IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 l.l 1.25 ! ■^IM 12.5 us us 1.4 2.2 2.0 l.ô Photographie Sdenœs Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716)872-4S03 \ S? \\ fv c^ 5? ...w .^ z CIHM/ICMH Microfiche Séries. CIHM/ICMH Collection de microfiches. Canadian Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques Tachnical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques The Institute has attempted to obtain the best original copy available for filming. Features of this copy which may be bibliographically unique, which may alter any of the images in the reproduction, or which may significantly change the usual method of filming. are checked below. nColoured covers/ Couverture de couleur I I Covers damaged/ D D D n Couverture endommagée Covers restored and/or laminated/ Couverture restaurée et/ou pelliculée I I Cover title missing/ Le titre de couverture manque I I Coloured maps/ Cartes géographiques en couleur Coloured ink (i.e. other than blue or black)/ Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire) I I Coloured plates and/or illustrations/ Planches et/ou illustrations en couleur Sound with other matériel/ Relié avec d'autres documents r~l Tight binding may cause shadows or distortion I I along interior margin/ La re liure serrée peut causer de l'ombre ou de la distortion le long de la marge intérieure Blank leaves added during restoration may appear within the text. Whenever possible, thèse hâve been omitted from filming/ Il se peut que certaines pages blanches ajoutées lors d'une restauration apparaissent dans le texte, mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont pas été filmées. I 1 Additional comments:/ I ^1 Commentaires supplémentaires; L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du point de vue bibliographique, qui peuvent modifier une image reproduite, ou qui peuvent exiger une modification dans la méthode normale de filmage sont indiqués ci-dessous. n~| Coloured pages/ >/ D Pages de couleur Pages damaged/ Pages endommagées Pages restored and/oi Pages restaurées et/ou pelliculées Pages discoloured, stained or foxei Pages décolorées, tachetées ou piquées I I Pages damaged/ I I Pages restored and/or laminated/ r~7] Pages discoloured, stained or foxed/ □ Pages detached/ Pages détachées Showthrough/ Transparence I I Quality of print varies/ Qualité inégale de l'impression Includes supplementary matériel/ Comprend du matériel supplémentaire Only édition available/ Seule édition disponible Pages wholly or partially obscured by errata slips, tissues, etc., hâve been refilmed to ensure the best possible image/ Les pages totalement ou partiellement obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure, etc., ont été filmées à nouveau de façon à obtenir la meilleure image possible. Pagination multiple. Les pages froissées peuvent causer de la distorsion. This item is filmed at the réduction ratio checked below/ Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous. 10X 14X 18X 22X 26X 30X y 12X 16X 20X 24X 28X 32X The copy filmed hera has baan raproducad thanks to tha ganarosity of : Seminary of Québec Library L'axamplaira filmé fut raproduit gréca à la générosité da: Séminaire de Québec Bibliothèque Tha imagas appaaring hara ara tha bast quality possibla considaring tha cortdition and laglbility of tha original copy and in kaaping with tha filming contract spacifications. Las imagas suivantas ont été raproduitas avac la plus grand soin, compta tanu da la condition at da la nattaté da l'axamplaira filmé, at sn conformité avac las conditions du contrat da filmaga. Original copias in printad papar covars ara filmad baginning with tha front covar and anding on tha last paga with a printad or iliustratad impras- sion, or tha back covar whan appropriata. Ali othar original copias ara filmad baginning on tha f irst paga with a printad or iliustratad impras- sion, and anding on tha last paga with a printad or iliustratad imprassion. Las axamplairas originaux dont la couvartura an papiar ast imprimés sont filmés an commançant par la pramiar plat at an tarminant soit par la darniéra paga qui comporta una amprainta d'imprassion ou d'illustration, soit par la sacond plat, salon la cas. Tous las autras axamplairas originaux sont filmés an commançant par la pramiéra paga qui comporta una amprainta d'imprassion ou d'illustration at an tarminant par la darniéra paga qui comporta una talla amprainta. Tha last racordad frama on aach microficha shall contain tha symbol •— »> (maaning "CON- TINUED"), or tha symbol y (maaning "END"), whichavar applias. Un das symbolas suivants apparaîtra sur la darniéra imaga da chaqua microficha. salon la cas: la symbola — *• signifia "A SUIVRE", la symbola y signifia "FIN". IVIaps, platas, charts. atc, may ba filmad at diffarant raduction ratios. Thosa too larga to ba antiraly inciudad in ona axposura ara filmad baginning in tha uppar laft hand cornar, laft to right and top to bottom, as many framas as raquirad. Tha following diagrams illustrata tha mathod: Las cartas, planchas, tablaaux, atc, pauvant étra filméa à das taux da réduction différants. Lorsqua la documant ast trop grand pour étra raproduit an un saul cliché, il ast filmé à partir da l'angla supériaur gaucha, da gaucha è droita, at da haut an bas, an pranant la nombra d'imagas nécassaira. Las diagrammas suivants illustrant la méthoda. 1 2 3 1 2 3 4 5 6 ^ f TOIRE NATURELLE, ÉNÉRALE ET PARTICULIÈRE.- \ir M- DE Bu F FOU, InîenJanî du Jardin du Roi , de l'Académie Françoife , & de celle des Sciences, &c» fîouvELLE Édition;. Tome Cmqtneme. A PARIS, E L'IMPRIMERIE ROYALE. M. DCCLXIX, \ A\v^^ ;vS» •% .♦ i^„^ a, k *' i *' *• * xtki '^Uiiï»,» D •A V '-.*. Chfifc !?ANC Koxjcri:, LibraWi tf /'^or^/ ^ îlf'Wi rue des Polteyunji fuartier Saint- ÂRdré-dts^Ar^Sw ' -%.*>■»■»" ' %. î .3 J A Y O fî 3 rr _*^:^ A ■'.* #%**• •>» .;-*4i.i<>' IWW'UJiX*-' r ï . î, i :--ir#ritt'»T;«ft ,»Vfi ï A. t » „ ■ ; ÏM ■ •*>:»' * ',->î, OA-a À** tss TABLE De ce qui eft contenu dans c6 Volume. r. A R i Ê T É S dans Tefpèce hti^ inaine. fcours «• • • •• ••• Page I ifcotirs fur la naîiire des Animaux; Mres de MM, les Députés & Syn- dic de la Faculté de Théologie , à M* de Buffan , avec les réponfe &" déclaration de M* de Buffon. ] fjfcours prononcé à l'Académie Fran^ .^'OlICi • • • • • • • « « • • XX J ^m > *• V ,. ' .» • % »_ * 1 « « t . »ï SJ • • ; j » < » '. ...Il- '1 - ■-■--; \ i. ., ■■ .w"'., ,» ".a.- . X ii • « 1^ t i» --> s. to HISTOIRE C - i» HISTOIRE NATURELLE j, ' Il I. III 11^ Il I I _, w HISTOIRE DE UHOMME, [ Vciriéîés {hins l'ejpèce humaine, TOUT ce que nous avons dit ju(^ qu'ici de ia génération de i'homme, de fa formation , de fon développement , ^|de fon état dans les difFérens âges de fa ^tvie, de fes fens & de la ftrudure de fon corps , telle qu'on ia connoît par les dif- férions anatoiniques , ne fait encore que Thiftoire de i'individu , celle de i'efpèce ^emande un détail particulier, dont ies ffaits principaux ne peuvent le tirer que des variétés qui ie trouvent entre les hommes des différens climats. La pre- mière & ia plus remarquable de ces va- riétés elt celle de la couleur, la féconde ^ft celle de la forme & de la grandeur, & Tmç V' A w iOlRE Ik ' 1 HiJIoire Naturelle la trolfième efl celle du naturel des dif^ fcrciis peuples : chacun de ces objets confidéré dans toute fon étendue, pourroit fournir un ample traité; mais nous nous bornerons à ce qu'il y a de pius général ôi de plus avéré. En parcourant dans cette vue la fur- face de la terre, & en commençant par le nord , on trouve en Lapponie & fur !cs côtes (cpîcntrionales de la Tartaric , une race d'hommes de peiiie (tature , d'une figure bizarre, dont la phyfiono* ïnie eft aulii fauvage que les mœurs. Ces hoinincs qui paroificnt av(Mr dégénéré de l'erpècc humaine, ne luiiïcnt pas que d'être aflez nombreux & d'occuper de îrès yafles contrées ; les Lappons , Da- nois , Suédois, Mofcoviies & indépen- dans, Ici Zembliens, les Borandiens, les Samoïedes, les Tartarps feptentrionaux , ù, peut-être les Ollbques dans l*ancicn continent, les Groenlandois & les Sau- vages au nord des Efquimaux dans l'au- tre continent, (cmblent être tous de ta même race qui s'eft étendue & multipliée le long des côtes des mers leptentrio»- tiaies dUiis des déftrts ai fous un climat du< fPë£ i ^ i [es dif- objets )OurroU as nous général ; la fur- ;ani par e & Tur rartarie , ftature , lyfiono* urs. Ces légënéré pas que :uper de s, Da- ndépen» iens, ies rionaux , Tancicn ;es Sau- ans l*au- lus de la uUipliéc ptentrio'- n climat ^e tHotwnè* "J în!iabiial)îe pour toutes les autres nations, l'ous CCS peuples ont le vifiige large «Se plat (a), le nez camus & écralé , l'iris de l'œil jaune-brun & tirant fur le noir (b )g les paupières retirées vers les tempes (c), ies jo< es extrêmement élevées, la bouche très-grande, le. bas du vifage étroit, les ièvrcs grofTes & relevées, la voix grêle, la têie grofîé, les cheveux noirs & liflcs, la peau bajanée ; ils font très -petits, trapus quoique maigres: la plupart n'ont que quatre |)!e(Js de hauteur, & les plus grands n'en ont que quatre & demi. Cette race eft, comme l'on voit, bien clifFé- rentc des autres, il femble que ce foit une cfpèce particulière dont tous les indivi- dus ne font que des avortons ; car s'il y t des diiférences parmi ces [peuples , elles ne tombent que iur le plus ou le moins 4e difformité; par exemple, les Boran- fliens font encore plus petits que les (a) Voyez le voyage At Regnard , tome IT de fes ^livres , /'cigc j fi(^. Voyez aiiili ii Getiio vagante dd pi; & ies voyages du N(n'd faits par lesHo'Iandois. (hj N'oyez. Linnai Fauna Suecica. Stockoim, ij±6, ( cj Voyez ia Martinicrc, jxi^e jp. Aij ï 11 4 'Hijlohe Naturelle Lappons, ils ont l'iris de l'œil de îa mcm« couleur, mais le blanc cfl d'un jaune plus rougeatre, ils font aufii plus Lafanés, Ôc ils ont les jambes grofTcs , au lieu que les Lappons les ont menues. Les Samoïcdes font plus trapus que les Lappons , ils ont la têie plus grofTe , le nez plus large & le teint plus obfcur , les jambes plus courtes, les genoux plus en dehors, les cheveux plus longs & moins de barbe. Les Groenlandois ont encore la peau plus bafanee qu'aucun des autres , ils îont couleur d'olive foncée ; on prétend même qu'il y en a parmi eux d'aufîï noirs que les Ethiopiens. Chez tous ces peuples les femmes font aufli luides que les hommes, & leur reffcmblent fi fort qu'on ne les diftingue pas d'abord; celles de Groenland font de fort petite taille, mais elles ont le corps bien proportionné ; elles ont auffi les cheveux plus noirs & la peau moins douce que les femmes Samoïedcs; leurs mamelles font molles & il longues qu'elles donnent à teter à leurs cnfans par-defîus l'épaule, le bout de ces mamelles eft noir comme du charbon , fi; b peau de leur corps eil couleur i Je l'Homme. 1 même me plus mes, & que les moïedes 3ns, ils us large )es plus ors, les ; barbe, la peau très , ils prétend : d'aufïï tous ces ides c[ue fi fort d; celles Le taille , rtionné ; is noirs femmes molles & r à leurs M de ces harbon , couleur 5 ©ÏKatre très- foncée; quelques voyageurs difcni qu'elles n'ont de poil que lur la tête , &i qu'elles ne font pas fujettes à l'évacuation ])criodique qui cft ordinaire à leur fcxe ; elles ont le vilage large, les yeux petits, très-noirs & ircs-vifs, les pieds courts au(li-bien que les niains , & clîcs reiremblcnt pour le refîe aux fcninies Sainoïedes. Les Sauvages qui font au nord des Efquimaux, & même ^ dans la i^artic feptcntrionale de l'île de Terre neuve, relièmblcnt à ces Groen- landois; ils font , comme eux, de très- petite (tature , leur vifage eft large & plat, ils ont le nez camus , mais les yeux plus gros que les Lappons (d). Non- feulement ces peuples fe rcffem- blent par la laideur , la peiitelîè de la taille, la couleur des cheveux on les yeux, mais ils ont aufîl tous à peu près les lïiêmes inclinations & les mêmes mœurs, Ms font tous également groffiers , fuper- ilitieux, flupides. Les Lappons Danois Ont un gros chat noir , auquel ils difènt tous leurs fecrets & qu'ils confultcnt dans (il) Voyez le Recueil des voyages du Nord , 17 1 d. JT^/w J, pag€ ijoi iX Tome lll , page 6, A ii; !l I, ë Hi/Ioire Naturelle toutes Feurs afïiiires , qui fc reduîfcnt î fâvoir s'il faut aller ce jour-là à la cha(îc ou à la pêche. Che? les Lappons Suédois îi y a dans chaque famille un tambour pour confulicr le diable ; & quoiqu'ils ibient robuftes & grands coureurs , ils font fi peureux qu'on n'a jamais pu les faire aller à la guerre. Guilave Adolphe avoit entrepris d'en faire un régiment , mais il ne put jamais en venir à bout ; il femble qu^ils ne peuvent vivre que dans leur pays & à leur façon. Ils ic fervent pour courir fur la neige , de patins fort épais de bois de fapin , longs il'environ deux aunes & larges d un demi- pied ; ces patins font relevés en pointe îur le devant , & percés dans le milieu pour y pafîèr un cuir qui tient le pied ferme & immobile , ils ec^jrent fur ia neige avec tant de vîtcflè qu'ils attrapent aifément les animaux les plus légers à la courle; ils portent un bâton ferré, pointu d'un bout & arrondi de l'autre: ce bâton leur (ert à (e mettre en mouvement , à (e diriger, (è foutenir, s'arrêter, & aulTi à percer les animaux qu'ils pourfuivent à la courfe; ils defcendeat avec ces patin» îfent i i chalTc Suédois mbour oiqu'ils irs , ils pu les ^dolphe riment , bout ; re que . lis Ce ge , de , longs n demi- 1 pointe e milieu le pied fur la attrapent Tcrs à la î, pomtu ce bâtoa eut , à fe t au m à (uivent à ;cs patin* t tie rHomîJîe, 7 les fondis les plus précipités, & montent les montagnes les plus efcarpées. Les patins dont fe fervent les Samoïcdes , îbnt bien plus courts & n'ont que deux pieds de longueur. Chez les uns ^ les autres les femmes s'en fervent comwie les hommes; ils ont aulîr tous l'u fage de l'arc, de l'arbalète; ^ on préienci que (es Lappons Mofcovites lancent un javelot avec tant de force & de dexté- rité , qu'ils font furs de mettre à trente pas dans un blanc de la largeur d'un écu , & qu'à cet éloigncment ils j^erceroient Un homme d'outre en outre ; ils vont tous à la chaffe de Thermine , du loup- cervier, du renard, de la martre , pour en avoir les peaux , & ils changent ces pelle' er les contre de l'eau -de -vie & du tablée qu'ils aiment l)caucoup. Leur nour- riture eît du poiflon (ec , de la chair de renne ou d'ours; leur pain n'efl que de la farine d'os de poifTon broyée & mêlée avec de l'écorce tendre de pin ou de bouleau , la plupart ne font aucun ufagc de (cl; leur boifîbn efl de l'huile de baleine & de l'eau , dans laquelle ils luilîem infufer des grains de genièvre, lis A •••• A m; '1 ; ! ^ t 'Bftoîre NalureJIé n'oiit, pour ainfî dire, aucune îdee cfe religion ni d'un Etre fuprême , ia plu- part font idolâtres , & tous font très- fuperfliticux , ils font plus groflicrs que fauvagcs , fans courage , fans refpeizarieric •trangers es qu'on ; venir de e diffor- imes , ils des celles Jaignées : cet uiage plcb , «lui s uns des ;c grande Je l'Homme» r i mer, & qu'on le retrouve chez Tes Tartares de Crimée , chez ies Calmuques , & piuûeurs autres peuples de Sibérie & de Tartarie , qui font prefqu'aufïï iaids que ces peuples du nord , au lieu que dans toutes les nations voîfines , comme à la Chine, en Perfe fe), ou les femmes font belles, ies hommes font jaloux à l'excès. En examinant tous les peuples voifins de cette longue bande de terre qu'occupe ia race Lapponne , on n n'ont aucun rapport n'y a que les Oitiaj qui leur refTcmblc-jr chent aux Samoïe( du fud-efl. Les S^i diens ne reffembleni les Lappons ne rel fïiçon aux Finnois , aux" nois, aux Norvégiens; le*» Groenlandois Ibnt tout aufli différens des Sauvages du fej La Koulaye dit qu'après fa mort des femmes du Scfiach , l'on ne fait où elles font enterrées, afin de lui ôter tout fujet de jaloufie , de mtme que les anciens Egyptiens ne vouiijient point fiûre embaumer kurs femmes que quatre on cinq jours après leur mort, de crainte que les Cfiirurgicns n'eufTcnt quelque tenta-t fion, ^(j^^Jge de la Soulage ^ pa^e t j o» A v|. . ;)• i I s 112 Hipotre Naturelle Canada; ces autres peuples font grands, bien faits , & quoiqu'ils foient afîez diffé- rens entre eux, ils le font infiniment plus des Lappons. Mais les Oftiaqucs fem- blcnt être des Sainoïedes un peu moins laids & moins raccourcis que les autres , car ifs font petits & mal faits (f), ils vivent de poiflTon ou de viande crue , ils man- gent la chair de toutes les efpèces d'ani- maux (înis aucun apprêt, ils boivent plus volontiers du fang que de l'eau , ils font pour la plupart idolâtres & errans , comme ics Lappons & les Samoïedes ; enfin ils me paroiffent fliire la nuance entre la race Lapponne & la race Tartare , ou , pour mieux dire, les Lappons, les Samoïedes, les Borandicns , les Zembliens , & peut- être les Groeniandois & les Pigmées du nord de l'Amérique font des Tartares dége'nérés autant qu'il eft poffible , les Olliaques font des Tartares qui ont moins dégénéré ; les Tongufes encore moins que ïes Ortiaqiîes, parce qu'ils font moins petits & moins mal faits , quoique tout (f) Voyez le voyage d'F.vertifbrand, pages 212, '2 J 7 , à'$. & les tiou veaux Mémoires fur i'cUt tic k| [ran Js , diffé- nt plus fcin- moins autres , vivent nian- s cl'ani- nu plus ils font comme :nfin ifs : la race , pour loïedcs, k peut- nées du Furtarcs dIc, les it moins jins que : moins ue tout i c-Ut de i^ de r Homme, i j âufll laids. Les Sumoïedes&.Ies Lappons font environ fous le ôB ou 6^.*"' degré de latitude , iniiis les Olliaques ôc les Tongules habitent fous le 60.'"'' degré; les l'artares qui Ibnt au 55.'"'" degrc le iong du Volga, foui grotîîcrs , (hipides & brutaux , ils reiîeinblent aux Tongufes, qui n'ont, comme eux , prelcjuc aucune idée de religion , ils ne veulent j^our femmes que des Hlles qui ont eu com- merce avec d'autres hommes. La nation Tartare prile en géne'ral, occupe des pays immenles cii A lie, elle cft répandue dans toute i'eicndue de icrre qui eft depuis la Ruliie jufqu'à Kamtf- chatka, c*cll-à-dire, dans un efpace de onze ou douze cents iieue> en longueur fur plus de fcpt cents cinquante lieues de largeur, ce qui fuie un teriein plus de vingt fois plus grand que celui de fa France. Les Tanares bornent la Chine du côté du nord & de rouefi: , les royaumes -de Bouian , d'Ava, l'empire du Mocrol & celui de Perle jufcju'à la mer Caf- j)ienne du côté du nord, ils fe font aufîi répandus le long du Volga îk de la côte pccidejuale de la aitr Cafijienne jufqu an 14 Htjlolre Naturelle ,|)agheflan, ils ont pénétré jufqu'à Fa côte leptentrionale de la mer noire , & ils le font établis dans la Crimée & dans la peiiie Tartarie près de la Moldavie & de l'Ukraine. Tous ces peuples ont le haut du yifage fort large & ridé, même dans leur jeuweffè, le nez court & gros , les yeux pcilis & enfoncés (g), les joues fort élevées, le bas du vifage étroit , le memoa long & avancé , la mâchoire fupérieure enfoncée, ics dents longues & féparées, les fourcils gros qui leur couvrent les yeux, les paupières épaifTes, la face plate, îc teint bafané & olivâtre , les cheveux noirs; ils font de ftature médiocre, mais très- forts & très-robuflcs, ils n*ont que peu de barbe , & elle eft par petits épis comme celle des Chinois , ils ont les cuiflcs grofîcs & les jambes courtes ; les plus laids de tous font les Calmuqucs , dont l'afpecft a quelque chofc d'effroyable , ils font tous errans &l vagabonds , habitant fous des lentes de toile, de feutre, de peaux ; ils mangent de la chair de cheval , de cha- meau , &c. crue ou un peu mortifiée fous (g) Voyez les voyages de Rubruf^uis , de Marc Plusiaids l'afpedl ont tous bus des aux ; ils de cha- ifiée fous de Marc LC, fil rHomme: ij' ïa felle de leurs chevaux, ils mangent auflr du poiflbn dcHéchéau folcil. Leur boifToa ia plus ordinaiic eft du lait de jument fer- menié avec de ia farine de milice ; ils ont prefque tous ia tê:c raiee, à l'exception du toupet qu'ils laifTent croître afîez pour en faire une trefîe de chaque côté du vifige Les femmes, qui font aufîi laides que ies hommes , portent leurs cheveux, elles ies trcflent & y attachent de petites plaques de cuivre & d'autres ornemens de cette efpcce; ia plupart de ces peuples n'ont aucune religion, aucune retenue dans leurs mœurs , aucune décence , ils font tous voleurs , & ceux du Dagheflan cjui (ont voifms des pays policés, font un grand commerce d'efciaves & d'hommes, qu'iU enlèvent par force pour ies vendre cnfuiieaux Turcs & aux Perfans. Leurs principales richcffes confiftent en che- vaux , il y en a peut-être plus en Tartane qu'en aucun autre pays du monde. Gcs peuples fe font une habitude de vivre avec leurs chevaux , ils s'en occupent continuellement, ils les dreffentavcc tant d'adreffe & les exercent fi fouveiit qu'il fembicnt que ces animaux n'aient c^u'ua I 6 HiJIotre Nutiirelk même cfprit avec ceux qui les man*ent, car non-leulcmcnt ils obcifïent parfaiie- mcnt au moindre mouvement de la bride, mais ils Tentent, pour ainfi dire, l'inten- tion ôc la pcnfcc de celui qui le^i monte. Pour connoîire les difTcrences parti- culières qui fe trouvent dans cette race Tariare , il ne faut c[ue comparer les defcri plions que les voyageurs ont faites de chacun des difFerens peuples qui la compolent. Les Calmuques cjui habitent dins le voifinage de la mer Caf[)ienne , entre les Al' )rco vîtes & les grands Tar- tares , font, félon Ta vernier, des hommes robulles , mais les plus l lids tî<: les plus difformes qui loient fous le ciel ; ils ont le vilagc fi plat & fi large , que d'un œil à Tautre il y a i'efpacc de cinq ou fix doiiTis, leurs yeux lont extraordinaire- ment petits,. /w^ hommes & femmes , enlevés en Pologne Ôc Je l'Homme. 21 fjuoîqu'en généra! cette nation foît du même fang que les autres nations Euro- péennes, on y trouve cependant beau- coup d'individus qui ont la forme du corps carrée , les cuifles grofTes & les jîMîibes courtes comme les Tartares : mais ies Chinois ne font pas à beaucoup près aufîi différens des Tartares que le font les Mofcoviies , il n'efl: pas même fur qu'ils foient d'une autre race ; la feule chofe qui pourroit le faire croire, c'efl îa différence totale du naturel , des mœurs ôc des coutumes de ces deux peuples. Les Tartares en général font naturellement fiers, belliqueux, chafîèurs; ils aiment la fatigue , l'indépendance , ils font durs ô(. greffiers jufqu'à la brutalité. Les Chinois ont des mœurs tout oppofées , ce font des peuples mous, pacifiques, îndolcns , fuperfliticux , fournis , dépen- dans jufqu*à l'efclavage , cérémonieux , complimenteurs jufqu'à la fadeur & à Texcès ; mais fi on les compare aux Tar-» tares par la figure & par les traits , on y trouvera des caradères d'une refîèm- fclance non équivoque. Les Chinois, félon Jean Hugon, ont ± 1 fllflolre NdHirelIe les membres bien proportionnes , 8c (ont gros & gras , ils ont le vi(àge large & rond, les yeux petits, les fourcils grands, les paupières élevées, le nez peiii & ccrafé ; ils n'ont que (cpt ou huit épis de barbe noire à chaque lèvre , & fort peu au menton : ceux qui habitent \cs provinces méridionales font plus bruns & ont le teint plus baduié que les autres; ils reiïemblent par la couleur aux j)cuples de la Mauritanie & aux Efpagnois les plus bafanés, au lieu que ceux qui habitent ies provinces du milieu de l'Empire, font bbncs comme les Allemands. Selon Dampier & quelques autres voyageurs , les Chinois ne font pas tous à beaucoup près gros & gras , mais il efl vrai qu'ifs font grand cas de la grofîe tailîe & de I*embonpoint- Ce voyageur dit même, en parlant des habitans de Tile Saint- Jean fur les côtes de la Chine, que les Chinois font grands, droits & peu chargés de graifie , qu'ils ont le vi(Irientaux noins de , peu de ces deux E de voir des yeux vu dans >u à des de parens J que les faites que li , ont ie e , le nez ne nefflc , Ile épaiflc fllandois ; lille déga- toutes de admira- monde , , dit -il, qu'on le Les lues tous à 'Je l'Homme: 2f voyageurs Hollandoîs s'accordent s Chinois ont c que gé- néral le vifage large , les yeux petits , le nez camus & prcfque point de barbe; que ceux qui font nés à Canton & tout le long de la côte méridionale font aufîi bafanés que les habitans de Fez en Afrique , mais que ceux des provinces intérieures font blancs pour la plupart. Si nous comparons maintenant les def- criptions de tous ces voyageurs que nous ivenons de citer , avec celles que nous iivons faites des Tartares , nous ne pour- rons guère douter que quoiqu'il y ait de la variété dans la forme du vifapfe & de la taille des Chinois, ils n'aient cepen- dant beaucoup plus de rapport avec les Tartares qu'avec aucun autre peuple, & que ces différences & cette variété ne viennent du climat & du mélange des races , c'eft le fentiment de Chardin : rcc Les petits Tartares, dit ce voyageur, ront communément la taille plus petite ce |de quatre pouces que la nôtre & plus ce I grofle à proportion ; leur teint eft ce ? rouge Ôc bafané ; leurs vilages font plats, ce f larges 3c carres; ils ont le aez écrafe & ^ Tome F. B î 1^ ^ 'i 26 Hî^olre NaUinlle oï les yeux petits, Of comme ce font-U >» tout- à- fait les traits des habitans de la 55 Chine, j'ai trouvé, api*ès avoir bien » obfcrvc la chofe durant mes voyages , 93 qu'il y a la même configuration de 59 vifàge fir de taille dans tous \qs peuples » qui ibnt à l'orient & au feptentrion de >3 ia mer Cafpienne & à l'orient de la prcf- »5 qu'île de Malaca , ce qui depuis m'a fait ^3 croire que ces divers peuples (brtent 53 tous d'une même fouchc , quoiqu'il y> paroiflTe des différences dans leur teint ^5 & dans leurs mœurs; car pour ce qui 55 efl du teint , la différence vient de ia » qualité du climat & de celle des alimens , 53 & à l'égard des mœurs ia différence !»5 vient auOi de la nature du terroir & de i'opuïence plus ou moins grande (i), » Le Père Parennin qui , comme l'on fait, a demeuré fi long-temps à la Chine, & en a fi bien obfervc les peuples & les mœurs , dit que les voifins des Chinois du côté de l'occident depuis le Thibeten allant au nord jufqu'à Chamo, femblent être différens des Chinois par (i) Voyez les Voyages de Chardin, Amprdm ^ '^^//, tom III, f(Jgc 8é% \ "1 ce ront~!| tans de la avoir bien voyages , iration de es peuples entrion de : de la prcf- uis m'a fait les forteni quoiqu'il s leur teint our ce qui vient de la ks alimens , différence rroir & de !e (ï), ^> pmme l'on là la Chine, s peuples oifins des depuis le 'à Chamo, hinois par de T Homme: 17^ les moeurs, par le langage, par les traits du vifige & par la configuration exté- rieure ; que ce font gens ignoàans , grofliers , faincans , déEmt rare parmi les Chinois; que quand il vient quel- qu'un de ces Tartares à Pékin, & qu'on demande aux Chinois la raifon de cette différence, ils difent que cela vient de l'eau & de la terre, c'eft-à-dire , de la nature du pays qui opère ce changement fur le corps & même fur l'cfprit des habi- tans. Il ajoute que cela paroît encore plus vrai à la Chine que dans tous les autres pays qu'il ait vus, & qu'il fè fouvient qu'ayant fuivi l'Empereur jufqu'au 48."'*' degré de latitude nord dans la Tartarie, il y trouva des Chinois de Nanquin qui s'y étoient établis , & que leurs enfans y étoient devenus de vrais Mongoux, ayant la tête enfoncée dans les épaules, les jambes cagneufes , & dans tout l\ r une groiîièreté & une mal-propreté qui rebutoit. Voye?^ la Lettre du P. Parenn'm, datée de Pékin le 2 8 Septembre ly^j , jRecue'd 2 ^ des Lettres édifiantes» Les Japonnois font affez femblables 9;ux Chinois pour qu'on puijffe les re- Bi; i ■ 2 3 Hlfloifâ Nattirelk garder comme ne failant qu*unc (èuTe 8c même race d'hommes , ils font feulement plus jaunes ou plus bruns , parce qu'ils habitent un climat plus méridional ; en général ils font de forte complexion, ils ont la tailfe ramafTéc , le vifage large & plat , ie nez de même , les yeux petits (kj, peu de barbe, !es cheveux noirs, ils l©nt d'un naturel fort altier , aguerris , adroits , vigoureux , civils & obligeans , parlant bien , féconds en coraplimens , mais in- conftans & fort vains, fls fupportent avec une confiance admirable la faim , la foif , le froid, ie chaud, les veilles, la fatigue & toutes les incommodités de la vie , de laquelle ils ne font pas grand cas ; ils fe fervent, comme les Chinois, de petits bâtons pour manger, & font auffi plu- ficurs cérémonies ou plutôt plufieurs grimaces & plufieurs mines fort étranges pendant le repas ; ils font laborieux ôc très-habilcs dans les arts & dans tous les métiers, ils ont, en un mot , à très- peu près le même naturel, ie^ mcmes mœurs d^ les mêmes coutumes que les Chinois. (k) Voyez les Voyages de Jean Struys, Roum^ feuTe & ulement :e qu'ils nal ; eu I 11 I i Ut ^ cr ////7c?/V^ I^nturelle pour trouver trop aifée la pantoufle d'im enfant de fix ans. Les Japonnois t\ les Chinois font donc une (eule «S: même race d'hommes qui fe font ii es - anciennement civilités, & qui diffèrent des Tartines plus par les mœurs que par la figure; la bcjnié du terrein , la douceur du climat , le voili- nage de la mer ont pu contribuer à Tendre ces j;cuplcs polices , tandis que JesTartarcs cluiorncs de la mer &. du com- nerce d-es autres naîions, c)nié du le voili- tribucr à ndis que du com- parts des Ji par de rcs crrans ciel dont lord , ne hommes '^o qui cft uué fous ipérc efk ': &. trcs- de cette s Japon- tirofiicrs, ils ont aix longs ont platj é/e l'Homme: yf h teint jaune, mais un peu moîns qufl" celui des Jajionnois , ils font fort velus fur le corps & même fur le vilage , ili vivent comme des Sauvacres, & fe nour- rilfent de lard de haleiue & d'huile d<3 poifîbn ; iis lont très - parclfeux , très- mal - propres dans leurs vètcmens : les- cnfans vont prclque nus , les femmes n'ont trouve pour fe parer d'autres moyens que de (e peindre de hfeu les fourcils & les lèvres; les hommes n'ont d'autre piaifir que d'aller à la chalîe des loups marins , des ours , des élans , des rennes, & à la pêche de la baleine; il y en a cependant qui ont quelques cou- tumes Jaj.ionnoifes , comme cciJc de chanter d'une voix tremblante , mais en général ils reffcmblent plus aux Tarrares feptentrionaux ou aux Samoïcdes qu'aux JûjK:)nnofs. Maintenant, fi l'on examine les peuples voilins de la Chine au midi <5i: à l'occi- dent, on trouvera que les Cochinchi- nois , qui habitent un pays montueux & plus méridional que la Chine , font plus baianés & plus laids que les Chinois , & que les Tunquinoii» dont le pays ell B 11 J ] tï! i 3 i 'fUJloke NaturcHe meilleur, & qui vivent fous un cïijnar moins chaud que les Cochinchinois, font mieux finis & moins laids. Selon Danipier , les Tunquinois font en gé- néral de moyenne taille, ils ont le teint balané comme les Irdicns, mais avec cela la peau fi belle & fi jnic qu'on peut s'apercevoir du moindre ciiangement qui arrive lur leur vifiigc lorfqu'ils palifîent ou qu'ils rougilfcnt, ce qu'on ne peut pas jcconuoîire lur le vilage des autres In- diens. Ils ont communément le vilage plat & ovale, le nez & les lèvres allez bien proportionnes , les cheveux noirs , longs & Ibrt épais, ils fe rendent les dents aufli noires (ju'il leur c(l pofliljle. Scic'n les relations qui font à la (uiic des voyages de Tavernier , les Tunquinois font de belle taille & d'une couleur un peu oli- vâtre , ils n'ont pas le nez ni le vifàge Ç\ plat que les Chinois, & ils font en général mieux faits. Ces peuples , comme l'on voit , ne diffèrent pas beaucoup des Chinois, ils reffemblent par la couleur à ceux des provinces méridionales ; s'ils font plus ba- fanés, c*eft parce qu'ils habitent ibus ua cTî 1 clîinnr chinois, . Selon en gc- ; le teint ivec ceia on peut nent qui iflcnt ou peut pas lires In- e vifage res aflez X noirs , les dents le. Selon voyages font de peu oii- vifage fi général oit , ne nois , ils ;cux des plus ba- ibus uu de T Homme, 3 3 1^ climat pTus chaud , & quoiqu'ils aient le ~ vidige moins plat & le nez moins écrafé que les Chinois , on peut les regarder connue des peuples de même origine. 11 en cft de même des Siamois , des Pc- guans, des habitans d'Aracan, de Laos, &.C. tous ces peuples ont les traits affêz reiïemblans à ceux des Chinois, & quoi- qu'ils en diffèrent j)lus ou moins par la couleur , ils ne diffèrent cependant pas tant des Chinois que des autres Indiens. Selon la LoLîbère les Siamois font plutôt petits que grands, ils ont le corps bien fait, la figure de leur vifage tient moins de l'ovale que du lofangc , il eft large & élevé par le haut des joues , & tout d'un coup leur front fe rétrécit & fe termine autant en pointe que leur menton. Sis ont les yeux peii.i di. fendus oblique- ment , le blanc de l'œil jaunâtre , les joues creufes , parce qu'elles font trop élevées par le haut , la bouche grande , les lèvres grofles & les dents noircies,, ieur teint c(l groffier & d'un brun mêlé de rouge, d'autres voyageurs difent d'un gris- cendré , à cjuoi le hfiîe continuel contribue autant cj^ue la naiiTance ; ils ont Bv t'-li. ^^^ ^^4 'HfJIoire Néitiirelle le nez court & arrondi par le bout, îc'; oreilles })Ius grandes que les nôtres, à plus elles font grandes, plus ils les efli nient. Ce goût pour les longues ordres eft commun à tous les peuples de l'O- rient, mais les uns tirent leurs oreilles par ic bas pour les alonger fans les percer qu'autant qu'il le faut pour y attacher des boucles f d'autres, comme au pays, de Laos , en agrandifTent le trou fi prodi- gieufetiient , qu'on pourroit prtfque y pafler le poing, en forte que leurs oreilles clefccndcnt julcjuc fur les épaules ; pour les Sirimois ils ne les ont qu'un peu plus grandes que les nôtres, & c'eft naturelle- ment & fans artifice. Leurs cheveux font gros , noirs & plats ; les hommes ] & les femmes les portent fi courts, qu'ils ne leur defcendent qu'à la hauteur des oreilles tout autour de la tête. Ils mettent fur leurs lèvres une pommade parfumée <]ui les fait paroître encore plus pâfcs qu'elles ne le (croient naturellement ; ils | ont peu de barbe, & ils arrachent le peu | qu'ils en ont; ils ne coupent point leurs ongles, &c. Struys dit que les femmes Siamoifes portent dc3 pendans d'oreilles bout, îcb' lotres, A: I s les efli- es orcil'cs i de ro~ ireilics par [es percer tacher des [ pays, de fi prodi- )rtfque y irs oreilles lies ; pour L peu pius naturelle- cheveux » hommes iris, qu'ils lUtcur des is mettent parfumée :>lus pâîes ;mcnt ; ils em le peu )oint leurs is femmes tl'oreilics 'de r Homme, '3 j' fi maiïifs ^i fi pefans, que les trous où ils font attachés deviennent arfez grands pour y paffer le pouce; il ajoute que le teint des hommes & des femmes cft ba- lime , f|ue leur taille n'eft pas avanta- gcufe , mais qu'elle cfl bien prifc & dé- gagée , & qu'en général les Siamois font doux & polis. Selon le Père Tachard Iqs Siamois font très - difpos , ils ont p>armi eux d habiles fiuicurs & des faifeurs de tours d'équilibre aujfïï agiles que ceux: d'Euroj)c ; il dit que ia coutume de le noircir les dents vient de l'idée qu'ont les Siamois , qu'il ne convient point à des hommes d'avoir les dents blanches comme les animaux, que c'efl pour cela qu'ils fe les noircirent avec une efpèce de vernis qu'il faiit renouveler de temps en temps , & que quand ils appliquent ce vernis , ils font obligés de fe palTcr de manger pendant quelques jours, afin de donner le temps à cette drogue de- s'auacher. Les habiîans des royaumes de Pe'gu," d'Aracan, reffemblent affez aux Siamois, <î^ ne diffèrent pas beaucoup des Chinois par b foimc du corps ni par ia phvfionomiçj^ ^B v| ^3 5 HtJIolre Natureîlé ÎIs font feulement plus noîrs flj, ceut d*Aracan eftiment un front large & plat, & pour le rendre tel , ils appliquent une plaque de plomb fur le front des enfans qui viennent de naître. Ils ont les narines larges Ôc ouvertes, ics yeux petits ôc vifs, Se les oreilles fi alongées qu'elles leur pendent jufque fur les épaules , ils mangent fans dégoût des fou ris , des rats , des fèrpens & du poiffbn cor- rompu ^mj. Les femmes y font pafïà- blement blanches , & portent les oreilles suffi alongées que celles des hommes fnj» iLes peuples d'Achen qui font encore plus au nord que ceux d' Aracan , ont auflî le vifage plat Ôc Ja couleur olivâtre ; ils font grofîiers , 6c laifTent aller leurs enfans tous nus, les filles ont feulement une plaque d'argent fur leurs parties na- turelles. Voyei le Recueil des voyages de la Compagnie HolL tome IV, page 6 ^ ; à" k yoyage de Mandeljlo ^ U II , p, ^ 2 8, (l) Vide jmmam partem Imîiœ Orientalis j'er Plga^ ''^ettam, Francofiirti, «598, pag. 46. (m) Voyez les Voyages de Jean Ovington. Paris ^ [172 j , tome II , page 27^, (n) Voyez le Recueil des voyages de la Compagnie Jloll, Amf» '792f tmt Vif fagt -2/i, 4 (î) , ZtViX ge & plat, iquent une des en fans les narines tits & vifs , ['elles leur )aules , ils )uris , des iïbn cor- ont paflà- les oreilles tnmes (n), nt encore ican, ont olivâtre ; lier leurs culement arties na- iges de la 3 > àr U 28. ler n ;ton. Paris; Compagnie ^Je r Homme, '^7* Tous ces peuples, comme Ton voit, ne diffèrent pas beaucoup des Chinois , & tiennent encore des Tartares les petits yeux, le vilage plat, la couleur olivâtre; mais en dcfcendant vers le midi , les traits commencent à changer d'une manière plus fenfible, ou du moins à le diverfifier» Les habita n s qj la prefqu'île de Malaca & de rîle de Sumatra font noirs, petits j,. vifs & bien proportionnes dans leur petite taille ; ils ont même l'air fier , quoiqu'ils foient nus de la ceinture en haut, à l'ex- ception d'une petite écharpe qu'il* por- tent tantôt fur l'une & tantôt fur l'autre épaule (0)» Ils font naturellement braves, & même redoutables lorfqu'ils ont pris de ropium , dont ils font fou vent ufàge , & qui leur caufe une efpèce d'ivreiïe furieufe ^p). Selon Dampier, les habitans de Sumatra & ceux de Malaca font de ia même race , ils parlent à peu près la même langue; ils ons tous l'humeur fîère & hautaine ; ils ont la taille médiocre , le vifage long , les yeux noirs , le nez d'une (0) Voyez les Voyages de Gherardini, Ptiris, lyoot jpa^e ^ét if fuir, (v). Voyez les Lettres édifiantes; RtcmïUl, p> (for H t ^3 S hMoke Nautrelle grandeur inéJiocre , les ièvrcs minces ^ ies dents noircies par fe fréquent iidigc du bétel (q). Dans l'île de Pugiiiaun ou Piflagan à \ 6 lieues cn-dcçà de Sumatra, les naturels font de grande taille, & d'un teint jaune, comme celui des Brcfiliens; ils portent de longs chcv'^ux fort ii/Tes , & vont ablolument ni:s (r). Ceux des îles Nicobar nu nord de Sumatra font d'une couleur bafar.te & jaunâtre , ils vont auffi prefque nus ff). Datnpier dit que les naturels de ces Îles Nicobar font grands & bien proportionnes, qu'ils ont le vifige afîez long , les cheveux noirs & lifTes, & le nez d'une grandeur médiocre : que les femmes n'ont point de fourcils , qu'apparemment elles fe les arrachent , &c. Les habitans de i'île de Sombreo au nord de Nicobar font fort noirs , <5c ils fe bigarrent le vifàge de diverfes couleurs , comme de vert ^ de (q ) Voye?. îts Voyages Je Guill. Dampier. Rouea, 'i^ij, tome m, pnge i ^6, (y) Voyez le Recueil de ia Comp. de HolK At^'jU M y 0 2, tome I, page 28 1» (f) Voyei les Lettres cUifiantcs, Remil II, ^r^{ W:\ lînces S< m iifligc liiuan ou )um:itra, , & d'im rcfiliens; irt liffes , >eux des atra font âtre , ils Diimpier Nicobar fs, qu'ils cheveux grandeur )nt point les fe les î i'îîe de font fort if âge de ^^eit y de )ier. EoucUf Holl. ArjL jaune, &c. Voyc^^ l'Hifioire générale des voyages, Paris, 1 y^ 6 , tome I, page s ^ 7* Ces peuples de Malaca, de Sumatra & des peùtes îles voifines , quoique difïé- rens entr'eux , le font encore plus des Chinois, des Tartares , &c. &. fcmblcnt être ifîbs d'une autre race ; cependant ies habitans de Java qui font voifms de Sumatra &: de Malaca, ne leur refTem- blent point , & font affez feinblables aux Chinois, à la couleur près, qui eft, comme celle des Mubis , rouge , mêle'e de noir ; ils font afTez femblabies , dit Pigafeita (t) , aux habitans du Brefiî, ils font d'une forte complexion & d'une taille carrée , ils ne font ni trop grands ni trop petits , mais bien nuifciés : ils ont le vifage plat , les joues pendantes & gonHtes , les lourcils gros & incline's-, les yeux petits , la barbe noire, ils en ont fort peu & fort peu de cheveux , qui font irès»couris & très-noirs. Le P. Ta- chard dit que ces peuples de Java font bien faits & robiilcs , qu'ils paroifîcnt vifs & rcfolus, & que l'extrême chaleur du climat les oblige à aller prtfque (tj Vide iff^/^ Omnui/is partcw friffiam, p» S ^% f .1 i ti i 40 'HiJIolre Naturelle nus (u). Dans les Lettres édifiantes, on trouve que ces habiians de Java ne font ni noirs ni blancs, mais d'un rouge pour- pré , & qu'ils font doux , familiers & careflans (x). François Légat rapporte que les femmes de Java qui ne font pas ex- pofées comme les hommes aux grandes ardeurs du foleil , font moins bafances qu'eux ; & qu elles ont ie vifage beau , le fein élevé & bien fait, ie teint uni & beau, quoique brun, la main belle. Pair doux, les yeux vifs, le rire agréable, & qu'il y en a qui danfcnt fort joliment (y), La plus grande partie des voyageurs Hollandois s'accordent à dire que les habitons naturels de cette île, dont ils font adluellement les poflefîèurs & les maîtres, font robufles, bien faits, ner- veux du bien mufclés ; qu'ils ont le \ifige plat , les joues larges & élevées , de grandes paupières , de petits yeux , les mâchoires grandes , les cheveux longs , fu) Voyez le premier Voyage du Père Tachard;, 'Fiiris , j 686 , page /j^. (x) Voyez les Lettres édifiantes, Recueil XVÎ » jtfige t }» (y) Voyez les Voyages de François Légat. Atnp, 'MJ98 , tgme U, l'âge ijo* élites, on a ne font ige pour- niliers & porte que t pas ex- grandes balances yQ beau , Ht uni & elfe, I*aîr éable, ôc icnt />;, >yagcurs que les dont ils s & les ts, ner- ont le élevées ^ 2UX , les longs y (eil XV î, jat. Amp, de V Homme* 4^ îe tcînt bafané, & qu'ils n*ont que peu de barbe , qu'ils portent les cheveux & les ongles fort longs, & qu'ils fe font limer les dents (■^). Dans une petite île qui cft en face de celle de Java , les femmes ont le teint bafané , les yeux petits , la bouche grande, le nez écrafé, les che- veux noirs «& longs (a). Par toutes ces relations on peut juger que les habitans de Java reffembient beaucoup aux Tar- tarcs & aux Chinois, tandis que les Malais & les peuples de Sumatra & des petites îles voifniei en diffèrent & par les traits & par la forme du corps , ce qui a pu arriver très- naturellement ; car la pref- qu'ile de Malaca &. les îles de Sumatra & de Java , aufîi - bien que toutes \t% autres îles de l'Archipel Indien , doivent avoir été peuplées par les nations des continens voifins, & même par les Eu- ropéens qui s'y font habitués depuis plus de deux cents cinquante ans , ce qui ( 1) Voyez le Recueil des voyages de fa Compagnie de Hollande. Anijierdam , iyo2, ton:e I , jh^ge y^^t Voyez autTî les Voyages de Mandellîo. 7hme îl^ jmge s ^4, (a) Voyez. les Vr.yagcs de le Gentil. Parh, i J2 ^ ^ mue Ul, j'ûge ff2t, t^ 42 Hljtolre Ndùirelk fait qu'on doit y trouver une irès-granJe "variéié dans les hommes , foit pour les traits du vifage &: la couleur de la peau, foit pour la tonne du corps & la pro- poriion des membres ; par exemple , it y a dans cette île de Java une nation cju'on appcife Chacrelas , qui elt toute ditferente, non-feulement des autres ha- bilans de cette île mais même de tous les autres Ir.dicns. Ces Chacrelus font blancs &: blonds, ils ont les yeux foibles, & ne peuvciit (up porter le grand jour; au contraire ils voient bien la nuit, le jour ils marchent les yeux bailics ôi pref- traits font ic leur nez !at entre les es très-pe- [gs ; & que fpiritucis !cnt cejîcndant pas aux Chinois. Selon Struys les hommes y font de petite taille , particulièrement ceux qui habitent les moiit:igiies, la plu- part ont le vilage large, les remtnes ont les mamelles grof/cs & p'cines , ^ de la barbe comme les homnies; elles ont les oreilles fort longues , &. elles en aug- mentent encore la longueur par certaines grofîes coquilles qui leur fervent de peu- dans ; elles ont les cheveux fort noirs & fort longs , le teint jaune-noir , il y en a auffr de jaunes-blanches & de tout- à- fait jaunes: ces peuples font fort fainéans, leurs armes font le javelot &l l'arc dont ils tirent très-bîen , ils font aufîi excel- iens nageurs , & ils courent avec une vîteffc incroyable. C'efl dans cette île où Struys dit avoir vu de tes propres yeux un homme qui avoit une queue (î) Voyez îcs Lettres édifiantes. RiQUtii il , pegi^ {W: 48 FTtfloke Naîurelk longue de plus d'un pied , toute couverte d'un poil roux , & fort femblable à celle d'un bœuf; cet homme à queue afTuroit que ce défaut, fi c'enctoitun, venoitdu climat, & que tous ceux de ia partie mé- ridionale de cette île avoient des queues comme lui (m). Je ne fais fi ce que dit Struys des habitans de cette île , mérite une entière confiance , & fur- tout fi le dernier fait efl vrai; il me paroît au moins exagéré & différent de ce qu'ont dit les autres voyageurs au fujet de ces hommes à queue , & même de ce qu'en ont dit Piolémée , que j'ai cité ci - deiïiis , & Marc Paul dans fa defcription géogra- phique , imprimée à Paris en 1556, où il rapporte que dans le royaume de Lam- . bry il y a des hommes qui ont des queues de la longueur de la main , qui vivent dans les montagnes. Il paroît que Struys s'appuie de l'autorité de Marc Paul, comme Gemeili Careri de celle de Pto- icmée , & la queue qu'il dit avoir vue, c(l fort différeiuc pour les dimenfions de celles que les autres voyageurs donnent {m ) Voyez les Voyages de Jean Struys. Routn, 'tyt^t tome 1, 1^1 ^e 100» Û i' S te couverte ible à celle ue afTuroit , venoitdu partie mé- des queues ce que dit île , mérite •-tout fi le ît au moins 'ont dit les es hommes 'en ont dit dcITus , & )n gcogra- 1556, où le de Lam- dcs queues qui vivent que Siruys arc Paul, e de Pto- avoir vue, enflons de •s donnent truys. Rouin, aux ■de r Homme, * T^^ eux Noirs de Manille , aux habitans de Lambry , &c. L'éditeur des mémoires de Plarnianafar fur i'îfe de Formofe , ne parle point de ces hommes extraor- dinaires & fi différens des autres ; il dit même que , quoiqu'il fafîe fort chaud dans cette île , les femmes y font fort Lcl'cs & fort blanches , fur - tout celles -<]ui ne font pas obligées de s'expofer aux ardeurs du foleil ; qu'elles ont un grand ^oin de fe laver avec certaines eaux prc- iparccs pour fccon(èrver le teint ; qu'elles ont le même foin de leurs dents ; qu'elles •tieiment blanches autant qu'elles le peu- vent , au lieu que les Chinois & les frjaponnois les ont noires par l'ulage du 'bétel; ([uc les hoinmcs ne font pas de grande taille, mais qu'ils ont en groiïèur •ce qui leur manque en grandeur; qu'ifs font communément vigoureux , infatc- g.iblcs, bons foldnts , fort adroits, &c (n). Les voyageurs Hollandois ne s'accor- dent point avec ceux que je viens de (11) \'oyez, la dcfcription de Tile Formofe , drcfTc'c rur les Mémoires de Ge.rgo Piafimnafar , par k i' iitiir N F. D. B. R, A^^jjkrdam , 170s , v.io-e j o .-^ ' i/ fii'V'md'i-, • 'Tome V* C '56 H'tflolre Naturelle citer au fiijet des hahiians de Formofc: JMandeUîo, auUi-bicn que ceux dont les relations ont été publiées dans le recueil des voyages qui ont lèrvi à l'éiablifîe- ment de la conijingnie des Indes de HoU iandc , dirent (jue ces infulaircs font fort grands di beaucoup plus hauts de taille ' que les Européens ; que la couleur de leur peau ei\ tntre le blanc & le noir, ou d'un brun tirant fur le noir ; qu*ils ont le corps velu ; que les femmes y font de petite taille, mais qu'elles font robuftes, grades & a(îez bien fiitcs. La plupart des écrivains qui ont parlé de l'ilè Formofc, n'ont donc fait aucune mention de ces hommes à queue, & ifs ditfcrent beau- coup entr'eux dans la defcription qu'ils donnent de la forme & des traits de ces infulaircs, mais ils (emblent s'accorder fur un fait qui n'e(l peut- être pas moins ex- traordinaire que le premier , ç'çft que duns cette lit il n'eft pas permis aux femnuj d'accoucher avant trente-cinq ans , quoi- qu'il leur foit libre de fc marier long temps avant cet Age. Rechtcrcn parle de cette coutume dans les termes fuivan^; : ce D'à- ï> bord qutjcs femmes font marines , çiles Formofc ; IX dont les le recueil réiablifle- es de Hol- :s font fort its de taille couleur de & le noir, • qu*ils ont s y font de t robuftes, plupart des \ Formofc, lion de ce^ Irent beau- ption qu'ils traits de ces iccorder fur s moins cx- çll que dan5 lux fcmnus ans , quoi- long temps ule de cette ans : ce D';i- aïkcs, çil«5 . ■■ Je l Homme, y i] ne mettent point d enfans au monde, « il faut au moins pour cela qu'elles aient ce 3 5 ou 3 7 ans ; quand elles font greffes , c< ieurs prêtrcfTes vont leur fouler le ventre ce ,avec les pieds s'il le fimt , & les font ce lavoricr avec autant ou plus de douleur ce iqu'cllcs n'en fouffriroient en accou- ce chant, ce feroit non - feulement une ce honte , mais même un gros péché de ce laiffer venir un enfant avant l'âge pref- ce iiCrit. J'en ai vu qui avoicnt déjà' fait ce aquinze ou feize fois périr leur fruit , & ce qui tioient greffes pour la dix-fcptième ce fois, lorfqu'il leur étoit permis de mettre ce *lin entant au mon' ^ ^o). Les îles Marli' • ou des Larrons, ,*iqui font , comme Ton fiit , les îles les plus éioignécs du côté de l'orient, &, pour ainlî dire, les dernières terres de ^lotre hémifphcrc, font peuplées d'hom- ^fnes très-grofFjers. Le Père Gobicn dît, Iqu'avant l'arrivée des Européens ils n'a- 4v oient jamais vu de feu , que cet éie'- mcnt fi néceffairc leur étoli entièrement (o ) \'oyez les voynges cîe Rediteren cî;ms fc ^î^rciitil âe tomt }% , par( dior I P" l les le > pan a Voy 4^4 'S I 55 lîsfiiiirprfe a première endit dans nt baiané , : plus clair hilippincs; lies que les te, & leur quoiqu'ils , de fruits m bon point mais cet pas d'être ig - temps , traordiirjire >nnes figtcs r jamais été dit que lei 'une figure rpulence & uvent aife- n poids de r la plupart :s , par le Père ïrcri , tome V, . ^ €le l'Homme: îes clieveux cre'pus (r) , le nez gros , de grands yeux ôtiacouîeurdu vifage comme les Indiens. Les habitans de Guan, l'une de ces îles , ont les cheveux noirs «5c longs , Ie> yeux ni trop gros ni trop petits , le nez gland , ies lèvres grofles, les dents afTez blanches ; le viilige long , l'air fé- roce , ils font très - robuftcs & d'une taille fort avant-^îgeufè , on dit même qu'ils ont jufqu'à fept pieds de hauteur (fj. Au midi des îl-es Marianes (i à l'orient des îles Moluqucs, on trouve la terre des Papous & la nouvelle Guinée, que paroiflcnt être les parties les plus méri- dionales des terres aufl raies. Selon Ar- genfola , ces Papous font noirs- comme les CafTres , ils ont les cheveux crépus, ie vil'age maigre & fort délagrcable, & parmi ce peuple fi noir on trouve quel- ques gens qui font aufli blancs & aufli ^ blonds que les Allemands ; ces blancs ont .,^ ks yeux trèsrfoibles & très- délicats ^/^. Oii fy/V. les Lettres édifiantes. Recueil XVI U ,ju i pS* (f) Voy . les Voyages de Dampier , tome I , page / 7^» Voyez aulli le voyage autour du monde de Cuwicy, ^ ( t ) Voyez riiift. de la conquête des îles Moluijues^ G iii >K \ m 54 H/JIoire Ndîiirelk trouve dans la relation de la navîgatron auftralc de le Muire , une defcription des habiians de cetwC contrée , dont je vais rapporter les principaux traits. Selon ce Voyageur, ces peuples font fort noirs, lâuvages & brutaux , ifs portent des inneaux aux deux oreilles , aux deux narines , <5c quelquefois aufîi à la cloifon du nez , & des brafTeiets de nacre de perle au-delfus des coudes & aux poignets , & ils fe couvrent la tê.e d'un bonnet decorce d'arbre peinte de différentes couleurs : ils (ont puiffans & bien pro- portionne's dans leur taille, ils ont les dents noires, aflez de barbe, & les che- veux noirs , courts & crépus , qui n'ap- prochent cependant pas autant de la laine que ceux des Nègres ; ils font agiles à la courfe, ils fe iërvent de maflues Si de lances , de fabres & d'autres ^rmes faites de bois dur , l'ufage du fer leur étant inconnu ; ils fe fervent audl de leurs dents comme d'armes offenfi ves , & mor- dent comme les chiens. Ils mangent du bétel & du piment mêlé avec de la chaux , qui leur fert auffi à poudrer leur barbe cSc leurs cheveux. Les femmes font aifrcufesi lavigatron iption des nt je vais . Selon ce brt noirs, )rtent des aux deux la cloifon re de perle poignets , m bonnet différentes bien pro- h ont les Se les che- qui n'ap- de la laine it agiles à naflues & Tes ^rmes u fer leur (Ti de leurs , & mor- mgent du la chaux , ir barbe ôc aârcufeSi 'Je l'Homme. 55 elles ont de longues mamelles qui leur tombent fur le nombril > le ventre extrê- mement gros, les jambes fort menues, ks bras de même, des phyfionomies de finges , de vilains traits , <^c. fuj Dam- pier dit que les habitans de l'île Sabala dans la nouvelle Guinée, font une forte cllndicns fort bafanés , qi'' c les ciie- vcux noirs & longs , & qui pu ies ma- nières ne diffèrent pas beaucoup de ceux de I île Mindanao & des autres naturels de ces îles orientales ; mais qu'outre ceux- là , qui paroiffcnt être les principaux de file, il y a aufli des Nègres, & que ces Nègres de la ncuivelie Guinée, ont les cheveux crépus &. colonnes (xj ; que les habitans d'une autre île cpfil appelle Garret ^ Denys f fjnt noirs, vigoureux & bien taillés ; qu'ils ont la tête grofTc (& ronde, les cheveux frifés & courts; qu'ils les coupent de différentes manières , & les teignent aulfi de d fferenies cou- îeurs , de rouge, de bKinc, de jaune, (u) Vov. la navigation auflmlcde Jacques le Maire, $ome IV du lecutMf des voyac;€s qui ont lér\i à itta- Uitîement de la Compagnie des Indes du I lollajidc , (x) Voyei le voyage de Dâmpiej: , tome V, tu 82i C iii; 1 mi 56 Hifioire Naturelle qu'ifs ont le vilagc rond & large avfc un gros nez plat ; que cependant leur ]>hylionoinic ne feroit pas abfolunient clefagreabie s'ils i^e fe défiguroient jkis le vilage par une efpcce de cheville de ia groneur du doigt & longue do cjuarre pouces , dont ils traverfent les deux na- rines , en forte que les deux bouts tou- chent à i'os des joues, qu'il ne paroit qu'un petit brin de nez autour de ce bel ornement ; & qu'ils ont auffi de gros trous aux oreilles oii ils mènent dc^ che- villes comme au nez fy). Les habitans de la côic de la nouvelle Hollande , qui efl à i 6 degrés i 5 nii- nu:es de latitude me'ridionale & au midi de l'île de Timor, font peut-être les gens du monde les plus miférables , & ceux de tous les humains qui approchent le plus des brutes ; ils font grands , droits & menus , ils ont les membres longs «Se déliés , la tête grofîè , le front rond , les fourcils épais ; leurs paupières font tou- jours à demi- fennecs , ils prennent cette habitude dès leur enfance , pour garan- tir leurs yeux des moucherons qui \ts (y) Voyez le voyage de Dampier , tomt V ,f» i ç2i I •m irgc avec diint leur )foluinent 'oient j):is be ville de cJc cj narre deux lia- 'outs ton- ne [)aroît de ce bel de gros ; dci clic- i nouvelle s I j nii- : au midi -être les nbles , & proclicnt Js , droits longs tk ond , les font tou- lent cette ir garan- 5 qui les Vff, I Ç2i de l'Homme.' '57 Irtcommodent beaucoup , & coilime ils n'ouvrent jamais les yeux , ils ne fliu- roient voir de loin à moins qu'ils ne lèvent la têie , comme s'ils vouloient regarder quelque choie au-dcffus d eux. Ils ont le nez gros, les lèvres groflTcs ôc la bouche grande ; ils s'arrachent appa- remment les deux dents du devant de fa mâchoire fupéricure, car elles manquent h. tous , tant aux hommes qu'aux femmes , aux jeunes di aux vieux , ils n'ont point de barbe : leur viiitge eft long, d'un afpecft très- défagrcable , lans un ièul trait qui pui/Te plaire ; leurs cheveux ne font pas longs Ck lifîes comme ceux de pref^ C|ue tous les Indiens , mais ils font courts , noirs (Se crépus, conune ceux des Nègres, leur peau ell nr>ire conune celle des Nègres de Guinée. Ils n'ont jDoini d'ha- biis, mais leuleiiicnt un morceau d'écorce d'arbre attache au milieu du corps en forme de ceinture , avec une poignée d'herbes longues au milieu ; ils n'ont poiiU de mailons, ils couchent à l'àir fins aucune couverture , ôi n'ont pour lit que ïa terre , ils demeurent en trouj)cs de vingt OU ^' Mte, hommes, femmes ^ enfuis, C V f 'p: -lii 'iL.!! 5 8 Hlj^ire Naîurcne tout cela pèle- mêle. Leur unique nour- | riiure e(l un petit j)oifron qu'ils prennent en faifant de^ réfcrvoirs de pierre dans de petits bras de n^er , ils n'ont ni pain, ni grains, ni légumes, ^ingt-deux nu vingt- trois degrés latitude fud , fcmbleni être de la niêiue race que ceux dont nous venons de parler, ils font extrêmement laidi , ils ont de même le regard de tra- vers, la peau noire, les cheveux crépus, le corps grand & dclié (a). Il paroit par toutes ces dcfcriptions que les des & les côtes de l'occan In- dien font peuplées dhommes très-diffé- rcns entre eux. Les habitans de Malaca, de Sumatra & des îles Nicobar femblent tirer leur origine des Indiens de la pref- qu'île dcl'lnde; ceux de Java, des Chi- nois, à i'excejîtion de ces hommes blancs & blonds cju'on appelle Chacrelas , qui doivent venir des Européens ; ceux des îles Moluques paroiffeni aufîl venir pour ia plupart, des Indi ns de la prelqu'îic ; (l) Voy. le voyage de T^^inipkr , tomt JI,j'age iji% (a) IJtm, tom I/, l'Jge //^, que noiîf- i prennent re dans de p^in, ni li ote de I4 t-deux on fcmblent dont nous trêinemcnt rd de tra- ix crépus, L'fcriptions :3ccan In- irès-diffé- e Malaca, r lemblent Je la pref- , des Chi' nés blancs ^elas , qui ceux des Tnir pour irefqu'îic j Se l'Homme* 5^ waîs îes îiabitans de l'île de Timor qui cft la plus voifinc de la nouvelle Hol- lande , font à peu près lèinbiabies aux peuples de cette contrée. Ceux de l'ile Forniole & des îles JVlarianes le rcflem- Ment par la hauteur de la taille , la force & les traits ; ils paroifTent former une race à part différente de toutes les autres cjui les avoifinent. Les Papous & les autres habitans des tcrics voifincs de la nouvelle Guinée, font de vrais noirs âc relîemblent à ceux d'Afiiquc , quoiqu'ils en foient prodigieufement éloignés, & que cette terre foit féparée du continent de l'Afrique par un intervalle de plus de 2200 lieues de nier. Les habitans de la nouvelle Hollande reffemblent aux Hottcntots ; mais avant que de tirer des conféquences de tous ces rapports, & Rvant que de raifonner fur ces différences, il eft néceffaire de continuer notre exa- men en détail des peuples de l'A fie & de l'Afrique. Les Mogols & les autres peuples d€ la prefqu'île de l'Inde reffemblent afîèz aux Européens par la taille &. par les }j:aits^ mais ils ca dlifcreiit plus ou moins C vj Û I 60 Hiflo'ire Naturelk par la couleur. Les Aïogols font oîî- vâircs , quoiqu'on langue lii(.lieniic Moool veuille dire blanc ; lc> Icnimes y (ont ex- trêmement propres , <îk e'.Ies le baignent irèb-fvjuveni ; elles font Je couleur oli- Viiirc comme les hommes , & elles ont U'S jambes ^ les cuille! fort longues (Se le co: j-)S afîcz court , ce qui ell le con- traire des femmes Européennes (b). Ta- veini-T dit c{uc lorGju'on a pafTc Lahor & le royaume de Cachemire , toutes les femmes du Alogol naturellement n*ont point de poil en aucune partie du corj)S, & c(uc les hommes n'ont c[ue très - |)eu de barbe (^c) . Selon Thcvenot les femmes Mogoles lont afïcz fécondes, quoii'|ue très - chafles , ellcb accouchent aulîi fort ailcment , & on en voit quelquefois mar- cher par la ville dès le lendemain qu'elles foiu ;iccouchées ; il ajoute qu'au royaume de Décnn on in;uie les cnfans extrème- rnent jcuiiCS; dès que le ni^iri a dix ans & la femme huit les parons les laifîent coucher cnlèmble, & il y en a qui ont (h ) Voye?. les voyap;cs de la Eoullayc-ie-Gour^ (c) Voyez les voyages de Ta Ycrnier, /?tw// j ^7^3^ fome m, juige Soi font oîî- I y foiu L'x- , '. b.iigncnt - iulcur uli- cllcs ont ongucs <î enfans de ii lionne heure , tefient ordinairement d'en avoir après l'àgc de trente ans , & elles deviennent extrê- mement ride'es f^/J. Parmi ces feniiîies il y en a c(ui fe font découper la chnir ca fîeurs , comme (jiiand on a]^j)li(|uc des venioufcs ; elles j)eigneni ces fleurs de diverfes couleurs avec du jus de racines, de manière (jue leur peau paroît comnic une èioflc à fleurs fej. Les Bengaiois font plus jaunes que les Mogolî> , ils ont aufli des mœurs toutes diiîèrentes , les femmes font beau- coup moins cliaiies , on j->rc'îend même que de toutes les femmes de Ilnde ce iont les |)lus lafcive^. On fiit à Bengale un grand commerce d'eiclaves mâles & femelles; un y liiit aufîi beaucoup d'eu- nuques , foit de ceux auxcjuels on n'oie que les leflicules, (oit de ceux à qui oïl fait l'amputation toute entière. Ces peu- ples Iont beaux ôi bien faits, ils aiiiicnt le commerce y . les N'ovapics de Thevenot , rome III , p. 2^^i (e) Voy. les voyages del Vntt'nicr , tome lit , {'» J^m (fj Voyci les \o) agcs de l'yiard ; ^'^.^n- j j -/.^ 'éi Hipoke Naturelle de Coromandel font plus noirs que îeî Bengalois, ils font auffi moins civiiifés, les gens du peuple vont prefque nus ; ceux de la côte de Malabar font encore plus noirs , ils ont tous les cheveux noirs, lifîès & fort longs, ils font de la taille des Europe'cns; ïçs femmes portent des anneaux d'or au nez ; les hommes , les femmes & les filles fe baignent enfembie & publiquement dans des baflins au mi- lieu i\Qi villes , les femmes font propres & bien fiiiies , quoique noires , ou du moins très-brunes ; on les marie dès l'âge de huit ans (g). Les coutumes de ces difS- rens peuples de l'Inde font toutes fort fin- gulières , & même bizarres. Les Banianes ne mangent de rien de ce qui a eu vie, ils craignent même de tuer le moindre in- fêde , pas même les poux qui les rongent , ils jettent du ris & des fèves dans la rivière pour nourrir les poiiïbns , & des graines fur la terre pour nourrir les oifeaux & les inre(flcs a quand ils rencontrent ou un chafTeur ou un pêcheur, ils le prient Inftamment de fe dé fi fier de fon cntre- (g) Voyez le Recueil <îes Voyages. Amlfirdûm^ *i;^02» tome yjf jagc^^/t que îes civiiifcs, ue nus ; Ht encore ux noirs, h taille rtent des mes } les enfemble is au mi- t propres f ou du dès l'âge ces difre- s fort fm" Banianes eu vie, ils lindre in- rongent , i la rivière es graines }i féaux ôi itrent ou . le prient on entre- Amjfirdami prîfê ; & Cl l'on eft fourd à leurs prières , ils offrent de l'argent pour le fufil & pour les filets , & quand on refufe leurs offres , ils troublent l'eau pour épouvanter les polffons, & crient de toute leur force pour faire fuir le gibier & les oifeaux /h/. Les Naires de Calicut font des militaires qui font tous nobles, & qui n'ont d'au- tre profeffion que celle des armes ; ce font des hommes beaux & bien faits , quoiqu'ils aient le teint de couleur oli- vâtre , ils ont la taille éleve'e & ils font hardis , courageux , & très-adroits à ma- nier les armes ; ils s'agrandiffent les oreilles au point qu'elles delcendent jufque fur ieurs épaules , & quelquefois plus bas. Ces Naires ne peuvent avoir qu'une femme , mais les femmes peuvent pren- dre autant de maris qu'il leur plaît. Le Père Tachard dans fa lettre au Père de la Chaile, datée de Ponticheri, du i6 fé- vrier 1701 , dit que dans les Galles ou Tribus nobles , une femme peut avoir lé- giiimement plufieurs maris , qu'il s'en eft trouvé qui en avoient eu tout-à-la-foîs Jufqu'à dix, qu'elles regardoient comme (Âl Voyages de Jeat\ 5lruy$, tmi ih ^agt zi/} '64 'Hifiohe Naîtireh autant d efclaves qu'elles s'étoient foumTj "berté d'avoir I {i)^C ette par leur beauté plufieurs maris eit un privilège de no- blcfîe que les femmes de condition font valoir autant qu'elles peuvent , mais les bourgeoites ne peuvent avoir qu'un mari ; il eft vrai qu'elles adoucifïent la dureté de leur condition par le commerce qu'elles ont avec les étrangers, auxquels elles s'abandonnent fans aucune crainte de leurs maris & fans qu'ils ofent leur rien dire. Les mères j)rortituent leurs filles le f)lus jeunes qu'elles peuvent. Ces bourgeois de Calicut ou Moucois fcm- blent être d'une autre race que les nobles ou Naircs; car ils Ibni hommes & femmes , plus laids, plus jaunes, plus mal faits & de plus petite taille ( k ), \[ y vl parmi les Naires de certains hommes & de cer- taines femme> cjwi ont les jambes aulft grortes (|ue ie corps d'un autre homme; ceie difîormiié n'eft point une miii.tdie, elle leur vient de naiiîance; il y en a r { } J Voyez, les Lettres édifiantes , Recueil II , pagt ( k } ^^)ycz les voyages de François TyrarJ , yv7^< 'nt foumTj té d'avoir {Q de no- iiion font , mais les l'un mari; la dureté ;onimerce auxquels ne crainte )lent leur jcnt leurs vent. Ces cois fcin- les nobles i femmes , lal faits Européens , il y en a même quelques-uns qui font roux ; ils ne parlent j)as la langue de Ceyian , que les femmes font de petite taille , mais propres & bien faites, qu'elles portent les cheveux longs ; qu'elles ont auffi des bagues aux narines & de grands pendans d'oreilles, p/ige f pj' Il y a parmi eux fort peu de bofTus ou de boiteux ; quelques-uns (fj \''oyez le Recueil dts voyacrcs qui ont (erv à Tct:il^!i(iênient tk la Compagnie des Indes de î 'M ¥■ rapportent font j au- tres; qu'ils .uropccns ; )orciit que foleil , font . hommes , •s qui font ,e les Por- lit que les »us ba(ané$ ou moins icmeurent ; le font le nt forts & n le vifage les femmes propres & es cheveux 3agues aux d'oreilles, fort peu elqucs-uns qui ont fcrv' des Indes de ' de r Homme: 7 n tX)X ïc tcînt plus clair que îes autres » mais ils ont tous les cheveux noirs & liiïes. Les anciens habiians de Guzaratc font aifés à reconnoître, on les diftin- gue des autres par leur couleur qui eft beaucoup plus noire , ils font aufli plus flupides & plus grofiiers. Idem » tome JI f page 222, La ville de Goa cft , comme Ton fait , le principal établifTcment des Por- tugais dans les Indes , & quoiqu'elle foit beaucoup déchue de fon ancienne fplen*^ deur , elle ne laific pas d'être encore une ville riche & commerçante, c'eft le pays du monde où il fe vendoit autrefois le plus d'cfclaves , on y trouvoit à acheter des filles & des femmes fort belles de tous les pays des Indes ; cesefclaves favent pour la plupart jouer des inftrumens, coudre & broder en pcrfedion ; il y en a de blanches , d'olivâtres , de ba- f-inées , & de toutes couleurs ; celles dont les Indiens font le plus amoureux , font les filics Caffres de Mofambique | qui font toutes noires. « C'eft, dit Py- rard , une chofe remarquable entre cc îûus ces peuples Indiens , tant mâlci» cç i lit y 2 Hijfoke Naturelle »> que femelles, & que j*ai remarquée; 3> c|we leur Tueur ne put point , où les 15 Nègres d'Afrique , tant en deçà que 3> CICmI le cap B onnc -ef, gérance » tentent de telle forte quand ils font 5> échauffes , qu'il e(l impoffible d'ap- D> prochcr d'eux , tant ils puent & fentent mauvais comme des poireaux verds 3>. Il ajoute que les femmes Indiennes î aiment beaucoup les hornmes blancs ■d'Europe, «& qu'elles les préfèrent aux blancs des Indes ; & à tous les autres indiens (t). Les Pcrfans font voifins des Mogoîs & ils leur reflemblent affez , ceux fur- tout qui habitent les parties me'ridionales de la Perfe , ne difîèrent prefque j)as des Indiens ; ies habitans d'Ormus , ceux de la province de Bafcie & de Balalcic ibnt très- bruns & très-ba(anés, ceux àt la province de Chefimur & des autres parties de la Perfe, où fa chaleur nV'lt pas aulîi grande qu'à Ormus , font moins bruns , ^ enfin ceux dts provinces (0 ^'^>ycz 1^ l^-"^ partie du voyage de Pyrard, fcpteutrionalvs marquée; it , où les deçà que fpcrance , 1 ils font ible d'ap- ; & fement : verds 35, Indiennes les blancs \ fèrcnt aux les autres es Mogols ceux lur- u'ridionales refque pas mus , ceux \ c Balafcic s , ceux di des autres aleur n'ell font moins provinces [q de Pyiard, de r Homme: 75" fcptcntrîonales font aiïez blancs fu/» Le» femmes des îles du golfe Perfiquc font , au rapport des voyageurs lloilandois, brunes ou jaunes & fort peu agréables, elles ont le vifage large & de vilains yeux ; elles ont aufli des modes ôc des coutumes fembïables à celles des femmes Indiennes, comme celle de fe pafîer dans le carti- lage du nez des anneaux & une épi gfe d'or au travers de la peau du nez près des yeux f^J» niais il eft vrai que cet ulage de fe percer le nez pour porter des bagues & d'autres joyaux , s'ell étendu beaucoup plus loin, car il y a beaucoup de femmes chez les Arabes qui ont une narine percée pour y pafler un grand anneau , & c'ell une galanterie chez ces peuples de baifcr la Louche de leurs i femmes à travers ces anneaux, qui font '' ' "^ ' [ifèrmer iquelquefoi grands pour e utrionak fu) Voyc7. la cîcfcriptîon des Provinces Orientaïes; [par Marc Pâul. Rtris , j/;tf, pages 22 & ^p, [Voyei auflTi le voyage de Pvrard, tome II , page (x) Voyez le Recueil àt^ voyages de la Corci'i ?agnie de Hollande. A'njkrdam, I/02, tov.e V(^ ir.qe ipi» ^ Tome V. - © " >t'''Vû*r ♦>, /y^ 74 /////t'//'^ Naturelle toute îa bouche dans leur ro Xéiiophon, en parlant des ^euanj, dit qu'ils ctoient la plupart gros ôl gra^ ; Marcelin dit au contraire que de l()n temps ils éioient maigres & fccs. Olearius qui fait cette remarque , ajoute qu'ils font aujourd'hui, comme du temps de ce dernier auteur, maigres & fêcs, niiiis qu'ils ne Inifîcnt pas d'être forts & ro- buflcs; félon lui ils ont le teint olivâtre,! les cheveux noirs & le nez aquilin (i), Le fang de Perfe , dit Chardin , cil naturellement grofllcr , cela fe voit aux Guèbres qui ibnt le refte des anciens Perfjns, ils font laids, mal faits, pefans, ayant la peau rude & le teint colore; cela (e voit auffi dans les provinces les plus proches de l'Inde où les habitam^ ne font guère moins mal faits que 1« Guèbres, parce qu'ils ne s allient qu entre eux ; mais dans le refle du royaume le fang Perfaneft préfentement devenu fort beau, par le mclange du fang Géorgien fy) Voyez fe voyage fait par oidre du "Roi dan h Paicliinc , par M . D. L. R. Ports , ly 17, fngt 2 6o> (^) Voyez le voyage d' Olearius. Pajn, lôjéy urne I, p^ii'e /«/. a n C 01 d il ce fe & & i pa i ho idrc ■de on Jeu pas doi qu; hoi- "naij foi\ ■imxl ■f os & gra^ ; 1UC de ion :s. Olearius joute qu'ils a temps lie !c fecs , niais forts & ro« nt olivâtre,* iquilin ('{/. hardin , cft fe voit aux des anciens aits, pefans, pint coloré; rovinces les les habitans, faits que 1« lent qu'entre royaume le devenu fort ng Géorgien du T^oi dans !} PajiS, J('SK fie f Homme» , 75 ^ Circaffien, ce font les deux nations du monde où la Nature forme de plus [jclles perfonncs : aufli il n'y a prefcjuc riucun homme de qualité en Pcrfe (jui ne foit ne d'une mère Géorgienne ou Circafiicnne ; le Roi lui - nicjnc tll ordinairement Gé(;rg!cn ou C'ircafllcn d'origine du coté maternel ; & comme il y a un grand nombre d'années que ce mélange a commencé de fe faire , le fexe féminin ell embelli comme l'autre , & les Pcrfumes Ibnt devenues fort belles & fort bien faites , quoique ce ne loit pas au point des Géorgiennes. Pour les hommes ils font coinnuinément hauts , droits, vermeils, vigoureux, de bon air & de bel.'e apparence. La bonne tcmpéiaturc de leur climat cSc la fobriéic dans la(|ucllc on les élève, ne contribuent pas peu à leur beauté corporelle , ils ne la tiennent pas de leurs pères, car fuis le mélange dont je viens de parler , les gens de qualité de Pcrfe icroient les plus laidj hommes du montic , puiGju'ils font origi- naires de la Tartarie dont les hal)!cans !f.)fit , comme nous l'avons dit, IniJs , ^nial faiis & grolîiers , ils iôm au contraire ^6 Hijfotre Ndturclle fort polis & ont beaucoup d'efprît , \q\\^ imaginaiion efl vive , prompte & fcnile, leur mémoire aift'e & féconde ; ils ont beaucoup de (Jirpofition pour les fcicncci & les arts libéraux & mécaniques , ilf^ en ont aufîi beaucoup ponr les armes ; ih aiment la gloire, ou la vanité qui en dt la fiufle image; leur naturel eft j)iinnt & {(')uplc, leur efprit ficile Ôi intrigant; ils font galans , même voluptueux ; ifs aiment le luxç , la dépenfe, & ils s'y livrent jufqu'à la prodigalité ; aufîl n'en- tendent-ils nî l'économie, ni le commerce, Voye^ les voyages de Chardin , Awjl, J yi i, tome II , page ^4, ; Ils font en général affez fobres , & cependant immodérés dans la qur.niiie de fruits qu'ils mangent , il efl i : ordinaire de leur voir manger un mdv 'k mcîons , c'cfl-à-dire, douze livres pefam, il y en a même qui en mangent trois ou quatre nians ; aufîi en meurt -il quant!;« Txir les excès des fruits (a). On voit en Pcrfe line grande qiini> iîté de belles femmes de toutes coulcurî, f^) Voyez le.': voyages «le 7 hevcnot, Paris, / ii- pfjic If. r'^tf ^S/, réi dej attei 'f\ } raF ien »'•■< jjgtm-' efprît, îciH' ,e & fcriile, ide ; ils ont j les (cicnccj :|ues , ilî^ tn i armes ; i(j é qv.i en cil el eîl i) liant 5i intrigant; iptueux; iisf , & ils b'y^ ; au fil n'cn- le commerce, JwJl.J'/ih f. (bbres, t i la quaniiiei, il cfl in er un ;;/<7?' à livres pelant, lo-cnt trois ou rt-il quantkî Trande qm'' lies couleurs, Je r Homme é yf Car îes marchands qui les amènent de tous les côicfs , choififlem les plus belles. Les blanches viennent de Pologne , de Alofcovie , de Circaffie , de Géorgie iges de Trt-.crnit.r. Rcucn , r jr ;,, 1 7 8 Hiflohe Ndturclle pas mieux que la première recette , elle? le déterminent enfin à avaler la pariîe du prépuce qu'on retranche dans i;i circoncifion ; c'eft le fouvcrain remède contre la llc'riiité (cj. Les peuples de la Perle , de la Tur- quie, de l'Arabie, de l'Ev/yptc à. de toute la Barbarie peuvent eue regardes comme une même nation c}ui , d:ms ic temps de Mahomet d jeune-) ni:es lont tres-agreauies, que chanicnt fars cefTe , & que leur chant n'ert pas trille comme celui des Turques ou des Pcrfanncs , mais qu'il eft bien plus étrange , parce qu'elles pouflem ieur ha'cir.e de toute leur force , & quV'Its articulent extrêmement vîie, J oycT^les voyages de la Boullûye le Cou7j fû^ /^ j S. Les princcflcs Se les dames Araires, un autre voyageur , qu'on m'a » > .ontrecs par le coin d'une tente , m'unt >a paru fort bciles & b'en fàiies , on peut ys> jngcr par celles-ci & pur ce qu'on m'en 35 a dit , que les autres ne le font gucie 5> moins , e'ies font bianches , parce 3> qu'elles font toujours à couvert du yi foleil. Les fAnmes du commun font 33 extrêmement halc'es ; outre li couleur 33 brune & 1/afancc qu'elles ont natu- 33 rciicmcnr, je les ai trouvées fort laiJes 33 dans toute leur figure , & je n'ai rien \ii » en elles que ici ngrtmens ordinairu c< m ;s pouces ie des , parce au foleil, ; que les s, qu'elles leur chant Turques I eft bien ; pouflem force , à nent vîie, :e le Goiii, es Arabes, qu'on m'a Lmie, m'ont es , on peut qu'on m'en font guère les y parce couvert da mmun font : !'i couleur ont natu- 'S fort iaiJes • n'ai rien \ u S ordinaiai tie rHomme» 83 3 une ligne de ce noir au dehors du w coin de i'œil pour le faire paroître plus cç fendu ; car en général la principale ce- beauté des femmes de i'Orient ell ce d'avoir de grands yeux noirs , Lien ce ouverts' & relevés à fleur de tête, ce X.CS Arabes expriment la beauté d'une ce femme en difant qu'elle a les yeux ce d'une gazelle : toutes leurs chanfons ce amoureulcs ne parlent nue des yeux ce noirs 6i des yeux de gazelle , & c'efl à c< cet animal qu'ils comparent t(nijours ce SeUiS mai refe ; efïe(5tivement il n'y a ce jien de li joli (|uc ces gazciîes , on ce Yoit lur-lout ea elles une ceaaine c« Dv! ?n^ 84 Hij%h-e Nanirelle 53 crauiie innocente qui rcfrcinbje fort a •3 la pudeur & à la timidité d'une jeun(i 33 fille. ï.cs dames & les nouvelles mariées 33 noircinent leurs (ourcils & les fonî 33 joli. (Ire fur le milieu du front, elles >3 le piquent aufli les bras & les mains, yy formant pluficurs fortes de figure, 33 d'animaux , de fleurs , &c. elles lé 3» peignent les ongles d'une couleur 33 rougeâirc , & les hommes peignent 33 aufli de la même couleur les crins & 3r» l'j queue de leurs chevaux ; elles cm x> les oreilles j:)erct'es en plufieurs endroits 33 avec autant de petites boucles & d'iui- 33 ncaux ; elles portent des bracelets aux bras 3. Voye-^ le voyage fait par ordre du Roi dans la Palejline par A"!, D. L, R. page 260, Au rcftetous les Arabes font jaloux Je leurs femmes, & quoiqu'ils les achettcnt ou qu'ils les enlèvent, Hs les traitent avec douceur, & même avec quelque rcfped:. ^ Les Égyptiens qui font fi voifins des Arabes , (jui ont la même religion , h qui font comme eux fournis à la donii- #wiion des Turc? , ont cependant dci :l« Je fort a une jeune es nuriët'5 : les fonî ont , elles les mains, le figures :. elles le ; couleur peignent 2s crins & elles cm rs endroits :s & d';in- iccîets aux voyage fait ilejline pur t jaloux Jç s achettcnt zs traitent c quelque voifins (la gion la (Jomi- ndant da {Je r Homme* 8 J- toiiturnes fort différentes Je celles des Arabes; par exemple, dans toutes les villes & villages ic long du Nil on trouve des filles dclHne'es aux plaiHrs des voya- geurs, fins qu'ils foient obligés de les j)ayer ; c'efl l'ulage d'avoir des maifons d'horpiialitc toujours remplies de ces filles , & les gens riches ie font en mou- rant un devoir de piété de fonder ces maifons & de les peupler de filles qu'ils font acheter dans cette vue charitable»: lorf (u'cllcs accouchent d'un garçon , clic font oJjligecs de l'élever jufqu'à l'âge de ti Vis ou quatre ans, après quoi elles le portent au patron de la maifon ou à fes héritiers qui font obligés de recevoir l'enfant , & qui s'en fervent dans la fuite comme d'unefclavc; mais les petites iillcs rcflent toujours avec leur mère, & fer- vent enfuite à les remplacer (î). Les Egypii'ennes fint fort brunes , eiîes ont Ici yeux vifs (k); leur taille cil au-dcfibus de la mcdiocrc , la manière dont elles lont (i) Voyez les voyages de Paul Lucas. Parh, i p'o^i jiûge j6^ , &c. (h) Voyex les voyages de Gemelii Carcri , (oms J^ Ai>^^ lil ^if: Î6 Bfohe Nciturelk vêtues n'efl point du tout agréable, ^ leur conveif*ition efl fort cnnuyeufe fl); au rcfle cl:cs font beaucoup d'enfans, & qucicjucs voyageurs prétendent que la fécondité occalionnée par ''inondation du Nil ne fc borne pas à la terre feule, mais cju'eile s'ciend aux hommes & aux animnux ; tls mois d'avril & de mai ; qti'à Teg.ird des animaux ks vaches portent picfquc toujours deux veaux à la fois, les {«rcbis deux ngncaiix, &c. (m). On :ie laii 'pa^. trop comment concilier ce que ncuis venons de diie de ces bcnirr ;es influencer du Nil, avec o fl) Voyez, les v{>- .i|^cs liu Pcre yanfftb. Pimi, (m) Voytz les voyages du fjci' Lu^.as. Rcum ), f *i# j ^i ,.^«- abîe, ëc eufe {^/J; ntbns , & t que la f îond:ition rc ieulc, es & aux par une éineniic , es femmes vent , foit baigner; is qui iui- , aux mois oiiçoivcm fans vicn- , d'avril & il m aux ks ours deux : ngncau.v, comnient is de diie Nil, avec 'anfftb. Purii, Je VHontîiTe, 5/ !cs maîadîes fâcheufes qu'il produit; car M. Grangcr dit que Tair de l'Egypte t{\ malf la , que les maladies des yeux y font très-fréquentes , à fi difficiles à gué;ià que prefque tous ceux qui en font attaques perdent la vue, qu'il y a plus d'aveugles en Egypte qu'en aucun auire pays, & que dans !e temps de la crue du Nil la plupart des hubitans fout attaques de diffcnieries opiniâtres , caufées par les eaux de ce fleuve, qui dans c* temps-là font fort chargées de fels fn), Quoic[ue les femmes fuient communé- ment afîcz peii:cs en Egypte, les hommes iont ordinairement de hauie taille (o)» Les uns & les autres font généralement parfait, de couleur olivâtre, & plus on sVloignc du Caire en remontant , plus les habiiuiis ibni jjafanés, jufquc-là que ceux qui font aux confins de la Nubie, lont prefque audî noirs que les Nubiens même.. Les défauts les plus naturels aux Égyptiens, foiit l'oifivcté & la poltron- (n) Voyc7. le voya(jc de M. Grangcr. Paris , /y'^/^- (p) Voyez les voyages de Pietro dclia Viille, tomt l'^ IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-S) ^o 4> 'fâ. (/x 1.0 l.l ■-IIIIIM IIIIM ■^ IIIIM II 2J^ E>UÛ 1.8 1.25 1.4 1.6 ^ 6" - ► V] <^ /a %V 7 '/ /À Photographie Scienœs Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 4» #/^ .6> ^ 88 BjloireNgitiirclk neric , iis ne font prefque autre cîiofê tout le jour que boire du café , fumer, dormir ou demeurer olfifs en une place, ou eau fer dans les rues ; ils font fort Ignorans , & cependant pleins d'une vanité ridicule. Les Coptes eux-mêmes ne font pas exempts de ces vices , ^ quoiqu'ils ne puiiïent pas nier qu'ils n'aient perdu leur nobleflè, les fcicnces, l'exercice des armes , leur propre hiftoire & leur langue même , & que d'une nation illuftre & vaillante ils ne foicnt devenus un peuple vil & efclave, leur orgueil va néanmoins jufqu'à méprifer les autres nations , & à s-ofFenfer lorfqu'on leur propofe de faire voyager leurs enfans en Europe pour y être élevés dans les iciences & dans les arts (p). Les nations nombreuies qui habitent ïcs côtes de la Méditerranée depuis l'Egypie jufqu'à l'Océan , & toute la profondeur des terres de Barbarie juf^ qu'au mont Atlas fr]» En général, les femmes Maures affec- tent toutes de porter les cheveux longs juique fur les talons , celles qui n'ont pas beaucoup de cheveux ou qui ne les ont pas i^i longs que Ic^ autres , en porient de poliiches, & toutes les tiedent avec des rubans; elles fe teignent le poil des paupières avec de la poudre de mine de plomb, elles trouvent que la couleur foinbre que cela donne aux yeux efl une be-auté fingulière. Cetie coutume ell fort ancienne & afTez génénile, puifque ïes femmes Grecques & Romaines le brunifToient les yeux comnie les femmes de l'Orient. Voyages de M, Shaiv, tome I, page ^82» La plupart des femmes Maures pafîê- roîcnt pour belles, même en ce pays-ci, leurs enfans ont le plus beau teint du monde & le corps fort blanc , il eil vrai que les garçons qui font cxpofés au foleil bruniflent bientôt, mais les filles qui fe tiennent à la maifon, confcrvent (r) Voyez W des royaumes de Barbarie» La îcur qu'el /i : ' ^^e l'Hommei ' ^t leur beauté jufqu'à l'âge de trente^ana qu'elles ceflent communément d'avoir des enfans , en récompenfe elles en ont fouvent à onze ans, & fe trouvent quel- quelquefois grand'mèrcsà vingt-deux, & comme elles vivent aufli long temps que les femmes Européennes, elles voient or- dinairement plufieurs généraiions. Idem , tome /, page s 9 5* On peut remarquer en lilant îa de{^ crîptioii de ces difFérens peuples dans Marmol , que Içs habîtans des montagnes de la Barbarie font blancs , au lieu que les habitans des côtes de la mer & des plaines font bafmés & très- bruns. Il dit exprefîément c[ue les habimns de Ca- pez , ville du royaume de Tunis fur la méditerranée , font de pauvres gens fort noirs (f); que ceux qui habitent le Ion or de la rivière de Dara dans la jDrovince d'Efcure au royaume de Maroc , font fort ba fanés (t); qu'au contraire les habitans de Zarhou & des montagnes de Fez du côté du mont Atlas, font fort ( f) Voyez l'Afrique de Marmol, tomt 11, im^t (t) Uan, tome 1 1 , page 1 1 j. 1^1 J^iJIoire Naturelle Blancs , & il ajoute que ces derniers (ont fi peu (enfibles au froid , qu*au milieu des neiges & des glaces de ces montagnes ils s'habillent très-légèrement & vont tête nue toute l'année (uj, 6c à l'égard des habiians de la Numidie, il dit qu'ils font plutôt bafànés que noirs, que les femmes y font même affez blanches & ont Beaucoup d'embonpoint , quoique les hommes foient maigres f.xj; rnais que les habitans du Guaden dans le fond de h Numidie fur les frontières du Sénégal, font plutôt noirs que bafanés fyj, au lieu que dans la province de Dara les femmes font belles, fraîches, &. que par-tout il y a une grande quantité d'efclaves Nègres de l'un & de l'autre fexe (i/. , ,.. . Tous îes peuples qui habitent entre fe J2.0."" & le 30.'"' ou le 3 5."' degré de latitude nord dans ranclen continent depuis l'ciûpire du Mogol jufqu'cn Bar- barie, ôi même depuis le Gange jufqu'aux 00 \Wez l'Afrique lie Marmol, tc?nc II, j'^^es (x) hkm , tome IIÎ, page 6. (y) Idem, tome III, pacrc 7. ' '• (l) LLw , tome III, p'.gc !i, . ■. fie l'Homme: 95 côtes occidentales du royaume de Maroc, ne font donc pas fort diffe'rens ies uns des autres, Çi l'on excepte les variétés particulières occafionnées par le mélange d'autres peuples pius fcptenirionaux , qui ont conquis ou peuplé quelques - unes de ces vaftes contrées. Cette étendue de terre fous ies mêmes parallèles , cft d'en- viron deux mille lieues ; les hommes en général y font bruns & bafanés , mais ils font en même temps aflez beaux & aflez bien faits. Si nous examinons main- tenant ceux qui habitent fous un climat plus tempéré , nous trouverons que les nabitans des provinces fèptentrionales du Mogol & de la Perfê, les Arméniens , ies Turcs, les Géorgiens, les Mingré- liens , les Circafîiens , les Grecs & tous les peuples de l'Europe , (ont les hommes les plus beaux , les plus blancs & les mieux faits de toute la terre, & que quoiqu'il y ait fort loin de Cachemire en Efpagne, ou de la Circaflic à la France, il ne laifle pas d'y avoir une fingulièye refTemblànce entre ces peuples fi éloignés les uns des autres, mais finies à peu près à uue égale dlflance cjc rËqua^eur^ Lp§ p^ Hipolrc Naturelle Cachemîriens , dit Bernier, font renom- mes pour la beauté , ils font auffi-bica faits que les Européens & ne tiennent en rien du vifjge Tartare , ils n'ont point ce nez écaché & ces petits yeux de coclion qu'on trouve chez leurs voifins ; les femmes fur -tout font très- belles, auffi la plupart des étrangers nouveaux venus à la cour du Mogol, fe fournifTent de femmes Cachcmiriennes, afin d'avoir à.^% enfans qui foicnt plus blancs que \c% Indiens, & qui puiffcnt aufli pafTerpour vrais Mogois (a). Le fang de Géorgie e(l encore plus beau que celui de Cachemire, ©n ne trouve pas un laid vifige dans ce pays , & la Nature a répandu fur la plupart des femmes , des grâces qu'on ne voit pas ailleurs ; elles font grandes , bien fliites, extrêmement déliées à la ceinture, elles ont le vifagc charmant (b)» Les hommes font aulii fort beaux (c), ils ont naturellement de i'efprit , & ils fcroient (a) Soi^ti. les voyages de Bernier. Amfere/am, iji o , icme II, page ^£i, (h) V^oyez les voyages de Chardin , prcmicre partie. Londres , i 68 fi , page 20^, (c) Voyez il genio vagante del conte Aurclio degîi Anzi, In Pfnm, iéjfi, tome /, page ijo* (le l'Homme^ 9 S capables des fcienccs & des arts , mais leur mauvaife éducation les rend trcs- ignorans & très -vicieux , & il n'y a peut-être aucun pays dans le monde ou le libertinage & l'ivrognerie foient à un fi haut point qu'en Géorgie. Chardin dit que les gens d'cgîife, comme les autres, s'enivrent très - louvent & tiennent chez eux de belles efclaves dont ils font des concubines ; que perfonne n'en ell Ican- dalifé , parce que la coutume en eft générale & même auiorifée , & il ajoute qvie le Préfet des Capucins lui a aflTuré avoir ouï dire au Caîlwlicos ( on appelle ainfi le Patriarche de Géorgie ) que celui qui aux grandes fêtes, comme Pâques éa Noël, ne s'enivre pas entièrement, ne pa(îè pas pour Chrétien & doit être excommunié ( d). Avec tous ces vices les Géorgiens ne laiOent pas d'être civils, humains , graves & modérés , ils ne fe mettent que très - rarement en colère , quoiqu'ils (oient ennemis irréconciliaLÎ. ;r. lorfqu'ils ont conçu de la haine contre quclq Il un. Les femmes , dit Struys , font aufîi 'J) Voyez les voyages de ChajrJJH, page 2 OJ0 5 s 'Hijloire Naturelle fort belles & fort blanches en Circaflic , 6 elles ont le plus beau teint de les plus belles couleurs du monde , leur front efl grand & uni, & fans le fecours de I art elles ont fi pfu de fburcils qu'on diroit que ce n*efl qu^un filet de foie Kcourbé ; elles ont les yeux grands , doux & plems de feu, le nez bien fait, les lèvres vermeilles , la bouche riante loi. petite , & le menton comme il doit être pour achever un parfait ovale; elles ont le cou Sa la gorge parfaitement bien faits , la peau blanche comme neige , la taille grande & aifée , les cheveux du plus beau noir, elles portent un petit bonnet d'étoffe noire , fur lequel eft attaché un bourlet de même couleur; mais ce qu'il y a de ridicule > c'eft que les veuves portent à la place de ce bourlet une veftie de bccuf ou de vache éts plus enfîées, ce qui les défigure mer- veilleufemem. L'été les femmes du peu- ple ne portent qu'une fimple chemife qui eft ordinairement bleue , jaune ou rouge, & cette chemife eft ouverte jufqu'ù mi- corps ; elles ont le fein parfaitement bien fait « elles font afTez libres avec Us îcs é leurs Voye\ page T: de la comn & tr* toujo rante • font 1 s'occt pénibi plus g s'il arr de (à prcmlc J)rendi vn c!oi plaint, la prej ôte ibJ Les voyagi faits qi (e) Toik ïcs étrangers , mais cependant fidcles à leurs maris qui n'en font point jaloux, Voye^ les Voyages de Struys , tome II g Tavtrnier dit auffi que les femmes de la Coinanic & de la Circaiïie font, comme celles de Géorgie , très- belles & très -bien fiiiies , qu'elles j)aroifrçnt toujours fraîches jufqu'à Fage de qua- rante-cinq ou cinquante ans; qu'elles font toutes fort laborieufes , & qu'elles s'occupent fouvent des travaux les plus pénibles. Ces peuples ont confervé la plus grande liberté dans le mariage,' car s'il arrive que le mari ne foit pas content de (à femme & qu'il s'en plaigne le premier , le Seigneur du lieu envoie prendre la femme & la fait vendre, ôc en donne une autre à l'homme qui s'en plaint, & de même fi la femme fe plaint la première on la laifle libre & on lui oie ion mari ^cj. Les Mingrc'liens font, au rapport des voyageurs , tout auffi beaux cHc aulll bien faits que les Géorgiens ou les Circafficiis, fe) Voyez les Voyacres de Tavernier, Ixoucft^ jryi^ , tome I, jtige ^6^% Tome V. E <}S 'BJloke Nmrclk «5: Il femble que ces trois peuples ne fif- i'cnt qu'une (eule & nicinc race d'hommes, ce II y a çn Mingrélie, dit Chardin, des » reiiHiies uierveilleufemeni bien faites , » d'un air majcftueux , de vifagc 6c de 3) taiiie adinirabies \ elles ont outre cela 5> un regard engngeant qui carcfle tous y> ceux qui les regardent : les moins belles » & celles qui font Agées (e fardent 33 groHiè renient , & fe peignent tout le >3 \ifage , fourcils , joues, front, nez, 33 menton ; les autres fc contentent de 33 fô peindre les fourcils , elles fc parent 3:> li; pl|4s qu'elles peuvent. Leur habit » cfl Içinblable à celui des Pcrfannes , >j elles portent un voile qui ne couvre 33 que le deffus & le derrière de la têie, j5 elles ont de l'efprit , elles font civiles 3:» ôi affcdueufes , mais en même temps 33 très-perfides , & il n'y a point de mé- 3) chancctc qu'elles ne mènent en ufage 33 pour II* faire des amaiis, pour les con- » icrver ou pour les perdre. Les hommes :•> ont aulli bien de mauvaifes qualités , » ils font tous cleve's au larcin , ils l'e'- 33 ludient , ils en font leur emploi , leur %> plaifir & leur honneur, ils coniem Vi^Q '> ^oyei^ les voyages de Chardin, pnge jy Ù' fuiy, 1, 1 j I f'Ôô Hîjîotre Naiurelk Au rcfte, ces efclaves ne font pas fort chers , car les hommes âge's depuis vingt- cinq ans jufqu'à quarante ne coûtent que quinze écus , ceux qui font plus âge's huit ou dix; les belles filles d'entre treize & dix- huit ans , vingt écus , les autres moins ; les femmes douze écus , & les cnfans trois ou quatre. Idem, page i o j. Les Turcs qui achettcnt im très- grand nombre de ces efcla.es, font un peuple compofé de plufieurs autres peuples , les Arméniens , les Ge'orgicns , les Turco- Jiians fe font mêlés avec les Arabes, les Égyptiens, & même avec les Européens ^ans le temps des croifades; il n*efl donc guère pofllble de reconnoître les habitans naturels de l'A fie mineure, de la Syrie & du refie de la Turquie : tout c,e qu'on peut dire , c'eft qu'en général les Turcs font des hommes robufies & afîèz bien faits; il eft même afi^ez rare de trouver parmi eux des bofiiis & des boiteux ^fj. Les femmes font aufii ordinaireir.ent belles, bien faites & fins défauts; elles font fort blanches parce qu'elles fonciit ff^ Voyez le Voyage de Thcvenot. Paris, i ôC'.if /^e V Homme, loil peu , & que quand elles fortent elles font toujours voilées (g)^ €c II n'y a femme de laboureur ou de payfan en A fie,- dit Belon , qui n'ait c< îe teint frais comme une rofe, la peau ce délicate & blanche, fi poiie & fi bien ce tendu€ qu'il icmbie toucher du velours; ce elles (è fervent de terre de Ghio qu'elles ce détrempent pour en faire une efpèce c< d'onguent dont elles fe frottent tout le ce corps en entrant au bain , aufîi - bien ce que le vifàge & les cheveux. Elles (è ce peignent auffi les fourcils en noir , ce d'autres fe les font abattre avec du rufma ce 6c (e font de faux fourcils avec de la ce teinture noire , elles les font en forme ce d'arc & élevés en croifTant , cela eft ce beau à voir de loin , mais laid lorf- < - > ' Il en cft de même chez les Grecs, ceux de la partie fèptentrionale de l«i Grèce font fort blancs, ceux des îles on écs provinces méridtonalcs font bruns: généralement parlant , les femmes Grec- ques font encore plus belles & plus vives que les Turques, & elles ont de plus f'a- vantage d'une beaucoup plus grande li- berté. Gemelli Carcri dit que les femmes de rîle de Chio font blanches , belles , ■vives fit fort familières' avec les hommes; ^ue les filles voient les étrangers fort (h) Voy. les voyages dç MiiTcn, ^Z'Zt ^°'-^^ ^h » ► -'»4t^. Ii^ ««,4 ' 3? T Homme: 105] librement , & que toutes ont îa gorge entièreinent découverte ( l), II dit aulfi que les femmes Grecques ont les plus beaux cheveux du monde , fur-tout dans le voifinage de Conflantinople , mais il remarque que ces femmes dont les che- veux dcfcendent jufqu'aux talons , n'ont pas ies traits aufli réguliers que les autres Grecques (m). ,» ■ r^ ., .j ., Les Grecs regardent comme une très- grande beauté dans les femmes, d'avoir de grands & de gros yeux & les fourcils fort élevés, & ils veulent que les hommes les aient encore plus gros L'auteur des voyages hiflorîques de l'Europe dit aufli , comme Rudbeck , que les hommes vivent ordinairement en Suède plus long- temps que dans \^ 1 1 0 HiJJeke Ndturelk plupart ôt% autres royaumes de TEurope, ' èi qu'il en a vu pbuiieurs Il dit à peu près la même chofe du Dane- marck : fcion lui les Danois font grands & robufles , d*un teint vif & coloré , & Hs vivent fort long- temps à caufc de la pureté de l'air qu'ils refpirent ; les femmes îbnt aufîi fort blanches, aiïez bien faites^ & très- fécondes (y). Avant le Czar Pierre I." les Mofco* iriies étoient , dit - on , encore prefque barbares ; le peuple né dans l'ëfclavage ctolt grofîier , brutal , cruel , làns cou- rage &L (ans moeurs. Ils le baignoicnt très- fou vent hommes & femmes pèle - mêle dans des étuves échauffées à un degré de chaleur infouienabie pour tout autre que Î>our eux , ils alloient ensuite , comme es Lappons le jeter d^ns l'eau froide au fbriir de ces bains chauds, lis le nour- xi/îbient fort mal , leurs mets fi^voris fx) Voyez les voyaf^ hifî'»rîqucs de i'Europc, faris, / ^>>y , tome VUI . page 2 2^, Ijj Idem, pages 279 &. 2$0j ^ie V Homme: \ lit fiVtoîent que des concombres ou Ai:% melons d'Aftracan qu'ils mettoient pen- dant l'été confire avec de l'eau , de fa farine & du fel ('^)* Us fe privoieni de quelques viandes , comme de pigeons ou de veau, par des fcrupules ridicules : ce- pendant dus ce temps- la même les femmes favoient fe mettre du rouge , s'arracher les fourcils , fe les peindre ou s'en former d'artificiels : elles favoient aufli porter des pierreries , parer leurs coiffures de perles , fe vêtir d'étoffés riches & pré- cieufes; ceci ne prouve-t-il pas que b barbarie commençoit à finir , Sl que leur Souverain n'a pas eu auiant de peine à fes poiicer que quelque.^ auteurs ont voulu l'infinuer \ Ce peuple cft aujourd'hui civilifé , commerçant , curieux des arts & des fciences, aimant les fpedacies & les nouveautés ingénieufes. li ne fuiïii pas d'un grand homme pour faire ces chan- gemens , il faut encore que ce grand homme naiffe à propos. Quelques Auteurs ont dit que l'air de Mofcovie eft fi bon qu'il n'y a jamais eu (z) Voyez la relation curicufe de Mofcovie, Pat'iSj^ I ^12 Hipohe Naturelle de perte, cependant les annales du p^* rapportent qu'en 1421 , & pendant '5^ fix années fuivanies , la Mofcovie ^i*-' tellement affligte de maladies contagieU- les , que la conflitution des habitans ^ de leurs dcfccndans en fut altérée, peu d'hommes depuis ce temps arrivant à l'Age de cent ans , au lieu qu'au|)aravant il y en avoit beaucoup qui alioient au- de-là de ce terme (dj. Les Ingricns &: les Carcliens qui ha- bitent les provinces Icpientrionales de la Alofcovie , & qui font les naturels du pays des environs de Pcteribourg , font des hommes ■'.^igoureux hommes deia nation fauvage feroient plus bafanés, plus laids , plus peits , plus rides c^ue ceux de la nation policée. S'ils a voient quelque avantage fur ceux-ci, ce feroit par la fbrce ou plutôt par la dureté de leur corps ; il pourroit (è faire audî qu'ail y eût dans ce: te nation fauvage beaucoup moins de boHus , de boiteux, de lourds , de louches, approchent de le^ âge, il s'engendre dans leur chair des iniedes ailés qui d'abord leur caufent une dc- inangeaifon vive, & fe multiplient en fi grand nombre qu'en très- peu de temps toute leur chair en fourmiile ; ils com- mencent par leur manger le ventre , en- fuite la poitrine (k les rongent jufqu'aux OS, en forte que tous ces hommes qui ne fe nourrilfent que d infedcs , font à ïeur tour mangés par des infedes. Si ce fiiit étoit bien avéré, il fourniroit matière à d'amples reflexions. II y a l y a ' ^dc l'Homme* lai ^ ÎI y A (le vafles défcrts Je fable en Ethiopie , & dans cette grande pointe de terre qui s'étend julqu'au Cap- Gardafu. Ce pays qu'on peut regarder comme la partie orientale de l'Ethiopie , efl prefque entièrement mhabité ; au midi l'Ethio])ie eft bornt'c par les Bé- douins, (Se par cpielqucs autres peuples qui fuivent la loi Mahometane , ce qui prouve encore que les Ethiopiens font originaires d'Arabie, ils n'en font eu efïct fépares que par le détroit de Ba- bel-Mandcl : il q[\ donc afTez probable que les Arabes auront autrefois envahi l'Ethiopie , & qu'ils en auront chaiTe les naturels du pays qui auront e'té force's de fe retirer vers îe nord dans la Nubie. Ces Arabes fe font même étendus le long de fa côte de Melinde , car les ha- bitans de cette côte ne font que bafanés <^ ils font Mahométans de religion (i). Ils ne font pas non plus tout- à-fait noirs dans le Zanguebar , la plupart parlent Arabe & font vêtus de i .ile de coton. Ce pays d'ailleurs , quoique dans la zone (i) ViJe Imîiit OricmaUs jianem prirnavi , fer Vtiuip. P'gtifittam.ïïdi.n'Liiiixm, i5$>8,p;ige ^6, Tome }\ E. 12 2 Hijloîre Naturelk torride, n'eii pas ex cefll veinent cTiaud, cependant les naturels ont les cheveux noirs & crépus comme les Nègres ( k); on trouve même (ur toute cette côie , auiîi-bicn qu'à Molàmbique & à Ma- digafcar , quelques hommes hiancs , qui font, à ce qu'on prétend, Chinois d'o- rigine , & qui s'y font habitués dans le temps que les Chinois voyageoient dans toutes les mers de l'orient , comme les Européens y voyagent aujourd'hui; quoi qu'il en foit de cette opinion qui nie paroît hafârdée , il e{l certain c|uc les naturels de cette côte orientale de l'Afrique font noirs d'origine, & que les hommes baianés ou blancs qu'on y trouve viennent d'ailleurs. iMais pour fè former une idée juile des différences qui (c trouvent entre ces peuples noirs , il efl nécefïaire de les examiner plus par- ticulièrement. li paroit d'abord , en raflèmblant fcs témoignages des voyageurs , qu'il y a autant de variété dans la race é^^^î» noirs, que dans celle des blancs ; les noirs , ont , comme les blancs , leurs Tartares (k) Voyez ïkïx'io^^ de Marmol , ^a^e lo^» eux k); Die, Vla- quî a'o- dans oient m me 'hui; i qi'i que le de : que 'on y pour en CCS noirs , > par- de r Homme, T 2 ji & leurs Circaflicns , ceux de Guinée font extrêmement laids & ont une odeur infupportable , ceux de Sofala Ôl de Molhm bique (ont beaux & n'ont au- cune mauvaife odeur. Il efl donc nécef- lalre de divifcr les noirs en différentes races , & il me femble qu'on peut les réduire à deux principales , celle des Nègres & celle des Caffrcs ; dans fa première , je comprends les noirs de Nubie, du Sénégal, du Cap-Verd , de Gambie , de Serra - iiona , de la côte des Dents , de la côte d'Or, de celle de Juda , de Bénin , de Gat)on , de Lowango , de Congo, d'Angola & de Benguela^ JLifqu'au Cap-nègre ; dans la féconde je mets les peuples qui font au-delà du Cap-nègre jufqu'à la pointe de l'Afrique , où ils prennent le nom de Hoticntots , âc auin tous les peu])les de fa côte orientale de l'Afrique , comme ceux de la terre !c Natal , de Sofala , de Monomotapa , de Mofambique , de Mélinde ; les noirs de Madagafcar & des îles voifines feront auiii des Caffres & non pas des Nègres. Ces deux efpèces d'hommes noirs le ixiilcmblent plus par la couleur que F 1; \m-^ ' iW 'fil ' 1 lilif [124- Hïjloire Naturelle pnr les traits du viliigc ; îeurs cheveux", leur peau , l'odeur de leur corps , leurs inœurs & leur naturel fout aufli très- différens. Enfuite en examinant en particulier ïes difîcrens peuples qui compofeat chacune de ces races noires , nous y verrons autant de variétés que dans ics races blanches , &: nous y trouverons toutes les nuances du brun au noir , comme nous avons trouvé dans îe$ races blanches toutes les nuances du brun am blanc. '- ' Commençons donc par les pays quï font au nord du Sénégal, & en (lii\^ant toutes les côies de l'Afrique , confidé- rons tous les diiîércns peuples que ics voyageurs ont reconi :'s , &: defqueîs ils ont donné quelque defcription ; d'abord îl efl certain que les naturels des îles Cajiaries ne font pas des Nègres, puif- que les vcgageurs afFurent que \^s, an- ciens habitans de ces îles étoient bien faits , d'une belle taille , d'une forte complexion ; que ïes femmes étoicm Le! les (^ avoicnt les cheveux fort bcaiix; ^ fort fins, & que ceux qui habitoicat fa pa îles , deinc nafe de fc que i ene de ha que 1; Ces ] ù^n d n'eft 1. le coi liautcu bafané Xmn c blancs, encore Ma h or temps erra n s >c ilc F Homme 4 \ '12 5' fa partie méridionale de chacune de ces îles , éioient j)Ius olivâîres c(ue ceux cjui demenroient dans la partie fepîentrio- nale fif, Durct , page y 2 de la reiation de fou voyage à Lima, nous apprend que les anciens habitans de i'îfe de Ténériffe étoient une nation robufle & de haute lailîe , mais maigre & J^admée , que la plupart avoient le nez plat (^n).. Ces peuples , comme Von voit n'ont rien de commun avec les Nègres , fi es n'efl le nez plat ; ceux cpii habitent dans ie continent de l'Afrique à la même hauteur de ces îles font des Maures a(îez bafanés , mais qui appartiennent, aufîi- bicn que ces infuiaires , h la race des blancs. Les habitans du Cap - Blanc font encore des Maures qui fui vent la iot Mahoméiane , ils ne demeurent pas long- temps dans lui même lieu , ils font crrans comme les Arabes, de place en (1) Voyez l'hifloîre do \\ première ffccouverfc (îcs Canaries, par Bontier 6l Jean le Verrière, Fans, (m) Voyc7. i'hifloire prcp.craïe des voyno-es , psï M. fabbc I're\ôt, Farta, iy.f6 ,îofre il, p. ■2jç^ fil 6 Ni/foire Naturelle place , félon (es pâturages qu'ils y trou- vent pour leur bt^iail dont le lait leur (èri de nourrimrfi-f ils ont des chevaux , des chameaux, des bœufs, des chèvres, des moutons ; lis commercent avec les .Nègres qui leur donnent huit oy dix cfciavcs j)our un cheval , & deux ou trc's pour un chameau (n), c'cfl de c«s Alaurcs que nous tirons la gomme ara- hique, ils en font diflbudre dans le lait dont ils fc nourrirent, ils ne mangent que très - rarement de la viande, & ils ne tuent guère leurs beftiaux que quand ils les voient près de mourir de vieillellc ou de maladie (o). Ces Maures s'étendent jufqu'à îa ri- vière du Sénégal qui les fépare d'avec les Nègres; les Maures, comme nous venons de le dire , ne font que Lala- nés , ils habitent au nord du fleuve , les Nègres font au midi & font abfolument noirs ; les Maures font errans dans h campagne , les Nègres (ont fédcniaircs & habitent dans des village^; les prcmicrj ( n ) Voyfz le vo)age du ficur le Maire fous M, Pancoint. Puris ^ i 6 if j , fa^ei fd& ^7> (»-} hUm , pnge CC, fie r Homme, ï 27 font libres c\ indcpendans , les féconds ont des Rois qui les tyranpifent ik dont ils font efc'avcs ; les Maures font ;ifîL'z petits , maigres & de maiivaifè mine avec de lefprit Hi de la finefTe; les Nègres au contraire font grands , gros , bien faits , mais niais J d'iiur>go de JSiej: villas , -pageij^ '13^ Hijloke NûîweJle les hommes , & particulièrement pouï ies P)lancs qu'elles cherchent avec em- prcffement , tant pour /è faiisfaire , que pour en obtenir quelque préfent; leurs marfs ne s'oppoient point à leur pen- chant pour les étrangers , & ils n'en font jaloux que quand elles ont commerce avec des hommes de leur nation ; ils (e Jbattent même fouvcnt à ce fujet à coups «le fabre ou de couieaq , au lieu qu'ils offrent fouvent aux étrangers leurs fou- ines , leurs filles ou leurs fœurs , & tien^ rent à honneur de n'être pas refufts. Au icde ces femmes ont toujours ia pipt! à la bouclie , & leur peau ne ïaifie pas d'avoir aufli une odeur dëfiigreabîc iorf- qu'elles font échauffées , quoique l'odeur et ces Nègres du Sénégal foit benu- coup moins forte' que celle àes autres >îègres ; elles aiment beaucoup à fauier & à danfer au bruit d'une calcbafîcj d'un tambour ou d'un chaudron, tous les mouvemens de leurs danfès font autant de poHurcs iafcives & de gellts indéccns , elles fe baignent fouvcnt t^ ^lles fe liment les dtnts j)our ies rendre plus égales ; ia plupart des filles avam de l'Homme* ^ 3 ^' que de fe marier fe font découper & broder la peau de différenies figures d'a- nimaux , de fleurs , &c. Les Négrefles portent prefque tou- jours leurs petits enfans fur le dos pen- dant qu'elles traTaillent ; quelques voya- geurs prétendent que c'efl: par cette raifon que les Nègres ont communément le ventre gros & le nez aplati, la mère en fe hauliânt & i:)aiirànt par fecoufî'es , fait donner du nez contre fon dos à l'en- fant , qui pour éviter le coup fe retire en arrière autant qu'il le peut , en avan- çant le ventre ( r J, Ils ont tous les che- veux noirs & crépus comme de la laine ffifée ; c'eft auffi par les cheveux & par ia couleur qu'ils diffèrent principalement des autres hommes , car leurs traits ne font peut-être pas fl différens de ceux des Européens que le vifige tartarc l'eft du vifage françois. Le Père du Tertre fr ) Voyez le Voyage du fieur îe Maire fous M. Dancoiirt. Paris, t ii ç j , page i^^jufiju'à ijj> Voyez auifi ta troilième partie tie l'hiltoire des ciiolcs mcmorablei ad\c!iues aux Iiuies , 6cc. par le Père du .larlc. Bordcnux , t ^ 1 4, , p.ii^e ^^^; A: iliiltoire des Antilles pir le Père du 1 erîre. Paris. ^ 1667, pa^e f<^ ^ jufqu:à / j: 7, F yJ Yja Htjîoh'e Naturelle cîit exprefTément que fi preiqlie toiTS Tes Nègres font camus , c'eil parce que les pères & mères écrafènt le nez à leurs enfans , qu'ils leur prefTenr aufli les lèvres pour les rendre plus grofTes y & que ceux auxquels on ne fait ni l'une ni l'autre de ces opéra' ions , ont les traits du vilage aufîî beaux , le nez audi élevé , & les lèvres aufîî minces que les Euro- péens ; cependant ceci ne doit s'en- îendre que des Nègres du Sénégal , quï font de tous les Nègres les pluâ beaux & les mieux faits , & il paroît que dans prefque tous les autres peuples Nègres, îes grofTcs lèvres & le nez large & épaté font des traits donnés par la Nature, qui ont fervi de modèle à l'art qui eft chez €ux en ufage d'aplatir le nez & de groiîir ïes lèvres à ceux qui font nés avec cette perfe<^ion de moins. Les Négredcs font fort fécondes à. accouchent avec beaucoup de faciiité & fans aucun fecours, îes fuites de leurs couches ne font point fûcheufes , & il îie leur faut cju'un jour ou deux de repos pour fe rétablir, elfes font très-bonnes :ftOUiiices^ & elles oat une très- grande de T Homme: 1-3 3' tencTreffe pour leurs enfans , eîîes foot aufli beaucoup plus l'pirituelles à pliis adroites que ies hommes , elles cher- chent même à fe donner des vertus , comme celles de lu dilcretion & de fa tempérance. Le Père du Jaric dit que pour s'accoutumer à manger & parler peu , les Ncgreiîes Jalo'fes prennent de ï'cau le matin & la tiennent dans leur bouche pendant tout le temps qu'elles s'occupent à leurs affaires domeftiques , & qu'elles ne la rejettent que quand l'heure du premier repas eft arrivée (f). Les Nègres de l'île de Corée & de la côte du Cap - verd , font , comme ceux du bord du Sénégal , bien faits & très- noirs , ils font un fi grand cas de leur couleur, qui efl en eftct d'un noir d'é» bène profond & éclatant , qu'ils mépri- fent les autres Nègres qui ne font pas iî noirs , comme les blnncs méprifent les bafanés ; quoiqu'ils foicnt forts & ro- buflcs , ils Ibnt très-parelTcux , ils n'ont point de blé , point de vin , point de fruits , ils ne vivent que de poiiïbn & (f) Voyez b troifième partie de l'hiftoifC;) pJù: Iç y«rc du 4aric , ya^e ^(^Ji 1^4 Hjjtojre 'Natnnlk de niilîet , ils ne mangent que très-rare- ment de la viande , & quoiqu'ils aient fort peu de mets à choifir, rts ne veu- lent point manger d'herbes , & ils com- parent les Eur()j)éens aux chevaux , parce qu'ils mangent de l'herbe ; au refte ils aiment palîionnément l'eau-de-vie, dont ils s'enivrent fou vent , ils vendent leurs enfims , leurs parens , & quelquefois ils fe vendent eux-mêmes pour en avoir (t)» Ils vont prefque nus , leur vêtement ne confifle que dans une toile de coton qui les couvre depuis la ceinture jufqu'au milieu de L cuifFe , c'eil tout ce que la chaleur du pays leur permet, diient-iis, de porter fur eux (u); la mauvaife chère qu'ils font «& la pauvreté dans Liquelle ils vivent, ne les empêchent pas d'être contcns & très - gais , ils croient que leur pays e(l le meilleur &. ie plus beau climat de la terre , qu'ils font eux -mêmes les plus beaux hommes de l'Univers , parce qu'ils font les plus noirs , & (i (t) Voyez le Voyage tie M, Je Gennes , par Mi Froger. Paris, ]{>^8 ^ pige // (r Jjilrnntes, (u) Voyez ies Lettres éclifuintc5. Ruiutl XI , f^ei -f ^ ^ ^y^ ^ • - • s-rare- . aient 2 veu- com- parce îfle ils , dont t leurs 'fois ils oir (t)* lent ne on qui ifqu'au que la Mit- ils , \ chère a quel le eue \\\ que s beau m ê Ml es iivers , & fi par M. s. Je F Homme. 135 îeurs femmes ne marquoient pas du goût pour les blancs , ils en fcroient fort peu de cas à caufe de leur couleur. Quoique les Nègres de Serra - Liona re foient pas tout-à-fait aufîi noirs que ceux du Sénégal , ils ne font cepen- dant pas, comme le dit Struys , tome /> pûge 22 , d'une couleur rouf:âtre oc bafanée , ils font, comme ceux de Gui- ne'e , d'un noir un peu moins foncé que les premiers ; ce qui a pu tromper re voyageur, c'efl que ces Nègres de Serra- Liona & de Guinée fe peignent louvcnt tout le corps de rouge & d autres couleurs , ils fc pcJgnent aullî le tour des yeux de blanc, de jaune, de rouge, & le font des marques & des raies de diffé- rentes couleurs fur le vifyge , ils fe font auffi les uns &. les autres déchicjucter h peau pour y imprimer des figures de bêtes ou de pîantes ; ics femmes font encore plus débauchées que celles du Sénégal , il y en a un très - grand nombre qui Ibnt publiques & cela ne les des- honore en aucune façon ; ces Nègres , hommes & femmes , vont toujours la léte dcc'juveric, ils fe rafent ou fe coupent ^j6 Hijhîve Ndturcïïe m Jcs cheveux , qui loiit fort courts , cî« plufieurs manières différentes , ils portent des pendans d'oreilles qui pèfcnt juiqu'à trois ou cjuatre onces ; ces pendans d'o- reilles font des dents, des coquilles, des cornes, des morceaux de bois, &c. il y en a aulli qui iè font percer la lèvre îupérieure ou les narines pour y fui- pendre de pareils orucmens ; leur vête- iTient confiite en une efpèce de tablier fait d'écoice d'arbre & quelcjues peaux de finge qu'ils portent par-dclTus ce tablier , ils attachent à ces peaux des fonnailles fèinblables à celles que portent nos iijulcta , ih couchent fur dcs naitcs de jonc , èi ils mangent du poi/Ton ou de la viande lon'qu'ils peuvent en avoir , jiiais leur principale nourriture font des îgnanes ou des bananes fxj. Ils n'oi^t aucun goiu que celui des femmes & aucuR delir que celui de ne rien faire , leurs maifons ne font que de mifcrablcs chaumières , ils demeurent très - fouvent dans des lieux (àuvages , & dans des terres (x) Vide India Orkmalis i>ar[cm fcamdam , in qua 'Jmnnis Hugonis Llnlicotani navigaiio , i7'c> Franco- fsani, 1599, pages i_i & iz^ ' ' fie T Homme r ' 137 Rerîîes , tandis {{u'il ne licndioît c|u'ii eux d'habiter de belles vallées , des collines agréables & couverics "jrbres , & des campagnes vertes, fertiles & entre- cou- pées de rivières & de riiifleaux agréables, mais tout cela ne leur fait aucun plaifir , ils ont la iiiêine indifîérence prefquc fur tout ; les chemins qui conduilcnt d'ua lieu à un autre font ordinairement deux fois plus longs qu'il ne faut , ils ne cher- chent point à les rendre plus courts , u? , m;iis qucU qiic^-uus Ici ont roux ; les hommes ibiU Il il! fï4o Htfloh'e Ndtwelk de granJeiir inécliocrc , les uns ont Tes yeux biLins & les autres couleur de vert de mer, ils n'ont pas les lèvres fr groHts que lei autres Ntgres , ^ les traits de leur vilugt' fom afîcz ieniblabies à ceux des Européens (b). Ils ont des ufages très - fmguiiers dans certaines provinces de Cofigo , pnr exemple , lorlque quelqu'un meurt à Low:it:g), ils pinctnt le cadavre fin* une €lj>èce d'ainphiîratie élevé de fix pieds dans fa pulUne i'un homme qui eft aJÎis les mains apjnry.es fur les genoux , ils Ihahilleni de ce qu'ils ont cle plus beau  enluite ils aliuir.eiit du feu devant r*ûc; qu'il n reninrqiuVs dans un voyage qu'il fit à la côte d'An- gola en 173 8 ; il ajoqte un fait qui n'cft pas moins fingulier : ce ces Nègres , dit-il , îont extrêmement vindicatifs , je vais ce en donner une preuve convaincante : c< Us envoient à chaque inftant à tous « nos comptoirs demander de l'eau-de- ce vie pour ic Roi & pour les princi- ce paux du lieu , un jour qu'on refufi de c< leur en donner, on eut tout lieu de ce £)^'n repentir , car tous les Oûiciers a 142 Hîjfohe NatufrUe M François & Anglois ayant fait une » partie de pêche dans un petit lac qui » ell au bord de la mer , & ayant fait M tendre une tente fur le bord du lac » pour y manger leur pêche , comme 11$ » ctoient à fe divertir à la fin du repas , ii » vint fcpt à huit Nègres en Palanquins , » qui étoient ics principaux de Lowango , » qui leur préfenièrent la main pour >» les faluer félon la coutume du pays ; » ces Nègres avoient frotté leurs mains 35 avec une herbe qui eft un poifon >» très - fubtil , & qui agit dans l'inflant *3 lorfque malhcureufcment on touche >» quelque chofe ou que l'on prend du 33 tabac (ans s'être auparavant lavé les » mains , ces Nègres réudirent fi bien 3? dans leur mauvais delîèin qu'il mourut M fur le champ cinq Capitaines «Se trois 3> Chirurgiens, du nombre ddqueis ctoit mon Capiuiinc, &c ». Lorfque ces Nègres de Congo (en- tent de la douleur u la tête ou dans quelqu'autre partie du corps , ils font une légère blclTure à l'endroit doulou- reux , 6l ils appliquent fur cette blefîure wne efpèce de peace corne percée, au moyen un cha douieu Les du Ca font d' la côte des iiei bien n mais le malades hillre, On pi d'Ange force d iorfqu'i endroits kcïé pc ceux di îi mauT d'Ange belle & fait , le (c) ViJ l':ppum Pif^ (à) \ de T Homme, 14 j moyen de laquelle ils fuccnt comme avec un chatumcau le faiig juiqii'à ce que la douleur Toit appaifée (c). Les Nègres du Sénégal , de Gambie , du Cap-verd, d'Angola & de Congo font d'un plus beau noir que ceux de l:i côte de Juda , d'Iiîigni , d'Arada & des lieux circonvoifins , ils font tous bien noirs quand ils fe portent bien , mais leur teint change dés qu'ils font malades, ils deviennent alors couleur de billre , ou même couleur de cuivre (d). On préfère dans nos îles les Nègres d'Angola à ceux du Cap - verd pour la force du corps , mais ils Tentent fi mauvais lorfqu'ils font échauffés y que i'air des endroits par où ils ont pallé en eit in- fecté pendant plus d'un quart d'heure; ceux du Cap - verd n'ont pas une odeur ii mauvaife à beaucoup près que ceux d'Angola , & ils ont auili la peau plus belle & plus noire , le corps mieux fait , les traits du vifage moins durs , le (c) \'idc hdiât Orient alii panent primant , jier Phi- lijfuin Pi/;-fiftrtam , page 5 i . { fi ) Voyez les nouveaux voyages aux î'e.« de l'Ar jncri l>oii^ pDur ic iravail de la terre t'fc jxnn les aunes ^ros ouvrages; ceux d ineiu'iral ne loiit nas « r u fi ions , mais ils loin |)lus projires pour le krvicc i\<^' ïnellifa!ois loin de tous ics IMèorcs les niioux l!iits , les plus ailes à diklpliner »îk les j-jIus propres au lerviec donielli(|ue ; que les Bainhras loiit les plus rriaiuls, mais (pi'ils loin iVipous; t|ue les Aradas (ont eeux qui entendent Je mieux la culture des terres; que les <,\>nin>s loni les plus pciits , (ju'ils lont iort hahilcs pécheurs, r.KUs (pilis deler- tent aileiuent; (}ue les Natyos font les J'élus l\uiuain> , le>. Mondongos les plus cruels: les Mimes les plus rel'olus , Ici plus eapiieier.v t^ les j^lus fujeis à fc de- lel}>er».T , \ ipie U" les N è^rcs créoles Of queupie naiivui qu ils urcni leur otigiiic, (\> \o\ci riulloirr dc^ Antilles di: \\ Ju Tertre^ 'tins I t'a r- (/' ^''7' l*-'^ nouveaux vov.i^oj aux îl 10, T:r ttit^c a 61 ilv ivan- auilï le & X tlu lis ils c clo- cikIic >ix dit is les lift' s ;\ ni les poiis ; \i\c les îs loin dcicr- >iit les s ])lus; is , ici le clc- [os , ^l^ ij^-iiK' , TcrlîC^ ■;.'nr ]V\ 11^ Je rilowmr. 14J ne tiennent de leurs pères A mères que l'efprit do fcrvitude & la couleur , qu'ils font plus fpiritucls , ])lus raiConnabies, plus adroits , mais plus iainéans & plus liljeriiiis (juc ceux cpii Ibnt venus d'A- fiiquc. Il ajoute que tous les Nègres de (îuinèe ont rcl|)rit extrêmement borné , qu'il y en a même plufieurs c[ui paroif- Icnt éire tout-à-iàit llupides, qu'on en voit qui ne peuvent jamais compter au- delà de trois , qiie d'eux-mêmes ils ne penlènt à rien , qu'ils n'ont pciint de iiK moire , ur leurs cnfans , pour leurs amis, pour leurs coro patriotes (h) ; ifs partagent volontiers le pjeu qu'ils ont avec ceux qu'ils voient dans le befoin , iâns même les connoître autrement que (k) Voyez i'hiftoire à^$ Amiljcs, pa^t ^S^^ ''i S Si* par 1 Ton . i}e /Hommes Y^/ par leur indigence. Ils ont donc, comme l'on voit, le cœur excellent , ifs ont le germe de toutes les venus; je ne puis écrire leur hifloire fans m'attendrir fur leur état, ne font -Us pas aflez malheu- reux d'être réduits à la fervitudc, deire obligés de toujours travailler fans pou- voir jamais rien acquérir î faut-il encore les excéder, ics frapper & les traiter comme des animaux î l'humanité (e révolte contre ces traitemens odieux que l'avidité du gain a mis en ufage , & qu'elle renouveileroit peut-être tous les jours , fi nos loix n'avoient pas mis un frein à la brutalité des maîtres , ôc reiïerré les limites de la misère de leurs efclavcs. .On les force de travail , on leur épargne la nourriiure, même la plus commune, ils fupportent, dit-on, très- aifémcnt la faim^ pour vivre trois jours il ne lewr faut que la portion d'un Eu- ropéen pour un repas ; quelque peu qu'ils mangent & qu'ils dorment, ifs font toujours également durs , égale- ment forts au travail fij. Comment des ( {J Voyez l'hiftoire de Saint-Domingue , pajf^ dû S iy Juivanteu . . , . . t48' Hïjhke Naîiirelk hommes à cjui il rcfle quelque fentîment d'humanîté peuvent- ils adopter ces ma- ximes, en faire un préjugé, & chercher à légitimer par ces raifons les excès C[ue la (oif de l'or leur fait com meure î mais laiflons ces hommes durs & revenons à notre objet. On ne connoît guère les peuples qui habitent les côtes ^'^' j^J» (l) 1dm, page 92, G«» • iij ^ 5 6 'HlJIùlrê Naturelle indépendans & très-jafoux de leur ïî- bertë; ces différences font, comme i'on voit , plus que (ufïilantes pour qu'on doive les regarder comme un peuple différent ûti Nègres que nous avons décrits. . ^ Gama, qui le premier doubla le Op de Boone cfpérancc & fraya la route des Indes aux nations Européennes, arriva à la baie de Sainte- Hélène le 4 No- vembre 14^^ 7, il trouva que les habt- tans étoient fort noirs , de petite taille & de fort mauvaife miiie (m); mais il ne dit pas qu'ils fuffent narure'Iement noirs comme les Nègres , & fans doute ils ne iui ont paru fort noirs que par la gralUe & la fuie dont i-ls fe frottent pour tâcher de fe rendre tels ; ce voyageur ajoute cjue Tardculation de leur voix refïem- bloit à des foupirs, qu'ils étoient vêtus de peaux de bêtes , que leurs armes étoient des bâtons durcis au feu , armés par la pointe d'une corne de quelque animal, &c^/?/>,Ces peuples n'avoient donc (m) Voyez l'hiftoire générale dni voyages, pw jM. labbé Prévôt, tome Jf ^oge zZx (ni Ikdçwi^ de T Homme, 'i^-t, âucuB cÏ€S arts en uHige chez !es Nègres, Les voyageurs Uullandois clilcnt cjue îcs Sauvages qui font au nord du Cap, iônt des hommes plus petits que les Eu- ropéens, qu'ils ont le teint roux -brun, quelques-uns plus' roux <^ d'autres moins, cju'ils font fort laids & qu'ils cherclicnt à fè rendre noirs par la couleur qu'ils s'appliquent Tur le corps & fur le vifage; que leur chevelure e(t fcmbiable à celle d'un pendu qui a demeuré quelque temps au gibet (o). Ils difent duns un autre endroit, que les Hoiientots font de la couleur des Mulâtres , qu'ils ont le vifage difforme , qu'ils font d'une taille médiocre, maigres & fort légers à ia courfe; que leur langage eft étrange, & qu'ils glouffent comme des coqs d'inde fpj. Le Père Tachard dit que quoiqu'ils aient communément les che- veux prefque aufli coionneux que ceux des Nègres, il y en a cependant pluficurs qui les ont ])lus longs & qu'ils les laiffent flotter fur leurs épaules, il ajoute mciue (p) Voyez le recueil des voyages de ia Compa* gnie de Hollande, jmge 2 i S> (p) hUm, Woy. k voyage de Spîtzberg, ;>. ^fji G iiij '1 5 2 HiJIoke Naturelle que parmi eux il s'en trouve cl*au^i blancs que les Européens , mais qu'ils fc noirciflTent avec de la graiflc & de la poudre d'une certaine pierre noire dont ils fe frottent le vifagc & tout le corgs ; que leurs femmes font naturellement fort blanches , mais qu'afin de plaire à kurs maris elles fc noirciffent comme eux ("(j). Ovington dit que les Hottentots font plus ba fanés que les autres Indiens, qu'il n'y a point de peuple qui reffcmble tant aux Nègres par la couleur & par ies traits , que cependant ils ne font pas fi noirs, que leurs cheveux ne font pas û crépus ni leur nez fi plat fr). Par tous ces témoignages, il efl aifé de voir que les Hottentots ne font pas de vrais Nègres, mais des hommes qui dans la race des noirs commencent à fe rapprocher du blanc, comme les Maures dans la r^ice blanche commencent à s'approcher du noir ; ces Hottentots font au refle des efpèces de Sauvages ' (fl) Voyez le premier voyage du Père TacharJ, Paris t i SS6, page iq8, (y) Vovez le voyngc de Jean Ovington, rm$x Je T Homme, 153 fort extraordinaires, ies femmes fur-tout qui font beaucoup plus petites que les hommes ont une efpèce d'excroifïànce ou de peau dure & large qui leur croît au-defTus de l'os pubb, <5c qui defccnd jufqu'au milieu des cuiflcs en forme de tablier ff); Thcvenot dit la même chofe (les femmes Egyptiennes , mais qu'elles ne laifFent pas croître cette peau & que elles la brûlent avec des fers chauds : je doute que cela foit aufîi vrai des Égyp- tiennes que des Hottentotes ; quoi qu'il cil foit , toutes les femmes naturelles du Cap font fujcttes à cette monftrueufe difformité , qu'elles découvrent à ceux qui ont affcz de curiofité ou d'intré pré- dite pour demander à la voir ou à la toucher. Les hommes de leur côté font tous à demi-eunuques, mais il cfl vrai qu'ils ne naiflcnt pas tels & qu'on leur tue un tefticule ordinairement à l'âge de huit ans, & fou vent plus tard. M. Koibe dit avoir vu faire cette opération à un (f) Voyez la defcription du Cap, par M. Kofbe, lome I , page jf i ; voyez aufli le voyage de Ceuibi, G V fï54 Hipotre Naturelle jeune Houcntot de dix -huit tins; fe^ circondances dont cette cert'monie clt accompngnée, font fi fingulières que je ne puis m'empêcher de les rapporter ici d'après le témoia oculaire que je viens de citer. ' Après avoir bien frotté le jeune homme, de la graifîe des entrailles d'une brebis qu'on vient de tuer exprès, on le couche à terre fur le dos, on lui lie les mains & les pieds , & trois ou quatre de fes amis le tiennent; alors le Prêtre ( car c*e(l une cérémonie religieufe ) armé d'un couteau bien tranchant fait une in- cifion, enlève le tefticule gauche ft) & remet à la place une boule de graiHè de la même grofîèur , qui a été préparée avec quelques herbes médicinales ; il coud enfuite la plaie avec l'os d'un petit oileau qui lui fert d'aiguille & un filet de nerf de mouton; cette opération étant finie on délie. le patient, mais le Prêtre avant que de le quitter le frotte avec de ia graiflè toute chaude de la brebis tuée , (t) Tavcrnier dit que c*c(l le tefticulc droit ^' viens ' {le r Homme, i 5 j" ÔU plutôt il lui en arrofe tout le corps avec tant d'abondance que lorfqu'dle cft refroidie elle forme une efpèce de croûte, il le frotte en même temps fi rudement que !c jeune homme qui ne fouffre déjà que trop , (ue à grotîès gouttes & fume comme uii chapon qu'on rôtit; cnfuiie raj)ératcur fait avec fcs onglas des filions dans ceiie croûte de fuif d'une extrémité du corps à l'autre , & p;fîie defTus aufii copicufcmcnt qu'il le peut , après quoi il recommence à le froti'if encore, & il recouvre avec la graifle Jes filions remplis d'urine. Aulfitôt chacun abandonne le patient , on le laiifc feul y)lus mort que vif, il eft oblige de fc traîner comme il peut dans une pente hutte qu'on lui a baiie exprès tout pro- che du lieu où s'efl: faite l'opération , il y périt ou il y recouvre la fanté. fans qu'on lui donne aucun fecours , erl JLade ^ traduj'f de l'Homme» 157 ment je ne dois pas pafTer fous filence un fliit rapporte par Tavernier , c'eft que les Hollandois ayant pris une petite fille Hottcntote peu de temps après fa naif- ftnce & l'ayant élevée parmi eux , elle de- vint aufli blanche qu'une Européenne , & il préfume que tout ce peuple fcroit affez blanc s'il n'étoit pas dans l'ullige de fe barbouiller continuellement avec des drogues noires. En remontant le long de la cote de l'Afrique au-delà du Cap de Bonne- cfpérance , on trouve la terre de Natal ^ les habiians font déjà difFerens des Hoi- lentots , ils font beaucoup moins mal- propres & moins laids , ils font aulTï naturellement plus noirs, ils ont le vifage t\\ ovale, le nez bien proportionné, les dents blanches , la mine agréable , les cheveux naturellement frilés , mais ils ont auffi un peu de goût pour la graiiïc , par M. Whhé l-i'cvôt, tome 1 , page 88 ; le voyage lie Jean Ovington ; celui de ia Loubîre, tome II, ■page t ^-J-; le premier voyage du Père Tachard^ jui gc p ;; cç\u\ d'innigo de Biervillas, première partie^ page -j^ ; ceux de Tavernier, tome IV, page 2 &'r, li [158 Hiflbire iSIaturelle car ils portent des bonnets flûts de Ç\x\î de bœuf, & ces bonnets ont huit à drx pouces de hauteur , ils emploient beau- coup de temps à les faire, car il faut pour ceLi que le fuif foit bien épuré , ils ne l'appliquent que peu à peu & le mêlent (i bien dans leurs cheveux qu'il ne fe défliit jamais (y), M. Kolbe pre'icnd (ju'iis ont îe nez- ])lat, même de naif- iance & Hms qu'on le leur aplati^c, & qu'ils difTèrent aufTi des Hottentots en ce qu'ils ne bégayent point , qu'ils ne frappent point leur palais de leur langue comme ces derniers, qu'ils ont des mai- fons , qu'ils cultivent la terre , y sèment une efpècc de mays ou blé de Turquie dont ils font de la bière , boiflbn incon- nue aux Hottentots f:^). Après la terre de Natal , on trouve celle de Sofala & du Monomotapa ; fc- ion Pigafeita, les peuples de Sofala font noirs , mais plus grands & plus gros que les autres Cafîres; c'dl aux envi- rons de ce royaume de Sofala que c€t (y) Voyez \ts voyages de Dampier , tome lî, vagi ;?p/. (l) Defcrîption dit Cap , tom h pa^e ij ^» de rHammè» lyp Auteur place les Amazones fûj, mais riea ncd plus incertain que ce qu'on a- dé- bité fur le fujet de ces femmes guer- rières. Ceux du Monomotapa font, au rapport des voyageurs Hollandois , alîei grands, bien faics dans leur taille, noirs & de bonne complexion, les jeunes filles vont nues & ne portent qu'un morceau de toile de coton , mais dès qu'elles font mariées elles prennent des vêtemens fùj. Ces j:)eup!es, quoiqu'afTez noirs, font difFerens des Nègres, ils n'ont pas les traits fi durs ni fi laids , leur corps n'a point de mauvaile odeur, & ils ne peu- vent rupporiti' la fcrvitude ni le travail ; le Père Charlevoix dit qu'on a vu en Amérique de ces noirs du Monomotapa & de Madagafcar , qu'ils n'ont jamais pu fervir & qu'ils y périfîèm même en fort peu de temps ^cj. Ces peuples de Madagafcar & de '/a) Vide Jitclia: OrientaUs pftrtem prmûtn , page 54» {!>J Voyez le Recueil des voyages de k Compî^gHie Hollandoilë, tome III, jinge 62 j ; voyez aufîi ie voyage de l'Amiral Drack , leconde partie, j'ûge. ^p j & celui de Jeaa Mocquet , fsage 266* (c) Voyez ITuftoircdc fiaiiH-Deminguc;;!* i;Çy^ "lôo Hiflohe Nattirelle Mofambîque font noirs , les uns plus & les autres moins , ceux de Madaga(^ car ont les cheveux du fommet de la tête moins crépus que ceux de Mofam- bique , ni les uns ni les autres ne font de vrais Nègres, & quoique ceux de U côte foient fort fournis aux Portugais , ceux de l'intérieur du continent font fort fàuvages & jaloux de leur liberté , ils vont tous abfolument nus , hommes & femmes; ils (è nourriflent de chair d'é- iéphant & font commerce de l'ivoire (dj, II y a des hommes de différentes efpèccs à Madagafcar., fur- tout des neirs & des blancs qui , quoique fort bafanés , fejn- blent être d'une autre race; les premiers ont les cheveux noirs & crépus , les fé- conds les ont moins noirs, moins frifés & plus longs : l'opinion commune des voyageurs eft que les blancs tirent leur origine des Chinois , mais , comme le remarque fort bien François Cauche , il y a plus d'apparence qu'ils font dt race Européenne , car il aiTure que de (d) Voyez îe Recueil âc$ voyages, mm II/, yage 62^; le voyage de Mocquet , jyage 26 j; 6t la navigation de Jeun-iîugues Lintfcot, pnge 20^ ^de l'Homme: iCt tous ceux qu'il a vus, aucun n'nvoit fc nez ni le vifage plat comme les Chinois; il dit aufli que ces blancs le font plus que les Caflillans , que leurs cheveux font longs , & qu'à l'égard des noirs ils ne font pas camus comme ceux du continent , & qu'ils ont les lèvres afîez minces : II y a aufli dans cette île une grande quantité d'hommes de couleur olivâtre ou bafànée, ils proviennent ap- paremment du mélange des noirs & des blancs : le voyageur que je viens de citer, dît que ceux de la baie de Saint- Auguftin font bafanés, qu'ils n'ont point de barbe, qu'ils ont les cheveux longs & liflcs, qu'ils font de haute taille & bien proportionnés; & enfin qu'ils font tous circoncis, quoiqu'il y ait grande apparence qu'ils n'ont jamais entendu parler de la loi de Mahomet , puifqu'ils n'ont ni temples , ni mofquées , ni religion fe). Les François ont été les premiers qui aient abordé Ôi fait un éia- blifîcment dans cette île , qui ne fut pas (e) Voyez le voyage de Franç«3is Gauche. Paris , 1 6i H'îfloke Naturelle foutcnu ff); lorfciu'ils y clefcendirent, iTs y trouvèrent les hoinines bl.iiics cJ'Jiit nous venoiiS de parier, & ils reniarquc- rent que les noirs qu'on doit regaidcr con^me îés naiurcls du pays , a voient du rcfpec^ pour ces blancs (g). Cette île de Madagafcar eft extrêmement peuplée e ou aux Samoïedes 4' A fie; & quoiqu'ils fuient peu nom- breux en coinparaifon de ceux ci, ifs ne laiiïent pas d'être répandus dans une étendue de terre fort conlidérable. Ceux qui habitent les terres du détroit de Davis, font petite, d'un teint olivâtre, ils ont les jambes courtes & groflès , ils font habiles pêcheurs , ils mangent leur poKfon & leur viande cruds , leur boiflon cft de l!eau pure ou du fang de chien de mer , ils font fort robuftes & vivent fort long'temps fkj. Voilà , comme l'on (k) Voyez, i'hiflofre naturelle des Ifles. Soierdant^ êe f Homme-. 'tyv f oît , ia figure , ia couleur & les moeurs des Lappons , & ce qu'il y a de fmgu- iier, c'elt que de même qu'on trouve auprès des Lappons en Europe les Fin- nois qui font blancs, beaux, afTczgrands &. afl'ez bien faits ; on trouve auffi auprès de ces Lappons d'Amérique une autre elpèce d'hommes qui foAt grands, biea faits & afTez blancs , avec les traits du vilùge fort réguliers f/J. Les Sauvages de la haie de Hudfon & du nord de la terre de Labrador ne paroiflent pas être de la même race que les premiers , quoiqu'ils foient laids, petits, mai faits, ils ont le vifage prefquc entièrement couvert de poil comme les Sauvages du pays d'Yeço au nord du Japon, ils ha- bitent l'été Icus des tentes faites de peaux d'urignaîou de caribou fmj, l'hiver ils vivent fous terre <::omiue les Lappons & iics Samoïedes , & fe couchent comme eux tous pêle-mêle fans aucune diftinc- lion ; ils vivent auffi fort long-temps ^ fl) Voy€7/l'hifloire.naturd(c des ïfles. Rorcnlam, ■j (> ^ 8, page i 8g , (nï) C'cll le nom qu'on donne au Renne en Hij 'iji Hîj?alre NdturcJJe quoiqu'ils ne (b nourrincnt que Je chai^ ou de {)oiiTun cruels fn). Les Sauvages de Terie-ncuve relTcinbient afTcz à ceux fJu détroit de Davis, ils font de petite taille ,' ils n'ont que j:eu ou point de barbe, leyr viflige eli large & plat, leurs yeux gros , & ils font généralement aliez camus; le voyageur c{ui en donne cetie fJcfcripiion , dit qu'ils rcflemblent a(îc2 bien aux Sauvages du continent fepten- trional & des environs du Groenland foj, Au-defTous de ces Sauvages qui dont répandus dans les parties jes j^ius lep-^ tcntrionales de l'Amc'rique , on trouve d'autres Sauvages plus nombreux & tout ^ifiércns des premiers, ces Sauvages font ceux du Canada <5^ de toute la profon- deur des terres jufqu'aux Afîiniboïls , ils font tous ûfîe'4 grands , rpbullcs , forts & allez bien fliits , ils ont xous les cheveux & les yeux noirs , les dents très- blanches , le teint bafané , peu de barbe, C») Voy€7. h \oyagc de Bobcrt LnJc; traJuit pnr îiihbé Frevot. Paris, i y^^ , tenu il, ^hi^e ^oy ir fui l'anus, (o) Vovez !e recueil des ^'oyages au nord, Roum, 'i;yié : tome ill , pj^f /« de ï Homme i 'î7;5 ^ point ou prefque point de poil eit aucune partie du corps, ils font durs cSc iafaiigabies à la marche , très - légers à li courle , ils fupponent aulîi ailenient la laiin que les plus grands excès de nourriture , iL font hardis , courageux , liers , graves & modérés; enfin ils ref- (cmblent fi fort aux Tartares orientaux par la couleur de la peau , des cheveux & des yeux, par le |)eu de barbe <5c de j)()il , (k aufii par le naturel & les mœurs, (|u'on les croiroit ilTui de cette nation, ii on ne les regarduit pas comme féparés les uns à\'\ cïprîcc ou par le leur , Il leur l:ui^?ue nîèiiKi n'ctoii pas fi Imiplf qu'elle leur clt pri'lque coniiuune à tous. CÀ)nime ils n'ont <|u'un très - petit nombre d'itltes , ils n'ont aufli (ju'unc trcs-jieiiie quantité cl cxprelllons , qui toutes ne jKnivcnt rouler que fur les choies les plus générales ^ les objets les plus coinnuins ; & quand même la plupart de CCS expredions l'eroient diH[érenies , comme elles le réduifciu à \\ï\ fort peiit nombre de UTines, ils ne j)euvent man- quer de s'entendre en très-|)eu de temjis, •Sl il doit être ])lus facile à un fuivagc d'entendre & de parler toutes les langues des p.utres iliuvages, qu'il ne l'efl à un homme d'une nau'on policée d'appren- dre celle d'une autre nation également policée. "- Autant II efl cbnc uiutiîc de fe trop c'tendre fur les coutumes & les mœurs flo CCS prétendues nations , autant il feroir ^cut-êire nrccflaire d'examiner la nature de 1 individu ; l'homme lauvairc cil en efiet île tous les animaux le plus iingulier, ie moins connu, & le plus cîîfficîî» i\ peu donné tion , 1 iriuniq Jjien , nous n j)ortraii j)rélcnt ieuls tr le cirai Un que l'e parle C dans le; lille tr(| feroien |)hilo(o iauvag aj^l^éii îi déco iiiouve conno quiilii peut - venu ri de IHommè: '\it cîîfficîlc a décrire, iiKiis nous dillînguons il |)tu ce que Va N;iturc (Iule nous a donné de te cjuc rctlucaiion , l'imita- tion , l'art & l'cxcniplc iious ont coin- immiquc , ou nous le confondons ii Lien , cju'il ne lèroit pas tionnanc cjuc nous nous nicconnufîions toialement au ])ortrait d'un fàuvugc , s'il no. cioit prélcntc avec les vraies coulent s <5^ les iêuls traits naturels qui doivent ^ lairc le ciradère. \J\\ fiuvnge aI)foIiiment f'uvage , te! que l'enfant élevé avec les ours , dont parle Conor (r) , le jeune honinic trouve dans le^ foreis d'IJanower, ou la petite lille trouvée dans les bois en France , fcroient un ([)ecîl:aclc curieux pour uiî l^hilolophe, il pourroit en ohfervant fou iâuvage évaluer au juflc la force des aj^péiiis de la Nature, il y >crroit l'amc îi découvert, il en diltingucr(>it tous les inouvemens naturels, & peut-être y rc- connoîiroit-il plus de douceur, de irari- quilliié <^ de calme cpje dans In ficnnc,- pcui-ctrc vcrroit-il clairement fjue b vertu appartient à l'homme fauvagc plus (y) Evang. Mcd. pa^e Jj^,i/Ct IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-S) 1.0 1.1 ■- IIIM ■ 50 ™"^™ 2.5 2.0 1.8 L25 1.4 1.6 -^ 6" - ► V] <^ /a ^> '/ /À I%otographic Sdences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 4^ <^^'4^ . ifUoiqu'iU ne pen(ëni à rien , 11^ ont awlii le vifage trifte & ils paroilîcnt être mélanco- liques ; ils font naturellement doux ôc compaîiffans, quoi juc trts-crucis à leurs ennemis : lis prennent afîez indifîerem- ment pour iemmcs leurs pareiucs ou des étrangère.^; leurs coufincs germaines leu-r appartiennent de droit , & on en a vu plufleurs (jui avoient en même temps les deux lœurs ou la mère & la fîlic , & même leur propre fille; ceux qui ont plufieur^ ièmmes les voient tour à tour chacune pendant un mois ^ ou un nom- bre L\e jour égal , & cela fuffit pour que ces femmes n'nient aucune ploufie ; ils pardonnent fcfîèz volontiers l'adultère à leurs femmes , mais jamais à ceîui qui ics a débauchées. Ils fe nourrifTènt de burgaux , de crabes , de tortues , de lézards, de (èrpens & de poifîbns qu'ils afïïiifonncnt avec du piment & de la farine de manioc (x ), Comme iU fjnt (x ) Voyez i'iiinoire «générale des Anti(f«, par \t Pcre fiu lerlre, lome II, i>nge ^j^ jufqu'à. fS2:i_ 1 8 8 Hipoire Naturelle cxt reniement parefTcux & accoutumes a la plus grande Indépendance , i's deteilent la (ervitudc, ik. on n';i jiiniais pu s'en lervir coninie on fe fert des Nègres; il n'y a rien (ju'iis ne ioicnt capables de faire pour fc remettre en liberté, & lorlqu'ils voient que cela leur elt inij)oliibIe, ils aiment mieux fe laifTer mourir de* faim & de mélancolie que de vivre pour travailler : on s'elt quelquefois fervi des Arrounges qui font plus doux que les Caraïbes, mais ce n'cll que pour la cha(le & pour la pêche, exercices qu'ils aiment, & auxquels ils font accoutumés dans leur pays ; & encore faut-il , fj l'on veut confcrver ces efciaves fauvages , les trai:er avec autant de douceur au moins ijuc Mvlîs traitons nos domeftiques en France , fans ccb ils s'enfuient ou pé- riflx^nt de mélancolie. 11 en cft à peu près de même des efciaves Brcfiliens , quoique ce foient de tous les Sauvages ceux qui paroiiïênt être 'es moins lîu- pides , les moins mélancoliques & les moins parefîeux; cependant on peut en voyez auiïî es nouveaux voyages aux Klcs. Paris ^ \z% traî tout fa terre , culture J'efclav Les petites raïbes elles oi le tour petite , g^'^f» P homme modeft I^arbou font pf lur le re poi ou dix pouces naircmi de pet toile â qui en ftmme; raiïade dcfcca \€le V Homme: \ iSc;" Tes traitant avec bonté les engager à tout faire , fi ce n'cll de travailler à la terre , parce qu'ils s'imaginent que U culture de la terre eft ce qui caradcrifç rcfclavage, Les femmes (àuvagcs font toutes pîuS petites que les hommes , celles des Ca- raïbes font graflcs & afl'ez bien faites, elles ont ies yeux & les cheveux noirs, le tour du vifagc rond , la bouche petite , les dents fort blanches , Tair plus gai , plus riant & plus ouvert que les hommes ; elles ont cependant de la niodellic & font afTez réfervées ; el'es fe barbouillent de rocou , mais elles ne ie font pas des pies noires fur le viflige & lur le corps commp ies hommes ; elles ne portent qu'un petit tablier de huit ou dix' pouces de largeur fur cinq à fix pouces de hauteur , ce tablier eft ordi- nairement de toile, de coton couverte de petits grains de verre ; ils ont cette toile & cette radiide des Européens , qui en font commerce avec ç.\\%'. ces femmes portent auffi pHifieurs colliers Je ralîàde , qui leur environnciu le cou 2c dcfccadent fur Içur fçin; elles ont dçs ^sç6 Hifloire NawreUe bruHlelets de même efpèce aux poignets traits affez réguliers, lis ont aufil tous , hommes & ièinmcs , les cheveux noirs, longs, plats & rudes, & les homiiics auroient de la barbe s'ils ne tè la fai (oient arracher ; ils ont le teint balanc , de couleur de cuivre jaune ou d'orange, & ics fourcils noirs co^nme du jais. <>es pcujiles que nous venons de décrire, ne font pas ics feuls habitans naturels de l'Ifthmc , on trouve parmi eux des hommes tout différens , & quoi- qu'ils foient en très -petit nombre, ils méritent d'être remiu'qués : ces hommes /ont Uancs , mais ce blanc n'tll pas celui des Européens', c'eft plutôt un blanc de lait , qui approche beaucoup de ia couleur du poil d'un ciieval hlanc ; leur peau efl aulîî toute cou- verte ., plus ou moins , d'une efpèce de duvet court & blanchâtre , mais qui n'eft pas ù épais fur les joues (Se lur le front , qu'on ne puilîè aifémcnt diftîngucr la peau ; leurs fourcils Ibnt d'un blanc de iait , aulîi - bien que ieufs .cheveux qui font très -beaux, de la fa lor à den & feu les au très-fi font ( en foi tourne foibles plein j iumièr qu'à ce plexîor autres pénible & ne i lune lu plus Ib autres près q au in y ne for « diHi qu'un deux < enfant Toffji ai VHomW. lr 9 3 la longueur de fept à huit pouces ai à demi - frifés. Ces Indiens , hommes & femmes, ne font pas fî grands que les autres , & ce qu'ils ont encore de très-fingulier , c'efl que leurs paupières font d'une figure oblonguc , ou plutôt en forme de croiHTint dont les pointes tournent en bas : ils ont les yeux fi foibles qu'ils ne voient prcfque pas en plein jour , ils ne peuvent fupporter la lumière du foleil , & ne voient bien qu'à celle de la lune ; ils font d'une com- plexion fort délicate en comparaifon des autres Indiens , ils craignent les exercices pénibles , ils dorment pendant le jour & ne fortent que la nuit; & lorfque la lune luit , ils courent dans les endroits les plus fombrcs des forêts aufli vite que les autres le peuvent faire de jour , à cela près qu'ils ne font ni auffî robufles ni auin vigoureux. Au refte , ces boni nés ne forment pas une race particulière ^ didinéle , mais il arrive quelquefois qu'un père & une mère qui font tous deux couleur de cuivre jaune, ont un enfant tel que nous venons de le décrire* il' ï5)4 Hijlolre Naturelle "Wafer qui rapporte ces faits , peu long & la couleur olivâtre (k). II- règne quelquefois parmi eux une maladie extraordinaire , c'eft une efpèce de iepre qui leur couvre tout le corps , & Y forme une croûte fèmblable à des ccailleS' de poiffon ; cette incommodité ne leur caufe aucune douleur, ni même aucun autre dérangetnent dans la famé (l). Les Indiens du ChHi font ,. au rapport ( k ) Voyez les voyages de Coreal , mm 1, p* 2^9 4!^2f^; les Lettres édifiantes , ReciuUXI,p»SP^' Rcateil XII , jmge 6» (l) Voyez ies Letlrcs édifiâmes, Recutil XXV} "gage 122^. ■ . . . * a 04 Hiftoke Naturelle de M. Frezicr, d'une couleur balâiitè, qui tire un peu fur celle du cuivre rouge, comme celle des Indiens du Pérou : cette couleur cft différente de celte des mulâtres ; comme ils viennent d'un blanc en d'une nègreiïè , ou d'une Hanche & d'un nègre , leur couleur eft brune , c'eft- à- dire , mêlée de blanc & de jioir ; au lieu que dans tout le continent de TAmérique méridionale) les Indiens font jaunes ou plutôt rougeâircs. Les habitans du Chili font de bonne taille ; 51s ont les membres gros, la poitrine large , le vifage peu agréable & fans barbe, les yeux petits , les oreilles longues , les cheveux noirs , plats & gros comme du crin ; ils s*aiongent les oreilles , & ils s'arrachent la barbe avec des pinces faites de coquilles; ia plupart vont nus, quoique le climat foit froid, ils portent feulement ftir leurs épaules quelques peaux d'animaux. C'eft à l'exirémiié du Chili , vers les terres Magellaniques , que fe trouve , à ce qu'on prétend , une race d'hommes dont la taille eft gigamefque; M, Frezîer dit avoir appris lie plufieurs Espagnols qui âvoiem vu ' 1 . Je l'Homte. ioj' €{uelques - uns de ces hommes , qu'ifs avoient quatre varres de hauteur, c'cft- à-dire, neut ou dix pieds; (èlon lui, ces géans appelés Patngons , habitent le côté de i'ell de la cote déferle dont les anciennes relations ont parlé , qu'on a €nfui:e traitées de fables , parce que l'on a vu au détroit de Magellan des Indiens dont fa taille ne furj^alloit pas celle des autres hommes : c'efl , dit-if , ce qui a pu tromper Froger dans (a relation du voyage de M. de Gcnnes; car quelques vaifTeaux ont vu en même temps les uns & les autres : en 1709, les gens du vai(- feau le Jacques ,■ de Saint- Malo , virent fèpt de CQS géans dans la baie Grégoire j & ceux du vaiiTeau le Saint- Pierre f de Marfeilîe , en virent fix , dont ils s'ap- prochèrent pour leur offrir du pain, dii vin ôi de i'eau-de-vie qu'ils refusèrent, quoiqu'ils eufTent donné à ces matelots quelques flèches, & qu'ils les eufTent aidés à échouer le canot du navire (m). Au reftc , comme M. Frezier ne dit pas avoir vu lui-même aucun de ces géans, (w) Voyez le voyage de Mj Frciicr» Pûris t '7S^k - i~t «A / iL^ii^iJ^ !■& '<, 2o6 Hifîoîre Naturelle & que les relations qui en parlent font remplies d'exagérations fur d*autres cho- fes , on peut encore douter qu'il cxifte en effet une race d'hommes toute com- pofée de geans , fur- tout lorfqu'on leur fuppofcra dix pieds de hauteur; car le volume du corps d'un tel homme fèroit huit fois plus coMfidérable que celui d'un homme ordinaire; il lëmble que la hauteur ordinaire des hommes étant de cinq pieds , les limites ne s'étendent eucrc qu'à un pied au - deiïus & au - denous ; un homme de fix j^ieds e(l en effet un très- grand homme, & un homme de quatre pieds efl très petit; les géans & les nains qui font au- defTus & au-deffous de ces termes de grandeur , doivent étce regardés comme des variétés individuelles en accidentelles, & non pas comme des différences permanentes qui produiroient Ats races contantes. Au refle, fi ces géans des terres Ma- gellaniques exiftent , ils font en fort petit nombre , car les habiians des terres du détroit & des îles voifines (bni des Sauvages d'une taille médiocre; ils font 4e couleur diyâtre, ils ont la poitrine Je THomme, 107^ fargc , fe corps aiTez quatre , les membres gros , les cheveux noift & plais (n); en un mot, ils refTemblent pour la taille à tous les autres hommes , &. par la couleur & les cheveux aux autres Américains. Il n'y a donc y pour ainfi dire , dans tout le nouveau continent, qu'une (eule & même race d'hommes, qui tous font plus ou moins bafancs ; & à l'exception du nord de l'Amérique, où il (è trouve des hommes femblables aux Lappons , & aufli quelques hommes à cheveux }3londs , femblables aux Européens du nord , tout le reftc de cette vafte partie du monde ne contient que des hommes parmi lefquels il n'y a prefqu'aucune diverfitë ; au lieu que dans l'ancien continent nous avons trouvé une pro* digieule variété dans les différcns peu- ples : il me paroît que la raifon de cette (n ) Voyez le voyage du Gap Narbrugh , fécond volume de Coreal , fagts 2jt iX 2 8^ ; i hiftoirc d© ia conquête des Motuques , par Atvenfbla , tome 1 i jiag. ij & ^// ; le voyage de M. de Gennes, par Froger , page py ; le recueil des voyages qui ont fervi à l'établiffement de ia Compagnie de Hollande, tome /; fûge 6 j t ; les voyages du Capitaine Vood| ciît^uièn^ yoîumi de Damjner , pagt jyp f &€$ " ' % io8 Hîjloke Ncitunlk uniformité dans les hommes de TAm^ rique , vient de ce qu'ils vivent tous de la même façon ; tous les Amcricains naturels cioient, ou font encore , fau- V3gcs ou prefque fauvages , les Mexi- quains & les Péruviens e'toient fi nou- vellement policés qu'ils ne doivent pas faire une exception. Quelle que fuit donc l'origine de ces nations fauvages , elle paroît leur être commune à toutes , tous les Américains fortent d'une même fouche, Ails ont confervé jufqu'à pré- fent les caradèrcs de leur race fans grande variation , parce qu'ils font tous demeu- rés fauvages, qu'ils ont tous vécu à peu près de la même façon , que leur climat ai'ed pas à beaucoup près auflj inégai pour le froid & pour le chaud que ce- lui de l'ancien continent , & qu'étant nouvellement établis dans leur pays , les caufes qui produifent des variétés n'ont pu agir affez long - temps pour opérer des effets bien fenfibles. Chacune des raifons que je viens d*avancer , mérite d'être confidérée en particulier : les Américains font des peuples nouveaux; U me femble qu'on Je l'Homme* i n'en ^eut pas douter iorfqu'on fait atten- tion à leur petit nombre, à leur igno- rance , & au peu de progrès que les plus civilifes d*entre eux avoient fait dans les arts , car quoique ies premières rela- tions de ïa découverte & des conquêief de l'Amérique nous parlent du Mexi- que, du Pérou , de Saint-Domingue, ^c. comme de pays trè^- peuplés ; & qu'elles nous dilènt que les Elj agnofs ont eu à combattre por-tout des armées très- nom breu fes , il efl: aifé de voir que ces faits font fort exagérés , premiè- rement par le peu de monumens qui reftent de la prétendue grandeur de ces peuples , (econdement par la nature même de leur pays qui , quoique peuplé d'Eu-» ropéens plus induftrieux fans doute que ne l'cioient les naturels , eft cependant encore fauvage , incuite , couvert de bois , & n'cft d'ailleurs qu'un grouppe de montagnes inaccefîibics , Inhabitables, qui ne laiflent par conféquent que de petits efpaces propres à être cultivés & habités ; troifièmement par la traditîoa même de ces peuples fur le temps qu'ils fe font réunis en fociété , les Péruvici^ inr. 4 ïo 'Hifîotre Naturelle ne comptoîent que douze Roî , dforif le premier avoit commencé à ies civi- Jifer (o), ainfi il n'y avok pas trois cents ans qu'ils avoicm cefFé d'être, comme ies autres, entièrement fauvages; quatriè- mement par le petit nombre d'hommes qui ont été employés à faire la conquête de ces vaftes contre'es : quefqu'avantage que la poudre à canon pût feur donner, îl$ n'auroient jamais fubjugué ces peuples, s'ils euiïent été nombreux ; une preuve de ce que j'avance , c'efl qu'on n'a jamais pu conquérir le pays des Nègres ni ies aiïujettir, quoique les effets de la poudre fuflcnt aulfi nouveaux & auffi terribles pour eux que pour ies Américains ; la facilité avec laquelle on s'tfft emp.iré de l'Amérique, me paroît prouver qu'élis étoît très-peu peuplée, & par conféquent nouvellement habitée. Dans le nouveau continent la tempé- rature des différcns climats eft bien plus égale que dans l'ancien continent , c'eft encore par l'effet de plufieurs cauies ; il fait beaucoup moins chaud fous la Zone (o) Voyez l'hiftoirc des Incas , par Garulaflb ^ &c» / ' Je T Homme: ti% lorrîdfe en Amérique , que fous îa Zone torride en Afrique ; les pays compris fous cette zone en Amérique, font le Mexique , la nouvelle E (pagne , le Pérou, la terre des Amazoqes, le Brefil & la Guiane. La chaleur n'eft jamais fort grande au Mexique, à la nouvelle Efpagne & au Pérou , parce que ces contrées font des terres extrêmement éle- vées au-deflfus du niveau ordinaire de la (ûrface du globe ; le thermomètre dans les grandes chaleurs ne monte pas fi haut au Pérou qu'en France ; la neige qui couvre le fommct des montagnes, refroidit l'air , & cette caufe qui n'eft qu'un effet de la première , influe beau- coup fur la température de ce climat ; aufli les habitans , au lieu d'être noirs ou très- bruns, font feulement bafanés : dans la terre des Amazones il y a une prodigieufe quantité d'eaux répandues, de fîeuves & de forêts, l'air y eft dcmc extrêmement humide , & par conféqucnt beaucoup plus frais qu'il ne le feroit dans un pays plus fec : d'ailleurs on doit obferver que le vent d'eft qui foulïïe conltammcnt entre les tropiques ; n'arrive lîl Hijlolre Naturelle au Brefil à la terre des Amazones A à la Guiane, qu'après avoir iraverfé une vafte mer, fur laquelle il prend de la fraîcheur qu'il porte cnfuitc fur toutes les terres orientales de l'Amérique équi- nodiale : c'efl par cette raifou , auili- bien que par la quantité des eaux & des forêts , & par l'abondance & la conii- feuité des pluies , qiie ces parties de l'A- mérique font beaucoup plus lempéie'es qu'elles ne le feroient en effet fans ces circonftances pardcull^res. Mais Icrfque le vent d'cft a travcrféjes terres baftes de l'Amérique , & qu'il arrive au Pérou , H a acquis un degré de chaleur plus confidérable ; auffi feroit - il plus chaud au Pérou qu'au BrefiI ou à la Guiane, fi l'élévation de cette contrée , & les neiges qui s'y trouvent, ne refroidif- foient pas l'air , & n'ôtoient pas au vent d'eft toute la chaleur qu'il peut avoir acquife en traverfant les terres : il lui en relie cependant alTez pour influer fur la couleur d^s habitans , car ceux, qui , par leur jfituation y (ont Je plus cxpofés , (ont \ts plus jaunes , & ceux qui habitent les vallées entre les montagnes & qui de T Homme: il} font a l'abrî dé ce vent , font beaucoup plus blancs que les autres. D'ailleurs , ce vent qui vient frapper contre les hautes montagnes des Cordilières, doit fe réfléchir à d'afTez grandes diflances dans ies terres voifines de ces montagnes , & y porter la fraîcheur qu'ii a prile fur ies neiges qui couvrent leurs fommcts ; ces neiges elles - mêmes doivent produire des vents froids dans les temps de leur fonte. Toutes ces caufes concourant donc à rendre le climat de la Zone torride en Amérique beaucoup moins chaud , il n'eft point étonnant qu'on n'y trouve pas des hommes noirs > ni même bruns , comme on en trouve fous la Zone torride en Afrique & en Afîe , où les cir- conflances font fort différentes , comme nous le dirons tout-à-Pheure : foit que i*on fuppofè donc que ies habitans de l'Amérique foîent très - anciennement natucalifés dans leur pays, ou qu'ils y fuient venus plus nouvellement, on ne doit pas y trouver des hommes noirs, puifque leur Zone torride eH un climat tempéré. La dernière raifon que j'ai donnée d^ 21 4 'Hijlolre Naturelle ce qu'il le trouve peu ,de variété dans les hommes en Amérique, c'ed l'uni- forraitc dans leur manière de vivre, tous ctoient lauvages ou très - nouvellement civiliies , tous vivoient ou avoient vécu de la même façon : en fuppofant qu'ils •eufîènt tous une origine commune, les races s'ctoicnt difperlées fans s'être croi- fécs , chaque famille faifoit une nation toujours (emblabic à elle-même, & prcf- que femblable aux autres , parce que le climat & la nourriture étoient auffi à peu près femblables ; ils n'avoient aucun moyen de dégénérer ni de (e perfec- tionner , ils ne pou voient donc que de- meurer toujours les mêmes , & par-tout à peu près les mêmes. Quant à leur première orîgme , je ne doute pas, indépvendamment même des raifons théologiques, qu'elle ne foit la même que la nôtre ; la reffemblance des Sauvages de l'Amérique (eptenirionale avec les Tartares Orientaux, doit faire foupçonner qu'ils fortent anciennement des ces peuples : les nouvelles décou- vertes que les RufTes ont faites au-delà de JCamirchatka , de plufieurs terres ^ de êe THommh ft i j plufieurs îles, qui s'étendent jurqu*à la partie de l oueft du continent de TAmé- rique ne laifTcroicnt aucun doute fur la pc^fîibilhé de la communication , fî ces découvertes étoicnt bien conflatécs, & que ces terres fufTent à peu près con- lîguës ; mais t\\ fuppofànt même qu*il y ait des intervalles de mer aflcz confi- dérables, n'eft-il pas très - poffible que des hommes aient traverfé ces intervalles, & qu'ils foient allés d'eux-mêmes cher- cher ces nouvelles terres ou qu'ils y aient été jetés par ia tempête î il y a peut - être un plus grand intervalle de mer entre les îles Marianes & ie Japon , qu'entre aucune des terres qui font au- delà de Kamtfchatka & celles de i'A- mériquc , & cependant les îles Marianes fè font trouvé peuplées d'hommes qui ne peuvent venir que du continent orientai Je 1er ois donc porte à croire que I«s premiers h<5mmes qui font venus en Amérique, ont abordé aux te res qui font au nord-oueft de la Californie ; que ie froid exceflif de ce climat les oî^ligea a gagner les parties plus méridionales de kuMiouvelle demeure; qu'ils (è fixèrent i 1 6 Hipolre Natmlle d*abord au Mexique & au Pérou , d'oh ils (e font eniuite répandus dans toutes les parties de l'Amérique feptentrionale Si, méridionale ; car le Mexique & le Pérou peuvent être regardés comme les terres les pius anciennes de ce continent & ïes pius anciennement peuplées , puis- qu'elles font ies plus élevées & les feules où l'on ait trouvé des hommes réunis en focîété^ On peut au (Il préfumer avec une très -grande vraifemblancc , que les liabiians du nord de l'Amérique au dé- troit de Davis , & des parties fèptentrio- nales de la terre de Labrador , font venus du Groenland , qui n'cft féparé de l'A- mérique que par la largeur de ce détroit qui R*«fl pas fort confidérable ; car , comme nous l'avons dit , ces (auvages du détroit de Davis & ceux du Groen- land fc refl'emblent parfaitement ; & quant â la manière dont je Groenland aura été peuplé , on peut croire avec tout autant de vraifemblancc que les Lappons y auront paflc depuis le Gap - nord qui n'en eft éloigné que d'environ cent cinquante lieues ; & d'ailleurs , comme l'île d'Iilande cft prcfque contîguë au Groenland ^ le utcs nalc k le e les nent puiG- icuïcs iunîs avec le les i dé- mrio- irenufi iVA- étroit car, vages roen- quant aura tout jpons nord cent lommc ë aU land 9 {fe r Hommes i i/^ que cette île n*cft pas éloignée des Orcades feptentrionalcs , qu'elle a été très - anciennement habitée & même * fréquente'c des peuples de l'Europe , que les Danois avoient même fait des ctabliflemens & formé des colonies dans le Groenland , il ne feroit pas étonnant qu'on trouvât dans ce pays des hommes blancs & à cheveux blonds , qui tire- roient leur origine de ces Danois : & il y a quelqu'apparcnce que les hommes blancs (fu'on trouve auffi au détroit de Davis, viennent de ces blancs d'Europe qui fe font établis dans les terres du Groenland , d'où ifs auront aifément pafle en Amérique, en traverfant le petit intervalle de mer qui forme le détroit de Davis. Autant il y a d'uniformité dans fa couleur & dans la forme des habitans natureL de l'Amérique, autant on trouve de variété dans les peuples de l'Afrique; cette partie du monde e(l très -ancien- nement & très- abondamment peuplée , le climat y efl brûlant , & cependant d'une température très -inégale fuivant les différemes contrées ; & les mœurs Tome V» ^ % I 8 Hî/lolre Naturelle des clifFércns peuples font aufll toutes difTcremcs, comH.e on a pu le remar- ► qucr par les defcriptious que nous ca avons données ; toutes ces caufcs ont n'efl pas comparable à celle du SénégLil, que les enfans nou- veaux-nés des Nègres font fi fufcep- tibles des imprcffioiii de l'air , que l'on efl obligé de les tenir pendant les neuf premiers jours après leur naifTance dans- des chambres bien fermées & bien chaudes ; fi l'on ne prend pas ces pré- cautions , & qu'on les expole à l'air au moment de leur naiffance, il leur furvicnt une convulfion à la mâchoire , qui le* empêche de prendre de la nourrituie, 5e^ a 20 HïjJolre Naturelle qui les fait mcnirir. M. Littre , qui fit en 1702 la difîedion d'un Nègre, ob- ferva que le bout du gland qui n'étoit pas couvert du prépuce, étoit noir comme toute ia peau, & que le refte qui ctoit couvert étoit parfaitement blanc (p): cette obfcrvation prouve que l'adion de l'air cil néceiïarre pour produire la noirceur de la peau des Nègres;, leurs enfans naif- ient blancs, ou plutôt rouges, comme ceux des autres hommes , mais deux ou trois jours après qu'ils font nés, la cou- kur change , ils paroiflent d'un jaune Lafané qui fc brunit peu à peu , & au. fepiième ou huitième jour ils font déjà tout noirs.. On fait que deux ou trois jours après la naiflànce tous les encans ont une efpcce de jauniiïe , cette [aunifle dans les blancs n'a qu*un cjffèt paflager, & ne iaiffe à la peau aucune impreflion ;. dans les Nègres au contraire, elle donne à la peau une couleur ineffaçable , & Cfui noircit toujours de plus ea plus. M. Kolbe dit avoir remarqué que les enfans des- Hottentots , cjui naifient blancs fj)) Voyez l'hifîoire de rAcadcmic des Scîenoea, de l'Homme. \ 'iiy comme ceux d'Europe , devenoîeiit olU vâtres par Teffèt de cette jaunifTe qui (è' répand dans toute la peau trois ou quatre jours après la naiffance de l'enflint , & . qui dans ia fuite ne difparoît plus : ce- pendant cette jaunifTe & l'impreHioii acfluclle de Tair ne me paroiiTent être que des caufes occafionnelles de ia noirceur, & non pas ia caufe première ; car oa remarque que les en fans des Nègres ont dans le moment même de leur nailTance, du noir à la racine des ongles & aux- pariies génitales : l'adlion de i'air & I* jauniiïe ferviront , fi l'on veut , à étendre cette couleur , mais il eft certain que le germe de la noirceur e(t communiqué aux enfans par les pères & mères, qu'en quelque pays qu'un Nègre vienne au monde , il fera noir comme s'il étoit né- dans fon propre pays , & que s'il y a c^uelque différence dès la première géné- ration, elle efl: fi infenfible qu'on ne s'ea cit pas aperçu. Cependant cela ne fliffit pas pour qu'on foit en droit d'affurer qu'après un certain nombre de généra- lions , cette couleur ne changeroit pas fenfiLlement , il y a au contraire toutea» K vj '2 2 8 Rijlolre Naturelle îcs raifons du monde pour prefumer que comme elle ne vient originairement que de l'ardeur du climat & de l'adlion long- temps coniinue'c de la cFialeur elle s'ef- faceroit peu à peu' par la température d'un climat froid , & que par confc- quent , fi l'on tranfportoit des Nègres dans une province du nord , leurs def- ccndans à la huitième, dixième ou dou- zième génération feroient beaucoup moin$ noirs que leurs ancêtres, & peut-être aufli blancs que les peuples originaires du climat froid où ils habiteroieni. Les Anaiomifles ont cherché dans quelle partie de la peau réfidoit la cou- leur noire des Nègres . les uns préten- dent que ce n'eft: ni dans le corps de la peau ni dans i'épiderme, mais dans la membrane réticulaire, qui fè trouve entre i'épiderme & la peau (q); que cette membrane lavée & tenue dans l'eau tiède pendant fort long - temps , ne change pas de couleur & refte toujours noire, au lieu que la peau & la furpeau paroif- lênt être à peu près auffi bknches que (q) Voyez l'hiftoire de l'Académie àni Sciences^ ie ,V Homme, '229 celles des autres hommes. Le Doéleur Towns , & quelques autres , ont pré- tendu que le fang des Nègres étoir beau- coup plus noiV; que celui des blancs; je n'ai pas été à portée de vérifier ce fait ,- que je ferois afîez porté à croire , car j'ai remarqué que les hommes parmi nous qui ont le teint bafané , jaunâtre & brun , ont ie fang plus noir que les autres; & ces Auteurs prétendent que la couleur des Nègres vient de celle de leur fang (r), M. Barrere, qui paroît avoir examiné la chofe de plus près qu'aucun- autre (f), dit, aufli-bienque M. Winf- low (t), que l'épiderme des Nègres cft: noir, & que s'il a paru blanc à ceux qui s l'ont examiné, c'efi parce qu'il eft extrê- mement mince & tranfparent, mais qu'il* cfl réellement aulfi noir que de la corne noire qu'on auroit réduite à une aufîî. peiite épaifieur : ils affurent aulîi que la peau des Nègres eft d'un rouge- brun (y) Voyez rÉcrit Hu Dcxifîeiir Tcwns, adreifé à- k Société Royale cie Londres, (f) Voyez, b Differtation fur la cowîeur àtt- Nègres, par M. Barrere. Paris, /7-f/. (t ) Voyez Eîfp<3rition anatomiciiie du corps buh- XDaio; par M. Winflow. ^'<^^ f ^j?» 2?0 3 Hîjloke NéitiirelJe approchant du noir ; cette couîeur Je i épidémie & de la peau des Nègres c(t produite, félon M. Barrere, par la bile qui dans les Nègres n'cft pas jaune , mais toujours noire comme de l'encre , comme il croit s'en être alTuré fur plu- sieurs cadavres de Nègres qu'il a eu occalion de difl;èquer à Cayenne: la bile teint en effet la peau des hommes blancs en jaune lorfqaelle fe répand, & il y a apparence que fi elle étoit noire , elle la teindroit en noir ; mais dès que l'épan- chement de bile cefTe, la peau reprend fa blancheur naturelle : il faudroit donc fuppofer que la bile cft toujours répan- due dans les Nègres , ou bien que , comme le dit M. Barrere, elle fût fi abon- dante , qu'elle fe féparât naturellement dans l'épiderme en aflez grande quantité pour lui donner cette couleur noire. Au refte il eft probable qiie la bile & le lang font plus bruns dans les Nègres que dans les blancs , comme la peau e(l auili plus noire ; mais l'un de ces faits ne peut pas fervir à expliquer la caufe de l'autre, car fi l'on prétend- que c'eft le fang ou la bilC; qui par leur noirceur. do au on ".'àe î Homme', \ %'^î\ donnent cette couleur à la peau y alors au lieu de demander pourquoi \s Nègres ont la peau noire, on demanckra pour- quoi ils ont la bile ou le fang noir; ce n'eft donc qu'éloigner la queflion , au lieu de fa réfoudre. Pour moi j'avoue qu'il m*a toujours paru que la même ciufe qui nous brunit lorftiue nous nous expofons au grand air & aux ardeurs du folcil , cette caufe qui flûi que les Efpa- gnols font plus bruns que les François ^ 6c les Maures plus que les Efpagnois, f;iit nufîi que les Nègres !e font ])lus que les Maures ; d'ailleurs nous ne voulons pas chercher ici comment cette caufe agit , mais feulement nous afTurer qu'elle agit , hommes qui habitent les terres élevées , comme les coteaux ou le deiîus des collines , & qu'on les compare avec ceux ([ui occu- pent le milieu des vallées voilines , on. trouvera que les premiers font agiles , difpos , bien fûts, fpirituels , ik que les fenunes y font communément jolies ; au iicLi que dans le plut- pays, où la icrre '2^6 Hiflcnre Naturelle cft grofîe , l'air épais , & i*eau moîm pure, les payfans font groflicrs, pefans, mal faits , ftupides , & les pay faunes prefque toutes laides. Qu'on amène des chevaux d'Efpagne ou de Barbarie en France, il ne fera pas pofllble de per- pétuer leur race, ils commencent à dé- générer dès la première génération , & à la troifième ou quatrième ces chevaux de race barbe ou efpagnole, fins aucun mélange avec d'autres races, ne laifleront pas de devenir des chevaux françois ; en forte que pour perpétuer les beaux chevaux , on cft obligé de croifer les races en faifant venir de nouveaux ctalona dXfpagne ou de Barbarie : le climat & la nourriture mfluenr donc fur la forn e ries ajiimaux d'une manière (i niar juée , qu'on ne peut pas douter de leurs effets ; & quoiqu'ils foiînt moins prompts , moins ajjparens & moins fen- fibles fur les hommes, nous devons conclure piir analogie, que ces effets ont iieu d ■ I , .'• s „ :■.. i-- V ;i: I' . raaîon , il efl nt aufli i même de ce mêmes il elies irconf- HISTOIRE NATURELLE. D^Jrours fur la nature des Animaux. Bjwa " \ HISTOIRE la 24 1 C HISTOIRE NATURELLE. DISCOURS Sur la nature des Animaux. O M M E ce n*efl: qu'en comparant que nous pouvons juger , cjue nos connoiflances roulent même entière- ment fur les rapports que les chofes ont avec celles qui leur refTemblent ou qui en diffèrent, & que s'il n'exiiloit point d'animaux , la nature de l'homme leroit encore plus incompréhenfible ; après avoir confideré l'homme en lui-même, ne devons-nous pas nous fcrvir de cette voie de comparaifon î ne faut - il pas examiner la nature des animaux, compa- rer leur organifation , étudier l'e'conomie animale en général , afin d'en faire des applications particulières , (]^en faifir les rclTemhlances , rapprocher (es difteren- ces , & de la réunion de ces combinai- fons tirer affez de limiièrcs pour dillin- gucr nettement les principaux effets de la mécanique vivante, & nous conduire 1^1 JJijconrs à la fcîcnce importante dont rhommC même eft l'objet î Commençons par flmplifier les chofcs, refTerrons l'étendue de notre fujet , qui d*abord paroît immenfe, & tâchons de le réduire 4 ^s juftes limites. Les propriétés qui appartiennent à l'animal , parce qu'elles appartiennent à toute matière , rie doivent point être ici confidérces , du moins d'une, manière abfolue ("aj. Le corps de l'animal eft étendu , pefant , Impénétrable, figuré, capable d'être mis en mouvement , ou contraint de de- meurer en repos par l'adion ou par la refiftance des corps étrangers ; toutes ces propriétés qui lui font communes avec fe rcfte de la matière, ne font pas celles qui carai^érifent la nature des animaux , & ne doivent être employées que d'une manière relative , en comparant , par exemple , la grandeur, le poids, la figure, &c. d'un animal, avec la grandeur, le poids, la figure, &c. d'un autre animal. De même nous devons féparer de la (a) Voyez ce que j'en ai dit au commencement idu premier chapitre du fécond volume de ceit^ Iriinoire Naturelle. Jiir h nature omme, de ce qui lui appar- ient en commun av.ec i'animal, • Pour mieux voir notre objet, nous venons de le circonfcrirc, nous en avonç retranché toutes Ips extrémités pxcédan- t£S , & nous n'avons conlervé que les pnriies néceffaires. Divilons-Ie mainter liant pour le confiJérçr avec toute l'at- icniion qu'il exige, mais divifoqs-Ic par grandes mailçs; avant d'exaiuinicrcn détail îes [)artics de la macjiine animale <3c les fondions de chacunp de ces parties , voyons en général le réfultat dp cette juécanique, & fan? vouloir d'abord rai- ibnncr fur les caufes , bornons-nous à c.onllater les effets. •% L'animal a deux manières d'être, l'état de mouvement & l'état de r^pos , la veille <5c le fommcil , qui fe (ucccJent; alternativement pondant toute la vie : c ///;• h fmttirc des À/iilfîduW I45 dans le premier état , tous les reflorts de la niaLliinc aniniiile font cii adi{3n } dans le lecond, il n'y en a qu'une partie, 6i celte partie qui. cil en acflioii pendant le fommcil , elt auiîi en adlion pendant ia veille : cetic partie elt donc d'une nécefîité al^foiuc , puifque l'animal ne peut exiller d'aucune faction lans elle ; cette partie ell in dépendante de l'autre ^ puifqu'elle agit feule : l'autre au con-^ traire dépend de celle-ci, puilqu'clle ne peut lèule exercer Con action. L'une elt la partie fon'Jaîr.entiiie de réconomic anima'e, piiilqu'el'e agit coniinuelletnent & finis iii:crruption ; i autre ell une partie moins cffcntitlle , puiiqu'clle n'a d'exer- cice que par intervailes tixts auxquels la Nature n'eût accordé que cette première partie de l'économie ani- male , ces êtres , qui (croient néceflTai- rement prives de fens, & de mouvement progreffif , ne iaifTeroicnt p;is d'être des êtres animés, qui ne diffcreroicnt en rien des animaux qui dorment. Une huître , un zoophyie , qui ne paroît avoir ni mouvement exicrieur fenfiblc , ni fens externe, eft un cire formé pour' dormir toujours; un végétal n'cft dans ce fens qu'un animal qui dort , & en général les fondions de tout être organifé qui n'auroit ni mouvement, ni fens, pourroieni eire comparées aux fondions d'un animai qui feroit par fa nature contraint à dormir perpétuellement. Dans l'animal, l'état de (bmmeil n'efl donc pas un état accidentel , occafionné par le plus ou moins grand exercice de ics fondions pendant la. veille ; cet étaî L iiij 2l^3 Difcoiirs e(l au contraire une manière d'être elîèn- tiflle , & ({iii (crt de bafc à l'cconomic animale. C cil par le lomincil que com- mence noue exiflcnce ; le fœrus dort prefcjiie contiriiiclieiiient , & l'cnfani dort beaucoup plus cju'ii ne veille. Le fommcil qui paroît être un état puienicnt paflif, une efpècc de mort, ell donc au contraire le premier ttat de Tan^mal vivant & le fondement de fa \ie; ce n'eft point une privation, un ant'antiiïemcnt, ccfl une nianière d'être, ui.e lliçon d exillcr tout auiïi réelle & pins générale qu'aucune autre ; nous exirtons de cctic façon avant d'exilîcr autrement : tous les êtres organilcs (|iii n'ont point de fens n'exifleiu c\\\q de cette façon , aucun ri'exille dans un e'iat de mouvement continuel , &, i'exillcnce de tous participe plus ou moins à cet état de repos. Si nous réduifons Tan'Hinl même fe plus parfait à cette partie qui agit feuîe & continuelfcmeni , il ne nous paroîr.i pas djifcreni de ce^ êtres auxquels nous avons |;einc à accoidtrie nom d'animal; il nous puroîtra , c^uant aux foii(ftiui:s \ IgK I ^ Jur la tiûture Je s Animaux. 249' CXtc^rieures, prefiue (bii^hi.ible au végé- tal; car quc)ic-|ue l'orgiiiiifanon intérieure foit JifTérenic dans l'aivimal Ôi dans (c végcial, l'un & l'auirc ne nous offriront plus que les mêmes réfuitais , ils fe nourrironi : ils cro'tront, il> (c déve- lopperont, i's auront les prin.ipes d'un mouvemeni interne , ils podcdcront une vie végétale : mais ils leroiu ég.ilcment privés de mouvement prog'^eflli , d'ac- tion , de fcntiinent, & iU n'auront aucun figue extérieur, aucun cara(5lèrc aj^parcnt de vie animale. Mais revêtons cctic [par- tie iiitcrietire d'une envcl ppe conve- nable, c'eft- à -dire , donnons -lui des fens & des membres , bientôt l.i vie animale fe maniTelicra; & plus l'enve- loppe contiendra de fens, de membres & d'autres parties extérieures , pius la nous paroitra cotnp'ètc, «3c v,.J. plus l'animal icra pa par cette enveloppe ([ue les animaux rfait. C ell donc diffc crcnt entre eux \; \ parue ineri<" qui fait le fondement de l'économie animale app^articnt ù tous les animau-x fans aucune exception, &l eile c(l à peu près la mçiiie , pour la foriue , dupi» 2jO DtfiOW'S , l'homme & dans les animaux qui ont de la chair & du fang ; mais l*enveloppe cxtéiieure cfl très-différenic, & c'eit aux extrémités de cette enveloppe que font les plus grandes différences. Comparons , pour nous faire mieux entendre , le corps de l'homme avec celui d'un animai , par exemple , avec le corps du cheval , du bœuf, du co- chon , &c. la partie intérieure qui agit continuellement , c'efl - à- dire , le cœur & les poumons , ou plus généralement les organes de la circulation & de la refpiration , font à peu près les mêmes dans l'homme & dans l'animal ; mais la partie extérieure , l'enveloppe , eft fort différente. La charpeitte du corps de ranimai , quoique compofée de parties fliiiilaircsà celles du corps humain, varie prodigieufement pour le nombre , la grandeur & la pofition ; les os y font plus ou moins alongés , plus ou moins accourcis , plus ou moins arrondis , plus ou moins aplatis, &c. leurs extré- Iiihés font plus ou moins élevées , plus ©u moins cavées; plufieurs font foudcs iciliciubie; ii y en a même quelc^ucs-uns J^^ uature des Ai \ \minaux» 2 j il qui manquent abfolument, comme les clavicules ; il y en a d'autres qui font en pius grand nombre, comme les cor^ nets du iiei, les venèbres, les côtes, &.c. d'autres qui font en plus petit nombre, comme les os du carpe, du métacarpe., du tarfe , du métatarîe , les phalanges , &c. ce qui produit des différences très- confidcrabies dans la forme du corps de ces animaux, relativement à la forme du- corps de l'homme. De plus, fi nous y faifons attention, nous verrons que les plus grandes dif- férences font aux extrémités , & que c'eil par ces extrémités que le corps de l'homme diffère le plus du corps de l'animal : car divifons ie corps en troi.s parties principales , le tronc , la tête & les membres; la tête & les membres, qui font les extrémités du corps , font ce qu'il y a de plus différent dans i'hofume & dans l'animal: enfuite, en coiifidérant les extrémités de chacune des ces trois parties principales , nous jeconnoîtrons que la plus grande diffé- rence dans la partie du tronc fe trouve à i'extréuiiié fupérieure & inférieure d« 1^1 Dijconrs ' ' cette partie; puifque dans le corps de rhomme il y a. des clavicules en haut, au lieu que ces parties manquent dans la plupart des animaux: nous trouverons pareillement à l'extrémité inférieure du tronc un certain nombre de vertèbres extérieures qui forment une queue à l'animai ; & ces vertèbres extérieures manquent à cette extrémité inférieure du corps de l'homme. De même l'extré- mité inférieure de la tête , les mâchoires, & rextrémitc fupérieure de la tête , les os du front dhffèrent prodigieulemer.ît dans rhomme & dans l'animal : les mâ- choires dans la plupart des animaux font fort alongées , & les os frontaux font au contraire fort raccourcis. Enfin , en com- parant les membres de l'animal avec ceu:t de l'homme, nous reconnoîirons encore aifémcnt que c'eft par leurs extrémités qu^ls diffèrent le plus , rien ne fe refîeni- biant moins au premier coup d'œil qu« k main htunaine & le pied d'un chevwl ou d'un bœuf. En [ rcnant donc le cœuç pour centre dans la machine animale, je vois que fhoniine rejQTemblc parfaitement au m ^ ft/r la tiûfw'ê Jts Animaux: 2 5 J Sinîmaux par !*économie de cette partîe & des autres qui en font voifines : mais plus on s'éloigne de ce centre, plus les différences deviennent confidérahles , & c'efl aux exi rémités où elles font les plus grandes; & lorfque dans ce centre même il (e trouve quelque différence, l'animal eft a^ors infiniment plus difîerent de l'homme , il eft , pour ainii dire , d'une autre nature , & n'a rien de com- mun avec les efpèces d'animaux que nous confidérons. Dans la plupart des Infecftes , par exemjJe , i'organifatioii de ce;te principale partie de l'économie animale efl fingulicre ; au lieu de cœur & de poumons on y trouve des parties qui fervcHt de même aux fondions vitales , & que par cctie raifon l'on a rcg;irdc comme analogues à ces vifcères, iïîai.> qui réellement en lonr très- diffé- rentes , tant par la ftru<^ure que par le ré fui ta t de leur iidion : auflr les Infcdes difîerent- ils , autant qu'il eft poftjhic , de l'homne & des autres animaux. Une icgère dffércnce dam ce centre de l'économie aniin «le eft toujours acconi- pagace d'ujpie Uiâcrence infiniment plu$ 5^54 - 'Di/iom grande dans les parties (extérieures. î^ tortue , dont le cœur efl fingulièrement conforiné , ell auili un animal extraor- dinaire f qw ne refTemble à aucun autre animal. Que i'on confidère rhomme, les ani- maux quadrupèdes, fes oifeaux, les cé- tacécs , les poiflbns , les amphibies , les leptiles , quelle prodigieufe variété dans ia figure , dans la propor lion de leur corps, dans le nombre & dans la pofi- tion de leurs membres , dans la fubftance de leur chair , de leurs os , de leurs tégurnens î Les quadrupèdes ont aiïez généralement des queues, des cornes, & toutes les extrémités du corps diffé- rentes de celles de l'homme : les ce la- cées vivent dans un autre élément , & quoiqu'ils (e inulti[)lient par une voie de génération femblable à ce le dcb qua- druj)èdes , ils en font tsès différens par la forme , n'ayant point d^'extréini es u> férieurcs : les oileaux feiubien en dinérex encore plus par leur bec, leurs plu nes^ leur vol, & leur génération p:ir de> œah i fes poifîons ôi le> amphibies fuit enc rç ^lus éloignés de ia forme humaine ; les ce- I les fur la nature des Anhnaux, 255 reptiles n'ont point de membres. On trouve donc la plus grande divcrfité dans toute i'enveloppe extérieure, tous ent au contraire à peu près la même conformation intérieure; ils ont tous un cœur , un foie , un eftomac , des inicf- tins , des organes pour la génération : ces parties doivent donc êire regardées comme les plus efTentielies à réconomie animale , puifqu'clles font de toutes les plus confiantes & les moins lujcues ^ la variété. Mais on doit ob fer ver que dans l'en- veloppe même il y a aufïi des parties plus confiantes les unes que les autres ; les fens, fur-tout certains lens , ne man- quent à aucuns de ces animaux. Nous avons expliqué dans i'anic'e des (cns (Vol' IV), quelle peut être leur cfjèce de toucher: nous ne lavons pas de ([uei'e- nature eft leur odorat <î^ leur goût, mais nous fommes aiTurés qu'ils ont lous Iç fens de la vue, & peut-être au flj celui de l'ouïe. Les fens peuvent donc être regardés comme une autre partie ^^qW" lieiie de l'économie animale ^ aufii-biea ^5^ Dtfcoim que Te cerveau & les enveloppes; qtiî fe trouve dans tous les animaux qijii ont des lens, & qui en efïèc ell ia partie dont es fens tirent leur oiig'ne, 6c fur laquelle ils exercent leur première acflion. Les Inleélc/. mêmes, qui différent fi fort des autres animaux pai le centre de l'éco- jiomie animale , ont une partie dans b têie y analogue au cerveau , <5c des fens dont les fondions font femblables à celles des autres animaux; & ceux qui, comme les huîires , paroi^fent en être privés , doivent être regardés comme des demi- aninnux , comme des êtres qui font la nuance entre les animaux & les végétaux. Le cerveau & les fens forment donc une féconde partie efleniielfe à l'éco- nomie animale; le cerveau cft le centrt de l'enveloppe , comme le cœur eft fe centre de ta partie intérieure de l'animal. C'ed celte partie qui donne à toutes les autres parties extérieures le mouvement èi i'adion, par le moyen de ia moelle, de l'épine & des nerfs , qui n'en foi">t que le prolongement ; & de ia même façon que le cœur 6l toute la partie l ont artfc fur îon. fort ?co- 1-? JtiT Id îintîire Jcj Ammdux. l^y Intérieure communiquent avec le cerveau & avec toute l'enveloppe extérieure par les vaifTeaux fangiîins qui s'y clilhihuent, le cerveau communique aufli avec le cœur & toute la partie intérieure par les nerfs qui s*y ramifient. L'union parck imime & rc'ciproque , & quoique ces deux orgnncs aient des fondions ab(b- iument différentes les unes des autres iorfqu'on les confidère à part , ils ne peuvent cependant eire féparés fins que l'animal périilc à finflant. Le cœur ^ toute la partie intérieure agifîent coiuinuclicinent , fuis interrup- tion , &, pour ainfi dire, mécanique- ment ik indépendamment d'îiucune caulc extérieure^- les fcns au contraire u.s avons , comme l'animul , ce fens intérieur matériel , & nous yjof- lédons de plus un fens d'une nature luj)é- rieure t\ bien différente, qui réficJe dans la fubfî. r ce fpiritucilw' qui nQ\x% auiaie ^ lious conduit. n I a pro- e plus ne des opriéié toutes nature s fens d'une à leur ue io- îin , ce tétieurs ue pro- 's ; mm i mêfiie Le fcRS ien qi;e un ré- iremem auimul , us pof- e (upe- de d.ms ; fuf h nature tJei Ammmi^é i^ t Le cerveau de ranimai eft donc un fens interne ^ général & commun , qui reçoit également toutes ies imprciïions que lui tranfmettônt ies fens externes , c'cft-à-dire , tous ies él:)ranleinens que produit i'adlion des objets, & ces ébfan* italiens durent & fubfiflent bien plus long temps dans ce lens interne que dans \q$ fèns externes t on le concevra facilement , fi l'on fait attention (|ue même dans les fens externes il y a une différence très-fenfible dans In durée de leurs ébranlemens. L'ébranlement que la lumière produit dans l'œil , fubfille plus long- temps que l'ébranlement de l'oreille par le (on ; il ne faut pour s'en aflurer, que réfléchir fur des phénomè- nes fort connus. Lorfqu'on tourne avec quelque vîteiïe un charbon allumé, ou que l'on met le feu à une fufée volante, ce charbon allumé fonne à nos yeux un cercle de feu , & la fufée volante une longue trace de flamme : on fa't que ces apparences viennent de la durée de l'é- branlement que la lumière produit fur i'organe , & de ce que l'on voit en luêiiie temps la première & la dernière M iiij »3"s 2.7 ^ IJij cours image du charbon ou de la Tufcc voîantc; or le temps entre la première Ô< la dernière impreflion ne iailîe pas d'être fenfiljle. Alel'urons cet intervalle, & di- fons qu'il faut une demi - féconde, ou, fi l'on veut , un quart de féconde pour que le charbon allumé de'crive fon cercle & fe e retrouve au même iféi ^la poi nt de 1: i cir- rence ; cela étant , rébranlement caufé par la lumière , dure une deiiii- feconde o« un quart de fecon 'e au moins. Mais l'ébranlement que produit le fon n'elt pas à beaucoup près d'une aufQ longue durée, car l'oreille faifit de Lien f)lus jjeiiîs iniervailcs de lemps : ©n peut entendre dillindleincnt trois ou quatre fois le jneme fon , ou trois ou quatre ions fucccliifs dans i'efpace d'un quart de féconde , & fept ou huit dans une demi- féconde, la dernière imprefTion rc fe confond point avec k première, elle en ell diitinde & féparèe ; au lieu que dans l'œil Li première & la dernière imi)relIlon fcmblent être continues, & c'eli par cette raifon qu'une fuite de cou- leurs , qui (è fuccéderoient aufîi vite que des fons, doit fe brouiller ncceffaiiemsnt^ »? y. fur la tiaîure des Ainmnuic. 273^ & ne peut pas nous afîedlcr d'une ma- nière ciiftindc comme le fait une fuite de fons. Nous pouvons donc préfumer avec afîez de fondement, que les tbianlcmens pcuvem durer beaucoup plus long- temps dans le l'eus intérieur qu'ils ne durent dans les fens extérieurs , puifquc dans quelques-uns de ces fens mêmes l'ébran- lement dure plus long - temps que dans d'autres, comme nous venons de le faire voir de i'œii, dont \gs ébranlemens font plus durables que ceux de l'oreille : c'efl: par cette raifon que les impreffions que ce ftns tranfmct au fens intérieur , font plus fortes que les impreflions tranfmifes par roreille , ébranlemens ont le plus de durée, & qui doit par confequent former les împrelijons les plus fortes, quoiqu'en appartnce elles foicnt les* plus légères , car cet organe paroît , par fa nature, par- ticiper plub qu'aucua autre à la nature de M V !i74* Difcours Torganc înt^rîcur. On pourroît le prouver par la quantité de nerfs qui arrivent à I œil ; il en reçoit prefque autant iuî feul que Touïe, i'odorac & fe goût pris enicmble. L'œil peut donc être regarde comme t:ne coniinuation du (êns intérieur : ce nVLt, comme nous l'avons dit à l'articis des fens , qu'un gros nerf épanoui , un prolongement de l'organe dans ieque! rende le fens intérieur de i^animai ; il n'cft donc pas étonnant qu'il approche plus qu'aucun autre fens de la nature de ce fens buérieur ; en effets non- feule- ment (es ébranlemens font plus durabfe5> comme dans le fens intérieur, mais il a «ncci^ des propriétés éminentes au-defTus des autres iens, 2l ces propriétés font ièmbiables à eelies du fens intérieur. L'œil rend au dehors les imprefîions intérieures ; ii exprime le defir que l'objet agréable qui vient de le frapper a fait naître ; c'eft comme le fens intérieur , un Ç^t\s adif : ous \tf> autres fèns au contraire font prefque purement paflîfs, ce font de fimples organes faits pour recevoir \q% nppieiiions extérieures , xxxa^ m^agabfel oît le prouver ui arrivent k le autant lui fe goût pris rsLrdé comme intérieur : ce dit à l'articis épanoui y un : dans lequel t l'animal ; il M*il approche e h nature de t non-feulc- plus duTabfe5> eur , mais il i rntesau-defTus ropriétés font > intérieur. es im prenions ;fir que l'objet frapper a fait intérieur, un ns au contraire iflifs, ce font AT recevoir les Jlfr la fiature des Amnmiix. 2.7 j de les conlcrver, & j^lus encore de les réflcchir au dehors. L'oeil les rcflcchit parce qu'il les conferve , & il les con- ièrve , P^rce que les ébranlemcns dont il efl aneélé font durables , au lieu que ceux des autres (eus naiflcnt & fînifTent prcfque dans le même inllant. Cependant lorfqu'on ébranle .ès- foriement & très -long -temps r |t,e feus que ce foit, l'ebrai^lenient li»' Qc & continue long- temps après l action de l'objet extérieur. Lorfque icell cil frappé par une lumière trop vive ou lorfqu'il (e fixe trop long- temps fur un objet , fi la couleur de cet objet c(l éclatante , il reçoit une impreflion (î profonde & fi durable, qu'il porte enfuiie l'image de cet objet fur tous les autres objets. Si Ton regarde le foleil un inftant, on verra pendant plufieurs minutes, Se quelquefois pendant plufieurs heures & même plufieurs jours, l'image du difque du f)letl fur tous les autres objets. Lorfque l'oreille a été ébranlée pendant quelques heures de fuite par le même air de mufique , par des (bns forts 9UXC|[ueU on siura fait aueution , comme M vj IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) t ^ // ^/ A :/. y. 1.0 l.l 1.25 If: «a iiiiii :: lia lllllio 1.8 i.4 il 1.6 Photographie Sciences ion ^ \ V '^ O '^ V ^ >> 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N.Y. 14580 (716) 872-4503 4r L* iy6 /Av-îi^ D}fcourf\vx^^\ va ^\^ par des hautbois ou par des cloches^ rcbranleiiieni fubfiftc, on continue d'en- tendre les cloches & les hautbois, l'im- preifîon dure quelquefois plufieurs joufs^ & ne s'efface que peu à peu. De même lorfque l'odorat ôl le goût om été affc(flés par une odeur très-tbrte ôç par une laveur très-défagréable, on fcnt encore long- temps après cette mauvaife odeur ou ce mauvais goût : Ôc enfia lorfqu'on exerce trop le Icns du toucher fur le même objet, lorfqu'on applique fortement un corps étranger fur quel- que partie de noire corps, l'impreffioa fubfiitc aufli pendant quelque tenps^ & il nous fembie encore toucher & être touchés. . Tous les (en s ont donc la faculté de conferver plus ou moins les impreflion^ des caufes extérieures, mais l'œil l'a plus que les autres lens ; & le cerveau , où réfida le Cens intérieur de l'animal, a éminem- laent cette propriété, non- feulement iî conserve les impreflions qu'il a reçues, mais il en propage l'a par exemple , dont la rétine eût une auui grande étendue que celle du cerveau , & eût en même temps cette propriété du cerveau de confe^ver long-temps les impreflions qu'elle auroit reçues ; il e(l certain qu'avec un tel fens l'animal verroit en même temps, non- feulement les objets qui le frapperoient adlueliement , mais encore tous ceux qui l'auroient frappé auparavant, parce que dans cette |uppofuion les . ébraniemens fubfiflant toujours, êc ia capacité de fa rétine étant aflez grande pour les recevoir dans des parties différentes , il aperce- vroit également & en même temps les premières & les dernières images; & voyant ainfi le paflfé & ie pré(ènt du même coup d'œit , il ferok déterminé mécaniquement à faire telle ou telle adion en confé ^^^ence du degré de force & du nombre is ou moins grand des i^branlciii^AS prgduiu par les unagc$ iela<« fur fa ttattire àes Ammattx» i y^ tfves ou contraires à cette détermination* 5i le nombre cfes images propres à faire naître l'appétit, furpaue celui des images Î>ropres à faire naître la répugnance, 'animal fera néccfTairement déterminé à faire un mouvement pour fatibfaire cet appétit ; & n le nombre ou la force des images d'appétit font égaux au nombre ou à la force des images de répugnance, l'animal ne fera pas déterminé , il demeu* rera en équilibre entre ces deux puiiïances égales, 6c il ne fera aucun mouvement, ni pour atteindre ni pour éviter. Je dis que ceci fe fera, mécaniquement âc fans que la mémoire y ait aucune part; car ianimal voyant en même temps toutes les images , elles agiffent par conféquent toutes en même temps: celles qui font relatives à l'appétit fè réunifient & s oppoient à celles qui font relatives à la répugnance , & c'ed par la prépondérance , ou plutôt par l'excès de la force & du nombre des unes ou des autres , que l'animal (êroit dans cette fuppoHtion néceiïairement dcterminé % ^gir de telle ou telle façon. Ç%ç\ ggus fait vw «g^uç dans ranim^ 2ÎÙ .X Dîfcours -^ le fins intérieur ne diffère des fens cxtA uieurs que par cette propriété qu'a ic fens intérieur de conlèrver les ébranle- niens , ies imprefîions qu'il a reçues : cette propriété feule eft fuffifintc pour expliquer toutes les actions des animaux & nous donner quelque idée de ce qui f« pafliê dans leur intérieur ; elle peut auffi fervir à démontrer la différence effentielle un organe de communication , organe qui rend ce fens adif, au lieu que dans l'animal Touïe eft un (èns prefque entièrement paflif. L'homme a donc le toucher, Toeil & l'oreille plus parfaits^ & l'odorat plus imparfait que l'animal ; fi couune le goût elt un odorat ûitérieuir^ agi' 'Dlfcourl et qu'il cft encore pîus relatif à l'ap- pétit qu'aucun des amrc> fens, on peut croire que ranimai a auili ce fens plus fur & peut-être piu^ exquis que rhomme: ou pourroît le prouver par la répu- gnaiice invincifne que les animaux ont pour certains aliineus , Se par l'aj^péirt jiaiurei qui les pone à choifir , fans (e tromper, ceux qui leur conviennent, au lieu que Thomme, s'il n*étoit aver- ti , niangeroit ie huit du inancenillier comme la pomme, ùl la ciguë comme ie perfil. L 'excellence des fens vient de la Nature , mais l'art & l'habitude peuvent leur donner auffi un plus grand degré ile perfciflion; il ne faut pour cela que les exercer (buvent & long -temps fur les mêmes objets : un Peintre accou- tumé à confidércr attentivement les formes , verra du premier coup d'œil «ne infinité de nuances & de diffé- rences qu'un a-uire homme ne pourra faifir qu'avec beaucoup de temps , & que même il ne pourra peut-êire (aifir. Vn Muficien, dont l'oreille elt conti- l^uellemem exercée à i'hafinoiiie ; fer^ Jar la ti attire Ses Anhnauxi 1 8 3^ vivement choqué d'une dilTonance; une voix faufie, un fon aigre l'ofTenfèra, le bleiïera; fon oreille eft un inilrument qu'un (on difcordant démonte Sa dé (ac- corde. L'œii du Peintre e(l un tableau où les nuances les plus légères font lèn- ties, où les traits les plus délicats font- tracés. On perfcdlionne auffi les fens & même l'appétit des animaux ; on apprend aux oifcaux à répéter des paroles & des chants; on augmente l'ardeur d'un chiea pour la chadè en lui faifant curée. Mais cette excellence des fens & la perfeclion même qu'on peut leur don- ner, n*ont des effets bien fenfibles que dans l'animal ; il nous paroîtra d'autant plus adif & plus intelligent , que (es ïi^as feront meilleurs ou plus perfedion- nés. L'homme au contraire n'en eft pas plus rai fonnable, pas plus fpirituel, pour avoir beaucoup exercé fon oreille & les yeux. On ne voit pas que les perfonnes qui ont les fens obtus, la vue courte, l'oreille dure, l'odorat détruit ou infen- fible aient moins d'efprit que les autres; preuve évidente qu'il y a dans l'homme quelque chofe de plus qu'un icas intç-* • V. 2 84' ' ' Dtfcottrs rieur an'ma!: ceîui-ci n'eft qu'un organe matériel, fcmblablc à Torgane des icns extérieurs, & qtii n'en diffère que parce qu'il a la propriété de conferver les ébran- lemens qu'il a reçus; i'ame de rhomme au contraire eft un fcns fupérieur , une fubflance fpiruuelle , eniièrement diffé- rente, par Ton efîence & par Ton a^ion, de la nature des fens extérieurs. Ce n'eft pas qu'on puiffe nier pour cela qu'il y ait dans l'homme un fens in. éricur matériel , relatif, comme duns l'animal , aux fens extérieurs , Tinlpcc- tion feule le démontre : la conformiié des organes dans l'un & dans l'autre, le cerveau qui eft dans l'homme comme dans l'animal, & qui même eft d'une plus grande étendue , relativement au volume du corps, fuffifcnt pour aHurer dans l'homme l'exidencc de ce lens intérieur mattrtcl. Mais ce que je pré- tends, c'ell que ce fens eft infiniment fuhordonné à l'autre; la fubftanee fpiri- tuelle fe commande, elle eq détruit ou en ^it naître l'adion : ce fens , en un mot, qui fait tout dans l'animal , ne fait dans l'homme que ce que le fens fupérieur fur la uattire des Atiimatii» '2 1 5' n'empêche pasr; il fait auffi ce que fe •Tens fupérieur ordonne. Dans i\inimal ce ièns efl le principe de la détermination du mouvement & de toutes les adions, dans l'homme ce n'en eft que le moyen ou la caulè fecondaire. Développons , autant qu'il nous fera polîible, ce point important; voyons ce que ce fens intérieur matériel peut pro- duire : iorfque nous aurons fixé l'éwndue de la fphère de fon adlvité , tout ce qui n'y fera pas compris dépendra né- cefTairemént: du (êns fpirituel; l'ame fera tout ce que ce (ens matériel ne peut faire. Si nous établiflons des limites cer- taines entre ces deux puifTances, nous reconnoîtrons clairement, ce qui appartient à chacune ; nous didinguerons ai fé ment ce que les aqimaux ont de commun avec mous, & ce que nous avons au- delFus deux. Le (ens intérieur matériel reçoit éga- kment toutes les imprcffions que chacun des (èns extérieurs lui tranfmet: ces im- preffions viennent de l'adlion des objets, «lies ne font que pafTer par les fens extérieurs y & ne proJuifêm dans ces fil l-»1 4 icns qu'un ébranlement très-peu durabfe, & , pour ainH dire , inAantané ; mais elles s'arrêtent fur le lens intérieur, & produiiènt dans le cerveau , qui en efl Torgane , ■■¥ i88 - ,."/ 'Dtfcoun l'appëtît , au contraire , font bien pïus parfaits ôl bien plus développés dans l'animal que dans l'enfant: autre preuve que dans i'howime les organes de i'ap- pétit font moins parfliits que ceux de fa connoifiance , & que dans fanimal ceux de la connoinànce le font moins que ceux de l'appétit. • Les fens relaiifs à Tappétît font donc plus développés dans ranimai qui vient de naître, que dans Tenfant nouveau- né. Il en eft de même du mouvement pro- grefîif & de tous les auires mouvemcns extérieurs : Tenfant peut à peine mouvoir iès membres , il fe paflera beaucoup de temps avant qu'il ait ia force de changer de lieu ; le jeune animal au contraire acquiert en très- peu de temps toutes ces facultés: comme elles ne font dans l'animal que relatives à l'appétit , que cet appétit ell véhément & promp- tement développé, & qu'il ell le principe unique de la détermination de tous les mouv.cmcrls ; que dans l'homme au coii- traire l'appétit cil foible, ne fe développe que plus lartJ , & ne doit pas influer autant que la connoifTance , lur la détermination des fur Jd nature des Animaux» iSc^ des mouvemens ; i'homme eft à cet égard plus tardif que l'animal. Tout coHcouf t donc à prouver , même dansie pli y (ique , que l'animal n'efl remué que par l'appétit , â: que l'homme efl conduk par un principe fupéf icur ; s'il y a toujours eu du doute fur ce fujet, c'eft que nous ne concevons pas bien com- ment l'appétit féul peut produire dans l'animal des effets fi femblables à -ceux que produit chez nous h connoi/îance; & que d'ailleurs nous ne diflinguons pas aifément ce que nous faifons en vertu de la connoiil'ance , de ce que nous ne fiiifoiis que par la force de l'appétit. Cependant il me (emble qu'il n'cd pas impofîible de faire dirparoîtrc cette incer-' titude , (& même d'arriver à la convidion , en employant le principe que nous avons établi. Le fens Intérieur matériel , avons- nous dit , confêrvc long-temps les ébran- Icniens qu'il a reçus , ce fens exifle dans l'animal , & le cerveau en eft l'organe , ce fens reçoit toutes les impredions que chacun des fens extérieurs lui tranfmct : iorfqu'une caufe extérieure, un objet, de c{uelque nature qu'il foit , exerce donc n ï*l 1^ :ipd ' • Difcours fon aélion fur les fens extérieurs , cette action produit un ébranlement durable dans le fens intérieur , cet ébranlement communique du mouvement à l'animal ; ce mouvement fera déterminé , fi i'im- prefîion vient des fens de l'appétit , car l'animal avancera pour atteindre , ou fè détournera pour éviter l'objet de cette împreflion , félon qu'il en aura été flatté ou bleflé : ce mouvement peut aufîi être incertain , iorfqu'il fera produit par les iens qui ne font pas relatifs «\ l'ap- pétit, comme l'œil & l'oreille. L'animal qui voit ou qui entend pour la première fois , eft à la vérité ébranlé par la lumière ou par le fon : mais l'ébranlement ne produira d'abord qu'un mouvement in- certain , parce que rimpreffion de la lumière ou du fon n'eft nullement rela- tive à l'appéiit ; ce n'cfl: que par des adles répétés , & lorfque l'animal aura joint aux imprcfîions du fens de la vue ou de l'ouïe celles de l'odorat , du goût ou du toucher, que le mouvement de- viendra déterminé, & qu'en voyant un objet ou en entendant un Ion , il avan- cera pour atteindre , ou reculera pour , cette lurablc ilcment uVunal ; fi l'im- ;tit , car , ou fe de cette lé flatté ut aufll duit pai' , à l'ap- L'anJn"ial première \ lumière ment ne ;mcnt in- n tle la cnt rcla- par des raal aura ie la vue du goût ment dc- loyant un il avan- cera pour fur la îi' *ure des 'Animaux. 29 1] ëvîtcr la cho qui produit ces imprcf- fions devenues par l'expérience relatives à fes appétits. Pour mieux nous faire entendre , con- fide'rons un animai inftruit , un chien ,. par exemple , qui , quoique prefle d'un violent appédt, femble n'ofer toucher & ne touche point en effet à ce qui pourroit le faiisfaire , mais en même lemps fait beaucoup de mouvement pour l'obtenir de la main de fon m;wtre ; cet animal ne paroît-il pas combiner des idées î ne paroît-il pas délirer & craindre , en ui;i^ipQt raifonner à peu près comme un homnJç, qui voudroît s'em- parer du bien d autrui , & qui , quoique violemment tenté , eft retenu par la crainte du châdment î voilà l'interprétation vul- gaire de la conduite de l'animal. Comme c'efl: de cette façon que la chofe (c pafl'e chez nous , il cft naturel d'ima- giner , & on imagine en effet qu'elfe fe palîê de même dans l'animal ; l'ana- logie , dit-on , efl: bien fondée , puifque 1 organifation & la conformation des feus , tant à l'extérieur qu'à l'intérieur , i'uut fcmblables dans l'animal & daris Nii !i ■M 2^1 Dîjcours ' ' rhomme. Cependant ne devrions - nous pas voir que pour que cette analogie {\\i en effet bien fondée , il faudroit quelque chofe de plus , qu'il faudroit du moins que rien ne pût ia démentir , qu'il feroit ricccnaire que les animaux puflcnt faire, & fiffent dans quelques occafions , tout ce que nous faifons î or le contraire c(t évidemment démontré , ils n'inventent, ils ne perfectionnent rien , ils iie rcflé- chiflcnt par conféquént fur rien, ils ne font j'cumais que les mêmes chofes de la même façoii : nous pouvons donc déjà rabattre Lcaucou^^ de ia force de cette analogie , nous '^buvons même douter de là réalité , & nous devons chercher fi ce n'eft pas par un autre principe différent du nôtre qu'ils font conduits, & fi leurs fens ne fuffiièm pas pour produire leurs adions , fans qu'il îoit néceffaire de leur accorder une çon- noifîànce de réflexion, "~ ■ ' Tout ce qui eft relatif à leur appétit ébranle très- vivement leur fens intérieur , & le chien fe jeitercii à Tindant fur l'ob- jet de cet appétit , fi ce même fens inté- mur ne confervoit pas les \m^tQi\m\% fur la nature des Ammauw 29 3^ antérieures de douleur dont cet.e adion a été précédemment accompagnée ; les imprellions extérieures ont modifié l'a- nimal , cette proie qu'on lui préfeme n'eft pas offerte à un chien fimplemoiu , mais à un chien battu ; & comme ii a Clé frappé toutes les fois qu'il s'cft livré à ce mouvement d'appétit , les ébran- iemens de douleur fe renouvellent en même tcjnps que ceux de i*appétit (e font feiiiir , parce que ces deux ébran- Icmcns fe font toujours fliits enfemble. L'animal étant donc poufle tout- à -la- fois par deux impulfions contraires qui fe déiruilènt mutuellement, il demeure cw équilibre entre ces deux puifUinces égales , la caufe déterminante de fou rjiouvement étint contre - balancée , il ne fe mouvera pas pour atteindre à Tob- jet de fon appétit. Mais les ébranlemens i\ des fènfaiions flatteufcs, c'efl - à - dire , des effets convenables à fa nature , ne furpafl'oit pas celle des fcnfàiions dou- iourcufès ou des effets qui lui font con- traires, privé de plaifir il languiroit d'a- bord faute de bien ; chargé de douleur ii périroii enfuite par l'abondance du mal. Dans l'homme le plaifir & la douleur phyfiqucs ne font que la moindre partie de fes peines & de les plaifirs , Çoi\ ima- gination qui travaille continuellement fuit tout ou plutôt ne fait rien que pour fon malheur, car elle ne préfentc à l'ame que des fiuitômcs vains ou des images exagérées , & la force à s*en occuper : plus agitée par ces illu fions qu'elle ne le peut être par les objets rt'els , l'ame perd fa faculté de juger , & même fon empire, elle ne compare que des chimères , elle ne veut plus qu'ea fécond , & fouvent elle veut l'impol- fible ; fa volonté , qu'elle ne détermine plus , lui devient dohc à charge , fes defirs outrés font des peines , & les vaines efpérapces font tout au plus de faux plaifirs qui difparoiifent & s'éva- PQuiilcftt dc^ qU-S ie calme fuccèdc ^ i :l '306 '^'Dlfcours ' - * ' ^ que l'aïue reprenant fa place vient ù les juger. Nous nous préparons donc cîes peines toutes les fois que nous cherchons des phiifirs ; nous Tommes malheureux dès que nous defirons d'être plus heureux. Le bonheur efl au dedans de nous- mêmes, il nous a été donné; le malheur efl au dehors Ôc nous i'alions chercher. Pourquoi ne fommes-nous pas convain- cus que la jouifTance paifible de notre ame ell notre feul & vrai bien, que nous ne pouvons l'augmenter fans rif- quer de le perdre , que moins uous de- jftrons ai plus nous poflédons; qu'enfin tout ce que nous voulons au - delà de ce que la Nature peut nous donner, cft peine , & que rien n'ell plaifir que ce qu'elle nous offre l Or la Nature nous a donné & nous offre encore à tout inffant des plaifirs fans nombre , elle a pourvu à nos be- ibins , elle nous a munis contre la douleur; il y a dans le phyfique infiniment plus de bkn que de mal ; ce n'cll donc pas la réalité , c'cft la chimère qu'il faut xr^indrc; c« n'ejit ni b douleur du corps , Jur la uatiire des Animaux, 3 0 1' ni les maladies , ni la mort , mais Cngitation de l'aine , les paflions & l'ennui c^ui Tout à rcdoiuer. Les animaux n'ont qu*im moyen d*a- voir du pbifir, c'ed d'exercer leur len-- timent pour fatisfairc leur appétit : nous avons cette même faculté , & nous avons de plus un autre moyen de plaifir , c*eft d'exercer notre cfprii , dont l'appctit eft de favoir. Cette fource de plaifir feroit la plus abondante & la plus ])ure , ù nos partions en s'oppofamt à fon cours , ne venoient à la troubler , elles détournent l'ame de toute contemplation ; dès qu'elles ont pris le deiTus , la rai fon ed dans le filence , ou du moins elle n'élève plus qu'une voix foible & fou vent importune, le dégoût de la vérité fuit , le charme de i'illunon augmente , l'erreur fe fortifie , nous entraîne & nous conduit au malheur : car quel malheur plus grand que de ne plus rien voir tel qu'il eft , de ne plus rien juger que relativement à fà paffion, de n'agir que par fon ordre , de paroître en conféquence injulle ou ridicule aux autres, & d'être forcé de fè méprifer foi- même y iorfqu'on vitm à s'examijfier ?. I ^':3 r '502 ' Difcours Dans cet éiat d'illufjon «& Je ténèbres, nous voudrions chiuiger la nature même de notre amc : elle ne nous a été donnée que pour connoîtrc , nous ne voudrions l'employer qu'à fentir , fi nous pouvions étouffer en entier la lumière, nous n*en rcgretierions pas la perte , nous envie- rions volontiers le fort des infenfés : comme ce n'cfl plus que par intervalles que nous fommes raifonnables , & que ces intervalles de raifbn nous font à charge & fe pafîcnt en reproches fecrets, nous voudrions les Supprimer; ainfi mar- chant toujours d'illufions en iJIufions j nous cherchons volontairement à nous perdre de vue pour arriver bientôt à ne nous plus connoîtrc , Sa finir par nous oublier. Une paffion fans intervalles efl dé- mence , & l'étnt de démence efl pour î'ame un é:at de mort. De violentes pal- iions avec des iniervalles funt des accès de iolie , des maLidies de lame d'autant plus dangereufcs ({u'clles font plus lon- gues & j)lus fréquenies. La fageflc n'eft que la iotnme des intervalles de fante «jia* CCS accès nou^ laifTcat > cstte fginuit^ ,f i I 1 fur la nature des Animaux, "3 o 3 n'efl point celle de notre bonheur ; car nous Tentons alors que noire ame a été malade , nous blâmons nos palTions , nous condamnons nos allions, La folie cil le germe du malheur, & c'efl la fagefîe qui le développe : la filupart de ceux qui (e difent malheureux font des hommes pafrionnés, c'efl- à- dire des fous,, auxquels il refte quelques intervalles de raifon , pendant lefquels ils connoiil'ent leur folie , & fenient par conféquent ieur malheur ; & comme il y a dans les conditions élevées plus de faux defirs , plus de vaines prétentions , plus de par- iions défordonnées , plus d'abus de foii ame , que dans les états inférieurs , les Grands font Hins doute de tous les hommes les moins heureux. Mais détournons les yeux de ces trifles objets & de ces vérités humiliantes , con- fidérons l'homme {\\gt , le feui qui foit digne d'être confidcré : maître de lui- même , il l'cit des évènemens ; content de fon état , il ne veut être que comme il a toujours été , ne vivre (jue comme il a toujours vécu ; fc fuffifant à lui-même^, si iVa qu'un foible befoin des autres^ 'j 04 Dljiours il ne peut îcur être à charge; occupa cominucllcmcnt à exercer ies facultés de fon amc , il perfe ame le fou tient , la rai fon le confole , il a même de la fatisfadioa rn foufFrant , c'cft de fe fcniir afTez ioxi pour fouffrir. La fanté de l'homme efl moins ferme & plus chancelante que celle d'aucun des animaux, il eft m.iiade plus fouvent & plus long-temps , il périt à tout âge, au lieu que les animaux r(.mbltnl( parcourif 1 emeu- Jiir Id nature des Animaux. 30 5' d'un pas égal & ferme refpace de la vie. Geîa me paroît venir de deux caufcs , qui , quoique bien différentes , doivent toutes deux contribuer à cet effet , ïa première efl l'agitation de notre aine, elle eft occafionne'e par le dérèglement de notre fens intérieur matériel : les paf- fjons & les malheuis qu'elles entraînent influent fur la Hinté , & dérangent les principes qui nous animent : li l'on obfcrvoit les hommes , on vcrroit que prefquc tous mènent une vie timide ou conteivieufe ; & que la plupart meurent de chagrin. La féconde eft l'imperfec- tion de ceux de nos féns- qui font re- latifs à l'appétit. Les animaux fentent Lien mieux que nous ce qui convient à leur nature , ils ne fe tronipeni pas dans le choix de leurs alîmens , ils p.e s'exccdept pas dans leurs piaifirs; guidés par le feul fentiment de leurs befbins aduefs , ils .fe fatisfont fans chercher à en faire naître de nouveaux. Nous , in- dépendamment de ce que nous voulons tout à l'excès, indépendamment de cetie cl'pèce de fureur avec laquelle nous cherchons à nous détruire eu cherchant ! ■ I il ! "^06 Difcours à forcer la Nature , nous ne favons pns trop ce qui nous convient ou ce qui nous efi nuifible, nous ne diftinguons pas bien les effets de telle ou telle nour- riture, nous dédaignons les alimens fim- ples , & nous leur préférons des mets compofcs , parce que nous avons cor- rompu notre goût, & que d'un fens de plaifir nous en avons fait un organe de débauche qui n'cft flatté que de ce qui i'irriie. II n'eft donc pas étonnant que nous r:)yons plus que les animaux , fujcts à des infirmités , puifque nous ne fentons pas aufll-bien qu'eux ce qui nous eft bon ou mauvais , ce qui peut contri- buer à conferver ou à dl^truire notre fantë ; que noire expérience eft à cet tgard bien moins fûre que leur fenti- ment ; que d'ailleurs nous abufons infi- niment plus qu'eux , de ces mêmes fens de l'appétit qu'ils ont meilleurs & plus parfaits que nous , puifque ces fens ne ibnt pour eux que des moyens de confcr- vation & de fanté , & qu'ils deviennent pour nous des eau Tes de deRrucflion & de maladies. L'intempérance détruit &: fur la nature des Animaux, 307 fait' languir plus d'hommes elfe feule, que tous les autres fléaux de h nature humaine rt'unis. Toutes CCS rtfîexîons nous portent à croire que les animaux ont ie fentimcnt plus iûr & plus exquis que nous ne l'avons ; car quand m.ême oii voudroit ni^oppofer qu'il y a des animaux qu'on eiTipoiConnc aifcment, que d'autres s'em- poilonnent eux - mêmes , & que par confécjucnt ces animaux ne dîflingucnt pas mieux que nous ce qui peut ieur être contraire , je répondrai toujours qu'ils ne prcnrent le poifon qu'avec l'appâi dont il cfl enveloppé ou avec la nourriiure dont il fe trouve environné; que d'ailleurs ce n'eft que quand ils n'ont point à choifir , quand la fiûm les \xti\t y & quand le befoin devient nécefTité , qu'ils dévorent en effet tout ce qu'ils trouvent ou tout ce qui leur cft préfcnté , ôc encore arrive-t-il que la plupart fe laifîcnt confumer d'ina- niiion & périr de faim plutôt que de prendre des nourritures qui leur repu-- gnent. • / ;•' j Lc3 animaux ont donc le feniiuient^ i^oS Dljcours même à un plus haut degré que nous nf l'avons; je pourrois le prouver encore par Tufâgc qu'ils font de ce fens admi- rable, qui fcul pourroit leur tenir lieu de tous les autres fens. La plupart des animaux ont l'odorat fi parfait qu'ils fentent de plus loin qu'ils ne voient, non- feulement ils fentent de très - loin les corps préfens & at^ueis, mais ils eu fentent les émanations & les traces long- temps après qu'ils font abfeiis 6>l padts, Un tel fens eft un organe univerfel de fendment ; c'eft un œil qui voit les objets non- feulement où ils font , mais même par - tout où ils ont été , c'efl un organe de goût par lequel l'animal fii- voure , non - feulement ce cju'il peut toucher & fàifir , mais même ce qui eil éloigné & qu'il ne peut atteindre; c'efl ie (ens par lc^[uel il eft le plus tôt , le plus fouvent ik le plus fiirement averti, par lequel il agit, il fe détermine, pur lequel il reconnoît ce qui eft conve- nable ou contraire à fa nature , y)ar lequel enfin il aperçoit , fent & choifit ce qui peut (àtisfaire fon appétit. Les animaux ont donc les fens rclaiifs fur la miture des Animaux» 5 op à Tappétit plus parfaits que nous ne les avons , & par eonféquent ils ont ie (cn- timent plus exquis ik à un- plus hiuit degré que nous ne l*avoni ; ils ont aufU lu confcience de leur exiftcncc a^uelle, mais Hs n'ont pas celle de leur exiftence pafîéc. Cette leconde propofition mé- rite , comme la première , d'être confi- dérée; je vais tncher d'en prouver ta véritér La confcience de fon exiftence , ce feiuiment intérieur qui conftiiue ie moi , cil compofé chez nous de la fenlàtion de notre exigence a(îluelle , & du (bu- venir de notre exiftence pafTéc. Ce iou venir efl une (ênfation tout aufîi prcfeutc que la première, elle nous oc- cu{)e inêtne quelquefois plus fortement, & nous affedc pJus puiATammcnt que les fenfaiions actuelles ; & comme ces doux efpèees de (enfations font diffé- rcmes , & que notre ame a la faculté de ks comparer <5t d'^i forme* des idées , noue confcience d*cxiftence cft d'autant plus certaine & d'autant plus étendue , que nous nous repréfentons plus fou- ycnt & en plus grand nombre les choies :? 3 I O 'Difcoîirs paflifes, 5c que par nos réflexions noua îes comparons & les combinons davan- tage entre elles & avec les chofcs pre'- iènies. Chacun confcrvc dans foi -même un certain nombre de fenfations relatives aux différentes cxillences, c'cft -à-dire, aux différens étais où Ton s'eft trouvé ; ce nombre de fenfations cft devenu une fuccelîion & a formé une fuite d'idées, par la comparailbn que notre ame a faite des ces (enfitions entre elles. C'cil dans cette comparaifon de (enfations que confillc l'idée du temps , & même toutes les autres idées ne font , comme nous l'avons déjà dit , que des fenfations comparées. Mais cette fuite de nos idées , cette chaîne de nos cxiflcnces , fe préfènte à nous fouvent dans un ordre fort différent de celui dans lequel nos lênfàtions nous font arrivées : c'efl l'ordre de nos idées , c*eft-à-dire , des compa- raifons que notre amc a faites de nos fenfations , que nous voyons , & point du tout l'ordre de ces fenfations , & c'efl en cela principalement que con- fifte la différence des caradièrcs & des cfprits; car de deux hommes que noui fur la nature des Ammauw 3 1 1' ruppofèrons (cmblabicment organifés, Ôc qui auront été élevés enièmblc & de la même façon , l'un pourra penfer bien différemment de l'autre , quoitjue tous deux aient reçu leurs fcnfiiiions dans le même ordre ; mais comme la trempe de leurs âmes eft différente , & que chacune de ces âmes a comparé <& com- biné ces fenfaiions fembiables , d'une manière qui lui eft propre & pariicu- lière ; le réfultat général de ces com pa- rai fons , c'eft- à-dire, les idées, refprit & le caradère acquis , feront aufii diffé- rens. Il y a quelques hommes dont Padîvîté de l'anic eft telle qu'ils ne reçoivent jamais deux fènfations fans les comparer & fans en former par conféqueni une idée ; ceux-ci font les plus fpiriiuels , & peuvent , fuivant les circonltances , de- venir les premiers des hommes en tout genre. Il y en a d'autres , en affez grand nombre, dont l'amè moins adlive lùfîe échapper toutes les fènfations qui n'ont pas un certain degré de foi ce, & ne compare que celles qui l'ébranlent for- tement; ceux-ci ont moins d'elprit que 3 I 2 Difcours les premiers , & d'autant moins cjiic îcur ame lé porte inoins ficqueinment à com- parer leurs fcnlâtions Ôc à en former des idées : d'autres enfin y Ôc c'eA la multi- tude , ont fi peu de vie dans l'amc , & une fi grande indolence à penfer , qu'ils ne comparent & ne combinent rien , rien au moins du premier coup d'œil; il k\xr faut des fcnfuions fortes & ré- pétées mille & mille fois pour que leijr zine vienne eniin à en comparer quel- qu'une & à former une idée : ces hommes font plus ou moins fiupides, & fcmbient ne différer des animaux que par ce petit nombre d'idées quç leur ame a tant dç peine à produire» La confcience de notre exiflence étant donc compofée , non - feulement d? nos fènfàtions adlpelles, mais même de la fuite d'idées qui a fait naître la çomparaifon de nos fenfations & de nos exiAences paflees, il eft évident que plus on a d'idées , & plus on eft fur de fon exiftence ; que plus on a d'cfprit, plus on exiftc ; qu'enfin c'cft par la puiflTance de réfléchir qu'a notre ame , ^ par cette feule puilfancC; que nous fonimes : îcur corn- T des nulii- c, & u'ils fur la mtiife des Anmatix: ^ t 3 fommes certains de nos exiftenccs paf- fécs , & que nous voyons nos exigences futures, l'idée de l'avenir n'étant que la comparaifon invcrfe du préfentau pafTé, puifque dans cette vue de i'efprit le pré- fent eft pafTé, & l'avenir efl prélent. Cette puifTance de réfléchir ayant étc refufée aux animaux (cj, il eil donc certain qu'ils ne peuvent former d'idées , & que par conféqucnt leur confcience dexiftencc efl moins fûre & moins étendue que la nôtre ; car ils ne peuvent avoir aucune idée du temps , aucune connoifTance du palTé , aucune notion de l'avenir ; leur confcience d'exiftence eft fimpfe , elle dépend uniquement ét$ fcnfations qui les afFedent aduellement, & confifte dans le fentirtftent intérieur que ces fenlations produilent. '^ Ne pouvons -nous pas concevoir ce que c'eft que cette confcience d'exiftence dans les animaux , en faifant réflexion fur l'état où nous nous trouvons lorfque nous lommes fortement occupés d'un objet , ou violemment agites par une paffion (c) Voyez vol IV Ae cette Hiftoire Naturelle i irt. dt là. nature dt l'Hommi* -, Tome V'. Q 3 14 Difcottrs -^ '^' qui ne nous permet de faire aucune réiiexion fur nous-mêmes î On exprime Tidce de cet état en diUmt qu'on cil hors de foi , & i'on cfl en effet hors de foi dès que l'on n'efl occupé que des fenfations actuelles , & l'on eft d'autant pl'is hors de foi , que ces lènfations font plus vives , plus rapides , & qu'elles (donnent moins de temps à l'ame pour les confidcrer: dans cet état nous nous {entons , nous fentons même le piaifir & !a douleur dans toutes leurs nuances ; nous avons donc alors le fentiment, la confcience de notre cxiftence , fans que notre ame iêmble y participer. Cet état où nous ne nous trouvons que par înftans , eft l'état habituel des animaux ; privés d'idée#& pourvus de fenfations, ils ne favent point qu'ils exiflent , mais ils le fentent. Pour rendre plus iènfibîe la diffé- rence que j'établis ici entre les fenfations & les idées , ôl pour démontrer en niême temps que les animaux ont des lenÇitions, & qu'ils n'ont point d'idées » confjdcrons en détail leurs facultés & les îiôtrcs, & comparons kurs opéi*aiigns « i "iiw* ^ fur la nature des Animaux. 3 i J à nos allions. Ils ont comme nous des fcns, & par conféquent ils reçoivent les imprcffions des objets extérieurs ; ils ont comme nous un fens intérieur, un organe qui con(ervc les ébranlemens caufés par ces imprefllons , & par con- féquent ils ont des fènfîuions qui, comme les nôtres, peuvent fe renouveler, de font plus ou moins fortes & plus ou moins durables : cependant ils n'ont m l'efprit , ni l'entendement, ni la mé- moire comme nous l'avons , parce qu'ifs n'ont pas {a puifTance de comparer leurs fcnfations, & que ces trois facultés de notre ame dépendent de cette puif- fance. Les animaux n*ont pas la mémoire ! fe contraire paroît démontré , me dira-t- on ; ne reconnoifîènt - ils pas après une ab- fcnce les perfonnes auprès defquelîes ifs ont vécu , les lieux qu'ils ont habités , les chemins qu'ils ont parcourus î ne (e fouviennent-ils pas des chiitîmens qu'ils ont efTuyés , des carefTes qu'on leur a fiitcs, des leçons qu'on leur a données! Tout fem'ble prouver qu'en leur ôtant reiiiendement & l'efprit , on ne peut leur Oij il I 'f H 516 Difcotirs rcfufer îa mémoire , & une mémoire ac- tive, étendue, & peut-être plus fîdèfc que la nôtre. Cependant, quelque grandes ({ue foient ces apparences , & quelque fort que foit le préjugé qu'elles ont fuit naître , je croîs qu'on peut démontrer qu'elles nous trompent; que les animaux n'ont aucune connoiflance du pafTé , aucune idée du temps , & que par çonfé- quent ils n'ont pas la mémoire. Chez nous, la mémoire émane de Fa puifTance de réfléchir, car le fouvenir que nous avons des chofcs pafTe'es fup^ pQfe, non-feulement la duréç des ébraii- îeincns de notre fens intérieur matériel , c'cft - à - dire , le renouvellement de nos fenfations antérieures , mais encore les comparaifons que notre ame a faites de ces fenfations , c'efl - à - dire , les idées qu'elle en a formées. Si la mémoire ne confirtoit que dans le renouvellement des fenfations paffées, ces fenfations fe repréfenteroient à notre fens intérieur fans y laifTcr une impreffion déterminée; elles fe pré(enteroient fans aucun ordre , fans iiailbns entre elles, à peu près comme (lies fe prélenteni; dans l'ivrefîc ou dans fur la naiim clés Ammat/x, 3 1 7 certains rêves , où tout eft fi découfu ^ fi peu fuivi , fi peu ordonné , que nous ne pouvons en confèrver le fou venir : car nous ne' nous fouvenons que des chofes qui ont des' rapports avec celles qui les ont précédées ou fuivies ; & toute fenfadon ifolée , qui n'auroit au-» cune îiaifon avec les autres fenfations ; quelque forte qu'elle ])iu être , ne iaif-^ feroic aucune trace dans notre cfprit : or c'cft notre ame qui établit ces rapports entre les chofes , par ia comparaifon qu'elle fait des unes avec les autres ; t'cft elle qui forme la iiaifon de nos fenfations & qui ourdit la trame de nos exillences par un fil continu d'idées. La mémoire confilte donc dans luie fuccefîion d'idées , Si fuppofe néccfîai- renient ia puilTance qui les produit. Mais pour ne laifîèr, s'il cft poffibîe, aucun doute fur ce point important, voyons quelle efl i'efpèce de louvenir que nous iaident nos lenladons , lorf- qu'clles n'ont point été accompagnées d'idées. La douleur & le piaifir font de pures fenfations , Se les plus fortes de toutes , cependant lorfque nous voulons Oiij 3 18 . Dîfcours nous rappeler ce que nous avons fentî clans les inftans les plus vifs de pïaifir ou de douleur , nous ne pouvons le faire que foiblement , confufément ; nous nous fbuvenons feulement que nous avons été flattés ou bleffcs , mais notre fouvenir n'eft pas diflindl , nous ne pouvons nous repréfenter, ni i'efpèce, ni le degré , ni la durée de ces fenfations qui nous ont cependant fi fortement tbranics , & nous fommes d'autant moins capables de nous les leprcicnter, qu'elles ont été moins répétées & plus rarci. Une douleur, par exemple, que nous n'aurons éprouvée f[u'uncfois, qui n'aura duré que cjuelques ii)(lans , & qui fcrvi ditférente des douleurs que nous é]:)rou- vons habituellement, lèra nécefTaircmcnc bientôt oubliée , quelque vive qu'elle ait été , & quoique nous nous louve- nions que dans cette circonflance nous avons reffemi une grande d()uleur , nous n'avons qu'une foible réminii^.ence de (a fenlation même , tandis que nous avons une mémoire neite des circonltances c|ui i'acccompagnoîcnt & du temps où tCe nous eil arrivée. fur la nature des Animaux, 3 ï c^ Pourquoi tout ce qui s'eft pafle dans notre enfance cft-il prefque entièrement oublié? & pourquoi les vieillards ont-ib un fouvenrr plus préfcnt de ce qui leur c(l: arrivé dans le moyen âge , que de ce qui leur arrive dans leur vieilleiïe \ y a-t-il une meilleure preuve que les ïç.w-^ fations toutes feules ne fuffifent pas pour produire la mémoire , & qu'elle nexide en effet que dans la fuite des ide'es que notre ame peut tirer de ces fcnfaiionsî car dans l'enfance les fenfations» font aufîi & peut - être plus vives & plus rapides que dans le moyen âge, & cependant elles ne laiffent que peu ou point de traces, parce qu'à cet âge la puiflTance de réfléchir , qui lêule peut former des idées, eft dans une inadion prefque totale , & que dans les momens où elle agit , elle ne compare que <\t^ fuperficies , elle ne combine que de petites chofcs pendant un petit temps , elle ne met rien en ordre, elle ne ré- duit rien enfuite. Dans l'âge mûr, où l:i raifon eft entièrement développée , parce que la puifîance de réfléchir elt €11 entier cxerciec , nous tirons de no^ O iiij 320 Dîfcours ' '^ fenfations tout le fruit qu'elles peuvent produire , & nous nous formons plu- fjcurs ordres d'idées & plufieurs chaî- nes de penfées dont chacune fîiit une irucc durable, fur laquelle nous repaf- fons fi louvent, qu'elle devient pro- fonde , inéfaçabîe, & que plufieurs années après, dans le temps de notre vieillclîc , ces mêmes idées fe préienient avec plus de force que celles que nous pou- vons tirer immédiatement des lenfations ad:uclles , j^arce qu'alors ces fenfations font foibles, iemes , émouiïées, & qu'à cet âge l'ame même participe à la lan- gueur du corps. Dans l'enfance le temps préfent efl: tout , dans l'âge mûr on jouit également du paflTé , du préfent^ & de l'avenir, & dans la vieillefie ou lent peu le préfent, on détourne les yeux de l'avenir, & on ne vit que dans le pafTé. Ces différences ne dépendent-elles pas entièrement de l'ordonnance que notre ame a faite de nos fenfations , & ne font - elles pas relatives au plus ou moins de facilité que nous avons dans ces différens Ages à former , à acquérir & à confervcr des idée^ ! L enfaiu qiâ M- fur la nature Acs Ammaux» 321 jafe & ie vieillard qui radote n'ont ni l'un ni l'autre ie ton de la raifon , parce qu'ils manquent également d'idées ; le premier ne peut encore en former, & le fécond n'en forme plus. Un imbécillc , dont les fens & les or- ganes corporels nous paroiflent fiins & hiew difpofés , a comme nous des fen- fations de toutes efpèces , il les aura aufîi dans le même ordre s'il vit en fociété 3c qu'on l'oblige à faire ce que font les autres hommes ; cependant , comme ces fenfations ne lui font point naître d'i- dées , qu'il n'y a point de correfpondancc entre fon amc & fon corps , & qu'il ne peut réfléchir fur rien , il efl: en confé- quence privé de la mémoire & de la connoiflance de foi-même. Cet homme ne diffère en rien de l'animal , quant aux facultés cxiérieures , car quoiqu'il ait une ame , & que par cqnréqiient il pofsède en lui le principe de la raifon , comme ce principe demeure dans Tinr Hâion , & qu'il ne reçoit rien des organes corporels avec lefquels il n'a aucune correfpondancc , il ne peut influer fur les adions de cet homme , qui Ov ' 3 2.2 Di [cours '^'^ " dès- fors ne peut agir que comme un anî- mal uniquement déterminé p: r fes fenfa- tiens & par !c fentiment de (on exiilence I adueile & de les beloins prélens. Ainfi i'homiue imbécille & l'animal font des êtres dont les refuitats & les opérations font les mêmes à tous égards , parce que l'un n'a point dame, & cjiie l'autre ne s'en icrt point; tous deux manquent de la puifîance de réfléchir, & n'ont par coniéqurni ni entendement , ni efprit , ni mémoire , mais tous deux ont des fen fations , du fentiment &. du mou- Temenr. Ce]:)endant, me répétera - t -on tou» Jours , l'homme imhécille & l'animal ii'agiiïent ils pas fou vent comme s'ils éroient déterminés par la connoiffince' des chofes paffées î ne reconnoi/fent-ifs pas les perfonnes avec lercjneile-. ils ont vécu, les lieux qu'ils ont habités, &c. ces a(n:ions ne fuppofcnt el'es pu» név-cf- fiirement la mémoire! & cela ne prou- veroit-ilpas au contraire qu'elle n'émané point de la puiffimce de réfléchir? '" Si l'on a donné quehpi'attention à ce que je viens de dire , ou aura déjà fenti fur la naîiire des Animaux, 3 1 j' que je diftingue deux efpèces de mé- moires hitiriimciit différenies l'une de l'autre par leur caufe , & qui peuvent cependant fe refîcinbier en quelque forte par leurs effets ; la première e(l la trace de nos idées , & la féconde que j'ap- pellerois voioniiers réminifcence plutôt que mémoire, n'efl que le renouvelle- ment de nos fenfations , ou plutôt i\QS ébranlemens qui les ont caufées : la^ première émane de l'ame , & comme je l'ai prouvé , elle eft pour nous biea plus parfaite que la féconde ; celte der- nière au contraire n'efl: produite que par le renouvellement des ébranlemens du fens intérieur matériel, & elle efl: la feule qu'on puifîe accorder à l'animai ou à l'homme imbécille : letirs fenfa- tions antérieures font renouvel: es par les feniations av5liielk's , ellei fe réveillent avec toutes, les circonflances qui les accompagnoiein , l'im.ige principale (Se préfenie appelle les images anciennes Dans les rêves on voit beaucoup , on entend rarement , on ne rciifonne point , on fcnt vivement , les images fe luivent , les fenfations fe fucccdent fans que l'ame les compare ni !es réuniiïe : on n'a donc que des (enfilions «St point d'idées , puifque les idces ne f-nit (jue les comparaif)ns des fenfntions ; ainfi les rêves ne réfîdent que dans le feiis in- térieur matériel , i'ame ne les produit point , ils feront donc partie de ce fouvenir animal , de cette efpècc de reminifcence matérielle dont nous avons parlé : la méinoiie au con raire ne peut cxiller fans l'idée du temps , (ans la Cfiriparailon des idées antérieures & des idées actuelles , ^ puilque ces idées A'eiitfeat point dans les rêves, il paroît 328 . • Dijiûurs démontré qu'ils ne peuvent être ni une conléquence, ni un effet, ni une preuve de la mcmoire. Mais quand même on voudroit fouienir qu'il y a quelquefois des révcs d'idées , quand on citeroit , pour le prouver , les fomnanbules , les gens qui parlent en dormant & dilent des chofcs fui vies , qui répondent à dts queflions, &c. & que l'on en inféreroit que les idtes ne font pas exclues des rêves , du moins aufli abfoiument que je le prétends ;, il me fuffiroit , pour ce que j'avois à prouver , que le renou- vellement des fenfaiions j)uirfe les pro- duire ; car dès-lors les animaux n'auront que des rêves de cette efpèce, & ces rêves , bien loin de fuppofer la mémoire, n'indiquent au contraire cjue la réminif- ccnce mutérielie. Cependant je fuis bien éloigné de croire que les fomnanbules , les gens qui parlent en dormant , qui répondent à dci queflions, &.c. foient en effet oc- cupés didées : famé ne me paroît avoir aucune y:)art à toutes ces ad ions ; car ÎCi lt)mjianbules vont , viennent, agifîent fans rcilcxign ; fans coauoiâuncc de ieu;; fur la nature des A/nmai/x. 329 /ituation, ni du péril, ;ii des inconv^i- iiiens qui accompagnent leurs di nu r- chcs , les feules facultés aiiimles font eu exercice, & même elles n'y fo\\\ | as toutes: un fomnanbule cfl dans cet état plus Aupidc qu'un imbéciilc, p;.rce qu'il n'y a qu'une partie de lès fcns & de loii icntiment cjui foit alors ':a exercice, au lieu c(ue rimbécille Jifpoic de tous fes lens & jouit du fentimcnt tlans toute fon étendue; & à l'tgard des gens qui parlent en dormant , je ne crois pas (ju'ils dilent rien de nouveau : la réponie à certaines queflions triviales & uliiées , la répétion de quelques phrafes commu- nes, ne prouvent pas l'aétion de l'amc , tout cela peut s'opérer indépendamment du principe de la connoifTance & de ia pcnfée. Pourquoi dans le fommeil ne parleroii-on pas fans penfer , puilqu'cn s'exf'minant foi- même lorfqu'on eft le mieux éveillé, on s'aperçoit, lur-tout dans les palfions , qu'on dit tant de chofcs fans réflexion î À l'égard de la caufc occafîonneïle des rêves, qui fait que les fenlaiions antérieures fe renQUvelIçttt fans être ex- 53^ '' Dîfcoîirs ' -^ citées par les objets préfens ou par des fcnfations a réelles , & ceci ell une comparaifon ; une Jur la nature des Animaux. 335^ ©pcration de la mémoire , dans laquelle entre l'ide'e du temps; \qs animaux au contraire , qui (ont privés de la mémoire & de cette puîfïance de comparer les temps, ne peuvent diftinguer leurs rêves de leurs fcnfations réelies , & l'on peut dire que ce qu'ils ont rêvé leur efl: efïè(n:ivemcnt arrivé. .,.. ; ^ .• ^ v > Je crois avoir déjà prouvé d'une manière démonftrative, dans ce que j'ai écrit (d) fur la nature de l'homme , que les animaux n'ont pas la puiflance de réfléchir : or rcntcndement e(l , non- feiile lent une fliculté de cette puiffànce de .. < :hir, mais c'cft l'exercice même de cette puifTance , c'en e(l le réfultat , c'eft ce qui la manifefle ; feulement 'nous devons diftinguer dans l'entende- ment deux opérations différentes, dont la première fert de bafe à la féconde & la précède néccfTairement : cette pre- mière aétion de la puiflance de réflé- chir efl de comparer les fenfations 5c d'en former des idées , & la féconde efl (d) Voyez l'article de îa niture de rhommci/^ fi?/. iK de cette Hifloirc Natucelisj U' ...i: ' \ /1' 534. *'•■"'- Dtfcours âe comparer les idées mêmes Se d'en former des raifonnemens ; par la pre- mière de ces opérations, nous acqué- rons des idées particulières & qui luf- fiiènt à !a connoifTance de toutes les choies fènfibrcs ; par la féconde , nous nous élevons à des idées générales , néceflaires pour arriver à l'intelligence fies choies abftraites. Les animaux n'ont ni l'une ni l'autre de ces facultés , parce qu'ils n'ont point d'entendement: & l'en- tendement de la plupart des hommes paroît être borné à la première de ces opérations. Car û tous les hommes ctoient éga- lement capables de comparer des idées, de les généralifèr & d'en former de nouvelles combinaifons, tous manifefte- roîent leur génie par des productions nouvelles , toujours différentes de celles des autres > & fouvent plus parfaites; tous auroient le don d'inventer , ou du moins les talcns de perfedlionner. Mais non : réduits à une imitation fervîfe la plupart des hommes ne font que ce qu'ils voient ilifre , ne pcnfcnt que de mémoire & dans Iq même ordre que les autres fur la nature des Animaux, 33 5' ontpenfé; les formules, les me'thodes, les métiers rempiiffènt toute ia capacité de leur entendement , & les difpenfent de refléchir afTcz pour créer. L'imagination efl auffi une facuîtc de Tamc : fi nous entendons par ce mot imagination ia puifîànce que nous avons de comparer des images avec des idées, àe donner des couleurs à nos penfées, de repréfenter & d'agrandir nos iènfations , de peindre le fentimcnt , en. un mot , de fiiifir vivement les cir- conftanccs & de voir nettement les rapports éloignés des objets que nous confidérons , cette puifîànce de notre ame en efl même ia qualité la plus brillante & la plus a<^ive, c'eft refprit fupérieur, c'eil le génie, les animaux en font encore plus dépourvus que d'en- tendement & de mémoire : mais il y a une autre imagination , un autre principe qui dé|:)end uniquement des organes corporels , & qui nous ell commun avec les animaux ; c'efl: cette aélion tuinul- !ueufe & forcée qui s^cxciie au dédions de nous-mêmes par Its objets analogues OU contraires à nos appétits ; c'eft cette 3 3^ ^ Difcours . îinprcffion vive & profonde des images de ces objets , qui malgré nous fè re- nouvelle à tout inllant , & nous contraint d'agir comme les animaux, fans réflexion, fans délibération ; cette reprëfentation des objets plus adlive encore que leur préîènce , exagère tout , falfifie tout. Cette imagination efl l'ennemie de notre tme , c'efl la fource de l'iiiufion , la mère des pafîions qui nous maîtrifent, nous emportent malgré les efforts de la railbn , & nous rendent le malheureux théâtre d'un combat continuel , où nous femmes prefque toujours vaincus, : ■■'* Homo duplex, ' '■< ' L*homme intérieur efl double, il cA compofé de deux principes différens par leur nature , & contraires par leur adion. L'ame , ce principe fpirituel, ce principe de toute connoîffance , lit toujours en oppofition avec cet autre principe animal & purement matériel : îe premier efl luie lumière pure qu'ac- com 'agnetit le calme & la férénité , une fource lalutaire dont émanent la fcience , images fe re- Jur la tiature ^les Ain maux. "^ J 7) fa Mifon, h nigefTe; l'autre ell une faulTc lueur qui ne brille que par la tempête & dans l'oblcurité , un torrent impétueux qui rcfule & entraîne à fa fuite les pafllons & les erreurs. Le principe animai fc dev^eîoppe fe premier ; comme il ^^ft purement ma- tériel , & qu'i' .JG*_ "^e clans la du-^^'^i des ébranlemcns & le renouvellement des impredions formées dans notre fens intérieur matériel par les objets analogues 0U contraires à nos appétits , il com- mence à agir dès que le corps peut fentir de la douleur ou du plaifir , il nous détermine le premier & auflitôt que nous pouvons faire ufage de nos Cens. Le principe fpirituel fe manifcfle plus tard, il fc développe, il fe perfedionne au moyen de l'éducation ; c'efl: par la ^ communication des penfées d'autrui que l'enfant en acquiert & devient lui - même peufant & raifonnable , & fans cette communication il ne feroit que llupide ou fantafque , félon le degré d'inadioii ou d'adivité de fon fens intérieur ma- Icricl. Confidérons un enfant lorfqu'il çft Tome r. P « ^53? • ^' Difcours en liberté & loin de i'œii de (es maîtres^ nous pouvons juger de ce qui le paflè au dedans de lui par le rcfultat de Tes atSions extérieures , i\ ne pen(ê lii ne réHcchit à rien, il fuit indifféremment toutes les routes du piaifir, il obéit à toutes les imprefîions des objets exté- rieurs, il s*agiie fans raifon, il s'amufe, comme les jeunes animaux, à courir,, à exercer fon corps, il va, vient & revient fans deflTein , (ans projet, il agit fans ordre & (ans fuite; mais bien- tôt , rappelé par la voix de ceux qui >lui ont appris à penlèr , il (e com- po(e , il dirige (es adîons , il donne éts preuves qu'il a confervé les penfées qu'on lui a communiquées. Le principe matériel domine donc dans Tenfance , & il cominueroit de dominer & d*agir prefque feul pendant toute la vie , il l'éducation ne venoit à développer le principe (pirituel, ôl à mettre i'ame en exercice. . ■ %■. ' .«>.,.„-v.': il cft aifé, en rentrant en fbi- même, de rcconnoître l'exiftencc de ces deux principes : il y a des indans dans la vie; il y a même des heures, des jov fur la vaîure des Animaux. 3 3 jf Jes (àifons où nous pouvons juger, non " feulement de la certitude de leur cxiftence , mais aufll de leur contrariété d'adion. Je veux parler de ces temps d'ennui , d'indolence , de dégoût , où nous ne pouvons .nous déterminer à rien » où nous voulons ce que nous ne faifons pas , & faifons ce que nous ne voulons pas ; de cet état ou de cette maladie à îaquelle on a donné le nom de vapeurs, état où (e trouvent fi fou vent les hommes oififs, & même les hommes qu'aucun travail ne commande. Si nous nous ob- icrvons dans cet état , notre mai nous paroîtra divifé en deux perfonnes , dont !â première , qui repréfente la faculté railonnable , blâme ce que fait la féconde, mais n*eft pas afTcz forte pour s*y op- pofer efficacement & la vaincre ; au contraire , cette dernière étant formée de toutes les illu fions de nos fens & de notre imagination , elle contraint , elle enchaîne , & fou vent elle accable la première, & nous fait agir contre ce que nous penfons , ou nous force à l'inadion , quoique nous ayons la volonté d'agir. Pij 54<5>' ■ ' 'Difcours^ ' Dr.ns fe temps ou la facuîte raîfen- nnhlc domine , on s'occupe tranquille- ment (Je ibi-même , de Tes amis , de les affaires ; mais on s'aperçoit encore , ne fût- ce que par des diftrac^tions involon- taires , de la prélencc de l'autre principe. Loriciuc celui-ci vient à dominer à Ion tour , on fe livre ardemment à fa dif- fipaiion , à Tes goûts, à fcs paffions , & à peine re fléchit - on par inftans fur les objers mêmes qui nous occupent & qui nous rcmpHnent tout entiers. Dans ces deux états nous fommes heureux , dans le premier nous commandons avec fatisfacliou , êc dans le fécond nous obéifîbns encore avec plus de plaifir : comme il n'y a que l'un des deux prin- cipes qui foit alors en action , & qu'il ngit lims oppofiiion de la part de l'autre , nous ne lenions aucune contrariété inté- rieure , noire moi nous paroît fimple , parce que nous n'éprouvons qu'une impulfion firnple , & c'efl dans cette unité d';.iclion que confifte notre bon- heur , c ir pour peu que par des réfle- xions nous venions. à blâmer nos plaifirs , ou qur par la violence de nos paflioni fut' hî nature des Animaux, 34 1' nous cherchions à haïr hi laifoa, nous ccfibns dès -lors d'êirc heureux, nous perdons l'unité de noire cxiftence en cjuoi conTifte notre tranquilliic ; la contrariété intérieure fe renou\ elle , les deux j)er- lonncs fe repréfentent en oppofuion , & les deux principes fe font leniir & ie manifeflent par les doutes , les inquiétudes & les remords. x De- là on peut conclure que le pîus malheureux de tous les é.ats elt celui où CCS deux puifîîuices fouveraines de la nature de Ihomme font toutes deux ca graiijj mouvement , mais en mouvenciit égal & qui fait écjuilibre ; c'cfl - là le point de l'ennui le plus profond & de cet horrible dégoût de loi - même , qui ne nous laifïè d'autre defir que celui de celîèr d'être , & ne nous permet qu'au- tant d'aiflion qu'il en faut pour nous détruire, en tournant froidement contre nous des armes de fureur. Quel état affreux i je viens d'en peindre la nuance la plus noire ; mais combien n'y a-t-il pas d'autres fombres nuances qui doivent la précéJer ! Toutes les fituatioiis Yoifiucs de cciic fituaiiou, 34^ Dîfconrs tous les états qui approchent de cet . - Jur la mture Jes Amniat/x. 34/. C'efl donc parce que la nature de l'homme cil compofée de deux principes oppofés , qu'il a tant de peine à iè con* ciller avec lui- même ^ c'td de-ià que viennent fon inconftancc , Ton irréfolu-^ tion , (es ennuis. Les animaux au contraire , dont b nature e(l jfimple & purement matérielle , ne repentent , ni combats intérieurs , m oppofition , ni trouble ; ils n'ont , ni hos^ regrets , ni nos remords , ni nos efpér rances , ni nos craintes. Séparons de nous tout ce qui appar*^ tient à i'ame, ôtons-nous l'entendement,, l'efprit & la mémoire, ce qui nous ref- tera fera la partie matérielle par laquelle nous (bmmes animaux , nous aurons encore des befoins , dés fenfations , des appétits , nous aurons de la douleur de du plaifir , nous aurons même des paf- fions ; car une paffion eft-elie autre choie qu'une fenfation plus forte que les autres, éc qui fe renouvelle à tout indant ! or, nos fenlàiions pourront fe renouveler dans notre fcns intérieur matériel; nous auroiiS donc toutes les paillons, du moins toutes les paûiom aveugles que i'ame^ P v) ^348^ 'Dtfcourf ce principe de !a connoiiïâncc , ne peut ni produire, ni fomenter. C eft ici le point le plus difficile : comment pourrons-nous , fur-tout avec l'abui que l'on a fait des termes , nous faire entendre & dillinguer nciiement fes paffions qui n*iippariiennent qu'à l'homme , de celles qui lui font com- munes avec les animaux î eft- il certain, cft-il croyable que les animaux puiffent avoir des paffions ? n'eft-il pas au contraire convenu que toute pafilon efl une émo- tion de l'ame î doit- on par conféquent chercher ailleurs que dans ce principe fpi- rituel jci germes de l'orgueil , de l'envie , de l'ambiiion , de l'avarice & de touies les paillons qui nous commandent î . Je ne fiis , mais il me femble que tout ce qui commande à l'ame ert hors d'elle, il me femble que le principe de la con- lîoifruicc n'eft point celifi du feniiment, il me femble que le germe de nos paf- fions ell dans nos appétits , que les illu- fions viennent de nos fens & rcfident dans notre fens intérieur matériel , qi^e d*abord i'ame n'y a de part que par Ion (iUnce , que quand «lie s'y prête elle Jîir ta hahif^ Jts 'Animaux. 3 4^ eft fubjuguce , & pervercie iorr^|u*eile s*y complaît. Diftinguons donc dans les paffions de l*homme le phyfiquc & le moral, l'un eft la caufe , l'autre elt l'effet; la pre- mière émotion eft dans le fcns inté- rieur matériel , TaiTie peut la recevoir , mais elle ne la produit pas : diftinguons aulîi les mouvemeas inftantanés des mouvemens durables , & nous verrons d'abord que lu peur, l'horreur, h colère, l'amour, ou plutôt le defir de jouir, font des fentimens , qui quoique dura- bles , ne dépendent que de l'impreiïion des objets fur nos fens , combinée avec ks imprefîions fubfiftaiites de nos feii- fations antérieures , & que par conféqucnt ces paffions doivent nous être communes avec les animaux. Je dis que les iin- preffions aduelles des objets font com- binées avec les imprefîions fubfiflantcs de nos fcnfations antérieures , parce que rien n'efl horrible , rien n'efl effrayant , rien n'eft attrayant pour un homme ou pour un animal qui voit pour lu pre- mière fois : on peut en faire l'épreuve fur de jeuae» animaux i j'en ai vu ^ y 3 5 à Vijcours ' jeter au feu la première fois qu'on îes y préfcntoit : ils n'acquièrent de l'ex- périence que par des adcs réitérés, dont les impreflions rubfiftent dans leur ièns intérieur; & quoique leur expé- rience ne (bit point rai fonnée , elle n'en eft pas moins fûre , eile n'en eft même que plus circonfped© : car un grand bruit , un mouvement violent ; une fi- gure extraordinaire , qui fe prélente ou fe fait entendre fubitement & pour' ia première fois , produit dans l'animal une fccouffe dont l'effet efl: femblable aux premiers mouvemens de la peur , mais ce fcniiment n'eft qu'inftantané; comme il ne peut fe combiner avec aucune fenfaiion précédente , il ne peut donner à l'animai qu'un ébranlement momen- tané, & non pas une émoiiôn dura- ble , telle que la fuppofe la paflion de la peur. Un jeune animal tranquille habitant des forêts , qui tout-à-coup entend îe fon éclatant d'un cor , ou le briji iubit & nouveau d'une arme à feu , tredaillit , bondit , & fuit par la feule violence (k ia fecoufie qu'il Yiem d'éprouver^ fur la nature des Animaux, 3 5 t Cependant iï ce bruit eft fans effet , s'H cedè y l'animal reconnoit d'abord ie filence ordinake de la Nature , il fe calme , s'arrête , & regagne à pas égaux fa paifible retraite. Mais l'âge & l'expé- rience le rendront i)ientôt circonfped as timide, dès qu'à roccafion d'un bruit pareil il fe fera fenti bleiïe , atteint ou pourfuivi : ce feniiment de peine ou cette fenfation de douleur fe conferve dans fon (ens intérieur , & lorfquc le même bruit (e fait encore enicndre , elle (e renouvelle , & fè combinant avec rébranlement aduel , elle produit un fentiment durable , une paffion fubfif- lame , une vraie peur , l'animal fuit & fuit de toutes fes forces , il fuit très- loin , il fuit long-temps , il fuii toujours , puif- que fou vent il abandonne à jamais foo fé/our ordinaire. La peur eft donc une paffion dont Fanimal eft fufceptible, quoiqu'il n'ait pas nos craintes railbnnécs ou prévues i il en eft de même de l'horreur , de la colère, de l'amour, quoiqu'il n'ait, ni nos averfions réfléchies , ni nos haines 4uxabks y iii nos amitiés conftancfS). 3 5^2 DifccuU L'animal a toutes ces pafTion^ premières; elles ne fuppofbnt aucune coiinoiiîance, aucune idée , & ne font fondées (|ue fur l'expérience du (èntiment , c'efl à^ dire , fwsr la répétiton des atlcs de dou- leur ou de plaifir, & !e renouvellement i\Qs (ênfa:ioas antérieures du même genre. La colère , ou fi l'on veut le courage naturel , fe remarc|ue dans les animaux qui fcntent leur force, c'ed-à- dire , qui les ont éprouvées , mefurécs , & trouvé fupérieures à celles des autres; ia peur eft le partage des fbibles , mais le fentiment d'amour leur appanj'ent à tous. Amour ! defir inné î ame de la Na- ture ! principe inépuifable d'exiftence ! puiflfance fouveraine qui peut tout , & contre laquelle rien ne peut-, par qui tout agit , tout refpire «Se tout fe re- nouvelle î divine flamme ! germe de perpétuité que TÉternel a répandu dans tout avec le fouffle de vie î précieux fentiment qui peut feul amollir les coeurs féroces & glacés, en \^h pénétrant d*une douce chaleur ! caulè première de tout \èm\^ de toute focictéi qui réunis i^os, fur la nature des Animaux* 353 contrainte & par tes fcuîes attraits les natures (auvagcs & cJitperrt'cs ' foiirce unique & féconde de tout plaifir , de toute volupté! amour! pourquoi fais-tu l'état heureux de tous ici êtres & le mal- heur de l'homme î C'efl qu'il n*y a que le phyfique de cette paflioa qui foit bon, c'ell que, malgré ce que peuvent dire les gens épris , le moral n'en vaut rien. Qu'elt-ce en effet que ie moral de l'amour î la vanité ; vanité dans le plaifir de la con- quête , erreur qui vient de ce qu'on en fait trop de cas ; vanité dans le defir de la conferver exclufivement , état malheureux qu'accompagne toujours la jaloufie , petite paflion , fi bafïe qu'on voudroit la cacher ; vanité dans la ma- nière d'en jouir , qui fliit qu'on ne multiplie que fes gertes ou (es eff3rts fans multiplier fes plaifirs ; vanité dans \x ftçon même de la perdre , on veut rompre le premier; car fi l'on eft quitté, quelle humiliation î & cette humiliation fc tourne en dérefpoir lorfqu'on vient à reconnoître qu'on a été long-temps dupe i& trompé. 3' 5 4 D'jfcours Les anîmaux ne font point fujets à toutes ces misères, ils ne chercl t m pas des piaifirs où il ne peut y en avoir ; guidés par le fentiment feui , ils ne fe trompent jamais dans leur choix , feurs defirs font tou|ours proponionnés à ia puiiïànce de jouir , ils Tentent autant qu'ils jouilTent, & ne jouiflent qu'autant qu'ils Tentent : l'homme au contraire , en voulant inventer des piaifirs, n'a fait que gâter ia Nature, en voulant fe forcer fur le fentiment , il ne fuit qu'a- bufer de fon être, & creufcr dans fon cœur un vide que rien enfuiie n'ed ca- pable de remplir < Tout ce qu'il y a de bon dms l'ainoiir nppariieni donc aux animaux tout aulîi- bien qu'à nous , & même , comme fi ce (èniiment ne pou voit jamais être pur, ils paroiffent avoir une petite poriion de ce qu'il y a de moins bon , je veux parler de la jaloufic. Chez nous cette paflion fuppofe toujours quelque dé- fiance de foi-même, quelque connoif- fânce fourde de la propre foiblcfTc ; les animaux au contraire femblent être d'au* tant plus jaloux qu'ils ont plus de force, fur la nature des Animaux, 355 plus d'ardeur & plus d'habitude au plaifir ; c'eft que notre jaloufie dépend de nos idées , & la leur du fentiment ; ils ont joui ; ils défirent de jouir encore , ils . s'en fenicnt la force , ils écartent donc tous ceux qui veulent occuper leur place, leur jaloufie n'eft point réfléchie, ils ne la tournent pas contre Tobjet le leur amour , ils ne font jaloux que de leurs plaifirs. Mais les animaux font ils bornés aux feules pafîîons que nous venons de dé- crire î la peur , la colère , l'horreur , Tamour & la jaloufie font-elles les feules affeiîlions durables qu'ils puifTent éprou- ver î il me femble qu'indépendamment de ces partions , dont le feniiment natu- rel ou plutôt l'expérience du fentiincnf rend les animaux fufceptibles , ils ont cacore des partions qui leur font com- muniquées , & qui viennent de l'édu- cation, de l'exemple, de l'ii-nitation 6c de l'habitude : ils ont leur efpèce d'a- mitié, leur efpèce d'orgueil , leur elpèce d'ambition , & quoiqu'on puilFe déjà s'être arturé , par ce que nous avons dit , que dans toutes leurs opérations & dans 3 5^ I^ijcours lous les ar!t, tandis c|u'cn cfler il n'y a que des rap- ports de iîgurc, de mouvement &. d\jr- gauilaiion. C'eft pnr les rapports de mouvement que le chien ])kend les habitudes de fou maître , c'eft par ki rapports de T" ^7/ ngure liumati nilàtioi mu/iqi figne 1 ia parc de dim qu'entr exprime Aipérioj apercev fufion ( & que elle niar P'dité, c font ton, i'T penfé eu II des ( au dchor Il eft que l'iin nique, i. dont la {- avec laq reçoit les Il facifr.'é Ja fimiliiu jur la nature des Amnuiux* 3 é 3' Bgiue que le finge contrefait les gcfles humains , c'eft: par les rapports d'orga- nir-uion que le lerin répète des airs de inufique, & qwe le perroquet imiic le figne le moins équivoque de la penfée, la parole , qui met à l'extérieur autant de différence entre l'homme & l'homme qu'entre l'homme & la bete, puifqu'Llfe exprime dans les uns la lumière îk la fupériorité de fcTprit , ({u'clîe ne laiiïe apercevoir dans les autres qu'une coii- fufion d'idées obfcurcs ou empruntées, & que dans l'imbccille ou le perroquet elle marque le dernier degré de la llu- pidité, c'efl-à-dire, rimpoflibilité où ils font tous deux de produire intérieurement ia penfée , quoiqu'il ne leur manque au- cun des organes néceffurcs pour la rendre au dehors. Il eft aifé de prouver encore mieux: que l'imitation n'ell qu'un effet méca- nique, lia réfultat ]>urcnient machinal, dont la perfection dépciid de la vivaciié avec laquelle le fens intérieur matériel reçoit les impreflloiis des objets , 6: de Il facilité de les rendre au dehors p.îr la fimiiiiudc & la fouplclfe des org.uu'S 3 6^ Difcoiirs extérieurs. Les gens qui ont les iena exquis , cjclicats , faciles à ébranler , & Jcs membres obciffans, agiles & flexibles font , toutes chofes égales d'ailleurs , les meilleurs adeurs , les meilleurs panto- juimes , les jneilicurs finges : les enfims fans y fo nger prennent les habitudes du corps , empruntent les geftcs , imitent les manières de ceux avec qui ifs vivent; Hs font aufli très-porte's a répéter & à contredire. La plupart des jeunes gens les plus vifs & les moins penfans, qui ne voient que par les yeux du corps, faillirent cep<"ndant merveilleufëment le ridicule des figures ; toute forme bizarre les affedc, toute repréfeni^tion les frappe, toute nouveauté les cmeut : rimprcf- fion en cil fi forte qu^ls reprcfèntent eux-mêmes, Us racontent avec enthou- fiafme , ils copient facilement & avec grâce ; ils ont donc fupéricurernent le talent de l'imitation qui fuppolè Torga- nifation la plus parfaite , les difpofitions du corps les plus heureufes & auquel rien n'ei^ plus oppofé qu'une forte dofe de bon fcns. Auifi parmi iu hommes ce font ordi- fens r, & xiblcs s, les )anto- enfiins les du mitent ivent; ;r & à s gens is, qui corps , lent le bizarre frappe, mpref- fenient nthou- & avec nent ie l'orga- ofitions auquel rte dofc it ordi- Jitr la nature {Je s A/ùmaux. 365^ nairement ceux qui réfléchifTent le moin^ qui ont ie plus le talent de l'imitation; ii n'cfl: d®nc pas furprenant qu'on I^ trouve dans les animaux qui ne réflcchif^ fent point du tout , ils doivent même l'avoir à un plus haut den-ré de r)erfec- tion , parce qu ils n ont rien qui s y oppofe, parce qu'ils n'ont aucun prin- cipe par lequel ils puiflcnt avoir fa volonté d'être diiTcrens les uns des autres. C-efl par notre ame que nous différons entre nous , c'efl par notre ame que nous fonimes nous, c'efl: d'elle que vient la diverfué de nos caradères &i la variété de nos acftions; les animaux^ au contraire , qui n'ont point d'ame ^ n'ont j)oint le moi qui eft le principe de la différence , la caufè qui conflitue la perfonne ; ils doivent donc lorfqu'ils fc reflcmbient par l'organifaiion ou qu'ils font de la même efpèce , fe copier tous, faire tous les mêmes chofes & de la même façon, & s'imiter en un mot beau- coup plus parfaitement que les hommes re peuvent s'imiter les uns les autres; ^ par conféquent ce talent d'Imitation , bien loin de fuppofcr de l'cfprit & dé Q ^ \ ■M '^66 Dijiotirs la penft-'c iJans les animaux , prouva au contraire qu'ils en font ablolument privés. C'td p:ir la même raîfon <|ue l'c- Juca'ion des animaux , quoique fort courte , eft toujours heureufc : ils ap- prennent en très peu de temps prcfcji'.c tout ce que favent leurs ])ère & mère, & c'cft par Timiiaiion qu'ils rappren- nent; ils ont donc non - feulement i'cx- peiience q-i'ils peuvent acquérir par le lentimcnt , mais Ifs profitent ci core , par le moyen e î'imiration , de l'expérience que les u /es ont acquife. Les jeunes animaux .e modèlent fur les vieux, ils voient c}ue ceux - cl s'approchent ou fuient ïorfqu'iL entendent certains bruits, lorf(|u'iIs aperçoivent certains objets , lorf |u'ils fenient certaines odeurs ; \U s'approchent aufli ou fuient d'abord avec eux fans autre caufe déterminante que l'imitation , & cnfuite ils s'appro- chent ou fuient d'eux - mêmes & tout feuls , parce c[u'ils ont pris l'habitude de s'approcher ou de fuir toutes les fois qu'ils ont éprouvé ics mêmes fca- fctlons. fur la nature des À ni maux. 367 Après avoir compare l'homme à l'a- nimal , pris cliacun individuellement, je vais comparer l'homme en fociétë avec l'animal en troupe, ôi rechercher en même temps quelle peut être la caufe (le cette efpèce tlindartrie qu'on remar- que dans certains animaux, même dans Us cfpèces les plus viles & les pins nombrcufes : que de chofcs ne dit- on pas de celle de certains iafecflcs ! nos obfervateurs admirent à Tenvi l'intelli- gence & les la^eriS des abciiles; elles ont, c!iicni-i!s, un génie pariiculer , un art qui n'appartient qu'à ehes , l'art de le bien gouverner, il faut favoir obfervcr pour s'en apercevoir ; mais une ruche ed une rt'j)ublique où chaque individu ne travaille que pour la fociété , oii tout efl ordonné, diltribué, réparti avec une prévoyance, une équité, une prudence adjnirablcs ; vVthènes n'ctoit pas mieux conduite ni mieux policée : plus 011 obfervc ce pan'cr de mouches , <5c })lus on découvre de merveilles, un fond de gouvernement inaltérable & toujours le même, un relped profond jK)ur la pcr- ionne en place, une vigilance fmguiicrc Qiiij ■ '3^8 Dîfcottrs pour Ton fervicc , la plus foîgncurff aitemion pour Tes phiiiîrs , un amour conftant pour la patrie, riu: ardeur in- concevable pour le travail, une afîlduitc à l'ouvrage cjue rien n'égale , le plus grand dclintcrcflenicnt joint à la plus gr^inde économie , la plus fine géomé- trie ,iiij:)Ioyec à la plus élégnnte archi- tetn;ure , &c. je ne finirois point fi je voulois feulement parcourir les ainiales de ceue république , <5c tirer de l'iiif- toire de ces infcdes tous les traits qui ©nt excité l'admiraiion de leurs hiilo- riens. C'efl qu'indépendamment de Tcn- thoufiarme qu'on prend pour Ton fujer, on admire toujours d'autant plus qu'on ci)(tTve davantage & qu'on raifonne moins. Y a-t il en effet rien de plus gratuit que ceue admiration pour les mouches, &i que ces vues morales qu'on voudroit leur prêter , que cet amour du bien commun (lu'on leur iuppofe, que cet inftrndt fingulicr qui écjuivaut à la éométrie la plus fublime , inftini^ qu^on leur a nouveilement accordé , par tequei \qs ubeiile3 réfolvent fans hefiier J fc pro ^//// / poJJl>fe pojfîble . a porté une m tête d'i n'en tic publiqii yeux d petites 1 avec no la cire 6 Ce n Wamc ic Ic'S exclai attention ^^nw\ ave travail, c génératio métamori peuvent iirte ; mai iOgîe des i prêcher ; obfcrvatei «îîiluite ils fur la fiûtiire des Ammnux. 3 ^p: \q problcnie dt- bàlïr le plus Jolidcment qu'il fuit pnjfible dans le moindre efpact pojfihfe , & avec la plus grande économie pojfible! que jîcnfcr de i'cxcès auqi.cl on a porté le détail de ces éloges î car enfin une mouche ne doit pas icnir dans la têic d'un nnturalille plus de plac- ju'elle n'en tient dins la Nature; & c ré- publique mervciiîeufe ne fera j 1 aux yeux de la railbn , (ju'une toule i!e petites betcs qui n'ont d'aune raf)port avec nous que celui de nous fournir de la cire & du iniel. Ce n'cft point Li curîofité que je blâme ici , ce font les raifonnemens & les exclamations ; qu'on ait obfervé avec attention leurs manoeuvres , qu'on ait- ftiivi avec foin leurs procédés & leur travail , qu'on ait décrit exa^ement leur génération , leur multiplication , leurs métamorpholès , &c. tous ces objets peuvent occuper le loifir d^ian natura-* lifle ; mais c'eîl ia morale, c'eft la théo- iogie des infcdles que je ne puis emcnâcc prêcher ; ce font les merveilles que les obfcrvaieurs y mettent & fur Icfquclles enfuite ils fe récrient comme fi elles y Qv €> ^>«>. IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 l.l ^ m m ■^ IIM 11112 2 !" m '"™ ^ li£ 1110 1.8 1-25 1.4 ||.6 M 6" ► m ^ /2 ^l m /A '/ Photographie Sciences Corporation 23 WEST MAIN STREET WEBSTER, N. Y. 14580 (716) 872-4503 È V étoîent en eflèt , qu'il faut evammer; c'efl cette intelligence, cette prévoyance, cette connoifïancc même de l'avenir qu'on ieur accorde avec tant de complaifance , & que cependant on doit leur refufer rigoureuiement , que je vais tâcher de réduire à fa jufte valeur. i . Les mouches folitrîires n'ont, de l*aveu ^e CCS ohfcr valeurs , aucun efprit en comparaifon des mouches qui vivent enfcmble; celles qui ne forment que de petites troupes , en ont moins que celles qui font en grand nombre, & les abeilles qui de toutes font peut- être celles qui forment la fociété la plus nombreufe, font aufn celles qui ont le plus de génie. Cela (cul ne fuffit - il pas pour faire penfer que cette apparence d efprit ou de génie n'eft qu'un réfultat pure- ment mécanique , une combinaifon de mouvement proportionnelle au nombre, lin rapport qui neft compliqué (jue parce qu'il dépend de plufîeurs milliers ii'în Jividus î Ne fait - on pas que tout rapport , tout défordre même , pourvu qu'il foit confiant , r^us paroit une harmonie dès que nous en ignorons i<9 Jur la nature des Animaux» 371 Caiifes , & que de la fuppofuîon de- cette apparence d'ordre à celle de l'in- telligence il n'y a qu'un pas, les hom- mes aimant mieux admirer qu'appro- fondir. /35. ,;On conviendra donc d'abord, qu'à prendre les mouches une à une , elles ont moins de génie que le chien , le iinge ôc ia plupart des animaux ; ot\ conviendra qu'elles" ont moins de doci- lité , moins d'aiiachement , moins de fentimcnt, moins en un mot de qualités relatives aux nôtres: des -lors on doit convenir que leur intelligence appa- rente ne vient que de leur multitude réunie; cependant cette réunion même ne fuppolè aucune intelligence, car ce n'eft point par des vues morales qu'elles le réunifTent , c'eft (Ims leur confente- ment qu'elles fe trouvent cnfemble. Cette fociété n'ell donc qu'un afTem- blage phyfique ordonné par la Nature & indépendant de toute vue , de toute connoifîànce , de tout raifonnement. La mère abeille produit dix mille individus tout à la fois & dans un même lieu ; ce& dix mille individus , fulTem-ils Qvj ^yta 'Dîjcours * ''' * ' encore mille fois pfus flupîJcs que jé ne le fuppofe , feront obligés , pour continuer i'eufement d'exîfter , de s'ar- ranger de quelque façon : comme ils agilîent tous ies uns comme les autres avec des forces égales, eufTent-ils com-p îTicncé par fe nuire , à force de fè nuire ils arriveront bientôt ï fe nuire le moins qu'il fera poffible, c'eft-à-dire à s'aider; îls auront donc l'air de s'entendre & de concourir au même but. L'obfervateur leur prêtera bientôt des vues & tout l'efprit qui leur manque , ii voudra rendre raifbn de chaque action , chaque mouvement aura bientôt fon motif, & de- là foniront des merveilles ou dtî monflres de raifonnemens fans nombre; car ces dix mille individus, qui ont été tous produits à la fois , qui ont habité enfembie , qui fe font tous métamor- phofés à peu près en même temps, ne peuvent manquer de faire tous la même chofe, &, pour peu qu'ils aient de Ç^nr timent , de prendre des habitudes com- munes, de s'arran , de fe trouver bien enfembie, de s'occuper de leur demeure, d'y revenir après s'en être éloignés ; &c. fur la nature des Animaux» '37 jj 2k de - là i'architedlurc , la géométrie y l'ordre , fa prévoyance , l'amour de la patrie, la république, en un mot, ie tout fondé, comme l'on voit, fur Tadmiraiion de l'obfçrvateur. La Nature n'cft-elîe pas afTez éton- nante par elle - même , fans chercher encore à nous furprendre en nous étour- diflânt de merveilles qui n'y font pas & que nous y mettons î Le Créateur n'cft-il pas affez grand par fes ouvrages, & croyons -nous ie faire plus grand par notre imbécillité î ce fcroit , s'il pouvoit l'être, la façon de ^e rabaidèr. Lequel en effet a de l'Etre fuprême la plus grande idée , celui qui le voit créer î'Univcrs, ordonner les exiftences, fon- der la Nature fur des foix invariables & perpétuelles, ou Celui qui le cherche & veut le trouver attentif à conduire une république de mouches, & fort occupé de fa manière dont fe doit plier i'aiie d'un fcarabée î Il y a parmi certains animaux , une Efpèce de fociété qui femble dépendre du choix de ceux qui la compofent , ^ qui par conféquent approche bien 574 DifcourU • ' ;t davantage de l'iHtelligence & Ju cle(îlirt que la (uciété des abeilles, qui n'a d'au- tre principe qu'une nécclîité phyfique: Jes élcphans , les caflors^ les finges, lable , égal , mais il aura encore l'air de ia fyméirie , de la foliJité , de la commodité, &c, au plus haut point de perfedion , parce qu'en le formant , Jur la nature des Ammatix. 37^' cTiacun de ces dix mille individus a cherché à s*arranger de la manière la plus commode pour lui , & qu'il a en même temps été forcé d'agir & de ie placer de la manière la moins incom- mode aux autres. Dirai-ie encore un mot; ces cellules des abeilles , ces hexagones tant vantés^, tant admires, me fourniflent une preuve de plus contre i cnthoufiafme & Tad- mirition : cette figure , toute géomé- trique & toute régulière qu'elle nous pnroît , & qu'elle e(t en effet dans la ipéculaiion , n'cfl: ici qu'un réfultai mé- canique & aflez imparfait qui fe trouve fou vent dans la Nature , & ^ue l'on remarque même d^iUo (es producfiions les plus brutes ; îes criftaux & plufieurs autres pierres, q-.'elques fels, &c. pren- nent conihiuiment cette figure dans leur for. nation. Qu'on obferve les pe- tites écailles de la peau d'une roufTette, on verra qu'elles font hexagones, parce que chaque écaille croifîànt en même temps fe fait obllacle, & tend à occuper le plus d'efpace qu'il eft poffiblc dans un efpace donné : on voie ces mêmes f3Î(3 Difcours hexagones dans le fécond eflomac des animaux ruminans, on les trouve dans les graines , dans leurs cupfules , dans cerraines fleurs, &c. qu'on rctnpliflc un vaifTcau de poîs , ou plutôt de qutl- qu'autre graine cy'indriquc, & qu'on le ferme exacflemcnt après y avoir vcrfc autant d'eau que les iiuervallcs qui refient entre ces graines peuvent en recevoir; qu'on fafle bouillir cette eau , tous ces cylindres deviendront des colonnes à fix pans. On en voit clairement la raif'un , qui cft purement mécanique ; chaque graine , dont la figure eil cylindrique, tend par l'on renflement à occuper le plus d'efpace polfibic dans un efpacc donné , elles deviennent donc toutes nécefluirement hexagones par la compref- iion r^ciprocjue. Cliaque abeiilc cher- che à occuper de même le plus d'crpace pofîible dans un cfpace donné , il cfc donc néceflaire aufli , puilque le corps des abeilles efl cylindrique , que leius cellules foient hexagones , par la même raifon des obflacles réciproques. On donne plus d'efprit aux mouches dont les ouvrages font les glus réguliers; fur la nature Jcs Anmaux. 3 8 t fc5 abeilles font , dit-on, plus ingénieufcs que les guêpes, fjue les frelons, &c. qui fî^ii^nt auffi l'archiiedure , mais dont les conftrudtions font plus groffières & plus irregulicrcs que celles des abeilles : on ne veut pas voir, ou l'on ne fc doute pas que cette re'gularité , plus ou moins grande, dépend uniquement du nombre & de la figure, & nullement de l'intelli- gence de ces petites bêtes ; plus elles lont nomBreufcs , plus il y a de forces qui agiifent également, & qui s'oppofent de même , plus il y a par conféqucnt de contrainte mécanique , de régularité forcée & de perfecflion apparente dans leurs produdions. Les animaux qui refïèmbïcnt le plus à rhomm€ par leur figure & par leur organifàtion , feront donc , malgré les apologiflcs des inlcdcs, maintenus dans la poneflion où ils étoient, d'être fupé- rieurs à tous les autres pour les qualités intérieures, & quoiqu'elles foient infini- ment différentes de celles de l'homme, qu'elles ne foient , comme nous l'avons prouvé , que des réfuliats de Texcrcice & de l'expérieucc du fcmiment , ce§ .1» '382 Difcours animaux font par ces facultés mêmes fort fupërieurs aux inkdes , & comme tout fe fiit & que tout cft par nuance dflts la Nature , on peut établir une échelle pour juger des degrés des qualite's intrinsèques de chaque animal , en pre- nant pour premier terme la partie ma- térielle de l'homme , & plaçant fuc- ccfîîvement les animaux à différentes diftances, félon qu'en effet il^en appro- chent ou 3*en éloignent davantage , tant par la forme extérieure , que par l'or- ganifaiion intérieure ; en ft^rte que le iinge , Je chien , l'éléphant & les autres quadrupèdes feront au premier rang; ïes cétacées qui , comme les quadru- pèdes & l*homme, ont de la chair & du fang , qui font comme cuîc vivipares , feront au fécond ; les oifcaux au troi- fième , parce qu'à tout prendre , ils diffèrent de l'homme plus que les cétacées & que les quadrupèdes; & s'il n'y avoit pas des êtres qui , comme les huîircs ou les polypes , fembfcnt en différer autant qu'il efl pofTibfe ^ les infeâcs feroient avec raifon les bêtes du dernier fur la nature des Animaux* 3 8 J Mais fi les animaux font dépourvus d'entendement, dcfprit & de mémoire, s'ils Ibnt privés de toute intelligence, fi toutes leurs facultés dépendent de leurs fens, s'ils font bornés à l'exercice & à l'expérience du ïentiment (èul , d'oti peut venir cetic efpcce de prévoyance qu'on remarque dans quelques-uns d'en- tr'eux î le leul Ïentiment peut -il faire ({u'iiS ramalîent des vivres pendant l'été pour fubfillcr pendant l'hiver î ceci ne iuppofè-t-il pas une comparaifbn des temps , une notion de l'avenir , une imjuiétude raifonnéeî' pourquoi trouve- t'On à la ïin de l'automne dans le trou d'un mulot aflez de gland pour le nourrir fiifqu'à l'été fuivant î pourquoi cette abondante récolte de cire & de micf dans les ruches î pourcpioi les fourmis font-elles des provifions ! pourquoi les oifeaux feroient - ils des nids, s'ils ne (a voient pas qu'ils en auront bcfoin pour y dépofer leurs œufs . ,- ,335 Dîfcoiirs '^'l-A. \ ligencc fcmbîablc à la nôtre que îes animaux aient une connoifTance certaine de l'avenir, puifque nous n*en avons que ^QS notions tr^s-douteufcs & très- imparfaites ; pourquoi donc leur accorder fi iégèremcnt une qualité fi fublime î pourquoi nous dégrader mal-à-propos î ne fêroit - il pas moins déraifonnable , fuppofé qu'on ne pût pas douter des faits, d'en rapporter la caufe à d&s loix mécaniques, établies comme toutes les autres loix de la Nature , par la volonté du Créateur î La fûrcté avec laquelle on fuppofe que les animaux ngifTent, ïa certitude de leur détermination, fuffi- Toit feule pour qu'on dût en conclure que ce font les efîcts d'un pur méca- nifme. Le caraélère de la railon le plus inarqué , c'eft le doute , c'eft la délibé- ration , c'eft la comparaifon ; mars des inouvçmens & des adions qui n'annon- cent que la décifion & la certitude , prouvent en même temps le mécanifme & la ftupidité. • - - - - Cependant , comme les ïoîx de fa Nature , telles que nous les connoif- fons,. n'çn font «juc ic3 effets généraux , & q cont ii C^ï de i' Créa voloi: déro| noble l'emb lité d^ fêroit pour 1 &c. Ih tous i\ partiel] cela n\ en ré expliq faiis & puifïïo Voy plicabk îbnt fourmis leur av( la leur ^^ki fox fur kl nature des Anhnaux, 387 & que les faits dont il s'agit ne font au contraire que des effets très particuliers, il feroit peu phiiofophique & peu digne de l'idée que nous devons avoir du Créateur, de charger mai-à-propos fa volonté de tant de petites loix , ce feroit déroger à (à toute - puifTmce & à la noble finiplicité de la Nature, que dç l'embarraHer gratuitement de cette quan- tité de flatuts particuliers, dont Tun ne feroit fait que pour les mouches, l'autre pour les hiboux , l'autre pour les mulots, &c. ne doit -on pas au contraire faire tous ùs efforts pour ramener ces effets particuliers aux efîets généraux , & , 1 î cela n'étoit pas pofllble , mettre ces faits en réfèrve & s'abftenir de vouloir les expliquer jufqu'à vC que par de nouveaux faiis & par de nouvelles analogies , nous puiffions en connoître les caulës, ^ Voyons donc en effet s'ils font inex- plicables, s'ils font fi merveilleux, s'ils font même avérés. La prévoyance àii fourmis n'ètoit qu'un préjugé , on la leur avoit accordée en les obfèrvant , on la leur a ôtée en les obfèrvant mieux ; tïki font engourdies tout l'hiver , leurs • Ri; i>--i '^ \ 388 Dljcours ::- —y provifions ne font donc que Jes amaS: îuperflus , amas accumulés fans vues , iàns connoifîànce de l'avenir , puifque par cette connoifliince même elles en auroîent prévu toute linuiiifté* N'efl - il pas très- naturel que des anhnaux qui ont une demeure fixe où ifs font accoutumés à tranf])orier les nourritures dont ils ont aétueliement befbin , & qui âattent leur appédt , en tranfportent beaucoup plus qu'il ne leur en feut , déterminés par le fentimenf feul & par le piaifir de Todorat ou de quelques autres de leurs iens , 6c guidés par l'habitude qu'ils ont prife d'emporter leurs vivres pour les manger en repos î cela même ne démontre- 1- il pas qu'ils n'ont que du léntiment & point de raifbnnement î C'efl par la même raifon que les abeilles ramafTeiit beaucoup plus de cire &. de miel qu'il ne leur en faut : ce iv'efl donc point du produit de leur intelligence , c'efl des effets de leur ftupidité que nous profitons ; car l'intelligence les porteroit néceffai rement à ne ramafîcr qu'à peu près autant qu'elles ont befoin, éi à s'épargner la peine de tout le relie ^ fur la nature des Ammatix, 389 fur-tout après la trille expérience que ce travail cft en pure perte , qu'on leur enlève tout ce qu'elles ont de trop , qu'enfin cette abondance e(l la feule caufe de la guerre qu'on leur fait , & la fource de la défolation' & du trouble de leur fociété. Il eft fi vrai que ce n'eft que par feniimcnt aveugle qu'elles travaillent , qu'on peut les obliger à travailler , pour ainfi dire , autant que l'on veut: tant qu'il y' a des fleurs qui leur conviennent dans le pays qu'elles habitent, elles ne ceflènt d'en tirer le miel & la cire ; elles ne difcontinuent leur travail & ne finiflent leur rccolic que parce qu'elles ne trouvent plus rien à ramafler. On a imaginé de les iranf- porter & de les faire voyager dans d'au- tres pays où il y a encore des fleurs : alors elles reprennent le travail , elles continuent à ramaflTer , à entafler jufqu'à ce que les fleurs de ce nouveau canton foient épuifées ou flétries; & fi on les porte dans un autre qui foit encore llcuri , elles continueront de même à recueillir, à amafler : leur travail n'eft donc point une prévoyance ni une peine R iij 390 V- • Dijcours -v"^ qu'elles fe donnent dans îa vue de fâîré des provifions pour elles, c'cflau contraire un mouvement dii5lé par le fentiment, & ce mouvement dure & fe renouvelle autant & aufli long- temps qu'il exiile des objets qui y font relatifs. Je me fuis particulièrement informé des mulots, & j'ai vu quelques-uns de leurs trouîs, ils font ordinairement divifés en deux, dans l'un ils font leurs pedts, dans l'autre ils entaffcnt tout ce qui flatte leur appétit. Lorfqu'ils font eux-mêmes leurs trous , ils ne les font pas grands , & alors ils ne peuvent y placer qu'une afTez petite quantité de graines : mais lorfqu'ils trouvent fous le tronc d'un arbre un grand efpace, ils s'y logent, & ils le remplirent, autant qu'ils peuvent, de blé , de noix, de noifèttcs , de glands, félon le pays qu'ils habitent ; en forte que la provifion au lieu d'être propor- tionnée au befoin de l'animal , ne fefl au contraire qu'à la capacité du lieu. Voilà donc déjà les provifions (\è% fourmis , des mulots , des abeilles , ré- duites à des tas inutiles, difproportionnés i& ramafiçs iàns vues, voilà les petitei Jiir la nature des 'Animaux. 3 9 ï ^ ïoîx particulières dé leur prévoyance fup- pofée, ramenées à la loi réelle ôi géné- rale du fentiment ; il en fera de même de la prévoyance des oifeaux. Il n*e(l pas néceflàire de leur accorder la con« noi/Tance de l'avenir , ou de recourir à la fuppofition d'une loi particulière que le Créateur auroit établie en leur faveur, pour rendre raifon de la conftruclion de leurs nids ; ils font conduits par degrés à les faire, ils trouvent d'abord un lieu qui convient , ils s'y arrangent , ils y portent ce qui le rendra plus commode ; ce nid n*eft qu'un lieu qu'ils reconnoîtront, qu'ils habiteront fans in- convénient , & où ils féjourneront tran- quillement : i'amour eft le fentiment qui les guide & les excite à cet ouvrage , ils ont befoin mutuellement i'un de l'autre , ils le trouvent bien enfemble , ifs cherchent à fe cacher , à fe dérober au refte de l'Univers devenu pour eux plus incommode & plus dangereux que jamais ; ils s'arrêtent donc dans les endroits les plus touffus des arbres , dans les lieux les plus inaccefîlbles ou les plus obfcurs , & pour s'y fouteiiir , pour y demeurer f,' I t 59^ ' "T>lfcours d'une manîcj-e moins incommode, îîs en- ta/lent des feuilles , ils arrangent de petits matériaux, & travaîllent à l'envi à leur habitation commune : les uns moins adroits ou moins fenfuels ne font que des ouvrages groflièreirnent ébauchts, d'autres (ê contentent de ce qu'ils trou- vent tout fliit , & n'ont pas d'autre do- micile que les trous qui fc préfentent ou les pots qu'on leur offre. Toutes ces manœuvres font relatives à leur organi- faiion & dépendantes du fentiment qui ne peut , à quelque degré qu'il foit , produire le rayonnement, & encore moins donner cette prévifion intuitive , cette ' connoiflànce certaine de l'avenir , qu'on leur fuppple. On peut le prouver par des exemples fàtniliers ; non - feulement ces animaux ne fàvent pas ce qui doit arriver , mars ils ignorent même ce qui efl: arrivé. Une poule ne diftingue pas fes œufs de ceux d'un autre oifèau , elle ne voit point que les petits canards qu'elle vient de faire cclore ne lui appartiennent point, elle couve des œufs de craie , dont il ne doit rien réfulier , avec autant d'attention fur la nature Jei Ammaux. 3^3 que feç propres œufs , clic ne connoît donc ni le pafTé , ni l'avenir , & fc trompe encore fur le préfènt. Pourquoi les oifeaux (Je bade - cour ne font - ils p4S des nids comme les autres î feroit-ce parce que le mâle appartient à plufieurs femelles \ ou plutôt n*efl-c€ pas qu*étant domefli- ques, familiers & accoutumés à être à l'abri des inconvéniens & des dangers , ils n*ont aucun befoin de fe fouitraire aux yeux , inucune habitude de chercher leur fureté dans la retraite &i dans la foli- tude î cela même pourroit encore fe prouver par le fait, car dans la même efpèce, i'oKeau fuivage fait fouvent ce que Toifeau domeflique ne fxiit point j la gelinotte & la canne (àuvage font des nidi , la pDuIe Sa la canne domeHique n'en font point. Les nids des oifeaux , les cellules des mouches , les proviiions des abeilles , des fourmis , des mulots y ne fuppofènt donc aucune intelligence dans l'animal , & n'émanent pas de quel- ques loix particulièrement établies pour chaque efpèce, mais dépendent, comme toutes les autres opérations des aiiîmaux , du nombre , de ia êgure ; du inouve:: ^> 594 Difcottrs ment , de Porganifadon ôl du fentimem , cjui font les loix de la Nature , gciiéruUs éc communes à tous les êtres animes* Il N*EST pas étonnant que l'homme, qui (e connoit fi peu lui-même, qui confond fi fou vent fcs fcnfaiions & (es îde'cs , qui diflingue Ç\ peu le produit de Ton ame de celui de Ton cerveau, fe compare aux animaux , & n'admette enir'eux & lui qu'une nuance, dépen- dante d'un peu plus ou d'un i)eu moins de perfecflion dans les organes ; il n'eft pas étonnant qu'il les fafle raifonner, s'entendre & fe déterminer comme lui & qu'il leur attribue , non-feulement les qualités qu'il a , mais encore celles qui lui manquent. Mais que l'homme s'exa- mine, s'analyfe & s'approfondiflè , il re- connoîtra bientôt h noblefTe de Ton être , il fentira l'exiftence de fon ame, il cefTcra de s'avilir , & verra d'un coup d'œil la diflance infinie que l'Etre fuprême a mife entre les bêtes & lui. DIEU feul connoît le pafTé , le préfeut & l'avenir , il eft de tous les umps, & voit dans tous les temps; fur la tîatw'C des Awmmix» jp j l'homme , dont fa durée cit de fi peu d'indans , ne voit que ces iiiftans ; mais une Puifïânce vive, immortelle, com- pare ces indans , ics diftinguc , les or- donne , c'eft par Elle qu'il connoît fe présent , qu'il juge du pafTé , ceux de LETTRE que YOm Leti Syn à iV 'M. ) Lettre de MM. les Députes & Syndic de la faculté de Théologie , à M. de Buffon. M ON SIEUR, Nous avons été infirmés , par un d'entre nous de ^'otre part , que lorfque vous ûvei appris cjue V Hijtoire Naturelle t dont vous êtes auteur , était un des ouvrages qui ont été choifis par ordre de la Faculté de Théologien, pour être examinés ù' c en- fur es , comme renfirmant des principes ù* des maximes qui ne font pas corf ormes a ceux de la Rcl gion , vous lui avci déclaré que vous n'ayiei pas eu intcnlon de vous i- % in écarter , & que vous étlei difpofé à fa^ t'is faire la Faculté Jur chacun des ariicles qu'elle trouveroit répréhtnfibles dans votredit ouvrage ; nous ne pouvons , Monfieur^ donner trop d'éloges a une réfolution aujfi chrétienne , ^ pour vous mettre en état de l'exécuter, 710US vous envoyons les propofitions extraites de votre l'ivre , qui nous ont paru contraires i la croyance de l'Églife, Nous avons Flionniur d'être avec me parfaite eonfiderationt, ÂfOXSl E U R j Vos très ' humbles & très- obéi (fans fcrviteurs , Les Députés <5i Syndic (Je fa Faculté de Théo log'e de Paris, V,u la MaI:oi> i\e fa F.u-u'!c\ Je I j janvir.r 175 i. tK ^7 Fpopositions extraites d'un . ouvrage qui a pour titre , Hifloire NalLirelle , & qui ont paru réprc- lîcnfthlcs à AfM. les Députés de la Faculté de Théologie de Paris* I CE font îes eaux de la mer qui ont produit les montagnes , les vallées de la terre ce font les eaux du ciel qui ramenant tout au niveau , rendront un jour cette terre à la mer , qui s'en e nparera fuccefFi veinent , en laiCint à découvert de nouveaux contincns re;n- biahies à ceux que nous habitons. Edit, în 4." tome J , page 12^; édit, in- 12^ tome I, page i S i , IL t • • • • t « Ne peut-on pas s'imaginer. • qu'une comète tombant fur la furfuce du Soleil aura déplace cet altre , cV qu'elle en aura (eparc quelques petites parties auxquelles elle aura comm inique aij ;. . • _ _ § un mouvement d'impuïfion. ....... eit forte que les planètes aiiroient autrefois appartenu au corps du foleil , & qu'elles en auroient été déiache'es , &c. Edit» in-^," page j ^j ; in-i 2, page i p^. III. . Voyons dans quel état eÏÏes { les pla- nètes., & fur -tout la terre) fe Ibnt trouve'es après avoir été fépartes de la malle du foleil. Edit, in -jf,' page i-f^; in- 1 2 t page 208^ ï V. ^ Le foleil s'éteindra probablement. . , . f^ute de matière combuilible la terre ^.u fortir du foleil étoit donc brû- lante & dans un état de liquéf.idion. Edit, in-j^.' page i jfp i m- 1 2 , p^g^ -2/7. - y. Le mot de vérifé ne fiît naître qu*une idée vjgue.. .. di la definiiion e. le- même, prilc datis un lens général & ablolu , n'ell fju'une abllraélioa , qui n'cx'de qu'en vertu dcî quelcjue fuppoliiion. Edit, '0 in- 4-' fome I, page ;j; in-i 2 , tome 1 , jmge y6. VI. II y a pîufieurs efpèces de vérités, 5c on a coutume de mettre dans le premier ordre ies vérités muthématiques ; ce ne font cependant que des vérités de défi- nitions; ces définitions portent fur ô.g.% fuppofitions fimples , mais abflraites , & toutes îcs vérités en ce genre ne font que des conléquences compofées , mais toujours abllraiteb de ces définidons, Ibïdîtn» VII. La fîgnîfîcatton du terme de vérîtë cfl vague & compofée, il n'étoit donc pas poiiible de la définir généralemeftt ; il failoit, comme nous venons de le faire, en dilliiiguer les genres , afin de s'en former lUie idée nette. Édkion m - ^.* îc?ne I, page jj; in- 12, tome I, page 7j?. VIII. Je ne parlerai point des autres ordre? àa véiiiés , celles de la morale , par exemple, a ii; V qui font en partie réelles & en pariîc arbitraires elfes n*ont pour cibjet que des convenances & des pro- 1 abilitcs. Eà'it, in- jf.' tome I , page jj ; in- J 2 , tome I , page y^ . IX. 'jL*evidence mathcmatîquc & la ccrtr- tude phyfiqne font donc les deux feuls points fous lefqucls nous devons confi- dérer la vérité ; dès cjuVile s*éIoignera de l'un ou de l'autre , ce n'eft plus que Traifemblance & probabilité. Èdit» in.f* page j j ; in- 2 2 , page 8 o. L'exiftence de notre ame nous efl démontrée, ou plutôt nous ne faifons qu'un , cette cxiflence & nous. Edition în-^." tome II, page 4^2; in^l2) tome IV, page i j 4^ XL L'exiHence de notre corps & écs autres objets extérieurs efl douteufè pour quiconque rai Ton ne fans préjugé ; car cette étendue en longueur, largeur & profoncleur , que nous appcîorts notre corps, &. qui femble nous appartenir de fi près, qu'eft elle autre chofe, finon un rapport de nos Cens l Edlt. /w-^/ tome IJ , page -f / ^ / in- 12, tome 1 y, page j;;. XI I. Nous pouvons cro'rc qu'il y a qucî* que choie hors de nous, mais nous n*eii foin mes pas lûrs , au lieu que nous fommes aiïlirt's de l'exidence rceîîc de tout ce qui cfl en nous ; celle de notre ame efl donc certaine, & celle de notre corps paroît douteufe , des qu'on vient à penier que la matière pourroit biea n'être qu'un mode de notre ame , une de Tes façons de voir. Edition in- ^^ tome II, page 4^4; in-12, tome IV, page i^j. XIII. Elle ( notre ame ) verra d'une manière bien plus différente encore aj)rès notre mort, & tout ce «jui cau'e aujourd'hui fes fenfatiôns , la matière en général , pourroit bien ne pas plus exifler pour elî^; alors que notre propre corps, q'U \\z a iiij ni/ fera plus rîen pour nous. Édit. m-^^. ibidem ; in- 12, page i j 8. . \ XIV. L'ame. . . • . . . eft impalîîblc par fon cfTcnce. Edit. in-jf.' tome JI, page -f j c; h' 12, tome IV» page i j2, . N. RÉPONSE de M. de BufFon , à M M. les Députés & Syndic de la. f'acultc de Théologie» M ESSIEURSr Tai reçu la lettre que vous m'aveir fah l'honneur de m 'écrire , avec les propojîtions çui ont été extraites de mon livre ,■ & je vous remercie de m 'avoir mis à portée de les expliquer d'une manière qui ne laifjé aucun doute ni aucune incertitude fur la droiture- ds^ mes intentions;. & fi vous le defire-^j,. a v> j II t^ A^ijpeurs , je publierai bien volontiers , dans le premier volume de mon ouvrage qui paraîtra , les explications que j'ai Nionneur de vous fnvo^er. Je fuis avec rejpeél, JI4ES S J EU RS , Votre très-humhle éf très - obéijjhnt Jerviteur, Bu FFON. fje I 2 nurs 17^11 J y E déclare, * I ." Que je n*ai eu aucune îiveiuioa àe contredire le tcxre de i'Ecriture : que je crois très-fermement tout ce qwi y e»! rapporté fur la création, foit pour Tordre des temps, foit pour les circondancci des fiirs; & que j'abandonne ce qui, dans mon livre, regarde la tormaiion de I:i terre, & en général tout ce cjui [)o».irroi^t être contraire à la narration de Moïfe , n'ayant préfenté mon hypothcfe fur la formation des planètes c|ue comme une pure fuppofuion philofophique. 2.° Que par rapport à cet:e cxpref- fion, le mot de vérité ne fait naître qu'une iJée vague , je n'ai entendu que ce cju'oii entend dans les écoles par idée géné- rique, qui n'exifle point en f)i-mêmc, mais feulement dms les efpèces dans îefquelles e!fe a une exilicnce réei'e ; & par confcquent il y a réei'ement des vérités certaines en elles-mêmes , comme je l'explique dans l'article fuivant. 3.** Qu'outre les vérités de confc- quence & de fuppofuion , il y a ^q,% premiers principes abfolument vrais (Se a v) . : i AT/ certains Jans tous îes cas & înJe'pcn- les i\ & d.immciit (Je toutes «jiic CCS conlëqueiices déJui-cs avec tvidciue de ces principes, ne ibnt pas dea vérités arbi.raires , mais des vérités éternelles & évidcne^; n'ayant uni(|ue- meni entendu par vérités de dtfinitions Cjue les leulcs vérités maihéinatiqucs. 4.° Qu il y a de ces j)rincipC5 évidens & de ces confécjuenjes évidentes dans j)liiik'urs Iciences , & fur-tout dans la méiaphyCique & la moraie; que tels fcuit en particulier dans ki luétaph) fique l'exif- tcnce de Dieu, Tes principaux aitributs, l'exilUnce, la fpiriiiuiliié & i'iminoriaiiié tic notre ame; & dans la morale, l'obli- galion (le rendre un culte à Dieu , & à lin chacun ce qui lui e(t dû , & en coiifécjuence qu'on eil obligé d'éviter ie larcin , Thoniicide &. les autres a(5lioiis que la rai (on condamne. 5/ Que le> objets de notre foi font très- certains , fatis êire évidens; ôl que Dieu qui les a révélés , & que la raifoiî même m'apprend ne pouvoir me trom- per , m'en garantit la vérité & ia cer- liiudei que ces objets font pour moi .v/// lies v<^rjtes Ju premier ordre, foit qu'ils regircJent :e dogme, ih'n qu'ils regardent la |)r;iii(jue dans la mor.tle ; ordre de vérités dont j.ii dit ex[)rerf'cnient fjiie je ne parlerois |H>int, parce que mon fujet liw' le demanJcit pas, 6°. Que (juand j'ai dit que !es vérités de la morale n'oni pour objet & pour fin que des convenances & des proba- bilités , je n'ai jimais voulu parler des vérités réelles, telles que Ibnt non-feu- îement les préceptes de la Loi divine , mais encore ceux qui appartiennent à la L(;i naturelle; & que je n'ciiicnds par vcri:és arbitraires en fait de momie , que les loix qui dé»|jendent de la volonté des hommes , &. qui font difïércnîes dans difîérens p plus il fera facile cnfuitc de les réalifèr par rexprcfîîon. Ce plan n'eft pas encore le ffyle, mais il en efl la bafe , ii le fouticnt , il le dirige , il règle fon mouvement êi le foumet à des loix ; fans cela , le meilleur écrivain s'égare; fà plume marche fans guide , & jette à l'avcniurc des traits irréguliers & des figures dïC' cordantes. Quelque brillantes que foienit Jcs couleurs qu'il emploie, quelque* Tome V* ' ^ i> J>€autës qu'il fêmc Ans Tes déwJs ; comme l'eiifemlxle choquera , ou ne fc fera point fcniir, l'ouvrage ne fera point conltruit ; & en admirant rcfprit de 1 au- teur, on pourra fouj)Çonner qu'il manque de génie. C'ell par cette raifon que ceux qui écrivent comme ils parient, quoi- qu'ils parlent très -bien, écrivent mal; que ceux qui s'abandonnent au premier feu de leur imagination , prennent un ton qu'ils ne peuvent fou:enir ; que ceux qui craignent de perdre des pen- fées ifolées, fugitives, & qui écrivent en difîcrcns temps des morceaux déta- chés , ne les réuniflent jamais fans tran* fitions forcées; qu'en un mot, il y a tant d'ouvT'ges faits de pièces de rap-. port , & fi peu qui foicnt fondus d'un fcul jet. Cependant, tout fujet efl un, & queî-. que valle qu il fiit, il peut éire renfermé dans un feul difcours i les interruptions, les repos, les levions ne devroient être d'ufage que quai.d on traite des fujets diffrrens , ou iorfqu'ayant à parler de choies grandes, é[)îi,eules Ôc difparates, ]» marche du géuie fe trouve interroinuue pa Ira OUI lo;j en plu 1 au imp peu tiiiu niqi fucc mou i"upti P font- vrag( fur ;ama de f ua tout fa pe tiiiu vrao-c divine par fa muîilpîîcîté des oLQacîes, & con- Iraiiiie [)ur la nécclfiic cff.s circonflaiices : autrement, le grand nombre dedivilions, loin de rencJic un ouvrage plus folide, en détruit rafl'einblagc ; le Livre paroît plus clair aux yeux , mais le deiïein de l'auteur demeure obfeur; il ne peut faire imjîreifion fur refprit du Ledeur, il ne peut même fc faire l'eniir que par la cou- tinuiic du fil, par la dépendance harmo- nique des idées, par un développement fuccellif, une gradation (uutenue , ua mouvement unitbrme que touL« inter- ruption détruit ou fait languir. Pourquoi les ouvrages de la Nature font-ils fi parfaits! c'clt que chaque ou- vrage eft un tout , & qu'elle travaille fur un plan éternel dont elle ne s'écarte jamais; elle prépare en filence les germes de fes p:odudions ; elle ébauche par un ac'T^e unique la forme priiniiive de tout être vivant; elle la développe, elle la perfetlionne par un mouvement con- tinu ik dans un temps prefcrit. L'ou- vrage étonne , mais c'cll l'empreinte divine dont il poneles traits qui doit nous frapper. L'efprit humain ne peut riea i -créer, îî ne produira qu'après avoir été féconde par l'expérience & la méditation; fcs connoiflànccs font les germes" de fcs produdions : mais s'il imiie la Nature dans fa marche 6c dans (on travail , s'il s*clève par la contemplation aux vérités ies plus fublimes, s'il les réunit, s'il les enchaîne , s'il en forme un fyftème par -la réflexion , il établira fur dQs fonde- mens inébranlables , des monumens im- snortels. C'efl faute de plan, c'efl pour n'avoir pas affez réfléchi fur (on objet, qu'un homme d'efprit fe trouve embarrafTé , & ne fait par où commencer à écrire : il aperçoit à la fois un grand nombre d'idées ; comme il ne les a ni com- parées ni fubordonnées, rien ne le déter- mine à préférer les unes aux autres; il demeure donc dans la perplexité ; mais lorfqu'il fe fera fait un plan , lorfqu'une fois il aura raffemblé & mis en ordre toutes les idées effeniielles à fon fujet , il s'apercevra aifément de l'inflant auquel H doit prendre la plume , il femira le point de maturité de la produélion de Tclprit, il fera prelfé de la faire éclorej fe: ie na &. toi s'éJ COI îun^ foin a C( vien f cjue failla iumii l'épai (fue force ies pend lai/Te des po/it de r les au «ïu'oi ei fté •n; fes Lire s'il ités les par ide- im- *'. ivoîr u'ua affe , :rirc : lira le ,n de Idore 3 K n'aura même que du plaifir à écrire : fes penfées fe fuccéderont aifément , & le ftyle fera naturel & facile; la chaleur naîtra de ce piaifir , (è répandra par-tout & donnera de ia vie à chaque exprcflion ; tout s'animera de plus en plus ; te toa s*élevera , les objets prendront de h couleur ; & le fentiment fe joignant à la lumière , l'augmentera , la portera plus loin, la fera paflTer de ce que Ton dit, à ce que l'on va dire; & le il y le de«* viendra intéreflant & lumineux. ' Rien ne s'oppofe plus à la chaleur , que le defir de mettre par- tout des traits faillans ; rien n'eft plus contraire à la lumière , qui doit faire un corps & (e répandre uniformément dans un Écrit ^ que ces édncelles qu'on ne dre que par force en choquant les mots les uns contre Jes autres , & qui ne vous éblouiffent pendant quelques inftans , que pour vous îaifler enfuite dans les ténèbres. Ce font des penfées qui ne brillent que par l'op- pofinon , l'on ne préfente qu'un côté de l'objet , on met dans l'ombre toutes les autres faces ; & ordinairement ce côté iju'on choifit eft une pointe , un angle h il) fur lequel on fait jouer refpfît avec d autant plus de facilité qu'on Téloigne davantage des grandes faces Tous ieiqueltes le bon lens a coutume de confidérer les choies. ' ' ' • -'^ Rien n'eft encore plus oppoie à fa véritubie éloquence, que remploi de ces penfées fines , & la recherche de ces idées légères , déliées , lans conlilbnce, êi qui, comme la feuiiIe du métal battu, ne prennent de l'éclat q'j'en perdant de la foii iiié : aulli j^lus on metira de cet cfprii mince & brillant dans un Ecrit , moins il y aura de nerf, de lumière , de cha'eur & de liyle, à moins que cet cfprit ne loii lui-même le fond du fujet, & que l'Écrivain n'^it pas eu d*auire objet que la plaiHinierie ; alors l'art de dire de pesies chofcs devient peut-être plus difficile que l'arc den dire de grafides. * Rien neft pKis oppofé au beau na- turel, que la peine qu'on le donne pour exprimer des chofes otdinaires ou com- munes d'une manière fmgulière çu poiii- peufe ; ren ne dégrade plus l'Ecrivain. Loin de 1 admirer , on le plaim d'avoir fi vei peri tro nio par en d de ^ yxsj paffe tant de temps à faire de nouvelles combinaifons de fylLLes , pour ne dire f|uc ce que tout le monde dit. Ce dé- faut eft celui des efprits cultives , mais ilériles ; ils ont des mots en abondance , point d'idées ; ils travaillent donc fur les mots, ôc s'imaginent avoir combine des idées, parce qu'ils ont arrangé des phraies, & avoir épuré le langage quand ils l'ont corrompu en détournant les acceptions. Ces Ecrivains n'ont point de (ty!e , ou ù l'on veut , ils i\qv\ ont que l'ombre : le ftyle doit graver des penfées, ils ne favrr:* que tracer des paroles. i^ bien écrire , il faut donc pofTé- der I i-ujement fon lu jet , il faut y ré- fléchir affez pour voir clairement Tordre de les penfées , & en former une fuite , une chaîne continue , dont chaque point repréfente une idée; & lorfqu*on aura pris la plume il faudra la conduire fuccelH- vement fur ce premier trait , fans lui permettre de s'en écarter , fans l'^ippuycr trop inégalement, fans lui donner d'autre mouvement que celui qui fera déterminé par Tefpace qu'elle doit parcourir. C'eft eu cela que coiifille la fé vérité du ftyle, h m; AAAT/ c'efl auflj ce qui en fera runît^ & ce qui en réglera la rapidité , & cela feul aufîl Tuffira pour le rendre précis & fimple, égal & clair, vif & (liivi. A cette première règle diélée par le génie , fi Voix joint de la délicatefTe & du goût, du fcrupule fur le choix des expreffions, de ratreniion à ne nommer les chofcs que par les termes les plus généraux , le ityle aura de la noblefî'c. Si l'on y joint encore de la défiance pour Ton premier mouvement , du mépris pour tout ce qui n'efl que brillant, & une répugnance confiante pour l'équivoque &. la plailan- tcric , le flyle aura de la gravité, il aura inême de la majerté. Enfin ft Ton écrit comme l'on penfe, fi l'on eft convaincu de ce que Ton veut perfuader , cette jbonne foi avec foi - même , qui fait la bienféance pour les autres & la vérité du flyle , lui fera produire tout fou effet, pourvu que cette perfuafiGn inté- lieure ne fe marque pas par un enihou- fiafme trop fort , & qu'il y ait par- tout plus de candeur que de confiance, plus de railbn que de chaleur. C'cfl ainfi, Messieurs, qu'il me flyî< mc xx)c'û/ femBîoît en vous lifant que vous me parliez , que vous ni'inftruifiez : mon ame qui recueilloit avec avidité ces oracles de la (agefTe vouioit prendre i'eflTor & s'élever jufqu'à vous, vains efTo ris ! Les^ règles, difiez-vous encore, ne peuvent fuppléei au génie , s'il manque , elles- feront inutifes : bien écrire, c'eft tout- à-la- fois bien penfer, bien (èniir & bien- rendre, c'eft avoir en même temps de i'cfprit, de l'ame & du goût; le ftylc fuppofe la réunion & l'exercice de touies- les facultés intclledluelles ; les idées reules> forment le fond du flyle, l'harmonie' àcs paroles n'en eft que l'accefToire , &^ lie dépend que de la fenfibilité des or- ganes. Il fuffit d'avoir un peu d'oreille - pour éviter les diflTonances des mots,- & de l'avoir exercée , perfcdionnée pap' la ledlure des Poètes & des Orateurs,, pour que mécaniquement on foit porté à l'imitation de la- cadence poétique i& des tours oratoires. Or jamais rimiiation; n'a rien créé ; aulîi cette harmonie des mots ne fait ni le fond, ni le ton âw il y le, & fe trouve fouvent dans des Ecrits- vides d'iddes,- ■ - ■ ■ '. ■■•>> /»» a \' XXXIV ' ■< Le ton n*cft que la convenance du fly'C à la nature du fujet ; il ne doit jamais être forcé ; il naîtra naturellement du fond même de la chofe , & dépendra beaucoup du point de généralité auquel on aura porté fes penlées. Si Ton s'eil élevé aux idées les plus générales , & fi l'objet en lui - même eft grand , le ton paroîtra s'élever à la même hauteur ; & ïi en le fouienant à cetc élévation , le génie fournit afTcz pour donner à chaque objet une fone iumièie, fi l'on peut ajouter la beauté du coloris à l'énergie du deflln , il Ton peut en un mot, repréfenier chaque idée par une image vive & bien terminée , & former de chaque fuite d'idée un tableau harmonieux & mouvant, le ton fera non-leulement élevé, mais fublime. Ici, Messieurs, l'application fcroît plus que la rcge, les cxemj.les inlhui- loient mieux que les précepics ; mais comme il ne m'eft pas permis de citer les morceaux fublimes qui m'ont fi fou- vent tranfporié en liiant vos Ouvrages, je fuis contraint de me borner à cle^ ré- flexions. Les ouvrages biea écrits ieroat fai, SXXV les (euîs quî parleront à îa poftérité ; la multitude des connoinhnces , la fingu- iarité des faits , la nouveauté mêrrfe des découvenes ne font pas de fûrs garans de l'immortalité ; Ç\ les Ouvrage^ qui les con;iennent ne roulent que fur de petits objets , s'ils font écrits fans goût , fans noblefîe & fans ii,. Us périroit, p: i'.- quc les connoiliances , les faiis & les découvertes s'enlèvent aifément, le tranf* portent , & gagnent même à être mifes en œuvre par des mans plus habiles. Ces choies font hors de l'homme , le iiyle eft l'homme même : le ftyle n€ peut donc ni s'enlever , ni fe tranfj^orter, ni s'altérer : s'il eft élevé , noble, fublime, l'Auteur fera également admiré dans toui les temps ; car il n'y a que la vérité qui foit durable & même éternelle. Or un beau (lyle n'eft tel en effet que par le nombre infini de vérités qu'il préfenie. Toutes les beautés intelleduelles qui s'y trouvent , tous les rapports dont il ell compofé , font autant de véiiiés aufli utiles, & peut-être plus précieules pour l'efprit humain , (jue celles qui peuvent faire le fond du fujet. ■' ' I iexxvj ^' Le fubîîme ne peut être cpie Jans %3 graa^s rujets..La Poe fie , l'Hiftoire & ia Pfcilofophie ont toutes ie même o}>- jet , & uir très-grand objet , l'Homme & la Nature. La Philofophie décrit & dépeint ia Nature ; la Poëfie la peint & i'embellit, elle peint aufîi les hommes, elle les agrandit , elle les exagère , elle crée les Héros & les Dieux: THiftoire ne peint que l'homme , & le peint tel qu'il eft : ainfi le ton de l'hiftorien ne deviendra fublime que quand il fera le portrait des plus grands hommes, quand ii cxpofera les plus grandes allions j. les plus grands mouvemens , les plus grandes révolutions , & par- tout ailleurs H fkifïira qu'il foit majeftueux & grave. Le ton du Philofophe pourra devenir fublime toutes les fois qu'il parlera des ïoix de la Nature , des êtres en général , de l'efpace , de la matière, du mouve- ment &. du temps, de Tame, de rcfprit humain, des fentimens , des pafTions; dans le refte il fuffira qu'il foit noble & élevé. Mais le ton de TOrateur ou du Poëtc, dès que le fujet eft grand, doit toujours être fublime, parce qu'il elt le Di maître de joindre à fa grandeur du fujet autant de couleur, autant de mouvement, autant d'iliufion qu'il lui plaît ; & que devant toujours peindre & toujours agrandir les objets, il doit au(îl par-tout employer toute la force & déployer toute l'étendue de Ton génie. * s ^ ^>-' Que de grand* ubjets, MESSIEURS, frappent ici mes yeux! Et quel ftyle & quel ton faudroit - il employer pour les peindre de les repréfcmer dignement î L'élite des hommes cft afTcmblée. La: SagefTe ell à leur tête. La Gloire, aflKe. au milieu d'eux , répand fes rayons fur. chacun & les couvre tous d'un éclat toujours le même & toujours renaiffant. Des traits d'une lumière plus vive en- core panent de fa couronne immortelle, & vont fe réunir fur le front augufie du plus puiflîint traits ! Quelle majede dans toute fa perfo^ie! Que d'ame & de douceur naturelle dans (e> regards ! Il les tourne vers vous , Messieurs, & vous brillez d'un nouveau feu^ une ardeur plus xxxviî) vive vous cmbrafê ; J'entends déjà vod divins accens & les accords de vos voix , vous les réunifTez pour célébrer Tes ver- tus , pour chanter fes vidoires , pour applaudir à notre bonheur ; vous les réunifiez pour faire éclater votre zèle , exprimer votre amour, & tranfmettre à la poilérité des feniimens dignes de ce grand Roi & de lés dcfcendans. Quels concerts ! ils pénèirent mon cœur ; ils feront immortels, comme le nom de LOUIS. Dans le lointain , quelle autre fcène de grandi objets I Le génie de la France qui parie à Richelieu , & lui dide à la foiî» l'art d'éclairer les hommes & de fuiie régner les Roi>, La Juftice ik la Science qui conduilent Segu!er,*& l'élèvent de concert à la première place de leurs tribunaux. La Vidoi.e qui s'avance à grands pas, & précède le char triompha! de nos Rois, où LOUIS LE GRAND, afîjs fur des trophées , d'une main donne la paix aux Nations vaincues, ^ de l'autre raileiiible d.ns ce Palais les Mules dii- per ces. E: près de moi, MESSIEURS, quci autre objet iméreflant î La Religion • xxxtx en pTeurs , qui vient emprunter Torgine de rÉiocjuence pour e\})rimer (a dou- leur, dk lêinble m'accuier de fulpcndre trop long - temps vos regrets lur une perie i\\xt nou* devons tous rcûiniix avec cliw. Fl N du cinquième Volume» « 1. !!"' K