où il ne règne que de la va- riété , & de Tordre dans les choies qu'ils n'aperçoivent que confulement. Car lorfque , (ans s'arrêter à des con- noiflànces iUperficielles dont les réful- tats ne peuvent nous donner que des idées incomplètes des produc^lions & des opérations de la Nature , nous vou- ions pénétrer plus avant, & examiner avec des yeux plus attentifs la forme & la conduite de (es ouvrages, on eft au(îî furpris de la variété du deffein , que de la multiplicité des moyens d'exé- cution. Le nombre des produ<^ions de h j^iaure^ quoique prodigieux > ne fait •âges Ai lotre eC~ r , pour ue nous : , & on ufli peu mes fur men n'a cnt qu'à hommes :mblance is , de la Je la va^ ifes qu'ils t. des côn- es réful- que des fiions & lous vou- examiner la forme , on eft defTein , ;ns d'exé- dtions de ^, ne fait TMiJlotre NaîtireÏÏe». ry. ak>rs que la plus petite partie de notre étonnement , la mécanique, fon art» fês relTources y (as délordres même ^. emportent toute notre admiration ; trop< petit pour cette immenfité , accablé par le nombre des merveilles, i'efprit hu-» main fuccombe : il fcmble que tout ce qui peut être, e(l ;■ la main du Créateur ne paroît pas s'être ouverte pour don-r ner l'être à un certain nombre déter-» miné d'efpèces; mais il (emble qu'elfe; ait jeté tout- à-la-fois un monde d'êtres, relatifs & non relatifs , une infinité de combinaifons harmontques du contrai- res , & une perpétuité de deûrudions & de renouvclkiiiens. Quelle idée de puiflance ce fpediicle ne nous ofFre-t-il pas ! quel fèntiment de refpe^ cette vue de l'Univers ne nous in(pire-t-elle pas pour fon Auteur 1 Que feroit-ce ft la foible lumière qui nous guide , dcve-? noit aflez vive pour nous faire aper- cevoir l'ordre général des cauies & de kl dépendance des effets î mais I'efprit le plus vafle, & le génie le plus puif^ iant , ne s'élèvera jamais à ce haut poinft de connoiiïaacei:, les premières eau fes 'l'I '1 6 Manière Je traiter nous feront à jamais cachées, les réful* tats généraux de ces caufes nous feront aufli difficiles à connoître que les eau (es mêmes ; tout ce qui nous ert poffiblc , c*e(l d'apercevoir quelques effets parti- culiers, de les comparer, de les com- biner, & enfin d*y reconnoîtrc plutôt un ordre relatif à notre propre nature, que convenable à i'exiflence des chofes que nous considérons. Mais puifque c*eft la feule voie qui nous (bit ouverte, puifque nous na- Yons pas d'autres moyens pour arriver à la connoiflànce des chofes naturelles , H faut aller jufqu'où cette route peut nous conduire, il faut raffembler tous les objets , les comparer , les étudier , & tirer de leurs rapports combinés toutes les lumières qui peuvent nous aider à les apercevoir nettement & à les mieux connoître. v?Mri^ ^i î» vKia La première yérîté qui fort de cet examen féricux de la Nature, c(l une vérité peut-être humiliante pour Thom- me ; c'eft qu'il doit fe ranger lui-même dans la clafTc des animaux, auxquels ii XjeiTembie par tgut ce ^u'il a de matcriçli ;^ /, tH'tfloire Nciturelk. 1/ èi même leur inflinél lui paroîtra peut- être plus fur que fa raifon, & leur induf- trie pîus admirable que Tes ,^ns. Par- courant enfuite fucceffivcment & par ordre les différens objets qui compofent l'Univers & (c mettant à la tête de tous les êtres créés , il verra avec étonnement qu*on peut defcendre par des degrés prerqu'infênfibles , de la créature la plus parfaite jufqu'n là madère la plus in- tonne , de l'animal le mieux organifc jufqii'au minéral le plus brut ; il recon- noîtra* que ces nuances imperceptibles font le grand œuvre de la Nature; il les trouvera, ces nuances , non-feulement dans les grandeurs & dans les former ^ mais dans les mouvemens , dans les gé- nérations, dans les fucceÛions de toute cfpèce. En approfondiffànt cette idée, on voit clairement qu'il efl impoiîible de donner un fyftèm^ général , une mé- thode parfaite , non - feulement pour l'Hiftoire Naturelle entière , mais même pour une (euïe de (es branches , car pour fliire un fyftème, un arrangement, en uii mot une méthode générale , il faut que ,1 8 [Manière de traiter tout y fbit compris; il faut divîTer ce tout en différentes clafies , partager ces clafîès en genres, fous-divifer ces genres en efpèces, & tout cela fuivant un ordre diins lequel il entre néceflairement de l'arbitraire. Mais la Nature marche par des gradations inconnues, & par confé- quent , elle ne peut pas (e prêter totale- ment à ces divifions , puifqu'eife pafîè d'une efpèce à une autre efpèce , & fou- vent d'un genre à un autre genre , par des nuances imperceptibles; de forte qu'il le trouve un grand nombre d'efpèces moyennes & d'objets mi -partis qu'on ne fait où placer , & qui dérangent né- ceffairemem le projet du fyrtème géné- ral: cette vérité eft trop importante pour que je ne l'appuie pas de tout ce qui peut la rendre claire & évidente. Prenons pour exemple la Botanique , cette belle partie dei'Hiftoirc Naturelle, qui par fon utilité a inériic de tout temps d'être la plus cultivée, & rappelons à l'examen les principes de toutes les mé- thodes que les Botaniftes nous ont don- nées ; nous verrons avec quelque furprife qu'ils ont eu tous en vue de comprendre leions à 0 FHijToire Naturelle, fp Jans leurs méthodes généralement toutes les elpèces Je plantes , & qu'aucun d'eux n'a parfaitement réufli ; il iè trouve tou- jours dans chacune de ces méthodes un certain nombre de j)lantes anomales dont l'efpcce ell moyenne entre deux genres ^ & fur laquelle il ne leur a pas été poflible de prononcer jufte, parce qu'il n'y a pas plus de raifon de rapporter cette efpèce à l'un plutôt qu'à l'autre de ces deux genres : en efïet, fe propofer de faire une méthode parfaite, c'eft fe propofer mi travail impoflîbîe; il faudroit un ouvrage qui reprcfentât exa<^ement tous ceux de !a Nature , & au contraire tous les jours il arrive qu'avec toutes les riié* thodes connues , & avec tous tes (ecour^ qu'on peut tirer de la Botanique ia plus éclairée, on trouve des efpèces qui ne peuvent fe rapporter à aucun des genres compris dans ces méthodes : ainfi Texpé-* ricnce ell d'accord avec la raifon fur ce point , & l'on doit être convaincu qu'on ne peut pas faire une méthode générale & parfaite en Botanique; Ge- *pendant il femble que la recherche de cette méthode générale foit une efpèce ao Manière de traiter ; de pierre philofophale pour les Bota- jiifles , qu'ils ont tous chercfié avec des peines & des travaux infinis ; tel a paffé qiiarante ans, tel autre en a pafle cin- quante à faire fon fyftème , & il efl arrivé en Botanique ce qui eft arrivé «n Chimie , c'eft qu'en cherchant la pierre phiiofophaîe que i'on n'a pas trouvée, on a trouvé une infinité de chofes utiles ; & de même en voulant faire unt méthode générale & parfaite en Botanique, on a plus étudié & mieu^t connu les plantes du leurs ulàges : tant il eft vrai qu'il faut un but imaginaire aux hommes pour les foutenir dans ieurs travaux , & que s'jb étoicnt perfuadé» qu'ils lie feront que ce qu'en effet ils peuvent faire ^ ils ne feroient rien da tout. Cette prétention qu'ont les Botaniftes , d'établir des fyftèmes généraux , parfaits & méthodiques , efl donc peu fondée j auffi leurs travaux n'ont pu aboutir qu'à nous donner des méthodes défeétueufcs, lefquelles ont été fucceffivement dé- truites les unes par les autres, & ont fubi^ le fort commun à tous les fy Ile mes m Bota- »c des i paffé é cin- arrivé lant la l'a pas iiité de voulant parfaite 'i mieu>t : tant il laire aux \s leurs lerfuadés effet iU rien du )taniftes , , parfaits fondée -, |utir qu'à ueufes , lent dé- ont fubi^ fyftemes THijloire Naturelle, 21] fondes fur des principes arbitraires; 6c ce qui a le plus contribue à renverfer les unes de ces méthodes par les autres , c'eft la liberté que les Botaniftes fe font donnée de choifir arbitrairement une feule partie dans les plantes, pour en faire fe caraélère fpécifique : les uns ont établi leur méthode fur la figure des feuilles , les autres fur leur pofition, d'autres fur la forme des fleurs , d'autres fur le nombre de leurs pétales, d autres enfin fur le nombre des étamirrès ; je ne finirois pas fi je vouiois rapporter en détail toutes les méthodes qui ont été imaginées, mais je ne veux parler ici que de celles qui -ont été reçues avec lapplaudiflement , & qui ont été fuivies .chacune à leur tour, fans que Ton ait jfait aflez d'attention à cette erreur de >rincipe qui leur eft commune à toutes, qui confifte à vouloir juger d'un tout , de la combinaifon de plufieurs touts , >ar une feule partie , & par la comparai- 'm des différences de cette feule partie : car vouloir juger de la différence des Vplantes, uniquement par celle de leurs Jcuiiles ou de leurs fleurs, c'eft coinmc 2 2 • Manière de traiter fi on vouïoit connoître fa différence des animaux par la différence de leurs peaux ou par celle des parties de la génération ; & qui ne voit que cette façon de con- noître n'eft pas une fcience , & que . ce n'efl tout au plus qu'une convention, une langue arbitraire, un moyen de s'entendre , maïs dont ii ne peut réfulter ■aucune connoifTance réelle. Me fcroit - il permis de dire ce que je penfè fur Torigine de ces difTérentes méthodes , & fur Jes caufes qui les ont multipliées au point qu'acîtuellemcnt la Botanique elle -même efl: plus aifée à ap- prendre que la nomenclature , qui n'en efl que la langue! Me feroit-il permis de dire qu'un homme auroit plutôt fait xle graver dans fa mémoire les figures de toutes les plantes , & d'en avoir des idées miettes, ce qui efl la vraie Botanique, que de retenir tous les noms que les diffé- rentes méthodes donnent à ces plantes^ & que par conféquent la langue eft de- venue plus difficile que la fciencej voici, ce me femble , comment cela efl arrivé. On a d'abord divifé les végétaux fuivant leurs différentes grandeurs, on a dit, il ce que je Jifférentes ai les ont lemcnt la ilfce à ap- qui n'en - U permis plutôt fait figures de r des idées ique, que les diffé- es plantes 1 rue eft de- ice>î voici, eft arrivé. lUX fuivant )n a dit , il THifloirc Naturelle, ij y a de grands arbres , de petits arbre* , «les arbriflèaux, des fous-arbrifleaux , de grandes plantes, de petites plantes &. de» herbes. Voilà le fondement d'une mé- thode que l'on divile & fous - divifè en- fuite par d'autres relations de grandeurs &. de formes , pour donner à chaque çfpèce un cara(flère particulier. Après la méthode faite fur ce plan, il efl: venu des gens qui ont examiné cette diftribution , de qui ont dit : mais cette méthode fon- dée fur la grandeur relative des végétaux ne peut pas fc foutenir , car il y a dans une [feule efpèce , comme dans celle du chêne , Ides grandeurs fi différentes , qu'il y a des îfpèces de chêne qui s'élèvent à cent îieds de hauteur, & d'autres efpèces de :hêne qui ne s*élèvent jaiuais à plus tfé kux pieds; il en eft de même, propor- tion gardée, des châtaigniers, des pins, les aloès, & d'une infinité d'autres ef- >èces de plantes. On ne doit donc pas, ht- on dit, déterminer les genres des frjames par leur grandeur, puifque ce J^gne eft équivoque & incertain, & l'on vit abandonné avec raifbn cette méthode. D'autres font venus cnfuitc , qui, croyant i • 24. Manière âe tmter faire mieux,, ont dit : il faut pour con* noître les plantes , s'attacher aux parties les plus apparentes, & comme les feuilles font ce qu'il y a de plus apparent , il faut arranger les plantcsparia forme, la gran- deur & la pofition à^^ feuilfes. Sur ce projet, on a fait une autre m<éthodc, on l'a -fuivie pendant quelque temps , mais en fuite on a reconnu que les feuilles de prefque toutes les plantes varient prodi- gieuièment lelon les difîîérens âges & les différens terreins, que leur forme n*eft pas plus conftantc que leur grandeur, que leur pofîtion efl encore plus incer- taine; on a donc été auffi peu content de cette méthode que de la précédente. Enfin quelqu'un a imaginé , & je crois que c'efl Gefner, que le Créateur avoit mis dans la frudificatîon des plantes un certain nombre de caradères différens & invariables, & que c'étoit de ce point dont il falloit partir pour faire une mé- thode, & comme cette idée s'eft trouvée vraie jufqu'à un certain point, en forte que les parties de la génération des - plantes (è font trouvées avoir quelques f diffçrences plus contantes que toutes - les f c parties 5 feuilles , il faut la gran- Sur ce iode, OH )s, mais uillcs de t prodi- rcs & les me n'eft randeur , is incer- conient ieédemc. : je crois ;ur avoit antes un férens & ce point uie mé- trouvée en forte on des quelques toutes les » IHiflolre Naturelle» lif les autres pariies de la plante , prifcs féparément , on a vu tout d'un coup s'élever plufieurs méthodeiy de Botani- que, toutes fondées à peu près fur ce même principe ; parmi ces méthodes celle de M* de Tournefort eft la plus remarquable , la plus ingénieufè & la plus complète. Cet illuflre Botanifte a fend les défauts d'un fyftème qui feroit purement arbitraire ; en homme d'efprit il a évité les abfurdités qui fe trouvent dans la plupart des autres méthodes de Tes contemporains , & il a fait fes di(^ tributions & les exceptions avec une fcience & une adrefTe infinies; il avoit > €n un mot , mis la Botanique au point de fe pafTer de toutes les autres métho^ des , & il l'avoit rendue fufceptible d'un certain degré de perfeAion ; mais il s'ell «levé un autre Méthodifte qui , après avoir loué fon fyflème , a tâché de le détruire pour établir le fien , & qui ayant adopté avec M. de Tournefort les caradères tirés de la fructification, a employé toutes les pariies de la généra- tion des plantes , & fur - tour les éia- mines, pour en faire la diltiibution de Tome I, B .s >■ \ ■^6 'Mûtiière Je traiter fcs genres; & méprifant la Qàgç atten-» tion de M. de Tourncfort à ne pas for- cer la Nature au point de confondre, en venu de fort fyftème , ies objets Jes plu$ différens , comme les arbres avec le^ herbes, a mis enfemble & dan$ les même? claiïès le mûrier & l'oriie, la tulipe & ïcpine-viiiette , l'orme & la earotie , la rofe & la fraife, le chêne & la pimpre- neïle. N'ed-ce pas fe jouer de la Nature & de ceux qui rétudient î & fi tout cela n'e'toit pas donné avec une certaine apr parcnce d'ordre myftérieux , & enve- loppé de grec & d'érudiiion Botanique , auroit - on tant tardé à faire apercevoir i.e ridicule d'une pareille méthode , ou plutôt à montrer la confufîon cjui réfultç d'un affemblage fi bizarre î Mais ce n'eft pas tout, Si je vais infiftçr, parce qu'il cit jufle de conlerver à M,, de Tourneforj: ia gloire qu'il a méritée par un travail fieni'é & fuivi , & parce qu'il ne faut pas que les gens qui ont appris la Botanique par la méthode de Tournefort , perdent leur temps à étudier cette nouvelle mé- thode où tout cR changé jufqu'aux noms ^ avix furuoms des planiçs. Je dis donc m h a VHiJloire Natiirelîc, 27" que cette nouvelle méthode qui rafiem- ble dans la même clafTe des genres de plantes entièrement diffêmblables , a en- core indépendamment de (es difparates , des défauts efl'eniiels , & des inconvé- r.iens plus grands que toutes les mé- thodes qui ont précédé. Comme les caradcres des genres font pris de parties prefqu'infîniincnt petites , il faut aller le microfcope à la main , pour reconnoîtrc un arbre ou une plante ; la grandeur, la figure , fc port extérieur , les feuilles , toutes les parties apparentes ne fervent plus à rien , il n'y a que les étamines , & fi l'on ne peut pas voir les éiamrnes, on ne (ait rien, on n'a rien vu. Ce grand arbre que vous apercevez , n'eft peut- être qu'une pîmprenelfe, il faut compter fcs étamines pour lavoir ce que c'cft , & comme fes étamines font fouvcnt (1 petites qu'elles ''chappent ii i'œil funpie ou à la loupe , ii faut un microfcope ; mais malheureu(ement encore pour le fyftcme , il y a à(t^ plantes qui n'ont point d'étamines, il y a des plantes dont le nombre des étamines varie , & voilà la méthode en dcfimt comme les autres. B ij \i 2 3 Manière Je traiter malgré la loupe & le microfcope (a). Apres cette expofaion fincère Jes fondemens fur lefquels on a bâti les dif- férens fyflèmes de Botanique , il eil aifé de voir que le grand défaut de tout ceci cft une erreur de Métaphyfique dans le principe même de ces méthodes. Cette erreur confifte à méconnoître la marche de la Nature , qui fe fait toujours par nuances , & à vouloir juger d*un tout par une feule de Tes parties : erreur bien évi- dente , & qu'il efl étonnant de retrouver par-tout ; car prefque tous les Nomen- clateurs n'ont employé qu'une partie, comme les dents, les ongles ou ergots, pour ranger les animaux ; les feuilles ou les fleurs pour diftribuer les plantes, au lieu de (è fervir de toutes les parties, & de chercher les différences ou les reffem- (û) Hoc vero fyjîenia , Limai Jcilicet , Jam CPgttiris j)îantarum methodis longé vilius it infcrias non jolùm , jed ù" infriper nimis cçaélum , lubrictim iX fallax , imo luforium deprehenderim ; iT" quidein in tamûm , ut non folwn qmad difpojitionem ac denonùnatiomm plmtarum énormes confufwms po/i fe trahcrt , fed iT' vix non pie- nariii dulrir/œ Boianiae folidioris olfcuratio if pcrtuv' batio inde fucrii mctuendiu Vaniloq. BoWn. (pecimen VefuMtum à Siegelbtck. PetropoU, / 7-^X1 pan des du t tle£ relie I c/ur ^ ou ' pui/î ' indiv mé & q l)eau( k/pèc< / 'Hijloire Naturelle. 2 9 Haiîces dans l'individu tout entier. C'cft renoncer volontairement au plus grand nombre des avantages que la Nature nous offre pour la connoître, que de rcfufer dç ie (crvir de toutes les parties des objets, que nous coiifidérons ; & quand même on feroit affuré de trouver dans quelques parties pri(ès féparémcnt, des caracflères conftans & invariables , il ne faudroit pas pour cela réduire la connoifTancc des produdlions naturelles à celle de ces parties confiantes qui ne donnent que des idées particulières & très-imparfaiics du tout, & il ine paroît que le feul moyen de fiiire une méthode inftruélive & natu- relle , c'cfl de mettre enlemble les chofes qui fe reflèmblent , & de féparer celles qui diffèrent les unes des autres. Si les individus ont une reffemblance parfaite, ou des différences fi petites qu'on ne puifîè les apercevoir qu'avec peine , ces individus fieront de la même efpèce ; fi les différences commencent à être fènfibles, & qu'en même temps il y ait toujours ; beaucoup plus de refîcmblance que de différence, les individus feront une autre [efpèce, mais du même genre que les B iij \i 3 6 Minière r/c tnnter premiers; & fi ces clifÎLrciices font encore plus mnrquces, fans cependant excéder les rcflcmblances , alors les individus fe- ront non-feulement d'une autre efpcce, mais même d'un autre genre que les pre- miers & les féconds , & cependant ils feront encore de la même claffe , parce qu'ils fe relTemblent plus qu'ils ne dif- 1 èrent; mais ù au contraire k nombre des différences excède celui des reffemblan- ccs , alors les individus ne font pas même de la même cla/Fe. Voilà Tordre métho- dique que l'on "doit fuivre dans l'arran- gement des produdions naturelles; bien entendu que les reffcmblances & les différences feront prîfes non- feulement d'une partie , mais du tout enfemble , & que celte méthode d'infpeélion fe por- tera fur la forme , fur la grandeur , fui le port extérieur, fur les différentes' parties , fur leur nombre , fur leur pofi- lion , fur la fubftance même de la chofè, & qu'on fè fervira de ces élémens en petit ou en grand nombre , à mefure qu'on en aura befoin ; de forte que fi un individu, de quelque nature qu'il foit, cfl d'une figure afîcz fingulière pour VHïjloïre Naturelle. 3 t èxrt toujours reconnu au premier coup d'ceil , on ne lui donnera qu'un nom : mais fi cet individu 'd de comnun avec un autre la figure, & qu'il en difïcre conftamment par la grandeur, la cou- leur , la fubftance , ou par quelqu'auire qualité très - fcnfible , alors on lui don- nera le même nom , en y ajoutant un adjedif pour marquer cette différence j & ainfi de fuite , en mettant autant d'ad- jcdifs qu'il y a de différences , on fera iiir d'exprimer tous les aaributs différons de chaque efpèce , & on ne craindra pas de tomber dans les inconvéniens des mcihodcs trop particulières dont nous venons de parler , & fur lefquelles je me fuis beaucoup étendu , parce que c'eft un défaut commun à toutes les méthodes de Botanique & d'Hiftoire Natûrçlic , & que les fyflèmes qui ont été faits pour les animaux ,' font encore plus défcdueu» que les méthodes de Botanique ; car ^ comme nous l'avons déjà infinué, ou a voulu prononcer fur la reûcmblance «S: la différence des animaux , en n'ciHj:)loyant que le nombre des doigts ©u ergots, des dents & des mamelles; B iiij ■32 Manière de traiter projet qui reflemble beaucoup à celui des étamines , & qui efl en effet du même Auteur. * , . i li réfultc de tout ce que nous venons d'expoièr, qu'il y a dans Tétude de I'Hi(^ toire Naturelle deux écueiis également dangereux , le premier , de n'avoir au- cune me'thode , & le fécond , de vouloir tout rapporter à un fyftème particulier. Dans le grand nombre de gens qui s'ap- pliquent maintenant à cette fcience, on pourroit trouver des exemples frappans de ces deux manières fi oppoiees , & cependant toutes deux vicieufès : la plu- part de ceux qui , fans aucune étude précédente de rHiftoire Naturelle veu^ lent avoir des cabinets de ce genre , font de ces perfonnes aîfées, peu occupées, qui cherchent à s'amufèr , & regardent comme un mérite d tire mifes au rang des curieux ; ces gens - là commencent par acheter , fans choix , tout ce qui leur frappe les yeux ; ils ont l'air de defirer avec pafîion les chofes qu'on leur dit être rares & extraordinaires , ils les efti- ment au prix qu'ils les ont acquifes , ils arrangent le tout avec complaifaiicç , ou venons « l'Hif- ralement roir au- vouloic riiculier. qui s'ap- înce, on frappans ^ées , & i : la plu- ,ne étude lelle veu'- nre , font Dccupées , regardent s au rang tnmencent e qui leur Ide defirer leur dit Ils les efti- quifes , ils ifancç, OU rHiJioh'c Naturelle, 3 j rentaflènt avec confufion , & finiflcnt bientôt par fe dégoûter : d'autres au contraire , & ce font les plus favans , après s'être remplis la tête de noms , de phrafes, de méthodes particulières, vien- nent à en adopter quelqu'une , ou s'oc- cuper à en faire une nouvelle , & tra- vaillant ainfi toute leur vie fur une même ligne & dans une fauffe diredion , & voulant tout ramener à leur point de vue particulier , ils le rétrécirent l'efprit , celTent de voir les objets tels qu'ils font, & finiflent par embarrafler la fcience , & la charger du poids étranger de toutes leurs idées. On ne doit donc pas regarder les mé- thodes que les Auteurs nous ont données fur l'Hiftoire Naturelle en général, ou fur quelques-unes de Çqs parties, comme les fondemens de la içîence , & on ne doit s'en fervir que coinine de fignes dont on eft convenu pour s'entendre. En efîèr, ce ne font que des rapports arbitraires 6c des points de vue différens fous lefquels on a confidéré les objets de la Nature, & en ne faifant ufage des méthodes que dans cet efprit , on peut en tirer quelque Bv jiki., ^4 Manière Je traitef- litilité; car quoique cela ne paroîfle pas fort nc'cefTaire , cependant if pourroît être bon qu'on fût toutes les efpèces de plantes dont ies feuiiles (e refTeniblent , toutes celles dont les fleurs font fem- tlables, toutes celles qui nourriiïent de certaines efpèces d'infeéles, toutes celles cjui ont un certain nombre d'étamines , toutes celles qui ont de certaines glanHes excrétoires ; & de même dans les ani- maux , tous ceux qui ont un certain nombre de mamelles , tous ceux qui ont un certain nombre de doigts. Cha- cune de ces méthodes n'eft , à parler vrai, qu'un Didionnaire où l'on trouve les noms rangés dans un ordre relatif à cette idée, & par conféqucnt aufiî arbitraire cjue l'ordre alphabétique ; mais l'avantage qu'on en pourroit tirer , c'eft qu'en com- parant tous ces réfuïtats, on fe retrouvc- roit enfin à la vraie méthode , qui efl la defcription complète & i'hiftoire exûde de chaque cho(e en particulier. C'eft ici le principal but qu'on doive fè propofer: on peut fe fervir d'une mé- thode déjà faite comme d'une commo-, dite pour étudier ; on doit la regarde» rHijloire Naturelle, 3 j- comme une facilité pour s'entendre; mais Je feul & le vrai mo en d'avancer la fcience, eft de travailler à la defcription (k à l'hiftoirc des différentes chofes qui en font l'objet. ■ Les chofc.s par rapport à nous ne font rien en elles-mêmes, elles ne (ont encore rien lorfqu'elles ont un ndhi, mais elles commencent à exifter pour nous lorfque nous leur connoiffbns des rapports , des proj)riét^'s ; ce n'eft: même que par ces rapports que nous pouvons leur donner \\ï\Q définition : or la définition telle qu'on la peut faire par une phrale , n'eft encore que la repréfentation très- imparfaite de la chofe , & nous ne pouvons jamais bien définir une chofe fans la décrire exadle- ment. C'eft cette difficulté de faire une ])onne définition , que l'on retrouve à tout moment dans toutes les méthodes, dans tous les abrégés qu'on a tâché de faire pour fouiager la mémoire ; aulîi doit on dire que dans les chofes natu- relles il n'y a rien de bien défini que ce qui efl: exa(5tement décrit : or pour dé- crire exadement , il faut avoir vii , revu , examiné , comparé la chofe qu'on vcur B v; 3 6 Minière de traiter décrire , & tout cela fans préjugé , fans idée de fyftèirie, fans quoi la defcription n'a plus le caraClère de la vérité, qui eft ie ffeui qu'elle puiiïe comporter. Le flyfe même de la defcription doit être fimple , net & mefuré , il n'eft pas rufceptible d'élévation , d'agrémens , encore moins d'écarts , de plaifanterie ou d'équivo- que , le feuï ornement qu'on puifTe lui donner, c'efl de la nobîefTe dans l'ex- prcffion , du choix & de la propriété dans les. termes. Dans le grand nombre d'Auteurs qui ont écrit fur THiftoire Naturelle, il y en a fort peu qui aient bien décrit. Repré- fenter naïvement & nettement les chofes , /ans les changer ni les diminuer, & fins y rien ajouter de fon imagination , eft un talent d'autant plus louable qu'il eft moins brillant, & qu'il ne peut être femi que d'un petit nombre de perfonnes capables d'une certaine attention nécef- faire pour fuivre les chofes jufque dans les petits détails: rien n'eft plus commun que des ouvrages embarrafTés d'une nombreufê & sèche nomenclature , de méthodes ennuyeufès & peu naturelles '% ! VRiflone Naturelle . . 3 7 Jont les Auteurs croient fè faire un mé- rite ) rien de fi rare que de trouver de l'exadlitude dans les defcriptions , de la nouveauté dans les faits , de la finefTe dans les obfervations. Aidrovande , le plus laborieux & îe plus favant de tous les Naturaliftes , a îaiflTé , après un travail de foixantc ans , des volumes immenfes fur i'Hiftoire Na- turelle, qui ont été imprimés fucccfllve- ment , & la plupart après fa mort ; on les réduiroit à la dixième partie fi on en ôtoit toutes les inutilités & toutes les chofes étrangères à £on fujet ; à cetic prolixité près, qui , je l'avoue , eft acca- blante , fes livres doivent être regardés comme ce qu'il y a de mieux fur la totalité de l'Hiftoire Naturelle ; le plan de fon ouvrage efl: bon, fes diilributions font fenfées , lès divifions bien marquées , ,(ès defcriptions affez exades , monotones , à ia vérité , mais fidèles : i'hiflorique cft moins bon , fouveru il eft mêlé de fabuleux, & l'Auteur y lai/Te voir trop de penchant à la crédulité. J'ai été frappé en parcourant cet Au- teur, d'un défaut ou d'un excès qu'on '3^ Manière de f miter retrouve prefque dans tous les livres fans 51 y a cent ou deux cents ans , & que les Savans d'Allemagne ont encore aujour- d'hui ; c efl de cette quantité d'érudition inutile dont ils groiîifient à deflTein leurs ouvrages , en (one que le fujet qu'ils traitent, efl noyé dans une quantité de jnatières étrangères fur lefquelles ils rai- fonnentavec tant de complaifmce & s'é- tendent avec fi peu de ménagement pour les Ie<5leurs , qu'ils feublent avoir oublié ce qu'ils avoient à vous dire , pour ne vous raconter que ce qu'ont dit les au- tres. Je me repréfeme un homme comrae Aldrovande , ayant une fois conçu le defTein de faire un corps complet d'Hif- toire Naturelle , je le vois dans fa biblio-^ *hèque lire fucceflivement les /Inciens, les Modernes, les Philofophes, les Théo- logiens, les Jurifconfultes, les Hifloriens, les Voyageurs , les Poètes , & lire fans autre but que de faifir tous les mots, toutes les phrales qui de j,rès ou de loin ont rapport à fon objet ; je le vois co- pier & faire copier toutes ces remarques & les ranger par lettres alphabéii(|ues , & ï»prè$ avoir rempli plufieurs porte -feuilles [jt VHifunrè NatttrelU: f^ Je notes de toute efpèce , prifes fou vent ilms examen & fans choix , commencer à travailler un fujet particulier, & ne vou^ loir rien perdre de tout ce qu'il a ramafTé; en forte qu'à l'occafion de l'Hiftoire Naturelle du coq ou du bœuf, il vous raconte tout ce qui a jamais été dit des coqs ou des bœufs , tout ce que les An- ciens en ont penfé , tout ce qu'on a ima- giné de leurs vertus, de ieur caradère, de leur courage, toutes les chofes aux- quelles on a voulu les employer , tous les contes que les bonnes femmes en ont fîiits , tous les miracles qu'on leur a fait faire dans certaines religions , tous les fujets de fuperftition qu'ils ont fournis, toutes les comparaifons que les Poètes en ont tirées , tous les attributs que cer- tains peuples leur cm accordés , toutes les repréfentations qu'oH en fait dans les hiéroglyphes, dans les armoiries, en un mot toutes les hiftoires & toutes les fables dontpn s'efl: jamais avifc au fujet des coqs ou des bœufs. Qu'on juge après cela de la portion d'Hifloire Naturelle qu'on doit s'attendre â trouver dans ce fatras d'écritures j & fi §n effet l'Auteur ne 4© Mafiière de traiter l'eût pas mi(e dans des articles fe'parës des autres , elle n'auroit pas été trou- vablc , ou du moins elle n'auroit pas valu ïa peine d'y être cherchée. On s'efl: tout-à-fait corrigé de ce dé- faut dans ce fiècle ; l'ordre ôl la précifioii avec laq|uelle on écrit maintenant , ont rendu les Sciences plus agréables > plus aifées , & Je fuis perfuadé que cette dif- férence de ftyle contribue peut-être aur- tant à leur avancement que l'efprit de recherche qui règne aujourd'hui ; car nos prédécefleurs cherchoient comme nous, mais ils ramaflbient tout ce qui (e préien- toit , au lieu que nous rejetons ce qui nous paroît avoir peu de valeur, & que nous préférons un petit ouvrage bien raifonné à un gros volume bien lavant ; fèufemcat il efl à craindre que venant à méprifèr l'érudition , nous ne vejnions auÀl à imaginer que Tefprtt peut fup- pléer à tout , & que la Science n'efl qu'un vain nom. Les gens fenfés cependant fcntiront toujours que la (eule & vraie fcience eft: h. connoifTance des ^aits , l'efprit ne peut pas y fuppléer , & lès faits font dans les î - VHifloke Naturelk. 41 Sciences ce qu'efl l'expérience dans la vie civile. On pourroit donc divifcr toutes les Sciences en deux clalTes prin- cipales , qui contiendroient tout ce qu'il convient à l'homme de favoir , la pre- mière eft l'Hiftoirc Civile, & ia féconde > l'Hiftoirc Naturelle , toutes deux fondées fur des faits qu'il eft fouvent important & toujours agréable de connoîtrc /. î* première efl: l'étude des hommes d'État, îa féconde efl celle des Philofophes ; & quoique l'utilité de celle-ci ne foit peut- être pas auflj prochaine que celle de l'au- tre , on peut cependant affurer que l'Hif- toire Naturelle eft la (burce des autres fciences phyfiques &.la mère de tous les arts : combien de remèdes excelïens la Médecine n'a-t-elle pas tiré de certaines produdions de la Nature jufqu 'alors in- connues ! combien de richeÂes les arts n'ont- ils pas trouvé dans plufieurs ma- tières autrefois méprifées ! Il y a plus, c'eft que toutes les idées des ans ont leurs modèles dans les productions de ïa Nature : Dieu a créé , & l'homme imite ; toutes les inventions dés hom- lïies , foit pour la néceifité , foit pour b ^ N lin ! il ^ï Manière âe traiter conimodiié , ne font que des imitations aiïez groffières de ce que (a Naiurft exécute avec fa dernière pcrfedlion. Mais fans infifler plus iong-tcmps fur l'utilité qu'on doit tirer de l'Hilloire [Naturelle , foit par rapport aux autres fciences , foit par rapport aux arts , re- venons à notre objet principal , à la ïnanière de l'étudier & de la traiter. La «lefcriptton exade & l'hifloire iidèîc de chaque chofè efl , comme nous l'avons dit , le (èul but qu'on doive fe propofer d'abord* Dans la defcription l'on doit faire entrer la forme , la grandeur , le poids , les couleurs , les lituations de jepos & de moWvemens , la pofition des parties, leurs rapports > leur figure, leur adion & toutes les foncftions extérieures : il l'on peut joindre à tout cela l'expofi- tion des parties intérieures, la defcription n'en fera que plus complète ; feulement on doit prendre garde de tomber dans de trop petits détails, ou de s'appefantir fur la defcription de quelques parties peu importantes, & de traiter trop légère- ment les chofes effentielles & principales. L'hiltoire doit fuivre la defcription, & ■; ij imitations fa Naiurfc lion, -temps fur l'Hiftoire lUX autres : arts , re- ipal , à fa traiter. La ; fidèle de >us l'avons e propofer l'on doit mdeur , fe nations de ofition des gure, leur xtérieures: a rexpofi- defcription feulement mber dans 'appefantir parties peu op légère- Drincipales. ription, <5c ÎHipohe Naturelle: "jÇ^ doit uniquement rouler fur les rapports que les cfiofes naturelles ont entr'clles & avec nous ; l'hiftoire d'un animal doit éire non pas l'hiftoire de l'individu , mais celle de l'efpèce entière de ces ani- maux ; elle doit comprendre feur géné- raiion, le temps de fa pregnation , celui de l'accouciiement , le nombre des pe- tits, les foins des pères & des mères, leur efpèce dVducation , leur inftindl, les lieux de leur habitation , leur nour- riture , la manière dont ils fe la pro- eurent , leurs mœurs , leurs rufes , leur chafTe , enfui^te les fer vices qu'ils peuvent nous rendre , & toutes les utilités ou les commodités que nous pouvons en tirer ; ^ forfque dans l'intérieur du corps de l'animal il y a des chofes remarquables, loit par la conformation , foit pour les ufages qu'on en peut faire , on doit les ajouter ou à la defcrîption ou à rhiftoire ; mais ce (èroit un objet étranger à THif- toire Naturelle , que d'entrer dans un exa- men anatomrque trop circonftancié , ou du moins ce n'efl pas fon objet principal , & il fiut réferver ces détails pour ferviff de mémoires fur l'anatoinie comparéo» 44 Manière Je traiter Ce plan général doit être fuivî & rem- pli avec toute l'exaditude pofîible , & pour ne pas tomber dans une répéiiilon trop fréquente du mcme ordre , pour éviter la monotonie du flyle, il faut va- rier la forme des defcriptions & changer ie fil de l'hiftoire , félon qu'on le jugera nécefîairc ; de même pour rendre les def- criptions moins sèches, y mêler quelques faits, quelques comparaifons, quelques réflexions fur les ufages des différentes parties, en un mot, faire en forte qu'on puiïïe vous lire fans ennui au(fi-bien que fans contention. À l'égard de Tordre g;éne'rat & de la méthode de diftribution des différens fu- jets de l'Hiftoire Naturelle, on pourroit dire qu'il eft purement arbitraire, & dès- lors on efl aflez le maître de choifir celui qu'on regarde comme le plus commode ou ie plus communément reçu , mais avant que de donner les raifons qui pour- roient déterminer à adopter un ordre plu- tôt qu'un autre , il efl néceiïaire de faire encore quelques réflexions , par lefquelfeî nous tâcherons de faire fentir ce qu'il peut y avoir de réel dans les divifions que .1^^ W :u , mais |ui pour- I )rdre pïu- de faire |lefqueire£ ce qu'il [ions que î'HîJIoire Naturelle. 4 j' l'on a faites des produdlions naturelles. » Pour le rcconnoître il faut nous dé- faire un iiiftant Je tous nos préjugés, & même nous dépouiller de nos idées. Imaginons un homme qui a en effet tout oublié ou qui s*évcillc tout jieuf pour ks objtîts qui l'environnent ; plaçons cet homme dans une campagne où les ani- maux, les oifeaux, les poiflbns, les plantes, les pieres fe préfentent fucceffivernent à fcs yeux. Dans les premiers înftans cet homme ne diftinguera rien <5t confondra tout ; mais laiflons fcs idées s'affermir [peu à peu par des fenfaiions réitérées des mêmes objets; bientôt il fe formera une idée générale de la matière animée , il la [diftinguera aifément de la matière inani- niée , & peu de temps après il dillin- jgucra tr4s* bien la matière animée de la jniatière végétative , & naturellement ii irrivera à cette premicre grande divifion. \Animal , Végétal & Minéral ; & comme pi aura pris en même temps une idée nette de ces grands objets fi differens , la Terre , \ Air & VEûu f il viendra en peu de temps ijà fe former une idée particulière des ani- paux qui habitent la terre, de ceux qui '• •■ • l /^C yHûfiiêre de traiter demeurent dans l'eau, & de ceox qui sV- ièvent dans l'air , ôl par confequent il fe fera aifémcnt à lui-même cette féconde divifion, Animaux quadrupèdes ^ Oife/iux, Po'ijfons ; il en eft de même dans le règne végétal , des arbres & des plantes , il les diflingucra très-bien , foit par leur gran- deur , foit par leur fubftance , foit par leur figure. Voilà ce que la fimple inf- pcdlion doit nc'cciïîiirement lui donner, & ce qu'avec une très-légère attention il ne peut manquer de rcconnoître ; c'ed^ Jà aufîi ce que nous devons regarder comme réel , & ce que nous devons ref- ped:er comme une divifion donnée par Ja Nature même. Enfuite mettons- nous à la plac€ de cet homme , ou fuppofons qu'il ait acquis autant de connoiCfànces, & qu'il ait autant d'expérience que nous en avons , il viendra à juger les objets de l'Hiftoire Naturelle par les rapports qu'ils auront avec lui; ceux qui lui (eront les plus néceflàires , les plus utiles tien- dront le premier rang , par exemple , il .donnera la préférence dans l'ordre des animaux au cheval , au chien , au bœuf, j&c. ^ il coimoitjra toujours mieux ceux quî se' eut il te féconde ')ifemx , le règne 2S , ii les jr gran- fo'it par nple inl- donner, atiemipn :ve.; c'eft- regarder vons ref- )nne'e par tons- nous uppolons oidances , que nous ies objets s rapports lui feront Atilcs tien- xemple , il 'ordre des au bœuf, kux ceux }' THiJîoIre NdturelJe, '47 quî lui feront les plus familiers ; cnfuiic îl s'occupera de ceux qui, fans être fa- pTÎiiers , ne iaifîcnt pas que d'habiter les mêmes lieux , les mêmes climats , comme les cerfs , le^ lièvres , & tous les aninjaux fauvages , & ce ne fera qu'après toutes ces connoiflances acquilcs que (a curio- fité le portera à rechercher ce que peuvent être les animaux des climats étrangers , conime les éléphans , les dromadaires, &c. Il en fera de même pour les j)oi fions , pour les oi féaux , pour les hifc<^.es , pour les coquillages , pour les plantes , pour les minéraux , le bouC; le bélier & le • THiftoire Naturelle, '57, loeuf; mais quelle différence n'y a-t-il pas entre un chameau & un bélier , ou entre un cerf & un bouc î & quelle rai- fon peut -on avoir pour prétendre que ce foit des animaux du nême ordre , (i ce n'eft que voulant abfolument faire des ordres , & n'en faire qu'un petit nombre, îl faut bien y recevoir des bêtes de toute efpèceî Enfuiie en examinant ies der- nières divifions des animaux en efpcces particulières, on trouve que le loup- cervier n'efl qu'une efpèce de chat , le renard & le loup une efpèce de chien , la civette une efpèce de blaireau , le cochon d'inde une efpèce de lièvre , le rat d'eaii une efpèce de caftor, le rhinocéros une efpèce d'éléphant , i'âne une efpèce de cheval , &c. & tout cela parce qu'il y a quelques petits rapports entre ic nombre des mamelles & des dents de ces ani- maux , ou quelque refl'emblance légère dans la forme de leurs cornes. Voilà pourtant , & fans y rien omettre , à quoi fe réduit ce fyftème de la Nature pour les animaux quadrupèdes. Ne fèroit- ii pas plus limple , plus naturel Ôl plus vrai de dire qu'un âne eft un âne , & un Cv 5 s Manière Je traiter chat un chat , que de vouloir , fans lùvoîf pourquoi y qu'un âne foit un cheval; Ôc un chac un loup-cervier! On peut juger par cet échantillon de tout lie refte du fyftème. Les fêrpens, félon cet Auteur) font des amphibies, les écrevifles font des infcdles, & non- fêulement des infècfles, mais des in(è<^es du mêmeordre que les poux & les puces ; 6 tous les coquillages, les cruftacées & les poiffbns mous lont des vers ; les huî- tres , les moules , les ou r fins , les étoiles de mer, les sèches, &c. ne font, félon cet Auteur,, que des vers. En faut-il da- vantage pour faire feniir combien toutes ces diviiions font arbitraires, & cette méthode mal fondée î On reproche aux Anciens de n'àvoîr pas fait des méthodes, & les Modernes fê croient fort au- deffus d'eux parce qu'ils ont fait un grand nombre de ces arran- gemens méthodiques & de ces didion- naires dont nous venons de parler , ils fe font perfuadés que cela feul fuffit pour prouver que les Anciens n'avoient pas à beaucoup près autant de connoiffances en Hiiloire Naturelle que nous en avons; ■ ) THiflotre Naturelle: 55) cependant c*cil tout le contraire , & nous aurons dans la fuite de cet ouvrage mille occafions de prouver que les Anciens étoient beaucoup plus avancés & plus indruits que nous ne le femmes, je ne dis pas en Phyfique, mais dans i'Hilloire Naturelle des animaux & des minéraux ^ & que les faits de cette Hidoire leur étoient bien plus familiers qu'à nous qui aurions dû profiter de leurs découvertes & de leurs remarques. £n attendant qu'on en voie des exemples en détail , nous nous contenterons d'indiquer ici les raifons générales qui fuffiroient pour le faire penfer, quand même on n'en auroit pas des preuves particulières. La langue grecque eft une des plus anciennes, & celle dont on a fait le plus long-temps ufâge : avant & depuis Ho- mère on a écrit & parlé grec jufqu'au treize ou quatorzième fiècle, & adluel- lement encore, le grec corrompu par les idiomes étrangers ne diffère pas autant du grec ancien , que l'italien diffère du latin. Cette langue, qu'on doit regar- der comme la plus parfaite & ïa plus abondante de toutes , étoit dès le temp& \ I 60 Mamère de trahef d'Homère portée à un grand point <îè perfèdion, ce qui fuppofê nécefïàire- ment une ancienneté confidérable avant le fiècle même de ce grand Poëte j car l'on pourroit eftîmer l'ariciçnneté ou la nouveauté d'une langue par la quantité plus ou moins grande des mots, & la > variété plus ou moins nuancée des conf- trudlions : or nous avons dans cette lan- gue les noms d'une très-grande quantité de chofes qui n'ont aucun nom eh latin ou en françois ; les animaux ks plos rares , certaines efpèces d'oifeaux ou de poi(^ fons, ou de minéraux qu'on ne ren- contre que très- difficilement, très-rare- ment , ont des noms & des noms conf- tans dans cette langue : preuve évidente ique ces objets de l'Hiftoire Naturelle étoient connus, & que les Grecs non- iêulement les connoifToient, mais même qu'ils en avoient une idée précife, qu'ils ne pouvoîent avoir acquife que par une étude de ces mêmes objets, étude qui . fuppo(ê nécefTairement des obfèrvations & des remarques : ils ont même des noms pour les variétés , & ce que nous ne pouvons repréfènter que par une phrafè , THifloireNatmîte. 6f {è nomme dans cette langue par un (èuf fubdantif. Cette abondance de mots> cette richeffe d'exprcfîîons nettes & pré- cifès, ne fuppofèm- elles pas la mêma abondance d'idées & de connôifTances t Ne voit-on pas que des gens qui avoicnt nommé beaucoup plus de choies que nous , en connotffoient par conféqueni; beaucoup plusî & cependant ik n'a- vorent pas fait, comme nous, des mé- thodes & des arrangemens arbitraires; ils penfoîeiit que fa vraie fcience e(l i^ connoifîance des faits , que pour l'ac- quérir il fâlloit (è fàmiliari(èr avec ies produen(bient pas que les petites chofes méritaient une attention aufli grande que celle qu'on leur a donnée dans ces derniers temps ; fk quelque reproche que les Modernes pui/Iènt faire aux Anciens, il me paroît qu'Ariftoie, Théophrafte & Pline qui ont été les premiers Naturaiiftes , font aufli les plus grands à certains égards» L'hifloire des animaux d'AriAote efl peut-être encore aujourd'hui ce que nous avons de mieux fait en ce genre, ia il leroit fort à defirer qu'il nous eût iai/Té quelque chofè d'au^ complet fur les végétaux & fur les minéraux , mais les deux livres des plantes que quelques Au- teurs lui attribuent , ne reflèmblent pas a lès autres ouvrages , & ne font pas en effet {le lui (c). Il eft /rai que la Botanique ic) Voyez le G>jnnientaire de 5caliger^ THïflolre Nàiurelté: C J iiVtoît pas fort en honneur de Ton temps ^ les- Grecs ôl même les Romains , ne la regardoient pas comme une fcience qui dût exiHer par elle-même, & qui dût faire un objet à part , ils ne la confîdé- roient que relativement à l'Agriculture ^ au Jardinage , à la Médecine & aux Arts ^ Sa quoique Théophrafte , difciple d*A- riftote, connût plus de cinq cents genres de plantes , & que Pline en cite plus de mille, ils n'en parlent que pour nous en apprendre la culture, ou pour nous dire que les unes entrent dans la compoOtion des drogues , que les autres font d'ulage pour les Ans, que d'autres fervent à orner nos iardins , &c. en un mot , ils ne les coniidèrent que par riitilité qu'on en peut tirer , & ils ne fe fom pas attachés à les décrire exaidtement. L'hiftoire des animaux leur étoît mieux connue que celle des plantes. Alexandre donna des ordres & fit des dépenfès très- confidérables pour aflembler des ani^ maux & en fit venir de tous les pays^, & il mit Ariftote en état de les bien ob- fer tes ver il paroit coxinoilToit par ion ouvrage peut-être mieux qu if & fou^ 564 Manière Je trcihtf des vues plus générales qu'on ne leS connoît aujourd'hui. Enfin, quoique les Modernes aient ajouté leurs découvertes à celles dts Anciens ^ je ne vois pas que nous ayons fur THiftoire Natu- relle beaucoup d'ouvrages modernes qu'on puiiTe mettre au - defllis d'Ariftote & de Pline; mais comme la prévention naturelle qu'on a pour fon fiècle, pour- roit perfuader que ce que je viens de dire, eft avancé témérairement, je vais faire en peu de mots Texpefition du plan de leurs ouvrages. Ariftote commence (on hiftoîre des animaux p^r établir des différences & des reffemblances générales entre les difnfrens genres d'animaux ; au lieu de les divifèr par de petits caradères parti- culiers , comme l'ont fait les Modernes , 5i rapporte hîftoriquement tous les faits & toutes les obfervations qui portent fur des rapports généraux & fur des caradères fènfibles , il tire ces caraélères de la forme , de la couleur , de la gran- deur & de toutes les qualités extérieures tie l'animal entier, & auffi du nombre en de la pofuion de fes parties ; de h fHiflolre Néitureïïe* 6 5 grandeur, du mouvement, de la forme de Tes membres , des rapports femblables ou différens qui (ê trouvent dans ces mêmes parties comparées; & il donne par-tout des exemples pour fe faire mieux entendre ; il confidère aufîi les diffé- rences des animaux par leur façon de vivre, leurs adions & leurs mœurs, leurs habitations, &c. il parle des parties qui font communes & eflentîelles aux animaux , & de celles qui peuvent man^ quer & qui manquent en effet à plufieurs efpèces d'animaux: le (ens du toucher, dit-il, eft la feule chofe qu'on doive regarder comme nccefTaire, & qui ne doit manquer à aucun anima! ; Su comme ce fens eft commun à tous les animaux 9 il n'eft pas poffîble de donner un nom à la partie de leur corps, dans laquelle re'fide la faculté de fentir. Les parties les plus efîentieKes font celles par lefquelles l'animai prend fa nourriture, celles qui reçoivent & digèrent cette nourriture, & celles par où il en rend le fuperfîu, II examine enfuite les variétés de la gé- nération des animaux ; celles de leurs membres & de leurs différentes partie^ \ tè 'Manière êe traiter qui fervent à leurs mouvemcns & à leûrS fondlions naturelles. Ces obfèrvations générales & préliminaires font un tableau dont toutes les parties font intéreffantes , & ce grand Philofophe dit aufli qu'il les a prélentées fous cetafped, pour donner un avant-goût de ce qui doit fuivre & < faire naître l'attendon qu'exige l'hiftoire particulière de chaque animal, ou plutôt de chaque chofè. H commence par l'homme & il fc décrit le premier , plutôt parce qu'il eft l'animal le mieux connu , que parce qu'il cft le plus parfait; & pour rendre f» defcripiîon moins sèche & plus piquante , îl tâche de tirer des connoifTances mo- rales en parcourant les rapports phy- fiques du corps humain; il indique les cara; fi-equente & une fuccçnion non inter- rompue des mêmes cvènemens , fait i'efTence de la vérité phyfique; ce qu'on appelle vérité phyfique n'eft donc qu'une probabilité , mais une probabilité fi grande qu'elle équivaut à une certitude. En Mathématique on fijppofe , en Phy- fique on pofe & on établit ; là ce font des définitions , ici ce font des faits ; on va de définitions en définitions dans les fciences abftraites , on marche d'ob- fervations en obfervations dans les fcien- ces réelles; dans les premières on arrive à l'évidence, dans les dernières à la cer- titude. Le mot de vérité comprend l'une & l'autre, & répond par conféquent à deux idées différentes , fâ fignificatioii eft vague & compofée, H n'étoit donc pas polîible de la définir généralement ; il falloir, comme nous venons de le faire, en diftinguer les genres afin de s'cii former une idée nette. Je ne parlerai pas des autres ordres de vérités; celles de la Morale, par exemple, qui font en partie réelles & en partie arbitraires , demanderoient une longue difcufïion qui nous éloigneroit de Y> iiij '96 'Mûmere Ae trattet notre Lut, & cela d'autant plus qu'elles n'ont po^ objet & pour fin que des convenances & des probabilités. L'évidence inatbéniatfque & la certi- tude phyfique font donc ies deux feuls points fous lefqucis nous devons con- îidérer ia ver lé ; dès qu'elle s'éloignera de l'une ou de l'autre, ce n'efl plus que Traîlemblance & probabilité. Examinons d ï'ic ce que nous pouvons favoir de fcicricc évidente ou certaine, après quoi lîous verrons ce que nous ne pouvons coanoîire que par conje(îlure , & enfin ce qiie nous devons ignorer. iNious favons ou nous pouvons fli- voir de fcience évidente toutes les pro- priétés ou plutôt tous les rapports des nombres, des lignes, des furfaces & de toutes les autres quantités abflraites ; nous pourrons les fàvoir d'une manière plus complète à mcfare que nous nous exer- cerons à réfoudre de nouvelles queitions, & d'une manière plus fîire à meiure que rous rechcrclierons les eau Tes des diffi- cultés. Comme nous fommes les créa- teurs de cette fcienc\i ; & qu'elle ne comprend abfolumer rien que ce que : ^<î. ^/% P ê 6^ %.^ Î5 6 Mantire Je traiter abftraitcs, & je ne, vois guère que i'Aftronomie & l'Optique auxquelles elles puiffent être d'une grande milite' ; l'Adronomie par les rai(ons que nous venons d'expofer , & l'Optique pîirce que la lumière étant un corps prefqu'infï- niment petit , donc les efîèts s'opèrent en ligne droite avec une vîtefle prefque infinie, fes propriétés font prefque ma- thématiques, ce qui fait qu'on peut y appliquer avec quelque Aiccès le calcul & [çs mefures géométriques. Je ne par- lerai pas des Mécaniques , parce que la Mécanique rationnelle eft elle-même une fcience mathématique & abUraite, de laquelle ia Mécanique -pratique ou l'art de faire & de compo(er les ma« chines, n'emprunte qu'un feul principe par lequel on peut juger tous les effets en failant abfiradlon des frottemens & des autres qualités phyfiques. Audi in*a-t-il toujours paru qu'il y avoît une cfpèce d'abus dans la manière dont on {)rofefre la Phyliquc expérimentale, 'objet de cette fcience n'étant point du tout celui qu'on lui prête. La d^monilration des effets mécaniques]^ \ têiifloire Naturelle. 8/ comme de la puiflTance des leviers, des poulies , de Téquilibre des folides & des fluides, de lefîèt des plans inclinés, de celui des forces centrifuges, &c. appar- tenant endèrement aux Mathématiques » & pouvant être faifie par les yeux de i'efprit avec la dernière évidence; il me paroît fuperflu de la repréfentcr à ceux du corps; ie vrai but efl au contraire de faire des expériences fur toutes les chofes que nous ne pouvons pas me- furcr par le calcul, fur tous les eflfèts dont nous ne connoiffons pas encore les caules, & fur toutes les propriétés dont nous ignorons les circonflances , cela feul peut nous conduire à de nouvelles découvertes, au lieu que la démonflra- tion des effets mathématiques ne nous apprendra jamais que ce que nous fa* vons déjà. Mais cet abus n'eft rîen en compa- raifon des inconvénîens où l'on tombe lorfqu'on veut appliquer la Géométrie & le calcul à des fujets de Phyfique trop compliqués , à des objets dont nous ne connoiflbns pas aflèz les propriétés pour pouvoir les mefurer > on cil obligé danS ' ■ •■ ■'•■ • . \ 88 Manière de tm]t0' '- tous ces cas de faire des fuppofitîons toujours contraires à la Nature, de dé- Î mouiller le fujet de ia plupart de Tes qua- irés, d'en faire un être abftrait qui ne reflemble plus à l'être réel, & lorfqu'oii a beaucoup raifonné & calculé fur les rapports & les propriétés de cet être abftrait, & qu'on cit arrivé à une con- clufion toute auffi abftraite, on croit avoir trouvé quelque chofe de réel, & on tranfporte ce réfultat idéal dans le fujet réel, ce qui produit une infinité de faufîès conféquences & d'erreurs. ' C'efl ici ie point le plus délicat & le plus important de l'étude des fciences : favoir bien diflinguer ce qu'il y a de réel dans un fujet , de ce que nous y mettons d'arbitraire en le confidérant , reconnoître clairement les propriétés qui lui appàrtienneiit & celles que nous lui iprêtons , me paroît être le fondement de fa vraie méthode de conduire fon efprit dans les fciences; & fî on ne perdoit jamais de vue ce principe , on ne feroit pas une fauffe démarche , on éviteroit de tomber dar '^es erreurs favantes , qu'on reçoit fou » .*u comme des vérités , fHiJloire Naturelki 8p en verroît dirparoîirc les paradoxes, les queftions infotubles des fcicnces abs- traites, on reconnoîtroit les préjugés & les incertitudes que nous portons nous- mêmes dans les fcicnces réelles, on vien- droit alors à s'entendre fiy fa Métaphy- fique des fciences, on cefîèroit de dif- puier, & on fè réuniroit pour marcher dans la même route à la fuite de l'expé- rience, & arriver enfin à la connoiflTance de toutes les vérité» qui font du reflbrt de l'efprit humain. , ,,•■:• Lorfque les fujets font trop fcinpli- qués pour qu'on puiiïe y appliqiur avec avantage le calcul & les mefures , comme le font prefque tous ceux de i'Hiitdre Naturelle & de la Phyfique particulière, il me paroît que la vraie méthode de conduire fon efprit dans ces recherches, c'eft d'avoir recours aux obfervations , de les rafîèmbler , d'en fliire de nou- velles, & en affez grand nombre pour nous afîurer de la vérité des faits prin- cipaux , & de n'employer la méthode mathématique que pour eftimer les pro- babilités des conféquences qu'on peut tirer de ces faits; fur- tout il faut tâcher ■pô Manière de traiter, è'Cè de les généralifèr & de bien dîAiiiguél* ceux qui font efTenticIs de ceux qui n6 font qu'accefToires au fujet que nous confidérons, il faut enfuite les lier en- femble par les analogies , confirmer ou détruire certains points équivoques, par le moyen des expériences, former \ot\. pian d'explication fur la combinaifon de tous ces rapports, & les préfenter dans l'ordre le plus naturel. Cet ordre peut fc prendre de deux façons, la pre- mière efl de remonter des effets parti- culiers à des effets plus généraux , & i'autre de defcendre du général au par- ticulier : toutes deux font bonnes , & le choix de l'une ou de l'autre dépend plutôt du génie de l'Auteur que de la nature des choies, qui toutes peuvent être également bien traitées par l'une ou l'autre de ces manières. Nous allons donner des efîàis de cette méthode dans les difcours fuivans , de la T H É O R I E DE LA Terre, de la Formation DES Planètes, & de la Généra- tion ii^% Animaux. ^S^î-'vj^ HISTOIRE NATURELLE. Second Difcours. Vi^i ^go , quod fuerat quondam folid'ijfima tellus , £Jfi fretitm ; vidi fraéias ex nequote terras; ' JEt procul à pelago concha* )acuere marinœ , £t vêtus inventa eft in montîbus anchora fummis ; Quodque fuit campus > Vûllem decurfus aquarum, Fecit , à^ eluvie mons eft deduéîus in cequor^ Ovid. Metam. likt *i^ t ';f 71' ■ne / jOe (reme <£& /a /laù^ne c&ffu Ict Cbntenwlaiwruè^lZMwer

II faut donc nous borner à examiner & à décrire la furface de la terre , & la pedte épaiflèur intérieure dans laquelle nous avons pénétré. La première chofe qui fè pré fente , c'eft l'immenfè quantité d'eau qui couvre la plus grande partie du globe ; ces eaux occupent toujours les parties les plus baffes , elles font aulîi toujours de niveau, & elles tendent per- pétuellement à l'équilibre & au repos : cependant nous les voyons agitées (fj par une forte puiffance, qui s'oppofant à ia tranquillité de cet élément , lui imprime un, mouvement périodique & réglé, fou* lève & àbaiffe alternativement les flots, & fait un balancement de la mafFe totale des mers en les remuant jufqu'à la plus grande profondeur. Nous favons que ce mouvement elt de tous les temps , ôc qu'il durera autant que la lune & le foleil qui. en font les caufes. .. r :. - .«t Confidérant enfuite le fond de la mer, (h) Voyez les preuves, art. I. (J) Veyez les preuves , an. XIL N llj \' \ < IG2 HJloire Naturelle. nous y remarquons autant d'inégalités ^w^ que fur la furface de la terre; nous y trouvons des hauteurs (n), des vallées, des plaines , des profondeurs , des rochers , des terrcins de toute efpèce ; nous voyons que toutes les îles ne font que les fbmmets de vaftes montagnes (o), dont le pied & les racines font couvertes de rélément liquide ; nous y trouvons d'autres fommets de montagnes qui (ont prefqu'à fleur d'eau , nous y remarquons des courans rapides (p) qui (embient fe fbuflraire au mouvement général : on les voit (q) (e porter quelquefois conftam- ment dans la même direélion , quelque- fois rétrograder & ne jamais excéder leurs limites , qui paroiflent aufli inva- riables que celles qui bornent les efforts des fleuves de la terre. Là font ces con- trées orageufes où les vents en fureur fm) Voyez les preuves , art^ XIJI, (n) Voyez la Carte dreffée en 1737 par M, TBuache , des profondeurs de i'Océan entre l'Afrique ^l'Amérique. (0) Voyez Varen, Gepgr, gen. page a 1 8. (p) Voyez les preuves , art, XIÏI. (q) Voyez Varcn. jiage t^o% Voyez auflî les Voyages Je Pyrard^ page z^/. \'~\ Théorie Je la Ten'el iO'} J)réc!pîtem la tempête, où h mer & ïe ciel également agités fè choquent & fe confondent r ici font des mouvemens^ inteftins, des bouiHonnemens ^fj, des trombes ("sj & des agitations extraordi- naires eau fées par des volcans dont laf bouche fubmergée vomit le feu du fcirt àcs ondes , & pouffe jufqu'aux nues une épai(îè vapeur mêlée d eau , de foufre & de bitume. Plits loin je vors ces gouffres ftj dont on n'ofe approcher ^ qui (êmblent attirer les vaifîèaux pour les engloutir: au-delà j'aperçois ces vaftes plaines toujours calmes & tranquilles {'uj, mais tout auffi dangereu(ès, où les vents n*ont jamais exercé leur empire , où Tart du Nautoniér devient inutile, où il faut refter & périr : enfin portant les yeux: jufqu'aux extrémités du globe , je vois ces glaces énormes ^xj qui fê détachent fr/ Voyez les Voyages de Shaw, româ Tï^ (sj Voyez fes preuves , art, XVL ftj Le Maleflroom dans la mer de Norvège.. fuj Les calmes & les tornados de la mer Ethio* pii^ue. /x) Voyez les preuves, art, Vi it X. E lllj 1 04 Hiftoire Naturelle» des continens des pôles , & viennent comme des montagnes flottantes voya- ger .& fe fondre ;ufque dans les régions tempérées (y)* ^ -, ,•, ' Voilà les principaux objets que nous offre le vaftc empire de ïa mer ; des milliers d'habitans de différentes efpè- ces en peuplent toute l'étendue , les uns couverts d'écailles légères en tra- verfent avec rapidité les différens pays, d'autres chargés d'une épaiffe coquille fè traînent pelàmment & marquent avec lenteur leur route fur le fable ; d'autres à qui la Nature a donné des nageolics en forme d'ailes , s'en fervent pour s'é- iever & fe foutenir dans les airs ; d'autres enfin à qui tout mouvement a été refufé, croiffent & vivent attachés aux rochers; tous trouvent dans cet élément leur pil- ture. Le fond de la mer produit abon- damment des plantes , des moufles ik des végétations encore plus fingulicres, le terrein de la mer ell de fable , de gra- vier , fou vent de vafe , quelquefois de terre ferme, de coquillages, de rochers, fyj Voyez la Carte de l'expédition de M. Bouvet , drcfîëe par M. Buache en 1 73 91, Bouveï TIréom de la Terre. loj & par-tout il reflcmble à la terre que nous habitons. Voyageons maintenant fur la partie sèche du globe , quelle différence pro- digieufè entre les climats ! quelle variété de terreins ! quelle inégalité de niveau ! mais obfervons exa t io6 Hîfloire Natureîle. par UH vaHon ou par une profondeur. J'obferve aufîi que les collines oppofées ont toujours à très- peu près ia même liauteur , & qu'en général les montagnes occupent le miiieu des continens & par- tagent dans la plus grande longueur les îles, les promontoires & les autres terres avancées (c): je fuis de même ta diredion des plus grands fleuves , & je vois qu'elle eft toujours prefque per- pendiculaire à ia céte de ia mer dans laquelle ifs ont leur embouchure, & que dans fa plus grande partie de leur cours ils vont à peu près (d) comme les chaînes de montagnes dont ils prennent leur fource & ieur diredlion. Examinant cnfuite les rivages de ia nier , je trouve qu'elle eft ordinairement bornée par des rochers , des marbres & d'autres pierres dures, ou bien par des terres & des fables qu'elle a elle - même accumulés ou que les fleuves ont amenés , & je remarque que les côtes voiiines & qui ne font féparées que par un bras ou par un petit trajet de mer , font çoinpoféc| (c) Vide Varenti Geogr» page 6<)^. %dj Voyez les preuves ^ art, J^^ I I Thème Je la Terre: 107 des mêmes matières, & que les lits de terre font les mêmes de l'un & de l'autre côté (e) ; je vois que les volcans ff) fe trouvent tous dans les hautes montagnes , qu'il y en a un grand nombre dont les feux font entièrement éteints , que quel- ques-uns de ces volcans ont des corres- pondances fbuterraines (g), & que leurs explofions fe font quelquefois en même temps. J'aperçois une correfpondance femblable entre certains lacs & les mers voifines ; ici foiu des fleuves & des torrens (h) qui fe perdent tout-à-coup & paroiiïent (è précipiter dans les entrailles de la terre , là eft une mer intérieure ovt le rendent cent rivières qui y portent de? toutes parts une énorme quantité d'eau y fans jamais augmenter ce lac imraenle, qui fcmble rendre par des voies fouter- raines tout ce qu'il reçoit par (es bords ^ &i chemin faisant je reconnois aifëment ks pays anciennement habités , fe les dillingue de ces contrées nouvelles où^ (e) Voyez Tes preuves, art, VIL ff) Voyez les preuves , an. XVi, (g) Vide Kircher AJimd. fiibter, in jrrafir. (h) Voyez» Vaun,, Ceogr, page 4-3 , E v| Io8 Hijloirc Naturelle. ^ îe terrcin paroît encore tout brut, où ies fleuves font remplis de catarndes , 06 les terres font en partie lubmergces , inarécageufes ou trop arides , où lu dif- tribution des eaux e(l irrégulrère , où des hois incultes couvrent toute la furface des lerreins qui peuvent produire. Entrant dans un plus grand détail, je vois que la première couche fi) .qui enve- loppe le globe, efl par-tout d'une même fubllance j que cette fubllance qui fert - à faire croître (Stà nourrir les vége'taux & les animaux , n'eft elle - même qu'un compofé de parties animales & végétales détruites , ou plutôt réduites en petites parties , dans lefquelles l'ancienne orga- nifation n'efl: pas fcnfible. Pénétrant plus avant, je trouve la vraie terre, je vois des couches de fable , de pierres à chaux , d'argile , de coquillages , de marbre, de gravier, de craie, de plâtre, &c. mer opit \ 1 1 2 Hifloire Ncitiirclk. féjourné f[ueïque temps fur cette terre, puifcju'on trouve en plufieurs endroits des bancs de coquilles fi prodigieux & û étendus qu'il n'eft ]ias poffible qu'une aufli grande (pj muliitude d'animaux ait été tout-à-la-fois vivante en même temps : cela fembie prouver aufîi que quoique les matières qui composent la furface de la terre fuflent alors dans un état de moilefTe qui les rendoit rufccptibîes d'être ailémcnt diviiées , remuées & tranfpor- tées par les eaux , ces mouvemens ne fè font pas faits tout-à-coup, mais fuccef- fivement & par degrés; & comme ou trouve quelquefois des produdions de kl mer à mille & douze cents pieds de profondeur , il paroît que cette épaif- îeur de terre ou de pierre étant fi confi- dérable , il a fallu des années pour la produire : car quand on voudroit fup- pofèr que dans le déluge univerfel tous les coquillages eufTent été enlevés du fond des mers & tranfportés fur toutes fès parties de la terre , outre que cette fuppofition feroit d.fficile à établir (q), il ^'^ Voyez les preuves , rt;*/. PV//, ^ » /l/^ Voyez les preuves, Théorie de la Terre. 1 1 3 eft claîr que comme on trouve ces co- quilles incorporées & pétrifie'es dans les marbres & dans ies rochers des plus hautes montagnes, il faudroit donc fuppoler que ces marbres & ces rochers eufTent été tous formés en même temps & pré- cifément dans i'inllant du déluge , & qu'avant cette grande révolution il n'y avoit fur le globe terreftre ni montagnes , ni marbres ni rochers , ni craies , ni au- cune autre matière femblabie à celles que nous connoifïbns, qui prefque toutes contiennent des coquilles & d'autres débris des produdions de la mer. D'ail- leurs la lurface de la terre devoit avoir acquis au teinp5 du déluge un degré confidérable de folidité , puifque la gra- vité avoit agi fur les matières qui la com- polent, pendant plus de feize fiècles, & par conféquent il ne paroit pas poffible que les eaux du déluge aient pu boule- ver fer les terres à la furface du globe jufqu'à d'auflî grandes profondeurs dans le peu de temps que dura l'inondaiion univerfelîe. Mais fans infifier plus long-temps fur ce point qui fera difcuté dans la fuite, 'ÏI4 Hîjlotre Naturelle, je m'en tiendrai maintenant aux obfèr- valions qui (ont confiantes, & aux faits qui font certains. On ne peut clouter «juc les eaux de la mer n'aient féjour^é fur lu furface de la terre que nous ha- l^itom, & que par conféquent cette même furfàce de notre continent n'ait été pendant quelque temps le fond d'une mer, dans laquelle tout fe pafToit comme tout fè pafle actuellement dans la mer d'aujourd'hui : d'ailleurs les couches des différentes matières qui compofent la terre, étant, comme nous l'avons remar- qué (r) , pofées parallèlement & de ni- veau , il ert clair que cette pofition eft l'ouvrage des eaux qui ont amaffé & ac- cumulé peu à peu ces matières Sa leur ont donné la même fituation qut? l'eau prend toujours elle-même, c'cft-à-dirc, cette fituation horizontale , que nous obfer- vons prefquc par - tout ; car dans \çs plaines les couches font exadement ho- rizontales , & il n'y a que dans les mon- tagnes où elles foient inclinées, comme ayant été formées par des fédimens dé- pofés fur une bafe inclinée, c'eft-à-dire, (r) Voyez les preuves, arh VJU Théorie de la Terre, 1 1 j fur un terrein penchant: or je dis que ces couches ont été formées peu à peu, & non pas tout d'un coup par quelque révolution que ce foit, parce que nous trouvons fou vent des couches de ma- tière plus pelante , pofées fur des cou- ches de matière beaucoup plus légère; ce qui ne pourroit être , fi , comme le veulent quelques Auteurs, toutes ces matières difToutes (s) & mêlées en même temps dans l'eau, fè fuffcnt enfuite pré- cipitées au fond de cet élément, parce qu'alors elles eufTent produit une toute autre compofition que celle qui exifle ; les matières les pius pefantes feroient defcendues les premières & au plus bas, & chacune fe feroit arrangée fuivam (à gravité fpécifique, dans un ordre rela- tif à leur pefanteur partrculière , & nous ne trouverions pas des rochers malîifs fur des arènes légères , non plus que des charbons de terre fous des argiles, des glaifes fous des marbres , & des métaux lùr des fables. Une chofè à laquelle nous devons encore faire attention, & qui coafirine ($) Voyez les preuves, aru IV> 1 1 1 6 Hijtoire Naturelle» ce que nous venons de dire fur la for- mation des couches par fe mouvement & par le fédiment des eaux , c'eft que toutes les autres caufes de révoiudon ou de changement fur le globe ne peuvent produire les mêmes effets. Les monta- gnes les plus élevées font compofées de couches parallèles tout de même que les plaines Vs plus baffes , & par con- fcquent on ne peut pas attribuer l'ori- gine & la formation des montagnes à des Iccouffcs , à des tremblemens de icrre , non plus qu'à des volcans ; & nous avons des preuves que s'il fc forme quelquefois (t) de petites éminenccs par ces mouvcmens convulfifs de la terre, ces éminences ne font pas compolt'es de couches, parallèles ; que les matières de ces éminences n'ont intérieurement aucune iiaifon, aucune pofuion régu- lière , & qu'enfin ces petites collines formées par les volcans ne préfentent aux yeux cjuc le défordre d'un tas de matière rt jetée confufément ; mais cette efpècc d'organifaiion de la terre que nous découvrons })ar - tout , cette lituaiion (r) Voyez !es preuves, art* XVIL Théorie de la Terre, I l / horizontale & parallèle des couches , ne peuvent venir que d'une caule conf^ tante & d'un mouvement réglé & tou- jours dirige de la même façon. Nous ibmmes donc afîurés par des obfcrvaiions exa(îles, réitérées & fondées fur des fiits inconteftables , que la partie sèche du globe que nous habitons a été long- temps fous les eaux de la mer ; par conféquent cette même terre a éprouvé pendant tout ce temps les mêmes mou- vemens , les mêmes changemens qu'é- prouvent aéluellement les terres cou- vertes par îa mer. II paroît que notre terre a été un fond de mer ; pour trouver donc ce qui s'eft pafTé autrefois fur cette terre , voyons ce qui (e pafle aujourd'hui fur ic fond de ia mer , & de - là nous tirerons des induélions raifonnabics fur la forme extérieure & la compofition intérieure des terres que nous habitons. Souvenons-naus donc que la mer a de tout temps , & depuis ia création, un mouvement de flux & de reflux caufe principalement par la lune ; que ce mou- vement qui dans vingt - quatre heures fait deux fois élever & baifler les caux^ i ! \ f ï 1 8 Hipotre Naturelle, • s'exerce avec plus de force fous l'equa- teur que dans fcs autres climats. Sou- venons - nous aulîi que la terre a un mouvement rapide fur (on axe , & par confequcnt une force centrifuge plus grande à l'cquateur que dans toutes les autres parties du globe; que cela (èul, indépendamment des oblervaiions ac- tuelles & des mefu/es , nous prouve qu'elle n'eft pas parfairement fphe'rique, mais qu'elle eft plus élevée fous i'équa- teur que fur les pôles; & concluons de ces premières oblèrvations , que quand même on fuppoiêroit que la terre eft fbrtie des mains du Créateur parfaite- ment ronde en tout (èns ( fuppofition gratuite & qui marqueroit bien le cercle étroit de nos idées ) , fon mouvement diurne & celui du flux & du reflux au- roient élevé peu à peu les parties de l'équateur, en y amenant fucceffivement les limons , les terres , les coquillages , &c. Ainfi les plus grandes inégalités du globe doivent fè trouver & fè trouvent en efïèt voifines de l'équateur ; & comme ce mouvement de flux & de reflux (uj fe . (uj Voyez les preuves , aru A7/, Théorie de la Terre, i r^ fait par des alternatives journalières & répétées (îins interruption ; il efl fort naturel d'imaginer coquilles fluviatiles , mais il y en a peu de marines, & le peu qu'on y en trouve, cfl hrifé , déplacé , ifolé ; au lieu que dans les couches anciennes les coquilles marines fe trouvent en qua\nité^ il n'y en a point de fluviatiles , & '^es coquilles de mer y font bien confervées & toutes placées de la même manière , comme ayant été tranfportées & pofées en même temps par la même caufe ; & çn effet , pourquoi ne trouve -t- on pas les ma- tières entaifées irrégulièrement , au lieu fde i^s trouver par couches! pourquoi Théorie de la Terre. I 3 y ïes marbres , les pierres dures , les craies les argiles , les plâtres, les marnes, &c. ne lont-ils pas (Jifperfés ou joints par couches irrégulières ou venicaiesî pour- quoi les choies pefanics ne font - elles pas toujours au-defïbus des plus légères! II eft aifé d'apercevoir que cette unifor- mité de la Nature , cette efpèce d'orga- nifition de la terre , cette jon<5lion des différentes matières par couches paral- lèles & par lits , fans égard à leur pefan- teur , n'ont pu être produites que par une caufe auiîi puiflante & auflx conf- iante que celle de l'agitation des eaux de la mer, foit par le mouvement réglé des vents, foit par celui du flux & du refluA , &c. Ces caufes agîjfTent avec plus de force fous l'équatcur que dans les autres cli- mats , car les vents y font plus conflans & les marées plus violentes que par-tout ailleurs ; auffi les olus grandes chaînes de montagnes font voifines de l'Equateur: les montagnes de l'Afrique & du Pérou font les plus hautes qu'on connoiflè , 6c après avoir traverfé des continens entiers , dles s'étendent encore à des diilances ;!:' 1^6 Hiflolre Nûîurelle. très-confidérubles fous les eaux de Ta mer oce'ane. Les iiiontagncs de l'Europe &: de l'A fie qui s'étendent depuis l'Efpngne jufqu'à la Chine , ne font pas au f fi éle- vées que celles de l'Amérique méridio- nale & de l'Afrique. Les montagnes du nord ne font , au rapport des Voya- geurs, que des collines en comparaifon de celles des pays méridionaux ; d'ail- leurs le nombre des îles eft fort peu confidérable dans les mers feptcntrio- iiales , tandis qu'il y en a une quauiiic prodigieufe d;ms la zone torrjje; & comme une île n'efl qu'un fommet de montagne , il eft clair que la furface de la terre a beaucoup plus d'inégalités vers l'équateur que vers le nord. Le mouvement général du flux & du reflux a donc produit les plus grandes montagnes qui le trouvent dirigées d'oc- eidcni en orient dans l'ancien continent, & du nord au fud dans le nouveju , dont les chaînes font d'une étendue très- conficiérable, mais il faut attribuer aux mouvtmens particuliers des courans^ des vents & des autres agitations irrégu- lières de la mer, l'origine de toutes les Théorie de la Terre, 1^J7 autres montagnes ; elles ont vraifeiiî- blablement été proJuiies par la com- binaifon de loiis cfs mouveniens, dont on voit bien que les elîets doivent être variés à l'infini , puifquc les venis , U pofition différente des îles & des côtes ont altéré de tous les temps & dans tous les fens pofïibles la diredion du fiux & du rcHux des eaux ; aiiifi il n'efl point étonnant qu'on troiîve fur le globe des éiuinences confifiérables dont le cours efl dirigé vers différentes pluges : il ruffit pour notre objet d'avoir démontré que les montngnei n'ont point été placées 31» hafard , & qu'elles n'ont point été produites par des trembiemens de terre ou par d'autres caufes accidentelles , mais qu'elles font un effet réfultant de l'ordre général de ia Nature , auffi-biea que l'efpècc d'organifaiioa qui leur efl propre & la polition des matières qui la compolent. Mais comment eft-il arrivé que cette terre que nous habitons . que nos an- cêtres ont habitée comme nous , qui dç temps immémorial efl un continent fec, ferme & éloigné des mers, ayant éi^ 1 138 Hijloire Naturelle. • autrefois un fond de mer , foit a^uelfe- ment fupérieurc à toutes ies eaux & en foit fi diftindement féparée î pourquoi les ea\ix de ia mer n'ont - elles pas refté fur cette terre, puifquelles y ont fé- journé fi iong- temps î quel accident, quelle caufè a pu produire ce change- ment dans le globe \ eft-il même pofTibie d'en concevoir une afîèz puiiTanie pour opérer un tel effet î Ces queftions font difficiles à refou- dre , mais ies faits étant certains , fa manière dont ils font arrivés peut de- meurer inconnue fans préjudicier au jugement que nous devons en porter ; cependant fi nous voulons y réfléchir, nous trouverons par induélion des rai- fons très-plaufibles de ces changemens (c). Nous voyons tous les jours la mer ga- gner du terrein dans de certaines côtes & en perdre dans d'autres 4 nous fa- vons que l'Océan a un mouvement général & continuel d'orient en occi- dent , nous entendons de loin les efforts terribles que ia mer fait contre les baf- ics terres & contre les rochers qui la (c) Voyez les preuves, artt XlXx Théorie de la Terre, 139' fcornent , nous connoifTons des provinces entières où on eft obligé de lui oppofêr des digues que i'induftrie humaine a bien de la peine à foutenir contre ia fu- reur des flots, nous avons des exemples de pays récemment fubmergés & de débordemens réguliers ; i'Hiftoijre nous parle d'inondations encore plus grandes & de déluges : tout cela ne doit-il pas nous porter à croire qu'il eft en effet arrivé de grandes révolutions fur ia fur- face de la terre, & que la mer a pu quitter & lalffer à découvert la plus grande partie des terres qu'elle occu- poit autrefois î Par exemple , fi nous nou^ prêtons un inftant à fuppofèr que l'ancien & le nouveau monde ne fai- foient autrefois qu'un feul continent , & que par un violent tremblement de terre le terrcin de l'ancienne Atlantique de Platon fe foit affaiffé, la mer aura néceiïairement couié de tous côtés pour former l'Océan Atlantique, & par con- féquent aura laiffé à découvert de vaftcs continens qui font peut-être ceux que nous habitons ; ce changement a doiic pu iê faire tout- à -coup par l'affiiiîe- H 14© Hifloire Naturelle, ment de quelque vafle caverne dans l'intérieur du gfobe, & produire par conféquent un déluge univerfel ; ou bien ce changement ne s'eft pas fait tout- à- coup, & il a faliu peut-être beaucoup de temps, mais enfin il s'eft fait, & je crois même qu'il s'eft fait naturellement ; car pour juger de ce qui eft arrivé & même de ce qui arrivera, nous n'avons qu'à examiner ce qui arrive. Il eft cer- tain par les obfervations réitérées de tous les voyageurs (cl), que l'Océan a un mouvement confiant d'orient en occi- dent ; ce mouvement fe fait fentir non- feulcment entre les tropiques , comme celui du vent deft, mais encore dans toute l'étendue des zones tempérées & froides où l'on a navigué : il luit de cette ob(ervation qui eft: conftanie , que la mec Pacifique fait un effort continuel contre les côtes de la Tartarîe, de la Chine & de l'Inde; que l'Océan In- dien fait effort contre la côte orientale de l'Afrique, & que l'Océan Atlantique agit de même contre toutes les côtes orientales de l'Amérique ; ainfi la mer ( art» XîX* Cij 1 48 Hijlolre Naturelle: idkiQS répaidèiir de ce limon dépofe par les inondations du NU ; de même {q% terreins de la province de la rivière Jaune ôl de la Louifiane ne iê font for* irnés que par le liinon des fleuves. î Au reUe, la mer Cafpienne efl aduel- lemçnt un vrai lac qui n'a aucune com- munication avfc les autres mers , pas même avec ie lac Arai qui paroît en ;ivoir fait partie , & qui n'en eft féparé que par un vaile pays de fable , dans le- quel on ne trouva ni fleuves , ni rivières, fii aucun canal par lequel la mer Caf^ pienne puidç vçrfer Tes eaux. Cette mer )i'a donc aucune communicaiion çxté^ rieure avec les autres mers , & je ne fais il l'on eft bien fondé à foupçonner qu'elle en a d'intérieure avec ia mer jjoire ou Avec le golfe Perfiquç. li «ft vrai que la mer Cafpienne reçoit fe Vojga ik plufieurs autres fleuves qui ^mblent lui fournir plus d'eau que i'ér vaporation n'en peut enlever, mais in- dépendamment de Ij^ difficulté de cette cfliir^ation, il paroît que iî elle ayoit com- murioanon avec l'une ou l'autre de ceç ;n€r>; on y aurojt reconnu un çonraiu Théorie de la Terre : t^(f rapide & confiant qui entraîneront tout Ters cette ouverture qui ferviroit de dé-» charge à (es eaux , & je ne lâche pas qu'on ait jamais rien obfervé de fèm-' LIable fur cette mer; des Voyageurs cxads, fur le témoignage dcfqueis on peut compter, nous aliurent le contraire^ & par conféquent ii efl néccflaire que l'évaporation enlève de la mer Cafpienne une quantité d'eau égale à celle qu'elle reçoit. On pourroit encore conjedurer avec cpelque vraifemblancc , que la mer Noire i?i'a un jour féparée de la iVJédiierra- ne* , & que fe Bofphore (e ren:plira lorf^ que les grands fleuves qui ont leurs em- bouchures dans te Pont- Euxin, aurono amené une afTez grande quantité de terre pour fermer le détroit ; ce qui peut arri- ver avec le temps , & par la diminution fuccefîive des fleuves , dont la quantité des eaux diminue à mefure que les mon-- tagnes & les pays élevés dont ils tirent leurs fources , s'abaifîent par le dépouil-^ icment des terres que les pluies entrai-* nent & que les vents enlèvent. La mer Cafpienne & ia mer Noira ii; ^I 5 O Hifolre Naturelle. doivent donc être regardées plutôt comme des iacs que comme des mers ou des gollts de l'Océan ; car elles leflèmblent à d'autres lacs qui reçoi- vent un grand nombre de fleuves & qui ne rendent rien par les voies exté- rieures, comme la mer Morte, piufieurs kcs en Afrique , &c. d'ailleurs les eaux de ces deux mers ne font pas à beaucoup prèsauffi Talées que celles de la Méditer- ranée ou de l'Océan; & tous les voya- geurs afTurent que la navigation eft très- difficile fur la mer Noire & fur la in|jr Cafpienne , à caufe de leur peu de pro- fondeur & de la quantité d'écueiis & de bas- fonds qui s'y rencontrent, en forte qu'elles ne peuvent porter que de petits vaifleaux (nj; ce qui prouve encore qu'- elles ne doivent pas être regardées comme des golfes de l'Océan, mais comme des amas d'eau formés par les grands fieuvcs dans l'intérieur des terres. Il arriveroit peut-être une irruption confidérable do l'Océan dans les terres, il on coupoii l'ifthme qui fépare l'Afrique fn) Voyez les voyages de Picti'o délia Yâlle, Théorie de la Terre, 151 de l'A fie, comme les Rois d'Egypte, & depuis les Califes en ont eu le projet; & je ne flii (i le canal de communi- cation qu'on a prétendu reconnoîire entre ces deux mers , cft afTez bien conftaté , car la mer Rouf^e doit être plus élfve'e que la mer Méditerranée ; cette mer étroite eft un bras de l'Océan qui dans toute (on étendue ne reçoit au- cun fkuvc du côré de l'Egypte, & fort peu de l'autre côté : elle ne fera donc pas iujcte à diminuer comme les mers ou les lacs qui reçoivent en même temps lei terres & les eaux que les fleuves y amè- nent , & qui fe remj)lirîent peu à peu L'Océati fournit à la mer Rouge toutes fes eaux, & le mouvement du flux & du reflux y eft extrêmement fenfible; ainfi ii!e participe immédiatement aux grands mouvcmens de J'Océan. Mais la mer Méditerranée efl plus bafle que l'Océan , puifque les eaux y coulent avec une très- grande rapidité par le détroit de Gibral- tar : d'ailleurs elle reçoit le N»' qui coule parallèlement à la côte occidc:i aie de la mer Rouge & qui traverfè l'Egypte dans toute fa longueur , dont ie tcrrein eft G iii; 1^1 Hîftoire Naturelle, par lui-même extrêmement bas; aînfi il eft très-vraifemblable que la mer Rouge efl: plus élevée que la Méditerranée, on efi fur de faire un puits & de trouver de l'eau, dans d'autres on n'en trouve point du tout ; dans prefque tous les vallons & les plaines bafles on ne manque guère de trouver de l'eau à une profon- deur médiocre ; au contraire , dans tous les lieux élevés & dans toutes les plaines en montagne , on ne peut en tirer du feiii de la terre , & il faut ramaffer les eaux du ciel. Il y a des pays d'une vafte éienduc où Ton n'a jamais pu faire un puits & ow toutes les eaux qui lervent à abreuver les habitans & les animaux font contenues dans des mares & des citernes. En Orient,, fur-tout dans l'Arabie , dans l'Egypte, dans la Perle, &c. les puits font extrê- mement rares auffi - bien que les fources d'eau douce , & ces peuples ont été obligés de faire de grands rélcrvoirs *' pour recueillir les eaux des pluies & des neiges : ces ouvrages faits pour la né- cedité publique, lont peut-être les plus beaux & les plus magnifiques monuniens des Orientaux ; il y a des léfèrvoirs qui ont jufqu'à deux lieues de furface, & qui lyi. Hîfloire Naturelle. ^' ' fervent à arrofèr & à abreuver une pro- vince entière , au moyen dts fàignees âfc cies petits ruiffeaux qu'on en dérive de tous côtés. Dans d'autres pays au con- traire, comme dans les plaines où cou- lent les grands fleuves de la terre, on nç peut pas fouiller un peu profondément fans trouver de l'eau , & dans un camp fîtuf ^iux environs d'une rivière, fbuvent chaque tente a fon puits au moyen de quelques coups de pioche. Cette quantité d'eau qu'on trouve par-tout dans ïqs lieux bas , vient des terres fupérieures & des collines voifj nés, au moins pour la plus grande partie, car dans ie temps des pluies & de la fonte des neiges, une partie des eaux coule fur la furface de la terre, &'le refte pénètre dans l'intérieur à travers les petites fentes éts terres & des rochers; & cette eau iburcille en différçns endroits lorfqu'elle trouve des iffues , ou bien elle fe filtre dans les fables , & lorfqu'elle vient à trou- y^x un fond de glailè ou de terre ferme & folide , elle forme ôqs lacs , des ruif- r*"aux , & peut-être q\qs fleuves fouter- lains dont le cours & l'embouchure nous vm Théorie cle h Terre. 173 font inconnus , mais dont cependant par les loix de ia Nature le mouvement ne peut (è faire qu'en allant d'un lieu pius élevé dîtns un lieu plus bas, & par con* fequent ces eaux fouterraines doivent tomber dans la mer ou (è rafîèmbîer dans quelque lieu bas de la terre, foit à la furface, foit dans Tintérieur du globe; car nous connoiffons fur la terre quel- ques lacs dans lefquels il n'entre & def- quels il ne fort aucune rivière, & il y en a un nombre beaucoup plus grand qui ne recevant aucune rivière confidé- rable, font les fources des plus grands fleuves de la terre, comme les lacs du fleuve Saint- Laurent , le lac Chiamc , d'où fortent deux grandes rivières qui arroicnt les royaumes d'Alem & de Pégu , les lacs d'Afliniboïîs en Amérique, ceux d'Ozera en Mofcovie , celui qui donne naKFance au fleuve Bog, celui dont fort la grande rivière Irtis, &c, & une infinité d'autres qui femblent être les réfervoirs (d) d'oii la Nature verfe de tous côiés les eaux qu'elle diflribue fur la furfîice de h terre. On voit bien que ces lacs ne (d) Voyez les preuves , aru XL H iij l * ". \ ( 1 74: Hi/foirâ Naturelle. ' peuvent être produits que par ïes eaux des terres fupéricures qui coulent par de petits canaux fbuterrains en fe filtrant à travers les graviers & les flibles, & vien- nent toutes fe rafTembler dans ies lieux les plus ijas où fe trouvent ces grands amas d'eau. Au relie il ne faut pas croire, comme quelques gens Tont avancé , qu'il fe trouve des lacs au fommet des plus hautes montagnes ; car ceux qu'on trouve dans les Alpes & dans les autres lieux hauts , font tous furmoniJs par des terres beaucoup plus hautes, & font au pieo .d'autres montagnes peut-être plus élevées que les premières, ils tirent leur origine des eaux qui coulent à l'extérieur ou fe filtrent dans rintéricur de ces montagnes, tout de même que les eaux des vallons & ées plaines tirent leur fource des collines voiiines & des terres plus éloignées qui les furmontcnt. Il doit donc fe trouver , & il (e trouve en effet dans l'intérieur de la terre , des lacs & des eaux répandues , fur-tout au- deCTous des plaines fej Ôc des grandes vallées ; car les montagnes , les coUiues & (fj Voyez les preuves , art, XVUh TTiéorie de fa Terre. "^7^ toutes les hauteurs oui fufmontent lèi terres bafles, font découvertes tout autour & prtTentent dans leur penchant une coupe ou perpendiculaire ou inctrnée > dans l'étendue de laquelle les eaux qui tombent fur le fommet de la montagne & l'ur les plaines élevées , après avoir pé^ nétré dans les terres y ne peuvent man* quer de trouver ifTue & de fortir de plu- fieurs endroits en forme de fources & de fontaines, & par conféquent il n*y aura que peu ou point d'eau fous les monta* gnes. Dans les plaines au contraire, comme l'eau qui fe filtre dans les terres ne peut trouver d'ifrue , il y aura des amas d'eau fouterrains dans les cavités de la terre, & une grande quantité d'eau qui fuintera à travers les fentes des glaifes & des terres fermes, ou qui fe trouvera difperfée & divifée dans les graviers & dans les fables. C'eft cette eau qu'on trouve par- tout dans les lieux bas ; pour l'ordinaire le fond d'un puits n'efl autre chofe qu'un petit baiîin dans lequel les eaux qui îuintent des terres voi fines , fe raflTem- blent en tombant d'abord goutte à goutte , & cnfuitc en filets d'eau continus, H iiij iy6 Hifloire Naturelles iorfque les routes font ou\ eries aux eaux les plus éloignées; en forte qu'il efl vrai de dire que quoique dans les plaines haflès , on trouve de leau par-tout, on ne pourroit cependant y faire qu'un cer- tain nombre de puits , proportionnés à la quantité d'eau difperfée , ou plutôt à l'étendue des terres plus élevées d'où ces eaux tirent leur fourcc. Dans la plupart des plaines il n'efl pas néceffaîre de creufer jufqu'au niveau de fa rivière pouc avoir de l'eau , on la trouve ordinairement à une moindre profondeur , & il n'y a pas d'apparence que l'eau des fleuves & des rivières s'étendent loin en fe filtrant à travers les terres ; on ne doit pas non plus leur attribuer l'origine de toutes les eaux qu'on trouve au-deffous de leur niveau dans l'intérieur de la terre , car dans les torrens , dans les rivières qui tarif- fent , dans celles dont on détourne le cours , on ne trouve pas , en fouillant dans leur lit plus d'eau qu'on n'en trouve dans les terres voifines ; il ne faut qu'une langue de terre de cinq ou iix pieds d'épaiiîèur pour cantenir l'eau i TheoAe Ae la Terre. '\jy & rcmpêchcr de s'échapper, & jVi fou- vent obfcrvé que !es bords des ruif- fèaux & des mares ne font pas (end- biement humides à fix pouces de dis- tance. II e(t vrai que retendue de la filtration <^fl plus ou moins grande félon que ie terrein eft \ ' is ou moins pénétrable ; mais Ç\ iV ' xamine les ravines qui (e forment is les terres ai même dans les fables , . a icconnoîtra que iVau pafle toute dans le petit eipace qu'elle fe creufc elle-même, de qu'à peine les bords font mouillés à quelques pouces de diflnnce dans ces fables : dans les terres végétales même , où la filtration doit être beaucoup plus grande que dans les fables & dans les autres terres, puifqu'elle eft aîdée de la force du tuyau capillaire , on ne s'aperçoit pas qu'elle s'é rende fort loirt. Dans un jardin on arrofè abondamment, & on inonde , pour ainfi dire , une planche, fans que les planches voifin^s s'en reffentem confidéraWement : j'ai re^- marqué en examinant de gros monceaux d^ tçrrç de jardin de huit ou dix pieds H V IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 l.l 1.25 150 •a i 12.8 32 m 11^ |||M 12.0 1.8 LA. il 1.6 Photographie Sciences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 873-4503 // ï 7» Hlftoire Naturelle: ^ d'épai/Teur, qui n'avoient pas ét^ Mimi^l depuis quelques années & dont le (binniet étoit à peu près de niveau , que i'eau xles pluies n'a jamais pénétré à plus de trois ou quatre pieds de profondeur ; en forte qu'en remuant cette terre au printemps après un hiver fort humide , |*ai trouvé la terre de l'intérieur de ces monceaux audi sèche que quand on i'avoit amoncelée. J'ai fait la même obfêrvatîon fur des terres accumulées depuis près de deux cems ans , au-deffous de trois ou quatre pieds de profondeur la terre étoît aufli sèche que la poufijère» alnfi l'eau ne fè communique ni ne $^tend pas aujdi loin qu'on le croit par la feule filtration : cette voie n'eu fournie dans l'intérieur de la terre que ii^ plus petite partie ; mais depuis la j^rface jufqu'à de grandes profondeurs l'eau defcend par fon propre poids : elle pénètre par des conduits naturels ou par de petites routes qu'elle s'eft ouvertes elle - même y elle fuit les racines des ar- bres , les fentes des rochers , les interftices des terres^ & k divife & s'étend dfi Théorie Je la Terré: tj^^ tous cotés en une infinité de petits ra- meaux & de filets toujours en defcendant , jufqu'à ce qu'elle trouve une iflue après avoir rencontré la glaile ou une autre terrein folide fur lequel elle s*c(l raf- iêmblée. * li (èroît fort difficile de faire une ^valuadon un peu jude de la quantité des eaux fouterraines qui n*ont point d'ifTue apparente (f). Bien des gens ont prétendu qu'elle furpafToit de beaucoup celle de toutes les eaux qui font à fa furface de la terre, & fans parler de ceux qui ont avancé que i'intérieur du globe étoit abfolifment rempli d'eau, il y en a qui croient qu'il y a une infinité de fïeuves , de ruiflèaux, de lacs dans ia profondeur de la terre : mais cette opinion , quoique commune, ne me paroît pas fondée, & je crois que la quantité des eaux fouterraines qui n'ont point d'ifTue à ia fur^ce du globe , n'cft pas confidérable ; car s'il y avoit un fi grand nombre de rivières fouterraines , pourquoi ne verrions- nouS' (f) Voy« les preuves,, m X, XI ir XVUL > Hvi h V / [ii6 'Hijloire Naîurette: pas à fa furface de la terre les embou^ chures de quelques-unes de ces rivières , & par conféquent des fources greffes comme des fleuves \ D'ailleurs les rivières (Se toutes les eaux courantes produifênt des changemens très - confîdérabies à it iur&ce de la terre ; elles entraînent les terres, creufênt les rochers, déplacent tout ce qui s'oppofe à leur pafTage: \\ en fèroit de même des fleuves fouter- rains , ils produiroient des altérations fènfîbles dans Tintérieur du globe : mai$ on n'y a point obfèrvé de ces change- mens produits par le mouvement des eaux , rien n'efl déplacé ; les couches parallèles & horizontales fubiident par- tout , les différentes 'matières gardent par > tout leur pofition primitive, & ce n'eft qu'en fort peu d'endroits qu'on a obfcrvé quelques veines d'eau fouter- raines un peu confidérabfes. Ainfi l'eau ne travaille point en grand dans l'inté- rieur de la terre, mais elle y fait bien de l'ouvrage en petit : comme elle eft divifée en une infinité *. Hets, qu'elle ell retenue par auiant aobAacIes^ du '■ri * -»•)«• * TTiéorie tle h Terré: 1 8 1, fenfin qu'elle eft di(perfée prefquc par- tout, elle coiKOurt immédiatement à la formation de plufieurs fubdanccs ter- redres qu*ii faut diftinguer avec foiit é^s matières anciennes , Sa qui en efièt en diffèrent totalement par leur forme & par leur organifation. Ce font donc les «aux raflemblées dans la vaHe étendue des mers , qui , par le mouvement continuel du aux & du reflux , ont produit les montagnes , les vallées & les autres inégalités de la terre ; ce font les courans de la mer qui ont creufé les râlions & élevé les collines en leur donnant des diretflions correfpon- dantes; ce, font ces mêmes eaux de la mer, qui en tranfportan^ 'les terres, les ont difpofées les unes ^fiir les autres par lits horizontaux , & ce font les eaux du ciel qui peu à peu détruifent Touvrage de ia mer , qui rabaiflênt condnueilement la hauteur des montagnes , qui comblent les vallées , lès bouches des fleuves & les golfes, & qui ramenant tout au ni- veau , rendront un jour cette terre à la mer, qui s'en emparera fucceflivement. îtVi Hifloire Naturelle f "êrc: en laifTaiit à découvert de nouveaux continens entrecoupés de vallons & dé montagnes, & tout femblables à ceiQC que nous habitons aujourd'hui. ^ ' . ■■■■■■) '\ :U' \ 1 "\ veaux & dé h PREUVES DELA THÉORIE DE LA TERRE. UnJique fie cadereu Fccîtque cadendû Manil. '*► » < \ /-. :l \ A.^ Trt/nr a \ PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE, A RTICLE I. ^ De la formation des PlûniteSi ' NOTRE objet ^tant rHiftoîrc Na- turelle , nous nous difpcniêrions volontiers, de parler d'Aflxonomic ; mais la Phyfique de la terre tient à ia Phy- fiqiiç cdeAe, & d'ailleurs nous croyons que pour une plus grande intelligence de ce qui a été dit , il eft néceflTaire de donner quelques idées générales fur la formation , le mouvement & la figure de la Terre & des Planètes. î La Terre eft un globe d'environ troîs mille lieues de diamètres, elle eft fituée à trente millions de lieues du Soleil , autour duquel elle fait ia révolution en trois cents foixante-cinq jours. Ce mou- vement de révolution eft le réfultat de "*' = ,••■ ■»-'4( ^ tî6 Hiflotre Naturelle. deux forces, i'une qu'on peut (ê repre-* ièntér comme urle impufijon de dioite à gauche, ou de gauche à droite, ^ l'autre comme une attraélion du haut en bas , ou du bas en haut vers un centre, La dire^ion de ces deux forces & leurs <]Uantités font combinées & propor- données de façon qu'il en rélulte un mouvement prefqU^uniforme dans une eliipfe fort approchante d'un cercle. Sem- blable aux autres planètes , la terre e(l opnque , elle fait ombre , elle reçoit â: réfléchit ia lumière du foleil, & elle tourne autour de cet aflre fuivnnt les loix qui conviennent à fa diflance & à fà denfité relative ; elle tourne auffi fur elle-même en vingt- quatre heures, 5c l'axe autour duquel (è fait ce mouvement de rotation, cfl incliné de foixante- fix degrés & demi fur le plan de l'orbite de fa révolution* Sa figure efl celle d'un fphéroïde dont les deux axes diffèrent d'environ une cent foixanie & quin- zième partie , & le plus petit axe e(l celui autour duquel fe fait la rotation» Ce font-là les principaux phénomènes ide la terre , ce fom- ià Ie$ réfultats des *. .■■ ■ M ■ Théorie /le la Terre. »8/ grandes découvertes que i*on a faites par le moyen de fa Ge'omtirie , de l'Adronomie & de la Navigation. Nous n'entrerons point ici dans le détail qu'elles exigent pour être démontrées, & nous n'examinerons pas comment on eft venu au point de s'aAurer de la vérité de tous ces faits , ce feroit répéter ce qui a été dit ; nous ferons feulement quelques remarques qui pourront fervir à éclaircir ce qui e(l encore douteux ou contefté , & en même temps nous donne- rons nos idées au fujet de la formation des planètes , & des différens états par où il efi pofllble qu'elles aient pafTé avant que d'être parvenues à Tétat où nous les voyons aujourd'hui. On trouvera dans ia fuite de cet ouvrage des extraits de tant de fylUmes & de tant d'hypothèfes fur la formation du globe terreftre , fur les différens états par où il a paffé Se fur les^hangemens qu'il a fubis, qu'on ne peut pas trouver mauvais que nous joignons ici nos conjedures à celles des Philofophes ([ui ont écrit fur ces matières , & fur - tout lorfqu'on verra que nous ne les donnons en effet c|ue \ ■' i ! Il 8 8 Uipire Naturelle. pour de fimpics conjeAures , auxquelles •nous prétendons feulement afîigner un plus grand degré de probabilité qu'à toutes celles qu'on a faites fur le même fujet; nous nous refufons d'autant moins à publier ce que nous avons penfé fur cette matière, que nous efpcrons par- là mettre le ledleur pius en état dé pronon- cer fur la grande différence qu'il y a entre une hypoihèfè où il n'entre que des poffibilités, .& une théorie fondée fur des faiis , entre un fyflème tel que nous allons en donner un dans cet article fur la formation & le premier état de la terre , & une hiftoire phyfique de fon état aéluel , telle que nous menons de la donner dans le difcours précédent. Galilée ayant trouvé la loi de îa chute des corps , & Kepler ayant obfervé que les aires que les planètes principales décrivent autour du foleil , &. celles que les iatellites décrivent autour de leur planète principale , font proportionnelles aux temps, & que les temps des révo- lutions des planètes & des fatellites font proportionnels aux racines carrées des c^bes de leurs diilances au fgleii ou à 'TVf: Théorie de la Terre, \ 8 p ïeurs planètes principales , Newton trou- va que la force qui fait tomber les gra- ves fur ia furface de la terre , s'étend jufqu'à la iune & la retient dans foa orbite ; que cette force diminue en même proportion que le carré de la diflance augmente , que par conféquent la lune ell attirée par la terre, que la terre & toutes les planètes font attirées par le foleil, & qu'en général tous les corps qui décrivent autour d'un centre ou d'un foyer des aires proportionnelles au temps , (ont attirés vers ce point. Cette force , que nous connoiflfons fous le nom Tune d'attradion ..:' / Théorie de la Terre, ' ï 9 3 l'autre d'impulfion , qui agifTant à la fois & à tout inftant , les obligent à décrire ces courbes; mais il faut remar- quer que les comètes parcourent ie fyl- lème folaire dans toutes fortes de direc- tions. & que les inclinaifons des plans de ieurs orbites font fort différentes entr'elles , en forte que , quoique fu jètes, comme les planètes , à la même force d'attradion , les comètes n*ont rien de commun dans leur mouvement d'im- pulfion , elles paroifîent à cet e'gard abfolument indépendantes les unes des autres. Les planètes , au contraire , tour- nent toutes dans le même fèns autour du fbleil , & prefque dans, le même plan , n'y ayant que fept dcgre's & demi d'inclinaîfon entre les plans les plus éloignés de leurs orbites : cette confor- mité de pofition & de direction dans le mouvement des planètes , fuppofe néceflairement quelque chofe de com- mun dans leur mouvement d'imputfion> & doit faire foupçonner qu'il leur a été communiqué par une feule & même caufe. '■ Ne peut- on pas imaginer ayec quelque Tomç I, ' 1 .194 Hifloive Ndtiirelk, . forie de vraifemblance, oo"''' ou une 6 5 o"'*^ partie de fa niarTc , fur-tout fi l'on fait attention à l'iinmenfc vhejje ûcqu'ife avec laquelle les comètes fe meu- vent lorf(|u'elles paflTent dans le voifinagc de cet adre. Une autre analogie , & qui mérite quelqu'atteniion , c'efl la conformité entre la denfité de la matière des pla- nètes & la denfité de la matière du foleil. Nous connoiffbns fur la furfiice de la terre des matières 14 ou 15 mille fois plus dénies les unes que les autres , les denfitésde l'or & de l'air font à peu près dans ce rapport ; mais l'intérieur de la terre & le corps des planètes font com- pofés de parties plus fimibires & dont la dcnfité comparée varie beaucoup moins , & la conformité de la denfité de la matière des planètes & de la denfité de la matière du foleil eft telle, que fur 650 parties qui compofènt la totalité de la niatière des planètes, il y en a plus Iv \f 1 201 Hiflout Ndtiirelle* de 6/,.o qui font prefque de la même denfité que fa matière du foleil, & qu'il n'y a pas dix parties fur ces 650 qui foient d'une plus grande denfité j car Saturne & Jupiter font à peu près de la même denfité que le foleil , & Ja quan- tité de matière que ces deux planètes contiennent , ell au moins 64 fois plus grande que ia quantité de matière des quatre planètes inférieures , Mars , la Terre , Vénus & Mercure. On doit donc dire que la matière dont font com^ pofées les planètes en général, eft à peu près ia même que celle du foieii , & que par conféquent cette matière peut en avoir été féparée. Alais , dira- 1- on, fi la comète en tombant obliquement fur le foleil, en a fillonné la furface & en a fait fortir la matière qui compofe les planètes , il pa- roît que toutes les planètes , au lieu de décrire des cercles dont le foîeil eft le centre , auroient au contraire à chaque révolution rafé la furface du foleil , & le- roîent revenues au même point d'où elles Croient parties , comme feroit tout pro- jedife qu'on lanceroit avec affez de force Théorie de la Terre, i o 3 d'un point de la furface de la terre, pour l'obliger à tourner perpétuellement; car il eft aifé de démontrer que ce corps reviendroit à chaque révolution au point d'où il auroit été lancé, & dès- lors on ne peut pas attribuer à l'impulfion d'une comète la projedion des planètes hors du foleil, puifque leur mouvement autour de cet aftre eft différent de ce qu'il fcroit dans cette hypothè(e. A cela je réponds que la matière qui compo(e les planètes n'efl pas fortic de cet aftre en globes tout formés, auxquels îa comète auroit communiqué fon mou- vement d'impulfion , mais que cette ma- tière eft fortie fous la forme d'un tor- rent dont le mouvement des parties an- térieures a dû être accéléré par celui des parties poftérieures ; que d'ailleurs l'at- tradion des parties antérieures a dû aufïï accélérer le mouvement d^s parties poC- térieures , & que cette accélération de mouvement, produite par Tune ou l'autre de ces eau Tes , & peut - être par toutes les deux , a pu être telle qu'elle aura changé la première dire<51ion du mou* vement d'impulfion, & qu'il a pu en I vj _..j| // 20^ Hîjloire Naturelle, réfulter un mouvement tel que nous Toi)- fervons aujourd'hui dans les planètes , fur-tout en fuppofant que le choc de ia comète a déplacé le foleil ; car pour donner un exemple qui rendra ceci plus fenfible , fuppofons qu'on tirât du haut d'une montagne une balle de moufquet^ & que la force de la poudre fût afTez grande pour la pouffer au-delà du demi- diamètre de la terre , il eft certain que cette balle tourneroit autour du globe (?c reviendroit à chaque révolution paffer au point d'où elle auroit été tirée ; mais f\ au lieu d'une balle de moufquet nous fuppofons qu'on ait tiré une fufée vo- lante où ra(5tion du feu feroit durable & accélércroit beaucoup le mouvement d'impulfîon , cette fufée ou plutôt le cartouche qui h. contient , ne revien- droit pas au même point , comme la balle de moufquet , mais décriroit un orbe dont le périgée feroit d'autant plus éloigné de la terre , que la force d'accé- lération auroit été plus grande & auroit changé davantage la première direction, toutes chofes étant fuppofées égales d'ail- leurs. Ainfi, pourvu qu'il y ait eu de :j- _/^ m.- -. ^iT^ gç x.r.cjiintcm Xamtscliîv.ik —■,c~ "1 ^//iVItU/H O , '1 aT^ i% ï.W".A -^4--(?t: ^ j i/itimiuc '^ ^ ■ , flaimvt 'ajM>^o C\\RLM I)K r /A NCI r.iN CON i IN KN T Ji'fûn u^a put.- (/ra/ii/c L/iiJiwur i^htmcfrulc Mymtsla l\>mre dela'UiJTcirieOnentalc h/rssCC JCU.-L'S ï/MVt/i' M"l^KB['l'tON" /iiCr (/cJlflloJirJîTCycoirr (fil Roi 1 1 1 1 I 1 1 1 1 i\ ^ r '<'- 40 J.l . ■M* tmÊk Mm Théorie Je la Terre. i o j raccëlération dans le mouvement d'im- pulllon communiqué au torrent de ma- tière par la ciiute de la comète , il eft très-pofTjble que les planètes qui (c font formées dans ce torrent , aient acquis le mouvement que nous leur connoilTons dans des cercles & des ellipfes dont le folcil efl le centre & le foyer. La manière dont fe font les grandes éruptions des volcans , peut nous donner une idée de cette accélération de mou- vement dans le torrent dont nous par- ions. On a obfervé que quand le Véfuvc commence à mugîr & à rejeter les ma- tières dont il eft embrafé , le premier tourbillon qu'il vomit , n a qu'un certairt degré de vîte/Tc , mais cette vîiefTe eft bientôt accélérée par l'impulfion d'un fécond tourbillon qui fuccède au pre- mier, puis par l'a^lion d'un troVnème, & ainfi de fuite , les ondes pefantes de bitume , de foufrc , de cendres , de métal fondu , paroîffent des nuages maffi fs , & quoiqu'ils fe fuccèdent toujours à peu près dans la même diredion , ils ne laif- ient pas de changer beaucoup celle du premier tourbillon, & de ie pouffer 'zbS Hifioke Naturelle. ailleurs & plus loin qu'il ne (èroit par- venu tout (èul. D'ailleurs, ne peut -on pas répondre à cette objedion , que le foleil ayant été frappé par la comète , & ayant reçu une partie de (on mouvement d'inipulfion , il aura lui-même éprouvé un mouvement qui l'aura déplacé , & que quoique ce mouvement du foIeil (bit maintenant trop peu fenfible pour que dans de petits intervalles de temps les Aftronomes aient pu l'apercevoir , il (e peut cependant que ce mouvement exifte encore, & que le (bleil fe meuve lentement vers diffé- rentes parties de l'Univers , en décrivant une courbe autour du centre de gravité de tout le fyflèmeî & fi cela eft, comme je le préfume , on voit bien que les planètçs , au lieu de revenir auprès du foleil à chaque révolution , auront au contraire décrit des orbites dont les points des périhélies font d'autant plus éloignés de cet aftre , qu'il s'eft plus éloigné lui- même du lieu qu'il occupoit anciennement. v - Je (ens bien qu'on pourra me dire qjue (i l'accélération du mouvement fe Tfîéone de la Terre» iiïat. *-: t; '> - — — — •■ ■ - — — v___._. ,.*;, /• - ■■ • ■■ ■■. ' -~ / •-JTL UvliirtirUijiif f) CARTr:/:>Z7 Nou viLfVu CoNriN>:Ni\ depiiiJ' la Huy. efe\'\ Pl;ito rus (fit an {Jela .iu~LiZC dcpAfriniljoils r>rei.r-rr', ^ >:v. ...\ /.. -^-..v'^^??^ ^Z Jc'iihrtorvc ' l V i' :5$i:3te.. ' !\Uia. i'oclonu. o^v v\. ; — ,s.. .--;;;;^.... irr,/"j,-', ■ ■ f ■ Dciirfs fie lEcpi.'iieia- ' j'c -j'o 3'(> I v^ ^o '«: i'.J, 7;,-, i< ■ * > -•A. I ' .♦ ' • f .., ■' " * ,*', , - - l' k ' ^. \ . .» ■ ■' " k 1 ■ . r i % \ • ■ h ■■-. ' ' J TItéorte Je la Terre* 107* fait dans la même dire^ion , cela ne change pas le point du périhélie qui fera toujours à la fur face di« foleil : mais doit- on croire que dans un torrent dont les parties fc font fuccédées , il n'y a eu aucun changement de diredion ; il efl au contraire très- probable qu'il y a eu u A aflèz grand changement de direction , pour donner aux planètes le mouvement qu'elles ont. On pourra me dire auffi que fi le foleil a été déplacé par le choc de la comète , il a dû fe mouvoir uniformé- ment, & que dès -lors ce mouvement étant commun à tout le fyftème , il n'a dû rien changer; mais le foleil ne pou- voii-il pas avoir avant le choc un mou- vement autour du centre de gravité du fyflème cométaire , auquel mouvement, primitif le choc de la comète aura ajouté une augmentation ou une diminution! & cela fuffiroit encore pour rendre raifon du mouvement aduel des pLinèies. Enfin fi l'on ne veut admettre aucune de ces fuppofiiions, ne peut-on pas pré- fumer , fans choquer la vraifemblance , que dans le choc de la comète contre le  2i o 8 yijîom Naîîirelle. • foleil il y a eu une force élaflîque quî aura élevé le torrent au-defTus de la fur- face du ibleil , au lieu de le pouffer di- recftement \ ce qui feul peut luffire pour écarter le point du périhélie & donner aux planètes le mouvement qu'elles ont confervé ; & cette fuppofiiion n'eft pas dénuée de vraifenil^lance , car la matière du foieil peut bien être fort élaftique, puifque la feule partie de cette matière que nous connoiflbns , qui eft ia lu- mière , fembfe par fes eflèts être par- faitement élaftique. J'avoue que je ne puis pas dire fi c'efl par i'une ou par l'autre des raifons que je viens de rapporter, que ia dire»5tion du premier mouvement d'impulfion des planètes a changé , mais ces raifons fuffilènt au moins pour faire voir que ce changement eft podible , & même probable, & cela fuffit aufîi à mon objet. Mais fans infifler davantage fur les objedions qu'on pourroit faire , non plus que fur les preuves que pourroient fournir les analogies en faveur de mon hypoihèfe , fuivons-en l'objet & tirons des indudions; voyons donc ce qui a Tyone de h Terrf* 2op pu arriver iorfque les planètes , & fur- tout la terré , ont reçu ce mouvement (1 nrjpulfion , & dans quel état eiies fe font trouvées après avoir été fé parées y de la maHe du foleil. La comète ayant par un feul coup communiqué un mou- vement de projetflile à une quantité de inaiière égale à la 650"™* partie de la mafTc du foieii , les particules les moins denfes fe feront féparées des plus denfes , & auront formé par ieur attradion mu- tuelle des globes de différente denfité; Saturne , compofé des parties les plus greffes & les plus légères , le lera le plus éloigné du foleil ; enfuitc Jupiter qui cfl plus denfe que Saturne , fe fera moins éloigné , & ainfi de fuite. Les planètes les plus grofies & les moins denfes font les plus éloignées , parce qu'elles ont reçu un mouvement d'impulfion plus fort que les [)Ius petites & les plus denfes ; car ia force d'impulfion fii communiquant par les furfaces, le même coup aura fait mouvoir les parties les pins grofles & les plus légères de la matière du foleil , avec plus de vîteffe que les parties les plus peiiteii & les plus maflives ; il fc fera \ t 11 2 1 o Uipire Naturelle. donc fait une féparaiion dçs pariîcs dénies de différens degrés , en forte que la denfité de la matière du foleil étant t'gale à ICO, ceile de Saturne eft égale à 67, celle de Jupiter =1 94 i, celle de * Mars=- 200, celle de la Terre =400, celle de Vénus = 8 ao , & celle de Mer- cure =2r8 00. Mais la force d'attra<5lion ne (è communiquant pas , comme celle d'impulfion y par la furface , & agiiîânt au contraire fur toutes les parties de la mafle, elle aura retenu les portions de matièie les plus denfes,& c*efl pour cetteraifon que les planètes les plus denfes font les plus voifines du foleil, & qu'elles tour- nent autour de cet ailre- avec plus dç ra- pidité que les planètes les moins denfes , cjui font auffi les plus éloignées. Les deux groflès planètes, Jupiter & Saturne , qui font , comme l'on fait , les parties principales du fyflème folaire , ont conlervé ce rapport entre leur denfité & leur mouvement d*impulfion , dans une proportion fî jufle qu'on doit en être frappé; la denfité de Saturne cft à celle de Jupiter comme 67 à 94^? & leurs vîtefîcs font à peu près comme 8 8 f- pîter Mars , Vénus & Mercure , comme leur denfité n'efl connue que par conjedure , nous ne pouvons favoir fi cela détruiroit ou con- firmeroit notre opinion fur le rapport de la vîteffe & de la denfité des planètes ea général. Le (eniiment de Newton eft que la denfité eft d'autant plus grande que ia chaleur à laquelle la planète eft expofée, cft plus grande , & c'eft fiir cette idée que nous venons de dire que Mars eft une fois moins denfe que la Terre, Vénus une fois plus denfè, Mercure fept fois plus denfè , & la comète de 1680, 28 raille fois plus denfe que la Terre ; mais cette proportion entre la denfité des pla- nètes & la chaleur qu'elles ont à fupporter, u 2 1 1 Hijloke Naturelle» ne peut pas fubfifter ïorfqu'on fait atten- tion à Saturne & à Jupiter qui font les principaux objets que nous ne devons jamais perdre de vue dans le fyflème fo- iaire ; car félon ce rapport entre la denficé & la chaleur, il fe trouve c{ue la denfité de Saturne feroit environ comme 4 •^, & celle de Jupiter comme 14 77, au lieu de 6y & de c)4j, différence trop grande pour que le rapport entre la denfité & îa chaleur que les planètes ont à fup- porter , puiÂe être admis ; aînfi malgré îa confiance que me'ritent les conjedures de Newton , je crois que la denfité des planètes a plus de rapport avec leur vî- tefle qu'avec le degré de chaleur qu'elles ont à fupponer. Ceci n'efl qu'une cau(e finale , & l'autre efl: un rapport phy~ fique dont l'exadlitude eit fingulière dans les deux groffes planètes ; il eft cependant vrai que la denfité de la terre au h*eu d'être 206 | fe trouve être 400, & que par conféquent il faut que le globe terreflre fe foit condenfé dans cette raifon de 206 |à 400. Mais la condenfatîon ou îa coc^ion des planètes n*a-t-elle pas quelque rapport Théorie de la Terre, 213 livec la quantité de la chaleur du foleil dans chaque planète î & dès-lors Saturne qui efl fort éloigné de cet aftre n'aura foufFert que peu ou point de conden- fation, Jupiier fera condcnfé de po |^ à ^\'-\ or la chaleur du foieil dans Ju- piter étant à celle du foleil fur la terre , comme lé^^^SoïW. à 400, les conden- fations ont dû fe faire dans la même pro- portion , de forte que Jupiier s'étant condenfé depo-J^àp4i,Ia terre auroit dû fe condenler en même proportion de 206 1 à 215 -j— , fi elle eût été placée dans l'orbite de Jupiter , oii elle n'auroit dû recevoir du foleil qu'une chaleur égale à celle que reçoit cette planète: mais la terre fe trouvant beaucoup plus près de cet aflre , & recevant une chaleur dont le rapport à celle que reçoit Jupiter eft de 400 à 14^, il faut multiplier la quantité de la condenfation qu'elle auroif eue dans l'orbe de Jupiier par le rapport de 400 à i4j|, ce qui donne à peu près 234^, pour la quantité dont la terre a dû lé condenfer. Sa denfité étoit 20 6 1, en y ajoutant la quanûté de condenfation l'on trouve pour fa denfité » i 1 1 1x4. Hijlotre Nature fte: a*5lu€lîe 440 1 , ce qui approche afïez de h denfité 400 , déterminée par la parallaxe de la lune. Au refte je ne prétends pas donner ici des rapports exads , mais feu- lement des approximations , pour faire voir qye hs denfités des planètes ont beaucoup de rapport ayec leur vîtcffe dans ieiirs orbites. La comète ayant donc par (à chute oblique fillonné fa fiirface du foleil , aura pouffé hors du corps de cet aflre une partie de matière égaîe à la 650""^ partie de (à mafle totale: cette matière qu'çn doit confidérer dans un état de fluid'ié, ou plutôt de iiquéfadion , aura d'abord formé un torrent , les parties les plus grofles & les moins dénies auront été poufTécs au plus loin , & les panies l«s plus pentes & les plus denfes n'ayant reçu que fa même împulfion , neiè feront pas fi fort éloignées , la force d'attradion du foletl les aura retenues ; toutes les parties déta- chées par la comète & pouuées les unes par les autres auront été contraintes de circuler autour de cet allre , & en même temps Tattraélion mutuelle des parties de la matière en aura formé des globes Théorie de la Terre» 1 1 j' à différentes diftances , dont les plus voifins du (bleil auront nécefTairement confervé plus de rapidité poyr tourner enfuiie perpétueUcment autour de c«t aftre. Mais, dira-t'-on une féconde fois, (i la matière qui comp©(e les planètes a été fe'parée du corps du foIeiI,rJes pla- nètes devroient être comme ie foleil , brûlantes & iumineufes , & non paô froidps & opaques comme elles le font : rien ne reffemble moins à ce ^ïobe de feu qu'un globe tfe terre & d'eau , & à en juger par comparaifon , la matière de la terre & des planètes eft tout- à- fait différente de celle du foIeil. A cela on peut répondre que dans la féparaûon qui s'efl faite des particules plus ou moins denfes , la matière a changé de forme , & que la lumière ou le feu (e font éteints par cette féparation eau fée par le mouvement d'impuliion. D'aile > ieurs , ne peut - on pas foupçonner que fi le foleil ou une étoile brûlante & lumi- neufe par elle - même Ce mouvoit avec autant de vîteffe que fe meuvent les pla- nètes, le feu s'étcindroit peut-être, & , il lU. i ll6 UiJIoire Ndturelle. que c'efl par cette raifoii que toutes les étoiles lumîneufês font fixes & ne chan- gent pas de lieu , & que ces étoiles ([ue ion appelle nouvelles, qui ont proba- blement changé de lieu , ^ ^ont éieimes aux yeux même des obfervateurs \ Ceci fe confirme par ce qu'on a obfervé fur les comètes , elles doivent brûler jufqu'au centre lorfiqu'elles pafTent à leur péri- hélie ; cependant elles ne deviennent pas iumineufes par eJles - mêmes , on voit feulement qu'elles exhalent des vapeurs brûlantes dont elles laiflent en chemin une partie confidérable, : ; . J'avoue que iî le feu peut exifler dans un milieu où il n'y a point ou très -peu de réfiftance , il pourroit aufîi fouffrir un très -grand mouvement lans s'éteindre; j'avoue auflî que ce que je viens de dire ne doit s'entendre que des étoiles qui difparoiflent pour toujours, & que celles qui ont des retours périodiques , & qui fe montrent & difparoifTent alter- nativement fans changer de lieu , font fort différentes de celles dont je parle : ïes phénomènes de ces aftres finguliers ont été expliqués d'une manière très- fluisfaifanic •-, I .( Théorie de la Terre, l'i'j fïLtîsfairante par M, de Mauperîuîs dans Ton Difcours fur ia figure des Aftr , , ^ jç fuis convaincu qu'en partant des faits qui nous font connus , il n'eft pas pof- fible de mieux deviner qu'il la fait; mais les étoiles qui ont paru À. enfuite difparu pour toujours, fe font vraifemblablc- nient éteintes, foit par la vîtefîè de leur mouvement, foit par quel qu'autre caufe , & nous n'avons point d'exemple dans la Nature qu'un aftre lumineux tourne au- tour d'un autre aftre : de vingt- huit ou trente comètes & de treize planètes qui compo^nt notre fyftème, & qui (e meuvent autour du foleil avec plus ou moins de rapidité , il n'y en a pas une de lumineufe par elle-même. On pourroit repondre encore que îe fèu ne peut pas fubfifter au(fi long-temps dans les petites que dans ies grandes maffcs, & qu'au fortir du foleil les pla- nètes ont du brûler pendant quelque temps , mais qu'elles (è font éteintes faute de matières combuftibles , comme le foleil s'éteindra probablement par la même raifon, mais dans des âges futurs & auflî éloignes des temps auxquels les planètes Tome /, IL, w d ï S Hijioire Naturelle. iè font éteintes, que fà gro/îèur i*c(l cfe celle des planètes : quoi qu'il en foii , la feparation des parties plus ou moins dénies , qui s'efl faite nécenairement dans le temps que la comète a pouHé hors du foieii la matière des planètes, me paroû iuffilanie pour rendre raifon de cette cxiindioii de leurs feux. La terre & les planètes au fortir du fbleil étoient donc brûlantes & dans un «tat de liquéfaction totale, cet état de liquéfadion n'a duré qu'autant que la violence de la chaleur qui l'avoit pro- duit ; peu à peu Içs planètes fe font re- froidies , & c'eft dans le temps de cet ëiat de fluidité caufé par le feu , qu'elles auront pris leur figure, & que leur mou- vement de rotation aura fait élever ics parties de i'équateur en abaiflànt les pôles. Cette figure qui s'accorde fi bien avec les loix de l'Hydroftadque , fuppofe jiécefTaircment que la terre & les pla- iîètes aient été dans un état de fluidité , .& je fuis ici de Tavis de M. Leibnitz ♦; Ceue fluidité étoit une liquéfadion caufëe par la violence de la chaleur , l'intérieur * Protogaa , aut G, G, L. ûdi £r. Lipf, an. i ($91, Théorie de la Terre, 2 i p de la terre doit être une matière vitrifiée dont les fables , les grès , le roc vif, les granités, & peut-être les argiles, font des fragmens & des fcories. On peut donc croire avec quelque vraifëmblance , que les planètes ont appartenu au foleil, qu'elles ont été féparées par un (èul coup qui leur a donné un mouvement d'impulfion dans le même (ens & dans le même plan , Ôc que leur pofition à différentes diftances du foleil ne vient que de leurs différentes denfités. Il refte maintenant à expliquer par la même théorie le mouvement de rotation des planètes & la formation des fatellites ; mais ceci , loin d'ajouter des difficultés ou des impoffibilités à notre hypothèfè, (èmble au contraire la con- firmer. " ' . , Car le mouvement de ro ation dépend uniquement de l'obliquité du coup , & ii efl néceffaire qu'une impulfion , dès qu'elle e(t oblique à la furface d'un corps , donne à ce corps un mouvement de rotation; ce mouvement de rotation fera égal «Se toujours le même, fi le corps qui le reçoit e homogène, & il fera inégal K 1/ ,/ ! 1 a 20 Hïfloïre Naturelle» fi le corps efl coinpofé dç parties Fiét^^ rogcnes ou de différente denliié , & dc-Ià on doit conclure que dans chaque pla- nète la matière cil homogène , puiique leur mouvement de rotation c(i égal ; autre preuve de la réparation des parties denfes Si. moins denfes lorfqu'elles le font formées. Mais l'obliquité du coup a pu être telle qu'il fe fera féparé du corps de la planète principale de petites parties de iriaticre , qui auront confervé la même diredion de mouvement que la planète Miême , ces parties fe feront réunies, fuivant leurs denfités, à différentes dif- tances de la planète par la force de leur ^ttradion mutuelle , & en même temps elles auront fuivi nécenair^sment la pla- nète dans fon cours autour du foleil ea tournant elles-mêmes autour de la pla- nète, à peu près dans le plan de fon orbit^. On voit bien que ces petites par- tics que la grande obliquité du coup nura féparées , font les fatpUites; ainfi la formation , la po fi tion ord être telle qye la fprçe centrifuge excédoîc celle de la gravité, ù. il fe fera détaché de l'équateur^ des parties voifines de Téquateur de là pla- gié te , une quantité con fi d érable de ma- tière , qui aura nécefTairement pris la ligure d'un anneau, dont le plan doit ^tre à peu près le même que celui d0 l'équateur de la planète; & cette partie de matière qui forme l'anneau , ayant été (détachée de la planète dans le voiOnnge blic[ue , îa fQfçe gravité, r foit à mes yeuîf la vraifemblance de ce que j'ai dit juir qu'ici fur la formation des planètes & de leurs fatellites , comme chacun a fa mey fure, fur-tout pour ellfmer des probabi- lités de cette nature , & que cette mefure dépend de la pui(2ance qu'a l'efprit pour combiner des rapports plus ou moins clo'gn^s , ]t ne prétendspas contraindre ceufx qui n*èn voudront rien croire* J'ai cru feulement devoir femer ces idées. ^ parce qu'elles m'ont paru raifonnàbles , & propres à éclaircir une matière fur laquelle on n'a jamais rien écrit , quel* qu'important qu'en foitie fujet,, ipuifque fe mouvement d'impulfion* des planète» entre au moins pour moitié dans la comor pofition du fyftème de l'Univers , que t'attradtion feule ne peut expliquer. J'at jouterai feulement pour ceux qui vou-« droient nier la poflibilité de mon fyltème^ te:> quellions fui vantes, -.^w»*. .»»*/* Kii;; i // a^$ 'Hiftolre Naturelle. 1.* N'cft^ii pas naturel d'imagînei* «pi'uti corps qui eft en mouvement , ait reçu ce mouvement par le choc d'un autre corps! 2.** N 'eft- il pas très- probable que plu- iîeurs corps qui ont la même diredion dans leur mouvement , ont reçu cette diretîlbn par un feul ou par plufiturs coups dirige's dans le même (ensî 3 .** N'eft-il pas tout- à- fait vraifemblabic que plufteurs corps ayant la même direc- tion dans leur mouvement & leur pcfition dans un mémepLin, n'ont pas reçu cette diredion dans le même ïti\% de cette poti- tion dans lemêmeplan par pluficurs coups, mais par un fèul & même coup \ 4.** N'eft-il pas très- probable qu*cn même temps qu'un corps reçoit un mou- "vement d'impuliion , il le reçoive obii* qucment., & que par conféquent il foit obligé de tourner fur lui-même, d'autant plus vite que l'obliquité du coup aura été plus grande! H ces qucftions ne paroifîcnt pas déraisonnables, le fyftème dont nous venons de donner une ébauche , celTera de paroître une abfurdité. PaiTon^ maimcjiajat à quelcjue cboyEf The on e Je la Terre: 22 j •[uî nous touche de plus près , & exami- nons ia figure de la terre fur laquelle on a fait tant de recherches & de fi grandes oblervations. La terre étant , comme if paroît par régalité de (on mouvement diurne & la confiance de i'inclinaifon de fon axe, coitipofée de parties homo- gènes , & toutes fès parties s*attlrant en raifon de leurs maflès , elle auroit pris ïiéceflairement la figure d'un globe par- faitement fphérique , fi ie mouvement d'impulfîon eût été donné dans une di- rcAion perpendiculaire à la furface ; mais ce coup ayi. «té donné obliquement , la terre a tc«.iié fur (on axe dans le même temps qu'elle a pris (a forme , & de la corabinaifon de ce mouvement de rotation en de celui de i'attradion des parties il a réfulté une figure fphéroïdc plus élevée fous le grand cercle de ro- tation , & plus abaiuee aux deux extré- mités de l'axe , & cela parce que i'adion de la force centrifuge provenant du mou- vement de rotation , diminue Tadion de la gravité; ainfi la terre étant homogène, & ayant pris fa confiflance en nrëme tenips qu'elle a reçu Çon mouvement d& 2 26 Hifloire Naturelle* ' rotation, elle a dû prendre une fîgure fphéroïde dont les deux axes diffèrent d'une 23 o"* partie. Ceci peut (ê démon- trer à la rigueur^ ne dépend point des hypothèfes qu'on voudroit faire fur la direction de la pefanteur , car il n'efl pas permis de faire des hypothè/ês contraires à des vérités établies , ou qu'on peut établir : or les ioix de la pefanteur nous ibnt connues , nous ne pouvons douter que les corps ne pèfènt les uns fur les au- tres en raifon direde de leurs niaffes, Sx, înverfè du quarré de leurs dillances ; de même nous ne pouvons pas douter que i'adlion générale d'une maffe quelconque De foit çompofée de toutes les adions particulières des parties de cette maHe, ainli il n'y a point d'hypothèfe à faire &r la direélion de la pefanteur y chaque partie de matière s'attire mutuellement en raifon direde de fa maflè & inverfe du quarré de la diflance, & de toutes ces attradlions il réfulte une fphère lorf- qu'il n'y a point de rotation , & il en réfulte un fphéroïde lorfqu'il y a rotation. Ce fphéroïde ef^ plus ou moins accourci aux deux extrémités (k i'axe de rotation ^ Théorie de h Terre, izyt à proportion de la vîtefle de ce rriouvc- nient , &. ia terre a pris en vertu de fa vîtefî'e de rotation & de l*attradion mu- tuelle de toutes fes parties , la figure d*uïv fphéroïde dont les deux axes font entr'euxî comme 229 à .230. Ainfi par fa conftitutlon originaire, par fon homogénéité , & indépendamment de toute hypothèfè fur la dire*^ion dé ia pefanteur, la terre a pris celte figure dans le temps de fa formation , & elle eft , ert vertu des ïoix de ia Mécanique , élevée nécelTairement d'environ fix iîeucs ât demie à chaque extrémité du diamètre de l'équateur de plus que fous les pôles. Je vais infifter fur cet article, parce qu*il y a encore des Géomètres qui croient que la figure de la terre dépend dans ia théorie, du fyftème de philofophie qu*on em*^ brafTe , & de la dirèdion qu'on fuppofe à ia pefanteur. La première chofe que nous ayons à démontrer , c eft i'àttradion mu- tuelle de toutes les parties de la matière , & la féconde l'homogénéité du glob^ terreflre. Si nous faifons voir clairement que ces deux faits ne peuvent pas être ré- voqués en doute, il n'y aura plus aucune K v; \ • ^28 •Hijloiré Naturelle; liypothèfè à faire fur la direélion de fir peianteur; la terre aura eu nécefTairement fa figure détermine'e par Newton, & toutes les autres figures qu'on youdroit lui don- jaer en vertu des tourbillons ou des autres hypothèfes, ne pourront fubfifler.. On ne peut pas douter, à moins qu*ort 31e doute de tout , que ce ne foit la force de la gravité qui retient les planètes dans leurs orbites; les fateilites de Saturne gravitent vers Saturne , ceux de Jupitec vers Jupiter, la Lune vers laTerre , & Sa? turnc, Jupiter, Mars , la Terre, Vénus & Mercure gravitent vers le Soleil : de même Saturne & Jupiter gravitent vers ieurs. iàtellites , la Terre gravite vers la Lune , & le Soleil gravite vers les planètes , la gravité efl donc générale & mutuelle dans toutes les planètes , car Taiflion d'une force ne peut pas s'exercer fans qu'il y ait réaâîon, toutes les planètes agifïènt donc mutuellement les unes fur les autres : cette attradiion mutuelle fêrt de fondement aux loix de leur mouvement > & elle eil dé- BiontBée pai les phénomènes^ Lorfque Saturne & Jupiter fbr^t en con jondion, ils AgiiTent Tun fur. l'autre ;^ & cette attiaôio^ bon de k /Tairement > & toutes h lui don- nes autres ins qu'on itia force lètes dans 5 Saturne de Jupitec rre , & Sar Vénus & : de même vers !eur& ïa Lune, anètes, fa mutuelle ion d'une cfu'il y aît fentdonc res: cette raent aux i. eft de- Lorfque «îlion, ils lt£a(^p^ Théorie Je la Terri: 12^ |)roduit une irrégularité dans leur mou-» vement autour du Soleii ; ii en eft de même de la Terre & de la Lune , elles agiilènt mutuellement i'une (ur l'autre , mzis les irrégularités du mouvement de ta Lune viennent de l'attraflior du Soleil , ttt forte que le Soleil , la ""e». ^ la Lune^ agiûleiit mutuellement les unis fur les autres. Or cette attraction mutuelle que les planètes exercent les unes fur les autres^ e(l proponionnelle à leur quantité de ma- tière lorfque les diflances Ibnt égales y ôc la même force de gravité qui fait tomber ks graves fur la furmce de la Terre , & qui s'étend jufqu'à fa Lune, ell aufll propor- tionnelle à la quantité de nîatière y donc fa gravité totale d'une planète eft compofée de la gravité de chacums des parties qui k compoiènt ; donc toutes les parties de ta matière, (bit dans la terre, foit dans les planètes , gravitent les unes fur les autres ; donc toutes fes parties de la matière s'at- tirent mutuellement: & cela étant une fois prouvé, la terre par fon mouvemeni de rotation a dû nécelTairement pren- dre la figure d'un fphéroïde dont les axes £uu entr 'eux comme 2Z9 à 230 , ^ I^ y z 3 o Hîflolre NatureÏÏe* drrc^^ion de la pcfantcur eft ncceflaîre- nient perpendiculaire à la furfàce de ce fphéroïde ; par conféquent il n'y a point d'hypothèfe à faire fur la diredlion de la pefaiiteur, à moins qu'on ne nie l'àttrac- tion mutuelle Sl générale des parties de la matière , mais on vient de voir que fattradion mutuelle eft démontrée par les obfervations , & les expériences djes pendules prouvent qu'elle eft générale dans toutes les parties de la matière ; donc on ne peut pas faire de nouvelles hypo- thèfès fur la diredlion de la pefanteur, fans aller contre l'expérience & la raifon. - Venons makitenant à l'homogénéité du globe terreftre ; j'avoue que ii l'on fuppoie que le globe foit plus denfe dans certaines parties que dans d'autres , k dire<^ion de ia pefànteur doit être dif* trente de celle que nous venons d'af- figncr , qu'elle fera différente fuivant les diâPérentes (îippontions qu'on fera , Se que la figure de la terre deviendra dif- férente auffi en vertu des mêmes fup- pofitions. Mais quelle raifon a-t-on pour croire que cela foit ainfi ! Pourquoi veut-on ; psur exemple^ que les partie;» Théorie de la Terre* ijt voîfines du centre, foient plus den(es que celles qui en font plus éloignées î toutes les particules qui compofènt le globe ne fe font-elles pas raffemblées par leur at- tradion mutuelle l dès-iors chaque parti- cule efl un centre, & il n'y a pas de raifbn pour croire que les parties qui font autour du centre de grandeur du globe » foient plus denfes que celles qui font autour d^un autre point ; mais d'ailleurs fi une partie confidérabie du globe étoit plus dcnfe qu'une autre partie , Taxe de rotation fe trouveroit plus près des parties dénies , & il en réfulieroit une inégalité dans la révolution diurne, en forte qu'à la furfoce de la terce nous remarquerions de l'inégalité dans le mouvement ap- parent des fixes, elles nous paroîtroient îè mouvoir beaucoup plus vite ou beau- coup plus lentement au zénith qu'à l'ho- rizon , félon que nous ferions pofés fur les parties denfes ou -légères du globe; cet ax je la terre ne paflànt plus par le centre de grandeur du globe , change- roit auifi très-fenfîblement de pofition : mais tout cela n'arrive pas , on fait au con- traire que le mouvemeat diurne de h •I3Ï Tilfloire 'Naturelle; terre ell égal & uniforme , on fart qu'à toutes les parties de h. furface de la terre les étoiles parôinènt fê mouvoir avec la même vîtefTe à toutes les hauteurs > & s'il y a une nutation dans t'axe , elle e(l a^ez infènflble pour avoir échappé aux obfêr* vateurs; on doit donc conclure que le globe efl homogène ou prefque homo- gène dans toutes Tes parties. Si la terre étoit un globe creux & vide dont kl croûte n'auroit, par exemple, que deux ou trois lieues d'épaifleur» il en ré^ fulteroît i.** que les montagnes (eroient dans ce cas des parties fi conHdérables de l'épaiffèur totale de la croûte qu'il y auroît une grande irrégularité dans les mQuvemens de la terre par l'attradion de k lune Sa du foleii ; car quand les parties les plus élevées du globe, comme les Cordillères y auroient la lune au méri- dien , Tattradion feroit beaucoup plus forte fuç le' globe entier que quand les parties les plus bafl^es auroient de même «et aftre au méridien. 2^.° L'attradiont des montagnes icroit beaucoup plus con- fidérable quelle ne l'eft en comparai- Soa de l'auraCiIon totale d«i jglobe ;. & lef \fah qu'3 ia terre avec la rs, & s'il eft afTez [x obfer- que fe homo- & vide îfe, que ' en ré- /êroieixt dérabfes qu'il y Jans les ^ion de i parties ime les i me'ri- P plus md les même radiom s con- parai- ITiéone Je h Tertéi aJJ êxp^rrenccs fakes à ia montagne de Chim- boraço au Pérou, donneroiem dans ce cas plus de degrés qu'elles n'ont donné de fécondes pour la déviation du û\ à-piomb. 3.° La pcfanteur des corps fcroit plus grande au -deifus d'une haute montagne , comme le Pic de Ténérifïc, qu'au niveau de la mer, en forte qu'on fè fentrroit confidérablement plus pe(ant & qu'on marcheroit plus difficilement dans les lieuK élevés que dans les lieux bas. Ces confidé- rations & quelques autres qu'on pourroit y ajouter , doivent nous faire croire que l'intérieur du globe n'eft pas vide & qu'il cà rempli d'une matière aifez denfe. D'autre côté , û au-defTous de deux ou trois lieues, la terre étoit remplie d'une matière b<»aucoup plus dénie qu'aucune des matières que nous connoifFons , il arriveroit néceflàirement que toutes les fois qu'on defcendroit à des profondeurs même médiocres , on pèfèroit fenfible- ment beaucoup plus , les pendules s'ac- céléreroient beaucoup })Ius qu'ils ne s'ac- célèrent en effet lorsqu'on les tranfporte d'un lieu élevé dans un lieu bas; ainfi OQUS pouvons préfumer que i'intérieuc 134 Hijloire Natureik, de la terre efl rempli d^une matière a pett près femhlable à ceile qui compolc fa ïurfàce. Ce qui peut aciiever de nous déterminer en faveur de ce lentiment , c'ed que dans le temps de la preniiàe formaiion du giobe, lorfqu'il a pris la forme d'un Iphéroïde aplati fous les pôles , la matière qui le compofe , éioit en fufion , & par conléquent liomo» gène , & à peu près également denfe dans toutes fcs parties , auffi-bien à la furface qu'à l'intérieur. Depuis ce temps la ma- tière de la furface, quoique la même, tk été remuée & travaillée par ics eau les extérieures , ce qui a produit des ma- tières de différentes denfiiés ; mais on doit remarquer que les matières qui, comme l'or & les métaux , font les plus dcnfês , font auffi celles qu'on trouve le plus rarement, & qu'en conféquence de l*a6lion des caufes extérieures la plus grande partie de la madère qui compofe le globe à la furface , n'a pas fubi de très-grands changemcns par rapport à fa denfité , & les matières les plus corn- inuncs, comme le fable & la glaiie , ne dif- fèrent pas beaucoup en denliié ^ en forie 'ère â pet, mpoiç fa tic nous êntJmcnt prcinit7ç a pris la ^ous k^ Ke, éioit it homo, lenfedans ia fur fa ce ps la ma- in éme , «s eau les des ma-» niais on îres qui, t Jes plus trouve le tience de ia plus compolè fubi de îort à la s corn- , ne dif- eii forte Théorie de, la Terre» 23 j qu'il y a tout lieu de conieiîlurep avec grande vrailcrnbiance , que Tintérieur de la terre cil renipit d'une matière vitri- fiée dont la deiifué , efl à peu près la niême que celle du fable, & que par conféquent le globe terreftre en générai peut être regardé comme homogène. Il reHc une rclTource à ceux qui veu- lent ablolumcnt faire des fuppofiiions , c'eil de dire que le globe elt compofé de couches concentriques de différentes denfnés, car dans ce cas le mouvement diurne fera égal , & Tinclmaifon de l'axe confiante , comme dans le cas de l'homo- généité. Je lavoue, mais je demande en même temps s'il y a aucune raiibn de croire que ces couches de différentes denfités exiftent, fi ce n'eil pas vouloir que les ouvrages de la Nature s'ajuflent à nos idées abltraites , & fi l'on doit ad^ mettre en Phyfique une fuppofition qui n'elt fondée fur aucune obfervation , aucune analogie , & qui ne s'accorde avec aucune des induélions que nous pouvons tirer d'ailleurs. > Il paroît donc que la terre a pris, en vertu de l'attradion mutuelle de fe^ I 2^3 "8 'Hiflolre Naturelle: parties & de fon mouvement de rotation'^ îa figure d'un fphe'roïde dont les deux »xes diffèrent d'une 250""* partie; i| paroît que c'efl-ià fà figure prim^itive, qu'elle a pri{e néceflairement dans ic temps de fon état de fluidité ou de li^ quéfadion ; il paroît qu'en vertu des loix de ia gravité & de la force centri- fuge, elle ne peut avoir d'autre figure, que du moment même de fa formation il y a eu cette différence entre les deux diamètres, de lï\ lieues & demie d'éléva- tion de plus ibus Féquateur que fous les pôles , & que par conféquent toutes les hypothèfes par lefquelles on peut trou- ver plus ou moins de différence font des fidions auxquelles il ne faut faire aucune attention. Mais, dira- 1- on, fi la théorie eft vraie, fi le rapport de 225^ à 230 eft le vrai rapport des axes, pourquoi les Mathématiciens envoyés en Lapponic & au Pérou , s'accordent - ils à donner le rapport de 1 74 à 1 7 5 î d'où peut venir cette différence de la pratique à la théo- rie î & , fans faire tort au raifonnement qu'on vient de faire pour démontrer la Théorie de h Terre. t^y flieorîe, n'e(l-jl pas plus raifonnable de donner la préférence à la pratique & aux xnefures, fur- tout quand oyi ne peut pas douter qu'elles n'aient été prifes par les plus habiles Mathématiciens de l'Europe (M- de Maupenuîs , fgure de la Terre) & avec toutes les précautions néçeflaire^ pour en conftater le réfultat. A cela je réponds que je nVr garde de donner atteinte aux obfèrvations faites fous l'équateur & au cercle polaire , que je n'ai aucun doute fur leur exaditude, & que la terre peut bien être réellement élevée d'une 175""^ partie de plus fous i'équateur que fous les pôles ; mais en même temps je maintiens la théorie, Sç. je vois clairement que ces deux réfultats peuvent fe concilier. Cette différence éts deux réfultats de la théorie & des mefures, efl d'environ quatre lieues dan$ les deux axes , en forte que les parties fous l'équateur font élevées de deux lieues de plus qu'elles ne doivent l'être fuivant la théorie : cette hauteur de deux iieues répond affez jiifle aux plus gran- des inégalités de la furface du globe, fUj?3 proyiennçiit du inouyement de û It ^38 Hîfloire Naturelle. mer & de l'adion des fluides à ïa furface de la terre. Je m'explique, il me paroît ' que dans le temps qu€ la terre s'cli: for-' mée, elle a néceflTairement dû prendre, en vertu de l'ait ra<^ion mutuelle de Tes parties & de ra<5tion de la force centrj. fuge, la figure d'un fphéroïde dont les axes diffèrent d'une 230""^ partie; la terre ancienne & originaire a eu nécef- iàirement cette figure qu'elle a prife lorf- qu'elle étoit fluide ou plutôt liquéfiée par le feu , mais lorfqu*après fa forma- tion & fon refroidiflement , les vapeurs qui ctoient étendues & raréfiées , comme nous voyons Tatmofphère & la queue d'une comète, fe furent condenfées , elles tombèrent fur ia furface de la terre & formèrent l'air & i*eau ; & iorfque ces eaux qui étoient à la furface , furent agi- s tées par le mouvement du flux & reflux , . les matières furent entraînées peu à peu ^ des pôles vers l'équateur , en forte qu'il eft pofTible que les parties des pôles fe foient abaiffées d'environ une lieue , & que les parties de Téquateur fe foient élevées de la même quantité. Cela ne s'dl pas fait tout-à-coup , mais peu à peu Thème Je la Terré. 23^ ^ dans la fuccefCon des temps; îa terre éiaiit à l'extérieur cxpofée aux vents, à l'adion de l'air & du foleit , toutes ces caufês irrégulières ont concouru avec le flux & le reflux pour fillonner fa fur- . face , y creufer des profondeurs , y élever des montagnes, ce qui a produit des inégalités , des irrégularités dans cette couche de terre remuée, dont cepen- dant la plus grande épaiflfeur ne peut être que d'une lieue fous l'équatcur ; cette inégalité de deux lieues eît peut- être la plus grande qui puifle être à la furface de la terre , car les plus hautes montagnes n'ont guère qu'une lieue de hauteur, & les plus grandes profondeurs de la mer n'ont peut-être pas une lieue. La théorie eft donc vraie, & la pratique peut l'être aufli ; la terre a dû d'abord n'être élevée fous l'équateur que d'envi- '^ ron fix lieues & demie de p!us qu'au pôle , & enfuite par les changemens qui font arrivés à fa furface , elle a pu s'é- lever davantage. L'Hiftoire Naturelle confirme merveilleufement cette opinion , & nous avons prouvé dans le difcours précédent, que c'cll ie flux & reflux & «I ir 2i.4ci) Hïjlolre Naturelle. ' ks autres mouvemens des eaux qvA oni produit les montagnes & toutes les iné- galités de ia furfkce du globe , que cette même fur face a fubi des changemcns très-confidérai)Ies, & qu'à de grandes profondeurs , comme furies plus grandes hauteurs, on trouve des os, des coquilles & d'autres dépouilles d'animaux habitans des mers & de la furface de la terre. On j>eut con]e1 Hifloke Naturelle. fleurs Degrés de la terre dans tous les fèns , on ne feroit pas encore aHuré par- là de la quantité d'aplatiflement qu'elle peut avoir de moins ou de plus que de I9 2 3 o""' partie. Ne doit-on pas conjeti> iiiie V^ulç fèmbl^ible; qu'elles fpnj; I Théorie de la Terre, 24 J Beaucoup plus élevées que celles de la terre, parce que le flux & reflux y eft beaucoup plus fort , puifqu*ici c*eft fa lune, & là c'eft fa terre qui le caufe, dont la mafîc étant beaucoup plus cou- fidérable que celle de Li lune , devroit produire des effets bçfaucoup plus grands, fi la lune avoit , Comme la terre , un mouvement de rotadon rapide par lequel elle nous préfenteroit fuccefiivement toutes les parties de fa fur face ; mais comme la lune préfente toujours la même face à la terre, le flux & le reflux ne peu- vent s'exercer dans cette planète qu*eii vertu de fon mouvement de libration par lequel elle nous découvre alternati- vement un fegment de (a furface , ce qui doit produire une efpèce de flux & de reflux fort différent de celui de nos mers , & dont les effets doivent être beaucoup moins confidérables qu'ils ne le feroient , fi ce mouvement avoit pour cau(e une révolution de cette planète autour de fon axe , auflî prompte que i eft la rotation du globe terreftre. J'aurois pu faire un livre gros comme celui de Burnet ou de Whifton, fi j'euffc Lij ■'& 244 Hijfoke Naturelle; voulu délayer ies idées qui compofènt ïe fyftème qu'on vient de voir , & en leur donnant l'air géométrique , comme l'a fait ce dernier Auteur, je leur eufTe en même temps donné du poids; mais je penfè que des hypothèfcs, quelque yrailemblables qu'elles foient , re doivent point être traitées avec cet appareil qui tient un peu de la charlatanerie. A JBuffon le 2 0 Septembre J 74J* Théorie de la Terre, 245 PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE* ARTICLE IL Du Syfthm de M. WhiJIon. ' A new Theory of the Earht, by Will. Wliiftom London, 1/08» CET Auteur commence Ton traité de la Théorie de ia Terre par une difTertation fur la création du monde ; il .prétend qu'on a toujours mal entendu le texte de la Genè(e, qu'on s'eft trop attaché à la leitre & au fens qui Te pré- fente à ia première vue , fans faire atten- tion à ce que la Nature, la raifon , la Phi- lofophie, & même ia décence exigeoient de l'Ecrivain pour traiter dignement cette matière. II dit que les notions qu^on a communément de l'ouvrage des fix jours, font abfolument faufles , & que la dçÇ- cription de Moyfe n*eft pas une narration Lii; ;*^*. r :24^ Hipoke Naturelle, cxade & philofophique de la cr & fa deftrudlion fera précédée de tremblemens épou- vantables, de tonnerres & de météores effroyables, le folcil & la lune auront i*afpe6t hideux, les. cieux paroîiront s'écrouler , l'incendie fera général fur la terre; mais lorlque le feu aura dé- •voré tout ce qu'elle contient d'impur , Jorfqu'elle fera vitrifiée & tranfparenie comme le crifltl , les Saints & les Bien- heureux viendront en prendre poffefîion pour l'habiter jufqu'au temps du jugc- pient dernier. : Toutçs C€5 hypothèfes femblçnt au Théorie de h Terre* 2^c) premier coup cl'œil, être autant d'afler- tions téméraires , pour ne pas dire extra- vagantes ; cependant l'Auteur les a ma- niées avec tant d'adrefïè, & les a réunies avec tant de force, qu'elles cefTent de paroître abfolument chimériques : il met dans Ton fujct autant d'eiprit & de fcicnce qu'il peut en comporter, & oa fera toujours étonné que d'un mélange d'idées aullî bizarres & aufli peu faites pour aller enfeinble , on ait pu tirer un fydème éblouifTant ; ce n'ert pas même aux efprits vulgaires, c'eft aux yeux des Siivans qu'il paroîtra tel, parce que les Savans font déconcertés plus aifémcnt que le vulgaire par l'étalage de l'érudi- tion , & par la force & la nouveauté des idées. Notre Auteur étoit un Aflronome célèbre , accoutumé à voir le ciel ca raccourci , à mefurer les mouvcmens des aflres, à compafrer les efpaces des cieux, il n'a jamais pu fe perfuader que ce petit grain de (Iible, cette terre que nous ha- bitons , ait attiré l'attention du Créateur au pofnt de l'occuper plus long-temps que le Ciel & l'Univers entier, doni la vafte étendue c^ntftat des millions do h Y U^o Hiflohe Naturelle* ïniiiions de foleils & de terres. II pré- tend donc que Moyfè ne nous a pas donné l*hiftoire de ia première création, mais feuïement le détail de ia nouvelle forme que la terre a prife, forfque la main du Tout-puifïànt Ta tirée du nom- bre des comètes pour la faire planète, ou , ce qui revient au même , iorfque d'un monde en défordre & d'un cahos informe ii en a fait une habitation tran- quille &L un féjour agréable; les comètes font en effet fujètes à des vicifliiudes terribles à caufe de l'excentricité de leurs orbites ; tantôt, comme dans celle de 1680, il y fait mille fois plus chaud qu'au milieu d'un brafier ardent, tantôt il y fait mille fois plus froid que dans la glace, & elles ne peuvent guère être habitées que par d'étranges créatures > ou, pour trancher court, elles font hi- habitées. Les planètes au contraire (ont des lieux de repos où la diilance au lôleil ne variant pas beaucoup , la température refte à peu près la même , & permet aux efpèccs de plantes & d'animaux , de croître , de durer 4c de inulîiplicr. -, .. ,. Théorie de la Terre» 2 5 T] Au commencement , Dieu créa donc rUmvers, mais, félon notre Auteur, ia terre confondue avec les autres aftres errans, n'étoit alors qu'une comète inha* bitable , fouffrant alternativement l'excès du froid & du chaud, dans laquelle les matières fe liquéfiant, fè vitrifiant, fe glaçant tour à tour, formoient un cahos , un abyme enveloppé d'épaifles ténèbres , éf tenehrœ erant fuper faciem ahyjfi. Ce calios éioit ratmofphère de la comète qu'il faut fè reprélenrer comme un c >rpç compofé de matières hétérogènes, dont le centre étoit occupé par un noyau fphérique , folide & chaud, d'envi ja deux mille lieues de diamètre , autour duquel s'étendoit une très - grande cir- conférence d'un fluide épais, mêlé d'une matière informe, confule, telle qu'étoit l'ancien cahos , rudh indigejlaque moles. Cette vafte atmofphère ne contenoit que fort peu de parties sèches, folides ou tcrreftresj encore moins de particules aqueufes ou aériennes , mais une grande quantité de matières fluides, denfes & pefantes, mêlées, agitées & confondues cnfemble. Telle étoii la terre la veille des L vj s 5 ï Hifloire Naturelle, iix jours; mais dès le iendemaîn , c*efl-à- dire , dès le premier jour de la crèaiion , ïorfque l*orbite excenirique de la comète eût été changée en une ellipfe prefque circulaire, chaque chofè prit fà place, & les corps s*arrangèrent fuivant fa loi de leur gravité fpécifique, les fluides pefans dcfcendirent au plus bas , & aban- donnèrent aux parties terreftrés , aqiieufes & aériennes la région fupérieure ; celles- ci defcendirent auffi dans leur ordre de pefânteur , d'abord la terre, enfuite l'eau , & enfin l'air ; ik cette fphère d'un cahos îmmenfe feréduifit à un globe d'un vo- lume médiocre , au centre duquel efl: le noyau folide qui confcrve encore au- jourd'hui la chaleur que le foleil lui a autrefois communiquée lorfqu'il ctoit noyau de comète. Cette chaleur peut Jbien durer depuis fix mille ans, puif- qu'il en faudroit cinquante mille à fa comète de 1680 pour iè refroidir, & qu'elle a éprouvé en paffant à fon périhélie, une chaleur deux mille fois plus grande que celle d'un fer rouge. Autour de ce noyau folide & brûlant qui çccwpe^Ie centre de la terre, fe trou\ 'S TIléone Je la TerrQ. 255 le fluide denlè & pefant qui defcendit ie premier , & c'eft ce fluide qui forme ie grand abyme fur lequel la terre porteroit comme ie liège fur ie vif- argent ; mais comme les parties terreftres étoient raê- iées de beaucoup d'eau , elles ont ea defcendant entraîné une partie de cette eau qui n'a pu remonter lorfque Lr' terre a été confolidée , & cette eau forme une couche concentrique au fluide peflint qui enveloppe ie noyau , de forte que le grand abyme eft compofé de deux orbes concentriques , dont le plus inté- rieur eft un fluide pefant, & ie fupc- rieur eft de l'eau ; c'eft proprement cette couche d'eau qui fert de fondement à la terre, & c'eft de cet arrangement admi- rable de l'atmofphère de la comète que dépendent ia théorie de la terre & l'ejc- plication d<^s phénomènes. Car on (ënt bien que quand l'atmo- fphère de la comète fut une fois débar- rafTée de toutes ces matières folides .^ terreftres , il ne refta plus que ia matière légère de l'air, à travers laquelle les rayons du foleil pafsèrent librement > ce qui tout d'un coup produiilt ia, '^54 Hifloke Naturelle. lumière , fat lux. On vdit bien que Îe5 colonnes qui compofent i*orbe de la terre, s'étant formées avec tant de précipita- tion , elles fe font trouvées de différentes denfités, & que par conféquent les plus pefantes ont enfoncé davantage dans ce fluide fouterrain, tandis que les plus légères, ne fè font enfoncées qu'à une moindre profondeur , & c'efl ce qui a produit fur ia furface de la terre des yailées & des montagnes : ces inégalités étoient , avant le déluge , difperfees & fituées autrement qu'elles ne le font au- jiourd'hui; au lieu de la vafte vallée qui contient l'Océan, il y avoit fur toute la furface du globe plufîeurs pentes cavités féparées qui contenoient chacune une partie de cette eau , & faifoient autant de petites mers particulières; les montagnes étoient auffi plus divifées & ne formoient pas des chaînes comme elles en forment aujourd'hui. Cependant la terre étoit mille fois plus peuplée , <5c par confé- quent mille fois plus fertile qu'elle ne l'eft, la vie dits hommes & des animaux étoit dix fois plus longue, & tout cela parce que la chaleur intérieure de la TJiéorle de laTetrèt ^55] terre qui provient du noyau central, étoit alors dans toute fa force; & que ce plus grand degré de chaleur faifoit éclore & germer un plus grand nombre d'animaux & depïantes, & leur donnoic le degré de vigueur néceflaire pour durer plus long-temps & fe multiplier plus abondamment; mais cette même chaleur , en augmentant les forces du corps, porta matheureufèment à ia tête des hommes 6c des animaux , elle aug- menta les paffions , elle 6ta la fagefïè aux animaux & l'innocence à l'homme : tout, à l'excepdon des poiflTons qui habitent un élément froid , fe reffentit des effets de cette chaleur du noyau , enfin tout devint criminel & mérita la mort : elle arriva, cette mort univerfelle, un mercredi 28 novembre, par un déluge affreux de quarante jours & de quarante nuits , & ce déluge fut caufé par la queue d'une autre comète qui rencontra la terre en revenant de (on périhélie. La queue d*une comète eil la partie la plus légère de fon atmofphère , c'eft un brouillard tranfparent , une vapeur (ubtile que l'ardeur du foleil fait fortU X ,*■ i 5 (î ////y^ir^ Naturelle. du corps & de l'atmofphère de la comète; cette vapeur coinpofée de particules aqueufes & aériennes extrêmement raré- fiées , fuit la comète lorfqu'eile defcend à Ton périhélie, & la précède lorfqu'eile remonte , en forte qu'elle eft toujours fituée dû côté oppofc au foleil, comme fi elle cherchoit à (e meure à l'ombre & à éviter la trop grande ardeur de cet aftre. La colonne qui forme cette vapeur cfl fouvent d'une longueur immenfe , & plus une comète approche du foleil , plus la queue eft longue & étendue, de forte qu'elle occupe fouvc^nt des efpaces très-grands , & comme plufieurs comètes defcendent au-deiïbus de l'orbe annue! de la terre , il n'eft pas furprenant que la terre fe trouve quelquefois enveloppée de la vapeur de cette queue; c'eft pré- cifément ce qui eft arrivé dans le temps du déluge, il n'a fallu que deux heures de féjour dans cette queue de comète pour faire tomber autant d'eau qu'il y en a dans la mer; enfin cette queue étoit ies cata : 6le du ckl, dr catara✠ccclï ûpsrtœ funt. En effet le globe terreflre ayant \xiï^ fois rencontré la queue de h, Théorie de la Terre ^ 257 comète, il doit, en y faifant fa route, s'approprfcr une partie de la matière qu'elle contient; tout ce qui fe trouvera dans la fphère de i'attraélion du globe dcit tomber fur la terre, & tomber en forme de pluie, puifque cette queue eft en partie compofee de vapeurs aqueufes. Voilà donc une pluie du ciel qu'oiv peut faire auffi abondante qu'on voudra, & un déluge univerfel dont les eaux furpafferont aifément les plus hautes montagnes. Cependant notre Auteur qui, dans cet endroit , ne veu* pas s'éloi- gner de la lettre du livre facré , ne donne pas pour caufe unique du déluge cette pluie tirée de fi loin, il prend de l'eau par-tout où il y en a; le grand' abyme, comme nous avons vu, en contient une bonne quantité , la terre à l'approche de la comète, aura fans doute éprouvé la force de Ton attracîilion , les ficjuides con- tenus dans le grand abyme auront été agités par un mouvement de flux, & de reflux fi violent, que la croûte fuj>er- ficielie n'aura pu réfiiier , elle fe fera fendue en divers endroits, & ies eaux de l'intérieur fç feront répandues fur la W\k€K 5 5 8 Bflotre Naturelle. furface , à* ruptï funt fontes àbyjjti Mais que faire de ces eaux que fa queue de fa comète & le grand abyme ont fournies fi iifjéralement î notre Au- teur n*en eft point embarraffé. Dès que la terre , en continuant fa route , fè fut cloigne'e de fa comète , i'eflfet de fon attradlion, fe mouvement de flux & de reflux, cefTa dans fe grand abyme, & dès-fors fes eaux fupérieures s'y préci- pitèrent avec violence par fes niêmes voies tju'eîles en étoient fortîes , fe grand abyme abforba toutes fes eaux fuperflues , 6 fe trouva d'une capacité aflez grande pour recevoir non-feulement fes eaux qu'il a voit déjà contenues , mais encore toutes celfes que la queue de fa comète avoit faiflees, parce que dans fe temps de fon agitation & de ia rupture de la croûte , n avoit agrandi f'efpace en pouflant de tous côtés la terre qui i'en- vironnoit ; ce fut aulfi dans ce temps que fa figure de fa terre qui jufquc-là avoit été fphérique , devint cliiptique , tant par t'efîèt de la force centrifuge cau- fee par fon mouvement diurne, que par l'avion de fa comète; & cela parce que Théorie de h Terre» 15^ fa terre en parcourant la queue de fa comète , fe trouva pofée de façon qu'elle préfentoit les parties de l'équateur à cet adre , & que (a force de l'attradion de la comète concourant avec la force cen- trifuge de la terre , fît élever les parties de l'équateur avec d'autant plus de faci- lité que la croûte étoit rompue & divi- fee en une infinité d'endroits, & que i'adîon du flux & du reflux de i'abyme poufToit plus violemment que par- tout alHeurs les parties fous l'équateur. Voilà donc l'hiftoire de la création , les caufes du déluge univerfel, celles de la longueur de la vie des premiers hommes, & celles de la figure de la terre ; tout cela femble n'avoir rien coûté à notre auteur , mais l'arche dé Noé paroît l'inquiéter beaucoup : comment imaginer en effet qu'au milieu d'un défordre aufH affreux, au milieu de la confufion de la queue d'une comète avec le grand abyme, au milieu des ruines de l'orbe terreftre , & dans ces terribles momens où non- feu- lement les élémens de la terre étoient confondus, mais où il arrivoit encore du ciel ^ du tartare de nouveaux élément '2 6o UiJIoire Naturelle. pour augmenter le cahos , comment ima- giner que l'arche voguât tranqu vilement avec ù nombreufe cargaifon fur la cime des Hots ! Ici notre auteur rame & fait de grands efforts pour arriver & pour don- ner une raifon phyfique de ia conferva- lion de l'arche ; mais comme il m'a paru qu'eue étoit infuffifanie, mal imaginée & peu orthodoxe , je ne la rapporterai point il me fuffira de faire (èntir com- bien ii e(t dur pour un homme qui a expliqué de ù grandes chofcs fans avoir recours à une puiiTance furnaturelfe ou au miracle , d'être arrêté par une cir- conflance particulière: auiïi notre auteur alm^ mieux rifquer de (e noyer avec l'arche , que d'attribuer , comme il le devoir, à la bonté immédiate du Tout- pui/Tant la conservation de ce précieux vai/Ièau. Je ne ferai qu'une remarque fur ce fyftème dont je viens de faire une expo- iition fidèle , c'eft que toutes les fois qu'on fe 1 aiïèz téméraire pour vouloir expliquer par des raifbns phyfiques les vérités théologiques, qu'on fe permettra d'interpréter dans des vues puremeat relie, comment ima- tranqu'4iement ifon fur ia cime r rame & Tait de r & pour don- de la conferva- ,mc il m*a paru mal imaginée e la rapporterai Ifaire fentir com- homme qui a hofcs fans avoir furnaturelle ou :é par une cir- iffi notre auteur le noyer avec • , comme il le édiate du Tout- de ce précieux remarque fur ce faire une expo- ; toutes les fois ire pour vouloir is phyfiques les l'on fe permettra vues purement Théorie Je la Terre. 16 1 îiumamcs !e texte divin écs livres (acres , & que l'on voudra raifonner fur les vo- lontés du Très-haut & fur l'exécution de fes décrets, on tombera néceflairement dans les ténèbres & dan»^ le cahos où cft tombé l'auteur de ce lyHèmc, qui ce- pendant a été reçu avec grand applau- difîèment. Il ne doutoit ni delà vt itr du déluge, ni de Tauthenticitc des livri.^ facrcs ; mais comme il s'e.i étoit beau- coup moins occupé que de Phyfique & d'Aftronomie , il a pris les pafîàges de l'Écriture (ainte pour des faits de Phy- fique& pour des réfultats d'obfèrvations aftronomiques , & il a fi étrangement mêlé la fcience divine avec nos fciences ipmaines , qu'il en a réfulté la chofe du monde la plus extraordinaire , qui e(l le fyflème que nous venons d'expofer. y" ■1-, IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) /. // 4is r^ y. 16 1.0 l.l 1.25 ■- IIIM lllll-^ |5 0 '""^* lllll^^ •^ lâi 111112.2 i iis, lllllio 1.8 U il.ô Photographie Sciences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 'H62 Hiftoïre Naturelle. y PREUVES DE LA THÉORIE DE LA TERRE. A R T I C L E I II. Du Syjlhne de M. Biimet. \ .Thomas Burnet. Telluris TheorU facra , orlîs nojîri originem & mutaiiones générales , quas aut jam fuhiit , ont olim fidnturus ejl comfkdens» Londini , 1^81. CET auteur eft le premier qu' ait traité cette matière généralement & d'une manière fyllématique; il avoit beaucoup d'cfpdt & étoit homme de BelIes-IettilS: fon ouvrage a une grande réputation , & il a été critiqué par quelques Savans , £ntr*autres par M. Keill, qui épluchant cette matière en Géomètre , a démontré les erreurs de Burnet dans un traité qui a pour titre, Examination of the Theory of the Earth, London, ly^^, 2/ éd'iî» Ce même M. Keill a auiîi réfuté fe fyf- tèiue de W^hiflon, mais il traite ce dernier Théorie Je la Terré: 26 f auteur bien différemment du premier , il (bnibie même qu'il e(l de ion avis dans piufjeurs cas, & il regarde comme une ciiorefort probable le déluge caufé parla queue d'une comète. Mais pour revenir siBurnet, Ton livre eft élégamment écrit , ; fait peindre & préfemer avec force de grandes images , de mettre (bus \ç$ yeux des fcènes magnifiques. Son plan e(l vafle , mais Texécution manque faute de moyens , fon raifonnement eft petit , fes preuves font foibles & fà confiance e(l fi grande qu'il la fait perdre ^ fon leâeur. Il commence par nous dire qu'avant le déluge la terre avoit une forme très- diâerente de celle que nous lui voyons aujourd'hui. C^etoit d'abord une maffe fluide, un cahos compofé de madères de toutes efpèces & de toutes fortes dç fir gurcs , les plus pefantes defcendirent vers le centre & formèrent au milieu du globe un corps dur & folide , autour duquel les eaux plus légères fè ralTemblèrent & enveloppèrent de tous côtés le globe in- térieur ; l'air ai. toutes les liqueurs plus légères que i'cau (a furHiontèreiu ^ » ^'i^4 'Hîfloke Ndtîirelk: ï'cnvcfoppèrent aufli dans toute la cir- conférence ^ ainfi entre l'orbe de Tair Sa celui de l'eau, il fê forma un orbe d'huile & de liqueur graffè plus légère que l'eau ; mais comme l'air étoit encore fort impur & qu'il contenoit une très- grande quantité de petites particules de matière terreflre , peu à peu ces parti- cules dcfcendirent , tombèrent fur la couche d'huile, & formèrent un orbe terreflre mêlé de limon & d'huile , & ce fut - là la première terre habitable & le premier féjour de i'homnie. C 'étoit un excellent terrein , une terre légère , grafTe, & faite exprès pour fê prêter à la foi- hleflè des premiers germes. La furface du globe terreflre étoit donc dans ces premiers tfemps égale , uniforme , conti- nue , fans montagnes , fans mers & fans Inégalités ; mai^ la terre ne demeura qu'environ feize fiècles dans cet état, car la chaleur du foleii defféchant peu à peu cette croûte lîmonneufe, la fit fendre d'abord à la fur^^ice , bientôt ces fentes pénétrèrent pli vaht & s'augmentè- rent fi confidéraDlement avec le temps, qu'enfin elles s'ouvrirent en entier, dans un Théorie de h Tem» 265 un indant toute la terre s'écroula & tomba par morceaux dans i*abynie d'eau qu elle contenoit , voilà comme (è fit le déluge univerfèf. Mais toutes ces maflès de terre, en tombant dans i'abyme, entraînèrent une grande quantité d'air , & elles fê heur- tèrent, (ê choquèrent, (è divisèrent, s'ac- cumulèrent n irrégulièrement, qu'elles laifsèrent entr'elles de grandes cavités remplies d'air; les eaux s'ouvrirent peu à peu les chemins de ces cavités , âc à mefure qu'elles ïes rempliAToient , la furfàce de la terre (è découvroit dans les parties les plus élevées , enfin il ne relia de i'eau que dans les parties les plus baffes , c'efl-à-dire , dans les vaftes vallées qui contiennent la mer ; ainfi notre océan eft une partie de l'ancien abyme, le refte eft entré dans les cavités inté- rieures avec lefquelles communique l'o- céan. Les îles & les écueils font les petits fragmens, les continens font les grandes mafïes de l'ancienne croûte ; & comme la rupture & la chute de cette croûte fe font faites avec confufion , iï n'eft pas étonnant de trouver fur la terre ToïM /. M / i66 HiJIoire Naturelle, ' des éminences , des profondeurs , des plaines & des inégalités de toute efpèce. Cet échantillon du fyftème de Burnet fuffit pour en donner une idée ; c eft ifn roman bien écrit , & un livre qu'on peut lire pour s'amufèr , mais qu'on ne doit pas confulter pour s'inftruire. L'auteur îgnoroit les principaux phénomènes de la terre , & n'étoit nullement informé des obfervaiions : il a tout tiré de fon îmagi nation qui , comme l'on fait , (èrt volontiers aux dépens de la vérité. , '. ..;j-^; Théorie de la Terre, idy PREUVES DELA THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE IV. Du Syfthne de M. WoodwarJ. Jean Woddward. An Ejfay towards th Nataral Hiftory of th Earth, &c, ON peut dire de cet Auteur qu'il a voulu élever un monument im- menfe fur une bafe moins folide que le fable mouvant , & bâtir l édifice du monde avec de la pouflière; car H prétend que* dans le temps du déluge il s eft fait une (lifTolution totale de la terre : îa première idée qui (ê pré(ènie après avoir fû (on livre , c'eft que cette diflbluiion s'eft faite par les eaux du grand abyme , qui (ê font I répandues fur Ja furfàce de ia terre, & qui ont délayé & réduit en pâte les pierres , les rochers , les marbres , les métaux, &c. II prétend que i'abyme où Ali; l69 Hiftoire Natiireïte. , cette eau étoit renfermée , s'ouvrît tout d*un coup à la voix de Dieu , & répan- ciit fur la furface de la terre la i\ Théorie Je la Terte* 26^ en rendant judice au mérite de l'auteur éf, à l'exaditude de Tes obfèrvations , nous mettrons le ledeur en état de juger de l'infuiïilance de Ton fydème ôl de ia fauflèté de quelques - unes de fes remar- ques. M. Voodward dit avoir reconnu par fes yeux que toutes les matières qui compofent ia terre en Angleterre, de- puis fà furface jufqu'iïux endroits les plus profonds où il e(t defcendu, étoient di(- pofées par couches , &. que dans un ' grand nombre de ces couches il y a des coquilles ôc d'autres produdions marines; cnfuite il ajoute que par fes correfpon- dans Ôc par fês amis il s'eil aiïuré que dans tous les autres pays la terre eft compofée de même, & qu'on y trouve des coquilles , non - feulement dans les plaines & en quelques endroits , mais encore fur les plus hautes montagnes « dans les carrières les plus profondes 6c en une infinité d'endroits : il a vu que ' ces couches étoient horizontales & po- fces les unes fur les autres , comnpie le feroient des matières tranfportées par les eaux & dépofées en forme de fédiment. Ces remarques générales qui font très- M iij '^ • ., v J' i/o Hifloire Naturelle. Traies , (ont fuivies d*ob fer vat ions parti- , cuiiéres , par IcTquelIes il fait voir évj. demment que les foiïîles qu^on trouve incorporés dans les couches » font de vraies coquilles & de vraies produâicns marines , & non pas des minéraux , des corps finguliers , des jeux de la Nature, &c. A ces obfèrvations , quoiqu'en partie faites avant lui , qu'il a railemblées & prouvées , il en ajoute d'autres qui ront moins exaéles ; il adlire que toutes les ma- tières des différentes couches font pofées les unes fur les autres dans l'ordre de leur pefànteur (pécifique, en forte que les plus pefantes font au-deffous, & les plus légères au-deffus. Ce fait général jn'efl point vrai, on doit arrêter ici l'au- teur ^ & lui montrer les rochers que nous voyons tous les jours au - deilus des glaifês , des fables , des charbons de terre, des bitumes, & qui certainement font plus pefàns fpécifiquement que toutes ces matières ; car en ef!êt , fl par toute la terre on trouvoit d'abord les couches de bitume , enfuite celles de craie , puis celles de marne , enfuite celles de glaifê, celles de fable ^ celles de pierr^ '- I , Théorte Je la Terre* lyi cellei de marbre;, & enfin les métaux, en forte que ia compofition de h terre fuivit exadement & par-tout la loi de la pefanteur, & que les matières fulTent toutes placées dans l'ordre de leur gra- vité fpécifique , il y auroit apparence qu'elles Ce fèroient toutes précipitées en même temps , & voilà ce que notre au* teur afTure avec confiance , malgré Tévi- dence du contraire ; car (ans être oblèr- vateur, il ne faut qu'avoir des yeux pour être affuré que Ton trouve des matières pelantes très-fouvent pofées fur des ma- tières légères , & que par conféquent ces fédimens ne fe font pas précipités tous en même temps , mais qu'au contraire ils ont été amenés & dépofés fucceffivement par les eaux. Comme c*efl-là le fonde- ment dé fon fyflème, & qu'il porte ma- nifeflement à faux , nous ne le fuivrons plus loin que pour faire voir combien un principe erroné peut produire de faufles combinai fons ôc de mauvailês conféquences. Toutes les matières, dit notre auteur , qui compolent la terre , de- puis les fommets des plus hautes monta- gnes Tufqu'aux plus grandes profondeurs M luj '1^7^ Ht flot re Naturelle; des mines & des carrières , font dirpofces par couches, fuivant leur pefànteur fpe- cirque ; donc , conclut-il , toute la ma- tière qui compofè le globe a été difToiite A s^'efl précipitée en même temps. Mu»s dans quelle matière &• en quel temps a-t-clle été di/Touie ! dans l'eau & dans le temps du déluge. Mais il n'y a pas afTez d*eau fur le globe pour que cela (ê puifTe, puifqu'ii y a plus de terre que d'eau , & que le fond de la mer efl de terre : hé bien , nous dit-il , il y a de l'eau plus qu'il n'en faut au centre de la terre , il ne s'agit (]ue de la faire monter, de lui donner tout enCèmble la vertu d'un diiïblvant univerfel & la qualité d'un remède préfer- vatif pour les coquilles qui feules n'ont pas été diiïbutes , tandis que les marbres & les rochers Tont été ; de trouver en- fuite le moyen de faire rentrer cette eau dans i'abyme, & de faire cadrer tout cela avec Thiftoire du déluge : voilà le fyf- tème , de la vérité duquel l'auteur ne trouve pas le moyen de pouvoir douter; car quand on liii oppofe que l'eau ne peut point diffoudre les marbres , les pierres ^ les métaux , fur-tout en quarante Théorie de la Terre • lyj )ours qu'a duré le déluge , il répond fim* plement que cependant cela efl arrivé ; quand on lui demande quelle étoit donc U vertu de cette eau de i'abyme , pour dinfoudre toute la terre 6c con(erver en niême temps les coquilles , il dit qu'il n'a jamais prétendu que cette eau fût un difToivant, mais qu'il eft clair , par les faits , que la terre a été diflbute , & que les coquilles ont été préfèrvées ; enfin lors- qu'on le prefle & qu'on lui fait voir évi- demment que s'il n'a aucune raifon à donner de ces phénomènes, fbn fyftèmc n'explique rien , il dit qu'il n'y a qu'à imaginer que dans le temps du déluge la force de la gravité & de la cohérence de la matière a cefTé tout-à-coup ; & qu'au moyen de cette fuppofition dont l'effet ofl fort aifé à concevoir ^ on explique d'une manière fatisfaifante la difiblution , de l'ancien monde. Mais , lui dit - on , fi la force qui tient unies les parties de la matière a cefTé , pourquoi les coquilles n'ont- elles pas été di^butes comme tout le refte î Ici il fait un drfcours fur l'orga- nifation des coquilles & des os des ani- maux, par lequel il prétend prouver que M V I 'j274 Hiftoire Naturelle. leur texture étant fibreufê & différente de celle des minéraux , leur force de cohéfion eil aufli d'un autre genre ; après tout, il n*y a, dit-il, qu'à fuppofer que la force de la gravité & de fa cohérence n'a pas ceffé endèrement , mais feulement qu'elle a été diminuée afïèz pour défunir toutes les parties des minéraux , mais pas affez pour défunir celles des animaux. A tout ceci on ne peut pas s'empêcher de reconnoître que notre auteur n'étoit pas auffi bon Phyficien qu'il étoit bon Obfèrvateur , & je ne crois pas qu'il foit nécefïàire que nous réfutions férieufe- nient des opinions fans fondement, fur- tout iorfqu'elles ont été imaginées contre les régies de ia vraifèmbiance , & qu'on n'en a tiré que des conféquences con- traires aux ioix de la Mécanique. ^^■■■^- M Théone de lia Terre. ■75 PREUVES DELA • THÉORIE DE LA TERRE. ARTICLE y. Expojition de quelques autres^ Syfihnes. ON voit bien que les trois hypo- thèiès dont nous venons de parler» ont beaucoup de chofes communes ; elles s'accordent toutes en ce point» que dans le temps du déluge la terre a changé de forme, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur : ainfî tous ces fpéculatifs n'ont pas fait attention que la terre avant le déluge étant habitée par les mêmes efpèces d'hommes & d'animaux , devoit être nécerTairement telle , à très - peu près, qu'elle eft aujourd'hui; & qu'en effet les livres (âints nous apprennent qu'avant le déluge il y avoit fur la terre des fleuves , des mers , des montagnes » des forêts & des plantes ; que ces fleuves M vj /•' '7.j^ iiïfloire Naturelle:. & ces montagnes éioîent , pour Fa pFtf- part , les mêmes , puifque le Tigre & i'Eufrate étoient les fleuves du Paradis terreftre; que h. montagne d'Arménie, fur laquelle l'Arche s'arrêta , étoit une des plus hautes montagnes du monde au temps du déluge , comme elle l'eft en- core aujourd'hui ; que les mêmes plantes & les mêmes animaux qui exiflent , exif- toient alors , puifqu'il y eft parlé du icrpent , du corbeau , ,& que la colombe rapporta une branche d'olivier ; car quoique M. de Tournefort prétende qu'il n'y a point d'oliviers à plus de 4^00 lieues du mont Ararath , Sa qu'il faiïe fur cela d'aflèz mauvailès plailàn- terics ( Voyage du Levant, volume II, pagt, S3^ )t iï eft cependant certain qu'il y en avolt en ce lieu dans le temps du déluge , puifque le livre fàeré nous en affure, & il n'eft pas étonnant que dans un elpace de 4000 ans les oliviers aient été détruits dans ces cantons & (ê foient multipliés dans d'autres ; c'ell donc à tort & contre la lettre de la fainte Écriture que ces Auteurs ont fuppofé que la terre étoir^ avam le déluge^ totalemem différente dQ 77iéork la Terre, 277 ce qu'eue eft aujourd'hui , & cette con- tradidion de ieurs hypothèfes avec ie texte facré , aulfi - bien que leur oppo- fition avec ies vérités phyfiques , doit Élire rejeter leurs fyflèmes , quand même ils (croient d'accord avec quelques phé- nomènes , mais il s'en faut bien que cela fdt ainfi. Burnet qui a écrit le premier y nivoit pour fonder fon fyftème ni ob- fcrvations ni faits. Woodward n'a donné qu'un effai , où il promet beaucoup plus qu'il ne peut tenir ; fon livre e(l un projet dont on n'a pas vu l'exécu- tion. On voit feulement qu'il emploie deux obfervaiions générales , la première, que la terre cil par-tout composée de matières qui autrefois ont été dans un état de moilefre & de fluidité, qui ont été tranfportécs par les eaux, & qui fe font dépofées par couches horizontales; la féconde , qu'il y a des productions marines dans rimé rieur de la terre en une infinité d'endroits. Pour rendre raifon de ces faits , il a recours au déluge uni- verfel, ou plutôt il paroît ne les donner que CQtnme preuves du déluge, mais il tombe ;?.aulii -* bien, que B urnet , dans de* a/S 'Hijloive Naturelle. contradidions évidentes; car H vl^^ pas permis de fuppofer avec eux qu'avant le déluge ii n'y avoit point de montagnes , puifqu'il eft dit précifémcnt & très- claire- ment que les eaux furpafsèrent de 1 1 coudées les plus hautes montagnes ; d'au- tre côté il n'ed pas dit que ces eaux aient détruit & difTous ces montagnes, au con- traire ces montagnes font reliées en place, & l'arche s'eft arrêtée fur celle que les eaux ont laifTée la première à découvert. I> 'ailleurs , comment peut- on s'imaginer que pendant le peu de temps qu'a duré le déluge , les eaux aient pu diffoudre les montagnes & toute la terre ! n'eil>ce pas une abfurdité de dire qu'en quarante jours l'eau a diffous tous les marbres , tous les rochers , toutes les pierres , tous les mi- néraux î n'ell-ce pas une contradidlion manifèHe que d'admettre cette dilToIu- tion totale , & en même temps de dire que les coquilles & les produdions ma- rines ont été préfervées , & que tout ayant été détruit & difTous , elles (èules ont été conlervées , de Ibrte qu'on les retrouve aujourd'hui entières & les mêmes qu'elles ^toient avant le déluge \ je ne craindrai Théorie Je la Terre, ^jp donc pas de dire qu'avec d*excellenïe» ob (er valions , W^oodward n*a fait qu'un fort mauvais fyflème. Whiflon qui ell venu le dernier a beaucoup enchéri fur les deux autres, mais en donnant une yaflé carrière à fon imagination , au moins n'efl-il pas tombé en contradidion ; ii dit des chofès fort peu croyables , mais du moins elles ne font ni abfolument ni évidemment impoflibles. Comme on ignore ce qu'il y a au centre & dans l'in^ térieur de la terre , il a cru pouvoir fup- poler que cet intérieur étoit occupé par un noyau folide , environné d'un fluide pefant Sl enfuîte d'eau fur laquelle fa croûte extérieure du globe étoit foute- nue , & dans laquelle les différentes parties de cette croûte (ê font enfoncées plus ou moins, à proportion de leur pefàn- teur ou de leur légèreté relative ; ce qui a produit les montagnes & les inégalités de la furfâce de la terre. Il faut avouer que cet Agronome a fait ici une Eiute de mécanique ; ii n'a pas fbngé que la terre dans cette hypothèîe doit faire voûte de tous côtés, que par conféquent elle ne peut être portée fur i'eau qu'elle contient^ 2 8 6 Hîjîoire Naturelle.. & encore moins y enfoncer : à cela prèsr, je ne fâche pas qu'il y ait d'autres erreurs de phyfique dans ce fyflème. li y en a un grand nombre , quant à la métaphyfique & à la théologie ; mais enfin , on ne peut pas nier abfolument que la terre rencon- trant la queue d'une comète , lorfque celle-ci s'approche de fon périhélie , ne . puiflè être inondée, fur-tout lorfqu'on aura accordé à l'auteur que la queue d'une comète peut contenir des vapeurs aqueufès. On ne peut nier non plus, comme une împo^bHité abfolue , que ia queue d'une comète en revenant du périhélie ne puifle brûler la terre , fi on iuppofe avec l'auteur , que la comète ait pafTé fort près du fokil, & qu'elle ak été prodigieufement échauffée pendant fon pafîàge ; il en efl de même du refte de ce fylteme : mais quoiqu'il n'y ait pas d'impoilibilité abfblue , il y a fi peu de probabilité à chaque chofe pjfile fépa- rémem, qu'il en réfulte une imponibi- lité pour le tout pris enfèmble. Les trois fyflèraes dont nous venons de parler , ne font pas les fèuïs ouvrages qui aient été faits fur ia jbcode .de la _%' '■'_ "•■ '•' ' ' ' Théorie Je la Terre» i^t terre. II a paru en 1729 un mémoire de M* Bourguet , imprimé à Amderdam avec Tes lettres philofophiques fur la for- mation des Tels y &c. dans lequel il donne un éctiantilion du fyftème qu'il médi^ toit , mais qu'il n'a pas propofé , ayant été prévenu par la mort. Il faut rendre jullice à cet auteur, perfonne n'a mieux raflemblé les phénomènes & les faits , on lui doit même cette belle & grande obfervation qui e(l une des cle^ de la théorie de la terre , je veux parler de la correfpondance des angles des monta- gnes. Il pré (ente tout ce qui a rapport â ces matières dans un grand ordre , mais avec tous ces avantages , il paroît qu'iï n'auroit pas mieux réufli que les autres à faire une hifloire phyfique & raifon- née des changemens arrivés au globe » & qu'il étoit bien éloigné d'avoir trouve les vraies eau (es des tuexs qu'il rapporte ; pour s'en convaincre , il ne faut que jeier les yeux fur les propofitions qu'i| déduit des phénomènes , & qui doivent Servir de fondement à fa théorie , Voye:^ page 2ti, Il dit que le globe a pris (â forme daus un même temps , 6c non pas ^ 182 Rijloire Naturelle. fucceflivement ; que la forme & fa dif- pofition du globe fuppofent nécefTaire- ment qu'il a été dans un état de fluidité ; que Tétat préfênt de la terre efl très-dif- férent de celui dans lequel elle a été pen- dant plufîeurs fiècies après fa première formation ; que la matière du globe étoit dès le commencement moins denfe qu'elle ne l'a été depuis qu'il a changé de face; que Ifi condenfâtion des parties folides du globe diminua fênfîblement avec la vélocité du globe même , de forte qu'après avoir fait un certain nombre de révolutions fur fbn axe & autour du fbleil, il fê trouva tout- à-coup dans un état de diffolution qui détruifît fa pre- mière (Irudure ; que cela arriva vers l'équinoxe du printemps ; que dans fe temps de cette difiblution les coquilles s'introduifîrent dans les matières dif- foutes ; qu'après cette diffolution la terre a pris la forme que nous lui voyons, & qu'auflitôt le feu s'y efl mis , la confume peu à peu & va toujours en augmentant, de forte qu'elle fera détruite un jour par une explofîon terrible , accompagnée d'un incendie général, qui augmentera \. Théorie de la Terre, 283 Tatmo/phère du globe & en diminuera le diamètre , & qu'alors la terre , au iieu de couciies de fable ou de terre, n*aura que des couches de métal & de minéral calciné , & des montagnes compofées d'amalgames de différens métaux. En voilà affez pour faire voir quel étoit le fyflème que l'auteur méditoic. Deviner de cette &çon le pafl^ , vouloir prédire l'avenir, & encore deviner & prédire à peu près comme les autres, ont prédit & deviné , ne me paroît pas être un effort ; audi cet auteur avoit beaucoup plus de connoiiïimces & d'érudition que de vues faines & générales , & il m'a paru man* quer de cette partie fi néceffaire aux phyHciens , de cette métaphyfique qui rafi^mble les idées particulières, qui les rend plus aénérafes , 6c qui élève î'efprîc au point ou il doit être pour voir l'en- chaînement des cauiès & des efïèts. Le fameux Leibnitz donna en 16%^^ dans les Ac^es de LeipHc, page jfo , un projet de fyftème bien différent , fous le titre de Protogaa. La terre , (elon Bour- guet & tous les autres , doit finir par fe Ku ; félon Leibnitz , elle a commencé 284 Hiflotre Naturelle: par -là, & a fouffert beaucoup plus Je changemens & de révolutions qu'on ne l'imagine. La plus grande partie de la matière lerreftre a été embrafée par un feu violent dans le temps que Moyfe dit que la lumière fut ieparée des ténèbres. Les planètes , auffi - bien que ia terre , étoient autrefois des étoiles fixes & iu« mineufes par elles-mêmes. Après avoir brûlé long -temps, il prétend qu'elles fe font éteintes faute de madère combuf- tible., & qu'elles font devenues des corps opaques. Le feu a produit par la fonte des madères une croûte vitrifiée , & la ba(è de toute la matière qui compofè ie globe terreftre efl du verre , dont les fables ne font que des fragmens ; les autres efpèces de terres ie font formées du mélange de ce (âble avec des (èls fixes & de l'eau, & quand la croûte fut refroidie, les parties humides qui s'étoient élevées en forme de vapeurs , retombèrent & formèrent les mers. Elles enveloppèrent d'abord toute la furface du globe , & furmontèrent même les endroits les plus clevés qui forment aujourd'hui les con- lînens & les îles. Selon cet auteur ^ le^ Théorie Je la Terre, lif toquilles & ies autres débris de la mer qu*on trouve par-tout , prouvent que ia nier a couvert toute la terre ; & ia grande quantité de Tels fixes , de fables & d'autres inadèrcs fondues 'jl calcinées qui font renfermées dans les entrailles de ia terre » prouvent que i'inccndie a été générai , & qu'ii a précédé l'exiQence des mers. Quofque ces penfées foient dénuées de preuves , elles font élevées , ôc on fent bien qu'elles font ie produit des médi- tations d'un grand génie. Les idées ont de la iiaifon , ies hypothèfès ne font pas abfolument împofTibles» & ies confé- quences qu'on en peut tirer ne font pas contradidloîres ; mais ie grand défaut de cette tiiéorie, c'eft qu'elle ne s'ap- piique point à i'état prêtent de la terre , c'elt le pafle qu'elle explique , *& ce pafle e(l fi ancien & nous a iaiifé fi peu de vertiges qu'on peut en dire tout ce qu'on voudra, & qu'à proportion qu'ua homme aura plus d'efprit , ii en pourra dire des cho&s qui auront i'air plus vraifembiable. Affurer, comme i'aflure Wiftiion , que ia terre a été comète , ou prétendre avec Leibnitz qu'elle a été a 8 6 Hiftojre Naturelle. foleil , c*efl dire des chofês également pofTjbles ou iinpofTibles, & auxquelles il leroit fuperflu d'appliquer fes règles des probabilités : dire que la mer a autre- fois couvert toute la terre, qu'elle a en- veloppé le globe tout entier , & que c'efl par cette rai Ton qu'on trouve i\Qi co- quilles par - tout , c'eft ne pas faire at- tention à une cholè très-eflêntielle; qui eA l'unité du temps de la création ; car fi cela étoit , il fàudroit néceffairement dire que les coquillages & les autres animaux habitans des mers , dont on trouve les dépouilles dans l'intérieur de la terre , ont exiflé les premiers, & long -temps ^ avant l'homme & les animaux terreftres: or indépendamment du témoignage des livres facrés, n'a- 1- on pas raifon de croire que toutes les efpèces d'animaux & de végétaux (ont à peu près aufli anciennes les mies que les autres \ M. Scheuchzer dans une dinèrtation qu'il a adreflTée à l'Académie des Sciences en 1708 , attribue, comme Woodward, le changement ou plutôt la féconde for- mation de la furface du globe, au dé- luge u'.iiveriêl; d pour expliquer celle Théorie de la Terre» 287 des montnenes , il dit qu'après le ciciuge Dieu vouUnt faire rentrer les eaux dans les réfervoirs fouterrains , avoit brifc & déplacé de fa main toute- puiflànte un grand nombre de lits auparavant hori- zontaux, & les avoit élevés fur la fur- fàce du globe ; toute la diflèrtation a été flûte pour appuyer cette opinion. Comme il fàlloit que ces hauteurs ou éminences fuffent d'une confi fiance fort folide , M. Scheuchzer remarque que Dieu ne les tira que des lieux où il y avoit beaucoup de pierres, de-là vient, dit-il , que les pays , comme la Suiffe , où il y en a une grande quantité , font montagneux ; & qu'au contraire ceux qui , comme la Flandre , l'Allemagne , la Hongrie , la Pologne , n'ont que du fable ou de l'argile , même à une affez grande profondeur , font prcfqu'entière- ment fans montagnes. Voye^ THifi, de l'Acad, 1708, page ^2, Cet auteur a eu plus qu'aucun autre le défaut de vouloir mêler la Phyfjque avec lia Théologie , & quoiqu'il nous ait donné quelques bonnes obfcrvations , la pariic. fyftcmatique de fcs ouvrages eft encore . r V l88 Hipire Naturelle. ' plus mauvaife que celle de tous ceux qui l'ont précédé , il a même fait fur ce lu jet des déclamations & des plaifante- ries ridicules. Voyez la plainte des poif- Ibns , Pifchim querelcs , ù'c, fans parler de fon gros livre en plufieurs volumes 5n- folio, intitulé, Phyfica facra , ouvrage puérile, & qui paroît fait moins pour occuper les hommes , que pour amufer les enfans par les gravures & les images qu'on y a entaflees à deflêin & iàns né- cefllté. . : . S tenon & quelques autres après lui, ont attribué la eau le des inégalités de la furface de la terre à des inondations par- ticulières , à des tremblemens de terre , à des lecoufïès , des éboulemens , &c. mais les cfîèts de ces eau (es (econdaires n'ont pu produire que quelques légers chan- gemens. Nous admettons ces mêmes caulès après la caule première qui eft le mouvement du flux & reflux , & le mou- vement de la mer d'orient en occident; au refte, S tenon ni les autres n'ont pas donné de théorie , ni même de faits gé- néraux fur cette matière. Voyez la Diff, de Solido intra folïdum t ù'C* Ray IX , & le mou- i Théorie de la Terre: a. 8^^ Ray prétend que toutes les montagnes ont été produites par des tremblemens de terre , & il a fait un traité pour !e prou- ver; nous ferons voir à l'article des volcans , combien peu cette opinion cft fondée. Nous ne pouvons nous difpenfêr d ob- fervcr que la plupart des auteurs dont nous venons de parler, comme Burnet , \^hifton & Woodward , ont fait une faute qui nous paroît mériter d'être relevée, c'cft d'avoir regardé le déluge comme poiïîble par Tadion des caufes naturelles, au lieu que l'Ecriture fainte nous le pré- fente comme produit par la volonté im- médiate de Dieu; il n'y a aucune caufâ naturelle qui puifTe produire fur la furfiice entière de la terre la quantité d'eau qu'il a fallu pour couvrir les plus hautes mon- tagnes; & quand même on pourroit ima- giner une caufè proportionnée à cei effet, il ferolt encore impoffible de trouver quelqu'autre caulè capable de faire di(^ paroître les eaux ; car en accordant à Whillon que ces eaux font venues de la queue d'une comète, on doit lui nier qu'il en foit venu du grand abyme & qu'elles y Tome L N ^^6 Hipolre Nature fie, foient toutes rentrées , puifquie le grand abyme étant, (elon lui, environné & prefî'é dé tous côtés par la croûte ou l'orbe tcrrcftre, il eft impoffible que l'attraélioii Je la comète ait pu cauter aux fluides contenus dans l'intérieur de cet orbje, le moindre mouvement ; par conféquent le grand abyme n'aura pas éprouvé , comme il le dit, un flux & reflux vio- lent ; dès - lors il n'en iera pas forti & il n'y ièra pas entré une feule goutte d'eau , & à moins de fuppoCêr que l'eau tombée de la comète ii été détruite par miracle , elle ièron encore aujourd'hui fur la fur- face de la terre , couvrant les fommets des plus hautes >nontagnes. Rien ne ca- radérilê mieux un miracle que l'impof^ fibilité d'en expliquer Teffiet par les caufes naturelles; nos auteurs ont fait de vains efforts pour rendre raîlbn du déluge, leurs erreurs de Phyfique au fujet des caufes fécondes qu'ils emploient , prou- vent la vérité du f lit tel qu'il efl rapporté dans l'Écriture fainte , & démontrent qu'if n'a pu être opéré que par la caufc première , par la volonté de Dieu. P'ailleurs il eft gifé de fe convaincre Théorie Je ki Terre, i^ i tjiie ce n'eft ni dans un fèul & même temps , ni par l efïèt du déluge que la mer a laifïe à découvert les contincns que nous habitons ; car il eft certain , par {e témoignage des iivres (acres, que le Paradis terreftre étoit en A fie, & que i'Afie étoit un continent hai:>ité avant fe déluge ; par conléqucnt ce n'efl: pas dans ce temps que les mers ont couvert cette partie coniidérable du globe. La terre étoit donc avant fc déluge telle à peu près qu'elle efl: aujourd'hui ; Si. cette énorme quantité d'eau que la Juflice divine fit tomber fur la terre pour punir l'homme coupable , donna en effet h mort à toutes les créatures ; mais elle ne produifit aucun changement à la furface de la terre , elle ne détruiiit pas même les plantes, puifque la colombe rapporta une branche d'olivier. Pourquoi donc imaginer , comme l'oiit fait la plupart de nos Naturaliftes, que cette eau changea totalement la flirface du globe jufqu'à mille & deux mille pieds de profondeur l pourquoi veulent-ils que ce foit le déluge qui ait apporté fur la terre les coquilles qu'on IS l) ^pl JTtfloire Naturelle, frouvc à fept ou huit cents pieds dans fe^ rochers & dans les marbres! pourquoi (dire que c'cjfl dans ce temps que ce font formées les montagnes & les collines î & comment peutr-on fe figurer qu'il foit podible que ces eaux aient amené des mafîès & des bancs dp coquilles de cent iieues de longueur î Je ne crois pas qu'on puifle perfifter dans cette opinion , ^ rrioins qu'on n'admeiie dans le déluge un double miracle , le premier pour l'augmentation des eaux, & Ip iècond pour le tranfport des coquilles ; mais comme il n'y a que le premier qui foit rapporté dans l'Ecriture fainie, je ne vois pas qu'il foit néceiïliire de faire un' article de foi du fécond. D'autre côté, fi les eaux du déluge, ^près avoir féjourné au-deffus des plus hautes montagnes , fe fuflênt enfuitc re- tirées tout-à-coup , elles auroicnt amené une fi grande quantité de limon & d'im- mondices que les terres n'auroient point été labourables ni propres à recevoir des arbres & des vignes que plufieurs fiècles après cette inondation , comme l'on fait f^uie dans Iç déluge cjui arriva çn Grècç Théone À la Terré, ij^^J té pays fubmergé fut totalement aban^ donné k, ne put recevoir aucune cul- ture que plus de trois fièclcs après cette inondation. Voyez Aûa efudit, Lipjl anno I â p T t pag' J s 0. A uffi doit-oa regarder fe déluge univerfèi comme un moyen furnaturel dont s'eft (crvi fa Toute-puifTance divine pour le châti- ment des hommes > & non comme un effet naturel dans lequel tout (e fèroit pafTé félon les loix de la Phyfique. Le déluge univerfcl efl donc un miracle dans fa caufe & dans (es efïèts ; on voie clairement par le texte de l'Écriture (ainte^ qu'il a (èrvl uniquement pour détruire l'homme & les animaux , & qu'il n*a changé en aucune façon la terre , puiP. qu'après la retraite des eaux, les mon* tagnes , ôc même les arbres , étoient à leuf place , & que la furfàce de la terre étoÎÉ propre à recevoir la culture & à pro- duire des vignes & des fruits* Comment toute la race des poiffons, qui n'entra pas dans l'arche , auroit - elle pu être conlervée, fi la terre eût été diflbute dans l'eau , ou feulement fi les eaux euffent «té aflez agixécs pour tranfporter l«f Nu/ I . àp4 'Hifiolre Naturelle. coquilles des Indes en Europe, &cî Cependant cette Tuppoiltion , que c'eft le déluge univerfel qui a tranfporté les coquilles de la mer dans tous les cli- mats de la terre , eft devenue l'opinion ou plutôt la fuperftition du commun des Jsfaturalifles. Woodward , Scheuchzer & quelques autres appellent ces coquilles pétrifiées les reftcs du déluge, ils les regardent comme les médailles & les jnonumens que Dieu nous a lai/Tés de ce terrible événement, afin qu'il ne s'effaçât jamais de la mémoire du genre humain; enfin ils ont adopté cette hy- poihèfe avec tant de refped: , pour ne pas dire d'aveuglement , qu'ils ne parôifTem s'être occupés qu'à chercher les^ moyens de concilier l'Ecriture faînte avec leur opinion , & qu'au lieu de fe fèrvir de leurs obfervations & d'en tirer des lu- mières, ils fe font enveloppés dans les nuages d'une théologie phyfique, dont l'obfcurité & la petiteffe dérogent à la clarté & à la dignité de la religion > & ne laifTent apercevoir aux incrédules qu'un mélange ridicule d'idées humaii^es ^ de faits divins. Prétendre en efièt \ _ - TIléorie de la Terre, l^ j expliquer !e déluge univerfei & (es caulea phyfiques , vouloir nous apprendre ie détail de ce qui s'efl pafTc dans le temps de cette grande révolution, deviner quels en ont été les effets, ajouter des 'faits à ceux du livre (àcré , tirer des confé- quences de ces faits, n'eft-ce pas vou* loir mefurer la puiflànce du Très-haut ! Les merveilles que fa main bienfaifànte opère dans la Nature d'une maioière uniforme Ôl régulière, font incompré- henfibles , & à plus forte raifon les coups d éclat, les miracles, doivent nous tenir dans le failîflèment & dans le filence. * Mais , diront-ils , le déhige univerfèl étant un fait certain, n'ert-il pas permis de raisonner fur les conféquenccs ce ce fait î à la bonne heure , mais il faut que vous commenciez par convenir que le déliige univerfei n'a pu s'opérer par les ^uinances phyfiques , il faut que vous e reconnoilfiez comme un effet immé- diat de la volonté du Tout-puiffant , il faut que vous vous borniez à en favoir feulement ce que ks livres facrés nous en apprennent , avouer en même temps qu'il ne vous eft pas permis d'en favolf N iii; } ip5 îiipotre Nuturellei davantî^e, & fur-tout ne pas mêler une mauvais phyfique avec la pureté du livre (aint. Ces précautions qu'exige le rcfpciîl que nous devons aux décrets de Dieu , étant prifès , que refte-t-ii à cxa- irijner au fujet du déluge î Efl-il dit dans i'Écriiure fainte que le déluge ait formé ks montagnes î il eft dit le contraire : cft-il dit que les eaux fuffent dans une agitation aflez grande pour enlever du fond des mers les coquilles & ies tranf- porter par toute la terre î Non, i' Arche "Voguoit tranquillement fur les flots : eft-il dit que la terre foufFri lune difToIution totale ! point du tout; le récit de THiflorien facré eft lîmpîe ôc vrâî , cr!'.»« de CCS Natura- Jiflf S eft eoiîipofé à fabuleux. « *■- Théorie de h Terre, PREUVES DE LA ' ■■■ THÉORIE DE LA TERRE, A R T I C L E V I. * ' GÉOGRAPHIE. LA furface de la Terre n'cft pas, comme celle de Jupiter, divifce par bandes alternatives & parallèles à i'cquateur, au contraire elle eft divifée d'un pôle à l'autre par deux bandes de terre & deux bandes de mer : la première & principale bande c(t l'ancien continent, dont ia plus grande longueur fe trouve être en diagonale avec Téquateur , & qu'on doit mefurer en commençant au nord de la Tartarie la pljs orientale , de-là à la terre qui avoifine le golfe Linchidolin , où le» Mofcovites vont pêcher des baleines , de-là à Tobolsk , de Tobolsk à la mer Cafpienne , de la mer Cafpienne à \à Mecque , de la Mec(jue à la partie occi- J2 9 8 * Hi/fûlrc NdtiircHe. - ' demale du pays habité par le peuple Je Galles en Africjue, enluite au Monoc- niugi, au Monomotapa, & enfin au cap de Bonne- cfpérance. Ccte ligne, qui eft la plus grande longueur de l'ancien continent, eit d'environ 3600 lieues, elle n'eft interrompue cp.e par la mer CafpieHne & par la nier rouge , dont les largeurs ne font pas confidérahles , & on ne doit pas avoir égard à ces petites interruptions Ibrfque l'on confidèrc, comme nous lefaifows , la furfacedu globe divilee feulement en quatre j^anies. Celte plus gi*ande longueur le trouve en mefurant le continent en diagonale; car fi.on le mefure au contraire luivant îes méridiens , on verra qu'il n'y a que 2. 5 00 lieues depuis le cap nord de Lappo- iiie juicju'au Cap de Bonne- efnérance, & qu'on traverfe la mec Baltique dans la longueur, & la mer Médirerranée dans toute fa largeur, ce qui fltit une bien moindre longueur & de plus grandes in- terrup ions que par la première route, A l'e'gard de toutes les autres diftances qu'on pourroitmefurerdansTancien con- tinent fous ks mêmes méridiens; on les '^ Tlicone de la Terre. 2pp trouvera encore beaucoup plus pcties que celle-ci, n'y ayant, par exemple, cjue 1 800 lieues depuis la pointe méri- dionale de l'île de Ceyian Jufqu'à la cote feptentrionale de la nouvelle Zemble. De même, fi on mefure le continent pa- rallèlement à l'équaieur, on trouvera que la plus grande longueur (ans inierrup^ tion fe trouve depuis la côte occidentale de l'Afrique à Trefluia, jufqu'à Ningpo* fur la côte orientale de la Chine, & qu'elle cft environ de 2800 lieues; qu'une autre longueur fans interruption peut fe niefu- rer depuis la pointe de la Bretagne à Breft jufqu'à la côte de la Tartarie Chinoile, & qu'elle efl environ de 2300 lieues;" qu'en mefurant depuis Bergen en Nor- vège jufqu'à la côte de Kamtfehatka, il- n'y a plus que i 800 lieues. Toutes cey lignes ont, comme l'on voit, beaucoup* moins de longueur que la première, ainft in plus grande étendue dé l'ancien con- tinent elt en effet depuis le cap oriental' de la Tartarie la plus ieptentrionale jus- qu'au cap de Bonne -efpérancQ, c'eft-à-^ dire, de 3600 lieues. Voyeir^ Uv première' CûxU.de CéogmpliU^. ■. rjoo Hifloire Nciturelk. Cette ligne peut être regardée commo le milieu de la bande de terre qui com^ Ïïofe l'ancien continent, car en mefurant 'étendue de la furface du terrein des deux côtés de cette ligne, je trouve qu'il y a dans la partie qui ell à gauche 247 i 092 i lieues quarrées , & que dans la partie qui.eft à droite de cette ligne, il y a 2. ^6 ^6% y lieues quarrces, ce qui eft une égalité fingulière, <5c qui doit faire préfu- jner ave^ une très-grande vraifêniblance , que cette ligne eft le vrai milieu de l'an- cien continent, en même temps qu'elle en eft la plus grande longueur. L'ancien continent a donc en tout environ 4940780 lieues quarrées, ce qui ne fait pas une cinquième partie de la furface totale du globe ; & on peut regar- der ce continent comtne une large bande de terre inclinée à l'équateur d'environ 3 o degrés. A l'égard du nouveau continent, on peut le regarder auffi comme une bande de terre, dontJa plus grande longueur doit être prife depuis l'embouchure du fîeuve de la Plata jufqu'à cette contrée marécageufe qui ^'étend au-delà du lac Théorie de la Terre» j o I des Afliniboïls y cette route va de I em- bouchure du fleuve de la PLta au lac Caracares, de-là elle paiïc chez les Ma- taguais, chez les Chiriguanes, enluitc à Pocona, à Zongo, de Zongo chez le» Zamas, les Mariaiias, les Morvias, de-1^ à S.' Fé & à Canagcne, puis par le golfe du Mexique, à la Jamaïque , à Cuba^ tout le long de la p<:ninfule de la Floride, chez les Apalaches, (es Chicachas, de-là au fort Saint- Louis ou Creve-cœur , au fort le Sueur, Ôl enfin chez les peuples qui habitent au-delà du lac des AfTiniboiIs, où l'étendue des terres n'a pas encore été reconnue. Voye^ Inféconde cûrte de Céo" graphie. Cette ligne qui n'eft interrompue que par le golfe du Mexique, qu'on doit re- garder comme une mer méditerrane'e , peut avoir environ deux mille cinq cents lieues de longueur , & elle partiige le nou- veau continent en deux parties égales, dont celle qui eft à gauche a 1069286 | lieues quarrécs de furface, & celle qui clt à droite en a i 070926 -^ ; cciie ligne qui fait le milieu de la bande du nouveau continent; cil aulli inclinée à i'équaieujr ^o2 Hïffoire NaUireïïer ■ d'environ 3 o degrés , mais en fens op- pofé , en forte que celle de l'ancien con- tinent s*étendam du nord-efl au fud-ouefl: , celle du nouvean s'étend du nord-ouelî au fud-efl:; & toutes ces lerrcs enfèmble, tant de l'ancien que du nouveau con- tinent, font environ 7o8o(>93 lieues quarrées , ce qui n eft pas , à beaucoup près , le tiers de la furface totale du globe qui en contient vingt-cinq millions. On doit remarquer que ces deux lignes qui traverfcnt les contrnens dans leurs plus grandes longueurs, & qui les partagent chacun en deux parties égales , abouiif- lènt toutes les deux au même degré de iadtude feptcntrionale & auflrale. Oa peut au-flî oblerver que les deux conti- nens font des avances oppofées & qui fe regardent , (àvoiv , les côtes de l'Afriqua depuis les îles Canaries , jufqu'aux côtes de la Guinée, & celles de rAmériijue depuis la Guiane jufqu'à l'embouchure de Rio-janéiro. Il paroît donc que îes terres les pluî anciennes du globe font les pays qui font aux deux côtés de ces lignes à une dif- tance médiocre , par exemple, à zoo ou Tliéom de h Tare. 30J 2250 lieues de chac(ue côté, & en fui- \ant cette idée qui eft fondée iur les ob- fervationsque nous venons de rapporter, nous trouverons dans l'ancien continent que les terres les plus anciennes de l'A- fficjue font celles qui s'étendent depuis le cap de Bonne- efpérance jufqu'à la mer rouge & jul(|u'à l'Egypte, fur une lar- geur d'environ 500 lieues, & que par. conféquem toutes les côtes occidentales de l'Aîrique, depuis la Guinée jjufqu'au détroit de Gibraltar, font des terres plus jiouveiles. De même nous rcconnoîtrons qu'en Afie , ii on fuit la ligiie fur la même largeur , les terres les plus antiennes font l'Arabie heureufe & déiêrie, la Perle & la Géorgie; la Turcomanie & une par- tie de la Tartarie indépendante, la Cir- calîje & une partie de la Mofcovie , &c.- que par tonféquent l'Europe efl plus nouvelle, & peut-être aufii la Chine & la partie orientale de la Tartarie : dans le nouveau continent, nous trouverons que la terre Magellanique, la partie orieniafe du Biefil, du pays des Amazones , de la Guiane & du Canada font des pays nou-»- veaux en comparaifon du Tucumaii; du i 304 Hifloïre Naturelle. Pérou , de la terre ferme & des îîes du golfe du Mexique, de ia Floride, du Miffiflipi & du Mexique. On peut en- core ajouter à ces obfèrvations deux faits qui font afîèz remarquables : ic vieux ât ie nouveau continent font prefque oppo-. iés l'un à l'autre ; l'ancien eft plus étendu au nord de l'équateur qu'au fud , au con- traire le nouveau l'eft plus au fud qu'au nord de l'équateur ; le centre de Tancien continent eft à i 6 ou 18 degrés de lati- tude nord , & le centre du nouveau eft à 3 6 ou 18 degrés de latitude fud , en forte qu'ils femblent faits pour le contre- ba- lancer. Il y a encore un rapport ftngu- iier entre les deux continens , quoiqu'il me paroiffe plus accidentel que ceux dont je viens de parier , c'eft que les deux continens feroicnt chacun partagés en deux parties qui feroient toutes quatre environnées de la mer de tous côtés fans deux petits ifthmcs, celui de Suez & celui de Panama. Voilà ce que rinf{)e(flÎ0n attentive du globe peut nous fournir de plus général lur la divifion de ia terre. Nous nous abf- tkndrouâ de faire fur ccki des hypothèf«s Théorie de h Terrtt 30 C èx. de hafarcler des raifonnemens qui pourroient nous conduire à de fàuïïès conféquencs , mais comme perfonnc n'avoit confidéré (bus ce point de vue la divifion du globe , j'ai cru devoir com- muniquer ces remarques. II eft afîez fin-» gulier que ia iigne qui fait ia plus grande longueur des continens terreftres , les partage en deux parties égales ; il ne I*eft pas moins que ces deux lignes commen- cent & finiflent aux mêmes degrés de latitude, & qu'elles foient toutes deux Inclinées de même à l'équateur. Ces rap- ports peuvent tenir à quelque choie de générai que l'on découvrira peut-être, & que nous ignorons. Nous verrons dans ia fuite à examiner plus en détail les în^- gaiitcs de la figure des continens ; il nous îuffit d'obferver ici que les pays les plus anciens doivent être les plus voifins de ces lignes, & en même temps les plus élevés , & que les terres plus nouvelles ea doivent être les plus éloignées, & ea même temps les plus balles. Ainfi en Amérique la terre des Amazones , ki Guiane & le Canada feront les parties les plus nouvelles ; en jetant les yeux iiir la '3o6 Hijîoire Naturelle:: ■■" carte de ce pays , on voit que les eaux y font répandues de tous côtes-, qu'il y a un grand nornbre xle lacs & de très • grands fleuves , ce qui indique encore que ces terres (ont nouvelles : au contraire le Tu- cuman , le Pérou & ie Mexique font des pays très-élévés, fort montueux , & voi- fnis de la iigne qui partage le condnent , ce qui femble prouver qu'ils font plus anciens que ceux dont nous venons de parler. De même toute l'Afrique efl très- inontueufe , & cette parue du monde efl fort ancienne : il n'y a guère que l'Egypte, la Barbaiie puikju'aujourd'hui , malgré toutes les connoi/Tances que Ton a acquifes par le fecours des fciences mathémanques & par les découvertes des Navigateurs , H reftc encore bien des choies à trouver & de vaftcs contrées àdécouvrir. Prcfque toutes les terres qui font du côté du pôle an- tardique nous font inconnues, on fait Teulenient qu'il y en a , & qu'elles font réparées de tous les autres continens par l'océan; il refte aulfi beaucoup de pays à découvrir du côté du pôle ardique , & l'on eft obligé d'avouer avec quelque efpèce de regret, que depuis plus d'un fiècle l'ardeur pour découvrir de nou- velles terres s'eft extrêmement ralentie; on a préféré, & peut - être avec ralfon, l'utilité qu'on u trouvée à faire valoiir celles qu*on connoilîbit , à la gloire à^Qïi conquérir de nouvelles. Cependant la découverte de ces terres îjuftrales ftroit un grand objet d« / 3 ï o Kjlolre Niitwelle* curiofité, & pourroit être utife; on n't reconnu de ce côté - ià que quelques côtes, & il eft fiicheux que ies Naviga- teurs qui ont vouiu tenter cette décou- verte en différens temps , aient prefquc toujours été arrêtés par des glaces qui les ont empêchés de prendre terre. La brume, qui eft fort confidérable dans ces parages, eft encore un obftacle: cependant malgré ces inconvéniens, il eft à croire qu'en partant du cap de Bonn^-cfpérance en différentes (îiifons, on pourroit enfin reconnoître une partie de ces terres , lefquelies jufqu'ici font un monde à part. Il y auroit encore un autre moyen qui peut-être réufîiroit mieux; comme les glaces & les brumes paroiflent avoir ar- rêté tous les Navigateurs qui ont entre- pris la découverte des terres auftrales par l'océan atlantique , «Se que les glaces fe (ont préfentées dans l'été de ces climats aufîi-bien que dans les autres faifons , ne poiirroit-on pas le promettre un meil- leur fuccès en chano-eant de route! II me (emble qu'on pourroit tenter d'arri- Ycr à ces terres par la mer pacifique , en Théorie Je la Terre, 311 partant de Baldivia ou d'un autre port de ia côte de Chili , & trave»-' nt cette mer fous !e 50"'*^ degré de latitude fud. Il n'y a aucune apparence que cette na- vigation , qui n'a jamais été faite , fût pcrilleuie, & il eft probable qu'on trou- vcroit dans cette traverfée de nouvcifes terres ; car ce qui nous rcfle à connoître du côté du pôle audral eft fi confidé- rable, qu'on peut fans (e tromper l'é- valuer à j)Ius d'un quart de la fuj>erfTcie du globe , en forte qu'il peut y avoir dans ces climats un continent tcrreftre aiiffi grand que l'Europe, l'Afie, ^ l'Afrique prifes toutes trois enfemble. Comme nous ne connoiflbns point du tout cette partie du globe , nous ne pouvons pas fivoir au julle la propor- tion qui eft entre la furface de la terre & celle de la mer; feulement, autant qu'on en peut juger par l'infpedion de ce qui eft connu, il paroît qu'il y a plus de mer que de terre. Si l'on veut avoir une idée de îa quan- tité énorme d'eau que contiennent les mers, on peut fuppoftr u!ie profondeur conriiuiie & générale à l'océan, & en ne ^ f f Hifloin Naturelle; - la faifant que de deux cents toi {es ou de ia dixième partie d'une lieue, on verra qu'il y a afiez d'eau pour couvrir ie globe rntier d'une hauteur de fix cents pieds d'eau , & fi on veut re'duire cette eau dans une (euie inaffe, on trouvera qu'elle fait un globe de plus de foixante lieues de diamètre. Les Navigateurs prétendent que le continent des terres aufl raies eft beau- coup plus froid que celui du pôle arc- tique, mais il n'y a aucune apparence que cette opinion loit fonde'e, & probable* jnent elle n'a été adoptée des Voyageurs, que parce qu'ils ont trouvé des glaces à une latitude où l'on n'en trouve prefquc jamais dans nos mers feptentrionales , mais cela peut venir de quelques caufes particulières. On ne trouve plus J'=" glaces ilès le mois d'avril en deçà des 6y & 68 degrés de latitude fcptentrionale , & (es Sauvages de l'Acadie & du Canada difènt que quand elles ne font pas toutes fondues dans ce mois- là , c'efl: une marque que le refle de l'année fera froid & plu- vieux. En 1725 il n'y eut, pour ainfi dirç, point d'été ^ & il plut prefquc continuellement; Théorie de la Terre, 3 i j continuellement; aufii non- feulement les glaces des mers feptentrionaies n*etoient pas fondues au mois d'avril au Gy"^*^ degré , mais même on en trouva au i j juin vers le 4.! ou 42'"*" degré. Voye^ l'HiJl' de l'Acad. année ij2j. On trouve une grande quantité de ces glaces flottantes dans la mer du nord , lùr-tout à quelque didance des terres ; elles viennent de ia mer de Tartarie dans celle de la nouvelle Zeinble & dans les autres endroits de la mer glaciale. J'ai été afluré par des gens dignes de foi , qu'un Capitaine Angîois, nommé Mon- Ton, au lieu de chercher un pafl[àge entre les terres du nord pour aller à la Chine, avoit dirigé fa route droit au pôle de en avoit approché jufqu'à deux degrés : que dans cette route il avoit trouvé une haute mer (ans aucune glace, ce qui prouve que les glaces fè forment auprès des terres & jamais en pleine mer ; car quand même on voudroit fuppofer , contre toute apparence , qu'il pourroit faire aflcz froid au pôle pour que la fuper- ficie de la mer fût glacée , on ne conce- vroit pas mieux comment ces énormes Tome L O 3 r4 Hipoh'c Naturclkr glaces qui flottent, pourroicnt (ê former, il elles ne trouvoicnt pas un point d'appui contre les terres, d'où enfuite elles fc dé- tachent par la chaleur du folcil. Les deux vaifTeaux que la Compagnie des Indes envoya en 1739 îi la découverte des terres auArales, trouvèrent des glaces à une latitude de 47 ou 48 degrés, maij ces glaces n'étoient pas fort éloignées des terres , puifqu'ils les reconnurent , fans cependant pouvoir y aborder. Voyt^ fur cela la carte de M» Buache , 17s h Ces gîaces doivent venir des terres in- térieures & voifines du pôle auftral , & on peut conjcdurer qu'elles fui vent le cours de plufieurs grands fleuves dont ces terres inconnues font arrofées , de même que le fleuve Oby, le Jénifca & les autres grandes rivières qui tombent dans les mers du nord, entraînent les glaces qui bouchent pendant la plus grande partie de Tannée ie détroit de "W^aigats , & rendent inabordable la mer de Tartarie par cette route , tandis qu'au-delà de la nouvelle Zemble & plus près des pôles | où il y a peu de fleuves & de terres , lesl glaces lent moins communes & la mer Tlicone (le hî Tere. 3 i j cQ pUis navigable ; en for'.e que Ç\ on vouloit encore tenter le voyage de la Chine & du Japon par les mers du nord, il faiidroit peut - être , pour s'éloigner le plus des terres & des glaces, diriger fa route droit au pôle , & chercher Jcs plus hautes mers, où certainement il n'y a que peu ou point de glaces ; car o\\ fait que i'eau (Iilce peut (an* fc geler de- venir beaucoup plus fkoide que l*cau douce glacte , & par conféquent le froid excefllf du pôle peut bien rendre l'eau de la mer plus froide que la glace, fuis que pour cela la liirface de la mer fe gcle, d'autant plus qu'à 80 ou 82 degrés, la furfacc de la mer , quoique mêlée de beaucoup de neige & d'eau douce j n'eft glacée qu'auprès des côtes. En recueil- lant les témoignages des Voyageurs fur le pafîlige de l'Europe à la Chine parla mer du nord ,, il paroît qu'il exirte, & que s'il a été (i fou vent tenté inutilement, c'elt parce qu'on a toujours craint dô s'éloigner des terres & de s'approcher du pôle , les Voyageurs l'ont peut - être regardé comme un écueil. Cependant Guillaume Barents qui Oij - \k ■ '3 I o Hifloire Naturelle, avoit échoué , comme bien d'autres , dans ion voyage du nord , ne douioit pas qu'il n'y eût un pafîàge, & que s'il fe fut plus éloigné des terres , il n'eût trouvé une mer libre & fans glaces. Des Voya- geurs Mofcoviies envoyés par le Czar pour reconnoîtreles mers du Nord, rap- portèrent que la nouvelle Zemble n'eft point une île , mais une terre ferme du continent de la Tanarie , & qu'au nord de la nouvelle Zemble c'efl une mer libre & ouverte. Un voyageur Holîan- cjois nous aflure que la mer jette de temps ^n temps fur la côte de Corée & du Japon , des baleines qui ont fur le dos des harpons Angk)is& HoIIandois. Un autre lloilandois a prétendu avoir été jufque fous le pôle, & affuroit qu'il y faifoit auffi chaud qu'il fait à Amftcrdam en été. Un Anglois nommé Goulden, qui avoit fait plus de trente voyages en Groenland, rapporta au roi Charles II, que deux vaineaux HoIIandois avec lefquels il faifoit voile, n'ayant point trouvé de baleines à la côie de l'île d'Edges , réfo- lurent d'aller plus au nord, & qu'étant, d<ï Retour au bout de quinze jours , ces \. < Théorie de la Terre. 3 17 HolLindois lui dirent qu'ils avoient uié jufqu'au 89"''' degré de laiitude, c'eft* à-dire , à un degré du pôle , & que ià V% n';ivoicnt point trouvé de glaces , mais une mer libre & ouverte, fort profonde & femblable à celle de la baie de Bifcaye , & qu'ils lui montrèrent quatre journaux des deux vailTeaux , qui atteftoicnt la même chofè Sa s'accordoient à fort peu de chofè près. Enfin il cil rapporté dans les Tranfadions phiiofophiques , que deux Navigateurs qui avoient entrepris de découvrir ce pifHige, firent une route de 300 iieues à l'orient de la nouvelle Zemble , mais qu'étant de retour la Compagnie des Indes qui avoit intérêt que ce padàge ne fût pas découvert , empêcha ces Navigateurs de retourner. Voye^ le recueil des voyages du Nord , page 200, Mais la Compagnie des Indes de Hollande crut au contraire qu'il étoit de fon intérêt de trouver ce paflTage ; l'ayant tenté inutilement du côté de l'Europe , elle le fit chercher du côté du Japon , & elle auroit apparemment réufîi , fi l'empereur du Japon n'eût pas interdit aux étrangers tome navigation du côté Oii; 318 HïJIoire Naturelle r ''' des terres de Jeflb. Ce paflàge ne peut donc (è trouver qu'en allant droit au pôle au-delà de Spitzberg, ou bien en fuiyant le miiieu de ia haute mer , entre H nouvelle Zemble 6i Spitzberg , fous le 79 """^ degré de latitude: fi cette mer ft une largeur confidcrable , on ne doit pas craindre de la trouver glacée à cette latitude , & pas même fous le pôle, pw jes raifons que nous avons alléguées; en effet, il n'y a pas d'exemple qu'on ait trouvé la furface de ia mer, glacée au iarge & à une diiîance confidérable des côtes, le feul exemple d'une mer tota- lement glacée eft celui de la mer noire, •elle cfl étroite & peu (àlée , & elle reçoit une très-grande quantité de fleuves qui 'viennent des terres fèptentrionales & qui y apportent des glaces, auffi elle gèle quelquefois au point que fà furface eft entièrement glacée , même à une pro- fondeur confidérable , & 1 fi on en croit les Hiftoriens, elle gela du temps de l'empereur Copronymc , de trente cou- dées d'épai/Teur, fans compter vingt 1 coudées de neige qu'il y avoit par-deflus la glace. Ce fait me paroît exagéré , mais! Théom de la Terre, jip il cft fôr qu'elle gh\e prefque tous les hivers ; tandis que les hautes mers qui font de mille lieues plus près du pôle, ne gèlent pas , ce qui ne peut venir que de la différence de la falure & du peu dé glaces qu'elles reçoivent par les fleuves, en comparaifoii de la quantité énorme de glaçons qu'ils tranfportent dans la mer noire. Ces glaces, que Ton regarde comme des barrières qui s'oppofènt à la naviga- tion vers les pôles & à la découverte des terres auftrales, prouvent (eulement qu'il y a de trè: grands fleuves dans ie voifi* nage <\ts d : ts où on les a rencontrées , par confév^' liât elles nous indiquent aufli qu'il y a de vafles continens d'où ces fleuves tirant leur origine , & on ne doit pas fe décourager à la vue de ces obflsi- da; car fi Von y fait attention, l'on reconnoîtra aifément que ces glaces ne doivent être que dans de certains en-* droits particuliers: qu'il eft prefqu'im- poffible que dans le cercle entia- que nous pouvons imaginer terminer les j terres auftrales du côté de Téquateur, il y ait par-tout de grands fleuves quj O iiij fJiflohe Naturelle, «... charient des glaces , & que par confëquent H y a grande apparence qu'on réulîlroit en dirigeant fa route vers quelqu'autre point de ce cercle. D'ailleurs ia defcrip- tion que nous ont cîonriée Dampier & c[uelques autres voyngeurs, du terrein de ïa nouvelle Hollande, nous peut faire foupçonner que cette partie du globe qui avoifine les terres auftralcs, & qui peut- ctre en fait partie, eft un pays moins ancien que le refle de ce continent inconnu. La nouvelle Hollande eft une terre baffe, fans eaux, fuis montagnes, peu habitée, dont les naturels font fau- vages & fans induftrie ; tout cela con- court à nous faire penfer qu'ils pour- rotent être dans ce continent à peu près ce que les Sauvages des Amazones ou du Paraguai font en Amérique. On à trouve des hommes policés , des empires & des rois au Pérou , au Mexique , c'eft4- dire, dans les contrées de l'Amérique les plus' élevées , & par conféquent les plus 1 anciennes; les Sauvages au contraire fe font trouvés dans les contrées les pliu baffes & les plus nouvelles; ainfi 011 peut préfumer que dans i'intériçur qu'à la Chine , eût communication M avec la mer de Syrie , & on ne pou- aï voit fe mettre cela dans Tefprit. Voici y> ce c|ui eft arrivé de notre temps , félon 93 ce que nous en avons appris : on a » trouvé dans la mer de Roum ou médi- >> terranée les débris d'un vaiHeau Arabe » c[ueia tempête avoit brifé , & tous ceux » qui le montoicnt étant péris , les flots 3> l'ayant mis en pièce, elles furent por- » tées par le vent & par la vague jufque 33 dans la mer des Coztrs , en de-là au ca- i9 nai de la mer méditerranée, d'où ell«s Théorie de h Terre. 323 furent enfin jetées fur la côte de Syrie. « Cela fait voir que la mer environne ce tout le pays de la Chine & de Cila, ce l'extrémité du TurqueAan & le pays ce des Cozars , qu'enfuite elle coule par c< le détroit jurqu'ù ce qu'elle baigne la ce côte de Syrie. La preuve ell tirée de c< la conftrudion du viiF* i dont nous ce venons de parler , «.^. il . /a que les qui a communication avec la mer des » Cozars, c*eft-à-dirc , de Mofcovie. » La mer qui eft au-delà du cap des.Cou- » rans e'toit entièrement inconnue aux 33 Arabes à cauie du péril extrême de ia y> navigation , & le comment, étoit habité y> par des peuples Ç\ barbares , qu'il n'éioit » pas facile de les foumettre, ni même a> de îcs cfvilifer par Je commerce. Les » Portugais ne trouvèrent depuis le cap 09 de Bonne - efpérance jufqu'à Soffala D3 aucuns Maures établis, comme ils en » trouvèrent depuis dans toutes les villes » maritimes jufqii'à la Chine. Cette vil'e » étoit la dernière que eonnoiiïbient lej » Géographes , mais ils ne pouy oient » dire i\ fa mer avoit communication par » l'extrémité de l'Afrique avec la mer de 35 Biarbarie, & ils fe conteritoient de la ao décrire jufqu'à la côte de Zwge qui eft » celle de Fa Cafrerie , c'eft pourquoi 30 nous ne pouvons douter que la pre- » mière découverte du pafîiige de cette a> mer par le cap de Bonne-cfpérance 3» n'ait été faite par les Européens fous la 3» coiiduiie d^ Yafco de Garaa ^ ou au Théorie de la Terre. '3 2 j moins quelques années avant qu'il dou- « blât ie cap j s'il ert vrai qu'il fe ioit « trouvé des cartes marines plus ancien- ce nés que cette navigation, où le cap ce étoit marqué fous ie nom de Fronteira « dû Afriqua» Antoine Galvan téraoi- et gne fur le rapport de Francifco de ce Soufa Tavares, qu'en 1528 l'Infant ce Don Fernand iui fit voir une fembia- « ble cane qui (è trouvoit dans ie monaf- ce tère d'Acoboca, & qui étoit faite il y «c avoit I 20 ans, peut-être fur celle qu'on ce dit être à Veniie dans ie tréfor de S.* ce Marc ,, & qu'on croit avoir été copiée « fur celle de Marc Paolo, qui marque ce aiiffi la pointe de l'Afrique , félon le car jufqu'à préfent on a cru avec quelque '328 Hifloire Naturelle: forte de vraifcmblance , que le comî- nent du pôle ardique efl féparé en eniicr des autres continens , au/lî - bien que celui du pôle antarcflique. L'aftrononiie & l'art de la navigation font portés à un H haut point de perfec- tion, qu'on peut raifonnablement efpérer d'avoir un jour une connoi/Tance exaâe de la furface entière du globe. Les Anciens n'en connoifToient qu^une aiïez petite partie » parce que n'ayant pas labouffoie, ils n'ofoient fè hafarder dans les hautes mers. Je fais bien que quelques gens ont prétendu que les Arabes avoient inventé la boufible , & s'en étoient fervis long- temps avant nous pour voyager fur la mer des Indes & commercer jufqu'à ta Chine. ( Voye^ l'Abrégé de l'HiJioire des Sarrasins, de Bergeron, page 11^), mais cette opinion m'a toujours paru dénuée de toute vraifèmblance ; car il n'y a au- cun mot dans les langues arabe, turque ou perfànne qui puiue fignifier la bouf- fole, ils (c fervent du mot Italien bojfola; ils ne fàvent pas même encore aujour- d'hui faire des boufToles ni aînianter les aiguilles^ de ils acheuent de» Europcens Théorie de Ja Terre, 329 celles dont ils fe fervent. Ce que U" le Père Martini au fujet de cette invention , ne me paroît guère mieux fondé, il pré- tend que les Chinois connoifToient la boufFolc depuis plus de trois mille ans , (Voys-^ Hift, Sinica, page j 06 ); m-ais fi ceiîl eft , comment c(i-il arrivé qu'ils en aient fait fi peu d*ufageî pourquoi prenoient-ils dans leurs voyages à la Co- chinchinc une route beaucoup plus lon- gue qu'il n*étoit nécefîàircî pourquoi fe bornoient-ils à faire toujours les menées voyages dont les plus grands étoicnt à Java & à Sumatra î ôc pourquoi n'au- roient-ils pas découvert avant les Euro- pe'cns une infinité d'îles abondantes & de terres fêriiles dont ils font voifins, s'ils avoient eu l'art de naviguer en pleine mer î car peu d'années a[)rès la décoii- verîe de cette merveilleiilè propriété de l'aimant , les Portugais firent de très- grands voyages, /ils doublèrent fe cap de Bonne-efpérance , ils traversèrent les mer? de l'Afrique & des Indes , Sa tandis qu'ils dirigeoient toutes leurs vues du coté de l'orient & du midi, Chriftophe Co^cmb tourna les fiennes vers roccident. 't; \i 330 Hijloire Naîurelk, Pour peu qu'on y fît attention , ij étoit fort aifé de deviner qu'il y avoit des efpaces immcnlcs vers l'occident ; caV en comparant la partie connue du globe, par exemple, la diftance de l'Elpagne à la Chine, & fhifant attention au mouve- ment de la révolution ou de la terre ou du ciel , il étoit aifé de voir qu'il refloit à découvrir une bien plus grande étendue vers l'occident que celle qu'on connoii^ foit vers Torient. Ce n efl donc pas par le défaut àc^ connoifTances agronomi- ques que les Anciens n'ont pas trouvé le nouveau monde, mais uniquement par ie défaut de la bouflbîe : les pafTages de Platon & d'Ariftote, où ils parlent de terres fort éloignées au-delà des colon- nes d'Hercule , femblent indiquer que quelques Navigateurs avoient été poufles par la tempête jufqu'en Amérique, d'où ils n'étoient revenus qu'avec des peines infinies; & on peut conjedurer que quand même les Anciens auroicnt été perfuadés de i'exiftence de ce continent par la relation de ces Navigateurs, ils n'auroîent pas même penfé qu'il fût pof- iible de s'y frayer à&% routes, n'ayant Théorie de la Terre, 331 aucun guide , aucune coxinoiiïance de h bou/lole. J'avoue qu'il n'efl pas abfolument im- poffible de voyager dans les hautes mei;S iïins boufToïe , & que des gens bien dér terminés auroient pu entreprendre d'aller chercher le nouveau monde en fe corv- duifant feulement par les étoiles voiftnes du pôle. L'aftrolabe fur-tout étant connu des Anciens, il pouvoit leur venir dans i'efprit de partir de France ou d'Efpagnè & de faire route vers l'occident , en laif- fant toujours l'étoile polaire à droite , & en prenant fou vent hauteur pour fe con- duire à peu près fous le même parallèle ; c'ed uns doute de cette façon que ie$ Girthaginois dont parle Ariftote , trou- vèrent Te moyen de revenir de ces terres éloignées , en iaidànt l'étoile polaire à gauche, mais on doit convenir qu'un pareil voyage ne pouvoit être regardé que comme une entrcprife téméraire ; & que par conféquent nous ne devons pas être étonnés que les Anciens n'en aient pas même conçu le projet. ^ On avoit déjà découvert du temps de ChriAophe Colomb les Açores , les N - > ^ - 3 3 2 Hiftoke Nûittrelk: Canaries , Madère : on avoit remarqua Cfue lorfque Jes vents d'oued avoient régné long-temps , ia mer amenoit fur les côtes de ces îles des morceaux de Lois étrangers; des cannes d'une efpèce inconnue , &. même des corps morts qu'on reconnoilîbit à plufieurs fignes n'être ni Européens ni Afriquams. ( Voyei i'Ui/ioire de Saint - Domîngue , par ie P, Charlevoîx , tome I, page 66 Ù" fuiv,) Colomb lui-même remarqua que du côté de Fouefl il vcnoit certains vents qui ne duroient que quelques jours, & qu'il (e perfuada être des vents de terre: cependant quoiqu'il eût fur les Anciens tous ces avantages y & la boufTole, les difficultés qui reftoient à vaincre étoiem encore fi grandes , qu'il n'y avoit que le fuccès qui pût jufiifier l'entreprife; car fuppofons pour un inftant que le con- tinent du nouveau monde eût été plus éloigné, par exemple, à mille ou quinze cents lieues plus loin qu'il n'ell en effet, chofc que Colomb ne pouvoit ni favoir ni prévoir, il n'y fèroit pas arrivé, & peut-être ce grand pays (eroit-il encore inconnu. Cette conje(n;ure efl d'autant Théorie ^e la Terre» j 3 j'. mieux fondée que Colomb, quoique le plus habile Navigateur de fon fièclc, fut laifi de frayeur & d'étonnement dans fon fécond voyage au nouveau inonde ; car comme la première fois il n'avoit trouvé que des îles , il dirigea fa route plus au midi pour tâcher de découvrir une terre ferme , & il fut arrêté par les courans , dont l'étendue confidérable & la direc- tion toujours oppofée à fa route , Tobli- gèrent à retourner pour chercher terre 2 l'occident : il s'imaginoit que ce qui lavoit empêché d'avancer du côté du midi n'étoit pas des courans , mais que la mer alloit en s'élevant vers le ciel , & que peut-être l'un & l'autre fe touchoient du côté du midi : tant il eft vrai que dans les trop grandes entreprifes la plus petite circonftance malheureufe peut tourner h tête & abattre le courage. V 3\^4 Hifloire Naturelle, »— — iim ■— — — — lii— > : PREUVES .; DELA THÉORIE DE LA TERRE. \ ARTICLE VIL Sur la produâiôn des couches ou lits de terre. Nous avons fait voir dans rafilcle premier, qu*en vertu de i'attraâion démontrée mutuelle entre ies parties de la matière , & en vertu de ia force centrifuge qui réfulte du mouvement de rotation fur fon axe, ia terre a néceffairement pris la forme d'un fphéroïde dont les diamètres diffèrent d'une 230'"*' partie, & que ce ne peut être que par les changemens arrivés à ia furface & caufés par les mou- vemens de l'air & des eaux , que cette dif- férence a pu devenir plus grande, comme on prétend le conclure par les mefures prifès à l'Equateur & au Cercle jjolaire. Cette figure de l'a terre qui s'accorde li bien avec les loix de i'hydroftatique & avec notre théorie, fuppole que le globe Théorie de la Terre, 3 3 j' ft été dans un ctat de liqucfaélion dans ie temps qu'il a pris (à forme , & nous avons prouvé que !e mouvcraent de projedioii & celui de rotation ont été imprimés en iTîême temps par une même impuidon. On fe perfuadera facilement que la terre a été dans un état de liquéfadlion produite par ie feu , iorfqu'on fera attention à !a nature des matières que renferme le globe, dont la plus grande partie , comme les fables & les glaifès, font des matières TÎtrifiées ou vitrifiabies , & lorfque d'ua autre côté on réfléchira fur rimpoffibilité qu'il y a que la terre ait jamais pu (è trou- ver dans un éiat de fluidité produite par les eaux , puifqu'il y a infiniment plus de terre que d'eau , 6c que d'ailleurs l'eau n'a pas la puiflance de diffoudre les fables, les pierres & les autres matières dont la terre cft compoféc. Je vois donc que la terre n a pu prendre fa figure que dans le temps où elle a été liquéfiée par le feu , & en fui- vant notre hypothèfe je conçois qu'au fonir du foleil la terre n'avoit d'autre forme que celle d'un torrent de matières fondues & de vapeurs enflammées \ quç 3 3^ Hïfloire Naturelle. ce torrent (è raflembla par l'attraélion mutuelle des parties , & devint un glohe auquel le mouvement de rotation donna lu figure d*un Iphéroïde , & lorfque la terre fut refroidie , les vapeurs qui s'ctoient d abord étendues , comme nous voyons s'e'tcndre les queues des comètes , fe con- densèrent peu à peu, tombèrent en e;ui fur la furface du globe , & déposèrent en même temps un limon mêlé de matières fulf'ureufes & falines, dont une partie s'eft gliflee par le mouvement des, eaux dans les î^vw^s perpendiculaires où elle a produit les métaux & les minéraux , & le rcfle eft demeuré à la furface de la terre & a produit cette terre rougeâtre qui forme la première couche de la terre & qui , fui- vant les difFérens lieux , eft plus ou moins Miêlée de particules animales ou végétales réduites en petites molécules dans lef- quelles l'orgini(âtion n'eft plus fenfible. Ainfi dans le premier état de la terre le globe étoit, à l'intérieur, compofé dune matière vitrifiée , comme je crois qu'il Teft encore aujourd'hui ; au - deffus de cette matière vitrifiée (è font trouvées les parties que le feu aura ie plus divifées, comme tomme fragmen; iîibles le pierres p île la mat formé le étoit rec( de 5 ou produite lorfque V dir; cette che limor tières qui par la viol des vapeu gèrent deJ iurmontèj Tel éti (a) Cette cou\'erte d'ed anciens, & glife: In muA nahat, dit S Terra erat im\ mrnui, dit Sémerfa tellu non erat adfpi Voyez auflî chap. 12. Tome Théorie Je la Tenèi 337J fcomme les fables, qui ne font que des fragmens de verre; & au-deflfus de ces {iil)les les parties les plus légères , les pierres ponces , îes écumes & ies fcories de la matière vitrifiée ont furnagé & ont forme ies glaifes & les argiles ; le tout ctoit recouvert d'une couche d'eau (a) de 5 ou 600 pieds d'épaiflèur, qui fut produite par la condenfation des vapeurs iorfque le globe commença à fe refroi- dir; cette eau dépofa par-toUt une cou- clie limonncufe mêlée de toutes les ma- tières qui peuvent fè fublimer & s'exhaler par ia violence du feu, & l'air fut forme des vapeurs les plus fubtiles qui fe déga- gèrent des eaux par leur légèreté, & les lurmontèrent. Tel étoit rétat du globe Iorfque (a) Cette opinion, que ïa terre a été entièrement couverte d'eau , cft ceile de quelcjiies Phiiofophes anciens, & même de ia plupart des Pères de l'É- glife : In mundi vrimordiolaqua in omnem terrant flag^ nahatt dit S.* Jean - Damafcène , liv. II, cfeap, 9, Terra erat inviftbiHs, quia exmdabat nqua & operiebac rerram, dit S.^ Ambroife, liv. I, Hexam. chap. S, Sukterfa tel/us dm effet, faciem ejus inundame aquâ , non erat adfpeâabilis , dit S.' Bafiie , Homélie 2. Voyei auflî S/ Auguftin, livre 1 de la GçïihÇe ,^ chap. 12, Tome L P '338 FTiflolrc Naturelle. i'adion du flux & reflux , ccifc des vents ÔL de ia chaleur du loleil commencèrent a altérer la furface de Ja terre. Le mcju- Tcment diurne & celui du flux & reflux clevèrent d'abord les eaux fous les cli- mats méridionaux, ces eaux cniraîiic.. rent & portèrent vers l'équateur le limon , ies glailcs , les fables , & en élevant les parties de l'équateur, elles abaiflèicnt peut-être peu à peu celles des pôles de cette différence d'environ deux lieues, dont nous avons parlé , car les eaux bri- sèrent bientôt & réduifirent en pouflière ies pierres ponces & les autres parrîcs fpongicules de ia matière vitrifiée qui éteient à la furface , elles creusèrent dts profondeurs & élevèrent des hauteurs qui dans la fuite font devenues des cou- tinens, & elles produifirent toutes les inégalités que nous remarquons à la fur- face de la terre, & qui font plus confi- dérables vers l'équateur que |)ar-tout ailleurs : car ies plus hautes montagnes font entre les tropiques & dans le mi- lieu des zones tempérées, & ies plus l^affes font au cercle polaire & au-delà,, Duiftjue l'on a entre les tropiques h\ femarqu texte de ^oin , qi état à pet ^a voyo] cune de< d'einplo' Thconc de la Terre, 35 c)' Cordilltrcs & prcfquc toutes les monia- giics du Mexique & du Brefil , les mon- iiigncs de l'Afrique , fa voir le grand & le pciit Atlas , les monts de la Lune, &c. oc que d'ailleurs les terres qui font entre les tropiques font les plus inégales de tout le globe, auflj-bien que les mers, puif- qu il fè trouve entre les tropiques beau- coup plus d'îles que par-tout ailleurs; ce qui fait voir évidemFiient que les plus grandes inégalités de la terre îc trouvent en effet dans le voifjnage de i'équateur. Quelque indépendante que foit ma théorie de cette hypoihèfe fur ce qui s'elt paffé dans le tenij^s de ce premier état du globe, j'ai été bien aife d'y renîonicr dans cet article, afin de faire voir la liai- fon & la poffibilité du fyftèmc qite j'aî propofé, & dont jVi donné le précis dans l'article premier ; on doit feulement remarquer que ma théorie, qui fait le texte de cet ouvrage, ne part pas de fi loin, que je prends la terre dans un i état à peu près iemblable à celui où nous la voyons , & c]ue je ne me fers d'au- R cune des fuppofiiions c|u'on ell oblige d'employer lorfqu'on veut raifonner fur Pi; 3 4<5 I"iîpoh'e Nui tt relie. l'état pafTé du gïobc terrcftre ; maïs comme je donne ici une nouvelle idée au fujct du limon des eaux qui , félon moi , a formé ia première couche de terre qui enveloppe le globe, il me pa- roît néceffaire de donner auffi les raifons fiir lefquelles je fonde cette opinion. Les vapeurs qui s'élèvent dans l'air, produi- fent les pluies , les rofées , les feux aériens , les tonnerres & les autres météores : ces vapeurs font donc mêlées de particules aqueufes , aériennes , fulfureufes , ler- reftres , &c. & ce font ces particules folidcs & terreftres- qui forment le limon dont nous voulons parler. Lorfqu'on laifTe dépofer de l'eau de pluie, il fe forme un fédiment au fond ; lorfqu'après avoir ramaflTé une afTez grande quantité de rofée , on la laiffe dépofèr & (e cor- rompre, elle produit une efpècc de li- mon qui tombe au fond^du vafe; ce iimon eft même fort abondant, & la roftc jcn produit beaucoup plus que l'eau de pluie ; il eft gras , onélueux & rougeâtre. La première couche qui enveloppe le globe de la terre eft compofée de ce îimon mêlé avec des parties de végéraiix en fui te aj dite de 1' qu'il fe P V S.44 Hiftoire Naturelle: De l'autre part ^^f'»*- o'*""^ & plus groffière 2. 6. X V I. Sabîe vîtrîfiâble très-fin , môIé cïe coquilles de mer fofîiles, qui n'ont aucune adhérence avec le làble , & qui ont encore leurs couleurs icoup plus de ï'ubflance de l'air & de l'eau , qu'ils n'en ti'eiu de la terre , il arrive qu'en pour- rif/ant ils rendent à la terre plus qu'ils n'en ont tiré; d'ailleurs une forêt déter- mine les eaux de la pluie en arrêtant les vapeurs, aînfi dans un bois qu'on conferveroit bien long - temps fans y toucher , la couche de terre qui fert à la végétation augmenteroit confidé- iablemc.it ; mais \çs animaux rendant moins à fa terre qu'ils n'en tirent , ifSc Ie$ hommes fairunt des coafomma- Théorie Ae la Terre, '3 5 5 tions cnornies de bois & de piaules pour le fcLi & pour d'autres ufjges, il s'enfuit que (a couche de terre végétale d'un p:iys habité doit toujours diminuer & devenir enfin comme le terrein de l'A- rabie pétrée , & comme celui de tant d'autres provinces de ''jrient, (jui eil cil effet le climat le plus anciennement habité, où l'on ne trouve que du Tel c^ des fables; car le fcl fixe des plantes & des animaux rcfle, tandis que toutes le;» autres parties (c volatilifem. Après avoir parlé de cette couche de terre extérieure que nous cultivons, il faut examiner la pofiiion & la formation des couches intérieures. La terre , dit Woodward , paroît, en quelqu'endroit qu'on la creufè, compofée de couches placées Tune fur l'autre, comme autant I de fédimens qui (èroient tombés (uccef- I fivement au fond de l'eau ; les couches qui font les /plus enfoncées, font ordi- nairement les plus épai(îes , & celles qui font fur celles - ci font les plus minces par degrés jufqu'A la furflice. On trouve des coquilles de mer , des dents & des os de poitTons dans cci différcmes couches | ■.% ^. .>^. ^. IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 l.l :: 1^ lia I Itt 112.0 1.8 1.25 1.4 1.6 ^ . — 6" ► V Norvège & en Suède , la pierre & les y> autres fubdances terreflres font difpo- » fe'es par couches de même qu'en An- as> gleterre ; que ces couches font divirées y> par des fentes parallèles ; qu'il y a au 1 yy dedans des pierres & d'autres fubf- 53 tances terreflres & compadles, une ■» grande quantité de coquillages , & i » d'autres productions de la mer difpo- •» ^^ç$ de la même manière que dans Théorie de h Terré, 357 cette île (c), J*ai appris que ces couches «c fe trouvoient de même en Barbarie , ce en Egypte , en Guiaée & dans les «c autres parties de T Afrique, dans i'A-cc rabie, ia Syrie, ia Perte, le Malabar, eç la Chine & ies autres provinces de oc l'A fie, à la Jamaïque, aux Barbades,cc en Virginie , dans ia nouvelle Angle- « terre, au Brefil , au Pérou & dans les ce autres parties de l'Amérique ». Ejfai fur ÎHiJloire Naturelle de lu Terre, pages jf, Cet auteur ne dit pas comment & par qui il a appris que les couches de la terre au Pérou contf noient des co- quilles, cependant comme en général fes obiervations font exa<5les, je ne doute pas qu'il n'ait été bien informé , & c'efl ce qui me perfuade qu'on doit trouver des coquilles au Pérou dans les couches de terre , comme on en trouve par-tout ailleurs; je fais cette remarque à i'occa- fion d'un doute qu'on a formé depuis peu fur cela , & dont je parlerai tout-à- l'heure. Dans une fouille que l'on fît à (q) En Angleterre! \ -358 Hifloîre Naturelle. Amfterdam pour faire un puits, on creufa jufqu'à 232 pieds de profondeur, (Sf on trouva les couches de terre fuivahtes, 7 pieds de terre végétafe ou terre de jardin , 9 pieds de tourbe , 9 pieds de gîaife molle , 8 pieds d'arène , 4 de terre , i o d'argile , 4 de terre , i o pieds d'arène , fur laquelle on a coutume d'appuyer les pilotis qui foutiennent \çi maifons d'Amfterdam; enfuitc çl pieds 4'argile , 4 d« fablon blanc , 5 de terre sèche, I de terre molle, 14 d'arène, % d'argile niéiée d'arène, 4 d'arène mêlée de coquilles, enfuite une épaif- feur de 100 & 2 pieds de gîaife, & enfin 3 i pieds de fable , où l'on ce/Ta de creufer. Voye^ Varenîi Ceogr, gemml ^age 46, 11 eft rare qu'on fouille auffi profon- dément fans trouver de l'eau , & ce fait efl: remarquable en plufieurs chofes: I .° il fait voir que l'eau de fa mer ne communique pas dan$ l'intérieur de la terre par voie de fil ion ou de ftiila- tion, comme on le ^ jit vulgairement; 2." nous voyons qu'on trouve des co- quilies à 100 pieds au - delTous de la qu'elle c formatio des eau) avons d ion voi il faudro plutôt < plaines J: tagnes c conditioj fclées ici haitcr qi une plu; l'auteur pas de c n creufa eur, îk\ ivahies , lerre de pieds de , 4 de I o pieds coutume inent les ^ pieds de terre d'arène, , d'arène le épaif- rlaife, & 'on cefia Théorie de la Terre, '3 5^ furface de la terre dans un pays exirê- meiTient bas, & que par conféquent le tcrrein de la Hollande a été élevé de 1 00 pieds par les fédimens de la mer ; 3." on peut en tirer une inducîlion que cette couche de glaife épaifTe de 102 pieds , & la couche de fable qui efl au-deHTous, dans laquelle piii a fouillé à 31 pieds, & dont Tépaiflèur entière eft inconnue , ne font peut-être pas fort cloignées de ia première couche de la vraie terre ancienne & originaire , telle qu'elle étoit dans le temps de fa première formation & avant que le mouvement des eaux eût changé fa furface. Nous avons dit dans l'article premier, que fi l'on vouloit trouver la terre ancienne, il faucjroit creufer dans les pays du nord plutôt que vers l'équateur, dans les plajnes baffes plutôt que dans les mon- tagnes ou dans les terres élevées. Ceji conditions (e trouvent à peu près raffem- blées ici ; feulement il auroit été à fou- haiter qu'on eût continué cette fouille à une plus grande profondeur , & que l'auteur nous eût appris s'il n'y avoit pas de coquilles ou d'autres produdioris " .v •#. 3 '^6 Hijîotre Naturelle: marines dans cette couche de glaî{è (Je 102 pieds d^épaifTeur & dans celle de fable qui e'toit au-deffbus. Cet exemple confirme ce que nous avons dit ^ favoir , que plus on fouille dans l'intérieur de la terre , plus on trouve les couches épaifles, ce qui s'explique fort naturellement dans notre théorie. •. Norv-(eulement îa terre eft compofée tîe couches parallèles & horizontales dans les plaines & dans les collines , mais les montagnes même font en général corn- pofées de la même façon : on peut dire que ces couches y font plus app*arentes que dans le5 plaines, parce- que les plaines font ordinairement recouvertes d'une quantité aflèz confidcrable de fable & de terre, que les eaux y ont amenés, & pour trouver les anciennes couches il faut creufèr plus profondément danS| ïes plaines que dans les montagnes. J'ai fou vent obfèrvé que lorfqu'unc montagne eft égale & que fbn fommet ell de niveau , ics couches ou lits de pierre qui la compolent, font auiïi dci niveau ; mais fi le fommet de la mon- tagne ncft pas pofé horizontalement, & 3ii s'il pen( autre ce chent ai dire à ph dfnaire I pencheni mais ayar carrières qui Cq fc reconnu & que le ne pench( que le foi ce même fommet s' midi, dul côté , Igs côté du ï &c. Lorf marbres d cie ïes fép turelle, & avoir en g couper da les emploie nerie foit 1 durent Ion Tome h Théorie lie la Tare, j^i" s'il penche vers l'orient ou vers tout autre côté , les couches de pierre pen- chent auffi du même côté. J'avois ouï dire à piufieurs perfonnes que pour i*or- dinaîre les bancs ou lits des carrières penchent un peu du côté du levant , mais ayant oblcrvé moi-même toutes fes carrières & toutes les chaînes de rochers qui fe font préfcntées à mes yeux, j*ai reconnu que cette opinion ell fàu(tè , & que les couches ou bancs de pierre ne penchent du côté du levant que Ior(^ que le fommet de la colline penche de ce même côté ; & qu'au contraire il le fommet s'abaiiïè du côté :du nord , du midi y du couchant ou de tout autre côté , los lits de pierre penchent auiïi du côté du nord, du midi, du couchant, &c. Lorfqu'on tire les pierres & les marbres des carrières , on a ^rand foin de les féparcr fuivant leur pofition na- turelle, & on ne ponrroit pas même les avoir en grand volume (i on vouloit les couper dans un autre (ens ; lorfqu'oa les emploie , il faut pour que la maçon- nerie foit bonne & pour que les pierres durent long - temps ; les polèr fur leur Tme L Q '^6i Hiftoire Ndîurelle, Ht de arrière , c'eft ainfi que les ouvriers appellent la couche horizontale : fj dans la maçonnerie les pierres étoient pofc'es fur un autre fêns, elles fè fendroient d: lie réfifteroi^nt pas auflî long-temps au poids dont çlles font chargées. On voit bien que ceci confirme que les pierres fè font formées par couches parallèles âc horizontales, qui fê font fucceffivement accumulées les unes fur les autres , & que ces couches ont compofé des maffes dont la réfiftance eft plus grande dpns ce (t\M que dans tout autre. .y, Au refle, chaque couche, foît qu'elfe foit horizontale ou inclinée , a dans toute fon étendue une épai/feur égale, c'eft'. à- dire, chaque lit d'une matière quel- conque , pris à part , a une épaiffeur égale dans toute fon étendue ; par exem- ple, lorfque dans une carrière le lit de pierre dure a 3 pieds d'épaiflèur en un endroit, il a ces 3 pieds d'épaiflèur par^ tout; s'il a fix pieds d'épaiflèur en un endroit , il en a 6 par - tout. Dans les carrières autour de Paris Iç lit de bonne pîerrp n'eft pas épais, & il n'a guère qye 1$ ^ ^p pouces d'épai/Tçur par -tout; Théorie de la Terré: 3^3 dans d*autres carrières , coininc en Bour- gogne , la pierre a beaucoup plus d'épaif. leur , il en e(l de même des marbres , ceux dont le iic e(l le plus épais , font les marbres blancs & noirs , ceux de couleur (ont or- dinairement plus minces, & je connoî& des lits d'une pierre fort dure & dont les payfans (ê fervent en Bourgogne pour couvrir leurs maifons , qui n'ont qu'un pouce d'épaiffeur. Les épaiffeurs des dif- férens lits font donc différentes , mais chaque lit conferve la même e'paifîcur dans toute fon étendue : en générai on peut dire que l'épaiflèur de> couches horizontales eft tellement variée, qu'elle va depuis une ligne & moins encore » jufqu'à I, 10, 20, 30 & 100 pieds d'épaiHlfiur ; les carrières anciennes 6c nouvelles qui font creufées horizontale- ment ; les boyaux des mines , & les cou- pes à plomb , en long & en travers , de plufieurs montagnes , prouvent qu'il y a des ^couches qui ont beaucoup d'éten- due en tout fèns. « Il eft bien prouvé, dit Thiftorlen de l'Académie , que ce toutes les pierres ont été une pâte ce molle , Sl comme il y a des carrières ^ \ t» 3 64. Ifijloke Ndîurellc. » prefquc par-tout , la furface de ïa terre »a donc été dans tous ces lieux, du y> moins jufqu'à une certaine profon- » deur , une vafc & june bourbe ; les co- » qui liages qui fe trouvent dans prefque T> toutes les carrières., prouvent que cette » vafe étoit une terre détrempée par l'eau » de la mer , & par conféquent la mer » a couvert tous ces lieux-là , & elle n a 3î pu les couvrir fans couvTÎr ;iufli tout 7> ce qui ^ott de niveau ou plus bas, y> &. elle n*a pu couvrir tous les lieux X» où H y a des carrières & tous ceux qui » font de nîveau ou plus bas , (ans cou- >3 vrir toute la furface du globe terreftre. j> Ici l'on ne confidère point encore les >î montagnes que la mer auroit dû cou- w vrir aiâlfi , puifqu*il s'y trouve toujours j » des carrières & fouvent des coquil- » lages ; û on les fuppofoit formées, lel >j raifonnement que nous fàifons en de-j » vicndroit beaucoup plus fort. » La mer , continue - 1 - il , couvroitl d> donc toute la terre , êc de-là vient quel >y tous les bancs ou lits de pierre qiril >3 font dans les plaines, font horizontaw| » & parallèles entr'eux , les poUTon ffuron du gf( Jii ;inii coinm les gra qu'elle fe préd prit, c' JnoJiis ; n'étoit j mêlé d( les voiit îemps, j Jre fubi îojufjées '■empl/s,, iiiie parti fera c/evc ^ie aux î féaux ; fej cordent i qu'il n'a ^Gi^t dans pierreu/ês ^'nairemei ,^'1 g'-and] \mhii de erre du fon- & co- fque cette l'eau i mer le n'a 1 tout s bas, i lieux ux qui \s cou- rreftre. core les û cou- ou jours I coqull- iiées, l«l en de- Théorie de la Terre, 365 auront été les plus anciens habitans et du globe, qui ne Y>ouvoit encore avoir a ni sniinaux terreflres , ni oi^aux. Mais ce comment la mer s'eft-elle retirée dans c< les grands creux , dans les vafles bailîns c< qu'elle occupe pré(entement î Ce qui ce fe prcfente le plus naturellement à l'ef- « prit, c'eft que le globe de la terre, du « moins jufqu'à une certaine profondeur , u n'étoit pas folide par-tout , mais entre- « mêlé de quelques grands creux dont « les voûtes fe font foutenues pendant un w temps, mais enfin font venues à fon- «< tire fubiiement ; alors les eaux feront ce tombées dans ces creux , les auront « remplis, & auront laiflé à découverte une partie de la furface de la terre qui ce fera devenue une habitation convena- ce ble aux animaux terrcftres Ôc aux oi- ce féaux : les coquillages des carrières s'ac- ce cordent fort avec cette idée , car outre ce qu'il n*a pu fc confcrver julqu'à pré- « fent dans les terres que des parties ce pierreufes des poiffons, on fait qu'or- ce dinairement les coquillages s'amafTcnt ce en grand nombre dans certains en- ce [droits de la mer^ où ils font comme ce Q "; 3 6 6 Hi/Ioirâ Naturelle. 7> immobiles & forment des efpèccs de Tt rochers, & ils n'auïom pu fuivre les » eaux qui les auront ful)iiemcnt abnn- » données ; c'efl par cette dernière raifoti 35 que l'on trouve infiniment plus de y> coquiiI;)ges que d'arêtes ou d'empreintes » d'autres poinons, & cela même prouve >3 une chute foudaine de la mer duiis » les baflins. Dans le même temps cjiie » les voûtes que nous fuppofons , ont » fondu, il eft fort pcflîble que d'autres » parties de la furfltcc du globe fe foie.it >5 élevées, d par la même caufê, ce feront » là les montagnes qui fc feront placées 55 fur cette furface avec des carrières déjà y> toutes formées ; mais les lits de ces car- y> rières n'ont pas pu conserver la di- y» ïtÔAon horizontale qu'ils avoient au- 9> paravent , à moins que les maffes des yy montagnes ne fè fuflêni; élevées pré- a> cifément félon un axe perpendiculaire »3 à la furface de la terre , ce qui n'a pu » être que très- rare: aufli, comme nous >3 l'avons déjà oblèrvé en 1708 ( po^i •Xi ^ 0 & fuîv. ), les lits des carrières des » montagnes font toujours inclinés à » l'horizon ; mais parulièles entr'eux , Théorie Je la Terré* 3 ê-f^ car îîs n'ont pas changé de pofition les « uns à l'égard des autres , mais feulement c< à l'égard de la furface de fa terre. » Voye^ les Mém, de l*Acad. année 1 yi 6 » page i^ & fuïv. de VHifioire, Ces couches parallèles , ces lits Je terre ou de pierre qui ont été formés par les fédimens des eaux de la mer, s'étendent fouvent à des diflances très- confidérables , & même on trouve dans les collines féparées par un vallon les même lits , les mêmes matières , au même niveau. Cette obfervation que j'ai faite, s'accorde parfaitemeat avec celle de Té- galité de la hauteur des collines oppo- ses dont je parlerai tout-à-l'heure ; on pourra s'afTurer aifément de la vérité de ces faits, car dans tous les vallons étroits, où Ton découvre des rochers, on verra que les mêmes lits de pierre ou de marbre fe trouvent des deux côtés à la même hauteur. Dans une campagne que j'habite fouvent & où j'ai beaucoup examiné les rochers & les carrières , j'ai trouvé une carrière de marbre qui s'é- tend à plus de 12 lieues en longueur & dont la largeur cft fort confidérablci Qm; le. :3 68 HiJIoite Naturelle quoique je n'aie pas pu m'adurcr pre'- cifément de cette étendue en largeur. J'ai fou vent oLfervé que ce lit de marbre a la même épaifleur par - tout , & dam des collines fe'parécs de cette carrière par un vallon de loo pieds de profon- deur & d'un quart de lieue de largeur, )*ai trouvé le même lit de marbre à k même hauteur : je fuis perfuadé qu'il en eft de même de toutes les carrières de pîerre ou de marbre où l'on trouve des coquilles ; car cette obièrvation l 'a pas lieu dans les carrières de grès. Noiis donnerons dans la fuite les raifons de cette différence , à nous dirons pour- quoi le grès n'ell pas difpofé , comme les autres matières , par lits horizontaux, & qu'il eft en blocs irréguliers pour la forme & pour la pofition* On a de même obfervé que les lits de terre font les mêmes des deux côtés des détroits de la mer , & cette obferva- lion , qui efl: importante , peut nous con- duire à reconnoître les terres & les i!es qui ont été féparées du comment ; dîe prouve , par exemple , que l'Angleterre a été féparéc de la France ; l'Efpagne de Théorie de la Terre. '^6^ ra\rrique , la Sicile de l'Italie , & il feroit à fouhaiter qu'on eût fait la «iiêiiie ohfèr- vation dans tous les détroits ; je fuis per- fuadé qu'on ia trouveroit vrarc prcfque par-tout , & pour commencer par le pius long détroit que nous connoi(ÎJons , qui- ell celui de Magellan , nous ne favons» pas fi les mêmes lits de pierre fe trouvent. à la même hauteur des deux côtes , mais- nous voyons à finfpedlion des cartes, particulières de ce détroit , que les deux. côtes élevées qui le bornent , forment à. peu près comme les montagnes de la^ terre , des angles correfpondans , & que. les angles faiilans font oppofés aux angles- remrans dans les détours de ce détroit,, ce qui prouve que la terre de Feu doit être regardée comme une partie dti con- tinent de l'Amérique; il en eft de même du détroit de- Eorbisher , l'île de FriP lande paroît avoir été féparée du conti- nent du Groenland» Les lies Maldives ne font feparées les. unes des autres que par de peuts trajets- de mer , de chaque côté defquels fe, trouvent des bancs & des rochers com— pofcs de la m|mc matière ; toutes ec^> (^jo Hifloire Naturelle. îles qui, prifês cnfèmble, ont près de ^oo lieues de longueur, ne formoient autrefois qu'une même terre , elles font divifées en treize provinces que Ton ap- pelle AtoUons, Chaque Atollon contient un grand nombre de petites îles dont la plupart font tantôt fubmergées , & tantôt à découvert ; mais ce qu'il y a de remar- quable, c'eft que ces treize Atolions font chacun environnes d'une chaîne de ro- chers de même nature de pierre , & qu'il n'y a que trois ou quatre ouvertures dangereufes par où on peut entrer dans chaque Atollon; ils font tous pofés de fuite & bout à bout, & il paroît évidem- ment que ces îles étoient autrefois une longue montagne couronnée de rochers. Voye-^ Voyages de Franc. Pyrard, vol. L Paris, lyip, page j 08, &c. Pfufîeurs auteurs, comme Verftegan, Twine , Sommer , & fur-tout Campbell dans (Il defcription de l'Angleterre , au chapitre de la province de Kent , don- nent des railbns trcs-fones , pour prouver que l'Angleterre éj^oit autrefois jointe à la France , & qu'elle en a été féparee par un coup de mer qui s'étant ouvert Théorie Je la T re, f-/x cette porte , a iaifle à découvert une grande quantité de terres baffes & maré- cageufes tout le ïong des côtes me'ridio- niles de l'Angleterre. Le Doélcur Waliis fait valoir comni« ure preuve de ce fait, la conformité de l'ancien langage des Gallois & des Bretons, & il ajoute piu- fieurs obfervations que nous rapporte- rons dans les articles fuivans. Si Ton confidère , en voyageant , îa forme des terreins , la pofition des mon- tagnes & les fjnuofités des rivières , on s'apercevra qu'ordinairement les collines oppofées font non-feuïement compofées des mêmes matières, au même niveau, mais même qu'elles font à peu près également élevées : j'ai obfervé cette égalité de hauteur dans les endroits où, j'ai voyagé ; & je l'ai toujours trouvé la même , à très - peu près , des deux: côtés, fur -tout dans les vallons ferrés, & qui n'ont tout au plus qu'un quart ou un tiers de lieue de largeur ; car dans les grandes vallées qui ont beau- coup plus de largeur, il eft affez difficile de juger exadtement de la hauteur des «oliines & de leur égalité ; parce qu'il y 37^ Hifioire Naturelle. a erreur d'optique & erreur de jugemeiitf en regardant une plaine ou tout autre terrein de niveau , qui s'étend fort au loin , il paroît s'élever , & au contraire en voyant de loin des coUînes, elles paroiflënt s'abaiflèr: ce n'efl pas ici le lieu de donner la raifon mathématique dé cette différence. D'autre coté il eft fort difficile de juger par lé fimple coup d'œil où (e trouve le milieu d'une grande vallée, à moins qu'il n'y ait une rivière; au lieu que dans les vallons ferrés le rapport fÏQS J^^^ ell moins équivoque & le jugement plus certaiii. Cette partie de la Fourgogne qui eft comprife entre Auxerre, Dijon, Autun & Bar- fur- Seine, & dont une étendue con fi dérabfe s'appelle le bailliage de la Montagne, eft un d^s endroits les plus élevés de la France; d*un côté dé la plupart de ces montagnes qui ne font que du fécond ordre, & qu'on ne doit regarder que comme des collines élevées, les eaux cowfent vers l'océan , & de l'autre- vers la médîterranée ; il y a des points de partage , comme à Sombernon , Pouillî «n Auxoîs, &c. où on peut tourner les Théorie Je la Terre, -^jj eaux îndi/ïeremment vers l'oc» ou quelques petits accidens particu- » liers, îc hafarda dû mettre au jour un» y> infinité de ces fortes de curiofités que » les Philofophes même , fi c*étoient des » Philofophes , ne regardoient qu'avec 33 une furprife ignorante ou une légère 33 attention , & tout ceîa périfîbit fms 33 aucun fruit pour le progrès des con- 33 noiiïànces. Un Pot'er de terre qui ne 33 favoit ni laiin ni grec, fut le premier (d) ( d ) Je ne puis m'empêcher d^obfcrver que le fciitimcni de Palifly avoit été celui des Ancien;: vers là i dans Pi Doéleu] étoient ( autrefois elles fè 1 maux, & àom\é ai différent! hardîmei d'attaque Palirfy , Phyficrei former u dormi pi même d Enfin I réveillées Savans , méritoien coquilles rées que Crnchufas , piquemi faU cmum fignun Haodotus Flùtarchus . à A^iia , pa Théorie Je la Terre, 391 vers la fin du xvi.* fiècle qui odi dire « dans Paris , & à la face de tous les « Dodleurs , que les coquilles fofîiles c< étoient de véritables coquilles dépofées ce autrefois par la mer dans les lieux où cç elles (e trouvoient alors; que des ani- « maux, & fur-tout des poiflbns, avoient « donné aux pierres figurées toutes leurs « différentes figures , &c. & il défia ce hardiment toute i'écoie d*Ariftotc ce d'attaquer fes preuves ; c'eft Bernard ce PaliflTy , Saintongeois , aufïï grand ce Phyficien que la Nnture leule en puiffe ce former un ; cependant fon fyftème a ce dormi près de cent ans , & le nom ce même de l'auteur eft prefque moru ce Enfin les idées de PaiiflTy fe font ce réveillées dans Fefprit de plufieurs M.ifgré cela, ce doit être encore une y> choie étonname que le fujet des obfer- » valions préfentes de M. de Reaumur, y> une mané de 130 millions 680 niiiie » toifes cubiques, enfouie fous terre, qui 3> n*eft qu'un amas de coquilles ou defrag- » mens de coquilles , fans nui mélange de » madère étrangère, ni pierre, ni terre, 3> ni (àble ; jamais jufqu'à préfent les 3> coquilles foUIles n*ont paru en cette » énorme quantité , & jamais, quoiqu'en » une quantité beaucoup moindre, eiies » n*ont paru fans mélange. C'eft en y> Touraine que fe trouve ce prodigieux y> amas à plus de 3 6 lieues de la mer : on » Ty connoît, parce que les payfans de ce » canton fe fervent de ces coquilles qu'ils » tirent de terre , comme de marne , pour » fertiiifer leurs campagnes , qui fans cela » feroient abfblument ftériles. Nous laif- a> fons expliquera M. de Reaumur, com- » ment ce moyen affez particulier , & en a» apparence affez bizarre, leur réuifit; Théorie de la Terre, 35 3 nous nous renfermons dans la fingu- c< iariié de ce grand tas de coquilles. «c Ce qu'on tire de terre , & qui ordi- tx, nairetnent n'y eA pas à plus de 8 ou p c« pieds de profondeur , ce ne font que (c de pedts fragmens de coquilles, très- » reconnoiflTables pour en être des frag- ce mens ; car ils ont les cannelures ^rès- «c bien marquées, feulement ont-ils perdu « leur luifant & leur vernis , comme pref- «c que tous les coquillages qu'on trouve ce en terre, qui doivent y avoir été long- ce temps enfouis. Les plus petits fragmens cf qui ne font que de la poudière , font « encore reconnoilFables pour être des c< fragmens de coquilles , parce qu'ils ce font parftiltement de la même matière «c que les autres , quelquefois il fe trouve ce des coquilles entières. On reconnoit ce les efpèces , tant des coquilles entières c< que des fragmens un peu gros, quel- «< ques-unes de ces efpèces font connues çc fur les côtes de Poitou, d'autres appar- ce tiennent à des côtes éloignées. Il y a ce jufqu'à des fragmens de plantes marines ce pierreufes , telles que des madrépores , ce des champignons de mer, &c. tout? « Rv I ! 3p4 f^i/folre Naturelle. >} cette matière s'appelle dans le pays du » Le canton qui, en quclqu'endroit » qu'on le fouille, fournit du falun, a » bien neuf lieues carre'es de fur face. 3> On ne perce jamais la minière de fu- » lun OM fa lanière au-delà de 20 pieds, î3 M. de Rcauniur en rapporte les rai- •» fons, qui ne fojt priles que de la com- y» modité des laboureurs & de l'épargne 3> ÛQS frais; ainfi les faïunicres peuvent >? avoir une profondeur beaucoup plus y> grande que celle qu'on leur connoît : 5> cependant nous n'avons fait le calcul » des 130680000 toifes cubiques, que » fur le pied de i 8 pieds de profondeur, 7> ôi non pas de 20 , & nous n'avons y> mis la lieue qu'à 2200 toifes ; tout a 33 donc été évalué fort bas, & peut-être » l'amas de coquilles efl-il de beaucoup yi plus grand qire nous ne l'avons pofé ; y> qu'il Ibit feulement double, combien la P9 n^prvcilîe augmente- t-elle l » Dans les faits de Phyfîquc , de petites » circonftances que la plupart des gens 3> ne s'aviieroient pas de remarquer , 33 tirent quelquefois à conféquence ^ Théorie tic la Tcm. jpj' donnent des lumières. M. de Reaumur ce a obfcrvé que tous les fVagincns de ce cocjuiilcs font dans leur t .s pofés fur ce ic plat & horizontalement ; & de-là il a « conclu cjuecctie infinité de fragmcns ne ce font pas venus de ce que dans le tas ce forme d'abord de coquilles entières, les ce fupcrieurcs auroient par leur poids brilc ce Icj inférieures , car de cette maniOre il ce fe feroit fait des écroulenicns qui au- ce ro'cnt donné aux fragmcns une infinité dû être apportées & dépofécs douce- i» ment , lentement , & par conféquent * en un temps beaucoup plus long » qu'une année. » Il faut donc, ou qu'avant, ou qu'a- » près le déluge la furfâce de la terre ait » été , du moins en quelques endroits , » bien différemment difpofée de ce 9» qu'elle eit aujourd'hui ; que les mers Théorie de la Terre» jc)/ & les continens y aient eu un autre c< arrangement , & qu'enfin il y ait eu un « grand golfe au milieu de la Touraine. c< Les changemens qui nous font connus « depuis le lemps des hiftoires ou des ce flibles qui ont quelque chofe d'hiftori- c< que, fontà ia vérité peu confidérabies , c« mais ils nous donnent lieu d'imaginer c€ aifément ceux que des temps plus longs « pourroient amener. M. de Reaumur c< imagine comment le golfe de Tou- c< raine tenoit à l'océan , & quel étoit le ce courant qui y charioit \q.^ coquilles , «c mais ce n'eft qu'une fimple conjecflure ce donnée pour tenir lieu du véritable fait c< inconnu , qui fera toujours quelque c< chofe d'approchant. Pour parler fûre- « ment fur cette matière, il faudroit avoir ce des efpèces de cartes géographiques près les rochers coupés à plomb , & on voit que dans les iiîs inférieurs il y a des coquilles & d'autres productions marines : mais pour aller par ordre , on en trouve fur les montagnes d'Efpagne, fur les Pyrénées, fur les montagnes de France , fur celles d'An- gleterre J d.ms toutes les carrières de marbre en Flancjre, dans les montagnes de Gueldres , dans toutes les collines autour de Paris, dans toutes celles de Bour- gogne & de Champagne, en un mot dans tous les ipndroits où }e fon(jl dii tçrrciri \ l! 4 40 8 I-IiJIolre Nrodu(îlions des infedes de mer, comme es madrépores, les coraux , les aftroïies, &c. Je puisaiïurcr, & on s*cn convain- cra par (es yeux quand on le voudra, que dans la plupart des pierres calcinabîes & des marbres il y a une fi grande quan- tité de ces produdions marines , qu'elles paroifîcnt furpalTer en volume la maiicre qui les réunit. Mais fuivons ; on trouve ces produc- tions marines dans les Alpes, même au- defTus des plus hautes montagnes, par exemple, au-de(îus du mont Cénis, on en trouve dans les montagnes de Gènes, dans les Apennins & dans la plupart des carrières de pierre ou de marbre en !talie. On en voit dans les pierres dont font bâtis les plus anciens édifices des Romains, il y en a dans les montagnes du Tirol & dans Tluvnc rie la Terre. 40J) dans le centre de l'Italie, au fomm*:. du mont Paicrn? près de Boulogne, dans les mêmes endroits qui produilcnt cette pierre lumincufe qu'on appelle la pierre de Boulogne; on en trouve dan^ des collines de la Pouille, dans celles de U Calabre, en plufieurs endroits de l'Allc- mrgne & de la Hongrie, & gcncr.ilcniciit daas tous les lieux élevés de ITuropc. Voye-^fur cela Stenon , Hay , Woudvard, h'c. En Afie 6c en Afrique, les voyageurs en ont remarqué en plufieurs endroits, par exemple, fur la montagne de Ciitra- van au-dcfîus de Barut il y a un lit (Je pierre blanche, mince comme de l'ar- doife, dont chaque feuille coniiv.nt un grand nombre & une grande diverfae de poifTons , ils font la plupart fort pL.ts & fort comprimés, comme efl la fougère fofllle, & ils fon* cependant fi bien con- fervés , qu'on y remarque parfai rement jufqu'aux moindres traits des nageoires , des écailles & de toutes les parties qui diftinguent chaque efpèce de poison. On trouve de même beaucoup d'ourfins de mer & de coquilles péiri/iJcs cnire Suez & le Caire, & fur toutes \^s col.ines Tume L S :• ■: I 4 î o H'ifloire Naturelle. & les hauteurs de la Barbarie, fa plupart font exu(5iement conformes aux erpèccs qu'on prend a(fluel!ement dans la mer rouge. Voye^ les voyages de S/iaw, volume 11, pages yo& S ^, Dans notre Eu- rope , on trouve des poifions pétrifies en SuifTe, en Allemagne, dans la carrière d'Oningen, &c. La longue chaîne de montagnes , dit M. Bourguet, qui s*étend d'occident eu orient, depuis le fond du Portugal juf- qu'aux parties les plus orientales de \\ Chine, celles qui s'étendent colïatéra- iement du coté du nord & du midi, les montagnes d'Afrique & d'Amérique qui nous Ibnt connues , les vallées & \q% plaines de l'Europe, renferment toutes é^% couches de terre & de pierres qui font remplies de coquillages, & de-là on peut conclure pour les autres parties (du monde qui nous font inconnues. Les îles de l'Europe, celles de PAfie & de l'Amérique où les Européens ont eu Qccafion de creulcr , foit dans les montagnes, foit dans les plaines, four- îiifTcnt aufli des coquilles, ce qui fut voir qu'elles ont cela de commun avec -C Théorie de la Terre. 4 1 1* îcs coniinens qui les avoifincnt. Voye? ÏMtres philojbph, fur la formation des fels , page 2 0 j . En voilà afîèz pour prouver qu'ea effet on trouve des coquiiles de mer, des poiflbns pétrifiés & d'autres produdions marines prefque dans tous les lieux où on a voulu les chercher , & qu'elles y font en prodigieule quantité. «II elt vrai, dit un auteur A nglois, ( Tancred Robbfon ) qu'il y a eu quel- ce ques coquilles de mer dirperfées çà & « là fur la terre par les armées , par les ce habiians des villes & des villa g^'S: & ce que la Loubère rapporte dans Ton c< voyage de Sîam , que les linges au cap être de-là que la ville a pris fon nom de 33 Promontoire-blanc * La Nakoura, nom- 33 mée anciennement Scala Tyriorum, ou 33 V Echelle des Tyrien: , eiï à peu près 53 de la même nature, & Ton y trouve ' Thé on e de la Terre* 415 encore , en y creufant , quantité de tt toutes fortes de coraux , de coquilles. » Voyej^ les. Voyages de Shaw, « On ne trouve fur le mont Sinaï que peu de coquilles fofîiles & d'autres c« ieinblables marques du déluge , à moins e< qu'on ne veuille mettre de ce nombre c< le Tamarin fofFiIe des montagnes voi- c< fines de Sinaï, peut-être que la madère c< première dont leurs marbres fe font ce formés , avoit une vertu côrrofive & ce peu propre à les confervcr ; mais à Co- c< rondel , où le roc approche davantage ce de la nature de nos pierres de taille , je <« trouvai plufieurs coquilles de moules c< & quelques pétoncles, comme aufîi manqué de trouver auprès de Ccraldo , » félon l'avis que vous m'en avez donné , y> plufieurs montagnes de fable toutes 3> farcies de diverses coquilles. Le Monte- i>marîo, à un mille de Rome, en eft 35 tout rempli ; j.'en ai remarqué d;uis les 3> Alpes , j'en ai vu en France & ailleurs. 55 Oléarius, Stcnon, Cambden , Specd y> & quantité d'autres Auteurs tant an- 3î ciens que modernes , nous rapportent 33 le même phénomène. 3> Idem , tome II, page ^12, « L'île de Cerîgo étoît ancîenne- M ment appelée Porphyrîs ^ à caufe de la quantité de porphyre qui s'en tiroit. » Voyage de, Thevenot, tome I , page 2j, Or on fait que ie porphyre eft compofé de pointes d'ourfin réunies par un ci- ment pierreux & très-dur. ce Vis-à-vis îe village d'Inchené & fur y> le bord oriental du Nil, je trouvai des 33 plantes pétrifiées qui croiffent naturel- y> lement dans un cfpace de terre qui 3 » environ deux lieues de longueur fur une Thème de la Terre, 41^' largeur très- médiocre, c*eft une pro- ce dudlion des plus fingulières de la Na- Voy(ige de Paul Lucas , tome II , •pages ^ 8 0 & ^8 1» ce On trouve fur le mont Liban des pétrifications de plufieurs efpèces , 6c ce entr'autres des pierres plates où l'on ce trouve des {queiettes de poiffbns bien ce confervés & bien entiers, & aufli des ce châtaignes de la mer rouge avec des ce petits buidbns de corail de la même ce mer. 53 Idem , tome HT, page ^26. ce Sur le mont-Carmel , nous troii^ vames grande quantité de pierres qui, ce à ce qu'on prétend , ont la figure d'o- ce lives, de melons, de pêches & d'autres ce fruits, que l'on vend d'ordinaire aux ce pèlerins , non - feulement comme de ce fimpics curiofités, mais auffi comme ce des remèdes outre divers maux. Les ce olives qui 1 it les lapides Juddicî qu'on ce trouve dans les boutiques des Dro- ce guides , ont toujours été regardées ce comme un fpécifique pour la pierre & ce la grayelle, ;>» Voyage de ShaW) tome JI, ! m 'H ' P 4^0 -Hipoire Naturelle, page yo. Ces lapides Judàici font J^S pointes d'ourfins. ce AI. la Roche, Médecin , me donna » de CCS olives pétrifiées, dites lapis Ju- >9 ddicus y qui croidéin en quaniiié dans » ces montagnes , où l'on trouve , à ce » qu'on m'a dit , d'autres pierres qui y> rcpréfentcnt parfaiicmcnt au dedans - des natures d'hommes & de femmes, js Voyage de Monconys , première partie , P^ê^ 334* Ceci ell PhyJieroUthes, \ 5 trouvâmes de la neige & quantité de 55 très - belle ofeilie , & fur le haut de 33. quelques -unes de ces montagnes on 33 trouve des coquilles comme fur le bord » de la mer , ce qui eft aflez extraordi- naire. » Taverniei , Voici ce qnç dit Olearîus au fujet des coquilles pétrifiées qu'il a remarquées en Perfe & dans les rochers des montagne^ Théorie de la Terré: J^ït bù font tailits les fépulcres , près du village de Pyrmaraus. ce Nous fumes trois qui montâmes jufque fur le haut du roc par des préci- c< pices effroyables , nous entr'aidant les ce uns les autres ; nous y trouvâmes quatre c< grandes chambres , & au dedans plu- c< fleurs niches taillées dans le roc pour c< Tervir de lit ; mais ce qui nous furprit c< le plus, ce fut que nous trouvâmes ce dans cette voûie fur le haut de la mon- ce tagne,'des coquilles de moules , & en « quelques endroits en fi grande quan- « tité, qu'il fembloit que toute cette «•* roche ne fut compofée que de fable & ce de coquilles. En revenant de Perle , ce nous viines le long de la mer Cafpie ce plu fleurs de ces montagnes de co- « quilles. » Je pourrois joindre à ce qui vient d'être ra'Jîporté , beaucoup d'autres citations que je fupprime, pour ne pas ennuyer ceux qui n'ont pas befoin de preuves furabondantes , & qui fe font afTurés , comme moi, par leurs yeux, de Texif- tence de ces coquilles dans tous les lieux oii on a voulu les chercher. \f 42 a Hipolre Naturelle» On trouve en France, non-feuîemcne les coquilles de nos cotes , mais encore des coquilles qu'on n*a jamais vues dans nos mers. Il y a même des Naturaliftes qui prétendent que la quantité de ces coquilles étrangères pétrifiées, efl beau- coup plus grande que celle des coquilles de notre climat , mais je crois cette opinion mai fondée ; car indépendam- ment des coquillages qui habitent le fond de la mer & de ceux qui font diffi- ciles à pêcher , & que par conféquent on peut regarder comme inconnus ou même étrangers, quoiqu'ils puifTent être nés dans nos mers, je vois en gros qu'en comparant les pétrificauons avec les ana- logues vivans , il y en a plus de nos côtes que d'autres ; par exemple , tous les peignes , la plupart des pétoncles , les moules , les huîtres , les glands de mec , ïa plupart des buccins, les oreilles de mer, les patelles', le cœur-dc-bœuf , les nautilles , les ourfins à gros tubercules & à grofles pointes, les ourfins châtaignes de mer , les étoiles , les dentales , les tubulites , les aftroïtes , les cervaux , les coraux , les madrépores , &ç. qu or TJicone Je Ici Terre» 42 1 trouve pétrifiés en tant d'endroits , font certainement des productions de nos mers; & quoiqu'on trouvé en grande quantité les cornes d'ammon , les j^icrrcs icnticuiaires , les pierres judaïques , les columnites , les vertèbres de tjrandes étoiles , & piufieurs autres pétrificaiions > comme les groffes vis> le buccin appelé cbajour , les fabots, &c. dont ranaioguc vivant eft étranger ou inconnu , je fuis convaincu par mes obfervations , que le nombre de ces efpèces cfl petit en com- paraifon de celui des coquilles pétrifiées de nos côtes ; d'ailleurs , ce qui fait le fond de nos marbres & de prelque toutes nos pierres à chaux & à bâtir, Ibnt des madrépores, des aftroïtes, & toutes ces autres produdions formées par les in- ièéks de la mer & qu'on appeloît autre- fois/?/jw/w wû^/Wj; les coquilles, quel- que abondantes qu'elles foient , ne font qu'un petit volume en comparaifon de ces produ<5lions , qui toutes font origi- naires de nos mers , & fur - tout de la mediterrancc. ^. ' . jI La mer rouge efl de toutes les mers celle qui produit ie plus abondaiumeas •♦I I f f|.24 Hlfloke Naturelle. des coraux , àz% madrépores & des plantes marines ; il n'y a peut-être point d'en- droit qui en fournifle une plus grande variété que le port de Tor ; dans un temps calme il le prélênte aux yeux une (i grande quantité de ces plantes , que le £ond de la mer refîèmble à une forêt, i( y a des madrépores branchus qui ont julqu'à 8 & 1 o pieds de hauteur : on en trouve beaucoup dans la mer méditer- ranée, à Marleille, près des côtes d'Italie & de Sicile: il y en a auffi en quantité dans la plupart des golfes de l'océan , autour des îles , fur les bancs , dans tous les climats tempérés où la mer n'a qu'une profondeur médiocre, M. Peyffonel a voit obfcrvé & re- connu le premier que les coraux , les ma- drépores, &c. dévoient leur origine à des animaux , & n'étotent point des plantes , comme on le croyoit & comme leur forme & font enfîiî demeurées pour toujours dans celle des animaux. Il y a des coquillages qui habitent le fond des hautes mers, & qui ne font jamais jetés fur les rivages ; les Auteurs les appellent Pelogiœ , pour les diftin- guer des autres qu'ils appellent Littorales, Il eft à croire que les cornes d'ammon & quelques autres efpèces qu'on trouve péirifiées , & dont on n'a pas encore trouvé les analogues vivans, demeurent !(gu;ours dans ie fond des hautes iners; ^ l ! ■ 4^6 Hïjloire Naturelle. qu'ifs ont été remplis du fédimcnt pier- reux dans le lieu même où ils étoient ; il peut fe faire auffi qu'il y ait eu de certains animaux dont rerj)èce a péri , ces co- quillages pourroient être du nombre ; les os foifiles extraordinaires qu'on trouve en Sibérie, au Canada , en Irlande & dans plufieurs autres endroits , femblent con- firmer cette conjedurc , car jufqu'ici on ne connoît pas d'animal à qui on puiiïè attribuer ces os qui, pour la plupart, font d'une grandeur & d'une groHeur demefurée. On trouve ces coquilles depuis le haut jufqu au foiiJ iîcs i:2rricfçs , on les voit aufli dans des puits beaucoup plus pro- fonds : il y en a au fond des mines de Hongrie. Voye-^^ WoodwarA. On en trouve à 200 braiïes , c*eft-à- dire, à mille pieds de profondeur dans des rochers qui bordent l'île de Caldé & dans la province de Pembrock en Angleterre. Voyei^ Ray* s Dîfcourfes , page iy8. Non- feulement on trouve à de grandes profondeurs & au-dclTus des plus hautes «loatagnes des coquilles pétrifiées, niaif. Théorie de la Terre, '427 on en trouve auffi qui n'ont ]:)oint changé de nature, qui ont encore ie luifant, les couleurs & la légèreté des coquilles de la mer, on trouve des g'of- fopètrcs & ci'autrcs dents de poiflbns dans leurs mâchoires^ & il ne faut pour fe convaincre entièrement fur ce fu jet , que regarder la coquille de mer & celle de terre, & les comparer: il n'y a pcrfonne qui , après un exanien , même léger , puide douier un inflant que ces coquilles f bf il ies & pétrifiées ne foicnt pas les mêmes que celles de la mer , on y re- marque les plus petites auiculations, & ineme les perles que l'rtiiiîiînl vivant pro- duit; on remarque que les demsde poifion font polies & ufées à l'extrémité , & qu'elles ont iervi pendant, le temps que i'animal etoit vivant. ' On trouve auffi prefque par-tout dans la terre , A^^ coquillages de la même efpèce , dont les uns font petits , les autres gros , les uns jeunes , les autres vieux; quelques-uns imparfaits, d'autres entièrement parfaits ; on en voit même de petits & de jeunes attachés aux gros. Le poiffon à coquille appelé Purpura'^ .;. t' 4^8 Hipoire Naîurelh. a une langue fort longue dont rextrémîté ell ofTeufe & pointue, elle lui fert comme de tarrière pour percer les coquilles des autres poKîbns & pour fe nourrir de ieur chair , on trouve communément dans les terres des cocjuilles qui lont percées de cette façon ; ce qui eft une preuve inconteitable quelles renfer- moient autrefois des pfVifTons vivans, & que CCS poiffons habiioient dans des en- droit: où il y avoit aufli des coquillages de pourpre qui s'en ctoient nourris. F^y^";^ Woodivard , pages 2p 6 ù* 200» Les obélilques de Saint Pierre de Koiiie, de Saint- Jean-de-Latran, de la place Navone, viennent , ^à ce qu'on prétend, des pyramides d'Egypte, elles ibnt de granité rouge, lequel ell une efpèce de roc vif ou de grès fort dur : cette matière, comme je l'ai dit , ne cou- dent point de coquilles , mais les anciens marbres Afriquains & Égyptiens, & les porphyres que l'on a tirés, dit-on, du Temple de Salomon & des Palais des Rois d'Egypte, & que Ton a employés à Rome en différens endroits , font rem- plis de coquilles. Le porphyre rouge eft Tliéorie de la Terre: ^^-J); îôînporë d'un nombre infini de pointes de l efpèce d'ourfin que nous appelons ihûtaigne de mer; elles font pofees afïez près les unes des autres & forment tous les petits points blancs qui font dans ce por- phyre : chacun de ces points blancs laifle voir encore dans fon milieu un petit point noir qui eft ia fedion du conduit longitudinal de la pointe de Tour fin. Il y a en Bourgogne , dans un lieu appelé Ficin , à trois lieues de Dijon , une pierre rouge tout- à-fait fcmblable au porphyre par ià compofition, & qui n'en diffère que par ia dureté, n'ayant que celle du marbre, qui n'eft pas à beaucoup près fi grande que celle du porphyre ; elle eft de même entièrement compofèe de pointes d'ourfins, & elle eft très-confidèrable par i'étendue de fou lit de carrière & par Ion épaiflTeur ; on en a fait de très-beaux ou- vrages dans cette province, & notamm'^nt les gradins > du pièdeftal de la figure équeitre de Louis le Grand qu'on a élevée au milieu de la place royale à Dijon. Cette pierre n'eft pas ia feule de cette efpèce que je connoifîe; il y a dans la même province de Bourgogne , près dç 43.<5 Ht flaire Naturelle. la ville de Monbart, une carrière confi- dérable de pierre coinpofée comme le porphyre , mais dont la dureté cft en- core moindre que celle du marbre ; ce porphyre tendre eft compofé comme le porphyre dur , & il contient même une plus grande quantité de pointes d'ourfins & beaucoup moins de matière rouge. Voilà donc les mêmes pointes d'ourfms que l'on trouve dans le porphyre ancien d'Egypte & dans les nouveaux porphyres de Bourgogne, qui ne diffèrent des an- ciens qu^par le degré de dureté & par le nombre plus ou moins grand des pointes d'ourfins qu'ils contiennent. A l'égard de ce que les Curieux ap- pellent du porphyre vert , je crois que c'eft plutôt un granité qu'un porphyre, jI n'eit pas compolé de pointes d'ourfins, comme le porphyre rouge , & (a fubflancc me paroît femblable à celle du granité commun. En Tofcane, dans les pierres dont étoient bâtis les anciens murs de la ville de Volatera, il y a une grande quantité de coquillages, & cette muraille ctoit faite il y a deux mille cinq cents ans. Voyez Simon in Prodromo dijf de Théorie de la Terre, 431' Sclîdo intra folidum f page 6 ^, La plupart des marbres antiques, les porphyres 3 & dans les carrières de les mines les plus 33 profondes , dans les cailloux de cor- >3 naline, de chalcédoine , &c. & dans les >3 maflcs de foufre, de marcafTites & d'au- » très matières minérales & métalliques, >3 font rempHs de la matière même qui >3 forme les bancs ou les couches , ou les 33 mafles qui ks renferment , & janiais d'aucune matière hétérogène, 33 page jL 0 6 , ù'ûîlleurs, et La pefanieur fpéci- >3 fique des diftérejiies efpèces de fables 33 ne diffère que très-peu , étant généra- >3 Icment, par rapport a Teau , comme 2| >3 ou 2 -^ à I , & les coquilljes de pé- » tondes qui font à peu près de la mime >3 pefameur , s*y trouvent ordinairement 7> renfermées en grand noiiibre , tandis » qu'on a de la j)cine à y trouver des «3icaiIIes d'|iuîtres« dont la pefameur Théorie fie la Terre. 43/ fpécifique n'cft environ que comme « 2 y à I ; (Je ht'rifîbns de mer , dont h c< pcfanieur n'efl que comme 1 ou 2 -j « à I , ou d'autres efpèces de coquilles «c plus légères ; mais au contraire dans ce îa craie qui eft plus légère que la « pierre , n'étant à la pefànteur de l'eau « que comme environ 2 -pj à i , on ne ce trouve que dus coquilles de hériflTons c< de mer & d'autres efpèces de coquilles «< plus légères. » Voye:^ pages i y & i 8 , li faut obferver que ce que dit ici Woodward ne doit pas être regardé comme règle générale, car on trouve des coquilles j)lus légères flc plus pefanies dans les mêmes matières , par exemple ^ des pétoncles , des huîtres & des ourfins dans les mêmes pierres & dans les mêmes terres , & même on peut voir au cabinet du Roi un pétoncle pétrifié en cornaline & des ourfnis pétrifiés en agate , ainlî ia différence de la pefanteur fpécifique des coquilles n'a pas influé , autant que le prétend Woodward, fur le lieu de leur pofition dans les couches de terre ; & la vraie raifon pourquoi les coquilles d'our- iins ^ d'autres auffi légères fe trouvent Tu; 438 Hiftoire Naturelle.- plus abondamment dans les craies , c'efl cjue la craie n'efl qu'un détriment de coquilles , & que celles des ourfins étant plus légères , moins épaifles êa plus friables que les autres , elles auront été aifément réduites en poufîière & en craie» en forte qu'il ne fe trouve des couches de craie que danî les endroits où il y avoit anciennement fous les eaux de la mer une grande abondance de ces co- quilles légères, dont les débris ont formé la craie dans laquelle nous trouvons celles qui ayant réfifté au choc & aux frotte- mens , fe font confervées toutes entières , ou du moins en parties aflez grandes pour que nous puifiions les reconnoître. Nous traiterons ceci plus à fond dans notre difcours fur les minéraux , conten- tons* nous feulement d'avertir ici qu'il faut encore donner une modification aux exprelîions de "W^oodward : il paroît dire qu'on trouve des coquilles dans les cail- loux , dans les cornalines , dans les chai- cédoines , dans les mines , dans les maffes de foufre , auffi fou vent & en auffi grand nombre; que dans les autres matières, au lieu que la vérité eft qu'elles font très- Théorie Je la Terre, 439 rares dans toutes les matières vitrifiables ou purement inflammables , & qu'au contraire elles font en prodigieuiê abon- dance d.ms les craies, dans les marnes ,' dans les marbres & dans les pierres, en Ibrte que nous ne prétendons pas dire ici qu^abfolument les coquilles les plus légères font dans les matières légères , & les plus pefantes dans celles qui iont auHi les plus pelantes , mais feulement qu'eu général cela fe trouve plus fou vent ainfi qu'autrement. A la vérité elles font tomes également remplies de la fubllance même qui les environne, aufîl-bien celles qu^oa trouve dans les couches horizontales, que celles qu*on trouve en plus petit nombre dans les matières qui occupe.it les fentes perpendiculaires , parce qu'en effet les unes & les autres ont été ég-alemcnt formées par les eaux , quoiqu'en diffé- rens temps & de différentes façons ; les couches horizontales de pierre , de marbre , &c, ayant v-^té formées par les grands mouvemens des ondes de la mer, & \qs cailloux , les cornalines , les chal- cédoines & toutes les matières qui font dans les fentes perpendiculaires , ayant rr-\ • • • • 1 lu; 44^ Hifioire Naturelfe, été produites par le mouvement partîcii'- iier d'une petite quantité d'eau chargée et difFérens fucs lapidîfiqucs , métal- liques, &c. & dans les deux cas ces ma- tières étoient réduites en poudre fine & impalpable qui a rempli i'inte'rieur des coquilles fi pleinement & fi abfolument, qu'elle n'y a pas îaifle le moindte vide, & qu'elfe s'en eft lait autant de moules, à peu près comme on voit un cachet fe mouler fur le tripoii. II y a donc dans les pierres , dans les marbres , &c. une multitude très-grande de coquilles qui font ennères , belles & a peu altérées, qu*on peut aifément les comparer avec les coquilles qu'on con- 1er ve dans les cabinets ou qu'on trouve- fur les rivages de la mer ; elles ont pré- cifément la même figure & la même gran- deur , elles (ont de la même fubftance & leur tiffu eft le même ; la madère parti- culière qui les corapofe , efl la même , elle eft difpofée & arrangée de la même manière , la direction de leurs fibres &; des lignes fpirales eft la même , la com- pofition des peiites lames formées par les fibres eft la même dans los unes (^ le& pre- Théorie de la Terre, 441 autres , on voit clans le même endroit les vertiges ou in Tenions des tendons par ie moyen dcfquels l'animal éioit attaché & joint à fli coquille, on y voit les mêmes tubercules , les mêmes Jlrîes , ies mêmes cannelures ; enfin , tout eft fembiabic , foit au dedans , foit au de- hors de la coquille , dans fa cavité ou fur Ç\ convexité , dans (a fubftance ou fur (a fuperficie ; d'ailleurs ces coquil- iaores fofïiles font fujcts aux mêmes acci- dens ordinaires que les coquillages de f:: mer, par exemple, ils font attachés les plus pe ris aux plus gros , ils ont des conduits vermiculatrcs , on y trouve des perles & d'autres chofes fembkbles quï ont été produites par l'animal lorfqu'il habitoit fà coquille , leur gravité fpéci- fique e(t e^a<^ement la même que celle de leur efpecc qu'on trouve acfluellement dans la mer ; & par la chimie , on y trouve ks mêmes chofes , en un mot ils refîcmblent exadlement à ceux de la mer. Voye^ Woadivard, page /j». J'ai fou vent obfervé moi-même avec une efpècc d'étonncment, comme je l'ai déjà dit y des montagnes entières , de» i V 442 Hijhire Naturelle» chaînes de rochers , des bancs énormes de carrières \ow compofés de coquilles & d'autres débris de produdions marines qui y font en fi grande quantité , qu'if n'y a pas à beaucoup près autant de volume dans la matière qui les lie. J'ai vu des champs labourés dans lef- quels toutes ies pierres étoient des pé- toncles pétrifiés , en fiDrte qu en fermant les yeux & ramafi^nt au hafard on pou- voit parier de ramafier un pétoncle: j'en ai vu d'entièrement couverts de cornes d'ammon , d'autres dont toutes les pierres etoient des cœurs de bœufs pétrifiés; & plus on examinera la terre , plus on fera convaincu que le nombre de ces pétrifi- cations eft infini, & on en conclura qu'il cil impoffible que tous les animaux qui habitoient ces coquilles , aient exifté dans îe même temps. J'ai même fait une obfèrvation en cherchant ces coquilles , qui peut être de quelque utilité , c'ed que dans tous les pays où l'on trouve dans les champs ôc dans les terres labourables un très- grand nombre de ces coquilles pétrifiées , comme pétoncles , cœurs dt bœufs , &c» 'il Théorie de la Tene. 4-4 f entières , bien confèrvces , & totalement réparées , on peut être affuré que la pierre de ces pays eft gélljfe : ces coquilles ne s'en font réparéea.en il grand nombre que par l'a^5lion de la gelée , qui détruit la pierre & laifTe fubfiller plus long- temps la coquille pétrifiée. Cette immenfe quantité de fofiiles marins que l'on trouve en tant d'endroits, proiiVe qu'ils n'y ont pas été tranfportés par un déluge; car on oblerve plufieurs milliers de gros rochers & des carrières dans tous les pays où il y a des marbres & de la pierre à chaux , qui font toutes remplies de vertèbres d'éroiles de mer y de pointes d'ourfins, de coquillages ôc d'autres débris de productions marines» Or fi ces coquilles qu'on trouve par-tout cufTent été amenées fur la terre sèche pat un déluge ou par une inondation, la plus grande partie feroit demeurée fur la fur- face de la terre, on du moins elles ne feroient pas enterrées à une grande pro- fondeur , & on ne les trouveroit pas dans les marbres les plus folides à fept «u huit cents pieds de profondeur. . Dans toutes les carrières, ces coquilles Tvj 444 Hïjtoire Naîtirelk. font partie de la pierre à l*inte'rîeirr , & on en voit quelquefois à Textéricur qui font recouvertes de ftalaéliies qui , comme i'on fait , ne font pas des matières auHi an.ciennes que la pierre qui contient les coquilles ; une féconde preuve que cela n'efl point arrivé par un déluge , c'efl rjue les os , les cornes , les ergots , les jngles, <&.c. ne Te trouvent que trcsrare- luent , & peut-être point du tout , ren- fermés dans les marbres & dans les autres pierres dures, tandis que fi c'étoit l'effet d'un déluge où tout auroit péri , on y djevroit trouver les reftes des animaux de la terre auflj - bien que ceux des mers. Voyq^ Ray' s Difcourfes , page i j 8 Ù* Jùivantes, C'eft, comme nous Pavons dit, une fuppofiiion bleu gratuite , que de pré- , tendre que toute la terre a été dilTouie dans i'eau au temps du déluge ; & on ne peut donner quelque fondement à cet:e idée, qu'en fuppofant un fécond. mi* racle qui auroit donné à l'eau la pro- prrété d'un di/'Ivcrt univerfcl , miracle dont il n'efl f'i^ aucune ii ention dans i'Éçriiure faiai.c: i d'^iileuxs ^ ce <^ui Théorie ih h Terre, 445 anéantît la fupporition & la rend mê7iie contradii^oire , c'eR que toutes les ma- tières ayant été difTouies dans l'eau , les coquilles ne l'ont pas été, puifque nous les rouvons entières & bien confervtes dims toutes les inaiïes qu'on prétend avoir été difTouies , cela prouve évidemment qu'il n'y a jamais eu de telle difîblution , & que l'arrangement des couches hori- zontales & parallèles ne s'efl pas fait en un inftant , mais par les fédimens qui fe font amoncelés peu à peu , & qui ont enfin produit des hauteurs confidérables jxir h fucceffion des temps ; car il eft évident pour tous les gens cjui fe donne- ront la peine d'obferver, que l'arrange- ment de toutes les matières qui com- pofent le globe, eft l'ouvrage des eaux; il n'eft donc quefiion que de favoir fi cet arrangement a été fait dans le même temps ; or nous avons prouvé qu'il n'a pas pu fe faire dans le même temps y puifque les matières ne gardent pas l'ordre de la pefiinteur fpécifique & qu'ii n'y a pas eu de diflTolution générale de toutes les matières; donc cet arrangement a été produit par Ici eaux ou plutôt par ' '44^ ^^iftoire Naturelle, les fédiinens qu'elles ont dépofés dans ïa fucceflion des temps : toute autre révo- lution , tout autre mouvement , toute autre caufe auroit produit un arran- gement très - différent ; d'ailleurs un accident particulier , une révoluJon ou un boulevcrfemcnt n'auroit pas produit un pareil effet dans le globe tout eniier , & fi l'arrangement des terres & des couches avoit pour caufe des révolutions particulières Sa accidentelles, on trouve- roii les pierres & les terres difpofées diffé- remment en différens pays , au lieu qu'on les trouve par -tout difpofées de même par couches parallèles , horizontales , ou également inclinées. Voici ce que dit à ce fujet l'Hiftorîert de l'Académie, année jyi8, page ^ Ù" fulv, ce Des vefliges très -anciens & en très- >3 grand nombre , d'inondations cjui ont 35 dû être très-étendues (e), & la manière » dont on efl obligé de concevoir que >3 les montagnes fe font formées (f)» (e) Voyez les Mémoires,- jp^z^tf 2 8j, (f) Voyez l'Hift. de 1705 , page 22 ; de iyo6 , f>age ^; de 1708; page y^; & de «7» 6/ f(tge 8, ¥c» Théorie de la Terre, 447 prouvent afTez qu'il cfl arrivé autrefois u à (a furface de la terre de grandes révo- «c lutions. Autant qu'on en a pu creufer, « on n'a prefque vu que des ruines, des « débris , de vaftcs décombres entafTcs ce ])êle-mêle, & qui par une longue fuite ce de fiècles fe font incorporés enfemUIc ce & unis en une feule malîc le plus qu'il c< a été poflible ; s'il y a dans le globe oc de la terre quelqu'efpèce d'organilation c< régulière , elle eft plus profonde & ce par conféquent nous fera toujours in- ce connue , & toutes nos recherches le c« termineront à fouiller dans les ruines c< de la croûte extérieure , elles donne- c« ront encore afTez d'occupations aux ce Philo fophes. et M. de Juflieu a trouvé aux environs c< de Saint- Chaumont dans le Lyon- ce nois , une grande quantité de pierres ce écîiilleufês ou feuilletées, dont prefque ce. tous les feuillets portoient fur leur 5 on avoît colle les feuilles fur les pierres >3 avec la main , ce qui p rouve au eiici eli< 33 avoient été apportées par de l'eau qui les yi avoit tenues en cet état ; ellea étoient >3 en différentes fituations , & quelquefois 3ï deux on trois fe croifoient. » On imagine bien qu'une feuille >> dépofee par feau fur une vafe molle, »& couverte enfune d'une autre vafe yi pareille, im;)rime fur l'une l'image de 3j l'une de fes deux furfaces ; & fur yi i'autre l'image de l'autre furface , de » forte que ces deux lames de vafe étant M durcies & pétrifiées , elles porteront 33 chacune l'empreinte d'une face diffé- y» rente : mais ce qu'on auroit cru devoir » ctre , n'eli pas , les deux lames ont 33 rempichiie de la même face de la 3> feuille , Tune en relief, & l'autre en 33 creux. M. de Jufljeu a obfervé dans » toutes ces pierres figurées de Saint- 33 Chaumont ce phénomène qui eft aflez 33 bizarre ; nous lui en iailTons l'expli- 33 cation pour pa*^?r à ce c|ue ces fortes 33 d'obfervaiions ont de plus général & 3> de plus intércfTant. » Toutes les plantes gravées dans lej les pîerre» /e qu'ellci eau qui les lea étoient [uelquefois me feuilfe afe molle, autre vafe l'image de s ; & fur .irface , de vafe étant porteront face diffe'- cru devoir lames ont \\ce de la l'autre en fervé dans de Saint- ui eft aflez [is l'expii- ces fortes général Ôc :s dans Les Théorie Je la Terre» 44^ pierres de Saint- Chaumont font des « plantes étrangères , non-fculement elles c< ne (è trouvent ni dans le Lyonnois, ni « dans te refle de h France , mais elles ne « font que dans les Indes or'.ntales& dans 5 cft-elle venue î » On peut, pour fatisfaire à plufîeurs » phénomènes , fuppofer avec afTez de 9» vraifemblance que ia mer a couvert 9> tout le globe de la terre , mais alors \\ » n'y avoit point de plantes terreilres, & » ce n'eft qu*aprcs ce temps-ià , & lorf- 3> qu'une partie du globe a été décou- » verte , qu'il s'eft pu faire les grandes » inondations qui ont tranfporté ùcs » plantes d'un pays dans d'autres fort » éloignés. » M. de Juflieu croit que comme le » lit de la mer hauHe toujours par les >» terres , le limon , les fables que les » rivières y charient inceflàmment, des » mers renfermées d'abord entre certaines » digues naturelles , (ont venues à les » furmonter & fè font répandues au loin ; » que les digues aient elles - mêmes été » minées pas les eaux & s'y foicnt ren- » ver fées , ce fera encore le même effet , » pourvu qu'on les fuppofc d'une gran- y> deur énorme. Dans les premiers temps y> de la formation de la terre , rien n'avoit » encore pris une forme réglée & arrêtée > Théorie de la Terre» 451 il a pu fe faire alors des révolutions