y/i' /| JJis j COLLECTION ACADÉMIQUE. -Ji^sliKtUJl. ^«Si TOME NEUVIÈME, PARTIE ÉTRANGÈRE. ^-3fc-^ ^ « *»* *i ri»- ^i«» iut^ COLLECTION AC A D É MI Q UE, COMPOSÉE Des Mémoires, A£lcs ou Journaux des plus célèbres Académies & Sociétés Littéraires, des Extraits des meilleurs Ouvrages Périodiques, des Traités particuliers 6c des Pièces Fugitives les plus rares, CONCERNANT L'HISTOIRE NATURELLE ET LA BOTANIQUE, L^ PHYSIQUE EXPÉRIMENTALE ET LA CHYMIE, LA MÉDECINE ET LANATOMIE; Ita rcs accendunt lumina rébus. Luc RE T. i^^-^^yjiMU.. ToMr NP:UVIÉMP. de la Partie Etrangère, contenant les Mémoires abrégés de IJAcadémie Royale de Pruflc. Par M. PAUL, Correfpondant de la Société Royale des Sdéncés'de Montpellier, Aflbcic / à l'Académie des Sciences &c Belles- Lettres de Marfeille. I K- jr^^j^. A PARIS, ' , ^ J P I DISCOURS PRÉ LIMINAIRE. A R T l C I. E I, ARTICLE PREMIER. Sur les pierres du corps humain. E Mémoire que M. Mechel a donné fur ce fujet, Joy^z les nous offre des exemples de prefque toutes les fortes ^*'^-P^- '• de pierres qui ont été obfervées dans le corps humain , en comniençant par celles du cerveau, qui font des moins connues. Il rapporte à cet égard un cas qu'il croit unique en fon genre. Il s'agit d'une pierre blanchâtre , très-légère , femblable à la pierre ponce , & dont toute la furfaceétoit hériflee de petites pointes. Elle étoit renfermée dans un fac membraneux. Celui qui la portoit avoit été fou à lier pendant plufieurs années. L'Auteur donne des conjeftures très-plaufibles fur fa formation , & croit qu'en Tome II. a „ DISCOURS ^."TTIT. irritant le cerveau par fes afpérités , elle a bouleverfë les ide'es ann. .754- du malheureux qui la logeoit. En pai-lant des pierres de l'urine, M. Meckel dit avoir trouvé plufieurs fois la vefTie & les reins des calculeux char- gés d'une extraordinaire quantité de graifle , quoique le refte du corps fi1t maigre & épuifé. 11 conjeaure de là que l'irri- tation caufée par la pierre , provoque la fécrétion de cette humeur , la rend plus abondante , & que l'amas qui en re- faite , lait l'office d'une fomentation émolliente & rélâchante fm- les parties reflerrées par le fpafme. Cette idée , ingénieufe & neuve , n'efl: peut-être pas fans fondement (■*"^. M. Meckel a vu une pierre renfermée dans un fac ovale , formé par le fond de la veffie , dont les fibres tranfverfales faifoient par leur contraction l'effet d'un fphiniCter à l'ouver- ture de ce fac (^*^. Pour faciliter l'extraftion de ces fortes de pierres enkiC- tées, il confeille des injeftions émollientes dans laveflie (t); (*) Il femble cependant qu'on poiirroit élever quelques doutes fur cela. On a vu plus d'une Ibis des vieillards extrêmement exténués , dont le méfentère &c les reins (a) Hiftoire étoient chargés d'une immenfe quantité de graillé (a). Il peut donc fe faire qu'il en de l'AcaJ. roy. fût de même des calculeux de M. Meckel , fans que cela dépendît de la préfcnce des des Sciences pierres contenues dans les reins ou dans la veffie ; & quant à l'effet médicamenteux »nn^e 1731. Je jgt[g graille pour adoucir les douleurs produites par l'irritation , rien n'empêche- pag. 18. qu'on ne l'admette comme réel , pourvu néanmoins que l'inflammation ne fe mette pas de la partie , auquel cas l'acrimonie communiquée à la graiffe par la chaleur ia- flammatoire , la rendroit plus capable de nuire que de fervir. («*) Plufieurs Auteurs , entr'autres M. Sarps (i>) ont obfervé la même chofe. Ce refferrement ou retrécilfement de la veffie qui la paitage comme en deux facs , dé- (c) Mém. de pend , félon M. le Dran (c) , de la tenfion des fibres aponévrotiques qui vont de l'in- l'Acad. roy. fertion d'un des uretères à l'autre ; 8c cet accident a lieu , félon cet Auteur , dans de Chir.mV- la plupart des veffies qui ont long-tems fouffert de la préfence Si des pierres. ton, 1. p. 417. ^^^ j^gj injeftions ont très- bien réuffi à M. le Dran dans un cas 011 la pierre arrê- tée à l'entrée de l'uréiere dans la veffie , ne put être tirée avec les tennetes. Outre le peu de faillie qu'elle faifoit dans la veffie, l'efpèce de ligament tranfverfal, dont nous venons de parler, formoit encore un obrtacle à fon extraflion. Les injeftions conti- nuées pendant plus d'un mois , conjointement avec la fuppuration de la petite loge qui contenoit la pierre , en produifîrent enfin le dcgagemeai , &i on la retira avec {i) Ihii. pag. ^^ pincettes C)- 41 t-4lS* {h) Recherches critiques fur l'état préfent de la Chif, pag. l554. '285. ds la traducliccA franc, in-ll. Paris. 175». PRÉLIMINAIRE. m & du refte , il prétend que le haut appareil eft la feule mé-ART.cLE i. thode de tailler par laquelle on puifTe parvenir à ces pierres , ■"""" '''■*■ di en de'livrcr les malades C'*'J. Mais pourroit-on Te flatter du même fuccès , quand la pierre eft véritablement en. kiftce ? M. G:te:in employa inutilement les injeftions émoUientes ; il eft vrai qu'elles ne purent être long-tems continuées , fon malade n'ayant iurvêcu que huit jours à l'opération. On trouva dans le cadavre ij pierres renfermées chacune dans une cellule particulière , outre deux lambeaux d'excroilTances de chair fongueule (a). M. Uouflet ,^s. mj^ croit que les cellules en queition font prefque toujours la fuite des retentions d'urine , pag. 401. 8c qu'elles peuvent être regardées comme des hernies de la membrane interne de la veifie , qui dans fa dilatation a permis le déplacement des libres charnues (i). n\ /j^-^, Lorfqu'on croit s'être alTuré par la fonde , ou autrement , de l'exiftence d'une pierre enkiftée , ne feroit il pas mieux de recourir aux injeftions avant l'opération , &c de n'en venir à celle-ci que lorfqu'on croiroit avoir fuffifamment ramolli l'orifice du kifte ? Les tentatives qu'on feroit enfuite pour extraire la pierre feroient moins douloureufes , 6c l'on ne feroit pas obligé de laiifer auffi long-tems la velïïe ouverte , expofée à l'ac- tion de l'air , dont l'impreflion peut être dangereufe fur un organe qui n'y eft point accoutumé. L'huile de lin , dont M. de Haen (c) s'eft fervi en injeftion avec beaucoup de fuccès , concurremment avec l'uva urjî , Se l'opium , pour adoucir les cruelles dou- leurs des calculeux , eft peut-être ce qu'on pourroit injeder de meilleur dans lavef- fie dans le cas dont il s'agit. Mais les injeftions , avant & après l'opération , ne ferviroient de rien lorfque la pierre eft enfermée de toute part dans l'épallfeur des membranes de la velfie , comme i'étoit une pierre dont fait mention M. Èlter , voyez ci-après l'Article XX. Si malgré les injedions , la pierre n'obéit pas à la teneite, le feul parti qu'il y ait à prendre , eft d'aggrandir l'orifice du fac avec le doigt , s'il peut y atteindre , Se (i cela ne fufSt pas , de le dilater avec la pointe ou le tranchant du biftouri , à la faveur du doigt qui guide l'inftrument. Par ce procédé M. de Garangeot réuffit à extraire une pierre enkiftée du poids de 16 gros (» la commune patrie de la divinité de ce nom & de notre » métal , celui-ci ayant été tiré pour la première fois des il entrailles de la terre de cette Ifle , dans le tems que la iî DéeiTe des Amours fortit du fein des ondes qui l'environ- ii nent. >» Ceci ne fe trouve fans doute dans le Mémoire de M. EU 1er qu'à titre d'ornement , ôi. l'on fait alTez que l'éloquence feule ne prouve rien. 5°. » Les Romains , & avant eux les Grecs , lorfqu'ils- 5> vouloient immortalifer la mémoire de quelques Héros qui » avoient rendu des fervices éclatans à la patrie , confioient 3» la relTemblance de ces grands hommes à ce métal , que î» nous voyons braver la corruption depuis tant de fîécles. » Les Grecs ôc les Romains faifoient très-bien d'élever des ftatues en bronze à ceux de leurs grands hommes , qui par d'importans fervices , s'étoient rendus l'objet de la reconnoif- fance publique , & nous ferions nous-mêmes très-bien de les imiter en ce point, pour exciter aux grandes avions (■*"). 4^. » Ce n'eft pas tout : l'Hiftoire fainte nous apprend que îi Dieu , donnant fes ordres à Moïfe , fur la manière dont il " devoit conftruire le Tabernacle d'afîignation , l'Arche de- » l'alliance & l'Autel des Holocauftes , commanda très-ex- » preflement que toutes les uftenlîles de cet Autel fuflent " d'airain ou de cuivre ; or il n'eft pas permis de croire que « la divine Sagefle eût choilî pour fon fervice un métal qui ( * ) 0.:t honneur ferolt dû , par exemple , à M. le Baron ie Schœffer, Sénateur & Miniftre d'Etat en Suéde , qui a eu la plus grande part à la proTcription du cuivre dans ce Royaume ; on lui a addrefle à ce fujet une pièce de vers , parmi lefquels il y en de fort bons , tels que ceux- ci : Le héros de la politique , l'ejl auffi de l'humanité ; Stûikolm youi doit une Statue ,.:..... Dh métal dont vous triomphsi. PRÉLIMINAIRE. vri mlÉilm A K T 1 C L fi 11. « aurolt caché dans fon fein un poifon li redoutable , Aaron y> & Tes fils devant manger la chair du bélier de confëcration , A«h!''i7j4. >» auiïi-bien que le refte des gâteaux cuits & pre'parés dans 11 ces fortes de vaiffeaux. » Cet argument préfente d'abord quelque chofe d'impofant: il eft cependant très-facile d'y répondre , en difant que Dieu en prefcrivant aux Juifs l'ufage des uftenliles de cuivre pour les cérémonies de la Religion , ordonne en même tems , par la bouche de Moïfe , qu'on aura foin de tenir ces vafes facrés dans la plus grande propreté , ce qui étoit , fans doute , très- religieufement obfervé , lî l'on y eût manqué , la tranfgref» lion de la loi eût porté avec elle fon châtiment. Mais comme la Religion ne prefcrit rien chez nous fur ce fujet , que la police générale même ne s'en eft point encore occupée dans aucun païs de l'Europe , lî l'on en excepte la Suéde , on y eft beaucoup moins en garde contre le danger de la vaiflelle de cuivre ; & c'eft ce qui a fait que tant de gens de Lettres , dont le zèle mérite des éloges , ont élevé la voix depuis queU ques années , pour prémunir le public contre ce danger. 5°. >» Ajoutons à tout cela que les Médecins les plus ver-. n fés dans la Chimie n'ont jamais pu découvrir rien de véni-. » meux dans le cuivre , bien purifié de tout corps étranger. >» A la bonne heure ; mais le verd-de-gris leur a-t-il paru aufli innocent ? Ne le regardent-ils pas tous comme un poi- fon , ou , pour ne pas chicaner fur les termes , comme une matière très-dangereufe ? Or , c'eft du verd-de-gris principa-» lement que nous avons à nous défendre. 6°. )» Plufieurs , tels qu A rétée ^ Vanhelmont ^ Boyle , Boer'>. » hâve , &c. y ont cherché des remèdes. » Cela ne prouve rien encore : on fait que les Médecins ont cherché des remèdes dans la clafTe des poifons les plus vio-. lens , & généralement reconnus pour tels , témoin la ciguë & le fublimé corrofif , &c. dont les Médecins de TEcole de .Vienne fe fervent depuis quelques années > & dont on s'çft VIII DISCOURS fervi aufTi , à leur exemple , dans le refte de l'Europe , contre deux des plus grands fle'aux qui affligent riiumanité (*). Les Médecins qui le dévouent à ces fortes de recherches , & qui commencent, comme l'illuftre Storch C'*'^) , par faire fur eux-mêmes , l'eflCii des poifons qu'ils voudroient convertir en remèdes dos maladies dont la Médecine n'a pu triompher en- core , montrent un courage héroïque , qui ne peut être affez loué ; mais la prudence avec laquelle ils fe conduifent dans de pareils effais , & auprès des malades qui recueillent le fruit de leur zèle & de leurs travaux , a-t-elle aucun rapport avec le danger auquel on s'expofe , en avalant au hazard & à dofe indéterminée , du verd-de-gris dans un mets préparé par un cuilinier négligent ou mal intentionné ? On fent bien qu'en- tre ces chofes il n'y a point de parité. 7°. n D'ailleurs le Dofteur ÎVilliam-Henry , dans fa def- î» cription des mines ou fources de cuivre du Comté de il Wicklow en Irlande , nous apprend que les ouvriers de ces >i fources de cuivre , & beaucoup d'autres gens , boivent fré- » quemment de cette eau fans en éprouver aucune fuite fâ- >» cheufe ; qu'elle eft même fpécilique pour différentes mala- » dies , particulièrement pour toutes les éruptions à la peau. 31 Or , on remarque que cette eau contient à-peu-près une r> dragme de cuivre bien dépuré par livre. » Ce n'eft point le Doûeur William-Henri qui dit cela , mais le Dofteur Bond ; & ce Médecin ajoute , ce que M. Eller ne dit pas , que cette eau , qui , de l'aveu du Dofteur IFil- liam {a) , efi: fi corrofîve que les poilTons n'y fauroient vivre , Q>) ih'ti. purge avec violence par le vomiffement (i) , que la force du pag- Î2S- tempérament & finfenfibilité des nerfs des ouvriers qui tra- (*) I.a vérole &c le cancer. {'*) longtems avant M. Siorct , IVfe/cfiior Fn'ciriuj , Médecin d'UIme, avoir donné un traité ex profeffo fur l'ufage qu'on peut faire des poifons en Médecine , fous ce ti. tre : Traclatiu de tirtute venenorum meiicâ , avec Cette Kpigrapiie : Non timide , nec temerè. M. Philip , Médecin de la Faculté de Paris , a fait inférer un extrait de cet ouvrage dans le Journal de Médecine de Juillet 176;. - (a) Mil. d'HiJi. Nat. par M. Allcon du Lac , tom. JII, p. iij, vaillent PRELIMINAIRE. ix vaillent à ces mines , les rendent capables d'en fupporter l'ac- arti'. tion , mais qu'il n'a jamais ofé la donner intérieurement , & a.sn.'Î;;^. qu'il ne croit pas qu'on doive le faire , la Médecine ayant des purgatifs & des vomitifs plus innocens (a) ("^J. ^^-^ j^.^^ Obfervons de plus , que le cuivre fe trouve dans les eaux ?• ^^6. de IVicklow fous la forme de vitriol , & fans avoir fouf- fert d'altération , étant lîmplement combiné avec l'acide vi- triolique (^h) , au lieu que le \'erd-de-gris efi: du cuivre en {i) ita, partie décompofé , & privé d'une portion de fon phlogifti- que {c) , ce qui peut mettre de la différence dans les effets (c) Dift. de de ces deux fubftances fur le corps humain. D'ailleurs , de Chimie , t. ce que des hommes durs & robufles fe purgeroient fans ■^''^•^'•^* inconvénient , lorfqu'ils croiroient en avoir befoin , avec une difFolution de vitriol dans l'eau ( car les eaux de IVicklow , ne font pas autre chofe ) , s'enfuit-il qu'on ne rifque pas infi- niment à prendre du verd-de-gris fans préparation , & à dofe indéterminée ? Qui oferoit avaler une dragme de verd-de-gris di/Toute dans une livre d'eau ? 8°. » On fait , & chacun pourra facilement s'en afllirer par il lui-même , que généralement tous les métaux , pris dans leur » état naturel & fans altération , n'impriment aucun goût re- 3» marquable à la langue , même quand on les a réduits en pou- >' dre impalpable ; ce qui prouve que la falive n'en peut rien 3> diffoudre , non plus que les autres liquides de notre corps , î> Il on en excepte les acides , dont l'eftomac de quelques per- »' fonnes efl fouvent furchargé. » On a des preuves bien précifes du contraire ; lorfqu'on frotte feulement le cuivre , il donne une odeur défagréable & nau- (*) M. Hettlinger , Chirurgien aux mines de cuivre de la vallée de Baygorri en bafle Navarre , dit que deux mineurs qui , preflës par la Ibif , burent de l'eau de ia mine , toujours chargée de parties cuivreufes , en eurent de cruelles douleurs de ven- tre , l'un avec vomirtcment &c ténefme , l'autre avec des convullions. Un grand verre d'huile d'olive calma les fymptômes. I,e lendemain ils furent purgés (d). N'eft-ce (j) Journ»! pas-là le traitement des poifons corroCfs .' Le témoignage de M. Heitlinger cft ici de Méd. tom. d'autant moins fufpeft , qu'il attede que les mineurs confiés à fes Ibins , ne font fu- XVIII. p. 38. jets d'ailleurs à aucune maladie dont on puilie accufer le cuivre. 39» Tome II. b X DISCOURS féabonde , qui annonce fes mauvaifes qualités. Nous 11- AnnÎ'iVh- ^o>is ^^ P^^^^ *-^^"''S ^^ Journal de Médecine (a), qu'un ouvrier , . T g'^g'^^ '■^"'^ colique métallique pour avoir tenu pendant quel- XIX. p. 140." que tems dans la bouche des caraftères d'Imprimerie , où il entre du cuivre. La falive eil donc capable de diffoudre quel- que chofe des métaux , quoiqu'inaltérés ; pourquoi n'en feroit- il pas de même des autres fucs digeftiîs , indépendamment même de tout acide dans les premières voies ? D'ailleurs c'efi: le verd-de-gris , je le répète , qui plus que le cuivre , rend dangereux les vaiffeaux de ce métal. 9°. n II n'y a donc que les métaux diffous & réduits en il forme faline ou vitriolique , qui puiffent fe mêler avec nos >i liqueurs. » Qu'importe que le verd-de-gris fe mêle ou non avec nos liqueurs , s'il eit capable de faire des impreflions funeftes fur l'eftomac & les inteilins , comme tous les autres poifons cor- rolifs , qui , en crifpant les orifices des vaiffeaux , fe ferment, peut-être , à eux-mêmes , en partie , le paffage des liqueurs , mais n'en donnent pas moins la mort pour cela , lorfque les perfonnes empoifonnées ne font pas fecourues affez tôt , ou affez efficacement. 10°. » Perfonne n'ignore fufage sûr, & prefque toujours 5» falutairç du vif-argent dans plulieurs maladies ; une dofe ex- 5> ceflîve de mercure , telle que de huit à douze onces , qu'on 5! fait avaler dans la pajfion iliaque ou 'miferere , n'a pas même » été trouvée nuifîble. » On a cependant des exemples que le mercure ainfi pris en maffe , & en grande quantité , a produit des falivations très- (6) Ency- abondantes fbj, & même , félon quelques-uns, des paralyfîes. D.°376."''^' i^°- " ^^ s'enfuit de ce qui précède qu'un métal qui n'efl: n pas diffous dans l'un des acides minéraux , mais par un dif- )< folvant d'une autre efpèce , n'acquiert pas une qualité ve- >■> nimeufe proprement dite ; il devient feulement plus ou » moins âpre , dégoûtant , nuilible même à trop grande dofe. » PRELIMINAIRE. xi C'eft un grand aveu que fait ici notre Auteur ; le cuivre dit a r tTTTë fous par l'air , l'eau , le vinaigre ou tel autre acide , végétal an»! l ou animal quelconque , peut donc devenir nuifible ; trop d'ex- périences de perfonnes empoifonnées par le verd-de-gris , prouvent qu'il peut le devenir jufqu'à donner la mort. Qu'eft- ce donc qu'une qualité venimeufe proprement dite , li cela n'en mérite pas le nom ? I z°. 1» Les brafleurs de bierre , & les diftillateurs d'eau- » de-vie , fe font toujours fervis d'alembics & de chaudières }■> de cuivre , fans qu'on fe foit jamais apperçu d'aucune mau- » vaife qualité imprimée parce métal ("^)î aux boilîons pré- r> rées dans ces vaiffeaux depuis tant de lîécles. >» Mais quelle preuve a-t-on de cela ? bien des gens peut-être font morts empoifonnés par les braffeurs de bierre , ainii que par les marchands de vin y fans s'en douter : on ne foupçonne pas une caufe de mort à laquelle on ne penfe pas , Ôi. qu'on n'a jamais fufpeûée. 13^. » Les Apothicaires fe fervirent toujours aufli de chau- ii drons & de cafferoles de cuivre , pour y préparer leurs pti- « fanes , leurs décodions , leurs extraits ; & quoique ces der- }■> niers exigent plulieurs heures pour acquérir la confiftance »» qui les rend propres à être confervés , les Médecins n'ont » jamais obfervé de mauvais effets des remèdes qu'on prépare » journellement de cette façon. » C'eft que les Apothicaires ont fans doute grande attention de tenir très-propres les vaiffeaux de cuivre dans lefquels ils préparent les médicamens , & que lî quelqu'un d'entr'eux, par une criminelle négligence , fe relâchoit fur un article de cette importance , il n'auroit garde d'en faire confidence au Méde- cin , qui ne préfumant rien de pareil , feroit réduit à des dou- tes. Et combien de fois ne les a-t-on pas eu ces doutes , peut- (*) M. Ami, l'invemeur des fontaines filtrantes , approuvées par l'Académie Royale des Sciences, eft fort éloigné d'en convenir ; ce qu'il dit à ce fujet eft capable de «légoiuer à jamais de la bierre. Année littéraire , 1757. tom. VI. pag. 201. b ij xii DISCOURS akt I c fÊ être mallieureufement trop bien fondés ? Il n'y a pas long- A.s.vV 17JH. tci'iis y quun Médecin du premier mérite , ayant ordonné un léger purgatif à un malade ,qui entroit en conv«lefcence, à la fuite d'une grande maladie , le malade mourut dans l'opéra- tion du remède (^). Or, dans un cas pareil, ne peut-on pas foupçonner , avec quelque fondement , que le purgatif pré- paré dans une cafferole de cuivre , peut-être alTez mal pro- pice, ÔC y ayant fait quelque féjour , avoit pris du verd- de-gris , ce qui auroit pu produire la funefte cataftrophe dont nous venons de parler ? Nous ne donnons ceci afllirément que pour une limple conjefture. Nous favons qu'il faut des preuves évidentes pour accufer quelqu'un d'un crime ; car c'en feroit un que cette négligence , dans un homme chargé par l'autorité publique , d'une fonction aufli facrée , que celle de préparer aux citoyens , les fecours dont ils ont befoin dans leurs maladies. Mais ce qui n'eft pas douteux, c'eft que le verd-de-gris eft un poifon , & qu'il peut fe trouver des in- dolens , des }^Tognes, & pis que tout cela, dans tous les états : aufïï plulieurs Auteurs font-ils d'avis qu'on profcrive le cuivre de la Pharmacie {a) , où il doit être encore plus dangereux que dans nos cuilînes , puifque ce font les mala- des qui en relîentent les mauvais effets. Telles font les raifons générales que M. Eller emploie en faveur du cuivre. Quoiqu'elles ne lui aient laiffé aucun doute , il a voulu faire lui-même le cuifinier , & examiner , enfuite , en Chimifte, le produit de fes opérations. La plupart de ces épreuves ont été favorables à M. Eller i mais fans infirmer cependant le moins du monde la théier que nous foutenons. En effet, obfervons d'abord que M. Eller a fait choix pour fes expériences de deux chaudrons de cuivre neufs , qui vraifemblablement étoient bien étamés , (*) L'ouverture du cadavre montra des vertiges d'inflamination Se de gangrené dans l'eftomac & les inteftins, & rien qui eût trait à la première maladie. (a) Voyez dans l'Encyclopédie l'ariicie cuivre , 8i l'excellente tbéle de M. ThyeriM les dangers de la vaiffelle de ce métal, PRÉLIMINAIRE. Xlll quoiqu'il n'en dife rien ; car s'ils ne l'avoient point été , il ÂTTTrïf n'ell pas à préfumer qu'il eût tû cette circonftance , qui eût avU'i-h^, donné encore un nouveau poids à fon opinion. Or , fouvent on fe néglige fur l'étamage , ce qui expofe immédiatement le cuivre à l'attion des diflblvans , ëc engendre le verd-de-gris. En outre > M. Elkr avoue , qu'avant même l'évaporation, ' l'efprit de fel ammoniac verfé en petite quantité fur fes bouillons , manifeftoit déjà par le changement de la couleur les atomes du cuivre ; que 4 onces de fel commun qu'il fit bouillir avec 5 livres d'eau bien dépurée dans un chaudron de cuivre rouge , en détachèrent 20 grains d'une efpèce de verd-de-gris. L'extrait des cendres de 5 livres de vin blanc de France , cuit dans le chaudron de cuivre rouge , donna après l'évaporation du diflblvant ( l'efprit de fel ammoniac ) 21 grains de verd-de-gris pâle. Tous les autres eflais de l'Auteur faits avec de la viande , du poifTon , de la bierre , du lait , du cafFé , différentes matières végétales , chargées d'un fel volatil , approchant de la nature alcaline , tels que les oignons , l'ail , les raiforts &c. ne lui donerent aucun in^ dice de cuivre. Mais le fuccès de ces expériences fût-il in- variable , il n'en feroit pas moins vrai , que généralement parlant , il y a du danger à fe fervir de la vaiflèlle de cuivre : cela réfulte même des aveux aufquels M. Eller s'efl trouvé forcé en finiiïant : car il ert obligé de convenir , que li l'on mêle à de la viande ou à des légumes , pendant la coftion, du vin, du vinaigre, du jus de citron, ces acides diflbudront le cuivre , & que les mets préparés de cette manière con- damnable , ou qu'on aiu-a gardés pendant quelque tems dans des vaifleaux de ce métal , pourront devenir nuifibles à la fanté , caufer des angoifles , des vomiflemens & autres ac- cidens fâcheux. Il feront alors , dit M. Eller , l'effet d'un émetique , plus ou moins violent , félon la quantité du verd- de-gris détachée du cuivre , mais jamais celui des poifona eu des venins , proprement dits. XIV DISCOURS TTfff^ M. Eller n'explique nulle part ce qu'il entend par uti ve- ' '• nia ou par un poifon. Quant à nous , nous nous croyons bien fondés à regarder comme telle une fubftance capable des effets que notre Auteur met ici fur le compte du verd- de-gris ; & tout émétique violent , le tartre , par exemple , ne feroit il pas un véritable poifon , ii on le donnoit à trop forte dofe , & fans difcernement de cas & de circonftances ? M. Eller auroit , dit-il , fouhaité que les Auteurs qui fe font fi fort déchaînés contre l'ufage de la vaiffelle de cui- vre , eulTent pris la peine d'en démontrer les dangers par des expériences folides. Mais on peut lui répondre qu'il n'efl: nullement befoin de recourir à des expériences pour établir que le cuivre effc extrêmement fufceptible du verd-de-gris , puifque fexpé- rience journalière nous met cet effet fous les yeux ; & que des exemples fins nombre , ne permettent pas de douter que le même verd-de-gris ne foit une matière très-dangereufe , quelque nom qu'on veuille lui donner , celui de poifon , ou d'émétique. Que refte-t-il donc a conclurre de là , fî ce n'efl que dans l'impolTibilité de prévenir entièrement de pareils malheurs , nous ferions fageraent d'imiter la Suéde , qui , quoique plus intéreffée que nous à favorifer le commerce du cuivre, a fait généreufement le facrifice de cet intérêt, à la fureté publique. Avant & après M. Eller , plufieurs Auteurs ont exercé leur plume fur la queftion de la vailTelle de cuivre. Mais pour ne pas donner trop d'étendue à cet article , je ne par- lerai que de M. de Bordeu. Celui-ci dans les grandes & fa- vantes recherches qu'il a faites fur le cuivre , appuyé en- core plus que M. Eller fur l'ufage qu'on en faifoit pour le (a) Voyez fervice de l'Autel dans l'ancienne Loi ; mais , fi je ne me médecine t! trompe , avec aufll peu de fondement (a); nous ne pouvons XIX. Aoiit le fuivre dans tous les détails où il s'engage à cet égard. PRELIMINAIRE. xv L'érudition qu'il étale avec une forte de profuiion , nous pa-nRTi cCÎ roît très-eftimable dans un homme connu, d'ailleurs, par des ^„„, ,_j^, ouvrages pleins de génie & des vues les plus élevées. Ce- pendant il nous femble que fa logique n'efl pas exaûe dans l'examen de la queftion qui nous occupe. Voici ce que M. de Bordai dit de plus fort. » Moyfe n'ayant point fait contre » le cuivre une loi rigoureufe qui en interdît l'ufage domeftique, V peut-il y avoir des légiflateurs modernes qui doivent aller ji plus loin? 11 ne s'agit point ici d'un fait limplement eu- j» rieux & de théorie , fur lequel le divin légiflateur ne daignât 5» pas s'expliquer : il eft queftion de préferver les hommes >» d'une forte de poifon journalier : Moyfe leur dit : tenez » vos vaiffeaux de cuivre propres , & vous n'avez rien à n craindre. Il n'y a donc rien à craindre en effet , en pre- >! nant avec attention les précautions convenables. Si ces pré~ il cautions n'avoient point fuffi , Moyfe eût expofé le peuple il de Dieu , lui qui étoit entré dans les plus grands détails j» fur ce qui pouvoit regarder les alimens & tout le refte » (a). {a)nii.p^ Ces précautions peuvent fuffire , je l'avoue ; mais peut- '48. 149» on fe flatter qu'on les prendra toujours ? Chez les Juifs un avertifTement auflî refpeftable que celui de leur divin lé- giflateur , a dû naturellement faire beaucoup d'imprefllon flir les efprits , & les tenir en garde contre les dangers du cuivre. Cet avertiflement avoit , pour ainiî dire , force de loi; mais cette efpèce de loi, pafTée du lanûuaire dans les ménages , fuivant M. de Bordeu (h) , ne fauroit être obli- (A) /è,jf. gatoire pour nous. Le peuple, c'eft-à-dire les trois quarts dc^" '48» demi des hommes ignore lî Moyfe l'a jamais portée. La Loi de grâce , qui a fait difparoître toutes les cérémonies de l'an- cienne Loi, n'ordonne rien fur cet article. L'avertiflTement de tenir fa vaiflelle de cuivre propre ne peut donc être chez nous un précepte de religion , mais innplement une affaire de police ; & nous perliftons à croire, qu'on ne peut remédier totalement au mal , qu'en profcrivant abfolumeat les ulîen-L XVI DISCOURS XT^'c L E files de ce métal. Ce feroit bien peu connoître la ftupide ANN!'r'754- f'^^^'^ii'ite du peuple & l'indolente moUelle des grands , de penfer qu'il fufïïfe de les avertir du danger , & de leur indiquer les moyens de le pre'venir. » Ces précautions étoient fuffifantes aux Ifraelites : elles VI peuvent & doivent l'être pour nous , d'autant plus que nous }» avons la reflburce de l'e'tamage , dont l'Ecriture ne parle 3» point , & qui , s'il peut être utile & néceffaire à notre >' négligence , à notre moUeffe , à notre inquiétude & à notre j» minutieufe poltronerie , étoit fuperflu pour un peuple aufll j» appliqué , auffi foigneux & aufli fcrupuleux obfervateur 3» des rits & coutumes , que l'étoit le peuple Juif, tant qu'il n fuivoit exaftement les loix qui lui avoient été impo- jjo. A la bonne heure ; mais ces loix furent fouvent tranf- greflees. Combien de fois ce miférable peuple , en faveur de qui Dieu avoit opéré tant de merveilles , ne prévarica-t-il pas , au point d'adorer des Dieux étrangers ? Sans doute un Peuple qui oublioit fon Dieu , n'obfervoit pas fort reli- gieufement les rites de la loi, & alors, il étoit néceflairement expofé à tous les dangers du verd-de-gris , d'autant mieux qu'il ne paroît pas par l'Ecriture , fuivant la remarque de M. de Bordeu , qu'il ait eu la reflburce de l'étamage. Ce préfervatif lui étoit inutile , tant qu'il obfervoit fcrupu- leufement la Loi , & lorfqu'il la violoit , Dieu vouloit , fans doute , comme je l'ai déjà dit , que la tranfgreflion portât avec elle fon châtiment. Mais l'étamage inutile aux Juifs , fidèles à la Loi, n'eft pas encore fuffifant pour nous , 1°. parce qu'il eft rarement aflez bienfait pour recouvrir exaftement le cuivre ; 2°. parce qu'on n'a pas foin de le faire renouveller aulTi fouvent qu'il feroit néceflaire ; & (i) Voyez 5°. parce que le plomb & l'étain qui en fourniflent la ma- année 1747. ^-j^j-e , ne font pas eux-mêmes des métaux fort fains (b), XXI. M. de Bordeu nous donne de très-bons confeils pour nous garantir PRELIMINAIRE. xvii garantir des mauvais effets du cuivre. Refte feulement à fa- a» tic le voir ii Ton peut fe flatter qu'ils feront exaftement & gêné- ans. iVm. ralement fuivis. 11 veut , avec raifon , qu'on ne confie point imprudemment fa vaiflelle à des valets étourdis & fans ex- périence (a) , & que la maîtreffe du logis ait elle-même les („) uhi yeux fur ce qui fe fait dans la cuiline. Il en efl: peu , dit-il j/'f" p. 153, qui foient aufîi grandes Dames que les Sara & les Rebecca qui mettoient la main à tout dans leurs ménages (y). » Prenez C'') ^^''^^ ji garde fur-tout , continue-t-il , à ces pratiques funeftes qui'"''' '^'^' » ont pris naiflance dans ces cuifines livrées aux efclaves , 11 ou régne avec l'orgeuilleux attirail du luxe , un favoir ^^> perfide & rafiné (^cj. S'il arrive à votre cuifinière de s'ap- ^'^ ^'"^' }i percevoir qu'il s'eft glilié du goût de cuivre ou du verd- ii de-gris dans fes fauces , elle n'ira point mafquer le cuivre , 31 dont les alimens font mêlés, avec des drogues particulières 3» qui peuvent tromper votre goût , mais qui rifquent de ^'^ ^^'^• j» nuire à votre eftomac (ci) ". ''^^" '^^' M. de Bordeu connoît trop le monde , pour n'être pas perfuadé que nos Dames du bel air , ne fe réfoudront jamais à defcendre dans leurs cuifines, pour voir ce qui s'y paffe ('^■). Ce fera , fi l'on veut , un des cent millions des maux que le luxe nous a fait ; mais quoi ! parce que nous fommes em- poifonnés par le luxe , faut-il l'être encore par le verd-de-gris ? 3» On ne fait pas encore , dit M. de Bordeu , un moyen na- 31 tiirel de corriger le verd-de-gris répandu dans une fauce ; 31 peut-être l'apprendra-t-on un jour , & fans doute il efl: plus 33 court de s'appliquer à chercher ce moyen , qui ne doit ■>•> fervir que très-rarement , que de renoncer abfolument -3 aux vaiiTeaux de cuivre , qui font d'un ufage fi fréquent & n fi commode. La fcience fera-t-elle donc perpétuellement (*) Si l'on s'avifoit de parier à ces Dames de Sara fc de Rebecca , elles crot. roient qu'on leur parle hébreu. Les mœurs du i8=. fiècle , ne font pas celles des premiers âges ; j'avoue que cet:e différence n'cft pas à notre avantage ; mais qu'y faire i il faut fe conformer au tems. Tome II. c (a) Ibid. XVIII DISCOURS » bornée à nous faire appercevoir, & à nous groflîr les dangers » (û) ? Je doute que ce raifonnement paroiïTe bien folide. N'eft-il pas plus court , comme plus fage , de renoncer à un poifon » lorfqu il eft connu, que de chercher à le corriger ? A la bonne heure qu'on s'applique à convertir les poifons en remèdes » pour dompter ceux de nos maux qui rëliftent encore à la médecine ; mais vouloir les convertir en alimens , eft un art trop dangereux , qu'il faut abandonner à ces cuilines où régne avec le luxe un favoir perfide & rafiné , comme dit fi bien M. de Bordeu , s'il eft abfolument impofîîble de l'en bannir. ih) nu. ^ ^g Bordeu blâme les enfans à'Heli {h) de ce qu'ils ne ^* '^^' ' vouloient pas recevoir les viandes cuites de la main de ceux qui les offroient en facrifice , mais feulement crues , pour les faire cuire eux-mêmes , à leur manière. Ces jeunes gens, dit- il , commençoient à philofopher , & à fe gâter. Voilà une étrange preuve de corruption philofophique qu'apporte ici M. de Bordeu (J^ ) 1 humainement parlant , ces jeunes gens avoicnt-ils tort de ne vouloir pas recevoir , de toutes mains , des viandes préparées dans des vaifleaux de cuivre , & qui pis eft, dans des vaiffeaux de cuivre non étamés ? Nous préfumons, qu'en pareil cas , M. de Bordeu imiteroit leur prudence. M. de Bordeu pourfuit fur l'hiftoire profane les mêmes reclierches {c) qu'il a faites fur l'hiftoire fainte , relativement (0 Voyez à fufage du cuivre , & trouve que cet ufage a été commun «s'^r'ediw- à tous les peuples. Mais il ne s'enfuit rien de là, fmon que la chesdans le commodité dont eft ce métal, pour la batterie de cuiiine, a Mé'decine''^t ^^^"^ pafler dans tous les tems, fur les inconvéniens qui en font xxiii.ybie! inféparables. En effet , fi la vaiiTelIe de cuivre eft dangereufe , 1765. pjg. comme on ne peut en douter , ce n'eft pas la juftifier de dire (*) L'éloquent Rouffcau , qui a tant cric contre l'abus des lumières & de l'ef. prit, ou, fi l'on veut, contre la corruption fhilofophique , n'a jamais trouve mau- vais qu'on fe prémunillb contre les dangers du verd-de-gris ; nous croyons même qu'il y a de lui, une lettre imprimée dans les Journaux, contre lavaiiîelle de cui,vr8j, relativement à la batterie de cuiline , eft beaucoup plus lu- crative que celle du fer. Tf^ A R T I C L E I I I. ann. 1754. Sur un monftre cyclope , né à Berlin le 19 Février 1755. Voyez les Ce monftre étoit un enfant de huit à neuf mois , qui n'a- Mém. pag. ygit qu'un œil au milieu du front , & cet œil infpiroit l'hor- *"*■ reur & FefFroi aux fpeftateurs , tant il étoit hideux. La na- ture , connue honteufe de fon ouvrage , l'avoit couvert en partie d'une excroiflance charnue ; mais cette excroiflance reC- femblant exactement à une verge humaine , pourvue de fon gland & de fon prépuce , ce vilain mafque rendoit cet œil effrayant encore plus difforme. Le nouveau Polyphême avoit beaucoup de rapport à celui dont Homère & Virgile nous ont fait une peinture li forte ; fi ces grands Poètes avoient pu le voir , ils auroient eu l'avantage de peindre d'original, & ce qui n'eft , probablement , chez eux , qu'une fiction , eût été une réalité. La diffeftion & la defcription du monftre ont été faites par M. Rolof, qui , depuis a été reçu à l'Académie , à laquelle il a préfenté deux Mémoires , qu'on trouvera fous les années 1756 & 1757. Celui dont il s'agit ici a paru dans le (,a) Mai Journal de Médecine (^7) , mais fans les figures indifpenfable- i7S7< ment néceffaires que l'Auteur y a joint, Ôc qui font en grand nombre. PRÉLIMINAIRE. xxi ARTICLE IV. T^TTTr^ IV. Sur d'iverfes plantes du pais qui peuvent fervir à la tannerie. ""*'■ '^'** Le Mémoire que M. Gleditfch a donne à l'Académie fur cet Voyez Im important fujet , eft l'un des plus intéreflans de cette Collée- ■'^'^'"' ?• îî* tion , 6c ne peut manquer de paroître tel aux amateurs des Arts utiles. La tannerie confomme en tout pais une prodigieufe quantité de bois , qu'il fera peut-être poffible d'épargner dé- formais , en fubfiiituant à l'écorce de chêne , qui eft le tan or- dinaire , les plantes dont M. Gleditfch préfente la lifte au pu- blic ; plantes des plus vulgaires , & très-communes dans tous les païs. Cette épargne du bois eft un objet lî capital, qu'il mé- rite l'attention des Souverains. Indépendamment de cet avan- tage , que la difette des bois rend déjà lî conlidérable , nos plantes tiendront lieu auffi de quantité de drogues , qui ont été en ufige jufqu'ici dans la tannerie , & qu'on étoit obligé d'acheter chèrement de l'étranger. Des nations réputées fau- vages ou barbares , nous indiquent l'utilité que nous pourrions retirer des plantes pour tanner , & ce n'eft pas , félon les ap- parences , la feule leçon qu'elles nous donneroient , fi un mé- pris , quelquefois aflez injufte , nous permettoit d'en étudier les ufages & les pratiques. Les Tartares voilins de la Chine , tannent la peau de leurs chevaux avec le lait aigri de leurs jumens ; en Perfe , en Egypte , on emploie au tannage des peaux de bouc & de chèvre , le fruit aftringent & encore verd de Vacacia vera. Si de ces peuples nous paflbns à des nations plus policées , nous trouverons que dans plus d'une Province de France , d'Efpagne , & d'ItaUe , on fe fert de plufieurs plantes pour tanner , tandis qu'en Allemagne on ne connoît guères pour cela que les écorces de chêne & de bou- leau , avec quelques calices de gland. Il y auroit donc beau- coup à gagner pour toute cette vafte contrée , à partager avec la Pruffe les avantages que promet la nouvelle manière de tanner. On avoit déjà en 1754» huit nouvelles elpèçes de cuk A R T J C L E IV. XXII DISCOURS préparé & tanné fans aucune écorce d'arbre ; M. Qleditfch ann.^i'i54. î^it voir que les travaux de la tannerie peuvent & doivent être éclairés par la Chimie «Se les autres Sciences naturelles ; il donne enfuite une idée de ces travaux ; il indique les es- pèces & les caraftères des plantes , qui y font propres , & les principes , en vertu defquels elles agllFent ; 6c finit enfin par la lifte de ces plantes ; elles vont déjà à plus de 60 efpèces. L'inventeur des nouveaux cuirs eft M. Klein , qui a préfenté un Mémoire àFAcadémie fur ce fujet ; entre ces cuirs» il y a un très-beau corduan. Outre l'épargne des bois & des drogues étrangères , dont BOUS avons déjà parlé , les pauvres , dans certains tems de l'année , trouveront dans la cueillete des plantes , un nouveau moyen de fubiifter. Tous les lieux qui , par trop de féchérefTe ou d'humidité , ne font d'aucun rapport , pourront être mis en valeur. Bien de petites villes, dépourvues encore de tan- neries , pourront s'en procurer ; on tannera une beaucoup plus grande quantité de cuirs , tant fins que communs , foit pour la confommation , foit pour le commerce , & on les ven- dra avec plus d'avantage aux étrangers. Le Mémoire dont nous venons de tracer une légère idée > jntérefTe très-fort , comme on voit , tous les païs oii l'on ne connoît encore pour tanner que les anciens moyens , & mé- l'ite l'attention de tous les autres , n'y en ayant encore aucun où l'on connoilTe & où l'on mette en oeuvre , un auffi grand nombre de plantes propres à la tannerie , qu'en indique ici M. Gkditfch C*-). (*) M. de la Lanâe , qui a publié Van du Tanneur , en un volume in. folio cîe 135. pages, avec figures, fait mention des expériences de MM. Klein & Gkditfch fur le ran- Tiage , & donne la lifte des plantes qui ont fervi à ces expériences ; mais il eft perfiiadé que le tan de chêne mérite la préférence. ( Voyez \'/in du Tanneur , & le Journal des Savans, Oftobre 1766. pag. 671.) Il feroit fâcheux que cela fût vrai , & qu'il fallût renoncer aux avantages que fembloient nous promettre la découverte de M. Klein , 8t ïe Mémoire de notre Académicien. PRÉLIMINAIRE. xxin ARTICLE V. ART.cLB V. Sur rAjlerie de Pline. *'"'• '"*• La DifTertation que M. Lhemann a donné fur YAftcrie fera fans Voyez les, doute le plus grand plailir aux Naturaliftes ; elle leur annonce ^'^'^' ^' ^ la découverte qu'a fliit l'illuftre Académicien , d'une pierre en qui fe retrouvent, tous les principaux caradères de VAjlerie de Pline ; ce qui ne peut manquer de jetter beaucoup de jourfur le paflage , jufqu'ici très-obfcur , où Pline parle de cette pierre, M. Lhemann a donné dans le dernier volume des nouveaux Mémoires de l'Académie Impériale de Petersbourg , un Mé- moire qui roule en partie fur les Afteries. Mais ces Aftéries font très-différentes de celles dont il eft queftion ici ; ce font des pétrifications marines. Vid. novi ccmment. petropolit. tom. X. pro anno 1 764. & les Mém. de l'Ac. Roy. des Se. an. 1755. ARTICLE VI. Aar.c.t VI. Sur un pommier à tige bajj'e & en buijjon , d'une efpèc.e ^'"'- '7h. dégénérée. Le pommier eft un des arbres fruitiers les plus ancienne-^ ,.7°^" '^* ment cultivés ; les Grecs , & les Romains qui ont tout reçu ' ^" ^^'' des premiers , en faifoient un cas tout particulier : les foins qu'on lui a confacrés , en ont tellement multiplié les efpèces qu'on en compte aujourd'hui plus de 200. Aldrovande les ap- pelloit déjà de fon tems la gloire & l'ornement des jardins; & il y a , en effet , très-peu d'arbres fruitiers , qui offrent une aufTi belle & auffi riche variété. C'efl de Rome que l'art de cultiver les pommiers a pafTé , fuccefrivement, en Efpagne & dans les Gaules. La Germanie, dont les campagnes étoient encore toutes hériffées de forêts, du tems de Tacite , l'a reçu phis tard. Les Germains , qui , comme ditfadmirable Ecrivain , que nous venons de nommer y aimoient mieux arrofer la terre de leur fang , que la labou-^ rer , fe mçttoient , fans doute , fort peu en peine de jardiai^ % XXIV D I s C 0 U R S mais dans les fiécles qui ont fuivi , on s'eft fort empreffë de regagner le tems perdu , & la culture des pommiers eft por- tée aujourd'hui en Allemagne à fa plus grande perfeftion. Au refte , quelque nombreufes que foient les efpèces de pommiers , ce ne font pourtant , fuivant M. Gleditfch , Auteur du Mémoire que nous analyfons , que de fimples variétés d'une feule & même efpèce primitive , qu'on a connue de tout tems ; cette efpèce eft le pommier fauvage , malus fylveftris : mais il en exiile une autre , entièrement diftinfte de la première , quoiqu'on foit généralement convenu aujourd'hui de la ranger feulement parmi les variétés. C'eft le pommier nain , qui n'eft eflentiellement , & par fa nature , qu'un arbrifTeau , comme le démontre M. Gleditfch , en aflîgnant les caraûères qui le dit tinguent du pommier arbre , ou de l'elpèce cultivée dans les jardins. Le pommier nain eft fujet à une forte de dégénération très-lîngulière , qui en laifle fublifter tous les caraftères , & ne porte uniquement que fur la fleur ; celle-ci n'eft pas feu- lement privée de la corolle pétaloïde, inféparable des fleurs parfaites des pommiers , mais encore des étamines & des an- thères , regardées dans toutes les plantes , comme les organes elTentiels de la fructification. M. Gleditfch a fait graver la fleur parfaite , & celle qui eft dégénérée , tant de grandeur natu- relle , que grofïïe par la loupe , afin qu'on pût mieux juger de la différence qui eft entre l'une & l'autre. Les fleurs dégénérées étant donc dépourvues d'étamines & d'anthères , ce qui fait de notre pommier une plante femelle vicieufe , & cette plante n'ayant point , comme celles dont le fexe eft diftinft , une plante mâle deftinée par la na- ture à la féconder , il fluit néceffairement qu'elle le foit par la poufïïère feminale des fleurs des autres pommiers. Mais comment cette pouflière y eft-telle portée? Seroit-ce par l'air? M. Gleditfch ne le croit pas , & trouve même la chofe im- poflîble. A ce moyen de fécondation , qui n'eft appuyé d'au- cune I PRÉLIMINAIRE. xxv cune obfervation fuffifamment conftatëe , il en fubftitue un au- Â7^ . c l e tre, qui a été ignoré & méconnu jufqu'à notre Auteur; ce font asn. 1754. les infeftes velus , tels que les abeilles , & un grand nombre d'autres , qui en fe repofant fur les fleurs , fe chargent par la partie velue de leur corps , de la poufllère féminale , & vont enfiiite la dépofer fur d'autres plantes femelles , qui s'en trou- vent fécondées ; c'eft de là que nous viennent , de tems en tems, de nouvelles plantes hybrides , qui ne s'étoient point en- core montrées; c'eft ainli encore, qu'on voit dans nos jardins, la fpinacée , le chanvre , & d'autres plantes femelles , donner des femences parfaites & fécondes , fans le fecours des plan- tes mâles; de telles obfer\'ations , non approfondies , ont porté des nuages fur la vérité du fexe des plantes , 6c ont même engagé certains à la nier ; cette vérité eft cependant établie fur des preuves de fait , qui ne peuvent être révoquées en doutes , comme on l'a vu par la fécondation artificielle du pal- mier , opérée par notre Auteur (a) , & comme il fe propofe de le démontrer encore , dans la fuite. M. Gkditfch ne doute point que les pommes de fon ar- bufte, ne contiennent des femences fécondes, qui , étant femées donneroient une nouvelle efpèce ou variété de pommes in- connue jufqu'ici, laquelle établiroit , de plus en plus , l'ana- logie , obfervée entre les plantes & les animaux , dans la manière dont ces deux fortes d'êtres fe réproduifent. ARTICLES V 1 1. V 1 1 1. & I X. JpTTTTs VII. Vlil. IX. Sur la bafe de ralun. '*'"'• '"-•• Les Mémoires compris fous ces trois Articles font de l'il- yoyei ie$ luftre M. Margraf. Quoique fon nom ait été omis, par inadver- ^^' ^' '* tance , il eût été fl^cile de le deviner, à l'exaftitude , à la fagacité, & à cette fage circonfpeStion, qui caraftèrifent tous fes écrits. L'objet qu'il fe propofe ici eft très-intéreflant; c'eft de nous (fl) Voytx tom. 1. année 1749. art. XXXI. t'Hijhire dt cette fécondation. Tome IL d XXVI DISCOURS arti CL ES dévoiler complettement la compolition de l'alun, ce qui ne fau- vii.^vui. & ^.^jj. ^^^.^ indifférent pour la Médecine , & même pour les Arts , ann. 17J4. particulièrement pour la teinture , l'alun augmentant l'éclat de certaines couleurs , & la folidité de quelques autres, fa). Des deux principes qui le compofent , l'acide vitriolique & fa bafe terreufe , le premier étoit affez connu , mais le fé- cond ne rétoit pas , à beaucoup près , au même degré. Le grand Sthal lui-même l'a méconnu ; il le croyoit de nature calcaire , & après lui , c'a été l'opinion prefque générale. A la vérité quelques célèbres Chimiftes , ont fait plus qu'entre- voir, enfuite , fon vrai caraûère (■'^) , mais il étoit peut-être ré- fervé à M. Margraf , & depuis à M. Macquer (/;) de lever tous les doutes qui auroient pu refter encore fur cet article, s'il étoit poiTible qu'il en reftât. Quelques années après M. Margraf, M. Baron , célèbre Chimiile'de l'Académie Royale des Sciences, à qui nous avons l'obligation de nous avoir fait connoître prefque en- tièrement la compolition du borax , a entrepris l'examen de la bafe de l'alun (/z). Il indique des moyens nouveaux & fûrs (a) Hifl. de VAcaâ. Roy. Jei Se. ann. \-;6o. 'pag. 71. (•) M. Geoffroi & M. Hellot en fnilant digci'er des argilles dans l'acide vitriolique, en avoiem retiré des fels de la nature de l'alun. Le dernier ayant employé une ar- gille co.Time intermède dans la dillillation de l'éther de Frobenius , s'étoit apperçu que l'acide vitriolique de ce mélange , avoit enlevé toutes les propriétés argillcufes à cette glaife , en lui enlevant une terre , qui fcparée enfuite d'avec cet acide par un alcali , avoit elle-même toutes les propriétés d'une argille tris - pure (..-). M. Fon, qui cite dans fa LithogeognojU (,d) cette expérience de M. Hôllot , après avoir reconnu les propriétés de Talun à cet acide vitriolique , qu'il avoit tait digérer fur de l'argille , en avoit conclu que la terre de l'alun ef> do nature argilleufe (t). M. Gelleri , dans fa Chimie métallurgique (/) , &c fur-tout M. Margraf, dans trois rayantes Diflenations fur l'alun (») , avoient fait mention des mêmes expériences , & en avoient tiré les mêmes conféquences. Dici. de Chimie , tora. I. au mol Alun pag. 115. (b) foyej fort Mémoire fur les Argilles , Acad. Roy. des Se. ann. 1750. (c) fo^ej le! Mtm. de V Acad. aiw, 1759. (d) Tom. I. pag. 107. ic8. 109. de la traduclion françoife. (e) Ihid. pag. iio. (/) Tom. I. pag. 29 & 30. (g) Ce font les trois Mémoires qu'on trouvera fous cel'e année Art. VII. VIII. & IXi (h) Voyei les Mém. di l'Acad, Roy. dsi Se. ann. 1760, PRÉLIMINAIRE. xxvii pour avoir cette bafe dans toute fa pureté ÇaJ. De fa combi- articles naifon avec les acides minéraux réfultent de vrais fels alumi- ' ix. ' neux , qui fe bourfouflent fur les charbons , & affeftent une *""■ '"*" cridallilation particulière. Un phdnomdne digne d'attention , dont M. Baron avoit déjà parlé dans fes excellentes notes fur Lemery , eft que l'alun régénéré par l'acide marin fe criftal- life exadement de la même manière que l'acide ordinaire ou vitriolique , & qu'il ne s'annonce entr'eux aucune diffé- rence {h). M. Baron conjeflure fur des préfomptions affez fortes, que la bafe de l'alun eft de nature métallique ("*■). Un fait , dont il a été redevable au hazard , mais dont il a fçu tirer parti , l'a confirmé dans cette idée. Ayant jette au feu du papier dans lequel il avoit tenu pendant quelque tems de l'alun régénéré par l'acide nitreux , il s'en éleva une flamme d'une belle cou- leur verte. L'expérience répétée pluiieurs fois , fut fuivie du même elïet , qui eut lieu encore à l'égard de toutes les efpè- ces d'alun régénéré. Ce phénomène trouve fon explication dans l'opinion , alTez généralement reçue , que les couleurs ti- rent lem- origine des particules métalliques extrêmement di- vifées , & autorife fuffifamment à foupçonner , fiiivant M. Baron , que la bafe de l'alun contient un principe métallique , ou eft totalement telle par fa nature (c). Qu'il nous foie permis de faire deux petites remarques à ce fujet. La coloration de la flamme n'a-t-elle pas pu dé- pendre, de quelques parties ferrugineufes reliées dans l'argille (a) Journ. des Sçaf. Juillet 1767. pag. 5J0. (i>) Hij}. de l'AcaJ. Roy. des Se. pag. 74. (•) M. le Marquis de Maâonia , Seigneur Sicilien , qui joint i de vaftes connoir. fances en Cliimie , une grande fagacité , 6c dont nous nous félicitons d'avoir tait la connoitTance , fe propofe de changer les préfomptions de M. Baron en cenirude , dans un favant Mémoire fur la bafe de Talun , qu'il compte prcfenter à l'Académie Royale des Sciences , dont il a l'honneur d'être Correfpond^mt. Il réfulte des expé- riences de M. le Marquis de MadonU , que la terre d'alun eft une vraie terre mar- tiale , & il panclie même à croire que toutes les argiUes ne font que du fer dc- compofc. (.3 IHd, pag. 75. & 76. Kém. pa;;. 279, &■ 180. d Ij XXVIII DISCOURS mtiilm qui a fervi de bafe aux fels alumineux de M. Baron ? Peut- être cet effet n'auroit - il pas lieu , fi Ton s'attachoit à An», i-h. dépouiller l'argille du fer aulli rigoureufement qu'elle peut l'être, avant de travailler à la régénération de l'alun. Si cela étoit, il eft clair, que la couleur verte de la flamme n'in- diqueroit pas nécelîairement que la bafe de l'alun fût de nature métallique , puifqu'elle dépendroit uniquement du fer , dont la préfence dans l'argille ne feroit point effentielle à la conipoiition de l'alun , où il ne fe trouveroit que par ac- cident. D'ailleurs, eft-il bien fur que toutes les couleurs ti- i-ent leur origine des particules extrêmement divifées des métaux? Cettj pérogative , ou la faculté colorante, n'appar- tiendroit-elle pas plutôt, fuivant l'opinion de Sthal (^a) , ÔZ des plus grands Chimifles , au principe inflammable , à qui les métaux mêmes doivent leur couleur? Y a-t-il rien de mé- tallique dans le foufre , par exemple , & , pour remonter à la fource de toute couleur , dans les fept rayons primitifs ?■ Il ne refteroit plus de doute fur la nature métallique de la bafe de l'alun , û l'on parvenoit à la réduire en métal ou en demi métal ; mais M. Baron avoue que toutes les ten- tatives qu'il a faites pour cela ont été infruftueufes ; il n'y a cependant pas à defefpérer qu'on n'y parvienne quelque jour: le travail, la fagacitë des Chimiftes, & , peut-être, le ha- zard , qui fouvent nous fert mieux que tous nos efforts , pourront enfin nous conduire à cette réduftion ; les fleurs de zinc & d'antimoine réputées long-tems irréduûibles , fe reduifent maintenant avec la plus grande facilité, (h) (*). Ce qui appuyé encore l'opinion de M. Baron., efl que l'ar- gille pure , qui forme conftamment la bafe de l'alun , eft extrthîiement avide du phlogiftique , au point qu'il n'eft peut- (a) Vo^e'^ fort traité du foufre. (b) Hifl. de V 4cad. pag. yô. Mcm. pag. 280. (*) C'eft à M. Pott que nous fommes redevables de ta reduflion des fleurs du zinc, S( à M. RohauU , Médecin d'Amiens , de celle des fleurs d'antimoine. Voyez fur cetia «lernière rcdiiâion , l'Hiftoiiedc l'Acadétnie Royale des Sciences, année 1755. p. 7î» PRÉLIMINAIRE XXIX être pas pofTible de 1 en priver entièrement («). Or , cette am > cl es • 1- / V • 1 ^ J X^ f^ n- VII. VI IL avidité peut porter a croire que la terre des métaux elt eiîen- * ix. tiellement de nature argilleuie (bj. ■*'"'• '"*« Une expérience de M. Baron , rapportée dans Ton Mé- moire (^cj , lui fait préfumer que la bafe du fel fédatif efl encore la même que celle de l'alun. Si cette identité fe confirme , M. Baron aura la gloire d'avoir fait un nouveau pas dans la connoilTance de la compolition du borax: il ne lui reliera plus pour la completter, qu'à nous dévoiler la na- ture du principe qui neutralife le fel fédatif. Une telle dé- couverte pourroit nous mettre en état de fabriquer un jour nous-mêmes le borax, que nous tirons à grands fraix des étrangers , chez lefquels il forme une branche de com- merce conlidérable. Il n'y a perfonne de qui on foit plus en droit d'attendre cette découverte que de M. Baron , à qui nous devons déjà tant fur cette matière (^). Il n'a plus qu'un pas à faire pour combler à cet égard fes vœux & les nôtres , & nous avons tout lieu de croire qu'il le fera. ARTICLE X. Sur la formation des pierres dans le corps humain. Une pierre biliaire fortie d'un abfcès , percé dans l'hypo- Voyez les condre droit, a fourni à M. Eller l'occafion d'un Mémoire ^""■''■^^' intéreflant, dans lequel il donne une théorie générale de la formation des pierres , & pluiieurs obfervations très-.curieufes fur ce fujet. Il déclare , ainfi que M. Mcchel , avoir trouvé des pierres dans prefque toutes les parties du corps , & entr'autres (a) Voy. le Mémoire de M. Macqiier fur lu argllUs , pag. 170. & fon Di;~ tionnaire de Chimii , tOme. \". pag. 168. (i) Mém. fur tel argilles , p-'g. 171. ^ (0 Mim. de VAcad. Roy. des Scienc. ann. 1760. pag. 181. & l8l. Hiji. dt V Acad, mime ann. pag. 76. & 77. (rf) Pcribnne n'ignore que M. Baron eft le premier qui a démontré que le boras eu un compofé de la bafe du fel marin St du fel fédatif. XXX DISCOURS ÎTVT^dans le pancréas, les finus du cerveau, le méfentere , le anh'^i' . conduit pancréatique , près de fon infertion dans le duodé- num, la gaine du gros tendon forme par la réunion des fibres aponévrodques des mufcles extenfeurs de la jambe. 11 a VT.I deux perfonnes fe délivrer par la fuppuration d'une pierre groile comme un noyau d'olive , qu'elles avoient portée fous la langue des années entières , avec beaucoup d'incommodité (*). En ouvrant les reins des calculeux , il a conilamment obfei-vé une petite inflammation ou fuppuration légère à l'extrémité des mammelons , & en preflant ces derniers , il en a toujours fait fortir les gi-ains de la gravelle ou le no- yau d'une petite pierre , qu'il prétend fe former ,. en cet en- droit à l'aide , d'une goutte de pus , qui fert de colle aux matières terreftre & faline de l'urine C"*"*"^. Il a vu tirer au célèbre M. Rau une pierre de plus de 1 2 onces & de 4 pouces 6c demi de diamètre. M. Sen}\ Chirurgien Major des Gendarmes de fa Ma- jefté PrulTienne , ayant fait l'opération de la taille à un jeune homme, ne put jamais retirer la pierre. A l'ouverture du cadavre , qui fut faite en préfence de M. Eller , on trouva la pierre adhérente par toute fa circonférence au fond de la veffie , & couverte d'une membrane aflez épailTe. C'étoit la tunique intérieure de la veflie que la pierre élevoit en boffe. Un examen attentif de la part de notre Auteur, lui fit con- noître , que la matière graveleufe ayant bouché l'entrée de (*) Ces fortes de pierres fe forment fouvcnt à la fuite de la grenomlleie , lorf. que cette tumeur réfîfte pendant long - tems aux différentes méthodes qti'cn employé pour la diflîper , ce qui ei\ très-ordinaire. M. Soul.er , Médecin ordi- naire 'du Roi, & fils d'un Cliirurgien célèbre de Montpellier, ennobli pour les f M ferviccs qu'il rendit dans la perte de Provence , a fait inférer dans le Journal de (a) Mars Médecine (a) , des obfeivations defquelles il réiulte que la grenoi;i(/fie peut être attaquée très- efficacement par les purgatifs , concuremment avec les autres re- mèdes . qui feroient d'ailleurs indiqués , fans en venir à l'opération , jugée pref- que indilpenfable par le plus grand nombre des Auteurs. Ces oblcrvalions de M. Soulier méritent toute l'attention des Praticiens, (**) Voyc^fes obferyationi , fecl. X. j). Ï33. PRÉLIMINAIRE. xxxi l'uretère dans la veflîe , les urines s'e'toient creuft! un ré- â~r t . c l «, duit dans le tiflli cellulaire qui fe trouve entre les tuniques ahJ^'ijjj. de cet organe , & y avoient de'pofé la matière de la pierre. M. Eller avoit àé']à obfervé un cas à-peu-près pareil dans un vieillard mort de cette maladie dans l'Hôpital d'Amf- terdam. L'uretère étoit li prodigieufenient dilaté , que fon diamètre excédoit celui du pouce ; il étoit rempli jufqu'au tiers d'une matière graveleufe , & le refte d'une eau en-- tremélée de pus (*). (•) M. Eller fait encore mention de ces deux cas dans Ces ohfsrvatlons , où 2 les rapporte en ces termes : Aliquando puriiUnia & cakulofa his:ce matériel , in rené affecio jToducla , j'er ureierem ad vejham dimittenda , emijj'arium hocce chflruit , & jibi viam ad lotii receptaculum prixcludit ^ aîter len ftinus , cjficio fecreiionis urir.a tune foïus fungitur \ affecius antem ren in uretère fuo obllniclo , cahulojam & purulentam maieriem con- Imiid accumulât , qua fuccejjitè canalis hicce adei> ddatatur , ut in def'unclo feptua. genarii cadavete incifo , ejus diametrum ad duos poUices dilatalum , & materia cruf. tacea fahulofa , in Jljlii naturali finis exilem dutium hune repletum , maxima cum admiratione detegerem. In juiene viginii circiter annorum in injima ureleris parte, uhi intra tefcii urinarice tunicaj reptando , dudus ijle in Iclii recepracuto aperitur , calculofa talis fihurra coacervata Jenfim & compacta reddita , tunicam interiorttn in tumorern faiis noiabilem elevaverat , qui fiflula argentea exploratus , caUuli majorii prafentiam in tejica non objcurc annunciabat ; operalione ad calculum extrahendum injlituta, jrufia.ui erar.t ccnalus omnes , calculum iflum intra tunicai vejicce ahfcon. ditum aujferendi ; moriebatur valde extenuatus tsger , quarta pofl frujira perpefjhm incifianerii feptimana. DiJjeBum cadaver clare monjlrabat yarijjimum hocce pheno- menum^ cujus modum exijlendi , quam vis adjiantibus luculenter expofuijlem , j Chi- rurgo lilhotomo tamen , pro memhrana hocce involucrum hahebatur , à proi iJa Jcilicet natura , calcula , ne afperitate fia Icederet , circumducium, Eller de COgnofccndis Zx, curandis morbis , feci. X. pag. z^S. 139. M. littre ayant aufli trouvé une pierre dans l'épaineur des parois de la veflîe , qui s'y ctoit dcvriee, en perçant, à ce qu'il croit, la ponicn de l'urètere com- prife entre les membranes de ce fac , propofe (j) un moyen afibz fingulier de ^^■. ^j^j^^ ^^ délivrer le inalade de ces fortes de pierres. Si elle fait bofle en dedans, il veut i'Ac. Roy. de» qu'on commence par l'alfujettir avec l'index porté dùns le fondement aux hom- Se. ann. 170^» mes, &: dans le vagin aux femmes; qu'on émince & qu'on ufc enluite peu-à-peu avec le bout de la fonde, la membrane qui la récouvre en dedans , & qu'on tire après cela la pierre par l'opération ordinaire , après avoir pourvu aux accidcns que celte manœuvre peut entraîner. Mais fi la pierre fait une faillie ccnfidérable dans la veflîe, on fera d'abord l'opération, & l'on déchirera enfuiie la mcmbrana avec les icncttes , le plus doucement poUible. Il n'eft perfonnc qui ne voie combien ce déchirement feroit dangereux. L) Chirurgie nous offre aujourd'hui une reftburce plus sure , & fujette à beaucoup moins d'inconvéniens. C'eft de faire une incifioo au p^riné far la pierre mém». Article XXXII DISCOURS Il finit en donnant l'explication du cas qui a été Tocca- Ann^,755. -fioD dc fonMéuioire. il croit que la pierre fortie de l'hy- pocondre avoit été formée dans la véficule du fiel , & non dans la fubft.uice du foie , par la raifon qu'elle e(l d'une £gure pyramidale irrégulière , à flicettes lllfes & polies , au lieu qu'elle auroit dû être néceiïairement fphérique , fi elle avoit pris natifance dans le foie , la prefllon égale & uni- forme que la fubftance de ce vifcère , & les liqueurs qui y circulent exercent de toutes parts , félon M. Elkr , ne per- mettant pas qu'un fluide quelconque puifTe s'y coaguler & deveuir folide fous un autre forme que celle d'une fphére f *). (j)Mém. de . . , . .^ , ,, , . , TAc. Roy. de toules les fois qu'on peut l'y fixer , en plaçant cette incifion dans l'endroit ou Chir. 1. 1. pag. M. Foubert b pratique dans fa méthode (.ï). On tira par un procédé ;i-peu-près Ai%. femblabli; une pierre du poids de 7 gros, intimement adliérenie à la veflie , dont (i) IHd. p. on emporta même un lambeau ((>). Malgré ce déchirement , le malade , qui étoit \m 413,414, enfant de douze ans , fc leva des. le 5'. jour de ropcration , £c fut entièrement guéri le douze, (i). S'il n'étoit pas pofllble d'amener la pierre au periné , ne feroit.il pas permis, après avoir ouvert la vefiie par l'appareil latéral , ou par celui de M. Foubert , fi elle étoit fulceptible d'exteiifion , de faire , avec l'infirument tranchant , pru- demment conduit dans la veflie, une incifion fur la pierre même, en la faifant ailiijettir , s'il étoit nécelTaire , par un aide , qui porteroit un ou deux doigts dans l'anus ! (c; U 1er- ^j^ Nous lifons auffi dans les Obfirvatlons Uflro-Ch'inirfiqnes de Cou'dlard fc) qu'ayant re- ' *' connu en fondant un malade que la pierre é[olt enkîft^e , il ne lailTa pas d'entreprendre l'o- pération , s'étaiit déterminé à déchirer le klfte , ce qu'il fit avec fuccès. 11 tira une pierre groïTe conin.e un œuf de poule ; le kirte fut chalVé enfuite par la plaie , & on trouva deux .,,.., , cent petites pierres qui y étoient renfermées (rf). Cette dernière circonftar.ce , fçavoir l'ex- !'A R H P""''°" ■*" "^'^^ y rend cette obfervation fingulière , & peut-être unique. Q l'étoit-ce donc que .-.^' y' ce kifte ' Il n'étoit fans doute formé que pat une portion des membranes de la veflie , qui ', P' avoient fouffert une efpéce d'exfjtiation. 410, not. U), "^ (*) I.a fortie de cette pierre par un abfcès ouvert à l'hypocondre droit, avoit été précédée d'un hépatitifs. On trouve plufieurs cas femblables , &t des vues neuves (d) tnféré & fm^ulièrement importantes dans un Mémoire de ÎA. Petit le père (e), au génie dans le pre- (j„qin.i ij c:iururgie Fiançoife eil redevable d'une grande partie de lés progiès. .'T;'^'' ,^°i' ^^ l\ prouve que l'inflam.maiiûn du foie , en fupprimant quelquefois récoulem!."nt de Chir °^' ^^ '"^ '^''^ f""' '"^ duodénum, peut donner lieu à la rétention de cette humeur, & que celle-ci par la lailiie qu'elle fait en dehors , eft capable d'en impofer pour un abicès au foie , în de jetter dans des méprifcs funeftes. Kn efiet , l'ouverture par l'inftnrment tranchant feroit infailliblement ûiivie d'un épanchement de bile dans la cavité du ventre , à moins que la véficule lie fût adhérente au péritoine. Il importe dout exaênieinept d'établir les fignes de' cette adhérence , 6c ceux qui II PRÉLIMINAIRE. xxxiii Il a tiré d'une véficiile du fiel , qui contenoit une eauTiricta aufTi claire & aufli pure que l'eau de fontaine , & où l'on anm''^'i75j. ne pouvoit démêler le inoindre vertige de bile , deux pierres d'un rouge blanc. Comme le malade , hydropiqiie long-tems avant fa mort , avoit le foie entièrement fquirreux , M Eller penfe que depuis bien du tems aufR , il n'avoit pu fe faire au- cune fécrétion de bile , & regarde , en conféquence , les deux pierres comme ayant été formées par l'humeur mucilagineufe qui fuinte des parois internes de la véficule , pour la défendre contre l'àcrété de la bile. M. Eller a rencontré une pierre dans le tiflli fpongieux de l'urètre d'un jeune enfant de 6 ans. Il conjefture que la matière gravoleufe y étoit entrée par les lacunes de ce ca- nal. Cette pierre rendoit l'écoulement de l'urine fort diffi- cile. M. Eller en délivra lui-même l'enfant par une petite incifion qu'il fit fur ce corps étranger. M. Louis prétend dans un Mémoire fur les pierres uri- naires formées hors des voies de l'urine , & inféré dans le III^. v^ol. de l'Académie Royale de Chirurgie , que les pierres qu'on a trouvées aux environs de l'urètre , au périné & dans le fcrotum , fuppofent toujours une folution de conti- nuité intérieure dans le canal , & vme infiltration lente & infenfible de l'urine, qui dépofe peu-à-peu les matériaux de la pierre. Cet accident , fuivant M. Louis , eft une iliite aflez or- dinaire de la taille au grand appareil. Après l'opération , l'incilion de la peau ceflfant de correfpondre à celle de l'u- didîngiieiit l'abfcès du foie de la rétention de la bile ; & c'eft aufli ce qu'a fait M. Petit avec beaucoup de difccrneinent. Il propofe enfuite deux opérations nouvelles pour évacuer la bile qui diftend la véficule , £< pour extraire les pierres qu'elle peut contenir ; opérations analogues à celles qu'on pratique à la veffic urinaire pour une fin femblable. Cette doftrine de M. Petit, qui ouvre une nou- velle voie à la Chirurgie , pour la gucrilbn de deux maladies contre lefquelles on n'avoit point encore imploré fon fecours , eft appuyée de beaucoup de faits Se de raifonnemens , où brillent la fagacité de l'illuftre Auteur , l'une des plus grandes lu- mières de TAn, qui veille à la confervation de la vie par l'opération de la main. Tome II. e xxxrv DISCOURS ZTT.rnrètre, ce dernier refte quelquefois ouvert dans quel- Akn^ Itjj. que point , tandis que la peau fe cicatrife. L'urine qui s'in- filtre & s'imbibe , pour ainfi dire , à travers cette légère folution de continuité' intérieure dans les cellules du tifTu adipeux , y dépofe petit-à-petit la matière tartareufe & fa- line de l'urine , qui à la longue y forme une ou plufieurs pierres. M. Louis rapporte plufieurs cas très-remarquables qui appuyent cette théorie. Il y fait mention d'une pierre monftrueufe du poids de lo onces & demi, laquelle a été 58 ans à prendre cet accroiflement prodigieux. Elle fortit d'elle- même du fcrotum , y lailfant un vuide à placer le poing. Il parle d'une autre pierre beaucoup plus confîdérable en- core ; elle pefoit plus de 17 onces ; le fujet avoit été taillé à 5 ans. Cette énorme pierre étoit compofée de deux por- tions , dont l'une fortit d'elle-même après avoir ufé la peau , & fut trouvée dans le lit du malade 25 ans après l'opé- ration ; & l'autre fut tirée par un Chirurgien. M. Morand a tiré du milieu du fcrotum une pierre de 3 onces 6 gros » qui avoit fupérieurement une gouttière , dans laquelle l'urètre étoit reçu. Un homme ayant reçu un coup de pié au fcro- tum , il s'y forma une tumeur qu'on prit pour un troifîème tefticule. Le Chirurgien jugeant que c'étoit une tumeur fquir- reufe, entreprit d'en délivrer le malade. Il fe trouva que ce prétendu fquirre étoit une pierre de 2 onces & un gros. L'obfervateur propofe fur cela une conjefture , adoptée par M. Louis : il penfe que l'urètre a été contus , & qu'il s'y eft fait une folution de continuité , à la faveur de laquelle l'urine s'eft infiltrée. Au refte , la formation des pierres dont nous parlons , fuppofe que les urines coulent librement par l'urètre ; car s'il y avoit quelque obftacle dans ce canal , l'urine agilTant alors avec plus de force contre la folution de continuité intérieure , au lieu de s'infiltrer tout doucement dans le tiffu PRÉLIMINAIRE. xxxv cellulaire , inonderoit tout ce tiflli & produiroit infaillible- ment des engorgemens gangreneux (*). Des principes établis par M. Louis , re'fultent deux con- féquences également importantes , la nécefTité de profcrire totalement le grand appareil , comme la méthode de tailler dont l'urètre a le plus à foufFrir , fans utilité pour le ma- lade , & celle de recourir aux bougies fondantes & fuppu- ratives , feules capables de détruire efficacement , en bien des cas , les callolités de la fiflule intérieure , qu'on atta- queroit infrudlueuferaent de toute autre manière. La dé- couverte des bougies dont il s'agit ici , eft afllirément un des plus grands fervices rendus à la Chirurgie , d'abord par M. Dciran , qui s'en efi: refervé le fecret , & enfuite par M. GoularJ , fon généreux émule , qui n'a point envié le lien au public & à l'humanité. Au furplus , il n'eft pas dit dans le Mémoire de M. EZ/^r, que le petit enlant auquel il tira une pierre du tilfu fpon- gieux de l'urètre , eût été taillé auparavant, qu'il eût reçu aucun coup fur cette partie , ni qu'il y eût aucun obftacle au cours des urines , indépendant de la pierre , puifque l'en- fant fe trouva guéri dès qu'il en fut délivré. On admettra , je crois , difficilement, que la matière graveleufe fe foit frayée une route dans le tiffu fpongieux par les lacunes de l'urètre , comme le conjefture M. Eller. Mais en fuppofant une fo- lution de continuité dans ce canal, d'où provenoit-elle ? C'eft ce que le récit , très-laconique , de notre Académicien, nous laifTe ignorer. Il efi: une autre forte de concrétions calculeufes dont M. Eller, non plus que M. Meckcl, ne difent rien: ce font celles de la matrice. Pour completter,en quelque forte, l'hiftoire des (*) HilJanu$ ( cent. VI. obf. 57. p. 571. ) &: Barryiu ( mcdic. E(T. tom. I. §. Î5- pa?. lOC ) kan: iheori.im ohfervationihui illujlraierunt , etiam conjeclurâ caufant ajfecuti funi ; régulas medtndi terà non prodiderunt. Camper, demoflrat. anat. lib. II. pag. 16. eij XXXVI DISCOURS TZ^TTe pierres , nous donnerons ici un petit précis du Mémoire Aj.«.^i'755. que M. Louis a lu à rncadémie Royale de Chirurgie fur les pierres utérines , & qu'on trouve dans le II«. tome de cette Académie. Ces pierres , à en juger par le nombre des obfervations répandues dans les Auteurs , font plus communes qu'on n'eft porté à le croire. Elles ont moins de malTe que de volume. M. Louis en trouva une dans la matrice d'une fille de 62 ans , blanche , fort raboteufe & très-dure , du poids de 9 gros & demi ; un mois après , elle n'en pefoit plus que lix: quant à leur fubftance , elle eft quelquefois plâtreufe , mais aflez fouvent leur dureté ne le cède pas à celle des os , & leur en donne fapparençe. M. Louis leur a cependant con- fervé la dénomination de pierres , comme étant la plus ufitée cliez les Auteurs qui en ont parlé. Il n'eft pas impodlble qu'une pierre inégale & raboteufe n'enflamme & n'ulcère la matrice , ôc ne s'ouvre à elle-même une illue au-dehors , du côté du vagin. Il y en a plufieurs exemples ; M. Louis en rapporte deux , dont l'un a été com- muniqué à l'Académie Royale de Cliirurgie , & l'autre fe (a) Obfer- trouve dans Shenbius fa'). vat.iib. 4. Il arrive quelquefois que les parois de la matrice s'ofll- fient ou fe pétrifient fans qu'il y ait des pierres dans fa cavité. Tel eft le cas dont parle M. Mayr , dans le com- (t) Juillet i-nerce littéraire de Nuremberg (/>), Les parois de l'utérus '''^'' oiïifiées fous la membrane que leur fournit le péritoine, & épaiffes de quatre doigts , ne purent être cafTées qu'à coups de marteau. L'intérieur étoit rempli d'une matière purulente , & fans mauvaife odeur , qui reffembloit à du lait épaiffi. Feu M. Verdier confervoit dans fon cabinet une ma- trice pétrifiée, pefant 43 onces; elle avoit fix lignes d'é- paiffeur , & étoit pleine intérieurement d'inégalités qui reflembloient à àes fialacîites. La cavité contenoit une lymphe épaiffe & inodore. Une obfervation de M. de la Fitte PRÉLIMINAIRE. xxxvn nous offre encore une matrice pétrifiée , mais au milieu de aTTTTjI laquelle étoit une pierre ifolée. M. Petit le père , en trouva a^h.^'^jj. dix à douze dans la matrice d'une Dame , dont les plus conlîdérables étoient chatonnées , & faifoient faillie en de- dans. Duncan (*) paroît avoir connu ces fortes de pierres. La matrice d'une autre Dame , avoit foufFert dans toute la fubfiance, une altération qui la rendoit femblable à du fuif dur & fec. Elle formoit une maffe informe , greffe comme la tète d'un homme, du milieu de laquelle on tira une con- crétion dure & compaûe , qui pefoit cinq onces & demie. Quant aux accidens produits par les pierres de la matrice , & par la pétrification ou l'offification de fa fubftance , voici ceux que nous olfrent les obfervations recueillies par M. Louis , & qui font la bafe de fon Mémoire. Une douleur gravative dans la région de la matrice , des douleurs aux reins , & aux cuiffes , qui rendent la démar- che difficile; un prurit infupportable à la vulve i,'*'^); des douleurs lancinantes & des fièvres aiguës ; un écoulement purulent , & quelquefois putride ; des pertes en blanc ; des épreintes douloureufes , femblables à celles de l'accouche^ ment {;\ ) ; le coit pénible & douloureux , la difficulté d'u- riner , la rétention d'urine , le flux hémorroïdal. Ces lignes n'indiquent la préfence d'une pierre dans la matrice que d'une manière très-équivoque ; pour s'affurei' de fon exiflence , il faut néceffairement en appeller au té- moignage des fens , dont la certitude l'emporte infiniment fur toutes les combinaifons rationnelles. On fe fervira donc du doigt & de la fonde , qui nous inftruiront non-feulement (*) In utero calculas generari , praier Aëtium tellis eji Hipp. J. Epié. feci. 7. quf foluti nonfunt, fed tunicii uteri aut callo ipftui affixi. Duncan liddell. pathol. lib. 1, cap. 14. (**) Ce prurit eft une fuite de l'irritation des nerfs , & dépend par conréquent de la même caufe que celui que les calculeux reiTentent un bout du gland. (I) Ces épreintes ont procuré l'expullion d'une pierre utérine dans une ïieiijft fille dont parle Hippacrate, Article X. XXXVIII DISCOURS de la prdfence de la pierre , mais encore de la polTibilité ou de rimpombilitd d'en foii-e l'extradion. Deux co'nditions font abfolument nécelTaires pour qu'on puifle l'extraire ; la première , que la pierre ne foit point adhérente aux parois de la matrice , ou chatonnée ; & la féconde , que la matrice elle-même ne l'embraffe pas fi étroi- tement ,' qu'on ne puiffe introduire du moins un ftilet en- tre l'une & l'autre. Les chofes fuppofées dans cet état , on pourra tenter l'opération. » La fituation de la matrice dans le fond du vagm , ny >, apporteroit point un obftacle invincible ; il n'y auroit au- », axne difficulté à en aggrandir l'orifice par deux feaions » latérales. Il feroit même poffible de les faire en même i, tems , par le moyen d'une efpèce de cizeaux droits , dont i, les lames longues d'un pouce ou environ , feroient tran- „ chantes extériem-ement. On porteroit, à la faveur du doigt, », la pointe de ces cizeaux fermés jufques deffus la pierre. b, On les dilateroit enfuite autant qu'on le jugeroit nécef- 5, faire , pour faire une ouverture fuffifante , en retirant les „ branches. Cette incifionpermettroitl'introduûion d'un cro- „ chet à curette approprié pour dégager la pierre , & la „ tirer comme on le pratique dans l'opération de la taille au „ petit appareil. Il feroit auffi convenable de tenir un ou 5, deux doigts de la main gauche à l'orifice de la matrice „ pour guider le crochet , autant qu'il feroit poffible. C'ert », un précepte tiré de la Chirurgie des accouchemens la- „ borieux ,' lorfqu'il eft queftion de faire l'extraftion d'un 3, fétus mort dont la matrice ne peut fe débarraffer >,. Si l'opération qu'on vient de décrire s'étabht, on en fera i-édevable à M. Louis , à qui la Chirurgie doit ^déja tant ; & l'obligation qu'on lui aura à cet égard fera d'autant plus grande , qu'aucun Auteur de Chirurgie n'a rien prefcrit fur cet article, ni même fait aucune mention des pierres uté- rines. Il eft parlé , à la vérité , d'une extraûlon d'une de PRELIMINAIRE. xxxix ces pierres dans les Ephémérides d'Allemagne , & dans TTï^iTr» les Tranfaclions Philofophiques ; mais on ne nous dit pas de ann^'i;;;. quelle manière on y a proce'dé. Aëiius indique un moyen qui paroît impraticable. La crainte de l'he'morragie ne devroit point nous dé- tourner de l'opération propofée par M. Louis. Ce favant Académicien indique les moyens de la réprimer , & ces moyens font des plus lîmples (*^. Il cite, pour nous raf- furer , le cas d'un farcome adhérant à l'oririce de la ma- trice , que M. de la Peyronie amputa dans le vif fans in-, convénient ('*'*). Les pierres utérines entraînent conftamment la ftérilité , fans pourtant fupprimer toujours le flux menftruel ; mais dans ce dernier cas , il eft vraifemblable que le iàng des ré- gies n'eft fourni que par les vaifleaux du vagin , comme dans les femmes qui ont leurs mois pendant tout le tems de la groïTefTe. M. Louis déclare modeftement , en terminant fon Mé- moire , qu'il n'a fait qu'effleurer la matière qui en eft l'ob- jet , faute d'avoir eu une quantité fuffifante de faits pour l'approfondir. Mais tout juge équitable conviendra, que le parti qu'il a fçu tirer du petit nombre d'obfen'ations qu'il a pu raflembler , fait également honneur à fon efprit & à fon zélé pour les progrès de la Chirurgie , dont il eft un des principaux ornémens. (*) Si dans quelques cas rares , il arrivoit qu'ils n'euflent pas l'ertet qu'on en attend , il femble qu'on pourroit faire ufage d'un moyen , auflî fimp'e qu'ingé- nieux , dont fc fervit M. Levret pour arrêter le fdng , après une opération de la. fiftule à l'anus. II introduifii dans le reftum une veilie de cochon , & la gonfla enfuite d'air, ce qui fit cefler rhémorragie.i Voyez fon traité dei polypei utérins. (*') Si la dureté de cette tumeur n'avoil été un obftade à la ligature de Ai, Ltvrit, ou auroit pu la lier. XL DISCOURS Tzf^TTÎ ARTICLE XI. Ann. I7IS. 5^^ /gj, /y/^. ^u mouvement du fang dans les vaijjeaux. Voyez les Nous ne dirons rien ici des recherches que feu M. de Sauva- Mém. pag. ^ faites fur ce fujet , fi ce n'eft qu'elles font d'un des plus ^*" ct^lébres ProfefTeurs qui aient jamais illuftré l'école de Mont- pellier , & que c'a été fon Mémoire de réception à l'Acadé- mie Royale de Prufle. Ce grand homme , dont le fouvenir nous fera toujours cher & refpeûable , vient d'être enlevé aux Sciences & à la Médecine , n'ayant guère au-delà de 60 ans ('*'')• Il feroit à fouhaiter qu'on réunît en un feul corps fes difFérens ouvrages ; peu de tems avant fa mort , il nous fit l'honneur de nous charger de procurer l'imprefTion d'une grande phyfiologie in-4°. qui n'a pas encore vu le jour , & qui doit être un ouvrage bien précieux. Il faut efpérer que M. l'Abbé de Sauvages, frère de l'illuftre mort, & très-dit tingué lui-même par fes grandes connoiflances dans l'Hiftoire Naturelle , en gratifiera bientôt le Public favant. ARTICLE XII. Sur le Chryfuprafe de Kofemif{. ^, ,gj II régne dans les écrits des Naturaliftes la plus grande con- Mémrpag" fufion fur l'article du Chryfoprafe ; ce que M. Lehman en '°7- dit ne peut que beaucoup éclaircir fhiftoire de cette pierre , comptée parmi celles à qui on donne le titre de précieufes. == ARTICLE XIII. Article ann.'.VsV •^"'' ""^ excrejjence monftrueufe trouvée fur un fapin. Voyez les Dans ce Mémoire très-piquant & très-curieux , le favant Mcm. pag. Académicien , après avoir décrit l'excreflence monftrueufe , 117. (*) M. (le Ratte , Secrétaire perpétuel de la Société Royale de Montpellicf , a rendu un jufte hommage à fa mémoire dans un éloge digne de figurer à côté de ceux de M, de Fontenelle ; les Savans de toutes les nations chez qui la renommée avoit porte le nom & la gloire de M. de Sauvages , ne pouvoienr avoir d'interprète plus éloquent de leur douleur. qui PRÉLIMINAIRE. xli qui ëtoit un compofd de gui & de fapin , confondus enfem- article bie , fait mention de quelques autres monftruofités végétales anm."i7J5. très-lingulières ; il s'étend enfuite beaucoup fur la greffe , tant fortuite ou naturelle , qu'artificielle , & finit par des con(idérations fur les plantes parafites. On fait que le gui eft la plus dangereufe de toutes ; M. Gleditfch a deflein de pouffer plus loin fes obfervations fur cette plante , & d'en entretenir encore l'Académie dans un autre Mémoire. Nous dirons quelque chofe dans YAppendlx de celui que M.. Duhamel a donné à l'Académie Royale des Sciences fur le même fujet. ARTICLE XIV. Sur les maladies du Cœur. M. Meckel confidérant que le cœur peut être regardé cora- ttie la maîtrefîe roue de la machine , & voulant mettre à ^^ ^^ j^ profit la grande quantité de cadavres qui font en fa difpofi- Mém. pag. tion , a fait fur les maladies de ce précieux organe des re- '^S'< cherches & des obfervations qui ne peuvent manqiier de pa- roître très-intérefTantes , même après la lefture de l'im- mortel ouvrage de M. de Senac fur la jlruclure & les mala- dies du cœur. Rien de plus inftruûif fur-tout , & déplus digne de l'attention des Médecins , que les obfervations de notre Académicien touchant l'adhérence du péricarde au cœur , fur laquelle roule tout fon premier Mémoire. Après avoir vu le détail des fuites fâcheufes qu'elle en- traîne , & qu'il efl naturel d'en attendre , on ne peut lire fans une extrême furprife , chez M. de Haen (a) le cas infiniment fingulier, de l'adhérence la plus intime du Ciieur au péricarde , & des poumons à la plèvre , fans que la refpiration fût nota- blement empêchée. Voici le fait , tel que le rapporte M. de Haen , avec les réflexions qu'il lui a fuggérées. Ayant ouvert la poitrine , je trouvai le poumon fi forte- ment uni à la plèvre , que je n'ai jamais rien vu ni lu de pa- (j) Ratio medendi, lom, I, fars ÏI, caf.yill, d( Jir.^ulari modo refpiralionii , & moiui ;oTdii. ' Tome IL f xLii DISCOURS Ann. 1755. "xi'y."" reil ; car il n'y avoit pas un feul point dans le thorax, & dans "" '""' toute la furface des poumons , qui fût exempt d'adhérence. En effet , le poumon étoit attache à toute la plèvre , à tout le diaphragme , à tout le péricarde , & à tout le fternum ; & cela , avec tant de force , qu'il ne fut au pouvoir d'aucun de nous d'en féparer la moindre portion , fans déchirement. Tou- tes ces parties étoicnt unies par un tilTu cellulaire , extraor- dinairement tenace , & qui fe laifToit à peine étendre d'une demi ligne , lorfqu'on faifoit eifort pour les féparer. Bien plus , dans tout le côté gauche , l'adhérence n'étoit pas fim- pie ment formée par ce tiffu cellulaire ; il s'y trouvoit une véritable carnification ; il fembloit que la plèvre eût dégénéré en une chair rouge , & très-épaifTe , qui pénétroit profondé- ment dans le poumon , dont on ne pouvoit la féparer. Tous les lobes du dernier , étoient adhérens entr'eux , au moyen de la fubftance cellulaire ci-defTus. Mais rien de plus admirable que l'état oui nous trouvâmes le cœur. Le péricarde n'étoit pas feulement intimement uni par tous les points de fa furface extérieure , comme on l'a déjà dit , avec les poumons ; il étoit encore attaché , de la même façon & à la faveur de la même fubftance cellulaire , par fa furface interne , au cœur , aux oreilletes , aux fmus , & à tous les grands vaifleaux , & cela , d'une manière fi forte qu'il étoit impofRble de détruire l'adhérence , fans déchire- ment. En outre , l'aorte fe trouva entourée , de toutes parts , jufqu'à la diftance d'un pouce du cœur , d'un fac épais , qui avoit l'air d'une nouvelle produûion , & qui s'y étoit uni de la façon la plus intime. Le ventricule gauche avoit à-peu- près fon épaifleur ordinaire , mais le droit en avoit à peine la quatrième partie. Perfonne d'entre nous n'a jamais vu l'homme dont il s'a- git, refpirer difficilement. Le 4 Mai de cette année, il monta, avec les autres pauvres, 50 dégrés pour venir me confulter; il n'eut pas , non plus , de peine à refpirer les quatre premiers. PRELIMINAIRE. xLiii jours de fon entrée à l'hôpital , ni après qu'il fut guéri de fa article péripneumonie , fi ce n'eft aux approches de la mort ; la refpi- ai.m.'^7m. ration étoit feulement un peu plus courte qu'à l'ordinaire , 6c le pouls un peu plus fréquent & plus foible , fans prefque aucune inégalité. Voilà donc im homme qui , malgré des adhérences telles qu'on n'en a peut-être jamais vues , n'a pourtant point été en- levé par une mort prompte , mais par une mort lente , dont les caufes étoient d'ailleurs très-connues (*). Or , confidérons maintenant qu'elle pouvoit être dans cet homme l'aftion du cœur. Cet organe avec fes oreilletes , fes finus , & fes grands vaifTeaux , étoit prefque entièrement im- mobile dans le péricarde , car il n'étoit pas feulement attaché à ce fac en partie , comme je l'ai vu plufieurs fois , mais gé- néralement à tous les points de fa furiace interne , ainii qu'on l'a déjà dit , & par une adhérence li forte , qu'on ne pouvoit la faire cefler fans dilacération. Mais puifque toute la poitrine , la plèvre , le diaphragme , le poumon , le péricarde , le cœur , les grands vaifTeaux , le médiaflin , ne formoient qu'une feule maffe folide , comment expliquera-t-on l'aftion de tous les organes qui fervent aux fondions vitales ? Si l'on imaginoit que la charpente ofTeufe de la poitrine étoit dilatée par les mufcles infpirateurs , que l'air entroit dans les poumons , pareillement dilatés , en con- féquence de l'écartement des eûtes , & qu'enfuite les mufcles infjjirateurs étant relâchés , le thorax retombant par fon propre poids , en chafToit l'air , & que la respiration a pu fe continuer de cette manière ; je répondrois , que cette efpèce de re/pira- tion , en la fuppofant pofTible , eût été certainement beaucoup plus laborieufe, que nous ne l'avons obfervée dans notre fujet. Et de plus , de quelle manière fe fûfoit le mouvement du cœur ? Cet organe fe dilatoit-il en même tems que toute la mafle ? Mais dans cette fuppolition , il n'eût pu fe remplir (*) U mourut d'une diarrhée colliquative. xLiv DISCOURS TTTfffî & fe vuider qu'une feule fois à chaque refpiration , tandis ANN.'y^jj. qu'il bat naturellement quatre à cinq fois dans l'intervalle d'une refpiration à l'autre. Or , notre homme a toujours eu le pouls plus fréquent qu'il ne doit l'être , même jufqu'à la fin de fa vie , ce qui n'indique pas un cœur palpitant , mais un cœur qui fe vuide. En outre , fi à chaque refpiration, l'aorte ne fe dilatoit , & ne fe contraûoit qu'une feule fois , com- luent a-t-ellc pu , en chaflant le fang dans l'artère du carpe , rendre le pouls plus fréquent , fur-tout pendant la fièvre produite par la péripneumonie ? En un mot , de quelque manière que j'examine la chofe , de quelque côté que je me tourne , je ne vois par-tout que des difficultés infurmontables ; car l'adhérence que nous venons de décrire portoit des marques d'une certaine ancienneté , & contredit par conféquent les loix ordinaires de la phyfiologie. L'homme peut-il donc vivre , indépendamment , & même malgré ces loix ordinaires de l'œconomie animale ? Le nôtre a vécu ; donc on le peut. Et qui a prefcrit au Tout-Puiflant les régies félon lefquelles il donne & conferve la vie aux hommes ? . . . &c. ARTICLE XV. Nouvelles obfervations fur les maladies du cœur. Voyez les Ces nouvelles obfervations de M. Meckel préfentent encore Aîem. pag. ^-^^^ ^^^ ^^^ ^^^^^ ^ finguliers. _" ARTICLE XVI. '^''xvr^ Sur la force de r imagination des femmes enceintes fur le fœtus t ann- '756. ^ Voccafion d'un chien monftrueux. Voyez les H n'y a point de queftion qui ait plus exercé les Médecins Me^m. pag. g^ j^^ Philofophes que Celle dont il s'agit ici ; M. Eller en ayant entrepris l'examen , fe décide pour la négative. Il n'eft pas ébranlé par la fameufe hiftoire rapportée par le Père Malebranche , au fujet d'un enfant qui vint , dit-on , au monde PRÉLIMINAIRE. xLV avec les os rompus , parce que la mère , pendant fa groflefle, ^Î^TTZT avoit afliilé au fupplicc de la roue C"*-). D'ailleurs, les nerfs ^^^^,76. font les feuls inftrumens , fuivant M. Eller , par lefquels l'i- magination puifle agir fur le corps : or , il n'y a pas un feul nerf qui fe rende de la mère à l'enfant. M. Eller ne nie pas cependant que les grandes partions ne puiiïent caufer dans la matrice des reflerremens ipafmodiques , capables de vitier plus ou moins forganifation de l'enfant ; d'accélérer ou de re- tarder la circulation du fang , d'où peuvent naître des tâches à la peau ; de boucher certaines artères , ce qui empécheroit le développement des parties où elles vont fe rendre. Il ex- plique d'une manière fort plauiible , à l'aide de fes fuppofî- tions aflez fimples , les différentes tâches que les enfans ap- portent en naiifant , & que les femmes appellent des Envies^ ôc même les monftres par défaut ; mais il trouve plus de dif. ficulté à rendre raifop des monllres par excès , ou qui ont quelque partie étrangère à l'efpèce. Tel étoit un petit chien né à Berlin , dont la tête reffembloit aflez à celle d'un coq d'inde. On attribuoit ce phénomène à ce que la chienne mère , pendant fa portée , fe promenant fouvent dans une bafle cour , où fe trouvoit un coq d'inde , parmi la volaille , en étoit toujours chaflée avec violence par le coq ; l'imagi- nation faifie de la chienne aura donc fait tout le mal. On, penfe bien que M. Eller fe mocque de cette explication. Mais (*) M. Marcot {a) a montre depuis long-tems , dit M. de Hatler , que toute cette fa) Mirr.o;r» liiftoire eft le fruit de l'imagination du Père MaUbranche ; & , fupporé qu'elle ait . Que peut-on en favoir ? on n'ouvre de femmes qu'après la mort , & alors les corps jaunes peuvent-etre flétris , ôc avoir difparu. 3°. » M. de Haller regarde, comme inconteftable que les corps A KT 1 C L ■ XVI. PRÉLIMINAIRE. XLix » corps glanduleux ne font pas la caiife de la fécondation , » mais qu'ils en font la fuite fa) >». Ai.C.'ivfS. Comment s'en adlirer ? Ceux que M. de Haller a trouvé (a) md. dans des femmes grofles , & après l'accouchement , ne pouvoient-ils pas être les mêmes qui a\'-oient fervi à la con- ception , ou de nouveaux corps glanduleux indépendans de la groflefle , & qui auroient fervi encore à de nouvelles conceptions ? En général, il nous paroît que les femmes font moins propres que les femelles des animaux à nous four-< nir les lumières que nous cherchons , & qu'il feroit jufte de rappeller , au moins , à un nouvel examen les obfei-vations que M. de Bujfon a faites fur ces dernières. 4°. )i J'ai ouvert fans préjugé & fans vue particulière , n dit M. de Haller , cent & cent femmes , tant vieilles que il jeunes : je ne crois pas avoir trouvé les corps glanduleux 5' au-delà de dix fois , & toujours dans des femmes grofîeâ >» & diiTéquées dans cet état , ou bientôt après l'accou- r, chement (*). (*) M. de Haller difoit cependant en 1751- avoir fouvent remarqué le corps jaune, dans les filles nubiles , avant la conception (a). Santorinus {ohÇ. Anat. cap. XI. n°. 15.) arfure les avoir obfervés auffi dans des /;Wourn. de filles qui avoicnt été d'une conduite irréprochable (1). méé. Nov. Valifmeri rapporte les avoir trouvés dans une Vierge , tnais , dit M. de Haller, ,756. p. jSj. tuba ad recifiendum oium parata erat , quod non decebat yirginem, élem. phj'liolog. tom. VIII. pag. 32. note y. Cependant M. de Haller dit quelques pages auparavant .- /efè eiiam extra leneri: tempora , tnlia ver fus oiorium contorquetur, Ihid. pag. 17. §. XIV. Feu M. Bertrardi, premier Chirurgien du Roy de Sardaigne , a donné dans les mélanges de la Société Royale de Turin , un Mémoire fur le corps glanduleux de l'OYaire , où il fe propole de démontrer^que les filles , même celles dont la virginité cft la plus intafte , ont quelquefois des corps glanduleux dans l'ovaire , lelquels font defiinés à féparer la fémence ; qu'ils ont une (IrufVurc prcfque Tenv blable à celle des terticules des mâles , qu'ils croilTent comme les fleurs dans les plantes , pour Ce faner enfuite comme elles (1). '"V°"i"'ii h'i. Fan.der-Behn , Dofteur en Médecine, 8< Profeflcur Royal d'Anntomie 81 de ^'g"^''- |""'^- Chirurgie à Louvain , a vu un corps jaune , de la grofleur d'un pois , dans l'ovaire. .^^ '' •"■ '° (a) V oyei fcs premiers ilémens de phyjiolagie , in-8°. Paris 175Z. §. 827.^11?. ï6o St ifti. de la traduclion françjije. Il a paru à Gott'ngue et 1765. une no'^vtlle édition fan augmentée de cet outrage, ' Tome II. g Article XVI. DISCOURS Il efT: bon fans doute , de ne pas porter un efprit de fyf- ANli/i7j6. tême dans fes obfervations & fes expériences ; il n'eft que trop commun qu'on ne voie alors , quà travers un voile tilTu d'une fille, qui, pendant fa vis, n'avoit donné aucune preuve de libertinage, & (0 Journ. de la fa^elfe de laquelle il étoit moralement fur (i). Je med. Xov. M. de Haller ne (c rend point à tous ces témoignages ; il leur oppofe fes propres '75'5.p. 3S3. expériences , beaucoup plus nombreufes que celles de ces Mrs. Muho nempe numerojio:a pericula feci , dit cet illuftre Médecin , quant Cl. aiver- fariarum aliijuii : otium ad quadraginla cor fora indici , catelhrum ad triginta , prieter caprai , taccas , porcas , gtires , cuniculo: , mulierum demùm aut gravidarum , aut nuper abortu liberatarum , & puerperarum corpora feptem. Ita Graaffius centum Cuniculos , &■ oyes quaJraginta inciderat. Et tamen , tift in periculis, numquam incidi in corpus luteiim , quin unâ cotyle- dones reperirem , ad priarfm aiiquam graviditalem pertinentes , Sf manifejlù homiaeî rtfutarem , qui pro xiiginibus , aut prima vice conceplione defundis , aninialia rnibi lendide'ant ». Hdller. tiem. Phyfiol. tom. VIII. pag. 33. On ne peut nier que ces importantes & curieules expériences de M. de Halter , dont il faut voir le détail dans fon grand ouvrage (a), n'ayent beaucoup de force i mais la t-reuve qui en réùilte n'eft cependant encore que négative. En effet , de ce que tous les animaux en qui M. de HMer a trouvé le corps jaune avoient vu le mâle , il ne s'enluit pas que ce corps n'ait pu exifier dans l'ovaire dès avant l'accouplement. Ces expériences leroient donc plus décifives, fi elles avoient élé faites fur des femelles qui , inconteftablement , n'auroient point vu le mâle , . comme M. de Buffon (2) l'affure des chiennes qu'il a fait ouvrir pour y chercher Jî)^Hin. Nat. le corps glanduleux. Nous obferverons , en partant , que les chiennes paroilTent être 201. iô'î. ' *"' '^'^ '°"^ '^^ animaux les plus propres à ces fortes d'épreuves , par la facilité qu'on a de les avoir fous la clef, £< parce que les fignes de ia chaleur font très marqués chez elles, par le gonflement de la vulve, &c même par une efpèce de fuinte- lement fanguinolent. Si donc il arrive que dans un nombre fort confidérable de chiennes , gardées avec toutes les précautions convenables pour en éloigner le mâie, & ouvertes pendant le rut , on ne trouve jamais de corps jaune , il ne fera plus douteux alors , que ces corps ne foient immédiatement l'ouvrage de la conception , s'ils fe trouvent toujours dans les femelles qui auront conçu ; cela formera une preuve direfte & pofitive , à laquelle il n'y aura rien à répliquer. La préférence que nous accordons aux chiennes pour les épreuves doiu nous parlons, eft fon- dée encore fur ce qu'en foumettant aux expériences dont il s'agit des brebis , des vaches , des truyes , 6tc. on eft comme forcé de s'en rapporter à la bonne foi de gens qui ont intérêt de faire produire ces animaux , & intérêt encore de les vendre enfuiie aux curieux qui veulent les acheter. Quant à l'abfence des molécules organiques dans le fuc du corps Jaune, at- teftée par M. Ledermulter (i>) ; nous ne croyons pas que les feules obfervations de ce Savant , dniveut anéantir celles de Mrs. de Buffan (c) , d'Aubenton , Needham ^ & Dalibari. D'ailleurs , Tabfcnce même de ces molécules pouvoit n'être qu'appa- (a) yid elem. phyfiolog. tom. Vlll. lib. XKIX. §. XK Se XVI. pag. ij-jS. voy. cuffi VHift. de l'Acad. ann. 175J. pag. 134. '35. (6) Apud Wa//cr. Elem. phyfiolog, tom. VIII. pag. 139. (c) Hift. Nat, in 4°, tom. II. pag. zoj. 105. lo6, 107. joS. PRÉLIMINAIRE. LI par la prévention , & feulement ce qu'on eft bien aife de "ÂrV . c l e voir ; mais il faut avouer aufïi , d'un autre côté , qu'un ann. iJjô, Auteur qui cherche dans certains faits des appuis à un fyf- téme chéri , s'y rend plus attentif, les étudie avec plus d'ardeur, & de foin, que celui qui n'efl animé d'aucun in- térêt perfonnel , & qui ne porte dans fes recherches au- cune vue particulière. 5°. » L'infenlîbilité de plufieurs femmes & de plufieurs « animaux femelles qui conçoivent , fournit encore à M. de 51 Halkr un argument contre l'exiftence d'une liqueur pro- . 5) lifique dans la femme & les femelles des animaux (a"). W 'W. Mais eft-il bien fur que plufieurs femmes conçoivent fans plaifir ? Beaucoup font oftentation de cette prétendue infen- îibilité ; mais on n'efl pas obligé de les en croire fur leur parole (■*") ; & à l'égard des femelles des animaux , nous ne faurions bien juger de ce qui fe pafTe en elle^. Si l'infen- lîbilité ou, pour mieux dire , la froideur de certaàies femmes mit rente o\i paiïbgère , comme il arrive quelquefois à la femence des mâles , & le fuc du corps jaune n'en être pas moins prolifique (u). On a vu ci.dertiis que le corps jaune a été obfervé dans des filles d'une vertu non fufpefte ; M. de Halhr dit cependant que fi unquam abjque fétu corpui luieum iti otario repeniim ejl , quod efi rarijjimum ( femel Kuhliman ) , credibile ejl , eum fetum ahortu perditum ^ aiit alio modo defir^cium dijparuijjt (lo). f^io) Elem. Mais quoi donc les filles en qui M. de Haller difoit en 1751 avoir rencontré le phyùulog. t. corps jaune , celks fur qui Samorini a fait les mêmes obfervations , celle dont ^'"' P' î*"* parie M. Fan-d<:r-Be!en , la fille réputée Vierge par ValifrU-i, celles enfin dont feu M. Berirandi fait mention dans fon Mémoire, toutes ces filles, disje, avoient donc avorté ! Kn vérité , cela paroît un peu dur à croire. Quoiqu'en difent les libertins , il n'cft pas fort commun que les filles , dont l'éducation eft un peu foignée , fe dérangent , à un certain point , Se lorfque ce malheur le'.ir arrive , il eft très- rare que ces infortunées viftimes de l'amour, pour qui le public a des yeux d' ■•rgi;j , échappent aux foupçons de la malignité. V.n un mot , nous ofons croire que de toutes les réputations , celle de fageflè dans les filles , eft la moins fouvent u.lirpéc. (.1) Voy ej ce que noui aroij déjà dit à ce fujet dans noue premier Difcours pag. {*) M. de Halter lui même paroit fufpefler leur véracité , car il dit ailleurs : Ci i) (,,) Elem' finceriores alia £• appetuni lenerem , & fe ea {_ voluptate ) deleBari agnofcuni. AufTi phvfil. lorà. ne voyons-nous pas que dans fa grande phyfiologie , il argumente .ie cette pré- vill. pjg. ij, tendue infenfibilité contre l'exiftence d'une liqueur fcminale dans les femelles. S- XII, ë U LU DISCOURS dépofe contre Texiftence de la liqueur feminale dans le fexe, le tempérament ardent de tant d'autres , refpèce de fureur amoureufe avec laquelle elles jouifTent , les terribles fymp- tômes de la pafllon utérine , n'indiquent-ils pas chez elles iine liqueur extraordinairement aftive , qui fait fur leurs organes des imprefllons analogues à celles de la femence dans l'homme ("*■) ? (j) Dift. 6°. Enfin M. de Haller demande (a) : » d'où viendroit à rair. d'Anat. „ \^ inatrice cette liqueur feminale ? qui l'a vue , & qui a torruKr.p! " j^'^'^is trouvé dans le corps de la femme quelque chofe 45S' » qui reflemble à la matière feminale de l'homme ? N'eft-il « pas vrai, ajoute M. de Haller , que l'odeur de cette der- « nière pénétre la chair même des animaux mâles , pendant i-> que celle des femelles eft douce , & fans exhalaifons def- jî agréables " ? Il eft aifé de répondre à la première queftion , que la liqueur prolifique de la femelle peut venir à la matrice par les trom- (h) Util, pes , comme Galien l'avoit déjà dit avant M. de Buffon (h); xiv.càp". y a-t-il pïi-^s de difficulté à cela , qu'a y faire defcendre »o- l'œuf? Mais qui a jamais vu cette liqueur ? Qui ? M''^ de Buffon , d'Aubenton , Needham , Dalibarî , &c. difent l'avoir vue dans les femelles des animaux, & c'eft une préfomption aflez forte qu'on la trouveroit auffi dans les femmes , fi elles nous otfroient pour cela autant de facilités , que les bétes. Quant à l'odeur que la femence des mâles communique à leurs chairs , on peut répondre que pour être prolifique , il n'eft pas abfolument néceflaire que la liqueur feminale des femelles , participe à toutes les qualités de celle des mâles ; (*) Si les femmes ont de la femence entièrement femblable à celle des hommes , (OEncyciop. d'cù vient , dit M. Daumont (i) , ne produit-elle pas les mêmes cfl'ets dans le tom. VIL art. corps des filles, que dans celui des garçons à l'âge de puberté? :féa(r3iwn. Elle y produit , peut-on repondre à M. Daumont, des effets analogues ; l'Sriip- tion des règles , le gonflement du fein, & les poils &c. dont les parties naturelles le couvrent , chez elles , comme chez les garçons. .tklu. Article XVI PRÉLIMINAIRE. LUI & toutes leurs autres humeurs , ne font-elles pas en effet , plus douces , moins fapides , moins odorantes {■^J. J'accor- a»in"/i7;4 derai fans peine à M. de Haller que ce que les femmes ré- pandent dans le coït , n'eft pas de la véritable femence , puifqu'elles n'en font que très-peu afFoiblies : une raifon tout aufîî forte , c'eft que la nature iroit-elle-même contre fes propres vues ; & qu'affurément , elle n'efi: pas prodigue d'une liqueur aufll précieufe ; l'homme feul porte la dépra- vation jufqu'à la dilîîper , fans la faire fer\'ir à la fin à la- quelle la nature la deftine , fans même y être excité par le befoin (*■*/ Mais il ne s'enfuit pas de là qu'il ne puifle fe faire ime éjaculation intérieure , dans toutes les femmes qui conçoi- vent , fans excepter celles qui ne répandent rien au-dehors par (*) M. de Haller dit (i) , d'après Harvée que les brebis qu'on me pendant quel. C') p*"- les font en chaleur , ont un goût rance. Pourquoi la chair de la brebis eft elle yi^i "l' \. plus dure & plus coriace que celle du mouton ! Cela ne viendroit-il pas de ce •' qu'elle n'cft pas châtrée ? Je crois avoir lu quelque part , qu'en certains païs , on châtre les femelles des animaux , pour les rendre plus tendres 6c plus fucculentes. (*') On prétend que le finge eft une exception à cette régie ; un de mes amis, liomme de mérite , m'a allure en avoir vu un lé polluer , à la vue d'une jeune demoilélle. Mais comme le finge eft un animal très-imitateur , j'imaginai d'abord que celui dont il s'agit pouvoit n'être , comme on dit, que le finge de fon maître , ou de quelqu'autre , a qui il auroit vu faire cette infâme manœuvre. Mjis depuis que j'ai lu dans M. de Buffon (i) l'hiftoire des fingcs , j'ai penfé difléremment ; (*''J'''''JJî!" j'ai compris que les rappons étonnans que la nature a mis entre la conformation X 'xyV de ces animaux , £< celle de l'homme;, peuvent s'étendre jufqu'aux habitudes phy- fiques; & en effet, le Babouin , par exemple, le plus impudent & le plus lubrique des iînges , « fe touche &t fe fatisfait feul aux yeux de tout le monde , & cette aftion , l'une » des plus hontcufes de l'humanité , & qu'aucun animal ne fe permet (*) , copiée n par la main du Babouin rappelle l'idée du vice , & rend abominale l'afpeft de « cette bête que la nature paroît avoir particulièrement vouée à cette efpèce » d'impudence ; elle femble en f?ire gloire , fur-tout à la vue des femmes , pour » lefquelles elle déployé ime effronterie qui ne peut naitre que du défîr le plus im- « modéré. I.e magot, & quelques autres efpèces , ont les mêmes inclinations, (jjHift. Nat, V mais on les rend modcftcs a coup de fouets (j) ». t. Xiv. pag, 13s. & 136. C*) La raifon en eft , peut-être, que les autres animaux n'ont pas des mains , comme les fin- ges : lorfque le befoin le fait vivement fenlir , & qu'ils n'ont point de femelles pour fe fou- lager , ils cherchent , peut-être , aufTi queiouefois a répandce leur femence par quelqu'un des moyens que l'inftinft leur fuggere. C'eft ainfi , par exemple , que les mulets , auxquels on ne permet guère de s'accouoler , font fouvent fi prelTés de la répandre, dit M. de Buffon (4), / \ ji^ qu'ils fe couchent fur le ventre pour fe frotter entre leurs pieds de devant , qu'ils replient , ., "' fous la poitrine. ^^' Ces avions innocentes Je naturelles chei les animaux , fon criminelles dans l'homme ^ à qui U raifon « it,i donnée pour téglec fes appétits , U Us (onfeiincr a U 1«^ Ab. I I Liv DISCOURS în la copulation. D'ailleurs , cette éjaculation même ne feroit point KmJ.\\b. néceflaire , s'il eft vrai que la fémence du mâle parvienne jufqu'à l'ovaire , & que ce foit dans cette partie que s'opère la fécondation , comme on a tout lieu de le croire , & comme le penfe M. de Haller {a). Du refte , je dois avertir que prefque ________ tout cet article , à l'exception des notes , étoit écrit, avant que artic I. E j'euile vu la grande Phyliologie de cet illuftre Médecin. K^2\\\6. ARTICLE XVII. Sur de nouvelles expériences , par lefquelles il eft démontré quil fe trouve de la terre dans l'eau diftillée la plus pure. U''°^^^JË ^^^ nouvelles expériences font une fuite très - intéref- ^'"''' fante de l'examen chimique de l'eau donné par M. Margraf, ï=^=art. XXXIX. année 1751. ^xVuL^" ARTICLE XVIIL ' Sur des fleurs de /'After Montanus , ou Pyrenaïque , empreintes fur Uardoife. Voyez les La Differtation que M. Lehman a préfenté a l'Académie Mém.p. 195. touchant ce phénomène, eft un morceau très-curieux d'hiC- toire naturelle. Quoiqu'on trouve fur un grand nombre de pierres des empreintes des différentes parties des plantes f^Jy M. Lehman ne connoît prefque aucun naturalifte qui ait fait mention d'empreintes de fleurs ; il donne fort au long l'hiftoire de fa découverte , & propofe'en finiflant, des conjeûures très- plaufibles , fur les accidens ou les révolutions locales , qui ont pu porter les fleurs dont il a vu l'empreinte fur l'ardoife , à une aufli grande profondeur dans l'intérieur du globe. ARTICLE XIX. Sur de nouvelles expériences chimiques concernant Vétain. XI x.''^ Ces expériences font une continuation du travail de M. Ann. .7;6. ]\^^j.graf fur l'étain. Voyez l'article XXI. ann. 1747. Voyez les (a) Vid. Elément, phyfwl. tom. VIII. fca. I. §. XXIV. pag. 52. ç^ & 54. Mém.p. 207. (*) On peut voir fur ce fujct un curieux mémoire d« M. de JuJJleu , parmi ceux de l'Académie Royale des Sciences, année 1718. ■II. .>«» Article PRELIMINAIRE. lv ARTICLE XX. '"'xx''' Ann. I7j6. Sur un quadrupède d'Amérique. Voyez les Cet animal eft le Coati que M. Linnœus rapporte impro- Mém.p.îio, prement au genre des ours ; il en a donné dans le IX tome des Mémoires de l'Académie Royale de Suéde , une des- cription Ôi. une figure qui manquent d'exaftitude. M. Rylof le décrit très -en détail , tant pour l'extérieur que pour l'intérieur , & en foumet toutes les parties aux yeux dans trois planches qui terminent fon Mémoire. ARTICLE XXI. f^^ X X 1 Sur la nielle des Bleds. a.nn. 1756. Après l'étude des maux qui affligent le corps humain, Voyez les rien de plus intérefTant pour nous que celle des maladies ^"'•P-ï*«< qui attaquent les plantes dont nous tirons immédiatement notre fubfiftance : cette étude, toute importante qu'elle eiï , avoit été extrêmement négligée jufqu'à ces derniers tems ; ce n'efl qu'environ depuis douze à quinze ans , qu'on s'en eft occupé avec toute l'ardeur qu'elle mérite. M. Gleditfch , qui a peut-être la gloire d'avoir ouvert la carrière , nous fait efpérer une fuite de Mémoires , qui ne peuvent manquer d'être très-intérefîans , fur les maladies dont il s'agit ; & , en attendant qu'il puifTe acquitter complettement fa promefTe , il commence par nous donner des obfervations très-importantes & très-détaillées , fur l'une des plus con- fidérables , qui eft la nielle des bleds ; ces obfervations , dont nous parlerons plus particulièrement dans ÏAppendix , où elles feront rapprochées de celles de M. Aymen , ont ëté fuivies avec la plus grande exadfitude , pendant quatre à eifiq années confécutives par notre Académicien. LVI DISCOURS ■an I I AVx'u."-' ARTICLE XXII. Akn. i7j«. g^^j. q^^iq^Qs nouvelles expériences éleclriques. Voyez les Q^^ expériences appartiennent à M. j^pinus , célèbre " membre de l'Académie Impériale de Petersbourg , & l'un des Phyficiens à qui l'on doit la mémorable découverte de la congélation du mercure; elles ont pour objet le Tourmalin , pierre d'une nature très-particulière, &dont l'éleftricité pré- fente une foule de phénomènes finguliers. On trouvera dans YAppendix l'extrait que M. le Baron à'Olbach a donné dans VEncyclopédie au mot Tourmalin , de la curieufe lettre que M. le Duc de Noya Carajfa , Seigneur Napolitain , grand amateur de fHiftoire Naturelle, a adreffée a M. t/e 5;/^o/z fur cette pierre. M. Freron a inféré aufll un très-bon ex- trait de cette lettre dans une des feuilles de fon Année lit- téraire. Le Mémoire de M. JEpinus fur le Tourmalin a fourni à M. Euler le fils , digne enfant d'un illuftre père, l'occafîon de fes Recherches fur la caufe phyfique de i'éleclricité. Les amateurs des explications ingénieufes & de la phyfique calculée, trouveront ces fa\'antes recherches dans les Mé- moires de l'Académie Royale de Prufle , pour l'année 1757. L'année 1756. ell terminée par l'Eloge de M. Lieberkiihn, dont la mort prématurée doit laifler les regrets les plus vife à tous les Savans ; il a trouvé dans l'illuftre Secrétaire de l'Académie un éloquent & digne panégyrifte de fes ver- tus & de fes talens. fr^ZÏl ARTICLE XXIII. ' XXIII. A"^- '7!«- Sur la Platine. Mém,p.î68. La découverte de la Platine efi: une époque célèbre dans la phyfique. Ce huitième métal , échappé aux recherclies de tous les fiècles antérieurs , & qui n'efl: bien connu en Eu- rope que depuis environ dix ans , a été l'objet des travaux des PRELIMINAIRE. lviï des plus habiles Chimiftes , en Angleterre (a), en Suéde , TrVTff - - " . . - XXIII. Ann. 17J7 en PrulTe , & enfin en France , où il a été examiné dans '^'""• un aflèz grand détail par Mrs. Macquer & Baume. Ces der- niers y ont rendu compte de leui- travail à l'Académie Ro- yale des Sciences , dans un Mémoire inféré parmi ceux de cette illuftre Compagnie (Jb) , avant que le célèbre M. Mar- (h) Voyee graf eût publié le lien fur le même fujet , dans les Mé- !" '^'^'"- ^' moires de TAcadémie Royale de Prufle pour Tannée 1757- "758. Ils font parvenus à fondre la Platine , ce qu'on n'avoit pu faire encore , mais ce n'a été qu'au foyer du miroir ardent {cj ; (-0 ■^*- p- ils ne defefpérent pas cependant qu'on ne puiffe réufîir '^^" enfin à la fondre dans de grands fourneaux animés par dos foufflets difpofés convenablement, ou au moins d'en réunir les parties en maffes malléables , en la fondant avec des mé- taux deftrudibles , & en y employant un feu d'une durée aflez longue pour les en féparer entièrement , comme ils (.. qui font déjà dans toute la peau , mais qui y font infenlibles, aV^ parce qu'ils y font trop clair feme's. ' ""' *' ' On a vu ci-devant que le fuc nerveux que les mamellons de la peau répandent , pour former le corps muqueux eft de deux cfpèces dans le nègre même , blanc & noir; c'eft ce dernier qui teint l'autre dans le nègre ; & l'on fait , par l'exemple de la fe- chc (-*■) , combien peu il en faut pour faire cette teinture ; mais il y a des cas où l'osthiops peut être réduit à une fi petite quan- tité, & le blanc fi augmenté , que cette teinte foit très-foible. Ces cas feront , ceux oh les mamellons fréquemment trémouffés par les attouchemens , les frottemens , prendront une forte d'érétifme qui refîerrera leur tiflure , & ne laiflera prefque plus fortir que du fuc lympide , & en abondance , à caufe du frottement qui l'excite ; alors l'amas confidérable de ce fuc fera un corps muqueux , épais , tournant au blanc ; il y aura même plulieurs couches de ce corps muqueux , fi les attouchemens font fréquens & puifîans. Tel eft le cas du de- dans des mains , & des pieds , où ces couches de corps mu- queux , & de furpeau vont jufqu'à la callofité. Si les mamellons de la peau font entremêlés de beaucoup de canaux excrétoires liquoreux , foit glanduleux , foit vafcu- leux & fudoriféres , alors l'sethiops fe trouvera noyé , lavé par ces liqueurs , & la peau n'en fera prefque plus teinte ; ce fécond cas eft celui des aifTelles des nègres. La grande peur , les maladies extrêmes font pâlir les nè- gres ; & quand il leur arrive de fe noyer , on les trouve fi changés de couleur, qu'on les prendroit prefque pour des blancs. La peur , & les grandes maladies introduifent ou fuppo- fent un grand érétifme dans les nerfs. Cet érétifme dans les nègres , reflerre le tiflli des mamellons nerveux de la peau, (•) Tous les Namraliftes favent que quand on touche cet infcae , ou lorfqu'il fe voit en danger , il répand une liqueur fi noire , qu'à la quantité d'environ un gros elle L.H A/fv^' ""^^^T '°"l'= ''"" 'I"' l'environne, & qu-alors enveloppé d'une obf- «uriie parfaite , il échappe a fes ennemis. K^te de M. k Ca:. i ij Lxviii DISCOURS Article fupprime l'aîtliiops , ne laifTe plus couler ni paroître que le A.N.N. lyjV. mucus blanc , que ce reflerrement exprime encore en plus grande quantité ; ce qui noyé & éteint Tcethiops. Ce même nègre , qui a pâli pendant fa maladie , n'eft pas plutôt mort , qu'il redevient plus noir qu'il n'étoit pendant fa vie. A la mort , non-feulement tout érétifme cefle , mais en- core il fe fait un relâchement accompagné d'une difpoiition prochaine à la diiTolution. Ces difpofitions lâchent , pour ainlî dire , les éclufes qui avoient retenu ci-devant l'asthiops natu- rel aux nègres , ou fon développement , & il paroît plus abon- dant que jamais. Le nègre qui fe noyé eft excepté du cas que nous ve- nons d'expliquer. Il garde après la mort même , la pâleur que la frayeur de fon accident lui a caufée , parce que le froid de l'eau coagule les fucs , & retient les houpes nerveufes de la peau dans le même état où le moment de la terreur , & de la fufFocation les avoit mis. Les puftules de la petite vérole font blanches chez eux , comme chez nous , parce que ces puftules font remplies du pus qui eft blanc dans tous les hommes , étant fait de la dif- folution des liqueurs & des vaiiTeaux qui les portent (*). Mais la cicatrice de cette puftule eft d'abord jaune , & en- fuite noire. Cette cicatrice eft un mucus & une furpeau ré- générée. Le pus qui a féjourné fur les houpes nerveufes en a aufli un peu altéré la tiffure. Elles ne verfent d'abord qu'un fuc blanc , mêlé d'un sethiops mal développé , à demi fabri- qué , & par là jaune ; car le jaune dans l'œconomie animale, eft une nuance qui conduit au noir , témoin l'atrabile , té- moin les glandes jaunâtres qui foutiennent les œufs des ovai- res de la femme , que l'Auteur a vues métamorpliofées en fom I. ar"^" Holr daus uue femme morte d'une maladie des plus malignes. XLYii.g.xx.jyj^ Meckel a fait la même obfervation (a). (*) M. Pringle ( trait, fur les fubft. foptiq. &c amifept. ) & après lui M. Gnher y dans les mélanges de la Société Royale de Turin , ont prouvé que le pus eft formé de la partie iereufe du iang. PRÉLIMINAIRE. lxix Peu-à-peu les mamellons du nègre échappe's à la petite vé-TTVTcLB rôle s'épanouillent , reprenent leur tiflure naturelle , & alors AL^i^rV, ils reparent le corps muqueux Ôi le fournillent d'un vérita- ble œthiops. II n'en eil pas de même des cicatrices ("^) , des brûlures coniidérables & des plaies de même efpèce ; elles font blan- ches C'*^^) , parce que les houpes nerveufes de la peau font ou trop altére'es , pour obtenir la réparation précédente , ou entièrement détruites , & que la cicatrice alors eft faite aux dépens du tiflli du fond de la plaie , où il n'y a point de pa- reilles houpes , mais feulement des lymphatiques , & où les mamellons circonvoilins trop altérés par la fuppuration , ne peuvent non plus verfer qu'une lymphe pareille à celle des parties précédentes. Dans le rcfte de fon ouvrage M. le Cat s'occupe de la mé- tamorphofe du nègre en blanc , ou du blanc en nègre , foit de naiffance , foit accidentellement ; il y fait des applications très-fines & très-ingénieufes , des principes qu'on vient de voir , à ces difFérens phénomènes. Nous ne faurions le fuivre dans tout ce détail d'explications favantes ; mais nous nous arrêterons un peu fur les traits les plus frappans de ces éton- nantes métamorphofes. Il y a un peuple entier de maures blancs , prefque au milieu de l'Afrique; (t) on croit que ce peuple eft une efpèce dégénérée des vrais nègres , dont ils ne différent uniquement que par la couleur ; & en effet , l'hiftoire générale des Voyages (h) fait mention d'une né- W Tora, greffe blanche , née d'un père & d'une mère noirs (^tt)- Elle ' P^^' 5 4- (*) M. Meckel dit qu'il fe tenoit prefque fur du contraire , quoiqu'il n'eût pas eu occafion de l'obferver par lui-même. Ihid. (") Tous CCS taits font tirés du Perc Labat , dont il y a un extrait dans le tom. III. des Voyages de M. l'Abé Preidi , & M. le Cat en a vu lui-même une partie. (t) Ce fait eft contefté par M. l'Abbé Demantt dans fa nouvelle hiftoire de l'Afri. que Fraiiçoife. (tt) I,e Journal Enciclopédique de Novembre ?=. partie , ann. 1760. fait mentioti d'im nègre tout b'anc , né de père (k de mère créoles très-noirs. Uns cliofc bien re. marquable , c'eft que fa mère qui vit encore , a eu huit enfans , dont le premier étoit mulâtre , le fécond noir , le troifième une négiefle blanclie , le quatrième , un iBUi Jâtre , le cinquième notre nègre blanc , 6t les trois derniers irès-noirs, Lxx DISCOURS Article fut mariée à un nègre , & en eut des enfans auffi noirs que A^^.^iiiy. leur père. Ce fait n eft pas plus extraordinaire que de voir les corbeaux & les merles , quoique noirs , faire quelquefois des petits blancs , ou , ce qui eft moins rare , de voir des chiennes noires , en jetter de blancs. C'eftde part & d'au- tre , l'imagination qui en eft caufe. En voici une nouvelle preuve ; deux ou trois enfans , très-connus , & appartenant à une bourgeoife de Rouen , qui dans fes groffeffes , a été frappée de lu vue de lapins blancs , ont exadement , com- me ces animaux , les yeux couleur de rofe , foibles & trem- blotans , incertains , bigles (^). M. le Cat donne , d'après les tranfaûions philofophiques , l'hiftoire d'un nègre , & d'une négrefle devenus blancs dans la plus grande partie de leur corps , & d'après l'hiftoire des Voyages , celle d'un nègre qui , s'étant brûlé en plufieurs endroits , en maniant une chaudière de fucre , reprit une peau blanche aux mêmes endroits , & d'une blancheur qui gagna peu-à-peu les autres parties , jufqu'à le rendre par- tout auffi blanc que les anglois. L'Auteur attribue tous ces faits à l'érétifme des. mamel- lons nerveux de la peau , qui a fupprimé l'œthiops animal ^ dans les parties devenues blanches. Si des nègres font devenus blancs , l'on a aufll des exem- ples de blancs qui font devenus nègres ; M. k Cat en rap- porte jufqu'à cinq ; tel eft celui d'un jeune homme que M. Boeb^ Suédois , a vu à Londres en 1742. Il avoit tout le corps , excepté le vifage , & le dedans des mains & des pieds , tout couvert d'une croûte noire , '& de plis très- longs , ou de franges pareilles à celles qui pendent des cou- vertures de laine , & qui étant remuées faifoient du bruit. Cette croûte , & ces plis tomboient , & renaiflbient chaque (*) On voit que M. le Cat n'eft pas moins décidé que Boerhaave fur l'influence de ï'imaginadon des femmes enceintes lur le foetus, & certainement il n'eft pas plus crédule ; on peut donc ajouter fon autorité à celle du légiflateur de la médecine mo- derne. Voyei ci-deyant t'arùcle XVI. X PRÉLIMINAIRE. lxxi ann(?e. La petite vérole dont il fut attaqué , & les- remèdes ^t I C L E XXIV. qu'on lui fit le guérirent entièrement de cette maladie (ay t^^.\^ij. La croûte éthiopienne , & fes franges font viliblement le produit d'une maladie de la peau , ou les houpes nerveu- ,a^'',''rj^"^!"' fes de cet organe fe trouvent dans les mêmes difpoiitions na, tom. ii, où elles étoient dans les ulcères qui ont donné des fuligino- ^^^" ^^* lîtés au lieu de pus , & dans les autres excrétions pareilles , dont l'Auteur a fait voir que le mécanifme général eft un dé- veloppement , une efpèce de diflblution dans les houpes & les fucs neivo-vafculeirx ; & la croûte étoit une vraie furpeau ma- ladive , qui exfudoit des houpes nerveufes de la peau ou de fon mucus ; la petite vérole guérit cette maladie , parce que la fuppuration enleva le levain morbifique , ou la modification vicieufe des mamellons nerveux. Une demoifelle de feize ans eut quelques boutons d'é- chauiFures au vifage , qu'une faignée , & une médecine ou deux guérirent. Elle continua à fe bien porter pendant en- viron un mois , après lequel fon vifage dans toute l'étendue qui a coutume d'être couverte d'un mafque , devint tout-à- coup noir comme celui d'un nègre. Une fomentation fur le vifage diflipa l'altération de fa couleur. Mais elle revint fré- quemment , & irrégulièrement , quelquefois deux ou trois fois en 24 heures , d'autres fois à cinq ou fix reprifes. Ces accès la prenoient fans douleur , fans maladies , fans aucuns fymptômes qui les annonçaffent , excepté une petite chaleur avec rougeur qui les précédoit : cette noirceur fe diflipa ai- fément , fa peau redevint blanche & nette , mais le linge dont elle s'étoit frottée le vifage en étoit teint j cette tein- ture étoit onftueufe au toucher , & paroifToit comme un noir mêlé de graiife ('*') & de fuie. Elle n'avoit point de goût du (*) M. Mecte/ regarde comme fort probable que la graifle , qui chez les nègres, eft, dit il , un peu plus jaune que chez nous , en fe mêlant avec b liqueur fournie par les vaifleaux exhalans de la peau , Se le Aie qui exfude des extrémités des nerfs , aug- mente avec letemsla noirceur du corps muqucux. Voyej ci-deyant tom.I. an. XL^U, J. XXI. I ttHi Article XXIV. Ann. I7J7' Lxxii DISCOURS tout C'-). La demoifelle n'avoit jamais eu fes règles ; elle eft ^/'J;. délicate, mais pleine de Hinté (a). L'exemple le plus frappant & le plus célèbre de ces étran- ges métamorphofes , eit celui qu offrit ces dernières années une Dame de la plus grande dillinaion , M""=. la Ducheffe D'*''*' ; elle eut pendant plulîeurs mois le vifage entier d'un noir ^ui ne le cédoit en rien à celui du plus beau nègre , excepté les 'yeux & le bord des lèvres ('*^) qui gardèrent leur couleur de rofe naturelle. Cette couleur noire étoit en certains jours plus forte , en d'autres plus foible , mais jamais elle n'a difparu. Cette tète éthiopienne étoit portée par un cou très-blanc , enforte qu'on l'auroit prife pour une belle tète de marbre noir placée fur un cou d'albcâtre. On fut curieux de voir û ce noir étoit réelle- ment égal à celui des nègres , on en mit un à côté d'elle , & le vifao-e de la Ducheffe fe trouva beaucoup plus noir. En exa- minant de près ce teint éthiopien , foit à la vue limple , foit a la loupe , on y diftinguoit une poudre noire très-fine ca- chée fous l'èpiderme avec des intervalles blancs ; & dans le paralelle qu'on en fit avec celui du nègre , celui-ci paroiffoit uni , tandis que celui de la Ducheffe reffembloit toujours à un tiffu de grains, de poudre noire , ou à de la foie noire ha- chée menu (U Cette Dame a naturellement la chevelure très-noire , mais la partie de cette chevelure qui fort de la peau , parut alors groffve , & remplie d'un fuc plus noir en- core que le refte des cheveux , & cela jufqu'à une ou deux lignes de la racine des cheveux (^tt)- La Dame étant vigoureufe & bien portante , ne fit aucun (*) Telle eft la liqueiir noire de la feclie. (a) TranfaH. Phitofophtq. n". 313. art. IV. ann. 1709. (*•) S'il eft vrai que les mamellons nerveux fournîffent les principaux matériaux de ï'œthiops animal , d'où vient donc que dans cette Dame , ainli que dans les nègres , les lévrps (ont recouvertes d'un épiderme fi rouge , quoique ces mamellons y foieni très- nombreux &;. très-développés? ( t ) C'eft précilement là la figure des corpuPcuIes qui compofent la liqueur noire de la feche , 8c celle du mucus de la peau du nègre, l^ote de M. le Cat. (tt ) En généra! , dit M. le Cat , telle eft la couleur de la peau , telle eft celle des poils & des cheveux, ^ remède.' PRÉLIMINAIRE. lxxiii ^ remède ; en accouchant d'un fils , elle eut une fueur qui tei- ÂT777I7 gnoit les linges en noir , comme de l'encre , & emporta la ann. 1757. plus grande partie de la noirceur ; le refte fe difllpa dans les deux jours fuivans. La couche alla d'ailleurs très - bien. Dans toutes les grofTeffes que la Duchefle avoit eues juf- qu'alors , elle avoit e'té prife dès le quatrième mois jufqu'au neuvième de vomiflèmens horribles , de convullîons périodi- ques il afFreufes , qu'il falloit la faire tenir par les hommes les plus forts pour l'empêcher de fe bleffer. Dans cette grof- fede-ci la Dame ne vomit point , n'eut aucune convuUion , & fe porta à merveille jufqu'au feptième mois ; alors fon front parut fc teindre d'une couleur de rouille de fer obfciu-e , qui dégénéra peu-à-peu dans le plus beau noir. En 176^. cette Dame devant grofle de nouveau: jufqu'au feptième mois elle fe porta très-bien , mais à cette époque la même noirceur commença de fe faire voir à fon front. Celui- ci parut d'abord comme fi on avoit mis fur une peau blan- che une légère couche d'encre ; cette couche s'épaifliffant de jour en jour , elle parvint à la plus grande noirceur , toujours fous la forme de petits points noirs qui fe multiplioient. Mais au huitième mois elle fut prife d'une fièvre double tierce ; à la fin de chaque accès elle avoit des fueurs , qui non-feulement arrêtèrent le progrès de la noirceur , mais même la diiïiperent infenfiblement , enforte que fur la fin du huitième mois fa peau avoit repris fa blancheur ordinaire. La noirceur cefTant , i5c la fièvre étant guérie , ces con- vuUions qu'elle avoit eues dans toutes fes autres grofTeHes , revinrent , & elle en eut tous les jours un accès , jufqu'à la fin du neuvième mois , où elle accoucha d'une fille. Une païfanne a régulièrement le ventre tout noir à chaque groflelTe , & cette couleur fe diflipe par l'accouchement. Une autre a toujoiu-s la jambe gauche noire dans cette circonf- tance. Cela ne reflemble-t-il pas un peu aux animaux qui noirciffent^dans le rut ? Tome IL k Lxxiv DISCOURS M. le Cat attribue tous ces faits à la fuppreffion des ré- gies , dont la caufe ou le principe avoit tourné fon aûion contre les mamellons de la peau. Pour juger du degré de probabilité de cette opinion , il faut recourir à l'ouvrage mê- me , ôc à une Diilertation particulière de l'Auteur fur la caufe de r évacuation périodique du [exe (■*•). M. le Cat ayant ruiné fans reffource , & porté , pour ainfi dire, les derniers coups à riiypothèfe qui fait dépendre la couleur des nègres de celle de leur bile , qu'on fuppofoit noire mal-à-propos , écarte auiïi toute idée d'attribuer les méta- morphofes précédentes des blancs en nègres , à des itères noires. Les obfervations qu'il rapporte fur ces fortes d'iûéres, & les expériences qu'il a faites fur fatrabile , ou bile noire , mifes enoppoiition avec tout ce qu'on a dit jufqu'ici, établilTent de la manière la moins doute ufe la différence de ces deux états. Cependant on trouve dans le Journal Encyclopédique ( l'un de nos meilleurs ouvrages périodiques) en Mars 1764. des obfervations très-curieufes , qui paroiilent militer en fa- veur de l'opinion qui attribue indifféremment ces phénomè- nes à la bile. Un Iiomme , après une grande colère , tomba en apople- xie , elle fut fuivie d'une hémiplégie du côté droit ; ce côté devint en même tems tout-à-fait jaune , fans en excepter le nez. Un autre homme , adonné à la boiffon , fentit une pefan- teur douloureufe au côté droit. Quand cette douleur vint à diminuer, tout le vilage devint vert. Le côté du refte du corps devint noir , & le gauche jaune , les urines étoient tantôt vertes , tantôt noires. Le malade ayant fait ufage , pendant plufieurs jours , de fel d'abiinthe , a la dofe d'un gros , les couleurs changèrent : le vifage & le côté droit devinrent jaunes , & le côté gauche devint noir. Au bout de vingt jours , il ne refta plus que du jaune , qui fe diffipa peu-à-peu par l'ufage de quelques remèdes, (') Voyez le Journal de Médecine Avril 1764. PRÉLIMINAIRE. lxxv Il eft contraire à toutes les loix de la circulation , dit "TrTTTTs M. le Cat , que des biles jaunes , vertes ou noires aillent a^n. 17,7. faire ces couleurs locales. Ce font autant de ftratagémes du genre nerveux , des efprits , de ce principe fougueux , im- pétueux , impetum faciens , que les plus grands obfervateurs y à commencer par Hippocrate , ont reconnu & admis dans l'oeconomie animale ; c'eil à ce principe qu'on doit attribuer encore ces irruptions fanguines qui teignent quelquefois une partie du blanc de l'a-il , ces hémorragies critiques par le nez & autres parties , ôcc. ôc une preuve tirée de l'obfer- vation préfente que c'en eft là la vraie explication , c'eft que le viiàge ne prit la couleur verte que quand la douleur de côté ceffa , c'eft-à-dire , quand il fe fit une métaftafe de cet efprit impétueux, des plexus hépatiques , rénaux , femilunaires , où il caufoit un mal de côté , fur les nerfs du vifage , & leurs mamellons. Car li c'étoit la bile refluée qui eût produit cette couleur , c'eft dans le tems de la douleur de côté ou de l'é- rétifme qui étrangloit ou obftruoit les canaux biliaires que fe fêroit fait ce reflux , & qu'auroit paru cette couleur verte. Voici encore une obfervation analogue aux précédentes ; elle eft aufll la fuite d'une paffion très-vive , d'une révolu- tion dans les efprits , & par conféquent elle confirme les explications de M. le Cat. En Oûobre 1749. une demoifelle âgée de 16 ans , ren- contra vers les huit heures du foir , au coin d'une rue , un infolent qui l'infulta vivement ; elle en eut une frayeur ter- rible ; elle ne fe fit point faigner. Le lendemain le deffous de fes yeux devint jaune , & cette couleur gagna en huit jours tout le vifige ; après quoi ce jaune dégénéra peu-à-peu en noir , de forte qu'en moins de huit jours elle eut un mafque de velour noir parfîit , & elle le garda quatre mois fans au- cun dérangement de fa fanté , ni de fes règles , & fans aucun fentiment de douleur. Huit jours après que fon vifage fut devenu jaune , le pli Article XXIV. Akn. lin- Lxxvi • DISCOURS de fes bras fe teignit de la même couleur , laquelle gagna en huit jours tout Tavant-bras , & ce jaune dégénéra auiïi en noir. Elle prit quantité de remèdes , & enfin au bout de quatre mois elle s'apperçut , en touchant fon vifage , qu il y avoit des écailles ; elle les emporta bien vite , 6c s'apperçut avec grande joie que la peau lituée fous ces écailles avoit fa blan- cheur naturelle ; elle travailla de grand cœur à fe dépouiller de fa peau éthiopienne , & elle y réuflit en peu de jours. Les avant-bras qui avoient commencé plus tard , fiurent auffi les derniers à reprendre leur première coiJeur. Quoique M. le Cat fafle entrer le fing dans la compofi- tion de l'œthiops animal , il ne prétend pas qu'il foit abfo- lument nécefîaire que la partie rouge de nos liqueurs entre dans cette flibrique C^) ; la feche qui a le fang blanc , tranf- parent , eft de tous les animaux le plus abondant en a;thiops. Un autre fait bien finguUer dans la feche , par le rapport qu'il a avec les couleurs produites dans les obfervations précé- dentes par des pafTions vives , c'eft que par les pafîions feu- les qu'on excite dans cet animal , il fait prendre à fa peau mille couleurs différentes , comme on le verra dans l'ouvrage que l'Auteur fe propofe de donner inceflàmment au public fur cet infefte-poiffon. On vient de voir dans cette analyfe les principaux traits , fort rapprochés , du traité de M. le Cat ; il n'eft pas néceflaire d'exhorter le lefteur à recourir à l'ouvrage même , le nom feul de l'Auteur y invite affez. Tout ce que nous avons à dire encore , c'eft que c'eft proprement M. le Cat qui a fait tous les frais de cet extrait , ne nous étant pas permis de faire le moindre changement au ftile ; on ne s'en fera peut-être déjà que trop appercu ; mais nous avons cru ne devoir con- (*) Pliifieurs Auteurs prétendent que le fang des Nègres e(l d'un rouge beau- coup plus foncé que le nôtre ,- mais les obfeivations 6i les expériences de M. le Cat ne font pas iavoiables à ce fentiment. PRÉLIMINAIRE. ixxvii fiiker que la fatisfaftion & rutilité des lefteurs. Peu d'hom- ÂTt . cle mes dans l'Europe réuniireut autant de talens que M. le kK^\J„. Cat , &(. ont des titres aufii bien fondés à la qualité de grand homme. Où trouveroit-on en effet quelqu'un, qui fût tout à la fois un grand Anatoraifte , un Ph}-iiologi(le fublime , un Chirurgien du premier ordre , & un excellent Ecrivain ? L'accord de tant de rares qualités étoit refervé à M. le Cat. ARTICLE XXV. ^tTT^ X X V Sur du fang , & d'autres corps liquides , confervés dans le Axn. 17^7. vuide, fans corruption, pendant plufieurs années. M. Eller a confervé fans altération dans le vuide , pen- Mém^'pae^^ dant I 5 ans & huit mois , du vin , du lait , & du fang ; 196. celui-ci étoit fi peu changé , qu'il fembloit avoir été tiré tout nouvellement de la veine. Quelque remarquable que ce fait paroifle, il n'eft en rien comparable à ce qu'on lit dans les mélanges d'hiftoire naturelle de M. Alleon du Lac (a) au fujet de trois œufs , qui , après ('')Ton!. avoir été renfermés pendant 300 ans dans l'épaifleur d'un 184^"'^ * '' mur , ont été trouvés fraix & bons à manger. Il eût été curieux d'éprouver fi de ces œufs mis à couver , quelqu'un auroit donné le poulet; fi cette expérience avoit réuffi, il en eût refulté une vérité importante, favoir que les em- bryons peuvent fe conferver pendant des fiècles , lorfqu'ils ne font point expofés à l'aftion deftruftive des élémens ("*•). Des germes , même fécondés , peuvent fubfifter non-feule- ment deux ou trois cens ans , mais encore des milliers d'années, fuivant M. le Cat. Ce Savant & ingénieux Phyficien , a été conduit à cette hardie conjefture , par un fait des plus eu- (*)0n a vu certains haricots rouges de l'Amérique , tirés du cabinet de l'Em- percur , où ils étoient confervés depuis plus de 200 ans , germer Et végéter par les foins d'une habile Jardinier. Encydof. tom. XVI. art. végétation , pag. 55. Ce fait curieux eft cité quelque part auffi par M. Van-Swieien dans fes cojnmçij.. iaircs fur les aphorifmes de Bueihaate. Lxxviit DISCOURS TZtTTTe rieux , mais dont il ne prétend pas garantir la vëritd , je Abn. 1757. veux dire par les animaux qu'on dit avoir été trouvés plulieurs fois vivans dans le centre des pierres & des mar- bres les plus durs, fans avoir nulle communication au-dehors. m pa<'.'o5- ^" ^^' '^^^'- P^^i'ii" 'i'^ns les Mélanges d'HiJtoire Naturelle (a) ïos- ° l'extrait d'un Mémoire que M. le Cat a donné fur ce fujet à l'Académie des Sciences de Rouen : & qui fait fi nos œvifs , étroitement enfermés dans l'épaifleur d'un mur , & à l'abri de toute altération extérieure , n'auroient pas pu encore s'y conferver pendant pluiieurs fiècles ? 7177^ ARTICLE XXVI. XXVI. AsN. 1757. ^^j. ^^g ^^j.j.^ ^^ foufre très-particulière , quon trouve près de Tarnowitz en Siléfie. Voyez les jyj. i,£jijjian a fournis cette terre à un grand nombre d'ex- J03. " ' périences dont les Chimiftes feront fans doute très-fatisfaits ; il explique en excellent Phylicien l'origine ou la formation du foufre , qui s'y trouve tout formé. \^j^-^,^^ ARTICLE XXVII. ""■ '"''■ Sur la terre de Beuthnit^. Mé'°^^'i '" ^' -^''^^^^-f s fait fur cette terre , qu'il a examinée chi- jio. ' miquement , des recherches qui ne font ni moins curieufes , ni moins intéreffantes , que celles de M. Lehman fur la terre de Tarnowit^, ^^,^ ARTICLE XXVIII. *""■ '■'''• Sur un anévrifme de l'aorte. Voyez les M. Rolof donne dans cet article l'hiftoire effrayante d'un '■"'■'^■•'^°' anévrifme énorme de l'aorte , qui fe lit jour à travers le fternum , & qui caufa des tourmens inexprimables au mal- heureux qui le portoit avant de le faire périr ; le Mémoire de M. Rolof eft orné de cinq planches où la maladie eft repréfentée fous toutes fes faces. PRÉLIMINAIRE. lxxïx ■ua. ARTICLE XXIX. ^xVix":" Sur quelques maladies fingnlièrds du bas ventre. ""' '^' ' M. Mecbel donne dans cet article quatre obfervations in-,,y°y" '" tereilantes ; la première , tx la plus cuneule , roule lur une hydropilie enkillée , dont le fac indépendant du péritoine , ôc de toutes les parties contenantes ik. contenues , s'e'ten- doit du bairni jufqu'aux hypocondres. Notre Académicien ne doute pas , que ce fac extraordinaire n'ait dû fa for- i mation au liquide qui s'exhale naturellement dans la cavité de l'abdomen , dont les particules les plus grolTières en s'ac- crochant , ont produit d'abord une elpèce d'ampoule ou d'hydatide ; les vaiflèaux exhalans , en continuant d'y verfer du fluide , lui ont fait prendre , par fuccelTion de tems , le volume prodigieux fous lequel le fac s'ell montré depuis. Il faut voir dans le Mémoire de M. Mechcl l'explication plus détaillée do ce fait fingulier. M. Petit le fils , fi digne du nom qu'il portoit , & trop tôt enlevé à la Chirurgie , a prouvé dans un excellent Mé-r jnoire fur les épanchemens du bas ventre , que dans les p'aies de cette capacité qui n'ouvrent que des vailleaux fan- guins peu conlidérables , le fang ne fe répand pas confufément & fans ordre dans l'abdomen, comme on l'avoit toujours penfé, mais qu'il eft limité par un foyer circonfcrit & déterminé , formé en partie par la portion coëneufe ou lymphatique des humeurs , laquelle dégénère en une membrane afTez forte , pour contenir le liquide épanché , «Se l'empêcher de fe ré- pandre , ou d'inonder les vifcères. Cette découverte ouvre à la Chirurgie une nouvelle voie pour guérir , dans les plaies d.i bas ventre avec épanchement , en montrant la poffibilité de lui donner ifTue par une incilion faite à propos (a'), &, W Voy«B j • r Kir • 1 m«- \^ • , '^ Mémoire rend un peu moms furprenante 1 oblervation de M. Mectel.cHé dans le Notre Académicien prétend que dans le cas qu'il décrit, P'^^;"'^'' ^ol. l'épaifleur du fac ne pouvant permettre la réforption du Roy. de cui. Lxxx DISCOURS ^rT^cTT liquide , l'hydrophifie étoit néceflairement incurable ; la ponc- A^^ \^'s ^^^^^ ^^"^^ fournit un moyen palliatif , qui pre'vient la trop grande exteniion du iac , & prolonge du moins la vie du malade. C'efl: ici le fontiment prcfque ge'ne'ral qu'expofe M. Meckel. Cependant dès Tanne'e 1742. M. le Dran avoit déjà propofé dans fon traité des opérations (a) de faire aux grands kiftes des hydropii! Une ample incilïon de 4 à 5 travers de doigts ; cette incilion eiikift. pag. a, félon lui , des avantages très-conlide'rables fur la limple ''^'"'^'' ponûion {bj. On retrouve la même doftrine dans le II. (f>) Voyez tome des Mémoires de FAcade'mie Royale de Chirurgie. M. l'Afpsndi.x. Jq Haen , en donnant de juftes éloges à ces Mémoires (i^, & à leurs Auteurs (^2) , n'a pas cru pouvoir l'adopter. Il la difcute fort au long, & lui oppofe de grandes difficul- tés (c) , en déclarant cependant qu'il efl tout difpofé à s'y (0 Vid. rendre , lorfque l'Académie aura produit en fa faveur des Jj'- ^^'^•jj^'_ obfervations plus fûres & plus nombreufes f^J. Il faut ef- 50. pérer que l'Académie fe rendra à cette efpèce d'invitation de l'un des plus grands & des célèbres Médecins de l'Europe,- ce qui pourra nous procurer de nouvelles lumières fur le point important de pratique dont il s'agit. M. Meckel parle dans fa féconde obfervation , d'une hy- dropiiie de l'ovaire qui préfente bien des particularités re- marquables. Le fac , contenant 24 livres de liqueur , par fa preflion fur le côté droit de la région hypogaftrique , avoit occalîonné la carie de l'articulation & de la tête du fémur i c'eft du moins la conjeûure de TAuteur. (l) Cum reliquis piiblicls aclis , ijinbus numerofa erudilorum fodalitates , ut caleras ânes, ita & noftram perpoliiint , illijjlnnt , extendant , htcc Chirurgiie Parifinte acia per omne A'iunt ctarebiint. Ratio nitidenji tom, 2. pag. 8l. il) Netjueo non laudare , Jummifque celebtare encomiii , qui artem protnoiers nof- tram generosè anniîuntur. lA, ib- (_l) Hds utique nunc enarraïas difficultates lubens fateor me hucufque impediiiffe ,quo- minus optimorum tirorum Acad. Reg. par. tum amplexus fententiam fuerim , lum exfecutui : certiora prius obfervata , numerofwra que expérimenta , in fubfequentibus acad. torriis , antequam imitari anfim , expeclaturus, Ib, pag, 90. Boerhaave PRÉLIMINAIRE. lxxxi Boerhaave a déclaré incurable l'hydropifie de l'ovaire (4^; article" cependant M. Van-Swieten , fon illuftre commentateur , cite Ann. 1758 d'après les tranfaftions philofophiques (a) , une obfervation M n°. jSi. de M. Houfton , qui femble devoir faire modérer un peu la '^ ' ^' rigueur de ce prognofHc, & appuyer la doftrine de M. le Dran ÔC des autres Académiciens fes confrères , fur l'utilité des grandes incifions dans les hydropilies enkiftées. Voici le fait, tel que le rapporte M. Van-Swieten (h). W ^^'"■ 1 ous les lymptomes dont une lemme etoit attaquée pa- j_jy„_ ,50, roiiïbient indiquer que l'ovaire gauche étoit affeûé ; & dans l'efpace de 1 5 ans il avoit pris un accroiffement prodigieux. La tumeur s'étant élevée en pointe , M. Houfton , excellent Médecin , fe rendit aux prières de la malade qui en de- mandoit l'ouverture : il en fit une d'un pouce lur l'endroit le plus faillant; mais comme il n'en fortoit rien , il fut obligé de la dilater davantage , ce qui donna d'abord ifïlie à une iiiatière tenace & gélatineufe , & enfuite à une grande quan- tité d'une autre matière femblable à celle qui a coutume ■de fe trouver dans les athéromes & les (léatomes , ainfi qu'à un grand nombre d'hydatides de différens volumes , S>ie/mj/z , fi connu par fes excellentes inftitutions de 399. ' ' Chimie , nous a donné fur ce Bitume un Mémoire très-bien écrit & très-intéreffant. Il parle d'abord de tous les Auteurs qui ont traité avant lui du Bitume d'Alface , & il entre dans de grands détails , tant fur le local du pays où on le tra- vaille , que fur cette fubftance même , dont il donne l'ana- lyfe chimique ; il dit un mot en finiflant de fon origine , mais fans rien décider fur cet article } on voit feulement PRELIMINAIRE. lxxxv qu'il ne paroît pas favorable à l'opinion la plus reçue au-TTïTIT? jourd'hui, félon laquelle les bitumes ne font que des huiles anm.^/;!?. vëge'tales & animales , plus ou moins déguifées par les alté- rations qu'elles ont fouft'ert dans l'intérieur de la terre. Cette opinion eft cependant appuyée fur des preuves qui la rendent au moins fort vraifemblable ; aufli a-t-elle été adoptée par beaucoup de phyliciens & de naturalises , & (,,) voyej entr'autres par M. le Baron d'Oibach , dans l'encyclopédie (^a), ''art-iTteSt & par le judicieux & favant Auteur du nouveau Diftion- ,res bi^mll] naire de Chimie (/') ; voici un léger précis des raifons qui (j) y^y^^ lui fervent de fondement. i°. Les bitumes donnent par 'jansceDia, l'analyfe chimique les mêmes produits que toutes les fubf- ^ ' """"* tances huileufes du régne végétal, de l'huile & de l'acide (c); (c) Dia. 2'°. Il n'y a point de matière de nature incontellablement'''^^''™-'-^"' minérale , qui fourniffe un feul atome d'huile, fans en ex- cepter le foufre, qui eft de toutes les matières minérales celle qui approche les plus des bitumes (^dj ; 3°. Les diffé- W ^W. rences par lefquelles les bitumes fe diftinguent des matières liuileufes animales & végétales , peuvent n'être qu'une fuite naturelle de leur vetufté , ou de l'altération que leur ont caufé les acides minéraux, & vraifemblablement de l'aftion réunie de ces deux caufes ("ej ; 4°. La part qu'on donne aux ''^ *'"• acides minéraux pour la formation des bitumes , eft d'autant plus probable , qu'en traitant ces acides avec des huiles vé- gétales , on obtient des fubftances qui fe rapprochent très- fort des bitumes naturels , auxquels elles deviendroient peut- être entièrement femblables par une plus longue digef- tion (/); 5°. Les végétaux & les animaux qui fe décom- ' * ' pofcnt à la furface de la terre , & ceux qu'on y trouve à une grande profondeur, comme les tourbes , les charbons de pierre , de grands bancs de bois fofliles à demi décom^ pofés , ont fans doute porté dans l'intérieur du globe une immenfe quantité d'huile , qui , fuivant M. Macquer , ne peut être probablement formée , que dans les corps organiques des Lxxxvi DISCOURS Article plantcs & de Hnimaux (a). 6°. Les infeûes & les fragmens ann. 1758. des plantes , qu'il n'eft pas rare de rencontrer dans des mor- (a)ibid.-^. ceaux de fuccin , rendent plus que vraifemblable l'opinion de 118 & 219. pQj.gjj^g vége'tale des bitumes ('/'). XA^y^"^'^' Quelque probabilité qu'il y ait dans cette opinion , on ne îauroit la regarder comme démontrée , à moins qu'on n'établifle auparavant fans réplique , la fuppoiîtion qui lui fert de fondement , fçavoir , qu'il n'y a point d'huile vérita- blement minérale , ou qu'on ne regarde l'iiuile , avec M. Macquer , que comme un des produits de l'aftion organique des plantes & des animaux , qui établit le caraûère fpé- cifique , par lequel les corps organifés différent effentiel- , (^5 Z^'^Y" lement & chimiquement des fimples minéraux fc). Mais de chim. ' pourquoi la nature qui forme des fels dans le fein de la ''2". ^c^""; terre , n'y formeroit-elle pas aufll des huiles? Ne pro- têt article duit-ellc pas du foufre en abondance , & le foufre différe- très-ciiricux, j._^ elTentiellement des huiles ? Ne peut-on pas le regarder fendix. ^' comme une huile concrète , fi-non abfolument identique , du moins extrêmement analogue aux liuiles ordinaires , du même ordre de compofition , & formé des mêmes principes , l'acide vitriolique & le phlogiftique ? L'un des plus illuftres (iï)M.re-Chimiftes du lîècle (J) ne coniidére pas feulement ce fenti- »«'• ment comme très-probable , mais comme fufceptible d'une démonftration rigoureufe , qu'il croit pouvoir fe promettre de donner , s'il retrouve le loifir néceilàire pour continuer fur l'analyfe végétale , les travaux qu'il avoit commencés dans (e) Voyez le laboratoire de feu M. le Duc d'Orléans {e). PuiiTe ce cio^p/t!" vni- grand Chimifte retrouver cet heureux loifir ; que ne feroit- i'artAni/e.'S- on pas en droit d'attendre d'un liomme qui a des vues auffi Les matières animales & végétales enfouies dans la terre à une plus ou moins grande profondeur , peuvent bien fans doute y porter de l'huile , mais il peut fe faire aufTi qu'il y tîoVii^r^'^t, comme le penfe M. Vend (/), une huile élémentaire PRELIMINAIRE. lxxxvii minérale , qui , par les différentes modifications & les dif- article férens alliages qu elle fiibit dans les plantes & les animaux , ah^. lyjsL produit toutes les efpèces d'huile que nous connoiiTons , de même que toutes les fortes de fels que fournifrent Fanimal & le végétal , ne font très-probablement que les acides ÔC les autres fels du régne minéral , diverfement modifiés. Quant à la dernière preuve alléguée par M. Macquer , elle ne nous paroît pas aufll forte qu'à ce célèbre Chimifte. En fuppoiant , avec lui , que les bitumes folides foient ori- ginairement dans la terre fous une forme fluide , on conçoit facilement qu'ils ont pu, en s'endurciflant , par l'aftion des. acides minéraux , enfermer dans leur fubftance des infeftes & des fragmens de plantes , fans que ces chofes atteftent l'origine végétale des bitumes. ^ ARTICLE XXXV. \'xkV/ Obfervaîions fur quelques maladies aJJ'e^ rares. La première de ces obfervations , toutes très-intéref- jviémi^p.Vc! fentes , nous offre une pierre de la grolfeur d'un petit œuf de poule, compofée déplus de vingt couches concentriques, & d'un noyau intérieurement blanc , formé de fibres radiées & brillantes , qui toutes aboutiffoient à un centre commun. Cette pierre arrêtée dans le jéjunum, en bouchoit entière- ment la cavité. M. Aleckel en attribue la formation à l'excès du brandevin. Dans la féconde obfervation , il s'y agit d'une excroifTance fîngulière de l'inteftin colon , qui , après avoir fait horriblement fouffrir le malade , a été enfin heureufe-. ment expulfée par les felles. Le fujet de la troifième , efl de l'air ramaffé dans la cavité du thorax , qui a caufé la mort en arrêtant la refpiration ; cat air retenu auparavant dans le lobe droit du poumon par une mucolîté tenace , qui bou- choit la portion de la trachée artère qui y répond , en fe raréfiant par la chaleur , a brifé les véficules pulmonaires & s'eft répandu dans la cavité de la poitrine. Cette obferva- Article XXXV Lxxxviii DISCOURS tion, extrêmement rare & fingulière, peut fervir à réfuter AtisAj59. l'opinion d'un air ëlaftique que certains Phyliologifles , après Hamberger , placent entre la plèvre & le poumon. La qua- trième Ôc dernière obfei-vation de M. Meckel préfente un ftéatome du thorax, pefant 4 livres & 13 onces, qui a dé- placé le cœur , le poumon , & les vifcères abdominaux. ^xx'xVi!' A R T I C L E S XXXVI. XXXVII. XXXVIII. XXX vin'. Sur la nature & les caufes de la folie. Ann. 1759. Voyez les Ces trois Mémoires , & deux autres encore du même Mém. pag. Auteur & fur la même matière , placés fous Tannée fuivante , ^j^y, '■ roulent , comme on voit , fur un fujet bien trifte , bien hu- miliant , «Se malheureufement trop intéreffant pour tous les hommes. M. de Beaufobre , fils d'un père célèbre dans les lettres , a parfaitement foutenu la gloire de fon nom. On trouvera dans les cinq Mémoires qu'il nous a donné fur la folie , & que nous regardons comme un des principaux or- nemens de cette CoUeûion , une métaphyfique folide , fage & lumineufe. Les Médecins penferont, peut-être, qu'il n'ac- corde pas aflez aux caufes phyliques: ce ne font à la vérité, que des caufes occalionnelles , mais plus fréquentes , proba- blement , que rilluftre Académicien ne femble porté à le croire ; c'eîl du moins ce qui paroît réfulter des recherches anatomiques de M. Mechel fur la folie. Voyei ci-après TAiti- cle XCli. ÎT7Tr.T ARTICLE XXXIX. XXXIX. , / nr- Ann. i7i9. Sur l Mgolethroti de Pline. Voyez les On faura gré fans doute à M. Gleditfch , des grandes & cu- Mem. pag. j-Jeufes recherches qu'il a faites , pour éclaircir l'hiftoire d'une plante que Pline n'a prefque fait que déiigner , & fur laquelle les Botaniftes qui font fuivi , ont toujours été fort partagés. Cette plante , originaire â'Héraclée dans le Pont, avoit, dit- on, la propriété de tuer le bétail qui labroutoit, & de fournir aux abeilles un miel empoifonné. A R T. J PRÉLIMINAIRE. lxxxix ARTICLE XL. AaT.cLe XL. Sur le fd terreftre , marin & cociile. ■*""• '^^°' M. de FrancheviLle prtTenta fous ce titre à l'Académie , en „y°^'" '" 174^. une grande ex lavante Dillertation, qui na été impri- 484. mes qu'en 1760 (^a). M. de Formey en a donné dans ThiA toire de 1745. un extrait, auquel nous prendrons la liberté de joindre quelques remarques. M. de Francheville prétend que la falure des fontaines fa- ites & de la mer vient du fel gemme foffile , dont il fe trouve , félon lui , des maffes énormes fous les eaux de la mer. Sans cette caufe falante , dirtinûe & indépendante des eaux , il y a long-tems qu'elles auroient dû perdre leur fel par la filtra- tion Ôi. l'évaporation , fuivant notre Académicien. Mais ne peut-on pas répondre à cela que la filtration ne peut jamais dépouiller l'eau de tout fon fel (■*■) , à caufe de l'union étroite qu'ils ont enfemble ; & qu'à l'égard de l'éva- poration , elle n'en élevé pas une grande quantité , puifqu'on n'en trouve que très-peu dans l'eau de pluie , {b^ fournie en grande partie par l'eau de la mer. D'ailleurs , comment le retireroit-on de cette eau par l'évaporation , fi lui-même étoit jQ évaporable ? ("*■*) L'opinion d'une caufe falante diftinûe des eaux , & tou- jours fubfillante dans le baffin de la mer , paroît fouffrir de très-grandes difficultés. En effet , d'où vient que ces eaux ne fe chargent pas de fel marin jufqu'à faturation (c^ ? Pourquoi n'en tiennent-elles en diflblution qu'un jz^. ou au plus un (a) Voye:( foui celte année Varùcle XL. (*) Ni mcmc de toute fa terre , car l'eau de'roche la plus claire qui diftille gouttc- à-goutte à travers la voûte des cavernes , contient encore de la terre , puilqu'elle produit des criftallilations. Nollet leçons de Phyfiq. expér. lom. IV. pag. ^o. (b) Foyej l'examen Chimique de l'eau par M. Margraf. lom. I. an. XXXIX. (**) Il n'eft parlé de l'évaporation du fel que dans l'extrait que M. de Formey a dontié en 1745. de la Diflertation de .M. de Francheiille ^ apparemment que cet Aca- démicien y aura fait depuis quelques changemens. - (c) Nollet ieç. de Phyf. exp. tom. IV. pag. 6l. Tome II. m xc DISCOURS ^RT .CLE 29^. de leur poids , fuivant M. de Francheville , tandis que ANN^^véo. l'eau commune en diiîbut prefque un ^c. du fien ? L'hypo- thèfe la plus vraifemblable fur la falure de la mer , félon (o) ihid. p. M. l'Abbé Nollet (a) , eft que dès le tems de la création , les 61. &c fuiv. eaux de la mer ont reçu la quantité de fel qu'elles renfer- ment (j^) , & que celui que les hommes confomment , ne fe détruifant pas , leur eft rendu par les eaux douces , qui vont toutes à la mer. Ne peut-on pas d'ailleurs , fuppofer avec Sîhal , en admettant que le fel marin fe détruit , que ce fel fe régénère à-peu-près dans la même proportion ? ( i ) De plus , loin que la falure de la mer dépende des mines de fel gemme , ces mines elles-mêmes femblent tirer leur origine (i)Encycl- ^e la mer fb) , c'eft du moins ce que donnent lieu de penfer tom. X. pag. , -11 o 1 1 o- ■ 1 360. les coquilles oc les autres productions mannes qu on a trou- vées dans celles de Pologne. Convenons cependant que cette queftion eft encore très-indéterminée , malgré les efforts du grand nombre de Philofophes , dont elle a exercé la faga- cité. M. de Francheville donne Une longue énumération des différentes falines , qui fe trouvent dans les quatre parties du monde ; elles font multipliées au point qu'il n'y a pas de peuple , fuivant la remarque du favant Académicien , qui ne puiffe fe procurer du fel chez foi , ou en tirer de fes yoilins. Le fel marin eft donc de tous les fels le plus abondamment répandu dans la nature , & c'eft aufti celui dont l'homme , & même les animaux retirent le plus d'utilité. Je ne vou- drois cependant pas dire , avec M. Pringle fz), qu'il fût un aflaifonnement indifpenfable de la nourriture animale (*^). (*) Si elles n'avoient été crées falées , comment les poiffons , qui ne s'accoinmo- dent pas de l'eau douce , auroient-ils pu y vivre ? (1) Encycîop. tom. X. pag. 46t. (2) Traité fur lei fuhjlancei Jeptiquei & antlfeptiques, (*•) Ille feroit plutôt, ce fernble , de la nourriture végétale , & fur-tout de l'herbe , dont l'infipidité eil utilement corrigée par le fel ; auffi obferve-t-on que les troupeaux languiiTent , lorfqu'on les en prive pendant trop long-tems , Sj qu'ils clierchent d'eux-mêmss les fcurces falées. Cet inflinû du bétail indique évidemment le befoiu PRÉLIMINAIRE. xci Les animaux carnaciers digèrent fort bien leur proie , fans le Â7^ >cT7 fecours de cet aflaifonnement prétendu indilpenfable par l'il- an^. 1760. luftre Mddecin. Parmi les peuples errans & fauvages , il y en a plulieurs qui ne connoiflënt pas Tufage du fel (a). On ne lit pas , par exemple , que les Tartares falent la viande de cheval crue , dont ils font fî friands , & qui , avec le lait aigri de leurs cavales , compofe leur principale nourriture. Parmi les nations même civilife'es , il s'en eit trouvé une qui renonça au fel , parce qu'elle ne pouvoit en avoir que d'un peuple puiflant , fon voiiin , dont elle redoutoit la dé- pendance. Si ce fait , rapporté par l'illuftre Roullèau (i) efl vrai , jamais peuple ne fit de facritice plus héroïque à la li- berté. M. Pringle a découvert dans le fel marin une propriété très-iingulière ; c'eft qu'il accélère à petite dofe , la putréfac- tion bien loin de la retarder (c). De cette obfeivation de la \ertu feptique du fel marin M. Pringle conclut que c'eft par cette vertu même que le fel favorife la digeftion , en ramolliffant le tifTu des viandes , & , félon lui , il ne produit cet effet que par fa bafe , en fe décompofmt dans l'eftomac. Je crois être le premier qui ait vérifié , après M. Pringle y la vertu feptique du fel marin par des expériences , dont j'ai rendu compte en 175S. à la Société Royale de Montpellier. J'ai combattu dans un Mémoire préfenté à cette Académie , l'application que M. Pringle a fait de fa découverte à la théo- quM! a du Tel ; & ce feroit une attention digne du gouvernement de faire enforte qu'il n'en manquât jamais. Il n'y auroit peut-être pas de meilleur moyen d'empêcher la mortalité occaConnée par beaucoup d'épidémies, dont le fel pourroit être le préfervatif. Cet important fujet a fourni la matière d'un très-bon Mémoire préfenté à l'Académie Royale des Sciences par M. l'irgUe , &i imprimé dans le premier tome des Correfpondans ; on peut confulter auffi à cet égard, les confidérations fur les finances , et l'Encyclopédie , tom. XlV. yaq. 927. (a) fo^ej dam VHi;}. Kjt. de M. de Buft'on , le chap. des variétés de Veffice humaine. ib) Dans une note du Contraft Social. (0 Bêcher ai oit Jé/a fait la mime obfervaticn, Voyei /'Appendix. m ij xcii DISCOURS TTr. c L E rie de la digeftion, en rendant d'ailleurs à cet illuftre Me'de- As^l^^éo. cin , toute la juftice qu'il mérite. Voici un léger précis des preuves dont je me fuis fervi. J'obfervois d'abord , que comme il n'y a pas de mefure fixe & invariable pour l'ufage du fel , M. Pringle pourroit avoir tort d'avancer généralement, qu'on ne le prend jamais au-delà de la quantité feptique de fon expérience. J'avoue cependant que la chofe eft allez probable , en fuppofant que vingt grains de fel marin hâtant la putréfaûion de deux gros de viande dans deux onces d'eau , une plus grande quantité de fel produiroit le même effet fur une plus grande mafle de viande , mais peut-être qu'en continuant à augmenter la dofe de l'un & de l'autre , quoiqu'en gardant toujours les mêmes proportions , on trouveroit un terme où l'effet feptique s'ar- rêteroit ; & alors , de ce que vingt grains de fel hâteroient la putréfaftion de deux gros de viande , il ne s'enfuivroit pas nécellairement que quarante grains fiflent le même effet fur quatre gros , & ainlî de fuite. Je conviens cependant qu'on a tout lieu de s'y attendre. Mais on ne peut en être parfai- tement alTuré que par des expériences que perfonne n'a fait encore , du moins que je fâche. 2°. Je remarquois qu'il n'y a pas d'apparence que le fel marin fe décompofe dans l'eftomac , puifque la plupart des Chimiftes le croient indeflruftible par toutes les forces de l'œconomie animale (a) , & qu'on le retrouve , difent-ils , dans les urines (b) , tel qu'on l'a pris dans les alimens. 5°. Mais qu'en fuppofant qu'il fe décompofe effectivement dans l'eftomac , il ne pourroit pas produire l'effet que lui at- tribue M. Pringle , puifqu'il eft démontré aujourd'hui que fa bafe eft un alcali fixe , & que tous les alcalis font puilTam- ment antifeptiques , fuivant les expériences de M- Pringle lui-même , & d'autres Phyiiciens (c). (a) DiS. de Chim. art. Règnes , tom. II. pag. 371. & ailleurs. (6) Ibid. tom. II. pag. 679. ((.) Feyei l'ejf. pour finir à l'HiJl, de la putréfaS, Macbride , 6 PRÉLIMINAIRE. xciii M. Pringle prétend, à la vérité , que cette bafe cil de aT'tTcue nature calcaire , & que toutes les terres font feptiques. Mais an.^!ï76o. il eft confiant à préfent par les expériences de M", du Hamel & Margraf , que la bafe du véritable fel marin eft un alcali fixe dans la rigueur du terme. Il eft vrai qu'il y a une autre elpèce de fol commun à bafe calcaire , dont la première eft toujours , dit-on (a) , plus ou moins chargée , & dont l'a- cide eft beaucoup moins intimement imi à fa bafe que l'alcali marin ne l'eft à la lienne (Jb). Or , ne feroit - ce pas ce fel commun à bafe terreufe ('*'^ , qui auroit produit l'effet fep- tique dans les expériences de M. Pringle , & dans toutes celles qu'on a faites d'après lui ? Pour avoir fur cela une cer- titude entière , il flmdroit réitérer les expériences avec les deux fels parfiùtement dégagés l'un de l'autre , & dans leur plus grande pureté. Je ne vois pas qu'on ait pris ces précau- tions , qui feroient pourtant bien eflentielles. Si ma conjec- ture fe vérifioit , c'eft-à-dire , ii le fel commun à bafe calcaire étoit le feul qui accélérât la pourriture , on auroit lieu de (e flatter de retrouver la même propriété dans plufieurs autres combinaifons falines , qui réfultent de l'union de l'acide ma- rin à quelque terre que ce foit , toutes les terres s'étant mon- trées feptiques dans les expériences de M. Pringle. Je m'é- tois propofé il y a déjà près de huit à neuf ans , d'entre- prendre fur cela une fuite d'expériences , mais d'autres étu- des m'ont fait perdre depuis cet objet de vue. ARTICLES XLI&XLII. Ttv^T» Sur la nature & les caufes de la folie. axL 1760. Ces deux excellens Mémoires font encore de M. de Beau- Voyez les fobre. Mém.p.soû. 514. (a) DiB. de Chlm. tom. IL pag. 443 S- 444. (h) Ibid. p. 445. (') Ce fel n'eft pas exaftement neutralifé , & c'eft fon acide , fans doute , qiii a teint en rouge le papier bleu dans les expériences de M. Halei , £4 de M, Je Comta de Marfilii, Voyez l'Encyclop, tom. X. pag. j6», xciv DISCOURS "" xViîk' article XLIII. '"'■ '^ °* Sur les caufes phyfiques de la folie. Voyez les M. Meckel nous a donné fur cet important fujet des re- '^^'"■P' 5^^" cherches anatomico-pathologiques très-intéreflantes. Le rap- port intime que ces recherches de M. Meckel ont avec les Mémoires de M. de Beaufobre , & la lumière qu'ils peuvent répandre fur la théorie de la folie , foit en confirmant , foit en limitant les principes du Philofophe Académicien , nous ont déterminé à les placer ici , quoiqu'elles appartiennent à l'année 1764 des Mémoires de l'Académie , dont le vo- lume , comme nous l'avons déjà dit , a paru féparement de ceux des années 1761 , 1762 & 1763 qu'on n'a pas encore donnés. On a omis à l'année 1748. le Mémoire de M. Gleditfch fur rOftéocoUe de la Marche de Brandebourg. Cette omif- fion eft trop confidérable pour n'être pas réparée : nous don- nerons donc ce Mémoire très-intéreflant & très-curieux , par fupplément. Les Phyfîciens & les Naturaliftes font redeva- bles à M. Gleditfch d'avoir fixé invariablement leurs idées fur la nature de l'OftéocoUe ; ce n'eft que quelques années après , que M. Guettard a préfenté à la l'Académie Royale des Sciences, fes obfervations fur l'OftéocoUe des environs d'Étampes {a). Les Mémoires réunis des deux favans Aca- démiciens , ne laiffent rien à défirer fur cette matière. Nous donnerons encore par fupplément, un autre Mé- moire de M. Gleditfch , fur la fépulture de la Taupe. Ce Mémoire, qui eft de l'année 1752» n'eft guère moins cu- rieux & moins intéreffant , que celui fur l'OftéocoUe. (a) Foyej hsMém. de VAcai. ann. 1754. Fin du Difcours préliminaire. TABLE DU DISCOURS PRÉLIMINAIRE DU TOME SECOND. Ap L.RTICLE I, Sur Us pierres du corps humain, psg- l Art. II. Sur le danger de la vaijfelle de cuivre, IV Ari. III. Sur un monjlre cyclope , né à Berlin le ig. Février 1755. xx Art. IV. Sur diverfcs plantes du païs qui peuvent J'ervir à la tannerie, xxi Art. V. Sur l'Ajïcrie de Pline, xxiii Art. VI. Sur un pommier à tige bajfe G" «i buijfon , d'une efpèce dégé- nérée, ibid. Art. VII. VIII. IX. Sur la bafe de l'alun. XXV Art. X. Sur la formation des pierres dans le corps humain, XXIX Art. XI. Sur les loix du mouvement du fang dans les vaijjeaux, XL Art. XII. Sur le Chryfoprafe de Kq/imiff. ibid. Art. XIII. Sur une excrejjence monfirueufe trouvée fur un fapin, ibid. Art. XIV. Sur les maladies du cœur, XLi Art. XV. Nouvelles ohfervations fur les maladies du cœur. XLiv, Art. XVI. Sur la force de l'imagination des femmes enceintes fur le fœtus , à l'occafion d'un chien monjîrueux, ibid. Art. XVII. Sur de nouvelles expériences , par lefquelles il efl démontré qu'il fe trouve de la terre dans l'eau dijlillée la plus pure. LIV Art. XVIII. Sur des fleurs de l'Afler Montanus , ou Pyrena'ique , emprein- tes fur l'ardoife. ibid. Art. XIX. Sur de nouvelles expériences chimiques concernant l'étain. ibid. Art. XX. Sur un quadrupède d'Amérique, LV Art. XXI. Sur la nielle des Bleds. ibid. Art. XXII. Sur quelques nouvelles expériences électriques, LVI Art. XXIII. Sur la Platine. ibid. Art. XXIV. Sur Vépiderme 6" le cerveau des Nègres, HX Art. XXV. Sur du fang , G" d'autres corps liquides, confervéû dans le vuide, fans corruption , pendant plujîeurs années, LXXVII Art. XXVI. Sur une terre de foufre très-particulière , qu'on trouve près de Tarnoiviti en Siléfu, LXXVIII Art. XXVII. Sur la terre de Beuthniti, ibid. TABLE. Art. XXVIII. Sur un Ancvrlfme de l'aorte. ibid. Art. XXIX. Sur quAques maLuîies fingulièrcs du has-ventre. Lxxix Art. XXX. Réponfe à lu DiJJenation de M. le Comte Roncalli , fur L'ino- culation de la petite vérole , par M. le Comte de Redern. lxxxiii Art. XXXI. Sur une nouvelle mine d'argent lamelleufe , ou efpcce de liège minéral. ibid. Art. XXXII. Sur quelques traces de conformité entre les corps du régne végétal , & ceux du régne animaL ibid. Art. XXXIII. Sur le Copal. LXXXiv Art. XXXIV. Sur le Bitume d'Alface. ibid. Art. XXXV. Ohfervations fur quelques maladies affex rares, Lxxxviu Art. XXXVI. XXXVII. XXXVIII. Sur la nature ù les caufes de la fo- lie. LXXXVII Art. XXXIX. Sur l'JEgolethron de Pline. ibid. Art. XL. Sur le fel terrcflrc , marin ^ ù cociile. Lxxxix Art. XLI. XLII. Sur la nature & les caufes de la folie, xcin Art, XLUI. Sur les caufes phyfîques de la folie. ibid. Fin de la Table du Difcours. MEMOIRES ■.■^: -^^.à^ ■afe..éi«' MÉMOIRES D E L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES T o M. X. A s s É E 1754' DE BERLIN. Gr«= iiS>«: =«a ARTICLE I. Obfervations anatomiques fur des pierres trouvées dans les différentes parties du corps humain. Par M. M E c K E L, Traduit du Latin, IL n'y a prefque aucune partie du corps humain , où l'on n'ait trouvé des pierres. Il s'en rencontre jufques dans la plus molle de toutes , dans le vifcère le plus tendre , le cerveau , où la glande pinéale eft fouvent pierreu- fe, ou parfcmée dans fa fubftancede petits grains de fable. Pluiieurs Anato- miftes ont même trouvé cette glande entièrement pétrifiée , en dépit de l'hy- pothèfe cartcfienne , qui en avoit fait le fiége de l'ame. Pour moi je l'ai feulement obfervée fort fouvent compofée , en quelque forte , de grains de fable & de fa fubftance corticale ; ô(. me propofant de rendre compte dans Tome II. A ï MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE i^^ ^ ce Mémoire , des concrétions pierreufes que j'ai rencontrées dans plufieurs i OM. A. pgj-jjgj ji^i corps , je vais commencer par celles du cerveau. /Innée piufieurs Anatomiftes , entr'autres M. Gunj-, (*) célèbre Médecin du Roi }754' de Pologne à Drefde , ont obfervé la glande pinéale pétrifiée, ou plutôt remplie de petites pierres , dans des cerveaux de perfonnes qui avoient été infenfées pendant leur vie , & qu'on avoit dilléquées après leur mort. Com- me ces fortes d'obfervations , fouvent réitérées , peuvent fervir à faire mieux connoître l'ufage de diverfes parties du cerveau , je vais en rapporter qua- tre , que j'ai faites l'hiver dernier. I. Une femme âgée de 50 ans , devenue folle long-tems avant fa mort , avoit paru d'ailleurs fe bien porter à l'exception de l'entiure des pieds. A l'ouverture du cadavre , le cerveau ne donna aucune marque d'altération, les veines étoient feulement remplies d'un fang noir ; mais dans la glande pinéale , il y avoit trois grains de fable , qui avoient la couleur & la du- reté de petits cailloux , & qui étoient de la groflèur d'un fîxième de lentille. II. Dans le corps d'un homme , qu'on avoit toujours tenu enchaîné , parce qu'il étoit furieux , d'ailleurs robufte & gras , il n'y avoit rien de remarquable que les yeux rouges & gonflés de fafig ; les vifcères paroiflbient entièrement fains. Les veines de la furface du cerveau étoient auffi gon- flées de fang ; mais la fubftance même en étoit naturelle & ferme. La glande pinéale n'avoit fouffert aucune altération 5 & il ne fe trouvoit aucune pierre dans fa fubftance corticale. III. Une fille de 8 ans , qui avoit été long-tems folle , n'avoit éprouvé de changement dans aucune partie du corps , fi ce n'eft dans les glandes du méfentére , qui étoient fquirreufes , & dans le poumon droit, dont le lobe fupèrieur étoit pourri. En injeftant de la cire dans les vaifleaux du cerveau , la fubftance corticale ne montra aucune corruption , ni partie pétrifiée ; la furface de la dure-mere étoit polie , & dans fon état naturel. IV. Si l'on n'a vu que peu , ou point de pierres dans les trois obfer- vations précédentes, on peut dire que la quatrième en fournira pour toutes 5 & je la crois unique dans fon genre (**J. Il s'agit d'un homme de 28 ans , qui avoit été furieux plufieurs années , & qui mourut à l'hôpital des fous, en Janvier 1754. C'étoit un corps qui montroit de l'embonpoint & de la vigueur ; & il n'y avoit aucun changement vifible dans les vifcè- res du bas-ventre & de la poitrine. Après avoir injeété les vaifleaux de la tête , je l'ouvris ; & ayant ôté la partie fupérieure du cerveau , au-defTus de la faulx , je trouvai dans le lobe poftérieur de l'hémifphère gauche , (*) Voyez le programme pour la diiTertation de M. le Dofleur Gernei : ie ficùtatis fendis effiHilms. lÀpC'x. 1755. (*') On pourro'il lui comparer celle de Kcrckringiui qui eft la XXXV. de fon SficiUgium Anatamt- ttim i nuis celte obfervation cA pourtant fort infétieure à la nôtre. DES SCIENCES DE BERLIN. 5 derrière la glande pinéale , dans la corne poftérieure du ventricule tri. ^^'^'^ corne , une fubftance dure , inégale , enveloppée duns une membrane for- ^ °^' ' te , & environnée de la matière bleuâtre du cerveau. Après avoir écarté tout ce qui l'environnoit , je vis une grande pierre blanchâtre , raboteufe & 7 5 4» inégale , comme la figure * ci-jointe le réprélente. La fubitance de cette pierre relîèmbloit à celle de la pierre ponce , & difteroit de celle de tou- * Fig. I. tes les autres pierres qu'on trouve dans le corps , étant ribreufe & fort légère, ne pefant que 2 dragme ; deux moins grolîès occupoient celui du milieu (/) , & dans l'inférieur il y en avoit deux rangs (m) celui d'enhaut de trois pierres , & relui d'en- bas de (Ix , qui depuis la grolïè pierre du baffinet alloient , en diminuant de grandeur , aboutir au commencement de ce tuyau. Toutes ces peti- tes pierres avoient la furface plus polie que la groffe ; & elles étoient (a) Tab. in. fig. I. Kl. D. fi) Tab. m. fig. !.;;?. K. (c) IbM. Ut.», frf) Ibid. /iMi. (si N°. I. lit. c. -f) N". I. lu. n. (e) Fig. II. Ut. aa. (A) F.g. Il, Ut. b. ç. {. (i) Fig. 11. /,(. f. (_k) Fig. II. 1. 1. (l) Ibid. 2, 2. (m^ Ibid. 3. & 4. DES SCIENCES DE BERLIN. 7 incruflées de la matière précipitée de l'urine. Leur fubflance mife en pou- t— dre ne failbit pas beaucoup d'cft'ervelcence avec l'eau forte , leulenicnt { ° ^'* ^' au bout de quelques minutes , a A. Hcmdc Àacao- u\.oii.dc Berlin- CJcrn-llin Ç -pa^ . j/j, • C^m ■ IKuillj>ag. lA o • 20 Tiiv. Jah. m ^^^^iH-»-»* ■■^«^i. V I DES SCIENCES DE BERLIN. 15 fubftancc endurcie , entre fa membrane mufculaire & la nerveufe interne j * & il ne reftoit qu'un tiers de cette ouverture de libre. Mais l'inférieure n'a- °'*'' ^' voit fouHFert aucun changement, étant tout-à-fait libre & plus large qu'à l'or- ^ ^ ^ '^ ^ dinaire , pour fournir aux boyaux le fang qui leur manquoit de la part de ^754» la méfentérique fupéricure. Dans un autre corps , toutes les artères coronaires du coeur étoient pé- trifiées jufques dans les plus petits rameaux; mais l'aorte n'avoit que de pe- tits fragmens pierreux, difperfés entre fes membranes. Le cœur qui étoit ré- lâché , avoit des vélicules remplies d'une liqueur blanche lymphatique j ce qui ne pouvoit manquer d'avoir lieu , puifque la contraction des artè- res coronaires ceffoit de pouiFer le fang dans les veines & dans les plus petits vailïèaux lymphatiques du cœur; ces veines & ces vaifîèaux , privés du fecours de la force fyftaltique des artères coronaires , laiffoient échapper leur liqueur dans la fubflance cellulaire , fît^ée fous la membrane externe de cet organe. S^t' » ^' du cuivre , nous allons en joindre d'autres , qui ne font pas moins concluan- tes. Les BralTeurs de bierre , & les Diftillateurs d'eau de vie , fe font tou- jours fervis d'alembics & de chaudières de cuivre , fans qu'on fe foit ja- mais apperçu du moindre inconvénient , ou d'une mauvaife qualité im- primée par ce métal , aux boilïbns préparées dans ces vailTèaux depuis tant de iiécles ■■, c'efl: la quantité , & non pas la qualité, qui en eft nuifible aux buveurs immodérés. Les Apoticaires fe fervirent toujours aulfi de chauderons & de calîèrolles de cuivre pour y préparer leurs tifannes , leurs décodions , leurs extraits ^ & quoique ces derniers exigent plufieurs heures pour acquérir la conlîrtance qui les rend propres à être confervés, les Médecins n'ont jamais obfervé de mauvais effets des remèdes qu'on pré- pare journellement de cette façon. D'ailleurs, le fucre, qu'on raffine dans des chaudières de cuivre , devroit nécefîairement contraéter quelque cho- fe du goût & de la couleur de ce métal , s'il s'y en mêloit la moindre partie. Quoique tout ceci m'eût déjà fuffifamment convaincu , que l'ufage de la Vailïelle de cuivre ne devoit pas être auffi pernicieux pour notre fanté, qu'on a tâché de nous le perfuader, j'ai néanmoins voulu faire moi-même le cuifî- nier , & examiner enfuite en Chimifte , avec tout le foin poflîble , les pro- duits de mes opérations , afin de pouvoir combattre plus efficacement le préjugé , & deffiller enfin les yeux du public , fur un fujet qui l'intéreflè auffi efTentiellement que celui-ci. Pour cet effet , je me fuis procuré deux chau- derons neufs , l'un de cuivre rouge , l'autre de léton , ou de cuivre jaune ; j'y ai fait bouillir plufieurs chofes , tant liquides que folides , prifes des végétaux & des animaux , avec tous les aflàifonnemsns dont les cuifiniers fe fervent d'ordinaire pour préparer leurs mets ; je voulois m'affurer exac- tement par-là , s'il fe détacheroit quelques molécules des chauderons de cui- vre pendant la coftion : & en cas que cela fût , en déterminer la quan- tité. Pour les matières tout-à-fait liquides , la fimple évaporation de l'hu- midité , me parut fuffifante pour rendre fenfibles , & concentrer les ato- mes du cuivre, fi la décoâion en avoit détaché quelques-uns: j'avoue qu'a- vant même l'évaporation , Vcfprit de fd ammoniac , verfé en petite quan- tité dans ces efpèces de bouillons , manifeftoit déjà , par le changement de fa couleur , ces fortes d'atomes. Mais les chofes plus folides & plus épaiflès , demandoient une autre manœuvre ; j'étois obligé de faire éva- porer premièrement toute l'humidité, de calciner le refle dans un creufet, & de le convertir en cendres , pour en tirer les parties de cuivre, par un dif- folvant convenable. De cette manière j'étois sûr qu'il ne m'en pouvoit pas échapper la moindre molécule. Je fuis allé par dégrés , en commençant par DES SCIENCES DE BERLIN. 21 les expériences les plus fimples ; je fis d'abord bouillir de l'eau de puits la ,.. '^rr plus pure pendant deux heures , & l'ayant verfce dans quelques vaiHèaux ^ ' ',. * de verre, je n'y pus découvrir la moindre empreinte de cuivre, ni par le goût, ni p&r les épreuves chimiques. 7 b-*' Quatre onces de fel commun , que je fis bouillir avec cinq livres d'une eau bien dépurée de la terre calcaire , par la décoftion , dans le chaudron de cui- vre rouge , me fournirent , après l'évaporation , une efpèce de pouflière , de laquelle le vinaigre tliilillé fépara 20 grains d'une efpèce de veni de grisj mais une pareille quantité d'eau & de fel, cuite dans le chaudron de léton, montra feulement une foible nuance de verd ,• ce qui marque que la terre mercurielle du fine , qui réfide dans fa mine , ( la pierre calaminaire ) , & qui a change le cuivre rouge en léton, a trop exaiSement rempli les pores du cuivTC , pour que le fel commun puilïè y trouver entrée. Je lis bouillir pendant une heure dans mes chaudrons , deux méfures , pefant cinq livres , d'une bonne bierre , faite avec l'orge , & le houblon , & après en avoir fait évaporer l'humidité , & calciné le refte en cendres , j'en ai fait bouillir derechef une portion dans /'c/]>rit de vinaigre , & une autre dans rcfprit de fel ammoniac ; or , ni l'une ni l'autre ne montroit cette belle couleur de faphir , qui efl fi particulière aux folutions de cuivre 5 au contraire , je n'ai obtenu après l'évaporation de ces diflolvans , qu'un peu de matière épailîè, couleur de paille, & tranfparente à la chaleur, qui s'hu- meftoit dans la fuite à l'air , à caufe de l'alcaiefcence que les matières vé- gétales avoient contraélées par la calcination. La même chofe m'eft arrivée avec le lait , que je fis bouillir en pareille quantité, & que je traitai de la même façon que la bierre, dans l'expérience précédente. L'extrait des cendres , par les diitolvans fufdits , ne montroit qu'u- ne maflc épailTè , pâle , & blanchâtre , que l'air mouilloit un peu , mais dans laquelle je ne découvris pas la moindre marque de cuivre. Une pareille quantité de vin blanc de France , fçavoir cinq livres dans chaque chaudron , que j'avois fait bouillir pendant une heure , ne m'of- frit dans le chaudron de cuivre jaune , prefque aucun phénomène différent des précédons. L'extrait des cendres du vin cuit dans le chaudron de cuivre rouge , au contraire , préfentoit une foible nuance de bleu tirant fur le vert, & après l'évaporation du diffolvant ( i'e/pà du fel ammoniac ), je trouvai effeûivement 2 i grains d'une efpèce de verd de gris pâle. Mais le peu de cendres pâles , tirées de l'extrait du vin cuit dans le chaudron de léton , fe re- fufoient abfolument à toute réduction métallique , même fur le charbon , à la pointe d'une flamme , foufflée par un petit tuyau à fouder, ^ Je pris enfjite trois livres de boeuf, avec la quantité requife de fel ; à quoi j'ajoutai encore des choux & des carottes ; je fis cuire le tout dans le chau- droii de cuivre rouge, pendant quatre heures, & je paflài après le bouillon Il MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROFALE — 1^ par un linge, que je tordis fortement, pour exprimer tout ce qu'il y avoit dâ i OM. . iiq^jjjg j^jjj jg viande Ôc dans les légumes ; tout ce jus étant évaporé en- fuite , je convertis en cendre ce qui reftoit , pour tâcher d'extraire les pe- ' 7 5 4' j.;jg5 parties de cuivre , s'il y en avoit quelques-unes ; mais quoique Cej'prit de fd ammoniac eût bouilli quelques heures, dans une phiole à long tuyau, avec les cendres , il n'étoit teint que d'un foible céladon , & cette couleur fe perdit même, à mélure que l'efprit fe diffipa , par l'évaporation, de forte qu'il ne refta qu'une belle coagulation blanche , un peu laline , & prefque tranfparente. Nouvelle expérience ^ je pris du lard , avec des poires & des pommes , coupées en quartiers , que je fis cuire comme le menu peuple eft accoutu- mé de faire , pour s'en préparer un plat alîèz friand ; je raflèmblai enfuite tout le jus , comme dans l'expérience précédente , ôc je procédai de la même manière , par l'évaporation , la calcination , & l'extraftion des cen- dres ; mais je ne pus jamais obtenir la moindre teinture de cuivre , par /'e/pn't defel ammoni.ic , ôc moins encore par rcfpr'u de vinaigri:-^ de forte que l'éva- poration de ces difliblvans ne lailïà qu'une matière blanchâtre , tirant fur le jaune , dans laquelle il n'étoit pas poffible de découvrir la plus petite quan- tité des particules métalliques , qui puilîè être évaluée par le poids le plus léger. Tandis que j'étois occupé de ces différentes épreuves , il me vint dans l'ef^ prit que peut-être quelques végétaux doués d'une efpèce de fel volatil, ap- prochant de la nature alcaline , pourroient difloudre quelques molécules de mes vailîèaux de cuivre. Dans cette vue je fis bouillir de la viande avec des oignons , de l'ail , des raiforts , &c. & ayant procédé comme dans les expé- riences précédentes, je n'obtins pas la moindre marque d'une teinture cui- vreufe , ni un feul atome des particules de cuivre , que je cherchois. Une expérience femblable à celle-ci, où au lieu des racines ik de l'ail, j'avois mêlé la viande avec plufieurs fortes d'épiceries , eut exaâement le même réfultat. Je me fouvenois encore de certaine marmelade , que le menu peuple, ea plufieurs endroits de l'Allemagne , prépare pour la manger avec le pain , en guife de beurre ; on la compofe avec le fuc des bayes de fureau & des pru- nes , qu'on fait bouillir enfemble dans un chaudron de cuivre , en le remuant fans ceffe av€C un petit ais , ou planche fabriquée en forme de lioiie , jus- qu'à ce que le mélange , par l'évaporation , acquière la confiftance d'une marmelade. Fen ai pris huit onces , que j'ai fait calciner dans un creufet 5 je croyois pouvoir tirer de ces cendres quelques marques du métal, dans le- quel ce mélange fucculent & aigrelet avoit bouilli pendant plufieurs heures ; mais l^fprit de fel ammoniac^ avec lequel je fis bouillir les cendres , refta clair comme l'eau la plus pure , fans avoir fouffert le moindre changement de couleur. DES SCIENCES DE BERLIN. 23 H me reftoit encore à faire cuire des poifîbns dans le chaudron de cuivre , tF^ ^ qui ei\ le vailléau ordinaire dans lequel on les prépare. Ce fut un brochet ^ ' , ' de trois à quatre livres coupé en pièce , qui fut cuit comme il faut , avec fon fel • j'en exprimai tout le jus , que jj ris évaporer avec l'eau , jufqu'àliccité. 7 ^ "*• Le réiidu fut calciné dans un creufct , & les cendres furent également éprou- vées par les menitrues dont je me fervois dans ces fortes d'expériences j mais n'y ayant pas remarque la moindre teinture , je m'apperçus par l'éva- poration , que les diliolvans s'étoient chargés léulement d'une pouflière blan- che , un peu faline , fournie fans doute par le fel marin. Pour ôter toute crainte au beau fexe , fur fa boilTon fa\'t)rite , préparée dans une caôetière de cuivre, j'ai fait l'expérience fuivante. Je ris bouillir trois onces de cafté , dans un chaudron de cuivre , à la manière ordinai- re , & l'ayant fait repofer jufqu'à ce qu'il fut clair , j'en challài fucceffive- ment toute l'humidité par le feu , & je convertis le refle en cendres ; mais au lieu d'en extraire des atomes de cuivre par mes difTôIvans , je n'eus que de petites lames , ou feuilles blanches & minces , attachées les unes fur les autres , & d'un goût alcalin , comme le produit de la calcination d'une ma- tière végétale. Ayant remarqué auparavant que l'eau feule , avec le fel commun , lorf- que je les avois fait bouillir enfemble dans le chaudron de cuivre , en avoient dilfbus quelques grains ,■ j'étois un peu furpris de n'avoir pas obtenu une dillbiution femblable , par mes décoâions de viandes & de poilTbns , où il entroit non-feulement la même quantité de fel, mais dont rébulhtion avoit continué plus long-tems. Après bien des réflexions , je n'en trouvois d'autre raifon , rinon que le fel commun bouillant feul avec l'eau, en con- féquence de l'agitation violente que le feu imprime à fes parties , agilTbit avec force contre la furface du chaudron ; au heu que quand il efl; mêlé à des fubftances tendres ik mucilagineufes , comme la viande , le poilTbn , les lé- gumes il s'enveloppe dans ces fubftances , contre lefquelles il exerce toute fa vertu dilfolvante. Enfin , pour peu qu'on faflè des expériences femblables à celles que je viens de nipporter fidèlement ici , on ne manquera pas de fe convaincre qu'on a extrêmement exagéré dans le mal qu'on a dit du cuivre. Il y a des Auteurs qui foutiennent (û) que l'eau pure gardée une nuit feulement dans un vaiflèau de ce métal , en montre d'abord la marque , lorfqu'on y verfe quelques gouttes d'efprit de fel ammoniac 5 mais ni dans une telle eau, ni dans celle que j'avois fait bouillir auparavant dans un vaiileau de cui- vre , & que j'y avois lailîé refroidir , je n'ai rien pu appercevoir de pareil. Bien plus , en laiHiuu refroidir le bouillon de quelques livres de bœuf bien cuit , avec du fel commun , dans un chaudron de cuivre , je n'ai pas décou- (1} V«>y. la diir«tt, ioi, Mart io çlU, H MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE f= /■ vert le moindre veltige d'une diffolution métallique , ni par le changement de 2 OM. X. 1^ couleur du bouillon, lorfque j'y verfois de t\fpnt de fcl ammoniac , ni Année ^^^^^ ^^ mélange par le goût du bouillon , qui n'étoit nullement altéré , âpre, ' 754- py dégoûtant. Ce qui arrive feulement lorfque le vin , le vinaigre ou le jus de citron, comme dilTblvans acides du cuivre, y font mêlés, pendant que la viande, ou les légumes cuifent dans ces fortes de vaifféaux , ou qu'ils y font gardés trop long-tems , dans un endroit ou l'humidité de l'air peut al- térer le métal, & en détacher un verd de gris. J'avoue que les mets préparés de cette manière condamnable , où l'acide diflbut le cuivre , ou qu'on a gardé pendant ^uelque-tems dans des vaitîèaux de ce métal , pourront bien devenir nuifibles à la fanté , en caufant des angoiffes , des vomiUeinens & autres accidens fâcheux ; & alors ils feront l'eftet d'un émétique , plus ou moins violent , félon la quantité du verd de gris détachée du cuivre , mais jamais celui des poifons , ou des venins proprement dits. Au refte , j'aurois fouhaité , que quelques fçavans Médecins , comme Lanzoni , Vdlifnieri , Mauchart , &c. euflent recherché plus foigneufement la caufe & les circonftances des effets pernicieux qu'ils attribuent à la vaillelle de cuivre , dans les Ephémérides germaniques ; &. que ces Mrs. qui fe font récemment fi fort déchaînés contre l'ufage de ce métal , euffent pris la peine d'en démontrer le danger par des expériences folides , au lieu de ré- péter des faulTetés , ou d'étaler des nouveautés peu conftatées , & d'en impofer au public , en fe rendant les échos les uns des autres. ARTICLE III. DeCcription d'un monflre cydope , mis au monde à Berlin , le IQ de Fé. vrier de Vannée mdcclv. (*) Par M. E L L E R. LA génération des monftres dans l'efpèce humaine , n'efl pas un phé- nomène tellement rare , qu'on ne le voie arriver de tems-en-tems , & qu'on n'en prenne fouvent occafion d'accufer la nature d'avoir dérogé à la régularité de fes loix , par des caufes inconnues & impénétrables à no- tre efprit ; je me flatte néanmoins que le monftre dont je vais donner la defcription , eft un des cas les plus rares & les plus extraordinaires , qu'on ait jamais vus dans ce genre. (*) On a cru ce Mémoire trop curieux pour en retarder la publication. Il a ité lû dans l'ademblée publique du 5. Juin de l'année dernière. La diffeftion du monftre , & la defcription de (es parties , ont été laites pat M. le Dofteut Roloff , aggréeé depuis à l'Académie. C'étoit DES SCIENCES DE BERLIN. jj C'étoit un foetus de 839 mois , dont la tête énorme , & le vifage affreux ~ épouvantèrent tous ceux qui le virent. Sur un vaile & large front on apper- ^'^'* , ' cevoit d'abord un œil unique , bien fendu , grand , mais tortu , plutôt ^^ ^ ^ ^ rougeâtre que blanc , enfonce dans un trou quarré , fans être couvert de '■75 4' fourcils ou de paupières , ( quoique ces parties n'y manquaiTènt pas en- tièrement ) le regard en étoit farouche ik menaçant ; de forte qu'on peut fort bien lui appliquer la defcription de Vir^iU , dans le lU. livre de VEneïde : Monflrum horrendum , informe , ingens , cui lumen adtmptum , Lumen i quod tarvâ folum fub fronte lalebat. Immédiatement au-deflus de cet œil hideux , fe trouvoit une excrefcence épailïé iSc cylindrique , qui repréfentoit , au naturel , une efpèce de verge, pourvue d'un canal ouvert en forme d'urètre, d'un gland & d'un prépuce, qui, à caufe de fa fituation , quoique flotant & mobile , couvroit la plus grande partie de cet œil effrayant , comme fi la nature , honteufe de fon ouvrage , avoit voulu cacher fa turpitude fous un mafque , mais plus hor- rible encore que la chofe même. La peau extérieure de la tête, couverte de cheveux , étoit tout-à-fait dé- tachée de la partie poftérieure du crâne, de forte qu'elle formoit une efpèce de calotte , ou de bonnet large lacés vers le derrière : ils étoient petits , plats , & remplis de deux plexus choroïdes , petits & pâles. Les deux couches des nerfs optiques étoient fituées fort en arrière , & les corps canelés , le corps calleux , la voûte à trois piliers , & l'ouverture du troifième ventricule , ne fe laiflôient diftinguer que très-dif- ficilement. L'entonnoir avec la glande pituitaire manquoient abfolument ; & la glande pinéale avec fes quatre élévations voifines , connues fous le nom de nates & tcjles , n'étoient pas fenfibles , parce que le cerveau ne formoit en cet endroit qu'une mafTe confufe. Quant au cervelet, il n'étoit en rien différent & féparé du cerveau , puif- qu'on y trouvoit exaôement la même fubftance , fans ces efpèces d'arbrif- feaux qui fe montrent ordinairejnent , quand on coupe le cervelet par le mi- DES SCIENCES DE BERLIN. i^ lieu. On n'y découvroit pas non plus la continuation lombricale , ni le (jua- = trième ventricule, ni les jambes du cervelet; & auprès de l'origine de la j ^' moelle allongée , qui commen(,oit prefque au milieu de la bafe du cer- •" ^' ^ ^ * veau, on ne remarquoit , ni les péduncules du cerveau, ni le pont de ^754i Varole , ni les corps olivaires & piramidaux. Les neuf paires des nerfs , fortant du cen'eau pour les organes des fens , & pour les fonftions vitales & naturelles , n'étoient pas moins dérangées. La première paire manquoit tout-à-fait, à caufe de l'abfence des émi- cences mammillaires aux lobes antérieurs du cerveau. La féconde paire , qui nailTbit des couches optiques , fe rapprochoit beaucoup de latroilîème paire, parce que ces nerfs, fort minces & très-déliés, étoient tous d'une longueur extraordinaire , ayant chacun plus de 3 pou- ces. Ils alloient féparément , chacun par un trou particulier qui fe trouvoit dans la fente du Iphénoïde , dans l'orbite, après quoi ils fe joignoient tous deux en un feul tronc , qui entroit dans le globe de l'oeil , non par der- rière , mais prefque au milieu du globe , & tout-à-fait du côté gauche , de forte que la cornée n'étoit guère éloignée de plus de 3 lignes de cette infertion. La troifième paire , qui naiffoit d'abord à l'endroit où les couches des nerfs optiques tînilïbijnt , entroit fous ces nerfs par les trous optiques dans Porbite, & fe difperfoit de-lâ dans tous les mufcles de l'œil. La quatrième paire manquoit entièrement , & étoit remplacée par la précédente. La cinquième étoit fituée 6 lignes au-deffous de la troifième , & fortoit du crâne par le trou ovale. La fixième prenoit fon origine de la moelle allongée près de la moelle épinière , de forte qu'elle fe trouvoit 2 ou 3 lignes au-defibus de la feptiè- me paire. Elle fortoit du crâne par un trou particulier , fous le trou au- ditif interne , & conftituoit en fon entier le nerf intercoftal , fans envoyer aucune branche au mufcle abdufteur de l'œil. La feptième paire , fîtuée un peu plus haut du côté droit que du gau- che , près de fon origine , dans la moelle allongée , formoit un feul tronc , qui , après fon entrée dans le trou auditif interne, fe divifoit en deux branches , dont l'inférieure, un peu plus petite , étoit le nerf mou , & la branche fupéricure , un peu plus forte , le nerf dur. La huitième paire n'avoir qu'une feule , mais forte racine , qui fortoit ce la moelle allongée : elle étoit fituée un peu plus haut du côté droit que du gauche , & fortoit du crâne par le trou déchiré. La neuvième prenoit naiffance de l'endroit où la moelle allongée eft fur le point de fe changer eu celle de l'épine , & fortoit par le trou condyloïde antérieur. jo MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE ■;p ^-^ Le défaut entier de la faulx , de la dure-mere , & des tentes du cervelet, i o M. - . jPjjj caufe qu'on ne put appercevoir la moindre trace , ni du finus longitudi- ^ nal, ni des finus latéraux, ou d'autres linus , qui le trouvfeiit ordinairement '■75 4' à la bafe du crâne. Cependant, coinme un tel réfervoir , delliné à loger le fang véneux , eft abfolument nécelfaire , la nature a>roit formé ua finus particulier d'une figure o/ale, qui prenoit fon origine de l'apophyfe cliaoïdc dj l'os fphénoïde , pailànt du-ià autour du grand trou ; aux cô- tés il étoit pourvu d'une efpèce de fac énnullè 6i fermé , &. il étoit le feul dans toute la ca/ité du crâne. Toutes les veines du cerveau y en- troient, tant au derrière qu'au milieu , & il s'ouvroit entre les os pierreux & les apophyfes condyloïdes de l'os occipital dans les veines jugulaires. Quant aux vifcères de la poitrine & du bas ventre , on n'y obfervoit rien que de naturel , excepté que les capfules atrabilaires manquoient en- tièrement. \Ji\ dérangement fi confidérable des parties qui compofoient la tête , ne pouvoir pas arriver fans un défordre pareil dans le foutien de ces parties, c'eft-àdire , dans les os. Aulïî toute la tète n'étoit compofée que de i 2 os, au lieu de 22, parce que l'os cribleux, les deux os lacrimaux , les deux os du nez , les deux os fpongieux inférieurs , les deux os du palais , & le Vomcr , manquoient abfolument. La cavité de l'orbite n'étoit pas aulïî profonde & auflî conique qu'à l'ordinaire. Elle étoit compofée en haut de l'os frontal , par derrière, d'une pièce triangulaire de l'os fphénoïde , aux côtés des apophyfes or- bitaires de l'os fphénoïde , & des zygomatiques , & en bas par les os ma- xillaires. La partie inférieure de l'os frontal n'étoit pas pourvue des folïès orbitai- res , mais feulement de deux impreflions fort légères d'un arc de fourcil prefque imperceptible ; & on n'y pouvoir obferver , ni les trous orbitaires , ni l'épine nafale , ni les finus frontaux. Sous l'os frontal étoit placée une pièce oflèufe triangulaire , qui formoit la partie poflérieure & moyenne de l'orbite : fa bafe large étoit fituée en devant , & la pointe tout au fond de l'orbite , où elle devoit fans doute repréfenter les petites ailes de l'os fphénoïde. Entre cette pièce triangulaire , & les apophyfes orbitaires de l'os fphé- noïde , on trouvoit la fente fphénoïdale formée par une membrane. Cette membrane contenoit les deux trous opti([ues , qui étoient d'une figure oblongue , le gauche beaucoup plus grand que le droit , & fitués tout en arrière , au fond de l'orbite. L'os maxillaire , qui faifoit la partie inférieure & poftérieure de l'or- bite , étoit d'une feule pièce , fans apophyfes , épines nafales , ni finus maxillaires. DES SCIENCES DE BERLIN. ji L'os pariétal droit ne faifoit auffi qu'une feule pièce , fuivie de la plus ^7~ ,.' grande partie de l'os occipital , dont il n'étoit fcparé , ni par la future . ' ,' lambdoïde , ni par aucune autre marque. Mais la partie de l'os occipi- tal qui formoit le grand trou , avec l'apophyfe bafilaire , n'étoit point 7 5 4' jointe avec l'os pariétal droit ; elle en étoit entièrement féparée , en par- tie par des membranes , & en partie par un cartilage. h Explication de la première planche. _ os frontal droit. L'os f ontal gauche. la peau qui jcignoit ces deux os, & formoit une eipèce de crête. l.a tonranelle. La peau du derrière de Ja tête , en for- me de calotte. /. Le nés, fous la forme d'un priape. g. I,e prépuve. h. Le gland. i. Le trou du gland. h. Une partie de la paupière fupérieure gauche. /. La paupière inférieure gauche, m. Une partie du blanc de l'œil, n. La joue gauche. 0. La joue droite. f. La lèvre Cupéiieure, g. l,a lèvre inférieure. r. Le menton. Explication de la feconit flanche, Fig. L a. La partie poftérieure du faux nez. b. Une partie du prépuce. c. La racine du taux nez. d. L'angle fiipérieur de l'œiJ. e. L'angle intérieur. /. L'angle droit. g. L'angle gauche. h. La paupière fupérieure droite. ». La paupière ri:péiieure gauche. t- La pjupiire intérieure droite. /. La paupière intérieure gauche. m. Un pli de laconjonftive, qui faifoit une efpèce de caroncule lacrimale. n. Le blanc de l'œil. o. L'iris avec la prunelle , fermés d'une membrane. p. Une partie de l'oreille droite. e. b. c. d. e. ff- B- h. I. k. l. m Fig. IL Une partie de l'os du front droit. Une partie de l'os du front gauche. I e faux nez dans la place naturelle. Sa racine. Son prépuce. Son gland. Le trou dans le gland. Une partie de la paupière fupérieure gauche. 1 a paupière inférieure gauche. L'angle gauche de l'œil. Une partie du blanc de l'œil. Explication de la troijîème planche. L'os frontal droit. L'os frontal gauche. Une partie de la fontanelle. L'os du fommet droit. L'os du fommet gauche. Le cerveau dans fon état naturel. La membrane qui joignoit les os du fommet. La partie antérieure du globe de l'œil. La cornée avec l'iris 6c la prunelle. L'entrée du nerf optique dans l'œil. La partie poftérieure du globe de l'œil. .L'entrée du nerf optique dans l'œil, comme elle fe préfentoit poftérieu- rement. Le lieu où le nerf optique entre or- dinairement dans le globe de l'œil. Explication de la quatrième planche. L'os frontal droit. L'os frontal gauche. Une partie de l'os fphénoïdc. d. L'os pariétal droit. ?*• MÉMOIRES DE VACADÉMÎE ROYALE e. L'os pariétal gauche. • /. Le trou optique droit. £ g. Le trou optique gauche. h. h. Les deux nerfs optiques. i. I. La troilième paire des nerfs. t. La cinquième paire. /. La fixième paire. m. m. La feptième paire. ». Le nerf dur. 0. Le nerf mou. p.p. La huitième paire des nerfs. q.q. La neuvième. r. Une partie du trou ovale. /. Le fmus de la dure-mere , qui eft feu. lement exprimé à la droite. Explication de la cinquième planche. Fig. 1. a. L'os frontal droit. b. L'os frontal gauche. c. La fontanelle. d. L'os du fommet gauche. e.e. Les folfes orbitaires des os du front. f. Une membrane qui joignoit les os du front. g. La portion triangul. de l'os fphcnoïde. h. h. Les apophyfes orbitaires du même os. i. i. Les fentes fphénoïdales. t. Le trou optique droit. 1. Le trou optique g uche; m. m. Les os zygomatiques. n.n. La membrane qui joignoit les os du front , du Commet, des tempes. Sa. les os zygom.itiques , enfemble. 0. 0. Les os des tempes. p. L'os maxilljire. q.q. Les orifices antérieurs du canal orbi. taire. r. r. La mâchoire inférieure. Fig. IL a. Le trou optique droit. b. Le trou optique gauche. c. L'os mjxill ù e d. d. Les orifices poftérieurs du canal or- biiaire. e. L'apophyfe alvéolaire de l'os maxil. laire. //. Les os zygomatiques. Explication de la fixième planche. a. a. L'os du fommet droit. b. La membrane qui joignoit les os du fommet. c. Une partie de l'os frontal. d.d. La partie inférieure de l'os occipital, qui étoit féparée de l'os du fomme.C droit. e. Le trou ovale. /./. L'os des tempes droit. g. Une partie de l'os zygomatique. h. Une partie de l'os fphénoïde. j. La mâchoire inférieure. ^«•/ ^ .JJÏOUiii'^ ART I C LE M.v.i .IrLAMcLRat) dc-herhn Tcinll in. 4' pcL^jj^s- T. m IV rit I?. Pit^ '^S cX^^ai' iJ^C 22 ncm-^c JLacad- c7voy. ?e £cr/ii in- cTomlVm 12 py-, ISS ■ \ mm A c lacad-^cii-^c Jicrun 0^7^23 Oom-IL- m Jf,^ vaa . 32 • JÔm ■ IV. in J2j}aa- 188 ■ 07h.IL a- Taure Jticit. /,- yllcin c\' facad ■ Jicy . de jBcrlm <^''. 2. J^h-llh- fia l cy^? 25- Mtni Je ri4iXi6L Rcv ele ^c^-iui Tah ni Toiii IV I» izPaofSS .^ Mém. Je- L'Jcad- Rcy. dthcrïin. .^Sll .T.^.'\ , -.«•.-v'iV- I /<:m-Dc J-acad-'J\ci/-dc Jicrdu Jom- JLin ^? pac/. 32 ■ CJom- JV-in I2.paa' 188- cyr.°Z7' mu\ tr.-*<.iH-^i laurc Jccit- '' »* '■ ■ ■■ -i ;^ Hem' de £acaiJ- i^ DES SCIENCES DE BERLIN. ?3 S^ == =^^!!^'i!f — if^ TOM. X. Année ARTICLE IV. 1754. Injlruciions néccjjliircs pour la connoijfance de diverfes plantes du pais , dont l'u/agc peut fervir à épargner Us chênes , & L'emploi des matières étrangères dans lu tannerie des cuirs. Par M. G L E D I T s c H. Traduit de l'Allemand. ENtrc les principaux avantages d'un païs , dont la fituation cft d'ail- leurs favorable au commerce , on peut fur-tout compter l'abondance des produftions naturelles , non-feulement de celles qui fervent à l'œcûnomie, mais auffi de celles qui font utiles aux manufactures , & au négoce. Elles mettent en état de tirer de grands profits de l'exportation , d'ériger les fabriques les plus confidérables , & d'y donner de l'ouvrage à un très- grand nombre de perfonnes ; ce qui favorife la confommation des vivres, & de toutes les denrées. Mais une des chofes qui entrent le plus dans la rculïite de ce plan , c'cll une quantité fufKfante de toutes les efpèces de bois à brûler , à bâtir , & propre à une infinité d'autres ufages. La né- ceffité du bois augmente fur-tout à méfure que les contrées font plus fep- tentrionales , ou qu'elles deviennent plus habitées , & que le nombre des manufactures 6c des fabriques s'y accroît. Il n'ell: donc pas befoin de s'étendre fur les inconvéniens de la difette du bois , ni fur l'étonnante deftruiiT:ion qu'on ne cefîè d'en faire pour toutes les néceflîtés de la vie , & pour toutes les préparations requifes dans lin R grand nombre d'arts & de profeffions. Pour peu qu'on y refléchilTè , on ne peut s'empêcher de craindre qu'il ne vienne às'épuifer, & on doitpen- fer aux moyens de prévenir ce malheur. II n'y a qu'à jetter un coup d'œil fur les nations auxquelles le bois man- que , pour fcntir combien cette privation eft incommode. Elles n'en ont qu'à grands fraix en l'achetant ailleurs, cSc n'ofcnt , pour ainfi dire , le brûler que par poids Si par méfure. Il y en a même qui , faute de bois pour faire divers vailTeaux , tels que les tonneaux , les cailTés , &c. font obligées d'cmpaquetter les marchandifes de tranfport dans des peaux coufues cnfcmble, dans des paniers de jonc, c&c. A plus forte raifon, n'oferoit on pcnfer dans de femblables contrées à l'érecSion d'aucunes manufadures : on y eft obligé de vendre les produftions naturelles du païs à l'étranger , fans avoir pu les préparer , cSc par conféquent à un trèsvil prix. La tourbe (5c la paille ne fc^auroient fuppléer au défaut du bois que pour E 54 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ■' '■^= les befoins œconomiques ; ou du moins il n'y a que très-peu de manu- ToM, A. f:a£J.^res aufqueUes leur ufage convienne. D'ailleurs , dans les lieux mê- /Innée ^^^^ ^^^ y^^ ç^ ç^^^ ^^ tourbe & de paille , on n'en a pas autant qu'on ^754» veut. En un mot , une foule de chofes de la dernière importance pour la fociété , roulent fur la quantité néceflàire du bois. Et rien ne feroit plus propre à faire retomber les nations policées dans leur ancien état de grot iîèreté , que de fe trouver deftituées de ce fecours. De très-habiles gens ont déjà traité cette importante matière à fond dans des écrits de la dernière folidité ; & l'on n'a pas manqué non plus de prendre par-tout les méfures les plus efficaces , pour empêcher toute fortie de bois qui pourroit devenir préjudiciable au pais d'où on le tire, - Ces méfures deviennent de plus en plus néceflàires , vu la diminution fenfîble du bois. Plufieurs Provinces d'Allemagne qui étoient autrefois tou- tes couvertes de forêts , en font à préfent prefque entièrement dégarnies. La multiplication des habitans , & l'accroiflëment de toutes fortes de manufadtures & de fabriques , annoncent à nos defcendans l'embarras où ils ne tarderont pas à fe trouver à l'égard du bois néceifaire à leur entretien. Après avoir été trop prodigue à cet égard , on va bride en main , on ménage ce qui refte , & on tâche de réparer ces pertes , en femant & en plantant. Il eft certain qu'on pourroit faire bien des chofes très-utiles à cet égard , fi l'on vouloit accorder aux idées & aux confeils que fourniffent quel- quefois les perfonnes qui s'appliquent à l'étude de la nature , l'attention qu'ils méritent , & ne pas les confondre avec les chimères des faifeurs de projets. Il peut arriver , & il arrive fouvent , que les découvertes des prew miers font d'un ordre à être appliquées avec fuccès aux opérations œco- nomiques qui font fubordonnées au gouvernement politique d'un Etat. On auroit tort aflùrément de croire que tout ce que la Phyfique , ou quel- qu'une de fes parties , comme la Chimie , la Botanique, &c. découvrent, eft d'abord d'une utilité publique & décidée. Il faut avouer qu'il y a dans ces Sciences plufieurs eiïàis infructueux , plufieurs travaux inutiles. Mais on ne fçauroit nier, non plus, que de tems-en-tems elles ne fournirent des moyens d'améliorer le fort des hommes , & de rendre la fociété plus floriflànte. C'eft l'objet que nous nous propcfons dans ce mémoire , en indiquant un moyen , qui nous paroît mériter d'être diflingué parmi ceux qui font deftinés à prévenir la deftrudion du bois. Celui de chêne eft , comme on fçait , un des principaux & des plus précieux. Or la Tannerie en fait une prodigieufe confommation. Il feroit, d'un autre côté, très-fâcheux de re- noncer à cette profeffion , dont l'exercice eft fort avantageux au pais , Je cuir , tant fin que greffier , étant une des marchandifes les plus utiles , DES SCIENCES DE BERLIN. 35 & dont on a le plus d'occafions de fc fcrvir, C'eft ce befoin qui fait qu'an- nuellement dans le voifînage de prcfque toutes les villes , tant petites que grandes , on dépouille de leur ccorce autant de chênes & de bouleaux qu'on en trouve , ou qu'il eft permis de le faire. On prépare à l'aide de ces écor- ces la quantité de cuir à laquelle elles fuffifent , & l'on eft obligé de lailTér le rcfte du cuir non préparé aux voifins qui n'en donnent prefque rien , & qui nous revendent enfuite fort cher , celui dont nous ne fçaurions nous paflér. Voici une découverte qui confcrvera tout à la fois le bois & les tan- neries , & qui pourra même augmenter le nombre de celles-ci. Elle a été faite dans le cours de l'été dernier , & dès le mois d'Août. On a produit huit nouvelles efpèces de cuir préparé & tanné fans aucune écorce d'arbres & par des moyens dont nous allons rendre un compte détaillé. Ces mo- yens vont encore plus loin ; ils épargnent non-feulement les écorces , mais encore diveriés drogues étrangères qu'on eft obligé d'employer dans cet- te préparation. Il eft furprenant qu'oojj'ait pas penfé plutôt à faire les ex- périences fur lefquelles cette découverte eft fondée , puifqu'elles font les plus aifées du monde , & que divers moyens dont d'autres nations , & mê- me les plus fauvages , fe font fervies pour la préparation des cuirs , met- toient tout-à-fait fur la voie de s'en avifer. En effet , en plufieurs contrées , foit faute d'écorces , foit en conféquence d'anciens ufages , on eft dans l'ha- bitude confiante de fe fervir pour la préparation des cuirs , de feuilles , de racines , de fruits & de fucs. Nous n'entrerons pas ici dans tous les dé- tails hiftoriques dont cette matière feroit fufceptible ; mais il convient pour- tant d'en donner une efpèce d'échantillon. Une partie de ces Tartares Calmuques , qui exercent leurs brigandages vers la grande muraille de la Chine , fe fervent pour tanner la peau de leurs chevaux , de lait de cavale aigri. En Perfe , en Egypte , & dans quelques états fitués fur les frontières de l'Afrique , on tanne les peaux de bouc & de chèvre , avec le fruit afixingent & légumineux de l'Acacia vtra , qu'on prend avant fa maturité. Les mêmes peaux en plufieurs endroits de l'Em- pire Turc , fe préparent en maroquin par le moyen de la noix de galle. Les noix encore vertes de l'arbre de térébentine, & , à ce que quelques-uns prétendent , les feuilles mêmes , auffibien que celles de Lentifque , fen'ent au même ufage dans le Levant. Le Smak , qui confifte en rouleaux de feuilles & de jeunes branches de Sumach , ou Rlius , eft parfaitement con- nu , & il n'y a guères de pais où l'on ne l'emploie pour la préparation du cuir , dit Conluan. Perfonne ne fçauroit ignorer , non plus , que dans plu- fieurs Provinces d'Italie , d'Efpagne & de France , il y a aduellement en ufage plufieurs plantes qu'on peut appeller Planta Coriaria , VArbutus , le Ceins, le lamarifque , le Rhamnus, le Rfius myrtifolia,ôic. On a mis en œu- Eij iG MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE q^~ y" v'"'^ ^" Suéde l'écorce d'une des moindres efpèces de Saules de montagne J ^ " j ' auffi-bien qu'une plante fauvage aflëz connue fous le nom d^Uva urfi. En Al- lemagnc , les Siléfiens emploient dans la mégiiïèrie une efpèce de Myrtille , nommé Raufcli. Mais pour la tannerie , on ne connoît guères en Allema- gne que les écorces de chêne & de bouleau , avec quelques calices de gland ; & pour la préparation du corduan & du maroquin , on prend le Smacl: & la Galle , à l'imitation de prefque tous les autres peuples connus. Quand les huit nouvelles préparations de cuir déjà indiquées auront une fois pris crédit, toutes les matières fufdites ne feront plus néceffaires; & l'on trouvera dans les états du Roi les véritables plantes propres à la tannerie , parmi lefquelles il y en a une partie qui ferviront , en même tems , à la teinture des cuirs. Le nombre des efpèces de ces plantes va déjà bien à 60 ; & quand , après avoir fait un choix exaft , il n'en refteroit qu'une vingtaine , les vues de S. M. feroient fuffifamment remplies , tant pour la confervation des bois , que pour l'épargne des drogues étrangè- res , fans qu'aucune des autres parties de l'œcûnomie politique en fouffre la moindre atteinte. Pour prévenir l'objeftion qu'on pourroit faire , que la tannerie , quel» que importante qu'elle puiflè être à divers égards , ne paroît pas un objet digne des recherches d'un homme de lettres , je demande feulement qu'on (e falïè l'idée des différentes chofes qui appartiennent à cet Art , de tou- tes fes manœuvres , & des circonftances qui y font requifes. On commence par dépouiller les animaux de leurs peaux ; on en fait une première pré- paration , d'où l'on paiTè à la tannerie même , & à tous fes travaux. Il en réfulte différentes efpèces de cuirs , dont les qualités dépendent du con- cours des productions tirées des trois régnes de la nature ; ce qui fuppofe l'étude de ces produâions , la connoiflànce de leurs parties conilitutives , & l'examen des effets variés qui peuvent en réfulter. Après cela , qu'on juge qui eft-ce qui efl le plus propre à influer fur le fuccès de femblables opérations , du PhyCcien , du Chimifte , du Naturalifte , ou du fimple Tanneur, qui ne fuit que la routine de fa profeflion. Ilferoit, au contrai- re , à fouhaiter que depuis long-tems les Sçavans verfés dans les connoifTàn- ces dont on vient de parler , euffènt tourné leurs vues de ce côté-là , qu'ils eufïènt rafïèmblé de bonnes expériences fur ce fujet , & qu'ils en eulTent déduit des principes propres à former une théorie. On auroit tiré du nom- bre des plantes inutiles celles qui peuvent rendre de fî bons offices , & el- les feroient dans une poffeffion confirmée de la préparation des cuirs. Les Chimiffes les auroient foumifes aux épreuves qui peuvent en décou- vrir les propriétés ; les Botaniftes en auroient foigneufement indiqué les ef- pèces & les caraftères ; & tout feroit fur le pied où nous alpirons à le met- tre. C'eft ici le lieu de donner en peu de mots une idée de la Tannerie , Si des plantes qu'on peut y appliquer. DES SCIENCES DE BERLIN. 57 Après que les peaux des animaux ont été féparées exaftement de la ^^ chair & de la graiflc , qu'on ks a nettoyées du fang & des poils, & \,''/',* /'* qu'on les a fuffifaniment macérées , le Tanneur en fait l'objet de fon tra- ^ ^' ^ vail , & à l'aide de certaines drogues , ou matières , il en ôtc toutes les par- '7 5 4- ties qui pourroient encore être fujcttes à la pourriture & aux vers , & les condenfe de façon qu'on peut s'en fervir à tous les ufages auxquels le cuir eft propre. La peau d'un animal, dans fon état d'intégrité, eft un tifïù des plus artiftcment faits , fort ferré , & qui eft uniquement compofé de fi- bres étroitement entrelaffées enfemble. Ce tififii en le tannant , devient encore plus fenfible ,• & les fibres du cuir peuvent être prefque toutes fé- parées les unes des autres. Néanmoins les peaux diôerent entr'elles fuivant les efpèces d'animaux , auffi-bien que fuivant leur âge , leur nourriture ■' £ E munes, des plus abondantes , & qu'on a mis jufqu'ici au rang des mauvaifes '754» herbes , faute d'en connoltre l'utilité ; ainfi l'œconomie ordinaire ne fouf- frira point de l'ufagc qu'on veut en faire pour la tannerie. M. Klein a rallèmblé une quantité confidérable de ces diverfes efpèces de plantes ; & entre les huit fortes de cuirs qu'elles ont produit , il y a un très-beau cor- duan préparé fans fmack , & deux fortes de bon cuir de veau , tanné avec de fimples feuilles d'arbre. Ces nouvelles plantes à cuir croilïènt dans prefque tous les creux pro- fonds , & les lieux marécageux ; il s'en trouve auffi dans les campagnes fablonneufes , fur les collines & dans les bois , & elles abondent également dans la Marche Eledorale , dans la nouvelle Marche , dans la Poméranie & dans la PruJé. Le foin qu'elles donnent , eft le plus groff.er & le moin- dre de tous ; les beftiaux en font fi peu de cas , qu'ils n'y touchent que lorfqu'ils font alFamés. Ainfi ces plantes ne fervent proprement qu'à gâter les bonnes prairies. On en trouve fur-tout une grande quantité autour des grandes eaux & des lacs ; Ôi l'on ne croit point exagérer en difant que cela va à 60 efpèces différentes. Les principes en vertu defquels ces plantes fe trouvent propres à la tanne- rie , font aifés à découvrir, fi l'on eft au fait de ceux que la Chimie tire du fmack, de la galle & des différentes écorces. Relativement à ces principes , les plan- tes en queftion peuvent être divifées en deux claiTès principales. Les prin- cipes auxquels on doit faire le plus d'attention , fe trouvent généralement dans toutes ces plantes ; ils font d'une nature ^*e , & cependant aclhe , ter- reo-gommcufc , ou tcrreo-rcfinofo-gommeuje. Mais , outre ceux-là , on en trouve dans quelques-unes , en plus grande , ou en moindre quantité , de très-adifs ; & c'elt ce qui établit la différence que nous mettons entre les plantes propres à la tannerie. Celles de la première forte n'ont point d'odeur , ou n'en ont qu'une très-foible ; mais elles ont un goût tout-à-fait acre & aftringent. Elles ne fournilTent que les principes adifs & fixes dont on a parlé , ou du moins on n'y découvre qu'un mêlanga très-peu confidérable de parties oleo-in- flammablcs , qui donnent à l'eau qu'on en diffille une foible odeur balfami- que , fans aucune faveur acre ou ftiptique. La proportion de ces parties dans la fubftance tcrreo-réfinofo-gommeufe varie ; mais celle qui exifte com- munément dans la plupart des véritables plantes à cuir connues , eft telle , que fur une livre , par exemple , de femblables végétaux la terre fait un tiers, ou même la moitié, le principe gommeux environ un quart, dans d'au- très un tiers , & dans quelques-unes , jufqu'à la moitié ; tandis que la par- 40 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE •7^ '^^^ tie réfineufe eft la moindre de toutes , & ne va dans une livre que de 20 à "." * <. * S° grains , ou pour le plus à une dragme , & quelques vingt grains au-delà. Dans la féconde efpèce de nos plantes , on trouve à la vérité les prin- ^7j4- cipes aftifs fixes fufdits j mais la proportion indiquée ne fçauroit y avoir lieu , parce qu'ils fe trouvent mêlés avec d'autres principes tant volatils que fixes , de forte qu'ils font la moindre partie du compofé , & qu'il leur arrive, ou d'être exaltés avec les parties volatiles , ou d'être confidérable- ment alFoiblis. On trouve donc dans ces fubftances, outre les parties fixes, un principe onftueux & balfamique , okofo ou vaporofo-fpirituofo-éthérien , &c. Les parties volatiles fe dégagent bien - tôt des autres par la chaleur de la leffive à tanner , & s'évaporent , de façon qu'il n'eft pas toujours pof- fible d'en découvrir quelques traces fpécifiques dans les cuirs. Si l'on veut enfuite approfondir en quoi confifte proprement la fubC- tance fixe terreo-gommeufe , ou terreo-réfino-gommeufe , c'efl ce dont on pourra acquérir une connoifïànce fort claire , foit en confidérant la ma- nière dont elle fe produit naturellement, foit par la voie des expérien- ces chimiques. Cette terre eft tantôt plus groflîère , tantôt plus fine , tan- tôt en plus grande , tantôt en moindre quantité 5 & elle contient une fubftance huileufe , ou un principe inflammable , engagé dans un acide léger , tel que font les acides végétaux , & non cauftique , comme celui des minéraux. Quand on détruit au feu la fubftance fixe des plantes coriai- res, on obtient par la rétorte , d'une livre, poids de médecine, à peu près les produits fuivans , dans une proportion plus ou moins variée ; i. en- viron deux lots & deux dragmes d'un phlegme limpide & empyréumatique, non aftringent ; 2. environ cinq lots & une dragme d'une liqueur acide jau- nâtre , ou d'un jaune tirant fur le brun; 3. trois lots & plus de deux drag- mes d'une huile empyréumatique. Le caput mortuum fait fouvent la moitié, ou même au-delà , & contient dans quelques fujets une portion de fel al- cali fixe , qui eft l'ouvrage du feu. Dans les fruits fecs , les fucs & les ra- cines charnues , cette proportion fouffre quelques exceptions. On com- prend donc que la connoiiïânce de ces parties conftitutives , des quantités dans lefquelles elles exiftent , & de leurs propriétés bien connues des Phyfi- ciens & des Chimiftes, peut aifément conduire à celle de leurs effets , & de la manière dont elles les produifent. Par ce moyen on fe trouvera en état de diftinguer une fauffe plante coriaire , d'avec une véritable , ou d'écarter celles qui font trop foibles pour cet ufage. Il s'en trouve , par exemple, qui font beaucoup plus propres à donner une belle teinture au cuir qu'à le tanner. Il n'eft pas difficile non plus, après l'expofition qu'on vient de donner des principes contenus dans ces plantes , de fe faire une idée de leur aftion fur des peaux , duement nettoyées & macérées. Ces peaux mifes à tremper dans la DES SCIENCES DE BERLIN. 41 la déco£^ion de ces plantes , ou feulement avec leur poudre groffière , y de- ^ ^ meurent aflcz longtems , & fe travaillent enfuite ailèz , pour que la tifiure ^ ^'^ ^'j^ de leurs parties fouft're un changement , qui en fait une production nouvelle , à , -, ca. laquelle on ne donne plus le nom de peau , mais celui de cuir. Dans cette ' opération, les parties folubles & actives des végétaux font féparées de la maflè groffière , par le fccours de l'air, de l'humidité vaporeufe , de l'eau , du tra- vail , & des divers dégrès de chaleur qu'on emploie. Elles s'écartent infen- fiblement les unes des autres , & s'étendent en tous fens , d'une manière fort douce , ce qui les rend propres à pénétrer auffi tout doucement la fubt tance des peaux , & à y faire imperceptiblement le changement qu'elles fu- bilTènt. Il eiï très-aifc de concevoir les eflets qu'eft capable de produire , dans un pareil cas , un acide doux lorfqu'il elt dilïbus , mêlé , tk mis en mouvement avec d'autres particules fouverainement volatiles , oléofo-éthé- ricnnes, d'une extrême mobilité. Les peaux font pénétrées de ces particules, auffi-bien que de celles que nous avons nommées terreo-réfîno-gommeufe , comme d'une efpèce de beaume , & cela les condenfe en cuir , de façon à les préferver déformais de toute atteinte de la pourriture , ou des infec- tes. Mais comme notre defïèin n'eft pas de nous engager dans une théo- rie formelle de la tannerie, nous nous bornons à notre objet , qui concerne uniquement la détermination des plantes à tanner , & nous ajoutons encore un de leurs caradères , qui les rend fenfiblement reconnoifîâbles entre tou- tes les autres. Ce caraélère fe rencontre dans leur poudre , ou dans leur dé- coftion , lorfqu'on la mêle avec le vitriol de mars. On prend donc des plantes fufdites , réduites en poudre , & on les jette dans une folution de vitriol de mars ; ou l'on met une portion de vitriol de mars dans une infufion , ou décoction de ces plantes , qui a été aupa- ravant tiltrée. Ce mélange produit , tantôt une couleur rougeâtre , ou d'un rouge foncé , tantôt une couleur bleue , ou noire. La caufe de ce phénomène eft connue des Chimiftes , qui favcnt auffi rendre à ces décodions , ou in- fufions , leur tranfparence , & en faire évanouir les couleurs , en y verfant goutte à goutte une quantité fuffifante d'huile de vitriol. Les caraâères des plantes coriaires étant fuffifamment développés par tout ce qui a été dit jufqu'ici , & ces plantes fe trouvant dans la plus grande abondance tout autour de nous , il dépendra préfentement des connoiC- feurs & des amateurs d'en étendre l'ufage , & d'en faire de nouvelles ap- plications utiles aux manufadures du pais. Il en réfultera les avantages fui- vans. 1. Les intentions de Sa Majefté feront exaflcment fuivies , par rapport à la confervation des forêts , & en particulier des chênes , dont l'écorcc fera déformais épargnée , en y fubftituant nos plantes. 2. Avec le tems on pourra fe pafïèr des drogues étrangères , dont le Tome II, F 42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ■ ' ''^ prix hauflè tous les jours , & qui font employées dans la préparation du cor- ~. ' 1 ' duan & du maroquin. /INNEE j. On pourra avoir au-delà de ce qu'il faut de matières propres à la ^754' tannerie , tirées du païs même , fans porter la moindre atteinte aux autres parties de l'oeconomie. 4. Plufieurs perfonnes pauvres, ou âgées , femmes & enfans , pourront en certain tems de l'année gagner leur pain à cueillir des plantes. 5. Tous les lieux incultes , foit parce qu'ils font trop marécageux , foit à caufe de leur extrême aridité , pourront dans la fuite être mis en valeur & en rapport. 6. De petites villes où il n'y a point encore de tanneries , pourront s'en procurer , parce que les moulins ne feront plus néceflàires , les plantes en queftion n'ayant befoin que d'être groffièrement coupées ou pilées. 7. Les cuirs communs du païs , auffi-bien que les peaux de bouc & de chèvre , pourront être tannés en beaucoup plus grande quantité , foit pour la confommation , foit pour le commerce , & l'on ne fera pas con j traint de les laiifer à bas prix aux étrangers. Je finis en déclarant ingénument, que je n'ai d'autre part à une décou- verte auffi intéreffante pour le public , que celle d'en avoir rendu compte à l'Académie , d'y avoir apporté toute l'attention qu'elle méritoit , & d'avoir rempli à cet égard le devoir de mon état, qui m'appelle à l'étude de la nature, Lijle des Plantes qui ont été employées à des ejfais de Tannerie. Le nombre des plantes propres à la Tannerie furpaflè de beaucoup ce- lui des plantes indiquées dans la lifle fuivante ^ & l'on a remarqué qu'en les rallèmblant dans les tems convenables de l'année , on peut s'en fervir pour la préparation de toutes fortes de peaux , tant fines que groflîères. Entre ces plantes celles-là ont paru les meilleures , qui ont le plus de fubf- tance groffière , affringente & acide. Elles font encore plus propres à péné- trer les peaux , à proportion qu'elles ont plus de parties aromatiques & fpi- ritueufes, ou qu'elles font douées d'une huile efléntielle éthérée. Au contraire les moindres efpèces de ces plantes , font celles dont la fubflance eft prin- cipalement compofée de parties graffes , ou mucilagineufes , qui n'attaquent pas aufïî fortement les peaux , & peuvent à peine en tanner légèrement les plus tendres efpèces. Salicaria ; %'ulgaris , purpurea ,foliis ohlongis. Tourn. Inû, 253. Lyfîmachia Spicdtu , purpurea , forte plinio. C. B. pin. 246. Salicaire , ou Lyfîmachie rouge. Ulmaria ; Cluf. Hift. 158. J. B. III. 488. Regina prati, Dodon. Pempt. 57. Reine des prés. To M. X. E DES SCIENCES DE BERLIN. 45 Comnrum ; Linn. Gen. pi. Ed. 5. 563. Quinqucfolium paZu/Zre , rubrum. C. B. pin. 316. Quinte-fueille aquatique rouge. "J ""' Fiiix y ramofu major , pinnulis oiHuJîs , non dentalis. C. B. pin. 3 57. Filix fœ- inina. offic. & Dodon. Pempt. 46 2. Fougère femelle, rameufe, ou Fougère. 75 4 Filix ; non ramofa , dcntata. C. B. pin. 358. Filix mas oftic. & Dodon. Pempt. 462. Fougère. Fiiix ^ palujïris maxima. C. B. Prodr. 150. cfpèce grande de Fougère aqua- tique. .... mas , acuUata , major 6" minor. C. B. prodr. 151. Fougère. Perlicaria ■■, Salicis folio , potarnogeton angujtijolium dicla. Raj. Hift. i 84, Perficaria acida. Jungermanni. Pcrficaire , acide de l'eau. Biftorta ; major, radicc minus vel magis intortâ. C. B. pin. 192. Biftorte, Tormentilla;j3''vi.yZn's. C. B. pin. 326. Tormentille. Fimpinella •,_/ûngui/brta , major. C. B. pin. 160. Pimprenelle fauvage grande des prés. Caryophyllata ; vulgaris. C. B. pin. 521. Benoîte. Caryophyllata ; aquatica , nutantc flore. C. B. pin. 321. Benoite aquatique. Anferina; olEc. Argentia. Dod. Pempt. 600. & Potcntilla. J. B. II. 398. Ar- gentine. Quinquefolium; majus , rcpens. C. B. pin. 325. Quinte-fueille officinale. .... minus , rcpens , luteum. C. B. pin. 325. Quinte-fueille petite fauvage , ou de montagne. ....folio argentée. C. B. pin. 325. Quinte-feuille blanche. Horminum ; pratenfe , foliis ferratis. C. B. 238. Orvale. Agrimonia ; ofRc. Aigrcmoice. Equifetum ; arvenfe , longioribus fetis. C. B. pin. 16. Prefle, ou queue de cheval. .... palujlre , longioribus fctis. C. B. pin. i $. Queue de cheval aquatique. Alchimila ; vulgaris. C. B. pin. 319. Pied de lion. Mufcus ^ pulmonarius , flve pulmonaria offic. Lob. le. p. 248. pulmonaria arborea. Mufcus quernus. MoufTè de chêne. Lyfimachia ; lutea , major , quœ Diofcoridis. C. B. pin. 245. Lyfimachie. Vaccinium j Rivini. vitis idœa , foins oblongis crenatis , fruclu nigricante. C. B. pin. 470. Aikelle , ou Myrtille. ....foliis Buxi , fempervirens , baccis rubris. Rupp, FI. Gen. p. $2. Efpèce de Myrtille.avec fueilles de Bouis. Rubus; vulgaris. Cfrucîu nigro. C. B. pin. 479. Ronce grande. repens , fruclu Cœfio. C. B. pin. 479. Ronce petite. Fragaria-, vulgaris. C. B. pin. 326. Fraifier. Filipendula -, J. B. II. 189. Saxifragia rubra. offic. Filipendul. Filipendule, Pervinca; Tournefort. Vinca pervinca. offic. Clematis daphnoidcs major, flore cœruleo. J. B. II. 132. Pervenche. Fij 44 MÉMOIRES DE VACADEMIE ROYALE • —rr- Sparganium j ramofum & non ramofum. C. B. pin. 115. Sparganio Italie, JoM.X. pjiago ^ j-j^ /,gr/>a impia. Dodon. Pempt. 66. Herbe à coton. Année Q„^pl■^^^l^^^^ ^ montunum flore rotiincUore ù lon^iorc, Tourn. Inlt. 453. Im- ^ ^ ■* "*' mortelle rouge , agrefte. Géranium ^fanguineum , maximo flore. C. B. pin. 319. Bec de grue de mon- tagne , avec fleur grande. .... Bcitracholdes , maximum , minus lacinlatum , folio Aconiti. J. B. III, 477. Bec de grue de prés aquatiques. Plantago^ latifolia incana. C. B. pin. 18 9. . . . . anguflifolia major ù minor. C. B. 189. latifolia , finuata. C. B. pin. 189. Toutes les efpèces de plantain. Hypericum j ofEc. & Mathiol. vulgare. C. B. pin. 279. Millepertuis. C'efi: ici le lieu de remarquer qu'il n'y a que l'herbe fleurie , ou même les fleurs feules des plantes précédentes, qui puiflènt être mifes en œuvre. Il y en a parmi elles de plus foibles que les autres , & qui veulent par conféquent être traitées différemment. Mais à l'égard de celles qui vont fuivre , nous avertiflons que les fueil- les & les branches , auffi-bien que les fruits non m.urs, les fémences , & mê- me les racines de quelques-unes , font également propres aux opérations de la Tannerie. Frondes ; vitis vinifcrœ. C. B. pin. 299. Vigne. Prunus ;j3'/ve/2;ii. C. B. pin. 444. Acacia germanica. Prunier fauvage , épi- neux : Cortex & fruftus immaturus. Sd.\\x;vulgaris alba , arborefcens. C. B. pin. 473. Saule fragile , blanche. Fo- lia. Frondes. .... Caprea rotundifolia. Tabern. Icon. 1038. Saulx ou Saule vulgaire aqua- tique. Folia. Cortex. Frondes. Sorbus; aucuparia. J. B. I. 62. Sorbier. Frondes. Folia. Fruftus immaturi, Rofa ^ fylveflris , variorum colorum. Rupp. FI. len. 139. Rofier. Folia. Fagus ; Dod. pempt. 832. Hêtre ou Fouteau. Cortex. Folia. Carpinus ; Dod. pempt. 841. Charme. Folia. Cortex. Quercus ; C. B. pin. 419. & omnis ejus varieras. Chêne. Folia. Betula; Dod. pempt. 839. Bouleau. Folia. Cortex. Alnus; Dod. pempt. 839. Aune. Folia. Mefpilus ^ omnium auftorum. Species fylveftris. vulgaris. Neflier-agrefte. Fo- lia. Frondes. Fruftus immaturi. Ledum ;, rofmarini folio. Tabern. S. Rofmarinum fylveftre. Mathioli. Rof- marin fauvage. Frondes. Cornus ; fylvejtris , mas, C, B, pin, 447. Cornouillier fauvage. Folia. Fron- des, oflicula. DES SCIENCES DE BERLIN. Acctofa ; pr^tenfis. C. B. p. 114. Radix. Scmen. Lapathum j maximum aquaticum. Chabr. HiÛ. 309. Patience aquatique gran- . de. Radix. Folia, femen. Année Lapatum ; folio acuto , piano. C. B. pin. 115. Patience vulgaire. Radix. Fo- ^754' lia. femen. Iris ; palujliis, lutca. f. Acorus adulterinus. C. B. pin. 34. Flambe aquatique. Radix. NymphGea j lutea major. C. B. pin. 193. Radix. ....alba major. C. B. pin. 193. Secplumpen. Radix. ARTICLE V. Dijfertation phyfico - philologique fur un pajfage difficile de Pline , Hljl, Natur. Liv. XXXVII. Chap. XLVII. où il s'agit d'une pierre précieufe des Anciens , nommée Afleria. Par M. L E H M A N N. Traduit du Latin, SI les Anciens ne nous ont pas tranfmis toutes les connoiflànces que nous pofledons aujourd'hui , on ne fçauroit nier , du moins , en com- parant leurs écrits avec ceux des Modernes , que la meilleure partie de ces connoiflànces ne nous vienne d'eux. C'eft un aveu que doivent faire éga- lement les Philofophes , les Jurifconfultes , les Médecins , les Mathéma- ticiens & les Phyficiens. Et quoiqu'on ne puifTe difconvenir des accroifTèmens que tous les genres de fcience ont reçus dans ces derniers fiécles , il n'en demeure pas moins confiant , qu'il fe trouve quantité de chofes chez les Anciens , ou encore tout-à-fait inintelligibles pour nous , ou au fujet defquelles nous fommes encore fort incertains , fi ce font les mêmes qui portent aujourd'hui le même nom. Tels font les rofeaux ( arunJines ) de Suétone , le véritable airain de Corinthe , l'ouvrage à la mofaïque des anciens Egyptiens , & plufieurs autres chofes , dont les noms à la vérité ne font pas inconnus aux Modernes , & dont ils ont même tâché d'imiter la compofition , mais fans être en état d'affirmer avec certitude que ce foient précifément celles dont l'antiquité fait mention. Entre ce grand nombre de chofes qui fe dérobent à notre connoifTànce , on ne doit pas mettre au der- nier rang une pierre précieufe , dont Pline parle dans fon Hifloire Naturelle, Liv. XXXVII. Chap. XLVII. au mot Ajleria , en ces termes : proxima candicantium ejî Afteria , principatum habens proprietate natura , quod indu-. 4« MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE -=: ^^^ Jhm lucem pupillœ modo quandam continet, ac transfundit cum incUnatîone ^ ■J ■ , ■ velut intàs ambulantem ex aUo atquc alio rcddem , eddemque contraria Joli re~ fcrens candicantcs radios , unde nomen inycnit , àiJficiUs ad cœlundum. Iiulica ' J ^' pnvfertur in Carmania nata. Et un peu plus bas , il ajoute : Eft inter candidas 6" quœ Ceraunia vocatur , Jul^orcm fidcrum cai>iens , ipfa cryjlalllna fplcn- doris cœruld, in Carmania nafccns. Le P. Hardouin , Commentateur côlébre de Pline , dit dans fa remarque fur le mot Ajfieria : « Cette pierre fe trouve » en divers endroits d'Italie ; nos Jouailliers l'appellent GiraJoU. Ijldore a » répété la chofe dans les mêmes termes que Pline , mais en l'appellant Af- » terites , au XVI. livre de fes Origines, chap. lo ». Ce Sçavant fe trompe en prenant la Girafole des Italiens pour la même pierre que VAjhria de Pli- ne j car ce que les Jouailliers , & les Auteurs qui traitent de l'Hiftoire Na- turelle , nomment Girafole , c'eft l'Opale. Cette dénomination lui vient de Girare, tourner en rond , & de Sol , le foleil, comme qui diroit une pierre dans laquelle les rayons du foleil fe répandent de toutes parts. Tous les Auteurs qui me font connus , penfent autrement que Pline au fiijet de cette pierre , & s'en font une idée bien différente , la plupart d'entr'eux s'ac- cordant à regarder YAJlérie , rAJîérite 6i l'Enlrochite , comme la même cho- fe. Beyerus , par exemple , à la page 3 i de fon Oriciographie morioue , met les Belemnites , les Entrochites , les Ajléries & les pierres Judaïques , au nombre des pétrifications. Buttner , dans fon livre intitulé : de Ruderibus Diluvii tejlibus , p. 275. confond de même les Ajléries avec les AJlroïtes. Mylius , dans fes Memorabilia Saxonia fubterraneœ , part. II. Rélat. 3. a mis les AJlroïtes à la place des Ajléries ; mais il convient en même-tems que VAJîérie de Pline , en tant que pierre précieufe , diffère beaucoup de celles que nous nommons ainfi. Volchmann , dans fa Silejia fubterranea , p. 162. 18 I. 6c ailleurs , ne met point de différence entre les Ajléries , les Troclies , les Entroch.es ôi les Aflroïtes. Boetius de Boot prétend qu'on doit rapporter aux Aciéries une efpèce de marbre , à la furface duquel on voit des figures de fleuves artiftement repréfenrées. Le Boccore , dans fon Mufeo di FiJIca ù di Efperiente , Obferv. XLV. où il parle de la pierre étoilée , qu'il croit être entièrement la même que l'/J/îroite , garde un profond filence fur VAJlérie ; & il l'omet auflî dans fon Traité de VAJlroïtc ou de la pierre étoi- lée, imprime en 1675. à Amjlerdam , chez les Waesberi'. M. Wallcrius lui- même, il profond dans la connoiiïànce du régne minéral , a donné p. 46^. aux AJlroïtes le nom d' Ajléries, & p. 1 16. il explique VAfiérie de Pline par ropale verdoyant, qui jette des rayons d'un blanc jauriâtre, l'œil de chat, la pierre élémentaire , le faux opale de Cardan , ou l'œii de foleil. Mais la defcription que Cardan fournit dans fon Livre VIL ne paroît point convenir à VAjléric de Pline :, car il y alTure que cette pierre eit tantôt blanche , «Se tantôt brune j ce qui s'éloigne beaucoup de la defcription que je vais en DES SCIENCES DE BERLIN. 47 donner. George Agricola , Liv. VI. Chap. II. de fon Traité de la nature des . ^rr fojjilcs , confond les Ajlroboles ik les Ajlroites , fans dire d'ailleurs autre chofe . °.'^/ ' * que ce qui fe trouve déjà dans FUne. Il ne paroît pas qu'il ait jamais vu cette pierre ; car autrement il en auroit fans doute parlé , fuivant fa coutume , avec 7 3 4* plus d'étendue & d'exactitude. Il fufiira d'avoir indiqué ces Auteurs , les plus diftingués de ceux qui ont écrit fur la Minéralogie , fans s'arrêter à ceux d'un ordre fubalternc , dont les écrits ne font que ténèbres & confufîon , & ne contiennent que non henè junclurum difcordia femina renim. Entraîné jufqu'à préfent par les opinions de tant de grands hommes , je défignois indifféremment , tantôt les Madrépores pétrihées , tantôt les Af- troite-> , tantôt les Entroches , par le nom (TAftcrie. Il m'arrivoit fouvent de rencontrer des cailloux , des pierres de chaux , & d'autres à la furface def- quclles paroiflbient des figures d'étoiles ; je les rapportois également au genre des Ajléries , & en cela je me failois illufion , comme je l'ai reconnu depuis. J'acquis en particulier , il y a quelques années , une pierre alTèz ra- re , connue fous le nom (yAruchneolithus verus ; & comme elle étoit ornée de toutes parts de fort jolies étoiles, je la prenois pour la vraie AJlérie de Pline. En un mot , de quelque côté que je me tournaflé , je trouvois des argumens , tantôt en faveur de mes Ajléries , tantôt contre elles. Après avoir paflè bien des années dans ces incertitudes , fans pouvoir me décider fur V Aller. e de Pline , j'ai à la fin trouvé une pierre que je mets en pofïèC- fion de ce titre , jufqu'à ce qu'on m'ait fourni mieux , ou que j'en aie moi- même trouvé une qui doive l'emporter, & qui ait plus de conformité avec la defcription de Pline. Pour mettre donc les amateurs de l'Hiftoire Natu- relle à portée de s'alTurer , quelle eft la véritable apparence de V AJlérie de Pline , au moins fuivant ma penfée , que je foumets au jugement de ceux qui peuvent prononcer fur ces matières , je vais donner ici l'hiftoire & la defcription de cette pierre , en entrant dans les détails convenables. Faifant , il y a quelque tems , une promenade de fimple récréation hors des portes de Berlin , près de celle de Bernaco , & -m'amufant à confidérer des [-ierres qui étoient répandues dans le fable , dans le defloin fur-tout de chercher des Echinites pétrifiées, qu'on y trouve afîez fréquemment, il me tomba entre les mains un caillou teint de bleu & de couleur d^améthijle ; & quoiqu'il fût encore brut & groflîer , il me parut mériter d'être obfervé plus foigneufement. L'ayant donc porté chez moi, je penfois à le polir un peu ; mais n'ayant ni le tems , ni les outils nécefTaires , je l'envoyai à Brunju'ick à un ouvrier en pierres , en le chargeant de le polir feulement afièz pour découvrir fi les couleurs qui paroilToient à la furface de cette pierre , en pénétroient toute la fubllance. Mais de quelle joie ne fus-je pas tranfporté, lorfque l'ouvrier me renvoya la pierre polie de toutes parts , & que je pus obferver , non-feulement que les couleurs pénétroient toute la pierre , mais V^ti&^^''i.m\li«sv^ rAVv"j€l -i^i-Mt^ Wû»A.>)| 48 MÉMOIRES DE VACADÈMÎE ROYALE Ksï^ss'J — = encore qu'elles formoient certaines figures ? La planche ci-jointe fera fans T OM. X. [Joute plaifîr à ceux qui y jetteront les yeux. Année l^ figure I. montre la furface de VAjlérie. Le corps même eft un caiU i 7 5 4' lou dur , blanc & opaque. A fa furface paroilîènt lix étoiles , dont cha- cune eil dilHndement marquée de cinq couleurs. L'étoile première 6c exté- rieure {a) efl dodécagone ; elle reflèmble au plus beau faphir , & en l'op- pofant au foleil , elle a de la tranfparence. Vient enfuite la féconde (b) qui elt blanche , dodécagone , femblable à un caillou , & moins tranfparente. La troilième (c) elt d'un blanc entouré d'améthifle , oûogone , & peu tranfparente au foleil. La quatrième {dj efl: auflî oftogone , & opaque com- me un caillou. La cinquième (c) qui elt intérieure , a l'air d'Onyx , elle eft oftogone , & le foleil lui donne de la tranfparence. La partie inférieure , fig. II. repréfente quatre de fes étoiles , & dans la même fituation , qui pénétrent une moitié de mon caillou. La fig. III. montre l'autre moitié , où paroiflènt trois étoiles du même genre, comme audelïbus fept, quoiqu'on n'en puiflè obferver que fix à la furface. La fig. IV. met la partie infé- rieure toute entière fous les yeux. J'ai fait faire la planche que je donne ici , fuivant des proportions quadruples du naturel , parce que l'étoile intérieure d'Onyx eft fur -tout très -petite, & qu'on a de la peine à découvrir fans microfcope fa figure oftogone. Les lignes qui forment l'étoiie extérieure égalent à peine une ligne géométrique , ou la douzième partie d'un pouce ; les fécondes qui font de caillou, ont à-peu-près la même épaiffeur, ) « que le Pœderos diffère de l'AJlcrie, en » ce que le premier , lorfqu'on le panche , change de couleur , au lieu que » l'autre tranfmet en fe panchant une lumière ronde qui y eft renfermée. » Cardan (c) dit : « jufqu'à ce jour je n'ai pu encore voir de véritable Ajlrite. » C'eil une pierre précieufe dure , qui , lorfqu'on la tourne en rond , fait voir » un folcil qui luit au dedans. » Et après s'être fort étendu fur la manière de faire de femblables pierres artificielles , il ajoute à la fin : « Il n'y a pour- » tant que la vraie Aflcrie qui conferve fa beauté & fon éclat. » La figure que j'ai fait graver , & les caradères de cette pierre , tels que je les ai expofés, font voir combien ces defcriptions ditFérent de l'original. En eftet, mes Af- téries ne jettent point les rayons noirs -dent parle Agricola ; elles ne fe re- muent point de leur place mifes dans le vinaigre , mais jettées dans le plus fort vinaigre, elles y demeurent tranquilles au fond. Je foupçonne donc, & je crois être fondé fur de bonnes raifons , qu^ Agricola aura eu entre les mains une pierre fauflé , faite de terre calcaire , & artificiellement colorée , qui s'étant fortement imbibée de vinaigre , fe fera mue , & aura paru aller en rond , par un effet de l'effervefcence qui y aura été excitée. Cardan parle dans l'endroit cité , de la manière de préparer de femblables pierres faufles. » Les Jouaillicrs , dit-il , l'imitent ( i'AJhitc ) avec VOnyx de Chalcédoine 5 » mais cette pierre perd bien-tôt fon éclat & fa beauté , fur-tout fi la cha- » leur, ou la fueur viennent à la gâter. On en fait de meilleures avec cette » efpèce de Sardoinc brillante qui porte le nom de Carniolc ; mais celles qui » l'emportent fur toutes les autres, font compofées de pierres dures & creu- » fes j car c'efl; dans les cavités que fe raffèmble la lumière. » Pour ne négliger aucune des tentatives qui pouvoient m'alTiirer de la vérité , j'ai expofé ma pierre , pendant quelques minutes , non à la fimple chaleur , mais aux charbons ardens. Mais ni fa couleur , ni fa dureté & fa confiltance, n'ont fouffert aucun changement. Je fuis donc entièrement per- fuadé , que la pierre que je pofTëde , eft véritable & fans aucune falfifica- tion j & je n'eus aucun doute à cet égard dès le premier moment où je la trouvai dans le fable , quoiqu'encore groflîère & non polie. Boctius de Boot (1/) a donné le nom d'Aflérics aux pierres que nous appelions Tro- (a) De naturd folTilium. Liv. VI. C. lé. (*) Ibid. Ch. XU. (c) Liv. VII. {J) Dans l'on traité dt GimmU £* tapUihuSt p. 300. Tom. II, G io MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE y~— — jr ches & Entroches ; & dans ua autre endroit (a) il avance que VAJïirle ^ ^ * -, * VAJlroïte , la Glrafole des Italiens , & VOpale des Allemands , efl une feule ' & même pierre. Cela fait bien voir qu'aucun de ces Auteurs n'a entendu , 7 3H' piif^g^ Cai- ^ à l'égard de VOpalc , l'afTertion eft déjà fauflè , par cela feul que Pline a traité de cette pierre en particulier 5 d'où il s'enfuit qu'elle dif- fère entièrement de l'AJlcrie. Ne faudroit-il donc point expliquer le pafTage en queftion de Pline , fuivant les idées de l'efpèce de paraphrafe que je vais en donner ? Proxima ( fcilicet gemma ) , Candicantium ejl Ajleria , ( id eft , quae ftellis ornata fuperbit ).,... quod inclufam lucem pupillœ modo quandam continet , ( id eft, quoniam fpatia lucida continet , quae cum pu- pillâ , vel ftellâ inoculis animalium conveniunt ) , ac transfundlt cum inclina.' tione. J'ai rapporté ci-deiïùs , que cette dernière circonftance a lieu dans ma pierre , quand on la panche vers le foleil. Ajoutez que Pline fait mention d'une certaine efpèce d'AJîérie , qu'il nomme Ceraunia , & qu'il dit qu'elle eft criftalline, & d'une couleur bleue. C'eft celle que M<^r^oJeui a en vue dans ces vers du chap. XXII. de fon livre des pierres précieufes, Ventorum rahie cùm turhidus ajiuat a'èr , Cum tonat honendum , cùm fulminât igneus athtr a Nubibus illijis calo cadit ijîe lapUlus , Cujus apud grctcos extat de fulmine nomen : lllis quippè locii , jù) DcnJr, Lib. II. p. n8. Cij jî MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ■ ^^ induftrie, que nous fommes redevables en grande partie de l'admirable variété ^ " ■ ■ dont nous parlons. De la Grèce les pommiers furent infenfiblement tranf- plantés en Italie ; & les Romains en faifoient leurs délices du tems de Pline. 1 7 J 4« Çg {-Qi^j donc les Grecs qui ont inftruit les Romains du mérite des pom- mes , & de leurs ufages ^ mais ceux-ci s'appliquèrent avec foin à en tirer le meilleur parti qu'il leur fût poffible. C'eft enfuite des jardins de Rome que l'art de cultiver les pommiers s'efl: étendu à d'autres pais , en Efpagne , dans les Gaules , & un peu plus tard en Germanie. Mais les Germains fe font dédommagés du tems perdu en faifant à cet égard des progrès , qui ont véri- tablement poulïë la culture des pommiers à fon plus haut période. Nous pouvons en citer, comme autant de preuves incontellables, tant de grands jardins , où l'on trouve aujourd'hui une abondance & une variété de pom- mes qui n'ont jamais eu d'égales. Du tems de Tacite , où les campagnes de Germanie étoient incultes ôi Couvertes de forêts , les habitans fe contentoient de fruits fauvages , poi- res , pommes , fraifes , meures , ribettes , ôic. Trop occupés de combats & de pillages pour penfer aux Arts , qui demandent du repos 6c une forte de délicateflè. Je ne dirai rien de plus fur l'ancienneté de la culture des pommiers , moiï defïèin n'étant pas de m'enfoncer dans les ténèbres de l'Antiquité, pour cher- cher fi l'on peut déterminer avec certitude la première origine de cet art ; on ne pourroit d'ailleurs fe promettre aucune utilité d'une femblable décou- verte. Tenons-nous en donc feulement à ce que les Anciens nous apprennent, que tous les peuples de la Grèce ont parfaitement connu l'ufage des pom- mes en alimens , en boilïbns , & dans la Médecine , & que c'eft en confé- quence de cela , qu'ils ont pris tant de peines pour améliorer & multiplier ce fruit. Un de leurs plus célèbres Philofophes , Théophrajle , fait déjà mention des pommes dans fon Hiftoire des plantes , & il y indique les principales cir- conftances qui concernent leur culture & leur variété. Les noms tirés des dif- férentes contrées , ou villes de la Grèce , que les diverfes efpèces de pommes avoient déjà reçus dès ce tems-là , & qui demeurèrent en ufage parmi les Romains , ne laiffènt aucun fujet de douter de l'antiquité de la culture des pommes chez les Grecs. Si je voulois faire étalage d'érudition , je pourrois m' étendre ici fur les Rois& les Princes de l'Antiquité qui ont aimé les pom- mes , fur les Gymnofophiftes qui en mangeoient beaucoup , & principale- ment fur les difciples lïEpicure , qui en faifoient un cas particulier. Les Romains , inftruits par les Grecs , fe font rendus fort recommandables aux autres nations , par leur extrême habileté dans l'art de cultiver les pom- miers. Pline , dans fon Hiftoire Naturelle , a rapporté les noms des princi- pales pommes qu'on trouvoit de fon tems dans les jardins , & dans les ver= DES SCIENCES DE BERLIN. Sî gers d'Italie. Ces noms font tirés , les uns des vents , des provinces , des vil- ^=3 les & autres lieux; les autres, de certaines particularités, telles que la gran- K" ^'' deur, la figure, la couleur, l'odeur, la fubltanceplus délice ou plus calleufe, '^ ^ ^ t Jï <5cc. Il fuffira de mettre ici les noms fuivans : ' 7 5 4« Appiana ; Manliana ; Claudiana ; Libertine ; Ccjlia ; Quiriana ; Mutiana ; Sccptiana ; Scantiana ; Pctifia ; Tihunia ; Camerina ; Ddphicd ; Laconi- ca ; Grixculd ; Epirotica; Pelujîna ; Corinthica ; Sujiana ; ûaca ; Aquile- gienjîs , Ùc. On trouvera les autres dans les Auteurs qui ont écrit fur les jardins , & fur l'aeconomie de la campagne. Un bon Commentateur de Pline , Jacques Dalecbamp , avoit entrepris d'expliquer tous ces noms , en les ramenant à ceux qui font ufîtés aujour- d'hui , par une comparaifon de toutes les efpèces de pommes dont Pline parle avec celles que nous connoilTbns. Ceux qui veulent fe mettre au fait des principales variétés par lefquelles on ^linguoit les pommes en Italie , en France , & en Allemagne , depuis le X1I-. fiécle jufqu'au XVI^. , les trou- veront indiquées dans les ouvrages de Pierre Crefcentius , Kuellius , Valerius Cordus , Henri-Etienne , Jean Bauhin , Jérôme Tragus , Conrad Gejher , Dorf- tenius , Dcn. Court. Symphorien Hcrcsbach , ôc d'autres Auteurs , qui ont trai- té à fonds de tout ce qui concerne les jardins & la campagne. Quoique depuis Arijlote & Thcophrajle jufqu'à nos jours , le nombre des variétés dans les efpèces de poiriers & de pommiers , fe foit prodigieufe- ment accru dans les pais les plus éloignés de l'Afie & de l'Europe , perfonne n'a encore apperçu , ou reconnu d'cfpèces naturelles , qui foient véritable- ment nouvelles. Il femble donc qu'il n'en exifle qu'une feule , la même qui a été connue de tout tems , & que prefque tous les Botaniftes appellent Ma- lus Syhxjhis , &. en allemand , dcr rcchte Wilde Rolt^-Apfel-Baum. Il exifle cependant une autre forte de pommier , tout-à-fait différente de la première , que nous regardons fans aucune difficulté , avec quelques Ecri- vains du moyen âge , ou plus modernes , comme conflituant une efpèce certaine & naturelle , quoiqu'aujourd'hui on s'accorde à la ranger Ample- ment parmi les variétés. Bauhin l'appelle Malum pumilam , & dit que c'eft plutôt un arbufte qu'un arbre. On lui donne en allemand le nom de Johan- nis-Apffel , ou Johannis'-Holt^. Pour ce qui regarde la première efpèce de pommier, qui a été certaine- '",^"* <^onnue des anciens peuples , & dont le climat naturel eft la zone tcm- p>eree , il n'y a perfonne qui révoque en doute , que ce foit une efpèce vé- ritable ,& très-naturelle. Elle naitdans les forêts &. dans les broullàilles, de la fcmencc fauvage qui tombe d'elle-même, Sa racine eft uès-vivace , quoi- TOM /Innée 1754- S4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE = qu'elle ne s'étende pas loin en rampant , & qu'elle ne pouflè guères de jets. Le ^' tronc cui en fort eil aflèz épais , mais il groffit lentement,- à la Hn cependant, ■" " rlutôt ou plus tard , fuivant les divers terroirs , il s'en forme un arbre , qui s'élève à une aflèz grande hauteur , & dont la vie devient aifément très- ""lc tronc & les branches font compofés d'une matière aflèz dure ou den- fe revêtue d'une écorce tenace & compade. Cet arbre , né fur de hau- tes'monta-'nes , & dans d'autres endroits expofés au grand air, & fitués au nord fe trouve par-là en état de foutenir toutes les injures des faifons, & en particulier la rigueur du froid. Mais la denfîté de l'écorce empêche qu'on ne puiflè y greffer commodément ; au lieu qu'il en eft tout autrement de l'autre efpèce de pommier , dont nous allons à préfent rendre compte. Au refte cet arbre , abandonné à lui-même , préfente de variations dans plufieurs bo'is d'Afie & d'Europe; mais elles portent uniquement fur le fruit. En effet, les pommes fauvages font tantôt grandes, tantôt plus petites, ou très-petites, & elles meuriflènt toutes, fuivant leur nature , vers la tin de l'Au- tomne. On' en trouve de rayées , de polies , de rouges , de blanches , de mélangées , d'un jaune verdâtre ; les unes d'un goût aigre , âpre & rebu- tant- les autres douces , aqueufes , farineufes , ou tout-à-fait infipides. Mais nous' n'avons aucune obfervation , ou expérience afllirée , qui ait encore prouvé , que le pommier fauvage ordinaire , fe change de lui-même , ou avec le 'fecours de l'art , en pommier nain , Malum frutuofam pumilam de Bauhin. , , , . ■ <■ j» u j Avant que de parler de l'autre cfpece de pommier , indiquons d abord les noms employés par les Auteurs pour la défigner. Nous l'appelions : Malui , Cmle fruticofo , humill. ^ „ ,• n- en. Malus pumild , ^ux potius fruten quam arbor. C. Bauhin. Fin. 433. trurtu candido, autrubente. Tourn.In/î. 634. ^, , , ,. m , Mala verna. Chez les Anciens , & entr'autres dans Thcophr. liv. lU. de Caus. plant, cap. 23. Mala Johannka. Symphorien, Hort. lib. XIII. cap. 2. Mala pracocia. Tabem. Hift. icon. 998. , ^ i Chamelaa , feu malus pumila. Dodon. Pempt. Jllrp. en allemand : Stauden. Apfd. Wilder Zwerg-Apfd. Johannis-Apfd. Johannis-Holq. Cette efpèce de pommier , H abondante dans les jardins , n'a jamais été rencontrée par perfonne , que l'on fçache , dans les bois , comme y étant née d'elle-même , fi ce n'eft quelquefois dans des broufl'ailles , & parmi des builTons , autour des vergers qui fe trouvent dans les Villages , ou dans les faux bourgs des Villes , où le hazard tranfporte quelquefois des femences , DES SCIENCES DE BERLIN. jj qui y germent. Cependant, quoique la patrie de cette plante ne nous foit =^ pas connue d'une manière certaine, diverfes circonftances permettent de j'^' conjefturer qu'elle elf venue en Italie & en Allemagne , des régions orien- ■" ^ ^ ^ * taies de Grèce & de Dalmatie. On eft porté à le croire, en voyant la Ibuc- ^7 54' ture tendre & poreufc de toute la plante , lorfqu'elle efl: inculte, qui fait qu'elle ne foutient que les hyvers ordinaires , fans pouvoir réfilkr long- tems à un degré confidérable de froid , & périllànt plus aifément que le pommier fauvage. Je ne m'arrête pas à examiner, Ci les pommes de cet ar- bufte font les Mala Daca des anciens Romains , ou des Grecs. La différence fpécifique qui fe trouve entre ce pommier nain , & le pommier arbre , eft confirmée par plufieurs marques. Sa feule bafTèflè fuffiroit pour le diftinguer de toutes les autres elpèces qui font cultivées • & ce caraâère naturel eft fi confiant , que , quand on force par le moyen de l'art notre plante à devenir un petit arbre de moyenne hau- teur , elle ne vit pas long-tems , ou redevient bientôt builTbn , quittant fon tronc d'arbre , comme ne lui étanfpas naturel ; ce tronc eft , en eflet, aflèz foible & difpofé à périr , à moins qu'on n'eût grand foin de détruire les rejettons , qui fortent en abondance des racines. C'eft là une marque eflèntielle , qui montre que la plante n'eft pas un arbre, mais un arbufte, ou buiflbn , par fa nature , comme le Néflier , le Cormier , le Viorne , le Myrte , &c. Cette marque eft aflèz certaine & confiante , foit que notre plante vienne de femence , foit qu'on la multiplie par quelqu'autre voye que ce foit. Par la même raifon , la culture des pommiers , continuée & variée pendant plufieurs fiécles , n'a jamais fait découvrir que notre plante pût fe changer en l'arbre du pommier fauvage. A quoi il faut ajouter que le pommier nain , foit venu de lui-même & négligé , foit greffe & enté en cent manières différentes , porte toujours des pommes hâtives , fçavoir dans les mois de Juillet & d'Août , au lieu que les fruits de l'autre efpèce de pom- miers ne parviennent jamais à maturité , que vers la fin d'Oâobre , ou au milieu de Novembre. La tige de notre plante eft d'un bois poreux , dont l'accroilTement fe fait vite ; & l'écorce , lâche & pleine de fuc , reçoit & nourrit , avec une extrême facilité , les greffes étrangères qu'on y met. Enfin ce pom- mier nain a une apparence extérieure fi marquée , lors même qu'il eft dépouillé de feuilles , que les moindres perfonnes du peuple peuvent le reconnoitre à des fignes diitinûifs & très certains , qui fe préfentent d'abord; Cette certitude 6c cette confiance , dans les fignes en quef- tion, indiquent, fans contredit, une efpèce naturelle, & non une fimple variété ; & cela étant une fois pofé , nous allons éclaircir & confir- mer notre fentiment par divers témoignages des Auteurs. Jean Buuhin s'étonne que Gerhard ait compris le pommier naiii foUs le S6 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE V" -^ pommier fauvage ordinaire ; & Aldrovandus , parlant de la nature fauvage ToM. A. jg^ £^^j^^ jg ^^j.|.g plante , dit que les petites pommes précoces , ou mala Anne e j,^^^^^ fembientètre dans les villes lesfoeurs de ces pommes de la campagne, ^7 54' jJq^j on ne fçauroit goûter. Dodonœus appelle notre plante Clmmdœam , ou pommier nain , & remarque , i°. qu'elle croît en builfon , ' vcfpœ , 6" aliœ mufca , quœ Julio & Auguflo , quo tenipore 1 OM. X. DES SCIENCES DE BERLIN. 6i apud nos maturefcunt , ea arrodunt. Soient carere feminibus. Enfin il ajoute à fa defcription ce qui fuit : Quid fi jcmcn nonferat, aut fallcm non inte- gruni atqiù pcrfccium , quod neque jlorcm intcgrum , vd reliquarum ma- ^ ^ ^ '^ ^ lorum more furmatum edat 1 Hœc cauja ex interiori principio , ( fecun- '■75 4' dùm Thcoplmifium ù alios forte ) defumta. Ejl enim flos fruciûs princi- pium , & prœvia qmidum difpofitio. Scd car non fert florem , aut talem , tjualem cœtcrce ! Dic tu , qui es philofophus. Après avoir ainfi expofé tout ce qui peut répandre du jour fur l'état vicieux de la fleur de notre plante , il ne me refte qu'un mot à dire fur l'ufage que les Phyficiens lui attribuent. Les œconomes , les jardiniers , & tous ceux qui fe piquent de délicateffe , ont tout-à-fait négligé pendant long-tems cet arbufte , parce qu'il n'efl: point agréable à la vue , ni fon fruit au goût • & on l'a en quelque forte abandonné aux curieux qui , livrés à l'étude de la nature, en ont fait l'objet de leurs expériences, pour déterminer, avec cer- titude , tout ce qui concerne fa fécondation artificielle. Les fleurs de notre pommier dégénéré , vu la parfaite intégrité dufligma & de l'ovd/Ve , font parfaitement femblables aux fleurs femelles des autres plantes, & en'rem- plilîènt exadement les fondtions. Pour s'en convaincre , il n'y a qu'à planter des tiges de nos plantes , qui aient trois à quatre ans , & ne foient pas encore formées en arbulles , autour de diverfes efpèces de poiriers , pommiers néfliers , &c. On verra que l'année fuivante elles porteront une quantité' confidérable de fleurs. On ne doit point douter, non plus, que les pommes de notre arbufle ne rjenferment des femences fécondes , propres à une propagation ultérieu- re, & qui en les femant,produiroient une nouvelle efpèce , ou variété de pommes , jufqu'à préfent inconnue. Ainfi notre plante , quoique vicieufe & dégénérée , n'auroit qu'à être cultivée pour devenir le principe fécond de plufieurs changemens , qui fourniroient des preuves nouvelles & incon- teftables , de l'analogie qu'il y a entre la génération des plantes , & celle des animaux. Ë^ = ïi:^;^^ -W2 ARTICLE VII. Expériences qui concernent la regénlr parée d'avec i\icide vitriolique ; av< l alun , par le moyen d'autres terrei :ration de l'alun de fa propre terre , fé- avec quelques compofitions artificielles de par le moyen d'autres terres , (j du même acide. '• P ^""^ peu qu'on foit verfé dans la Chimie , on ne peut douter que JT I alun , fi connu , ne foit un fol neutre , compofé de l'acide du vi- triol , & d'une terre ; la précipitation de l'alun par un alcaU fixe , en fouf- MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE 'P Y nit la preuve inconteftable. Mais une chofe fur laquelle on n'a pu encore- A N -n' F F ^^^ ^'^" d'accord , c'eft de déterminer de quelle efpèce cft cette terre d'alun , & d'où l'acide de vitriol la tiroit pour l'employer à la généra- ' ^ tion de ce fel. II. Le célèbre Sthal (a) regardoit la terre d'alun comme une efpèce de craie , qui , par fon union avec l'acide vitriolique , produifoit une for- te d'alun ( h ). Selon lui ( c ) on trouve dans l'alun une terre fort tendre , & autant qu'on peut en juger , de la nature de la craie ; il allègue même, ( d)^ouv le prouver, une expérience curieufe, concernant un tuyau d'ar- gille , qui , après avoir fervi à la diftillation de l'elprit de vitriol , s'étoit détruit à l'air , & produifit en le leffivant , un véritable alun. Il allure en- core ailleurs («) que de la combinaifon de la craie avec l'efprit de vitriol , il réfulte un vrai alun. M. Neuman , Chimifte qui n'a pas moins de répu- tation , a fuivi la même opinion dans fes écrits (f). - III. Mr. Pott dans fa Uthogéognojic (g) dit qu'on a cru jufqu'à pré- fent , que la terre d'alun étoit une terre calcaire , de la nature de la craie , ou de l'ardoife , diffbute par l'acide du vitriol , mais qu'on n'a pu encore venir à bout de produire aucun alun par le moyen de ces terres & de cet acide : en quoi il a parfaitement raifon , puifque toutes les terres de chaux ou de craie , jointes à l'acide du vitriol , ne donnent point de l'alun, mais qu'il en refulte un félénite. Le même Chimifte rapporte (h) une expérience importante , dans laquelle ayant fait une fouftraûion de l'huile de vitriol par l'argille , & enfuite dilïbut dans l'eau & criftallifé le refidu , il avoit obtenu des criftaux qui étoient un alun formel , & avoient donné un précipité blanc avec une leffive alcaline. IV. Ces diverfes opinions des Auteurs ont excité en moi le défit de faire auffi quelques expériences furie même fujet, pour tâcher de me pro- curer une certitude entière àcet égard, en me rendant attentif à toutes les cir- conftances dont mes opérations feroient accompagnées. Il me vint dans l'efprit d'opérer d'abord la régénération de l'alun de fa propre terre , qui en auroit été auparavant féparée. Pour y réuffir, je pris quelques livres d'alun, que je fis diiTbudre dans une quantité fuffifante d'eau pure diflillée , & bouil- lante , je filtrai la liqueur , & je précipitai cette folution claire d'alun avec . une leffive alcaline ; enfuite j'édulcorai le précipité le mieux qu'il me fut poffi- {a) Voyez Spccim. Bechsr. part. II. exp. 107. pag. 169. (6) Dans fon traité des fels , pag. 121. {c) Ibid. pag. 51. conf. pag. 120. ( d) Ibid. pag. lîi. (e) Traité des iels, pag. 305. (f) Voyez tom. l. 30. part. pag. 146. corf. Chym. Junherl , part. II. pag. 173, de l'édition Utine. ( g) Pag. 31. voyez aufTi pag. 9. dâ la première continuation du même traité. («}ll)id. pag. 31, l OM. X. A N K É S DES SCIENCES DE BERLIN. 63 ble , par le moyen de l'eau chaude , & le fis fccher. Mais comme ce n'eu pas là l'unique moyen de féparer la terre d'alun , j'en fis auHi fortement cal- ciner une partie, je l'cdulcorai bien avec de l'eau , Ôc la fis pareillement fécher. V. Je pris de la terre fuldite d'alun , fort légère & friable , que j'avois ob. '7 5 4* tenue par la précipitation ; j'en fis duioudre une once dans quatre onces d'acide de vitriol délayé ( * ) ; je jcttai à diverfes réprifes de ma terre d'alun dans cet acide. Au commencement , il ne s'excita qu'une eftervefcence légè- re , & à peine fenfible ■■, mais plus l'acide approcha de la faturation , & plus i'effervefcence devint fone , avec une chaleur confidérable ; pour faturer entièrement l'acide, je fus obligé d'y jetter encore près d'une dragme & de- mie de terre d'alun. J'ajoutai enfuiteàce mélange encore un peu d'eau diltil- lée , pour le délayer , & après je le filtrai. L'ayant mis à évaporer, je cher- chai à en procurer la criltallifation , ce qui me réuflit; mais elle ne me don- na point des criftaux durs , fermes & rellëmblans à l'alun ordinaire ; ils étoient, au contraire, petits, friables, d'une toute autre apparence que l'a- lun , & je ne pus point les deflècher exactement. Cela me fit refoudre à laif- fer ce mélange pour paflèr à une autre tentative. VI. Je pris une certaine quantité de terre d'alun , je la fis calciner dans un -creufet couvert , jufqu'au point de devenir d'une couleur ardente obfcure. J'en pefai enfuite une once , & je la mêlai auffi-tôt avec la quantité fufdite d'efprit de vitriol ^ mais cette terre calcinée ne faifoit plus aucune eftérveC- cence avec l'acide vitriolique. Ayant mis enfuite mon mélange dans du fa- ble chaud , & l'y ayant laifïë digérer jufqu'à ébullition , il s'en fallut bien que je trouvalTe ma terre entièrement dillbute. Je jettai encore un peu d'eau dellus , je filtrai le mélange , je fis évaporer la filtration , & je tâchai de la faire criitallifer. Mais le réfultat fut le même que celui de l'opération précé- dente ; j'eus précifement des cryftaux pareils, tendres, & qui n'avoientpas la moindre relTèmblance avec l'alun. Je repris alors mon travail avec l'acide vitriolique concentré , autrement dit huile de vitriol, en procédant comme auparavant , excepté qu'au lieu de quatre onc3s d'huile de vitriol , je n'en pris qu'une pour la mêler avec une once de terre d'alun. Mais les crif- taux qui en refulterent n'eurent pas une meilleure forme cette fois-ci que les précédentes. Il en fut de même avec la terre que j'avois tirée de l'alun cal- ciné, dk fur laquelle je procédai de la même manière ; il ne s'en forma que de petits criftaux friables. Je ne fçaurois pourtant palTër ici fous filence , qu'après une forte calcination de cette terre d'alun , qui avoir été précipi- tée de l'alun par une leffive alcaline , j'en tirai enfuire en la traitant avec l'ef- prit de vitriol , fans addition , quelque chofe qui avoit du rapport avec le f*)II ^toii pr^piré avec une partie d'acide de vitriol concentré , autrement dit huile de vitriol, & avec trois parties d'eau , qu'on y avoit mêlée» j mélinge auquel je donnerai, dans le refle de ce mémoire , le nom d'crptii de vitriol. 64 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE . ;=■ véritable alun. Je mis alors toutes les criftallifations de côté pour quelque ToM. K. (gp^5 ^ ^ jg m'attachai à la terre argilleufe. Année y[j_ £ntrc les diftérentes fortes de terres argilleufes que je conferve pour ^754' diverfes autres opérations , & qui font le plus loigneuiement dépurées , je fis choix de celles qui me parurent les plus convenables pour le travail que i'avois en vue ; fçavoir, premièrement une belle argille de Bunfj/iiu en Silé- •fîe ■ enfuite une argille blanche de Ziegefar , & quelques-unes de celles qu'on trouve dans le territoire dCHalbe/îadt , à Holtenjleben , Hornhaufen & Som- merfJorf ; & enfin deux autres , dont l'une étoit de Spictl:oii/it:( en Pologne, & l'autre de Goitre dans le Brandebourg. Toutes ces terres fo trouvè- rent propres à mon deiïèin ;, je reduilis d'abord en poudre deux onces de cha- -que forte à part , je les mis dans une retorte de verre proportionnée , & je -verfai deiTus trois onces de bonne huile de vitriol^ ayant appliqué le récipient, ie mis le vaifiéau dans une capfule de fable , & fis diftiller par dégrés toute l'humidité jufqu'à l'exficcation , en forte que vers la fin le vaiflèau étoit pref- que rouge. Après que les vailïèaux furent refroidis , je reduifîs en poudre très-fine ce qui étoit refté dans la retorte ; je verfai delîùs de l'eau chaude diftillée ; je le mis en digeftion, & en fis une filtration claire. Je verfai de nouveau fur ce qui refloit de l'eau fraîche , & répétai les opérations précé- dentes. A la fin je fis évaporer la folution claire qui avoir paffé par le fil- tre , & je tâchai d'en procurer la criftallifation ; mais il arriva encore ici la même chofe qu'auparavant avec la terre d'alun , c'elt-à-dire , que j'eus des criftaux , mais qui n'avoient ni la figure , ni la conliltance , ni la féchereffè nécelïàires pourreiïémbler à de l'alun. Je les gardai auili pour être employés à un travail ultérieur ^ & comme j'attribuois la caufe du défaut de fuccès des expériences précédentes à quelques parties graffes qui demeuroient encore attachées à l'argille , je mis en œuvre celle qui avoit été calcinée. VIII. Je mis en poudre une des efpèces d'argilles dépurées dont j'ai fait mention , dans un mortier de verre bien net , & je la pris crue , parce que celle qui eft cuite fc brûle trop au feu, & devient fi dure , qu'il ei\ enfuite dif- ficile de la pulvérifer ; je remplis de cette argille pulvérifée un creufet de Helle, que je couvris légèrement d'un autre, pour empêcher qu'il n'y tomba des charbons ; je le mis devant le foufflet entre des charbons ardens , & je donnai un feu violent pendant l'efpace d'un quart d'heure. Après le refroidilïè- nient des vailTeaux , je pulvérifai mon argille ainfi calcinée encore plus fine- ment; j'en mêlai enfuite une once avec une once & demie d'huile de vitriol dans une retorte , & je vis réfulter de ce mélange précifément les mêmes ef- fets qui ont été indiqués précédemment. Je ne parvins point encore par cette voie à obtenir des criftaux foUdes ; ceux que ce travail me procura par le moyen de l'acide du vitriol délayé , reflèmblerent à tous égards aux criftaux des autres opérations. Cependant je dois remarquer ici que lorfque l'argille DES SCIENCES DE B E R L I X. ôj VargUle a été calcinée avec beaucoup de force , & plus long- teins que ci- fp^ y~ deflùs , elle donne avec l'acide de vitriol des efpèces de criftaux , qui ne ^ ' . * reiïémblent pas mal à l'alun 5 mais ils ne font pourtant pas aufli beaux qu'ils le deviennent , fi on y ajoute une Icffive alcaline , fuivant le procédé dont je 7 j -i' vais rendre compte. IX. J'avois fort bien remarqué qu'il manquoit encore quelque chofe pour l'entière perfection de l'alun que je me propofois d'obtenir ; j'eus donc re- cours aux moyens accoutumés, & d'un ufage indifpenfable dans les prépara- tions ordinaires de ce fel 5 c'ell: d'employer des additions , qui confiftoient ci-devant dans l'urine en putréfaction , à laquelle on fubftitue aujourd'iiui une leffive d'alcali iixe, qu'on pourroit aufli changer , comme l'expérience m'en a inftruit , en une foîution de quelque alcali volatil , ou dans ce qu'on appelle un efprit urineux. Je fis donc fondre mes crifiaux imparfaits d'alun , dont j'ai parle §. §. V. VI. VII. VIII. chaque forte féparément , & dans des verres à part , avec une quantité convenable d'eau pure bien chaude. Je verfai en- fuite auffi à part , tk peu-à-peu , fur chaque foîution , d'une leffive d'alcali fixe , auflî long-tems que je remarquai qu'il fe précipitoit au fond quelque corps criftallin d'une certaine pcfanteur ^ fur quoi je continuai à verfer de la leffive alcaline goûte à goûte , jufqu'à ce qu'il fe manifeflât quelque chofe de plus léger , comme un précipité en poudre , qui pourtant fe rediiTbut fur le champ. Alors , il faut s'arrêter, & cefïèr de verfer de la liqueur alcaline, fans quoi on ne parviendroit pas à produire de l'alun. Après ayant laifle re- pofcr ce mélange pendant une nuit, je trouvai au fond une menue pouflière criltalline; je décantai la liqueur claire qui furnâgeoit, & je fis enfuite difïbu- dre la pouffière fufdite dans une certaine quantité d'eau bouillante , que je filtrai , &; mis à criftallifer. Ce procédé me réuffit à merveille , car je trouvai dans tous mes verres un alun véritable , parfaitement beau , bien pur , en forme crillalline , ayant en un mot toutes les propriétés de l'alun naturel , ce qui fait bien voir la néceffité de l'addition d'un alcali dans ce travail ; & en eflet , quoiqu'on puiflé obtenir , comme on l'a déjà dit, des criftaux d'une certaine folidité , ou d'une certaine grandeur , en fe fcrvant d'une argille qui ait été fortement calcinée , ou en faifant l'abfiraétion de l'acide du vitriol à un feu violent, ces criftaux ne parviennent jamais à une rclîèmblance extérieure parfaite avec le véritable alun. Je ne voudrois pourtant pas nier que la chofe ne fut abfolumentpoffible, à la faveur de quel- ques autres circonftances favorables. X. J'avois déjà obfervé dans toutes mes expériences fur l'argille , qu'une bonne partie de cette terre demeuroir fans être dilïbute , ( & c'eft une obfervation qui a été faite auffi par M. Pott ). Je voulus fçavoir au jufte quelle étoit la quantité d'argille qui s'étoit lailïé dilTbudrc par l'acide du vitriol. Je pris donc une once d'argille blanche dépurée , que je mêlai avec Tom, IL l (55 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE Y ^^^ une once & demie d'huile de vitriol ; j'en fis la féparation dans une retorte y, ' ., * de la manière fufdite , je pulvérifai ce qui étoitreftédans la retorte, je cher- ' chai à en tirer le fcl par le moyen d'une grande quantité d'eau, j'édulcorai le • 7 Jt' niieux qu'il me fut poffible ce qui étoit refté dans le filtre ; & l'ayant fait fé- cher , j'y trouvai le poids de cinq dragmes & deux fcrupules. Ainfi il s'é- toit perdu dans ce travail deux dragmes & une fcrupule d'argille , qui avoient par conféquent palïè dans l'huile de vitriol , avec laquelle elles s'étoient changées en alun. Sur ce qui étoit refté d'argille defTéchée , je ver- fai encore une fois la quantité fufdite d'huile de vitriol , Si je réitérai le mê- me procédé. Mais je ne pus m'appercevoir que l'acide vitriolique eût at- taqué davantage l'argille , puifque la liqueur que j'en retirai , & qui fut en- fuite filtrée , n'éprouva aucune précipitation avec la folution d'alcali fixe , & que , d'un autre côté , le refte de l'argille bien édulcoré n'avoit foufFert dans fon poids que le déchet de quelques grains , qui ne fçauroient être mis en ligne de compte , parce que dans le travail ils peuvent aifément fe perdre. XI. Il paroît donc certain & indubitable , que l'argille contient feule- ment en foi l'efpèce de terre qui efi: néccflaire pour la génération de l'alun, & qu'ainfi toute fa fubftance ne fçauroit pafTer dans l'acide du vitriol, La terre que cet acide tire de l'argille , n'efl point , non plus , une terre cré- tacée , ou calcaire , comme j'en fournirai des preuves dans le détail des ex- périences que je publierai bien-tôt (*) féparément. XII. Il s'agiroit à préfent de répondre à la queftion , pourquoi l'addition d'un fel alcali fixe eft fi nécefîàire pour l'entière perfection de l'alun , & quel eft l'effet que l'alcali produit dans cette occafion ? Car il n'eft pas croyable que l'alcali entre auffi dans le mélange de l'alun , fur-tout lorfqu'on le diffout encore une fois dans l'eau , & qu'on le met une féconde fois en criftallifa- tion. Je préfume que cet alcali fert en partie à détruire une certaine quan- tité d'une graiffe légère , qui tient encore à cette leffive d'alun , mais prin- cipalement à faturer l'acide qui exifte en trop grande quantité dans la leffive en queftion ; en forte que cet alun , comme un véritable fel moyen , n'a ni trop , ni trop peu d'acide , ce qui le rend propre à fe coaguler aifément, & à former des criflaux. C'eft ce qu'on obferve d'une façon particulière à l'é- gard du mercure fublimé corrofif , qui eft un fel moyen métallique , dans le- quel il peut encore entrer une grande quantité de mercure , avant qu'il foit pleinement faturé. XIII. Je jugeai à propos de faire encore quelques effais fur diverfes autres fortes de terres , pour voir fi , avec le fecours d'un acide vitriolique , j'en pourrois auffi tirer de l'alun. Je fis d'abord choix, pour cet effet, de deux elpèces d'ardoifes. La première eft celle dont on fe fert ordinairement pour couvrir les toits. J'en pulvérifai bien une once , que je mêlai avec trois on- ('} Voyez le Mémoire qui fuiti ToM. X. DES SCIENCES DE BERLIN. 67 ces d'efprit de vitriol ; je fis digérer ce mélange , & fuivis le fil des opérations indiquées dans les §. §. V. VI. & VII. & j'obtins les mêmes criftaux qui font ^ ^^' ^' propres à produire un bon alun par l'addition d'une leffive alcaline. Je tirai ^ N t e encore un femblable alun de la même manière , d'une autre forte d'ardoife ^754' qui fc trouve parmi les charbons de terre près d'ihlejld , & fur laquelle an voit l'empreinte végétale de la fleur nommée , ajlcr prœcox pyrcnaicus dont Mr. Lchmann a fait part à l'Académie dans un Mémoire intérelTant qu'il y a lu depuis peu ; il eft feulement à remarquer que ces deux efpè- ces d'alun ont auffi quelque chofe de ferrugineux , à caufe des parties mar- tiales que contiennent ordinairement les ardoifes. C'eft encore de la même manière que j'ai tiré pareillement un véritable alun , d'une terre brune de Silcfie, à laquelle on donne communément le nom de terre de Stricau èi qui a la propriété fingulière d'éclater avec bruit , lorfqu'on la jette dans l'eau. que j'avois employé , n'ayant précipité , après la filtration , rien de remar- quable de l'une ni de l'autre de ces terres , en y verfant une leffive alcaline ; il n'y a aucune preuve qu'il en ait diflbus quoi que ce foit. XV. Enfin j'ai fait encore quelques eiïàis, dont j'avois lieu de me promet- tre plus d'avantage , pour parvenir à la produétion de l'alun ; mais la briè- veté du tems ne m'a pas permis jufqu'ici de les conduire à leur entière perfeftion. Il s'agit des opérations fuivantes. Ayant remarqué qu'il fe trouvoit fou- vent dans les couches d'argille des marcaffites ou pyrites en abondance , & de toutes fortes des figures , en particulier de ceux qui fe difolvent aifé- ment à l'air , & donnent enfuite du vitriol auffi-bien que de l'alun , après qu'on les a leffivés , & traités d'une manière convenable , je fis le mélange d'une quantité de pyrites réduits en poudre avec partie égale d'argille ; j'hu- meftai la malTe avec de l'eau ; j'en fis fécher une partie , & la calcinai foi- blement, ne laiflant prendre à ce mixte qu'un degré modéré de chaleur. Je pulvérifai de nouveau la matière calcinée , je la leffivai , & je fis l'efiTai avec une leffive alcaline ; mais je ne trouvai aucun précipité remarquable ; c'eft pourquoi je remis l'autre moitié à l'air pour la lailTèr eflleurir ; il faut que j'attende ce qu'elle deviendra. Xyi. J'ai auffi mêlé de l'argille , tant calcinée , que non calcinée , avec par- ties égales de foufre pulvérifé , & j'ai procédé de la même manière. Mais je n'ai pu remarquer , non plus , que l'acide du foufre ait attaqué l'argille. J'ai encore fuit un mélange de limaille de fer , d'argille & de foufre pulvérifé , parues égales j je l'ai humefté d'eau , & l'ai fournis à l'opération rapportée 68 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE au §. VIII. mais jufqu'à préfcnt cela ne m'a rien du tout produit , & je fuis obligé d'attendre l'iflùe de l'efflorefcence. J'ai pareillement pris parties égales de vitriol , de cuivre , & d'argille ; je les ai mêlées , pouiîccs au feu jufqu'à les faire rougir, enfuite leflivées , & enfin j'ai tenté la production de l'alun par cette voie, auffi.bien que par celle du fpath fufible , & de l'ar- gille , ou du fel admirable & de l'argille , toujours traités pareillement ; mais tout cela ne m'a jamais donné d'alun. J'ai encore fait des mélanges des corps fufdits , que j'ai fait bouillir dans de l'eau , filtrés & difpofés de même à la génération de l'alun , pour voir fi l'acide vitriolique qui exille en eux , attaqueroit la terre d'alun dans l'argille ;, mais mes peines ont été perdues. S^ ' ■ ^sg?J^ . ^ A R T I C L E V I I I. Expériences fur la terre d\ilun. _ I. T A terre d'alun efl une terre particulière , féparée de la terre argil- m J I leufe par l'acide du vitriol ^ j'en ai fourni des preuves convaincantes ■ dans les §. §. VII. VIII. IX. & XII. du mémoire précédent. Mais comme j'y ai en même tems promis , §. X. un examen à part de la terre d'alun , je rap- porterai ici les expériences que j'ai faites fur cette terre. IL Avant d'entrer dans le détail de ces expériences , je crois devoir rap- peller ce que j'ai déjà dit au §. IV. du mémoire précédent , où j'ai indiqué deux manières différentes de féparer la terre de l'alun , afin qu'on ne perde pas de vue que toutes les expériences qui font l'objet de ce mémoire , ont été faites uniquement fur la forte de terre d'alun qui efl produite par voie de précipitation au moyen d'un alcali fixe , & dont j'ai enfeigné la prépara- tion dans l'endroit cité. Mais j'ajoute qu'il faut être foigneux d'y obferver cette précaution abfolument nécelfàire , d'édulcorer bien exaûement & long-tems cette terre précipitée de l'alun par un fel alcali fixe , avec une grande quantité d'eau chaude diffillée, & de la faire enfuite parfaitement fé- cher. Ainfî , quoiqu'il y ait encore plufieurs autres méthodes de féparer la terre de l'alun , j'ai néanmoins choifi , & conflamment mis en œuvre celle qui efl produite de la manière fufdite par la précipitation due à un alcali fixe , l'ayant trouvée une des plus convenables à mes expériences. III. Je viens à préfent , fans m'arrêter davantage au fond même de mon fujet , & je déclare pofitivement que la terre d'alun efl à la vérité , une terre foluble dans les acides , & par conféquent qu'elle efl douée de quel- ques-unes des propriétés des terres , qu'on nomme alcalines & calcaires , mais que , malgré cela , elle n'cH point réellement une terre calcaire , ce que DES SCIENCES DE BERLIN. 69 prouveront démonftrativement les expériences fuivantes. Notre terre eft une ~ terre alcaline, parce qu'elle fe dilïbut aifément dans les acides , & particu- J "''^' lièrement dans ceux qu'on nomme minéraux. J'ai déjà rapporté fa Iblution ^ ^ ^ ^ ^ dans l'acide minéral le plus fort , fçavoir l'acide vitriolique , aux §. §. I. V. ^75^' & VI. du mémoire précédent , & j'ai montré comment de fon mélange avec cet acide il réfulte toujours un alun. J'ai eu occalîon auffi de faire voir ail. leurs , d'une manière étendue & diftincte , que le mélange de la terre cal- caire avec le même acide vitriolique ne manquoit jamais de produire une félénite , qui , fuivant l'opinion de divers Auteurs , doit être comptée par- mi les efpèces de pierres , ou de terres gypfeufes , mais qui eft réellement un fel moyen terreftre , à la vérité d'un genre particulier. Cependant ce fel dif- fère de l'alun , tant en ce qu'il eft peu folui^le dans l'eau , que par d'autres propriétés fur lefquelles ce n'eft pas ici le lieu d'infifter , mais dont je trouve- rai peut-être occafion de parler plus au long. IV. Je paflè donc aux diverfes relations de la terre précipitée de l'alun par un alcali fixe , ( §. II. ) & premièrement à celles qu'elle a avec l'acide nitreux. Voici ce que j'ai remarqué là-del!iis. Deux onces d'un acide ni- treux pur , & paffablement fort , dillblvcnt facilement , & dans le com- mencement fans cfFervefcence , une demi once de la terre fufdite d'alun auparavant pulvérifée , & jettée peu-à-peu dans l'efprit de nitre , en fe fer- vant d'un verre net , & proportionné. A la fin cette terre entre en une efter- vefcence aflèz forte , tout comme elle le fait avec l'acide de vitriol. Ayant en- fuite jette encore une dragme de ma terre d'alun dans ce mélange , ii y en eut auffi quelque chofe qui fut diflbus avec une forte d'effiervelcence , mais non pas tout. J'obtins donc par ce moyen une folution parfaitement faturée de terre d'alun dans l'acide du nitre. Je cherchai après cela à filtrer cette folution; mais fa confiftance trop épaiffe ne lui permit pas de pafler par le fil- tre. Je fus donc obligé de la délayer avec de l'eau diîtillée , après quoi elle palTà à travers le papier brouillard , & je trouvai de la forte une folution clai- re , qui avoit toutes les apparences d'une folution de craie ou de terre cal- caire, faite dans l'acide du nitre, mais dont les propriétés étoient toutes dif- férentes. Je voulois criftallifer ma folution par l'evaporation , & en l'expo- fant au froid ^ mais elle avoit de la peine à fe former en criftaux : elle prit pourtant à la chaleur d'un air doux la forme de longs criftaux rayés, mais qui fe fondirent d'abord à un air plus fraix. Je fis doucement évaporer la folution pour la delîécher , 6c je mis le fel qui en provint dans un lieu humide , où ',' f^ fonclit en liqueur, comme il arrive aux terres calcaires, lorfqu'elles ont été difToutes dans un acide nitreux , & enfuite deflëchées. Ce fut alors que je remarquai les propriétés fuivantes dans cette folution. V. Ma folution de terre d'alun dans l'acide du nitre filtrée , évaporée & fondue , ne fut point précipitée en félénite , par l'affufion d'un acide vitrio- To M. X. Année 70 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE lique , tant délaye que concentré : ce qui arrive pourtant toutes les fois qu'on ajoute un femblable acide à une folution de terre calcaire faite dans l'acide du nitre ; mais le précipité qui en fut produit rentra très-aifément en '■'■*' folution dans l'eau chaude , & donna enfuite un alun réel par l'addition d'un alcali lixe difibus dans l'eau, dont j'ai fait mention au §. IX. du mémoire précédent. De plus , une portion de cette folution de terre d'alun dans l'a- cide de nitre , féchée , & enfuite fondue à l'air , ayant été mife dans une retorte de verre, & après que le récipient y eut été adapté , diftillée par dégrés au bain de fable, & en donnant à la fin un feu ardent , il en eft réful- té les circonftances fuivantes : après que la vapeur aqueufc eut pris fon cours , l'acide du nitre fe détacha , & laifTa la terre d'alun au fond ; elle fut enfuite expofée à un feu encore plus fort dans une capfule d'argille , fous la mouffle, dans le fourneau d'effai , fans donner pourtant en aucune manière le phofphore qu'on nomme de BaUuinus , comme ont coutume de faire les terres calcaires , & les craies , avec l'acide du nitre. La terre d'alun demeu- ra Amplement dégagée de fon acide , en forme d'alun brûlé. VI. Je procédai de la manière que je viens d'expofer aux §. IV. & V. en joignant à la terre d'alun un très-bon acide de fel commun. Deux onces de cet acide , qui n'étoit pas des plus concentrés , mais qui avoit pourtant une force aflez confidérable , ayant été mêlées avec un peu d'eau , en y ajou- tant de l'efprit de fel dégagé par l'huile de vitriol, procurèrent la folution pré- cifément de la même quantité de terre d'alun qui avoit été efFeâuée par l'a- cide nitreux mentionné ci-deflùs , & à-peu-près avec les mêmes circonftances qui ont été rapportées. Jai délayé ce mélange avec de l'eau , je l'ai filtré , Se fait évaporer , après quoi j'ai travaillé à fa criftallifation. Il paroiffbit y avoir peu de difpoiîtion ; cependant à une chaleur douce , il fe mit à la fin en criC- taux, mais qui fe fondirent de nouveau à l'air. Quand on fait évaporer cette folution , pour la deffécher , elle fe fond pareillement à l'air ; ce que fait à la vérité aufli la folution deflëchée d'une terre calcaire dans l'acide marin, comme on peut le voir dans le fel ammoniac fixe j il y a néanmoins cette dif- férence , c'efl: que la fufdite folution de la terre d'alun , par l'addition d'un acide , fe précipite bien comme la folution précédente faite avec l'acide du nitre , mais qu'il ne s'en forme point de felénite -, car le précipité fe difïbut bien-tôt de nouveau dans l'eau chaude , & enfuite on peut le rétablir en un véritable alun , fur-tout par l'addition convenable d'un alcali fixe. J'ai auffi jette une portion de cette folution de la terre d'alun dans l'acide du fel dans une retorte de verre ; & après y avoir adapté le récipient , je l'ai mife à dif- tiUer par dégrés jufqu'au feu le plus ardent ,- il s'eft manifefté précifémentles mêmes circonftances qui ont été rapportées , §. V. de la folution de cette terre d'alun dans l'acide du nitre , fçavoir qu'elle fe détacha de fon acide du fel ; ce qui étoit refté dans la retorte ne fe fondit point à un feu plus vio- DÏ5 SCIENCES DE BERLIN. 71 lent , comme il arrive au fel ammoniac fixe ; mais la terre d'alun demeu- ^ ra au fond, après avoir perdu l'acide marin , par la force du feu , & elle i ^.^' , étoit pure, comme ce qu'on appelle de l'alun brûle; ce qui n'auroit pas lieu , ■" ^' ^ *• * iî cette terre d'alun étoit une terre calcaire , celle-ci lorfqu'elle a<:té combi- '754* née avec l'acide du fel commun , ne s'en lailïànt plus féparer , même par le degré de feu le plus violent. VU. Voici les relations de la terre d'alun avec les acides des végétaux. Vn vinaigre diftillé très-fort , & concentré par le froid , diirour pareillement no- tre terre d'alun , calcinée , ou non calcinée , fans eft'er\'efcence : & après que cette folution a été parfaitement faturée avec la terre d'alun filtrée évaporée , & difpofée à la criftallifation , elle ne forme pourtant point de criftaux , comme ne manque jamais de le faire au contraire , une folution de terre calcaire avec l'acide diftillé. Après avoir fait doucement fécher tout-à-fait cette folution , j'en ai tiré un fel blanchâtre , mais qui n'avoit rien de crit tallin ; diftillé dans une retorte de verre , à laquelle le récipient étoit adapté il lailTà paficr l'acide du vinaigre , comme un acide concentré , qui avoit à la vérité , quelque odeur empyreumatique ( & cela ne fçauroit être autre- ment ) , mais qui entroit en une fermentation bruyante avec un fel alcali tant fixe que volatil. La terre d'alun demeura dans la retorte; & d'abord à caufe du phlogiftique du vinaigre, elle étoit d'un brun tirant fur le jaune ; mais en continuant à la calciner à un feu découvert , elle reprit une affèz grande blancheur. VIII. L'acide du tartre , ou ce qu'on nomme les criftaux de tartre, diflblvent pareillement notre terre d'alun ; mais comme ces criftaux de tartre , ainfî qu'il eft connu , ont beaucoup de peine à fe dilToudre dans l'eau , j'en ai pul- verifé doucement une certaine quantité , que j'ai fait fondre dans autant d'eau diftillée qu'il en falloir pour cette folution ; j'y ai enfuite mis à diver- fes reprifes de ma terre d'alun réduite en poudre , jufqu'à une faturation fi parfaite , qu'une portion confidérable de cette terre d'alun n'y fut point dif- foute. Or , ce qu'il y a de remarquable ici , c'eft que cette folution & fa- turation de la terre d'alun avec la folution des criftaux de tartre , fe fait pa- reillement fans aucune eftervefcence fenfible. Après cela, j'ai délayé ce mé- lange avec beaucoup d'eau chaude diftillée; je l'ai fait filtrer, évaporer d'une manière convenable , & difpofé enfuite à la criftallifation ; mais par ce ■procédé je n'ai pu en tirer aucuns criftaux , au contraire , après que le def- féchement eut été tout-à-fait achevé de la façon la plus douce , j'eus , contre toute attente , une maflè claire , qui reflémbloit à de la gomme d'Arabie : c'eft là certainement une chofe digne d'être obfervée ; car cela n'arrive poinl i'ec une terre crétacée , ou calcaire , qui avec cet acide de tartre , devient ri fel moyen criftallin ordinaire. IX. J'ai auffi fait des efïàis avec le fel d'ofeille , en ayant fait ditToudre 72 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE T^ ^ dans l'eau , l'ayant faîuré avec ma terre d'alun , & ayant continué à procé- A ' ^ ■ der de la manière que j'ai indiquée. J'obtins par cette voye un produit à peu-près femblable au précédent , c'eft-à-dire à une gomme , avec cette difte- ' ■^■^' rence feulement qu'après avoir été defïëché , il devenoit humide de nouveau, avoit auffiplus de faveur, & que cette faveur étoit d'un douceâtre aftringent. Il en eft de même du jus de citron employé avec notre terre d'alun. En fui- vant les mêmes opérations , il en réfulta un produit à-peu-près femblable aux précédens , mais qui paroiflbit un peu plus difpofé à donner des criftaus fecs. Néanmoins la plus grande partie de ce produit eft une matière pareille- ment rellemblante à de la gomme , excepté que le jus de citron en rend la cou- leur un peu plus brune , &. qu'il devient plus fec que celui qui eft fait avec le fel d'ofeille. X. L'acide des fourmis difïbut pareillement de la manière fufdite notre terre d'alun. Mais je ne tirai non plus de ce mélange aucun fel moyen crif- tallin ( quoique cet acide en produife toujours avec la terre calcaire ^ j au contraii-e , après le delTéchement , il rcfta une fubftance faline qui attiroit encore un peu l'humidité de l'air. De même auffi , le fel d'ambre jaune , ou de fuccin , après avoir été diflbus dans l'eau , puis mêlé avec la terre d'alun , & traité de la manière fufdite, procura la folution d'une portion de la terre d'alun , mais non confidérable , comme le fit manifeftement voir la précipi- tation de ce fel avec l'huile de tartre par deffaillance. Ayant traité dans le même tems la craie , comme une terre calcaire , avec le même acide , j'obfer- vai que non-feulement cet acide l'attaquoit mieux , & avec plus de force , mais encore qu'elle formoit avec lui un fel moyen , &. cela en forme de crif- taux allongés entièrement différens de ceux que la terre d'alun forme avec cet acide , & qui relativement à ceux qui font produits par le fel d'ambre jaune avec la terre d'alun , avoient encore beaucoup d'acidité , & fe volatilifoient par la force du feu. Ces criftaux , préparés avec la terre calcaire , laiiïèrent après la calcination une quantité confidérable de terre blanche. XI. Il s'agiflbit encore de traiter notre terre d'alun avec d'autres fels , & de faire attention aux changemens qui en refulteroient. Le premier que je mis en œuvre , fut le fel ammoniac. J'en mêlai une partie pulverifée avec deux parties de notre terre d'alun , j'en remplis une retorte de verre , j'y appli- quai un récipient , je luttai bien le tout , & le fis diftiHer par dégrés , en donnant à la fin un feu des plus ardens , dans l'efpérance d'en tirer quelque ef- pirit urineux. Mais après le refroidillèment des vailTeaux , je trouvai dans ma retorte , à la place de l'efprit urineux auquel je m'étois attendu , un acide manifefte, fçavoir l'acide du fel féparé du fel ammoniac cru. Je leflî- vai ce qui étoit refté dans la retorte , je le filtrai , & je voulus le précipiter avec une folution d'alcali fixe ; mais je ne pus efFeâuer aucune préci- pitation , ma liqueur étant demeurée claire ik nette , preuve que cet acide n'avoit DES SCIENCES DE BERLIN. 7? n'avoit rien clifiTous de la terre de l'alun , & par conféquent qu'il ne s'étoit „- point détaché d'cfprit urineux. Il me vint alors d'ans l'efprit qu'il vaudroit a*^^'^. ' peut-être mieux commencer par calciner la terre d'alun. C'eft pourquoi je réitérai tous les procédés fus-mentionnés , en me fervant de la terre d'à- ' 7 5 4« lun. Mais je n'obtins que la même chofe , c'eft-à-dire un efprit de fel dans le récipient , & un peu de fel ammoniac dans le cou de la retorte; & quant au refte , je n'en pus rien leffiver qui voulût fe précipiter avec la folution de fel alcali fixe. Cela mérite de nouveau d'être bien remarqué , puifqu'on y trouve une preuve manifefte , que la terre d'alun n'eft point proprement une terre calcaire. XII. Je mêlai encore une partie de notre terre d'alun avec autant de fal- pêtre purifié & pulvérifé , & je traitai ce mélange dans une rctorte de verre , précifément de la même manière dont j'en avois ufé avec le fel ammoniac. J'obtins par cette voie un efprit de nitre ordinaire , qui, comme cela arrive toujours , s'éleva en vapeurs rouges , & fe montra femblable à tous égards à un véritable & pur acide de nitre. Je procédai de même avec par- ties égales de terre d'alun & de fel commun , & j'obtins par ce moyen un vrai acide de fel , qui précipita l'argent & le plomb de leur folution faite avec l'acide du nitre , en lune cornée & en faturne corné , qui , avec la fo- lution de fel alcali fixe , devint un fel commun regénéré , & dans lequel fe trouvoient toutes les autres propriétés d'un acide de fel. Je tirai de la retorte ce qui étoit reité de l'une & de l'autre de ces préparations , & ayant mis féparément chacun de ces réfîdus dans l'eau chaude , je les filtrai , les fis éva- porer , & les difpofai à la crifiallifation ; après quoi je tirai du mélange de nitre avec la terre d'alun encore une bonne quantité de falpêtre net , & du mélange de fel commun avec la terre d'alun , une bonne portion de fel commun. XIII. J'ai employé de plus deux parties d'alcali fixe , tout-à-fait dépuré , avec une partie de terre d'alun ; & après les avoir bien mêlées enfemble , je les ai pouflèes dans un crcufet couvert à un feu de fufion , fans que ces matières aient pourtant pu fe fondre parfaitement enfemble ; elles demeurè- rent encore aiïèz friables. Je les pulvérifai , & je m'imaginois que le fel alcali auroit été rendu fort caullique par ce moyen ; mais je trouvai que cela n'étoit point arrivé. Cependant î'alcah avoit diffous une bonne quan- tité de la terre d'alun -, ce qui fe montra manifeftcment lorfque je leffivai ce mélange avec de l'eau , le filtrai, & le faturai de l'acide du falpêtre; car cela me donna quantité d'un précipité blanc , qui ne lailïôit aucun lieu de douter que l'alcali n'eût dilTbus quelque chofe de la terre d'alun. XIV. Je calcinai de plus une portion de notre ter.e d'alun dans un creufet couvert avec un feu très-fort , & je verfai enfuite là-dcfTus de l'eau pure diftillée ; mais je ne découvris aucune trace d'alkalefcence , comme ïom. IL K 74 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ' ^^^ cela arrive ordinairement aux terres calcaires & crétacées , lorfqu'elles ont do M. V . ^^^ auparavant calcinées avec force. L'eau qui furnâgeoit fur ces matières ne précipita point les folutions d'argent , de plomb , & de mercure ^ nou- .»7j4' yg[[g preuve que notre terre d'alun n'cft point une terre calcaire. Cette même terre , mêlée avec du foufre pulvérifé , puis délayée dans de l'eau , & expofée au feu jufqu'à ce que le tout foit bouillant , n'a point du tout difTous le foufre , comme ont coutume de le faire les terres calcaires cal- cinées à un feu violent , & à tout autre égard , on n'y peut rien découvrir qui ait de l'affinité avec une terre calcaire. Car un femblable mélange de chaux vive , de foufre, & d'eau, après qu'il a été bouilli , filtré , & qu'on y a verfé un acide , donne toujours du foufre , avec une odeur d'œufs pourris. XV. Enfin j'ai exactement mêlé une once de cette terre d'alun avec une demi once de cinnabre pulvérifé ; & l'ayant mis dans une retorte de verre garnie, avec un récipient adapté, je l'ai forcée par dégrés jufqu'à la plus forte chaleur ; mais cela n'a point du tout révivifié le mercure du cinnabre, (ce qui arrive pourtant toujours avec une terre calcaire , ou crétacée , tant crue , que calcinée ) il fe détacha feulement tant foit peu de mercure , ce qui eut lieu encore en faifant une nouvelle fublimation du cinnabre fans ad- dition. Ainfi par cette épreuve-là cette terre ne fçauroit non plus être mife au nombre des terres calcaires. J'ai fait la même expérience avec la terre • d'alun calcinée , & j'ai eu le même fuccès. Les réfidus demeurés dans la retorte ne donnent pareillement, après leur mélange avec un acide par la di- geftion & la filtration , en y mêlant un acide de vinaigre , ou quelqu'autre que ce foit , ni une odeur d'œufs pourris , ni un foufre précipité ^ ce qu'on obferve ordinairement dans ce qui refte après la fublimation du cin- nabre avec la terre calcaire. G^ = — ^'t>jif= — = yga A R T I C L E I X. Continuation des travaux fur la terre d''alun. I. T'Ai déjà expofé ci-devant les rapports de la terre d'alun avec diverfes J efpèces de fels. Je vais indiquer dans cette continuation encore quel- ques elfais que j'ai tentés fur le refte des fels , auffi-bien que ceux dans lefquels j'ai eu en vue d'examiner le mélange & les rapports de cette terre avec d'autres terres & des chaux métalliques; mais je crois devoir avenir, avant tout , que toutes les terres que j'ai employées pour en faire le mé- lange avec la terre d'alun , avoient été exaftement lavées ; que lorfque je parle d'une addition de borax , j'entens toujours du borax calciné , & dé- DES SCIENCES DE BERLIN. yj gagé de fon humidité fuperfluc ; enfin que j'ai mis en œuvre dans ces expé- 41 licnccs une terre d'alun qui avoit été doucement rougie au feu. 1 o m, X, II. Mon premier elîài a eu pour objet le tartre vitriolé , comme étant un fcl moyen , compofc de l'acide vitriolique , & d'un fel alcali fixe végétai. ^ 7 i^' Je mêlai donc bien ma terre d'alun , parfaitement édulcorée , & un peu calcinée , avec le tartre vitriolé dans un mortier de verre net j je mis ce mélange dans un creufet à fondre de HeJJc , je le couvris avec un autre creu- fet qui s'y ajuftoit exadement, je luttai les jointures avec une bonne argil- le , je pofai le creufet dans un fourneau de fufion , où je pufïè donner le feu le plus fort qu'il foit polîîble d'employer , & je donnai en effet ce feu pendant le cours de pluficurs heures. Après que le creufet eut été refroidi & brifé , je trouvai que le mélange n'étoit point du tout entré en fufîon , mais qu'il s'étoit réduit en une poudre blanche , que je lelEvai avec de l'eau nette diftillée , palTant cnfuite à la filtration , i'évaporation , ôi la criftaOi- fation , par laquelle je retrouvai mon tartre vitriolé , qui n'avoit fouffért au- cune altération. La terre d'alun qui demeura après ce travail , paroifibit également n'avoir reçu aucune atteinte. Je procédai de la même manière avec le fel admirable de Glauhcr , qui eft auffi un fel moyen , compofé de l'alcali du fel commun , & de l'acide du vitriol , & j'obtins pareillement , lorfque toute l'opération fut finie , un mélange encore en poudre , qui ne s'étoit fondu en aucune manière ^ je le leffivai comme le précédent, & pro- cédant ultérieurement comme ci-deflùs , je trouvai tout de même le fel ad- mirable de Glauber , & la terre d'alun qui étoit demeurée , l'un & l'autre fans aucune altération. m. Après cela je mêlai auffi du borax calciné avec parties égales de no- tre terre d'alun , j'obfervai les circonllances fus- mentionnées , & je condui- fis le feu de fufion précifément comme je l'ai déjà rapporté ici. Après que le creufet eut été refroidi & brifé , je trouvai une maflè qui n'avoit point fouffért de fufîon , mais dont les parties étoicnt étroitement unies , fort du- res , blanchâtres , & tirant en quelque manière fur le bleu. En reprenant le même travail avec deux parties de borax calciné , & une partie de terre d'alun , j'obtins une malTé fur laquelle la fufion avoit déjà eu plus de prife, d'un blanc de lait , & refïèmblant au verre ; & quoiqu'en la frappant con- tre l'acier , elle ne rendit point d'étincelles , elle ne lailTà pas de faire des crévailès dans un autre verre. A cette occafion j'ai auffi mêlé un fable blanc pulvérilé avec de la terre d'alun, parties égales, & j'y ai ajouté quatre fcru- pules de borax ; ce qui, après la fufion fufdite, m'a donné un verre trant parent , quoiqu'un peu trouble , clair, jaunâtre, tirant fur la couleur d'hya- cinte , & d'une confiftance folide. IV. Je mêlai encore le fel qu'on nomme fel fufîble d'urine , fpéciale- ment celui qui contient l'acide du phofphore , après l'avoir auparavant Kij 7Ô MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE •"j, ^^ dégagé par la diflillation de ce qu'il a d'urineux ; je le mêlai , dis-je , avec ., . ' j, ' parties égales de terre d'alun calcinée, & donnai à ce mélange le feu violent de fufion , de la manière que je l'ai indiqué précédemment ; après quoi je I ' ^ '*' trouvai que ce mélange avoit produit un verre dénué de tranfparence , d'un blanc trouble & tirant au verd. Ayant encore, à la même occafion, mêlé un autre fel tiré pareillement de l'urine , dégagé de fon humidité , par la cal- cination , & plus propre à entrer en flux par l'aftion du feu , avec parties égales de terre d'alun , après avoir toujours procédé de la même maniè- re, j'eus après le refroidiiïcment, une maflè dont les parties étoient forte- ment liées enfemble , très-folide, & dont la couleur droit au bleu ^ elle refTembloit tout-à-fait à celle que j'ai indiquée dans le §. précédent , & qui venoit de la terre d'alun jointe au borax calciné. V. L'arfenic pouvant être avec afièz de raifon mis au nombre des fels , puifqu'il fe fond dans l'eau , il convient auflî de rapporter ici les effets qu'il produit fur la terre d'alun. Je mêlai donc une demi once de bonne terre d'alun , bien delféchée à une forte chaleur , avec une dragme d'arfenic net , blanc , & pulverifé ; j'eus foin que le mélange de ces matières fût bien exaâ , & je le mis dans une retorte de verre garnie , en y adaptant le récipient , où je lui donnai un feu que je pouffai à la fin jufqu'au plus haut degré d'incandefcence qu'un femblable vaifîèau de verre puifîè fou- tenir. Après le refroidiffement , je trouvai quelques goûtes d'un liquide dans le récipient ^ mais dans le col de la retorte étoit l'arfenic , en fublinTé blanc tranfparent. Ce qui étoit refté dans la retorte pefoit exaâement trois dragmes , deux fcrupules , & quatorze grains ; enforte que la demi once de terre d'alun avoit plutôt foufFert quelque déchet , que reçu de l'accroiffe- ment. Je répétai l'expérience encore une fois , pour voir s'il y auroit quel- que différence , & pris en place de la terre d'alun une demie once d'une bonne craie , bien deiTéchée & pulverifée ; je la mêlai avec une dragme d'arfenic bien pulverifé , & je procédai enfuite en tout de la manière fufdite. Après le refroidiffement des vaifïèaux , je ne trouvai aucun liquide dans le récipient ; mon arfenic fublimé ne paroififoit pas non plus blanc, il étoit noirâtre, & alTèz refïèmblant à un régule d'arfenic, ce qui indique un phlogiffique fort fub- til dans la craie ; le refidu refté dans la retorte péfoit une demie once & fîx grains ; par confequent il avoit acquis quelque chofe en poids , d'où l'on voit que dans cette opération, l'arfenic a laiffé quelque chofe dans la craie, & la couleur grifâtre de celle-ci achevé d'en convaincre. Il eft donc démon, tré par ces expériences , que la terre d'alun ne fçauroit s'unir en aucune ma- nière avec les terres crétacées. VI. Je continuai à prendre de ma terre d'alun bien defféchée à la cha- leur ; j'en péfai , lorfqu'elle étoit encore chaude , une demie once ; je la pofai fur un papier brouillard , que je recouvris avec un autre papier fein. DES SCIENCES DE BERLIN. 77 blable , de facjon que l'air pouvoit paflèr à travers ces papiers , mais qu'il ne pouvoit d'ailleurs s'y introduire aucune matière étrangère. Je pofai enfui- te le tout au grenier du laboratoire , dans un endroit (ce , & l'y laiflài ré- pofer pendant quelques jours. Au bout de ce tems-là , je pefai de nouveau ma terre d'aiun , & je trouvai que fon poids étoit augmenté d'une dragme ; ce qui donne lieu de croire que cette terre eft difpofée à attirer l'humidité de l'air. Et ne peut- on pas conjedurer ( ce qui me paroît tout-à-fait vraifem- blable ) que l'acide vitriolique , qui exilte fouvent en grande abondance dans l'air, pourroit bien s'inlinuer ici dans la terre d'alun ? C'eft ainfi que nous voyons les alcalis rixes , quand ils font expofés trop long-tems à l'air , attirer l'acide vitriolique répandu dans l'atmofphère , & donner en confequence , par la folution & par la criftallifation qui la fuit , un tar- tre vitriolé abondant. Et alors il feroit aifé d'expliquer la caufe qui fait qu'ici l'acide nitreux fc fépare du nitrc , & l'acide du fel , du fel commun. VII. De plus , je calcinai une once de notre terre d'alun crue , qui avoit été fort exactement defléchée dans un creufet à fondre proportionné, que je recouvris avec un autre creufet ; & je donnai pendant une heure & demie un feu extrêmement fort. Après le refroidiflèment , ma terre d'alun avoit per- du environ la moitié de fon poids ; elle étoit devenue très-blanche , mais fans être vitrifiée ; au contraire , elle étoit demeurée friable. De cette terre d'a- lun ainfi calcinée, je pris une demie once, & l'ayant gardée de la même manière que celle dont il efl parlé dans le §. précédent , à l'air , dans le gre- nier de mon laboratoire, pendant 24 heures , je trouvai que dans ce court cfpace de tems , fon poids s'étoit accru de i 5 grains. Là-defïùs , je mêlai trois parties , tant de cette terre , que de celle fur laquelle j'avois procédé de même auparavant avec une partie de fuye brûlée ; je dillillai avec force ce mélange dans une retorte , & de cette manière , j'obtins un peu de foufre ordinaire ; ce qui me confirma puifïàmment dans l'opinion que cette terre attire l'acide vitriolique de l'air. VIU. Il étoit encore nécelTàire de rechercher quelles font les propriétés de notre terre d'alun , lorfqu'étant mêlée à d'autres terres , on la foumet à l'action d'un feu violent ^ car par elle-même la terre d'alun n'eft fufccptible d'aucune fufion , même au feu le plus véhément. Je mêlai donc dans un mor- tier de verre net une partie de notre terre d'alun , qui avoit été auparavant un peu calcinée , avec parties égales de fable de FreyenuuLd , net , rougi auparavant au feu , éteint dans l'eau , bien pilé enfuite dans un mortier de verre , lavé doucement avec de l'eau , & bien defféché. Ce fable peut tou- jours tenir lieu de cailloux nets , piles bien menus. Je l'ai préparé de la mê- me manière , & l'ai employé ici pour tous les travaux en queftion. Ces ma- - tieres ayant donc été exactement mêlées , je procédai de la manière qui a été déjà rapportée cUdeirus , c'eit-à-dire que j'en remplis un creufet ; je le 78 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE • recouvris d'un autre ; & après les avoir luttes , je donnai le plus grand ToM. X. fg^^ jg fufion qu'il fbit poffible de produire, pendant plulîeurs heures confé- Année cutives. Après que le creufet eut été refroidi, je vis que ce mélange n'étoit ^754- point entré en flux , mais qu'il étoit comme une poudre , fans qu'il y eût abfolument aucune réunion de parties. IX. Il en fut entièrement de même avec la craie j car lorfque j'eus mêlé de la terre d'alun avec parties égales de craie , & que j'eus traité ce mé- lange comme ci-defîùs , les matières ne coulèrent point enfemble , mais j'obtins un mélange de poudre blanche. Je trouvai le même produit , en mêlant parties égales de félénite , auparavant calcinée , exaôement lavée & defféchée avec la terre d'alun ; je donnai le même degré de feu, & j'ob- fervai les mêmes circonftances. Pour abréger, la terre d'alun n'entre en flux d'aucune de ces manières, ni en y ajoutant du fable, ni avec la craie, ou la félénite. Un m.êlange de la terre d'alun calcinée fufdite , de félénite , & du même fable dont nous avons parlé , à parties égales , traité de même au feu le plus violent , n'entre pareillement en aucun flux , les parties mê- mes ne fe cuifent pas enfemble. Il en fut encore de même , quand je fournis à un traitement femblable un mélange de terre d'alun , de félénite , & de craie ; je n'obtins également qu'un produit tendre en poudre , dont il n'y avoit rien qui fut cuit enfemble , ou réuni de quelqu'autre manière ; finalement, j'ai aufli pris parties égales de terre d'alun , de craie & de fable , & les ai traitées de même : elles ne font pas entrées à la vérité en flux , mais elles ont produit une maffe fort blanche , & aflèz compacte , puifqu'elle donnoit du feu , en la frappant contre l'acier. Cette différence doit fans doute être attribuée à l'addition du fable. X. Je paflài de ces madères à la pierre de lard , ou ftéatite. Je pris de cette pierre , qu'on nomme auflî craie d'Efpagne de Bareuth , bien nette , fort foicneufement lavée & exaftement féchée ; j'en mêlai avec autant de notre terre d'alun ;, je me mis à travailler fur ces matières comme ci- deflTus , & j'obtins un mélange , qui du moins , eu égard aux précédens , s'étoit cuit , & réuni d'une manière aflèz folide. Ayant enfuite mêlé notre terre d'alun avec la même pierre , & du fable, parties égales , & en les trai- tant de même , j'en tirai un produit encore à-peu-près femblable ; il étoit feulement un peu plus tendre. Mais quand je fis un mélange de parties éga- les de terre d'alun , de félénite , de fable , de ftéatite & de craie , & que je procédai de la même manière , cela me donna une maflfè qui étoit entrée en flux , d'un verd jaunâtre, folide, n'ayant pourtant point de tranfparence, & rendant du feu contre l'acier; au contraire , un mélange de terre d'alun , de félénite & de ftéatite , parties égales , travaillé de la même manière , donna un produit fort reffemblant à l'écume, mais qui ne laiflfbitpas d'être entré aflèz bien en flux , & de faire une maffe folide. Le mélange de la ter- DES SCIENCES DE BERLIN. 79 re d'alun avec la fclcnite , le ftcatite & le fable , à parties égales , & traité ^ '^^ comme ci-deffus , a donné un produit qui avoit coulé en un flux égal , un - '^ ^' ,. ' peu Ibufflé , folide , & faifant feu avec l'acier. Mais lorfque j'eus ajouté ^ ^ '^ au mélange fufdit de félénite , de fable , ôc de terre d'alun calcinée , une 7 J 4> cinquième partie de borax calciné , j'obtins un beau produit couleur de topaic , clair , tranfparent , dur , & étincelant contre l'acier. XI. Après cela , je fis auffi des cfïàis fur la terre d'alun qui étoit reftée du travail'avec l'arfenic dans la retortc , rapporté au §. V. j'en mêlai avec par- ties égales de fléatite , de félénite , & de fable pilé bien fin , à quoi j'ajou- tai la quantité lufdite de borax calciné ; & par le moyen d'un feu violent , j'ob- tins un joli mélange , alTez tranfparent , folide , & fcniblable au chryfo- lite. Je travaillai encore de la même manière un mélange de cette terre d'a- lun imprégnée d'arfenic , avec autant de terre crétacée , qui avoit auffi été traitée avec l'arfenic , fuivant la méthode du §. V. à quoi je joignis parties égales de fcéatite , de félénite & de fable ; ik le tout ayant été bien mêlé enlemble , j'y ajoutai la quantité fufdite de borax , & obfervai les mê- mes circonftancos dans tout le travail, au tout duquel le mélange n'étoitpas entré dans un flux clair ; mais les matières s'étoient attachées inégalement au creulet d'une manière raboteufe , & avec l'apparence d'écume ; ce que j'attribuai à l'arfenic qui étoit demeuré dans la craie. XII. Je fus aulfi curieux de voir jufqu'où notre terre d'alun fe trouveroit propre à faire des vailTeaux de terre d'une bonne confiftance. Je mêlai pour cet ertet fix parties d'une argille blanche , fine , & bien lavée , avec trois parties de notre terre d'alun calcinée & pilée fort menu ; je joignis encore à ce mélange de la craie & du fable fin lavé , de chacun deux parties ; j'hu- mectai enfuite le tout , & en le mêlant dans un mortier de verre , j'en fis une malle bien cohérente , de laquelle je formai après cela un petit vailîèau , que je laiiTai entièrement fécher^ puis je le mis dans un creufet à fondre, bien couvert & bien lutté , que je plaçai dans le fourneau de fufion , au- quel je donnai le feu le plus violent. Quand le creufet fut refroidi , je trou- vai que mon vaidèau étoit d'un beau blanc , mais fans tranfparence : cepen- dant je crois qu'un tel vaiiTeau , après avoir été convenablement vernilTé , pourroit fcrvir à cuire , & refifleroit très-bien au feu ; peut-être même que dans cenains cas il tiendroit lieu d'un bon creufet. J'ai encore mêlé de la mê- me manière fix parties d'argille blanche lavée , avec trois parties de terre d'alun calcinée ; j'y ai ajouté du fable pilé bien fin , & de la craie , de chacun trois parties ; j'ai ultérieurement mêlé ces matières avec une partie de ftéa- tite & autant de félénite ; j'ai humedé ce mélange avec de l'eau j j'en ai formé un vailfeau ; je l'ai fait fécher , & l'ai expofé au feu de la même ma- nière i ce qui m'a donné une mafTe très-folide , & qui faifoit plus de ftu contre l'acier que la précédente ; en forte que , félon les apparences , clk 8o MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE vp ^^ rendrait encore de meilleurs ufages qu'elle dans les cas fufdits, après avoli y, ^ ete vernillee. XIII. Je palïè à préfent aux mélanges & aux rapports de la terre d'alun '•*■** avec le verre commun , où j'ai obfervé les phénomènes fuivans. J'ai mis dans un creufet fermé une quantité de terre d'alun pilée bien menu , avec des morceaux de verre verd ; & les ayant expofés au feu de cémentation , fui- Vant la méthode de M. de Reaumur , cela m'a donné une des efpèces de por- celaine , dont ce grand homme parle au même endroit où il indique cette méthode; au moins mon produit étoit-il fort approchant de cette porcelaine, d'une grande folidité, mais ne donnant pourtant point de feu contre l'acier. Si on mêle des parties égales de fable fin parmi la terre d'alun , ce verre- travaillé de la même manière , donnera une porcelaine encore plus belle , & qui jettera du feu. En général , dans tous ces travaux , il ne faut pas que le feu foit trop fort , autrement le verre fe fondroit parmi la poudre. Mais quand on mêle enfemble de la terre d'alun calcinée, & du verre réduit en poudjie très-fine , & lavé , parties égales ; ce mélange traité de la manière fufdite , au feu de fufion même le plus violent , ne veut point entrer en flux; mais il demeure calTant, en poudre , ou à peine un peu cuit enfemble. Si l'on mêle une partie de terre d'alun calcinée avec deux parties du verre fufdit, & qu'on travaille ces matières toujours fuivant la méthode précéden- te , on aura une malTe blanchâtre , ayant l'apparence d'écume , & ren. dant beaucoup de feu contre l'acier. Je procédai auffi de même fur une partie de terre d'alun calcinée avec trois parties de ce verre , & j'en ob- tins une maflè d'un blanc jaunâtre , qui s'étoit mieux réunie , mais qui avoit pourtant encore des trous , d'ailleurs extrêmement folide , & donnant du feu. Au contraire , une partie de cette terre calcinée d'alun , avec qua- tre parties du verre fufdit , traitées de la même manière , donnèrent une mat fe d'un verd jaunâtre , tranfparente , & rendant beaucoup de feu. Mais lort que j'opérai fur une partie de cette terre avec fix parties de verre verd, j'ob- tins un produit dont la dureté n'égaloit pas celle des précédens , mais qui avoit beaucoup de refïèmblance avec le verre verd fondu. XIV. Une chofe qui ne méritoit pas moins d'être examinée , c'étoit les rapports des chaux métalliques avec la terre d'alun. Pour arriver à ce but, je commençai par prendre une partie de très-bonne lune cornée bien édul- corée , ( par ce terme on entend de la chaux d'argent , précipitée de la fo- lution de ce métal dans l'eau forte , par l'acide du fel commun ) avec deux parties de notre terre d'alun calcinée ; je mis ce mélange dans un creu- fet , & je le traitai de la manière qui a été fouvent indiquée ci-deflus , en le tenant pendant plufîeurs heures au feu de fufion le plus violent : après le refroidiflèment , je ne trouvai qu'un mélange blanc en poudre , dont les parties ne s'étoient point réunies enfemble , encore moins étoient-elles en- trées DES SCIENCES DE BERLIN. 8i trée en flux. Mais dans ce travail , il ne s'eft fait aucune redu ftion de l'ar- gent , quoiqu'on eût lieu de croire cependant que la violen ce du feu dc- voit chalïcr l'acide du fel hors du métal. Les mêmes cho fes arrivèrent , lorfqu'ayant pris une partie de chaux d'argent féche , qui avoit été préci- pitée de la folution de ce métal dans l'eau forte , au moy en de l'huile de tartre par défaillance , & bien édulcorée , avec deux parties de terre d'a- lun bien calcinées , que je traitai de même au fourneau de fuCon , je n'en tirai qu'un femblable mélange en poudre, XV. Je mêlai enfuitc ce qu'on nomme crocus vcnerls , qui avoit été fait par la calcination des criftaux de vcrd-de-gris , avec de la terre d'alun calci- née, à parties égales , & je travaillai ce mélange toujours de la manière fufdi- te, dans un creufet , après le refroidilïèment duquel j'obtins un mélange rougeâtrc , dont les parties n'étoient qu'à demi réunies , & qui n'avoit au- cun éclat métallique. Mais après que j'eus mêlé ce même crocus veneris avec la terre d'alun calcinée , & le borax , de chacun trois parties , auxquelles je joignis une partie de craie , & que je les eus traitées de même , le tout s'é- toit fondu en une efpèce de mâchefer dur , & d'un rouge bigarré , qui ren- doit quantité de feu en le frappant contre l'acier. Enhn ayant auffi pris deux parties de ce crocus veneris , avec du borax & de la terre d'alun , de chacun une partie, & les ayant traités de même, ils avoient coulé en un verre noirâtre , avec des raies rouges par-ci par-là , uni , folide , mais ne faifant point feu. XVI. De plus , je pris du crocus martls , qui avoit été préparé à la ma- nière de Kunchel , par une calcination de cinq à fix femaines à la flam- me du feu ; j'en mêlai parties égales, avec la terre d'alun calcinée ; & je procédai dans tout le relte avec le feu de fufion le plus véhément , précifé- ment de la manière indiquée ci-dcfliis; enfuite de quoi je trouvai un mélange d'un brun rougeâtre obfcur , tirant fur le noir , pailàblement folide & fai- fant feu. Le mélange de deux parties de terre d'alun calcinée avec une par- tie du fufdit crocus martis , traité de la même manière , fit un mélange ten- dre, d'un brun de cafté, qui étoit fort peu lié enfemble ; & pareillement le mélange d'une partie de terre d'alun calcinée avec deux parties du même crocus martis , traité de même, donna un produit tendre, peu lié & noirâtre. Au contraire , lorfquc je mêlai parties égales de cette terre d'alun calcinée avec le même crocus martis , & le borax brûlé , & que je procédai de la même manière, j'en obtins une maflc noire , luifante , fort folide , qui étoit bien entrée en flux, & qui faifoit beaucoup de feu. Le mélange de la terre d'alun calcinée avec le crocus martis fufdit , le borax brûlé , & le fable à parties égales , traité de la même manière , donna pareillement une mafle , mais plus nette , & qui étoit entrée dans un flux plus ferré , d'un noir lui- fant , & rendant moins de feu. Mais quand je mêlai la terre d'alun calcinée Tome II. L 8a MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE & le crocus martis fufdit , de chacun trois parties , avec une partie & de- 2 0 M. X. ^^ jg ^gj^ig ^ ^ ^^^ partie de craie , & que j'eus travaillé ces matières de ^ N N K £ 1^ façon fufdite , j'obtins une maiïe dont les parties s'étoient fortement ^754- réunies , & a voient confervé la figure du creufet , folide , & qu'il n'étoit pref- que pas poffible de brifer, tant fa dureté étoit extraordinaire, & rendant des étinceUes avec l'acier, autant qu'une pierre à fuiàl j mais il ne laiiïbit pas d'y avoir des trous par-ci par-là. XVII. Là-delTus je pris une chaux d'étain , préparée del'étain de Malac le plus pur, à un feu long & continuel , & enfuitc lavée ; je la mêlai avec par- ties égales de notre terre d'alun calcinée ; après quoi j'obfervai toutes les circonftancesfus-mentionnées; & ayant donné un feu violent de fufion , je trouvai dans mon creufet un mélange en poudre , fort blanc , dont les par- ties ne s'étoient cuites enfemble en aucune façon , & encore moins réu- nies. Quand je pris deux parties de cette chaux d'étain avec une partie de terre d'alun calcinée , pour les traiter de la même manière , je n'eus auffi qu'un mélange en poudre , qui avoit l'air rougeâtre, & ne s'étoit nullement cuit. Il en fut de même du mélange d'une partie de terre d'alun calcinée avec trois parties de la chaux d'étain fufdite ; leur produit fut à-peu-près le même , il paroiiïbit feulement un peu plus blanc. Au contraire , en mêlant enfemble de la terre d'alun calcinée , de la chaux d'étain , de la pierre fléa- tite , du fable & du borax calciné , à parties égales , & en traitant ces ma- tières de même , elles étoient entrées en flux , & avoient formé un corps fort blanc , jaunâtre dans quelques endroits, fans aucune tranfparence, ayant par-ci par-là des trous, uni , caiTant, & donnant du feu. Mais le mélange d'une partie de terre d'alun calcinée avec deux parties de la chaux d'étain fufdite , & une partie de borax calciné , en opérant toujours de même , demeura , après le travail , tendre , à peine cuit enfemble , blanc , & fur le total d'un brun clair ; comme aufïî le mélange de la terre d'alun calcinée , de la chaux d'étain , & le borax calciné , à parties égales , traité de même , s'étoit cuit à peu-près comme le précédent , mais étoit pourtant plus foli- de. Au contraire , lorfque je mêlai de la terre d'alun calcinée , de la chaux d'étain & du borax calciné , de chacun trois parties , avec une partie & demie de fable, & une partie de craie, & que je procédai comme à l'ordinai- re , j'obtins un mélange qui étoit entré en flux , afïèz femblable à la por- celaine , blanc , ayant cependant des trous & l'apparence d'écume. XVIII. Voici les rapports de la chaux de plomb avec notre terre d'alun. Par- ties égales de minium & de notre terre d'alun calcinée , fe réunilTënt à un feu violent de fufion, en une mafTe folide, qui fait feu, & qui eft d'un verd jau- nâtre ; le mélange de deux parties de minium & d'une partie de terre d'a- lun calcinée , donne une maffe encore plus folide , fort remplie de trous , à demi tranfparente , d'un verd jaunâtre , & qui jette beaucoup d'étincelles. DES SCIENCES DE BERLIN. 8j XIX. Je fis venir fur les rangs une chaux d'antimoine, c|ue j'avois prépL.'=f='^= _ j 1. -• _ • _ 1 - r-^il I-: :__ II-- ^_ J i O M. A. rée de l'antimoine crud par une fort longue calcination. Une partie de cette chaux , avec une partie de notre terre d'alun calcinée , ayant été traitées de la manière lufdite à un feu v-iolent de fufîon , donna un mélange en poudre, qui s'étoit pourtant vitrifié en quelque façon aux côtés du creufet, & avoit ainlî commencé à fondre un peu à ce feu véhément, dans l'endroit où il tou- choit le creufet- Quand on procède de même fur le mélange d'une partie de terre d'alun avec autant de fleurs de zinc , ces matières ne fe cuifent point enfemble au feu fufdit, mais elles forment un mélange en poudre d'un blanc grisâtre. XX. Il nous refte encore les mélanges & les travaux qui concernent no- tre terre d'alun expofée avec le bifmuth à un feu violent. J'y ai remarqué les particularités fuivantes. Deux parties d'une chaux de bifmuth nette , & bien brûlée par une longue calcination , avec une partie de notre terre d'alun calcinée , fe fondirent à mon feu violent en une malTè d'un brun prefque couleur de cannelle par-delïbus , plus jaunâtre vers le milieu ,<& couverte , tant à la furface que dans les endroits où la mafîè n'étoit pas bien entrée en flux , de petits criftaux jaunes & brillans. Un mélange de trois parties de chaux de bifmuth , & d'une partie de terre d'alun cal- cinée , donna un produit d'un brun plus égal qui étoit entré en flux , mais avec peu de tranfparence , couleur de canelle & tenant du verre , au-deC- fus duquel on voyoit répandues de petites parties criflallines. Le mé- lange de quatre parties de chaux de bifmuth , & d'une partie de terre d'a- lun , avoit déjà pris un flux plus confîftant , d'un brun obfcur , & ayant quelque tranfparence dans les endroits minces ; mais la furface étoit garnie de même de cette matière criftalline. Le mélange de la chaux de bifmuth , de la terre d'alun calcinée , & du borax , à parties égales, a donné un verre fcmblable , qui étoit encore mieux entré en flux , d'un brun plus clair , & couvert d'un plus grand nombre de criflaux. XXI. Pour conclure à préfent ce mémoire , je trouve qu'il eft encore néceiïàire de dire quelque chofe des parties d'argillequi reflent après qu'on a fait l'extraûion entière de l'argille avec l'acide vitriolique , vu que c'eft une recherche qui appartient au fujet que nous traitons. En effet, nous pour- rons peut-être arriver par ce moyen à une connoilTànce plus exaâe des par- ties confiitutives d'argille que la terre d'alun contient. On a vu dans le pre- mier (a) de ces trois mémoires , comment j'ai tiré & produit un alun réel , véritable , & parfaitement femblable à l'alun ordinaire , par le fecours de l'acide vitriolique , hors de l'argille , comme étant un corps qui contient abondamment en foi de la terre d'alun. J'ai aufli remarqué (bj que par A s N ÉM 17 54- J-'yVoyct fur-tout les §. g. VII. & YIII. V*) 5. IX. Lij 84 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE rp ^^ raddition de l'acide vitriolique , on pouvoit tirer d'une once d'argille blan- ^ ' . ' che , nette , deux dragmcs & un fcrupule de la terre fufdite ; & qu'il ref- toit % après l'extraôlon , cinq dragmes & un fcrupule d'une terre fur la- ' ^ "*' quelle l'acide vitriolique n'a point de prife ; Si cependant c'eft la même ter- re qui étoit unie auparavant avec la terre d'alun , & qui compofoit avec elle l'argille. Cette terre qui refte après l'extraâion ne conferve plus les mêmes propriétés, ou rapports qui convenoient à l'argille. . On ne peut plus la faire cuire avec de l'eau , comme on le peut avec l'argille; elle durcit à la vérité au feu , mais elle donne de fortes étincelles contre l'acier , & elle montre encore à d'autres égards que ce n'eft plus de l'argille. On eft donc fondé à demander ici quelle forte de terre ce peut être. Ce n'cft plus une parfaite argille ; ce n'eft pas auffi de la terre d'alun ;, elle n'eft plus folu- ble dans les acides ; ceux de vitriol , de fel commun , ou de nitre l'atta- quent inutilement. Les expériences fuivantes faites fur cette terre , mon- treront peut-être où l'on doit la ranger. Une partie donc de la terre en quef- tion , qui avoit été pleinement dégagée de fa terre d'alun par l'acide vi- triolique , après avoir été auparavant bien édulcorée avec de l'eau diftillée chaude , & un peu rougie , avec parties égales de fel de tartre le plus pur , ayant enfuite été bien mêlées , & travaillées à un feu violent de fu- îîon , de la manière que j'ai fi fouvent indiquée , ont donné un beau verd , précifément femblable à celui qu'ont coutume de produire des cailloux nets , ou de beau fable blanc , avec la même quantité de fel de tartre 5 feulement le premier tiroit un peu fur le bleu , mais , auffi bien que le dernier , il attiroit avec le tems l'humidité de l'air , à caufe de la furabon- dance du fel alcalin. Au contraire deux parties de cette terre d'argille , qui avoit foufFert l'extradlion par l'acide du vitriol , avec une partie de fel de tartre très-pur , ont donné un auffi beau verd , & de la même folidité que celui qu'on feroit avec la même proportion de fel de tartre & de cail- loux. Car comme les cailloux , ou le fable net , blanc , & pilé bien fin , avec parties égales de borax calciné , donnent à un feu violent de fufion un verd clair, confiftant, & femblable aune belle topaze; de même , notre terre demeurée de l'extraâion de l'argille avec l'acide vitriolique , forme avec pareille quantité de borax calciné , une belle maflè , confiftante , dure , claire & femblable à la topaze , feulement la couleur eft plus jaune , & reffemble davantage à la topaze d'Efpagne , ce qu'il faut peut être attri- buer à quelques parties métalliques , & fur.tout martiales qui s'y trouvent encore. D'autres expériences que j'ai faites fur le même fuj< t , vont même jufqu'à me perfuader que de l'argille bien blanche , nette , & lavée , n'a d'autres parties conftitutives que la terre indifpenfablement néceflàire à îa compofition de l'alun , & un fable , ou une terre de caiiloux , imper- ceptiblement mêlés enfenible. Au refte , ce qu'il y a encore de particulier i DES SCIENCES DE BERLIN. Sj ici , c'eft que la terre d'alun unie à l'acide du vitriol , fait conftamment la j ^j,,"]^ bâfe des pyrophorcs ; que la terre de chaux , unie avec le même acide , fait ^ j, j^* ^ j pareillement la bafe des phofphores qui attirent la lumière ; &. Hnalemeut j _ , ^^ que cette terre de chaux , unie avec l'acide du nitre , fait la bafe du phof- phore qu'on appelle de Halduin. gSy i =i'^>i^;iî^ =^^fS2) 1 OM. XL A R T I C L E X. Année Recherches fur la formation des pierres , ou concrétions «ravclcufes dans le /■>•'' corps humain , à Voccafion d'une pierre fortie par un ahfc'es percé dans les hypocondres. Par M. E L L E R. IL y a environ quinze jours {*) qu'on nous a envoyé de Sorau en Saxe , une pierre de diverfes couleurs , de l'épailTëur du pouce , fortie d'un abf- cès percé dans l'hypocondre droit , dont une pauvre femme de foixante & dix ans a été incommodée pendant quelque tems ; quelques perfonnes dif- tinguées de l'endroit où le cas eft arrivé , nous foliicitant de leur commu- niquer notre fentiment fur la formation afïèz extraordinaire de cette pier- re , & d'expliquer par quel moyen elle a pu fe trouver dans un abfcès , fur- tout à un endroit du corps , qui ne paroît guères favorable à de fembla- bles produirions , j'ai cru devoir fati^faire leur curiofitc , & faire part en même tems à l'Académie de mes idées fur la formation de cette pierre , & fur la manière dont elle a pu fe frayer une ifîùe par l'ouverture de l'abfcès. C'eft une chofe fréquente & ordinaire , de rencontrer des pierres , ou des concrétions graveleufes , dans plufieurs parties du corps humain. J'en ai trouvé fucceffivement dans prefque tous les vifcères , comme dans les fi- nus du cerveau , dans les glandes qui font fous la langue, dans les poumons, dans les inteflins , dans la véfîcule du fiel , le méfentere 6i le pancréas, dans les reins , dans les uretères , dans la veffie , dans l'urethre , &c. mais cette dernière forte de pierres , qu'on découvre dans les voies de l'urine , font, comme on fçait , les plus fréquentes , & en même tems les plus dangereu- fes , par les accidens qu'elles occafionnent. Je ne prétends pas donner ici une théoiie détaillée fur la formation des pierres qu'on trouve dans ces différentes parties ; cela me meneroit trop loin: mon objet elt feulement de communiquer les obfcrvations que j'ai eu occafîon de faire jufqu'ici fur ces fortes de produdions , & d'ajouter les re- cherches que j'ai faites fur les caufes qui y donnent lieu, (») Ce Mémoire a iti lu le lo Mars 1755. 86 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROFALE ^ "çj^ Il n'eft pas fort étonnant qu'on découvre fi fouvent des concrétions de Zd ' \ ' cette efpèce dans le corps humain ; la malle de notre fang , & plufieurs des ditFérens fluides qui la compofent , font naturellement portés à la coagula- ' ^ ^' tion , fi quelques caufes internes ou externes concourent à cet effet. La par- tie féreufe ou nutritive de cette malïè en particuliar, eft encline , tout com- me le blanc d'œuf , à la coagulation , dès que la chaleur, caufée par la cir- cu'a:ion trop violente de nos liqueurs furpalïè fon degré naturel ; alors le ferum pouffé avec violence dans les plus petites artères lymphatiques , ou dans les vailîèaux fécrétoires , s'y arrête à caufe du rétrécilîèment de leuc diamètre , & ayant laiffé échapper fa portion la plus déliée , par les artères collatérales , s'épaiffit & fe defféche par dégrés , conllituant ainfi le pre-. mier degré de coagulation de nos humeurs , qui , après un defféchement parfait, préfente une concrétion dure , friable ôi. pierreufe, formée de mo- lécules terreflres & de quelques parties falines , collées enfemble par cette glu naturelle qui fe trouve dans tous les fluides de notre corps. Si cela ar- rive dans les tendons & les ligamens qui enveloppent les articulations des extrémités , la maladie eft connue alors fous le nom de goutte nouée , dont la matière perce quelquefois les tégumens & fort fous la forme de plâtre , ou de chaux. Il me fouvient d'avoir rencontré une petite pierre , formée de cette façon , dans la gaine du gros tendon , que les quatre mufcles exten- feurs de la jambe compofent au-delïbus du genou par la réunion de leurs fi- bres aponévrotiques. Lorfque cette partie féreufe du fang s'arrête dans les artères lymphatiques qui accompagnent les ramifications de la trachée artère , & qu'il arrive qu'elle s'y deiTéche , elle forme dans la fuite de tubercules , qui fe déta- chent , à la fin par le moyen d'une petite fuppuration , qui fe forme tout à l'entour , & font rejettes par la toux avec les crachats ^ on découvre dans ces tubercules , fur-tout dans les maladies étiques , des concrétions grave- leufes , blanchâtres , aiïèz folides , quelquefois de la grofïèur d'une cerife, ou d'une petite fève. C'eft à -peu -près de la même manière que fe forment les pierres qu'on trouve quelquefois dans les glandes fublingualcs , accident très- incommode pour celui qui en eft attaqué. Souvent on ne peut pas fou- lager le malade , lors même qu'on a découvert la caufe de fon mal 5 on craint l'incifion néceffaire pour tirer la pierre , & l'hémorragie qui s'enfuit quelquefois , effraye également Si celui qui entreprend l'opération , ÔC celui qui la fouffre ; auHî abandonne-ton ordinairement la guérifon à la nature. Le corps étranger , par fon poids <5c par fa maflè , reffèrre & comprime tellement les vailîèaux fanguins qui l'entourent , qu'il en réfulte enfia nécelTàirement une inflammation , fuivie d'une fuppuration légère , qui aide la pierre à fe dégager , & à quitter fa loge , au grand foulage,ment I DE5 SCIENCES DE BERLIN. 87 du malade. C'eft ainfi que j'ai vu deux perfonnes fe debarrafîér chacune d'une j de ces pierres , de la groHèur d'un noyau d'olive , qu'elles avoient portées ^ "^^ ■^^' fous la langue des années entières , non fans grande incommodité. Année J'ai été frappé encore des concrétions graveleufcs que j'ai rencontrées ^755* autrefois dans le mefentere , & en particulier l'année dernière , dans un enfant de trois ans. Cet enfant étoit mort de confomption , ou plutôt d'une phtliyfie abdominale, qui avoit miné & dcfléché ce petit corps dès fa naif- fance. Ty vis avec furprife , que le centre du mefentere étoit parfemé , de tous côtés , de petites tumeurs , ou tubercules blancs , qui rellembloient à^autant de pois fecs , ou à de petites fèves. Je croyois d'abord que ce n'étoit qu'un deiïéchement des glandes , caufé par une obflruttion occa- fionnée par l'entortillement des vaiffeaux laâés dans leurs anallomofes avec les vaifTèaux lymphatiques de ces glandes ; & effeftivement la plupart de ces tuburculcs n'étoient pas autre chofc 5 mais en les piquant avec la pointe d'un fcalpel , j'en découvris quelques uns , parmi les plus gros , où l'humeur delTëchée refïèmbloit à un noyau de plâtre , que j'avois de la'pei- ne à defunir avec le couteau. Le chyle a donc produit ici , le même effet que la partie fereufe du fang pour les concrétions précédentes. Cette file , ou amas de glandes , refTèmblant à une langue de chien , placée derrière l'eftomac , entre les membranes du mefocolon , qu'on nomme pancréas , n'eft pas exempte , non plus , de ces fortes de concré- tions. J'ai rencontré il y a plus de 20 ans , à la Charité de cette Ville, un pancréas qui étoit tout fquirreux ; & dont le conduit , près de fon infer- tion dans le duodénum, étoit bouché par une pierre afièz confîdérc- bJe , qui quoiqu'un peu friable , ne lailToit pas de reïïèmbler par fa fubf- tance , à celles qui fe forment fouvent dans les autres glandes. Mais les pierres qui s'engendrent dans la voye des urines , font plus communes que celles dont j'ai parié jufqu'ici , ce qui efl d'autant moins extraordinaire , que tous les principes conftituans de ces fortes de pier- res font déjà contenus dans ce fluide excrémentitiel , furchargé de parties terreftres , falines , grallès , ou huileufes , chafïées de la mafle du fang com- me matières fuperflues ou nuifibles , incapables de fervir à la nutrition. Les vifcères , ou les parties où fe forment les concrétions graveleufes de cette nature , font les reins , les uretères , la veffie & l'urethre ; s'il arrive , par une caufe quelconque , que les urines féjournent dans quelqu'une de ces parties , & que l'eau feule puifle s'échapper , fucceffivement , par les veine^ abforbantes de leurs membranes , ou même par les voies naturel- les , dors les autres parties plus groflîères , que je viens d'indiquer , s'arrè- tent , s'accumulent , s'attirent mutuellement & fe lient enfemble , par le moyen_ fur-tout de la grailTe , qui leur fert de colle. C'eft de cette façon , à- peu-pres , que la pierre de la veffie fe forme & prend fon accroiflement. 88 MÉMOIRES DE UACABÉMIE ROYALE j, Yj~ A l'égard des pierres des reins , des circonftances favorables m'ont y. ' .A ' permis de pénétrer un peu plus avant dans le principe de leur formation , ayant eu le bonheur de faifir la caufc qui en jette le premier fondement, & ' ^^' voici à quelle occafion. Dans le tems que j'étois en Hollande avec feu M. Rau , Profellèur en anatomie &c très-habile opérateur en chirurgie , parti- culièrement pour la taille , j'ai eu fouvent & pendant plufieurs années de fuite , la fonftion de diiTëquer & de préparer les fujets deltinés à fes dé- monftrations anatomiques , fur-tout des enfans & de jeunes perfonnes mortes de la pierre ( maladie très-fréquente dans ce païs ) , ou qui mou- roient après l'opération lorfque les veines fe trouvoient remplies de pus & de graviers, ou autrement vitiés, ce qui les conduifoit ordinairement au tombeau , après qu'une fièvre lente les avoit exténués & jettes dans l'étilîe. Or , comme je trouvois communément dans ces fortes de cadavres l'un des reins & quelquefois tous les deux attaqués , je remarquai toujours dans ceux qui n'étoient pas tout-à-fait gâtés ou pourris, une petite inflammation, ou fuppuration légère au bout des mamellons ; on en compte ordinaire- ment dix à douze dans chaque rein , ce font, comme on f(^ait, des produc- tions conoïdes de la fubflance tubuleufe , ou des vaiflèaux fécrétoires de l'urine , qui répondent à la diftribution de l'artère émulgente ou rénale , dans fes innombrables ramifications. Deux de ces mamellons & quelque- fois trois , font ordinairement entourés & embraflés de leurs calices , ou entonnoirs , qui s'uniifènt enfuite en trois tuyaux , dont la réunion , dans la petite courbure du rein , en forme enfin un plus gros , qui efl le com- mencement de l'uretère , par où les urines defcendent dans la veffie. Quand on coupe un rein en deux moitiés égales , en commençant par fon grand arc ôi finiiliint par le petit , on diftinguc facilement toutes les parties que je viens de nommer , & fur-tout les mamellons. Lorfque je les prefîbis dans cet état entre mes doigts , j'en ai conllamment exprimé les grains de la gravelle , ou le noyau d'une petite pierre , qui fe forme ici à l'aide d'une goutellete de pus , laquelle fert de colle aux matières falines & terreftres de l'urine , qui paffentpar les mamellons. Quand ces petits grains fe détachent fucceffivement de l'endroit où ils ont pris naiffance , & qu'ils paffent par les uretères dans la veffie, ils fortent , pour l'ordinaire, avec l'urine , & fe précipitent au fond du vafe où on la reçoit fous la forme d'une matière fa- bloneufe , appellée communément gravelle. Mais fi ces élémens de la pierre refient plus long-tems aux extrémités des mamellons , elle augmentera de volume , le noyau étant devenu plus gros & plus folide. S'il fc détache alors, il pafïè par l'uretère dans la veffie , avec plus ou moins de douleur , félon que le volume en ell plus ou moins confidérable & que la furface a plus GU moins d'inégalité, & on le rejette, pour l'ordinaire , avec les urines, par le canal de l'urethre. Mais fi la pierre , formée dans les reins de la façon dont nous 1 DES SCIENCES DE BERLIN. 89 nous venons de le dire , ne fe détache point de l'endroit où elle a pris naif- ; .^ fance, fon volume ne peut manquer d'augmenter , les caufes de fon exif- ^^ ^' '.. ' tence & de fon accroiflèment fubfiilant toujours j alors le canal étroit des uretères lui refufant la fortie, elle reliera dans les reins , dont elle fera ' 7 J J* jufqu'à la mort un hôte très-incommode & très-dangereux. S'il arrive qu'une de ces pierres fe détache dans un tems où fon plus grand diamètre lui permet encore de defcendre par l'uretère dans la veffie , mais où fon volume l'empêche néanmoins d'être rejettée pat l'urètre avec les urines , elle s'arrêtera nécelTàirement dans le fond de ce refervoir. La lymphe mucilagineufe , qui fuinte de la membrane intérieure de la veffie , & qui la garantit de l'âcreté de l'urine , lui fournira un nou- veau lien , ou une nouvelle colle , au moyen de laquelle il s'y attachera continuellement de nouvelles parties falines & tartareufes. Les couches différentes dont ces pierres font compofées , comparables aux diverfes en- veloppes des oignons , confirment cette manière d'accroiffement fuccef- fif, qui parvient quelquefois à un volume fi énorme, que la pierre oc- cupe toute la capacité intérieure de la veffie. J'ai vu tirer à un payfan du Nord-Hollande , par feu M. Rau , une pierre de cette prodigieufe grot feur , dont le diamètre étoit de quatre pouces & demi , & le poids de 1 2 onces. Il peut arriver auffi , que les petites pierres , en defcendant du rem dans la veffie, s'arrêtent dans l'uretère ou à l'embouchure de ce canal, qui fait obliquement un trajet de quelques lignes entre les membranes de la veffie , avant que de s'ouvrir dans fa cavité. Si cette matière gra- veleufe s'y amaflè , fucceffivement , à un tel degré qu'elle parvienne à bou- cher cette ouverture , de façon que l'uretère ne puilTe pas décharger les urines dans la même proportion qu'il les reçoit du rein , il s'enfuivra né- ceiTàirement , que les eaux arrêtées diftendront ce conduit avec excès, & que la corruption de l'urine occafionnera dans les parties circonvoifî- nes des fymptomes mortels ^ ce que j'ai vu arriver dans le Gdjlhuys , ou grand Lazareth d'Amfterdam , où j'ai vu l'uretère gauche , dans un pauvre vieillard , mort de cette maladie , d'une grofïéur prodigieufe ^ fon diamètre excedoit deux pouces ; le tiers de ce canal étoit farci d'une matière gra- veleufe, & le refte rempli d'une eau puante , entremêlée de pus. Cette obfervation nri'a aidé depuis à expliquer un cas aflèz probléma- tique , dont j'ai été témoin à Berlin. Feu M. S^nf, Chirurgien major des gens d'armes, avoit entrepris de tailler un jeune homme de la pierre , opé- ration dont il s'acquittoit fouvent avec beaucoup de fuccès ; mais dans cette occafion , il perdit fa peine , n'ayant pu ébranler ni tirer la pierre , qui refta tout-à-fait i-.nmobile entre les branches de fa tenette. Le pauvre ma- lade étant mort quelque tems après , fut ouvert par M. Scnf, en ma pré- Tom. II. M ^o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE^' t fence ; nous trouvâmes la pierre adhérente par toute fa circonférence au ToM. XI. Cqi^Jj jg [g ygji^g ^ ^ couverte d'une meoibrane aflèz épailTè. La nou- i4 N N É E veauté du fait nous furprit ;, mais ayant fait une perquifition exatfte, je décou- » 7 5 5- vris que la matière graveleufe , ayant en quelque façon bouché l'entrée de l'uretère dans la velfie , les urines ne trouvant pas apparemment une iffue aflèz libre pour fe décharger dans ce vifcère, s'étoient creufé un réduit dans la fubftance cellulaire qui elt entre les membranes de la veflîe , & en avoient élevé en boflè la tunique intérieure. C'eft dans cette efpèce de loge parti- culière que les matières graveleufes avoient formé par leur amas la pierre en queftion , laquelle étoit un peu applatie , & de la groflèur d'un œuf de pigeon. Pour finir ce que j'avois à dire fur cette claflè de concrétions, je ne dois pas paflër fous filence une pierre que j'ai rencontrée dans le tiifu fpon- eieux de l'urethre. La matière graveleufe étant probablement entrée „ par les lacunes de ce canal , dans ce réduit fpongieux , y avoit formé une petite pierre de la groiîèur d'une fafeole , ou petite fève. Le garçon âgé de fix ans , qui en étoit incommodé , lâchoit fon urine avec beaucoup de peine ; & comme nous étions à la campagne , deftitués d'un habile Chirur- gien , je le délivrai de ce corps étranger par le moyen d'une petite incifion que je fis fur la pierre , ayant auparavant tendu la peau , qui en fe re- mettant couvrit la petite playe , moyenant quoi le malade fe trouva €"éri. Mais pour me rapprocher du fujet qui a donné lieu I ce mémoire , je ne ■balance pas d'alfurer , que la pierre qu'on nous a envoyée de Saxe , a été formée dans la véficule du fiel : j'ai des raifons qui ne me permettent pas d'en douter. Dans le reçit fort fuccint, qu'on a joint à cette pierre, on marque •que l'abfcès par lequel elle eft fortie , avoit percé les tegumens dans l'hyp- f ocondre droit ; qu'il en étoit forti une grande quantité de pus , mêlé en= core de petits fragmens de pierres ^ que ce pus avoit coulé pendant plu- >fieurs jours de fuite , jufqu'à la mort de la malade , âgée de foixante & dix ans. En confidérant cette pierre , on y remarque un mélange de jaune , de blanc , & de verd , ou rouge noirâtre -, or , on fçait que les pierres du corps humain , marbrées de cette façon , fe rencontrent uniquement dans la véficule du fiel , &. dans fon conduit , ou quelquefois dans les intet tins , lorfqu'elles y font portées par le canal cholédoque. La couleur de ■la bile eft feule capable de communiquer ce verd foncé ou rouge noirâtre, •à ces concrétions : d'ailleurs des expériences réitérées ne nous laiflent pas le moindre doute fur cela. J'ai trouvé une fois treize de ces pierres dans la véficule du fiel, qui en occupoient toute la capacité ;, elles étoient toutes prefque cubiques , avec ■des furfaces liflès & polies , à caufe du frottement qu'elles avoient exercé DES SCIENCES DE BERLIN. c>i entr'elles par les divers mouvemens du corps , & fur-tout par celui du dia- r: — y ■' phragme dans la refpiration. Je trouvai encore dans ce cadavre le conduit 1"^' . cholédoque bouché par un fcniblable amas graveleux j fans doute que la partie la plus liquide de la bile s'étant échappée par les pores , ou par '755» les veines abforbantes de la véficul.e du fiel , les parties tcrrcftres , alcali- nes & huileufes s'étoicnt defléchées en forme de pierres. Aufli la préfence de ces fortes de pierres , dans le refervoir de la bile , cft-clle ordinaire- ment annoncée par cette efpèce d'iftere noir & rébelle , qui ne quitte pas les malades de plufieurs mois , & perfifle même fouvent des années entiè- res. S'il n'arrive pas enfin que ces pierres fe diflolvent , & fortent en- fuite par le canal cholédoque & les inteftius , les malades meurent par le défaut de la chilification , interrompue par l'obUrudion des conduits bi- liaires. Mais , comme il n'y a point de régies fans exception , je ne dois pas ou- blier ici , que j'ai rencontré une autre fois dans la véfîcule du fiel , deux pier- res de la groflèur d'une olive , qui n'avoient point cette couleur marbrée, fi particulière aux pierres de la véficule , & dont la bile fournit la matière. Celles que j'ai l'honneur de préfenter à l'Académie , font d'une couleur rou- ge blanchâtre j je les ai tirées d'une véficule du fiel , entourée d'une eau auffi pure ik auffi claire que l'eau de fontaine , fans que j'y aye pu démêler le moindre veflige de bile. La raifon en eft que le malade , homme de dit tindion , avoit été hydropique long-tems avant fa mort , & qu'il avoit le foie entièrement fquirreux. Il ne s'étoit donc fait aucune fécrétion de bik depuis bien du tems ; & je regarde les deux pierres comme ayant été formées par l'épaiffiffement fucceffif de la lymphe mucilagineufe , qui fuinte des replis reticulaires & des lacunes de la membrane interne de la véficule du fiel. Mais la pierre qu'on nous a envoyée de Sorau, ayant toutes les marques extérieures de cette forte de pierres qu'on trouve ordinairement dans la véficule du fiel , je ne doute nullement qu'elle ne s'y foit formée de la bile épaiffie , d'autant plus qu'elle préfente , outre fes différentes couleurs , des facettes égales & lilîes , qui indiquent qu'elle a été frottée par d'autres, qui ont relié dans le corps. La caufe de fon apparition parmi le pus d'un abl- cès crevé , ne fera pas non plus bien difficile a expliquer , fi l'on prend la peine de confiderer que la vieille femme de qui on la tirée par un trou percé dans l'hypocondre droit , avoit été attaquée auparavant d'un hepatitis , qui faute des fecours nécelTaires , a caufé une fuppuration totale dans le grand lobe du foye , où la véficule du fiel fc trouve nichée , dans un enfon- cement proportionné à fon volume. En effet , fuppofons que la fuppura- tion cxcelfive de ce lobe , qui a duré plufieurs jours de fuite , ait entamç égalemcat les membranes de la véficule , la pierre aura trouve par là yne Mij '$2 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE 'j, ^j ifTue afTèz commode pour s'échapper de fa prifon , & fordr par l'ouverture - ■ , ' extérieure de l'abfcès, avec le pus dans lequel elle étoit , flotter dans le pus , & couler enfuite en dehors , par l'ouverture. Voudroit-on objefter que la ■ 73 0' pierre pourroit également s'être formée dans la fubftance du foye , comme dans la cavité de fa véficule ? Je dis que cela ne paroît pas proba- ble , parce que la pierre efl: d'une figure pyramidale irréguiiere , à facettes, lifîès &c polies. Or fi elle avoit été formée dans le foye , fa figure devroit être nécelïàirement ronde , ou fphéroïde , car ce vifcère , auffi-bien que les liquides qui y circulent , prefTant de tous côtés également , ne fçauroit permettre qu'un fluide fe change, par la coagulation, en un corps folide, fous une autre forme que celle d'un efphère. jr^ = >>!iS>*"— = :=yga ARTICLE XL Recherches fur les loix du mouvement du fang dans les vaijjeaux. Par M. DE Sauvages. I. T E calibre de l'aorte eft bien différent dans l'homme , de ce que les J I Auteurs en difent communément. M. Keill , qui a été fuivi en cela de la plupart des Sçavans , n'eftime ce calibre que o , z8 de pouce quarré , ne lui donnant pour diamètre que o , 5239 de pouce linéaire; mais ayant mefuré fur quinze cadavres d'hommes faits la circonférence de cette artère entre les valvules & la naiflance de la fouclavière droite , & ayant divifè la fomme de ces circonférences par 1 5 , j'ai eu pour la circonférence moyenne 32 de nos lignes, ce qui donne 10. 11 lignes de diamètre, & 80 lignes quarrées pour orifice , ou calibre ; ce qui eft le double de o , 28 de pouce anglois. II. Il s'en faut encore beaucoup que le calibre que j'ai trouvé par ce moyen , dans les cadavres , foit celui de l'aorte dans l'homme vivant. L'aor- te , qui n'a , à proprement parler , point d'ouverture circulaire après la mort , fe trouvant alors entièrement applatie , n'a de calibre que celui que lui donne le fang qui la dilate ; & ce calibre eft proportionné alors à la hauteur qui repréfente la force de ce fluide : en mefurant l'épaifTeur de cette artère , j'ai trouvé qu'elle étoit plus grande fur le devant que par-tout ail- leurs : cette épailîëur fait l'effet d'une bande ligamenteufe très-élaftique qui s'étend depuis la croflè jufqu'aux artères iliaques , & qui par fon reflbrt applatit ce canal , dès que le cœur n'a plus la force de le renfler. m. Pour mefurer la force élaftique des artères , & juger fi elles fe con- DES SCIENCES DE BERLIN. 93 traitent par cette force après la mort , ou fi elles s'afTaiiïènt par leur poids, == comme on le dit, j'ai lie en deux endroits dans un chien vivant, à 3 rou- ^°^' ^ ces de diltance , l'artère carotide avec la veine & les nerfs voiiins ; & ayant " ^ ^ ^ yant coupé le paquet en travers avec des cifeaux , les bouts de l'artère coupée ^755 fe font retirés d'un pouce l'un de l'autre , ceux de la veine de 1 o. 7. &c. li- gnes : Enfin le chien étant mort , j'ai fait la même, opération fur les vaif. féaux de l'autre coté , & j'ai eu parfaitement le même réfultat ; d'où il ell aifé de conclure que le rcflbrt des artères, quelques heures après la mort efl auffi puiflant que durant la vie, & qu'ainfi c'eft par la force élaftiqué que la bande ligamenteufe de l'aorte uent ce canal applati dans les cada- vres. IV. La force du fang, au fortir du cœur, eft comme la hauteur à laquelle il peut s'élever dans un tube adapté à l'aorte ; & fa preffion contre un pouce de furface de ce canal eft égale au poids d'une coiomne de même bafe & dont la hauteur eft celle à laquelle il p,eut s'élever dans cette jauge. V. Pour déterminer le calibre de l'aorte , il faut donc déterminer les différentes forces du fang. M. HaUs a déterminé par des expériences très- décifives , que la plus grande hauteur à laquelle le fang des groflès artères s'élève dans des animaux de même malTè & de même vigueur que l'hom- me , eft de 7 pieds de Roi , & que la moindre eft de 4 pouces : au-deffous de cette hauteur l'animal meurt fubitement , la bande ligamenteufe de l'aorte n'ayant rien qui puilïè contenir fon refîbn qui tend à l'applatir. VI. Connoififànt ces deux forces extrêmes , on peut déterminer celle qui eft la pli s ordinaire en fanté. Les animaux en qui on méfuroit la hauteur à laquelle le fang peut s'élever, faifoient alors les derniers efforts au commen- cement de l'expérience ; & leurs artères qui battoient dans l'état fain & tranquille 38 fois par minute, battoient pendant ces grands efforts ico fois ; de même les artères d'un homme , qui ne battoient que 64 fois par minute en fanté & en repos , battoient , fuivant l'obfervation de M. Bryan Ro- binfon, en.iron 140 fois après une courfe violente. En fuppofant que le pouls n'a pas augmenté en calibre par ces efforts , augmentation qui ne fait rien à la viteiïè du fang pour l'augmenter , on peut eftimer que la force du fang dans ces deux états différens eft comme les nombres du battement du cœur dans un tems donné; car ces nombres font comme les coups des piftons d'une pompe , aufquels la vîteflè du fîuide lancé eft proportion- née ; or les forces des fluides font comme les quarrés de leur vîtefTè ^ donc les quarrés des nombres des pulfations en fanté , & dans ces violens ef- fons, étant entr'eux comme 10 à $4, on peut inférer que la hauteur mo- yenne^ à laquelle le fang s'élève eft en fanté à celle de 7 pieds comme 10 à J4, c'eft-à-dire, de 15. 5. pouces, ou d'environ 16 pouces. VII. Pour déterminer quels font les calibres de l'aorte refpeftivement aux A7. z 94 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ■^ . ■ " forces ou hauteurs du fang, j'ai adapté au bas d'un tuyau de verre plein d'eau ToM. Xi. ^ uj^g hauteur confiante , une aorte dans laquelle l'eau entroit j & quand ^ N N t E |,gg^ ^j.gj|. jgj^ç jg cylindre 4 pouces au-deflusdu niveau de l'aorte, je trou- ^755' yai que ig circonférence de cette artère avoit 36 lignes , que je pris pour. fa circonférence la plus petite. Quand l'eau fut dans le tube de verre à 16 pouces , la circonférence de l'aorte fut de 40 lignes ; & quand l'eau fut à 7 pieds , la circonférence fut de 50 lignes. VIII. Ce qui donne pour diamètres refpedifs de l'aorte 1 1. 4; i2> 7 i & 15. 9 lignes, & pour orifices ou calibres 102. 9 ; i 26. 6 ;& 198. 4 lignes quarrées , par où l'on voit que l'orifice ordinaire de l'aorte en fanté eft d'un pouce quarré anglois , au lieu d'un quart de pouce que l'efiimoit le D. Ktill , & qu'il eft dans l'effort de la fièvre de beaucoup plus grand en- core. IX. Nous avons vu que l'aorte avoit 3 2 lignes de circonférence avant d'être renflée. Les extenfions des cordes & fibres tendues font entr'elles comme les racines quarrées des forces employées à les tirer , félon des expériences faites fur des artères & fur les fibres circulaires d'une veffie , ( quoique ces extenfions , quand elles font infenfibles , comme dans les cordes métalli- ques du luth, foient, ainfi que l'a trouvé s'Gravefande , proportionnées aux poids qui les tirent. ) Ainfi les extenfions ont été entr'elles comme 4 , 8 , & 18 , les racines des hauteurs étant 2 ; 4^ 9. i. Ces extenfions ajoutées à la circonférence primitive 32 , ont donné 36 , 40 , & 50 pour les circonfé- rences entières. X. Tandis que le calibre de l'aorte varie , l'orifice du ventricule gauche du cœur reile le même , parce qu'il eft foutenu par un bourrelet tendineux & charnu , qui a pour épaifïèur la moitié de la bafe du cœur. Quant à la capa- cité du ventricule même, je ne doute pas qu'elle ne varie dans le mêmeifu- jet , félon que le cœur fe dilate plus ou moins fortement : & ainfi on peut eftimer que la moindre quantité de fang que le cœur contienne étant de 4276 lignes cubiques, la quantité qu'il contient en fanté eft de 4989, & dans les grands efforts de 7970. La quantité ordinaire en fanté eft d'en- viron deux onces , félon l'eftimation de prefque tous les Auteurs. XI. Ayant déterminé le calibre de l'aorte , & la quantité de fang que le cœur y envoie à chaque contraûion , il eft aifé de déterminer la vîteiîè ab- folue du fang dans ce canal ; car il n'y a qu'à divifer la mafïè du fang en- voyée par le calibre : ainfi divifant 4989 lignes cubiques par 126. 6. ca- libre d'aorte, on a pour vîteflè environ 39 lignes ou 3 pouces 1 pour i'efpace que le fang parcourt alors , & 3 pouces ^ pour celui des plus grandes fièvres. Ceci paroîtra bien parodoxe ; mais il faut confidérer que , bien que le fang , durant chaque contraflion du cœur , ne marche pas fenfiblement plus vite durant la fièvre que durant la fanté , il ne laillè DES SCIENCES DE BERLIN. 9J pas d'aller plus vite dans un tems qui comprend pluficurs de ces pulfations 5 ^T~ y,' car comme la vîtelTè du fang à travers l'oritice invariable du cœur même, c{[ ^ ' ' , comme le nombre des injections faites par minute , fi dans la fièvre le nom- bre des coups de pifton devient double ou triple , la viteiïë du fang y de-' 7 t> y" vient aulïi double ou triple , quoiqu'à chaque fyftole du cœur elle foit la même. XII. Il faut confîdérer encore que le tranfport du fang d'un ventricule à l'autre à travers les artères de les veines , n'augmente pas à beaucoup près comme les racines des efforts du cœur,- car ces efforts s'employant plus à di- later les artères qu'à pouffer le fang en avant , & la dilatation des artères ne pouvant augmenter , fans rallentir d'autant le cours du fang ,'les grands efforts du cœur fervent peu au tranfport du fang. XIII. Il eft démontré en hydraulique , qu'une machine fait le plus grand effet poffible , quand la vîteffe du moteur eff à celle du fîuide qu'il frap- pe, comme 3. à 4., ou que le fluide eff ernporté avec un tiers de la vîteffe du moteur : or le plus grand effet poffible fe trouve , quand le produit de la maflè tranfportée par fa vîteflë eft le plus grand , c'eff-à-dire , quand on tranfporte plus de malfe dans le même tems : donc le tranfport le plus avantageux , ou le plus copieux du fang d'un ventricule à l'autre , n'eft pas quand la viteffë du fang lancé par le cœur eft la plus grande , mais quand la vîteflè refpettive eft feulement d'un tiers plus grande que la viteflè de la colomne q'-i'elle doit faire avancer. XIV. La Sageffè fuprème , qui a réglé les mouvemens involontaires du corps humain, n'a pas manqué à donner au cœur toute la perfeâion dont les machines hydrauliques font fufceptibles , & en rendre , dans l'état de fanté qui eft le plus parfait , les mouvemens les plus avantageux : ainfi il a fallu qu'elle f ;t lortir le fang du cœur à chaque coup de pifton avec une vî- teffe d'un tiers plus grande que celle de la colomne de lang, qui eft un mo- ment avant dans l'aorte j alors l'adion refpeâive eft les - de la force du cœur. XV. On apperçoit d'abord après l'orifice artériel du cœur un finus , ou ren- flement , qui répond aux valvules de l'aorte , & la circonférence de cette artère en ce lieu eft à celle de l'orifice même , comme 37. à 31. ce qui fait le rapport des calibres de i. à 3. Les trois valvules fvgmoïdes , qui for- ment les autres que le fang doit mouvoir, s'ouvrant fucceffivement , lailTent ■Une ou^ferture triangulaire au fang qui fort du cœur , moindre environ de ? que n'eft celle de l'aorte au-delà des valvules , en un certain tems de la fyftole du csur; ainfi la vîtelTè du fang doit s'y trouver triple de la viteffe au-delà des vaWules. Mais les viteiTès font en raiion réciproque des calibres, quand il paffê la même quantité de fluide : donc la vîteffe du fang lancé par le cxur , eft à celle du fang qu'il rencontre immédiatement derrière les, \alyules , ou à celle même des valvules, comme 3. à i^ ç)6 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE ToM XI ^^^' Q'^^"'^ '^ force contraâive du cœur vient à augmenter, les réfiftan-' A K K F rr ^^^ '^'■' ''^"o antécédant reftant les mêmes , le rapport des vîtefïès du jet à la vîteffé du fang antécédant change , parce que la réadion du l'ang antécé- dant, croilïànt comme les quarrés des vîtelïès, la dilatation de l'aorte, qui en eft un effet , augmente dans un plus grand rapport que la vîtefïè du jet lancé par le cœur : ainiî la vîtefïè du fang antécédant logé dans l'aorte n'augmente pas à même proportion que celle du jn , vu que l'aorte eil plus dilatable de beaucoup que l'orifice artériel du cœur : donc la machine ne fait pas alors le tranfport du fang le plus abondant qu'il foit poflible , eu égard aux forces employées par le moteur. XVII. Mais , fi le tranfport n'augmente pas à raifon des forces emplo- yées , il y a un autre avantage qui en provient, quand ces efforts redoublent à propos ; car l'aorte étant plus fortement diftendue , elle réagit , ou réfifle d'autant plus au coup de pifton du cœur ; d'ailleurs , le fang antécédant réfille proportionnellement au quatre de la vîteflè du jet : ainli le fang par le cœur eft broyé plus puiffamment & plus échauffé que dans l'état de fan- té , ce qui eft avantageux comme remède , quand le fang pèche par coa- gulation & groflîèreté. XVIII. Le broyement d'un corps eft d'autant plus parfait , qu'il eft frappé plus fortement , & que le lieu qui le contient l'empêche davantage de cé- der au coup qui le frappe ; plus aifément il eft tranfporté par le coup , moins la force appliquée a -d'effet pour le broyer ^ ainfi quand le fang eft lancé plus foiblement par le cœur , celui qui va devant , & les artères mê- mes , réfiftant moins , ce fang jette avance davantage , mais en eft d'autant moins trituré. XIX. Ce que j'ai dit de l'adion refpe£live du fang lancé par le cœur con- tre celui du finus de l'aorte , a lieu dans tout le trajet des artères , mais .de moins en moins à mefure qu'elles s'éloignent du cœur j car toujours le fang poulie par le cœur durant la diaftole des artères, rencontre & choque un fang qui , à la fin de leur fyftole , n'a qu'environ 2 tiers de la vîteflè de celui qui le poufîë ; mais pour entendre cette propofition , il faut avancer ce que nous pouvons encore prouver , fçavoir que la vîteflè du fang durant la fyftole va toujours en augmentant vers les extrémités , & celle durant la diat tôle des artères , va toujours en diminuant , du cœur vers les extrémi- tés. Ainfi, comme elles Ce trouvent égales à leur entrée dans les veines, celle du fang auprès du cœur durant le jet du cœur eft plus grand que celle du fang antécédant. C'eft le fujet d'un mémoire que j'ai envoyé à M. de Buch- ner, à Halle. XX. La vîtefTe du fang dans les diverfes feftions de l'aorte , ou fomme des feûions de fes branches , ne peut fe déterminer que par le rapport de ces fedions à celle du tronc. Ce rapport eft très-difficile à trouver ; & après DES SCIENCES DE BERLIN. 97 après avoir pris des mefures fur plus de 25. cadcivres , je crois devoir m'en tenir à celle que prit le D. Keiil fur les vaiiléaux injoifiés en cire par le cé- lèbre Cowpcr : 11 dit que fuivant fes me- fures , fi on prend une artère quelcon- que, ( excepte celles qui vont dans les vifcères J le calibre du tronc A eft aux deux calibres enfemble des deux pre- mières branches qui partent BC. BM , comme une de ces branches BC eft aux deux CD , CN , qui en partent , & comme D elt aux rameaux du troi- fième ordre DE , DP , & ainfide fuite. Aintî le fang qui pallè du tronc dans les branches du premi.r ordre , va dans un lieu un peu plus large , comme celui qui pailé d'un rameau du premier ordre dans ceux du fécond , & ainfi de fuite. XXI. Or , quoiqu'il ait trouvé que pour l'aorte le premier terme fbit ati fécond comme 1 0000. à 10274 ^ au lieu que pour certaines artères qui vont aux vifcères , ce rapport eft de loooo. à 1 2387 ) il ne laifTèpas enfuite de fup- pofer toujours que ce dernier rapport a lieu pour l'aorte , & non le premier j ce qui eft une erreur qui l'a conduit à des conftquences trop généralement adoptées des Médecins. XXII. Plus les artères vont en s'élar^fTant , comme les méfenteriques , les rénales, les carotides internes, & quand elles deviennent veines , avant d'être parvenues à un grand nombre de ramifications , plus le paflà^e du fang eft libre ^ ainfi la liberté du pafïàge eft d'autant plus grande que le rapport du premier terme au deuxième Si que le nombre de leurs ramifica- tions , ou de leurs meuds ( B. C. D. E. F. ) eft plus petit ; fur quoi il faut obferver que , quoique le pallàge foit plus grand à mefure que les ramifica- tions font d'un ordre plus éloigné , cependant comme les rameaux pris en particulier, deviennent par ccli même plus étroits , ils approchent d'autant plus d'être auffi étroits que les plus petites molécules , ou que les globules du fang; & une fois parvenus à cette égalité , les globules y paffent plus dif- ficilement , car n'y paflant qu'un à un , ils touchent par toute leur circon- férence les parois du vaifteau , au lieu que quand 4 ou 5 y paffent de front, la colomne ne touche ces parois que par 4 ou j points , ce qui fait un bien moindre frottement , & une moindre difficulté. Tome il. N lOM. XI. A S N É E 1755. 98 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROVALE "r YT XXIII. L'artère mefenterique fupérieure a pour dénominateur de fa pro- lOM. Ai. gcgfl^oj, loooo : 12387. & fi on fuit le plus court chemin de fon tronc aux ^ N N É E jjoyayx, on n'y compte que 10 ou 11 ordres de ramifications; fur le limbe ^75 5' du mefentere je compte pour tous les boyaux grêles 650 artèriolesj delà juf- qu'à la convexité oppofée du boyau , ces artèrioies ne font que 3 ou 4 rami- fications , avant de fe changer en vénules , ou rebrouUèr chemin vers le cœur. J'ai cherché à mefurer le calibre moyen de ces 650 artèrioies , mais je me fuis convaincu qu'en les mefurant à la vue Amplement , on fe trompe d'autant pluâ fur leur grandeur, qu'elles font plus petites 5 car on fait fans y penfer un effort des yeux , qui fait une illufion optique , & qui groflit les ob- jets ; on voit alors comme voyent les myopes. J'ai découvert cette illufion fur un tube capillaire de verre , rempli de vif-argent \, le diamètre m'en paroiflbit à la vue , double de celui qu'il avoit réellement ; ce que j'ai trouvé en pé- fant le vif-argent qu'il contenoit , le réduifant en lignes cubiques , & divifant ce volume de vif. argent parla longueur du tube, le quotient me donnoit le ca= libre du tube , qui s'eft trouvé le quart de ce que me donnoit la vue fimple , & la confrontation avec une régie divifée en lignes & cinquièmes de lignes. Je me défie donc du rapport trouvé par M. Kc'dl , & voudrois bien en trouver un d'une manière plus exaâe,. XXIV. Suppofant pourtant le dénominateur ci-defTus donné ('D^ le nom» bre des termes ( N ) le premier terme (' A ) ou le calibre de l'artère mefente- rique z: 8 lignes quarrées, la fomme des calibres du quatorzième ordre,, qui font ici les derniers, feraD"-"A; D Z^ \^ dont le logarithme eft o , 9296, qui multiplié par 13 fournit un logarithme auquel répond le nombre 16 ; ce qui fait voir que le partage total des dernières artères fanguines du boyau grêle eft 1 6 fois plus grand que le tronc de la mefenterique , ou de 128 lignes quarrées : & fi nous admettons avec M. Haies , qui a fuivi ces derniers vaiffeaux au microfcope ,.que le nombre de ces derniers vailîèaux eft 3 or-> dres après ceux du limbe du mefentere , ou 8 fois plus grand , on aura J200 de ces vaiffeaux, qui auront chacun pour ouverture o , 012 , ou 22 millièmes de ligne quarrée. XXV. Quant à la progreffion des artères qui vont dans les mufcles , les os , en un mot , les membres , il faut obferver que leur calibre au fortir de l'aorte eft proportionné au poids des parties qu'elles arrofent ; c'eft ce que j'ai fouvent vérifié. Ainfi le calibre de l'iliaque à l'origine de la cuiffè eft au calibre de la poplitée au-deffus du genou, comme le poids de toute l'extré- mité inférieure au poids de fa partie qui eft au-defïbus du genou :& l'artère aux ailfelles excède l'artère au coude, comme le poids du bras entier excède, le poids de l'avant-bras & de la main. XXVI. Mais il s'en faut bien que dans les vifcères le calibre des- artères- foit comme le goids des parties qu'elles arrofent. j l'artère repaie feule.auai DES SCIENCES DE BERLIN. 99 calibre auffi grand que l'iliaque externe, qui arrofe toute la cuiflfe & la jambe ; 'g^g & qu'eft-ce que le poids du rein eu égard au poids de ce membre ? Les ^°^' ^^' reins pèlent ^ de tout le corps , & féparent autant d'humeur que tous les "^ "'' ^ " autres couloirs enfemble ; les cuiflès & jambes ne féparent pas 1 de tranfpira- ^755» tion de tout le corps ^ ainfî les artères n'ont dû être proportionelles qu'à leur poids feulement , ou à peu-près , au lieu que dans les vifcères elles le font au poids & à la quantité de fluide qui doit les traverfer ou s'en féparer. XXVII. Il eft donc vraifemblable que les dernières artèrioles des vifcères, fur-tout des poumons , des reins , du mefentere , ne font pas à beaucoup près fi étroites que celles des membres; ou , ce qui revient au même , que la progreffion des ramifications ne parvient pas à un fi grand nombre de ter- mes que celle des extrémités & des chairs mufculeufes : aufïï l'ufage des vifcères n'eft pas tant de broyer & affiner le fang , que celui des chairs qui ont beaucoup plus de fermeté & des appuis oileux bien plus folidcs , mais d'y faire d'autres changemens , tels que les fecrétions , qui ne demandent pas des forces mécaniques , comme en demande le broyement. XXVni. Dans les queues des poifTons , les pattes des grenouilles , &c. on voit les globules du fang paflTer à la file l'un après l'autre dans les derniers vaiflèaux fanguins. On fait au jufte quel eft le diamètre d'un globule rouge ; dans tous les animaux à quatre pieds , grands & petits , ils ont même grandeur. M. Jurin , en préfence de la Société Royale , & avec les microfcopes qu'elle hérita de Leewenhoecb , vérifia qu'ils avoient en diamètre -^^ de pouce an- glois , ou environ ,^ de notre pouce ; ce qui revient à o. 00000033 '^^ 'a fedion de l'aorte , qui a un pouce anglois de calibre. XX{X. Puifque les globules rouges font obligés de devenir ovales en paf- fant dans ces défilés , les dernières artères fanguines ont à peine le diamètre de ces globules : on peut donc prendre pour dernier terme de la progref- fion des vaifTeaux , celui où les dernières ont ce calibre, & pour premier , l'unité , le dénominateur de la progreffion étant i||2? , qui marque de com- bien les rameaux enfemble font plus amples que le tronc dont ils partent. Mais fi l'on veut avoir l'un de ces rameaux , & le fuivre jufqu'au bout fans fes branches , le dénominateur devient 'S2^f , car communément de chaque nœud , B. CD , il part deux branches BiM. BC. ou bien CD. CN , & s'il ea part davantage, la fomme de leurs calibres fuit le même rapport ; fi le cali- bre de A eft 1 0000 , & celui de BM. j 1 3 7 , celui de BC 5137, la pro- greffion du tronc aux branches {f££f fubfifte la même. XXX. Pour avoir le nombre des termes N , d'une progreffion géométri- que , dont on connoît le premier terme A z: i , le dernier égal à o. 00000033 :zè, & le dénominateur '"îs? - D , on a la formule XJ— LB _ I A IC274 ' ^-TCTT- O^LB-LAeftLBr 6. 48149, & LDz: 2.8930, le quotieat Nij loo MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE de la divifîon donne 22 pour le nombre des termes , & partant 23 cft le nombre des ramifications , ou des femmes des rameaux fucceffifs , qui croisent fuivant le rapport ci-deiTùs énoncé , & qui fe terminent en vaif- feaux capillaires , propres à ne laiflèr pafTer qu'un globule de fang à la fois. XXXI. Comme les rameaux capillaires , ainfî que les intercoftales , les bronchiales , les fpermatiques , n'augmentent pas le calibre de l'aorte dans un fi grand rapport de loooo à 10274, ce n'eft pas par leur nombre qu'on doit compter le nombre des ramifications ; & c'elt le dénominateur feul qui doit le déterminer, quand on connoît le premier & le dernier terme. XXXII. Si on a une progreflîon de vailfeaux, dont le dénominateur foit 2, comme dans la figure ( n. 20.^ A. B. C. &c. on voit que le premier nœud renvoyant deux branches , & chaque branche autres deux &c. on a cette progreffion double des branches i. 24. 8. 16. &c. Et fi on veut fqavoir quai eft le nombre des branches capillaires du 23. ordre, on a fuivant la formule ( n. 24. ) D'"- ' A , qui donne pour le nombre cherché 4 , 603 , 000 ; & fi on veut que de ces derniers capillaires fanguins , il parte encore quatre ordres de vailTèaux lymphatiques , féreux , nerveux , &c. le dernier terme fera 73 millions , 600 mille de ces derniers vaillèaux : mais on n'a pas de ter- me connu pour fe conduire dans cette progreffion. XXXIII. La fomme des 4600 , 000 vaillèaux fanguins eft plus ample d'un tiers que le calibre de l'aorte , ou eft égale à J^^ de pouce ; il s'en faut donc de beaucoup que le palïàge du fang dans ces derniers vaifl^aux fan- guins foit 44 mille fois, ni même 5 mille fois plus ample que n'eft le tronc de l'aorte , comme M. K-:lll le dit , en prenant la progreilion de l'artère mé- fanterique pour celle de l'aorte , & en admettant qu'elle s'étend au nom- bre de 40 ou 50 termes ; ce qui eft contraire à ce qu'il avoit avancé tou- chant le dénominateur de la progreffion de l'aorte. XXXIV. Si on avoit un tuyau fort branchu , mais qui fut percé feulement d'une infinité de trous , qui ne laiiTèroient point palier de grains de mil- let , quoique la fomme de ces trous excédât cent fois l'orifice du tuyau pris au tronc , il eft certain que ce feroit la même chofe pour ces grains, que fi le tuyau n'avoit point d'ilTue , les grains paflànt bien dans toutes les branches d'un moindre calibre qu'un grain, mais non dans la fomme, quel- que grande qu'elle fût , des trous plus petits ; & fi ces grains y paflfbient mê- me , mais avec un frottement qui rallentit leur marche du double , du tri- ple , il n'en paiTeroit pas plus par trois enfemble que par un feul qui ne les rallentiroit pas , & par lo mille que par un feul qui les rallentiroit 10 mille fois moins. XXXV. Il en eft de même des derniers vaiffeaux féreux & lymphatiques. Les molécules des fluides qui doivent y paftèr , y effiiyent de fi grands frot- temens , qu'elles en font prodigieufement retardées , & qu'on ne peut s'ap- DES SCIENCES DE BERLIN. loi percevoir de leurs progrès ; telle eft la graiffe dans les vaifîèaux adipeux , le fuc •- ,,.- dans les tuyaux olïèux, la matière de la tranfpiration dans les tuyaux fécrétoi- a" '' 1 ' res de la peau. Que la furface de la peau ait par fes pores fecrétoires au- tant de vuide que de plein, ayant 15 pieds , la iomnie des orifices fera 15 7 5 î« cent fois plus grande que l'aorte ^ s'il paflé 3 3 onces de fluide tranfpirable par jour à travers ces orifices , ( quoiqu'il n'en paflè réellement qu'onze ) il palïè z onces au moins dans demi féconde à travers l'aorte, (ce qui fait 172800 onces par jour, R le fang couloit continuellement du cœur dans l'aorte) , ou 5236 fois plus qu'à travers la peau il ne paiîé de férofîté : & ainfî la vîtellë du fang au fortir du cœur étant comme la dépenfe divifée par le calibre , eft 7 , 8 $ 4 , 000 fois plus grande que celle du fluide tranf- pirable. XXXVI. Si donc eu égard à la quantité de fluide qui pafïè à travers les tuyaux fecrétoires , féreux, lymphatiques , &c. refpeûivement à la quantité du fang rouge qui palïè à travers les artèrioles , on peut négliger la fomme des oririces des premiers, & ne compter pour quelque choie que celle des vailTèaux fanguins : moyennant quoi on ne fe trompera peut-être pas beau- coup de juger que le fang rouge marche dans les plus petits vaiffeaux ua tiers plus lentement que dans les grolTés artères , dans lefquelles la vîteflè moyenne eft un tiers moindre qu'au fortir du cœur ; ainfî quand le fang parcourt dans l'aorte 39 lignes dans l'intervalle d'une pulfation à l'autre, il ne parcourra qu'environ un pouce dans les plus petits vaifïèaus ,, ce qui doit le rallentir dans les grands. XXXVII. Suivant les expériences du Marquis Poleni , un tuyau de 7 lignes de longueur Ck de 3 lignes de diamètre , au bas d'un réfervoir de 13 pieds de hauteur , ne donne que i de l'eau qu'il eût dû donner, n'eût été le frot- tement. La dépenfe effcclive eft donc à la virtuelle , comme 4 à 5 ; & leur différence, ou le liJt/iet eft d'un 5^ XXXVIII. Plu lleurs expériences démontrent, comme M. Carré l'a en- fêigné , q.i'à n'avoir égard qu'aux circonférences , les déchets font récipro- quement comme ces circonférences , ou comme les diamètres : ainfi un petit tuyau ne donne pas , à proportion de fon calibre , autant qu'un grand , ayant plus de circonférence Se de frottement eu égard à fon calibre, que n'en a un grand , eu ée ird au fîen. XXXIX. Mais qu^intitè d'expériences m'ont convaincu , que les déchets font auffi réciproquement proportionnels aux longueurs des tuyaux , ou à quelqu'une de leurs ferions ; fur-tout à leurs racines quarrées. C'eft ce qui paroitra par les expériences fuivantes. J'adaptai la portion de l'aorte, ^ui donne les troncs des iliaques , à un tuyau horifontal , au bas d'un ré- loî MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE A ,\, J.I fermoir plein d'eau à une hauteur conf- tante , & je trouvai que par la feule . ' ^ ^' branche D il couloit i6 mefures dans ^ un tems donné , par la feule branche E il en couloit environ autant, ce qui fait 3 2 ^ mais par les deux branches ouvertes enfemble, il n'en couloit que 24 , le tuyau C qui s'enchaflbit dans le tronc de l'aorte étoit un peu plus am- ple que le calibre du tronc en F , & il en coula 26. 41 mefures dece tronc Jt» coupé en F. XL. J'adaptai un tronc d'artère émulgente au même tuyau C. Elle donnoit 4 rameaux M. N. O. P. M. feul ouvert donnoit 3.7"' N 3-7, , 0 1.7^^°-^ P 1.6^ Mais tous ouverts enfemble donnèrent 7 mefures , & le tronc feul en R. don- noit 8 mefures. Je trouvai auffi qu'une des carotides dont les 4 branches donnoient 6. étant ouvertes à la fois, en donnoient par le tronc coupé de plus en plus jufqu'à 20 , à mefure que je raccourciffois ce tronc par des cou- pes fucceffives , obfervant de le tenir toujours fur le même plan , & l'eau du réfervoir à la même hauteur. XLI. De ces expériences il eft aifé de conclurre que quoique le tronc foit plus étroit que les branches du premier ordre , & celles-ci plus que celles du fécond , cependant le tronc ouvert donne plus que les deux premières branches enfemble , & celles-ci plus que les 4 branches qui en partent , & ainfi de fuite. XLII. Ayant réitéré , d'après M. Raies , cette expérience fur le tronc & la raefentérique fupérieure , je trouvai, à-peu-près comme lui , que les der- ïîières artères fanguines qui fe trouvent fur la convexité oppofée au mé- DES SCIENCES DE BERLIN. loj fcntêre , dans la longueur des boyaux grêles , ne donnoient qu'un 20=. au ^ rlus , tandis que les artères du limbe au nombre de 6lus forts , & fur les branches , & qu'à l'aide d'une efpèce de peau large êl d'une racine plarte , il s'infinue dans l'écorce , & fe multiplie tellement , qu'à la fin il prend la fupériorité , rendant tout-à fait infruftueufes les bran- ches qu'il fucce fortement & continuellement , ou les faifant dégénérer en produdions monfirueufes , qui fe defléchent & périlTënt finalement. Cet accident , auquel on ne donne guère d'attention dans les forêts , par rapport aux noifeticr<. , chênes , bouleaux , fapins , pins , faules , aunes , ormes , peupliers , tilleuls , érables , & autres arbres femblables , eft de la dernière importance , quand il s'agit d'arbres fruitiers , comme les pom- miers , poiriers , piftachiers , amandiers , oliviers , & autres ; on ne peut y obvier , qu'en délivrant l'arbre du gui qui l'infeife ; & pour lui rendre fa première fécondité , il faut l'étêter ; mais enfuite il eft quatre ou cinq ans fans rien produire. Le gui s'infinuant toujours plus d'année en année , comme nous l'a- f^s) Cautu ou augure d( lioiu 128 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE X. ,^ vons dit , fous l'écorce extérieure des arbres , où il pénétre auffi avant qu'il . ' ,. ■ eft poffible , y poulfè en même-teins de tout côté, ik. fouvent très-près Pun de l'autre , un grand nombre de petits coins , qui entrent dans les interftices ' •^* utriculeux de l'écorce interne ; quand le bois efl: jeune, ils vont plus avant, & jufqu'à la fubltance cellulaire ; & non-feulement ils s'y alFermiffènt, mais ils s'approprient une quantité confiderable de fon fuc. On pourroit donner à ces petits coins , qui prennent leur accroiffement avec le bois & qui devien- nent eux-mêmes du vrai bois , on pourroit, dis- je, leur donner, à caufe de leur délicateiïè > ^ Si l'efiomac étoient corrompus , ils ne pouvoient foutenir, fans fe déchi' ToM. X I. j-e j TefFort de rinjedion pouflèe par les artères , ce qui l'empêcha de péné- il N N É E ^[.gr jjans les plus petits vailïèaux , & la rendit inutile ; mais en examinant i75S' attentivement le corps de l'enfant, j'y fis les obfervations fuivantes. Les pe- tites «landes méfaraïques , par-tout fquirreufes , rendoient le méfentere noueux & inacceffible à la circulation du fang & du chyle. Les fibres de l'et tomac avoient fi peu de cohéfion entr'elles , qu'une partie de fa furface poftérieure s'écouloit comme une fimple mucofité , étant entièrement gan- grenée. Les inteftins fe déchiroient auffi très-aifément d'eux-mêmes , s'entr'ou- vrant par leur propre poids ; les gros boyaux étoient exceffivement remplis d'excrémens, qui gonfloient l'abdomen j les mufcles & les tégumens du ventre très-relâchés, à caufe de la corruption des matières fécales amollies. Le foie attaché au diaphragme par plufieurs ligamens qui n'étoient pas naturels , avoit fa fubftance plus lâche qu'elle n'a coutume de l'être. Les vaiflèaus artériels avoient auffi confidérablement perdu de leur force & de leur fermeté. Les poumons rempliflbient le thorax , attachés prefque par-tout à la plèvre ; ils étoient tout farcis de petites glandes dures & ftéatomateu- fes , tant conglobées , que bronchiales , de façon que les vaifléaux , depuis les plus grands , comme l'artère pulmonaire & la veine cave fupérieure , iufqu'aux plus petits , favoir ceux qui environnoient les bronches & le péri- carde , formoient une maflè fi ferrée , qu'ils ne laiflbient pas le moindre paf- fage à la plus fine injeâion. En ouvrant le péricarde , je le trouvai en- tièrement adhérent au cœur par des fibres celluleufes , courtes & épaiflès » enforte qu'il étoit prefqu'impoffible de l'en féparer fans ofFenfer les vaiflèaus ie cet organe , vu la féchereflè & la multitude de ces fibres. Le cerveaui étoit mou , & ne fe trouva nulle part fquirreux.. Explication phyjiologiq^ue.. Ce cas nous fait voir que les humeurs , devenues trop épaifTes & tena- ces , en conféquence d'une nourriture mal faine , forment des fibres celluleu- : i;„„4. .,^- «-^i.* loî TTiTz-^for ontr'^nv ^'iinp mpnîprp rnntraire à l'éfafr cœur fur le fang ,- ce qui afFe£le bien-tôt toutes les parties du corps. Les. fucs , contraâant de l'acrimonie , & s'épaiffifTant de plus en plus , s'arrêtent enfin dans les plus petits vaifléaux du ventricule & des inteftins , détruifent la liaifon de leiws fibres , & y portent la gangrené. Ces mauvaifes qualités des. fucs , en faifant ceflèr , ou vitiant les fecrétions qui fervent à la nutrition » favoir celles du chyle & de la lymphe , jettent néceffairement tout le corpa éaas la conforoptioû & l'éthiiie , d'où fuivent bientôt l'épuifemeût des for» DES SCIENCES DE BERLIN. 147 cf s & la mort. Pour conferver quelque doute à cet égard , il faudroit n'a- J? voir aucune idée de la manière dont fe fait la fecrétion du fluide nerveux ^^ ^ dans les tuyaux les plus fins & les plus déliés du cerveau. /t N n k C'eft également de la ténacité 6c de répaiffiffement des humeurs, que ' 75 5» procède , comme nous l'avons déjà remarqué , cette cohéfion du péricarde au cœur , dont la force eft irréfoluble & l'effet mortel ; la matière qui lie fi étroitement ces parties entr'elles, n'eft que la liqueur même du péricarde , qui a pris , en s'épaiffiiîànt , une confiftance ftéatomateufe. Je vais rappor- ter à ce fujet deux obfervations , dont la première efi: extrêmement intéref- fante , M^ \e Do£ieur Sprogd , mon très-refpe£lable beau- père , qui avoit traité le jeune homme dont il y eft queftion , ayant bien voulu me com« muniquer le cours entier de fa vie & de fa maladie. OBSERVATION VU. Histoire. C"^ E jeune homme , mort à l'âge de 14 ans , s'étoit parfaitement biea > porté pendant les cinq premières années de fa vie. A huit ans il eut la petite vérole pétechiale , ce qui ne l'empêcha pas de fe rétablir entière- ment. Mais n'ayant pas enfuite été afTez réfervé fur la quantité des ali- mens , il fe remplit d'humeurs corrompues , & fut attaqué de la galle dans fa onzième année. L'ayant faite rentrer très-mal-à-propos , fes mem- bres fe deilècherent , & fes mains , ainfi que fes pieds , furent pris d'un arthritis noueux , avec fièvre continue ; il paroiflbit prefque bolîù , & étoit continuellement tourmenté de la difficulté de refpirer. A la faveur des meil- leurs remèdes qui lui furent adminiftrès , il fe remit de cette maladie au bout de fix mois , & recouvra même les forces du corps avec la fanté. Mais ayant commis de nouveaux excès dans le régime , fon ventre s'enfla ; il eut des douleurs de colique & des vomifïèmens fréquens , la refpiration fur-tout s'embarraffa beaucoup , en confèquence de la trop grande diften- Con de l'abdomen. Les remèdes vinrent pourtant encore à bout de fur- monter cette attaque , de forte qu'à douze ans il jouiflbit de fa première fanté. Parvenu à quatorze , il rechuta par la trop grande quantité d'alimens dont il fe gorgeoit, & qui lui caufoient des indigeftions continuelles ; le vo- milTèment , la diarrhée , la fièvre , les oppreffions , les angoiflës & les fueurs coUiquatives , le tourmentèrent fans relâche , & la maladie devint bientôt mortelle. Au bout de fept jours le pouls , auffi-bien que les forces , s'é- tant continuellement affoibli fans aucune caufe fenfible , & les remèdes rèfolvans , évacuans & fortifians les plus efficaces n'ayant fervi de rien , il expira. Les parens attribuant la rapidité avec laquelle cette maladie avoit été Tij 148 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE 7—— fuivie de la mort , à l'effet de quelque poifon , parce qu'ils avoient vu aupa- iOM. XL j.3yg^j çg jgyj^g garçon fe remettre de maladies beaucoup plL;5 violentes , ANNEE pj-Qj^ii-gj pgj jie femblables indigeftions , dcfirerent eux-mêmes qu'il fût ^755' ouvert, pour mieux s'afTurer de la caufe d'une mort fi foudaine , à la. quelle ils ne s'attendoisnt pas. Dijfecîion anatomique^ L'ouverture de l'abdomen ne montra aucun défaut dans les vifcères. Le flernum enlevé , les poumons parurent auffi parfaitement fains ; mais il y avoit entre le cœur & le péricarde une matière fiéatomateufe , épailTè d'un pouce en plufieurs endroits, très-denle , & adhérant fi fortement, tant à la furface du cœur qu'au péricarde , qu'on ne pouvoir l'en féparer fans lézion de ces parties. Quant à la fubftance mufculeufe du cœur , qui forme les cavités des ventricules , elle étoit comprimée, pâle, flafque & re- lâchée. OBSERVATION VIIL Histoire. J'Ai trouvé pareillement dans un autre jeune garçon de dix ans, unefem- blable matière iléatomateufe , féche , de l'épaiffeur d'un demi pouce , qui environnoit le cœur de toutes parts , & y adhéroit très - fortement , auffi- bien qu'au péricarde ; les ventricules en étoient fi comprimés, que ce cœur, bien que rempli de cire , égaloit à peine en groiïëur celui d'un enfant de quatre ans. Les artères coronaires n'avoient pas pu être remplies , leur- compreffion fermant le paffage à la liqueur injeftée. Les autres vifcères , à l'exception du relâchement exceffif qu'on y remarquoit par -tout, & de kurs veines trop remplies , étoient dans l'état le plus parfait j mais le relie du corps étoit défiguré par une maigreur étique, Expluation phyfiologique.^ La matière qui croupiffbit dans le péricarde , fait voir que cette maladie- avoit été long-tems à fe former, & qu'elle avoit pris des accroilTemens infenfîbles. En effet , la liqueur lymphatique coaguable du péricarde , fe change , par la longueur de fon féjour & par fa propre nature , en fibres , comme l'ont prouvi les obfervations rapportées précédemment , & comme on le voit de nouveau dans celle-ci : elle a encore plus de difpofition à fubir ce changement , fi elle pèche par trop de crudité. Or, il eft afiëz clair qu'uo chyle greffier & mal élaboré , provenant de mauvaifes digeftions , occa» fionnées par une quantité immodérée d'alimens , doit lui donner cette qua- lité. DES SCIENCES DE BERLIN. 149 La galle qui fc répandit fur toute la furface de la peau, étoit encore une . ^y fuite de ces mauvaifes digellions ; & lorfqu'on l'eut imprudemment fait . .\ ^ 1 rentrer , la matière impure dut nécclTàiremcnt fe jcttcr fur les parties intérieures. Les liquides épaiflïs par le mélange de cette matière , ayant été 73 3' poufiés , par l'aâion des vaifTeaux artériels , jufques dans les dernières ra- miHcations des artères lymphatiques , ont occafionné Vurthritis noueux , qui a pu néanmoins fe diflîper , tant à l'aide de la circulation , qu'en emplo- yant les réfolvans indiqués. Mais la même matière , portée dans le péricarde , s'efl: refufée à une re- forption complctte. Sa portion la plus fubtile eft la feule qui rentre dans les veines ; la plus épaiflé s'arrête , & fa malTè s'accroit enfuite infeniîblement, parce qu'en vertu de l'attraftion , d'autres particules fcmblables y adhérent avec une extrême facilité ; ' la tunique extérieure ne foient très-fufceptibles d'inflammation, dès qu'ils viennent à être obftrucs par quelque caufe que ce foit ; la liqueur qui fert à les arrofer venant à manquer , la furfacc du cœur fe defféche , & étant continuellement frotée par le péricarde , il faut de toute nécefïîté qu'elle s'enflamme. De-là naît dans la membrane externe , tendue & fort fenfi- ble, une douleur qui follicite le cœur à un mouvement irrégulier & trop fort , mais qui ne fe communique pas fi aifément à la fubflance mufculeufe même , parce qu'il y a encore entre deux une fubltance celluleufe grafl^ qui la défend. Les Hbres , trop irritées par un mouvement exceffif , pâliflint & fe relâchent , jufqu'à ce que l'inflammation ayant pénétré à une trop grande profondeur , le cœur cefTe de fe mouvoir. Plus donc la quantité de grailTe eft grande dans la tunique cellulaire qui environne le cœur , & plus l'on peut foutenir l'inflammation & les progrès de la fuppuration , avant que le mouvement de cet organe foit arrêté. Mais pendant ce tems-là , il fe rafïèmble infenfîblement une plus grande quantité de pus dans le péri- carde , attendu que la tunique celluleufe , plus lâche & chargée de grait fe , en favorife beaucoup la féparation & l'amas qui en réfulte ; aufli a- t-on trouvé plufieurs fois le péricarde rempli de pus chez des perfonnes mor- tes de la même maladie inflammatoire , ainfi que nous allons le voir par les obfervations fuivantes. OBSERVATION X. EN foumettant à la diffeition le corps d'un homme vigoureux & re- plet , qui étoit mort à l'âge de $o ans , comme j'examinois les vifcè- res du thorax, je trouvai le péricarde couvert extérieurement de quantité de graiflè , & fes vaifTeaux fort gorgés de fang. Les poumons dans un état parfaitement naturel , n'avoient qu'une légère adhérence au péricarde , & n'en avoient nulle part au refle de la plèvre , qui jouiiToit de toute fa liberté. Le péricarde avoit , entre les poumons , en conféquence de l'expanfion que le pus lui donnoit f car il contenoit trois livres d'un pus blanc & li- quide ), une grandeur double de celle qui lui efl: naturelle. L'ayant ouvert, je trouvai toute fa furface intérieure couverte d'une croûte blanche , pu- rulente , tenace , & prefque membraneufe ; après l'avoir enlevée , les petits vaiflcaux de la lame intérieure du péricarde , qui étoient fort adhércns à la croûte , fe montrèrent très-remplis d'un fang rouge. Cette inflammation étoit fi grande à la bafe du péricarde jufqu'à l'endipit où il s'attache au dia- Tome II. V 154 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ,j. y.j phragme , qu'on n'y appercevoit prefque pas un feul petit point qui ne fût enflamme 1 7 < r Après la féparation de la lame intérieure du péricarde , on apperçut des ' ^ ■ fibres d'un blanc éclatant, fermes, & beaucoup plus dures & plus for- tes que n'ont coutume de l'être naturellement les fibres extérieures du pé- ricarde ■■, elles formoient cependant la membrane ou la lame externe de ce fac , de l'épaiflèur d'une demi ligne. Ces fibres fe trouvoient entrelafïëes de vaifîèaux gorgés de beaucoup de fang , dont les ramifications fort nom- breufes , alloient fe terminer vers la furface intérieure du péricarde , & que leur rougeur rendoit tous auffi vifibles que s'ils avoient été remplis d'une injeâion colorée. La graiflè qui environnoit extérieurement le péricarde de tous côtés , plus ferme & plus dure que de coutume , avoit plus de huit lignes d'épaiC. feur ; & par en-haut , vers les grands vaifîèaux où cette graifïè étoit atta- chée à l'aorte & à l'artère pulmonaire , elle avoit acquis une dureté pref- que fquirreufe , avec une épaiffeur de fix lignes , & elle étoit toute colorée par des vailîèaux d'une extrême rougeur. Le cœur même , après l'ouverture du péricarde & l'évacuation du pus li- quide , fe trouva entouré de toute part d'une croûte de pus blanc , épais , louable ôl fans mauvaife odeur , de l'épailTèur de quatre lignes. Cette croûte ayant été enlevée , il fe manifefta encore une autre couche de pus plus te- nace , fortement adhérente à la fubftance même du cœur & des grands vaifTeaux ; vers ces derniers , ainfi qu'à la bafe & à la pointe du cœur , elle étoit fort épaiffe , ayant jufqu'à quatre lignes , & étoit afïèz compade pour qu'on pût en former de petits dés. Sous cette croûte purulente , on voyoit en quelques endroits les petits faifceaux mufculeux qui fe préfentoient à nud , & dans ces endroits la furface du cœur étoit raboteufe & inégale ; fa membrane propre exté- rieure , que la fuppuration avoit rongée , y manquoit entièrement; de forte que le pus adhérant extérieurement aux fibres mufculeufes , avoit pénétré, à la faveur du tiiTù cellulaire , jufques dans leurs interltices qu'il faifoit paroî- tre blancs. Mais à la bafe du cœur & dans le trajet des vaifîèaux coronaires , auffi bien qu'autour de la pointe, il y avoit de la graiiTè tout-à-fait à décou- vert, que des vaiflèaux enflammés rendoient extrêmement rouge , fur-tout à la pointe 6c au grand bord aigu du cœur. A la fortie de l'artère pulmo- naire hors du ventricule antérieur , cette artère étoit garnie d'une iijbflance cellulaire très-dure , adhérente à fa membrane mufculeufe ; cette fubftance continue au pus qui l'environnoit , avoit un pouce d'épaiflèur & de lon- gueur , & un cercle très-rouge tout autour. Les oreilletes étoient enduites d'une très-grande quantité de pus fort épais , & les vaiflèaux enflammés leur donnoient aufli une très-grande rougeur , particulièrement à la droite qui DES SCIENCES DE BERLIN. 155 étoit confidérablement dilatée, au lieu que la gauche étoit flafque & plus pâ- « le. Les troncs des vailTèaux coronaires ctoient vuides , ik il ne diftilloit des vei- ^^'^'- ^-f-^' ncs que très-peu de fang tout-à-fait fluide , mais leurs petites ramifications ^^ ^ ^ E difperfces par toute la grailTë du cœur, étoient entièrement gorgées de '75 6". fang. Les ventricules ayant été ouverts , le gauche ne parut pas enflammé dans fa fubftance ; les fibres étoient allez naturelles , quoiqu'un peu trop pâles II n'y avoir point de fang dans fa cavité, à la réferve d'une très -petite quantité qui formoit dans la partie la plus baiTè une coagulation rouge , en- tremêlée de points blancs. Les valvules de l'orifice veineux avoient été' for- tement repoufïëes au-dedans du ventricule , par une concrétion de fang alïèz denfe , dont le finus pulmonaire étoit farci. Le ventricule droit , avec fon oreillette , étoit plein d'un fang polypeux , qui poulloit autant de branches ou de racines dans les interftices des faifceaux mufculeux du cœur , qu'il y avoit de ces interftices. La même concrétion fe continuoit depuis le ventricule jufqu'à l'artère pulmonaire , qu'elle avoit remplie au-delà des deux tiers de fa dimenfion naturelle , & fe trouvoit entremêlée par -tout d'une matière blanche; à fon centre , & dans le ven- tricule antérieur, étoit caché un corps blanc , femblable à une portion de la tunique celluleufe condenfée , ou à des fibres mufculeufes , qu'on avoit ren- dues blanches en les lavant. Ce corps, qui fe prolongcoit jufquesdans l'oreil- lete droite , y occupoit aulTi le centre de la concrétion ; mais dans l'artère pulmonaire , la matière blanche , dont nous venons de parler , l'environnoit tout Amplement. En outre , toutes les veines du corps qui fe terminent dans la cave, étoient tellement remplies d'un fang noir très-coagulé , qu'on eut dit que l'art les avoit toutes injeftées d'une matière céreufe. Cette concrétion noire étoit généralement parfemée de rayes blanches , avec des points de même cou- leur , & entièrement femblables à du pus 5 la coagulation étoit fi forte , qu|en ouvrant quelque rameau veineux , le fang y demeuroit arrêté , & qu'il ne s'en écouloit rien ; il étoit moins denfe , & en beaucoup moindre quantité , dans les veines pulmonaires. La même concrétion noire & très- denfe , entremêlée non de points , mais de fibres blanches , tenoit les veines du foie qui ramènent le fang à la veine cave , dans une telle exten- fion , qu'elles repréfentoient diftindemcnt ce tronc féparé du corps , avec tous les rameaux hépatiques. Il y avoit au contraire dans les ramificatio'ns des veines portes , un fang fi tenu & fi fluide , qu'il s'écouloit d'abord entiè- rement de chaque rameau dès qu'on l'avoit coupé. La même chofe arrivoit dans la ratte. Cependant parmi ce fang qui s'écouloit des veines portes , on voyoit nager en abondance des fibrilles minces , blanches & brunes. L'aorte étoit vuide , ainfi que fes ramifications j il n'y avoit dans ces Vij ToM, Xll. 1^6 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE dernières qu'une très-petite quantité de fang d'une extrême fluidité, qui en ium, /\ii. désouttoit en les coupant, ij^6, ExpUcatian phyfiologique. Comme il fe trouve plufieurs chofes dans cette obfervation qui fervent à faire connoître, tant la manière dont l'inflammation du cœur arrive , que les eftets qui en réfultent , & qui peuvent fervir en même tems à donner une explication phyfîologique de la divcrfc nature du fang dans les diffé- rens vaiiïéaux du corps , elle mérite affurément que nous entrions ici dans quelque détail , relativement à tous ces objets. Nous avons vu dans la première obfervation ce qui efl: confirmé par celle- ci, & le fera encore par les fuivantes ; fçavoir, que l'inflammation du cœur commence toujours par les plus petits vaiflèaux de la tunique exté- rieure & de la tunique cellulaire remplie de graifle , & que c'efl; de -là qu'elle continue à s'étendre. En eftet, il peut naître très - aifément dans les petits vaiflèaux difperfés fur ces membranes , & placés hors de la preflion mufculaire , une ftagnation de fang qui tende à la fuppuration , lorfque la liqueur arrêtée dans les vaiflèaux obftrués refufe de fe refoudre , & p&r l'aftion continuée des vaiflèaux, cette liqueur peut fe convertir finalement en pus. De-là vient que la m.embrane extérieure fe trouve rongée & dé- truite. Ce qui augmente confidérablement la quantité du pus , c'efl la multitude des vaiifeaux exhalans , qui étant rongés , verfent par kurs ouvertures dila- tées la liqueur du péricarde en plus grande abondance qu'ils ne le font na- turellement , en même tems que les Rquides les plus épais , qui fe font infen- fiblement convertis en pus , & dont les vaiflèaux ont été pareillement rongés, s'écoulent aufli dans la cavité de ce fac membraneux ; & comme la li- queur du péricarde efl d'une nature coaguable , il fe forme une croûte in- flammatoire , femblable à un cuir , que le tems peut rendre calleufe & de la plus grande ténacité , lorfqu'une forte compreflion la condenfe tou- jours davantage. Le pus acre , réforbé par la fiagnation , pafl^ du fac du péricarde , qui en efl: rempli , dans la maflè du fang ; & comme il efl déjà d'une confiftance immuable, il le falit par -tout de fibrilles & de tâches blanches, telles que la diflèftion en montre de difperfées dans tous les canaux qui fervent à porter le fang. La tunique ceiluleufe graflTe qui environne le cœur , favorife la fuppu- ration , au point que toutes les obfervations ont fait voir jufqu'à préfent , qu'il nç foutïroit lui-même cette fuppuration , à la fuite de l'inflammation & de la colleâion du pus dans le fac , que lorfqu'il étoit fort abondammeot entouré de graiflè j encore l'inflammation & la fuppuration ne pénétrent-el- DES SCIENCES DE BERLIN. 157 les pas dans fa fubftancc mufculeufe , car elles caufent la mort avant que de ^=^ ' pouvoir y parvenir. Aufli voit-on dans notre obfcrvation , que tandis que la j°^\ , fubltance mufculeufe étoit pâle , & prefque fans inflammation , la tunique ■" ^ ^' _^* cellulaire ik la furface du cœur ctoient d'une rougeur extrême. Enfin le cœur ^75^' trouve dans fon propre mouvement un remède aux oblbu(Stions inflammatoi- res, en chafTànt le fang par. les veines , de forte qu'à fon arrivée dans les artè- res il n'éprouve aucune réfîftance, & cette force augmente parla continuelle irritation du cœur , qui naît de l'inflammation & de l'âcreté du pus , ce mufcle 11 fenfible fe contradtant avec d'autant plus de force , que fes fibres font plus vivement éguillonnées ; & voilà pourquoi les rameaux difperfcs par les fibres mufculeufes étoient vuidcs, tandis que ceux de la tunique cel- lulaire externe fe trouvoient gonflés de fang. Il ell donc conllant , comme on vient de le dire , que l'inflammation ne s'empare pas des fibres mufculeufes mêmes du cœur, ce qui feroit inévita- blement fuivi de la roideur de ces fibres , & de la cefîàtion fubite du mou. vement ^ avant que cela puific arriver , la rcfiflance au mouvement s'ac- croît à un point qui termine la vie. Car le cœur irrité , fe coiitraâant avec plus de force , condenfe davantage le fang , & le pouffe auffi plus vigou- reufement dans les vaiiléaux artériels ; ceux-ci réagiflJànt à leur tour plus fortement, & déployent une aâion plus grande , pour furmorter la réfîf- tance qu'ils ont à vaincre. Leurs troncs étant irrités par l'inflainmation & toutes les branches qui en partent par la reforption d'un pus acre , le fang poufïè violemment dans les plus petites ramifications , y prend plus de conliltance ; les parties les plus fluides en font chaffées par l'évapora- tion , & le refte s'épaiffit en une madè rouge & denfe 5 ce fang porté rapide- ment des ramifications de l'aorte dans les veines , s'y arrête , s'y accumule , & fe bouche à lui-même le palïàge. De-là vient cette grande quantité de fang épais qu'on trouve dans les rameaux de la veine cave , & dans le coté droit du cœur , auflà bien que l'entière évacuation de l'aorte & de fes ra- mifications. L'artère pulmonaire , dont l'aftion efl beaucoup plus foible que celle de l'aorte , ne peut aflèz atténuer le fang pour le faire circuler dans les pou- mons ; ce liquide chaffé du ventricule droit dans l'artère pulmonaire ne fag- roit la parcourir à caufe de (on épaiffiffement ;, & la foible contraction de cette artère , fait feulement paffèr la partie la plus fluide dans les veines &; dans le ventricule poftérieur. Celui ci fe contractant fortement, en confé- quence de l'irritation, pouffe violemment le fang dans les artères, & celles- ci en font autant ; mais l'irritabilité étant augmentée par l'inflammation , le ventricule fe contrafte fpafmodiquement trop tôt , & avant que le fi- nus pulmonaire fe foit entièrem.ent vuidé ; d'où il arrive que ce qui refte . dans les veines pulmonaires s'y coagulç , la partie la plus fluide en étant IS8 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE y chaffée : & c'eft la raifon pourquoi le finus des veines pulmonaires fe remi . ^' . ' plit , & que les valvules de l'orifice veineux du ventricule eauche fe son- ■'«^^^^Hent. ^ ^ 75 ' Le fang de la veine cave étoit plus fluide que celui des veines pulmonai- res , à caule de fonpafïàge par les plus petits vaiflèaux du poumon , qui avoit été interdit à un fang plus épais. Le fang immobile dans le ventricule droit, avoit pris auffi plus de confiltance, fa partie fluide ayant été chaflee par la contradion , tandis que la partie la plus denfe demeuroit. De-là ces anxié- tés & ces fymptômes d'une refpiration embarraflëe , dans ceux qui font attaqués d'une inflammation du cœur, ce qui rend ce mal fort difficile à dit tinguer de l'inflammation des poumons , quoiqu'il foit prouvé par les observations , que la première de ces inflammations n'entraîne pas néceffài- remcnt la féconde , & que le cœur peut être dans cet état , fans que le poumon foit aucunement intéreffé. Notre obfervation répand le plus grand jour fur la nature du fang de la veine porte. En confidérant les vaiffèaux , la fituation & la ftruâure de la ratte , on voit que ce fang doit être plus fluide , plus tenu , & moins fujet à la coagulation que celui des autres veines , & que c'eft en cela que confifte l'ufage de la ratte par rapport au foie , ce qui ne laiffè aucun doute à cet égard , c'eft que le fang veineux étant coagulé dans tout le corps, nous le trouvons entièrement fluide dans la ratte & dans la veine porte. Or , que le fang fe foit réellement diflbus en paflànt par la ratte , c'eft ce que mon- trent les fibrilles blanches & noires , ainfi que le pus , trouvés dans le fang aqueux de la veine porte , aufli bien que l'entière diflblution de celui quieft contenu dans les vaifïèaux de la ratte. Le but de la nature , dans cette atté- nuation du fang de la ratte , eft de prévenir par le mélange qui s'en fait avec le fang épais qui revient des inteftins, la coagulation de ce dernier, dont on trouve encore malgré cela , des fibres qui nagent par-ci par-là dans le fang délayé de la veine porte. Enfin notre obfervation démontre de la façon la plus décifive la reforption du pus dans le fang , & l'immutabilité de fa nature , puifque nonobftant la circulation , & l'aftion la plus forte des vaifïèaux , on l'a vu mêlé & répandu dans toute la maflè des humeurs , fans qu'il y ait fouffert aucune altération. OBSERVATION XI. UN vieillard de 64 ans, aflèz robufle pour fon âge, mais qui avoit fait de grands excès de vin pendant fa vie , fe plaignoit d'angoiflès quel- ques jours avant fa mort fans aucun autre fymptôme. On lui trouva le pé- ricarde rempli de deux livres de pus blanc , & le cœur tout entier , avec îes oreilletes , couvert d'une croûte purulente & tenace de deux lignes d'é- DES SCIENCES DE BERLIN. 159 paiflcLir. Sous cette croûte , la furface du cœur étoit écorchée & enflam- 7 . vjT* mée , & je le trouvai environné partout d'une graiiïè que l'inflammation ^ \ ' ,. 1 rendoit rouge. 11 étoit pâle dans fa fubftance mufculeufe ; mais toutes fes y rr cavités étoient remplies de fang épais 6c coagulé , à la réferve du ven- ' tricule poftcrieur , qui ne contenoit qu'une petite concrétion polypeufe & blanche. OBSERVATION XII. EN dilTéquant un jeune homme de 26 ans , robufte, extrêmement gras & replet , mort fubitement fans aucune douleur précédente , & qui peu de jours après fa mort étoit dans une grande putréfaâion, je trou- vai le péricarde abondamment rempli de pus blanc, & le cœur même écor- ché par la fuppuration , & entouré de beaucoup de grailîè molle dans un état d'inflammation. La fubftance mufculeufe des deux ventricules étoit ex- trêmement relâchée & dépourvue de fang. Dans les veines le fang étoit dif- fous , mais l'aorte renfermoit une concrétion blanche & polypeufe , fem- blable à un cuir. Explication phyfîologique. Ici l'acSion augmentée du cœur & des vaiflfcaux fur le fang , qui dans un jeune homme a plus de fluidité , y avoit déjà caufé , par l'excès du frotte- ment , une dilîblution putrefaétive ; & de-là vient qu'il n'avoit pas pu fe coaguler dans les veines. Mais il paroit de plus , que le cœur trop irrité en fe contradant fpafmodiquement & au dc-là de ce qu'il a coutume de le faire , empèchoit l'évacuation complète du finus veineux gauche , ou pul- monaire , ce qui oppofe un furcroit de réfiftance au fang qui circule dans le poumon , & produit en conféquence les angoilTès dont ce mal efl: accom- pagné. Toutes les obfervations font foi , ainlî qu'on l'a déjà remarqué , que la fubltance mufculeufe du cœur ne s'enflamme point , lors même que ces enveloppes , & la tunique cellulaire viennent à être détruits par l'inflamma- tion & la fuppuration 5 au moins n'ai-je pu encore obferver aucune véri- table fuppuration , ni univerfelle , ni particulière , de la fubltance même du cœur , quoiqu'on puiflTe bien fe fuire l'idée d'une deftruction lente , qui com- menceroit par les parties intérieures. Mais ce qui paroît incroyable , c'eft que le calibre entier du canal artériel, que le cours du fang lave continuellement , puiifè s'ulcérer à fa furface in- terne , & devenir une caufe de mort ; c'elt cependant un fait dont l'obfer- vation fuivante va mettre la vérité hors de doute. i6c MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROVALE Ton. Xll. OBSERVATION XIII. Année i/'5<'- T'Ai difféqué pendant l'hiver de 1753. le cadavre d'un vieillard fexage- J naire , robulte & replet. Ayant ouvert le péricarde , pour démontrer la iîtuation & la ftrudure du coeur , je trouvai celui-ci garni de beaucoup de graiffe , parfaitement libre dans le péricarde , & vigoureux. L'intérieur des ventricules & leurs orifices , tant veineux qu'artériels , ainfi que toutes les valvules , n'ofFroient rien que de très-naturel. La membrane intérieure qui revêt toutes ces parties , étoit exaétement lifîè & polie , comme elle doit l'être ; mais ayant ouvert l'aorte , je la trouvai à un pouce de diftance de fes valvules feminulaires , & dans le refte de fon cours , jufqu'aux artères iliaques , toute ulcérée , extrêmement inégale & déchirée. Les cavités for- mées par l'exulceration dans les parois du tube artériel , étoient remplies par-tout de pus blanc , & dans les intervalles qu'elles laiiToient entr'elles , il y avoit des parties non cohérentes de la tunique nerveufe , qui flot- toient librement dans le canal. En examinant plus attentivement l'état des chofes , il me parut que la tunique nerveufe , ou interne , qui efl naturel- lement très-déliée dans l'aorte , avoit été toute détruite par voie d'exul- ceration , n'en étant refté çà & là dans leur entier , que quelques petits morceaux , qui pendoient dans la cavité du canal , & derrière lefquels le pus étoit caché. Ces petits morceaux mêmes , & la tunique nerveufe plus épaifïè , adhérente encore en quelques endroits , avoient été rendus tu- berculeux , mais il n'y avoit nulle part dans toute l'étendue de l'aorte , une matière endurcie , olîéufe ou calculeufe , comme on a coutume de l'ap- peller. En enlevant le pus , on vit de petits flocons celluleux , auxquels le pus s'étoit attaché , & les fibres mufculaires de l'aorte à nud , mais fans aucune lézion. La plus grande deftruftion de la membrane nerveufe avoit lieu dans la partie de l'arc de l'aorte , qui eft direétement oppofée à l'axe de fon orifice. Dans toute cette portion du cylindre artériel, la mem- brane nerveufe avoit été entièrem.ent ulcérée , & l'on n'en voyoit plus aucun veftige. C'eft cet endroit que le torrent du fang , chaffé par le ventricule , heurte avec le plus de force , ainfi il n'efl; pas étonnant que ce foit là où la plus grande defrruétion efl: arrivée. Elle s'eft étendue de là jufqu'à la convexité fupérieure de l'arc de l'aorte , d'où fortent les ar- tères fouclavières & carotides , dont les embouchures , qui s'ouvrent dans • l'aorte , étoient tellement rongées tout au tour par la fuppuration , qu'elles étoient devenues exadement contigues l'une à l'autre ; mais dans ces ar- tères mêmes la membrane nerveufe , qui en revêt le canal , fe trouvoit fans aucune lézion. La furface inférieure de l'arc de l'aorte , oppofée à fa con- vexité , avoit fa tunique nerveufe adhérente , quoique plus épaifïè qu'elle ne DES SCIENCES DE BERLIN. i6i ne doit l'être , & foulevéc par le pus renfermé dans la tunique cellulaire. ^^ y .* Mais enfuite là où l'arc de l'aorte commence à fe recourber vers le bas , Z,^^' . après avoir fourni la fouclavière gauche , & où le fang, qui lancé contre la ■" ^ '^ ^ *^ partie antérieure de l'arc , fe réfléchit , & va frapper de nouveau l'aorte , le ' 7 S ^« cercle de cette artère fe trouva de nouveau détruit dans toute fa furfacc in- térieure , & fa membrane nervcufe ulcérée. Cette dilacération s'étendoitd'un pouce & demi, jufqu'à ladefcente de l'aorte. Dans fa partie defcendante, on trouvoit çà & là , de petits morceaux de la membrane nerveufe encore en- tiers & adhérens. Cependant le pus répandu dans la tunique celiuleufe , l'élé- voit par- tout en pullules ; mais à la furface antérieure du cylindre de l'aorte, que le fang réfléchi de l'arc preiïè avec le plus de force, l'exulcération & la deftruûion de la membrane étoit plus grande qu'à la partie pofiérieure. De-là vient qu'à la divifîon de l'aorte dans les iliaques , l'exulcération & la fuppuration étoient un peu moindres , y ayant par intervalles de petits morceaux entiers de la membrane nerveufe , qui étoient demeurés en place, jufqu'à ce que dans les artères iliaques mêmes, la furface de cette membra- ne fe montroit de nouveau liflè & polie , & dans fon état naturel. Surpris d'un mal auflï inoui , j'aurois fort fouhaité de favoir quels étoient les fymptômes qui avoient précédé pendant le cours de la vie ■■, mais le dé- funt étoit du nombre de ces miférables dont la mort efface toute mémoire. Il avoit vécu tout feul dans une extrême pauvreté , & étoit décédé fans qu'on s'en apperçût. Je ne pus donc découvrir rien autre chofe , finon qu'il s'étoit fouvent plein d'une forte douleur au dos & au thorax. Il efl difficile de concevoir comment cette maladie a pu durer fi long-tems, & s'augmenter à un tel point, fans ôter les forces nécefTàires à la vie. On au- roit du moins une peine infinie à expliquer comment la fuppuration a pu avoir lieu , vu l'extrême rapidité du mouvement du fang chafTé par les ar- tères ; pourquoi les petites parcelles des endroits détruits de l'aorte , entraî- nées dans le courant de la circulation , n'ont ni caufé une obfiruéiion mor- telle dans les plus petits vaiiTèaux , ni arrêté dans peu le paflàge libre du fang : enfin ce qui a empêché qu'il ne fe foit fait ni rupture , ni anévrifme , dans une fi grande deftruftion de l'artère. On n'efl pas moins embarrafié à déterminer la caufe de ce maL La flruc- ture robufte du cœur fait bien voir qu'il a chafle le fang avec une grande force dans l'aorte , mais à moins que la membrane fi polie de l'artère n'ait changé auparavant tout-à-fait de nature par l'obftruftion & l'érofion des plus petits vailTèaux , on ne fauroit rendre raifon de cette dellruftion , ni par la force du fang, ni par l'acrimonie des fluides. En fuppofant au con- traire , que l'inflammation de la membrane interne de l'aorte , & fa fuppu- ration ont précédé , il eft afïèz manifefie comment le fang poufiTc par un mouvement de la plus grande vélocité contre une membrane déjà lâche & Tome II. X 1(52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE ^^ " endommagée, a achevé de la rompre & de la détruire. Le fort de cette àeC- i OM. Ail. ji.y£tion a Jq,^(. jj;, fg fgj^e dans l'endroit contre lequel le fang frappe le /INNEE pj^j violemment , & par conféquent dans cette partie de l'arc de l'aorte , ' 75 6' q^i efj- directement oppofee à l'orifice artériel du cœur, & enfuite dans celle qui eft le plus expofée à l'adion du fang rclléchi ; & tout ce qui a été rap- porté ci-deflùs confirme pleinement ces idées. C'efl pourtant toujours une choie furprenante , qu'on n'ait pu trouver dans l'aorte , ni dans fes ra- meaux , aucun veflige de la tunique lacérée , de forte qu'elle femble avoir été réduite en particules , dont la diftblution a été C grande , qu'elles ont pu pafïèr dans les veines en fe mêlant intimement au fang. OBSERVATION XIV. Sur une dilatation anévrijmale de Vaorte, UN homme d'environ 6o ans , attaqué de l'hydropifie entre cuir & chair, dite anafarque , étant mort, à l'ouverture du thorax, l'aorte pa- rut environnée d'une grande quantité de fubitance celluleufe d'une dureté confidérable , & fortement attachée aux facs de la plèvre. Le péricarde étoit auffi intimement adhérent par-tout à la furface du cœur , fans qu'il y eût le moindre intervalle libre , une toile celluleufe dure formant un lien con- tinu ; cette fubftance s'étcndoit jufqu'aux grands vailïèaux & à l'arc de l'aor te , où elle étoit fur-tout la plus adhérente ^ elle étoit accompagnée d'une grailïè épaiire qui environnoit les vailïèaux ; & à l'égard du cœur même , fa grandeur furpaflbit de beaucoup l'état naturel. Dans l'endroit où l'aorte fe montroit au-defTus de l'artère pulmonaire , elle étoit extraordinairement dilatée , & confervoit la même largeur à la par- tie fupérieure du médiaftin , jufqu'à l'endroit de fa courbure d'où elle fe continue , après avoir fourni les carotides & les fouclavières ; mais dans la partie qui reçoit le conduit artériel , elle redevenoit quatre fois plus étroite. La portion dilatée ou anévrifmale de l'arc de l'aorte , avoit une dureté à demi olïèufe j & le tubercule en particulier , qui eft au-deffus du ventricule droit du cœur dans la partie droite & inférieure de l'arc, étoit dur , carti- lagineux, & de la groiïèur d'une noifette. La fubftance ligamenteufe épaifle du péricarde entouroit ce tubercule. L'ayant diiTéqué depuis fa furface ex- térieure jufqu'à l'épaifïèur de trois lignes , il ne parut aucune fubftance mufculcufe , tout étoit prefque cartilagineux & à demi pierreux. Le tuber- cule même ayant été enfuite ouvert , fut trouvé plein d'un pus épais , ou plutôt d'une matière blanche polypeufe & fans liaifon. Il communiquoit à l'aorte par une ouverture de deux lignes , qu'entouroit à la furface interne de cette artère , une fubftance pierreufe , ou un cercle compofé de plufieurs petits morceaux recourbés en arc. I DES SCIENCES DE BERLIN, 163 Le rcfte de la partie de l'aorte qui avoit fouffert la dilatation anévrifmale , ,, , ,f étoit environne d une fubltance tres-cpaiile , connpqlee extérieurement > d'une toile cellulaire dé deux lignes & très-compafte , après laquelle venoient ^ des fibres mufculaires molles , déchirées , & réduites prefque en pus , qui ' environnoient la membrane intérieure , parfemée de petits fragmens pierreux. Cette fubflance étoit différemment conflituéc dans la partie concave d« l'arc de l'aorte. La tunique cellulaire externe y avoit à peine une demi ligne d'épaiiléur , & les fibres mufculeufes étoient plus entières. Entre celles-ci & la membrane nerveufe interne , il y avoit de petits morceaux , ou lames minces de pierre , dites vulgairement offihcations , de diverfes grandeurs , & qui excédoient un pouce en longueur. Dans le voifinage de la partie de l'aorte , tant dilatée que retrécie , la fubltance celluleufe externe étoit d'une fort grande épailTeur , mais intérieurement , fous la membrane ner- veufe , étoient pareillement cachés de petits fragmens pierreux. Le pafiàge de la partie dilatée de l'aorte à celle qui fe retrécilïbit , étoit entouré d'un cercle de libres compaéVes , celluleufes & mufculeufes , formant une efpèce de fphin£ier. Du relie , l'aorte étoit pourvue de trois valvules fcminulai- res , dont la ftruiiure étoit allez naturelle. Cependant le ventricule gau- che, ou poltérieur du cœur, étoit plus grand que le ventricule antérieur, ou droit ;& au-dedans il étoit garni d'une membrane blanche & épaillé, qui avoit été formée par l'épaifliflément du liquide exhalant qui fe répand dans la tunique cellulaire interne du cœur , par laquelle la fubltance de cet organe elt liée à la membrane qui en tapillè la cavité. J'ai encore obfervé dans le cadavre d'un autre homme fexagénaire , l'aor- \ te dilatée dans l'arc , fur-tout dans la partie de l'arc oppofée à l'orifice arté- riel ; mais le tubercule étoit large , applati , & s'élévoit d'une manière plus égale j & la partie convexe de l'aorte , étoit dilatée du côté droit , à l'ifliie de ia fouclavière droite. Vfage pathologique^ Ces obfervations font très-propres à faire connoître quelle eft l'origine & le lieu propre de l'anévrifme de l'aorte. En effet , lorfque le fang eft chaire du ventricule gauche avec une force extraordinaire , proportionnée à la vigueur de ce ventricule , il va fur-tout frapper la partie de l'aorte , qui fe dirigeant du coté droit , fe trouve direftement oj-pofée à l'axe de l'ori- fice artériel du même ventricule. Si cette partie n'oppofe pas au choc du fang une réfiftance fufïifante , obligée de céder à la preflion intérieure , elle fe laiflèra infenliblement dilater , & la tunique mufculcufe fera finalement forcée de fe rompre , tandis que la tunique cellulaire , qui remplit les in- terltices des fibres , acquérant plus de malïè, & s'endurcillànt à la furface du vaiflèau , par la preflion même , rcfifte aux progrès de la dilacération , & à la rupture tqtale de l'artère , que ta mort fuivroit de près. X ij 7 OM. XII. A N N É £ t75G. 164 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE De-là vient que les anévrifmes de l'aorte durent quelquefois affez long- tems , avant que cette rupture funefte arrive ; il fuffit pour cela que la dilata- tion fe faifant peu-à-peu , permette la régénération , ou raccroiflèment de la toile cellulaire , qui , conjointement avec les couches fanguines , qui fe col- lent à la furface interne du fac anévrifmal , augmente la force des tuniques ou la réfiftance paffive de l'artère. Il s'enfuit donc de-là que fî la violence de l'impulfion du fang l'empor- toit extrêmement fur la force de cohéfion des tuniques de l'aorte , la rupture de cette artère feroit nécefTairement très-prompte (*) & la mort auffi , puif- qu'il n'y auroit point de digue qui pût s'oppofer au débordement du fang, les couches polypeufes n'ayant pas eu le tems de fe former, ni la toille cellulaire celui de fe fortifier. Au refte , i! n'eft pas étonnant , comme nous l'avons déjà remarqué , que les anévrifmes de l'aorte foient fréquens , fur-tout dans l'endroit de fon arc direâement oppofé à l'axe de l'orifice artériel du ventricule poflérieur. Toute la force de ce venticule , en chaffant le fang, agit contre cette par- tie de l'aorte, d'où il s'enfuit qu'elle efl: celle de toutes qui s'affoiblit le plus, & que la dilatation ne peut arriver ni plus aifément , ni avec plus d'étendue dans aucune autre branche de cette artère , à caufe que c'eft l'endroit où la force des fluides furpaffe le plus la réfiftance & la vigueur des tuniques , ce qui n'a pas lieu dans les branches plus étroites de l'aorte , où , en pre- nant la proportion des tuniques , la force de celles-ci eft plus grande , & la force du fluide qui s'y trouve contenu eft moindre. D'ailleurs , tandis que I3 force entière du cœur fe confume contre cet endroit de l'aorte dilaté , qui réfifte moins , le fang n'a plus qu'une foible impulfîon dans les autres bran- ches de cette artère. Mais ce liquide agit avec tant de force contre le fac anévrifmal , & les parois du thorax du côté droit , que les côtes mêmes ne fauroient quelquer fois y réfifter , & font obligées de fe rompre , fi leur arc olTeux foutient tout l'effort de la preflîon , ou du moins font forcées à fe féparer avec vio- lence , lorfque le fac vient à être pouiïè dans leurs intervalles. C'eft ce que j'ai obfervé chez un jeune gentilhomme de 26 ans , dans lequel la fécond" côte du côté droit s'étoit écartée de la troifième ; le fac s'étant à la fin rotnpij, avoit caufé une mort fubite. OBSERVATION XV. Sur Vunion contre nature des valvules femilunaires à l'orifice de Vaorte. LA trop grande force du cœur , ou la réfiftance exceffive des vaiflièauï,, caufent aux orifices des ventricules divers accidens , dont la plupart deviennent bien-tôt des maladies. Il eft très-difficile de les connoître , ôl (*) Sur-tout û 1« fang tiouve de la difficulté à pïflet des aitèxss diuit la vsineSi I ToM. Xll. A N s É e DES SCIENCES DE BERLIN. 165 d'en juger d'une manière certaine avant la mort ; & il n'cft jamais polîîble à la médecine d'y apporter du fecours. Souvent les valvules fcmili'nr.ires de l'orifice du ventricule poftéricur , renferment des duretés pierreufes , qui _ viennent de l'épaiflilTcment du fuc qui s'exhale dans la membrane cellulaire, ''^ ^ ' & qui y croupir. Mais il eft rare que cette matière reçoive un accroiffcmcnt afTèz confidérable , pour que l'orifice en foit rétréci au point de refufer un libre palTage au fang. Le favant & exaft M. Jean-Chrijlian Thcmeln , Dofteur en Médecine , a rapporté en détail une obfcrvation rare de cette nature , avec l'hiftoire de la mort qui s'enfuivit , & les figures néceilàires pour l'intelligence du fait, dans un journal rempli d'obfervations peu com- munes & très-utiles , qu'il a publié. Je vais en ajouter une femblable , qui concerne une union contre nature des valvules de l'aorte , caufée par leur endurcilïëment, Dcfcription anatomique. Je difîèquai au mois de Février 1755. le cadavre d'un porte-faix âgé de 66 ans , dont l'épine du dos étoit toute courbée & immobile. Les ver- tèbres du cou , du dos & des lombes , s'étoient toutes réunies , de fa- çon qu'elles ne fe prètoient plus à aucun mouvement naturel. Mais les co- tes fur-tout étoient tellement liées à la colomne vertébrale , foit par leurs tètes , foit par les apophyfes tranfverfes des vertèbres , qu'elles ne jouiC- foient abfolument plus d'aucune mobilité , les ligamens tranfverfaux , tant internes qu'externes des côtes , auffi-bien que le fommet des tètes , étant devenus tout-à-fait ofleux. Ce changement fi contraire à l'état naturel , prouve d'une manière allez évidente , que celui en qui il étoit arrivé a pu refpirer & vivre long-tems , fans aucun mouvement des côtes. Mais ce qu'il y avoit de plus fingulier , c'eft que bien qu'on n'apperçût dans les vaifïèaux artériels rien de pierreux , ou d'offifié , l'orifice de l'aorte , à fa fortie du ventricule poftérieur , avoit foufFert une altération pareille , dont le cœur s'étoit confidérablement reffènti. En effet , les trois valvules fémilunaires de l'aorte s'avançoient dans l'aorte même par un bord élevé de trois lignes , fur-tout dans la partie moyenne , qui eft ordinaire- ment garnie d'un petit nœud. Leur furface inégale étoit merveilleufement hérifTee de monticules pierreux , principalement du côté tourné vers l'aor- te. La tumeur des valvules étoit caufée par une matière calculeufe , pla- cée entre leur double membrane , & qui s'élevoit en petits grains , recou- verts par-tout, tant vers le cœur que vers l'artère , de la membrane mince de la valvule , l'augmentation de leur volume , en les tenant dans un cori- taâ continuel , avoit donné occafion à la valvule poflérieure de s'unir à celle qui eft à gauche , de façon qu'elles n'en formoient plus qu'une , la droite feule étant demeurée libre, mais confidérablement groiEe par la i6(î MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE j~. vir' Tiatière calculeufe. Il n'étoit donc demeuré dans l'orifice de l'aorte , qu'une A K 'n y F °"v^'^'"^s étroite , elliptoïde , ayant à peine trois lignes dans fa plus grande ^ largeur , & de la longueur de la valvule droite , que nous avons dit avoir ' ■ conlervé fa liberté , de forte que toute l'ouverture avoit à peine la quatrième partie de fa grandeur naturelle. La fubflance mufculaire du cœur étoit forte ôc robufte , particulière- ment celle du ventricule gauche , remarquable par fon épailTèur. Mais l'orifice veineux de ce ventricule s'écartoit , auffi-bien que l'orifice arté- riel , de l'état naturel. En effet , à l'extrémité fupérieure , la fubflance de l'anneau valvuleux étoit dure , s'élevant de l'épailîèur confidérable de . trois lignes ; de forte que , par le gonflement & la coalefcence de cet an- neau valvuleux , l'orifice étoit folide , & rétréci de cinq lignes , depuis l'ex- trémité fupérieure jufques vers le milieu. Toute fa longueur , d'une extré- mité à l'autre , étoit feulement de fept lignes , quoique dans l'état naturel , & dans un coeur beaucoup moindre , elle ait coutuine d'en avoir dis, allant même dans quelques-uns à treize , & au-delà. La longueur de l'orifice veineux du ventricule droit excédoit quinze li- gnes , ou un pouce & demi de Paris , fa largeur conjuguée demeurant alors de neuf lignes & demie , mais le diamètre de l'artère étoit d'un pouce & deux lignes. De plus, une matière calculeufe avoit rempli la valvule de l'orifice veineux, de façon qu'elle étoit d'une dureté extraordinaire. Le ven- tricule droit étoit d'une fort grande largeur , ayant le double du ventri- cule gauche ; & cette dilatation l'avoit tellement affoibli , que toute l'é- pailîèur de fa fubftance mufculeufe , dans fa partie antérieure , vers la poin- te , ne palTbit pas dix lignes , tous les faifceaux mufculaires y étant grêles & applatis , au lieu que ceux du ventricule gauche étoient forts & cylindri- ques. Le finus des veines pulmonaires étoit extraordinairement mince & di- laté , mais l'aorte étoit fort robufte , polie en dedans , fans aucune lame pierreufe , de ayant le même diamètre que l'artère pulmonaire. Le cœur étoit garni par-tout à fa furface extérieure d'une quantité extraordinaire de grailTè. OBSERVATION XVI. IL y avoit dans le cœur d'une vieille femme , morte hydropique , une ré- (îftance femblable à celle dont il a été queftion dans l'obfervation pré- cédente , & qui s'oppofoit au cours du fang , à fon entrée dans le ventri- cule gauche , 8c dans l'aorte. En effet , ayant ouvert ce ventricule , au lieu de l'anneau membraneux valvulaire , qui doit environner l'orifice veineux , on voyoit s'avancer de cet orifice dans le ventricule une fubftance roide, dure ■ & charnue , immédiatement adhérente à la fubftance charnue continuée des mufcles papillaires de ce ventricule. Celle des valvules , qui eu. ordi» DES SCIENCES DE BERLIN. 167 nairement mcmbraneufe & déliée , avoit acquis par.tout l'épaifTeur d'une ... rrrr ligne & demie de pouce de Paris , & en avoit même davantage dans quel- . \ 6 ^ ques endroits ; elle ceignoit & fcrmoit fi exaftcment l'orifice , qu'il n'y ref- toit pas la plus petite ouverture latérale qui aboutit dans le cœur. Dans ' ' ^ * le ventricule , l'ouverture de l'orifice elliptique veineux , rcfiérré par cette valvule durcie & tuméfiée , avoit quatre lignes & -j^ de diamètre , fécond fœtus en partie anéanti. J"^' Il Mais ce fyllême mixte que je viens d'exposer, ni lesprécédens, ne peuvent ■" *' ^ ^" nous faire concevoir l'exiftence , ou la produ£Hon d'un monltre , qui préfente ^7 5^' des membres , ou des parties tout-à-fait étrangères à fon efpèce , comme, par exemple , notre chien monftrueux , dont la tète tient plus de celle du coq- d'inde que de celle d'un chien. Je conviens cependant que ces fortes de monftres font extrêmement rares dans l'efpèce humaine , que la plupart des Auteurs qui en parlent ont été trompés , ou par de faux rapports , ou par la reflèmblance trop légèrement imaginée de quelques traits difformes. Mais fuppofons , en attendant des obfervations plus exaftes , qu'il en a't exifté , la grande difficulté ne fera pas levée non plus par le nouveau fyfléme de quelques Phyficiens modernes , qui s'efforcent de prouver que comme les végétaux, tous les foetus préexiftans , ont déjà renfermé les races paflëes , préfentes & futures , & qu'il ne faut qu'un fimple développement pour la production fucceflive de tous les animaux ; fi l'on vouloit attribuer à la puilTànce divine ( félon le fentiment du célèbre M. \l/inJlow ) la création de certains foetus originairement monftrueux , on ne trouveroit pas une rai- fon fuffifante du delTèin que fe feroit propofé l'éternelle SagefTè. Toutes ces difficultés , & bien d'autres encore , qui obfcurcifTent fi fort la véritable origine de notre exiftence, ont porté l'illuftre M. Je Bujffbn fa) à publier il y a quelques années , un fyftème tout nouveau fur la génération & la reproduâion des animaux. Anaxagore , Philofophe grec de l'école ioni- que, lui en a fourni peut-être la première idée par fon prétendu arrangement des plus petites parties corporelles, homogènes ou fimilaires, qu'il appelle ifioituifiUi , & fur lefquelles Plutarque, Ciceron (h) & Lucrèce (c) nous don- nent quelques éclairciffèmens. Mais il paroît fur- tout lui avoir été fuggéré par l'illuftre Auteur de la Vénus Phyfique , qui, à l'occafion de fes conjeôures fur la formation du foetus , réfléchiflànt fur certains rapports , ou affinités en- tre les fubftances homogènes , qu'on voit fe rapprocher ou s'unir enfemble, comme plufieurs phénomènes de chimie le démontrent , fait à la fin cette demande : « fi cette force exifte dans la nature, n'auroit-ellc pas lieu dans » la formation des corps des animaux ? Qu'il y ait , pourfuit- il , dans chacune » des fèmences des deux fexes , des parties deftinées à former la tête , le » cœur , les entrailles , les bras , les jambes , & que ces parties aycnt » chacune un plus grand rapport d'union avec celle qui , pour la forma- » tien de l'animal, doit être fa voifine, qu'avec toute autre, le foetus fe for- » mera ; & fût-il encore mille fois plus organifé , il fe formeroit &c. » II (j) Hift. nat. tom. II. in 4». (B) Tufcul. qucfl. 4. (c) De nat. rtrum , lib, I. p. m, Î30, iTome II, A a ToM. Xll. Année i86 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVAIE ajoute à cela une obfervation très-propre à appuyer cette hypothèfe , c'efi: que dans les monjlres par excès « les parties fuperflues fe trouvent tovi- _ » jours aux mêmes endroits que les parties néceflàires : li un monflre a ^75^' jj jgy^ têtes, elles font l'une & l'autre placées fur un même col , ou fur l'u- » nion de deux vertèbres j s'il a deux corps , ils font joints de la même ma- » nière ; & les doigts furnuméraires ne fe trouvent jamais qu'à la main » ou au pied. » C'elt ce que notre favant Académicien & très-habile Ana- tomifte, M. Meckd , qui a eu occafion de fe procurer un pareil monftre, il y a quelques femaines , va montrer à l'alTemblée. Un Philofophe tel que M. de Buffon , qui tâche toujours de s'élever aux véritables caufes phyfiques des phénomènes que la nature préfente , par des expériences bien conftatées , n'a pas cru pouvoir fe difpenfer d'e- îjaminer de nouveau cette liqueur prolitique , de qui tous les animaux tiennent leur exiftence. Des obfervations très - multipliées , avec les meil- leurs microfcopes , lui ont montré les prétendus vers fpermatiques , tels que Lcwenhoech les a vus & repréfentés. Mais il a été plus loin que celui-ci , & a découvert le premier , conjointement avec fon ami , le célèbre Na- turalise M. Needham , de petits corps mouvans , tout-à-fait femblables à ceux des mâles , dans les prétendus ceufs , ou véfîcules lymphatiques de l'ovaire de toutes fortes de femelles , dans le tems de leur chaleur. Ne s'arrêtant pas là , il a retrouvé encore , non fans beaucoup d'étonnement , les mêmes corps agilTàns & mobiles , dans les infufions des femences des végétaux , fur-tout dans les amandes. Les morceaux même de viande infufés & bien préfervés de toute communication avec l'air extérieur , lui ont fait voir au microfcope , nombre de ces molécules en mouvement. Ayant enfia remarqué que l'agitation de ces petits corps étoit prefque toujours unifor- me , & n'offroit rien de fpontané dans tous ces diftérens liquides fper- rpatiques , & qu'ils y confervent leur mobilité , à une chaleur très-conlîdé- rable , comme celle de l'ébullition , il n'a pu continuer à les prendre pour de petits vers , mais il les regarde comme les premiers élémens , ou prin- cipes corporels , généralement de tous les animaux & de tous végétaux , & leur donne en conféquence le nom de mokcuLes organiques ; ces molécules organiques , efléntiellement actives & agiffantes , fervent également à la nu- trition & à la reprodudion des êtres fentans & végétans. L'illuflre Auteur paroit entendre ici par l'organifation , cette méchanique dont la nature fe îert pour modeler les élémens de la matière , non feulement par rapport à leur figure extérieure , mais auffi pour la forme intérieure , appropriée à cha- que efpèce d'animal 5 & c'eft ce qu'il appelle pajfer par le moule intérieur. Il ajoute enfin, que la reproduâion, ou la génération des animaux , s'opère par la réunion réciproque des molécules organiques des deux fexes , ren- voyées de chaque partie du corps dans un réfervoir commun , favoir les tet DES SCIENCES DE BERLIN. 187 ticules & les ovaires. Après la conception , ou le mélange des deux liqueurs ~. JTTT féminales , continue M. de Buffon, l'affimilation , ou l'établilTément local ^ ^ '., ^ w des molécules fc fait félon les loix d'affinité qui font entre les diftérentes par- ^ /-(j ties , ik qui déterminent les molécules organiques à fe placer comme elles l'étoient dans les individus qui les ont fournies ; enforte que les molécules qui proviennent de la tète , & qui doivent la former , ne peuvent , en vertu de ces loix , fe placer ailleurs , & ainfi des autres , &c. Voilà , en raccourci , le nouveau fyltème organique de M. de Bujffbn fur la génération des animaux , fylléme qui détruit les précédens , & qui me paroit propre à expliquer , en quelque manière , l'exiftence des monf- très à membres étrangers. Il faut remarquer préalableinent , que M. de Buf- fon , dans fes recherches infatigables fur les élémens organiques , les a dé- couverts même dans le jus de la viande rôtie j ils font donc inaltérables à ce degré de feu ; & par conféquent ils ne pourront être détruits par la cha- leur & par l'aâion de l'cftomac ; G donc ces molécules organiques , fpé- citices dans le fperme d'un animal, entrent dans le corps d'un animal d'une autre efpèce , & qu'elles foient portées , par la circulation , vers la ma- trice dans le tems que la conception fe fait , elles pourront facilement s'intro- duire dans le mélange féminal , & altérer la forme de quelques parties de l'embryon. C'efi: aulfi ce qui a pu arriver à la chienne mère de notre mont tre , foit qu'elle ait léché vers le tems de fon accouplement de la femencè du coq-d'inde, répandue par hazard, ou qu'elle ait avalé quelque chofed'un œuf caffé & fécondé auparavant par ce coq , &c. D'ailleurs , s'il eft permis de hazarder encore une conjeâure , en pre- nant les parties organiques de M. de Buffon , dans la femence , pour les vrais élémens des animaux , ne pourroit-on pas fuppofer , qu'il eft poffi- ble que les molécules organiques , que la tète , par exemple , ou quel- qu'autre partie fournit à la compofition du fperme , fuflcnt , par une im- preffion violente , modelées à la façon , ou d'après la figure d'un objet effrayant , lorfque l'idée en refte long-tems préfente à l'efprit , & que ces molécules organiques , moulées de cette façon étrangère , fe trouvant déjà mêlées avec les autres parties féminales , dans les réfervoirs fpermati- ques d'une femelle avant l'imprégnation , fufïènt capables d'opérer un chan- gement notable à la tète , ou à quelqu'autre partie du fœtus à naître , lorf^ que la conception arrive bien - tôt après ; & ne pourroit - on pas expli- quer, d'après cette idée , la naifTance de notre chien monftrueux ? Ce fe- roit fans doute à un effet réel de la force de l'imagination de la mère , non pas fur le foetus , mais fur les molécules organiques qu'elle fournit à fa compofition. Du refte , je n'oferois donner ceci , à beaucoup près , pour des vérités confiantes , fâchant fort bien que dans les chofes où l'on ne peut atteindre à la certitude , il faut fe contenter de la vraifemblancc. Aaij i88 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE ARTICLE XVII. TaM. XIL S!^!^ == =^^>^'^ ========!)lga Année Continuation des preuves fondées fur des expériences exacles , tiui font voit qu'il fe trouve de la terre dans l'eau dijldlée la plus pure. Par M. M A R G R A F. I, T'XAns le §. XII. du mémoire contenant des recherches fur l'eau JL^ que j'ai eu l'honneur de préfenter à l'Académie, & qui a été impri- mé dans le tome VII. de fes Mémoires , j'ai rapporté de quelle manière , par des diflillations réitérées , j'avois tiré de l'eau diftillée la plus pure , une terre , dont Borrichius a déjà fait mention dans fon traité de Hermetis & agyptiorum fapientia , fans rien dire pourtant de pofîtif su fujet de fes propriétés. Mais comme , d'un côté , je n'ai pas eu un médiocre intérêt à me procurer une connoifïànce exaâement déterminée de cette terre , & que de l'autre , divers Phyficiens paroiifent la révoquer en doute , ou veu- lent , avec Boerhaave , la déduire d'une caufe toute particulière ; cet objet m'a paru fi important, que j'ai cru devoir en recommencer l'examen tout à neuf, pour mettre la chofe entièrement hors de doute. Sans avoir deflein de don^ ner des bornes aux travaux , ou de prefcrire des régies aux opinions des grands hommes qui s'occupent des mêmes recherches , je me propofe feulement de rapporter , dans le meilleur ordre qu'il me fera poffible , ôc de foumettre au jugement de ceux qui peuvent en décider , les expériences que j'ai faites & réitérées avec la dernière exaditude , fur la matière dont il s'agit. II. Mais , avant que d'entrer dans ce détail , il me paroît nécefîaire de prévenir d'abord quelques doutes qui pourroient fe préfenter ; & pour cet effet d'expofer avant toutes chofes la manière dont j'ai procédé à la diftil- lation de l'eau dont je me fuis fervi pour mes expériences , afin d'en avoir qui fût exaûement pure. Dans le mémoire que j'ai déjà cité §. V. je rap- porte que j'avois employé pour mes expériences de l'eau de neige ou de pluie , la plus pure que l'on puifiè ramaflèr , après l'avoir feulement diftil- lée une fois , pour découvrir la terre qui fe trouvoit renfermée dans cette eau diftillée. Mais comme je conçus moi-même quelque foupçon, que dans une femblable eau, qui n'avoit été diftillée qu'une fois par la retorte , il pouvoir fort bien s'être élevé par cette diftillation quelque partie déliée d'une terre qui n'appartint pas à l'eau, & à laquelle on dût attribuer celle qui de» meuroit de cette eau après la diftillation ; j'ai pris de la même eau de pluie ou de neige , recueillie avec la plus grande attention , pour l'avoir aufE pure qu'il eft poffible ; je l'ai diftillée non-feulement une fois , mais lis. a«= DES SCIENCES DE BERLIN. 189 tfes encore, en ajoutant déplus la précaution de la diftillcr lentement jt" yff en prenant à chaque fois une retorte neuve , bien rincée auparavant avec a .' * de l'eau diliillée , avec un récipient exactement net & bien adapté , tou. _ tes les jointures étant bouchées d'une manière qui ne pcrmctioit i'introduc- ' •* tion d'aucune matière étrangère, pas rrtme de la menue pouflière qui fiotte dans l'air. Et afin que dans cette eau diltiliée Cx fois , il ne refîe rien qui puilîe encore fonder le reproche de quelque terre fubreptice , j'ai pris un grand alambic de verre contenant environ quatre quartes , avec un chapi- teau fondu enfcmble , au haut duquel il y avoir un tuyau avec un bouchon de verre poli , fort bien ajuflé au trou du tuyau mentionné , & propre pour pouvoir verfer de tems en tems de cette eau diflillee ; & j'ai encore fait £x diftillations au bain-marie, dans un récipient fonement adapté, ayant loin toutes les fois que j'avois verfé de la liqueur, de refermer exaéttment le bou- chon du tuyau , & prenant auffi toutes les précautions imaginables pen- dant que je verfois l'eau , pour empêcher qu'il ne s'y introduisit aucune pouflière de l'air. Mais comme dans une chaleur aufli tcmj.érée que l'eft celle du bain-marie, l'eau ne fauroit parvenir julqu'à bouillir, il nepourroit plus refier aucun foupçon que dans une difiillation faite aufTi doucement, il fe fût encore élevé quelque efpèce de terre étrangère qui n'appr.riint pas à l'eau. Cependant j'ai remarqué que dans ce dtgré de chaleur, tout mo- déré qu'il eft , il s'attachoit toujours quelque choie , quoiqu'en très-petite quantité, d'une matière terreftre, lur-tout aux côtés de l'alembic , où l'eau s'étoit élevée , d'où cette matière retomboit enfuite en gouttes. Tout cela étant fait, j'ai confervé dans des vaiflèaux de verre foigneulement bouchés, cette eau ainfi purifiée par treize diliillations , & je l'ai employée dans les expériences dont je vais rendre compte. III. Boerhiiave , & quelques autres ,étant dans l'idée que la terre qui refie après la difiillation de l'eau , même la plus pure , doit uniquement fon origine à la pouflière qui voltige dans un laboratoire chimique , ou même à celle qu'on voit flotter en l'air & dans les rayons du folcil ; j'ai déjà écarté cette fuppofîtion dans le §. Xll. du mémoire cité au § I. de celui-ci , & j'ai montré que la chofe ne pouvoit avoir lieu ; à quoi j'ajoute encore, que quand une femblable poufilère pourroit s'infinuer, lonqu'on ôte le récipient, on la ver- roit, quelque fubtile qu'elle pût être, furi âger su-defluî de l'eau, ou elle fe» roit fenfible par fa couleur noire ou grile , & qu'en outre elle (eroit com- buflible. Que fi au contraire , on lui attrif ue de la pélanteur , il faudroit qu'elle ie précipitât au fond de l'eau nette , & que j ar-Ià elle devint (enfible dès avant la difiillation. La terre qu'on tire de l'eau, devroit aufli avoir, toutes les fois qu'on l'examine, une aj parencc différente, luivant la nature de h pouf- £ère répandue dans l'air , qui n'eft iii ne peut être jamais la me me , vu la dif- férence des tems 5; des lieux ou l'opération fe fait. Mais comme dans le §; 190 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ^- — '- - ci-deflus cité j'ai décrit la terre qu'on tire de l'eau , comme une terre blaH- loM. Aii. ^[^g ^ ^ qijj jg Jevjent toujours davantage à chaque diftillation , l'idée que Année j^ j-g^bats achevé de tomber d'elle-même. Il n'y a perfonne qui ne pût fe 175^' délivrer de ce doute d'une manière fort iîmple, en pofant feulement un plat de verre dans un endroit où il demeurât tranquille , & en examinant au bout d'un certain tems , avec le fecours des meilleurs microfcopes , la pouffière qui s'y feroit attachée, pour la comparer avec notre terre tirée de l'eau , & enfuite les examiner toutes deux foigneufement. Je fuis perfuadé que tout obfervateur attentif, impartial , & exatt dans fes expériences , en appercevroit la différence fans aucune difficulté. Mais quel jugement qu'il en portât , je m'affure que les expériences fuivantes , que j'ai faites avec le plus haut degré d'attention & d'exaditude dont je fuis capable, achève- ront de lever toutes les incertitudes , & répandront plus de lumière fur ce fujet , qu'on n'en a eu jufqu'ici. IV. Je pris une retorte de verre neuve , contenant environ fix onces , rin- cée auparavant avec le plus grand foin & à plufieurs réprifes, avec l'eau très- pure & fouvent difUUée que j'ai décrite. A cette retorte tenoit un récipient de la même matière, fondu avec elle, & qui avoir un petit tuyau par lequel Peau pouvoit être verfée. Je fechai auparavant ce vailiëau le mieux qu'il me fut pofhble, & l'ayant pofé bien exattement , j'y vcrfai une once de mon eau diftillée très-pure , après l'avoir confidérée auparavant avec la plus grande attention j elle étoit claire & nette comme un cryftal. Je fermai en- fuite l'ouverture du tuyau avec un bouchon de verre , 6c je pris outre cela , un foin particulier de la préferver de l'introduftion de l'air. Je mis alors mon vaiffeau dans le fable, & je dillillai à une chaleur bouillante , de façon que l'eau contenue dans la retorte la débordât jufqu'à environ i ou - pouce , après quoi je laififai le tout refroidir peu-à peu , & j'obfervai que l'eau demeurée dans la retorte étoit un peu trouble. Je fis enfuite ren- trer par inverfion dans la retorte l'eau qui, pendant la diftillation, avoit pat fé dans le récipient , je la diflillai encore une fois de la manière pécedente, & je répétai cela une trentaine de fois tout de fuite ; j'obfervai qu'à chaque diltillation , quoiqu'il ne pût s'y être introduit aucune forte de pouffière , mon eau très-pure devenoit toujours plus trouble , de façon qu'à la fin elle n'avoit prefque plus de tranfparcnce ; & la poudre blanche brillante qui fe trouvoit au fond , décéloit bien diftinftement la terre qui s'en étoit fé- parée. J'aurois pouflé ce travail encore plus loin s'il ne s'étoit fait au col de mon vaiffeau , par accident , une petite fente , quoiqu'àpeu-près imper- ceptible , ce qui ne me permit pas d'aller plus loin. V. Là-deffiis , je verfai par le tuyau ouvert du récipient l'eau qui y étoit encore demeurée ; je féparai le plus délicatement qu'il me fut poffible le fonds de la retorte d'avec la partie fupérieure , je couvris le tout au mieux. DES SCIENCES DE BERLIN. 191 & le fis fécher à la chaleur du fourneau. Enfuite je péfai tout encore une .. ■ ,,.y fois , & je trouvai !c poids plutôt augmenté que diminué. Après cela , je fé- ."^,'' .. ' parai avec beaucoup de précaution la terre attachée au ventre de la rctorte, _ qui étoit vilible , ôc pouvoit nîcme être apperçue fans microfcope , & je la / •> ' trouvai parfaitement femblable à celle qui a été décrite dans le §. I. du mé- moire ci-deflus cité. Quant à la partie de la retorte fur laquelle elle s'étoit pofée , je ne la trouvai ni exfoliée , ni rongée , ni inégale , mais elle étoit unie par-tout , refïémblant parfaitement à un verre tout neuf & net. Et quoique je mifié en œuvre les meilleurs microfcopes , dont on ne fçauroit fouvent fe palTer dans des cas douteux , je ne pus rien du tout découvrir qui indiquât Vexfoliation ou la corrolîon du verre: comment cela auroit-il été pofEble, puifqu'après chaque dillillation je laiiTois parfaitement refroidir le vaifïéau avant que d'en verfer l'eau dans la retorte ? Le caillou qu'on a expofé au plus grand degré de chaleur , & enfuite jette tout-à-coup dans l'eau froi- de, comme auffi le verre ,& d'autres matières femblables , quand on les traite de cette manière , ne fauroient être allégués ici en preuve. Ainlî il pa- i;oit clairement par cette expérience , que ni la pouffière répandue dans l'air, ni celle qui fe manifefle aux rayons du foleil , & qui efl la même , non plus que l'exfoliatiou ou l'éroCon du verre , n'entrent pour rien dans la pro- duâion de la terre féparée de l'eau diftillce la plus pure. Je ne vois pas d'ailleurs comment quelque chofe d'auffi doux que de l'eau bien nette pourroit ronger le verre dans lequel elle bout , d'autant plus que j'ai d'au> très verres & retortes de la même fabrique, & précifémcnt du même verre qye ceux qui ont fervi à mes expériences , dans lefquels je conferve déjà depuis dix ans de l'eTprit de fel , qu'on fait être extrêmement nuifible au mauvais verre, comme auffi d'atitres efprits acides, tant concentrés que non concentrés, fans avoir jamais remarqué dans ces verres la moindre ex- foliation , érofion , ou autre deftruâion quelconque. Comment les Chi- miftes fe tireroient-ils d'affaire, & que pourroient- ils employer qui fut à l'abri du foupçon , s'ils n'avoieni aucuns vaiflèaux folides qui fullènt exempts de l'aâion des corps qu'ils y traitent ? Sans contredit les inflru- mens , ou vaiffeaux de terre , quand même ce feroit de la porcelaine , font beaucoup plus fufpeds , comme l'exiérience m'en a convaincu. Et quel eft celui qui , voulant travailler avec propreté, ira choifir des vailieaux de mé- tal préférablement aux vailïeaux de verre ? Ceux qu'on pourroit faire d'or pur, ou de l'argent le plus fin , fcroient trop rares , & même trop incommo- des ; & tous les autres pour lefquels on employeroit le relie des métaux , ne conviendroient point à des ouvrages qui exigent la plus grande netteté , parce que ces métaux s'altèrent & fe détruifent aifément. . VI. Avant que d'aller plus loin dans le récit de-; expériences que j'ai faites pour parvenir à la certitude , au fujet de la terre qui exiftc dans l'eau diftil- i9î MÉMOIRES DE VACADÉMIE RÙVAIE * — lée la plus pure , & qu'on peut en féparer , j'eftime néceffaire de rapporter loM. Xll. gj^(.Qjg mjg circonftance particulière , qu'il elt d'une extrême importance Année ^^q^ç^^^^,^ Ja„s ^e travail , quand on veut tirer la terre de l'eau ; c'eft que ^75^' pendant la diltillation , il faut entretenir continuellement l'eau que la re- torte contient, dans une forte chaleur. On trouvera que par ce moyen , il fe fépare toutes les fois plus de terre de l'eau , que quand la diftillation fe fait lentement & à petit feu. Dans cette vue , pour obtenir une quantité de cette terre pour mes rcchercnes , j'ai pris fix quartes de mon eau diftil- lée treize fois , & les ayant miles dans une retorte exactement nettoyée , à la- quelle étoit adapté un récipient auffi des plus nets, & toutes les ouvertures étant auparavant bien bouchées , j'ai fait diltiller cette eau au moyen d'une coupelle de fable , au degré de feu le plus violent , jufqu'à ce qu'il en foit refté environ fix onces dans la retorte ; après quoi j'ai laiffé bien refroidir le vailFeau ; j'y ai verfé de nouveau l'eau qui avoit diftillé par-deffus , j'ai bouché au mieux les jointures du récipient adapté , j'ai recommencé la diftillation de la manière précédente , & je l'ai répétée jufqu'à 40 fois ; mais j'ai éprouvé que plus je continuois ce travail à une forte chaleur , plus il fe féparoit de parties de terre de cette eau , laquelle devenoit toujours plus trouble 5 & de cette manière j'obtins à la fin autant de cette terre féparée de l'eau diftillée la plus pure , qu'il m'en falloit pour toutes les recherches dont je vais parler tout à l'heure. Une chofe qui doit encore être particuliè- rement remarquée ici , c'eft que cette vapeur qui s'élève de la retorte , & s'attache au cou du récipient, eft une terre qui ne diffère abfolument en riea de la terre qui fe fépare de l'eau ; & le verre auquel cette vapeur s'attache, n'en devient pas plus inégal : il conierve toujours fon poli , tout comme le fond de la retorte dont il a été parlé dans le §. précédent, de forte qu'on ne fau- roit foupçonner ici aucune exfoliation du verre. Outre cela , on doit encore remarquer comme quelque chofe de très-fingulier , que plus fouvent une femblable eau eft diftillée , & plus l'opération devient difficile , fur-tout à la fin , quand une partie de la liqueur a diftillé ; car alors le refte demande un degré de feu très-violent , & fupérieur à celui qu'exige toute autre eau. VII. J'ai auffi elTayé d'employer la chaleur du foleil pour féparer cette terre de l'eau qui la contient. Pour cet effet , j'ai pris 1 6 onces de mon eau diftillée pure ; je les ai verfées dans une taflè de verre net , que j'ai placée dans une autre taflè plus grande , couvrant le tout d'une cloche de verre ; j'ai bouché les fentes avec le plus grand foin pour empêcher la pouffière de s'y infinuer ^ & ayant expofé le tout à la chaleur du foleil , pendant le cours de l'été de cette année , dont la chaleur exceffive me venoit fort à propos , après que l'eau a été entièrement évaporée de la taflè de verre , j'ai eu la fatisfaâion de trouver fur cette tafTe la terre féparée de l'eau , de la ma- »ière la plus diftindte. ^ VIII. l DES SCIENCES DE BERLIN. 193 VIII. Enfin , j'ai auffi tenté fi je ne pourrois point venir à bout de fépa- yjf ter cette terre de l'eau la plus pure , fans employer la chaleur du feu , ni a°^''. j. ' du foleil , en me bornant à lui donner une agitation continuelle. Dans ce def- ^ fein , je pris un verre neuf, net, & bien rincé avec de l'eau fufdite; ce vaif- ' •* * feau avoir un col étroit, afin qu'on pût le bien boucher. J'y verfai douze on- ces de cette eau très-pure , je fermai l'ouverture avec un bouchon , le mieux qu'il me fut pofïîble, je le recouvris d'une veffie , je trempai le col dans de la poix chaude , j'enveloppai le verre d'un papier épais , je le mis dans une petite boëte étroite de bois , que je pouvois vifïér de façon que le verre n'y pouvoir point du tout vaciller ; je viifài très-exaftement la boëte , je la mis encore dans un fac de toile qui s'y ajuftoit parfaitement , & j'attachai forte- ment ce paquet à une grande roue de nos moulins , où je le laiiTài tourner pendant huit femaines. Mais l'ayant ouvert enfuite , je trouvai l'eau renfer- mée dans le verre encore nette & claire , fans le moindre changement j de forte qu'on ne peut fe promettre de rien efFcâuer par cette efpèce de mou- vement. IX. Cela ne me rebuta pourtant pas d'employer encore un monvcment d'une efpèce différente fur notre eau , pour voir s'il n'en réfulteroit rien qui pût convenir à mon but. Boerliaave raconte , dans fes eifais fur le vif argent, que ce corps fi fluide, après avoir été foigneufement purifié, lorfqu'on l'at- tache enfuite au pilon d'un moulin à foulon , par le mouvement continue! qu'il y éprouve , dépofc à la fin une quantité de pouffière noire. Tout chi- mifte qui a jamais traité le mercure , en lui imprimant un mouvement de fecoufïè, doute auffi peu de ce fait , que de ce qui arrive au mercure , lorf- qu'en lui faifant effuyer une forte digeftion il dépofe une pouffière rouge. J'ai donc voulu foumettre à une femblable expérience mon eau diftillée , j'en ai verfé deux onces dans un verre haut de dix pouces , & large d'un & demi à deux environ , lequel étoit fermé en haut par un bouchon de verre bien poli qui s'ajuftoit exaâement. Ayant donc pofé ce bouchon, je fis fecouer continuellement le vafe par un homme , qui le faifoit aller fans ceflè de haut en bas & de bas en haut. Ce mouvement ayant été continué huit jours , je remarquai du changement dans mon eau ; favoir , qu'elle n'étoit plus auffi claire , mais qu'elle étoit devenue plus trouble ; furquoi ayant fait encore durer ce mouvement huit autres jours , l'eau devint effeftivement encore plus trouble , & je pouvois auffi , fur-tout quand je le regardois au foleil , y voir diftinftemcnt les particules terreltres féparées , déliées & brillantes qui flottoient dans l'eau. C'en fut aflez cette fois-là pour me convaincre que ces particules peuvent auffi être féparées de l'eau , fans cha- leur extérieure , ni diftillaiion , quoiqu'en beaucoup moindre quantité. Mais quand on emploie , comme je l'ai fait enfuite , les fecours d'une chaleur modérée , cette féparation s'efFeâue encore plutôt , & on peut en même Tome II. Bb 194 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE rp ^ïy tems remarquer très-diftinâement au verre , où les gouttes élevées par la . ' ^ ' chaleur font montées , & d'où enfuite elles retombent , une vraie terre qui _ s'y eft attachée , après avoir été féparée de l'eau. '^' X. A préfent je vais plus loin, & je paffe aux expériences que j'ai faites fur cette terre. Je pris donc de la terre , recueillie de la manière fufdite , de no- tre eau diftillée premièrement fept fois , & enfuite fix autres encore au bain-marie ; elle paroiflbit blanche & brillante, & d'une extrême légèreté ^ i'ea-prh , dis-je, quatre grains, & les mis dans un petit têt ■■, je mis enfuite dpns un autre têt femblable , autant de grains de verre réduit en poudre très- Êne ; je plaçai l'un & l'autre fous une mouffle ardente , dans un fourneau d'épreuve. Ce feu ayant duré une heure , je trouvai après le refroidilléments, que ma terre féparée de l'eau ne s'étoit pas fondue à ce degré de feu; tan- dis qu'au contraire , le verre pilé contenu dans l'autre têt , étoit dans une entière fulîon. La terre féparée de l'eau , à caufe de quelques parties hu- mides qui s'y trouvoient encore , parce qu'une terre auffi légère ne fauroit fe deffécher parfaitement à une chaleur douce , cette terre , dis-je , avoit perdu quelque chofe de fon poids, mais d'ailleurs , quant à la couleur & aux autres apparences , il n'y étoit arrivé aucun changement; elle avoit toujours entiè- rement l'air d'une terre crue & non calcinée. Au contraire , quatre grains de cette terre dans un creufet couvert & lutté , à un feu de fufion long-tems continué , s'étoient fondus , mais non pas comme du verre ; c'étoit plutôt une maffe d'un jaune grisâtre , qui s'étoit totalement afFaiffée , & par con- fëquent fondue en quelque façon ; ce qui arrive fouvent à un feu très-vio- knt , fur-tout aux terres compofées; mais cela ne prouve point du tout que cette terre ait été produite du verre. XI. Outre cela je pris dix grains de cette terre blanche & légère tirée de l'eau ; je verfai dellùs une bonne quantité d'acide nitreux , de façon que ma tert'e entra dans une forte efirervefcence avec cet acide , & qu'une bonne partie fut même mife en folution. Je fis la décantation de ce qui avoit été dilTbus , ôi verfai fur ce qui reftoit encore plus d'acide nitreux ; puis je fis digérer ce mixte , afin d'en tirer de cette manière tout ce qui étoit folubie» Je filtrai enfuite , & j'édulcorai la matière le mieux qu'il me fut poffible avec de l'eau chaude diftillée la plus pure ; finalement , je fis fécher par- faitement la terre reftée fur le filtre , puis je la pefai, & je trouvai fon poids diminué de la moitié. Cette terre n'entroit plus en effervefcence avec les aci^ des ; mais elle étoit pourtant encore légère & brillante. Je la rais dans un creufet à fondre bien lutté, au feu de fufion le plus violent pendant plufieurs heures ; mais après le refroidiflèment, je ne trouvai aucun changement , bien. moins encore aucune fufion , quoiqu'auparavant , tant que la terre fo- luble dans les acides s'y trouvoit encore , elle fe fût en quelque façon fou?- due à un feu de cette force. 1 OM. Xll. DES SCIENCES D E B E R L I N. 19; Xn. Je divifai la folution filtrée du §. précédent en deux parties. J'en mê- lai une avec de l'acide vitriolique , & j'obtins par-là un précipité félénitique \"''' ^/'* réel. Je mêlai l'autre moitié avec de la folution de fel de tartre ; ce qui ^ donna un précipité blanchâtre , tirant un peu fur le rougeâtre , qui après ' * l'édulcoration & le deiTéchement , fe légitima pour être à tous égards une vraie terre calcaire. Je pris auffi de la terre qui étoit reftée dans le filtre, & qui n'étoit ni foluble avec les acides , ni fufible par elle-même au feu ; j'en mêlai deux parties avec une partie du fel de tartre le plus pur ; je mis ce mélange dans un creufet , que je couvris d'un autre, en le luttant bien j j'expofai erifuite le creufet à un violent feu de fufion; après quoi l'ayant laiflè refroidir , puis caffë , je trouvai ma terre changée en un verre clair. Je me bornerai pour cette fois à l'expoCtion de ce qui concerne la terre qu'on peut tirer de l'eau la plus pure. Si , avec le tems , je parviens à faire de nouvelles découvertes , je ne manquerai pas d'en faire un rapport con- venable. Sa^ _ >i<;$j!!g= = i^ ARTICLE XVIII. Dijfertatîon fur les fleurs de l'Afler Montanus , ou Pyrenaïque , précoce , i fleurs bleues, & à feuilles de faule , empreintes fur Vardoife. Par M. L E H M A N N. Traduit du Latin. I. T A nature fe joue en mille manières , & produit des milliers de formes J I & de figures différentes , non-feulement fur la furface de la terre , mais encore dans les lieux & les fouterrains les plus profonds ; c'eft ce que ne fauroient nier ceux qui ont la moindre teinture de l'hiftoire naturelle. Je paflè fous filence pour le préfent tant d'efpèces de pierres précieufes , de métaux & de minéraux , & ce nombre innombrable de toutes fortes de pierres , de terrés , de fels, &c. Si je voulois entrer à cet égard dans quel- que détail , cela donneroit beaucoup trop d'étendue à ce mémoire. Mais ce que j'admire particulièrement , c'eft cette efpèce de pafTage des végétaux & des animaux au règne minéral ; paffage où règne tant d'art, & dont nous avons une foule d'exemples fi manifeftes , qu'ils doivent fuffire pour con- vaincre tous ceux qui ne font pas guidés par un efprit de contradiâion , & qui ne fe plaifent pas à combattre la vérité les yeux fermés , à la façon des anciens Andabates. On peut appellerici en témoignage tant de coquillages pétrifiés, & néanmoins couverts encore de leur coquille naturelle, auffibien que les os & les bois faas nombre qui ont éprouvé le même état de pétrifica- Bbij ï9<5 MÉM0IRE9 DE UACADÈMIE ROYALE \t — ,,.. tion , & qui dépofent hautement en faveur de la vérité de cette étonnante ÀOM. A . métamorphofe. Pour ne pas garder cependant un filence entier fur ces phe- ANNEE ^Qj^é„g5 ^ jg remarquerai qu'on ne doit pas être fi furpris de voir des coquil- ^75°' jages fg revêtir d'une forme pierreufe, que de ce qui arrive à des corps plus mous, plus tendres & mucilagineux, tels que font les végétaux , qui dépouil- lent fouvent ces qualités fous terre , pour prendre la plus grande dureté des pierres. En effet , les teftacées , avant que de fubir ce changement , contenoient déjà une terre calcaire , & fe trouvoient par-là dans une plus grande proximité du règne minéral ; au lieu qu'il en eit tout autrement des végétaux. Cependant , puifque l'expérience journalière nous apprend que la chofe arrive , & que tant de coUedions faites par les plus favans hom- mes , en mettent fous nos yeux des exemples fi frappans , nous regardons le fait comme inconteflable , bien que nous ne puiffions encore découvrir de quelle manière la nature opère ce changement. Tous ceux qui rapportent les difFérens exemples dont nous venons de parler, à de fimples jenx de la na- ture , font dans l'erreur, & les idées qu'ils font réduits à fe faire fur l'origine de ces produirions , manquent de toute vraifemblance. II. Cependant les végétaux qu'on trouve dans les lieux fouterrains , dif- férent de plufieurs manières entr'eux ^ les uns font devenus totalement pier- reux , les autres feulement en partie. C'eft ainfi , par exemple , que dans ma petite colleûion , je conferve un lithantrace , ou charbon de terre véritable , qui n'eft lithantrace qu'en partie , & qui en partie a conferve fon ancienne nature ligneufe , de façon que le couteau y peut entrer : ce morceau a été trouvé près de Drefde. Quoique de pareils cas fe préfentent rarement, ils ne laiffènt pas de fuffire pour prouver la vérité dont il s'agit. Une quantité innombrable de morceaux de bois , principalement de chêne , ont été chan- gés en minière de fer ; fur-tout à Orbifau en Bohême , où l'on a trouvé en abondance de ce bois pétrifié , & même des arbres entiers , dont on s'eft fervi pendant plufieurs années avec profit , en les fondant avec les autres •minières de fer , pour en tirer ce métal. Je ne m'arrête pas aux bois chan- gés en agathe. Il y a encore une troifième forte de végétaux qu'on peut trouver dans les minéraux, où ils font imprimés & exprimés. C'eft à quoi il faut rapporter tant de dentrites dont on trouve l'empreinte non-feulement fur des ardoifes, mais encore fur des pierres cornues , des cailloux , des agathes , & même fur des grenades , principalement fur les orientales. On peut alléguer à ce fu- jet en témoignage tant d'efpèces d'herbes , qu'on voit peintes , fur-tout fur l'ardoife ; par exemple , la fougère , le capillaire , le polypode , l'hépatique ^ le glayeul , la prêle, ou queue de cheval , l'herbe des morets noirs & rou- ges , &c. dont les curieux gardent une infinité d'exemples dans leurs cabi- nets , de façon que perfonne ne conferve plus aucun doute au fujet de ces plantes. DES SCIENCES DE BERLIN, 197 Mais je ne me rappelle pas qu'il y ait beaucoup de naturaliftes qui ayent r:-;; — ^r parlé de fleurs imprimées fur des pierres , ou plutôt je n'en fâche aucun ; ^ .' r é- tandis que pluficurs au contraire fouticnnent qu'on trouve bien des plantes ' " ^ empreintes, mais jamais des fleurs. C'eft ainfi, par exemple , que le célc- ' bre Hinchd , qui s'eft rendu immortel dans la minéralogie, dit à la page 545. de fa Flora faturn'qans ; « parcourez tous les cabinets & toutes les collec- -» lions de curiofités naturelles , & dites-moi fi vous y trouverez rien dans » ce genre , outre la queue de cheval, la fougère, le polypode, les morets, » le glayeul , les deux fortes d'hépatiques , & d'autres plantes fembla- ,» blés , d'une nature féche & dure. » Un peu plus bas il ajoute : « s'il faut » regarder toutes ces empreintes comme des jeux de la nature , pourquoi » ne trouvons-nous pas auflî des fleurs de rofe , des calices de tulipe , &c. » pourquoi la nature ne s'eft-elle pas propofée de travailler à l'imitation » des fleurs les plus élégantes ? » WalUrius parle dans fa mincralogU , de pierres où l'on trouve des figures de tiges , de feuilles , de fruits ; mais il garde un profond filence furies fleurs. On n'en trouve non plus aucune men- .tion dans Scheuchier , ni dans Bultner. Le premier , à la vérité , dans fon her. bar. diluv. tab. III. f. 3. rapporte d'après le litophytac. britann. ichno- graph. de Luidius, la figure d'une fleur qu'il prend pour le gratteron à feuilles épaiflfès , ou pour l'alyflè , ou pour le miagre ; mais j'avoue ingénuement , qu'après avoir attentivement examiné cette figure , je n'y ai trouvé aucune reflèmblance avec les plantes fufdites. On diroit plutôt que c'eft la queue de cheval ; car au milieu manque le rond où les étamines doivent être placées. Je n'ai remarqué non plus aucunes découpures aux pétales de ces fleurs , quoiqu'il dût s'y en trouver , fi ç'avoient été les efpèces indiquées. Ainfî on ne fauroit alléguer ces figures à bon droit pour des figures de fleurs. Le célèbre M. de JuJJieu , dans l'hiftoire de l'Académie des Sciences de Paris de 1718. & dans un mémoire de la même année , fur des empreintes de plantes dans les pierres , rapporte pluCeurs plantes imprimées fur l'ardoife , fur-tout d'en- tre celles qu'on tire de la mine de charbon de pierre qui eft près de Chau- mont 5 mais il ne dit pas un mot d'empreintes de fleurs. Suei/enèorg dans fon traité fur le cuivre & le léton, a fait graver, page 168, plufieurs figures de plantes empreintes fur l'ardoife; mais ni lui , ni aucun autre Auteur de miné- ralogie , ne paroiflent avoir la moindre connoiflànce des fleurs. J'ai donc def- fein de communiquer ici au monde favant l'hiftoire d'une fleur empreinte fur une ardoife noire , non pour acquérir par-là une vaine gloire , mais pour fournir occafion à d'autres d'examiner la chofe plus attentivement & les ex. .citer , s'ils font quelque découverte plus importante , à ne pas l'envier au public. III. Il y a quelques femaines qu'en vifitant les -mines dont l'infpeélion m'a ite confiée , je parcourus la conuée ""^ 1"*^ '^o"^ ces lits y ont été tranfportés d'ailleurs ; en un mot, que , _ , g. leur arrangement efl: poftérieur à la création du monde. L'obfervation fui- vante fortitie mon fentiment. En confidérant que les collines & les totaux où ces lits font renfermes , depuis le village de Sachfwcrjïn qui efl: plus bas , vont toujours en montant , & cela pendant l'efpace d'un mille , en fui- vant la pente de la montagne , qui va fe réunir aux montagnes les plus éle- vées de la forêt du Hartz qui y font adjacentes ; j'ai d'abord mefuré cette pente , qui donne une hypothénufe des iiooo pieds ci-deflus mentionnés j & la profondeur des lits étant égale à 205 i toiles & à 4 pouces, ou à 1449- pieds & 7 pouces , ce qui fait l'autre côté du triangle ; il en réfulte que la bafe eit égale à i ~ mille d'Allemagne. Cela étant préfuppofé , il eft très- évident que tous les lits dont on a donné l'énumération , font tombés ori- ginairement des hautes montagnes de la forêt voifine, & que divers accidens les ont enfuite augmentés & accumulés. Il y a environ un an & demi que j'ai donné au public une explication plus complette de l'origine des veines horifontales , dans un effai hiftorique fur cette matière j ainfi je me borne pour le préfent , afin de ne pas donner trop d'étendue à ce mémoire , à rechercher l'origine de ces fleurs empreintes fur l'ardoife. VII. Quoique l'obfervation de femblables empreintes foit affèz rare , elle n'a rien pourtant par elle-même qui doive caufer une trop grande furprife. Le feul Auteur qui ait fait mention d'une fleur femblable à la nôtre , efl M. Volchmann , dans fa Silcjïe foutcrraine , p. I. c. IV. §. 38. p. 1 13. tab.- XV. fig. 5. Il rapporte qu'auprès de LaJJlg en Siléfîe, parmi d'autres figu- res d'herbes empreintes fur une ardoife couleur d'orange , on en trouva- une qu'il appelle Ajler angujlifolius , vcl pyrenaïcus prœcox , fiore cceruko majori Horti regii parifini, & Morijfon, Hort. Bleff. Mais cette ardoife avoit été rencontrée prefqu'à la furface de la terre j & cette contrée monîagneufe étant toute couverte de fleurs de cette efpèce , il n'efl; point du tout furpre- nant , & c'eft une chofe très-facile , que dans des terrrs peu éloignés , il y en ait eu quelqu'une que le hazard ait imprimée fur une terre martiale argil- leufe , fans. compter qu'on n'en a trouvé qu'une feule. Mais d'où peut venir l'abondance de cts fleurs dont nous avons rencontré les empreintes à une fi grande profondeur , puifqu'il n'y a que les montagnes des environs qui en produifent ? Nous ne voyons ici que deux fuppofîtions à faire ; car nous ne comptons pour rien une troifîème, qui confille à recourir aux jeux de la nature ; on eft en droit de la regarder comme l'azile de l'ignorance , tant que les faits font encore explicables par des caufes naturelles. Le premier cas qu'on peut donc fuppofer , c'eft celui d'une inondation qui aura été répan- due autour à'ihlcfdd & des montagnes de la forêt voifine. Le fécond fe- roit celui de l'afFaiffement de ce même diftrift. Quand on parle d'inondations I LES SCIENCES DE BERLIN. ïoj il ne faut pas d'abord penfer à un déluge univerfel , tel que celui qui eft ~, ^T rapporté dans l'Ecriturc-faintc , dont toute la face de l'univers ait été cou- a .' ^ ' verte ; car il peut arriver des inondations particulières , & l'expérience le ^ ^ ^ prouve tous les jours. Les nues fur-tout qui crèvent, ne font pas rares ''^ * dans ces contrées , où l'on voit de fort hautes montagnes. L'immenfe quan- tité d'eau que le ciel y verfe dans ces occafions, arrache les arbres , entraîne la terre & les plantes du fommet des montagnes dans les vallées qui font au-deflbus , de façon que les rochers demeurent tout nuds. On en rencon- tre beaucoup qui font ainfi dépouillés dans le voifinage de cette mine de charbon de pierre , entre lefquels les plus remarquables font le Nadelohr & le Ganfcfchnahcl , fur lefquels Bchrcns a fait plufieurs remarques dans fa Hercyniti curiofa , p. 1 1 6. & 118. Dans des tems plus récens & poftérieurs à Behrens , une femblable rupture des nuées a encore changé l'état de deux autres rochers en dépouillant leurs fommcts ; & à caufe de la reflèmblance de leurs figures , on les a nommés le Moine ù la Nonne. Tous ces amas de terre , de pierres , de cailloux , ont infenfiblcment haufle ces vallées , & pro. duit des collines & des coteaux. J'eltime donc que nos ardoifes font nées de la première cataraâe femblable des nues, qui a entraîné les plantes & les fleurs dont on trouve l'empreinte fur ces ardoifes. Dans la fuite des tems , les pluies qui font furvenues , ne trouvant plus de terre à emporter , ont amolli les pierres les plus dures , le fable & même la terre argilleufe & cal- caire , & ont entraîné tout cela dans les vallées. De-là , plus les lits dont Eous avons parlé font placés vers le haut, plus ils font durs, mêlés & corn- pofés. Ce que nous voyons encore arriver tous les jours dans ces contrées, confirme mon fentiment. Les pluies détachent prefque annuellement de ces montagnes, & fur-tout de ces rochers mis à nud , des pièces d'un poids énor- me , qui monte aflcz fouvent jufqu'à une centaine de quintaux ; les pluies , dis-je , entraînent ces maflès & les font rouler jufqu'au fond des vallées. Faut- il donc s'étonner , fi de pareilles chofes arrivant depuis plufieurs milliers d'années , il fc trouve à la fin des collines & des coteaux, là où exiftoient auparavant des vallées? Mais je bleflèrois la vérité , fi je voulois attribuer le phénomène en queftion à cette feule caufe ; l'aftaillèment des terres y en- tre auffi pour beaucoup. Il ne fuflit pas de l'avancer , il faut le prouver. En obfervant attentivement la fituation de cette contrée , j'ai remarqué qu'il y avoir tout à l'entour plufieurs étangs & marais , dont il a été impof- Cble jufqu'à préfent , aux obfcrvateurs les plus curieux , de trouver le fonds. C'eft ainfi , par exemple , qu'alTez près de notre mine de charbon de terre , fe trouve l'étang dont Behrens a fait mention , loc. cit. p. 91. fous le nom de Tiintf-dfic/i. De pareils affailTcmcns de terre fe préfentent en plufieurs en- droits , & prefque tous les jours il en arrive de nouveaux dont la caufe eft- kien évidente. En effet, on rencontre fous terre , comme je l'ai rapporté 3U: 2o5 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE T V/T ^' ^^* ""^ pierre calcaire , & au-deflbus de l'alabaftrite. Ces deux fortes J OM. . j^ matières font amollies , & comme fondues par l'eau qui eft cachée deC- *'' ^ fous. Il faut remarquer que dans les lieux qui vont en pente , les eaux cou- ^75^' jgnt continuellement fuivant le cours de cette pente ; mais dans les plaines l'équilibre les rend croupiflàntes ; ce qui produit à la longue l'entière folu- tion de l'alabaftrite & de la pierre de chaux , qui eft fuivie du bouleverfe- ment total ; Sic coUapfa ruunt fubditls culmina fulcrls. Je ne prétens point que perfonne m'en croie fur ma fimple parole ; il y a des preuves de fait à portée , & toutes récentes. La curiofité me fît en- trer , il y a environ fîx ans , dans la caverne qu'on nomme le Ziegen-loch , & que M. Behrens a décrite , loc. cit. p. 82. Alors l'entrée de cette caverne étoit afïëz ouverte , de façon que j'y trouvai un accès libre. Deux ans après, cherchant la même ouverture , ce ne fut qu'avec une peine infinie , & mê- me avec un extrême péril , que je la trouvai ; mais y ayant enfin réuffi , quel changement ne remarquai-je pas dans cette caverne ? Tout y étoit rem- pli d'eau , on ne rencontroit point de fonds , en un mot il n'y avoit plus que l'entrée qui fût demeurée acceffible. Surpris que l'eau ne s'écoulât pas pac cette entrée , je foupçonnai qu'il y avoit quelque canal caché qui fervoit à fon écoulement , fuivant les loix de l'équilibre hydroftatique. Pour m'en afTurer , je fis répandre une grande quantité de paille fur cette eau , & ayant bien obfervé la pente des lits de la montagne , je trouvai , au bouÉ de deux jours , à un mille & demi de-là , de l'eau qui fortoit de la monta- gne, entraînant cette paille avec foi. Les chofes étant ainfi , & non-feule- ment les collines , mais aufG les plaines de ces contrées étant remplies d'alabaftrite & de pierre calcaire , on n'a aucun lieu de s'étonner, fî je crois que la terre a pu s'afFaifTer dans la plaine avec les plantes & les fleurs , lorfque ces foutiens de pierre ont été ôtés & délayés. On ne doit pas être plus furpris de ce qu'au bout d'un long efpace de tems , ces marais & ces étangs s'étant defTéchés , on trouve au fond d'un abîme des veltiges d'herbes & de fleurs , dont la terre des contrées depuis fubmergées avoit été au- trefois ornée & revêtue. VIII. Ceci me paroît fulEfant pour rendre raifon de la figure de VAJler pyrenaïcus , à fleurs bleues & à feuilles de faule , trouvé à une fî grande profondeur , & pour expliquer leur origine. Il ne me refte , en fînifïànt ce mémoire , qu'à placer ici un petit nombre de théfes qui concernent le fujet que je viens d'y traiter. 1°. Nos empreintes de fleurs ne doivent point être regardées comme des jeux de la nature. 2°, Ces fleurs imprimées par hazard font la preuve de quelque révo- DES SCIENCES DE BERLIN. 207 lution , qui a fait defcendre dans ces lieux profonds ce qui étoit auparavant -r yjf placé au fommet des plus hautes montagnes. Année 3". L'accident qui a caufé cette révolution peut être expliqué , ou par l'inondation de la contrée , ou par l'afFaiiTcment de la terre ^ d'autant plus 7 i ' que quelquefois ( ce que j'avois oublié de dire ) , on trouve en même tems des morceaux de bois changés en agathe. Cela eft à la vérité affëz rare ; ce- pendant j'en poflède une pièce trouvée dans cet endroit , où l'on peut fort bien diltinguerl'écorcedu bois, le tout étant d'agathe. 4°, On ne fauroit pourtant nier que dans quelques endroits , ces deux cau- fes n'aient pu concourir enfemble. j". Ce n'elt pas une opinion bien fondée , que celle qui refufe aux plan- tes & aux végétaux remplis de fuc, la force d'imprimer leur image, puifque l'AJlcr &. fes fleurs ont plus de fuc que l'hépatique , la fougère , &c. 6". Notre globe terrei^ren'a pas été encore aiïèz exaftement vifité , pour que nous puiifions avoir une parfaite connoiffance de tous les changemens qu'il a fouffert. ARTICLE XIX. Expériences chimiques concernant Vétain, Par M. M A R G R A F. I. in\ Ans le mémoire inféré au tome III. de ceux de notre Académie , où J_^ j'ai prouvé l'exiflence de l'arfenic dans l'étain , auflî-bien que la folution réelle de ce métal dans les acides des végétaux , vérité que je crois avoir mife au-defliis de toute exception ; j'ai promis en même tems , dans le dernier §. de ce mémoire, que j'examinerois plus au long , & d'une ma- nière plus direile , les relations de l'étain avec les autres corps j mais le tems & les circonftances où je me fuis trouvé depuis , ne m'ont pas permis juf^ qu'à préfent d'effeduer entièrement mon delléin , & de dégager ma pro- melTe. Je vais donc commencer à le faire , en tirant du journal de mes opérations chimiques le récit de quelques eflais que j'ai déjà faits fur l'étain, & que je continuerai dans la fuite , pour parvenir à découvrir , s'il eft pof- Cble , les parties conftitutives de ce métal. II. 11 arrive fouvent dans la fufion des métaux , lorfqu'elle fe fait à un feu violent dans des vailTeaux ouverts ou légèrement fermés , que les parties déliées fur lefquelles celui qui travaille voudroit faire des recherches ultérieu- res , s'échappent & qu'on ne fauroit les recueillir , tant qu'on ne prend pas d'autres précautions. La même chofe arrive à l'égard de l'étain , fur-tout guaad on le calciue à découvert. C'eft ce qui ma fait prendre la réfolutioa 2o8 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE y d'effayer une fois la fufion continuée de ce métal pendant plufieurs heures, ToM. Xll. jgjjj ^gj vaiireaux exaftement fermés. Pour cet effet , je pris une retorte de Année ye,.je jjjen im-^g ^ qyj pouvoit contenir environ i z onces d'eau ; j'y mis 2 ^75^' onces de l'étain le plus pur & le plus lin, râpé ; j'y appliquai un récipient; & après avoir bien placé mon vailïèau dans le fourneau dont je me fers pour la diftiUation du phofphore, & auquel je puis donner le degré de feu le plus fort. Je conduifîs ce feu par dégrés jufqu'à l'incandefcence 5 je l'augmen- tai enfuite jufqu'à ce qu'il eût atteint fa plus grande violence , & je le fis du- rer 3 heures de fuite , après quoi je laiflai refroidir les vaiflèaux. Je trouvai après le refroidifïèment , dans le col de la retorte , un fublimé blanc qui s'y étoit attaché; m.ais il y en avoit trop peu pour qu'on pût le foumettre à aucune épreuve. Mon étain dans la retorte, paroiflbit fort beau & brillant, & s'étoit fondu en une malTe qui s'étoit aftaiiTée au milieu , où il y avoit un creux profond. Mais je remarquai aux côtés une matière vitrefcente , d'une couleur de hyacinthe un peu obfcure , qui entouroit le bord de l'étain réuni par la fufion. Là-deffus , ayant péfé mon étain, je trouvai qu'il me rendoit i once 7 dragmes & z fcrupules ; de forte que dans le travail précé- dent , il avoit fouffert 20 grains de perte. Quant au fublimé dont j'ai fait mention , j'eilime jufqu'à préfent qu'il étoit arfénical : & pour ce qui regar- de ces fcories couleur d'hyacinthe , elles me paroifïbient venir des particu- les déliées de fer qui fe font trouvées dans l'étab. III. Je commençai le même travail de fufion avec 2 onces de mon étain d'Angleterre , mais en m'y prenant d'une autre manière. Je mis l'étain dans un creufet à fondre ordinaire de Heiïè proportionné ; je le couvris avec un autre creufet femblable qui s'y ajuftoit exaâement ; & ayant bouché le mieux qu'il étoit poffible toutes les ouvertures , je mis le tout dans un four- neau de fufion, auquel je pouvois donner le feu le plus véhément. J'entretins ce feu pendant 3 heures 5 & lorfqu'enfuite le creufet fut refroidi , & que je l'eus brifé , je trouvai mon étain tout-à-fait au même état où il étoit refté dans l'opération précédente , & ayant le bord pareillement entouré d'une matière vitrefcente. Le déchet étoit auffi le même ; mais je ne pus rien re- marquer qui fe fût attaché au creufet fupérieur. IV. Là-deffus , je mêlai une once de la limaille d'étain fufdite bien nette ,' avec parties égales de charbon pilé j je mis enfuite ce mélange dans une re- torte d'argille bien garnie , & dont le col étoit très-exaftement nettoyé 5 & quant au refte, je procédai tout comme dans le §. IL avec l'étain pur, ayant auffi donné au feu la même véhémence & la même durée.) Mais par ce pro- cédé , je ne trouvai encore aucun fublimé dans le col de la retorte ; & pouc l'étain , malgré la violence du feu , il ne s'étoit point fondu , mais il paroiC foit noir & pulvérifé. En ayant lavé le charbon , je trouvai mon étain réduit «n fort petits grainso V. Je. DES SCIENCES DE BERLIN. 109 V. Je pris encore une once de l'étain nctfufdit, & je le mis dans un creufet .. ,, ~ de Heiïc, qui pouvoit contenir environ 4 onces d'eau j je pofai defïiis une pla- ^^ ^' ,. ' que de cuivre parfaitement polie , & taillée tout exprès pour s'ajufter au ^ creufet, de façon qu'elle ne touchât point l'étain en fufion , en étant envi- " ron à un pouce de diftance. Je couvris enfuite le creufet avec un autre qui s'y ajuftoit exaftement, & ayant bien luté toutes les ouvertures , je plaçai le tout fur un piedeltal dans un fourneau de fufion , & je le couvris avec des charbons , enforte pourtant que le creufet de defTùs n'en étoit pas touché. Après cela , je donnai pendant environ une heure ou une heure & demie un feu modéré, afin qu'il pût calciner l'étain , fans fondre la plaque de cuivre. Ayant enfuite laifTé refroidir les vaiffeaux , & ôté le creufet fupérieur , je n'y trou- vai point de fublimé : la plaque de cuivre n'avoit été enduite d'écume nulle part , (Se je n'y remarquai aucun endroit qui eût commencé à fe difpofer à la fulîon , excepté qu'il ne parut plus auffi poli. Cependant , après l'avoir écurée avec du fable , je ne vis rien de blanc , comme je m'y étois at- tendu , à caufe de l'arfenic contenu dans l'étain , que le feu auroit dû né- celïàireinent faire monter en vapeurs j toutes les apparences du cuivre étoient demeurées les mêmes. Néanmoins , fous cette plaque de cuivre fe trouva une pellicule blanche , friable , de tout-à-fait femblable aux fleurs de zinc , qui couvroit l'étain , & qui n'étoit peut-être autre chofe en effet que des fleurs de zinc. C'eft ce que je ne faurois pourtant encore décider , jufqu'à ce que je m'en fois parfaitement convaincu , en continuant mes expériences fur l'étain. En attendant , je ne crois pas que ce foit l'arfenic foni de l'étain , parce que i". cette matière foutient un feu afïèz fort ; 2°. fon tilTu , femblable à de la laine , témoigne une chaux de zinc ; & 3°. elle ne blanchit point le cuivre comme le fait fort aifément l'arfenic. Qui fait au jufte quelle forte de pro- duit ce peut être ? Des travaux ultérieurs & de nouvelles obfervations pourront nous le faire mieux connoitre. VI. Les raifons que je viens d'alléguer dans le §. précédent, ne font pas les feules qui m'engagent à prendre cette matière pour analogue au zinc j car le célèbre M Hcnhel , dont l'habileté eft fuffifamment reconnue , dans fa pyrotologie, imprimée à Leipfik en 1725, p. S74> dit déjà de l'étain, qu'on peut , fans aucun mélange , en tirer du zinc , & qu'en rompant les fourneaux où l'étain a été en fufion , on y trouve une matière de zinc , & dès la page 272 , il témoigne qu'il avoit là-defTus des expériences fuffifantes. Je ne manquerai pas de m'attacher dans la fuite à conduire cette alfertion à une plus grande certitude. VII. L'efpèce de bruit que fait l'étain le plus pur , lorfqu'on le plie , étant quelque chofe de particulier , qui , autant que je le fâche , ne convient point aux autres métaux , je n'ai pas balancé à l'attribuer à l'arfenic qui y cil: encore caché , Si aux parties martiales qui ont été fondues enfemble. Tome IL Dd 210 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ^Y Cela m'a engagé à chercher s'il n'y auroit point quelque moyen d*ôter a J OM. Xll. ^g niétal cette propriété. J'ai pris 2 onces de mon étain pur d'Angleterre , /INNEE ^ ^ onces de fel de tartre bien net , ( l'on pourroit mettre à la place de * 750. j.g fgi jQ^jf autre alcali bien purifié J j'ai arrangé le fel & l'étain par cou- ches dans un creufet à fondre fpacieux , que j'ai couvert avec un autre qui s'y ajuftoit ; je les ai foigneufement lûtes , puis je les ai mis dans un fourneau de fuuon , & j'ai donné un feu violent pendant une heure. J'ai enfuite laiffc refroidir le tout , & ayant brifé le creufet inférieur, j'y ai trouvé mon étain d'un beau brillant, & couvert par-defTus de fcories d'un blanc verdâtre. J'ai féparé ces fcories ; j'ai fondu encore une fois mon étain dou- cement , & je l'ai verfé dans une lingotière. Cet étain pefoit encore i on- ce , s dragmes & i s grains , ayant ainfi perdu 2 dragmes & demie & i 5 grains. Ce métal n'étoit pas à la vérité dépouillé du bruit , ou frémifîè- ment dont nous avons parlé ; cependant , en le rompant , il paroiffoit avoir fouftert un changement confidérabie. Je ne manquerai pas de donner la continuation de ces expériences fur l'étain , me trouvant à préfent dans une fituation afîèz favorable pour m'y remettre avec une nouvelle force. ARTICLE XX. Defcripdon d'un quadrupède d* Amérique , rapporté par M, Linnaus au. genre des ours. Par M. R o L o F F. Traduit du Latin. AYant eu occafion , il y a quelque tems , d'examiner un quadrupède fingulier , qu'on rencontre rarement dans nos contrées , j'ai cru de- voir rendre compte en peu de mots des chofes les plus remarquables que i'ai obfervées dans cet animal. Sa grandeur répondoit à celle d'un gros chat ; fa longueur , depuis l'ex- trémité de la trompe jufqu'à la queue , étoit de trois pieds & plus ; & la queue même avoit un pied & un pouce. Le corps étoit couvert par-tout de poils épais , affèz longs & doux ; les plus longs étoient placés fous le ventre. La couleur de ces poils étoit variée , en partie noire , en partie mêlée de brun & de jaune. Le dos tiroit au noir, entremêlé pourtant de brun ; au contraire vers la tête , le cou & la queue , les poils fe montroient plutôt jaunâtres que noirs. Le front étoit blanchâtre avec des raies jaunes , qui defcendoient en- tre les yeux depuis le front jufqu'au nez. Autour des yeux tout étoit pref- l DES S C I E N CE S DE BERLIN. 211 que noir ; les oreilles avoient plus de blanc que de jaune 5 & la furface an- rr~ . ..- térieure des pieds , tant de devant que de derrière , étoit garnie de poils j ' . ' bruns , courts & clair femés. La queue , au commencement & au mi- -, lieu , avoit plus de largeur que vers la fin , & on y voyoit trois anneaux ' ^ noirs & autant de jaunes , mêlés avec un art merveilleux ; ceux d'en-haut PUnche U étoient les plus larges , & ceux d'enbas plus étroits. La tête repréfentoit prefque la figure d'un triangle. La partie fupérieure & poftérieure étoit plus large j vers les narines elle diminuoit ; le nez lui-même étoit fort ai- gu , tout-à-fait noir , avec deux narines fémilunaires. A chaque côté de la bouche , on voyoit une barbe de poils blancs , roides & recourbés ; ceux de la lèvre fupérieure étoient plus longs , & ceux de la lèvre inférieure plus courts. La lèvre fupérieure furpaflbit de beaucoup en longueur la lèvre infé- PU D. fig. L rieure , avançant par-delTiis d'un pouce & demi. Les oreilles étoient larges vers la bafe , & aiguës à la pointe ; elles avoient une extrême mobilité , & étoient pourvues pour cet effet de mufcles forts & vigoureux. Les yeux de cet animal n'avoient pas une grandeur proportionnée au refte du corps ; l'oeil gauche étoit attaqué d'une cataraâe , & l'un & l'au- tre étoient revêtus d'une membrane clignotante fort manifefte. Cette mem- brane, recourbée en forme d'arc, s'étendoit du coin de l'angle interne à l'externe, & elle avoit une forte adhérence , non-feulement dans cet en- PI.I. Utt.a.a; droit , mais auffi plus bas. Deux petites cornes dont elle étoit pourvue , la lioient , l'une au coin intérieur , l'autre à l'extérieur. Vers l'œil elle étoit plus large , & vers le nez plus étroite ; plufieurs vaifleaux rouges la coloroient j (Se fon extrême mobilité faifoit qu'elle pouvoit aifément être ti- rée en haut. Alors elle fermoit parfaitement l'œil. Les pieds , ou pattes, tant de devant que de derrière, n'avoient pas ie^]'f,c. ^ une grande longueur ; ceux de devant étoient plus étroits & plus foibles ; ceux de derrière plus forts & plus larges. En bas & fous les plantes, on n'appercevoit aucuns poils j mais ils étoient garnis depuis les ongles juf^ qu'au talon d'une peau épaiflè d'un brun rougeâtre. Cette peau avoit plu- fieurs lignes , ou traits pareils à ceux de la paume des mains dans les hom- mes ; elle s'èlevoit plus haut vers les pieds de derrière , parce que l'animal étoit deflinè à marcher auffi fur les talons. Chaque pied Ce terminoit en cinq doigts féparés , qui par-delTous étoient iç,''"',f^ épais , charnus , oblongs , pas bien ronds , comme les ours ont coutume de les avoir. Ceux des pieds de derrière étoient plus longs & plus forts que ceux des pieds de devant. Le premier étoit très-court ; le fécond plus long j le troifième & le quatrième égaux entr'eux , mais plus longs que le fécond ^ le cinquième plus court que le quatrième , mais plus long que le premier. Chacun de fes doigts finiflbit par un ongle noir & recourbé, Ddi-j îii MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROFALE ^ YfT q>-'' > proportionnellement aux doigts , a plus ou moins de longueur ; ceux A ' ' ,. ' des pieds de derrière font néanmoins les plus forts .•--' • • ^^^ ^.n.^.£aca:}Jlc..?r 'Berlin. ,g:"S;t^?^^ ^ot ! cV- 3^: DES SCIENCES DE BERLIN. iij féquent en tout au nombre de 28 ^ les dix fupérieures de chaque côté étoient j, y..' de vraies côtes , & les quatre inférieures fauHés , parce que les cartilages de . ' ^ * ces dernières n'atteignoient pas au ftcrnum. Celui-ci étoit compofé de huit ^ petits os cylindriques , féparés les uns des autres par le moyen d'un cartila- ' ' ^ ge , & fe terminoit en bas par un petit cartilage xiphoïde ; de façon que les côtes s'articuloient avec les fymphyfes cartilagineules du Jlcrnum. A l'égard des os des pieds , chaque pied ttoit compofé de cinq os du métatarfe , & chaque doigt de trois oilelets féparés ; à l'exception néanmoins du pouce , qui tant dans les pieds de devant que dans ceux de derrière , n'a que deuxoflélets. Les autres os n'ont rien qui mérite qu'on s'y arrête. L'animal que nous décrivons , fe tenoit comme les Cnges fur les pieds de derrière , & fe fervoit de ceux de devant pour prendre fa nourriture , en guife de mains. Si on lui donnoit un morceau de pain , ou quelqu'autre chofe qu'on eût jette auparavant dans l'eau , afin qu'il s'y amollit , il l'en ti- roir avec les pieds de devant , & le dévoroit. Il fe nourriffoit d'amandes , de railins fccs , de bifcuit, de poiflbn cru & de chair ; mais il aimoit fur- tout beaucoup le poilïbn frit. La patrie de cet animal efl l'Amérique , tant méridionale que fepten- trionale ; car fuivant Murggraf on le trouve dans le Brefil , & Ray témoi- gne qu'il exirte dans la Virginie. Les Auteurs font fort peu d'accord , tant fur fa dénomination que fur fa def^ cription ; nous nous bornerons à examiner les principales opinions , pour tâcher d'abord d'en démêler le fens , & enfuite d'en concilier les contrariétés. Les Brehliens appellent ce quadrupède dans leur langue Coati ; & c'efl le nom que MarggraJ a confervé dans fon hijloire du Brcjil , où , pag. 228. il décrit notre animal en ces termes. « Le Coati des Brefiliens , eft un renard » de la grandeur d'un chat , avec de courtes jambes , & les mains d'un » linge. Il grimpe auffi comme les finges avec viteflé fur les arbres , & » court jufqu'aux extrémités des branches ; il vit de fruits , mais très-vo- » lontiers d'œufs & de poules. Ses pieds de derrière font plus grands » que ceux de devant ; & à chaque pied il a cinq doigts avec des ongles » aigus. Sa tète efl pointue comme celle du renard , avec des oreilles » courtes & arrondies comme celles du chat ; il a la partie inférieure de » la bouche plus courte que la fupérieure , qui s'avance en une longue » trompe pointue , avec d'amples narines , comme des fentes. Les yeux » font noirs j les poils de tout le corps , longs ; ils ont une couleur d'ocre V foncé. La queue eft plus longue ^ue tout le corps ; l'animal la porte re- » levée & recourbée en haut ; les poils de cette queue font variés en forme » d'anneaux mêlés d'ombre & d'ocre. Quand il mange , il tient la nourri- » ture comme les chiens avec les pieds de devant. Cette defcriptioa de Murggra/a été bférée par Jonjlon , prefque mot-à- 2i6 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE Y mot , dans fon hijloire naturelle pag. 95 ^ elle s'accofde avec la nôtre dans *4 N N É £ toutes les parties à l'exception de la queue , qui eft non - feulement plus courte que le refte du corps , mais que l'animal ne porte pas recourbée * 7 5 • ^ dreflèe vers le haut. Wormius , à qui on avoit envoyé le Coati d'Amfterdam fous le nom de chat d'Amérique , en fait dans fon Mufaum , pag. 3 1 9. une courte defcrip- tion , dans laquelle il confirme exprelîëment que la queue de cet animal efl épaiiîé & large vers les feflès , mais qu'elle n'eft pas auffi longue que le corps même. Il diffère d'ailleurs de nous , en ce qu'il attribue aux poils une couleur plutôt cendrée que jaunâtre & brune. Mais une auffi légère différence de couleur peut venir de l'âge , ou de quelques autres caufes peu importantes , & n'apporte aucun changement au fond même des chofes; car nous obfervons tous les jours dans les animaux de nos contrées , que plu- sieurs individus du même genre & de la même efpèce , différent les uns des autres , non - feulement en couleur , mais encore en quelques autres cir- 1 confiances qui ne font pas plus confidérables. Ray , dans fa defcription des quadrupèdes , pag. 179 , appelle le nôtre un animal d'Amérique femblable au Renard ; &. M. Linnœus , dans fon fyjlcme Je la nature , le met dans la clalTè des ours , l'appellant un ours à longue queue. Dans le tom. IX. des mémoires de l'Académie de Suéde , il en fait une courte defcription , à laquelle il a joint une figure , mais qui n'eft pas tout-à-fait exafte. Je ne vois pas afsûrement de quel droit M. Lin- naus compte ce quadrupède parmi les ours. Je fais , à la vérité , que ce favant met entre les marques caraâèriftiques de l'ours , d'avoir cinq doigts aux pieds, & le pouce placé en dehors. Je ne nie pas non -plus que le doigt extérieur de notre Coati ne paroiflè au premier coup d'oeil un peu plus court que les autres ; mais cela n'a lieu que dans l'animal vivant , & lorfque les pieds font couverts de leur peau. Car , fi nous confidérons atten- tivement les os , il par&it alors de la manière la plus manifefie , que le doigt extérieur eft plus long que l'intérieur, l'extérieur étant compofé de trois of- felets , au lieu que l'intérieur n'en a que deux j ce qui eft encore plus évident dans les pieds de derrière. De plus , non-feulement le Coati diffère totale- ment de l'ours par toute l'apparence extérieure , mais encore par la ftruc- îure interne , Ôc n'a rien de commun avec lui , que la faculté de fe tenir fur les pieds de derrière , & de marcher fur les talons ; ce que nous ne laifTons pas d'obferver auffi en plufîeurs autres animaux. La figure extérieure de notre quadrupède avec la diverfe couleur de fes poils , diffère beaucoup de l'ours , comme cela paroîtra d'abord à tous ceux qui les confidèreront. La tête de l'ours n'eft pas afTez pointue par de- vant , mais elle eft beaucoup plus ronde ; fes oreilles font plus longues , fes dents différentes , il n'a aucun veftige de barbe ni de trompe , fa lèvre d'en-haut 1 DES SCIENCES DE BERLIN. Î17 d'en-haut étant de la même longueur que celle d'en. bas. Les pieds de l'oursr ^~ font bien compofés pareillement de cinq doigts , mais ils fe terminent par ^ *'^'* '^'*» en-bas en une tubérofitécpailïè, ronde, & garnie par-tout de poils; au lieu que ^ n t.E . dans notre animal , les doigts ne font pas ronds & tuberculeux , & qu'ils ont ' 7 i "• la furface entièrement rafe fans aucun poil. D'ailleurs , le dos des ours eft beaucoup plus élevé, & plus arrondi vers le derrière , &la queue eft tout- à-fait ditférente. Cette diverfité ne regarde pas feulement la figure exté- rieure ; elle s'étend auffi à la ftruâure interne des vifcères , qui n'a aucun rapport avec celle de l'ours. Les reins de l'ours ont non-feulement quelque chofe de tout particu- lier , fçavoir d'être compofés de plufieurs lobules ,- mais fon ventricule ret ferré au milieu s'élargit vers la fin , ce qui lui donne l'air d'un double ven- tricule. Or , rien de tout cela ne fe trouve dans le Coati , ce qui a engagé MarggraJ & Ray à le mettre avec beaucoup plus de raifon dans la clalïé des renards , avec qui il a un très-grand rapport , tandis qu'il n'en a point du tout avec les ours. La courte defcription anatomique que M. Linnœus en a donné , s'écarte en plufieurs endroits de la nôtre. Il a entièrement nié l'exiftence de la membrane clignotante , quoiqu'elle foit cependant très-manifelte ; il af- firme que tous les inteiUns ont une épaiffeur égale , & néanmoins elle dif- fère beaucoup. Je palle fous Clence quelques obfervations qui répugnent encore aux nôtres. Major , dans fon anatomia mlfcellanea , fait auffi mention de ce qua- drupède d'Amérique , & le rapporte à l'efpèce des bléraux , dont il diffère à plufieurs égards. Le même Auteur prétend auffi , que cet animal a un trou fous le ventricule par lequel il fucce un fuc glutineux -, mais il n'y a pas le moindre veftige d'un femblable trou. On nous apporte en abondance d'Amérique des peaux de ces animaux 5 & les pelletiers qui s'en fervent pour garnir divers habillemens , lui donnent en allemand le nom de fchuppcnfeiU. La firuiiiture des inteltins étant, par fa fingularité , ce qu'il y a de plus di- gne d'attention dans cet animal, nous allons l'examiner fuccinftcment. On fait par l'anatomie comparée, que tous les animaux rapaces & car- naciers n'ont que des inteftins courts , au lieu que les animaux qui fe nourrif- fent d'herbe ont le conduit inteftinal beaucoup plus long. La ilruâure du ventricule & des inteftins dans le Coati , témoigne aiTèz que la nature l'a deftiné à vivre de l'une & de l'autre manière ; & en effet, il fe nourrilîbit de viande, mais en petite quantité , au lieu qu'il mangeoit beaucoup de végétaux. Il falloit donc qu'il eût le conduit des inteftins grêles long afin de pouvoir d'autant mieux digérer des alimens de toute efpèce , & ea tirer le chile né- Tome II, E e 2i8 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE ^^ ' -^T ceflàire ; au lieu qu'une pareille longueur auroit été fuperflue , s'il n'avoil: ÏOtf. KU. ^^j.^j q^g jg ,3 viande, A li N E E j^g gj.Qj boyau , par rapport au canal intcflinal entier , étoit fort court , }-7 5^' pour faciliter la prompte fortie descxcrémens ; & c'eil pour cela auffi qu'il n'avoit aucune courbure , defcendant tout droit dans le baifin. En effet , un plus long fejour des excrémens , en procurant la réforption des parties al- calines, auroit caufé la pourriture & la deftruâion des fluides. Le défaut de rides valvuleufes dans la tunique intérieure du gros boyau , aidoit auffi beaucoup la defcente des matières fécales; & cela fournit en même tems la raifon pourquoi ce que cet animal rend par l'anus , n'étoit pas figuré & dur, mais fort liquide •, car étant intimement perfuadé comme je le fuis , que les gros boyaux n'ont point été faits pour l'extraâion du chile , puifqu'on n'y re- marque pas , même dans l'homme , la moindre trace de la tunique veloutée qui feroit néceflàire pour cet effet , mais qu'au contraire leur admirable Âruâure eft tout à-fait différente ; on peut en conclure que la longueur des gros boyaux auroit été une choie tout à-fait fuperflue & inutile dans le Coati, Nous voyons encore clairement par la fîtuation des inteifins de cet animal, pourquoi la nature n'a pourvu la fin du boyau grêle & le commencement du gros , d'aucune valvule du colon. C'eft qu'il n'y avoir rien du tout à craindre pour lé retour des excrémens du gros boyau dans le grêle ; car le gros boyau n'étoit pas feulement fort court , mais il defcendoit aufïi tout- à-fait perpendiculairement , de forte que L- propre poids des excrémens les fbrçoit toujours à defcendre , fans pouvoir jamais remonter -, ainfi il n'é- toit pas nécefïàire de fermer l'accès vers le haut par une valvule , les ma- tières étant dans l'impofîibilité de regorger jamais par cette voie. Cette même flruâure des inteftins nous en'éigne encore pourquoi l'ap~ pendice vermiforme manque tout.à-fait ici. C'eft que cet appendice , qui efl rempli par-tout de glandes muqueufes , eft uniquement deftiné à ver- fer dans le cœcum la mucofîté dont les excrémens durs doivent être enduits^ Or , le gros boyau , dans notre quadrupède d'Amérique , étant abfolu- ment deftitué du ccecum , Ôc tout le conduit inteflinal grêle ayant été garni en plufieurs endroits , & fur-tout vers la fin , de follicules muqueux , rangés ■d'une façon particulière, dont nous avons donné ci defiiis la defcription; il en réfjlte qu'un femblable appendice vermiculaire n'étoit pas d'une abfolue néceffïté, les glanduies fufdites le remplaçant fuffifamment. En effet , quoique ce qu'on a coutume de décrire dans les inteftins grêles de l'homme , fous le nom de glanduies agminées , ne foit autre chofe que les poils des inteftins accumulés en grands monceaux , & qui différent beaucoup des véritables follicules muqueux , comme je m'en fuis entièrement cosvaincu en examinant ces préparations anatomiques du célèbre Liibçrkiihn , qui furpaffent tout art humain j il demeure cepen- l DES SCIENCES DE BERLIN. jig dant fort vraifemblable , que l'homme auroit pu fe palTer également de l'ap- T'""TT!T' pendice vermiculaire , s'il avoir été pourvu de glandules intcftinales dont . ' ' la difpofition & la Itrudure euffent été les mêmes que dans l'animal dont ^ nous venons de donner la defcript'on ; mais comme il en eft tout autrement, 73* on auroit grand tort de dire , & nous n'avons garde de l'avancer , que l'ap- pendice vermiculaire dans l'homme foit une chofe inutile ou fuperflue. Explication des Figures. Planche I. On y voit les parties extérieures de l'animal , deflînées d'après nature ; avec la membrane clignotante fort manifefte a, a. Planche IL Fig. I. La partie inférieure de la tête & de la bouche. a. La lèvre fupérieure avec la trompe qui s'avance beaucoup, b. La lèvre inférieure. Fig. n. a. Un des pieds de devant. b. La furface inférieure du pied , tout-à-fait dégarnie de poils , & où l'on voit plufieurs fentes , ou traits , comme dans la paume de la main humaine. c. La furface inférieure des doigts de devant, Fig. IIL a. Un des pieds de derrière. b. La furface inférieure , dégarnie de poils , & montant jufqu'au talon, t. La furface inférieure des doigts de derrière. Planche III. Fig. I. La furface convexe du foie. a. Le premier lobe en forme d'arc, placé à gauche. b. Le fécond lobe. t. Le troifième lobe & le plus grand. JL'S^^- ==^m ARTICLE LXXL Nouvelles obfervations pour fervir de fuppUment à l'hijïoire de la nielle des blcJs. Par M. Gleditsch. Traduit de l'Allemand. LEs maladies des plantes peuvent être mifes au nombre des chofes à la recherche defquelles prefqu'aucun Naturalifle ne s'eft encore férieu- fement appliqué. Ceux qui en ont parlé en général , ou feulement en paf- fant, paroiffent n'avoir eu qu'une connoilTance très-fuperficielle des phéno^ mènes naturels des végétaux , & une moindre encore de ceux qui ne font pas conformes au cours de la nature. On remarque cependant que dès les tems les plus anciens, ceux qui fe font attachés à î'œconomie delà campa* gne , jardiniers & autres , ont tourné leurs vues de ce côté-là , à caufe des mauvaifes fuites, & du dommage plus ou moins confidérable qu'entraîne l'i- gnorance de cet objet. Malgré cela , on ne voit pas qu'il fe foit fait fur ce fujet quelque découverte importante ou particulière , qui puifîè conduire à une connoilTànce exaûe des maladies des plantes. On en trouve bien dcj noms & des defcriptions , qui font , pour ainfi dire , des veftiges & des dé- cris , dans plufieurs Auteurs latins , françois & anciens allemands , qui ont traité de l'agriculture & de l'ceconomie champêtre ; mais ces mêmes Auteurs peuvent tous fervir de preuve , que de leur tems , comme le pjus fou vent encore aujourd'hui , on n'a eu que des idées tout- à-fait confufes , imparfaites & fauflès des maladies en queltion. A la vérité , s'il ne s'agiiîoit ici que d'interprétations & d'explications ar- bitraires , & non de vérités dont on pût faire une application utile , je craindrois un peu , je l'avoue , d'avoir à faire aux critiques & aux partifans ou- trés de l'antiquité , qui , armés de leurs conjectures & de toutes les fubtilités de leur érudition , ne manqueroiènt pas de me fatiguer beauccnip. Mais comme la queftion fe réduit ici particulièrement à examiner , fi ce que les Anciens nous ont laifïe fur les maladies des plantes , eft fuffifant , ou non , pour nous en donner une connoiflânce exafte , & qui puiflè être utilement appliquée à la pratique , je n'ai , à proprement parler , rien à dér mêler avec les critiques. Quant aux Auteurs du moyen âge & des dej:nierî I DES SCIENCES DE BERLIN. 221 teins , qui ont traité de l'agriculture & de l'oeconomie , ils ne différent des f anciens qu'en ce qu'ils s'étendent un peu plus fur les maladies des plantes , '^^'' qu'ils croyoient connoitre parfaitement ; mais leurs dccifions font le plus ^ ^ ^' ^ ' fouvent dénuées de toute juftelïe ; ils fe fondent fur de faulTes obfervations , * 7 S ^ & même fur des conjcdures ailrologiques ; leurs prétendues expériences ne s'accordent point du tout avec la vérité , & ils tombent à la fin dans le ridicule. Ce que j'avance ne demande pas qu'on fe donne beaucoup de peine pour le prouver ; il fuffit de remarquer que la plupart d'entre ces Au- teurs ont cherché l'origine & les caufes des maladies fufdites , dans les cho- fes les plus extraordinaires , & qui n'ont ni ne peuvent avoir la moindre liaifon avec les plantes. La lune & les autres planètes , mais fur-tout les conf- tellations , & particulièrement le fcorpion , l'écréviflè & le capricorne , leurs diverfes conjondions , auffi-bien que les éclipfes du foleil & de la lune , ont été pour eux des objets de terreur, fans parler de ce qu'ils appel- loient les empreintes gâtées des femences. Tels étoient donc les fondémens fur lefquels repofoit toute la doôrine des maladies des plantes. Si l'on vouloit aller plus loin encore , & entrer dans la difcuffion de tant de remèdes , propofés & vantés comme infaillibles contre ces maladies , il y en auroit afièz pour fe convaincre pleinement , que les inventeurs de ces remèdes n'avoient pas feulement des connoilTances médiocres dans ce genre. Cela fuffit aufK poiu" nous difpenfer de rechercher avec beaucoup de foin , quelle idée ils attachoient aux noms par lefquels ils défignoient ces maladies, & ce que fignifientchez eux les mots à^ujlUago , exarejcentia , Tubigo , cancer , tabès , leucophUgmatia , Jlerilefcentia , ferpigo , fcabies , &c. & pourquoi ils avoient mis ces termes en ufage. Il eft fans contredit d'une beaucoup plus grande utilité , de s'appliquer foi-même à découvrir , à force de foins & d'expériences , quelque chofe de certain , que de per- dre !e tems à comparerai à concilier une foule de paffàges où règne une profonde obfcurité,& où l'on trouve de véritables contradiâions. J'aurai occafion de traiter fucceffivement , dans des mémoires particu- liers , de quelques-unes des maladies des plantes qui viennent d'être indi- quées ^ pour le préfent nous nous bornerons à une conlîdération fuccinte de. la nielle des bleds , qu'on défigne dans quelques endroits fort énergiquement par le mot de mort , ou de mortification ( necrofis ). C'eft un des zccu dens les plus communs & les plus fâcheux dans tout le règne végétal ; les, expériences exaftes que j'ai faites fur ce fujet depuis 1747 jusqu'en 1752 , me font efpérer de pouvoir fournir des moyens alTurés pour parvenir à une connorlFance plus approfondie de ce redoutable mal. Mais avant tout , je déclare , par rapport à ce que d'autres ont déjà dit avant moi fur la niel-. le , & aux remèdes contre ce fîéau , qui de tems en tems ont été annoncés.; dans les nouvelles publiques , comme infaillibles , que je m'en tiens aux rét^ lîï MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE l'*""*'^^^ flexions que je viens de faire fur la plupart d'entr'eux ; & que d'ailleurs JoM. AU. jg jjg marche exaâement fur les traces d'aucun des Savfans qui m'ont pré. ANNEE j.^j^ jyj^j ^gj,jg carrière , quoiqu'il y en ait plufîeurs dont les travaux péni- ^75G. jjigj ^ jjjg^ dirigés fournilïènt des preuves évidentes de leur capacité & de leur expérience, & méritent à jufte titre la reconnoilîànce du pubjic. Indi- quer toutes les idées & les tentatives qui fe rapportent à ce fujet , tout ce que les favans & les ignorans ont jugé à propos de publier concernant la nielle des bleds , ce feroit une chofe direftement contraire à nos vues , qui ne confiftent pas à rendre compte des opinions diverfes qu'on a eues fur la nielle , mais à contribuer autant qu'il eft poflîble , à la plus parfaite con- noillance de cette maladie. Si l'on eft curieux de favoir jufqu'où je m'écarte des opinions qui ont eu cours jufquesici, de s'affurer que j'ai été plus loin que les autres , & par confequent que j'ai mis les naturaliftes fur la voie de (ë former une doârine plus exafte au fujet de la nielle , on pourra facilement fe fatisfaire en comparant cette difîèrtation avec les écrits qui ont été pu- bliés antérieurement fur la même matière. La nielle, comme la plupart des autres accidens funeftes aux plantes, eft en général plus connue par le fait que par l'examen. Si l'on a fait quelques découvertes fur fa nature , cela ne s'étend guères qu'à quelques efpèces particulières de fîeurs , encore n'a-t-on pas toujours mis dans ces obferva- tions toute l'attention & l'exaâitude néceffàires. Toutes les plantes de l'uni- vers font néanmoins fujettes à ce mal ^ il fe manifefte dans toutes les contrées & prefque dans toutes les faifons de l'année , dans celles du moins où les plantes continuant à prendre leur accroifïèment d'une manière naturelle , font propres à être examinées. Il n'y a ni température , ni expofition , ou fi- tuation de terrein qui en foit parfaitement exempte ■., je ne prétends pas que la nielle vienne de la température de l'air direftement & fans exception} je veux dire fîmplement qu'on la rencontre dans toutes fortes de faifons. La véritable caufe de la nielle des bleds doit être principalement cherchée dans la négligence & les mauvais arrangemens de ceux qui cultivent les terres. Ceci eft beaucoup plus affuré que la plupart des caufes qu'on a coutume d'alléguer. Qu'il n'y ait aucune efpèce de plante à l'abri de ce mal, c'eft ce que la rai- fon nous perfuade lorfqu'on réfléchit mûrement fur la ftrufture organique de ces corps , &fur les mouvemens naturels qui s'y exécutent, tant en géné- ral , quand la force intérieure ou extérieure de l'air agit fur les fucs prodi- gieufement fubtilifés de toutes les parties des plantes , & cela dans un tems plus que dans un autre, dans celui fur-tout où la nature travaille le plus effi- cacement au développement de ces parties, qu'en particulier, fur les mou- vemens qui opèrent l'extenfion ou l'évolution des parties les plu"; tendres & les plus délicates des fleurs, jufqu'à ce qu'elles ayent atteint le point deper- feâion qui leur convient, DES SCIENCES DE BERLIN. «$ Déplus, l'expérience commune confirme fuffifammcnt, que la nielle exif- te , non-feulement dans toutes les efpèces de plantes , mais encore dans toutes leurs parties. Auffi parmi cette multitude de plantes , que j'ai eu occa- iîon d'examiner depuis plulieurs années , je ne puis m'en rappeller prefqu'au- cune , ou dans quelque cas, je n'aye remarqué de la nielle , une ou plu- lieurs fois , ik dans leurs diverfes parties ; avec cette différence néanmoins que dans les jeunes plantes , encore fpongieufes & pleines de fuc , auffi bien que dans les parties des plantes qui étoient dans l'état d'accroillement, la nielle etoit plus forte & plus étendue que dans les vieilles plantes dures & féches , ou dans les parties qui avoient pris tout leur cru, quoiqu'il y ait des tems où la nielle attaque auflî celles-ci. En efiFet , on la voit à de vieux arbres , arbuUes , & autres plantes ligneufes , qui ont ccflè de croître , & tout à la fois dans le bois dur & dans l'écorce , tout comme dans les rejettons & les branches qui ont pouffé nouvellement ; mais elle eft bien plus fréquente dans les dernières parties que dans les premières , & fi l'on ne s'en apperqoit pas toujours, c'eft la multitude des feuilles qui en empêche. J'ai remarqué ici , qu'il tfl très-rare que cette efpèce de nielle s'étende plus loin que les nouveaux veux , ou les rejettons les plus tendres , qui périment feuls , j, fans que l>' mal ait d'autres fuites. Cette nielle eft différente de celle des bleds j & il me Itmole qu'on pcurroit la iionimcr plus à propos uiricdes végétaux^ pour la diftinguer de la nielle des petites plantes qui n'ont qu'une racine annuelle , & qui par confequent ne portent qu'une fois du fruit , après quoi elles meurent. L'expérience nous fait encore connoître d'une manière certaine , que plus une plante eft délicate , plus fes parties font tendres ( celles qui le font toujours le plus , ce font les yeux ou les rejettons qui ont nouvellement poulfé , ou bien les fleurs mêmes ) , plus auflî elle eft expofée à fouôrir de la nielle , & cela précifement dans ces parties les plus tendres. Le cas arrive effedtivement , non- feulement à l'égard des fleurs , foit en tout, foit en par- tie , mais aufti dans les fémences ou graines humides , arrivées à une par- faite maturité, quoique beaucoup plus certainement dans celles qui ne font pas mûres & parfaites , ayant encore le fuc laiteux qui les rend plus tendres. La nielle attaque fur-tout cette partie fupérieure de la plantule féminale , qu'on nomme la plumule-^ & pendant qu'elle fe développe avec une extrême délicareffè , le mal gagne fucceffivement , & tire fon origine du fuc nour- ricier gâté dans les cotylédons. Ainli quoiqu'il n'y ait, comme on l'a déjà dit , aucune partie des plantes qui ne foit fujette à la nielle , c'eft pourtant aux fleurs qu'on la rencontre fur-tout ^ tantôt elle les détruit entièrement , tantôt elle fe borne aux parties tendres qui appartiennent eflentiellement à la fruftihcation , telles que le piiUlle Si. les étaaùnes , avec toutes leurs dépendances , dans le tems où, ToM.Xlï. Anses 1756' îî4 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE s'opère leur évolution, ce qui fait que le refle de la fleur en foufFre plus ou J OM. A . j^QJf,5_ Lg5 autres parties de la plante ne paroiiTent pas à l'extérieur s'en ref /INNE fentir précifément dans le même tems ; il femble que ce devroit être dans le '■75°' premier état de la plante encore toute tendre , & cependant on ne s'en ap-, perçoit que lorfqu'elle a pris fon entier accroifTement. Entre les fleurs elles-mêmes il y a quelque différence à remarquer , en ce que quelques-unes font plus aifément & plus fréquemment attaquées de la nielle que les autres. Ce font celles qui , bien que fimples , ne lailTent pas d'avoir beaucoup de piflilles, d'étamines, de glandules , de neétaires ikc. On peut mettre au même rang celles qui, dans un calice quelquefois Am- ple , mais communément compofé , renferment plufieurs fleurs:, par exem- ple, celles qu'on nomme_/Jorei aggregati compofitl Jiofculofi , fcmiflofculojî , planta umbelliferœ , raceniofx , amentaccœ , fpicis , Jlrobulis , conifix do- natœ, & toutes les autres qui portent de gros bouquets bien garnis, lefquels avant leur développement font étroitement ferrés & entaflës dans des efpè- ces d'étuis ou calices. Ces efpèces font trop connues pour que nous ayons befoin d'en faire ici l'énumération ^ & nous nous bornerons préfenlemcnt à indiquer pour toutes les autres la nombreufe famille des herbes , ou gramma. Ces herbes font ou fauvages, ou cultivées; les unes portent des fé- mences d'une extrême petiteflè , & ce font les herbes proprement dites , les autres produifent de gros grains, qui font propres à fervir de nourriture, ■ . & que les hommes employent à leur ufage fous le nom de bleds , ccrealia. Les herbes fauvages fe reproduifent d'elles mêmes , en conduifant leurs femences à une entière maturité , à moins qu'on ne les empêche en les fau- chant trop-tôt : la nielle s'y met rarement. Les bleds au contraire , auflî bien que toutes les herbes cultivées , font particulièrement fournis aux foins & aux attentions de l'œconomie & de l'agriculture ; & les accidens qui leur arrivent dépendent le plus fouvent de l'ignorance , de la négligence , de la précipitation , & de diverfes mauvaifes coutumes qui ont lieu dans la manière de labourer , de moiflbnner , de recueillir , & de conferver ces produc- tions de la terre. On peut en général , & Cans en rejetter principalement la caufe fur la température de l'air , affirmer avec certitude que , lorfqu'on coupe trop-tôt les bleds , & fur-tout l'orge & le froment qui meuriflent un peu plus lentement , & qu'enfuite on les raflèmble encore tout humides ,& qu'on les entafl^é dans les granges, il en réfulte plufieurs inconvéniens très- facheux , & qui méritent la plus grande attention. Parmi les plantes fauvages , il y en a quelques efpèces où l'on trouve la nielle , mais fort rarement. Telles font les roftaux proprement dits, arundo , Je jonc nommé typha palujlris ; & entre les herbes , celles qui font appel- Jécs ctirex , gramen anatum , panicum , lolio , lolium temulcntum , &c. Cela s'étend aufE à quelques plantes , dont les fleurs ont dans leur ftruâure quel- que l DES SCIEN CES DE BERLIN. ï2J que affinité avec les herbes, telles font les fuivantes, le polygonum, la pcrfi- ,.. ^? Caire , le lapathum , la bijloru , & lefagopirum. A ' 6 v Pour en venir aux efpèccs de graines, ou aux bleds, elles éprouvent la ^ nielle véritable & proprement dite , qu'on appelle, pour la dilHnguer des ' "* ' autres accidens femblables , la nielle des fleurs , necroj.sfloralis. Le feigle y eft moins fujct, mais l'orge & le froment en ont beaucoup à craindre; elle n'eft pas rare dans l'avoine & le millet. Le vrai fondement de cette différence eft ailèz facile à découvrir pour un obfervateur attentif de la nature. Ce qu'il faut principalement remarquer ici , c'eft que la même nielle des fleurs fe manifei^ quelquefois dès les mois de Janvier, Février, Mars & Avril , dans les plantes étrangères qu'on fait pouflèr de meilleure heure au mo- yen des ferves ; & dans cette faifon de l'année on ne peut pas attribuer le mal , comme on a coutume de le faire , à quelque rouille , ou rofée chargée d'une efpèce de farine , de miel, ou d'autres parties graflès & vcnimeufes pour les plantes. Ce n'eft pas que je veuille nier qu'il exifte des cas où une pareille rofée eft préjudiciable aux plantes; mais les détails ou j'entrerai dans la fuite de ce mémoire, feront voir que cette rofée n'a que fort rarement, ou peut-être jamais, de l'influence fur la nielle des fleurs , telle qu'on la trou- ve dans les bleds. Je ne m'étendrai pas davantage pour le préfent fur la diverfîté de la nielle, relative à la différence des plantes ; & je ne confîdererai uniquement que la nielle des bleds , comme un des accidens les plus dommageables aux gens de la campagne. Toute autre efpèce de nielle exige une difcuffioa particulière. Toutes les fois que pour mon inftruftion je me fuis attaché à l'examen de quelque efpèce d'herbes , fauvages ou cultivées , fur lefquelles la nielle avoir fait du dégât , je n'ai jamais manqué d'y obferver les circonftances fui/antes. Cette nielle fe trouve , tant dans le froment d'hyver , l'orge hatif , & l'a- voine de Mars , que dans le froment d'été , l'avoine ordinaire , & le petit orge d'été, & cela toujours dans le tems où ces plantes commencent à pouiTer leurs tiges; après quoi la nielle devient toujours plus fenfîble àmefure que les bleds en queftion font fortir leurs épis en fleurs des feuilles qui leur fer voient de gaines. Dans les campagnes de Berlin , j'ai trouvé la nielle indifféremment fur l'or- ge & fur l'avoine , foit qu'on les eût femécs dans des terres expofées à un air tout-à-fait libre fur des hauteurs , & dans des contrées fablonneufcs vers le midi & l'orient, ou qu'elles euflènt été mifes dans un terroir gras, bas , humide, argilleux & froid. D'autres campagnes qui étoient au feptentrion ou à l'occident, entre des forêts ou des buiflons qui les couvroient , n'en étoient pas plus exemptes j & l'on ne remarquoit non plus aucune différence Tome IL F f 22$ MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVA-LE Tf. T7JJ entre celles qui a voient été enfemencées plutôt , & celles qui l'avoient été j, ' ' , ' plus tard : tout ce qu'on pouvoit obferver , c'ell que la nielle étoit une ' " ^ année avant les autres plus abondante lut quelques terres , encore cela n'é- ■'■' ' toit-il pas bien certain, & ne s'étendoit qu'à des champs d'une médiocre grandeur : car il m'eft arrivé de trouver fur une fuite de champs contigus , & partagés en plufieurs fubdivifions , ici une nielle épaiilè & abondante, tout près quelques plantes éparfes feulement qui s'en étoient reiïènties , & un peu plus loin point du tout. Mais quoique depuis plufieurs années j'aie par- couru fcuvent & exaiSement la campagne dans l'intention d'obfcrver la nielle , & que je me fois fur-tout donné beaucoup de peine pour examiner des champs féparés , je ne me flatte pourtant pas de ne rien avancer' fur quoi l'on ne puiiTè faire fonds. Dans le territoire de Frifach , de FcrhcUin , & auprès deNaven,, auffi bien que dans la contrée de l'Oder , autour des villages & métairies de Wiefingrund , Sachfendorff, Hatenow , Reltwen , Manchenow , Tucbeband , Let^fihin , Golt^ow & If'ollup , où Ce trouvent de grandes prairies d'une extrême fertilité dans les fonds bas & argilleux autour de Selow ik Zfchcrni- tow , & en-delà de l'Oder près de Gonti , où l'on recueille beaucoup de froment & d'avoine , tant de la grande que de la petite efpèce , j'ai eu de tems en tems occaiîon de faire diverfes remarques là-deflùs ; mais elles n'ont pu encore me conduire à des réfultats déterminés & bien certains. Les terres mêmes qu'on ne laififè jamais repofer , & qui portent tous les ans ,■ n'ont différé en rien des autres , quoique les gens de la campagne débitent dans ces quartiers bien des chofes à cet égard , mais trop vagues pour y compter. En parcourant les contrées que je viens de nommer , j'ai fouvent rencon- tré , dans l'efpace d'une verge quarrée , vingt à trente tiges de froment , oa d'orge , les unes auprès des autres , gâtées par la nielle ; au lieu qu'en d'au- tres tems j'ai eu de la peine à en raiîembler dans tout un champ dix, épar- fes de côté & d'autre. Si l'on compare cette inronftance &i cette inégalité , jointes aux différences de iîtuaîion & de bonté du terroir dont on a fait mention ci-deifus , avec la température des faifons , & le tems avancé ou re- tardé de la culture des terres qui s'y rapporte , on fera pleinement convain- cu , que la ii.'.lle des bleds ne dépend point proprement & nécefiairement de ces dernières caufes , & peut être n'y a même aucun rapport , de forte qu'il faut en chercher d'autres qui foient mieux fondées , & qu'on puifTè alléguer avec plus de vraifemblance. Il y a encore des gens , d'ailleurs fort en- tendus dans l'agriculture, qui s'en tiennent à ces opinions , parce qu'ils ne connoiifent pas mieux ^ & cela les rend excufahles. Pour venir préiénteinent aux tiges naêmes que la nielle a endommagées , on ne fauroit encore les diftinguer des autres , tant que ces tiges n'ont pas 1 DES SCIENCES DE BERLIN. 227 fait leur jet, & que les épis avec leurs barbes ne font pas fortis de l'étui des / , ta feuilles. La nielle des fleurs demeure cachée pendant tout ce tems-là dans -^ "^^ ■^'^* l'intérieur de la plante , fans fe trahir par aucun fitn; fufpeft , au moins ^ " ^ t s dans la plupart des cfpèces de bleds. La figure , la ^r .ndeur , la fituation , '75 6". la couleur, l'odeur, le goût, l'éclat & raccroiflèmcnt , demeurent à l'é- gard du refte de la plante frappée de nielle , dans un état naturel & parfait pareil à celui des autres ; ôc la nielle qui demeure cachée dans les petites parties les plus tendres de la fleur, non encore développées , n'eft pas capa- ble, tant que les fleurs ne font pas ouvertes , de troubler le mouvement ré- gulier & la tîltration des fucs dans le corps entier de la plante ; au moins n'eft-ce qu'au bout d'un long efpace de tems qu'on peut s'en appercevoir. Mais dès que les tiges de froment ou d'orge ont conduit à leur perfection les parties qui conitituent la fleur, & que les étuis des feuilles commencent à s'ouvrir un peu , pour faire pafTage aux épis ( quoique ces foibles tu- yaux ayent à peine un empan de hauteur , ou guères au-delà), il efl alors très-aiféde trouver fur la totalité d'un champ de ces tiges enniellées • & à la fin on peut les diftinguer de loin d'avec les autres. N'ayant donc dans les commencemens , comme je viens de le dire, rien trouvé dans les plantes extérieurement qui pût les rendre fufpeâcs , ( bien qu'elles fullènt réellement atteintes de ce mal incurable J , & voyant qu'à la fin elles ne laiilbient pas de périr prefque toutes, fans multiplication ulté- rieure , je me propofai de faire des obfervations encore plus fréquentes , & de redoubler mon attention. Plufieurs tiges, proportionnellement à la bonté du terroir , avoient depuis 6 , 10, jufqu'à 16 tuyaux; plufieurs n'en por- toient aulfl que 2 à 4 , ' •> ' avoir rognées jufqu'aux deux derniers nœuds ; il y en eut auxquelles je retran- chai tout \ d'autres furent tranfplantées avec toutes leurs branches enniel- lées , & les jeunes plantes , ou germes qui s'y trouvoient jointes , fans en rien détacher ni retrancher ; & elles crurent de nouveau à l'ombre avec beaucoup de luccès. Les tiges attaquées prirent leur accroilTement en longueur & en largeur , les jeunes plantes contigues pouflèrent leurs tuyaux , & au bout de trois ou quatre femaines , les germes profondément enfoncés dans la terre , produifirent encore des tiges toutes nouvelles. Mais avant que de tranfplanter ces tiges , j'imaginai , avec beaucoup de vraifemblance , qu'un nouveau terroir, en fourniflànt une meilleure nourritu- re , pourroit corriger le vice même des plantes , & je demeurai dans cette ©pinion , jufqu'à ce que j'eulTe examiné de plus près , au moyen de la lou- pe , les jeunes plantes , ou nouveaux rejetions , qui avoient pouffé autour de ces tiges. J'en mis donc les parties les unes après les autres fous le foyer de la loupe, pour découvrir : \°. Dans quelle partie proprement la nielle commençolt à fe manifefter d'une manière fenfible : 2°. Dans quel tems cela arrivoit, & quel étoit celui où la nielle s'étendoit: 3". Si elle exiftoit tout à la fois, & fe développoit enfuite , proportionnel- lement à l'accroiflement des plantes , ou bien fi elle nailïoit fucceflîvement dans le tems que certaines parties fort tendres venoient à éclore , &c. Autant qu'il m'a été poffible de bien voir ces parties tendres des pe- tites plantes qui avoient nouvellement pouffé , le commencement de la nielle y étoit tout- à-fait fenfible , foit à l'œil , foit à la loupe ; & plus la plante étoit confidérable , plus il étoit aifé d'appercevoir dilHndement , que les par- ticules des fleurs preffées tk fortement entaffées au centre de la plante , étoient- mortes , & que leur noirceur s'étendoit de plus en plus aux parties voifi- nes. Cet accroiffèment de noirceur , ou plutôt cette contagion, que les par- ties gâtées répandoient dans la plante, alloit de jour en jour en augmentant, jufqu'à ce que le tuyau venant à fortir de fa gaine , l'épi eût pris une hau-u îeur & une groffeur confidérable. Les petites parties dont il s'agit ici, & que j'ai toujours trouvées les pre- mières endommagées par la nielle , étoient uniquement les parties effèn- tielles des fleurs , favoir les étamines & les piflilles. 11 n'y avoit qu'elles qui, dès le commencement , parufiènt entièrement mortes, fans qu'on pût néan- moins remarquer aucun changement dans la figure extérieure. Quelquefois, ces enveloppes intérieures & tendres, que les Botanifles appellent glumas Si corollas , étoient mortes en même tems , & l'on n'en appercevoit plus: que quelques reftes» l DES SCIENCES DE BERLIN. 129 Sur les calices, qui font des enveloppes extérieures & plus dures , on ,. ^T Voyoit en même tems des tâches fcparécs , comme une pouflîère d'un - . ' , noir bleuâtre , ou d'un bleu foncé; ce qui eft un indice déjà connu & infail- ^ lible dans la plupart des plantes, de la nielle qu'elles renferment au dedans. ' ' Je parlerai ci-après avec plus d'étendue de la vraie conilitution de ces par- ties , aâucllement détruites par la nielle. Les expériences que je viens de rapporter , & que j'ai eu occafion de faire , fur l'état intérieur de ces jeunes plantes qui croiilént à coté des tiges enniellées d'orge ou de froment, lorfqu'elles ont à peine atteint 335 pou- ces de hauteur, me convainquirent bien-tôt que je m'étois beaucoup trom- pé dans ma première conjeéture ; & il me fut aifé de prévoir que mon deC fein de tranfplanter des tiges enniellées , dont les fleurs étoient actuelle- ment mortes , & avec cela tout-à-fait imparfaites , n'auroit aucune réuA lïte , ni pour y apporter quelque changement , ni fur-tout pour les amélio- rer. Malgré cela , je ne perdis pas toute elpérance de tirer , du moins après la tranfplantation , quelques nouveaux rejettons des nœuds de la racine , qui puflbnt porter quelques épis parfaits avec des fleurs & des femences ; d'au- tant plus que tout le refle de la plante étoit encore fain. Mais je me trou- vai bientôt détrompé , quoique dans d'autres tems quelques eflais ou expé» riences me rejettaflènt dans le doute , de façon à me perfuader qu'il n'étoit pas impoflible qu'une tige enniellée produisît un ou divers épis parfaits» Depuis ce tems-là toutes les tiges enniellées d'orge d'été & de froment que j'ai tranfplantées , ont bien pouflé de nouveaux rejettons, & produit d'autres plantes , mais il n'en eft venu que des épis gâtés , ou même a£tuel- kment morts. J'ai fouvent rencontré dans le millet tout le contraire de ce que j'avois remarqué dans le froment, l'orpe & l'avoine , comme je le dirai, plus amplement dans une autre occafion. D'ailleurs , quand quelque plante eft attaquée d'une maladie curable , on peut lui procurer du remède , foit par fa racine en changeant la nourriture qu'elle reçoit, foit par une bonne & abondante humidité qu'elle tire de l'air • mais s'il s'agit d'une plante tout-à-fdit jeune , qui a nouvellement germé , une femblable amélioration eft beaucoup plus difKcile & plus rare : on ne doit pas même i'efpérer lorfque le vice eft caché jufques dans la moelle. La plupart des nouveaux rejettons dont je viens de parler , n'étoient pas encore vilîbles dans le tems de la tranfplantation , comme je l'ai fort bien remarque en les comptant ; par confequent il faut qu'ils foient fortis de la moelle de la plante. Cela me conduit à une conjeîlure très-vraifembla- ble ; c'eft que quelquefois dans une tige de froment ou d'orge , la moelle eft tout-à-fait enniellée , au lieu que dans d'autres tems la nielle ne fe ren- contre que dans quelques-uns des filets qui fortent de la moelle , & c'efè avec eux qu'elle fc répand dans les autres parties de la plante j ce qui, aï,-. 230 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE T M Y/T "^^ P'"^ ^'^^ "'^ P'"' lentement , & au commencement , tantôt dans une . ' il. 1 partie , tantôt dans une autre. C'e{t ce que paroit confirmer en quelque forte la diftérence que j'ai remarquée dans les épis mêmes d'orge & de fro» ' ^ * ment que la nielle avuit gâtés ; quelques-uns étoient entièrement morts & noirs , au lieu que dans d'autres il n'y avoit que les pointes extérieures qui fullént enniellées, les autres parties de l'épi étant faines. Dans d'autres , la moitié inférieure eil morte , ôi. celle d'en-haut dans fon état de perfeélion; ce qu'on doit auffi entendre des épis d'orge. Il ne faut pas non plus con- fondre avec la nielle cet accident qui arrive à quelques elpèces de bleds , où les grains entiers paroillèiit être évanouis dans les épis ; ce qui ne vient que de ce que l'épi n'a porté que des fleurs mâles , qui après avoir fleuri ne lailïènt jamais de grains. Telles font les obfervatioiis que mes efTais m'ont donné lieu de faire fuf l'extérieur des tiges enniellées avant ik après la tranfplantation. Mais ayant dit ci-delTijs que la nielle n'efl point fenlible au-delà des tiges a^'ant que les épis aient poulie , & qu'on l'apperçoit feulement après cela aux barbes , ou aux calices de l'épi , il fera nécellaire de déterminer avec plus d'exaftitude , où eft fon fiége propre, en quoi elle confille , «Se comment elle s'étend ou Ce propage. Chaque tuyau qui poulïè fur une tige enniellée, avant l'entière corrup» tion qui s'empare toujours , mais lentement , des petits canaux & refervoirs par lefquels les fucs coulent de la furface dans l'intérieur , & avant l'obf^ truâion totale de la m lélle , paroit entièrement fain , jufques dans fes pointes les plus extérieures , 6i leurs divifions ■■, de forte qu'à en juger par les apparences , il paroit propre à prendre fon accroiilènient , pour arriver à la figure naturelle , à la force & à la grollèur qui lui conviennent : mais dès que l'épi fe montre, on découvre diltincfement le vice de la plante. Les fleurs , au contraire , avec leurs dépendances , contraûent feules , dès le com'Tiencement , la nielle entière , lans que ni la fîmple vue , ni la loupe puiflènt découvrir aucun indice extérieur de ce mal dans les petites queues auxquelles elles tiennent , pas même lorfqu'elles ont pris tout leur accroilTè- ment. La différence qu'on remarque dans les tiges enniellées , conlîfle en ce que quelques épis avec leurs barbes ont atteint leur état de perfeôion , tandis que d'autres tout retirés font étroits & minces , & demeurent tels , de façon qu'ils paroilTènt avoir à-peu-près péri. Dans le premier cas , les paquets de nielle dans les épis , fur-tout dans l'or- ge , font fouvent excités au développement, ou bien endurcis par une forte d'humidité , de forte que les épis confervent leur force ; au lieu que dans îe fécond , l'air féche & difïîpe plus vite ces amas nielleux; ce qui fait qu'on ne trouve que des épis fort courts & fort grêles , & même quelquefpis qu'oH n'en trouve point du tout. DES SCIENCES DE BERLIN. 131 La loupe fait fouvent appcrcevoir cette différence dans les jeunes plantes t^- f qui ont nouvellement pouiîc; ce qui donne à connoltre , d'un côté , que , J^^!' ^ ^. dans la première efpèce , la nielle a fait tomber plus tard les parties extérieu- ^ ^ ^^ res des fleurs , & de l'autre , qu'il faut que quelques-unes de ces parties aient ' ^^ * été détruites plus lentement ici que dans la dernière efpèce. Quand on con- Cdére un épi d'orge cnniellé , forti de fon tuyau , voici ce qui s'y prcfente à obferver. Les enveloppes extérieures , ( involucra & glumœ , ) dont cha- cune en particulier , dans le cours ordinaire de la nature , contient trois fleurs différentes , & qui a coutume de réfulter de l'aliemblage de fîx feuil- les terminées en pointes , font tellement détruites dans la plupart des épis cnniellés, qu'à peine peut-on en découvrir quelques traces. Au contraire, les calices , ou enveloppes intérieures , qui font proprement au nombre de trois différentes , dont chacune enveloppe fes propres étamines & fes pif- tilles , confervent encore pendant quelque tems , au moins en partie , leur figure extérieure , & il en naît des épis , tantôt plus courts , tantôt plus longs , quoique tout le refte y foit aâuellement mort. Les trois fleurs dans Icfquelles font contenues trois étamines & un double ftile , fe trouvent dès leur premier développement , tellement détruites par la nielle, qu'on ne peut plus diûinguer leur figure , leur grandeur, leur nom- bre, &. la proportion de leurs parties. En effet, depuis que la pourriture les a diffoutes , elles n'ont pu continuer à fe développer , mais depuis ce tems- là elles ont été léduites en paquets informes d'une pouflière noire. Dans ces circonftances , j'ai toujours trouvé , par rapport aux étamines & aux piC* tilles des fleurs de bled que la nielle avoit aitaquées , que, dès le commen- cement & avant tout le refle , elles avoient été entièrement anéanties. Quand donc les épis , dont les fleurs ont été ainfi détruites par la nielle, ~ fortent de leurs tuyaux & paroillènt en plein air, ils iont d'abord d'un gris foncé , ou bien , les enveloppes qui ont été en partie confervées , leur donnent une couleur de plomb; & tant qu'il y refle quelque humidité, ils paroiPient contenir des grains bien pouilés, & d'une grofieur confidérable ; mais ces apparences ne manquent jamais de s'évarouir ; ces grains fe deflëchent, & peu-à-peu deviennent une pouffière noire comme du charbon , une eipèce de iuye , où les reftes pulverifés de toutes les fleurs , qui font encore dans une ou plufieurs enveloppes , fe réunifient , & forment au bout de quel- ques jours un paquet informe , & d'une dureté confidérable. Il ne faut pas , au refle , s'étonner que les parties intérieures des fleurs dans les efpèces des bleds, foient beaucoup plutôt détruites par la nielle que leurs enveloppes, piiifqu'elles tirent immédiatement Ôi fort vite leur corrup- tion de la moelle, au lieu que les enveloppes , qui ont des Hbres & des ca- naux dont la force & la flexibilité font plus grande-;, peuvent réfifler bien plus long-tems à unefemblable corruption, d'autant plus qu'elles tirent leur prin-> Î3Î MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROVALÊ T^., VU cipale nourriture des deux écorces. Les étamines, au contraire , & les piC- Année *°"* remplis de petits vailleaux d une extrême delicateUe , & ^ pour la plus grande partie , remplis de fuc ; ce qui ne leur permet pas de ré- ' fifter à l'impulfion rapide ck vioknte des lues endurcis & épaiffis , à la force avec laquelle ils fe rarcrient , aux obltruûions qui en réfultent &c. Cela fait que dès qu'ils commencent à prendre leur accroiflèment , ils crèvent fa- cilement. Les fucs extravafés & croupiflàns dans le tiflTu cullulaire , fubiffent promptement une forte corruption , & deviennent enniellès, ou, ce qui re- vient au même, il en rèfulte une mort complette. Si l'on fuppofe donc ici une fèmence imparfaite attaquée , & en quelque manière à demi gâtée , comme on en trouve effedivement de femblables , il eft fort naturel de croire que ce vice vient de la moelle des grains , ik que dans le progrès de leur accroît fement, il peut s'y étendre, tantôt dans une partie , tantôt dans l'autre. Nous ferons voir plus particulièrement dans la fuite quel eft le fiége de la cor- ruption dans la plante enniellée , & d'où elle tire fon origine. Les calices des Heurs ne font point entièrement exempts de nielle, comme nous avons déjà pu nous en convaincre par l'expérience , qui nous décou- vre extérieurement ces petites tâches femblables à de la poufiière d'un bleu foncé , & qu'on doit regarder comme des fignes d'une nielle intérieure. Il y a feulement cette différence certaine, c'eft que dans toutes les efpèces de bleds les étamines & les piftilles, avec leurs calices propres , font dès le com- mencement tout- à fait morts , quoiqu'à l'extérieur, les calices des fleurs ne paroillènt éprouver l'effet de la nielle que peu - à peu & fort lente- ment, & qu'en partie leur mort n'arrive que pendant le développement des épis , favoir , quand le tuyau a atteint à - peu - près fa grolTèur ordi- naire : ce qui rend extrêmement vraifemblable , que les parties intérieures des fleurs mortes produilent des fucs gâtés & enniellès , qui , par le tilTii cel- lulaire , fe répandent fuccelïivement dans les autres parties. On peut s'afîù- rer de la pofïibilité de cette fuppofîtion , en confidérant la iîtuation , la h'aifon & la diiiribution des vaifïèaux qui conduifent les fucs du fiége de la fruftification aux étamines & aux piftilles , & dont les nombreufes ramifi- cations vont fe rendre dans les enveloppes & les feuilles des fleurs. Ceci pourra fuftire par rapport aux épis d'orge gâtés par la nielle ; nous allons à préfent confîdérer d'une façon plus particulière les grains enniel- lès , ou les paquets de pouffière nielleufe , qui reftcnt après la defiruftion ;t de la perfection requife dans la fémence , en tant que chaque grain doit renfermer une plantule fén.inale , & aux qualités du fuc nouiricier qui elt requis pour cet effet. On peut y ajouter ce que j'ai ob- fervé en diitérens tems , partie à la fimple vue , partie à la loupe , tant dans les rejcttons ik les 3. unes plantes, qui tenoient aux tiges enniellées que ï ai tranfplantées , que dans ces tiges mêmes , de froment & d'orge. Ces ojiervjtions m'ont dé iiontrè , que la nielle des bbds eft une dejlruc- tion totale , ts une manification compUne de toutes les parties ejTentulles de la fleur ; ik c|ue dès le premier développement de ces parties , elle com- mence déjà à le rendre fcnCLle au-dedans de', rejettons : & c'eft de-là , que la nielie continue à s'étendre , pendant le développement fucceflîf du refle de la plante, qiife faittout comme avant la nielle. L'obftruction totale & irré- iné.liable du tiiîii entier des vaiilèaux, dans certaines parties de la plante fé-> minale , elt , fuiv^ant ce qui a été dit, la caufe inconteftable de cette pouf- fière eniiicllée qu'on trou i-e enfuite ; l'obftruftion eft fuivie de la rupture des vailleaux , & de l'épanchement des.fucs , qui venant à fe corrompre fort promptem^nt contribuent beaucoup à fonifier & à étendre la nielle. 0( , coaune ks germes ou rejettons que pouilent les branches eaniei^ î4« MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE L. ^j^ lées , font formés par certains filamens particuliers qui fortent du centre de . * , ' la moelle ( proccjjus medullares ) , il faut que les vaifïèaux qui contribuent le plus ellèntiellement à l'organifation cachée du germe , y foient peu-à-pcu ' -* ■ entièrement obftrués , en tout , ou en partie, & qu'ils périfTcnt. C'eft ce que donnent lieu de conjcéturer , avec beaucoup de vraifemblance , ces épis qui ne fe trouvent qu'à moitié enniellés , tantôt en-haut , & tantôt en-bas ; & comme ce fâcheux accident de la fémence , qui contient la tendre plante future , y exifte d'abord avant & après qu'elle a germé , dans le tems où elle reçoit fa première nouniture des fucs contenus dans le grain , il efl: bien aifé de comprendre de (jueile manière ces fucs caufent , fucceffivement , l'obC- truftion fouvent mentionnée , dans le dlïLi retiforme des vaillèaux infini- ment déliés , qui entrent dans la compolîtion intime du germe. Il refte encore ici , à la vérité, quelques fujets de doute , que toute l'exac- titude de mes obfervations ne peut entièrement lever ^ mais toutes les cir. confiances que j'ai indiquées étant réunies , il demeure toujours de la plus grande vraifemblance , que le véritable principe & le commencement de la nielle exiftent dans la fémence , & que le fuc gâté & pourri dans les co- tylédons , communique des qualités nuifibles aux procejfus médullaires, qui, dans le premier développement de la plante féminale , doivent former les fleurs futures , dans la partie afcendante du germe , ou dans la plumule. Que ce vice attaque uniquement les procejfus médullaires en queftion , fans toucher aux autres , c'efl: ce qui efl: de la dernière évidence , puifque les fleurs exceptées , la racine porte une plante parfaite , qui à l'extérieur efl exac- tement femblable à toutes les autres , que la nielle n'a point attaquées. Cela ne pourroit arriver , fi dès le commencement , la moelle étoit endom- magée & enniellée dans le rojlellum , ou la partie defcendante de la plan- tule féminale , auffi-bien que dans la partie fupérieurej car il feroit impoC. -fible alors que la fémence germât , & produisît une plante. C'eft-là tout ce que je m'étois propofé de dire dans ce Mémoire tou- chant la véritable nature de la nielle des bleds ; fes caufes & les moyens de Ja détruire doivent être regardés comme un fupplément important à l'hiftoire naturelle de ce fléau. J'ai comm.uniquéce fupplément au public , dans l'efpé» rance que les eiïais qui fe feront dans la fuite , fi l'on y apporte l'attention néceflàire , & qu'on y procède avec un efprit exempt de préjugés , conduiront PHiJloire de la nielle des bleds , à un degré de perfection , dont l'oeconomic de la campagne pourra tirer une infigne utilité. DES SCIENCES DE BERLIN. 247 Sg^ =^ -HlO-'" ==?^ loM.XlI. Année AI^ T I C L E XXII. Mémoire concernant quelques nouvelles expériences élecîriques,. Par M. /t p I N u s. 175(3. LA nature eft un tréfor inépuifable de faits merveilleux. A chaque pas que nous faifons dans leur recherche , de nouvelles vues fe découvrent à nos regards. Toutes les fois qu'on s'imagine avoir épuifé une queflion , un examen plus attentif fait voir que le but auquel on s'étoit propofé d'attein- dre , eft encore infiniment éloigné , & que ce qui nous a fait croire le che- min Il court, c'eft que nos yeux étoient trop foibles pour en appercevoir le terme. Les nouvelles expériences concernant réleftricité fournifTènt un exem- ple convaincant de ce que nous venons d'avancer. La découverte d'une multi- tude de phénomènes inopinés & des plus Cnguliers qui fe rapportent à la force éledrique, engage les Phyficiens à croire , non fans apparence de rai- fon , qu'ils font au fait de la nature de cette force , & qu'ils connoiflént exac- tement les loix générales auxquelles elle clt aflujettie. Mais on ne doit pas plus s'attendre ici à une connoillanre parfciite que dans toutes les autres par- ties de la fcience naturelle. Les oblér^acions que je vais rapporter concer- nant l'éleâricité d'une pierre précieule de l'ifle de Ceylan , ne peuvent man- quer d'étonner ceux qui ont qucijue idée des loix des opérations éleftriques, & ferviront encore a dcinontrcr d'une manière bien fenfible combien la na- ture eft riche &. abondante en phénomènes , qui doivent exciter en nous la plus vive admiration pour elle lieu. Car fi en frottant le côté négatif de la pierre contre le drap , on » fait paffer le tourmalin à l'état qui ne lui eft pas naturel ( & pour cela il » fuffît de le paflèr une ou deux fois fur le drap ) enfuite tant qu'il refte » quelque trace d'éleâricité , le côté pofîtif demeure négatif , & le côté » négatif, pofitif. 3. » Quand on aflTujettit par-devant le tourmalin à un tube de verre , & » qu'enfuite on le frotte contre un drap , de manière qu'il ne s'échauffe » pas , en prenant la précaution que , foit pendant le frottement , foit » après , le côté non frotté de la pierre ne foit touché ni par les doigts , » ni par aucun autre corps non éleftrique ; alors les deux côtés du tour- » malin fe trouvent doués de l'éledricité pofitive , & le retour à l'état » naturel ne s'enfuit point. 4. » Enfin quand on affujettit comme auparavant le tourmalin à un tu- DES SCIENCES DE BERLIN. îjj » yau de verre , en obfervant les précautions qui viennent d'être indi- TT., \ //" » quces , favoir que le côte de la pierre qui n'a pas été frotté , ne foit ^ ■!- 1^ ^ J » touché par aucun corps non éleârique ; fi après cela l'on frotte la ,-, j-ff » pierre jufqu'à l'écliauÉFer d'une manière fenfible , alors , comme aupa- / ^ * j» ravant , les deux côtés deviendront pofitifs , mais le tourmalin retourne » enfuite infaLliblement de lui-même à fon état naturel ». De ces loix rapportées jufqu'à préfent , & que le tourmalin fuit lorfqu'il devient électrique , on peut tirer les conféquences fuivantes comme autant de propofitions incontellables. i". Le tourmdlin poflède deux fortes d'éledricités tout-à-fait diftinéles l'une de l'autre , & qui n'ont aucune liaifon entr'elles. La première lui eft commune avec toutes les autres pierres précieufes , auffi-bien qu'avec le verre & les corps de la même efpèce ; ainfi à cet égard il ne renferme rien de merveilleux , ou du moins rien qui lui foit particulier. La féconde efpèce d'éleâricité lui eft , que je fâche , entièrement & uniquement propre ; elle a fes loix qu'elle fuit & qui ne conviennent qu'à elle feule j & c'efl: juf- qu'à préfent un exemple qui n'a pas fon femblable. i". De la première éleâricité du tourmalin découlent tous les phéno- mènes qui arrivent , lorfqu'on le frotte aflêz doucement pour que la pierre ne s'échaufFe point : c'eft ainfi qu'il devient éledrique en le frottant contre un morceau de drap. Si pendant qu'on le frotte , les mains nues , ou quel- qu'autre corps non éleârique , touchent le côté qui n'eft pas frotté , celui qui l'eft , devient pofitivement éleftrique , & celui qui ne l'eft pas , négative- ment. Mais quand on le frotte après l'avoir afliijetti à un tube de verre , les deux côtés deviennent pofitifs. Cependant aucun des deux côtés de cette pierre relativement à cette éleftricité , n'a rien qui le diftingue des autres corps éleâriques. Toutes ces cLrconftances fe trouvent dans les corps élec- triques de l'efpèce du verre & dans le verre commun , auiE-bien que dans le tourmalin. Toutes les propriétés que j'ai décrites font aflèz connues dans les corps de l'efpèce du verre , fi ce n'eft que tout le monde n'eft peut-être pas éga- lement au fait du changement qui arrive lorfqu'on touche ces corps frottés avec les mains nues ^ le côté non frotté devenant alors négativement élec- trique. Quand on voudra répéter l'expérience , on trouvera qu'elle confirme toujours ce phénomène de la manière la plus complette ; & quiconque eft inftruit des expériences mémorables de M. Franklin , & de tout ce qui a été dit au fujet de la fameufe expérience de Leyde , qui eft accompagnée d'une fiviolente fecoufle, s'appercevra bien d'avance que les chofes doivent arriver & fe fuivre conformément à mon expofé. Les mêmes circonftances qui font néceffaires pour changer le verre dans l'expérience de la fecoulTè » fe trouvent ici ^ & par confé^uent il en doit naître les mêmes effets. J'ai fait 2^5 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE ^ —■ des obfervations toutes femblables par rapport au corps réfineux ; & j'ai ob-' ToM. AIL fervé cette différence , que quand on les frotte avec la main , le côté frotté de- Année ^jg^^j négativement éledrique , & celui qui ne l'eft pas, acquiert la vertu po« ^75^' fîtivc. Je remarque en palftnt que c'eftlà une preuve indubitable que, même fans verre , avec des corps réiineux , l'expérience de la fecouflè eft poffible , ce que tous les Auteurs qui ont écrit jufqu'à préfent s'accordoient à nier. 3°. L'éle(9:ricité propre du tourmalin eft entièrement différente de la pré- cédente. Elle fuit auffi de tout autres loix. Cfiacune de ces deux éleftricités peut être excitée indépendamment de l'autre ; & bien qu'elles puifîènt exif- ter enfemble , c'efl pourtant toujours fans qu'il y ait aucun rapport , ni au- cune liaifon entr'elles. Cette éleûricité particulière au tourmalin, n'a befoin pour être produite , que d'un certain degré de chaleur de quelque efpèce qu'elle foit indifféremment. Dès qu'il en exifte une qui a le degré requis, auffi-tôt , en vertu de la ftruâurc intérieure & de la conflitution de la pierre , un côté fe trouve doué de l'éleélricité pofîtive , & l'autre de l'éleûricité né- gative. Quand les côtés de la pierre font également échauffés , il y a tou- jours un côté déterminé qui eflpofîtif, tandis que l'autre efl négatif; mais quand les côtés reçoivent une chaleur inégale , le côte qui efl ordinairement polîtif , devient négatif, & celui qui étoit négatif fe change en pofîtif , ce qui dure aufïï longtems que la diflribution inégale de la chaleur. Cette éleftricité propre au tourmalin , dont nous venons de donner la defcription , ne peut manquer de lui attirer l'attention des Phylîciens , fans qu'il foit befoin d'infîfler davantage pour les engager à tourner leurs re- cherches vers cet objet. Je profiterai de cette occafîon pour parler d'une autre expérience éleârique remarquable que j'ai eu occafîon de faire depuis peu. Voici de quoi il s'agit. On fait que prefque tous ceux qui ont fait des expériences fur l'éleftricité , ont cherché dans la nature particulière du verre la raifon de la fecoufTè élec- trique qui arrive dans l'expérience de Leyde. M. l'Abbé Nollet a elTayé iî la même chofe pourroit arriver dans des vaifTeaux de poix ou de cire d'efpa- gne; mais il déclare qu'il n'a jamais réufîî à produire par cette voie le phé- nomène en queftion. M. Fianhlin lui-même croit que le verre eft indifpen- fablement néceffaire pour cette expérience , & qu'il produit l'effet obfervé en vertu de fa ftrufture intérieure , fur laquelle ce Phylicien a imaginé une hypothéfe tout-à-fait forcée & dénuée de vraifemblance, qui prouve direfte- ment le contraire de ce que l'Auteur veut établir , puifque tout ce qui cfi: requis , fuivant cette théorie , pour produire la fecoulTè , ne fe trouve pas dans le verre en tant que verre , mais en tant que corps qui pofléde l'éleâri- cité en propre , & qui , en cette qualité , ne fait rien autre chofe que de mettre obflacle au pafîàge dé la matière éleftrique , d'une furface à l'au- tre. DES SCIENCES DE BERLIN. 257 rte. Lafecouiïè même peut s'expliquer beaucoup plus aifément par cette pro- ... ^7? priété de la matière éle£lrique , que M. Franklin a lui- même découverte , ^ .'. 6 î- & qu'il a démontrée par des expériences très-convaincantes j propriété en ' ^ vertu de laquelle les parties de cette matière fe poufïènt réciproquement , / -' * ou coulent Tune devant l'autre. C'ell-là fans doute la caufe immédiate de la fecouffc ; & elle peut en même tems fervir de principe pour expliquer d'une manière naturelle & fatisfaifante toutes les autres circonftances qui fe inanifeflent dans les phénomènes de l'éleétricité. Le verre n'entrant donc ici pour rien de particulier , & ne fcrvant qu'à empêcher le partage de la matière éleûrique d'une furface à l'autre , & à arrêter le cours des étin- celles entre ces furfaces , on peut fubftituer au verre toute autre matière capable de produire le même effet, & par conféqucnt d'exciter la fecouflè électrique. Tous les corps qui pofTédent l'éleftricité en propre font dans ce cas , & par conféquent on doit parvenir à produire la fecouflè par le mo- yen du foufre , de la cire d'efpagne , & même par le feul fecours de l'air , qui eft auffi du nombre des corps éleflriquespar eux-mêmes. De femblables réflexions que j'eus lieu de faire dans une certaine occafion , me convainqui- rent de la poflîbilité de la chofe , & m'engagèrent à efTa^'er fi les expérien- ces s'accorderoient avec les conféquences que j'avois tirées de la théorie de M. Friinhlin. Je m'y fuis pris pour cet effet de la manière fuivante : Je fufpcn- dis deux furfaces couvertes de métal , l'une à coté de l'autre , de manière qu'elles étoient parallèles, & que la diftance de l'une à l'autre dans tous leurs points, étoit d'un pouce l, fans qu'elles fe touchafTent nulle part , ni immédiatement, ni mcdiatement. L'éleftricité fut conduite du globe élecSri- fé à l'une de ces furfaces , & l'autre la reçut par le moyen d'une chaîne qui trainoit fur le plancher , & qu'on y avoit fait parvenir , afin que la ma'ière éle£lrique qui en étoit chaflce par répulfion , s'écoulât , & que la furface même pût acquérir l'éleftricité négative. Tandis que ces chofes fe pafToient, j'éprouvai une forte fecouflè, tout-à-fait femblable à celle qui eft produite par le moyen du verre. Cette expérience ne réuffiroit pas avec de peti- tes furfaces , & fon effet devient d'autant plus fenfible , que les furfaces que l'on employé font plus grandes. Celles dont je me fuis fervi , avoient cha- cune 7 i pieds quarrés, (Scelles étoient de bois couvert de ces feuilles d'étain qu'on applique aux glaces de miroir. Après le fuccès de cette expérience , on ne fauroit douter que tout corps éieftrique par lui-même , tant fluide que folide , ne foit capable de pro- duire l'effet de la fecouflè. Peut-être que les gobelets de poix de M. l'Abbé Nollct ont eu trop d'épaiflèur , le verre lui-même, lorfqu'il eft trop épais, affoibliflant le coup qui arrive dans cette expérience : ou, ce qui me paroit encore plus vraifemblable , comme la poix & la cire d'efpagne, quand on les fond , fe rempliflcnt de bulles d'air & de cavités intérieures , peut-être Tome U, Kk 2j8 ÉLOGE DE M. LIEBERKVHN. ^ ' que le vaifTeau de ce Phyfîcien avoit quelque ouverture cachée , par laquelle ToM. XII. |g n^atière éieûrlque s'écouloit , & pafloit d'une furface à l'autre , fans Année q^'^j, ^-g^ apperçût. Si M. l'Abbé NoUet avoit employé le foufre, qui fe fond ^75^' d'une manière plus compade , fon expérience auroit eu probablement le fuccès qui lui a manqué. Je lailTé à ceux qui s'occupent de l'étude de la nature , le foin de tirer de l'expérience que je viens de rapporter , les conféquences qui en dé- coulent : elles font extrêmement favorables aux notions que M. FranUin a données de l'Eleftricité. ÉLOGE DE M. LIEBERKUHN. /EAN Nathanaël Lieberhiihn , Dodeur en Médecine , membre de l'A- cadémie Royale , & du Collège fupérieur de Médecine , de l'Académie Impériale des Curieux de la Nature , de la Société Royale d'Angleterre, & de l'Académie Royale de Suède , naquit à Berlin le J. de Septembre 171 1. Son père , Orfèvre de la Cour, fe nommoit Jean ChnjlLin Lieberhiihn , & fa mère encore vivante Emérence Raven, Ces honnêtes parens , charmés du don que le Ciel leur faifoit d'un fils , tâchèrent d'en témoigner leur recon- noiiïànce par la feule voie qui y foit propre , je veux dire en lui donnant de bonne heure une excellente éducation , & fur-tout en rempliflànt fon cœur des principes d'une piété folide , qui ont été la règle de fa conduite pen- dant tout le cours de fa vie. Une double raifon obligeoit à former ainfi le jeune Lieberkiihn aux ver- tus qu'on a trop fouvent l'imprudence de négliger ; il étoit deftiné à la Théo- logie & à l'exercice du faint Miniftère. Après lui avoir fait faire fes premières humanités dans fon féjour natal , on l'envoya à l'âge de i 5 ans à Halle , & i! y fut placé dans cette célèbre maifon d'orphelins qui tient un rang diC- tingué parmi les plus beaux établiflèmens de ce fiécle. 11 y continua fes études avec beaucoup de fuccès , furpaflant fes camarades par fa douceur & fa fagellè , auffi-bien que par fon application & fes progrès. Il avoit alors un talent qui indique toujours du génie , c'efl: celui de la poëfie ; il faifoit très-bien des vers latins ; mais une folidité prématurée , fi je puis m'exprimer ainfi , le préferva du piège où tombent fouvent ceus même qui n'ont pas le talent , c'eft de fe livrer à cet amufement , & d'en faire une occupation férieufe, qui préjudicie à toutes les autres. Trois ans s'étant ainfi écoulés , il entra au nombre des étudians de l'U- ÉLOGE DE M. LIEBERKUHN. 2S9 niverfité , qui ctoit alors très-floriffantc. Il profita des leçons de plufieurs i „ yu Profefleurs cclcbrcs pendant un an , au bout duquel il paiïà à Jcna. La ^ j, *,, ^ j réputation de quelques Théologiens célèbres , & en particulier de Mrs. - < r JValch & Carporius , l'y attiroit. Soumis aux volontés defon père , le jeune '^ Liebcrhuhn tcndoit au but qu'il lui avoit prefcrit , avec cette candeur & cet amour du vrai , qui ont toujours fait la partie dominante de fon carac- tère. Mais un penchant fecret de la nature , qui ne demandoit qu'une oc- cafion de fe développer , la trouva dans les leçons de M. Hambergcr , dont l'Allemagne a pendant fi long-tems admiré les connoiffànces phyfi- ques & mathématiques, jointes au talent peut-être plus rare encore de bien enfeigner. Un nouveau monde s'ouvrit tout d'un coup aux yeux du difciple; & il fentit auffi-tôt que c'étoit le fien , qu'il étoit fait pour l'habiter , & qu'il ne trouveroit point ailleurs fon véritable élément. Il faifit avec rapidité toutes les théories ; mais dès lors on voyoit en lui ce qui l'a depuis carac- térifé avec tant de diltinâion , le défir de joindre à la théorie , une pratique qui lui fût exaâement conforme , & de pouffer celle-ci auffi loin qu'elle pouvoit aller. M. Hambergcr, frappé d'une fagacité dont les exemples s'of- frent fi rarement dans les Auditoires académiques , charmé de ce qu'il vo- yoit en Licberhiihn , & plus encore de ce qu'il prévoyoit , lui donna tou$ fes foins. D'abord il ne l'avoit initié qu'à ce qu'on appelle la Phyfique , prife dans fa généralité , & relativement aux befoins d'un homme qui fe defline à quelqu'emploi , où il ne fait pas fon unique objet de cette fcience , mais il l'exhorta fortement à fuivre une vocation auflî-bien marquée que l'étoit la fienne , à entrer dans tous les détails , à ne rien laiffer qu'il n'eût foigneufement approfondi dans les différentes parties ou branches de la Phy- fique, qui font autant de Sciences particulières , auffi importantes que diffi- ciles. Dès ce moment l'étudiant , fous un maître qui l'aimoit tendrement , & qui a été depuis un de fes plus intimes amis , fe livra tout entier à l'A- natomie , à la Phyfiologie , à la Pathologie , à la Chimie , & à toutes les études qui conduifent à la découverte des fecrets de la nature , par une heu- reufe application des fecours de l'art. La Médecine lui offroit en même tems un attrait auquel il ne put réfifter : les deux dernières années de fon féjour à Jcna y furent principalement confacrées , fous Mrs. U'cdel , Techmeycr , & d'autres Profefleurs habiles. Par-tout il s'attiroit des éloges , qui ne fer- voient qu'à l'enflammer d'une nouvelle ardeur. Ces jours , les plus beaux de fa vie , ( car qu'y a-t-il de plus délicieux que l'état d'un jeune cœur , livré tout entier à un penchant louable qui le domine , & qu'il trouve fans ceflè les moyens de fatisfaire ? ) Ces jours s'écoulèrent avec rapidité , & il atteignit à regret le terme de fa carrière académique. Quand on aime paffionné- ment la vérité , on fe voit de bon cœur difciple toute fa vie j c'eft prefque tou- jours l'orgueil ou l'intérêt qui font préférer à cet état celui de Maitre , ou Kkij 26o É k 0 G E DE M. LIEBERKVHN. ToM XH '^^ Dodeur , auffi mal foutenu par ceux qui fe hâtent d'en prendre les titres. Année ^^^ légèrement accordé par ceux qui les difpenfcnt. _.g. M. Lieberkiihn le père, quoique très-fatisfait de l'habileté defonfils, n'en demeuroit pas moins décidé dans le deilèin de le dévouer à l'état ecclé- fiaftique ;, le fils docile étouffoit de fon côté cette inftigation fecrete qui le portoit ailleurs , & fe conformant fans le moindre indice de répugnance aux ordres qu'il reçut, il partit de Jên^î en 1733 , après s'y être fait recevoir Candidat en Théologie. Il fe rendit auprès d'un frère aine , déjà établi en qualité de Pafieur à Kofcow. Il fe mit à la Prédication , à laquelle il auroit été très-propre par l'étendue de fes lumières , & par ce fonds de bonté , dont la nature avoit mis fur fon vifage l'empreinte la plus marquée , en lui donnant cet air affeftueux , fi convenable à un homme chargé d'annoncer une dodrine de grâce & de falut. Mais tout en continuant fes études de Théo- logie , & en compofant fes fermons , M. Lieberhiihn revenoit comme de lui- même à fa chère Phyfique ; n'ayant jamais aimé la diflîpation , ni les plat- firs de la jeunefïè , il fe délafToit uniquement dans un cabinet déjà tout rempli d'eiïàis indufiricux de Phyfique , de Mécanique , ik d'Anatomie , par lefquels il préludoit en quelque forte aux merveilles qu'il a exécutées depuis. Sur ces entrefaites il perdit fon père , & comme il n'avoit pas reçu en- core l'ordination , il fe vit libre de ne point gêner fon penchant. Cependant, foit par déférence pour les volontés du défunt , foit parce qu'il fe trouvoit comme à la porte du Miniftère eccléfiafiique , il y feroit entré , félon tou- tes les apparences , fans une occafion remarquable qui décida de fon fort. M. Rcinbeck , ce refpeûable Théologien , cet homme fi rare , dont je ne prononcerai jamais le nom fans m'attendrir au fouvenir de fes vertus & de fes bienfaits , faifant un petit voyage à la campagne , fit une partie de fa route avec M. Lieberhiihn ; & après quelques heures de converfation , il fut aufli furpris que ravi de trouver dans un jeune Candidat en Théologie , un Savant diftingué , un Phyficien profond , un Mécanifte excellent. Il ne pouvoit en croire fes oreilles , & étendant fa curiofité à tout ce qui étoit propre à la fatisfaire , il fe fépara de fon compagnon de voyage, pleinement convaincu qu'il pofiédoit les plus rares talens , & qu'il avoit les meilleures difpofitions à les conduire jufqu'au degré de perfeftion qui fait les grands hommes. M. Reinbed: rempli de cette idée , n'en conferva pas un ftérile fou- venir •■, mais fe fervant dans cette occafion , comme il l'a fait en une infi- nité d'autres , de l'accès qu'il avoit auprès du feu Roi , & de la confiance fi bien méritée dont ce Monarque l'honoroit , il lui parla fi avantageu- fement de M. Lieberhiihn que ce Monarque voulut le voir. Il le fit donc appeller; & le jeune homme avec fon air naturel de douceur & de modes- tie , répondit très-pertinemment à toutes les queilions que Frédéric GuUlaUf^ ÉLOGE DE M. LIEBERKVHN. 261 me , qui avoit un art tout particulier pour interroger les fujets qu'il vouloit -p ^7 connoître , lui propofa , & qui rouleront en partie fur la Théologie , en - ' * , partie fur la Mécanique ; l'entretien finit par les alTurances les plus gra- „ cieufes de la bienveillance & de la protection du Souverain. ' -" La réalité les fuivit de près. M. Licbcrhuhn ayant par ordre du Roi , re- noncé à la Théologie, atîn de fe livrer aux Mathématiques , en tant qu'elles font appliquées aux progrès de la Phyfique , il commença par les voyages nécelîaires pour s'inftruire en voyant quantité d'objets intéreirans répandus dans les divers cabinets de l'Europe , & par la converfation des Savans déjà confommés dans ce genre d'étude. Etant parti de Berlin en 1736 , après avoir été auparavant aggrégé à la Société Royale des Sciences , dès l'an- née précédente, il fe propofoit d'aller tout droit en Hollande; mais la fièvre l'arrêta à HdU , & l'obligea d'y relier quelques mois. Auffi-tot qu'il fut ré- tabli , il alla auffi-tôt voir Jcna , ce féjour où les mufes lui avoient été pro- pices ; & ne dédaignant pas d'y fréquenter quelques Collèges , il fe mit en même tems à conflruire ces inftrumens d'optique , de mécanique , & de mattiématique , dans la fabrique defquels il eft devenu un des premiers Artifles de fon fiécle. Il paflh en 1737 à Erford, où M. de Buchncr, déjà re- vêtu du titre de Préfident de l'Académie Impériale des Curieux de la Na- ture , qu'il foutient encore aujourd'hui fi dignement, l'aggrégea à cet illuftre Corps : ôi le furnom fous lequel , fuivant l'ufage , il fut infcrit dans fes faf- tes , ne pouvoit être mieux appliqué ; c'étoit celui de Dédale. Pourfuivant fa route par CaJJcl , Marbourg , Francfort fur le Mein , Cf Mayence , Ôc ne lailïànt rien échapper de ce qui pouvoit fe rapporter à fcs vues , four-tout en fait d'inftrumens de mécanique , il arriva à Am/lerdam, d'où bien - tôt il fe rendit à Leyde. L'immortel Boerhuare l'y attiroit ; il brûloit de le voir & de l'entendre; & redevenant auffi-tôt ce qu'il aimoit tant à être , le plus attentif de tous fes difciples , on le vit recueillir avec une avidité inexprimable , tous les oracles de ce grand Maître. Mrs. Alhinus, VanSwieten & Gauhius , occupèrent auffi fon attention , dont ils étoient bien dignes. La Chimie & l'Anatomie furent alors fes principaux objets. Il avoit befoin de les allier toutes deux enfemble pour réuffir dans ces admi- rables injedions , qu'il commença dès- lors à exécuter , & qu'il a pouffées de- puis à un point qu'on pourroit regarder comme leur plus haut période. Les Docteurs les plus confommés virent bientôt en lui un émule qui méritoit de prendre place à leurs côtés. Ils lui en donnèrent le droit en le créant lui- même Doâeur en Médecine le lo Juillet 1739. La difïèrtation qu'il foutint à cette occafîon étoit intitulée : de valvuLî coli & proceffu vcrmifortni ; & il fe tira de la difpute avec de très-grands applaudiflemens. D'abord il avoit ea delTèin de choifir le plomb pour fujet de cette dilTértation ; mais fes profcA feurs l'obligèrent à préférer celui qu'on vient d'indiquer , parce: qa'iL y avoit fait des découvertes confidérables. £ i6i ÉLOGE DE M. LIEBERKVHN. y^ Le nouveau Dofteur quitta la Hollande pour pafîèr en Angleterre , & ar. ioM. Ail. j.jyg ^ Londres. Il ne tarda pas à s'y faire connoître , & à former des liai- A N N E ç^^^ intimes avec les Savans les plus diflingués de cette capitale , où les ^75^' fciences font cultivées avec tant de zèle & de fuccès. Dans le deflein d'ac- quérir des connoiffànces relatives à la médecine pratique, M.Lieherbiihn fré- quenta d'une manière affidue les Hôpitaux , & y porta ce coup d'œil ob- fervateur , qu'il poflèdoit fupérieurement. Les délaffémens de fon cabinet étoient toujours fes merveilleufes injeftions anatomiques. La Société Ro- yale , accoutumée à voir les plus belles préparations dans ce genre , fut fur- prife en remarquant à quel point celles qu'il lui préfenta les furpafibient ; elle reconnut que de pareils effàis étoient de vrais coups de maître. Il avoit en particulier rempli de matière céreufe une très-petite portion d'inteflin grêle avec tant d'art;, ce travail étoit tellement fini , & la vue en avoit quelque cliofe de fi frappant , qu'il n'y eut qu'une voix fur la rareté de ce chef- d'œuvre ; auffi M. Luberkuhn lui-même a toujours regardé ce morceau comme le dernier effort de fon art. Un travail en amené un autre : les ouvrages de l'art ont entr'eux la même liaifon que ceux de la nature , qu'ils font deftinés à imiter ou à découvrir. Pour fuivre des ramifications auffi fines que l'étoient celles auxquelles M. Lie- bcrhûhn faifoit parvenir fes injeâions , il falloit quelque chofe de plus que des yeux excellens , tels que ceux dont la nature l'avoit doué , & même que les microfcopes ordinaires. Cela le fit penfer à travailler dans ce genre d'infiru- mens ; mais ne fe contentant pas de perfectionner ceux qui étoient déjà inven- tés , il devint lui-même inventeur , & caufa un nouvel étonnement à la So- ciété Royale en lui faifant voir un microfcope avec un miroir à réflexion ; ouvrage qui avoit paru jufqu'alors impoffible à tous les opticiens & méca- niftes de Londres. Ce n'étoit pas afTez pourtant au gré de notre Dédale ; dans le delïéin qu'il avoit conçu de décrire toute la mécanique du corps humain , en y joignant une détermination exaûe de fes parties & de fes proportions , il inventa encore le microfcope folaire , qu'il deflinoit à cet ufage. Tant de merveilles confecutives firent des impreffions qui ont été ineff'açables. Je ne parle point ici au hazard. Un refpeâable Eccléfiaflique, favant lui-même très- diftingué , M. Murdoch , a affuré pendant fon féjour ici , que rien n'égaloit la réputation que M. Litberhuhn avoit laiffée à Londres , & que rien auffi n'avoit égalé le regret caufé par fa perte 5 mais n'anticipons pas cette cataf- trophe. Faut-il dire que la Société Royale fe félicita d'acquérir un anbcié tel que M. Lieberkuhn ? Il y fut aggrégé avec les empreflèmens les plus flateurs pour un homme avide de diftinûions ; mais ce n'étoit pas fon foible ; il donnoit pres- que dans l'extrémité oppofée. Il aimoit les fciences comme le fage aime la vertu , pour elles-mêmes , & à caufe des avantages que la fociété en retire. ÉLOGE DE M. L I E B E R K V H N. 265 Londres avoit pour lui des charmes , qui l'auroient engagé à n'en pas fortir î? fi-tôt j mais le terme de fes voyages ctoit limité , & il falloit encore voir .^'^' ' Paris , autre fan£tuaire où les divinités qui préfident aux fciences & aux arts ont toujours eu des autels fameux. Il s'y rendit donc vers la fin de 1749 ; 7>o» mais à peine y avoit-il pafle fix mois que notre augufte Monarque , qui vc- noit de prendre les rênes du gouvernement , le rappella dans fa patrie , où il fut de retour au mois de Juillet 1750 , comblé de toute la fatisfaâion que peut caufer un voyage tel que celui que nous venons de décrire. Prefque aulTî-tôt après fon arrivée , il fe diftingua par d'heureufes cures , & fit voir ce qu'on pouvoit fe promettre de lui. Bocrhaave , qui ne l'avoit pas perdu de vue , & qui s'intérefibit tendrement pour lui , le recommanda dès lors à fa Majeflé l'Impératrice de Ruffie , pour entrer à fon fervice en qualité de premier Médecin ; pofte feduifant par toutes fortes d'endroits ; mais il n'a jamais voulu prêter l'oreille à aucune des propofitions avantageu- fes , & fouvent réitérées , par lefquelles on a voulu le tirer de Berlin. Sujet reconnoilïànt , citoyen affeâionné, fi la parque lui avoit filé un fiéclede vie, il l'auroit confacré au fervice de fon Prince & de fa patrie. Etant de l'ancienne Société Royale , il fe trouva membre de l'Académie à fon renouvellement , & produifit fouvent , fur-tout dans les premières an- nées , les principales inventions qui naifToient en quelque forte fous fa main , comme le microfcope qu'il appliquoit à obferver la circulation du fang dans les grenouilles , & un nouveau pyrométre. 11 n'auroit jamais quitté fon cabinet , fi cela avoit dépendu de fon choix , mais le public le fouhaitoit ardemment comme Médecin j l'empreflement des malades, auffi- bicn que l'obligation naturelle de compenfer par des occupations utiles d'au- tres qui étoient fort difpendieufes , le jetterent donc dans la pratique; & fi elles ne l'y abforberent pas , au moins rendirent-elles fa vie plus laborieufe que jamais , & tellement remplie qu'il ne pouvoit prefque difpofer d'un feul de fes inftans. Je ne m'érigerai point en juge de fes talens dans l'art de guérir, cet art contre lequel on a tant lancé de traits , qui s'émouflènt & tombent fans force aux pieds des vrais Médecins , de ceux qui joignent les lumières à l'expérience , le favoir à la fageiîè. Nous en avons d'illuftres exemples fous nos yeux. Cette Académie fe glorifie de voir à la tête de fes Direileurs un des plus illullres nourriffons d'Efculape ; elle en compte parmi fes membres , qui les uns par une longue & honorable pratique , les autres par des enfeigne- mens auxquels on accourt de toutes parts , font fleurir & refpefter leur art falutaire ; & pourquoi me refuferois-je la fatisfaûion de placer ici l'ex- preffion de nos fentimens pour eux ? Chargé du trifte devoir d'orner le tom- beau des Académiciens que la mort nous enlevé , qu'on m'accorde au moins la douceur de louer pendant leur vie ceux dont nous jouiffons en- ÎES 264 ÉLOGEDEM. LIEBERKUHN. ' ,., core , & de faire ici des vœux publics pour leur conferyation ! 7 OM. Ali. Y>Q^j. revenir à celui que nous rcgrctons , ces regrets font fondes fur la Année ^^j^ publique , rarement trompeufe quand elle elt univerfelle , ou qu'il n'y '■75^' a qyg jg5 murmures de l'envie qui la travcrfcnt. Si pourtant on s'obilinoit àla recufer, j'en appellerois au témoignage de fes confrères ; & du fein même de la rivalité , plus forte peut-être dans cette profeffion que dans toutes les autres , parce que les rivaux fe rencontrent l'un l'autre tous les jours , & à chaque pas; du fein, dis-je, de cette rivalité, je me flatte qu'on entendroit fortir le témoignage le plus honorable à notre défunt. Faut-il fonder notre jugement en fa faveur fur des chofes qui foicnt à la portée de tout le mon- de ? je dirai que M. Lieberkiihn étoit un excellent Médecin , premièrement parce qu'il a guéri des maladies fingulières & dangereufes , & qu'il en a conduit d'autres fupérieures à toutes les forces de l'art , auffi loin qu'elles pou voient aller ; mais auffi , parce qu'il avoir tout ce qu'il faut, les connoiffanccs étant préfuppofées pour bien traiter les malades. Il étoit d'une patience, d'une affiduité , d'une douceur, qui gagnoient d'abord le patient-, & c'eft un grand point , car l'empire de l'imagination eft extrême , dans les maladies mêmes dont elle n'eft pas le principe. Un bon Médecin gouverne l'ame autant ou plus que le corps; il encourage , il foutient , il confole , il ranime fouvent par cette voie quelque étincelle prête à s'éteindre, & qu'un procédé dur ou bizarre auroit étouflée. On ne pouvoit pouflêr plus loin que le faifoit M. Licberkuhn , non-feulement l'air & le ton compatiflant , mais la réalité de la compaffion. Quiconque avoit été fon malade devenoit néceffairement fon ami: s'il y a eu des exceptions , il faut que des caufes bien extraordinaires y ayent influé. 11 avoit le prognoftic prefque infaillible : on en a vu des exemples nombreux & furprenans. Trop prudent lorfque ce prognoftic étoit funeftc pour effrayer ceux qu'il regardoit , il s'en ouvroit à quelque perfonne de confiance , & cela valoit un arrêt. Il avoit auffi des reflbur- ces extraordinaires , des expédiens uniques dans des maladies particulières , (k dans des cas prefïàns. Cela le faifoit quelquefois paflèr pour hazardeux ; mais le fuccès le juftifioit. ConnoilTant à fonds les forces de la nature , & l'ef- ficace des fecours de l'art , il décidoit , quoique fon ton ne fût d'ailleurs rien moins que décifif , d'une manière qu'on auroit voulu rendre fufpefte , & que Ja force du préjugé , ou la malignité de la jaloufie , qualifioit du nom de charlatanerie. Je ne veux pourtant rien outrer, ni prétendre qu'il n'ait jamais donné aucune prife fur lui par quelque propos qu'il auroit pu péfer à une balance plus exafte , cela feroit au-deffus de l'humanité. Mais encore une fois Jes faits ne fe détruifent que par des faits : nous en avons afïèz pour faire fon éloge , & il n'y en a jamais eu affez pour faire fa fatire. Je reviens au Philofophe-artifte ; je n'en ai pas encore aflèz dit fur ce fu- ÉLOGE DE M. LIEBERKVHN. tSi jet , & j'en dirois davantage fi un de nos confrères (*) qui entrant dans fa „" Tryr carrière s'étoit attaché à M. Licberkuhn , & avoit mérité fa confiance .^^' . * par des qualités qui l'ont rendu infiniment fenfiblc à fa perte , n'avoit deiïein '' ' d'entretenir l'Académie dans une autre occafion des travaux mécaniques du 7 j ' défunt , & d'en donner l'idée d'une manière fyftèmatique & complette. Je ne fais donc que glaner quelques généralités , en fuivant un mémoire que ce même Académicien a bien voulu me fournir pour m'aider dans la compo- fition de cet éloge. Quoique les recherches de notre Savant s'étendiffent à toutes les parties de la Pliyfique , fon objet principal étoit le corps humain , dont il auroit voulu porter la connoiffance à un point fort au-deflùs de tout ce qui s'eft fait jufqu'à préfent , & dont on n'a peut-être pas même eu l'idée avant lui. Infa- tigablement livré à cette entreprife , il tenoit une conduite bien différente de celle des favans ordinaires , & qu'on peut regarder comme la marque infail- lible d'un jugement exquis. Il ne fe hâtoit point de publier fes découvertes ; il n'inondoit pas le public d'écrits deftinés à l'inllruire du moindre pas qu'il faifoit dans fa route j il ne démembroit point fes travaux , pour jouir plus vice de la gloire qu'ils pouvoient lui procurer j mais les laiflàntrépofer & mûrir, attendant pour lui-même une maturité que l'âge donne , ou du moins qu'il confirme , il ne laUTbit rien fortir de fon cabinet , afin de produire au jour ce cabinet tout entier & dans toute fa perfedion aux yeux du monde inflruit & étonné par ce rare préfent. Il n'a donc rien voulu faire imprimer \, & ou- tre fa diiTèrtation inaugurale , il n'exifte qu'une autre dilTertation latine fur les poils des inteftins , qui parut à Leyde ia-4°. en 1739 , & la defcription d'un de fes microfcopes dans le premier volume des mémoires de notre Académie. Une de fes dernières occupations a été de faire peindre avec les couleurs naturelles , & enfuite graver , les préparations anatomiques qu'il avoit fai- tes avec un foin infini des poumons , tant de l'homme , que de divers ani- maux : il avoit auffi de nouvelles obfervations , & de nouvelles planches deC- tinées à enrichir fa diiTèrtation fur les poils des inteftins. C'étoient là des par- ties de fon plan , des fragmens d'un ouvrage dans lequel il vouloit faire en- trer toutes les parties du corps humain repréfentécs a^i naturel , & avec leurs couleurs propres. Il en feroit refulté une phyfiologie auffi neuve que com- plette , qui auroit fourni & mis fous les yeux , la fabrique intérieure des vifcères , & la ftrufture fi délicate des parties qui ne s'offrent pas à la fim- ple vue. Il eft incroyable à quel point M. Lieberkiihn excelloit dans tous les arts requis pour la reuffite de cette entreprife , & à quel degré de perfec- tion il avoit porté tous les moyens de furpaflèr ceux qui l'avoient précédé dans de femblables travaux. Il ne fe fervoit pas feulement pour fes injeitions (•) M. le Dofleut Roloff. Tom. II, Ll 266 ÉLOGE DE M. LIEBERKVHN. ; ' de matière cereufe qu'on y emploie ordinairement ; il favoit remplir d'ar- i OM. Aii. gç^^ p^ij. j^^ vaiflcaux les plus fubtils ; il détachoit avec une fingulière adref- A N N n E ç^ ^ toute la chair des vifcères injeûés , & il n'en confervoit que la partie *7i<^' vafculeufe avec les ramifications les plus imperceptibles. S'il y eut jamais un cfprit inventif, c'eftlc ficn. Upofïèdoit non-feulement toute la théorie des inftrumens de mathématique , de mécanique , & d'op. tique , mais il s'entendoit mieux à la pratique que les plus habiles ouvriers j il les guidoit ordinairement , & leur fourniflbit de nouvelles ouvertures , toujours heureufes. Il mettoit même la main à l'œuvre , & faifoit feul des machines fort compofées , microfcopes de diverfes fortes , pompes pneu- matiques , fuCIs à vent , pyrométres , &c. qui acqueroient toujours quelque nouveau degré d'utilité ou de commodité , à mefure qu'il s'amufoit à les faire. 11 fabriquoit entre autres chofes dans un baffin des lentilles de microf- cope d'une fi prodigieufe petitelTè , qu'il falloit un microfcope pour les voir. Dans tout cela , il ne devoit rien qu'à lui-même , n'ayant jamais travaillé fous aucun maître , & fâchant imiter tout ce qu'il voyoit dès qu'il y avoit jette un coupd'œil. Quantité d'habiles ouvriers, au contraire, faifoient gloi- re de fuivre fes diredions: il en avoit formé-à Berlin , où il n'y avoit rien de difficile dans l'optique & dans la mécanique , dont fous fes aufpices on ne vint à bout. Auflî n'y a-t-il aucun de fes artiftes qui ne reconnoiffe haute- ment ce qu'il lui doit , & pour qui fa mort n'ait été un coup terralTànt. On comprend bien que M. Lieberhuhn doit avoir ainfi formé & laifle une des plus belles coUeûions d'inftrumens qui ayent jamais exifté. Elle mé- rite toute l'attention des curieux capables d'en juger ; & pourroit tenir pla- ce parmi les richeffes fçavantes des plus grands Princes , ou des plus célèbres Académies. Son dernier travail a été de faire des télefcopes. Us ne le cèdent point à ceux de Short , & fi M. Lieherhiihn avoit vécu , il vouloit en pout fer les dimenfions à fix pieds & au delà. Mais le tourbillon de la pratique ne lui permettoit pas de faire tout ce qu'il auroit voulu à cet égard ^ c'étoit moins des heures perdues que des momens dérobés , qu'il pouvoit confacrer à fes occupations favorites. M. Liebtrkïihn s'unit en 1746 par les liens du mariage avec M"' Dorothée Herdingen , digne de fon choix ; & ils ont pafïé dix ans enfemble dans la plus douce harmonie. Elle lui a furvêcu , confervant pour gages de cette union fi précieufe à fon trifte fouvenir , un fils & une fille en bas âge. On fe plaint de la brièveté de la vie humaine, lors même que des hommes inutiles à la fociété lui font enlevés après avoir atteint les bornes ordinai- res de cette vie. Nos plaintes , s'il étoit permis d'en faire , feroient beaucoup plus fondées , en voyant fi-tôt finir.une vie précieufe par tant d'endroita au genre humain. Combien trente années au moins de plus que M. Lieher- liilm pouvoit atteindre fans arriver à la dernière vieilleffe , n'auroi-cnt-elles ELOGE DE M. LIEBERKVHN. 267 pas été fécondes ? & à quelle abondante moifibn ne préparoient pas les riches :r— .' prémices que nous venons d'étaler. L'arbitre des deftinces en a difpofé J^^f' ' autrement : adorons ici , comme par-tout ailleurs , la fageffe de fcs difpcnfa- tions ; M. I.icbcrl^ihr. paroiiTbit conflitué de manière à vivre plus long-tems: ^75^' fon corps étoit même un des plus robuftes qui fortent des mains de la na- ture ; il y avoit dans tous fes organes un degré de vigueur peu commun. Le grand travail n'avoit pas lailTé de produire fur lui fon effet ordinaire ; il com- mençoit à fentir quelque décadence , mais il n'y avoit en cela rien que d'or- dinaire à tous les hommes qui ont paflé les années de la plus grande force , & fur-tout à ceux qui s'appliquent avec trop de contention. Malgré ces apparences favorables , il y avoit un vice caché dans la conlHtution inté- rieure de M. Liehcrhiilin 5 & ce vice a été le germe fatal de fa mort. Le pou- mon , ce vifcère qu'il avoit fi foigneufement étudié , en fe dévoilant tout entier à fes recherches, fe déroboit aux fccours qu'il auroit pu y apporter : dès l'âge de 15 ans , le fien avoit été attaque , & depuis ce tems.îà, il s'étoit gâté de plus en plus , s'étant fur-tout fortement attaché au côté gauche , par une fuite , à ce qu'il difoit , de la coutume qu'il avoit eue dans fes premiè- res études , de tenir ce côté continuellement colé contre un pupitre. Il le fentoit fort bien , & en éprouvoit fouvent des incommodités facheufcs. Ce- pendant il favoit fe procurer tous les foulagemens dont un pareil état pou- voit être fufceptible : cela auroit fufE pour le mener encore afîéz loin , fans une attaque imprévue de pleuréfîe. Dans un des jours les plus vifs de l'hi- ver dernier , après avoir pafïé quelque tems dans le poêle fort chaud d'un malade , il s'expofa à l'air froid de la rue ; & ayant été auffi-tôt frappé , il fentit prefque en même tems qu'il l'étoit à mort. A peine quelques heures s'étoicnt-elles écoulées , qu'accoutumé , comme nous l'avons vu , à prévoir l'ifTue des maux, il prédit que le fien étoit incurable. Cependant touché du zèle affeiSueux des plus célèbres d'entre fes collègues , il Cq confia entière- ment à leurs foins , & fuivit leurs ordonnances , perfifiant à ne s'en pro- mettre aucun fuccès. L'événement ne tarda pas à jufiifier ce trific auoure^ il fuccomba au bout de 10 jours à la force du mal, & mourut, comme il avoit vécu , avec tous les fentimens d'un excellent citoyen , & d'un vrai chrétien , le 7 Décembre à 8 heures du matin , dans fa 46' année. II étoit d'une taille au-delTus de la médiocre , mais il fe voutoit un peu. Il avoit le front large & avancé , fous lequel étoient placés des yeux qu'on pouvoit appeller d'Aigle. Il avoit fait des expériences fingulières fur leur force , & avoit infiniment furpris des perfonnes qui en doutoient, en appercevant des objets à des diftances , où foit leur petiteiïé , foit leur éloignement, les ren- dent imperceptibles. Il alluroit que les fatellites de Jupiter avoient été vifibles pour lui à la fimple vue , tant qu'il l'avoit confervée dans toute fa force. Le rcfle de fcs traits étoit régulier j & il en réfultoit une phyfionomie agréa- LJij 268 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE T Vf X'/T '^'^ ' 'î'^'O'^î'J''' sût l'air un peu rêveur , & que l'impreffion d'une douce mé- A w M i! li- '^"'^o'''^ régnât pour l'ordinaire fur fon vifage. Mais dès qu'il parloit, & _ fur-tout dès qu'il prenoit ce tendre intérêt qu'il paroiffbit toujours prendre ^ ■* ' aux perfonnes avec qui il avoit des liaifons d'amitié , ou aux malades qui re- couroient à lui , fa phyfîonomie devenoit entièrement ouverte , & on fen- toit naître de l'inclination pour lui. Elle étoit puiffamment fortifiée par l'eftime due à fa conduite , qui a toujours été irréprochable. Il n'y a pas eu moins de vertus que de lumières enfevelies dans fon tombeau. - S^ — — >>>îs;gug ; .j^ IZ^'J^Ê ARTICLE XXIII. ' -''' EJJlii concernant la nouvelle efpèce de corps minéral, connu fous le nom de Platina del Pinto, Par M. M A R G R A F. I. TL y a déjà quelques années que l'on connoît en Angleterre un corps X minéral auquel on a donné le nom de Platina del Pinto. Les Auteurs Anglois qui en parlent , difent qu'on le trouve dans les mines d'or des Indes Occidentales Efpagnoles. ( voyez les Tranfaftions vol. 48. p. 638.) Suivant d'autres relations , il exifte en forme de fable , dans les rivières de Quito , &cela en très-grande quantité. 11 n'efl donc pas poffible de déterminer fi c'eft une matière réellement minérale , ou une fimple raclure que l'eau entraîne de quelque veine entière , & qu'elle porte avec elle dans fon cours; ou mê- me ii ce n« pourroit point être un pur recrément métallique , d'où les Efpa- gnols , à qui appartiennent ces contrées, auroient tiré, de manière ou d'autre , ce métal parfait. Un de nos dignes confrères ( M. Bertrand de Ge- nève ) mande à M. le Profeflèur Euler, que s'étant entretenu avec un Es- pagnol, qui a été dans la Province de Quito , & qui en a apporté de la pla- tine , celui-ci l'avoit alTuré qu'on la trouve répandue fur la campagne, près du fleuve qui traverfe les montagnes du Pérou. Dans les commencemens il étoit fort difEcile de fe procurer quelque échantillon de cette matière ; les Efpagnols n'en vouloient point communiquer, parce que la facilité qu'elle a de fe mêler avec l'or & l'argent , la rend propre à falfitîer ces métaux. En- fin en 1753 les Anglois en obtinrent une certaine quantité, dont on donna quelques livres à M. le Dofteur Lewis a Kingflon ; ce qui a mis ce Savant en état de faire les premières expériences fur cette matière ; elles font rappor- tées dans le volume des Tranfaftions que nous avons cité. Depuis j'ai eu le bonheur d'en avoir moi-même une certaine quantité , dont je fuis redevable aux bons offices de M. Euler , & cela m'a animé à en faire aulîi l'objet de DES SCIENCES DE BERLIN. 269 quelques expériences , dont je vais rendre compte dans ce mémoire. _ 1 II. Les qualités extérieures de ce corps font aficz irrégulières. Il eft blanc ■'"M. Xi/f. tirant un peu fur la couleur du plomb. Les grains en font pour la plupart ap- ^ ^' ^ ^ ^ platis, & on les fent polis au toucher. Il y a de ces grains qui fe laiflent aflez '^75 7' bien battre au marteau fur l'enclume ; d'autres après avoir reçu quelques coups, éclatent ; d'autres prennent la forme de lames très-minces , & cela ar- rive ordinairement aux grains qui étoicnt convexes. Je pris d'abord les grains qui s'ctoient laiflé applatir en lames , & je verfai deflus de l'eau forte. Mais quoique je les euiTe auflîtôt mis à digérer , il ne s'en détacha rien de confidcrable. Je jettai là-defTus un peu de fel ammoniac , & continuai la di- geflion , mais il ne fe fît non plus aucune folution dans ce menfirue j à peine en refulta-t-il une teinture jaunâtre. L'aiman attire à foi une partie de ce minerai. Après l'or la platine eft le plus pefant de tous les corps , puifqu'elle cft à ce métal comme 18-319. III. Le premier eflài que je fis fur la platine.fut la calcination. J'en pris deux onces que je mis fur un tet à rôtir , fous une mouffle bien ardente ; & j'entre- tins pendant deux heures un feu très-violent , fans appercevoir aucune fu- mée, quoique je remuaiTè de tcms en tems la malTè avec un crochet de fer. Après le réfroidifïèment cette platine avoit l'air d'un plomb rouillé ,■ feule- ment elle étoit plus noire , & fans aucun éclat métallique. L'aiman n'en at- tiroit prefque plus rien : cependant elle n'avoit rien perdu de fon poids ; au contraire , il étoit augmenté, puifqu'il alloit alors à deux onces , dix gra'ins , quoiqu'elle eût été exadement pefée , ce qui eft aflurement très-remar- quable. IV. Je pris enfuite une once de platine crue ; je la mis dans un creufet à faire des eftais de cuivre, appelle en allemand Kupfir-tutte , fur lequel je pofai un couvercle , & que je plaçai dans un fourneau de fulîon , qui, par une longue traînée menée du dehors du laboratoire jufques fous le trou des cendres, tout près de la grille du fourneau , auffi-bicn que par fa cheminée cxtraordinairement haute , produit l'ardeur la plus véhémente qu'on puifle donner aux fourneaux de fufion d'un laboratoire. Je plaçai mon creu- fet fur un piedeftal convenable. J'excitai le plus grand degré de feu poffi- ble , & je continuai pendant trois ou quatre heures 5 après le refroidiiTèment h platine parut un peu réunie , mais nullement fondue. Alors elle pefoit cinq ou fîx grains de plus qu'auparavant : les coups de marteau en féparoient aHez aifément les parties les unes des autres. L'intérieur étoit à la vérité un peu plus blanchâtre ; mais on retrouvoit les mêmes grains qui avoient exif- té auparavant ; & quelques-uns d'entr'eux fe laiiTbient pareillement appla- tir fur renclumc. Je diftillai auffi par une retorte de verre une once de pla- tine crue avec un feu violent, dans un récipient adapté , & j'obtins par ce moyen une certaine quantité d'un mercure réel , coulant. Après cela j'exami- 270 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE „ y .77 nai attentivement la platine , & j'obfcrvai dans celle qui étoit encore crue, lOM.AUl. ^^ fen^biabie mercure ; ce qui joint à la figure applatie de la plupart des grains de platine , me confirme pleinement dans l'opinion que ce minéral ^7 57' cfl le produit de quelque ouvrage d'amalgamation , qui fe fait pour tirer l'or par le moyen du mercure , d'une minière mélangée. Ce qui reftoit après ce travail dans la retorte de verre dont je m'étois fervi, reflèmbloità la pla- tine feulement il s'y trouvoit plufieurs grains jaunes que le marteau pouvoit rendre très-plats , & qui avoient l'apparence du plus bel or. Je les mis en digeftion avec l'eau régale dans une petite cucurbite ; mais quoique j'euffe fait bouillir l'eau régale , le métal en fut fort peu attaqué , & le dilïblvant en prit à peine une teinture jaune ; il ne s'en précipita non plus rien avec une folution d'étain , comme cela arrive ordinairement lorfqu'on en verfe fur une pure folution d'or, auquel cas la couleur fe change en pourpre. V. Je cherchai enfuite à faire, avant toutes chofes , une folution claire de la platine crue , & qui n'avoit encore été foumife à aucune épreuve , en y verfant des liqueurs acides. Je commençai par mêler une once d'un efprit de fel afféz fort avec une dragme de platine crue , dans une retorte de ver- re j j'y appliquai un récipient qui joignoit exactement , & je diftillai par dégrés , en donnant à la fin un feu d'incandefcence ; enfuite de quoi je trouvai dans la retorte un fublimé blanc , délié , criftallin , qui , examiné à la loupe , me parut avoir la figure d'un arfénic criftallifé. Derrière , s'étoit attaché un fublimé rougeâtre , mais qui, à caufe de fa petite quantité, ne peut être foumis , non plus que les petits criftaux , à aucune épreuve ultérieu- re ; ce qui refta dans la retorte parut confidérablement changé ;, il étoit bru- nâtre , brillant par-ci par-là , comme la platine , & tirant un peu d'humidité en plein air. L'acide parut enfuite avoir eu quelque prife fur le fer dans la plati- ne. Je procédai avec l'acide nitreux de la même manière qui vient d'être rap- portée avec l'acide marin, dans la même proportion , avec le même feu, & me fervant de la meilleure eau forte ; après quoi je trouvai auffi dans le col de la retorte des criftaux dont la figure étoit pareillement femblable à ceux de l'arfénic \ mais le fublimé rougeâtre qui s'étoit attaché derrière dans l'expé- rience précédente , manquoit ici. Le réfidu ne différoit point non plus de celui de la platine traitée avec l'efprit de fel, & l'acide nitreux fembla auffi n'avoir attaqué que le fer dans la platine. Tout fe paflTa précifement de mê- me , quand je verfai une égale quantité d'efprit de vitriol fur une dragme de platine , en faifant la diftillation fus-mentionnée, & donnant à la fin un feu d'incandefcence. Le réfidu fut le même que celui de la platine traitée avec l'a- cide du fel & du nitre , favoir d'un brun rougeâtre , brillant çà & là ; & l'acide parut également avoir attaqué le fer de la platine. Je n'apperçus point de fublimé dans ce travail. Ces expériences font voir que les acides fufdits ont quelque prife fur la platine , mais que c'eft l'acide marin qui l'attaque le plus fortement. DES SCIENCES DE BERLIN. 271 VI. La platine n'éprouve point de changement plus confîdcrablc que >■ celui qu'y caufe l'eau régale , comme l'ont déjà obfcrvé les Auteurs Angiois OM.XIII, dans le mémoire cité au §. I. En ettet , ayant mis une once de platine dans -^ '"^ ^ * une cucurbitc , & ayant verfé par-dcfTus fîx onces de bonne eau régale , ^ 7 57» faite par le mélange d'une livre d'eau forte avec une once de fel ammoniac pur , la platine entra dans une pleine ébuliition, & fut attaquée par l'eau ré- gale avec beaucoup de violence ; cette eau fe teignit d'abord en jaune , & la teinture devint toujours plus foncée pendant la digeftion , jufqu'à ce qu'à ia fin la folution fut d'un rouge de grenade tout-à-fait obfcur. Je fis enfuite écouler cette folution , & je verfai fur le réfidu de l'eau régale fraîche , con- tinuant toujours ainfi jufqu'à ce que l'eau régale ne fe teignit plus du tout, à quoi j'ai été obligé d'employer une livre ik demi & au-delà d'eau régale , quoiqu'elle fût extrêmement forte. 11 faut remarquer ici que la folution fil- trée ik expofée au froid , dépofe toujours de petits criflaux rougeàtres. Je verfai après cela dans une retorte tout ce qui étoit entré en folution claire , après l'avoir filtré. Je diftillai ce liquide jufqu'à la moitié, & ce qui étoit refié dans la retorte fut confervé dans un verre bien fermé , pour en faire ufage. Quant à la matière noire brillante qui étoit demeurée de la folution de pla- tine dans l'alambic , je l'édulcorai exaftement avec de l'eau chaude , je la fis fécher , & ayant enfuite obfervé que l'aiman l'attiroit prefque toute entière ( chofe très-remarquable ) , je la mis fous le microfcope , où elle paroifibit mêlée de quelques particules blanches & tranfparentes , qui étoient proba- blement du fpath ou du quartz. Leur petite quantité ne m'a pas permis d'en faire le fujet de recherches plus étendues. VII. Je mêlai la folution de platine faite de la manière qui vient d'être rap- portée , avec toutes fortes de folutions métalliques & demi-métalliques , pour voir fi elle fe précipiteroit, & avec lefquelles ; fur quoi j'ai fait les obferva- tions fuivantes : 1. Que la folution de platine étant mêlée avec une folution d'or faite dans l'eau régale, fe précipite d'une couleur rougeâtre orangée. 2. Mêlée avec une folution d'argent fin dans l'eau forte, elle eft précipitée en jaune. 3. La même chofe arrive avec une folution d'argent faite dans l'acide vi- triolique. 4. La folution de vitriol de venus n'en a point été précipitée. j. Ni celle de cuivre faite dans l'acide nitreux , excepté qu'avec le tems il fe dépofe dans celle-ci une poudre rougeâtre tirant à l'orange , ce qui vient peut-être de la folution de platine même qui fe précipite ainfi d'elle- même peu-à-peu. 6. La folution du cuivre dans l'acide marin n'eft point précipitée lorf- qu'on y verfe celle de platine. î7ï MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROrALE Tr~ v,,: 7. Il en eft de même de la folution de cuivre faite avec le vinaigre de vin Année diflillé. 8. Aiiffi-tôt après le mélange de la folution d'étain faite dans l'eau régale , ' ^ ' ' avec celle de platine , il tomba au fond une poudre rougeâtre qui tiroit à l'o- range foncé. 9. La folution de faturne dans l'acide nitreux, mêlée avec celle de platine , ne fe précipita point du tout , ce qui eft remarquable , puifque l'acide du fel commun exifte ainfi dans l'eau régale avec laquelle la folution de platine a été faite : or cet acide a coutume de précipiter le faturne en forme de plomb corné , & même une fimple folution de fel commun précipite toujours fans délai cette folution de plomb , étant aufli efficace dans ce cas , que l'efprit de fel ou l'eau régale. La folution de plomb dans le vinaigre diflillé fe com- porte précifement de même dans fon mélange avec la folution de platine. 10. La folution de vitriol de mars, & celle de mars, tant dans l'acide ni- treux , que dans l'efprit de fel , ne produifent abfolument aucune préci- pitation , lorfqu'on les mêle avec la folution de platine. 1 1 . La folution de zinc dans l'acide nitreux fe précipite de celle de platine , en couleur rouge orangée, & prefque comme de la brique. I 2. La folution du bifmuth dans l'acide nitreux , ne fe précipite point dans la folution de platine. 1 3. Il en eft de même de la folution de craie dans l'acide nitreux, de la fo- lution d'alun , de celle de fel de glauber , & du fel fufible d'urine de la fé- conde criftallifation , qui toutes ne lailTènt appercevoir aucun figne de chan- gement , ni de précipitation , après leur mélange avec la folution de pla- tine. VIU. Je continuai à mêler la platine crue avec toutes fortes de folutions métalliques , pour voir fi le métal de ces folutions fe précipiteroit. Je mis ces mélanges un peu en digeftion ; mais je ne remarquai point qu'aucune fouf- frît de précipitation , en y jettant la platine. Les folutions que j'employai pour cet effet furent les fuivantes : La folution d'or dans l'eau régale. d'argent dans l'acide nitreux. de mercure dans l'acide nitreux. de cuivre dans l'acide nitreux. de cuivre dans l'acide vitriolique. dans le vinaigre de vin diftillé. de mars dans l'acide nitreux. dans l'efprit de fel. • dans l'acide vitriolique. La DES SCIENCES DE BERLIN. 273 La folution de plomb dans l'acide nitreux. .^~-| dans le vinaigre dillillé. Y^'- ^^"' dans l'eau rcgalc. A k N É. B de bifinuth dans l'acide nitreux. '■757* de zinc dans l'acide nitreux. IX. II étoit nécefïàire après cela de mêler la folution de platine avec des métaux cruds , & de faire attention aux phénomènes qui en réfulteroient. Pour cet effet je verfai : 1. Dans la folution de platine, dans un verre net, une petite lame très- pro- pre de fin or, & le mis en digcftion. Au bout de quelques jours je trouvcii que l'or n'en avoit pas été du tout rongé ni attaqué ; feulement il fe précipita de la folution de platine , comme cela arrive ordinairement , un peu de pout fîère rougeâtre , d'une couleur d'orange foncée , qui étoit déliée & criC- tallinc. 2. Je jettai un morceau de l'argent le plus fin , réduit en lame , dans la fo- lution de platine , & le fis médiocrement digérer. L'argent fut confidéra- blemcnt attaqué, & il s'y étoit depofé une chaux blanche qui l'avoitincruflé de toutes parts. La folution qui répofoit defîiis étoit encore d'un jaune cou- leur d'or ; mais la lame d'argent étoit entièrement rongée , amollie , & fe laiiîbit aifement brifer entre les doigts. 3. Ayant jette un petit morceau de cuivre fin dans une folution de plati- ne , 6c l'ayant mis en digeftion , la folution devint d'un beau verd. La pla- que de cuivre étoit en grande partie rongée, & une matière d'un brun noi- râtre la recouvroit. Elle étoit auffi en grande partie fort friable , & cédoit aifement à l'aition des doigts. 4. Un petit morceau de fer poli , pareillement mis dans la folution de platine , & expofé à la digcftion , fit voir la platine , qui devenue d'un noir brun , s'étoit attachée au fer , & il s'étoit en même tcms précipité du mê. lange beaucoup de pouffière d'un jaune d'ocre médiocrement foncé. J'en- levai la bouc qui environnoit le fer, en le lavant avec de l'eau , & je trouvai que la platine l'avoit incrufté de tous côtés , & même qu'il en avoit été pé- nétré : il étoit d'ailleurs devenu fort tendre & friable entre les doigts. 5. De même ayant mis un petit morceau d'étain bien net & poli , réduit en lame , dans la folution de platine , celle-ci fut précipitée par le fccours de la digcftion , fous la forme d'une poudre rouge noirâtre qui s'étoit atta- chée à l'étain. Au bout de quelques jours l'étain fut tro ivé entièrement rongé; la liqueur qui rcpofoit au-deffus , reffcmbioit à du c-'''é d''.in brun foncé tirant au noirâtre. Je la verfai fur un filtre , & elle .e fépara de in matière plus péfante qui avoit été dépofée au fond. Je précipitai la ii;;ucur noirâtre qui avoit traverfé le filtre, avec une fokition de fel de tartre bien nette , & la Tome II. M m 274 MÉMOIRES DE UACADEMIE ROYALE ^'^ remis fur le filtre , afin qu'elle pafsât bien claire au travers. J'édulcorai exac- loM.Xlll' tg^gfjt a^eg de l'eau chaude le précipité qui fe trouva dans le filtre , & je At! N É S jg ^j fécher ; après quoi j'obtins un mixte noir , qui , en fe rompant , ref- }7 S7' fembloit prefque à de la poix brifée , ou à un charbon de terre pur. J'en pris deux fcrupules , auxquels j'ajoutai une dragme de borax calciné , deux dragmes de nitre purifié , une demi-once de fel de tartre très-pur, & une once de cailloux pulverifés. Tout cela étant bien mêlé enfemble, je le fis fon- dre dans un creufet au feu le plus violent , & j'obtins une malle de verre grisâtre , dont un petit morceau mis fur l'ongle , & expofé aux rayons du foleil , droit fur la couleur d'améthifte ; mais je n'y découvris aucuns grains métalliques. 6. Je jettai dans la folution de platine un morceau de plomb taillé en la- me très-fine , & le mis en digeftion , comme ci-deflùs. Le plomb fut atta- qué tout de même ; la lame étoit rongée , & la folution demeura jaune. Au fond repofoient des criftaux qui n'étoient autre chofe que de plomb cornufié , parmi lefquels fe trouvoit une poudre d'un noir brun. Je verfai fur le tout de l'eau diftillée chaude ; alors les criftaux fe fondirent, & il reC- ta quelque chofe d'une poudre noirâtre , laquelle ayant été ultérieurement édulcorée & féchée , donna à la platine toutes les apparences d'un corps fort tendre. 7. J'ai mêlé la folution de platine avec le mercure , en joignant à une de- mi once de mercure , une once de folution de platine. En fecouant feule- ment ces matières , le mercure coula d'abord d'une manière gluante & en fe traînant. Après cela il fe précipita une quantité de poudre d'un blanc jau. râtre. Cette folution ayant enfuite été mife en digeftion , elle eft devenue ver- dâtre le lendemain. Je continuai la digeftion encore pendant un jour , je verfai de l'eau deffiis , j'en fis une décantation claire , j'édulcorai le tout exaftement , je lavai la pouflîère blanche , & ayant fait fucceder encore quel- ques édulcorations avec de l'eau chaude, je le fis fécher. Je feparai auflî le mercure qui étoit refté , fans être rongé \ il ne refïèmbloit pas à un amalga- me , mais il étoit affez coulant. Je le diftillai dans une très-petite retorte, & il n'en demeura qu'un feul grain fi délié , que je fus obligé de le foumettre au microfcope , qui me le montra jaune. Ayant fublimé la poudre jaune dans une petite retorte de verre , j'obtins encore un fublimé d'un jaune rougeâ- tre au fond , mais plus blanc à l'extérieur. Il étoit demeuré pour réfidu , un peu de matière grife , qui , prefîee repréfentoit encore une forte d'amalga- me , & pouvoir donner lieu à de nouvelles recherches. 11 eft remarquable que le mercure s'eft foutenu ici jufqu'à ce que tout le ventre de la retorte ait été entièrement fondu , fans cependant qu'il s'y foit fait de trou. 8. Un petit morceau de zinc réduit en lame , & jette dans la folution de platine , avoifr de toutes parts une incruflation de couleur brune, La lame y DES SCIENCES DE BERLIN. 17$ de zinc étoit demeurée dans fon entier , &, félon toutes les apparences , la pla- ;, yr tine s'ctoit précipitée fur le zinc. ."' '' ^ ' 9. Un petit morceau de régule d'antimoine fimple , bien net , mis dans la mcmc folution , & digéré comme ci-defTus , en a été pareillement attaqué; 7 y/' la liqueur qui répofoit dellùs étoit jaune , & il fe précipita beaucoup de pou- dre blanche , qui étoit fans doute en grande partie , un régule rongé. Le rcf- te du régule fe trouva en petites parties brillantes , entièrement rongé , & paroiflbit s'être mêlé avec la platine précipitée en même tems. I o. Tout fe paflà à-peu-près de même , lorfque je mis un petit morlcau de bifmuth fondu , net , dans la foiution de platine , & que je l'eus expofé à une femblable digeflion ; il fe précipita une poudre blanche , & le bifmuth parut rongé. 1 1. Je pris enfuiteun petit morceau de régule net de cobalt ( en allemand tobald-fpeife J tiré de la mine bleue de Schnecberg ; je le fis fondre à diverfes reprifes avec du verre , pour en tirer tout le bleu , & l'ayant mis dans la fo- lution de platine , il en fut pareillement attaqué. Il fe dépofa au fond une pou- dre jaunûtre ; la liqueur qui furnâgeoit étoit verdâtre. Le régule perdit fou éclat dès le commencement, & devint noir. X. La folution de platine dans l'eau régale , qui eft fon diflblvant propre, fe précipite avec les fels alcalis , tant fixes que volatils j cela donne un jaune orangé & un peu brillant. Il y a cependant ceci de particulier, qu'en faturant exaâement la folution de platine avec le fel alcali natif, c'eft-à-dire avec la par- tie alcaline du fel commun , il n'en réfulte aucune précipitation , mais que la liqueur demeure claire. Quand on y ajoute jufqu'à faturation, d'une leffive faite avec un alcali calciné avec du fang , on obtient un beau précipité , qui , dans certaines circonftances , n'eft point inférieur au plus beau bleu de Berlin, quoiqu'il fe précipite en même tems quelque chofe couleur d'orange. Le premier précipité , c'eft-à-dire le bleu , manifefte viiîblement qu'il fe trouve du fer renfermé dans la platine. Je précipitai auffi une quantité de fo- lution de platine avec une folution de fel de tartre nette , faite dans l'eau dit tillée; & il fe précipita une poudre couleur d'orange. Mais quoique j'euflè exavîtement faturé la folution de platine , la liqueur qui répofoit audelTLis ne lailïà pas de demeurer fort jaune. Je la filtrai & la fis évaporer prefque jufqu'à exficcation. Je verfai dcÂùs de l'eau diftilléc, & clic fe teignit en jaune, ' malgré la couleur de la poudre qui s'étoit précipitée. J'édulcorai parfaite- ment avec de l'eau diftilléc , le précipité couleur d'orange dont j'ai fait mention ; je le fis féchcr & le mis en incandefccncc fous une mouffle. Le produit en fut brunâtre. J'en pris neuf grains , je les joignis à une once de plomb net, réduit en grenailles 5 j'en fis poudèr les fcories fur un retardent, & les ayant féparées , j'expofai le plomb à l'aftion d'une coupelle de cen- dres. J'obtins parla un graia raboteux à la furfacc, gris-blanc & fort caftant. Mm ij 276 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE ^ .77 du poids d'un grain , & qui étoit parfaitement femblable à celui qu'on ob« A " ^ ' tient quand la platine a été coupellée avec le plomb , à la manière accou' tumée. Je répétai auffi l'expérience avec le même précipité , qui avoit été pro- ' •''* duit par un alcali volatil , î^ion fur la platine. Je mêlai donc deux onces de fpl de tartre le plus pur avec une once de foufre net & une demie once de platine crue ; je mis ce mélange dans un creufet à fondre de HelTê , que je couvris d'un autre , en lutant exactement les jointures. Je mis cnfuite ce creufet fur un piedeftal bien affermi , devant le feu de forge ; j'en- vironnai l'enceinte de la forge avec des briques de deux pieds de hauteur 5 je recouvris le tout avec des charbons ardens ; 6c après que le creufet eut rougi , je mis d'autres charbons noirs deffus ; je lis aller le foufflet & con. tinuai en ajoutant toujours de nouveaux charbons , & en foufflant fans interruption pendant trois heures , ce qui occupoit deux hommes fans relâ- che. Après le refroidilïèment je trouvai que le creufet, lepiedeffal, une par- tie de la forge & l'intérieur des briques s'étoient fondus enfemblc. Sur quelques fragmens entier du creufet & du piedeftal , on voyoit encore la platine fous la forme de petites lames d'argent , mais peu cohérentes. Il fallut donc repéter cette expérience , en y apportant quelque changement. XXVI. Pour cet effet , je fis un mélange d'une once de fel de tartre , d'une demie once de fleurs de foufre , & d'autant de platine ; je mis le tout dans un creufet à fondre , fermé auffi foigneufement que le précédent. Je le plaçai fur un piedeflal dans mon fourneau de fufion , & je donnai pendant deux heures un feu violent. Après le refroidiffement & l'ouverture du creu- fet , je trouvai que le mélange s'étoit fondu. En dehors il paroiflbit jaunâ- tre ; mais l'ayant brifé , j'y trouvai çà & là des criffaux rougeâtres , qui avoient beaucoup de rcflèmblance avec l'antimoine rouge de BnmnfJorff. Au refte cette mafïê étoit foliée, comme ce qu'on appelle en allemand ei- fenrahen. Je verfai de l'eau chaude fur ce mélange ; je fis écouler cette eau j j'en verfai de nouvelle , & je continuai jufqu'à ce que l'eau cefsât de fe colo- rer. Je filtrai ce liquide , qui relTèmbloit alors à toutes les folutions de foufre , c'eft-à-dire , qui étoit d'un verd jaune ; aufïî n'étoit-ce en effet qu'une folution de foufre. Enfuite j'enlevai de la partie indifibluble , ce qu'il y avoit de plus léger , avec le fecours d'une plus grande quantité d'eau ; mais j'é- Nn ij 2^4 MÉMOIRES DE U ACADÉMIE ROYALE „, y. ' dulcorai encore deux fois avec de l'eau chaude , la matière plus pefante qui iOM.A i. ^j^ij. j.g{^^g ^ ^ l'ayant fait fécher , elle fe montra parfaitement femblable ^ ^ à ce qu'on nomme cifcnrahm , étant en forme de feuilles larges & molles ' ^^* au toucher. Elle étoit auffi plus légère que la platine , <5c ne co'hlervoit au- cune relTèmblance avec elle. XXVII. Je pris de cette platine que le foie de foufre fembloit avoir détrui- te , & j'en mêlai deux fcrupules avec une once de falpétre purifié ; puis je mis tout de fuite ce mélange à fondre dans un crcufet ardent. Il fe fit exté- rieurement peu de détonation ; à peine pouvoit-on la remarquer. Je continuai en ajoutant toujours des charbons , mais en prévenant , avec tout le foin poffible, la chute de quelques-uns de ces charbons dans le creufet. Alors il commença à s'élever quelque chofe, mais cela ne dura pas long-tems. Je continuai le feu une bonne heure , & quand , après le refroidiflement , je féparai le mélange du creufet, j'obtins une malîè grile tirant fur le verdâtre. L'ayant mife dans un verre à grande ouverture , net, je verfai deflus de l'eau diftillée , & l'ayant mife en digeftion , elle devint bien-tôt comme une gelée. Je la délayai avec de l'eau ; je féparai ce qui s'étoit délayé d'avec la partie pefante qui étoit tombée au fond ; & après l'avoir bien lavé 6l édulcoré , je recouvrai fans aucune altération ma platine , que j'avois cru détruite par ce travail. XXVIII. Comme le fel admirable de glauber eft fait par la combinaifon de la partie alcaline du fel commun avec l'acide vitriolique , l'addition d'un corps combuftible le change pareillement en un foie de foufre , avec cette différence feulement , que la fubfliance alcaline eft ici d'une autre efpèce y cela m'en- gagea à faire l'expérience fuivante : je mêlai deux dragmes de platine avec une once & demie de fel de glauber, à quoi j'ajoutai une demi dragme de Caie de fapin brûlé à couvert. Je travaillai ce mélange dans un creufet fer- mé , à un feu de fufion , de la manière qui a été rapportée ( §. XXll. ) au fu- jet du foie de foufre ; & tout s'étant paffé précifément de même , il en ré- fulta auffi les mêmes phénomènes-, & à la fin la platine fe trouva avoir eC- fuyé les mêmes changemens que ceux qui ont été indiqués. XXIX. Je mêlai une dragme de platine avec la même quantité de fel de glauber pur , fans addition du phlogiftique ; & ayant couvert le tout de la manière fufdite , je le tins en fufion pendant deux heures. Toute la platine étoit reftée d'un gris foncé dans le creufet , mais le fel avoit entièrement pénétré à travers. Je féparai la platine du creufet , je lavai ce qui y reftoit encore , & l'ajoutai à la précédente dans un mortier de verre , où je bro- yai le tout avec de l'eau. Alors il fe fépara une matière légère , noirâtre , gluante & brillante. Le refte étoit de la platine qui n'avoit fouSert aucune altération. XXX. Je mêlai encore une dragme de platine avec une once de tartre vi^ lOM.Xlli. A N s h S DES SCIENCES DE BERLIN. 285 triolé ; & ayant couvert ce mélange , je le fondis dans un creufet , après le refroidiiTèmcnt duquel , je trouvai le tartre vitriolé fondu fous la forme d'un fpath fufible rougcâtre ; mais la platine étoit demeurée au fond fous fa figure naturelle , fans être entrée en fufion. Je féparai enfuitc par la lotion 7 j7 le fel d'avec la platine , & après avoir féché celle-ci , je trouvai qu'elle n'a- voit point été altérée : elle étoit feulement devenue plus grifc. XXXI. J'ai fait l'expérience fuivante avec le fel fufible d'urine, qui contient l'acide du phofphore. Je mêlai une demi dragme de platine avec trois drag- mes de ce fel très-exaâement dépuré & dégagé de fa partie volatile , par la diftillation. Je fis fondre ce mélange à couvert pendant deux heures , de la manière tant de fois indiquée. Après avoir lailTé refroidir & brifé le creu- fet , je trouvai ma platine non fondue & fans altération au fond du creufet ; elle étoit couverte du fel qui paroillbit auffi avoir été fort peu altéré : je ver- ùà de l'eau chaude delfus, je raclai & lavai exaâementce mélange; & ayant fait fécher la platine qui étoit reftée , je trouvai que le travail avec ce fel , n'y avoit caufé d'autre changement , finon qu'elle étoit devenue plus blan- che. XXXII. Là-defîùs je mêlai pareillement une dragme de platine avec deux dragmes d'acide pur , féparé du phofphore. Je les mis enfemble dans une retorte , en y adaptant un récipient , les jointures étant feulement bouchées avec du papier. Je fis diftiller le hquide par dégrés ; je mis enfuite la retorte encore chaude fur des charbons ardens , jufqu'à ce qu'elle fût fur le point de fe fondre ; après quoi je l'en tirai avec ma main gauche. Mais à peine avois-je fait cela , qu'il parut dans la retorte un éclair qui remplit tout le vailïèau avec le récipient , & fut d'abord fuivi d'un éclat violent , par le- quel la retorte toute chaude partit de ma main , & alla fauter au vifage d'un ami qui fe tenoit à ma droite. J'en ramalTài les pièces qui étoient répandues dans mon laboratoire ; je trouvai que la partie inférieure de la retorte étoit couverte d'une matière faline blanche; mais l'ayant féparée toute entière , foit avec le fecours de l'eau chaude , foit en raclant & lavant , je trouvai la platine , qui , après avoir été féchée , fe montra fans altération. Les phéno- mènes de l'éclair & du fracas , qui viennent d'être rapportés , tiroient fans doute leur origine d'un phofphore régénéré par une partie du phlogiflique de la platine & l'acide phofphorique ; il fit fon effet dans le tems que je re- tirai la retorte du feu , parce que l'air pénétra dans les jointures des vaiflèaux diftillatoircs , qui n'avoient été que légèrement fermées. Cela fait voir combien il eft aifé de fe trouver expofé à quelqu'accident fâcheux , dans de femblables expériences qui n'ont pas encore été tentées. On ne fauroit douter que l'acide n'ait tiré ici la partie combuftible , néceffaire pour la ré- génération du phofphore , des particules de fer contenues dans la platine. XXXIII. Je mêlai enfuite une demie dragme de platine aycc une dragme 485 MÉMOIRES DE VACADEMIE ROYALE ^ de fel fufiblc indiqué au §. XXXI. dégagé de fa partie volatile, & une drag* loM.XlLl. ^g jg borax calciné ; & je fondis ce mélange pendant deux heures à un feu A N N E h couvert. Je trouvai après cela une fcorie de verre un peu opaque , d'un verd ^757- jaunâtre, fous laquelle fe trouvoit la platine, fans être fondue. Je brifai alors tout le mélange , je le broyai dans un mortier , & le lavai avec de l'eau diftillée , jufqu'à ce que toutes les parties légères de la platine fe fuf- fent féparées. Après quoi la platine étant féche reparut dans fa forme na- turelle , mais plus blanche. XXXIV. Je mêlai auffi une demi dragme de platine avec deux dragmes de borax calciné ; & l'ayant tenu de la manière fufdite , pendant deux heu- res , à un feu de fufîon violent , la platine ne fouffrit d'autre changement, finon que fes parties s'étoient un peu recuites enfemble ; pour le borax , il étoit palfé tout entier à travers le creufet. Je broyai dans un mortier cette platine recuite , je la lavai & en féparai par ce moyen une matière brune pulvérifée , qui provenoit fans doute de la partie ferrugineufe de la platine , laquelle étant mêlée avec un peu de borax, avoit formé une efpèce de ver- re. Le refte de la platine , après ce travail , relfembloit à de la platine crue , avec cette différence qu'elle étoit un peu plus blanche. XXXV. Je voulus enfuite eflayer quel feroit le fuccès du mélange de la platine avec une autre efpèce de fel tiré de l'urine, & qui ne contient point l'acide du phofphore , mais qui ne lailïè pas de fe fondre fort aifément. Ce fel fe cryflallife après la première cryftallifation du fel fulible , qui contient l'acide du phofphore. Je fis donc pour cet effet, le mélange de trois dragmes de ce fel , que j'avois auparavant parfaitement dépuré, & dégagé par la dif- tillation de tout le refte de fon humidité , avec une demi dragme de pla- tine , & je travaillai ce mélange comme les précédens , au feu de fulion , dans un creufet couvert. Après le réfroidiffement je trouvai ce creufet vuide de fel 5 car il avoit paflè tout entier à travers , abandonnant la platine , qui , après avoir été broyée dans un mortier , & lavée avec de l'eau , pa- rut dans fa forme naturelle, mais plus blanche. XXXVI. Je mêlai une dragme du fel dont je viens de parler , avec une dragme de borax calciné ôi. une dragme de platine , & ayant procédé à la fufion de la manière indiquée , j'obtins de ce mélange un verre d'un verd jau- nâtre , couleur de chryfolythe foncée , fous lequel la platine étoit répandue fé- parement dans le fond du creufet. Je brifai ce mbcte , je le broyai & le la- vai avec de l'eau , après quoi je retrouvai ma platine , qui n'avoit été ni fon- due, ni altérée , mais qui paroifïbit feulement un peu plus blanche. Bref, notre platine s'eft montrée jufqu'ici indeftrudible. • XXXVII. Je voulus encore effayer fi un mélange propre à faire le verre , à l'abri de tout foupçon , ajouté à la platine , produiroit quelque effet par- ticulier. Dans cette vue je mêlai cinq dragmes de Tel de tartre le plus pur , I DES SCIENCES DE BERLIN. 287 avec une once & demie de fable de FregcnwulJ très-net , calciné & lavé , rr r-rj^ une dragme de borax calciné , deux dragmes de nitre trt"; pur & deux drag- ^ '.' , t 1 mes de platine. Je fondis ce mélange dans un crcufet couvert , au feu le ' . plus violeni , pendant plufieurs heures ; & après que le creufct refroidi 7 > 7' eut été brifé , j'obtins un mixte vitré , tenant de l'opale , & tirant au verd de mer , fans que la platine eut été fondue. Elle étoit difperfée en partie fur la lurface du verre, en partie de côté & d'autre; & outre cela entourrée fé- parèment d'une matière vitrée de couleur d'hyacinte foncée. D'ailleurs , la platine détachée de la matière vitrée , après avoir été broyée & lavée , ne montrf>it pas la moindre altération ; feulement elle étoit plus blanche. XXXVllI. Je me tournai après cela du côté des verres métalliques , poiu: en mêler avec la platine. Je compofai un verre de plomb avec quatre parties de minium le plus net, & une partie de caillou très-pur. Je pulverifai ce verre & le paliai par un tamis très-tin , pour en ftparer tous les grains métalliques de plomo qui pouvoient encore s'y trouver. Je mêlai enfuite huit onces de ce verre de plomb pulvérifé, avec une once & demie de platine ciue. Je tra- vaillai ce mélange dans un creufet bien couvert & luté à un feu de fulion vio- lent , pendant deux heures ; & cela me donna un régule d'un blanc grifâtre , caliant , ëi. couvert d'une fcorie jaunâtre. J'ajoutai de nouveau à ce régule la meuie quantité de verre de plomb , & je le fondis de même , mais dans un creufet à fondre bien fermé , que je mis devant le foufflet du foyer, & je fis durer la fufion pendant deux heures. J'obtins encore des fcories jaunes , avec un régule femblable au précédent , & péfant une once , deux dragmes & fix grains : Je le remis encore , fans addition , au feu de la forge dans un creufet fermé, & le tins en fufion pendant deux heures. Le régule que j'ob- tins par ce moyen avoit peu de (corics , & péloit une once & deux drag- mes. Je le brifai dans un mortier de verre, & le mêlai avec une once- de verre verd commun, pilé & enfuite lavé. Je fondis ce mélange à couvert, pendant trois heures, dans un creufet bien luté , au feu le plus violent. Ici tout étoit entré dans un beau flux , & j'obtins une fcorie trouble , tirant au verdàtre , & dans quelques endroits , au bleuâtre , fous laquelle le régule fondu de la platine , après la féparation des fcories , fe trouva pefer une once & une dragme & demie. On pouvoir lim.cr aifement ce régule , & les coups de lime laiffoient des traces blanches. Il étoit à la vérité un peu caffant , mais en même tems affcz tenace , & il n'cclatoit pas facilement fous le marteau. Je le mêlai encore une fois avec une demie once de borax calciné , je le fis fondre derechef dans un creufet ftrm.é, pendant deux heu- res , au feu de fufion le plus violent. Cette fois-ci le mélange ne s'étoit pas entièrement fondu , fes parties s'étoient plutôt recuites enfcmble, en fe réu- nilfànt d'une manière inégale & raboteufe à la furface ; en le cafîànt on le ' txouvoit alternativement gris & blanc ,• avec cela il étoit poreux & fe lailïbilt i88 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE tf; ■ :r7rr. aifement brifer ; il n'avoit point de fcories , parce que le borax avoit pafîS î OM. XlII. ^ travers le creufet , & fon poids étoit d'une once & une dragme. Je fis Année enj-Q^g fondre ce dernier régule avec une demie once de borax calciné, une ^7 57' demie once de cailloux les plus blancs réduits en poudre, & une once de fel de tartre , dans un creufet fermé , au feu le plus véhément , pendant deux heures. J'obtins alors un beau régule blanc , du poids de huit dragmes & demie , qui étoit fpongieux & raboteux à fa furface : mais en le limant , il pa- roiiToit fort blanc. Les fcories étoient de couleur de topaze , tirant au chry- folithe. XXXIX. Après cela, je fis un verre de plomb & d'arfenic , avec huit on- ces de minium , deux onces de cailloux & une once d'arfenic blanc, le tout parfaitement fondu enfemble. Je mêlai fix onces de ce verre exaâement pilé avec une once de platine ; je fis fondre ce mélange dans un creufet fer- mé , pendant deux heures , & j'obtins , après que le creufet refroidi eut été brifé , un régule qui pefoit une once , un fcrupule & huit grains. Les fcories étoient d'un brun obfcur ; mais le régule avoit la furface unie , d'un beau ■blanc , & brillante ; en le brifant , on le trouvoit grifâtre ; & quand on le iimoit , il paroifToit aiïèz blanc. ARTICLE XXIV. Nouvelles obfervations fur Vépiderme & le cerveau des Nègres, Par M. M E c K E L. DAns le premier Mémoire que j'ai donné fur le même fujet (a) , m'étant propofé de rapporter des chofes qui ne fuflènt pas encore parvenues à la connoiffance de tout le monde , j'ai ardemment fouhaité qu'il fe pré- fentât quelque occafion de faire de nouvelles expériences , qui puiïènt me conduire à une plus grande certitude. J'ai donc été charmé de pouvoir en- core , l'année dernière, foumettre à un examen plus attentif le cadavre d'un Nègre , mort ici par un accident tragique. La peau de ce Nègre avoit une noirceur plus foncée que celle du cadavre que j'avois précédemment diflë- que 5 cependant la couleur de la plante des pies & de la paume des mains étoit d'un blanc cendré. J'ai confidéré de plufieurs manières la peau des dif- férentes parties du corps , recouverte de fon épiderme , foit remplie de cire injedée dans les vaifTeaux, foit fans injeftion , & ayant derechef diflbus par la macération, la mucofité noire, j'ai obtenu par- tout une féparation ^ontanée , qui s'exécutoit très-facilement là où il n'y avoit point de poils , (il) Voy, fous l'«nnée I7J3 l'aitide XLVII. comme DES SCIENCES DE BERLIN. 189 «ômmc aux paumes des mains & aux plantes des pics 1 mais dans les parties ., ^, , , OU il y a des poils , la liaifon elt plus torte , parce que chaque poil qui lort ^ ^ „ ^ ,. du tiflù de la peau en perçant l'épiderme , elt enveloppé de la mucofité noire , à laquelle il deineure attaclié. Et delà vient que la féparation de l'é- /-'/• piderme d'avec la peau , ne peut fe faire qu'en emportant enfemble les ra- cines des poils ; ces racines dans le cas de l'injeftion , oppofent plus de réfif- tance , au lieu qu'elles ont une adhérence moins forte à la peau non in- jciilée , dont la macération les détache plus aifement. La mucofité noire malpighienne , auffi bien que l'épiderme , s'infinue jufques dans les filions les plus profonds de l'ombilic , & quoique l'épiderme fe fépare très-facile- ment dans cette partie , il conferve pourtant fon intégrité; ce qui , comme je l'ai déjà dit , fournit un indice certain, que la concrétion de la mucofité noirâtre , produit l'épiderme d'une couleur cendrée , ou moins pbfcure : changement qui procède du deflèchement , & de la condenfation des par- ticules noirâtres. Pour m'en afliirer, j'ai fait fécher delà mucofité noirâtre, dillbute par la macération , que j'avois féparée de la peau en la raclant , & il s'en elt formé une petite lame , prefque femblable à l'épiderme , plus fra- gile cependant , à caufe que la difTblufion putride de la mucofité en détruit la vifcofité naturelle. Tout de même , l'épiderme que le frottement & la com- preffion ont endurci & rendu friable, étant mis à macérer dans de l'eau tiè- de , ou dans un autre fluide , fe change très-facilement en une malTè fem- blable à de la bouillie , comme dans le corps vivant , le bain chaud des pies fait féparer l'épiderme de la plante , fous la forme d'une pulpe 5 & il en eft de même de l'épiderme enlevé à un cadavre , quand on le met dans l'eau , ou dans quelqu'autre liquide propre à le difToudre. On peut conclure de-là que l'épiderme eft tout-à.fait différent de l'enveloppe écailleufe des poifTons. On ne fauroit prouver encore que le prolongement des nerfs produife cette enveloppe cornée, qui eft parfaitement infenfible , & n'a nulle part de continuité avec les nerfs; il n'y a point non plus de raifonnemens, ni d'expé- riences en faveur de la continuation des vailTcaux dans l'épiderme. A la vérité , il règne dans les Auteurs , au fujet de l'épiderme , une opinion communément reçue , qui vient de Lcwcnhoccl:-^ c'eft qu'il eft tout percé de vaiiTeaux exhalans , dont ce Phyficien , fi célèbre par fes expé- riences microfcopiques , prétend avoir découvert plus de 1 50 dans l'efpace d'un dixième de ligne (tij. Fondé fur fes obfervations , il a prétendu aufli que ces vaiflèaux avoient des efpèces de couvercles qu'il nomme pcrireiecaiV- Us , & il a fait repréfenter cette ftruéture dans une figure qui accompagne fa defcription. Dans un autre de fes ouvrages (h), il compte jufqu'à 25000 {4)V. Epift.phyfiol. 45. (a) Anatom. contempi, p, 107, Tome II. Oo ToM.xin. 290 MÉMOIRES DE VACADÈMÎE ROYALE de ces vaiffeaiix , dont les embouchures font comprifes dans un dixième de . ligne de l'épidcrmc. Année Cherchant à confirmer ce fentlment par des obfcrvations microfcopiques,, ^757' j'ai confideré fort fouvent , au mlcrofcope, tant fîmple que compofé , & même au microfcope folaire , des particules de la cuticule ou de l'épiderme , tant des blancs que des nègres , fans avoir jamais pu découvrir de véritables pores qui tranfmilTènt la lumière fans altération : j'ai fimplcment apperçu des points plus tranfparcns les uns que les autres. Au microfcope folaire , parmi des tâches obfcures , j'en ai obfervé d'autres qui l'étoient moins. Ayant examiné ces mêmes particules de l'épiderme au microfcope , vis-à-vis la lumière du foleil , ou d'une chandelle , j'ai vu plufieurs tâches tranfpa- rentes , irrégulièrement diftribuées , mais qui ne donnoient nullement paf- fage à la lumière , de façon que les rayons lumineux parvinfent à l'oeil dans toute leur pureté. J'ai enfuite confideré au microfcope de petites lames d'autres corps , afin qu'en les comparant avec l'épiderme , je pulfe connoî- tre avec plus de certitude la nature de celui ci. J'ai taillé une petite lame très- mince d'une corne tout à- fait noire , & une autre d'une corne tirant fur le blanc. La lame de la corne noire étoit d'une couleur cendrée , femblable à celle de l'épiderme des Nègres , lorfque toute la mucofité noirâtre en a été détachée. J'expofai pareillement ces lames au microfcope & à la chandelle , fans pouvoir remarquer aucune différence entre les tâches tranfparentes. Les points pellucides étoient difperfés par-tout , & fort près les uns des au- tres ; mais il ne tranfmettoient point une lumière claire , & des rayons fans mélange. Au microfcope folaire, l'effet étoit encore le même que celui de l'é- piderme ; il préfentoit l'image d'un corps parfemé par-tout de tâches aflèz claires. J'ajoutai à ces lames de la mucofité malpighienne , tant humide que delTéchée, que j'avois raclée de la peau d'un Nègre, & reçue fur une petite plaque de-verre, après quoi j'expofai le tout aux divers microfcopes. Onap- percevoit de la même façon des tâches tranfparentes , parmi lefquelles il y en avoit de plus obfcures ; de forte qu'il n'y a aucune différence fenfible entre ces lames <5i l'épiderme , fur-tout quand la mucolité avoit été delTéchée , fïnon que les parties pellucides y exiftoient en quantité un peu moindre. Mais jamais le microfcope ne m'a montré l'épiderme , tel que Lewen- hoeck le repréfente dans la 43' de fes épitres phyjïologiques. Il m'a toujours paru fous la forme d'une membrane dont la continuité n'efl nulle part inter- rompue , & qui ne s'offre jamais à la vue comme divifée par petites écailles. . Les parties de l'épiderme ne font diftinguées les unes des autres que par des filions , ou par de petites lignes élevées dans la furface oppofée à la peau; & ce font apparemment ces filions & ces élévations qui ont engagé cet habile obfervateur à fuppofer dans l'épiderme des parties écaiUeufes dif- îinftes , féparées , & appliquées les unes fur les autres. DES SCIENCES DE BERLIN. 291 Toutes CCS obfcrvations connoitre la vraie nature ns , fi fouvent réitérées , peuTent donc conduire à J^^^T^j/ ;, de répiderme. C'eit une concrétion de la muco- ^ ' *^. ^ ' iîté nualpigliiennc , qui palTe continuellement par les petits vaificaux de la ^ ' , ' peau , & dont la partie la plus délice fe diffipe par la tranfudation ;, en- forte que celle qui refte , fe trouve , par fa ténacité , plus propre à former une croûte allez dure. On ne doit pas s'étonner que l'épaiflifTêment d'un liquide muqueux & gélatineux , engendre ici une lame incruftante dans le corps hu- main, puifque perfonne n'ignore que la corne même fe produit de cette ma- nière par une liqueur , qui , en s'épaiffilïànt , forme infenfiblement de pe- tites lames. L'épidcrmc elt auffi parfaitement femblable à de petites lames <;ornées, pofceslcs unes fur les autres, dans les endroits où une preffion fré- quemment répétée , l'a rendu plus épais , comme à la plante des pies & à la paume des mains. On y voit en effet des couches entaffées les unes fur les autres d'une fubftance fi dure , que tous ceux qui voudront prendre la peine de comparer un morceau de l'ép-iderme greffier de la plante du pié , avec une petite lame de corne , y trouveront une reflcmblance parfaite. On achève de fe convaincre de la nature que nous attribuons ici à l'épiderme , en faifant attention à fon indeftruâibilité , en vertu de laquelle il foutient une macération de pluiïeurs mois , fans fouffrir aucun changement , & peut même réfifter pendant plufieurs Cécles à l'aftion de l'air , dans les cadavres qui y fontexpofés. Il paroît auffi affez, par tout ce qui a été dit, que l'épi- derme n'elt point percé par de petits vaifTeaux exhalans. Cette opinion com. bat l'idée commune & généralement admife , que l'épiderme eft comme cri- blé d'un nombre innombrable de ces vaiiTeaux. Il faudra donc enfin fe dé- faire de ce préjugé fi enraciné, dont toutes les obfcrvations faites fur le corps humain , montrent l'incertitude & même la faulTcté. Que toute la furface de la plante des pies, couverte de l'épiderme le plus épais , auffi bien que le même épiderme dans la paume des mains d'un for- geron , ou de tout autre ouvrier qui fait des ouvrages greffiers , fuent & même aient une tranfpiration infenfible , c'eft ce que perfonne ne pourra révoquer en doute , après avoir mis une femblable main vis-à-vis d'un mar- bre poli , ou d'un miroir froid , ou après avoir touché les mains ou les pies de ces fortes de gens dans les chaleurs de l'été , ou pendant la fièvre. Toute la plante du pié eft humeftée de fueur , & tranfpire copieufement , dans les endroits mêmes où l'épiderme a fouvent plus de trois lignes d'épaiffcur. Quand on veut enlever cet épiderme en le coupant, fa dureté oppofe à l'inf- trument une réfiftance fouvent auffi grande que pourroit la faire éprouver de la corne fraîche. Cette dureté tenace émoulTè bientôt le tranchant du couteau, de forte que pour bien détacher cette croûte , on a befoin d'un fcalpel très-aiguifé , à moins qu'on ne l'ait auparavant amollie avec de l'eau tiède. Oo ij 29Î MEMOIRES I>E L'ACADEMIE ROYALE T " vin ^^ ''^^ obfervations que tout le monde connoît , ou eft à portée de M " . ' faire , il eft aifé de conclure, fi les petits vaiflèaux peuvent traverfer cette. Année / - , i • » ■ j i i- .-, croûte cornée , y demeurer ouverts , charier ex répandre la liqueur qu ils ^^7' contiennent. Quiconque a confidéré, au microfcope , la partie vafculeufe de la peau injedée , ne fauroit ignorer l'infigne petitefîè de ces vaifïèaux , dont un nombre prodigieux vont s'ouvrir dans un très-petit efpace de la peau. Ces petits vaiffeaux font d'une mollelïè proportionnée à leur infinie petitelïè , & peuvent être fléchis avec une extrême facilité. Or , en comparant l'état de ces vaiffeaux , & la dureté de l'épiderme , on voit manifeftement qu'il eft impoffible que de petits vaifïèaux d'une telle molleflë puillent traverfer de la corne ; l'épiderme , à mefure qu'il s'endurciroit , détruiroit nécefïàire- ment leur cavité , & par conféquent leur perméabilité. De plus , quand oa remplit les pies & les mains d'une injeûion affèz fine pour que les mammel- lons nerveux de la peau &.les bulbes des poils puilTènt être bien diftingués an- microfcope , & que la matière de l'injeâion coule elle-même fous l'épider- me par les petits vaiilèaux injeftés , on n'obferve pas la moindre apparence de cohéfion entre ces vaiffeaux & l'épiderme ^ il elt , au contraire , très-aifé de remarquer fa féparation d'avec la peau , à caufe que la chaleur de l'inr jedion , quoique très-modérée , a diflbut le liquide malpighien; ce qui n'ar- riveroit pas , fi les petits vaiffeaux , continués à travers l'épiderme , l'atta- choient à la peau. En effet, les plus petits filamens vafculeux , lorfqu'ils font en très-grande quantité , forment dans le corps le tiflii le plus folide , comme on peut s'en convaincre en jettant les yeux fur la manière dont la dure-mere tient au crâne. A moins donc qu'on ne veuille admettre des vaiffeaux inacceffi- bles, & cependant traverfés par un liquide, ce qui eft contradiftoire , on ne peut affirmer le pafTage des petits vaiffeaux cutanés , à travers l'épiderme. Enfin a nous refléchiflbns attentivement fur la preflïon énorme que ces petits vaiffeaux doivent foutenir par tout le corps , mais fur-tout à la plante des pies , dans la peau qui revêt la tubérofité de l'ifchion & aux mains , il eft évident , qu'à moins qu'ils ne foient de la plus grande roideur , & que leur dureté ne furpaffè toutce que nous connoiffbns en ce genre, il n'y a aucune poffibilité qu'ils fervent à des excrétions. En effet , fi dans le pié toute la maff^e du corps qui va fort au-delà de cent livres , repofe fur ces petits vaiffeaux , on ne fauroit imaginer qu'ils puiffent foutenir un pareil poids , à moins , je le répète , qu'on ne leur fuppofe une roideur incompatible avec leur extrême petitcffè &: la délicateffè de leur tiffij. Lorfque la preflion aug- mente , la tranfpiration devroit donc ceflfer , tandis qu'elle devient au conr traire plus abondante dans les mains , lorfqu'elles éprouvent de fortes com- prefiions , & dans les plantes des pies , quand après avoir beaucoup couru ^ elles ont fupporté long-tems le poids du corps, comme l'expérience journa- lière en fait foi. Il eft donc impolïible , je le répète , que des vaiffeaux infîot- DES SCIENCES DE BERLIN. 293 ment déliés , paiTant de la peau dans l'épiderme puiiTcnt fervir à la tranfpi- rrr} ration , non plus qu'à la réforption. Mais ce qui eii très-certain , c'clt qu'il .^'. \ , ' y a dans la peau une immenfe quantité de vaifléaux qui aboutiflcnt à fa lur- facc 6i vont s'y ouvrir. La liqueur fubtile de l'injedion les pénétre , & fe ré- ' ^ ' * pandant fous l'épiderme , le fépare de la peau. Il ne me rcfte donc qu'à indiquer les conféquences qui réfultent de ce qui a été dit jufqu'ici , par rapport à la tranfudation des humeurs à travers l'épiderme. Quoiqu'inacccflîble aux vaifléaux , fa nature eft pourtant telle qu'il tranfmet le liquide dont il eft imbu , à-peu-près comme pourroit le faire un cuir mince humeété , le paflagc du mercure , & des autres li- queurs , à travers le cuir , prouve la poffibilité de cette afièrtion. Ainfî la liqueur fubtile qui fort , par excrétion , des petits vaifléaux cutanés , fous la forme d'une vapeur très-déliée , pafle pcu-à-peu à travers l'épiderme , for- tement attaché à la peau ,• la partie la plus épaiflè & la plus tenace de cette liqueur demeurant , cependant, à la furface de la peau , comme néceflaire à la régénération de l'épiderme. De-là vient cette mucofité foufcuticulaire , qu'on trouve dans les blancs , auffi-bien que dans les nègres , lorfqu'on en pro- cure l'épaifliflement par la chaleur ou l'efprit de vin reétitîé , avec cette diffé- rence feulement, que la mucofitéqui couvre la peau des premiers eft blan- che, au lieu que dans les autres elle eft noirâtre. Ces remarques rendent plus conforme à la raifon , qu'elle ne le paroiflbit d'abord , la tranfTudation d'ua liquide fubtil par la partie la plus épaiflè de l'épiderme , quoique chargée du poids de tout le corps. Et voilà pourquoi la furface de la peau , dans un corps vivant , confidérée au microfcope & bien éclairée par la lumière du foleil , paroît entièrement femblable à une petite lame de cuir , également humide par-tout , enforte qu'il n'y auroit perfonne qui pût diftinguer une telle lame mince de cuir de la même couleur , pofée fur l'épiderme , de l'é- piderme même. J'ai fouvent verfé auffi fur l'épiderme humide , que toutes les expériences précédentes prouvent n'avoir aucun trou , un liquide fubtil, comme de l'eau, de l'efprit de vin , &c. Ils y ont pafle peu-àpeu , comme à travers une petite lame de cuir ; & quand on preflbit l'épiderme , la li- queur le traverfoit avec beaucoup plus de facilité, fans qu'il y parût néanmoins aucune ouverture. Il faut donc qu'entre les particules folides dont l'épider- me eft compofé , il y ait des pores qui puifTent être traverfés par des liqueurs fubtiles; mais que ce foient les emfjouchures des petits vaifléaux continués de la peau , c'eft ce qui ne fauroit être démontré, ni par le raifonnement, ni par l'expérience. De-là vient que quand une brûlure a détruit les pores de la cuticule, la tranfllidation du liquide exhalé ne fauroit avoir lieu ; mais que fe ralïèmblant en une ou plufîeurs véficules , il gonfle l'épiderme» 294 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE ToM.XllI. Du cerveau des Nègres, J'ai fournis à l'examen le cerveau du même Nègre , & cela par un tems affèz '^'' froid , au commencement du mois de Février de l'année pafiTée , au lieu que la dilïèftion de l'autre Nègre , que j'ai rapportée dans mon premier Mémoire , s'étoit faite en été ,• ce qui donnoit lieu de foupçonner que la cha- leur avoit produit la couleur noirâtre de la fubftance médullaire. J'ai donc comparé le cerveau de ce nègre , qui avoit long-tems demeuré à Berlin , où il étoit tambour, avec le cerveau d'un Européen du même âge, &. mort dans le môme tems. J'ai enlevé , l'une après l'autre , plulîeurs tranches de ces deux cerveaux , par des feiSions horizontales. La fubftance corticale dans le nè- gre s'eft montrée d'une couleur plus cendrée , au lieu que dans le blanc , elle étoit , comme à l'ordinaire, d'une couleur de chair mêlée de rouge & de blanc. La moelle du nègre étoit d'un jaune clair, tirant un peu fur le gris, tandis que celle de l'Européen étoit d'une parfaite blancheur. En dépen- dant , par des feftions réitérées , vers la bafe , j'obfervai toujours la même différence de couleur entre les deux cerveaux ; & dans la fubflance médul- laire du négce expofée à l'air , une mutabilité de couleur , en vertu de la- quelle , les parties coupées blanchiifbient infenlîblement ; avec cette dif- férence feulement , relative au cerveau du nègre dont il a été queflion dans mon premier Mémoire , qu'il falloit un plus long efpace de tems en hi- ver , pour faire difparoître la couleur noirâtre , qui dans les chaleurs de l'été s'étoit évanouie prefqu'en un inftant, l'air chaud facilitant l'èvaporation des parties volatiles colorantes. Ne voulant pas m'en fier à mes yeux , & crai- gnant de me faire illufion , j'ai appelle des perfonnes qui n'avoient aucune connoilîànce de l'état intérieur du cervau humain , & auxquelles le but de mes recherches étoit inconnu ; 6l ayant enlevé les méninges des deux cer- veaux, je les leur ai montré à découvert , l'un à côté de l'autre , & expofés à la lumière ; fur quoi , fans héfiter, elles ont d'abord dillingué la différence de couleur , difant que celui du Nègre étoit d'un jaune noirâtre , & celui de l'Européen d'une couleur blanche. Prolongeant enfuite la diffeâion juf- qu'aux grands ventricules du cerveau , j'ai coupé horizontalement les corps ftriès ik les couches des nerfs optiques. C'efl là où la différence a paru vrai- ment étonnante , le corps flriè dans le Nègre étant prefque de la couleur brune d'une écorce d'arbre , au lieu que celui de l'Européen étoit couleur de chair pâle , tirant au cendré. La fubftance médullaire dans les corps fufdits , étoit d'une couleur jaunâtre fale dans le nègre , pareille à celle de la furface de fa peau ; mais dans l'Européen elle étoit parfaitement blanche. Un mor- ceau détaché de cette fubflance ayant été eniliite expofé à l'air, il pâlit 'dans l'efpace de quelques minutes , prenant une couleur approchante du blanc. J'ai obfervé également dans toute la fubftance du cerveau du nègre , que la DES SCIENCES DE BERLIN. 19$ partie tant corticale que métiullaire , expofée à l'air pendant quelques minu- ,. y..; tes , perdoit de plus en plus fa couleur brune; de forte qu'en con^parant un . '^' . ^ .! morceau alnli expofé à un autre fraîchement coupé , on auroit dit qu'ils n'étoient pas du même cerveau , tant il y avoit de dificrence entr'eux. Ce- 7^7' pendant une portion du cerveau de l'Européen furpafîoit toujours de beaucoup en blancheur une portion du cerveau du nègre, qui avoit éprou- vé l'aftion de l'air. La couleur des deux glandes pinéales difléroit auffi beaucoup , fur-tout dans l'endroit où elles tiennent à leurs péduncules, celle du Nègre paroilTant beaucoup plus brune. Après la diffèftion des péduncules du cerveau , on apperçut la fubftance corticale du nègre d'un jaune noirâtre , de figure demi ovale , avec de pe- tits points noirs difperfés çà & là , qui n'étoient point des embouchures de vaiHiiaux languins. Ces tâches dans le cerveau de l'Européen étoient plus cendrées , Ôc tiroicnt au rougcâtre. Ayant coupé tranfverfalcment le pont de varole ou la protubérance annulaire, la fubflance corticale parut mar- quée de raies noirâtres, & la fubftance médullaire jaunâtre ou d'un blanc ter- ne, tandis qu'elle eft de la plus grande blancheur dans les Européens. Par rapport à la moelle de l'épine, la lubflance corticale , qui en fait le centre , étoit noirâtre dans le nègre , & rougcâtre dans le blanc. Le cerve- let du premier étoit prefque couleur de paille dans fa fubflance corticale & médullaire ; mais dans l'air il étoit d'un blanc parfait. En confidérant au crépufcule des portions de ces difFèrens cerveaux, la fubftance médullaire du nègre paroiffoit d'un jaune noirâtre , & celle de l'Européen tout-à-fait blanche. Toutes ces obfervations prouvent donc que le cerveau des nègres diffère par la couleur de celui des Européens, & qu'un fluide coloré peut être porté de là par les nerfs vers la furfacc de la peau ; ce qui peut caufer dans les nè- gres le changement de la mucolité foufcuticulaire , & enfuite de l'épiderme. Mais il y avoit auffi une grande différence entre le fang du nègre & ce- lui du blanc. Car le premier étoit fi noir , qu'au lieu de rougir le linge , comme le fang le fait ordinairement, il le noircifîoit. Il fem.ble donc que les nègres faflènt prefque une autre efpècc d'hommes , par la conformation intérieure de leur corps ; & il n'eft pas furprenant que d'un fang aufli noir , il fe porte vers la peau des particules de la même couleur , qui contribuent àx la noirceur de la mucofité foufcuticulaire. i<)6 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ToM.XlU. m^ ^""K^j-jg— , === ygg Année ,737, ARTICLE XXV. Expériences fur lu confervadon du fang , & (Vautres corps liquides , dan^ le vuide , fans corruption , pendant plufieurs années. Par M. E L L E r. CEtte vafte étendue tranfparente , imperceptible à notre vue , qui envi- ronne notre globe , le premier mobile de la vie de l'enfant qui vient au monde , & la dernière reflburce du malade qui en fort ^ le corps enfin que le vulgaire prend pour un rien , & qui ne fe manifefte aux ignorans , fous le nom d'air , que lorfqu'il eft agité & mis en mouvement ; ce corps , dis-je , préfente tant de phénomènes extraordinaires & merveilleux , qu'on ne fau- roit l'étudier avec trop de foin , ni allez travailler à développer fes ren- forts & fon aftion. Auffi a-t-il été l'objet des recherches & des expériences innombrables des plus grands Philofophes du fiécle paflè , comme de celui où nous vivons. Ces grands hommes s'afTurérent , par des expériences incontefiables , que l'air efl un vrai fluide . puifqu'il prefle également , dans toutes fortes de direftions & avec la même force , les corps qu'il environne •, propriété eflèntielle à tous les fluides vifibles que nousconnoifibns dans l'Univers. Cette fluidité de l'air efl: des plus grandes , à caufe de la rareté , de la mobilité & de l'infinie petitefTé de fes molécules fphériques , qui ne s'attirent que foi- blement , & n'oppofent , par conféquent, qu'une très-légère réfiftance à leur mutuelle féparation. Mais nonobltant cette rareté & cette petitefïè , elles reftent immuables dans la plus forte compreffion , aufli-bien que dans la plus extrême dilatation qu'elles peuvent éprouver , dans le plus grand froid , comme dans le degré le plus exceflif de la chaleur , où tous les au- tres corps fluides fouffrent des changemens notables , & plufieurs d'en- tr'eux une entière deftruftion. On remarqua encore dans l'air une autre propriété non moins confidéra- ble , & même eflèntielle à tous les corps , favoir la pefanteur ; elle fut re- connue & établie par des expériences indubitables. Le premier qui en fit la découverte , prit un long tube de verre , ouvert d'un côté & fcellé de l'au- tre ; il le remplit de mercure , & l'ayant plongé dans un petit vafe rempli du même fluide , il vit auffi-tôt le mercure tomber , en quelque forte , hors du tube, mais une partie y reftant fufpendue , à la hauteur de 28 pou- ces ou environ ; il reconnut par-là que la pefanteur de l'air , ou de notre at- mofphère , étoit en équilibre avec la pefanteur du mercure dans le tube ; Si '7 57- DES SCIENCES DE BERLIN. 297 & comme le mercure eft à-peu-près 14 fois plus pefant que l'eau commu- -f^, xill' ne , les Philofophcs trouvèrent enfuite que l'eau s'arrêtoit également dans ^ ^ '^, ^ ^ un tube à une hauteur 14 fois plus grande que celle à laquelle le mercure refte fufpendu j & par conféquent l'eau fe montroit en équilibre avec le poids de l'air, ou de ratmofphère , à la hauteur de 34 pies , à peu de chofe près ; de forte que le poids de l'air fur le corps d'une pcrfonne , cft le même que celui d'une colomne de mercure, dont la bafe elt égale à la furface de ce même corps , & la hauteur de z8 pouces , ou d'une colomne d'eau com- mune de la hauteur de 34 pies. Une troifième propriété principale de l'air, n'échappa point à la fagacité & aux recherches infatigables de nos Philofophes modernes j c'eft fon élaf- ticité , prouvée déjà par certains jeux que font les enfans , en comprimant l'air dans un petit tuyau de bois , par le moyen d'un pifton , entre deux pe- tites boules , pour faire fortir avec éclat celle qui bouche l'ouverture an- térieure du tuyau. Ce jeu a fans doute amufé lés enfans long-tems avant que les l'hyficiens aient fongé à examiner la caufe de ce phénomène j & la conf- truftion du fufil ou arqucbufe à vent a tiré vraifemblablement fon origine de là. 11 fcroit trop long de parler de tant d'autres machines , inventées depuis pour mefurer les différens dégrés de la condenfation de l'air ; je dois remar- quer feulement, en général , que l'air inférieur de notre atmofphère , ou le plus voilin de la terre, eft comprimé par le poids de l'air fupérieur,dela même manière que nous comprimons celui qui fe trouve renfermé dans un tu- yau , ou dans une pompe. Les Phyficiens ont démontré inconteftablement que l'élafticité de l'air eft comme fa denfité^ & conféquemment que l'air, par une proportion confiante, occupe toujours un efpace qui eft en raifon inverfe des poids qui le compriment. Ce poids, ou cette compreffion ôtée, la dilatation de fes molécules devient tellement confîdérable , qu'il occupe alors un efpace 4000 fois plus grand, que celui qu'il occupoit auparavant, félon l'expérience d'un célèbre Philofophe moderne ; & par les obferva- tions d'un autre grand homme , il eft démontré que l'air fupéricur de notre atmofphère fe dilate encore plus qu'en raifon inverfe des quarrés des poids qui le compriment, quoiqu'on ne puiffe pas déterminer exailement la mefure de cette dilatation , puifqu'il eft impoffible de découvrir géométriquement la véritable hauteur de notre atmofphère. D'ailleurs , quelques Philofophes modernes ont poulTe la recherche de cette élafticité fî loin , que l'un d'eux a trouvé le moyen ( par la compreffion qu'il lui a fait éprouver dans certaines machines ) , de rendre l'air treize , un autre trente-huit , & un troifième encore foixante fois plus denfe qu'il n'é- toit dans fon état naturel. Mais ce qui eft encore plus furprenant , c'eft que notre air , dont les molécules font infiniment petites , & d'une cohéfion , auffi-bien que d'une attraftion très-foibles , ne perd abfolument rien de foa Jomi II. Tp ■JoM.XlIi. Année Î98 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE élafticité par la compreffion la plus forte ; & lorfqu'il a été enfermé pen- dant plufieurs années dans de bons fufîls à vent , ou dans quelques autres machines de cette efpèce , dès qu'on l'a délivré de fa prifon , ou qu'on lui ^757' a rendu fa liberté , il montre la même force de reflbrt , que s'il avoit été feu- lement condenfé quelques minutes auparavant. Outre ces propriétés eiïènticUcs de l'air , qui font établies fur des expé- riences qu'on ne peut révoquer en doute , les Phyficiens , en redoublant leurs recherches , ont reconnu qu'une iniînité de corps étrangers extrême- ment déliés , nagent dans ce vaite fluide j & quoique ces corps n'aient ni rapport , ni aflinité avec les élémens de l'air pur & élafUque , ils ont été convaincus qu'ils étoicnt abfolument nécelfaircs dans la plupart des opéra- tions , où la nature fe fert de l'air , fur-tout pour la végétation ; ce qui iuftiiie la néccffité de leur préfence dans l'atmofphère , nonobftant l'em- barras qu'ils caufent aux Philofophes , lorfqu'ils s'efforcent de donner une précifion rigourcufe à leurs expériences fur l'air. On reconnoît donc géné- ralement que l'iiir cfl: un vafte océan, rempli de matières de toute efpèce, qui fe divifent en molécules auffi petites & aufli déliées ( en augmentant leurs furfaccs ) que l'élalticité du fîuidc aérien peut le permettre ; enforte qu'elles peuvent y flotter librement & y refier fufpendues. Et c'eft pour cette raifon , fans doute , que les anciens Philofophes avoient déjà com- pris fous le nom d'aîmq/]i/;ère , cet alfèmblage prodigieux de toutes fortes de matières , dont l'air fe charge. Mais entrons fur cela dans quelque détail. Nous fentons , & le thermomètre ne nous permet pas d'en douter , que les rayons du foleil , la matière éleftrique , auffi-bien que le feu allumé par-tout dans nos foyers , & même la chaleur foutcrrainc , fourniflènt la ma- tière du feu répandue dans toute l'atmofphère. De plus , l'eau diffbute & élevée par cette chaleur , s'exhale dans l'air en très-grande quantité. L'analo- gie qui eft entre l'eau & l'air , femble favorifer non-feulement la combinai- fon de ces deux corps , mais les rendre capables même d'une transformation réciproque , du moins de quelques parties de l'eau dans un véritable air élaftique ; ce qui efi prouvé , entre plufieurs autres expériences , par cel- les de l'éolipile , & par l'éclat violent de la poudre à canon , caufé unique- ment par quelques petites gouttes d'eau , contenues dans le falpêtre. D'ail- leurs , la préfence d'une eau abondante dans l'air eft fufKfamment prouvée par l'hygromètre , par le baromètre , & par le fel alcali fixe qui fe liquéfie en peude tems , en attirant l'humidité de l'atmofphère. Cette exhalaifon co- pieufe de l'eau forme les nues & les brouillards, &lorfque l'air s'en trouve furchargé, elle fe condenfé, fe ralîëmble en gouttes & retombe fur notre globe, fous forme de pluie, de neige ou de grcle, félon la conilitution chaude ou froide de l'air & de la faifon. Pareille évaporation humide s'élève dans l'air , par la tranfpiration conti DES SCIENCES DE BERLIN. 199 liuelle des hommes & des animaux , laquelle eft (i confidérable , eue félon , ^^ les expériences faites pour la déterminer , la moitié , a-peu-pres , de toute a r, j. f „ la nourriture qu'on prend s'échappe dans l'air par la peau. Ajoutons à cela, que les exhalaifons de tous les végétaux que la terre porte, furpalTent en- /->/' core de beaucoup , félon les expériences d'un illuftre Philofophe Anglois (*) , celles des animaux. Mais ce n'eft pas l'eau toute pure , qui s'exhale en i\ grande quantité des corps des animaux & des plantes ; toutes les parties qui entrent dans la compofîtion de la malTè du fang , comme la graille , la bile , les fels volatils , la terre fubtile 6c atténuée , &c. peuvent également fe diffiper par la peau , & s'élever dans l'atmofphère. L'eau diflbute en va- peurs , qui fort fans celîè du corps de l'animal , leur fert de véhicule. Les plantes de même laiflènt échapper par toute la furface de leurs parties une quantité très-conlîdérable , non-feulement d'une eau pure, mais une infinité d'autres molécules qui fe rendent fenfibles par l'odorat , fur-tout dans la failbn où elles pouffent & prennent de l'accroilTèment. Eh ! quel Phyficien fe- roit allez habile pour déterminer la quantité & la différence infinie des ato- mes que les plantes , & fur tout les fleurs , répandent dans l'air ? Leur poullière fécondante même voltige dans cet élément , lorfque les étamines font fécouées par le vent. D'ailleurs , qui eft-ce qui ignore l'effet de la corrup- tion de la plupart des plantes , & fur-tout des animaux , dont les atomes diflbus par la pourriture, s'évaporent dans l'air à chaque inftant du jour? N'oublions pas la fermentation , qui , par le combat & le mouvement in- teltin des fluides fournis à cette aéiion, élève pareillement dans l'air un nom- bre infini de molécules déliées , & en remplit toute l'atmofphère. Il en eft de même des parties excrémentielles des animaux ; & je n'aurois jamais fini fi j'entrois dans le détail de tous les faits qui établiflént ce que nous voulons prouver. Mais je ne dois pas paffcr fous filence les exhalaifons abondantes qui , du fein de la terre, s'élèvent fans cefle dans l'atmofphère. Les entrailles de notre globe font remplies d'un amas énorme de toutes fortes de matières falines , fulphureufcs , arfenicales , mercurielles , qui , par la chaleur fou- terraine, font pouflëes en haut, fans interruption , & qui , en s'entrecho- quant , fe fubtilifent tellement , qu'elles peuvent pafTer à travers les pores de la terre. Quel Phyficien pourra découvrir la fource véritable de cet acide univerfel qui réfiJe dans toute l'étendue de l'air, & fe prête à l'attradion du fel alcali fixe , qu'il change en fcl moyen , par l'union la plus étroite ? En- fin , nous voyons clairement que l'air efi: un vrai cahos , qui raflèmble éga- lement dans fon fein toutes les produftions , aufli-bicn que toutes les def- truûions de la nature. Mais nonobftant cette hétérogénéité frappante des molécules innombrables dont l'immenfe volume de l'air eft compofé, il ne lailTe pas d'être auffi (•) Hiléj. Ppij 300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rj. y .-yy nécefïbire à la vie , qu'il eft utile à la fanté de tous les animaux qui refpi- . ■ ■' , ' rent^ car ils ceflént de vivre auffi-tôt qu'on les prive de ce fluide , fous la cloche de la pompe pneumatique. Les poillbns mêmes expirent quand la com- ' ■^ ' * munication avec l'air extérieur leur eft ôtée par la glace qui couvre les lacs & les réfervoirs dans un grand froid. Les plantes , en général, périlTént dans le vuide , <5c ceiTènt entièrement de végéter & de croître , toutes les fois qu'elles fe trouvent dans un endroit clos , où l'air ne peut être renouvelle. En un mot, il réfide dans l'air une nourriture occulte , qui foutient la vie des animaux & des plantes, & dont ils ne peuvent i'e palïér fans rifquer leur ruine totale. 11 eft même très-vraifemblable , qu'il exifte dans l'air une fource intariftàble de la matière fpermatique univerfelle , où tous les êtres vivans des deux principaux régnes de la nature puifent leurs molécules organi- ques , converlibles enfuite & propres à être identifiées en la nature de cha- que efpèce , & de chaque individu. Tel eft donc enfin ce fluide élémentaire , duquel tout être créé tire fon origine ik fa confervation. Mais n'eft il pas bien étrange que la même chofe qui nous fait vivre , opère à fon tour notre deftrudion. Cette deftruition eft une fuite de la pénétration de l'air, qui opère la diiîblution des corps en introduifant dans leurs pores une infinité de difîblvans de toute efpèce , dont il eft toujours chargé- La feule chofe qui paroit retarder cette difîblu- tion , eft fans doute la matière graflè , phlogiftique ou inflammable , qui fert de colle ou de lien aux molécules terreftres , qui conftituent la bafe de tous les corps dans les trois règnes de la nature ; c'eft cette matière qui refufant le mélange avec l'eau , dilfoute en vapeurs, dont l'air eft toujours rempli, ôi dans laquelle nagent les parties diftblvantes , acides , falines , volatiles , fpiritueufes , &c. défend les corps de l'aôion de ces caufes deftruâives , en interdifant l'entrée à leur véhicule. Dans les animaux , c'eft à la grailîè principalement, qui , placée au-delTbus de la peau , fournit une enveloppe générale à tout le corps , à laquelle on doit attribuer l'effet dont nous parlons , concurremment avec l'efpèce de glu , ou d'huile tenace qui lie entr'elles les molécules terreftres , qui fervent de bafe à l'animal. On trouve pareillement dans les plantes une matière graflè inflammable , qui , fous le nom de réfine, ou de gomme , affermit la folidité de leurs fibres. Auffi voyons-nous que les plantes qui participent le plus de cette matière réfineufe , réfiftent plus long-tems à la deftruÔion caufée par l'humidité de l'air ; c'eft à ces matières réfineufcs que nous de- vons la confervation des momies ou cadavres humains, prefervés de la cor- ruption depuis tant de fiécles dans la plupart des folfiles , & fur- tout dar^s les corps métalliques, la matière phlogiftique ou inflammable , eft trop étroi- tement liée aux terres minérales vitrifiantes & mercurielles , pour que les difltblvans aériens y puiflfcnt pénétrer aifément , & détruire leur cohéfiqn j, DES SCIENCES DE BERLIN. 301 fi ce n'eft dans-un tems fort long. Mais l'or & l'argent bien purs , avec certai- STTl nés pierres précieufes , font les feuls corps connus dans la nature, qui peu- /'^J' , .. * vent réfïïlcr conflamment à cette aâion deftrudtive de l'air. ^ ^ * Pour garantir les autres corps de la corruption , il faut donc tâcher de leur 7 5 /• ôter toute communication avec l'air extérieur. Je fuis parvenu , par ce mo- yen , à conferver pendant plufieurs années , fans la moindre altération , diftérens fluides qui en font extrêmement fufceptibles : pour faire réufllr ces expériences, voici la manière dont je m'y fuis pris. Je fis faire une plaque ronde bien forte de cuivre jaune , d'un pié de diamètre , avec un tuyau au centre de trois pouces de longueur , garni dans fon milieu d'un robinet bien ajulté , pour empêcher l'entrée de l'air, le tout du même métal. J'attachai la plaque à ma pompe pneumatique , par le moyen d'une vis qui étoit au bout du tuyau; j'y plaçai enluitc quatre petits verres bien rincés, qui pouvoient contenir environ trois onces chacun ; je remplis le premier de lait de va- che ; dans un autre , je verfai du vin de Bourgogne ; dans le troiiième du vin de Champagne ; & comme il fe trouvoit par hazard un ami auprès de moi, qui voulut bien permettre qu'on lui tirât un peu de fang du bras , j'en remplis le quatrième verre ; ce fang étoit beau & d'une belle confiftance. Je couvris auflî-tot mes verres avec ime cloche de criftal d'une grandeur convenable , & bien forte , que j'attachai à la plaque par le moyen d'un bon lut, compofé de poix, de réline, de cire, de térébenthine, 6cc. Enfuite je tirai fucceffivemcnt tout l'air qui étoit fous la cloche , & dans les fluides de mes quatre verres , jufqu'à ce que le mercure , dans le baromètre de la pompe , fut monté au même degré que celui d'un autre baromètre , que j'avois à la muraille de ma chambre. Pour empêcher que l'air ne rentrât fous la clpche , je tournai le robinet du tuyau de la plaque , que j'otai de deflùs la pompe ; & de peur qu'il ne fe glifsât dans la fuite quelque portion d'air , comme cela a coutume d'arriver , malgré le foin qu'on prend de bien adapter le robinet à toute la circonférence de fon creux, & de le faire entrer auili avant qu'il eft poffibie , en le frottant avec de la graiflè ; j'a- vois préparé un bloc de bois rond , félon le diamètre de la plaque de cui- vre qui foutenoit la cloche : il étoit d'un pié de hauteur ou environ , & dans le milieu j'avois fait un trou de trois pouces de diamètre fur quatre à. cinq de profondeur ;, je verfai dans ce creux de la graiflè de mouton fondue & bien pure ; j'y enfonçai auffi-tot le tuyau de la plaque avec fon robinet bien fermé , deforte que la plaque couvroit la furface fupéricure du bloc, & y adhéroit par la grailïè refroidie qui s'étoit épanchée , lorfque le tuyau fut enfoncé dans fon creux. Mes liqueurs ainfi arrangées dans ce vuide , furent gardées dans un enr^ droit clos , où le grand froid , non plus que la trop grande chaleur , ne pouvoient faire manquer l'expérience ; j'y regardai de tems en tems , & oft 5oi MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ■^ '^^, remarquant aucun changement , ni dans la couleur, ni dans la confiftance Année de ces tluides , ce qu'il m'étoit facile de voir à travers la cloche tranfparen- te , je hiiflài le tout renfermé tranquillement d'une année à l'autre , depuis '■75 7' le mois d'Avril 1741 , jufques vers la tin de l'annéB 1756. 11 s'étoit donc écoulé quinze ans & huit mois environ , lorfque m'cnnuyant de garder plus long-tems l'appareil de cette expérience , & l'ayant fait voir àplulieurs de mes amis , je détachai la cloche , qui par le moyen de la matière gluan- te , tenoit encore auiîî fortemsnt à la plaque que le premier jour que je l'a» vois attachée ; je ne remarquai pas non plus beaucoup de changement dans mes liqueurs , excepté que dans le verre où j'avois mis du lait , la crè- me s'étoit (éparée un peu , & confufément mêlée avec fon petit lait , ce mélange gardant au refte fa blancheur & fa fluidité naturelles. Dans les deux verres où étoit le vin , la couleur & la confiftance n'avoient fouftert aucun changement ; feulement le vin de Bourgogne avoit dépofé au fond un peu de pouffière rougeâtre , & celui de Champagne une pouffière femblable , mais blanchâtre & en moindre quantité. En examinant cette matière avec la loupe & au goût , je trouvai que ce n'étoit qu'un peu de tartre , que le vin dépofe ordinairement dans les tonneaux. On ne remarqua pas le moindre changement dans le quatrième verre qui contenoit le fang hu- main ; fa quantité n'étoit point diminuée , ni fa qualité altérée, foit pour la couleur , foit pour la confiftance ; il reflèmbloit parfaitement au fang nouvellement tiré de la veine ; & ce qu'il y avoit de plus furprenant , c'eft que les petites boules rouges montroient encore leur figure fphérique , lorfque je les examinai au microfcope , après les avoir fait entrer dans de pe- tits tuyaux capillaires. Ces expériences démontrent , je penfe , d'une manière inconteftable , que c'eft l'aftion de l'air qui caufe la défunion , & finalement la deftruftion entière de tous les corps naturels ; & qu'on pourroit les fauver éternellement , fur-tout les corps durs & folides , de la corruption , fi on pouvoit les ga- rantir abfolumcnt de toute communication avec l'atmofphère. On peut auffi fort aifèment comprendre la néceffité inévitable de cette deftruâion , par les propriétés de l'air que je viens d'expofer en peu de mots. Son extrê- me fluidité , jointe à fa pefanteur, lui donne la faculté de s'infinuer dans les interftices ou pores de tous les corps. Par fon élafticité & fon expanfibilité ., aidée de la chaleur & du feu qu'il contient, il dilîbut & enlève toute l'hu- midité, laquelle emporte avec foi les molécules gommeufes , s'il s'en trouve dans le corps fur lequel il agit ; les parties réfineufes font diiïbutes par les atomes fpiriteux , par les fels volatils , & par les acides répandus dans l'at- mofphère. L'eau que la chaleur de l'air dilTbut en vapeurs , fe charge en- core des parties gralTès , huileufes & falines qu'elle emporte des corps qui en font pourvus , & en les fubtilifant par le mouvement inteftin qu'elle ex- Pag. Genti, Cai. GïKTI;! 297- 1 oxi. Gentij reo fl Hift. GENTIA! tcum , Bifil. p Centian ouginofi GïNTIAN folio. Bi Gentian. ruiea cd. Hall Gentian. Hippian, GENTtAVJ gido.pei p. 132. j Ces'tianJ pina , pul Ir.fl. p. I Gestian| £afîl. p. Centiaha xius. C. GentiasaI Cluf. Panl Cestiasa ;1 ""gno florj 97. Gentiana ; Lobel, lcon]| «176. PaS-30i.in-4°' TABULA GENTIANAS AUCTORUM POTIORES INDICANS, EARUMQ^UE DIFFERENTIAS IN PARTIBUS FLORUM Pag. 4/4. In-n, tom. II, C A L Y X. C O R O L L A. S T A M I N A. p I S T 1 L L U M. PERICARPIUM. S E M E N. Gentiana ! major , lutea. C, B. Cal. Bafil. p. 5J. GlSTIANA ; XII. Cluf. Pann. p. 257. Hift. p. 316. Swertia Lin- mi. G. pi. 237. Gentiana; I. j. major, purpu- KO flore. Cluf. Pann. p. Ï77, Hift. p. 312. Cestiana ; quaeeentaurium , lu- tcum t perfoliatum. C. fi. Cat- BiHl. p. 8>. Gentiana ; pratcnfis , flore la- ouglnofo. C. B. Fin, p. iSS. Gentiana ;pumila, a1pina,brevi folio, liuifei. A^. Svec, J05. CcNTiANA ; qiix Gentianella cs- riilca , oris pilofis. Rupp. fl, jen. cd. Hall. p. 21. Gl^NTiANA ; qu» Gentianulaque Hippion. ;. B. Hift. III, p. 527, o.peniagono. Raj. SyM, cxir. p. 131. CisTUNA j qua» Gentianella al- fini ipumila, brevifolio. Tourn, VA. p. 81, Geiitu)h 1 (lociata. C, B, Car. £afil, p, 5j, Spaiha , bivalvis lacera , bre- PcTÎanihtum , rotatum , planum , 5. laciniis profundiùs divifum. Pcrïûnth, amplnm , diphyllum brève & lacerum. P<:«anr?i.nionophylluni,tubulofumj ftritfium.tubo coroUa; brevius, S. la- ciniis capfîllaccis profundè divifum. Pertanth, brevifiimum , mono- phyllum , 4. & y. laciniis ad mé- dium ufquè divifum. Pcria/iih. monophyllum laxum , 5. laciniis divifum tubo corollx bre- vius. Pcrlsnth. monophyllum laxum ventricofum , longimdine tubi flo- lis , fermé femi-quadriiîdum, Perlanth, monophyllum laxum , pentagonum, leniter quinquefidum. tubo coiolls dimidio bievius. Gentiana , sf^iva , calyce tur- Perlanth. monophyllum, tubo flo. Gentiaka; quae centaurium ml- ""'• C. S. Cat. Bafil. p. 82. Gevtiava i Afdcpiadis folio, t-luf, Pann. p. ijo, 281. Centuna ; alpina , ,„-,f„,ij _ ""gno Aorc, C, B, Prodr. p. *^LoM "f ' "l"* ''"«imonanthe. ris brevius , latum , ventricofum pentagonum, alis eminentibus. Perianth. monopfiyll. campanu- latum , tubo corolls brevius , la- ciniis y. acutis profundè feifto. Perianth. monophyll. tubulofum longitudine tubi corolls, ftriftum marg.4vel5.denticuIisleviterincifo! Perianth. monophyll. tubulofum ftriftum, tubo corolle brevius, la- ciniis j. capillaribus dlftinftum. Periariih. monophyll. campannla- rum , coroUa dimidio brevius , laci- niis 5. angudis ptofundè divifum, Perianth, monophyllum campa- nulatum breviirimum , laciniis 5. anguftis profundè divifum. Perianth. monophyllum campa nulatum , breviflîmum ftrîftum laciniis ;. ang. prof* divifum. Pctaîum rotatum , tuhus brevif- iîmus , limhus patens , laciniis j. 6. 7. S. lungis 6c a r.gu{lis profonde feftus. Pffa/u/Ti rotatum 5. laciniis ovato- acutis, patentibus profundè divifum, tuhus nullus j foreolœ neflariferse 2. ciliatx ad baiîn iîngulœ liciniéc. PcCdlum campanulatum , non pli- catum , laciniis 5. incifum. Petalnm infundibullforme , tuhu: brevis latus , limhus rotatus pla- nus S', laciniis ovalibus incifus. .Pcfii/urTihypocrateriforme i tuhus campanulatus, amplior & longior, limhus 4.& j. laciniis trlangularibus futre£lis divifus , ad bafin ciliatis. Pttalum hypocrateriforme , tu- bus ventricofus , calyce longior , limhus laciniis 5. fubrotundis, pa- tentibus , cum plicis atternis. Pcfj/«m hypocrateriforme > tuhus ventricofus, 4. laciniis furreftis , patentibus, in margine ciliatis. Pctalum infundibuliforme » tuhus calice dimidio longïoi ^ limhus pa- tens , laciniis 5. lanccolatis, cum plicis alternis. Pcfj/Hminfundibullforme,fuiolon- gifTimo ,limho 5. laciniis ovato-acu- minatis, ereflïs, plicatisdiflin^o. Petalîim campanulatum , tubus longinimus, limbus ^. laciniis ova- to-acuminatis plicatis. Petali tubus ventricofus calyce teOus , limhus laciniis 4. vel y. breviflimis patentibus divifo, Petalum infundibuliforme , tubo longiore & flrirto , limbo patente laciniis 5. acutis divifo. Pctalum campanulatum tuho am- pliflimo , limbo erc^o , 5. laciniis diftinfto. Pif j/um campanulatum, totà plan- ta majuSjtuèo amplilTimo, limho^^- tente , femirepando, breviflimo , y. laciniis diftinilo. Petalum campanulatum , rr/5o am- ple & longiore , limbo brevi , la- ciniis ;. eie^is plicatis diftinAo. Filamenta 5. coroUa brevlora , antherx fimplices, incumbentes. Filamenta y. fubulata , corolla brevlora, anthcrx fimplicçs incum- Filamenta 5. fubulata , întra tu- bum aniherx fimplices, incumben- tes. Filamenta 4. vel 8, fubulata antherts fimplices , incumbentes. Filamenta 4 & 5. fubulata craf- fiora > antkera incumbentes. Filamenta y. fabulata. Filamenta 4. fubulata antlicrts,,.. Filamenta 5. fubulata intra tu. bum, a/irAflrjt fimplices incumben' tes^ Filamenta ;. fubulata. Filamenta y. fubulata , anthera incumbentes, fimplices. Filamenta 4. yç\ y. fubulata , an- therx fimplices , incumbentes. Cermen ^ conïcum ventricofum, brève, ad bafin tuberculis lacinla- rum numéro paribus diftinftum. Sci- /ujbrevinimus. Stigmata 2. retlexa. Germen ovato-oblongum , fiilus nullus, y?/^mfl fimplex. Cermen ovato-oblongumi Germen tctragonum , fiilus fim- plex fjiigmata 4. Germen oblongum , fiilus bre- vis,yî/i-mara a. brevifiîma,reflexa. Capfula unilocularis , univalvis acuminata, tcres , apicc divifo. Capfula teres , utrinque acumï nata , unilocularis, univalvïs. Capfula telragma , uniloculaiis univalvis. Capfula cylindrica longa , loculacis I univalvis. Germen ovato - quadragonum ; longé petiolatum , fiilus craffior fiigma reflexum. Germen cylïndricum , longîus fiilus longior , fiigma fimbriaium expanfum. Cermen cyllndricum longîus . Capfula , uni' Plura, magna foliacca. Plura parvâ. Plura Plura minutifiima* Plura parva , fubrotunda , gï*: bia. Capfula Capfula cylindrica uniloCulaiis , bivaWis, elailica. Capfula cylindrica. Capfula cylindiica , unllocula- ris , bivalvis. Plura Pluia mlnutîfluna; Plura mjnuti{riina4 Plura mînutifiîma; Filamenta y. fubulata, intrà tu- bum corollœ , anthera fimplices incumbentes. Filamenta y. fubulata intrà co- roUa , anthcTdi in cyhndrum con- nat£. Filamenta y. fubulata , anthera in cylindrum connac£ , bafi fece- ientia , intra coroUam, Filamenta y. fubulata , anther^z 'w cylindrum connaiïe, bafi ieceden- Cermen cylindricum longîus , fii- lus breviflîmus , fiigmata duo fim- plicia reflexa. Germen ovatum , fiilus fimplex, I Capfula ovato-oblonga , uniIo-[ Plu" ovalia & Uvlil fiigmata 2 capitata, reflexa. Jculans bivalvis, Germen cylindricum longum ^ fii- lus fimplex , fiigma bilabiatum. Germen ovato-acumînatum , fii' ius Cxmplçx , fiigma iïmplex fiami- ttibas igngius. Germen în medio ventricofum , fliluj fimplex longior , fligma i. vcl 2. fupià antheras leflexa. Germen in medio ventricofum , ^d bafin 5. tuberculis melliferis diftinftum , fiilus brevifiiiUiiS, ftig- ma i< vel 2, teâ.âxa« ', Capfula cylindrica longa , uni- locularis , bivalvis. Capfula ventrlcofa , apice blfido unilocularis , univalvis. Capfula cylindrica longa , unilo- ulaiis, bivalvis. Capfula ventrlcofa, longior , api- ce bitido ] uniloculaïUj bivalvis* Plura minutilllma» Plura minutiflima. Plura majora, utrlnque actual" nata , fulcata. Pluiima minucifî^siA Z' . DES SCIENCES DE BERLIN. 303 cite dans ces corps , elle leur donne cette volatilité incommode & dégoCi- = tante, qu'on appelle pourriture, laquelle efl le dernier terme de l'alté- i°'*'' i ration des mixtes , fur-tout chez les animaux. Et qui eft - ce qui pourra ^ ^ ^ ^ ^ jamais déterminer la nature & la petitcflè inconcevable de ces atô- ^757' mes malfaifans , qui proviennent la plupart de la pourriture , & qu'on nomme mutj'mcs morhifiqucs , contagieux , Jyjfentenques , varioliques , i-J- nériens, &c. dont l'air efl: chargé quclqucfcis , & qu'il communique par la refpiration , ou par les pores de la peau , à la mafle de nos liqueurs. Quel- que petite que puilTé être la quantité de ces miafmes , entièrement imper- ceptibles à nos fens , elle efl capable d'introduire une corruption totale dans Jes humeurs du corps humain, comme nous ne l'apprenons que trop chaque jour par les funeftes épidémies & les maladies contagieufes qui précipitent tant de monde dans le tombeau. ARTICLE XXVI. Rechirches chimiques fur une terre de foufre toute particulière ^ ^u'on trouve près de Tarnouit:^ en Sikfie. Par M. L E H M A K N. Traduit de V AlUmani. PL'JS on promène fes regards fur le domaine de la nature , & plus on trouve de corps doués ce propriéiés particulières , par lefquelles ils fe diftinguent d'une manière fcnfible des autres corps déjà connus , & qui ex- citent l'attention d'un amateur. Les trois règnes nous en offrent de tcms en tems quelques exemples ; en voici un que me fournit le règne minéral. Il s'agit d'une terre fingulière , d'un blanc gris , qui dcit être mife au rang des terres de foufre , comme les expériences fuivantes le feront voir. J'en ai déjà fait mention dans mon efiai ée gcoiiraphie fouterraine , qu'on a placé en forme d'introduétion à la tète de mon Iraité des veines minérales qui fe trouvent dans Us montagnes. Avant d'aller plus loin, il convient de rapporter l'hilloire de cette décou- verte. Il y a quatre ans que parcourant la haute & baffe Silefie , en partie pour y faire des recherches fur les minéraux , je vins , entr'autrcs lieux , à larnown^ dans la Seigneurie de Beuthen ; & comme je m'informois des Choies les plus remarquables qui pouvoient fe trouver dans cet endroit, on me dit que, non loin de la ville, étoit une certaine terre qui avoit l'odeur du. camphre. Mon devoir, auffi-bien que ma curiofité, m'engagèrent à me ren- dre aufli-tot au lieu indiqué ; ayant donc luivi un guide, à qui les chemins «oient bien connus, je rencontrai, environ à quatre portées de moufquet^ 304 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE ToM XUi "^^ ^ mille pas de diftance de la Ville , à main droite du chemin qui mène I A n'n É E ^"'"^^" > "ns petite hauteur, qui avoit l'air d'être très-fertile , & qui étoit en j effet chargée de divers fruits champêtres , d'autant plus abondans que l'on étoit alors au commencement de Juin. Ce fut fur cette hauteur que mon guide me fît voir , immédiatement au-deflbus de la terre ordinaire , un lit de terre gralïe d'un noir gris , qui avoit une odeur forte & particulière , & au moins un pied d'épaifièur. J'en emportai une quantité auiïï grande qu'il me futpoffible , & je la fis féchcr; fa couleur devint alors d'un blanc tirant au gris. Je portai enfuite cette terre à Berlin pour la foumettre à des recherches ultérieures ; mes expériences m'ont convaincu , qu'elle devoit être com- prife , comme je l'ai déjà dit , parmi les efpèces de terres de foufre. Par terres de foufre , j'entends toutes les terres, qui , fans aucune addi- tion d\icide vitriolique , donnent dans les travaux chimiques , un véritable foufre. Ainfi j'exclus du nombre des terres de foufre : i". toutes les efpè- ces de terres dans lefquelles le foufre fe montre vifîblement , foit qu'il s'y trouve en parties diftinâes plus ou moins grandes, ou réduit en pouffière ; car ces terres ne doivent pas être regardées comme terres de foufre, mais comme de fimples matrices dans lefquelles le foufre tout formé exifte fé- parément , fans être intimement lié avec la terre. 2°. Toutes les efpèces de terres , qui ne produifent du foufre que par l'addition d'un acide vitrio- lique , comme font les terres d'umbra , la pnigitis de Fline , la terre am- pelite , & quelques autres terres bitumineufes , auffi-bien que divers char- bons de terre & de pierre , parce que ces terres , bien qu'elles contiennent une des parties conflituantes du foufre , favoir la matière combuftible , font deftituées , le plus fouvent , de l'autre partie , favoir de l'acide vitrio- lique. 3°. Par la même raifon , on ne rapportera pas à la claffè des terres de foufre celles qui ne préfentent en elles-mêmes qu'un acide vitriolique , quoi- qu'elles donnent du véritable foufre par l'addition du phlogifiique ; mais celles qui y ont le moins de droit , ce font, 4^, toutes celles qui offrent ma- nifeftement à la vue du foufre en maffe ou en morceaux. A la vérité divers Auteurs confondent indiftinftement toutes ces terres dans la même claffe ; mais je fuis obligé de dire que la plupart d'entr'eus manquent d'exaftitude , en ramenant au même genre toutes les terres bitu- mineufes , mêlées de morceaux de foufre , qui rendent au feu une odeur forte , ou qui brûlent d'une flamme claire. J'exige d'une terre de foufre qu'elle fe fublimc par elle-même , & donne ainfi un véritable foufre. En vertu des mômes principes , je refufe encore de compter parmi les terres de foufre , les terres combuftibics d'Artern dans le Comté de Mansfeld, celles d^Altenbourg , & les terres bitumineufes qu'on rencontre par-ci par- là dans les pierres de fable près de Schandau en Saxe ; à quoi l'on peut ajouter laterre mêlée dç morceaux de foufre de l'Abbaye à''Enaelsberg , dans le DES SCIENCES DE BERLIN. ^oj le Canton d'Umlcrwald. On n'eft pas plus en droit de compter parmi les ter- ^^^ \ii? res defoufre le Gcodcs fulphurcus Agrigentinus, dont le Boccone fait mention J*^ J en divers endroits, puifciu'il renferme des morceaux entiers de foufre tout ^ E s formé -, non plus que la terre de Melili , indiquée par le même Auteur , parce 7 S /• que le foufre fe montre vifiblcment dans toutes ces terres , ou s'y trouve mêlé par morceaux , ou qu'on n'en obtient point de foufre par la fubli- mation , mais qu'on en tire par la diflillation de la napthe , du pétrole , &c. On rapportera tout auffi peu à la clafTè dont il s'agit , l'efpèce de pierres qui fe trouve en Pologne , entre CracovU & Wieliciha , fur ce qu'on appelle la montagne de foufre , & qui confifte en mafles pierreufes d'un blanc gris , dans lefquelles le foufre elt renfermé en grains. Je paflè fous (îlence diverfes autres efpèces de terres femblables , indiquées par les Auteurs. Tout cela pofé, à l'exception de la terre nommée Terra Puteolana,ôi celle de Tamowit-^ , fur laquelle va rouler ce Mémoire , je n'en connois point en- core à laquelle convienne proprement le nom de terre de foufre. Je ne me rappelle point non plus qu'aucun Auteur ait fait mention d'une pareille terre ; car quoique Volch.mann ait déjà dit dans fa Silcfie fouterraine , qu'on trouve du foufre près de Tarnoviti , il n'explique pourtant pas , fi ce foufre exifte en forme vifible, ou par pièces , comme dans fa minière ordinaire, ou s'il fe trouve dans l'eau , comme à Carlsbad & à Topliti. On a même lieu de croire, à s'en tenir à fon récit, qu'il n'a en vue que le foufre en mafTè qui fe rencontre en cet endroit , & que les minières de plomb répandues à l'en- tour offrent fouvent, quoique mêlé de beaucoup de matières étrangères. La contrariété des opinions fur l'idée qu'on doit fe faire d'une terre de foufre , me fait juger nécefïàire de donner ici une defcription exafte de celle de Tarnowiti. Je fais bien que plufieurs de mes lecteurs trouveront peut-être cette defcription d'une très-mince utilité , en ce qu'elle concerne un corps qui n'eft pas commun , & qui , fi l'on vouloit l'employer à faire du foufre , ne dédommageroit pas des fraix. Mais par cela même qu'il s'agit d'une matière un peu rare , je me fuis crû obligé d'en faire un examen plus attentif, & de rendre compte des expériences auxquelles je l'ai loumife. Cela engagera peut-être d'autres naturaliftes à donner plus d'attention aux efpèces de terres qui ont une odeur particulière , & qui, par leur rareté même , doivent piquer la curiofité. Mais entrons en matière , fans nous ar- rêter davantage. La terre odoriférante de Tarnowif^ eft « une terre légère , d'un blanc gris , » dont les parties font médiocrement liées enfemble , & dont l'odeur ref- » femble beaucoup à celle du mélange de l'huile de thérébentine avec l'huile » de vitriol , qu'on met à digérer pour produire un foufre artificiel. » Tels font les caraftères extérieurs auxquels cette terre e{[ reconnoi fia- ble. On peut d'abord juger par-là qu'elle refTemble parfaitement à la terre Tom, IL Qq 30(5 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROFAlE rp yÎ^j argilleufe grife commune , fans qu'on puifTè , d'après les feules appa- ^ ' '/■ ' rcnces , y mettre d'autre diftinûion que celle qui naît de l'odeur particu- lière de notre terre. Cependant nous verrons dans la fuite , qu'elle poflède 7^7' dlverfes propriétés , qui ne permettent pas, même après en avoir féparé le foufre , qui eit la caufe de l'odeur , de la regarder comme une terre ar- gilleufe tout- à-fait pure. Je remarque d'avance que mes expériences ont été,- faites , 1. Avec de la terre crue. 2. Avec la terre calcinée. Voici les particularités que j'ai obfervées dans le cours de ces expérien- ces. EXPERIENCES FAITES AVEC LA TERRE C RU Eo. Première Expérience,, JE pris un lot de cette terre , je la pilai bien menu dans un mortier de verre, je l'humeâai avec autant d'eau difiiliée qu'il étoit néceflàire pour la travailler comme de l'argille , & je remarquai qu'elle éclatoit alors , com- me les terres marneufes ont coutume de le faire ; par exemple , comme la terre deLemnos,de Strigonie, &c. & même les morceaux qui étoient d'une groflèur un peu confidérable fe fendirent en petites lames , tout comme les terres fufdites. Je les comprimai enfuite pour en faire une plaque de l'é- paifféur d'un bon dos de couteau , que je laiffài fécher pendant quelques jours à l'air. Quand elle fut bien féche , je la mis dans un creufet fermé , & la po- fai dans un fourneau à vent , auquel je donnai pendant deux heures un feu violent ; après quoi, le creufet étant refroidi , je trouvai, à la vérité, qu'elle s'étoit convertie par l'aftion du feu en une maffe ailez folide , mais en s'é- clatant en plufîeurs petits morceaux, couleur de chair , tachetés de points bruns. Seconde Expérience. L'expérience précédente m'ayant appris que l'odeur fe diffipoit en- tièrement au feu , & que la couleur fouffroit du changement , je pris un lot de notre terre bien pilée , je le mis dans une retorte de verre exaâement garnie , & je le poufîài à feu découvert. D'abord il en fortit quelques gouttes d'un phlegme tirant à l'acide ; mais en augmentant le feu , il fe fubli- ma au bout d'une heure environ dix à douze grains d'un beau foufre jaune , qui avoir une conformité parfaite avec le foufre commun. Ce qui refta dans la retorte étoit encore gris , mais n'avojt plus aucune odeur , ce qui me : DES SCIENCES DE BERLIN. 307 et comprendre que le mélange du foufre étoit probablement la caufe de l'o- ^jr^ - deur de notre terre. Pour m'en convaincre davantage , je fis l'eitpcrience \,'^'^' _, * fuivante. _ . AssÉK Troi/lème Expérience. ^757' Je pris de cette terre , & du mercure fublimé , parties égales , une drag- me de chacun ; après les avoir bien piles enfcmble, je les mis dans une re- torte de verre foigneufement luttée ; 6c après avoir donne un feu découvert, dont j'augmentois la force par dégrés , il paiTà dans le récipient , qui y étoit adapté , d'abord un peu d'acide de fel , qui avoit été probablement dégagé du fublimé par l'acide vitrioliquc du foufre. En augmentant le feu , le fublimé s'eléva dans fa forme accoutumée ,- & à la fin parut un cinnabre d'un rouge foncé, qui pefoit environ huit grains. Le réfîdu, dont le poids étoit de deux dragmes & feize grains , n'avoit plus d'odeur , & fa couleur étoit blanche. Quatrième Expérience. Je procédai de la même manière , après avoir mêlé parties égales d'ar- fenic parfaitement pur , & de la terre , une dragme de chacun , que je fis fublimer dans une retortede verre garnie, à un feu découvert , & par dé- grés. L'arfenic s'éleva à la vérité , en haut , mais non pas comme un réal- giir-j il étoit feuilleté & d'un noir gris, comme ce que les Apoticaires nom- ment flicgcflein , ou proprement comme ce fublimé noir qu'on rencontre ordinairement dans les galleries qui reçoivent la poudre d'arfenic dégagée de fa mine par voie de calcination ( im g'fftfdnge ). Ce fublimé pefoit une dragme & dix grains ; le réfidu, dont le poids étoit de deux dragmes & huit grains , paroilTbit d'un blanc jaunâtre & n'avoit point d'odeur. Pour découvrir avec certitude ce qui avoit fait prendre cet- te couleur à mon arfenic , je fis l'expérience qui fuit. Cinquième Expérience. Ayant mis mon fubiiinc dans un petit alembic de verre , je le pofai dans une coupelle de fable , & l'ayant fait fublimer par degrés , j'obtins un ar- fenic d'un jaune fort pâle , ce qui ne pouvoit être autrement , y ayant à peine dans une dragme de notre terre quatre ou cinq grains de foufre , quan- tité trop petite pour colorer d'un jaune foncé une -once d'arfenic. Il demeu- ra au fond de l'alcmbic quatre grains de terre. Je n'ai pas honte d'avouer que dans la première fublimation j'avois commis une faute , en donnant un feu trop rapide & trop violent, ce qui avoit fait monter avec l'arfenic un peu de la terre , & de la fubftancc brune qui fe trouve dans l'argille. Je ne puis m'empêchcr de remarquer encore que deux ou trois grains de phlogiftique furent caufe qu'une grande quantité d'arfenic devint gris en fe fubJimant. Il m'étoit déjà arrivé dans mes autres expériences , qu'en 3o8 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE Tf: 7^ voulant fublimer cette fubftance fi volatile par le moyen d'un alcali pur^, ^ '" j. ' sfîn de la puriHer , après avoir bouché le haut de l'alembic avec un peu de papier , toute ma matière étoit devenue grife , Amplement par la chute ■ / ^'* de quelques parties détachées du papier , ce qui m'avoit obligé de re- commencer mon travail fur nouveaux fraix. Sixième Expérience. Je pris une dragme de notre terre , & une demi dragme de fel ammoniac dépuré ; ôi les ayant bien mêlées enfemble , je les mis dans une retorte de -^ verre , exaftement luttée , à un feu découvert , que j'augmentai fucceffi- vement ; j'obtins premièrement un efprit d'une extrême acidité : après cela le fel ammoniac tout-à-fait blanc fe fublima le premier, enfuite il Ce. montra jaune, & prefque de couleur d'orange. La terre , après re travail , n'avoit plus d'odeur , & fa couleur étoit devenue d'un noir fort gris. Septième Expérience. Je pris une dragme de fel ammoniac dépuré , que je fis diflbudre dans autant d'eau diflillée qu'il étoit néceifaire pour cet eiFet ; je mêlai cette fo- lution avec deux dragmes de terre , qui avoit été pilée fort menu: là-defTus elle fe mit à éclater , mais il n'en fortit point d'autre odeur que celle qu'elle rend ordinairement. Ayant mis ce mélange dans une retorte de verre gar- nie , je le poulTai par dégrés à feu découvert ^ il s'en éleva d'abord un phlegme dont le goût étoit acide, & qui avoit de l'odeur , & enfuite le fel. ammoniac , d'abord avec des fleurs blanches , & à la fin avec des jaunes ; ces dernières avoient pris l'odeur de la terre , tandis qu'au contraire la terre, n'en avoit plus , & étoit devenue d'un blanc gris. Cette terre pilée avec du. fel ammoniac dans un mortier de verre n'en dégageoit pas le fel uri-, neux. Par tout ce qui vient d'être rapporté , je fus fuffifamment convaincu que ma terre renfermoit du foufre & du fer. Mais comme je n'étois pas encore entièrement fatisfait de ces expériences , j'en tentai de nouvelles par la. voie humide. Huitième Expérience, Je pris une dragme de terre , fur laquelle je verfai une dragme d'eau ré- gale , que j'avois faite de huit parties d'acide de nitre , & d'une partie de fel ammoniac purifié. La terre éclata fort peu , & l'eau régale l'attaqua d'abord, mais fans efFervefcence ; au commencement la folution étoit entièrement verdâtre , mais à un feu de digeftion un peu fort il s'en éleva quelque chofe en haut , & elle devint brune. Avec l'huile de tartre par défaillance , cette folution fe précipita d'un jaune foncé. I ^Sii > DES SCIENCES DE BERLIN. 309 Neuvième Expérience- ToM.XIlI, Ayant verfé pcu-àpeu deux onces d'un acide de nitre pur fur deux drag- mes de terre, elles entrèrent aulli-tot en folution , & après avoir été expo- fées à une digellion convenable au teu de fable , elles devinrent d'un brun rougeâtre. Je fis filtrer cette folution , & j'y mis du zinc diilillé , qui fut dif- £bus avec la plus grande violence , mais il fe précipita très-peu de fer , feulement la folution devint d'un brun clair. La terre qui demeura , paroiflbit blanche. Ayant verfé peu-à-peu dans cette folution de l'huile de tartre par défaillance , elle écuma comme à l'ordinaire , mais la précipitation fe fit fort lentement , dk ce ne fut qu'après avoir verfé long-tems , qu'il tomba au fond une terre blanche déliée , encore étoit-elle en fort petite quantité ; la li- queur qui repofoit deffus avoit de l'air de vin du rhin , & donna par l'évapo- ration & la criftallifation un nitre régénéré. Je renvoie aune autre occafion,. où le tems me le permettra , à parler plus au long de cette terre qui fe laiffa précipiter. Dixième Expérience.. Deux dragmes de notre terre avec une once d'acide marin , mifes à une digeftion paifablement forte , furent attaquées, ô< la folution devint verdâ» tre 5 mais quand l'aftion de l'acide eut cefle , elle parut brure. Je la filtrai, & en ayant pris une partie j'y mis un peu de zinc pur diilillé ; fur quoi le fer fe précipita en forme métallique, quoiqu'on très-petite quantité. J'employai l'autre partie à produire la précipitation au moyen ce l'huile de tartre par défaillance; & j'obtins , comme dans l'expérience précédente , un peu de terre blanche déliée. Onzième Expérience. Deux fcrupules de notre terre avec une once & demie d'efprit de vitriol ,. fait d'une partie d'huile de vitriol & de trois parties d'eau difiillée , ayant été. mis à une forte digcftion , la terre ne fut que très.peu attaquée j à la fin. pourtant elle devint brunâtre , & un alcali fixe en précipita une terre blan- che en fort petite quantité. Douzième Expérience. Une demi once de cette terre , avec trois onces de l'acide de vitriol fufdit , après l'cxtraftion & la filtration , parut de nouveau tirer au brun. Je verfai en- fuitc deffiis goutte à goutte de l'elprit de fel ammoniac , préparé avec du feK alcali. Il fe fit un fréiniiTcment violent, qui ne fut cependant accompagné d'au- cune précipitation. Mai' quand je verfai defTus de l'huile de tartre goutte à', goutte , la liqueur devint bleue fur le champ ; & au bout d'un court efpace.- 3IO MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROVALË „ ,-.^ de tems , il fe dépofa au fond un précipité délié , d'un beau bleu très.fon- . ■ . 'ce. Ceux qui favent que la Icffive de fang , dont on fe fert pour la prépara- tion du bleu de Prufîè, fournit l'indice le plus certain des particules de fer , 7j7' quand on le verfe goutte à goutte dans la iblution des corps ferrugineux, s'ils réfléchirent fur la nature de cette leffive , qui n'efl: autre chofe qu'une leC- iîve alcaline , confiftant dans l'union d'un alcali fixe avec un alcali volatil, ils n'auront pas de peine à comprendre que dans le cas dont il s'agit ici , il fe forma fur le champ une femblable leffive , qui , par le précipité bleu fufdit qu'elle donna , indiquoit fans aucun doute que l'acide vitriolique avoit ex- trait de notre terre des parties de fer. Quand j'eus bien édulcoré , & enfuite fait fécher, la terre qui étoit reftée des expériences précédentes, depuis la 8°. jufqu'à celle-ci , aulfi-bien que celle que me fournirent les expériences i j & 14. quivont fuivre, elle confervoit encore fon odeur, & manifeftoit fon foufre , tant par la fublimation que par la calcination. C'eft là fans doute la raifon pourquoi les acides avoient eu fi peu de prife fur elle , comme nous le verrons encore mieux dans la fuite. Treiiième Expérience. Un lot de cette terre avec deux onces du même acide vitriolique , pro- duifîrent, quant à l'extraAion , le même effet que dans l'expérience précédente» Je filtrai la folution , & l'ayant fait évaporer, j'obtins quelque peu de criC- taux, que je fis encore diffbudre dans de l'eau diftiilée ; & ayant filtré de nouveau, il fe précipita avec une leffive nette de fel alcali fixe un peu d'a- lun , mais dans la plus petite quantité , comme cela efl arrivé à M. Margrafea faifant les mêmes opérations fur d'autres terres argilleufes. Quatoriième Expérience. Un fcrupule de notre terre , avec une once de vinaigre diftillé , fut at* taqué très-foiblement , même par la plus forte digeflion , & devint feule- ment jaunâtre. Il fe fit avec un alcali fixe un petit précipité bleuâtre, qui , après le deflechcment, donna à peine deux grains d'une pouffière déliée de la même couleur. Les chofes fe pafferent de même , en prenant un demi fcrupule de terre pour en faire l'extradion avec deux fcrupules d'acide de fourmis. Quiniième Expérience. Deux fcrupules de terre avec trois onces d'huile de tartre par défaillance ," mis à une forte digeflion , s'élevèrent à la vérité avec force , mais rien n'en* tra en folution. Seizième Expérience. Cependant lorfque j'eus ajouté une leffive d'alcali cauftique , faite ayeê DES SCIENCES DE BERLIN. 311 une partie de chaux , & trois parties de fel de tartre , qui , après avoir été ,p^^ virf fondues cnfcmble , avoicnt été dilTbutes dans trois parties d'eau difliiléc , J'^"y^ non-feulcmcnt la terre fut attaquée , mais le foufre qu'elle contenoit , s'en ^ £ * détacha pendant la codion. J'en procurai enfuite la précipitation au mo- '75/*- yen d'un acide pur de nitre ; & d'une demi once de terre que j'avois prife avec quatre onces de leffive , j'obtins huit grains de foufre. Pendant la préci- pitation , l'odeur étoit , comme on peut bien fe l'imaginer , fort defagréable. Dix-fcptième Expérience. Un fcrupule de terre , mêlé avec une once d'huile d'olive blanche, & mis à une digeftion convenable , ne s'cft guères diflbus ; l'huile avoit feu- lement pris une couleur tirant au brun. Dix-huitième Expérience, Mais ayant verfé fur un demi lot de cette terre un lot & demi d'huile de thérébentine , & ayant fait bouillir le tout fort doucement , mon huile de thérébentine fe teignit d'abord d'un rouge vif, comme il a coutume d'ar- river à la folution de foufre dans la préparation du baume de foufre or- dinaire. Dix-neuvième Expérience. Enfin je pris un fcrupule de notre terre , trois fcrupules de fable de Freyinu'ald , 6i un lot de fel de tartre, que je mêlai L,en enfemble ; & les ayant tenus pendant quatre heurts , dans un creufet lutté , au feu le plus violent , je trouvai que le tout s'étoit fondu , en fe réunifiant , en un beau. verre folide tranfparent d'un bleu verdâtre , qui relkmbioit à un mâche- fer très-mince. Telles font les expériences que j'ai faites fur la terre de Tarnowiti crue. Je vais préfentement rapporter celles qui concernent la même terre cal- cinée. EXPERIENCES FAITES AVEC LA TERRE CALCINÉE. JE pris quatre onces de cette terre , je la partageai dans différens têts à rô- tir neufs , je les mis fous la mouffle dans un fourneau d'épreuve, & j'aug- mentai fucceflîvement le feu , jufqu'à la plus grande violence. Aufî>t6t que la terre fut devenue fort chaude, le foufre qui s'y trouve en fortit , ce quf fe manifefia tant par l'odeur, que par de petites flammes bleues qui volti- geoient au-defTus du têt. La terre après cela devint blanche, enfuite cou- leur de fleur de pécher pâle , & à la fin d'une couleur d'ocre aufli pâle.. Quoique je fiiïé durer le feu le plus violent pendant trois heures , la cou- jiî MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVAIE ^ ^^j leur ne foufFrit plus aucun changement. Ayant donc laifTè refroidir le OM, ^ . fQj j ^ j[ fg trouva malgré tout cela , que plufieurs parties d'un brun obfcuc étoient mêlées parmi les autres , ce qui me rendit curieux de favoirfi , par une ^757- fojtg calcination , cette terre deviendroit par-tout d'une couleur uniforme. Dans cette vue je pris toutes les terres calcinées fous la mouffle 5 je les mis dans un creufet à fondre de Heflè , neuf & bien net , que je couvris avec un autre; je les lutai enfemble, & après les avoir tenus pendant trois heu- res dans un fourneau à vent au feu le plus fort, la mafîè devint par-tout d'un brun foncé , à l'exception de quelques petits grains blancs , mais dans la plus petite quantité. Les épreuves que je fis fur ces grains me prouvèrent qu'ils étoient félénitiques. Le poids du tout avoit diminué de cinq fcrupules. Oa ne doit pas croire que ce déchet vienne uniquement de la perte du foufre contenu dans la terre , quelque defféchée qu'elle paroiffè , il s'y trouve toujours une portion d'iiumidité , que la violence du feu diffipe , & qui contribue par-là au déchet dont il s'agit. C'eft de la terre de foufre de Tamowiti ainfi calcinée que j'ai fait ufage dans les expériences dont il me relte à rendre compte. Vingtième Expérience. Je verfai fur cette terre calcinée d'un brun foncé , de l'acide de nitre avec lequel elle pâlit , & fe gonfla un peu , mais fans aucun frémillèment , ni prefque aucune altération dans la couleur. Seulement après une digef- tion de quinze jours , il s'étoit difïbus quelque chofe qui fut bientôt précipi- té avec la leffive de fang. Il en arriva de même à cette terre avec l'acide du fel , celui de vitriol , & le vinaigre diftillé j ce dernier cependant l'a moins attaquée que tous les autres acides. La folution dans l'acide marin ne fe pré- cipita pas non plus avec la leffive de fang , de couleur bleue , mais jaunCt C'efl ce que j'ai auffi remarqué à l'égard de diverfes autres terres ferrugi- neufes diffbutes dans le même acide. Les difterens acides ci-defïùs atta- quoient auffi très-foiblement la terre qui n'avoit été calcinée qu'à demi, & jufqu'à couleur de chair. Ce qu'il y a de remarquable, c'eft que notre terre, après avoir été fous ces acides pendant quatre femaines , s'étoit attachée avec tant de force au fond du vaiiïèau, qu'on ne pouvoit l'en détacher que par vio- lence ; ce qui arrive auffi communément aux autres terres argilleufes. Vingt-unième Expérience. Mais quand j'eus fait écouler le liquide de deiTus la terre calcinée , tant de couleur de chair que brune , dont l'extradion s'étoit faite par l'acide de vitriol , & que j'en eus procuré une douce évaporation , il ne fe forma au- cuns criftaux ; cependant ayant continué l'évaporation prefque jufqu'à iîccité , il fe trouva quelque peu de criftaux , qui , étant encore une fois diilous DES SCIENCES DE BERLIN. 313 diflbus dans l'eau diftilleé , & précipités avec une leffive nette de fel alcali ,.. y.'î^ fixe , fuivant la manière indiquée par M. Margraf dans le tome X de nos j'^'^' . ' Mémoires (a) , donnèrent un véritatable alun. J'avois fait cette expérience dans le deflcin de voir fi jobtiendrois un vitriol de zinc. 7 5 /• Vingt-deuxième Expérience. Tentant enfuite la voie de la vitrification , je trouvai qu'une partie de la terre calcinée , avec trois parties de fable de Freyenwaid net , & deux par- ties d'un alcali pur , s'étoient fondues à un feu violent de trois heures , en un beau verre fort folide brun , mêlé d'un peu de bleu , qui refïèmbloit à une fcorie de fer. Au contraire , un demi fcrupule de terre calcinée , avec un fcrupule de craye , & autant de flux de fpath du Prince Eleâoral Fri- deric Augujlc , pris à Grojfchirme près de Freiberg , ne put , au feu le plus violent , ni fe fondre, ni devenir en fe cuifant une maflè folide , & ne foulFrit d'ailleurs aucun changement. En revanche , un lot de cette terre , un lot & quatre fcrupules de craye , une once & demie de fable de Freyenwald , & deux onces d'alcali , fe convertirent en un verre folide , tirant au bleu. Tou- tes ces couleurs qui fe manifeftent dans la vitrification , prouvent fuflî- fammcnt l'exiftence du fer dans notre terre ^ le lieu où elle fe trouve me fit naître encore une autre idée j je conjeélurai qu'elle tiendroit de la nature du zinc , & pour le vérifier , je fis l'expérience fuivante. Vingt-troijîème Expérience, je pris un lot de ce qu'on nomme cendre de cuivre , de la plus pure , telle qu'on peut l'avoir chez ceux qui purifient le cuivre , ou bien de ces pe- tits grains de cuivre qu'on recueille après le refroidilTément de ce métal , lorfqu'on le fait rejaillir contre la muraille avec de l'eau ; ce qui donne de petits grains déliés , ronds & creux , qui s'élèvent comme une menue pluye, & qu'on peut ramaflér. A ces particules de cuivre j'ajoutai autant de terre de Tdrnowiti crue , & de fine pouffière de charbon ; je mis le tout dans un creufet d'épreuve , que je laiflài pendant fix heures à découvert au feu le plus violent ; après quoi je trouvai à la vérité , mon cuivre fondu en un régule , mais nullement converti en leton. La terre calcinée , traitée de la même manière , caufa tout auffi peu de changement dans le cuivre. Vingt-quatrième Epériencc. Pour me procurer cependant une plus grande certitude , je pris encore deux onces de terre calcinée, j'y ajoutai quatre dragmes de menue pouffière de charbon , puis je mis le tout dans une retortc d'argille bien garnie , & l'ayant placé dans mon fourneau à vent , auquel je donnai fucceffivement (j) Voyez fous l'année •754' 's premier Mémoire de M. Mar^r^f lur l'alun. Tome //. Rr 514 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 'r^ y.^ le feu par dégrés , jufqu'â la plus grande violence , continuant ainfi pendant j ' . ' huit heures , je trouvai après le refroidifïèment , que ce mélange n'avoit abfolumcnt foufFert aucune altération. On n'appcrcevoit pas, non plus, le ' ■^'* moindre indice de zinc , à l'exception de quelques fleurs qui s'étoient éle- vées , encore en forme métallique, & s'étoient portées dans le récipient. En bas , dans la maflè même , qui s'étoit feulement cuite avec fort peu de con- fîftance , il n'exiftoit aucune trace de réduction d'un corps métallique. J'avois fujct de foupçonner qu'il y avoit dans notre terre quelque chofe qui tenoit du zinc , cette terre fe trouvant fort près , ou même au-dellùs & au mi- lieu de la calamine , qui abonde dans cet endroit , ainfi que des pierres ferru- gineufes , & des minières de plomb. J'ai été même jufqu'à conjefturer que la même terre , quoique mêlée avec d'autres fubftances , fournilloit , peut- être la matière de ce qu'on nomme Tuiia Alexandrina ; i°. parce que leur couleur eft la même ; 2°. que la tutie a fouvent auffi une odeur toute parti- culière ; & 3". que la plus grande partie nous efl; apportée des contrées de la Pologne voifines de Tarnowiti. Vingt-cinquième Expérience.. Enfin , je recueillis avec tout le foin poffible , & autant que je pus, des pe- tits grains blancs fufdits , que j'avois remarqués dans la terre calcinée. Je les fournis à i'aftion de l'acide du nitre , du fel , du vitriol , &c. mais il n'en refulta pas le moindre changement j bien plus , j'obfervai qu'après une lon- gue digeftion de ces grains avec l'huile de tartre par défaillance , fuivie de l'évaporation , il fe formoit des criftaux déliés de tartre vitriolé , preuve, évidente que ces particules blanches font un fpath félénitique tendre. J'en fus encore plus convaincu , lorfque prenant trois parties de ce fpath félé- nitique, avec une partie de fuye de fapin brûlée , je les eus expofés à l'in- candefcence fous la mouffle , dans un têt à rôtir neuf; car alors , une odeur de foufre fit fuffifamment voir, que l'acide vitriolique, s'étant dégagé du fpath , avoit formé , fur le champ , un véritable foufre , en fe combinant avec la matière combuftible de la fuye. Ces expériences , & celles qui fe rapportent à la terre crue , mettent en évidence , que le corps dont j'ai fait l'objet de mes recherches , eft une ef- pèce de terre argilleufe , mêlée avec un peu de fpath félénitique , & une très-petite quantité de particules de fer , à quoi fe trouve joint un véritable foufre. Il s'agiffoit encore de chercher , ce qui méritoit bien qu'on fe donnât la peine de l'éclaircir , d'où procède l'odeur particulière de foufre dont nous venons de parler , & fi le foufre ne s'engendre Amplement que des particules que le feu élève pendant la fublimation , ou s'il fe trouve déjà caché & tout formé dans notre terre, M'étant déclaré , dès l'entrée de ce Mémoire , pour le dernier de ces fentimens , je fuis obligé de juftifier mon aiïèrtion. DES SCIENCES DE BERLIN. 315 On fait affèz que le foufre eft un compofé de IWide vitriolique & du .. ^..î Tphlogijliquc. C'eft une vérité dont nous pouvons aifément nous convain- ^ ' * ... ère par la produftion du foufre artificiel , qu'on obtient en traitant con- ■ venablemcnt l'huile de vitriol & les huiles éthérces, le flux de fpath avec /-'''• une matière combuftible déliée , & par mille autres procédés femblables , fur- tout par ceux dont nous fommes redevables à l'illuftre Sthal. Nous favons de plus , que toute véritable terre argilleufe contient en foi des parties graf- fes , en plus ou moins grande quantité, comme notre digne & célèbre Direc- teur M. EUcr l'a fait voir manifeftcment dans fon Mémoire fur la ferti- lité de la terre , inféré dans l'année 1749 (a) des Mémoires de l'Acadé- mie. J'en ai auffi fourni des preuves dans mes remarques fur la diiîèrtation de M. Wallaius touchant l'accroilTement des plantes , au tome 111. du re- cueil Allemand intitulé Amiifcmcns phyfiques , pag. 787. la préfence pref- que univerfelle de l'acide de vitriol dans le fein de la terre eft encore une chofe fi reconnue, qu'elle ne demande point de preuve ultérieure. En outre, l'argille , par elle-même , eft très-propre à recevoir des minières de foufre , ainfi que des morceaux de foufre commun , & des métaux & demi métaux minéralifés par le foufre , comme le témoignent les lits ou les couches qui abondent dans prefque tous les conduits & recoins des mines. Les terres mêmes dont j'ai fait l'énumération au commencement de ce Mémoire , & qui contiennent le foufre tout formé, font une des preuves inconteftables de ce que je viens d'avancer , quoiqu'elles ne rendent d'elles-mêmes aucune odeur fenfible , beaucoup moins une odeur auflî forte que celle de Tarnou'ùj-. Y a-t-il donc fujet de s'étonner , après cela , que notre terre argilleufe mon- tre du foufre dans fon mélange ? Non fans doute ; & tout ce qui nous refte à faire eft de déterminer , ou d'expliquer du moins d'une manière plaufi- ble d'après nos expériences, comment la génération du foufre peut s'effeâuet dans la terre dont il s'agit. Je viens de remarquer qu'il fe trouve toujours dans l'argille plus de matière combuftible graffe que dans toute autre terre. Mais entre les diverfes eC pèces d'argille, il n'y en a point qui fe diftingue plus à cet égard que celle qu'on trouve fous les lits de tourbe , & fous les terres graflës marécageu- fcs. C'eft une circonftance que j'ai auffi remarquée dans les contrées d'où notre terre eft tirée , dans les terreins gras, aufli-bien que dans quelques marais , quoique déjà en partie deflèchés ; & c'eft même une chofe très- ordinaire dans ces cantons. Outre cela , les meilleures terres argilleufes & les plus riches en matière graftc combuftible , font celles qui fe trouvent dans les montagnes qui contiennent des veines minérales. Ceux qui con- noiflènt les parties conftituantes de l'ardoife , des charbons de pierre , &c. (*) Voyw fou» cette innée l'article XXXIY. in-^". Toin. I. inii. T. lî. Rrij 3i6 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE: ■ r—j- qui fe rencontrent dans les veines abondantes en minéraux argilleux , n'au- "V^ 1 ront aucun doute à cet égard. A Ti N È E Tarnowiti eft dans le même cas ; toutes les couches de terre qu'on trou. ^757' ve à l'entour , indiquent de véritables veines minérales. Celle de charbon de, terre qui n'en efi pas fort éloignée , la montagne de chaux qui eft prefque, à fa porte , font le dépôt ordinaire de ces veines , & en fournirent une preu- ve ^\ peu fujette à caution , qu'il n'y aura perfonne , félon les apparences , à qui il refte encore quelque doute , que notre terre ne doive être bien plus abondamment pourvue de matière graflè combuftihle , que les terres argilleufes ordinaires. Il y a plus encore j cette matière combuftible doit infailliblement s'être, augmentée par la fuite du tems dans cette argille , au moyen des parties, pourries des végétaux qui ont cru au-delTus , & qui y font entrées avec, d'autant plus de facilité , que cette terre , comme nous l'avons dit dès. l'entrée , eft immédiatement au-deffous de la première couche. Ainfi il, n'eft pas feulement vraifemblable, mais rien n'approche plus de la certitude, que la terre ordinaire même de la furface , par le mélange des parties des animaux & des végétaux , fe convertit peu-à-peu en argille \ les plantes qu'on trouve imprimées fur l'ardoife le témoignent fuffifamment , puifqu'iL faut que la matière de ces plantes fe foit non-feulement liée de la manière. la plus intime avec la terre argilleufe , mais encore qu'elle en ait pris la na- ture. Mais comme, outre la matière combuftible , l'addition de l'acide vi- triolique efl: requife pour la production du foufre , il nous refte à exami- ner , comment la nature peut introduire cet acide fous terre dans l'argille. en queftion. 11 eft très-difficile d'expliquer comment de pareilles réunions s'opèrent , la nature ne permettant pas qu'on la contemple dans fes opé- rations fouterraines. Nous favons cependant , à n'en pouvoir douter , que dans le régne minéral , les principales réunions s'exécutent , ou par la diflbr lution des corps en vapeurs déliées & volatiles , ou par l'eau , qui , fe chargeant de ces particules vaporeufes , les introduit enfuite dans d'autre^ corps , auxquels elles s'uniffent de façon qu'il en réfulte des produirions entièrement nouvelles. Suivant toutes les apparences , la réunion s'eft faitç dans notre terre argilleufe par l'imprégnation fubtile d'une vapeur vitrio- lique très-déliée , au moyen de laquelle le peu de terre alcaline qui fe trou- voit mêlée dans notre argille s'eft changée en félénite , & la partie combuf- tible graffe en foufre. Les raifons qui me font adopter ce fentiment font leç fuivantes : 1°. Auprès , autour , & dans l'enceinte même de Tarnowii\ , fur-tout fous les minières de plomb , on trouve une multitude de cailloux , dont la plu,- part font des pures mottes de foufre , & les autres mêlés d'arfenic. 2°. Dans toute cette contrée , je n'ai trouvé aucune eau qui donnât quelque indice Xenfible de vitriol qui y fût dilTous. D-ES SCIENCES DE BERLIN. 317 3°. Enfin , dans les minières de plomb qui s'y rencontrent, il y a une 7 . v//f forte odeur de foufre , que répandent de tout côté les cailloux brifés , dont y, " ^ ' nous venons de parler ; j ai même vu de ces cailloux qui etoient tout rem- plis de trous comme des éponges , ou des ruches d'abeilles. Cette odeur acide / ^ / • indique manifeftement une diiïblution de cailloux , mais qui doit néceflàire- ment s'être faite par la voie feche , puifque les eaux de ces contrées n'a- noncent rien de vitrioliquc. Si l'on veut encore mieux s'afîùrcr que la va- peur fubtile & pénétrante dont nous parlons s'introduit fouvent & facile- ment dans la terre argilleufe , & s'y unit aux parties combuftibles & grat fes qu'elle renferme , il fuflit de fe rendre attentif aux confidcrations fui- V3ntes. La première regarde l'odeur qui eft répandue dans toutes les falines. En effet , quand on tire l'eau de nouvelles fources falées , avant que de trou- ver la fource même, on parvient communément à un lit gras , au-defTijs & autour duquel , quand il n'efl: pas mêlé avec des parties alcalines ou animales , fe fait fentir une forte odeur , ou vapeur acide, tirant au foufre^ & il n'eft pas rare qu'en approchant une chandelle , cette vapeur s'enflamme avec grand bruit , étouffe les travailleurs, & les terraffe avec la plus grande vio- lence. Lorfqu'au contraire ce lit eft mêlé de beaucoup de parties alcalines, cette vapeur a l'odeur du foie de foufre , ou de la poudre à canon allu- mée; indice bien clair, que la vapeur n'eff que du foufre uni à de l'alcali. Si l'on vouloit objefter que cette exhalaifon brûlante & fuffocante doit peut-être fon origine au fel commun , qui fe trouve placé deflfous , il feroit aifé de répondre qu'une femblable exhalaifon fe montre auffi dans quel- ques-uns des endroits où l'on travaille aux mines de charbon de pierre , fur- tout là où les charbons tiennent beaucoup des marcaffites de foufre , & où les bas-fonds ont peu d'eau & d'humidité. Cependant il n'arrive jamais que cette vapeur s'entlamme , à moins qu'il ne fe rencontre de cavités conte- nant de la terre gralîè déliée , ou remplies d'une argille graflè , fine & hu- mide. 11 n'eft pas rare , non plus , dans les contrées d'où l'on tire le charbon de pierre , de rencontrer de véritable foufre jaune tout formé. Qu'il me foit permis de rapporter encore ici une obfervation , dont je garantis la vérité , & qui concerne également les falines & les carrières de charbon de pierre- Il y a quatre ans qu'auprès de la ville de Rheine, dans le païs de Munf- ter , on creufoit un puits , pour arriver plus aifément à une nouvelle fource d'eau falée au profit des falines de cet endroit. Après être parvenus à la pro- ■] fondeur d'environ 50 pieds , les couches fupcrieures s'étant affailTées fur ] une argille bleuâtre , les travailleurs remarquèrent dès la veille une odeur de foufre qui leur embarralfbit beaucoup la refpiration. On découvrit cette argille .: Iç lendemain j mais à peine l'eut-on trouvée , que l'exhalaifon , qui avoit: 3i8 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE été obfervée le jour précédent, ayant pris feu, fe changea en une flamme i OM. . . jjjgyg ^ gyg£. ^j(^ bruit des plus violens. De trois ouvriers , il en périt deux , & le troifième auroit eu le même fort, s'il ne s'étoit enfui au plus vite. ^7 57' ivie trouvant , il y a deux ans , aux falines de cet endroit , je pris une quan- tité de cette argille remarquable, dont je pourrai faire , dans quelque tems, l'objet de mes recherches. Pareille chofe a été auffi obfervée, il y a trois ans , aux falines de Rhc- rm , dans la Principauté de Minden ; tandis qu'on y travailloit à creufer une nouvelle fource falée , il s'éleva au-deiïùs de l'argilie gralTè une exha- laifon fi forte , ayant l'odeur du foie de foufre , que les travailleurs , voyant que leurs chandelles ne vouloient plus brûler , aimèrent mieux renoncer au travail de cette fource, que de courir le rifque que l'exhalaifon vint à s'en- flammer. Il y a deux ans que me trouvant au même endroit , je fis les mê- mes obfervations , remarquant parfaitement l'odeur de foie de foufre j je vis même dans la mine une vapeur qui avoit l'air bleuâtre. M. Schobcr , Commiffaire des mines , a encore obfervé une femblable vapeur, fentant le foie de foufre, dans les mines de fel foffile , qui fe trou- vent à Pochnid & à Wiiiciha en Pologne. Mais je n'ai pas befoin de m'ap- puyer fur des témoignages étrangers ; ayant l'honneur d'être employé de- puis trois ans par ordre de fa Majefté dans le département des mines de la haute & balTè Siléfîe , entr'autres voyages que j'ai faits à ce fujet , je me rendis à Kopi'iowiti & à Piaf:(owu^, dans la haute Siléfîe, fur les frontières de la Pologne , derrière la ville de Nicolai , à une deini lieue d'Onfitpn en Pologne , pour y voir certains travaux deftinés à la découverte d'un fel fof- file. Je trouvai là une mine qu'on avoit déjà creufée jufqu'à la profondeur de 139 pieds , & qui étoit couverte par-deffiis, au moyen d'une de ces petites cabanes , auxquelles on donne le nom de Kavc. Cette mine , à demi pleine d'eau , étoit une fource falée dans la proportion au moins de douze lots. Quoiqu'il y eût déjà long-tems qu'elle étoit creufée , l'odeur du foie de fou- fre ne lailTbit pas d'être fi vive, qu'on la fentoit déjà de dehors en appro- chant de la cabannc ; dès que celle-ci étoit ouverte , elle devenoit beau- coup plus forte ; & dans la mine même , elle étoit fi pénétrante , que nous n'osâmes rifquer d'y entrer d'abord , ni feuls , ni avec des gens qui portaf- fent de la lumière , & que nous prîmes le parti d'attendre que l'odeur fût fort diminuée , ce qui n'arriva de long-tems. Nous trouvâmes immédiatement fous la première couche de la terre ordinaire , une argille verdâtre , graflè , mêlée de cailloux , de fable , & de pierre à chaux, fous laquelle il y avoit des couches de fable , de pierre , &c. & à la fin une argille graflè bleuâtre, au-defïbus de laquelle fe trouvoit la \ fource falée. Plus de la moitié de cette argille confîfioit en un mélange ^ de coquilles de moules , d'écréviffes , & d'autres animaux marins , dont une 1 DES SCIENCES DE BERLIN. 319 partie étoit pourrie , & l'autre encore aflêz entière. Le fel avoit pénétré de .^-^ part en part toutes ces couches , ce qui leur donnoit , lorfqu'ellcs étoient ' '^-^' ^^^^* expofccs à l'air , une apparence criltalline. On avoit été obligé d'aban- ^ ^ ^' ^ ^ donner ce travail à caufe de la violente odeur de foie de foufre , ik parce que ^757'- les chandelles ne pouvoient plus brûler. J'ai fait de pareilles obfcrvations dans d'autres lieux où il y avoit aufîi de fources falées , quoique le libre ac- cès de l'air extérieur eût diffipé à la longue une grande partie de ces per- nicieufes exhalaifons ; cependant perfonne n'a pu donner encore une ex- plication claire & fatisfaifante de la caufe des vapeurs fuffocantes dans les mines de fcl. J'ai dit plus haut qu'il s'en élevé de femblables dans les carrières de charbon de terre. De plufieurs exemples que je pourrois en rapporter ici je me bornerai à un feul. Lorfque je palTài , il y a deux ans , par les carrières de charbon de pierre qui font entre MiriLUn & Boelhorft , il étoit arrive deux jours auparavant , que le mineur qui travailloit dans ces carrières , avoit rencontré tout-à-roup une cavité remplie d'argille déliée & bleuâtre. A peinel'avoit-il trouvée que l'air de cette cavité s'alluma en un inftant & fc changea en une flamme bleue , accompagnée d'une explolîon fi terrible , que ce pauvre mineur fut jette à cent quarante pas de là tout brûlé. Un autre mineur, qui travailloit dans le voifinage , fut terralTé du coup ; il eut les cheveux & la peau endom- magés , & tous les deux eurent bien de la peine à guérir. Je ne lailTài pas de m'arrèter deux jours dans cet endroit , où il y avoit une très-forte odeur de foufrej mais comme je ne pouvois prefque plus la fup^orter fans courir rifque d'étouffer , craignant d'ailleurs que la vapeur ne vint à s'enflammer de nouveau , ce qui ne me permettoit pas d'y apporter aucune lumière , je me hâtai enfin d'en fortir ; mais ce fut avec une nouvelle conviftion que l'a- cide du vitriol s'unit réellement fous terre à des parties combuflibles , & peut devenir un véritable foufre inflammable ; car d'où pourroit venir , fans cela, l'odeur du foufre? Si, dans le dernier cas , on prétendoit en attri- buer la caufe aux charbons de terre , il faudroit dire auflî pourquoi l'inflam- mation B'a lieu , que lorfqu'il fe trouve quelque cavité remplie d'argille gralTe , & pourquoi elle n'arrive , en général , que dans les mines ar^illeufes ? Je crois du moins avoir beaucoup plus de raifon de fuppofcr , qu'il y a dans l'ar- gille une matière combuflible graflè déliée , que n'en ont de le nier ceux qui foutiennent le contraire. Je penfe donc fermement , que l'acide vltrioli- que fe charge fous terre de parties comhufiibles déliées , c^il s'élève avec elles comme une vapeur , qu'il circule dans les cavités des mines , 0 qu'à la fin d peut fe montrer fous une forme vifd'le , foit de foufre tout formé , ou fous celle d^ne matrice qui y ejl propre , de figure différente , & formant, un compofé minéral avec d'autres iorps. 3îO MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ^^ ^ Nous voyons en même tems que l'odeur de femblables mélanges ful- loM.Xlll. pi^^j^gyjj pgm varier , fuivant la nature des corps étrangers qui s'y trouvent Année ^^[^^ ^ comme nous l'avons montré à l'égard de diverfes Iburces falées , ^757' ^ (jg l'odeur de foie de foufre que leurs argilles rendent^ odeur prove- nant des coquilles de moules , d'écrévilTès , & d'autres fubltances qui tien- nent de la nature des terres alcalines , tout comme nous voyons que le mé- lange de l'huile de vitriol avec l'huile de thérébentine rend , pendant la digef- tion , une odeur qui relTemble tout-à-fait à celle de notre terre. Après tout ce qui vient d'être rapporté , on ne peut trouver étrange l'i- dée où je fuis , que dans notre terre facide vitriollque Je trouve joint à une matière combujlible déliée prife de l'argille , G" que par là il fe dij'pofe à de- venir un véritable foufre , auquel il ne manque , pour exifler d^une manière vifible , que d'être féparé de la terre argillcufe qui lui fert de matrice , & que c*e/î enfin de-là que vient L'odeur particulière de cette terre , qui lui efl commune avec h foufre produit au moyen de l'acide grojjier du vitriol , ■Ù d'une fubjlance artificielle , graffe , huileufe , & déliée. Je ne voudrois pourtant pas contefter , que le foufre qui fe trouve dans notre terre n'ait pu être uniquement l'effet d'une eau fulphureufe qui s'y fera répandue , mais je n'ai rien pu obferver dans toute cette contrée , qui fût propre à confirmer ce foupçon. ARTICLE XXVII. Recherches chimiques fur la terre de Beuthniti, Par M. Bran DES. Quelque miflère que la nature afFei^e dans les opérations fouterrai» nés , quelque foin qu'elle prenne de dérober fon laboratoire à nos re. gards ; elle nous en laiflè pourtant aflèz voir , pour avoir lieu d'admirer la richeffe & la profufion qu'elle a répandue dans les genres prefqu'innom- brables, & infiniment variés, qui compofent le régne minéral. Les amateurs de l'hifloire naturelle ne manqueront jamais de matières propres à exercer leur curiofîté , & cette curiofîté ne manquera jamais d'aliment. Quoi de plus propre à l'exciter & à l'enflammer de plus en plus, que tant d'objets nouveaux & inattendus , qui prefqu'à tous momens , fe préfentent aux yeux du Phyficien ! Cependant ces découvertes fi utiles & fi intéreffantes , qui enrichifiènt tant THiffoire Naturelle , doivent néceffairement infîuer fur les fyflêmes miné- ralogiques que les modernes ont bâti ; il ne faut donc point être furpris , Qu'elles les faflènt quelquefois tomber en ruine , ou y produifent du moins des DES SCIENCES DE BERLIN. 321 d es changemens confidérables. Je pourrais le prouver par un grand nombre / „ „ \ ;77 'exemples 5 mais je me borne , pour cette fois , à Tcxamcn d'une terre ^le ^ ' ' ^ ' Tiirnowit^, dont M. Lchmann a donné la defcription à l'Académie (a) , qui a l'odeur du camphre, & qui cft très-remarquable par les phénomènes fin- 7^'* guliers qu'on y découvre en l'cxpofant aux épreuves de la Chimie. Dans des mémoires qui fuivront celui-ci , je tâcherai d'établir la même vérité par la recherche d'autres fortes de terres , qui ne font pas encore trop bien connues. Pour rendre , en même tems , quelque fervice à l'hifloire na- turelle de la patrie , je m'attache aujourd'hui à une terre martiale , de cou- leur bleue , qui fe trouve dans des heux fujets à la domination Prufficnne , & que l'on n'a pas encore affez examinée. A parler en général , on n'a pas connu jufqu'ici plufîeurs fortes de ter- res bleues ; & Bccchcr avec HenheL font les premiers qui en fafïènt men- tion. Le premier dit (b) : in Thurin°;iâ eruitur cœrulea terra. Le fécond nous apprend (c) qu'on la trouve entre Schnccherg ôi Eibenjlock , près de la furface de la terre {ce qu'on appelle en Allemand , fajl fu tagc auf.). Il ajoute , que pour l'ordinaire elle eli d'un gris bleuâtre , mais fouvent auffi d'un beau bleu célefte ou azuré j qu'elle ne contient point de cuivre , mais qu'elle eil ferrugineufe, fort légère & infipidc , & qu'étant diftillée dans la cornue , elle donne un liquide Jont l'odeur tire fur l'efprit d'urine. Lud- uig (d) dit la même chofe de la terre bleue d'Echiinsberg ^ & c'efl; la même forte dont Bcuher dit, dans le pafîàge que je viens de citer, qu'on la trouve en Thuringe , & dont M. Springsfdd a traité dans une difïèrtation particu- lière, inférée dans les /^cZeiJc'iC'urieuA: (fi lu Nature pour l'année 1754. & traduite par M. Jujli (e). U'allerius touche en peu de mots la terre bleue que Herithel a décrite {f) : mais les Minéralogiftes qui ont écrit après lui , ne font aucune mention de cette terre , quoique devenue aflTez commune de nos jours , puifque , fans parler d'autres pays , on la trouve dans les Etats Pruiîiens , & nommément en Siléfie , en trois endroits diftérens ; favoir, 1°. dans la Seigneurie de Drachenberg fituée dans la baffe Siléfie , & appartenant à la maifon des Comtes de Reder , 2°. dans la haute Si- léfie, à deux mille de Creut^burg, près de la fonderie qui y efl établie depuis peu : on l'y découvre immédiatement fous la croûte fupérieure de la terre , couchée dans des dépots entièrement détachés de la veine ordinaire , & le blanc efl: la première couleur que l'on y remarque , 3''. dans le Duché de Crojfen , dans le territoire de Beuthniti , près de la ville de ce nom , & (a) Voyer le mémoire précédent. {b) In phyjica fubttrranea y édit. Lipf. I70J.P.471, (') I" "^i' pltyfico-medieh Acai. n. c. vol. ;. de anno 1740. p. 315. uni in kUiiun minerai. Suiffun, p. 307. 531. 575- {d) ïn Dtfcriptiont terrar. Mufai rcgU DrtfdenJIs, p. 93. (c) Ncie Wahrhtitcn . i otes fiuck, p. 464. ( /) In njineralogiâ, p. 343» Tom, IL S S 32Ï MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROVALE '; -~ environ à cinq quarts de mille de la capitale de ce Duché , dans une con- A * trée remplie d'eaux pour la plupart marécageufes. Elle eft diftribuée en couches, qui occupent environ 3 à 4 pies fous la croûte. La couleur ( autant >7 57' qu'on l'a pu obferver jufqu'ici ) eft d'abord d'un bleu cendré, qui ne s'éclaircit que peu-à-peu ; feul changement qu'elle reçoive de l'air: aurefte, elle eft mê- lée de beaucoup de parties hétérogènes , tant animales que végétales , & fi on veut l'avoir pure , il faut la leffiver. Une once de cette terre leflîvée , même par deux fois , ne donne qu'un peu au-delà de deux dragmes d'un bleu fin , dont on peut fe fervir pour colo- rer ( gute jarh enie ) , le reftant , qui pefe environ 6 dragmes , confîfte en parties végétales de couleur grife. Comme les épreuves , faites en petit fur ces trois fortes de terre , ont produit , à-peu-près , les mêmes phénomènes , je ne me fuis pas contenté de les répéter en grand fur la terre de Bcuthnit-( , dont j'étois le plus abon- damment pourvu ^ je les ai auffi continuées , & c'eft par là que je me trouve en état de fournir à l'Académie la defcription exaûe au moins d'une de ces trois fortes de terre. Quant à fes qualités extérieures , elle eft fort légère , un peu rude au toucher, teint les doigts, attire l'eau , & frottée fur le cuivre jaune ou fur le cuivre ordinaire , ne polit ni l'un ni l'autre. Je viens aux expériences auf- quelles je l'ai foumife. I Expérience. Deux dragmes de la terre de Beuthniti mifes à une forte digeftion avec une quantité fuffifante d'eau diftillée , fe préfentent fous une couleur bleue , tant que le mélange fubfifte ; mais quelque tems après , la terre s'étant atFaiffée, il ne refte à l'eau ni goût ni couleur. Pour connoître avec sûreté , fi cette terre n'avoit point caché quelques parties falines , que l'eau diftillée auroit extraites ou diflbutes pendant la digeftion , j'y fis tom- ber quelques gouttes d'une folution d'argent difïbus dans l'acide du nitre , pour voir fi rien ne fe précipiteroit, & s'il ne fe formeroit pas une lune cornée : cela arriva en effet après la mixtion ; le mélange fe convertit en lait , & peu-à-peu l'argent fut précipité en forme de chaux blanche , ou de lune cornée. II Expérience. Une once de cette terre , diftillée à grand feu dans une cornue de verre , donna environ 8 fcrupules d'une liqueur empyreumati- que & volatile , où furnâgeoient quelques gouttes d'huile empyreumati- que. Cette liqueur , étant mêlée avec des acides quelconques , il fe fait una efFervefcence , qui montre qu'elle eft de nature alcaline : la terre qui ref- toit étoit d'un noir grisâtre foncé ; elle pefoit une demie once quatre fcrupu- les; mais l'ayant calcinée pendant plus de deux heures , fous une moufle ex-, pofée à un feu violent, elle fe gonfla un peu , & fa couleur fe changea en un beau rouge clair. Cependant cette cakination violente lui fit perdre deux. DES SCIENCES DE BERLIN. 313 fcrupules de fon poids : au refte elle avoit toutes les propriétés d'un faffran .p~ y..r de mars très-fubtii. Comme je ne pouvois guère cfpércr de parvenir par la • .* , ' méthode précédente à réfoudre cette terre en fes parties conftitutives , il s'agilloit de voir les phénomènes qu'elle produiroit , lorfqu'ellc fcroit mêlée 7 S /• avec différentes fortes de fels. 11/ Expérience. Je pris , dans cette vue , deux dragmes de la terre , & une demie once de fel ammoniac dépuré : les broyant bien enfemble , je ne re- marquai aucune odeur pendant cette opération. De-là , je conclus que puif- que cette terre ne dégageoit pas les parties urineufes du fel ammoniac, il falloit qu'elle ne contînt pas une grande quantité de terre alcaline , ou du moins une terre alcaline fort groffière ; mais ce mélange ayant été dillillé dans une phiole , & la fubftancc empyreumatique ayant été féparéc de la terre , non- feulement la liqueur provenue de cette diftillation répandoit une odeur plus volatile que dans l'expérience n°. 2. mais encore le fel ammoniac fe fubli- ma en couleur d'orange , & le réfidu étoit d'un brun rougeâtre ; j'ajoutai de nouveau de fel ammoniac à ce réfidu , afin d'en tirer par ce moyen toute la fubftance colorique : après quoi ce fécond réfidu prit une couleur grife ti- rant fur le noir , & ayant été dûment leffivé & féché , il confervoit le poids d'une dragme. IV Expérience. Ayant mêlé deux dragmes de notre terre avec deux dragmes de mercure fublimé corrofif , je trouvai un fublimé de couleur grife , & une bonne partie du mercure révivifiée pendant l'opération , vu que l'acide du fel s'attachant à la terre martiale en fut abforbé : dans la partie inférieure du fublimé gris fe manifefta une couleur de cinnabre , ce qui me fit penfer que cette terre pourroit bien renfermer du foufre. F Expérience. Je mêlai deux dragmes de ma terre avec autant d'arfenic blanc , criftallin , très-pur ; & ayant fublimé ce mélange par un feu égal & modéré , je n'obtins qu'un fublimé noir , fcmblable à l'arfenic noir ( Flie- genflein), ce qui provenoit des panies inflammables que la terre contenoit, & qui enveloppoient & rendoient invifibles le peu de parties fulphureufes qui pouvoient s'y trouver. Cependant le refte de l'arfenic qui fe fublima à la fin , eut une couleur criftalline blanchâtre , & la terre reftante ayant été calcinée , prit une couleur rouge brunâtre , & ne pcfa que 68 grains : tan- dis qu'au contraire la terre reftante de la fublimation avec le mercure &i- blimé corrofif, étoit de couleur grife noirâtre , & pefoit 4 fcrupules. VI Expérience. Deux dragmes de notre terre , mêlées avec 6 dragmes de fel commun defTéché , & diftillées à grand feu dans une cornue de verre, donnèrent à-peu-près une dragme d'une liqueur acide empyreumatique. Au col de la cornue , & même au récipient , s'étoit attaché un fublimé d'un rouge clair ; ce qui prouve que dans cette diftillation les parties ferrugineu- fes fubtiles ont été volatilifées & fublimées. Le réfidu , dont le feu le plus S s ij 324 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE T YlU ^'^^'^"'^ '^^ pouvoit plus rien élever par la diftillation , étant refroidi , pefa 6 - ■ ^ ' dragmes & demie. La liqueur obtenue par cette diflillation , mêlée avec de l'huile de tartre par défaillance, devint trouble, & ayant repofé durant quel- ^57' que tems , le mélange parut de couleur de perle foncée ; mais lorfque je mêlai cette liqueur avec de l'argent dillbus dans l'acide du nitre , le mé- lange fut d'abord laiteux , ôi l'argent cornuifié ; preuve certaine que la dit tillation a féparé des parties de l'acide de fel commun , qui feulement ont été infedées par les parties empyreumatiques cachées dans notre terre. N'ayant pas une quantité futiifante de cette terre , je ne pouvois pas l'éprouver par la diflillation avec un mélange de nitre. Cependant il n'eft pas douteux qu'elle n'eût dégagé l'acide de ce fel moyen , comme nous l'avons vu dé- gager celui du fel commun. Je commençai ainfi l'examen de cette terre en la mêlant avec les aci" des , & avec toutes autres fortes de dillblvans connus. VU Expérience, Deux dragmes de cette terre étant mêlées avec une de- mie once de l'acide de vitriol concentré ( délayé dans deux onces d'eau dif- tillée^, ne montrèrent prefqu'aucune efFervefcence : ce qui n'empêche pas^ que par une douce digeftion , il ne s'en faiïè une folution conlidérable , qui a la couleur d'un brun rougeâtre. VIII Expérience. Une once d'acide de nitre , verfée fur deux dragmes de cette terre , y produit d'abord une forte efFervefcence , & la diflbut prefqu'en- tièrement : la folution paroît d'un jaune rougeâtre foncé. Le réfidu de la terre étant deflëché , ne pefe que quelques grains , & a la couleur d'un brun jau- nâtre. IX Expérience. Le contraire arrive lorfqu'on verfe une once d'acide de fel très-pur fur deux dragmes de terre: l'efFervefcence n'efl pas confidérablcj, & l'acide paroît d'abord n'avoir aucun effet fur la terre ; mais le mélange étant dûment digéré , il fe fait une folution d'un brun foncé , tirant fur le jaune , & la couleur bleue , naturelle à cette terre , fe change en une cou- leur d'olive , défagréable à la vue. Après avoir décanté la folution , & féché la terre , celle - ci pelé encore une demi dragme. X Expérience. Une once d'eau régale , compofée de 8 parties d'acide de nitre , & d'une partie de fel ammoniac dépuré , étant mêlée avec deux dragmes de notre terre , produit une forte efFervefcence, la difîbut d'abord prefqu'entièremenî , & fon effet efl plus grand que celui de l'acide du ni. tre tout feul. La folution eft de couleur jaune , agréable à la vue , & fem- blable à une teinture de fafFran : enfin elle ne laiiïè que très-peu de ré- fidu. Il s'agifToit maintenant de voir , fî l'acide animal & végétal , attaque- roient cette terre , & en extrairoient quelque chofe. Dans cette vue , je fis les expériences fuivantes» DES SCIENCES DE BERLIN. 31J XI Expérience. Je mêlai une dragme de terre avec une once d'acide de four- 'f^^^T^^ mis : ce mélange ne produifit point d'eftervcfcence ; lorfcjue je l'eus digéré, '', , ' . v, * la folution fut très-foible : d'où il arriva que la couleur , tant de la terre " " que de l'acide même , ne fouftrit que très- peu d'altération. 7 5 7' XII Kxpcrience. Une dragme de terre étant mêlée avec une once de vinaigre diiiillé , l'cftervefcencc ne fut que très-peu confidérable : l'acide vé- gétal ne fe colora point : ce ne fut qu'après une digeftion de quelques fe- mainesqucla folution devint d'un beau jaune rougeâtre, produit fans contre- dit par les parties impures & inflammables , que la terre receloit encore ; ce qui fe conrirmoit par une autre circonflance : c'efl: que le réfîdu de la terre ne fouftrit qu'un léger changement de couleur , & qu'après avoir été cdulcoré & féché, il parut orné d'un bleu clair, couleur beaucoup plus agréable que celle de la terre dans fon état naturel : & qui outre cela il y eut très-peu de diminution , le tout pefant encore $ 5 grains. XIII Expérience, Pour voir ce que produiroit l'alcali urineux ou volatil , je mêlai une dragme de ma terre avec une once d'efprit de fel ammoniac pré- paré avec de la chaux vive : il n'en réfulta aucune eftervefcence. Cet ef- prit volatil ne changea fa couleur blanche , qu'après une digefiion de 8 jours : ce n'eft qu'au bout de ce tems qu'il devint d'un jaune très-pâle : la terre prit alors une couleur grife tirant fur le jaune, c'eft-à-dire, une couleur d'olive. 11 n'y eut que peu de diminution , ainfi que darîs l'expérience précédente , puifque le réfidu de la terre , étant édulcoré & féché , pefoit encore 54 grains. Il falloit maintenant confidérer les phénomènes qui naîtroient du mélange de cette folution avec d'autres dilîblvans , & avec des folutions métalli- ques, fur-tout avec le zinc rendu très-pur par la diftillation , & de voir quelle feroit la nature de leurs précipités. Des raifons particulières m'engagent ici à rétrograder jufqu'à ma VII'^ Expérience , à commencer de l'expérien- ce précédente. XlF Expérience. L'extra£tion de la terre, par l'alcali volatil , ou par l'ef- prit de fel ammoniac préparé avec de la chaux vive , telle qu'elle eft décrite dans la XI1I'= Expérience, & mêlée avec une leffive alcaline phlogiftique , de- vint trouble , mais le mélange ne devint ni bleu ni verdâtre. Tout ce que j'y remarquai , ce fut une odeur vineufe , très-agréable , pareille à celle que donne la liqueur anodine minérale. XK Expérience, Lorfquc je mêlai la même extraftion f faite avec l'efprit de fel ammoniac ) avec l'acide de vitriol , je remarquai la même odeur que ci-dcfliis , ce qui eft un phénomène bien digne d'attention. Mais comme il ne réfultoit ni de l'un ni de l'autre un précipité fort confidérable , je ne pris pas la peine de le féparer- XVI Expcrieni;e, L'cxtradion de la terre par le vinaigre diftillé , mêlée jiô MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE rr. avec la leffive alcaline phlogiftique , produifit une couleur bleue très-foi- lOM. AllL j^jg ^ défagréable à la vue , provenant fans doute des parties végétales empy- /INNEE reumatiques qui entroient dans cette extraftion. '■ 7 5 7- XVll Expérience. L'extraétion par l'acide des fourmis , mêlée avec la let fîve alcaline phlogiltique , devint d'un beau verdâtre ; cependant elle fe pré- cipita fort peu , parce que les parties martiales qu'elle contenoit étoient en fort petite quantité. XI^HI Expérience, La terre étant diffoute dans l'eau régale , & la folu- tion mêlée avec la leffive alcaline phlogiftique , elle parut d'abord de couleur verdâtre , à laquelle fuccéda un beau bleu. Mais étant faoulée de la leffive , on y vit une couleur violette très-laide. XIX Expérience. La terre étant diffoute dans l'acide du fel commun , & !a folution délayée dans l'eau diftillée , lorfqu'on y mit du zinc diflillé , ce der- nier commença d'abord à fe diffbudre , ce qui pourtant ne dura pas long- tems : car après cela il n'étoit pas poffible d'en diflbudre davantage , pas même par une digeftion continue. Le fer ne fe précipita point fous une for- me métallique , comme il le fait ordinairement : il devint au contraire jau- ne , & précipita peu-à-peu une petite quantité d'ocre. XX Expérience. La même folution de terre , produite par l'acide du fel , étant mêlée avec une leffive alcaline phlogiftique , on n'y vit paroître , ni la couleur verte, ni la couleur bleue, mais un jaune très-déplaifant. Après ■qu'on y eut verfé une folution d'alun , le mélange fe précipita en couleur d'olive. XXI Expérience, La folution de ma terre , par l'acide du nitre , délayée dans l'eau diftillée , dès qu'on y mit du zinc purifié par ladiftillation, com- mença à diflbudre le zinc , mais ceffà bien-tôt après, quoiqu'entretenue dans une digeftion très-forte : de plus , elle devint trouble , & prit une couleur d'ocre. Ce mélange ayant repofé pendant 15 jours dans un air tempéré, on trouva attaché au fond, des criftaux couleur de perle ou d'eau marine, ■dont la figure étoit prifmatique , femblable à celle du nitre régénéré ; la li- ■queur qui les couvroit n'étoit point trouble , & d'un brun foncé. XXII Expérience. La même folution de terre ( par l'acide du nitre ) mêlée avec la leffive alcaline phlogiftique , prit d'abord une couleur verdâtre, en- fuite une couleur bleue , mais très-défagréable : cependant , après y avoir ajouté un peu d'alun ( diflbus dans l'eau diftillée ) la couleur bleue s'é- claircit , & le précipité fut paffable. On voit par toutes les expériences que je viens de propofer, que ni l'eau arégale , ni l'acide de nitre , ni l'acide du fel ne font les diflblvans propres à ob- tenir une belle couleur bleue. Il en eft tout autrement de l'acide du vitriol , comme on va voir par les expériences fuivantes. XXIII Expérience. Ayant mêlé la folution de ma terre , par l'acide du DES SCIENCES DE BERLIN. 317 vîtrîol , avec la leffive alcaline phlogiftique , il en réfulta dans un inflant ^^ ...y la plus belle couleur bleue ; en y verfant une plus grande quantité de cette . .' . / * leflive , récume fe colora d'un beau violet , mais qui dans le même mo- '^ ^ ment fe rechangea en bleu. ^757^ Par-là je fus tenté d'ellàyer , s'il ne feroit pas poffiblc de produire artifi- ciellement une fclénite bleue ou violette , pendant que la nature abandon- née à elle-même nous la préfente fous la forme d'un fpath fufible de couleur d'améthyfte ou de faphir. Dans cette vue je fis l'expérience que l'on va voir. XXIV Expérience. Je repris la folution de terre dans l'acide du vitriol ; j'y mêlai une portion de leffive alcaline phlogiflique , mais qui n'étoit pas fuffifante pour la faouler. Je fis tomber ce mélange goutte à goutte dans une iolution de craie préparée avec l'acide du nitre : chaque goutte qui y tomba la teignit d'un beau verd j mais ce verd , dans un moment , redevint un bleu fort clair : pendant cette opération il fe précipita infenfiblement un peu de félénite , mais dont la couleur , après qu'on l'eut édulcorée & fechée , fe réduifit à un blanc bleuâtre. XXV Expérience. Enfin je verfai fur la même folution de ma terre par l'a- cide vitriolique , autant de leffive alcaline phlogiftique qu'il en falloit à- peu-près pour en faouler à la moitié : j'y verfai de plus une certaine quantité d'alun dilTbus dans l'eau diftillée. Cela ne produifît prefqu'aucun changement de couleur ; mais ayant achevé de faouler ce mélange par le moyen de ma leffive , & l'ayant tranfvafé à plufieurs reprifes & fort vite d'un verre dans l'autre , je vis paroitre un verd céladon d'une grande beauté, qui non- feulement éclata dans le verre , mais auffi colora le papier blanc. Cepen- dant , après y avoir verfé une plus grande quantité de leffive. Si en avoir , pour ainfi dire , furchargé mon mélange , cette couleur difparut , & je vis fe précipiter un beau bleu foncé. Quant à ce phénomène du verd céladon , je ne fâche pas qu'il paroifïè ailleurs que dans le traitement du zinc avec le nitre , & dans la magnéfie cal- cinée avec le fel de nitre : & dans l'un & l'autre de ces deux cas , il difpa- roît tout auffi vite , que nous le voyons difparoître dans l'expérience préfente. Cependant cet accident m'a fourni des moyens d'employer avan- tageufement cette couleur bleue , qui au fond eft un vrai bleu célefle de Berlin , de l'employer , dis-je , pour la teinture avec plus de fuccès que n'en procure la méthode de M. Manquer : \s réferve à une autre occafîon d'en, rendre compte à l'Académie , & d'entrer dans de plus grands détail fur ce. fujet. Je voulus encore voir quelle efpèce de félénite produiroit cette même fb-- lution mêlée avec une folution de craie * & s'il falloit chercher dans une fubt. tance imprégnée de fer , le fondement du fpath jaune-brunâtre , à laquei!«L: 3î3 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE clafle on peut auffi réduire la pierre ferrugineufe de couleur d'ifabelle. Dans J OM.Àlii. j,gjjç intention , je procédai comme il fuit. ANNÉE XXVI Expérience. Je mêlai une partie de craie diflbute dans l'acide du ni- ^757' tre avec deux parties d'eau diltillée : j'y ajoutai ma folution de terre dont j'ai parlé ( Expériences XXIII. XXIV, XXV. ) : auffi-tôt il fe précipita une belle félénite ; mais elle n'étoit pas jaune , au contraire elle étoit d'un blanc éclatant ; ce qui confirme cette vérité , qu'après le phlogiftique il n'y a rien à quoi l'acide du vitriol , allié avec quelque corps que ce foit, aime tant à s'at- tacher qu'à la terre alcaline. Il ne me relie que les expériences qui doivent développer les phénomè- nes que produit notre terre expofée à un feu de fufion. XXVII Expérience. Je prends de cette terre , telle qu'elle eft dans fon état naturel , le poids d'une dragine , avec 3 dragmes de fable de Frcyenwcil- de ; j'y ajoute une demie once de fel de tartre : ce mélange expofé à un feu de fonte , fe convertit au bout de 3 heures en un beau verre, mais de cou- leur jaune brunâtre très-foncée. XXVIII Expérience. Je prends de cette terre calcinée le poids d'une dragme , avec trois dragmes de fel de Freyenwalde , & une demie once de fel de tartre : je procède comme ci-dellùs. Il en réfulte un verre jaune brunâtre , mais un peu moins foncé que ci-devant. XXIX Expérience. Je prends de ma terre calcinée le poids d'une dragme avec trois dragmes de fable ; j'y ajoute le poids d'une dragme d'une félénite préparée , qu'on déterre à Gros-Schirma près de Frcyberg , dans la mine qui porte le nom du Prince Eleéloral Frédéric Augujle : j'y ajoute de plus du fel de tartre , le poids de cinq dragmes. Le même feu de fonte convertit ce mélange en un verre jaune verdâtre. XXX Expérience. Je prends deux dragmes de terre naturelle , en y ajou- tant une quantité fuffifante d'huile d'olive, j'en forme une pâte j & après l'a- voir calcinée durant trois heures dans un creufet expofé à un feu très-vio- îent , je la trouve quelque peu métallifiée. XXXI Expérience. Je prends deux dragmes de ma terre calcinée , avec quatre dragmes de nitre pur ^ j'y ajoute deux dragmes de tartre rouge pulvéri- fé , de la félénite dont j'ai parlé ci-delTus ( Exp. XXIX. ) le poids de deux fcrupules , & autant de pouffière de charbon. Je mêle le tout avec foin ; je le mets dans un creufet conique { Tutte J ; ]e couvre le mélange de fel commun defféché: au bout d'une heure & demie, le tout efl bien fondu : mais on n'y voit que des feuilles métalliques très-minces , attachées aux parois du creufet. Cela vient apparemment de ce que la terre ne contient pas beaucoup de fer, & que par conféquent le peu qu'elle contient ne peut pas s'amallér en forme de régule» Les I DES SCIENCES DE BERLIN. 319 Les expériences que l'on vient de lire nous ont fait voir : „. jj i. Que la terre de Beuthniq eft mife en effervefcence par les acides. ^*"^* • ' 2. Qu'elle fe durcit un peu dans le feu. 3. Que par le moyen de la leffive alcaline phlogiftique , on en obtient / 57' une couleur bleue. 4. Qu'à l'aide de l'aimant , on y découvre du fer : lequel j. Peut auffi en être féparé par le moyen du zinc , quoique feulement fous la forme d'une ocre fubtile. 6. Que par la dilliUation on en tire un efprit empyreumatique. 7. Qu'on la tire de lieux fitués près de la furface de la terre , de deffbus la croûte fupérieure. Cela étant, il ne refte point de doute que cette terre ne foit compofée , I. d'une argille alcaline ; 2. de parties métalliques ferrugineufes ; 3. de par- ties végétales & animales étroitement unies. D'où il s'enfuit qu'elle n'eft pas une terre fimple , mais une terre mixte , & qu'on a raifon de la rapporter à un des genres de ce qu'on appelle humus. Elle n'efl: pourtant pas du genre qui porte communément ce nom , mais parolt en quelque façoa être plus voifïne du genre des tourbes , vu que par la diftiUation on en tire une huile , qui a toute l'odeur de l'huile de terre. Il refte ici une queftion très-importante à réfoudre : c'eft de favoir quelle eft l'origine de la couleur bleue dans ce Humus ? Les mélanges littérains de Leipftg (*) font mention de la tourbe bleue de Darg ou Dary j & je puis aflurer , tant d'après mes propres obfervations que d'après celles d'autres favans minéralogiftes , qu'on n'a trouvé jufqu'ici des terres bleues , de l'eC- pèce décrite , que dans des endroits marécageux , deflechés & remplis de tourbes. M. Lehmann en particulier obferva dans fon dernier voyage en Siléfie , que la fonderie de Crcut^bourg , aux environs de laquelle on trouve cette terre , étoit entourée de marais & de pays defféchés à une diftanre de quelques lieues. Il a fait la même remarque au fujet du pays de Dra- chenherg. Ajoutons que lorfqu'on creufa , il y a 4 ans , un foffé profond derrière un endroit nommé Klein-Mutj dans le voilînage de Zchdcnich , on trouva des veines , quoique très-foibles de cette terre j & ces endroits , comme l'on fait , font fitués au milieu des marais. Il eft bien vrai que l'on trouve à Hurthau près de Chemnit^ , de même qu'à Fers , & dans plufieurs autres endroits de la Saxe , des argilles , tant d'un bleu foncé que d'un hleu clair ; cependant ces efpèces d'argilles ne reflèm- blent à notre terre , ni exaftement par la couleur , ni par les principes dentelles font compofées; elles appartiennent plutôt à la clalîè des argilles impures & mixtes j on fait que ces dernières , & fur-tout celles que l'on trouve CJ I-"P\.'S" Sammlunrtn * otet Stnsk, p. 368, Tome II, T t 330 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ^ ^ dans les mines , à côté des veines métalliques {Bcjïegniijf) , font fouvent loyi.Xlll. j,^^ gj.j^ foncé , d'un bleu grifâtre, ou bigarrées de toutes fortes de couleurs- Année j^^ ^^^^^ bleue d'EibenJloch mérite plus d'attention , vu qu'on la trouve , ^757' tantôt molle , tantôt durcie, & qu'elle fe diftingue encore par la beauté du bleu dont elle cft revêtue : on peut lui aflbcier à cet égard une terre bleue de Saxe , qu'on appelle la miraculeufe ( terra miraculofa Sdxoniœ. ) Il fe pourroit fort bien que ces deux fortes de terre fuflènt le réfultat d'un mélange de la terre ( que nous avons décrite dans ce Mémoire ) avec d'autres, efpèces : comme par exemple avec une argille très-fine , ou avec la terre calcai» re , &c. C'eft ainfi que par l'alliage de la pierre à plâtre avec des terres diver- fement colorées , l'on contrefait ce marbre bigarré qui eft d'une lî grande beauté. Cependant , comme ce ne font là que des conjeftures peu décifives, je m'en rapporte plutôt à ce changement remarquable que foufFrent la couleur blanche d'ailleurs très-pure de la lune cornée , & les fleurs du zinc , lorfqu'on les prépare avec l'acide du fel ^ changement qui confifte en ce que ces corps , expofés en plein air , contractent dans toutes leurs furfaces que l'air peut toucher , une rouille de bleu violet. Je laiffè à décider aux curieux , {\ la caufe qui produit ce phénomène n'eft pas la même qui agit fur la plupart des terres bleues , 6c fi cette caufe n'eft pas fuffifamment connue par ma première expérience. ARTICLE XXVIII. Defcription d'un Anévrifme de l'aorte,. Par M. R o L o F F. COmme il fe rencontre plufieurs chofes tout-à-fait fîngulières dans Tané- vrifme de l'aorte dont j'entreprens la defcription , je n'ai pas fait diffi- eulté d'entrer dans les détails néceflàires pour en donner une idée exafte. Au mois de Juin de l'année 1756. un homme âgé de plus de 50 ans ^ vint me trouver pour me montrer une tumeur qu'il avoit au fternum , & im- plorer mon fecours. En examinant la tumeur , il ne me fut pas difficile de découvrir que c'étoit un anévrifme de l'aorte , dont le volume n'excédoit pas un pouce. Ce fut au mois de Mars que cet homme commença à s'en àp- percevoir ; elle refTembloit alors aune petite boule. Pour la difïiper, il avolt d'abord eu recours aux mauvais confeils d'une vieille femme , qui y avoit appliqué un cataplafme de lait , de favon , de pain blanc , & de faffran ; ce qui n'avoit fervi qu'à augmenter beaucoup la tumeur. Elle étoit fituée fur le fternum , entre le mamhs & le corps de cet os. Sa couleur extérieure étoit 1 DES SCIENCES DE BERLIN. 33t tougcàtre ; elle avoit un peu plus de faillie dans le milieu , où l'on fentoit "^^^ une forte pulfation. A côté de l'anévrifme étoient placées les artères main- ""'*'■ '^'/'• maires , dont le battement donnoit manifoftement à connoitre qu'elles " '^ ^ t' ■B n'étoient pas le fiége du mal. Dès que j'eus porté les doigts fur les bords de ^7 57- /a tumeur , je compris évidemment qu'il y avoit un trou au Iternum , par lequel ranévrifme s'élevoit. Dès le commencement le malade avoit reflènti de grandes douleurs dans la région de l'épaule droite , & dans la cavité de la poitrine , avec une grande difficulté de refpirer. Quand on prelTbit l'anévrifme avec les doigts , les douleurs redoubloient , & il étoit menacé de fufFocation. Toutes les fois qu'il vouloit avaller un peu de pain , ou quelqu'autre aliment fec , il étoit obligé de boire auffi-tôt , fans quoi il auroit auffi couru rifque d'étouffer , le pain paroifTant demeurer attaché à l'œfophage. Des petites dimenfions que l'anévrifme avoit d'abord , il s'accrut len- tement & par dégrés en une mafïé énorme , qui , dans les derniers jours de la vie du malade , fortoit de fa poitrine de la grolTèur de la tête. Les douleurs , & la difficulté de refpirer allèrent toujours en augmentant , juf- qu'à la mort arrivée le 1 1 de Janvier 1757. Il eft incroyable & inexprima- ble à combien d'angoiflès & de tourmens ce pauvre miférable fut en proye pendant le cours de ces fept mois ; il fît paroître cependant le plus fiaut degré de patience & de fermeté dont la nature humaine foit capable. Trois jours avant fa mort, la peau extérieure de l'anévrifme fe rompit par en bas vers le coté droit , & il fortit par cette rupture une fort grande quantité de fang , qui , traverfant tous les couffins , ruifibloit fur le pa- vé de la chambre. Cette hémorragie dura , par intervalles , pendant trois jours; le malade paroiiToit alors deffitué de tout fentiment. Il fouilloit avec le pouce & les doigts dans fa plaie fanglante , & en rendoit ainfi l'ouver- ture toujours plus grande. Après la mort, le cadavre ayant été fournis à un examen attentif, il parut que l'anévrifme avoit occupé la furface extérieure du flernum , fous les mufclcs peftoraux. Il commençoit d'abord au deffbus du cartilage fcuti- forme , d'où il defcendoit jufqu'aux mammelles, s'inclinant davantage vers le côté gauche. Il s'étendoit fur l'extrémité ffernale de la clavicule , au- defïïis des trois premières côtes jufqu'à la quatrième , de façon qu'il cou- vroit non-feulement toute la partie cartilagineufe , mais même un peu de la partie offèufe des trois côtes fupérieures , tant d'un coté que de l'autre. Les mufcles peftoraux , ainfî que la partie inférieure du flerno-cleido- maftoïdien , avoicnt été fort rongés par le haut par le fac anévrifmal , dont l'exceffive extenfion avoit auffi defuni & féparé les fibres du grand peftoral , de façon que l'anévrifme s'étoit fait un chemin à travers les interfaces de ces fibres. Sa longueur entière depuis le cartilage thyroïde jufqu'aux mam- Ttij Siî MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE „. .y: mellcs , étoit de douze pouces & quatre lignes , & la largeur du côté droit ioM.AiJi.g^ côté gauche alloit à dix-fept pouces; fa plus grande largeur étant aa Anne e j^jijgy ^ jg moyenne en bas , & la moindre en haut. i 7 57' ji avoit à la partie fupérieure deux efpèces de cornes, dont l'une montoit PI. I. b.c. au coté droit , & l'autre au côté gauche du cartilage thyroïde , de façoa qu'elles embraflbienten quelque forte ce cartilage. La droite étoit plus épaiflè que la gauche , mais elle n'étoit pas aufli longue ; car celle-ci avoit trois pouces de longueur , tandis que l'autre n'en avoit que deux & demi. Ces cornes étoient plus épaifïès par le bas, & plus minces par le haut. l'i. I. d. & La peau qui couvroit extérieiu-ement l'anévrifme , s'étoit fort amin- f). H. b. ç[q ^ ^ caufe de la grande extenfion qu'elle avoit foufFerte. Elle étoit percée en-bas par un trou oblong , dont la longueur étoit de trois pouces , & la largeur d'un pouce & huit lignes, une croûte de fang dure & féche environ- noit ce trou ; & c'eft delà que le fang coula avec tant d'abondance avant la mort du patient. Lorfqu'on eut foigneufement détaché la peau extérieure , on s'apperçut que le fac aiiévrifmal étoit entièrement rempli de pur fang extravafé & coa- gulé , & qu'ainfi la tumeur qui s'élévoit fur le flernum n'étoit qu'un faux anévrifme. La maflè de fang coagulé étoit noire & comme pourrie ; fa par- tie fupérieure , c'efl-à-dire celle qui touchoit immédiatement à la peau , n'étoit pas fi compafte , mais vers le milieu , où elle avoit plus de blan- cheur , elle l'étoit davantage , & par le bas vers le flernum , elle étoit fi denfe & fi folide , qu'elle avoit l'air d'une membrane tenace & polypeufe» fi. III. a. a. Après avoir enlevé cette maflTe coagulée jufqu'au flernum , on trouva 9* "• que non-feulement une grande partie de cet os , mais encore une partie de» côtes fupérieures, avoient été rongées & détruites. Tout le manche du flernum avoit difparu , à l'exception de quelques pe- tits morceaux , en partie offeux , en partie cartilagineux , aux extrémités fternales des clavicules , qui repréfentoient les refles du manche. Le corps du flernum jufqu'à la quatrième côte, étoit entièrement confumé, mais de~ puis cette côte , jufqu'au cartilage xyphoïde , il avoit confervé fon inté- grité. fl. III. c. A l'extrémité fternale de la clavicule droite , encore dans fon entier , étoit attaché un petit morceau du flernum rongé ; & ce morceau étoit le feu!, refte de toute la cavité par laquelle le flernum s'articule avec la clavicule, dans l'état naturel. PI. in. d. Il ne refloit rien du flernum à la première côte droite ; & le cartilage même de cette côte étoit un peu rongé. PI. III. e. Un petit morceau du flernum rongé tenoiis encore à la féconde côte ;- & la pointe cartilagineufe de cette côte étoit pareillement rongée. fi. m. f. L'extrémité cartilagineufe de la troifième côte droite étoit en partie dé-^ DES SCIENCES DE B E R l I N. 333 truite : en-haut , au cartilage de cette côte , il n'étoit rien reflé du flernum , i yfjf au lieu que fous le cartilage de la même côte jufqu'au cartilage xyphoïdc, ^ ' ' le ilernum tout entier étoit dans ion état naturel , à l'exception d'un en- droit entre la troilième & la quatrième côte où il étoit un peu endommagé. 7 5 7' L'extrémité Iternale de la clavicule gauche n'avoit rien fouftért , elle étoit Pi. III. b. incruftée de fon cartilage naturel , mais il n'y reiloit pas la moindre trace du fternum. La première côte du côté gauche étoit auffi dans fon entier , mais fans P'- III. d, aucun refte du Iternum. Le cartilage de la féconde côte étoit un peu rongé , & un petit morceau P'- l"- «• du Iternum détruit y tenoit encore. Le cartilage de la troifième côte étoit en fon entier , & confervoit un refte d'articulation avec un petit morceau PL UL C du fternum ; cependant la carie avoit rongé ce morceau par en-haut vers la féconde côte. Cette deftruétion du fternum étant donc totale , depuis le manche jufqu'à la quatrième côte , tant à droite qu'à gauche , il réfultoit nécelîairement de là un très-grand trou dans cet os , & ce trou s'étendoit depuis le commea- cement du fternum jufqu'à la quatrième côte. En-haut, entre les clavicules, fa grandeur étoit de deux pouces & huit lignes ; dans la région de la pre- mière & de la féconde côte , de trois pouces & neuf lignes , & en-bas de deux pouces & cinq lignes , de forte qu'elle alloit infenfiblement en dimi- nuant vers la troifième & la quatrième côte. La partie antérieure du premier , fécond , & troifième mufcle inter- coftal , avec les fibres antérieures du mufcle fouclavier paroifToient attar quées d'une aflèz grande pourriture. Les mufcles intercoftaux du côté droit étoient plus détruits que ceux du côté gauche , mais celui de tous qui avoit le plus fouffert , c'étoit l'intercoftal droit fupéricur. Une partie de la plèvre du côté droit , que recouvroient les mufcles intercoftaux gâtés , étoit un peu rongée , & privée de fa couleur naturelle ; le péricarde même , qui fe trouve dans le voifinage , avoit quelque chofe de rouge & d'enflammé. D'abord au delTbus du trou qui perçoit le fternum , l'aorte fe préfentoit aux yeux. Toute fa partie antérieure , depuis fon origine du ventricule gau-. che , jufqu'à fon .ircade , étoit entièrement rongée, enforte qu'on pouvoit regarder fans peine dans fa cavité , où l'on appercevoit , fur-tout à gauche y. diftérentes rides ou plis , & dans cet endroit elle étoit fort valle , l'aorte ayant fouffert une grande extenfion. L'ouverture dont il s'agit étoit entou- rée d'un bord épais , inégal , prefque cariilagincux , & replié , qui commen- çoit de côté & d'autre , auprès des extrémités iternales des clavicules , & fi-. piiîôit dans la région de la troifième côte , où il adhéroit fortement, tant, ?ux cartilages de ces cotes , qu'à leurs mufcles intercoftaux. Ce û'étoit auuç; §j4 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROVALE ^ - chofe que la partie féreufe du fang extravafée & coagulée, qui, à force ■^°"'*^* ''^^ d'avoir été battue & condenfée par l'adion violente des vaiffeaux , s'étoit Année j-Q^çg^tie en une fubftance auffi dure ôi auffi tenace. * 75 /• Trois troncs artériels avoient leur embouchure dans la portion de l'aorte qui étoit ouverte 5 fçavoir , au côté droit , le tronc commun de l'artère fouclavière , & de la carotide droite , au milieu la carotide gauche , & vers la droite , la fouclavière droite. Cette portion de l'aorte avoit à la vérité alTez d'épaiffèur , mais fa membrane intérieure étoit fort déliée , parfemée , en quelques endroits , de tâches & de raies blanches , & comme rongée par de petits ulcères. L'aorte , ainfî qu'on l'a déjà dit , étoit fort dilatée depuis fa fortie du cœur jufqu'à fon arcade. Cette dilatation , qui avoit fept pou- ces de longueur , étoit fort inégale ■■, près de la baze du cœur , où elle étoit la plus petite , elle avoit quatre pouces & demi de diamètre , à la partie moyenne huit pouces , & à la partie fupérieure , vers l'arcade , encore davantage , fa tigure ayant l'air d'un entonnoir. Le fac anévrifmal , parvenu à l'arcade de l'aorte , étoit percé d'un grand trou , environné d'un bord épais & déchiré ; c'eft ce trou là même qui étoit placé fous le fternum, au-devant de l'arcade. Il avoit environ cinq pou- ces de diamètre. C'étoit donc derrière ce trou que commençoit l'arc de l'aorte , & dans cet endroit on remarquoit qu'il étoit anévrifmatique , puifque fon diamètre alloit jufquà deux pouces & cinq lignes. Mais à la nailïànce de l'aorte defcen- dante l'anévrifme finilïbit entièrement, enforte que commençant près de la baze du cœur , il alloit fe terminer derrière l'arcade. Dans la partie antérieure du fac anévrifmal , à trois pouces de diftance du cœur , on appercevoit un autre anévrifme plus petit , de la groffeur d'une noifette , rond & brun , dont la membrane interne étoit fort mince. Un peu endommagée , & aflez fembiable à un réfeau. La foibleflè de cette membrane ne pouvant reprimer l'impétuofité du fang , lui avoit per- mis d'agir avec plus de force contré les tuniques externes , de les pouflèr en avant , & de produire le petit anévrifme en queftion. II fortoit , comme à l'ordinaire , de l'arcade de l'aorte trois troncs , fça- voir le tronc commun de la fouclavière & de la carotide droite , la carotide gauche , & la fouclavière gauche. Le tronc commun étoit anévrifmal , mais plus vers l'arcade que dans l'endroit où il fe partage en deux branches : ces deux branches , c'eft-à-dire la carotide & la fouclavière droite , n'é- toient pas fi anévrifmales que le tronc commun , mais ne lailToient pas d'être plus dilatées que dans l'état naturel. La carotide gauche avoit prefque fa figure naturelle -, la fouclavière gauche , au contraire , étoit la plus dila- tée de toutes , formant un fac par fon extenfion. Ce fac s'élévoit à la hauteur d'un pouce & huit lignés. Il avoit par-devant , & par-derrière une LES SCIENCES DE B E R L î N. 335 petite protubérance , compofée d'une fuite de lames cartilagineufes ; après ,^ ç^ quoi la fouclavièrc continuoic fon cours comme à l'ordinaire- J^^'-' . ^ * Ces trois troncs aboutiiloient , par derrière , dans l'aorte déchirée, par ^ ^ *" ^ autant d'orilîces Qblong;s , plus grands qu'ils ne doivent i'ètre : on pouvoit /5 7' aifément introduire le doigt dans celui du tronc commun , & le pouce dans celui de la fouclavière gauche ; l'oritice de la carotide gauche n'étoit pas auffi confidérable , quoiqu'il le fut pourtant davantage que dans l'état naturel. La tunique externe de l'anévrifme étoit fort épaiflè ; l'interne pleine de rides & de plis , fort mince dans quelques endroits , & dans d'autres fort épaiflè. Elle étoit fur-tout fort dure , & prefque cartilagineufe , comme il a déjà été dit plufieurs fois , autour du trou dont l'aorte étoit percée. Le cœur même n'étoit pas exempt d'anévrifme ; on le trouvoit dilaté dans toutes fes parties ; fa fituation , non plus , n'étoit pas naturelle , car la pointe defcendoit jufques vers la lîxième & leptième cotes du côté gauche. Sa figure avoir aufli foufFert de l'altération , n'étant pas conique , mais ronde. Sa largeur furpallbit fa longueur. 11 étoit compofé de libres pâles extrêmement lâches. Le ventricule gauche paroifioit fort dilaté , au point qu'il furpaiîbit un peu la cavité du ventricule droit. Celle-ci étoit prefque na- turelle , excédant feulement un peu fa capacité ordinaire. L'oreillete droite fe trouva pareillement dilatée & anévrifmale ; la gauche étoit naturelle. La tunique interne du cœur étoit d'une fi grande finelfe , que l'attouche-* ment le plus léger fuffifoit pour la déchirer , & la détacher des fibres mufcuLires qu'elle recouvre. Toutes ces fibres , tant des ventricules que dé l'oreillete droite , avec les colomnes ik les mammelons charnus , étoient d'une grande pâleur, flafques, & prefque entièrement dépourvus de fang. Il y avoit dans chaque ventricule un polipe qui n'étoit pas fort confidérable, avec cette différence néanmoins , que celui du ventricule droit étoit plus fort, plus tenace , & embraflbit plus étroitement les mammelons charnus. Deux des valvules fcmilunaires de l'aorte étoient ofieufes, fur-tout à leurs cornes 5 la troifième au contraire n'avoit fouffert aucune altération. Le cercle duquel fortent les valvules mitrales étoit plus dur qu'à l'ordinaire \ il paroillbjt avoir quelque choie de cartilagineux. Les valvules figmoïdes de l'artère pulmonaire étoient un peu plus grandes que dans l'état naturel , mais il n'y avoit rien d'extraordinaire dans les valvules tricufpides. Le trou ovale du cœur n'étoit pas rout-à-fait bouché ; il étoit refté dans fon bord une petite ouverture oblongiie. La corne gauche de ce trou étoit fort épaiire , ayant la figure d'un lézard , & la membrane même dont le trou ovale étoit bouché avoit l'air d'un réfeau. Pour en venir maintenant aux caufes de cet horrible anévrifine , on peiitt 336 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROFALE ' ' en alléguer deux , dont l'une eft prife de ce que le miférable qui en a été la iOM.Al 1. y;£^i,^g ^jQJj ig pi^5 fouvcnt occupé à remuer , avec trois autres hommes , un tonneau de fucre de plus de 14. quintaux, qu'il étoit obligé d'élever )-7 S7' fyr l'épaule droite , & de foutenir pendant quelque tems dans cette fituation. Car pour élever & foutenir un poids auffi conlidérable , il faut que tous les mufcles fe roidiiïènt au dernier point , & concourent au mouvement avec la plus grande force. Une contraction auffi violente met obftacle au cours du fang , en empêchant qu'il ne puiffè paflèr du cœur , & des grands troncs artériels , dans les fibres mufculaires ; le fang , obligé de s'arrêter dans les grands vaiflèaux , les diftcnd violemment , i'élafticité de leurs fibres fe détruit , la cohéfïon de leurs tuniques s'afFoiblit , & c'eft ainfi que l'ar- tère fe dilate enfin au point de former un anévrifme. Ajoutons à cela , qu'on ne peut élever un grand poids hors le tems de l'infpiration , & fans un violent effort. Par un tel effort tous les mufcles qui fervent à dilater le thorax , dans les plus grandes infpirations , agiffènt avec une force extrême , tandis que , d'un autre côté , l'air raréfié dans les cellu- les pulmonaires les comprime auffi très-fortement , auffi bien que plufîeurs miliers de petits vaifTèaux , qui font répandus dans les interfaces de ces cellules. Ces vaifTeaux ainfî comprimés , la circulation du fang ne fauroit s'y faire ; ils oppofent une réfiffance invincible à celui de l'artère pulmo- naire , qui efl forcé de s'accumuler dans cette artère , & à la partie droite du cœur. Le fang qui retourne par les veines , des différentes parties du corps, ne peut donc fe décharger dans le ventricule droit, ni le fang artériel fe ren- dre dans le fyflême veineux , ce qui l'oblige de s'arrêter dans les artères. Le cœur employé toute fa force pour furmonterJa réfiflance de ces derniè- res ; & pouffe fur-tout avec violence le fang dans l'aorte. Ces deux puif- fances contraires afFoibliffent les tuniques de cette artère , au point qu'elle peut aifément fe laifTer dilater outre mefure , & produire un anévrifme. Cette dilatation a dû fe faire principalement à l'arcade de l'aorte , parce que c'eft l'endroit où elle eft le moins robufte , & celui contre lequel l'ac- tion du cœur eft la plus forte, en forte que fes tuniques plus foibles & moins élaftiques , ont été néceffairement obligées de céder à la force exceffive de cet organe (a). Mdnget (b) avoit déjà remarqué que d'énormes fardeaux peuvent donner lieu à des anévrifmes, & l'illuftre M. Vanfwicten , dont le témoignage peut tenir lieu de tous les autres , dit dans fes commentaires fur Boerhaave (c) , » que les chevaux , qui dans les grandes Villes marchandes , tirent de fort » grands poids , & font obligés de monter des hauteurs roides & glif- (n) Vid. Schreiber Almageft. (t) Biblioth. Chirurg. lib, L paj (c) Tom. I.fig, 288, V fantesj med. pag, 149, . pag. SS. DES SCIENCES DE BERLIN. 337 » fantes , ayant leurs fers garnis de pointes , ont le plus fouvent aux j— ^ V jambes de derrière des anévrifmes , & des tumeurs variqueufcs aux vei- '""'V ' » nés ; accident qui arrive aum fréquemment aux portc-faix ». La féconde caufe qui a principalement donné occafion à ranévrifme / S /• faux , doit être cherchée dans le fang même & dans les humeurs du malade. En effet , il y avoit en lui une abondance de fang cacochymique & acre -, ôi. ce ùnu, ayant aifément rongé les fibres de l'aorte, afFoiblics par leur cx- ceffive diitenfion , a produit dans l'aorte même la grande ouverture que nous avons décrite. Ce même fang , tendant à la pourriture , pouffé avec la force extrêmement violente du cœur, de l'artère déchirée vers le fternum , en a rongé infenfiblement le manche , & les parties circonvoifines , ce qui a pu arriver d'autant plus aifément , que la fubltance du fternum étant fpongieufe , & recouverte feulement d'une très-mince lame ollèufe , fe trouve par-là fort fujctte à la deftruâion. Le célèbre Ruyfch (a) a fait mention de deux anévrifmes de l'aorte , où le llernum & les cotes avoient été rongés , & prefque réduits à rien. Al- bcrtinus (b) dit , que les pulfations de l'anévrifme font quelquefois fi fortes qu'elles foulévent les côtes , les clavicules , le llernum , les brifent, & ron- gent les vertèbres. Sans citer d'autres exemples , entr'autres celui qu'on trou- ve dans les Mémoires de l'Académie Impériale de Petersbourg (c) , Luncifi a démontré dans fon excellent traité fur le cœur & les anévrifmes (d) , que ces derniers peuvent être caufés par des humeurs rongeantes , & corrofives. Un fang de cette nature , extravafé, & rendu putride par la ftagnation , a donné naiffance , comme nous l'avons déjà remarqué , au faux anévrifme. L'aftion exceffivement violente du cœur & de l'aorte , ayant chaflë ce fang à travers le fternum rongé , & ce liquide s'étant coagulé & accumulé toujours davantage , a produit à la fin cette épouvantable maffè que nous avons dit avoir égalé le volume de la tète. Ce même fang coagulé a empê- ché que celui de l'aorte déchirée ne pût jaillir tout à la fois avec impétuofi- té , & faire périr fubitement l'infortuné malade ; car pefant de tout fon poids fur cette artère , il en a bouché le trou , ce qui n'a pas permis de long- tems au fang d'en fortir rapidement & à grands flots. Cependant comme la peau dont l'anévrifme étoit extérieurement cou- vert , avoit été extrêmement amincie par l'exceffive extenfion qu'elle avoit fouffert , elle ne put enfin réfîfter davantage à cette extenfion , & s'étant rompue , il en réfulta cette énorme hémorragie qui précéda la mort de trois jours, le fang pouffé violemment par le ventricule gauche du cœur & par l'aorte , s'étant ouvert un palîàge au-deffous & à travers la maffe coagulée. U) Obfervat. Anjt. & Chlrurg. obf. XXXYII. & XXXVIII, (tj Comment. Bonon, pag. 38;. (c) Tom. UI. pig. 401. (d) Cap. III. pag. ïjo. Tome IL Vt ToM.XlIL Année 17 57' 33§ MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE Il n'y a pas lieu d'être furpris de ce que le cœur même , & le ventricule gauche , font devenus anévrifmatiques ; car l'énorme maffe de l'anévrifme faux comprimant l'aorte , retenoit le fang dans ce ventricule , & l'empêchoit de couler librement dans l'aorte. Le ventricule faifoit les plus grands efforts pour chaflèr le fang qui y croupiffoit; & ces efforts redoublés, joints à l'ex- tenfïon forcée qu'il avoit fouffert , avoient extrêmement affoibli fes fi- bres , & confidérablement augmenté fa cavité , d'autant plus que deux des valvules de l'aorte étoient devenues offeufes. Le grand defordre arrivé dans la circulation du fang , avoit pareillement endommagé le ventricule droit , ainfi que les vaiflTeaux qui fortoient de l'aorte , & généralement toutes les fibres mufculaires du cœur avoient fouffert , par une fuite de la même caufe , une extrême dilatation. Le même dérangement dans la circulation , ne permettoit pas que le fang parvint afïéz librement du fînus pulmonaire dans le ventricule gauche; c'ait ce qui avoit rendu lî difficile le paffage de ce liquide par les poumons, auffi-bicn que la refpiration. Les autres fymptômes , ci-defïiis mentionnés , peuvent aifément être exphqucs par tout ce que nous avons dit. EXPLICATION DES FIGURES. Planche I. a. a. a. L'ancvrifme faux dans fon état naturel. b. Sa corne droite. c. Sa corne gauche. d. Le trou par lequel le fang coula en gran- de abondance trois jours avant la mort. . Planche IL a. a. a. L'anévrifme faux , dans fa fitua- tion , vu par devant. b. Son trou. c. La mammelle droite. (]"_ La mammelle gauche. Planche 111. a. a. a. a. Le fternum détruit. b. b. Les extrémités fternales des clavi- cules. c. Le petit morceau du fternum carié , at- taché à la clavicule droite. d. d. Les premières côtes. e. e. Les fécondes côtes. ff. Les troifièmes côtes. g. g. Le trou dans l'aorte. h. h. Les plis de l'aorte. i. i. i. La tunique interne de l'aorte ul- cérée &c comme rongée en quelques endroits. k. L'orifice du tronc commun. 1. L'orifice de la carotide gauche. m. L'orifice de la fouclavière gauche. Planche IV. a. a. a. L'anévrifme vrai de l'aorte , v\*i par fa face antérieure. b. b. b. Le bord de l'aorte déchirée. c. Le petit anévrilme. d. L'artère pulmonaire. e. Le conduit artériel. f. Les veines pulmonaires. g. Le ventricule droit du cœur, h. Le ventricule gauche. i. L'oreillete droite. k. La veine cave fupérieure. 1. Une partie de l'oreillete gauche. m. m. Les poumons, exprimés en paflant. Planche V. a. a. a. L'anévrifme vrai de l'aorte vu par fa face poRérieiae. Jiem. de £'acâû ■ 'Jim/ ■ "ôe iHertiio Cfan\.vi in tt pa^- zoo- ^-'37 'iktj). I jfffl,.^? Lacad^Roy de 'fjcrfiu c 1"'Jj'»\j cMem ■ 'èe SJAcaà ■ J(oy ■ Se ^efÙn, ^^? 39 ■ Xonn ui4' J? 33sr — Item ■ de Mac ad- ,J\.oy. de !Rcrhn ■ ûonv IL in ^°.r>aa. 33 8 Uom- VLin I2paq- 200- .v: i.Jao. m 40. Kitrc ocuipsib ■ -.'•:* ^S'^ ~^^''il- rt'ii^' ^ Hem- û^t' £accu). J'ioy, 2c îBcriin ■ Jr^iire Scttipsit- DES SCIENCES DE BERLIN. b. b. b. Le bord de l'aorte déchirée. i l 'irti,-» „, i ^^^ c. Le tronc commun de la foucJavièrc & k ilr P"'T°""'^- =^!= de la carotide gauche. '°"'''"*''^ '^ f- fl^ «""^ pulmonaire. Îom. A'i//. d. La carotide gauche. L, ^"^ P^"": ''«, ''oreillete gauche. Anne k e. La fouclaviire gauche. """.^^ ventricule gauche du cœia-. , ^^^ f. Le .c anévrii-mal de la Touclavi^re gau. o"" [a%re'caî:; iS;ure. ' ' '" g. L'aorte defcendante. P' P PO^mon droit. h. Le conduit artériel. '" ^^ Poumon gauche. ARTICLE XXIX. T^Tx/F. Ot/.rv..on. .t...omù.o.p.,/,o/o,/,.« /.r /V„y?.r. extraordinaire de /'.&/ .V.f ' " .^°''"' 'I"' Pa'-oi'ïoit avoir je réparai a;ec p2a Ln t IfS^^^^^ '" ''^""^" '^°'"'--'' ne. Cela étant fait, on nW^ut dL'ère T , ' V ''"''"'"' '" P^^'^°^- fluide. Il fallut donc l'enlever S ? membrane aucune matière je trouvai un fï ferSé de to,^' 1°T"^ '''', *^''''^°"^P^^^^^^ cavité du périto ne & comtoféd P^"'' 'J'^'î"^' ^toit contenu dans la avoit au-delà Ze lifne N-f d une membrane propre , dont l'épaifTèur tes .partout/i;ra!;rd;Ï4rrt^^^^^^^^^ ^^t;ïTtlLrss?^^tS;t poconL.ét4l^-Sc:sŒr.^i?5:i-s 140 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ■ yTP épaifïèur de deux lignes. Par en-bas, il couvroit , dans le baffin , la veflîe ioM.Xiy. ^ l'inteftin rcclum , enforte qu'il reilembloit à une membrane tendue fur il N N E E ^^j parties. De-là , il alloit , en montant , au-dellus de la partie gauche du ^75"* colon , à la tunique externe commune duquel il étoit attaché , & il couvroit pareillement les grands vailïëaux qui repofent fur les vertèbres. Par fa di- latation il avoit repoufïè en-haut les productions du péritoine qui fervent à fixer les inteftins dans leur place naturelle , favoir le mezentère & le me- focolon , & les avoit enfoncées , conjointement avec les inteftins , qui y font attachés , dans la profondeur des hypocondres. Je trouvai donc l'intef- tin coecum dans l'hypocondrc droit, au-devant du rein du même côté, fur lequel il étoit poféj &l'ileum, qui s'y étoit tranfverfalement engagé , au-deC- fus de la région ombilicale- Les autres inteftins grêles étoient renfermés dans l'épigaftre , & dans la cavité de l'hypocondrc gauche , au-deffus du fac , qui les foutenoit, ainfî que dans les femmes grolïès ils portent ordinaire- ment fur le fond de l'utérus , qui les fouléve , en fe dilatant. Le fac même s'étendoit jufques fous le cartilage xyphoïde , & les fauiîès cotes. Il étoit adhérent à la portion du péritoine qui tapiiîè les mufcles du bas-ventre dans une étendue égale à la paume de la main , depuis le nombril en tirant vers le haut ; de façon que ni les inteftins , ni le ventricule n'étoient vifibies , quand le fac étpit dilaté. Sa partie fupérieure étoit noire & fphacélée , & l'inférieure , vers le baffin , d'une couleur jaunâtre ; l'inteftin cœcum , qui fe trouvoit au-deffiis, étoit fort dilaté & livide. L'omentum tout entier te- noit au péritoine ; les inteftins avoient confervé leur couleur naturelle. Le foie avoit été tellement repoufle par le fac dans la cavité de l'hypocondrc droit , que le haut de fon lobe droit remontoit jufqu'à la quatrième côte , & qu'il étoit très-caché derrière les bords cartilagineux des côtes qui compofent l'enceinte de l'hypocondrc. Le ventricule , placé dans l'hypocondrc gau- che , remontoit jufqu'à la cinquième côte. En outre , le foie , au-delTiis de l'endroit où l'omentum & la partie trant verfalc du colon formoient une adhérence vicieufe , tenoit auffi par fa fur- face fupérieure , au moyen de plufieurs ligamens contre nature , à la portion du péritoine qui revêt les mufcles qui forment l'épigaftre , & au dia- phragme ; & par fon bord tranchant , il étoit fortement attaché au fac de i'hydropifie. La partie du colon qui forme fa féconde courbure dans le côté gauche , s'élevoit au plus haut de l'hypocondrc du même côté ; & le ventricule placé au-deffus , fe déroboit entièrement à la vue , ayant été réduit par fa contraftion à la forme & au volume d'un des gros boyaux. La ratte avoit perdu de même fa fituation naturelle , ayant été portée plus haut qu'elle ne doit être j & elle étoit adhérente par- tout à la partie poftérieurc de l'hypocondrc dans le baffin. Le bas de l'inteftin lecium , , couvert par le fac , étoit noir & gangreoé. DES SCIENCES DE BERLIN. 341 Les reins gardoient leur fituation naturelle , derrière le fac & le péri- ,!*~" y toine. Les vaillcaux des tefticules étoient variqueux , & les teliiculcs J'^' . ' eux-mêmes fquirreux ^ les poumons adhérens , & réduits à un fort petit ^ ^ ^ volume, mais d'ailleurs fans dureté, ni fuppuration. '75"* Ce qui fcmble le plus rare pé- riences faites dans fes Univerlités , parles plus habiles Médecins, fur l'ino- culation de la petite vérole ; & des loix Ciprefles &. pénales par le/quelles elle a été défendue. Vous y êtes obligé , comme membre de cette Académie; y ne futfit pas que vous foyez défabufé, 11 eft de votre devoir de déuoropet' 5s8 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE L " y,^ ceux , qui , par cette raifon, vous fuppofant bien inftruit , ont été induits ". ■ ■ par vous , ou pourroient l'être , dans une erreur , ou affermis dans une pré- _ vénitien dangereufe. Vous êtes obligé «n même tems de défabufer les nations 7 yO' éclairées de l'Europe, fur un point qui fondcroit un préjugé défavanta- geux contre ma patrie. Je me flatte que vous dépoferezcet hommage, que vous rendrez à la vérité , dans la bibliothèque royale de Paris , dédié in- génieufement à toutes les puiflànces de l'Europe , orné magnifiquement de leurs armes , & duement brodé en or & en argent, pour fervir d'antidote à cet ouvrage très-précieux , que vous prétendez y avoir dépofé , & donné à notre Europe , il y a déjà fix ans , contre l'inoculation , par rapport à la Médecine des Grecs , des Hongrois , & des Prufficns. Votre zèle vous y aura fait avancer , un peu trop légèrement fans doute , quelques petites chofes ; puifque cela vous efi: arrivé dans votre dernière & favante diiîèr- tation , après y avoir penfé pendant lîx ans. Pour ce qui regarde le fond de la queftion même, le fujet eft trop important pour ne pas mériter toute votre attention. Vous devez une réparation formelle à la vérité , & aux hommes illuftres auxquels vous infultcz. Vous la devez à votre patrie ; elle voudroit pouvoir oublier le célèbre Galilée , emprifonné & forcé de fe retrafter. Les hommes Ce paffionnent ; on pourroit lui reprocher de s'oppofer aux progrès de la vérité & de la faine Philofophie. 11 importe peu ■que le vrai fyltême de notre monde planétaire y foit profcrit & condamné 5 les corps célefles n'en fuivent pas moins les loix que la nature leur a im- pofées. Il s'agit ici d'une vérité à laquelle la fociété , & une partie du genre humain , devront leur confervation. J'ai été tenté quelquefois de regarder votre favante diiîèrtation , pleine de vues couvertes , que mes foibles lumières ne démêlent que confufément, comme l'apologie la plus forte de l'inoculation , & comme la fatyre la plus ingénieufe & la plus fine, contre les détraâeurs de cette belle décou- verte ; à moins qu'emporté par une belle ambition , vous ne fuiviez l'e- xemple d'Eroftrate, qui frappé de la beauté du temple d'Ephèfe, le brûla, pour fe faire un nom. La politique la plus adroite & la plus profonde , avec laquelle vous ménagez la Sorbonne , la France , l'Allemagne , l'Italie , & toutes les Puiflànces temporelles & fpirituelles , pour leur faire recevoir la loi en vertu de la robe légiflatrice dont vous êtes décoré , y règne d'un bout à l'autre ; pendant que vous ne paroiflèz citer le grand Hccquct que pour couvrir de ridicule les objeélions puériles , qu'on fait contre l'inoculation. Vous la lui faites anathématifer , parce que : 1°. Elle efl contraire aux vues du Créateur. Eft-ce par infpiration que ce grand homme l'a appris. La raifon , & l'expérience , prouvent que c'eft un des plus grands bienfaits de la Prc/vtdence. DES SCIENCES DE BERLIN. jjç 2°. Elle ne préferve pas de la petite vérole naturelle. Le contraire eft dé- ,r=^ . ■ = montré par des milliers d'expériences. lOM-AlV. 3". Elle ne reffcmhle à rien en Médecine , maii bien plutôt à la magie. ■" ^ N É S C'eft le comble du ridicule. Les ventoufes , les mouches cantharides , ref- ' 7$°« femblent.elles plus aux lavemens & aux purgations que rinoculation ? 4". Elle ejl contraire aux loix. C'eft apparemment de la loi Pruflienne qu'il veut parler. Vous favez , Monfieur , que c'elt un conte ridicule. Vous me paroilTèz rire malicieufement , comme Democrite , du genre humain , auquel vous donnez l'échange bien cruellcinent. Si cela efl , en con- fcience , Monileur , vous auriez dû ménager un peu plus la foiblefle hu- maine , au lieu de la ménager fi habilement pour établir votre réputa- tion , non-feulement dans toute notre Europe , mais encore chez les Bar- bares. Avec le tour adroit & ingénieux que vous donnez à votre lettre , vous auriez pu citer à plus jufte titre , Machiavel & Lucien , dont vous exer- cez les talcns avec tant de fuccès , que celte kirielle de vos confrères , Doéteurs en Médecine, depuis Gu/ien, jufqu'à M. Hecquet , que vous ne citez que par pure complaifance ou par malice , parce qu'ils n'ont jamais fu un mot de l'inoculation , mais connoiflànt le cœur humain , vous aimiez appa- remment mieux cacher & couvrir de la plus rare modeiiie des talens trop fupérieurs , & trop étrangers à votre art , qui au lieu de perfuader , n'au- roient fait que révolter la Faculté & les Barbares que vous voulez policer, Emû , peut-être , & touché de la fureur avec laquelle les peuples de l'Eu- rope s'acharnent à s'entrcgorger fi cruellement , votre compafiîon éclai- rée , fupérieure à nos foiDles vues qui fe bornent à la confervation de l'ef- pèce humaine pour ce i)as monde, voudroit-elle traiter les homme?, com- me Junon traita Cléobis & Hiton , dont elle récompenfa la piété & la tendrefle envers leur mère jiar une mort fubite , & tranquille , pour les dérober aux af- fligions de la vie humaine ? Regardez-vous ceux que la petite vérole enlève comme autant de bienheureux'! Hélas ! vous n'avez peut-être pas tort. Mais avec ces talens fublimes pour la politique , avec ce crédit immenfe que vous avez dans toutes les cours de l'Europe , foycz le médiateur , le pacihcatcur de ces hiiines cruelles ; & permettez l'inoculation. Tous les âges vous béniront , & vous regarderont comme leur bienfaiteur. Mais j'ai tort de vouloir ofer fuivre une imagination féconde , ardente , & forte comme la vôtre. Quel que foit votre but, &. le vrai fens de votre belle diifertation , la franchife de ma na- tion , ennemie de toute fîneHé , m'a ramené à la lettre , & à prendre fe- rieuiement , ce qui n'eft peut-être qu'une pure plaifantcrie. Je ne vous parle pas de nos Médecins , parce que je ne veux pas appé- fentir fur vous le poids de l'autorité Si de l'évidence. Vous vous débattez com- me le pauvre Encelade , accablé de la colère de Jupiter , fou* la malïé énof.. 3t?o MÉMOIRES DE VACADÈMÎE ROYALE ^ " me du mont Etna. La Pruffe a toujours eu , & a actuellement , des Mé- y^'' j ' decins du premier ordre. Les noms deStnal, de GanJclsheim , de Hoffmann, n ^ ^^ Licbcrkiihn , gravés à côté de celui d^Hippocratc d.ins le temple de mémoi- I 7io. fg^ fyj^j connus ik eftimés dans toute l'Europe. Cependant il vous plaît de les envoyer aux Hongrois , Turcs & Barbares. Vous conviendrez , Mon- fieur, que les ElUr , les Cotkcnius , les Mcckd , & d'autres KL'décins d'un mérite dirtingué , qui ont fucccdé à ces hommes célèbres , n'ont pas tort d'en être un peu formalifé ; & vous leur devez une petite explication. Pour moi, je crois que c'efl de la profe toute pure, comme celle du Bourgeois Gcn- tdhommc , qui parloit fans le favoir ; une façon de parler comme l'épithète de Barbares , que vous donnez au relie du genre humain au-delà des Mers, & des Alpes, qui environnent ce païs , qu'habitoit, il y a vingt ficelés , un peuple vertueux , qui foumettoit , & éclairoit le monde par ksScipiom , fes Cdtons , fes Ccfars , fes Ciccrons , fes Virg'dcs , & fes Marc-Aurcles. Mais cela ne regarde ni moi, ni mon fujct; je me contente d'inférer ici une parti- cularité de M. le Confeiller privé ElUr , qu'il m'd apprife quand j'ai fait la lec- ture de cette lettre à l'Académie. Je favois qu'il étoit porté pour l'inocula- tion , & j'aurois pu vous le citer avec le Chevalier Hun/Sioanc ; le même zèle pour le bien , les mêmes talens , & la même étendue de connoiiTances, le caraélèrifent. Il eft Archiatcr, hiot que vous paroilléz avoir en grande vé- nération; & il a vu & traité autant de Rois , Reines , Princes & Princeflfes, que M. Chrijlophorus Zannctd de Papes , Cardinaux , Evêques & Théolo- giens. Ayant rencontré en 1719 a Paris un jeune Médecin, Grec de nation , nommé Caraiia , avec lequel il avoir fait connoiffance à l'Univerfité de Ley- de , qui lui parla de l'inoculation de la petite vérole , pratiquée par une fem- me Theffalienne, à Conftantinople, il ne réfifta pas à la curiofité d'en faire l'expérience fur un pauvre enfant qu'il paya ; & elle réuffit fort bien. L'année lyîi. il inocula à Bernburg , pour fatisfaire la curiofité du Prince , la fille de M. de Beck , Maréchal de la Cour , âgée de fept ans , & un garçon de cinq ans , fils du Sommelier de la Cour , avec le même fuccès. Il fut appelle peu après à Berlin ; tk la cabale étant parvenue à faire tomber dans une efpèce d'oubli cette belle découverte, par des menfonges, & de mauvais fuccès in- ventés, il y renonça ; mais il n'a pas ceifé d'en être toujours le promoteur le plus zélé. M. Ludolff, Médecin des armées du Roi, de beaucoup de réputa- tion , animé par lui , a fait , peu avant la guerre , des expériences fur l'inocula- tion dans le grand Hôpital de Berlin , qui ont eu beaucoup de fuccès. Ci^- yez-vous , Monfieur , qu'il y eût des gens aiïèz imbécilles ou méchans pour foutenir que ces enfans inoculés n'avoient que la galle , parce qu'ils n'a- voient pas été couverts de boutons depuis les pieds jufqu'à la tête ? Le beau recueil que celui des objeftions ridicules , des abfurdités , des menfonges , des impoftures , que l'atçachement à l'erreur & aux préjugés , la vanité DES SCIENCES DE BERLIN. 361 ■ii la jaloufie , ont oppofés à la découverte la plus belle , la plus utile == au genre humain ! Quel jugement la poftérité portera-t-elle fur le caraftère .^'^' ^"' & les lumières de notre ficclc ! A n s EB Je fuis perfuadc de votre candeur, de vos bonnes intentions , & de vo- ^75°' tre zèle pour le bien. Ce font ces mêmes fentimens , l'amour de la vé- rité , l'envie de la faire connoître , d'être utile à la patrie & aux hom- tnes , qui m'ont déterminé à vous répondre. Je me flatte que vous rece- vrez ma réponfe , comme une marque de la confidération , & de l'elU- me avec laquelle j'ai l'honneur d'être , &c. S^' ■ = îAMZ^i^;— = y^ ARTICLE XXXI. Examen chimique d'une mine d'Argent lamellcufe , ou d'une efpece de Liège minéral qu'on trouve , quoiqu'en tris-petite quantité , dans Us mines de Dorothée 6" Caroline , fur le haut Hart^. Par M. L E H M A /S' N. Traduit Je l'Allemand. IL feroit à-peu-près impoffible de faire une énumération exaûe de tou- tes les manières différentes que la nature emploie pour minéralifer les métaux dans leurs mines , & de toutes les formes variées fous lefqueiles elle nous les préfente. Il efl à la vérité déraifonnabic de multiplier les eC pèces fans néceflité , & de répandre , en inventant de nouveaux noms , de nouveaux embarras dans la minéralogie , qui n'cft déjà que trop difficile par elle-même. Cependant il n'efl: pas toujours poffible d'éviter cet inconvé- nient , & il ne peut même qu'aller en augmentant , piiifqu'on découvre prêt que d'année en année de nouveaux mélanges de matières minérales , qu'on n'avoit point connus auparavant , & qu'il faut tâcher de rapporter à quel- qu'une des clafTés déjà reçues. Le mineur , qui ne fe met en peine que de la manière dont il peut venir à bout de tirer du fein de la terre les miniè- res qu'elle renferme , efl pour l'ordinaire content , quand celle qu'il vient de détacher a de l'éclat & de la pefanteur. S'il lui tombe fous la main quelque chofe d'inconnu , & qui lui paroilTè mériter une attention parti- culière , il le montre à ceux qui font prépofés à fon travail ; mais ceux-ci n'ont guères d'autre expédient , que de mettre la mafiè à l'épreuve. Si le produit en efl: avantageux , elle efl réputée bonne , & la minière nouvelle- ment découverte reçoit un nom, fondé communément fur la reffèmblance avec d'autres minières connues. Je ne m'arrêterai point à rapporter ici plu- fieurs exemples de cet ordre j on connoît affez toutes les minières diftcren- Tome II. Z z 36i MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE )jr^ ■; tes dont les noms (*) ont été déduits du rapport qu'elles paroiffent avoir J OM. . . ^^g^ j^ ^^jjj- ^ jg j^ viande , du cuir , du lin , du papier , du liège , &c. J'ai- yi N N h t ^j^g mieux décrire ici une efpèce de minière d'argent d'un ordre particu- î 7 5 a. jjgj. ^ ^ j'ui^ produit aflèz riche , qui fe préfente fort rarement , & qui , au- tant que je puis le favoir , n'a encore été trouvée que dans la fameufe mine de Cidujlhiil dans le Harti fupérieur , qui porte le nom de Dorothée ij Ca- roline. Elle y a été appellée Blatter-Ertit , ou Bcrg-Zunder , comme qui diroit minière en feuilles , ou amorce minérale. Pour commencer par l'hiftoire de ce minéral , il y a plus de vingt ans que la découverte en a été faite dans la mine de Dorothée ; & ce fut le défunt Dofteur Priichmann , grand fabricateur de nouveaux noms, qui m'envoya cette matière , il y a plus de quinze ans , fous le nom de Bergiunder. Peu de mois après , il me fît encore un autre envoi de la même matière , & il l'appelloit minière mercuriellc. Les chofes en demeurèrent là jufqu'au tems où j'allai moi-même vifiter le Harti , & me rendis en particulier à Clauf- thal. Je trouvai alors cette minière déiîgnée par le nom de blatter- Erti , en partie dans ces deux mines, en les vilîtant , en partie dans l'endroit où l'on fépare les minières de parties hétérogènes avec le marteau , & auffi dans les collerions de quelques amis. Comme on ne trouve pas cette ma- tière en fort grande abondance , & qu'elle eft avec cela fort légère , il me fut aflèz difficile , avec le fecours de mes amis , d'en raflembler quelques onces ( & ce ne fut pas fans frais J. C'eft cette petite provifion qui m'a mis en état de faire les expériences dont je vais rendre compte- Un hom- me très-verfé dans la Minéralogie , & qui eft Receveur royal & éleâoral des dixmes des mines , M. Schlemm , eut en même tems la bonté de me faire préfent d'un échantillon curieux de cette minière , qui mérite que j'en fafïè ici la defcription. Elleeft du poids d'environ deux livres , & confilte dans un mélange de quarti, de fiujf-fpath , ôi de Spath calcaire, dont une partie s'eft unie folidement , & l'autre eft plutôt criftallifé ; à quoi fe trouvent jointes diverfes autres matières minérales tenant du plomb , du foufre & du cuivre , dont les unes font cubiques , tandis que les autres font com- me pénétrées & fondues enfemble. C'eft fur cette efpèce de pierre , & fur les minéraux qui s'y trouvent mê- lés en partie , que repofe notre minière en feuilles , tout-à-fait friable , enforte qu'on peut aifément la détacher avec les doigts , & en partie entremêlée & éparfe dans les cavités de cette pierre. Cette minière en feuilles peut donc être définie , une efpèce de mine contenant de l'argent , friable , d'un rouge obfcur , flexible , légère , furniigeant au-dcffus de Veau , colorant les doigts, confiflant en petites feuilles très-minces, qui repofent les unes fur les autres , mêlée d'un faffran de fer talqueux tirant au rouge , avec diverfes particules (*3 En allemand , Bergtakk, Bergfiachjf, Birificifch , Berghoik , Beripapitr , Bcrgltdfr , &C.. DES SCIENCES DE BERLIN. ^6} AéUces de fpath , de quarti & de galène , &c. répandues entre ces feuilles , YÔm~\ÏV. comme fi elles en avaient été arrofées. A N N f' S Il paroît par cette tlefcription que le nom impofé à cette matière étoit , -rj^g en ert'et celui qui lui convenoit le mieux , au moins celui de Blatter- LVfff. Car , pour celui de Berg-Zunder , je ne trouve d'autre reflèmblance entre cette minière & de l'amorce , finon que l'une & l'autre font fort lé- gères , qu'en les expofant à la chandelle elles fe confument , & qu'elles colorent les doigts. Car , quand on fait attention à leur ftrufture particu. lière , la relïémblancc s'évanouit; à quoi il faut ajouter qu'avec quelque force qu'on batte du feu au-deflùs de cette matière , il n'y prend point , & qu'en la brûlant , elle ne fe réduit pas en cendres. On la rencontre dans le creux des mines , pofée fur d'autres minières; par exemple, fur la Galène, où la mine de plomb compare ( Bkifchwcig ) , fur le quart^ , le fpath , le marcajjite de foufre , & d'autres pierres pareilles à celles dont j'ai donné çi-dellùs la defcription ; & ces feuilles légères femblent s'être attachées au- deiïùs des endroits où repofent ces couches minérales ou pierreufes. Je ne fâche pas d'ailleurs que perfonne ait encore entrepris de les décri- re , ôc d'en faire l'objet de fes recherches. Je devrois peut-être commencer par rapporter cette matière à une claffè déterminée ; mais je fuis obligé d'avouer que la chofe n'eft guères faifa- ble , vu la différence qui fe trouve entr'clle & toutes les autres minières d'argent connues. Il y a plutôt deux efpèces pierreufes, avec lefquelles elle auroit un plus grand rapport j ce font celles qu'on nomme liège minéral , & papier minéral , ou bien le tin cuir minéral , dont parle U'allerius. A la cou- leur près , la relfemblance avec ce dernier eit afféz grande y ce font éga- lement des fueiUes déliées qui repofent les unes fur les autres , & parmi lef- quelles fe trouvent difperfces des particules de fpath , & de quart^. Mais comme le fin cuir minéral ne fond pas de lui-même au feu , cela fait déjà une différence des plus notables , & qui ne permet plus de rapporter le miné- ral en feuilles à cette cfpèce. A l'égard du liège minéral , notre matière lui reflêmblc en ce que l'un & l'autre fe fondent par eux-mêmes à un feu mé- diocre en une malîé noire , comme il a déjà été obfervé par le célèbre Henc- lel , p. 396. de fes petits Ecrits minéralogiques , & par M. U'allerius^ p. 191. de (or\ Régne minéral , en parlant du liège minéral de Dannemor. Mais nous nous retrouvons arrêtés ici par la contexture de nos feuilles , fans compter que jufqu'à préfent on n'a point encore trouvé que le liège minéral contint de métal. Néanmoins comme les couleurs font une chofe contingente, qu'on peut en dire autant du tilTu irrégulier des fibres du liège minéral , auffi-bien que de toutes les figures différentes des produâions criftallincs , & même qu'il n'cft pas efféntiel à ces matières de contenir du métal , comme le font les autres matières métalliques, je ferois porté à croire que notre ml- Zz ij 364 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE "t \'Îv "'^"^^ ^" feuilles , vu la conformité qu'elle fait paroître au feu avec le liège i OM. AU . pp,;p^j.3i ^ pgm ^jre rangée fous cette efpèce de concrétion pierreufe. Mais ANNEE qy^iies font à préfent les parties conftituantes de cette minière ? ^7 S"' Avant que d'entrer dans le détail des expériences qui répandent du jour fur cette queftion , il efl à propos de rapporter quels font les préparatifs dont je les ai faits précéder. On a déjà vu ci-defTus que ce n'étoit qu'avec beaucoup de peine , à grands fraix , & en implorant l'affiftance de mes amis , que j'avois pu parvenir à en acquérir quelques onces : encore étoient- elles fort mêlées de quartz , de fpath , de cailloux , & d'autres matières fcra- blables. Je commençai par féparer les pièces les plus confidérables de cette matière avec beaucojjp de foin. Je pris enfuite de l'eau diftillée , où je jettai tout le refle , & le lavai , afin d'en féparer toutes les parties étrangères qui. fe précipitèrent au fonds \, & de cette manière je parvins à n'avoir que du minéral en feuilles tout pur , que je fis fécher , pour l'employer dans mes expériences. Il n'y avoit pourtant pas eu moyen de féparer par cette voie, toutes les particules déliées qui fe trouvoient répandues entre les fueillesv L'eau ne caufa la folution d'aucune partie de cette matière j feulement elle la rendit toute fort molle , & comme bourbeufe. Mais après le deilëchement elle fe réunit , & prit une confilfance fort folide. Voici préfentement le détail des travaux auxquels je l'ai foumife. Je commençai par la fublimation. Je mis pour cet effet un fcrupule de cette minière dans une retorte de verre garnie , & l'expofai à un feu décou- vert , que je continuai jufqu'à fondre la retorte. 11 n'en réfulta qu'une trace fort foible de foufre , & rien du tout n'avoit pafïè dans le récipient. Quoique le feu n'eût pas duré au-delà de trois quarts-d'heure , cette minière s'étoit pourtant fondue , & attachée au fonds de la retorte en une mafTé noire de î'efpèce des fcories , qui en la rompant parut brillante & métallique , comme on la voit dans les mines à demi fondues dans les fonderies. Un fcrupule de cette minière avec deux fcrupules d'arfenic blanc crifiallin, traité de la manière précédente , n'a rien fait paiTèr dans le récipient. L'ar- fenic s'étoit fublimé de couleur d'orange , avec une odeur très-forte de foufre \, & la minière , comme dans l'expérience précédente , s'étoit fon- due enfemble au fonds en une mafTe tout-à-fait femblable à celle dont il a été fait mention. Cette minière avec du falmiac purifié , parties égales , favoir , un fcru- pule de chacun , ne fe dégagèrent point de leur urineux pendant qu'on les bro- yoit enfemble ; mais durant la fublimation , il y eut environ deux grains de fel volatil urineux fec qui pafïèrent par-deflbs. Le reffe du fublimé étoit de couleur d'orange , avec un peu de fublimé blanc 5 mais la minière s'étoit fondue dans la retorte , tout comme dans les deux expériences déjà rap- portées. cpc d'abord. Les expériences dont je viens de rendre compte , me firent voir que cette minière étoit très-aifée à fondre. Je pouflai donc plus loin mes travaux , pour me mettre exadtemcnt au fait de ce qu'elle contenoit de métallique. Four cet etiet , j'en péfai exactement deux dragmes , je les pilai dans un mor- tier de verre bien net , & les mis enfuite fur un beau tét d'épreuve neuf, que je couvris avec un autre. Après cela je plaçai le tout dans un fourneau d'épreuve fous une mouffle , je donnai tout doucement le feu , & je l'aug- mentai infenliblcment , jufqu'à ce que j'eus apperçu que mon tét s'cmbrafoit extérieurement , & que les particules déliées dcfpath répandues fur la mi- nière ne rendoient plus de pétillement. J'ôtai alors le tèt de deflijs , & me mis à remuer la minière tout de fuite. Cette précaution étoit indifpenfablement néceilàire j car , li j'avois donné la chaleur trop vite , fans remuer conti- nuellement , rien n'eft plus certain que cette minière , fi aifée à fondre par elle-même , fe feroit réunie en un clin d'œil en une mafïé , & que par-là tout mon travail auroit été à pure perte; fans compter qu'avec une provifion auffi petite que la mienne , j'aurois eu tort de négliger des eflàis où il en en- troit un demi-lot. Tendant que cela grilloit , je levois de tems en tems le têt, & je remarquois une forte odeur de foufre ; la minière au commence- ment devint jaune , & à la fin , quand tout fut entièrement calciné , elle pa- roifloit d'un gris de cendre. Malgré mon attention à remuer continuelle- ment, elle s'étoit pourtant un peu fondue enfemble , mais on ne laifloit pas de pouvoir la broyer fort aifément dans un mortier de verre : après quoi elle pefoit encore une dragme , deux fcrupules & demi , de forte que toute la manœuvre avoit caufé un demi-fcrupule de déchet. Je pris de cette mi- nière ainfi calcinée une dragme , où un quintal d'effai , que je mêlai avec huit dragmos de grains de plomb ; je remis le tout fur un têt bien net dans le fourneau d'épreuve , afin de l'y faire bouillir convenablement. Mais , quel- ques foins & quelques peines que j'y apportafTe , cette matière demeura long-tems fans vouloir fe mêler & entrer en flux ; feulement le plomb pouf- fé au feu çhaffoit principalement la minière vers le bord , ce qui venoit de ce faft'ran de fer tenant du talc qui s'y trouve , comme nous le verrons mieux plus bas. Cependant , à force de remuer avec un crochet ardent , & d'aug- menter la chaleur , j'amenai les chofes au point que la minière entrât dans le plomb , mais fans une véritable réunion , & feulement en morceaux. J'y ajoutai encore 4 dragmes des mêmes grains de plomb , je donnai le feu , Année ^6& MÉMOIRES DE VACADEMIE ROYALE Si cela fit une fufîon claire , déliée , & dans laquelle la minière avoit fort bien pénétré le plomb. Je laiflài refroidir le têt , & charger la fufion de fcories , que je verfai dehors , & j'obtins neuf dragmes de plomb bien fondu. Les fco- ^75°' j-jgj étoieiit d'un brun très-foncé. Je pris de nouveau ce plomb fondu , & le mis pièce à pièce fur une coupelle bien embrafée, je les pouffai , & je trouvai après avoir déduit l'argent qui avoit été caché dans le plomb granulé , que cette minière contenoit i 5 lots & un fcrupule d'argent pur par quintal ; mais , ayant voulu efteftucr une nouvelle féparation par l'acide du nitre , je n'apperçus aucun indice d'or. La quantité d'argent contenu dans cette mi- nière que je viens d'exprimer , méritoit fans contredit une attention particu- lière. A préfent, on demandera s'il faut l'attribuer à la minière même, ou aux particules de galène de plomb qui fe trouvent répandues entre les feuilles , & qu'on ne peut venir à bout d'en féparer même en les lavant ? Je fuis aC- furé que c'efl: de la minière même que cela procède. Car, premièrement , il y avoit fi peu de cette galène déliée fur les feuilles , que cela ne fuffifoit pas pour faire aller d'abord la minière au fond de l'eau. En fécond lieu, ce n'étoit que la pure galène ; & l'on fait que c'eft bien tout fi elle donne 43$ lots d'argent au quintal. Troifîèmement , on ne pouvoit remarquer , ni dans la minière même , ni tout à l'entour, aucuns indices d'un métal noble. J'avois en quatrième lieu , fi bien choifi & fi exaftement lavé ma minière au- paravant , qu'il ne pouvoit aflùrément y être refté que très-peu de matière étrangère ; d'où il s'enfuit que ce grain confidcrable d'argent doit être le pro- duit des feuilles mêmes de la minière. Mais ce qui m'a encore plus convain- cu , que ces feuilles étoient réellement la matrice de l'argent fufdit , c'eft l'épreuve à laquelle je les ai foumifes par le moyen des acides difïblvansj on y voit manifeftement qu'il n'exifte point d'argent natif dans notre minière. Il eft à propos , ce me femble , que je rapporte ici ces épreuves en peu de mots. Je pris un fcrupule de minière fur lequel je verfai une dragme & demie d'acide de falpétre net. Ce mélange fe mit fur le champ à bruire avec force, il en fortit des vapeurs , & il s'éleva dans le verre. Au bout d'environ fis minutes, le bruit ceffa , & il ne fembloit pas que la foiution dût aller plus loin ; mais , quand elle eut paffé une nuit dans la digeftion la plus douce, le matin la plus grande partie fe trouva difibute , & il ne reftoit rien au fond qu'une terre déliée blanche, qui, après l'écoulement de la liqueur, & le defféchement , pefoit 8 grains. Ce ne pouvoit être une terre alcaline -, cac autrement elle fe feroit diffoute dans l'acide du falpétre. Si ç'avoit été une pure terre félénitique, elle n'auroit pas manqué de fe diffoudre, lorfque j'en ai fait bouillir pendant long-tems & avec force deux grains dans une on- ce d'eau diftillée bien nette; & avec l'huile de tartre par défaillance elle ■juroit dû fe précipiter comme une terre calcaire , ce qu'elle n'a pas fait. DES SCIENCES DE BERLIN. 367 Ce n'étoit point non plus de l'argent diflbus &. précipité comme une lune. ~^m^ cornue ; car, premièrement, l'argent, du moins autant que j'ai pu l'obfer- ^^' ' ver , n'eil pas engagé auffi profondément dans cette minière ; en fécond '^ ^ ^ ^ -^ Leu , mon acide de nitre étoit certainement pur , & fans aucun acide de '75°* fel commun j troifièmement , cette terre demeuroit d'un beau blanc , mê- me en plein air , au lieu que l'argent cornu a coutume de devenir bleuâtre en un inftant. En un mot, c'étoit une terre déliée argillcufe , formée par le mélange d'une quantité de talc blanc avec du quartz délié j & c'eft là-dedans qu'on trouve , après les eilàis indiqués , l'argent qui y eft contenu. La même minière avec de l'eau régale faite de fept parties d'acide du ni- tre & d'une partie de fel ammoniac dépuré, ofirit à tous égards les mêmes phénomènes. Après que j'eus féparé par la filtration ces deux acides des terres blanches lufdites , l'alcali ne vint à bout d'en précipiter qu'une très-pe- tite quantité de particules de fer de couleur jaune ; & en verfant fur l'une & l'autre de la leffive de fang , elles devinrent d'un beau bleu. L'huile de vitriol attaqua en un infiant cette minière avec violence , & caufa une odeur défagreable , fort refîemblante à celle du foie de foufre , ce qui venoit fans doute des particules déliées de fpath calcaire répandues fur la minière en feuilles. Cependant ces deux phénomènes cefîèrent bien- tôt ; & bien que j'eulfè verfé defïiis encore trois parties d'eau diftillée , & que je les eufïè mifes enfuite à une digeflion convenable , je ne trouvai pourtant par la précipitation avec un alcali , rien qu'une quantité extrême- ment petite de cette terre blanche friable , qui ne peut être qu'une terre cal- caire déliée difïbute , ou une terre d'alun ; mais il y en avoit û peu qu'il étoit impollible de la foumettre à aucunes épreuves. De l'huile de tartre par défaillance très-nette , verfée fur cette terre , & mife en digeftion fur un fucrier de verre bien couvert , n'attaqua point non plus la minière ; & api es la riltration & la criftallifation , on n'apperçut que quelques criltaux de tartre vitriolé , qui peuvent aifément être le pro- duit des particules déliées de marcaffites de foufre répandues entre les feuilles. Une leffive d'alcali cauflique , que je prépare de deux parties de fel de tar- tre , & d'une partie de chaux vive , ayant été dilTbutes dans trois parties d'eau dillillée , & verfée fur cette minière , elle fe troubla à la vérité un peu , mais il ne parut pas que la minière en fut confidérablement atta- quée. Ainfi je mis le tout à digérer fur un fourneau chaud , & après l'y avoir laiiTè trois jours , je le tiitrai. La minière ne parut avoir foufFert aucun changement, ni dans fa couleur, ni dans fa texture , excepté qu'cilc s'étoit gonflée , & étoit devenue plus gluante. Après trois fois 24 heures de digeftion fur un fourneau chaud jour & nuit , cette minière fe montra à la vérité encore inaltérable dans fa for^ 3«§ MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE T ' 'viv '"^ ' "^^'^ ^°''' '"^''"''^ ^" bouillie, & toute fa furface étoit couverte Je criC j,"^^' 1 ta"'' tle tartre vitriolé , étroitement unis enfemble. Je les féparai , autant ^ ^ Q^ qu'il étoit poffible , je trouvai un fcrupule qui ctoit le produit d'une '75o> dragme de minière avec une once de cette leffive. Que perfonne ne croie qu'une auffi grande quantité d'acide vitriolique ait pu être attirée de l'air dans cette leflive alcaline j dans un efpace de tems auffi court , la chofe n'eft pas poffible; mais cette leffive a réellement diffous quelque quantité de la matière de marcaffite de foufre contenue dans la minière , & s'efl: char- gée d'une portion de fon acide vitriolique. Ayant encore fait une digeftion de trois jours avec une femblable leffive fur un fourneau chaud , & y ayant fait fuccéder la filtration , je voulus précipiter la liqueur filtrée avec du vi- naigre diftillé de l'acide du nitre , &c. mais il ne fe précipita rien. Lorfque j'eus fait enfuite évaporer une partie de cette liqueur filtrée , il ne fe fit point non plus de criflallifation ; d'où il s'enfuit que cette forte leffive alca- line ne s'étoit imprégnée que de quelques particules vitrioliques. L'efprit de fel ammoniac n'eut pas plus de force fur cette minière , & il ne l'attaqua point du tout. Il en fut de la terre calcinée fous la mouffle comme de la terre crue avec les diflblvans acides , c'eft-à-dire , qu'elle commença par bruire une cou- ple de minutes , & que fa folution extraite par l'acide du vitriol fe précipita avec la leffive de fang en une couleur d'outremer admirable ; tandis que la folution par l'acide du nitre fe précipite d'un bleu foncé , & que celle par l'acide du fel eft jaunâtre. L'huile de tartre par défaillance précipita un peu de terre friable blanche de l'extraftion par l'acide vitriolique. L'huile de tartre précipita de celle qui avoit été faite par l'acide du fel , quelque chofe qui étoit d'un gris de cendre foncé , & qui , après la filtra- tion , l'édulcoration & le defféchement , parut d'un bleu fale ; & ce n'étoit autre chofe que du fer précipité par l'alcali qu'on avoit continué à verfer defifiis. Mais , après un entier deflechement , cela paroifïbit d'un blanc jaunâtre. De l'acide du falpètre il fe précipita une pouffière blanche friable par l'af- fufion d'un alcali. Je n'eus pas befoin de procéder à la vitrification de cette minière , puit qu'elle avoit déjà montré fon verre femblable à du recrément de fer , lorf- que je l'avois réduite en fcories avec le plomb. Mais ce que je fis encore , ce fut de faire cuire cette terre calcinée en y mêlant un peu d'eau , & de la faire fécher , comme on a coutume de le faire avec une argille doucement calcinée. Tel eft donc le petit nombre d'efiàis que j'ai pu faire fur cette minière d'argent , qui n'eft pas encore bien connue j le la mince proviiîon que j'en DES SCIENCES DE BERLIN. jfîg j'en avois , ne m'a pas permis d'aller plus loin. Il réfulte néanmoins avec ,. y^ alTèz d'évidence de tout ce que j'ai rapporté ; que , cette minière ejl com- . ' ' , ' pofce ifune terre argilleufe délice , mêlée avec ce qu'on nomme faffran de g mars talqueux , & avec dufoufre ; de façon que ces différentes matières réu- ' nies s'arrangent en feuilles pofées les unes fur les autres , &■ qu'entre ces feuilles il fe répand des particules déliées de marcafjites de foufre , de plomb y de chaux ij de flux de fpath , avec quelque peu de quart^ ; cette minière étant comme une matrice qui reçoit l'imprégnation métallique de l'argent. Ce font-là en effet les différentes obfervations que j'ai eu lieu de faire dans les elîàis dont jai rendu compte jufqu'ici. La terre argilleufe fe manifeffe fenfîblement , par la manière dont cette minière en forme crue s'amollit dans l'eau , tient enfemble, & prend une forte conliliance en féchant. On peut même ajouter que cette terre blanche qu'on en fépare par l'eau régale & l'acide du falpêtre fe montre réelle- ment en partie comme une terre argilleufe blanche pure. On découvre [efiffran de fer ^ en partie dans cette terre blanche tenant du talc, qui fe trouve fous la terre blanche, & qui fe précipite auffi de rcxtradio'i de cette terre calcinée avec l'acide du falpêtre par le moyen de l'acide du fel commun. La couleur même de cette minière reflémble tout- à-fait à celle du faffran de fer ; les doigts en font colorés tout de même; & quand on en fépare le fer , elle demeure comme un talc délié blanc ; fans compter qu'en général elle eft fort commune dans toute cette contrée de montagnes. Les indices au foufre exiftent dans la fublimation de cette minière , tant par elle-même qu'avec le mercure fublimé , l'arfenic , &c. ou même Am- plement par l'odeur qu'elle rend lorfqu'on la brûle à la chandelle. Mais cette odeur eft fur-tout extrêmement forte lorfqu'on fait calciner la minière fous une mouffle. Les petites particules de marcaffite répandues entre les fueilles , s'ap- perçoivent au microfcope. On y voit aufli le fpath calcaire , qui fe manifefte outre cela par le bruif- fement avec les acides , & par le précipité qui en tombe au moyen d'un alcali. Le fpath fufihle eft encore très-fcnfible au microfcope , & on ne le voit pas moins diftinftement dans la terre blanche , qu'on obtient par le moyen de l'acide du nitre, & de l'eau régaie. Il fe montre auffi fuffifammept par le pétillement qui fe fait entendre, lorfque la minière commence à griller. On obferve en même tems la petite quantité de quarti qui s'y trouve , & qui" ne s'altère pas dans ce feu médiocre. La galène de plomb faute en quelque forte aux yeux dans le microf- cope. Tom, II, Aaa 370 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE r^^^^^T Et quant à la préfence de Yargent contenu dans la minière, le produit loM.All. g|^ fgjj fQJ d'une manière inconteflable. /î N ^ '^^ L'énumération de ces parties conflituantes de notre minière ainfî jufli- ^75"- fiée, fert encore à prouver fans réplique, pourquoi à un feu modéré- elle fe convertit en une efpèce de métal à demi fondu ( Stdn), Tout métal à demi fondu , ce qu'on nomme pierre de fcnule , elt un compofé de mi- nière , de marcaffites , & de terre alcaline , fondus enfcmble , & qui for- ment une maflè en apparence à demi métallique -, & c'efl ce qui ne manque- point d'arriver à notre minière , toutes les fois qu'on la travaille tant par elle-même qu'avec des fels moyens , parce que la nature y a déjà mis tout le mélange qui efi: requis pour la produâion de la pierre de fonde. Je pourrois aifément terminer ici ce Mémoire ; mais je demande lapermlf- fion d'ajoutei: encore en deux mots mes idées fur la génération de cette minière.. C'efl: une chofe connue qu'à l'égard d'un grand nombre d'effets naturels, mais fur-tout prefque dans tous ceux qui appartiennent au règne minéral , on ne. fauroit former de conclufions qu'à pojleriori , c'eft.à-dire , après avoir ap- pris à connoître les corps en les décompofant, & en les réduifant à leurs par- ties conflituantes. Or , j'ai commencé par remarquer que notre minière ne fe trouve que fur les cavités des mines & dans des endroits pierreux. Je foup-> çonne donc que l'eau qui coule fous terre diflbut cette terre argilleufe dé- liée , dont il y a toujours une bonne quantité dans les mines , & qu'elle la charrie infenfîblement au - defliis de ces cavités. Les autres matières indi- quées ci-defïùs , particules de marcaffites, de foufre , de fpath , de quartz, èic. s'introduifent enfuitc dans cette minière tandis qu'elle fe forme , ou s'y attachent après fa formation. Sur cette première couche argilleufe mince , il s'en arrange dans la fuite une nouvelle de la -même manière , & cela forme fucceffive- ment les feuilles de cette minière. Dans la fuite , ou peut-être en même tems , les exhalaifons métalliques qui s'élèvent de defîbus terre , auront im- prégné ces feuilles d'argent , & en auront fait une matrice auffi riche de ce métat; à quoi la galène du plomb pourra auffi avoir contribué en quel- que chofe , quoique très-modiquement. Ce ne font là cependant que des conjectures qui ne palTent pas les bornes de la vraifemblance , & qu'il faut par conféquent bien fe garder de donner pour des vérités démontrées ; car il demeure toujours iriconteftable , qu'aucun efprit créé ne fauroit péné- trer dans l'intérieur de la nature , & que nous fommes trop hcureus quand nous pouvons en bien voir l'écorce. DES SCIENCES DE BERLIN. -371 g^=;«=!^==~.===j>>s;>» ■- =^-Jgg ToM. XIV. ARTICLE XXXII. A^sbe Remarques abrégées fur qucLiues traces de conformité entre Us corps Ja -régne végétal S" ceux du régne animal. Par M. Gleditsch. TrjJuit Je l'Allerr.jr.J, TOus les corps du régne végétal font naturellement affiijettis à une loi invariable , félon laquelle dans un tems déterminé , & iorfqu'ils ont atteint une certaine maturité , ils portent d'abord des fleurs , & eniuite des fémences fécondes , par lefquclles ils confervent & propagent leurs efpèces fans interruption. Que les chofes fe paflbnt eftectivement ainfi , & même que le but principal de leur deftination le demande , c'eft ce que la raifon & l'expérience dépofent de concert. Suivant cela , il ne doit exifter aucune produâion végétale qui ne foit foumife à cet ordre , quoique dans les ïîécles antérieurs , divers Phyficiens aient con^u les chofes d'une manière toute oppofée , mais fans la moindre ombre de fondement. Toute plante eft pourvue d'un œil , ou bouton à fruit , c'eft-à-dire, d'une partie dans laquelle font aâucUement contenus les linéamcns , mais d'une délicateffe qui les rend imperceptibles , de toutes les parties qui conftituent les fleurs & les fruits ; & cet oeil , ou bouton , fuivant la diftérence de l'ef- pèce , fe trouve tantôt dans un oignon , ou cayeu , tantôt dans un re- jettoa , quelquefois dans la tige , d'autres fois fur les branches , ou prcfque dans toute autre partie de la plante. Mais il ne fe manifefle jamais qu'après la formation de cette partie principale de la plante où il fe trouve ; c'eft pro- prement par fa production & par fon développement que fe termine alors l'accroilïcment fucceflîf de la plante, laquelle fans cela auroit naturellement continué à croître annuellement , jufqu'au tems où elle auroit enfin poulie des fleurs ôi porté des fémences. Quand l'accroilTement de cette dernière & unique partie des plantes vient à celTcr , ou les fémences exiftent déjà , ou , ce qui revient au même , il s'eft formé dans d'autres lieux & dans d'autres parties de nouveaux yeux. Ici , comme on le fait , les animaux s'écartent des végétaux, puifque, à très-peu d'exceptions près , ils fuivent la route confiante de la multiplication & de la propagation par les œufs. Le fruit cft toujours une fuite de la fleur, & celle-ci n'eft deftince qu'à le préparer : ainlî chaque plante propage & conferve fon efpèce , au mo- yen de fes parties cflèntielles , c'eft-à-dire des fémences rendues fécondes. Aaa ij 37» MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE rp y, y En conféquence de cet arrangement prefcrit par la nature, toutes les plan- ^ * - * tes peuvent & doivent fe propager conftamment & invariablement , juf- p 'JLi'à ce que le moyen de le faire vienne à cefïèr entièrement en elles. Dans un ' •* ■ très-grand nombre la propagation naturelle fe fait comme dans les animaux, fimplement & uniquement par leurs fémences, ou les œufs, fans qu'aucune autre voie fe joigne à celle-là. Mais il y a auffi quantité de plantes qui ont le pouvoir de fe multiplier de plus d'une manière, & avec un égal fuccès par des voies différentes. Chte diverfité de moyens , plus ou moins nombreux , de multiplication , n'empêche pas qu'il ne refle un beaucoup plus grand nom- bre d'efpèces à qui la nature n'a accordé qu'une feule voie de propaga- tioii , favoir celle des fémences ; les cas tout-à-fait extraordinaires qui dé- rogent à cette loi , ne font que des variations aflèz rares. Une chofe qui eft auffi fuffifamment connue , c'eft que plufieurs plantes qui tirent leur origine des fémences , multiplient encore leurs efpèces auffi avantageufement par les racines, les cayeux , les oignons, les tiges, les branches , les rejcttons , foit du tronc , foit de la racine , les feuilles même & l'écorce. Mais toutes ces multiplications dérivent du même principe , & par-là même ne différent point de celle qui vient des fémences , à quel- que partie de la plante que l'opération foit d'ailleurs attachée ; car pour qu'une fcmblahle partie devienne un principe de multiplication , il faut, ou qu'un œil parfait s'y foit déjà trouvé contenu , ou qu'il y ait dans fa moelle dequoi effeduer la génération & l'entière formation qui doit s'enfui- yre d'une jeune plante qui y efl cachée. Quand mêmç on rencontreroit, à cet égard , quelques exceptions , réelles ou apparentes , elles ne fauroient être d'une grande importance ; & fi elles ont lieu dans certaines efpèces , ou claflès particulières , qui n'ont pas encore été fuffifamment obfervées , on n'eft pas en droit d'en tirer aucune conféquence abfolue & générale. Ainfî cette différence entre les plantes ,qui, en reftraignant les unes à une feule voie de multiplication , tandis qu'elle en accorde à d'autres de plus nombreufes , pourroit avoir à nos yeux un air de fuperfluité , eft telle- ment réglée qu'il n'y a pas une feule de toutes ces efpèces de multiplica- tion , quelque grande qu'en foit la quantité , qui fafïè difparoître la propagation primordiale & générale des plantes par les fémences , qui demeure toujours la plus certaine & la plus confhnte. Cependant la forte de propagation qu'on obferve, tantôt dans une plante individuelle , tantôt dans une efpèce entière , peut bien être regardée com- me la plus certaine dans un cas donné , & la plus avantageufe relative- ment à nos vues ; mais alors le principe d'où l'on part tient toujours à des chofes purement contingentes & à des circonftances particulières , qui font hors de la plante même. Mais tant qu'il ne s'agit que d'arriver au but principal , toutes les efpèces de propagation font à-peu-près équiva- lentes. TABLE SYNOPTIQUE. EJUX TRÈS-PURES QUI TOMBENT DE U A I R, CenrmcfuTJ'eau de pluye, cor.îiennent dr. I. gr.LX.de terre calcaire fubtile , & quelques grains d'acide res dites >,. , niireux & de fel commun. r d'eau de neige • - - - dr. I. d'une terre calcaire très-déliée, & quelques grains d'un Quartes. J acide de l"cl> comme imprégné d'une certaine vapeur nitreufe* EAUX PLUS IMPURES. D'une terre fubiile cal- caire. D'une terre gypfeule. De fel commun. De nirre pur. De fel mo- yen fembla- ble au fel d'Egre. De la der- nière lellive des ouvriers en nitre. De IcfTive alkaline. de l'eau delaT pompe du^ onc, I. dr. vieux Chà-ril.gr. XV. teau. j de l'eau de 13*^ pompe du(^- - - dr. VII. nouveau ( gr. XX, Château. N de l'eau de la- pompe de( la rue Ële-| ftorale. ^ de l'eau de la*" pompe dei la maifonj deM.Mar-V graf. de l'eau de la' rivière de * Sprée. de l'eau d'u- ne fourcej lituée prèsf d'un mou-| lin à pa- 1 pier. de l'eau d'u-*- nefourcedc ] Potidam. t onc I. onc. I, dr. Il, - - dr. IV. gr. XXVII. ■ • dr. V. XXX. --. dr. V!. gr. XXIV. ■ gr. VII, - - dr. m. gr. XXX. ..gr.XXX. dr. H. --gr. IV. - - dr. II. gr XXX. • - dr. 111. - - dr. I. gr. XXX. .-gr.XXX. approchant du nitre. - dr. II. & quelques grains. gr. VIII. iX. - - dr. I. gr XXX. - - dr. I. XXX, onc.l. dr. I. gr.XV.mclé avec un peu de fel com- mun. •g"- XXX. 'quelques 'rains. - - gr. XXX. --gr.XL. ■ dr. IV. - ■ gr XXX. très - peu. N. B, onc. fîgnifie une once contenant VIII dragmss, dr. une dragme , qui contient LX qr grains. Tage 28S, in-4°. Eage 37a iririz^ Tom, iïT. DES' SCIENCES DE BERLIN. 373 Dans quelques plantes qui fe propagent par la multitude de leurs ra- : y.~ meaux , ou des rejetions qui en fortent en fi grande abondance qu'ils J''"'!' , ,. * femblent les aftbiblir , cela peut les conduire à un état qui elt tout-à-fait „ contraire à la nature. 11 en elt de même de celles qui produiient , outre ' ^ * leurs fleurs & leurs fruits , de petits oignons , ou même de jeunes plantes j il arrive ainiî aifément que Its fleurs ne fe développent pas toujours d'une manière convenable , & n'engendrent pas des fémences parfaites & fécon- des. Dans d'autres tems , c'eft précifément le contraire qu'on obferve dans toutes ces mêmes plantes. Mais quiconque elt dans l'habitude d'examiner attentivement de pareils cas, & fait en juger faincment , apperçoit bientôt où réfîde la caufe de ces variations accidentelles. En efiet, parmi les plantes , il s'en trouve dont l'efflorefcence arrive trop tôt , ou trop tard , ou même deux fois dans une année j & à cela fe joignent encore diverfes irrégularités , lefqueiles dépendent des faifons , de la nourriture que les plantes reçoivent , & de leur Ctuation. Mais de pareilles circonfiances varient très-fréquemment par rapport à la même efpèce de plante , difparoiflànt & reparoiflant alter- nativement , fans compter toutes les modifications que l'art peut encore y apporter. En fuppofant donc que certaines circonfiances non naturelles , mais d'ailleurs accoutumées , & qui auroient produit des variations & des altérations ne fe rencontrent pas , l'état naturel fe manifefte , pour ainfi dire , de lui-même , à moins qu'un défordre total dans la flruâure de Ja plante ne s'y oppofe invinciblement. Quand donc , par les raifons qui viennent d'être alléguées , les plantes ne portent , ni fleurs , ni fémences fécondes , le pouvoir naturel qu'elles ont d'en produire , ne laifTè pas de fubfifter , d'être toujours le même en elles , & de tendre à l'accompliffement du but capital , favoir la propagation & la confervation de l'efpèce , quoique l'eôét demeure fufpendu pendant un certain tems. Ainfî , dans de pareilles circonfiances , la moelle ne pouvant produire aucunes nouvelles plantes invifibles , dans les parties defiinées à la fruftifi- cation , il s'en forme toujours à bon compte dans les autres parties , com- . me dans la racine , les cayeux , les oignons , les tiges , les yeux , les re- mettons , les feuilles , & ainfi du refte ; & dès que les obflacles font levés , les fleurs & les fémences naiffent & fe forment dans le même ordre qu'au-, paravant. Dans les efpèces de plantes , dont j'ai parlé précédemment , qui ont la faculté de fe reproduire en plufieurs manières différentes à la fois, il arrive fouvent que l'une de ces manières réuffit auffi-bien que l'autre , tandis que dans d'autres plantes , la multiplication ne peut avoir lieu que par • les fémences. L'art exécute ici , à la vérité , bien des chofes particulières^; 5-74 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROFALE 'rr viu ^ '^^ fimples foins affidiis de la culture peuvent auffi conduire à des ef» iOM.Aiy. fets inattendus ; mais le plus fou/etit ces deux moyens font inefficaces. JQ XT XT if' 17 ^ P comme le témoignent fuffiliimment les plantes nombreufes auxquelles on ^75"' donne le nom d'annuelles. Dans ces dernières , l'art parvient quelquefois à de petites variétés, qui s'écartent de l'ordre naturel , fur-tout quand on le fait agir avant que ces plantes aient atteint tout leur développement; cac lorfqu'ellcs en font déjà à l'efflorefcence , ou plus loin encore , jufqu'l la maturité des femences , ou que la faifon favorable ell déjà écoulée , il ei\ bien rare qu'on vienne à bout de rien , & très-commun qu'on échoue, malgré toutes les peines qu'on a pu fe donner. Les plantes annuelles , relativement à la durée courte , mais naturelle, 'de leur vie , paroiifent avoir de la conformité avec les infeftes qui , dans le cours de leur vie, c'eil-à-dire , depuis leur fortie de l'œuf jufqu'à la mort , n'engendrent & ne fe multiplient qu'une feule fois , & qui après avoir dépofé leurs œufs , font abattus, deviennent malades, & meurent bientôt après. Les circonftances font tout--à-fait les mêmes par rapport aux plantes véritablement annuelles , de la vie , de l'accroilTèment , & de la du- rée defquelles il faut juger d'après leur climat; lorfque ces plantes ont acquis leur développement complet , & la frudification qui le fuit , elles ne con- 'Tervent plus le pouvoir de fe multiplier , & périlTcnt, Les diverfes efpèces de multiplication dans les plantes ont occafionné bien des difputes dans les fiècles précédens , & ont conduit les Savans à de fauflès confequences. Plufieurs d'entr'eux ont confondu toutes ces efpèces avec la propagation générale par les femences, & en ont conclu que celles- ci dévoient indifpenfablement exifler dans les plantes où les autres fortes de multiplication avoient lieu : d'où ils ont inféré qu'il n'y avoit point dans les plantes des parties effentiellement deftinées à la propagation : aiTèrtion , qu'il me paroît fuperflu de réfuter. Mais , afin de pouffer plus loin mes reflexions, je rappelle ce que j'ai déjà dit au commencement de ce Mémoire, c'eft que toutes les plantes , avant qu'elles puiiîènt arriver au terme de leur fruftification , doivent avoir leurs autres parties principales , ou du moins quelques-unes d'entr'elles , con- venablement formées , fans quoi l'accroiilèment va toujours fon train , jufqu'à ce qu'à la fin la moelle ait acquis une perfeâion fuffifante pour' produire un véritable œil , ou bouton à fruit. De cette manière , l'accroilïè- ment néceffaire de cette dernière partie prend fin dans les plantes ; la moelle perce l'écorce , & engendre les diverfes fortes de refervoirs , qui contien- nent principalement les parties qui font eiHèntielles à la fruôification dans le régne végétal. Plufieurs plantes , de celles qui ont une tige durable , (caulis perennis, ) ïè multiplient annuellement par l'efficace de leur moelle pleine de force & DES SCIENCES DE B E R L 1 K. 37s de vie , en pouiîànt à une ou deux rcprifes de jeunes branches, qui re font =p, autre chofc que tout autant de plantes nouvelles & particulières, Icfquelies J'^' ' fortent & pouflént jufqu'à ce point avant les fleurs & la fémencc. Mais '' " o * comme elles font fortement attachées à la plante principale, ou mcre , & ' Zio» qu'elles en reçoivent immédiatement une nourriture confiante , elles n'ont pas befoin d'un autre refervoir de nourriture plus déliée , telle qu'il s'en trouve dans ce qu'on nomme cotyUdoncs , ou placenta , dont les plantes où la propagation ne fe fait que par les fémences , font pourvues & ont un befoin indifpenfable. Dans les mêmes plantes fe forment les parties de la fruftification , au-de- dans des fémences , comme les plus eflëntielks , au moyen d'une prolon- gation de la moelle , dont la délicatefle eft incompréhenfiblc. Ce font au- tant de jeunes plantes , qui , lorfqu'elles ont atteint leur perfection, fe fépa- rent de la mère , & n'en reçoivent plus aucune nourriture. Les fcmences contiennent donc fous une forme invifîble , les plantes tout entières , & déjà viviliées , par leur participation néceflaire à la moelle de la plante mè- re : pour leur premier accroiflément , elles n'ont befoin que d'une nourriture très-déliée , qui leur efl; amenée par ces cotylédons particuliers dont nous venons de parler , jufqu'à ce qu'elles puiflènt fuccer , & pomper de l'air & de la terre des fucs plus groffiers. Les plantes n'acquièrent pas d'abord le pouvoir de propager leurs efpèces par des fémences fécondes ; elles ont be- foin pour cela d'un certain tems , pendant lequel leur développement con- tinue toujours à fe faire d'une manière régulière. Ce développement s'achève plus ou moins rapidement, quelquefois plutôt, d'autres fois plus tard, & feulement même après bien des années, de façon qu'elles différent beaucoup fur ce point les unes des autres , fans parler de quantité de variatio^is & d'exceptions produites par le changement de païs & de terroir , de lituation , de température , & par d'autres circonftances femblables. Aux mêmes égards, on rencontre dans les animaux des diverfités carac- tèriftiques , qui offrent les traces les plus marquées de reflèmblance avec celles qui viennent d'être expofées , & qu'on ne peut révoquer en doute fî l'on n'eft entièrement dépourvu d'expérience. On n'infîltera pas fur les preuves détaillées de ce que nous avons avancé au fujet des plantes , pour peu qu'on foit au fait des efpèces fuivantes , & qu'on ait eu occafion de comparer les variations qu'elles éprouvent dans les diverfes parties du monde, ou même dans de petites contrées. Ces efpèces font le chou ordinaire, avec toutes fes variétés , le tabac , le cotonnier, le ri- cinus , le chêne , les diverfes fortes de palmier , & plufieurs autres. Il eft connu que toutes ces plantes, & celles qui leur reffèmblent, varient beaucoup ^uant à la durée , d'où il s'enfuit qu'elles ont befoin de plus ou moius dâ 376 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 7f vir^ tems pour atteindre à la perfeâion qui les met en état d'engendrer des fé- Année ""^""^ fécondes. n II m'eft arrivé quelquefois de remarquer que des plantes qui fe difpofoient ' •' ' pour la première fois à la frudification , & qui, à en juger par les ap- parences, étoient garnies de fleurs hermaphrodites, nombreures& parfaites, n'avoient cependant pas encore atteint la perfeftion par rapport à la ftruc- ture des parties fru£liHantes , cnforte qu'on ne pouvoit en attendre des fé- mences fécondes; & en elFet, elles ne portoient point de fruit la première année , & n'en avoicnt la fuivante que fort peu. Dans d'autres plantes , que les Botaniftes fexualiftes nomment plantes monoïques & polygames , & qui produifent toujours les parties effèntielles à la fruiliiîcation en deux fleurs féparées l'une de l'autre, lefquelles ne laiC- fent pas de coexifter fur une feule & même plante j j'ai obfervé quelquefois, parmi les jeunes tiges qui pouiïènt autour de ces plantes , ou des arbres , que dans les commencemens elles ne produifoient que des fleurs d'un feul fexe , foit mâles , foit femelles , quoique les deux fexes euffent dû s'y trou- ver à la fois-, mais les années fuivantes , on y trouvoit les fleurs du fexe qui avoit manqué , d'abord à la vérité en petit nombre , mais à la fin, en avan- çant en âge , la plante étoit également & abondamment pourvue de l'une & de l'autre forte de fleurs. Quand les plantes ont fait tout ce qui étoit nécefTaire pour parvenir à leur but eiîèntiel , en portant des yeux , ou boutons à fruit , & en fourniffànt des fémences fécondes , chaque œil , ou chaque fémence , ne peut remplir qu'une feule & unique fois la fonftion à laquelle il efl deftiné. En effet , cha- que œil , ou chaque fémence , ouvre en quelque forte fon fein pour en laifTer fortir la nouvelle plante , qui y avoit été formée d'une manière tout-à-fait invilîble , & que la moelle de la plante précédente avoit vivifiée j & tout de même , les jeunes animaux fortent des œufs fécondés , & le font en di- verfes manières, plus ou moins variées, mais toujours analogues à celles dont nous venons de parler. Il n'importe après cela , que la plante ou l'animal, ainfi produits , foient de longue ou de courte durée , que leur deftination fe borne à une feule année , pendant laquelle doivent s'opé. rer la fécondation 4 ) 6 > 39 mois , favoir depuis Avril ou Juin jufqu'à Août ou Oûo- bre de la même année ; quelques-uns atteignent aufli le mois de Juin dfe ~ l'année fuivante ; mais à la fin ils périlTènt tous , après l'accouplement , la ponte , les premiers foins de leurs petits , & plufîeurs autres fondions ac- cefïbires , ordonnées par la nature , pour l'entretien & le foutien de la grande & vafte œconomie de l'univers. Toutes ces différentes circonftances fe retrouvent dans les plantes conformément à la diverlîté de leur durée. Il a été remarqué ci-defïùs que les plantes qui ne fe propagent d'ailleurs que d'une feule manière , ne lailTênt pas de pouvoir être affùjetties à quel- ques variations & exceptions , tant au moyen de la culture & de l'art , que par divers cas accidentels. Cela efl: exadement vrai , pourvu qu'on y joi- gne les reftridions nécefTàires j il y a des moyens d'apporter quelques chan- gemens au terme naturel de la propagation par les femences & par les œufs , foit en l'avançant , foit en le retardant. Mais , fî l'on ne fait atten- tion qu'à l'état naturel des plantes , confidéré en lui-même , on doit re- ■connoître qu'il ne fçauroit y être pleinement transformé ou détruit , non plus que dans les animaux , enforte que , dans certaines occafîons , on doit toujours s'attendre à le voir reparoitre. Tel étant l'état des chofes , la culture & l'art peuvent, à la vérité , faire que des plantes qui , lorfqu'on les abandonne à la feule nature , font réellement & infailliblement annuelles , durent 2 , 3,34 ans , ou que des plan- tes qui ont naturellement deux ans de vie , en atteignent 3 , 4, à 5. On pro- longe aufîî fouvent , dans des vues particulières , la durée d'une partie de ces plantes pour quelques femaines , ou quelques mois , lorfqu'elles appro- chent du terme où elles doivent mourir , ou qu'elles l'ont efFedivement atteint. Mais à la fin tous les efforts de la culture & de l'art demeurent in- frudueux, quand la moelle a perdu fa force naturelle d'accroiffement , ou que la ftrudure intérieure de la plante rend impoffible la prolongation de fa vie. Un des moyens les plus aflTurés d'étendre la vie des plantes fufmention- nées , peut confifter à rallentir leur développement , de façon qu'elles n'atteignent que le plus tard poffible le terme que la nature leur a prcfcrit, tant pour s'accroître que pour vivre , ainiî on doit les empêcher de fleurir , Tome U. Bbb 37S MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ... y.^ & de conduire leurs fruits a maturité, ou bien , ( ce qui peut s'exécuter à , ' ■ ' , ' l'égard de quelques plantes ) en retrancher les premières fleurs , & le p plus grand nombre des fuivantes , & même en détacher d'autres parties. ' ■^ * Par ce moyen, la moëile , dans le tems où elle a le plus d'adivité , fe trouve forcée de s'étendre de nouveau , & de percer l'écorce de tous côtés pour en faire fortir de nouveaux jets. Quand une femblable plante a été empêchée par ces moyens , ou par d'autres, de produire des nouvelles plantes par la voie des fémences, tan- dis que la moelle eft afléz aâive dans toutes les parties pour être bientôt mile dans un mouvement univerfcl, il fe forme très-aifément dans d'autres parties , de jeunes plantes qui fe développent avec beaucoup de fuccès. Et comme elles fuccent & tranfpirent avec une grande force , elles fe con- fervent fur la plante principale, ik de là vient que celle-ci peut demeurer en vie 2 , 3 , à 4 fois plus long-tems qu'elle n'auroit fait ik pu le faire fans cela. Ce qui vient d'être rapporté, arrive quelquefois de foi-même , & même afièz communément, dans les plantes dont la vie s'étend à deux ou trois ans. Mais qu'on puiflë venir à bout de produire les mêmes effets dans toutes les plantes par le moyen de l'art , c'eft ce qui eft démenti par l'expérience journalière. Plufieurs plantes annuelles & autres meurent beaucoup trop tôt, avant que d'avoir porté des fémences, pour qu'on puiffe les foumettre à ces opérations artificielles , & les traiter d'une manière auffi arbitraire. Cette méthode de prolonger la vie de certaines plantes annuelles en retar- dant un peu leur frudification , eft applicable aux infeétes , entre lefquels on peut choifîr pour exemple les fauterelles , particulièrement celles des arbres qui font groflès & vertes, auffi-bien que celles d'une autre groflè ef- pèce qu'on rencontre dans les champs & dans les prairies. On fait que le mâle parmi ces infeâes , meurt peu après avoir fécondé la femelle , & la femelle prefque auffi-tôt après avoir dépofé fes œufs , devenant d'abord après foible &. malade ; fouvent même elle expire pendant la ponte. Cela ar- rive dans nos contrées vers la fin de Septembre , ou pour le plus tard , au commencement d'Oélobre. Mais fi l'on prend de ces infeftes des deuit fexes d'abord en Septembre , comme on le fait chez nous , & qu'on les mette dans deux verres ou boëtes à part , de façon que le mâle ne puiflè s'accoupler avec la femelle, ni par confequent la féconder, alors, con- fervés dans un lieu tempéré , ils vivent jufques vers Noël , c'eft-à-dire huit à neuf femaines plus que de coutun'e , & jufqu'à la fin on entend à diverfes reprifes le bruit qui elf propre à ces infeftes. Quand , parmi nos plantes annuelles , il s'en trouve qui font mâles & femelles , comme cela a lieu dans la petite ozeille annuelle , dans la mer- curiale , dans les épinars & le chanvre , la plante mâle périt toujours avant la femelle , favoir auffi-tôt que la poufïière des fleurs eft entièrement DES SCIENCES DE BERLIN. 379 ' pafTée ; la plante femelle verdit encore long-tems après que l'autre eft toute ... —p' delTèchcc , & vit jufqu'à ce que les fémences ayent acquis leur entière ma- f^!". ^ ' turitc. p Il y a une foule d'infeftcs dont les mâles meurent avant l'hiver , au lieu ' ' ^ * que les femelles , qui portent les œufs fécondes par les mâles , ne les dcpo- fent qu'au printcms de l'année fuivante , & périilcnt alors , après que leurs fictifs font éclos. Il arrive quelquefois de trouver au printems , fur-tout après un hiver court & doux , des infectes , tant mâles que femelles , ap- partenant à des efpèces que l'expérience nous apprend mourir avant l'hiver. Les endroits où on les rencontre , & la douceur de l'hiver , font conjec- turer que ce font des reftes des infeftes tardifs de l'année précédente , qui , à caufe de la faifon où ils exiftoient , n'ont pu s'accoupler ; mais c'eft un cas extraordinaire , qui ne fert qu'à confirmer le fentiment que nous avons expofé ci-deflfus , & lui donner une nouvelle force. Pour revenir aux plantes durables , qu'on fait avoir le pouvoir de fe pro- pager par plufieurs voies , outre celle des fémences , remarquons que fui- vant que leur accroifTement efl plus lent ou plus rapide , il leur faut un eÇ- pace de tems proportionné , & quelquefois très-long , avant que de por- ter des fémences fécondes, favoir de 3, 4, 6, 8, 10, 20, 30,3 40 années, mais auffi , dans ces derniers cas , elles parviennent jufqu'à la plus haute vieil- ieffè. La culture & l'art peuvent produire des eftets nombreux & variés fur ces plantes , en retardant un certain tems leur fruftihcation , & en at- tendant le refte de leur accroiflèment va fon train , jufqu'à ce qu'à la fin elles portent des fleurs & des fruits. Mais fî l'on continue ces opérations jufqu'à ce que la moelle qui fert à former de nouvelles plantes ait perdu toute fa vivavité , les jets annuels s'afFoibliront de plus en plus , de façon que la plante deviendra toutà-fait ftérile , & qu'elle périra fans avoir jamais eu ni fleurs ni fruits. En nous occupant de l'examen des circonfl;ances fufdites , & en pafTant pour cet effet plufieurs efpèces de plantes en revue , nous avons fait une attention particulière à deux efpèces , qui , dans nos contrées , à caufe de la fituation où elles s'y trouvent , n'ont jamais produit ni fleurs ni fémences 5 ou fi rarement , fi la chofe efl: quelquefois arrivée , qu'on a pu la mettre à bon droit au nombre des cas les plus rares. La première de ces plantes eft la Lavendula latlfolia Jlcrilis Morifonîy que plufieurs Auteurs qualifient , Lavendula nonfioriJa. Cette plante , que fon âge & fa foibleiTè font approcher de fa fin , fe trouve dans la belle col- leftion du jardin botanique de l'Académie Royale à Berlin ; elle y eft ve- nue avec d'autres plantes rares de la fucceffion d'Orange du Roi Guillau- me III. Le défunt Jardinier Michelmann a fait envain pendant trente ans plufieurs ef]&is fur cette plante pour lui faire produire des fleurs , quoiqu'elle Bbbij 3So MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROVALE ■ . y?7} ait trois ou quatre pieds de haut , & la tige prefque de la groflèur du- . ' ' .•. ' tiras ^ j'ai pris auffi dans la même vue des rejettons ik des boutures de cette n plante , que j'ai mis dans des terres mélangées de toutes fortes de manié-. ' •^ ' res , dans de Feau , dans de la moufle ; mais il ne m'a jamais été poflible d'ob- tenir ni fleurs ni fémences. On pourroit afïbcier à cette plante celle qu'on nomme Syringa nana ^ nunquam florens , & la Mcntha Slnica, rariùs florins de Boerhaavc , dont le Jardinier Anglois Miller fait mention dans fon grand ouvrage fur les jar- dins. La féconde plante que j'ai cultivée pendant plufieurs années avec beau- coup de foin, ( mais fans aucun eftet, relativement à la produftion des fleurs & des fruits , ) afin de pouvoir en déterminer l'efpèce avec certitude , c'eft. le petit buis , que divers Auteurs nomment Buxus humilis ; plante très-com- mune , fort bailè , & ayant des feuilles rondes: quelques-uns l'appellent aufli le buis nain. II feroit fjperflu d'en donner ici une defcription plus étendue , puifqu'on s'en fert depuis une infinité d'années , dans les grands & les petits jardins , pour border les plattes bandes & faire les compartimens des par- terres ; ufage que l'on poufle même trop loin au détriment du terroir. Les Jardiniers du commun ont cru peut-être que c'étoit l'unique ou la meilleure plante qu'on pût employer à cet effet j il en exiflie cependant plufieurs qui y, font encore plus propres. Les anciens Botanifles , de concert avec les curieux en fait de plantes & les Jardiniers , ont diftingué le buis en grand & petit , ou haut & bas , & ils ont toujours déclaré qu'ils n'y avoient trouvé ni fleurs ni fruits. Quelques- uns néanmoins ont cru qu'il fleurifToit, mais très-rarement; d'autres ont pré- tendu qu'il ne fleuriflbit jamais : mais ils fe font tous accordés à regarder le petit buis comme une efpèce naturellement différente du grand. Pour moi, après plufieurs années d'expérience , je fuis au contraire très-convaincu que le petit buis ne doit être regardé que comme une fimple variété du grand j & l'on ne fe trompera pas fi l'on croit que le petit buis eft tel , en partie parce qu'il eft encore jeune , & en partie à caufe qu'en le rognant fréquemment , on ne cefïè de le retarder, & de le mettre tellement en arrière, que la plu- part du tems il dégénère & devient ftérile. Mais ce retardement & cette dégénération du buis n'empêchent pas qu'une partie de ces obftacles ne puiflènt être levés , ou ne celîènt d'eux-mê- mes, & que la plante ne revienne peu-à-peu à fes propriétés naturelles , auflï long-tems du moins qu'il lui refte une force d'accroifïèmentfuffîfante. Je puis produire à cet égard des preuves de fait , qui ne permettent plus d'en dou- ter. Ce font de grandes branches de cette efpèce de buis , chargées de fleurs & de fruits , que j'ai l'honneur de mettre dans ce moment fous les yeux de l'Académie^ DES SCIENCES DE BERLIN. 381 Pai trouvé ces branches en afTèz bon nombre clans une circonflance & dans un lieu particuliers. Le peu d'attention qu'on a donné à cet objet dans J^' ' , ' les tems antérieurs , où l'on n'a pas réellement cherché, ni par conféqucnt ^ „ pu trouver des Heurs dans le petit buis, a fait établir une diflir.étion formelle, ^ 7 S^' entre le buis qui fleurit ik celui qui ne fleurit pas. Maisàpréfent qu'il fe ma- uifclte des fleurs & des fruits , qui n'indiquent pas la moindre diflcrcnce en- tre le grand & le petit buis , & que l'accroifiement complet de celui-ci lui a donné plus de reiicmblance avec celui-là , on ne doit plus balancer à ré- duire ces deux plantes à une feule & même efpèce naturelle. Voici le fait ; j'ai trouvé les plantes en fleurs que je préfente ici dans le cours de l'année 1757 , à Drofîen dans la nouvelle Marche , fous un tas de buis non fleuri , dans un jardin qui étoit demeuré quelque tems en friche. Les pièces du parterre étoient bordées de ce buis , dont la figure extérieure avoit fouftért , fur-tout dans quelques endroits, des chargcmens fort confi- derables j je me réjouis beaucoup d'un cas auflî rare, aufli imprévu , &. des plus intéreiîans qui puiflent s'offrir dans ce genre. Il y avoit environ trente ans que le buis de ce jardin avoit été planté ; & depuis 1733 j'ufqu'en 1757 il n'avoit été ni taillé ni replanté. Le jardin étoit couvert d'ombre , & dans un fond , près d'une eau courante , & en- tre plufieurs fources ; le terroir mol , gras , & marécageux. Le buis s'y étoit élevé à une hauteur de deux à quatre pieds , & avoit deux à trois pouces d'épaiiïèur. Son bois & fon écorce étoient beaucoup plus fpongieux que de coutume. En confidcrant les branches de ce buis ainfi accru , on pouvoir parfaite- ment bien remarquer , comment , à mefure que la plante avoit vieilli , les petites feuilles avoient fouffert des altérations fucccffivcs dans leur figure. Celles qui étoient tout-à-fait au bas avoient confervé leur rondeur & leur petiteflë -, & à mefure qu'elles alloient en s'élévant , elles devenoient plus grandes & plus pointues. A la fin je trouvai des indices que ce buis avoit déjà fleuri & porte des fruits depuis plufieurs années. Je fis tranfporter quelques-unes des plus belles tiges dans le Jardin Royal de botanique de Berlin , mais elles y ont bientôt péri. Le petit buis eit donc une plante tout-à-fait remarquable , qui , tant qu'elle demeure jeune , n'a offert ici que des branches ik des tiges avec leurs rejettons , qui fervent à la propager en les féparant de la racine ; de forte qu'en continuant à tailler régugulièrcment ce buis tous les deux ou trois ans , & à le tranfplanter, il confervé fa flérilité , fes feuilles rondes & courtes , & fa petite ftature. Quand tout cela dure un certain efpace de tems , ce buis dégénère à la fin , & devient tout ■ à - fait méconnoiflàble , jufqu'à ce que par négligence ou par mépris , il arrive de le laifîèr pen- dant plufieurs années jouir d'un repos , & prendre une nourriture , qui; le ramènent iafcnilbleinent à fon état naturel. lit MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE î^^ ' La longue fiérilité de l'efpèce de lierre dite Hedera corymbofa Lobdli lui îo.w. Xll . niérite une place ici. EUe reçoit cette dénomination, quand, devenue vieille /Innée ^ ^^^^^ ^ ^jj^ p^^tg jes fleurs Jc des fruits. Mais tant qu'elle eft encore jeune '75°' & ftérile , on l'appelle Hedera helix , five Jhrliis ; & quelque différence extérieure qu'il y ait d'abord entre celle-ci & la précédente , le cours des années les conduit a la tin à une parfaite reflèmblance , comme nous ve- nons de voir que cela arrive au petit buis. Le lierre & le buis peuvent donc être aflbciés enfemble , comme deux plantes qui ne fleurilTent que dans un â^e fort avancé & très-rarement ; ce qui mené à cette conclufîon : « que » toutes les plantes , conformément à une loi qui leur eft prefcrite , » fleuriffent & portent des fémences fécondes dans un tems déterminé , » & à un certain âge ; & qu'enfuite au moyen de ces fémences , elles pro- » pagent & confervent fans interruption leurs efpèces naturelles. » Il n'importe après cela qu'outre cette voie de multiplication , diverfes plan- tes en ayent encore plufieurs autres , par lefquelles elles tirent en quelque forte leur réprodudion d'elles-mêmes , & qu'on rencontre en effet à chaque pas dans le régne végétal. ARTICLE XXXIII. Recherches hijloriques & chimiques far le Copal , tel que les Apoticaires Sf les Epiciers le vendent ordinairement ici. Par M. L E H M A N N. Traduit de l'Allemand. I. y'^ Uelque loin qu'on foit déjà parvenu dans l'examen des corps qui V^ appartiennent aux trois régnes de la nature , il s'en faut bien non-feulement que leur connoiflance puifïè être cenfée parfaite , mais mê- me que l'on ait une hiftoire naturelle exafte & fuffifante de la plupart de ces corps ; deforte que l'on eft bien éloigné d'avoir' découvert leurs parties conftitutives , & d'être au fait de leur génération. Je choifirai aujourd'hui pour échantillon & pour preuve de ce que j'avance , un ku\ fujet ; & ce fera ce qu'on nomme ici Gomme de Copal dans les Apoticaireries & chez les Epi- ciers. II. La Gomme de Copal, telle qu'elle fe débite dans le commerce , qu'ftn nomme auffi Copal Oriental , & que Breynius défîgne par les noms de fuc'^ cinum indicum tf heninenfe , eft , conformément aux expériences que j'ai faites fur cette matière , une efpcce de bitume d'une couleur , tantôt jaune tl' rantfur l'or ^ tantôt blanche , ou brunâtre, ^u'on trouve en morceaux in-= I DES SCIENCES DE BERLIN. 383 formes , tantôt plus , tantôt moins pure , ù qui reJfembU à bien des égards à „ ^^ ambre, . . Ainiî les principales propriétés de ce corps fe reduifent aux fuivantes. „ 1. Qu'il n'a qu'une pefanteur médiocre, en quoi confille une de fes 75 • conformités avec l'ambre ; auffi-bien qu'en ce que 2. Il va au fond dans l'eau. 3. Sa couleur varie, la plupart des morceaux étant d'un jaune couleur d'or , quelquefois plus obfcur , quelquefois plus clair ; & dans ce dernier cas ils ont une belle tranfparence. 11 y en a pourtant auffi de plus Lianes, qui font alors à peine clairs , ou même qui n'ont point du tout de tranf- parence ; mais d'autres au contraire oat la clané du verre , & ne lui cè- dent point en tranfparence. 4. Les morceaux de Copal n'ont pas une figure déterminée 5 tantôt ils font gros , tantôt petits , & de diverfes figures , ronds , angulaires , allongés , &c. 5. Certains morceaux font parfaitement purs , tandis que d'autres font entourés &. enduits de terres de toute efpèce , comme de l'argille blanche , de la terre gralïè , ou quelquefois ils font entremêlés de fable fin. 6. Dans un grand nombre de pièces on trouve toutes fortes de chofes, comme il y en a de renfermées dans l'ambre , en particulier des fourmis , des mouches , de petits fcarabées , de la terre , de mouffé , &c. Il m'efl ar- rivé même, en brifant quelques-unes des ces pièces, de trouver au milieu une cavité qui contenoit quelques gouttes d'une eau claire qui avoit le goût un peu lalé. 7. Le Copal ne rend de foi-même aucune odeur ; mais quand on l'a tenu pendant quelque tems dans la main, on fent une odeur agréable , & qui n'eft pas trop forte 8. On n'apperçoit non plus aucun goût particulier, quand on le met dans la bouche ; mais il fe laiffe brifer fort aifément fous la dent , à l'exception d'une elpèce particulière , qu'on rencontre quelquefois au milieu des au- tres morceaux, qui cfi: toutà-f.iit blanche , & pour l'ordinaire fans aucune tranfparence ; on peut le tailler en lames avec le couteau comme de la cor- ne , mais , comme la corne auffi , on ne fauroit le mettre en pouffière fous les dents. 9. En frottant le Copal , il devient fort éleftrique , & garde fon éleftri- cité pendant un efpace de tems alTez confidérable. Il ne la perd pas même quand on le brûle à la chandelle j & en le brûlant ainfi, cela en fait un corps noir comme de la fuie. 10. Du rclte , le Copal fe laiflè travailler comme l'ambre ^ feulement il eft plus tendre , ce qui l'empêche de recevoir toujours un auffi beau poli. m. Les circonltances qui viennent d'être rapportées , fervent à diflinguer notre Copal d'un autre corps qui porte le même nom, mais qui n'efl en effet 384 MEMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ^ qu'une gomme réfine , laquelle , fuivant le témoignage des Voyageurs & JOM. Xlv. jgj Droguiftes , découle d'un arbre du Canada , des îles Antilles & de queU A N NÉ Eq^es autres contrées d'Amérique , quand il fe fait des fentes à cet arbre, ' 7 5o. qyj ^ caufe de cela porte le nom de planta copalifcra , que plufieurs regar- dent comme le véritable nom de fon efpèce. Cette conformité de nom a été caufe que la plupart des Droguiftes ont regardé tout le Copal comme un produit végétal. Le premier que je fâche qui l'ait rapporté aux efpèces du fuccin , & encore n'a-ce été que dans le titre de fon écrit , c'eft feu M. le Doéleur Scndd , qui dans une lettre au célèbre Breynius , qu'il a intitulée de fuccino indico , a rempli un petit nombre de pages de diverfes remar- ques fur le Copal , & conclut en ces termes : pfcudofuccinum hocce refinam potius ejfe judicavi , cui tamcn magna gummatis portio effet adjuncia. Cela fait voir qu'il prenoit effeâivement le Copal pour un produit du régne végé- tal. On trouve cette lettre jointe à celle de Breynius , de melonibus petrefaciis jnontis carmeL i. Quant aux Anciens , ils paroiflTent avoir eu notre Copal en vue , lorfqu'ils ont parle du fuccinum Africanum , puifque dans ces derniers tems il n'a pas été poffible de découvrir fur toutes les côtes d'Afrique la moindre trace du fuccin proprement dit, ou de l'ambre. Pline au chapitre 2. du XXXVII. livre de fon Hijloire Naturelle , indique divers lieux de l'Afrique où ce fuccin doit fe trouver ^ & Agricola n'a fait autre chofe que copier fidèlement ce paflàge dans le i 5. chapitre du IV. livre de fon traité de la nature des /af- files. Wittich dans fon livre des pierres béfoardiques , indique la Gomme de Copal , fans expliquer ce que c'eft. Ferrandus Imperatus dans fon Hifioire Naturelle , liv. XIV. ch. 8. prend le gummi animœ pour une efpèce de fuc- cin. Valentin dans fon Mufœum Mujkorum , dit que c'eft Rcfina odoris fragantis ad olihanum accedentis , & ajoute qu'elle vient d'un arbre , ex ar- bore copaliferâ , que Pliicknet a décrit Tab. LVI. Fig. I. C'eft donc propre- ment : Rhus V. Copalinum. Linn. Spec. Plant, p. 266. — ' Foliis pinnatis integerrimis , petiolo membranaceo artlculato. Royen. Lugd. Bat. Linn. Mater. Medic. 152. — i Elatior foliis impari pinnatis , petiolis membranaceis articulatis. Gro- nov. Virg. 149. — ' Objoniorum fimilis Americana , gummi candidum fundcns , non fer- tata , foliorum rachi , medio data, Plucknet , Almag. 318. Tab. LVL Fig.L Wormius dit dans fon Mufœum que le Copal vient de l'arbre copaliferâ , d'où procède le gummi anima. Il fe trompe , car celle-ci eft Courbatils : iiymenaa. Hort. Cliffort. 484. Hort. Upfal 305. Linn. Mat. Med. jis* Ceratia DES SCIENCES DE BERLIN. 38$ Ceratia diphyllos antcgoana , ricini majoris fruclu nigro , filiqua grandi . ,.f7} ïnclufo. Plucknet. Almag. 96. Tab. LXXXII. Fig. i. An'sèe Arhor fditfuofii ex quA Gummi Elemi dicitar. C. B. Pinac. 404. ' ' p Cet arbre croît principalement dans le Brélîl & dans quelques îles de l'A- ' mérique. M. le Profeiîéur Curtheufer dans fa matière médicale , l'appelle Jctuihu. Fomet dans fon Hijloire des Drogues , dit que le Copal Oriental eft une rélînc claire & tranfparente, d'un jaune couleur d'or , qui découle des tiges de certains arbres d'une médiocre groiïcur , qui portent des feuilles femblables à celles du noyer , & des fruits comme les concombres. Ceux- ci doivent avoir la couleur brune des châtaignes , & contenir une farine d'un goût agréable. Outre les propriétés fufdites, le même Auteur exige que le Copal fe laifTè piler , qu'il fe fonde au feu , & qu'il ait à-peu-près l'odeur de l'encens. Mais il ajoute qu'on en obtient rarement de cette forte , & que cela eft caufe qu'on fe fert du Copal d'Amérique , qui découle de la tige & des branches de certains arbres qui relfcmblent au peuplier noir. Ces arbres croilîént en grande quantité fur les montagnes des liles Antil- les , d'où les pluies & les torrens les emportent , & les conduifent dans les lits des eaux courantes. Ainfi Pomet prend le Copal pour un produit du régne végétal , & non pour une efpèce de fuccin , parce qu'il n'a pas une odeur auffi agréable. Lemery qui lui donne le nom particulier de pan copal , répète d'ailleurs les mêmes chofes , & prefquc avec les mêmes ter- mes dans fon Diciionnaire des Drogues. Ainli l'un (Se l'autre avouent qu'on tire le Copal des eaux & du lit des rivières. Leur feroit-il arrivé de prendre avec les Anciens , le Boccone , & d'autres , le vrai fuccin pour une réfine coagulée dans l'eau , & venant des pins , fapins & autres arbres qu'on trouve fur les côtes de la mer Baltique ? Hartmann , au fécond chapitre de fon Hijloire du Succin , eft en doute , fi on le trouve en Afrique , Ôi s'exprime ainfi : Si non alius error Succi- num Orientale progenuit, rejina copal fuccinum mentiri aptijjlma , hoc no- mine ab Officinis Pharmaceuticis adoptata. Tout ce qui vient d'être rapporté, fait affèz voir qu'il refte encore beau- coup d'incertitude , tant par rapport au lieu natal de notre Copal , qu'au fujet de fa génération. Ce qu'il y a de plus vraifcmblable , c'eft de s'en tenir à ce que le Dofteur Sendel a dit , que la plus grande partie du Co- pal , ou de ce qu'on nomme Succinum Indicum , nous vient d'Afrique , & en particulier des contrées autour de Bénin , Province fituée fur la côte d'or de Guinée. Ce rapport eft confirmé par notre digne confrère , M. Mar- graf, qui a parlé lui-inême à un homme venu des lieux d'où l'on tire le Copal , lequel lui a aiïuré , que pour le trouver on eft obligé de creufcr fort avant dans le fable fur les côtes de la mer. Je n'ai garde de le contef- Tome II. Ccc 386 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rp ter : je fuis , au contraire , dans l'idée qu'on en' découvre de la même J^^^' ' ,. ' ' manière en divers autres endroits. M. de lu Condamine , dans la relation de P fes voyages jufqu'à l'intérieur de l'Amérique méridionale , raconte que les ^■75°' Indiens de ces endroits fe fervent de 6o]'a/ en guife de chandelles, après l'avoir enveloppé dans des feuilles de bananier , ou de plifan. On ell: auffi bien aflùré qu'il en vient en abondance du femblable des Iles Antilles , comme on l'a vu dans les paUàges ci-deffus allégués de Pomet & de Lemery ; ce qui eft confirmé par les relations de plufieurs autres Auteurs. Je ne faurois pourtant dire fi M. de la Condamine a eu en vue notre fuccinum indicum ^ ou la gomme refîne indiquée plus haut -^ mais je conjefture que c'elt du premier qu'il veut parler , parce que l'expérience m'a appris , que quand on l'a une fois allumé , il ne celTè pas de brûler en jettant une flamme afièz claire jufqu'à ce qu'il foit entièrement confumé. Et pourquoi la nature ne produiroit-elle pas , fous le (eptième ou huitième degré de latitude méridio- nale , la même fubflance qu'on trouve fous les mêmes dégrés de latitude fep- tentrionale ? IV. Au milieu de cette diverfité de circonflances incertaines , & de cette contrariété dans les récits , tant des Auteurs qui nous ont laiffé des defcrip- tions de cette matière , que de ceux qui nous en donnent aujourd'hui , je me trouve dans l'impolïîbilité de fournir là-delTus quelque chofe de com- plet. Il e*à cependant nécelTaire de favoir à quel régne ce corps appar- tient. C'eft ce que les expériences chimiques pourront mettre en évidence. Sans m'arrèter donc davantage , je vais rapporter celles que j'ai faites moi- mème fur le Copal, tel qu'on le trouve dans nos Apoticaireries & che^ les Epi- ciers ; mais je dois avertir d'abord , que je m'en fuis procuré de diverfes Apoticaireries d'ici , & des principaux magafins des Epiciers , & que j'en ai employé de plufieurs efpèces , fans me mettre en peine du prix exceffif de quelques-unes. J'ai examiné chaque forte à part, & j'ai choifi à chaque fois les morceaux les plus purs pour mes expériences. J'appelle morceaux les plus purs , ceux qui font le moins entourés de parties hétérogènes , dans lefquels il n'y a point d'infeâes renfermés , & qui font exempts du mé- lange de terre , de fable , &c. De tels morceaux font par conféquent d'une clarté tranfparente , d'un jaune couleur d'or , & d'une fubflance compac- te. Après avoir pris ces précautions , j'ai trouvé que tout le Copal que nous avons ici eft de la même nature , fans qu'il y ait d'autre différence que celle qui vient du degré de pureté. Car , pour ce qui regarde la groflèur des morceaux , la couleur plus ou moins haute , & la figure des différentes piè- ces, ce font-là des chofes purement contingentes. Je vais donc commen-- cer par rapporter ce qui concerne la folution de ce corps dans les divers diflblvans qui peuvent agir fur lui. V. Les atteliers de plufieurs Artifles , & en particulier des Peintres & DES SCIENCES DE BERLIN. 3S7 "es Vernifïèurs , montrent combien de voies on a déjà employé pour dif- "1 ' yfy foudre le C'o/u/ , & le faire entrer dans la préparation d'un vernis clair. Je ne . '. ' . ' me fuis point attaché à ce dclTéin dans mes travaux. Mais perfonne, je crois, ' " o ne s'eft encore donné la peine de rechercher à quel régne de la nature le /•5 • Copiai devoir être rapporté. Or , c'clt à quoi j'ai fait le plus d'attention dans le petit nombre de mes eiïàis ; j'ai foigneufement examiné les eftets des di- vers dilîblvans fur cette fubftance , pour établir la place qu'on 'doit lui accorder dans les claflès des produirions naturelles. J'employai d'abord , dans cette vue , des acides minéraux concentrés. 1. Une dragme de Copal pilé bien menu , fur laquelle on verfc de l'huile de vitriol blanche pure , teint l'acide du vitriol concentré , & le rend en un inftant d'un brun foncé; puis , quand on le met à digérer à un feu doux , il fe diflôut tout-à-fait en peu de tems. Quand on fait enfuite l'aBftradion de cette folution dans une retorte de verre au feu de fable , elle s'élève avec des vapeurs jaunes , & fort en gouttes d'un rouge brun -, & la chofe en effet ne fauroit être autrement. Il fe fublime dans le col de la retorte envi- ron trois ou quatre grains d'un beau foufre jaune ; & au fond il demeure deux grains d'une maffe noire , brillante & légère comme de l'écume. 2. Une dragme de Co^iil réduite en pouffière déliée avec une once d'acide de fel commun fumant , que j'avois diftillé moi-même par le moyen de l'huile de vitriol diftillée & dûment reditiée , ne fut point attaquée ; mais le Copal furnâgea , & à une chaleur douce , l'efprit fuma , laiflânt le Copal fans aucune altération. j. Une dragme de Copal entier avec une once i' acide du nitre que j'avois moi-même préparé , & dûment re£fifié , ne vouloir pas d'abord fe laiiTèr attaquer; mais , ayant été mis à une digcftion d'abord affèz douce, qui fut conduite à la fin jufqu'à bouillir au feu de fable , tout entra dans une belle folution claire , d'un jaune couleur d'or ; de façon néanmoins qu'après le refroidiiïèment , il s'en fépara une fubflance gluante jaune , & comme de l'éponge , qui furnâgeoit. 4. Une dragme de Copal avec une once & demie A'eau régale préparée de fept 'parties d'acide du nitre , & d'une partie de fcl commun , ne fe laiffoit point du tout attaquer , pas même en bouillant au feu de fable ; mais à la fin prefque toute l'eau régale s'étoit envolée , & ce qui reftoit formoit un corps gluant d'un brun clair. 5. Le vinaigre dijliilé , ni l'acide des fourmis ne produifirent non plus au- cun effet fur notre gomme. De même , une eau pure dijlillée , dans la- quelle on la fit bouillir pendant long-tems , n'y caufa aucun changement , n'en ayant même rien attiré à foi ; car après la filtration , cette eau n'a- voit pris aucun goût , & il ne s'en précipitoit rien ; elle n'entroit en ef- fervcfcence , ni avec les acides , ni avec les alcalis , & ne troubloit ni la C c c ij ^88 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE 'I Y 11/ ^o'^'io"^ ^^ 1""^ '^^ns l'acide du nitre , ni celle de mercure fublimé dans l'eau . ■ ,. * diftillée. Et quoique je me fulTè d'abord flatté que le Copal , en bouillant n dans le vinaigre diftillé , lui donneroit h couleur jaune , cela ne réuflît pour- ' ^ * tant point; le Copal demeura dans une parfaite conliitance , furnâgea , prit l'apparence d'épongé ; & après que je l'eus féparé du vinaigre , & édulcoré, il donna avec l'huile de térébenthine un beau vernis à laquer , d'un jaune couleufd'or. L,?i liqueur minénile auflî, comme l'efpritde nitrcdoux, en bouil- lant avec le Copal , ne lit par l'extraftion que le rendre comme de l'épon- ge, & elle prit un goût amer. Cependant elle tira d'abord aflèz conlîdérar blement la couleur jaune du Copal, lequel fut réduit en une mafïè blanche, gluante & molle , qui dans l'huile de térébenthine donna un beau vernis a laquer clair. Les menjlrues alcalins ne furent pas non plus capables d'en rien diffoudre ; car , ayant employé l'huile de tartre par défaillance la plus pure , auffi-bien que l'eiprit de fel ammoniac préparé avec le fel alcali fixe , la chaux vive , & la cérufe , je ne remarquai point qu'il en réfultât aucun changement. VI. Uefprlt de vin le plus reciifié , ni le meilleur efprit de vin tartarifé., n'ont pas été plus efficaces. Mais ayant pris une dragme de Copal clair pulvér rifé , fur laquelle je verfai deux onces d'efprit de vin le plus reftifié , & une dragme du même Copal que je mêlai exaftement avec deux onces d'efprit de vin tartarifé ; & ayant mis chacun de ces deux mélanges dans un verre affez grand & bien bouché , puis les ayant fécoué tout de fuite pendant quatre à cinq heures , tout fut difïbus, à l'exception de dix grains d'une ma- tière blanche gluante , qui fe laiffoit étendre & travailler comme une refî- ne , fans pourtant s'attacher fortement aux doigts. La folution filtrée étoit d'un jaune couleur d'or ; elle avoit d'abord un goût douceâtre ; mais en- fuite ce goût devenoit agréable , aromatique , balfamique , & tirant fur l'amer. C'efl: de M. Margraf que je tiens cette expérience , qu'il m'a com- muniquée il y a déjà quelque tems. Mais comme ce fécouement me paroiffoit trop long & trop ennuyeux , je répétai l'efïài avec une dragme de Copal réduit en pouffière déliée , fur laquelle je verfai un lot d'efprit de vin tartarifé , & je fis bouillir le tout dan» un alembic de verre de médiocre grandeur. Comme par ce moyen l'efprit de vin s'envoloit en grande partie , j'en verfois peu-à-peu de nouveau, de façon que j'en employai cinq onces à cet ufage ; au moyen dequoi tout le Copal fut dilïbus , à la referve d'une petite quantité de la matière blanche & gluante ci-defîLis indiquée. Je filtrai la folution , & j'en tirai une efïènce pareille à celle qu'on obtient en fécouant. Après tout cela-, je pris de ces maflès gluantes demeurées des travaux précédens , & qui pefoicnt enfemblc un fcrupule & demi ; j'y verfai def- fus une demie once d'une huile de térébentliine pure ; je fis bouillir le tout. DES SCIENCES DE BERLIN. 389 au feu de fable , & j'obtins par ce moyen un beau vernis à laquer , d'un ^^^ \ii/ clair tirant fur le brun, qu'on pouvoit fort bien appliquer, qui féchoit J"^, i bien , & donnoit un beau luftre , fort propre à relever les couleurs vives ^ 2^ n E Lorfque j'eus l'honneur de communiquer cette expérience à M. le '7 S''" Confciller privé Eller , il eut la bonté de me dire , que la folution du Copal s'efté£tuoit encore mieux dans un bon efprit de vin camphré. Je pris donc deux onces de l'efprit de vin le mieux rectifié, dans lequel je fis difloudre au- tant de camphre qu'il étoit poffible; je verfai enfuite cet efprit de vin fur du CopiU réduit en pouffière déliée , & je mis le tout bien bouché à une douce digeftion, fecouant en même tems fouvent ce mélange , & de cette manière je parvins à la folution du Copul , à une très-petite quantité près. Cette folution donne p'areilicment une efpèce de vernis fort délié mais clair. VII. Voyant donc que l'huile de térébenthine attaquoit fi bien le Copal , j'en pris un lot auquel je joignis 2 onces d'huile de térébenthine ; je fis boui).. lir le tout convenablement au bain marie , & cela entra en folution d'une manière allez complette pour donner un beau vernis clair d'un jaune couleur d'or , qui ayant été délayé avec de nouvelle huile de térébenthine, & palTé convenablement à travers un drap net , donnoit un luftre encore plus beau que celui que j'avois préparé avec l'efprit de vin fimple. Des expériences réitérées m'ont appris dans la fuite , que quelques au- tres huiles éthérées font auffi propres à dilTbudre le Copal ; & j'ai procuré de femblables folutions avec l'huile de fabine & avec celle de menthe. Au contraire , les huiles exprimées , comme celles de lin , d'olives , d'aman- des , en bouillant avec le Copal n'en diflblvent rien ; il demeure au fond fous la forme d'une maflè récuite. VIII. Voilà jufqu'où j'en fuis venu pour la diiïblution du Copal par la voie humide. Je voulus voir enfuite comment je réuffirois par la voie féche. La première chofe donc que je fis , ce fut d'allumer une dragme de Copal à la chandelle, & de la lailTer brûler dans une cueillere de fer jufqu'à ce qu'il s'éteignît de lui même. 11 brûla avec une forte flamme jaune, & rendit une odeur particulière qui n'étoit pas tout- à-fait défagréable ; la fumée en étoit noire & épailTe. Le réfidu paroiflbit d'un noir brun ; il étoit brillant &: caf- fant , péfoit deux fcrupules , & confervoit encore toute l'éleftricité que le Co- pal pofléde avant qu'on le brûle. Mais il ne voulut plus s'allumer fur le feu , & ne fit que fe fondre ; il refta à la fin une fcorie noire , légère , & com,- me de l'éponge. L'huile de térébenthine en procura la folution à très-peu de chofe près , & le produit en fut un beau vernis rouge. Quand je dis que j'ai obtenu du vernis de difiFérentes manières, je veus remarquer en général que la chofe arrive toutes les fois qu'on fait bouillir le Copal dans l'huile de térébenthine , & cela en la manière accoutumée » foit au Ijain de fable , ou au bain marie. J'ai fait bouillir les mélanges juf* ^^0 MÉMOIRES DE VACADÉkiE ROYALE ^y~ qu'à ce que je me fois apperçu que l'huile avoit pris la confîftance d'un JoM.AjF. ygj.j^[5 . enfuite , à chaque fois , j'ai fait pafler ce vernis, auffi chaud qu'il Année ^ ^^^ poffible , à travers un drap net , & je l'ai gardé dans un vafe bien bou- ^75°' ché & enveloppé. S'il arrivoit dans quelqu'un de ces travaux que le vernis fût trop épais , il n'y auroit qu'à y verfer , dans la proportion requife , de l'huile de térébenthine , & le mettre digérer à une chaleur douce ; & de cette manière on peut fe procurer le vernis auffi épais ou auffi délié qu'on le juge à propos. Ayant apperçu , en brûlant le Cofal , que c'étoit un corps compofé de différentes parties conftitutives réunies enfemble , je continuai à faire les recherches convenables pour en découvrir la nature. IX. Je pris pour cet eflPet 4 onces du Copal le plus pur , tranfparent , d'un jaune couleur d'or, & réduit en menue pouffière ; je les mis dans une retorte de verre fpacieufe qui en étoit a peine à demi remplie , & à laquelle j'adaptai & lutai un récipient convenable ; enfuite je donnai le feu par dégrés pendant 3 heures. Il fortit d'abord un peu de flegme j puis le feU ayant été augmenté , il s'éleva des vapeurs épaiflès d'un blanc jaunâtre , qui furent fuivies de gouttes d'un brun clair ; & quand tout fut refroidi , je trouvai , après la filtration par un double filtre , humcâé avec de l'eau dit tillée , que le flegme péfoit jufte une dragme ; il avoit une odeur tant foit peu empyreumatique , étoit tout-à-fait infipide , & ne différoit d'ailleurs en rien de l'eau commune. Quant à l'huile , il en demeura dans le filtre 3 onces & demie , fans compter le peu qui s'étoit attaché au col de la retorte , au filtre , &c. Cette huile paroiflbit d'un beau verd -, mais quand on la tenoit vis-à-vis de la chandelle , elle étoit d'un rouge de grenade. Dans le col de la retorte il n'exiftoit pas la moindre trace de fel volatil ,• & le ré. fidu , qui péfoit une dragme & 7 grains , étoit d'un noir brillant comme la fuie j & expofé dans l'huile de térébenthine à une douce digeftion , il fe diflbut en grande partie en un vernis d'un rouge foncé. L'huile étoit alfez épaiffe , & l'odeur, qui n'en étoit pas défagréable, approchoit de celle du fuccin, comme auffi la couleur verte de cette huile a aflèz de rapport , ou plutôt une par- faite reffèmblance avec l'huile impure de fuccin. C'efl: donc une grande er- reur de croire qu'on ne, vient jamais à bout de tirer des bitumes une belle huile verte, à moins qu'on ne les ait diftillés avec delà cendre nette. Le goût de cette huile n'a rien de brûlant ; il eft plutôt agréable , aromatique & balfamique; au moins ne me paroît-il pas auffi défagréable que celui de l'huile impure qu'on tire de l'ambre jaune. Cependant il ne faut pas difputer des goûts. Il faut, je le répète , que dans ce travail la retorte ne foit tout au plus qu'à demi pleine , & qu'on augmente le feu convenablement par dé- grés j car dans la diftillation perfc, le Copal , comme l'ambre , monte & écu- me avec force. Le récipient doit auffi être bien luté ; & quand les vapeurs DES SCIENCES DE BERLIN. sgr montent , fi contre l'attente elles paflént au travers du lut , qu'on fe garde j^ bien d'approcher de la lumière. Cette précaution cft en particulier nécellaire, J'^ j quand on fait cette diilillation à un feu découvert dans une retorte d'argille , o * ces retortes ayant pour la plupart le col court; car quand une fois les va- ^75°'- peurs ont pris feu , il n'elt pas aifé de les éteindre. Je fis encore un eflàis femblable , en mêlant une once de Copal avec autant de fable de Freyenwalde j j'en remplis à moitié une retorte de verre bien gar- nie , & je poulîài par degrés à un feu découvert ; ce qui me donna à-peu- près une quantité de flegme , d'huile & de caput mortuum , proportionnée à la dofe de Copal que j'avois employée , avec cette différence cependant ^ que durant la diilillation il ne s'élevoit pas avec autant de force. Il en fut de même lorfque je traitai de la manière fufdite une once de Co~ pal avec autant de chaux vive , & le réfidu péfa une once & i 2 grains. J'obfervai les mêmes circonflances , lorfque je mêlai une once de Copal avec autant de fel commun. Mais en ayant mêlé une demi once avec 4 on- ces d'eau diliillèe , & 2 dragmes de fel commun , fait macérer le tout pen- dant 4 jours , & enfuite diltillé d'un alembic de verre proportionné au feu de fable , il fortit d'abord pour la plus grande partie de pur flegme , qui fut fuivi d'un peu de belle huile éthérée blanche , partie en vapeurs blanches y, partie en gouttes de la même couleur, que je recueillis enfemble dans le ré- cipient adapté , après quoi je fis la féparation du flegme par le filtre , com- me on le pratique avec les autres huiles éthérées. Ayant enfuite remarqué que les gouttes dans la diflillation commençoient à fortir jaunes, je changeai le récipient , & je tirai une huile jaune , puis rougeâtre, & à la fin brune, qui tomboic en gouttes péfantes , & qui étoit accompagnée de vapeurs jau- nes. Quand tout ce qui pouvoit être pouffé fut forti , le réfidu , qui péfoit julte une demie once , parut d'un noir brillant , en forme d'épongé ; & après que je l'eus leffivé , filtré , évaporé , & mis en cryftallifation , il donna un fel commun ordinaire. Il refta dans le filtre deux fcrupules d'une terre noire , friable & infipide. L'huile blanche qui étoit fortie tout au commencement, quoiqu'elle péfàt à peine un fcrupule & demi , rendoit une odeur extrême- ment agréable. Le Copal diftillé avec autant de craie donna précifément les mêmes produits qu'avec la chaux vive ; & toutes les additions femblables ne produifent d'autre effet fur le Copal, que d'empêcher qu'il ne s'élève pendant la diftil- lation auflî fort qu'il le fait en le diltillant per fi. X. Ayant donc procédé de la manière décrite ci-deffùs par des efïàis réitérés , que j'ai faits auffi en partie dans des retortes d'argille bien gar- nies , au feu de réverbère, j'ai remarqué que ce produit moyen d'un Copal net étoit au moins à chaque fois dei ou même de | d'huile. Je relTèmblai de la forte au-delà de deux livres & demie d'huile verte ; & une fuite toute natu= 39î MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROVALE — " y .7 relie de mes travaux précédens , étoit que je m'attachaffè préfentement à la J OM. A.IV- reâification de cette huile impure. La reâification des huiles empyreumati- Année q^gj g^ ^^g chofe trop connue, pour que je doive m'y arrêter beaucoup. Je I 75°' rapporterai donc feulement d'une manière fuccinte le diverfes voies que j'ai employées pour cet effet. Je pris d'abord 4 onces de mon huile verte , je les mis dans une retorte de verre , dont je nettoyai le col auffi exactement qu'il étoit poflîble 5 puis je diftillai au commencement à un feu doux d'une coupelle de fable , ce qui fit d'abord fortir une couple de gouttes d'une huile d'un brun foncé , qui probablement s'étoit attachée au haut de la concavité de la retorte en la rem- pliflant , fans qu'on eût pu l'en effiayer. Ceci commença à part dans le réci- pient. Quand ces premières gouttes eurent ceffé de couler, j'adaptai un autre récipient , je le lutai convenablement, & il fortit alors des gouttes verdâtres tirant fur la couleur d'olive pâle, avec quelques vapeurs blanches déliées. Le feu ayant été enfuite confidérablement augmenté , il vint des gouttes brunes péfantes, & auffi-tôt j'adaptai convenablement un autre récipient Cec , dans lequel je reçus ces gouttes , qui furent fuivies d'autres , péfantes aufli & d'un rouge foncé. Au fond de la retorte demeura un fcrupule d'une fubftance noire femblable à du charbon , comme celui que donne la poix de bateau brûlée , ou plutôt comme celui de l'afphalte. Je pris l'huile d'un verd pâle qui avoit été diftiUée dans le fécond récipient , & je procédai encore qua- tre fois de la manière ci-delTus décrite. Pendant ces opérations il monta une huile toujours plus déliée , plus claire , & d'un verd plus pâle j cependant elle ne put devenir tout-à-fait blanche. Mais , l'ayant encore redifiée trois fois , elle fortit d'un blanc parfaitement beau. Néanmoins cette huile a la propriété de toutes les autres huiles fétides reâifiées , c'efl: qu'à l'air elle recouvre infenfîblemcnt fon ancienne odeur & fa première couleur. • Je pris de plus 2 onces d'eau diftillée , dans lefquelles je verfai 4 onces de mon huile verte impure ^ je mis le tout dans une retorte afïèz fpacieufe , de façon qu'il n'y avoit que le tiers de la retorte qui fût rempli ; & ayant pouflé ce mélange par dégrés au feu de fable , il me donna une belle huile , d'un verd pâle , déliée & claire ; & à la fin il fortit de nouveau une huile pé- fante d'un rouge brun , que je reçus dans un récipient à part. Je reâifiai deux fois ce qui avoit paflé par-deflus avec de l'eau diftillée , ôi j'obtins à la fin une belle huile blanche , claire & déliée. Je procédai encore précifement de la même manière fur l'huile verte im- pure , dont je pris 2 onces , que je mêlai avec une once de craie nette pulvérifée , & que je poufïài dans une retorte de verre; car l'huile fortit d'a- bord péfante & d'un brun rouge 5 mais après trois cohobations fur de la craie fraîche , elle devint d'un verd pâle. Il revint enfuite des gouttes d'un brun rouge , que je recueillis à part. La craie étoit devenue de couleur ifa- belle, fans avoir d'ailleurs foufFert aucun changement. Je I DES SCIENCES DE BERLIN. 593 Je reftifiai par une cohobation quatre fois réitérée fur de l'eau diftillée , l'huile rouge & péfante , qui dans chacune des roétifications précédentes ^J^^'-^^' • étoit fortie la dernière , & j'en obtins pareillement une huile fort déliée d'un '"*' ^ 'l ^ verd pâle. ' 7 5 o« XI. Je pouffai plus loin mes efTnis pour voir ce qui arriveroit , tant à l'huile tirée du Copal diflilié pcr fe , comme il a été rapporté au §.X. qu'à celle qui avoit été redihée de la manière qui vient d'être décrite. I. L'huile , tant impure que redifiée , furnâgeoit au-delTus de l'eau ; & tant qu'elle y demeuroit , il étoit impoffible de l'allumer avec une chan- delle. i. L'une & l'autre, verfées goutte-à-goutte fur des charbons ardens , brù- loient fans donner de flamme claire ; elles fe réduifoient en une fuie noire. 3. Dans l'efprit de vin le plus reétifié , elles tombent toutes deux au fond ; mais fi l'on allume l'efprit , il brûle , foit que ce foit un alcohol , ou qu'il y ait été tartarifé , & à la fin l'huile s'allume auffi , & fe confumc toute entière en jettant une forte flamme jaune. Mais fi l'on dillille de l'efprit de vin avec de l'huile rettifiée , celle-ci s'élève & fort avec l'efprit ; au lieu qu'avec l'huile impure l'efprit ne fait fortir que la partie éthérés, & le refte ne vient en gouttes rouges qu'après que le feu a été augm.enté. 4. L'huile , tant impure que reâifiée , brûle comme les autres huiles , avec une mèche ; mais il y a cette différence que la première s'enflamme beaucoup plus aifémcnt , & fe confume plus vite que la féconde. La caufe en eft vraifemblablemcnt, que l'huile reéfifiée s'imbibe plus aifément dans la mèche que l'huile impure j d'où il réfulte que la mèche allumée attaque tout à la fois la quantité entière d'huile , qui fe met à brûler enfemble. L'une & l'autre de ces huiles jettent en brûlant une forte vapeur , ou fu- mée épaifïè. j. Elles ont auffi l'une & l'autre une forte odeur , mais qui n'eft pas tout-à-fait défagréable ; de façon qu'une petite quantité , fur- tout de l'huile impure, fe fait fentir à 30 ou 40 pas. 6. Trois parties d'huile reétifiée & 4 parties d'huile impure difTolvent une partie de fleurs de foufre en un baume épais , d'un rouge extrêmement foncé. 7. Cette huile travaillée convenablement avec de l'alun , donne un vrai pyrophore , comme M. le Profelîbur Spiclmann l'a auflî rémarqué de l'huile qu'on tire du bitume de Lampertfloch. XII. Je pouiTài encore plus loin mes effais, & je mêlai une demie once de l'huile impure avec 2 onces d'une huile de vitriol blanche ; elles fe mêlè- rent en un clin d'oeil fans frémilTèment , & ce mélange devint d'un rouge fon- cé & épais. L'ayant laiffé répofer 8 jours dans mon poêle à une chaleur tempérée , je le pouffai dans une retorte de verre bien garnie à un feu ou- Tom. II. Ddd 394 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE —^ rj. vert par dégrés , ce qui fit élever & fortir un acide vitriolique , pénétrant J OM. Air. ^ y^jgjjj ^ d'un brun noir , mais qui n'étoit pourtant pas épais. Le feu ANNEE gygfjt ^{^ Bugmenté, il inonta un peu de foufre dans le col de la retorte, >■ 7 5 "• niais le poids en alloit à peine à 2 grains. Le réfiduétoit une terre noire , friable , qui n'avoit ni goût ni odeur , ik qui péibit environ un fcrupule. Les chofes fe pafïènt de la même manière , quand on mêle de l'huile rec- tifiée avec cet acide vitriolique concentré. XIII. Une demie once , foit d'huile reâifiée , foit d'huile impure , mêlée avec une once & demie d'un efprit de fel fumant pur reétitié , s'uniilènt d'a- bord enfemble , & donnent une teinture d'un brun rouge. Au commence- ment il furnâgcoit pourtant encore un peu d'huile ; mais eUe fe mêla comme le refte , après une digeftion de 8 jours dans un appartement médiocrement chaud. Je procédai fur ce mélange comme ci-delTiis, en le pouflànt d'une retorte bien garnie ; il s'éleva de la plus belle couleur de rubis 5 après quoi fuivirent quelques gouttes d'une huile rouge épaiflè , qui fortoient fort pé- famment , > bent dedans. Son fond efl; argilleux; & à 180 pas de là on découvre une » mine de bitume fablonneufe , dont la veine efl couverte dans quelques » endroits d'un demi pié de terre , & dans d'autres de deux pies ; elle » a 20 pies de largeur fur 4 de frofoodeur» J'ai trouvé , continue-t-il , » au fond de la mine des pyrites jaunes & blanches. L'eau de cette » fource ne diffère pas de celle des autres fontaines. Cinq livres de la » mine ont donné par la diftillation une once de flegme , & huit onces » d'une huile empyreumatique ; il eft refié dans la cornue un fable noir » & blanc , dont l'aimant a attiré quelques particules ; l'huile de la fource » a donné par la diftillation les mêmes produits que la mine. On a tiré » de l'huile empyreumatique , après plufieurs reftilications , beaucoup » d'huile très-fluide & jaunâtre ; je n'ai pu , dit-il , encore faire du fuc- » cin de ce pctroleum , ni avec le fel de Glauber , ni avec l'efprit de nitre. » Moniieur Schœpflin, qui par un eff'et de fon attention ordinaire, ne laiflè rien échapper , fait quelque mention du bitume de Lnmpertjloch dans le premier volume de fon Alj'atia iilujhata , & renvoie le LeÔeur à la Dif- fertation de M. Hœfcl. Je viens d'indiquer tout ce qu'on a écrit jufqu'ici fur cette matière , tant pour rendre juftice à ceux qui l'ont traitée avant moi , que pour faire voir qu'il y a encore bien .des chofes à défirer là-deffus , & que le bitume des environs de Sul{ a été travaillé depuis avec fuccès. On a tiré tout le bitume dont on s'eft fervi jufqu'à l'année 1742 , des fontaines d'une prairie marécageufe , comme le font ordinairement celles qui fe trouvent entre des montagnes. Elle eftfituée vers lefud-oueft, au pié d'une colline , qui a La/np en/loch au nord , & MerhwiUr au fud : la hauteur de la collipe j^ù. ^'.environ 3 o toifes , & fon fommet eft large d'un quart de & dont on a tiré le bitume principalement. On a vu de tems en tems naî- tre de nouvelles fources , qui ont fait tarir les anciennes 5 mais la plus grande s'eit toujours confervée : les petites fources qui fubfiftent aujourd'hui , ta- rillcnt pendant l'été , & je ne doute nullement que fi l'on continue de tra- vailler à la mine , & de faire écouler les eaux de la montagne , les fontai- nes de la prairie ne tarifent un jour entièrement. La grande fourcc eft au fud de la mine, de niveau avec la prairie ; d'un côté elle a i 5 pies de pro- fondeur, 18 de l'autre, & j pies quarrés de largeur j fes eaux n'augmentent pas beaucoup , quoique celles des environs croiflent confîdérablement. Il y a environ i 2 ans qu'on a vuidé les eaux de cette fource , ce qui a fait tomber fa garniture de planches , en forte qu'il n'en eft reflé que quelques- unes à fa partie fupérieure ; mais on a rétabli la garniture il y a quelque tems. L'eau de la fource eft bleuâtre, à-peu-près comme le petit lait, ce qui eft caufé par les parties huileufes qui y furnâgent ; elle n'a pourtant au- cun goût. On fe fouviendra que M. Hœfd aflure , que le plus de bitume qu'on pou- voit ramafler de fon tems fur les fontaines , étoit 4 livres par jour : dans l'année 1741 , on a trouvé le moyen d'en tirer plus de quintaux qu'autre- fois de livres. Monfieur Tirnis , Suilïè , commença cette année à fouiller dans la fu- perficie de la terre. Monfieur de la Sablon'ùrc qui avoit déjà travaillé à la mine d'afphalte de Neuf- Châtel , a poulTé le travail plus loin ; & ayant pénétré jufqu'à l'intérieur de la montagne , il a découvert le lit qu'on tra- vaille adlucllement. C'eften 174 c qu'il commpn ça à -î'y mettre avec vigueur, & c'eft de lui que vieiu le nom de Id Sablonlère qu'on donne aujourd'hui à l'enclos de la mine qu'on travaille fur la colline dont j'ai parlé. Depuis il a fait bâtir auprès d'elle une petite maifon pour le Direi^eur, & une grange fpacieufe pour la préparation du bitume. On a commencé à creufer près du pié de la colline. La bouche , ou l'ou- verture du conduit , eft fituée du coté de l'orient , & la galerie vers l'occi- dent j elle a environ zoo toifes de longueur ^ il y a encore plufieurs autres galeries qu'on a faites depuis pour tirer la mine. On a auffi pratiqué trois puits dans la colline , dont le plus ancien , qui eft ruiné à préfent, avoit 1 2 pies de profondeur : les deux autres, dont l'un 313 toifes de profondeur, & l'autre qui n'a été creufé que cette année , aboutiffent à des galeries , dont l'une s'étend du fudoueft au nord-oueft , & a environ 1 00 toifes de Ion» gueur. Le nouveau puits , qui a 62 pies , aboutit à une galerie longue de lo toi- fes , ou environ. 4o6 MEMOIRES DE VACADÈMIE ROVALE T ^y ^^^ galeries de la colline ont en général 8 pies de hauteur , dont deux ^ ' , ' qui font les plus proches deleur fonds, font garnies d'une planche fur laquelle Q . on marche , & audelTbus de laquelle les eaux peuvent fe rafïèmbler , leC- ' ' quelles font conduites par des canaux jufqu'à la pompe qui les tire au jour. L'exemple de MM. Tirnis & de la Sahlonicre a encouragé différens cu- rieux à fouiller dans d'autres endroits du voifînage de la colline que je viens de décrire. Il y a environ deux ans qu'on a commencé de tirer auffi la mine de bitume de la forêt de la Paroiflè de Sul{, L'ouverture de la galerie prin- cipale eft dans le point de la vallée qui fe termine dans cette forêt : cette ga- lerie avance de trois ou quatre toifes vers le fud , elle fe tourne après vers l'ouefl , & de-là vers le nord-oueft 5 elle a 5 pies de hauteur, & 2 & demi de longueur ; elle a aftuellement 20 toifes ou environ. On a pratiqué pro- che de l'entrée de la galerie un puits d'où on tire la mine , par des cuveaux, comme cela fe pratique auffi à la colline dont j'ai parlé ci-deffus; on pompe les eaux par le même puits qui a j toifes de profondeur. Cet établilîèment s'appelle le Saupfcrch , parce que c'eft ici où couchent les cochons qu'on envoie au gland. A une demie lieue du Saupferch, du côté du nord, on a trouvé une couche de bitume, à quelques pies fous terre, & large de i 20 pas. Celle-ci n'eft pas travaillée faute d'Entrepreneurs qui veuillent y employer quelqu'argent. Le puits du Saupferch commence par une couche de fable , après laquelle vient une mine de bitume j fous celle-ci une couche de charbon de terre en pelotons , & enfin une d'argille. En creufant le puits de la colline , on a premièrement trouvé une couche de terre de potier, d'un jaune-gris, qui a jufqu'à 4 pies de largeur 5 en- fuite une terre fahlonncufc Jdnb Id^ucllc un a rpmarqué des veines d'un rouge brun ; après cela un banc d'argille tantôt blanche tantôt grife ; & enfin la mine de bitume, fous laquelle on voit un banc d'argille femblable à celui qui eft au-deflus: l'argilleeft d'autant plus dure qu'elle eft plus profonde. Il s'y trouve auffi des pyrites difperfés par pelotons j mais plus on y pénétre , moins on en découvre. Les vapeurs fouterraines s'élèvent quelquefois dans la minière de Lam- pertfloch, ou de la colline, en fi grande quantité , qu'elles font un dommage confidérable. Il eft arrivé plus d'une fois , & encore tout récemment , que des eaux qui paroiflbient onéiueufes au goût & au taâ , ont percé dans la galerie , que le bitume qui nâgeoit fur elles s'eft enflammé , & que l'air a été fi prodigieufement ébranlé , que non-feulement les ouvriers ont été jettes par terre , mais que les tuiles de la maifonnette du puits ont été brifées , & qu'on a entendu , dans l'efpace d'un quart d'heure , un bruit femblable à c«lui du canon. DES SCIENCES DE BERLIN. 407 Le bitume qu'on tire des trois endroits qui font exploités aujourd'hui , ^ v'J^ dift'ére à quelques égards. Je décrirai ci-après celui qu'on tire de la colline . \' , * de Lampcrtjloch. Celui^ du Saupfcrch elt plus puant que les autres j celui en- n fin qui ell proche de la terre, eft le plus tenace de tous. Aufli y a-t-on ' ^ trouvé du véritable bitume , aflèz folide , qui n'étoit incorporé dans au- cune autre fubftance. On fe fert pour arriver à la mine de bitume de deux infirumens. L'un eft une pèle de fer , qui fait un angle aigu avec le manche , & dont la par- tie antérieure eft formée en demi-lune. L'autre eft un coin de fer , attaché à un manche. C'eft le bitume qu'on tire de la mine de la colline , qui eft le plus renommé ; c'eft aufR celui qui a fait le fujet de mes expériences , que je vais rapporter , après avoir dit deux mots fur la nature de la mine , & fur la façon d'en tirer le bitume. On appelle la mine fur les lieux où on la tire de la terre, mine d'Afphal- te, C'eft une terre noire , plus ou moins onâueufe au taft , à propor- tion qu'elle approche davantage de la fuperficie de la terre. On la tire en grandes malles , qui expofées à l'air , tombent en petits morceaux , parce que les parties fluides qui les uniffoient, s'en exhalent. Linnaus fait mention de cette terre dans le Mufium Tejfinian, p. 40. fous le nom de minera bitumen friabde. Cette terre eft très-improprement nommée une mine ; car dans le fond elle n'eft qu'un fable imprégné de bitume , qu'on en fépare de la manière fuivante. On met cette terre dans des chaudrons de fer ; on la fait bouillir avec de l'eau , fur la fuperficie de laquelle le bitume monte par ce moyen; on trouve au fond de la chaudière un fable blanc précipité. Le bitume qu'on en retire de cette façon contient encore plufieurs parties de fable , dont on n'a pu le féparer enticremcnt , >.e qui ne fc fait qu'en faifant fondre le bitume retiré du fable dans une chaudière de fer , & en le faifant bouillir pendant quelque tems. Par-là le fable qui s'y trouve encore mêlé , fe préci- pite au fond de la chaudière 5 & le bitume qui eft au-defTus du fable préci- pité , fe trouve entièrement purifié. Rien n'cft plus fimple que cette méthode pour retirer le bitume du fable dans lequel la nature l'a caché : l'eau mife en mouvement par la cha- leur pénétre dans les inftertices du fable , & en détache le bitume qui s'y trouve. Celui-ci , qui eft plus léger que l'eau , & qui n'en peut être diffbus , monte à la fuperficie , & s'y aflemble 5 le fable au contraire tombe par fon poids au fond du vailïèau. Ce qui refte de fable dans le bitume , & qui n'en peut être féparé par . cette première opération , eft précipité par la féconde , dans laquelle on fond le bitume ; c'eft-à-dire , qu'on divife fes parties, & que le fable qu'eU les tenoient enveloppé , fe retire par fon poids , & entraîne avec foi quel- ques parties bitumineufes qui n'ont pu s'en féparer entièrement. Ce fable ref» 4o8 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE vu/- ^^"-^^^^ parfaitement à la terre bitumineufe tirée de la minière ; il en a auffi lOM.Xll , l'odeur, & s'enflamme facilement lorfqu'on le jette au feu; dans la fabri- p que même on s'en fert en guife de bois. ^75°' La nature fépare le fable du bitume beaucoup plus aifément. Les eaux fou- terraines dont on fait que le mouvement efl très-fort , en palîànt par le lit du fable bitumineux , fe chargent de bitume ; le courant fupplée ici au mouvement que nous excitons dans la fabrique par le bouillonnement. Le fable qui eft obligé de s'en détacher par la fufion , fe fépare du bitume que les eaux fouterraines ont chargé , fous les pafïàges de ces eaux par des couches fablonneufes & argilleufes , au travers defquelles ces eaux fe fil- trent avant qu'elles percent au jour. Une livre de fable bitumineux m'a donné deux onces de bitume bien net, & 14 de fable, dont une once s'eft précipitée du bitume par le raffinage. J'ai diflillé une livre de fable qui reftoit après le raffinage du bitume , & j'en ai eu deux gros d'eau , Cis gros d'huile fubtile , & cinq gros d'huile épaiffè ; fubftances dans lefquelles le feu décompofe le bitume , comme je le dirai plus bas. Il paroît par ces expériences , que chaque livre de fable qui fe précipite pendant la purification du bitume , en contient au-delà d'une once & demie ; & comme on retire d'une livre de terre bitumineufe une once de ce fable , on perd fur chaque livre environ un gros de bitume, qu'on ne fauroit en retirer. Cette perte peut être aifément négligée. Le bitume fépare de fa mine eft une matière noire , d'une odeur aflèz îorte qui lui eft propre ; elle n'eft ni bonne ni mauvaife , & ne peut fans prévention être comparée à celle du fuccin. Quand on jette du feu fur cette matière , elle ne s'enflamme pas ; mais en la jettant fur du feu, elle s'enflam- me auffi - tôt , & donne une fumée blanche. J'ai ramaffé cette fumée , & j'en ai eu une fuie très-fine , mais point brillante. Le bitume brûle dans la lampe comme une huile faite par expreffion , fans qu'il en réfulte au- cune odeur défagréable. Il tient le milieu par fa ténacité entre le miel & la térébenthine. Quant à fon poids fpécifique , on peut le comparer par la table ci-jointe avec celui de différentes fubftances que j'ai pefées dans ma chambre , dans une même heure. Huile de giroffles - - - Eau commune- - - _ Vinaigre diftillé - - - Bitume de Lampenjloch - Efprit de fel ammoniac fait fans eau - . - - . Huile de lin - - - . Beure de Cacao - - - 070. 019. 01 5. Huile Acide I. 100. 980. 946 d'Olives d'Amendes douces de Térébenthine de fel dulcifié - nitre dulcifié - - ■ vitriol dulcifié - Alcohol - - - . . Q. E. Végétal , ou Ether }' 92J. 903. 884. 873. o. 942. Naphte diftillée du bitume j ].o. 845. >o. 0S8. Si f DES SCIENCES DE BERLIN. 409 Si l'on expofe notre bitume à l'air pendant un certain tems , il perd non- feulement de fon poids , mais il devient même plus tenace , & cela plus v, "'"*'■ * ou moins à proportion que l'air eft chaud ; ce qui fait , que dans les gran- ■" ^ n f, B des chaleurs , on fcnt l'odeur de la mine à la diftance de 40 pas. Les va- '75"' peurs qu'exhale le bitume qui furnâge ne font en aucune manière nuifibles ; car les mouches , les oifeaux ôc les autres animaux qui en approchent , n'en font point incommodés. Il efl vrai qu'on y trouve quelquefois des infec- tes noyés , mais cela ne vient point des vapeurs nuifibles de la fontaine ; ces petits animaux y périlTcnt plutôt faute de nourriture ; leurs aîles étant chargées par cette matière tenace , ils ne fauroient s'envoler. En faifant bouillir cette matière , elle pétille d'abord beaucoup , à caufe des particules aqueufes qui s'y trouvent mêlées , & devient plus tenace. En continuant de la faire bouillir jufqu'à ce qu'elle foit réduite à la moi- tié de fon poids , elle devient dure & caflànte comme de la poix en fe re- froidilïànt. J'en ai tenu une partie réduite à cette confiflance pendant quel- que tems dans l'eau bouillante ; elle eft devenue très-molle , ôc capable de recevoir toutes fortes de formes , fans cependant s'attacher aux doigts. Je conclus de ces expériences , que cette matière eft auffi propre pour poiifèr les navires que le goudron végétal , & qu'elle peut être encore pré- férable à ce dernier, en ce qu'elle préferve les vailîèaux de la vermine , qui au contraire y eft attirée par l'odeur du pin , qui eft très - agréable aux vers. Le même bitume évaporé à un plus grand degré , devient un véritable af- phalte. On comprend par ce que je viens de dire fur la matière qu'on tire de la mine de Lampcnjloch , que Is nom qui lui convient le mieux eft celui de bitume liquide , terme par lequel les Anciens ont dénoté une huile tenace qui fort de la terre. Diofcoride , L. I. ch. 99. dit qu'on brûle le bitume li- quide dans bs lampes •., or on fait que les huiles trop fluides ne font pas pro- pres à cet ufage. Pline , dans fon Hijloire Naturelle , L. VI. ch. 23. parle d'une nation qui perfeftionne le bitume 5 ôc L. Vil. ch. 15. il dit que le bitume eft tenace & gluant. L. XXXV. ch. 4. il donne le nom de bitume à iine liqueur gralTé Ôc huilcufe qui nage fur une fontaine. Galien , de Sirnpl» Medicam. facult. L. I. ch. 17. affijre que la fubftance des bitumes eft crallè & terreftre. On appelle notre bitume dans l'endroit où on le fabrique , Goudron , parce que les Entrepreneurs avoient delîèin de le vendre pour calfater les vairtéaux. Il paroit par ce que j'en ai dit plus haut , qu'on l'y pourroit adap- ter effe£èivement , quoiqu'on ne l'emploie jufqu'ici qu'à graiiïér les voitu- res : aufli y mèle-t-on du favon & du fuif , pour le rendre plus propre à cet ufage. Tome II. f f f 410 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE • rn On nomme auffi notre bitume petroleum , parce que , dit-on , c'eft une °^^' . ' huile qui fort des rocliers. Mais rien ne retarde plus les progrès qu'on peut _^ E.E £gjj.g j^^^ rtliftoire Naturelle que la mauvaife coutume de s'attacher aux ^75°' écorces étymologiques, en négligeant d'approfondir la nature des chofes, qui en eft le but principal. L'Hiltoire Naturelle eft une fcience de pratique plutôt que de fpéculation , en ce qu'elle fait connoître par des faits la nature des corps utiles aux hommes. Il faut en effet mettre une grande différence entre les matières foffiles inflammables , connues en général fous le nom de Petroleum. Mercatus dans fa Mctallotheca , p. 8 i • diftingue les bitumes fluides qui deviennent tenaces , de ceux qui ne le deviennent pas. Je fuis très-furpris que les Auteurs moder- nes ayent négligé cette diftinftion , fans laquelle il eft impoffible de fe for- mer une idée jufte des huiles folEles. J'admets donc deux fortes de ces hui- les , dont les unes deviennent épailTès & folides par l'évaporation , & fe ra- molliflènt enfuite par la chaleur , de manière qu'elles font fufceptibles de toute fortes de formes. Je les appelle fcùumei. Les autres s'évaporent entière- ment par la chaleur , & il n'en refte qu'un peu de terre noire , qui efl: une partie huilcufe brûlée ; je les nomme Petroleum. Il efl: très-probable que les Anciens ont compris le Petroleum fous le terme de Niipthe ; car le mot de Pe- troleum n'a commencé à être ufité qu'au i6=. fiècle , comme on peut le voir dans Agricola , de Natur. FoJJil. 1. IV. J'ai vil que quelques Auteurs citent Mefuë au fujet du Petroleum ; mais je n'ai pu trouver ce mot dans l'édition des deux livres de cet Auteur , qui a paru à Venife en 1689. Je vois au contraire dans fon grahadin , à l'article cleum philofophorum , qu'il diftingue l'huile des Philofophes en naturelle & en artificielle ; la naturelle en minérale & en marine , & qu'il appelle cette der- nière Napthe. Il eft donc clair qu'il entend par huile des Philofophes natu- relle minérale , ce qu'on appelle aujourd'hui Petroleum. Le bitume de Lampertjloch diflbut les fubftances animales & végétales fui- vantes : la gomme adragunt , animé , le bdellium , le camfre , le caranna , la cire , le cocofon , le copal , l'encens , l'encens de village , l'euphorbe , l'huile d'olives , l'huile de térébenthine , la gomme ammoniac , la gomme de lier- re , les trois efpèces de laques, le majîic ,. la myrrhe , l'opoponax , le phof- phore ( cette diflfolution luit dans l'obfcurité ) le fagapenum , le fang de dra- gon , le Jlirax , le tacamahac , la térébenthine. 11 eft inutile d'avertir que le bitume devient d'autant plus folide , qu'il a diflbus une plus grande quantité de fubftances folides , & que l'artifte le peut rendre propre à différens ufages , en y joignant différentes fubftances auxquelles il s'unit. Il ne diflbut point le benjoin, ï'ajfn fœtida , le galbanum & le cachou. L'huile de vitriol verfée fur le bitume ne s'échauffe pas ; mais il fe forme '75*- DES SCIENCES DE BERLIN. 411 de ce mélange une maflc folide & noire , qui n'a aucune tranfparcnce. Cette ^- - ■ ' malTè étant dilUllée, donne un cfprit acide très-volatil ; & elle fublime au \i°^^ col de la cornue & du récipient des foufres ; dans la cornue il refte une ^J\ p ^ terre noire & infipide. Il Icroit fupcrflu d'expliquer comment l'acide vitrioli- qiic acte volatilifé, & comment le foufrc a été produit dans cette expérien- ce. L'eau forte , l'efprit de nitrc de Glauber , & l'efprit de tel n'agilïent point fur notre bitume ; ils n'en dilîblvent rien , même après de longues di- geltions. Quand on le fait bouillir avec l'efprit de nitre, les vapeurs acides le pouflcnt hors du vailïcau , à moins qu'il ne foit fort grand -, le bitume de- vient en même tems plus tenace , & perd fa couleur pour en prendre une jaune rougeâtre ; ce changement de couleur vient fans doute de l'acide ni- treux , qui s'attache au bitume , & qui augmente fa ténacité. -L'efprit de vin alcoholifé ne produit aucun changement fur le bitume. La ténacité de celui-ci en paroît être la raifon^car le Petroleum de Neuf-Châ- tel , qu'on tire de fa mine par la dilHUation , fe diflôut dans l'alcohol ; & perfonne n'ignore que les huiles par expreffion deviennent diflolublcs dans l'alcohol , quand elles ont été atténuées par la diftillation. Ce n'eft pas ici que je rendrai raifon de ce phénomène ; mais je ne faurois paffèr fous fîlence l'erreur de quelques Auteurs , qui affurent que tout Petroleum dont l'alcohol diiïbut quelque chofe , eil: falhfié par une fubftance rélineufe. Ceux qu'on retire de leurs mines par la dilHUation , montrent le contraire ; & encore ne vois-je pas pourquoi la chaleur fouterraine ne pourroit pas at- ténuer les bitumes qu'elle fait fortir de la terre fous une forme fluide, au mê- me degré que le fait la diftillation. En mêlant notre bitume avec du fel alcali fixe , il n'en réfulte rien de fcmblable au favon 5 l'acide du bitume qui réduit l'alcali en fel neutre, en cil la raifon. En calcinant le mélange du bitume avec l'alcali , jufqu'à ce qu'il ne fume plus , & en tirant tout le fel qui y eft contenu , on obtient un fel dont la première criftallifation eft couverte d'une pellicule tant foit peu viC- queufe , & dont les crillaux expofés à une chaleur médiocre perdent leur tranfparence -, & quand on en jette fur des charbons , on apperçoit à peine qu'ils décrépitent. L'eau froide ne peut pas le difïbudre , à moins qu'on ne les diilblve & cryftallife de nouveau. Quand on fait fondre ces cryftaux dans un creufet avec des charbons , ils ne donnent point de foie de foufre ; leur goût eft un peu amer , & ils précipitent le mercure en forme de chaus blanche. Ce que je viens de dire fur les cryftaux formés par l'acide contenu dans notre bitume & par le fel alcali , démontre que cet acide eft celui du fel commun , qui fe joignant à l'alcali, produit ce qu'on appelle communé- ment _/i/ digcjlifde Sylvius. La figure de ces cryftaux n'a pas été bien for- mée , leur décrépitation a été imparfaite , & ils n'ont pu fe diilbudre dans Fff ij 412 MÉMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE gp= ' ï'eau froide , parce qu'il y avoit encore quelques particules huileufes qui loM.Xik. ig^^j. ^fQjgf,^ adhérentes. Année ^q^^-ç bitume , mêlé avec l'alun , & calciné à propos, forme ce qu'on ap- ^ 7 5 O' pelle Pywpitore , ou un foufre qui eft retenu dans la terre poreufe de l'alun , lequel étant fuftbqué tout ardent, s'enflamme de nouveau quand on lui re- donne l'air. MM. Sachs & Hœfel , l'un dans fa diflértation de Pyrophoris , l'autre dans celle /ur le bitume de Lampertjlouk , ont fait la même expérience. J'ai précipité avec une leffive faite de notre bitume calciné avec le fel de tartre , une diflblution d'une partie de vitriol de mars , & de deux parties d'alun •, ce mélange m'a donné une chaux jaunâtre. Je fus curieux de fa- voir pourquoi l'alcali rendu huileux ne prccipitoit pas le fer fous la forme d'une chaux bleue , & s'il falloit ncceflairement pour cet effet un phlogif- tique animal, ou fi l'acide a empêché jufqu'ici de faire le bleu de PruflTe avec toute autre chofe qu'avec le charbon animal. M. l'Abbé Menon m'a fait naître cette idée par les deux Mémoires qu'il a préfentés à l'Académie Royale des Sciences de Paris, & qui font contenus dans le premier Tome des Mémoires étrangers. Pour m'éclaircirà cet égard, i'ai pris du fcl alcali , & l'ayant calciné avec de l'huile que j'avois tirée de no- tre bitume, après l'avoir diftillé fur le fel de tartre , j'ai verfé la lefiîve que j'en ai retirée dans une dulblution de vitriol de mars & d'alun , & j'ai eu une chaux bien bleue. Ayant cémenté le bitume avec du fer , je n'ai remarqué dans celui-ci au- cun changement , comme je l'avois prévu , étant bien perfuadé que l'acide empêche le fer de Te changer en acier , quoiqu'on lui ajoute le principe inflam- mable. Trois parties du même bitume difïblvent une partie de foufre ; cette folution acquiert une odeur fulphureufe , &, le bitume en devient plus épais. On fera peut-être furpris d'apprendre qu'il faut plus de bitume pour dilTôu- dre une certaine quantité de foufre , qu'il ne faut d'huiles faites par expref- fion , pour dhlbudre communément la moitié de leur poids de foufre. La diiTolution du foufre dans le bitume paroît contraire à l'axiome , que plus les graiffcs font tenaces , & plus elles dijjolvent de foufre. Mais on verra , en faifant l'analyfe de notre bitume , que fa quatrième partie n'eft qu'une lîinple terre , & que la feptième partie de fon poids eft une huile très-fub- tile , qui s'exhale à une chaleur beaucoup inférieure à celle qui efl: néceflàire pour faire bouillir le bitume. Or , comme ce bitume ne peut diflbudre le foufre , à moins qu'on ne les faffe bouillir enfemble , l'huile fubtile doit s'envoler, pendant que la diflbiution fe fait. Mais fi on déduit du bitume la terre & l'huile fubtile qui ne font rien à la diflbiution , on connoîtra facile- ment que l'huile du bitume, qui feule peut diflbudre le foufre , en diflbut une quantité aufli grande que les huiles par expreflion. L'ambre gris & le fuccin fe didolvent parfaitement dans notre bitume. DES SCIENCES DE BERLIN. 413 de même que l'arfenic , qui fe fublime en arfenic rouge , quand on diflille la '^ difïolution. loM.XH^. J'ai diiliUé une livre de bitume ; j'en ai tiré 1 1 onces d'une huile empyreu- ^ ^ o ^ matique , & 4 déterre morte, avec z gros d'eau , dans laquelle je ne pou- ' 75o» vois remarquer aucune partie faline. Je ne difconviens pas qu'une partie de l'eau que j'en ai tiré , ne foit pro- venue de la décompofition de quelques parties liuikufcs. Perfonnc n'ignore qu'il fe décompofe toujours quelque portion des huiles auffi fbuvent qu'on les diflille ; mais le pétillement de la matière pendant l'opération , qui fait aufli qu'on ne peut pas obtenir l'huile fubtile dans la première diflillation , m'a convaincu qu'il y avoit encore de l'eau , dont on s'eli fcrvi pour la répa- ration du bitume de fa mine , mêlée avec le bitume , & qui en fort lors- qu'on le diflille. J'ai mis l'huile tirée du bitume dans une cornue ; j'en ai bien nettoyé le col; & ayant changé pluficurs fois de récipient, j'en ai tiré z onces & i gros d'une huile três-légére , parfaitement claire, & qui n'avoit aucune cou- leur. Une goutte de cette huile verfée fur de l'eau s'étend beaucoup , & ne fait point de bruit ; elle a une odeur très-forte , & elle attire la fîamme quand on la lui préfente ; elle brûle fur l'eau , & étant verfée dans une fo- lution d'or , elle en attire le métal , & devient noire j expofée à l'air pendant quelques jours , dans un verre débouché , elle refîe claire 5 elle eft enfin par- faitement difïoluble dans l'alcohol. Cette huile diflillée de nouveau monte fans aucun changement par une chaleur médiocre, & laifle au fond de la cornue une légère croûte noirâtre. Rien n'cfl plus naturel que ce peu de terre qui refte après la diftillation des huiles les plus fubtilei;. Plufîeurs fe font imaginé qu'elle en étoit une partie hétérogène , & qu'à mefure qu'on prive- roit les huiles de cette terre , elles en deviendroient j^lus fubiiles. C'efl par cette raifon que les uns ont dillillé l'huile pluf:eurs fois , & que les autres y ont ajouté différentes fubflances fur klqueiles ils ont voulu les reiStifier. Mais , ni les uns ni les autres ne font parvenus à avoir une huile qui n'ait point laifïë, après la diflillation , une terre noire au fond de la cornue. AuiE eft-il impofîîble d'y parvenir; car les parties d'huile qui s'attachent aux pa- rois de la cornue , feront toujours brûlées par la chaleur qui eli néceflaire à la diflillation ; & c'efl admettre une chofe impofîîble , que de uj poferune huile qui n'a aucune terre , parce que l'eflence de l'huile cor.iiiie dars le phlogillique ; & qui pourroit nier que le phlogiflique ne foit une terre ? L'éther , cette huile fi fubtile , laifTè toujours une croûte noirâtre au fond de la cornue , quand on le diflille fans addition. Je ne faurois m'imaginer que l'huile dont je viens de parler , foit formée par l'aélion du feu. J'ai dit ci- deilus qu'elle efl parfaitement claire & fluide ; or , chacur fait que plus les bulles ont fouffert du feu , plus elles deviennent tenaces & colorées : pv^ 414 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ^'^ „■„ conféquent il n'eft pas probable que l'huile en qiicTlion foit formée par le J*^' " , * feu. Ajoutons que notre nuiic étant une fois féparéc du bitume , on n'en peut „ ^ plus rien retirer de pareil , à quelque feu qu'on l'expcfe. Je n'héfîte donc '^^ ' point à la mettre au rang des huiles elTèntielles éthérées. On n'aura pas lieu de douter que cette huile ne foit la véritable napthe , tant des Anciens que des Modernes , fi l'on veut fe donner la peine de conful- ter, entr'autres Auteurs , Dioj'condc , Mat. Mcd. 1. II. ch. ici ; Pline , Hifl. nctural. 1. IL ch. 1055 Plutarque dans la vU d^ Alexandre ; Strabon Géograph, I. XV j Linnœu! , Syjlem. Natur. WalUrius , Minerai. §. 99. De même que l'argent efl: toujours argent , de quelque païs qu'il vienne , & que celui qu'on tire des mines ne diffère pas de celui que la nature nous toffre tout for- mé , quand l'un & l'autre ont été bien raffinés ,• ainfi la naphte fera toujours la même , qu'elle foit trouvée en Syrie , en Perfe , en Italie , ou en Alface ; quoique la nature la donne toute pure dans certain païs, & dans d'autres mê- lée avec différentes matières dont on efl obligé de la féparer artificielle- ment. Après la napthe , on a diflillé 4 onces d'une huile jaune tirant fur le rou- ge, dont l'odeur efl moins pénétrante que celle de la naphte. Je ne difcon- viens pas que cette huile n'ait foufFert de l'aélion du feu 5 elle y a été trop long-tems expofée pour n'en avoir point été altérée. On trouve dans dif- férens païs des huiles qui fortent de la terre , parfaitement femblables à cel- les-ci. Les Duchés de Modéne & de Parme , de même que les Provinces de Languedoc & d'Auvergne nous en fournilfcnt des exemples. Ceux qui fe- ront curieux d'en favoir davantage , pourront confulter Agricola , de Nat. Fojfjil. & Liharius , fingularia , p. III. Ce que je viens d'alléguer au fujet de la napthe, fuffit auffi pour prouver, que l'huile dont je parle ne diffère pas de celles que la nature produit toutes formées , & qui n'ont pas befoin d'être réparées par l'art , des matières hétérogènes avec lefquelles elles ont été mêlées dans les entrailles de la terre , & qui font connues aujourd'hui fous le nom de Petroleum blanc , ou Petroleum rouge. Après la diftillation du Petroleum , j'ai obtenu par un feu plus fort 4 on- ces Si demie d'une huile fort épaiffe , d'une odeur défagréable , & qui ref- femble parfaitement à l'huile épaiiTè qui fort la dernière quand on diftille la térébenthine. Elle paroît quelquefois bleue , d'autres fois rougeâtre , félon les diff^érentes fituations dans lefquelles on la confidére. Comme je foupçon- nois que l'épaiflèur de cette huile venoit en partie de l'acide qui lui eft joint, je l'ai diftillée avec la moitié de fon poids de fel de tartre , & par le moyen d'un feu violent , j'en ai obtenu une grande quantité d'huile fembla- ble au Petroleum ; & le fel de tartre qui efl refté dans la cornue , s'eil trou- vé changé en fel digeftif qui a très-bien décrépité fur les charbons , & a pro- duit de très-beau cryftaux quadrangulaires. Le fel digeftif étoit plus pur & DES SCIENCES DE BERLIN. 41J plus aifé à reconnoître que celui que j'ai obtenu par la calcination du bitu- W'^^y^ me avec l'alcali, parce qu'il étoit moins ckargc de particules huileufes. J^! j. ' Je ne puis m'empêcher de remarquer , que les cryiiaux dont je viens ^ ^ o * de parler , avoient une odeur femblable à celle du foie de foufre ; mais il ^ 7 5o- ne s'elt fait aucun précipité lorfque j'ai verfé du vinaigre dans la folution. M. Pott , obfcrvdt. & animadvcrf. collât, i. a obfervé que le fel commun fondu avec des charbons , forme une ma{Të qui fent le foufre , mais qui , dif- foute dans l'eau , ôc mêlée avec des acides , ne précipite aucune matière. Ne pourroit-on pas regarder ces obfervations , comme des preuves de l'analogie de l'acide du fel avec l'acide vitriolique ? On voit par ce que j'ai dit jufqu'ici à combien d'ufages & à quels on peut employer notre bitume. Aufli efl-il évident qu'il eft une huile éthérée , dont une grande partie a été condenfée par l'acide du fel commun. Nous trouvons aux environs de Su/j du fable, du bitume, des pyrites, & du fel commun. Ce font autant de chofes qui fe rencontrent au fond de la mer. Jufqu'ici on n'a point trouvé de pétrifications dans les collines dont je par- le. Y a-t-il quelques communications fouterraines entre notre fol & la mer, par où il puiffe tirer fon fel & fon bitume ? Mais le tremblement de terre quia ébranlé, le i. Novembre 1755 , tous les endroits attenans à la mer, ne 5'y eft point fait fentir. Ce bitume dilhillet-il par la chaleur fouterraine des forêts de pins, englouties dans la terre ? Sa grande refïèmblance avec l'huile qu'on diftiUe des pins , & dont on fait la poix , rend cette conjec- ture très -probable. Mais les Hiftoriens ne font point mention d'un ac- cident fî confidérable j & d'ailleurs combien ne faudroit-il pas de forêts fouterraines , pour fournir une auffi grande quantité de bitume, qui coule au moins depuis près de deux lîècles , & qui fuffit pour imbiber un lit de fable d'une grandeur très - confidérable : encore n'a t-on jamais décou- vert fous la terre de ces environs , ni feuilles ni arbres. Je n'entreprendrai pas de propofer quelque chofe de poCtif fur l'o- rigine de notre bitume j car cela me conduiroit aux grandes quefîions fur la théorie de la terre , & fur l'origine des foffiles j queftions tant de fois agitées , & avec lî peu de fuccès. J'ajoute feulement que notre bitume ne paroît guères différer du lar de Burluidos , & que les puits de poix qui font aux environs de Ckrmont , dont parle M. d'drgenvilU dans fon Enumerat. FoJJil, Gai' lie. reiTemblent beaucoup aux collines de Sul^. ^759^ 4i6 UtUOlRI.S D'EVACADÈUlfROYAL-g Anifitn ARTICLE XXXV. Obfervdtions fur quelques maladies ajfe^ rares. Par M. M E c K E L. Traduit du La'iii, OBSERVATION I. Sur une pierre inteJlinaU qui bouchait le canal des intcjlins. LE 27. Mars de l'année dernière, mourut la veuve d'un foldat qui de- meuroit dans cette ville (Berlin). Cette femme, pendant fa vie, avoit fait de fi grands excès de brandevin de grain , qu'elle en buvoit toutes les vingt-quatre heures, jufqu'à trois mefures pefant fix livres , fans compter une quantité énorme de bière , dont la foif ardente qui la devoroit , l'o- bligeoit à fe faouler. Le 24. du mois fufdit , voulant atteindre au brande- vin qu'elle avoit coutume de boire , elle tomba d'une échelle fur la tête , & fut portée à demi morte fur fon lit. Là elle fouffrit des douleurs atroces, accompagnées d'une vive ardeur dans la région ombilicale , & après avoir vomi des matières bilieufes exceflïvement puantes , elle périt , comme je l'ai dit, le 27. Long-tems avant fa mort , elle s'étoit plaint d'une ardeur continuelle , ik d'une douleur dans la région iliaque droite & dans la région ombilicale. Pour l'appaifer , elle augmentoit la dofe de la bière & du bran- devin. Mais quelques mois avant que de mourir , elle avoit eu de fréquens vomilTèmens d'une matière liquide , bilieufe & fétide ; & elle en rendit en- core une grande abondance par la bouche , lorfqu'étant tombée de l'é- chelle à la renverfe , le poids du corps porta fur la tête. Elle avoit été d'une conftitution robufte ; à l'ouverture du cadavre , oa le trouva gras & mufculeux. La peau du ventre étoit fort ridée , ce qui prouve que la femme avoit accouché plufîeurs fois. Lorfqu'on eut enlevé les mufcles & le péritoine , il fortit ùc l'abdomen une puanteur infigne. L'ef- tomac fe préfenta auffi-tôt ; il étoit extraordinairement diflendu par une liqueur putride & jaunâtre , qui lui avoit fait occuper toute la cavité de l'hypocondre gauche , & de l'épigailre jufqu'à l'ombilic ; & , ce qui ell très-étonnant , toute fa tunique cellulaire , étoit auffi gonflée d'air que h l'art l'y avoit introduit. Dès que la tunique externe commune eut été enta- mée , le liquide jaunâtre contenu dans le ventricule en fortit fur le champ. En continuant l'examen de l'hypocondre droit , le duodénum fut abfolu- ment DES SCIENCES DE BERLIN. 417 ment invifible , aufS-bien que le lobe droit du foie , enforte qu'on auroit pu çr^ révoquer en doute leur exiftence dans ce corps ; mais confidérant de plus J^^'' '7 près le lieu où ces parties ont coutume d'être lîtuées , je trouvai que le ^ ^ duodénum, dans l'endroit où fa portion tranfverfale fupèrieure fe termine dans '759- fa portion defcendante , s'étoit rendu adhérent , tant par fon bord que par fa furface interne , aux cartilages de la neuvième & dixième côtes , de mê- me qu'au lobe droit du foie , & à la véficule du fiel , de façon qu'au lieu de cette véficule on ne put trouver qu'une fubftance folide , dure & cal- leufe , attachée au lobe droit du foie, & à la furface du duodénum. Le conduit cyftique manquoitauffi; mais le conduit hépatique , fort élargi & tout rempli d'une bile jaune, fe terminoit, derrière la partie tranfver- fale fupèrieure du duodénum , dans la partie defcendante de cet inteftin. Le coté extérieur de la partie tranfverfale & defcendante du même in- teflin , étoit fquirreux , épais , & fortement attaché au foie , le côté inté- rieur étant cependant demeuré dans fon état naturel. La continuation du duodénum dans le jéjunum , fous le méfocolon , étoit fort dilatée, & toute remplie d'un liquide jaunâtre fétide ; d'où ce même inteftin , très-retréci , fe continuoit dans l'iléon , qui confervoit fa fituation naturelle dans le baffin , mais qui étoit entièrement noir & gangrené. Dans la partie latérale droite de la région ombilicale , où la portion la plus dilatée du jéjunum fe terminoit dans la portion retrécie, on fentoitun corps rond & dur, qui bouchoit toute la cavité de cet inteftin. L'ayant ouvert, j'y trouvai une pierre adhérente , ronde & un peu ovale , de la groflèur d'un petit œuf de poule, telle que la repréfente la figure ci-jointe (a); fa couleur (jJpki. fie. i. étoit d'un brun jaunâtre. L'ayant brifée , il fe préfenta au milieu un noyau ovale (h), intérieurement blanc , compofé de fibres radiées & brillantes , fi) pi.i.fig. 11. qui aboutiilbient à un centre commun fc). La fubftance de ce noyau (c; pi. 1. fig. i, •étoit très-légère , fort inflammable , infoluble dans l'eau. Elle avoit beau- '^"- *• coup plus de légèreté fpécifique , de façon qu'elle y furnâgeoit. Mais l'eau s'étant introduite dans fes interftices , fon volume augmenta comme celui d'une éponge , & fa pefanteur fpécifique étant devenue plus grande , elle gagna le fond , fans que l'eau néanmoins l'eût amollie , de forte qu'on ne peut pas dire qu'elle en foit le menftrue. La fubftance du même noyau , jettée dans l'efprit de vin , tomba d'abord au fond , fon volume ayant un peu groffi par l'efprit de vin , dont elle s'étoit imbibée , mais fans rien perdre de fa dureté. L'efprit de térébenthine changea fa couleur blanche en une couleur jaunâtre , & rendit cette fubftance plus molle, fans pour- tant la diflôudre entièrement. Dans l'efprit de nitre , la maffè très-légère du noyau ne fe porta point du tout au fond, ne changea point de volume, & n'excita aucune effervefcence. L'huile de tartre par défaillance ne caufa Tom. II. Ggg 4i8 MÉMOIRES DE UACABÉMIE ROYALE ,jr^ yr/ non plus , ni effervefcence ni folution ; mais le noyau y furnâgea , étant fpé- Ces expériences font voir que la maflè du noyau dont nous parlons , ' J"" n'eft ni acide , ni alcaline , ni compofée d'autres fels , mais que fes prin- cipes conllituans font l'huile glutineufedu fang, jointe à la partie la plus exal- tée du fel animal , & à cette terre immuable qui eft la bafe de toutes les parties folides du corps. De-là vient, que l'huile de térébenthine, en dilïbl- vant fon huile , diminua beaucoup la cohélîon de fes parties , fans pouvoir cependant diiïbudre entièrement fa fubflance , à caufe des principes gluti- neux , terreftre & falin. Le noyau blanchâtre que je viens de décrire , étoit entouré d'une écorce brune , qui , devenue fragile après le deflèchement , éclata par morceaux de l'épaillcur d'un demi pouce environ dans les endroits les plus épais. Elle etoit compofée de plus de vingt couches pofées concentriquement , ik ca- lées l'une à l'autre, d'une couleur jaunâtre , verdâtre , ou brune , mais la 11 ^& m ict'' r' P^^P^"^' <^'"n verd éclatant fa) ; & au milieu elle formoit un creux pourre- ' j. pi'j ^ ' cevoir le noyau (/'). Cette fubftance corticale de la pierre ne fe lailïoit dif- 111. lett. c. foudre , ni par l'eau , ni par l'efprit de vin , ni par l'huile de térébenthine , ni par l'huile de tartre par défaillance. Elle n'entroit point , non plus , en ef- fervefcence avec aucune de ces liqueurs : mais ayant été jettée dans l'efprit de nitre , au bout de {ix heures , elle fut difïbute en une pulpe rouge , avec une infîgne effervefcence ; au commencement , l'eau & l'ef- prit de vin fe teignoient un peu d'une couleur jaunâtre , mais à peine per- ceptible. La maiîè brûlée au feu laiilà beaucoup de caput mortuuin , ce qui prouve que l'écorce de la pierre inteftinale étoit plutôt d'une nature al- caline , que neutre , la terre alcaline du fang s'étant en effet condenfée avec fa partie huileufe & glutineufe dans cette maflé concentrique , plus fragile que celle du noyau , à caufe de la plus grande quantité du principe ter- reux qui entroit dans fa compofition. Cette matière , extraite de la bile , s'étoit infenfiblement raflèmblée dans l'inteftin grêle, & le corps de !a pierre s'eft formé de la manière que voici ; tandis que la bile qui couloit dans l'inteflin fe réuniffoit , avec la partie glu- tineufe du fluide inteflinal , en une mafTe denfe , par la force du brande- vin , bu en une quantité exceflive, le noyau s'efl: formé le premier de l'huile la plus fubtile & des particules falines volatiles ; enfuite , des particules plus groffières , mêlées d'une matière glutineufe , s'y étant attachées , ont for- mé l'écorce , qui s'eft arrangée fucceffivement par couches. Il paroît qu'il eft tombé dans les intefiins une quantité confidérable de bile hépatique , qui, n'étant pas bien préparée , a pu fubir avec plus de facilité un pareil changement. En effet , le réfervoir de la bile ou la véficule , manquoit^ elle avoit été détruite , félon les apparences , long-tems auparavant , par une DES SCIENCES DE BERLIN. 419 inflammation furvenue à la portion du foie qu'elle occupe , & au duodénum , —^ ce qui avoit rendu toutes ces parties callcufes, & leur avoit fait contrafter des {,'^^'' adhérences avec ce vifcère. Mais la bile hépatique ayant continué à couler " ^' ^ ^ ^ dans le duodénum, par le conduit cholidoque, a été infenfiblemcnt cpaiffie ' 759' par le brandevin, avec d'autant moins de difficulté , que l'excès de cette li- queur fpiritueufe a dû fupprimer la filtration du fuc inteftinal , qui , en fe mêlant avec la bile , auroit pu la préferver de la condenfation. La maflé de la pierre s'étant accrue de jour en jour , elle ne pouvoit que devenir la caufe d'une maladie très-cruelle , & finalement de la mort. Car en bouchant, comme elle faifoit , le conduit du jéjunum , elle a refufé le palTàge aux humeurs , tant nourricières qu'excrémentitielles , dans le refte du canal inteftinal. L'acrimonie que ces humeurs croupifTantes ont contrac- tée a caufé l'inflammation , la foif, & le befoin de fe remplir, pour l'é- teindre, des liqueurs dangereufes dont la malade faifoit un fî énorme abusj d'où s'efl cnfuivi le vomiiïèmcnt de matières excrémentitielles fouverainc- ment fétides , accompagné d'une violente douleur, & de cet horrible tour- ment qui eft inféparable de l'inflammation des inteftins. Le pafîàge de la bile dans les gros boyaux ayant auffi été intercepté, parlaconftriftion fpaf- modique provenant de l'irritation du canal inteftinal , les inteftins ont laifTé féjourner les cxcrémens dans leur cavité , n'étant pas follicités à s'en dé- barralTèr ; ceux-ci devenus durs & blancs , par le manque de la bile qui les colore , ont produit dans les gros boyaux , en s'y accumulant , une ex- tenfîon qui frappoit la vue dans ce cadavre. On voit fuffifamment par cette obfervation , combien l'excès du brandevin contribue à condenfer les hu- meurs , & à roidir les parties folides du corps humain. L'utérus de cette femme avoit auffi été réduit par la contraâion en un fi petit volume , qu'il ne furpaffoit pas en grandeur celui d'un enfant de huit ans , quoiqu'il ne fût ni durci ni fquirreux. OBSERVATION IL Sur une excroljfance Jîngul'ùre de l'intejlin colon , heureufement détruite. PEndant l'été de l'année dernière , une femme d'environ trente ans , d'une conftitution fort pléthorique , Ôc très-fouvent conflipée , après s'être plaint long tems d'une douleur ou fenfation incommode , procédant d'un corps dur qui péfoit dans l'hypocondre gauche , eut un refroidiflèment fuivi d'une inflammation extrêmement vive des inteftins. Les douleurs du ventre étoient d'une violence qui pcrmettoit à peine à cette malheureufe perfonne de les fupporter ; & il s'y joignoit encore un vomifTement continuel , & une conftipation des plus opiniâtres. Par les faignées réitérées , les cliftères, les Ggg ij 410 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ^ y^ laxatifs doux, les réfolvans, & les tempérans , & extérieurement par les fo. ^ ' ' , ' mentations & les embrocations , j'arrêtai les progrès du mal , & je vins à bout de calmer l'inflammation. Le fuccès répondit à mon attente^ la fièvre ' ■'^' inflammatoire , la conftipation , & le vomiflèment ceflèrent ; il refta cepen- dant toujours une douleur continuelle dans l'hypocondre gauche , avec la fenfation d'un corps qui tomboit de ce côté , lorfque le corps fe cour- boit de l'autre. Cette fenfation , comme nous venons de le dire , n'étoit ja- mais fans douleur •, mais celle-ci fe faifoit fur tout fentir pendant l'applica- tion des cliftères , & la fortie des excrémens •., la malade ne pouvoit s'em- pêcher de poulfer des gémilTèmens lorfqu'elle alioit à la felle , ou même lorfqu'elle repofoit fur le côté droit , tant cette fituation donnoit de prodi- gieux accroiiîèmens à la douleur , caufée uniquement par un corps fufpendu dans la féconde courbure que fait à gauche le colon près de la ratte. Les remèdes , tant intérieurs qu'extérieurs , ne purent détruire ce mal , qui , après quelque intervalle , revenoit dans toute fa force. Les laxatifs doux furent continuellement employés pour détacher des inteftins le corps étranger , que la fenfation douloureufe de fa chute dans l'hypocondre droit indiquoit fuffifamment être fufpendu à gauche. Le feptième jour enfin , à la fuite de quelques lavemens , & après des douleurs fi vives qu'elles alloient prefque jufqu'aux convulfions , la malade fentit dans l'hypocondre gauche une douleur des plus aiguës , & comme un déchirement de quelque partie des inteftins; & bientôt après elle rendit, avec une felle copieufe , une ex- fa) Pi.l. fig.v. croiffance membraneufe (aj creufe , qui s'étoit déchirée en fortant , garnie (t) PI. I. fig. de deux racines (b) , qui formoient deux canaux creux (c) , lefquels fe ter- ■ "'' ' '■ minoient dans la cavité de la veflie (J) : les extrémités libres de ces raci- V^îu'i "s- nés qui avoient été déchirées (e) , & arrachées d'une autre partie de l'intef- frfipi l'fi ^f j pat'oilïoient encore faiiglantes. Cette excroiflànceheureufementexpulfée, V. lett. à." ' j'ordonnai des adouciffans , & des remèdes propres à guérir la plaie , tanï W P>- 1- fig. en cliftères qu'intérieurement , à quoi je fis joindre l'ufage des eaux de Selter , V. lett. rf,e. g^gj. le lait. Pendant les premiers jours qui fuivirent la fortie de l'excroifTànce ^ une douleur très-vive fe fit fentir dans la partie blefTée , avant les felles , & Icrfque les vents caufoient quelque dilatation dans les inteftins; mais l'ufage des remèdes fit diminuer ces fymptomes de jour en jour , & huit jours après la fortie du corps étranger , ils difparurent abfolument. La malade ayant entièrement recouvré la fanté , n'eut plus befoin que de réparer fes forces , qui revinrent bientôt à l'aide des corroborans , & d'une diette con- venable. Tandis que j'écris ceci elle fe porte parfaitement bien , & n'éprou= ve aucune fenfation incommode. On apperçoit aifément que cette excroifïànce étoit attachée à la partie de i'inteftin colon , qui forme dans le côté gauche la féconde courbure qu'on- nomme liéruiU, Il eft fort probable que , comme les hydaîides ^ elle ayoit I DES SCIENCES DE BERLIN. 421 contenu une liqueur coaguable , & que c'eft même d'un femblable corps -, ..^ qu'elle a tiré fon origine. Les racines qu'on voit à l'excroifTance , ont dû fe J^^' . * former enfuitc infenlïblcment, par le tiraillement de ce corps étranger, aidé •" ^ '^ * de l'acSion & de la preffion des inteflins. Les lambeaux reflëmblans à une *7§9' membrane déchirée , attachés à l'extrcmité libre des racines , dégoûtant encore de fang , montroient aflcz qu'elles s'étoicnt rendues adhérentes à l'inteftin. La veffie membraneufc , fufijendue à ces racines , ne pouvoit que rendre difficile le paflàge des matières par le canal intcflinal , ou même l'in- tercepter entièrement-, ce qui caufoit l'opiniâtreté de la conftipation ^ enfin l'inflammation auroit pu aifément venir à la fuite de la compreff on Si de l'irritation caufée par cette excroiflànce. OBSERVATION II L Sur de l'air répandu ramajfi dans la cavité du thorax , qui arrêtait la refpiration , 6" qui a caufé la mort. LE 1 8 Janvier de l'année dernière , mourut dans notre Hôpital de la Charité , un jeune foldat , nommé Hcriog. 11 étoit dans fa dix-huitiè- me année , mufculeux , bien conftitué , & haut de cinq pieds & onze pouces. Pendant les dix jours qu'il pafTà dans l'Hôpital , il fe plaignit d'une extrême anxiété & de difficulté de refpirer , ne pouvant le faire que quand il étoit affis dans fon lit. Son pouls étoit fréquent , mais il n'expec- toroit point de pus , fa toux n'étant même ni continuelle , ni pthyfique. La faignée ne lui procura aucun foulagement , non plus que tous les autres remèdes , & la difficulté de refpirer ayant toujours été en augmentant, il y fuccomba & mourut. Avant d'entrer à l'Hôpital , il avoir palTé dix-fêpt iemaines au lit , fe plaignant toujours de la peine qu'il avoit à refpirer, mais ne pouvant indiquer aucune caufe de fon mal. Ayant difTëqué fon cadavre, je trouvai le foie (<:) dans un état de dépretj ff^u^ "' lîon , & débordant les cartilages des côtes de l'iiypocondre droit , fitué obliquement de telle manière qu'il étoit plus élevé du côté gauche , & plus en- foncé vers le bas dans le côté droit. Le diaphragme faifant bofîè dans la cavi- té du ventre , au-defTus du lobe droit du foie , paroifToit diftendu par quel- que liquide , comme une veflie gonflée , ( b ) ôi. débordoit les cartilages (i') pj, j/; de la 7". 8% & 9'. côtes. C'eft cette liullie du diaphragme qui avoit dé-''"- <'■ primé le foie au point que fon lobe droit fe trouvoit dans la région iliaque du même côté , repofant fur l'inteflin cœcum (c), la première courbure du C-)fUll.Uti; colon ayant auffi été déprimée dans la même région iliaque, au-defibus du ' lobe du foie. De là le colon ( J) pafïbit à la crête de l'os des iles du côté k, " *^' gauche , fous la grande courbure de reftomac (e} qui s'enfonçoit dans le («)pi,ir, itz,i. 4it MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ~ côté droit ; puis il remontoit derrière le ventricule dans l'iiypocondre gauche i OM. X V jufqu'à la ratte ; d'où , faifant une courbure fort aiguë , il defcendoit fuivant -/INNEE Pjj^ trajet naturel devant le rein droit. *7 59' Je foupçonnois , comme il arrive fouvent , que la caufe de la faillie for- mée par le diaphragme , fe trouveroit dans de l'eau ou du pus répandus dans la cavité du thorax, ce mufcle préfentant fur-tout l'apparence d'une veflie pleine d'eau. Mais quelle ne fut pas ma furprife , lorïqu'après l'avoir ou- vert, il fortit avec bruit de l'air du thorax par la plaie faite au diaphra- gme , qui , de gonflé & tendu qu'il étoit auparavant par en bas , fe releva vers la poitrine ik fe rélâcha ? Dans la cavité droite du thorax même , au- falPI.II.lett. delïïis du diaphragme , jufqu'à la troifième côte, il y avoit un vuide (a) , ï, que le poumon ne remplilTbit pas , & qui n'étoit occupé par rien. Cet efpa- ce vuide étoit à fec , garni par-tout de la plèvre , blanchâtre & feulement un peu plus épaiffe qu'elle n'a coutume de l'être naturellement , à raifon d'une inucolîté déliée répandue fur rptte membrane. Le poumon de ce côté étoit fec , ilenfe , d'une fubftance ferme ik folide , 6c ne renfermoit point d'air; noueux fans être fquirreux, il étoit feulement rempli de petits vaif- feaux afïèz durs , & fort preflës , un peu adhérent à la féconde côte par fa partie antérieure , mais libre dans le refte de fa furface; par derrière , c'eft- à-dire vers le dos, il fe terminoit à la ye. côte, quoique naturellement il eût dû atteindre jufqu'à la 12^. en foufflant de l'air, même avec la plus grande force par la trachée artère , il fut impoffible de le faire pénétrer dans ce (t)Pl. lî.lett. poumon, quoiqu'il entrât fort hbrement dans le gauche (h), qui étoit par- 8" faitement fain. Il paroit donc que rorifice de la trachée artère , rempli d'une mucofîté affez denfe , avoit empêché l'air d'entrer & de fortir librement par la partie de ce conduit qui fe continue dans le lobe droit du poumon ; l'air renfermé dans ce lobe , raréfié par la chaleur , & ne pouvant s'échapper par la tra- chée artère , brifa fes parois , & fe repandit dans la cavité du thorax ; en s'y dilatant il a comprimé le poumon , & empêché la circulation du fang , aufli-bien que l'entrée de l'air , dans cet organe, ce qui acaufé les anxiétés, îa difficulté de refpirer , la fréquence du pouls , & finalement la fufFocation & la mort. Cette obfervation , extrêmement rare, peut fervir à réfuter l'opinion d'un air élaftique entre le poumon & la plèvre , néceflàire pour le mécanif- me de la refpiration ; il eft clair par le cas qu'on vient de décrire , que cet air intermédiaire , bien loin de faciliter la refpiration , y mettroit obfla- cle , par la compreffion qu'il exerceroit fur les pounjons. DES SCIENCES VE BERLIN. 4.2J OBSERVATION, 4 V. "'°'":! î"*'* ^^* ■ a. N K E B Sur un Jlcatomc du thorax , qui a déplacé le cœur , le poumon , &• les vifcèrés ^759' de l'abdomen. AU mois de Décembre 1762 , je difïcquai le cadavre d'une femme âgée de foixante cinq ans ; & ayant ouvert l'abdomen , le ventricule îk la ratte fe trouvèrent fi déprimés, que la dernière defcendoitjufqu'à la crête des os des iles , & l'eilomac prefque dans la région ombilicale. L'ouverture de la poitrine me fît connoitre la caufe de ce dérangement. Je découvris un ftéatomc dans la cavité gauche du thorax, fortement attaché entre la bafe du fac de la plèvre , le diaphragme & les cotes. Le fac gauche de la plèvre , dans fon intégrité , renfermoit le poumon gauche comprimé par le Itéato- me ( a), ôi ayant fa partie poflérieure la plus voifîne de l'épine tellement (<•) Pi. lil< appliquée aux vertèbres & aux côtes , que ce poumon tout entier égaloit à '"'• ^' peine en grandeur la moitié du lobe fupérieur , telle qu'elle auroit dû être dans l'état naturel , puifque fa partie fupérieure fe terminoit à la quatrième côte , près de fon bord fupérieur , ëi fa partie poflèrieure à la dixième , der- rière le ftéatome. Ce poumon cependant étoit mou, fans aucune fquirrolitéj il tenoit com- me une fîmple membrane fpongieufe au fac de fa plèvre , derrière le ftéa- tome. Le ftéatome même , du poids de quatre livres communes & treize on- ces , adhérant en bas , par le moven d'un tifTù cellulaire très^dur , à la par- tie gauche du diaphragme , remplilTcjit de ce côté toute la partie inférieure du thorax, s'étendant depuis la quatrième côtejufqu'à la onzième , inclufivement. Il étoit attaché à toute la onzième & douzième côtes , à la huitième & à la neuvième depuis l'angle jufqu'au fternum , à la quatrième, à la cinquième & à la fîxième depuis le tiers de la longueur de la partie pfléufe jufqu'au fternum -, de forte que le poumon comprimé étoit renfermé dans l'efpace étroit qui refloit derièrre le ftéatome jufqu'aux vertèbres. Ainfî la bafe du fac gauche de la plèvre étoit adhérente (b) à la partie fupérieure du ftéato- (*) PI. Illi me : & quant au ftéatome même, il s'avançoit par un bord pointu fous '"* * l'adhéfîon de la plèvre , fa partie fupérieure fe terminant en une extrémité conoïde aflez étroite , tandis que la largeur de la bafe répofoit fur le dia- phragme ^ extérieurement vers les côtes , il étoit convexe , & cette conve- xité s'applatilïant par devant, rcpondoit aux cartilages des côtes. A fon côté intérieur , féparé de la furface antérieure par un bord étroit , (c) PI. HT;. étoit attaché le péricarde (c) , au moyen d'une toile celluleufe denfe. Le '*"• ^• cœur ((/) même dérangé par ce ftéatome de fa fîtuation naturelle, fe trouvoit ie,,. p. ' placé dans le côté droit du thorax , renfermé dans fon péricarde , (e) qui (<;pi,iu,ut.Wi 4Z4 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ' -~ étoit plein d'une féroCté afTez rouge ; de façon que fa bafe fe tournoît en Z.^^' ^ haut, & fa pointe en bas , un peu à gauche. La bafe montoit jufqu'à la cinquième côte du côté droit , & la pointe atteignoit l'angle du tendon du ^ 7^ '^' diaphragme , fur lequel elle repofoit , dans le péricarde. La furface convexe du cœur la plus antérieure , étoit cachée derrière la partie antérieure of- feufe , & les cartilages des vraies côtes inférieures du côté droit , regar- dant ces côtes ; le bord aigu panchoit vers le bas à droite , & le bord obtus, qui fe portoit vers le côté gauche , étoit adjacent au ftéatome. Les grands vaiireaux artériels du cœur étoient fort dilatés; l'artère pul- (a) PI. m. monaire (a) qui s'inclinoit à la gauche du cœur, fe cachoit fous l'arcade de lett. N. l'aorte -, & pour l'aorte même , (b) elle étoit fituée dans le côté droit du leu F^'' '"' *^horax , s'élevant du ventricule poftérieur du cœur derrière les cartilages des côtes depuis la cinquième des vraies , d'où s'étendant à gauche au- defTus de l'artère pulmonaire, elle jettoit , comme de coutume , fes gran- des branches (c). Enfin le poumon droit , (d) couvert par le péricarde , que le rocûi- rempIiHbit , le montroit élevé au-delTus de lui , depuis la cin- quième côte jufqu'à la pointe de la cavité droite du thorax ; & c'eft ainfî que cette maflè ftéatomeufe , par fes accroiffemens infenfibles dans la mem- brane cellulaire , avoit entièrement dérangé la iîtuation du cœur & des autres vifcères. {c) PI. m. lett. G. H. 1. {j) PI. m. iett. p. EXPLICATION DES FIGURES. Planche I. Fig. I. La pierre inteftinale toute entière, de fa grandeur & de fa forme naturel- les, avec les fentes qui paroiiroient à fa furface extérieure , &. qui venoient du deflecliement de la croûte externe de la pierre jufqu'au noyau. Fig. II. La moitié de la pierre brifée en travers , avec le noyau. a La croiue externe , noirâtre , 8c fra- gile , 8c formée de couches concen- triques. b Le noyau d'une matière tout - à- fait blanche £c brillante , dont les fibres , comme des rayons , abontillbient de la circonférence au centre. c Les fentes caufées par le deflechement dans la fubftance de la croiite externe. Fig. III. L'autre moitié de la pierre brilee en travers , fans le noyau. o La cronte extérieure , compoféc , xommc ci-devant, de couciies con- centriques , avec diverfes fentes. c La cavité d'où le noyau blanc a été tiré. Fig. IV. I.e noyau entier, tiré de fa cavité, de figure ovale comme toute la pierre, blanc, im peu tuberculeux extérieure- ment, très-blanc intérieurement, reC. ■plendiirant & radié , comme il fe mon- tre dans la figure II. lett. A, où il eft dépeint brifé en travers, 8c fitué dans la cavité de la croûte externe. Fig. V. Excroiffance membraneufe du gros boyau. a Le petit fac membraneux fpheroïdal, concave intérieurement, formé d'une membrane femblable à la nerveufe des inreftins , fibreuCe , blanche , garnie de petits vaiffeaux , & fe continuant en deux jambes i Se c. b La jambe concave la plus longue , membraneufe, continue au petit faca. c La jambe la plus courte, auili conca- ve. DES SCIENCES DE BERLIN. 4^5 ▼e , & fe continuant au petit fac. d Le bout déchiré & ouvert qui termine la jambe la plus courte. • La fin pareillement déchirée & ou- verte de la jambe la plus longue b. où des déchirures de diverfe longueur avec leur ouverture s'oftrentàla vue, le tout peint au naturel. Planche II. A. La charpente du thorax ouverte jul- qu'au cartillage de la fixième côte , & à l'appendice canilagineuic du fter- num , ce dernier étant enlevé , ik les cartilages des côtes coupés julqu'àla cinquième inclufivement , pour dé- couvrir la fituation des vifcères du tho- rax & de l'abdomen , telle qu'elle a exifié en nature. B. Le poumon gauche. C. Le péricarde fermé. D. Le lobe fupéricur du poumon droit comprimé. E. Le lobe inférieur du même poumon prefque membraneux , à caufe de la compreflion , collé au lac de la plèvre vers le péricarde. F. La cavité droite de la plèvre depuis la quatrième côte jufqu'au diaphragme, tout- à-fait vuide de poumon , &c tant qu'elle a été dans l'on intégrité , par- faitement remplie d'air élaftique. G. Le diaphragme li déprimé qu'il s'avan. çoit dans l'abdomen au delfiis du foie, plus bas que le cartilage de la fcptième côte. H. Le foie , qui naturellement caché dans l'hypocondre droit étoii tellement dé- placé par la dépreflion du diaphrag- me, qu'il fe trouïoit finie tout entier dans l'épigaftre , & defcendoit jufqu'à la région ombilicale. L Le ventricule déprimé par le foye juf- ques dans la région ombilicale , & poufie à gauche , vers la fin de l'hypo- condre gauche. K. La partie tranfverfale du colon, poulTée dans l'endroit le plus bas de la région ombilicale jufqu'au commencement de rhypog]ftre. L. L'épiploon. Tome IL M. La partie du gros intcftin qui faille cœ- — —— cum & le commencement du co- J ^''^- -^ >^- Ion. A N N É E N. Une partie de l'inteftin jéjunum defcen- | y £g, dant dans l'hypogallre. Planche IIL A. Les côtes qui forment ia charpente du thorax retranchées. B. Le ftéatomc fitué entre le diaphragme , les côtes du côte gauche & la plèvre , s'élevant jufqu'à la quatrième côte , & étant fortement attaché aux parties fufdites aulli-bien qu'aux vertèbres du dos du côté gauche jufqu'à la qua- trième. C. Le lobe fupèrieur du poumon gauche comprimé par le ftéatome. D. Le cœur, dégarni du péricarde , entiè- rement dérangé de fa fituation natu- relle par le ftéatome B. & pouffé dans la cavité droite du thorax. La furface convexe du cœur fe préfente jufqu'à fon bord pointu , la bafe en haut , la pointe eu bas , & un peu tournée à gauche , de forte que fa fituation de- puis la bafe jufqu'à la pointe eft pref- que perpendiculaire. E. L'artère pulmonaire s'avançant du cœur vers le côté gauche. F. L'aorte fe portant avec le cœur a droi- te , derrière les cartilages des côtes du côté droit , de façon qu'elle monte de la cavité droite du thorax vers le fter- num. G. Le tronc commun de la foudavierc Se de la carotide droite. H. La carotide gauche. I. La fouclavière gauche. K. La veine fouclavière gauche. L. L'oreiUetc gauche , qui , au lieu d'être naturellement cachée derrière le cœur , fe préfente ici en devant. M. L'orei'lete droite cachée & couverte par la bafe du cœur , de forte qu'on n'en voit que la pointe. N. La membrane du péricarde ouvert. O. Une partie du mufcle coftal droit du diaphragme. P. Le lobe fupèrieur du poumon droit. Q. Une partie de la plèvre qui forme le fac Hhh 426 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ^l*"""™^— gauche , adhérente au fternum. diaphragme , de forte qu'il eft fermé J OM. XI . R. le fac gauche de la plèvre répoulTé en & adhérant par fa baie au deffusdu Année haut par le ftéatome , & léparé du fléatome. ARTICLE XXXVI. Réflexions fur la nature & les caufes de la folle. Par M. de B e A u s o b R e. PREMIER MÉMOIRE. ON oppofe la folie à ce qu'on appelle raifon : la raifon fous ce point de vue eft la faculté de voir diftinftement la liaifon d'une idée avec une autre. Ces définitions admifes , il faudroit entendre par fou , un hom- me qui ne pourroit voir diftinâement la liaifon de fes idées. Mais , pour ne point mettre en principe ce qu'il s'agit de prouver, & ce qui peut-être eft tout autrement qu'on ne fe l'imagine , il eft à propos de commencer par voir quels font les hommes qu'on a coutume d'appeller fous. Lorfqu'un homme paroît avoir des fenfations que n'ont aucun de ceux qui fe trouvent placés dans les mêmes circonftances ; lorfqu'un homme rai- fonne ou agit d'une manière oppofée à celle que demanderoient les fenfa- tions que nous avons droit de lui fuppofcr ; lorfqu'un homme fe per- fuade une erreur qu'il eft aifé de reconnoître , qui fauteroit aux yeux de tout autre & qui ne l'auroit pas trompé lui-même , avant que d'être dans l'état où il fe trouve : dans tous ces cas , on dit qu'il eft fou , foit que fon dérangement foit accompagné d'aûes de fureur , de mouvemens convulfifs, de pleurs , de cris , foit qu'il foit dans un état calme. Ces différentes modi- fications peuvent être effentielles pour le Médecin : elles ne le font guères pour le Métaphyficien. Par rapport au premier cas , c'eft-à-dire , à celui où l'on entend par fou, un homme qui croit , ou qui paroît avoir des fenfations que n'a aucun au- tre homme placé dans les mêmes circonitances , tandis qu'il ne croit pas ou ne paroît pas avoir celles qu'il eft naturel de lui fuppofer dans les cir- conftances où il fe trouve ; je remarque , que les fenfations n'étant autre chofe que les repréfentations de notre état préfent, un fou fera pour lors un homme qui ne fe repréfentera pas fon état préfent , tel qu'il eft , ou tel que tout autre homme à fa place fe le feroit repréfenté , ou bien ce fera un homme dont l'état eft effedivement différent , de ce qu'il devroit être fé- lon le cours ordinaire de la nature. II faudra donc fuppofer, ou des repré. Tentations fauffès , ou des repréfentations très-analogues à l'état préfent , mais à un état dérangé , ou enfin une abfence de repréfentations , foit qu'el- I Fiff rr FjglV Fxs V ^^^s w Tom n in ^' ^'^^7 ^^^ ^m ^ " To>n J/n m J-2. Panr . ^. "•'I s/' M Va à H \ fi ^ s \ DES SCIENCES DE BERLIN. 427 les ne fe trouvent pas cfFeftivement dans l'ame de celui qui cft en délire , ^^ foit qu'elles ne s'y trouvent que fort obfcurément. Si l'on veut que ce foient \,^'^'', ^. * des repréfcntations faufiès , qui expliquent le premier cas dont nous par- Ions , il fera nécelTàire de convenir auparavant de ce qu'on entend par ^7>9- repréfentations vraies; mais il cft peut-être impoffible de déterminer ce qui elt vrai dans nos perceptions , & ce qui ne l'eft pas : c'eft-à-dire , de fa- voir , fi les rcpréfentations de notre ame font conformes aux objets dont elles font les images , ou fi elles n'ont avec ces mêmes objets qu'un rapport quelconque. Sans parler ici du peu de fond qu'ort a raifon de faire fur tout ce qu'on ne connoit que par les fcns , on ne fauroit nier que non-feulement des organes autrement difpofés que les nôtres , mais encore des organes dont la ftru£ture ne difFéreroit que très-peu de la ftrufture ordinaire , ne produififlènt des repréfcntations bien différentes de celles que nous avons , puifque les organes changeroient alors confidérablement l'aftion des objets extérieurs , & par conféquent les fenfations , qui font les effets de cette aftion. Serions-nous en droit d'appeller faufïès des repréfentations très- analogues à des organes un peu autrement difpofés que les nôtres ? pas plus fens doute , qu'il ne feroit permis à des hommes autrement organifés que nous , d'appeller faufïès les repréfentations que nous avons , en vertu de notre organifation. Les objets font autres qu'ils ne nous le paroifïènt , il y a une aberration entre l'image entièrement femblable à l'objet , & l'image que nous nous en faifons : quel eft le terme de cette aberration ? Quelle efl l'aberration qui pourroit nous engager à appeller faufïès certaines repré- fentations ? Cependant il peut y en avoir qui le foient : ce feroient celles qui pourroient être démenties par le témoignage de piufieurs fens , & qui renfermeroient quelque contradiftion fenfiblc. Cela pofé , on appelleroit fou un homme qui , étant éveillé & jouilTant de l'ufage de fes fens , auroit des repréfentations qui pourroient être démenties par le témoignage de piu- fieurs fens, ou qui impliqueroient contradiétion , & qu'il croiroit pourtant analogues à des objets extérieurs ; c'efl-àdire , un homme qui prendroit pour des fenfations les images quefon imagination lui préfenteroit, fans que les raifons qu'on lui allégueroit , & le concours de tous fes fens puflènt le détromper. Si l'on vouloit entendre par repréfentations faufïès , des repréfentations différentes de celles qu'ont les autres hommes placés dans les mêmes cir- conffances , ou différentes de celles que le même homme a eues jufqu'ici 5 je demanderois fi , le plus fouvent, on cft bien afïïiré de l'uniformité des re- préfentations , lorfqu'on l'cft de l'uniformité du langage : fi l'on eft aftiiré , que dans le courant de la vie , il n'y a point pour le même homme de varia- tion à cet égard ? Je demanderois encore , dans la fuppofition que l'uni- Hhhij 4î8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROFALE ^^■- — 7TJ, foriiiité de langage fupposât l'uniformité de fenfation , jufqu'à quel point i OJH. . ji ^yijj çjjjg cette différence Toit pouffce , pour qu'on (bit fou ? Comme il n'y a fans doute pcrfonne , qui ne convienne que les effets phyfiques, pro- i 7 5 9' duits par un même objet dans différens fujets , ne foient diftérens , on ne- fauroit auffi nier que les rcpréfentations de ces effets ne diHcrent. Mais ce que nous avons dit des rcpréfentations fauiîës en elles-mêmes , peut fe dire de celles qui différent des repréfentations des autres hommes : lorfque la différence elt trop conlîdérable & qu'elle devient fenfîble par les aftions & par les paroles , les repréfentations de celui qui fe fépare ainfi de tous les autres hommes , fuppofent alliirément un dérangement porté à un certain degré : & nous verrons plus bas quel peut être ce degré. Pour expliquer le premier cas dont il eff ici queftion , on peut auffi fup- pofer les repréfentations d'un fou toutes auflî vraies que celles des autres hommes , mais variées par de certaines circonftances j & cela n'eff pas dif- ficile à comprendre : qui ne fait que , par le grand principe de l'aiTbciation des idées, le même objet , produifant à-peu-près les mêmes effets phyfiques fur les organes de différentes perfonnes , en eff envifagé bien différem- ment ? Ce n'eft ni l'image autrement peinte fur la rétine de l'œil , ni le cours dérangé du fluide fubtil porté au cerveau , ni la repréfentation de cet ob- jet , qui caufe ici des différences fouvent li marquées ; ce font des idées que cet objet rappelle , & ces idées plus ou moins vives , triftes ou gaies , or- dinaires ou extraordinaires , donnent la clef de ce myftère. Deux hommes apperçoivent une belle femme : l'un ayant eu le malheur d'être attaqué par une femme furieufe , & n'ayant échappé qu'avec peine au danger , eff devenu craintif : il eff bouleverfé à la vue inopinée de cette femme ; il croit voir le poignard qui l'a menacé ; il crie , il fe fauve , on ne peut le faire revenir •de fon erreur : l'autre avbc beaucoup de foible pour le fexe eff tout épris de cette femme; il entre dans des tranfports qu'il ne fauroit modérer; il croit déjà jouir de cette beauté; il lui femble revoir des inftans femblables à ceux qu'il a déjà connus , rien ne peut l'arrêter ; quel eff le fou ? ou le feroient- ils tous les deux ? Le monde a décidé contre le premier , peut-être parce que le monde eff vicieux. Cet exemple n'eft que pour éclaircir mon idée : ici la repréfentation eff analogue à l'objet , mais l'aiTbciation des idées pro- duit des images étrangères à l'objet , ou fi l'on veut , altère l'image princi- pale , en la colorant. Lorfque par le moyen de raHociation des idées , il entre dans l'ame des repréfentations , qui fuppofent dans les objets apperçus, ce qui ne fauroit s'y trouver , & qu'on prend pour fenfation le total , fans pouvoir être détrompé par la voie des fens & du raifonnement , on eft fou. J'ai dit en fécond lieu , qu'on pouvoit fuppofer des repréfentations très- analogues à l'état préfent , mais à un état dérangé. Nos fenfations dépendent 1 DES SCIENCES DE BERLIN. 429 de la ftrufture de nos organes : or il eft aifé d'y fuppofer un chargement ^. = aiïèz confidcrable , pour que les fenfations foient telles , que la conduite f"' ^ de celui qui les éprouve ne foit pas celle des autres hommes dans l'état •" ^' ^ *■ * ordinaire. Qu'un pareil dérangement ait jamais eu lieu , c'clt ce que j'ai de ^759' la peine à croire : quoiqu'il en foit , fi l'on eût moins néglige les monftres , & s'il fe fut trouvé des perlonnes afltz intértlïccs à la perlcâion des con. noiilànces humaines , pour veiller à leur conlervation , peut-être que nous aurions fur cette matière des lumières bien propres à faire fcntir que tous ces fyftèmes fur i'ame humaine dont fc bercent les Phiiolophes , ne font au fond que qticlques vérités mêlées à beaucoup d'erreurs. Mais , pour ne point m'ecarter de mon fujet , je remarque qu'il feroit néceffaire pour qu'un homme fût fou par le dérangement des organes , qu'il ignorât que fes organes fuiîènt dérangés ; fans cela ce ne feroit qu'un malade. II elt inu- tile , je penfe , d'obfcrver , que le dérangement des organes change l'état pré(ént d'un homme , puifquc cet état ne dépend pas Iculement de la pofî- tion des chofes qui l'environnent , & de l'aiSlion des objets extérieurs, mais encore de l'aftion des organes agités par ces objets. Eniin , j'ai dit qu'il étoit auffi poflible de fuppofer , que les repréfenta- tions vinilent à manquer , foit qu'elles n'exiflaflent pas , foit qu'elles n'exiflaC- fent qu'avec ce degré d'obfcurité , qui empêche qu'elles ne foient apper.adement les bornes qui fépareront ce fou , de l'homme qui ne l'cll pas. L'imagination agit toujours , cHe ajoute & re- tranche fans celïé quelque chofe à nos fcnfations , notre état préfent ne nous eft jamais repréfenté tel qu'il eft : quel fera donc le point de paflàge de la raifon à la folie ? Je réponds que , quoiqu'il foit vrai que tout ce que nous cro- yons éprouver immédiatement par les lens n'entre point par cette voie dans -«otre efprit , mais qu'une partie eft fuppléée par l'imagination , enforte cjue 4îî MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ^^ ces deux càùfes de la repréfentation qui eft dans notre ame , agiflànt en ' Jcvr. A ( . nième tems, confondent leurs effets ; on peut pourtant affigner un degré hd îT W É E jjg force & une manière d'agir , où l'imagination produit la folie : & ce ^7 59- point fera celui où l'imagination commencera à dénaturer l'objet, à lui prê- ter des propriétés, ou contradiâoires entr'elles, ou en oppolïtion avec cel- les qui font apperçues , bien entendu que ces effets de l'imaginaiion feront pris comme faifant partie de la fenfation. La folie feroic donc , à l'envifager comme nous venons de faire, la rêve- rie d'un homme éveillé : pour revcr lorfque des objets extérieurs agilTént fur nos organes , il faut en premier lieu que l'on ne s'apperçoive point de cette aâion des objets extérieurs , foit que les mouvemens deitinés à accom- pagner les perceptions s'affoibliiîênt ou s'arrêtent comme dans le fommeil , foit que l'efprit occupé , obfcurciiïè ces perceptions par des perceptions plus vives , foit qu'un dérangement trop confidérable dans les organes nous approche de l'état du fommêil. 11 faut en fécond lieu , que celui qui rêve air des repréfentations d'objets qui n'exiftent point , ou qui n'exiltent point ainlî qu'il les apperçoit , ou qui n'exiftent point dans la fphère de fes feafations. Ces repréfentations déplacées font plus ou moins vives , félon que les paflions s'y mêlent plus ou moins. On n'a qu'à faire réflexion à la bizarrerie des rêves , pour fe faire une idée de ce qui peut entrer dans la tête d'un fou. Qui elf-ce qui n'a pas éprouvé que nos fonges font fouvent accompagnés des mouvemens les plus violens ; les paffions y jouent leur rô- le , & tout eft femblable à ce qui fe paflè pendant la veille. Ce ne font pas les rêves feulement qui nous donnent une idée bien fimple de la folie ;, l'état des hommes , lorfqu'ils font agités de quelque pafïîon , nous en donne une autre tout aufli naturelle : qu'arrive-t-il à un homme que la colère empor- te , que l'amour ou la haine anime ? Que l'on compare l'homme dans cet état , au même homme dans un état tranquille , on verra qu'il a tout autre- ment entendu , tout autrement vu. Les objets ont-ils changé de nature ; la ftruâure des organes a-t-elle changé? point du tout, l'imagination eft ve- nu altérer les objets , les fenfations ont été colorées, & l'imagination a été affèz vive dans fes peintures pour confondre fes fantômes avec la réalité , ç'efi- là la méchanique qui explique ces phénomènes du monde moral , ou un voile vient couvrir les yeux de l'entendement : dites à un fou qu'il fe trompe, à un furieux que fon ennemi a raifon > à un amoureux que fa belle eft un monftre, de laideur ; vous n'en ferez point crû, & comment le feriez- vous ? ils vous oppofent le témoignage de leurs fens , & ce témoignage eft plus fort que tous les raifonnemens ; il s'agiroit de leur faire comprendre ' n'avoir aucune idée des actions qu'il aura faites , & des paroles qu'il aura dites pendant fon délire , parce que ce ne font ni fes actions ni fes-paroles dont fon imagination s'cfl occupée ; il s'cfl déterminé à agir & à parier j-'ar des motifs qui n'étoient que fort obfcurcmcnt dars fon ame , c'cft l'oLjet en lui-même qui a abforbé toute l'aé^tivité de fon imagination. Il y a plus : de même que les homimes qui font dans leur bon fcns n'ont pas toujours toutes les idées intéreflantes préfentes à l'efprit , & qu'ils peuvent oublier pour quelque tems les chagrins les plus vifs , de même auffi les fous peuvent avoir des inftans où les idées , qui font caufes de leur folie , ne leur foient' point préfentes , avec cette différence que dans les premiers cela cfi plus vo- lontaire , parce qu'ils font moins efclaves de leur imagination , c'eft-à- dire , pour parler avec précifion , parce que leur imagination a moins pris l'ha- bitude de retracer les mêmes objets. Pour ce qui regarde l'homme qui fe- roit guéri de fa folie , il feroit d'abord dans le même état où efi: celui qui a un intervalle de repos. Après cela , ilfaudroit de ces trois chofes l'une, ou que l'imagination perdit fon aâivité , ou qu'elle ccfsât de reproduire les mê- mes objets , ou que l'indifférence à leur égard eût fuccédé à l'intérêt que la perfonne y prenoit auparavant. Pour lors , la rcpréfentation de l'état pré- fent fuccédant à la rcpréfentation d'idées extravagantes , toutes les facultés de l'ame feroient leur fon£fion ordinaire. Combien une pareille guèrifon lailfè de crainte , c'eft ce que je verrai ailleurs. On évite de parler à un fou dans le tems des bons intervalles , & après ta guèrifon , de l'état où il a été , & cela avec raifon. Si on lui en parloit , ou fon imagination s'échaufferoit au point de lui repréfenter ce qu'on lui dit, & il rctourneroit à fon premier état , ou fon imagination moins aéfive le lailîèroit dans le doute de la vérité de ce qu'on lui dit : fe rappeller par- faitement fon état paflè , c'eft y être plongé de nouveau. On dira fans doute que pour reproduire une perception paflée , il ne faut pas une imagination aufli vive que pour la produire une première fois ; & je répondrai à cette objeftion, que quand cela feroit vrai par rapport à l'état ordinaire des hom- mes , cela ne le feroit pas pour des perceptions qui ont demandé un grand degré d'aftivité dans l'imagination : mais , quand même l'imagination fe- roit dans le tems du refTouvenir moins aftive , elle le feroit toujours aflèz pour ramener la folie. Nous nous rappelions ce que nous avons fait & penfé étant de fens raffis , parce que nous concevons la poflibilité de ces faits & de ces idées , parce que nous les trouvons poflîbles & vraies dans la liaifon de nos idées aduelles : mais les extravagances de l'homme fou ceflènt d'ê» 446 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROVALE ■ -rr^ tre vraies & poffibles dans la liaifon des idées de l'iiomme raifonnable. J OM. A . 'pQ^5 igj jours nous voyons les hommes paffionnés difconvenir de ce qu'ils ANNE p^j. £^jj. ^ ^^^ pgj parce qu'ils en ont regret , mais parce qu'ils ne fe le rap- '■7 59' pellent pas : nouvelle preuve que l'état des hommes agités par les paffions, n'efl pas fort éloigné de celui des hommes que nous appelions fous. Il en eft de même de l'yvreflè. Une autre raifon pourquoi la mémoire refufe heu- reufement fon fervice à l'homme qui a ceiTé d'être fou , c'eit que , pour fe rappeller certaines perceptions d'un état paffé , il faut avoir été dans le tems de ces perceptions dans un état où le Confclum fui n'ait pas été fort obfcur , où l'on fe foit clairement apperçu , non-feulement de l'exiftence de ces perceptions , mais encore de l'état où l'on étoit lors de ces percep- tions. Il y a dans notre ame diftérens dégrés d'apperception , je veux dire- que notre ame neconnoit pas toujours fon état avec le même degré de clar- té ; il eft un Confcium auffi paffager que diflFérentes idées qui occupent un homme en même tems, ce font des ombres fugitives qui ne laiffent aucune trace après elles. Co-mbien de fois ne nous arrive-t-il pas de n'appercevoir que foiblement ce qui fe préfente à notre efprit ? Autant d'idées deftinées à l'oubli. L'homme en délire n'a point d'idées de fon état préfent, c'eft-à-di- re , de la plus grande partie de fes fenfations , & n'en a quelquefois d'aucune. Tout ce qui fe pafTe eft comme le bruit fourd d'une converfation , qui échappe à un homme qui médite ; il n'en entend que quelques mots. Le fou n'apperçoit que les images que fon imagination lui préfente , tout le refte de ce qui appartient à fon état préfent eft comme éclipfé. Or , comme cet accompagnement , fi j'ofe ainfî parler , fert à conferver le fouvenir des perceptions lorfqu'elles font paffées , on voit ce qui empêche l'homme hors du délire de fc rappeller l'état du délire. Dans les fous le Confcium fui fe borne aux feules idées qui les occupent , & peut-être encore eft-il fort obfcur 5 ce qui paroît être prouvé par ce qui arrive dans les rêves. Il ne s'eft agi jufqu'ici que de la mémoire fenficive : celle qu'on appelle intelleftuelle , & qui fuppofe des repréfentations non - feulement claires , mais diftinftes , ne fauroit être examinée que nous n'ayons préalablement traité le point le plus important de toute cette matière , je veux dire que nous n'ayons vu fî les fous jugent & raifonnent : ce qui fera le fujet du Mémoire fuivant. •f» DES SCIENCES DE BERLIN. 447 gy====^==^^^0"" L_~ jgg JoM. XV. Année ARTICLE XXXVIII. Réflexions fur lu nature & les caufes de la Folie. TROISIÈME MÉMOIRE. DAns un premier mémoire j'ai tâché de donner une idée générale de la folie : dans un fécond mémoire, j'ai examiné quels paroiHoient être les changemens qu'on pouvoir naturellement fuj poler dans quelques facultés de l'ame , lorfqu'on remarquoit dans l'homme certains dérangemens , qui ne s'accordent point avec l'état ordinaire où les hommes le trouvent. Dans le mémoire que je vais avoir l'honneur de préfenter à l'Académie, j'examine- rai ce qui regarde les idées diftinftes & la raifon : mais pour préienter dans tout fon jour celles que je me fuis faites de la folie , il fera nécefTaire de développer auparavant certaines vérités qui regardent la génération de nos idées. Perfonne n'ignore que pour une idée claire ou diflinâe , qui efl préfente à notre efprit , il en eft une infinité d'autres qui ne lui font repréfentées que confufément. On fait que l'ame a un magazin inépuifable de repréfentations dont les dégrés d'obfcurité varient à l'intîni. C'eft de ce fonds qu'elle tire quelquefois à fon gré ces idées qui deviennent d'abord claires , puis dif- tinftes , & qu'elle porte quelquefois à un degré fupérieur de lumière. Les circonflances , c'eftà-dire, la pofition où nous nous trouvons dans ce mon- de , ramènent quelques-unes de ces repréfentations obfcures dans lafphère de lumière , & en replongent d'autres dans les ténèbres. Il en eft de l'ame par rapport à ce magazin d'idées ou de repréfentations obfcures , comme il en fcroit d'un homme , qui au milieu de l'obfcurité de la nuit , éclairé par un flambeau , parcourroit de fes yeux un amas immenfe de toutes for- tes de chofes : à chaqu'inflant un nouvel objet le frapperoit , & feroit dif. paroître celui qui l'auroit frappé l'inftant d'avant : la fcène des objets ap- perçus qui change ainlî à tout moment , eft foumife à la direftion de l'œil & de la lumière. C'eft de ce fond de repréfentations obfcures , qu'on peut tirer l'explica- tion d'une infinité de phénomènes pfychologiques , qui fans cette clé feroient inintelligibles : c'elt ainfi qu'on peut expliquer raifonnablement tous ces mouvemens , toutes ces aftions que le commun des hommes croit que nous faifons machinalement ; c'eft de cette manière peut-être , que nous ref- femblons aux animaux , qui agilTent toujours ainfi, tandis que nous ne pa. roifîbns agir machinalement que par intervalles, ou dans le tems que notre ame eft occupée d'idées claires & diltindes entièrement étrangères aus »75S. 44» MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE ,^,, idées obfcures , qui font analogues à ces avions que nous appelions machU ToM. XV. „3,g3^ A s N k E C'eft ordinairement le genre d'idées , dont nous nous fommes le plus ' 759' occupés , ce font nos inclinations , nospaffions , &c. qui ramènent quelques idées préférablement à d'autres , & fouvent les mêmes: c'efl: alors une eC- pèce d'habitude , contraâée par la multiplicité des mêmes aâes , ce font des repréfentations dont la reproduftion eft facile , parce que les circonf- tances propres à les faire reparoître font en très-grand nombre , & la plu- part du tems aâuelles , c'eft-à-dire , parce que ces repréfentations ont de l'analogie avec une infinité d'autres. Ces repréfentations favorites ont étç envifagées fous tant de faces ; elles ont été accorripagnées de tant de circonC- tances différentes ; elles ont fait partie de tant de différentes fituations , où nous nous fommes trouvés, qu'il efl: prefque impoflîble que nous exiflions, fans être dans un état où il ne fe-trouve pas quelque chofe qui ait été lié avec ces repréfentations favorites. Imaginons un homme qui ait envifagé une idée fous toutes fortes de faces , & dans toutes fortes de circonilances , qui ait lié cette idée à une infinité d'autres , à toutes les fenfations poffi- bles : qu'arrivera-t-il ? Cet homme ne pourra avoir une idée , quelque étran- gère qu'elle foit à l'idée favorite , il ne pourra avoir une fenfation marquée, ' il ne pourra voir un objet , quelque éloigné qu'il foit de ce que repréfente l'idée familière ;, il ne pourra , pour tout dire en un mot , fe trouver dans aucun état qui ne renferme quelque rapport, ou réel ou imaginaire , quand ce ne feroit qu'un rapport de lieu ou de tems , avec cette idée favorite, ôi par conféquent cette idée fera toujours rappellée , elle fera tirée de l'obfcurité ou elle étoit. Si après cela , cette idée reveilloit quelque paflîon , feroit -il étonnant que l'état de cet homme fût toujours , ou prefque toujours , un état violent , bien près de dégénérer en un état de folie ? D'où vient qu'un homme , vivement touché de la perte de ce qu'il a aimé , croit voir à chaque inftant l'objet de fa paffion ? Il n'eftpas néceflaire qu'un convoi funèbre fe pré- fente à fes yeux , pour lui rappeller ce qu'il a perdu ; il fufEt qu'une des plus petites circonfl;ances qui ait accompagné l'exidence de cet objet , reparoif- fe , pour que cette exiftence foit retracée à fon efprit. Cela pofé, je conclus que les fous ne font prefque plus les maîtres de re- produire à leur choix les repréfentations paflées , & d'empêcher que quel- ques-unes de ces repréfentations ne reparoiflènt avec un grand degré de clar- té. On dira fans doute , qu'il arrive fouvent aux hommes raifonnabies de fe trouver dans un état femblable; & j'en conviens : les chagrins & les paf- fions donnent de l'aftivité à l'imagination ; mais au milieu de ces repréfen- tations, qui viennent aSeifter l'ame , il refte à l'homme qui n'eft point encore fou , le pouvoir de fe diflrairc, c'eft-à-dire , le pouvoir d'obfcurcir, fi j'ofe ainfi parler, certaitKs repréfentations, & d'en choifir d'autres pour les ren- dre claires & diftiniîtes. Mais DES SCIENCES DE BERLIN. 449 Mais fi les fous ne font plus libres dans le choix des idées qu'ils apperçoi- ,. ^^ Yent, font-ils d;ins un état où leurs idées ne foicnt que claires , fans jamais . ' '. /. être diitinites ? C'eft ce qu'il s'agit d'examiner à préfcnt. Les Philofophes de tous les tems conviennent , qu'on peut avoir des 7yJ' idées fort claires , fort vives , & en même tems fort contufes : tel cit le cas de toutes les idées fenfitives: (*) ils fuppofent que les idées dillinâcs fe dillinguentdes idées claires, en ce que les premières demandent de la clarté dans la reprélcntation des marques qui fervent à faire difcerner ces idées de toutes les autres. L'impoflibilité abfoluc d'avoir des idées diftinâes eft le cas des brutes. L'impofiibiiité relative elt celui des enfans qui viennent de naî- tre , de de quelques fous : Je dis de quelques-uns, parce que nous allons voir qu'il peut y avoir un état où l'on ne peut s'empêcher de tenir un hom- me pour fou , & où l'on doit pourtant lui fuppofer des idées diftin£tes. Les enfans font dans cette impoflibilité relative , parce qu'ils n'ont pas encore appris à comparer les objets &' les idées , & à fe repréfenter ce qui les dif- tingue les unes des autres , & les fous parce qu'ils ont cefle de le faire : ils ne letontplus, ou parce que le pouvoir leur en eft enlevé, ou parce que l'exer- cice de ce pouvoir trouve des obftacles plus ou moins invincibles. Ce dernier cas eil le feul qu'on puillê admettre. Arrêtons-nous ici un moment , & voyons comment les fous peuvent avoir des idées diilinftes : je ne dis pas qu'ils en aient toujours , je dis feule- ment qu'Us peuvent en avoir, & qu'ils en ont quelquefois. Une idée eft diC- tinde , lorlqu'on fe repréfente clairement ce qu'il faut fe repréfenter pour la difcerner de toute autre. Or qui ne voit qu'un fou , dans le tems même de Ion délire , eft fi vivement frappé de l'objet principal de fa folie, qu'il eft bien naturel de le fuppofer en état de diftinguer cet objet de tous les autres , & de fe repréfenter clairement ces marques caraétèriftiques & diftiniii- ves ,qui peuvent lui faire confidérer cet objet comme différent de tout autie. On dira fans doute que la repréfentation diftinde eft le critérium de la vé- rité , & que par conféquent on auroit tort de fuppofer des repréfentations diitinftes à un fou , qui n'eft occupé que de chimères : mais je remarque qu'il y a deux fortes de vérités , l'une métaphyfîque , abfolue , nécefïàire , l'autre contingente, hypothétique : la première ne fuppofe que la poflibilité interne , la féconde fuppofe avec cela la poffibilité externe , ou pour parler plus clairement , la poffibilité d'une Haifon avec les êtres aduellement exif- tans dans le monde préfent. Je conviens que la vérité métaphyfique a pour critcrium la poffibilité d'être repréfentée diltinftement à l'efprit : tout ce qui eft repréfente ainfi à notre amc eft métaphyfîquement vrai , ou , ce qui (») Comme cette matière mérite toute la précilion poflible , je ne me fuis point écarté du font dans lequel lesLeibnitziens appellent les idées ou diftinftes, ou claires , ouobfcures , ou confines; une idée peut-éiie en ce fens claire & confufe , mais non claiie & obfcure , diftinfte & confufe. Tom. IL LU 4S0 MEMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ■ '^^ revient au même , ne renferme aucune contradiâion. Si donc un fou ctoit . ' ' , * occupé de repréfcntations réellement contradictoires , on ne fauroit dire qu'il eût alors des repréfentations diftinÔes. Mais les vérités contingentes , 7 5 9- celles qui, après être vraies métaphyfiquement , peuvent être déterminées de mille manières différentes , & ne le font pourtant que d'une , n'ont point pour critérium une fimple repréfentation diftinfte : pour favoir laquelle de ces déterminations appartient au monde aftuel , il faut encore avoir recours à d'autres témoignages , à d'autres preuves. On peut fe tromper , & fubf- titucr des êtres d'un autre monde poffible à ceux du monde préfent , fans celïèr pour cela d'avoir des repréfentations diftinftes. Si cela n'étoit pas , il faudroit avouer que toutes ces fuites de raifonnemens employés à établir un fiftème faux , c'eft-à-dire , cette chaîne d'idées , en apparence fi bien liées , n'en renferme aucune de diftinde. Ce ne font donc que les idées qui renferment une contradiâion en elles-mêmes , & non pas celles qui font en contradidiion avec d'autres , qu'on ne fauroit fe repréfenter diftinâement. La faculté d'avoir des idées diftinâes, eft ce qu'on appelle entendement : & celle de voir diitinftement la liaifon de ces idées , efl: ce qu'on appelle rai- fon. Lorfqu'on n'a que des idées claires , & qu'on n'entrevoit que confufè- ment leur liaifon , on ne jouit que d'un degré inférieur de raifon , que les mé- taphyficiens ont appelle andlogum ratiunis. S'imaginer que les fous ne met- tent aucune liaifon entre leurs idées & leurs actions , parce qu'ils ne paroif fent pas y mettre celle que nous fommes accoutumés d'y fuppofer , c'eft fe tromper groffièrement: ils en mettent, ils agifiènt conféquemment à leurs re- préfentations actuelles 5 & cela efl: fi vrai qu'eux à leur tour nous taxent de folie : malheureufement pour eux ils font les feuls de leur avis , & dans ce monde la pluralité des voix l'emporte. 11 n'y a point d'inconféquence poffible dans ce genre , une liaifon quelconque entre nos idées & nos aôions eft ab- folument néceiîbire , & il efl: impoffible qu'une même idée , vue de la mê- me manière, dans les mêmes circonftances , ait des effets, je ne dis pas contradiftoires , mais feulement différens. Un fou qui agiroit comme nous nous imaginons qu'il devroit agir, s'il vouloit être conféquent , fe conduiroit de la manière du monde la plus inconféquente & la plus contradiftoire. Les objets que nous nous repréfentons , ne font pour nous que ce que nous les croyons être. 11 ne nous refle donc à dire autre chofe , fi ce n'efl que les fous n'entrevoient pas diftindlement la liaifon de leurs idées , fur-tout avec l'état préfent. J'avoue que cela paroît être ainfi : je conviens que comme l'exercice de la raifon demande un repos , que les fous n'ont guères , une imagination moins vive que celle qu'ils ont , des abflraôions qu'ils femblent ne pas faire, & des notions générales que leur mémoire, ou ne leur rappelle pas , ou ne leur rappelle que très-confufément , tandis qu'ils ne font occu- pés que d'images & de repréfentations d'individus j je conviens , dis-je , que DES SCIENCES DE BERLIN. 4ji pour la plus grande partie du tems , il paroît que les fous ne raifonnert point, ^^ au moins dans leur délire : mais peut-on ftatuer quelque chofc de certain \"']" ■ fur cette apparence? Ls peuvent avoir des idées diilinélcs : pourquoi n'entre- '^ '*" ^ * vcrroicnt-iîs pas diilinâement la liaifon de quelques-unes de ces idées ? 11 eft ' 7o9' vrai que les fous fe trouvent dans le tems du délire fcnfiblcment incapables d'une fuite de raifonncmens , mais cette incapacité ne prouve rien : les fous rellèmblent aflèz à un homme , qui fentiroit à chaque inftant une nouvelle douleur , & qui fe verroit ainfi perpétuellement agite : la fuite de fes idées feroit interrompue , les fenfations ordinaires ne fe feroicnt prefque plus fen- tir j fes raifonncmens ne feroient point fuivis , & fi on le voyoit ainfi tourmen- té , fans s'appercevoir de ce qui le tourmente , ne le prendroit-on pas pour fou ? Quand je foutiens que les fous peuvent raifonner dans le délire , j'entens par délire tout état où un homme ne peut fe trouver fans être regardé com- me fou par tous les autres hommes : que cet état foit violent ou non , peu importe. 11 y aura des délires où le fou raifonnera plus fouvent , plus ai- fément ; il y en aura où il ne raifonnera point , où il n'aura même aucune idée dillinfte. Seulement je crois qu'il eft fort difficile de juger dans lequel de ces délires un fou fe trouve; la conféquence qu'on tire de fes actions ou de fes paroles n'étant rien moins que fùrc. Ici , comme en une infinité de cas , nos préjugés & notre précipitation à tirer des conféquences nous jet- tent dans l'erreur. Quelque violent que foit le paroxifme, je n'y vois rien qui puilTè nous faire juger avec certitude, file malheureux qui foufFre a des idées diftinftes , ou n'en a pas ? C'eft donc par d'autres raifons qu'il faut en juger. Dans le moment même du délire , dans le fort du mal , l'objet intéreflànt peut être repréfenté diftinâement à l'efprit du fou ; mais la liaifon de cet objet avec certains principes, & avec l'état aftucl, ainfi que l'état aétuel, ne font repréfentés pour l'ordinaire , & fans doute le plus fouvent , que très-confu- fément. Je remarque enfin qu'il n'eft pas néceiïàire pour avoir des idées dif- tinftes , de fe les repréfenter différentes de toute autre ; il fuffit qu'elles foient repréfentées avec le degré de clarté néceflaire à les faire diftinguer de toute autre , fi l'on vient à les comparer. Il y a un milieu entre une raifon faine , & le délire d'un homme qui ex- travague i ce milieu eft l'efpace occupé par la plus grande partie des hom- mes : mais ce milieu diffère de celui qui fe trouve entre un efprit d'un or- dre fupérieur & l'efprit d'un imbécille ; il diffère encore plus du milieu qui fe trouve entre une ame raifonnable & l'ame des bêtes. Nous avons parlé ail- leurs de la difficulté de déterminer les limites qui féparent le fou de l'homme raifonnable : nous avons cru trouver le point où l'on pouvoit hardiment ailù- rer qu'un homme eft devenu fou , & ce point eft , félon nous, celui où l'i- magination commence à altérer les fenfations ; que cela arrive fouvent ou Lllij 4Sî MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ■,., ' ^ rarement , peu importe. Peut-être que dans cette fuppofition tous les hom- J^^' ■^ mes ont des momens de folie, &. je n'en lerois point furpris. Ce feroit af- furément renverfcr toutes les notions d'une laine philofophie , que de pré- '■759' tendre que l'ame des fous change de nature, & s'affoibliflè ou s'altère dans fes propriétés eflèntielles. Quoiqu'il foit vrai que les âmes étant des forces, elles puiffentdilïérer & différent effeftivement entr' elles par des dégrés d'in- tenfité, enforte qu'il n'y a aucun doute qu'il n'y ait des âmes de différent ordre, & que les imbécilles aient vraifemblablement des âmes d'un ordre inférieur , plus voifines de celles des brutes , que ne le font les âmes du commun des hommes ; quoiqu'il foit vrai , dis-je , qu'il y ait une gradation parmi les âmes humaines , on ne conçoit pas qu'elles aient moins de force dans certaines circonflances que dans d'autres ; & ce ne feroit pas raifonner conféquemment que de conclurre de la foibleife qui paroit dans l'exercice des facultés d'une ame , à l'aftolblifiTement de cette ame. L'ame peut avoir la mê- me force , & trouver des obftacles infurmontabies à l'exercice de cette for- ce j ce qui arrive infenfiblement par l'effet de la vieilleflè , ou par de lon- gues maladies , & tout à coup , par des faifîlTèmens fubits. Suppofer ici quel- que dérangement ou quelque affoiblilTèment dans l'ame elle-même , ce feroit admettre le matérialifme le plus complet , & je fuppofe dans l'explication de la folie la fpiritualité de l'ame hors de toute conteftation. Rien ne fufpend l'exercice de la raifon que l'imagination ou le repos : ce dernier cas a donné lieu à la fameufe difpute fur le fommeil de l'ame ; ici il ne s'agit que du premier. L'expérience a prouvé & prouve tous les jours , que les hommes qui ont donné trop de carrière à leur imagination , ont eu le malheur d'extravaguer quelquefois, & cela félon les différentes pafïions dont ils ont été agités. Cette faculté , fi néceiTaire à l'homme , eff pour l'infenfé un poignard dont il fe bleffe, un flambeau dont il s'éblouit. Nous avons vu porter ce funefte flambeau jufques dans les lieux faints , nous l'avons vu profaner les autels , défigurer la religion , faire de la philofophie un monf- trueux affemblage de chimères. Si c'eft l'imagination qui a fait les grands Poè- tes , c'efl: elle auflî qui les a fouvent fait extravaguer. Si l'on doutoit de ce malheureux eff'et d'une faculté fi propre à féduire les hommes, onn'auroit, pour s'en affurer , qu'à chercher la raifon pourquoi les infomnies ont fi fou- vent produit les plus terribles délires : peuvent-elles manquer en effet , ces in- fomnies , de donner trop d'aétivité à l'imagination : les difiradions du jour l'ont un peu modérée , les mêmes objets n'ont pas toujours été fixés ; mais pendant ces longues infomnies, l'imagination a eu, fi j'ofe ainfi parler, les bras libres , & toutes nos facultés gagnent à l'exercice. Quel eff l'homme qui n'ait fa paffion ? qu'il paflîè quelques nuits fans jouir des douceurs du fommeil , qu'il s'occupe de ce qui flatte fes goûts & fes penchans , & je re- ponds qu'il fera bientôt fou. Qui n'a vu des hommes , que la feule imagina- tion rendoit contens , gais , triftes , furieux ? DES S C I E N CES DE BERLIN. 4Sî Dès qu'on ôte les idées diftinftes & la vue diltinûe de leur liaifon , pour . y y réduire toutes les reprefcntations à des repréientations vives & claires , il n'eft j .,* /. * rien de fi contradictoire que l'efprit humain ne puiiTé fe rcpréfenter , que , ^ rn l'imagination ne peigne avec les couleurs les plus vives, & que l'homme ne / ^^ fe perluade exilter réellement tel qu'il fe le repréfente. Trallien parle d'une femme qui avoit toujours le doigt du milieu étendu & levé , parce qu'elle croyoit ainii foutenir la mafïc du monde. Il n'en efl pas autrement des vices & des crimes : ces écarts de la raifon ne fe verroicnt jamais fi nous avions toujours des idées dillindcs de ce que nous faifons, des fuites immédiates de nos actions &. de la nature de nos devoirs. Le vice s'enveloppe d'une obf- curité favorable ^ il y a un fophifte au dedans de nous mêmes qui juge fur des idées confufes , ik qui nous décide en nous éblouilTant ; peut-être le vice ne diftére-t-il du crime que par une moindre obfcurité , & un moindre dé- gré de vivacité dans l'imagination : le crime a fes ténèbres , c'eft une nuit profoiide : le vice efl comme un crépufcule qui approche de bien près de la nuit. Si l'on s'étonnoit qu'il y ait des fcélérats , il faudroit s'étonner qu'il y ait des fous. Je reviens à mon fujet , & je conclus que les fous peuvent avoir des idées diltindes , & raifonner, dans le tems même de leur délire : il me refte àdévelopi^cr quelques idées qui montreront comment cela eft poffible. Cette clalie d'hommes qui n'extravaguent que fur un fujet , qui favent malheu- reufement placer dans le même eiprit les contradictions les plus palpables, ( du moins au jugement de l'homme fenfé , ) avec les vérités les plus certai- nes & les raifonnemens les plus détaillés , font plus à plaindre que ceux qui font dans un délire perpétuel. Leur état eft un phénomène fingulier : c'eft une erreur qui en eit le principe ; ik cette erreur n'eft pas inconcevable. Telle étoit fans doute celle de ces hommes, que les prétendus miracles de l'Abbé l^uris ont fait gambader fur un tombeau que la fuperftition avoit rendu facré? Nos raifonnemens fe fondent fur certains principes , & fe rè- glent fur l'erat aftuel des repréfentations de notre ame. Donnez à un hom- me la faculté de voir tout double ou renverfé , ne raifonnera-t-il pas ? fer- vez-vous de votre afcendant fur l'efprit d'un homme crédule, pour lui perfua- der les plus grandes abfurdités , ne raifonnera-t-il pas? Vous aurez fait des fousj & il ces hommes ont les paffions vives, vous aurez fait des furieuï. S'il n'y avoit pas des nations entières qui euflènt égorgé des animaux pour lire l'avenir dans leurs entrailles , ne croiroiton pas qu'il faut être fou pour s'imaginer que la nature a tracé fes fccrets dans le ventre d'une chèvre ou d'un bouc? On auroit raifon de le croire, & je regarde ces nations comme attaquées d'une efpèce de folie , à moins qu'on ne veuille qu'il foit poffi- ble de combattre les notions communes & ie témoignage des feus fans être fou : à moins qu'on ne veuille que ce qui eft vrai dans un tems , parmi ua. 4J4 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE „ peuple , ceflTe de l'être dans d'autres tems & parmi d'autres peuples , â ■**'^* ^ moins qu'on ne vueille qu'un mal celTe d'être ce qu'il elt , iorlqu'il devient le /Innée ^^j j>^,j^g nation ou d'un peuple. Non , le Philoibphe envifage les chofes au- ^759' trement , les circonftances, les tems, les modifications pour tout dire en un mot , défigurent ou embelilîènt les objets , mais n'en ciiangent point la nature. Pour prouver encore la vérité de ce qiis j'avance , il futfira de réfléchir à ce qui accroît les dégrés de la folie , à ce qui rend un fou furieux : qu'on prenne un ftupide Indien infatué de fes Talapoins , qu'on l'enferme, qu'on ir- rite fes paffions, qu'on le contredife, que tout ce qu'il voit faire foit autant de preuves de l'idée qu'on a de fon égarement , on verra bientôt les effets de fon imagination frappée , on le verra furieux & enragé ne laiflèr plus aucun efpoir de guèrifon. Cependant il n'eft arrivé autre chofe à cet Indien que de fè faire un tableau trop vif des injures que l'on fait à fes opinions : & ce tableau n'a point empêché qu'il n'ait confervé les idées diitinftes qu'il a tou- jours eues , qu'il n'en ait eu au moment même où fon délire a commencé. Un fou devient furieux lorfqu'il fe perfuade qu'il n'eft plus libre , ou qu'il ne l'eft plus effeâivement , c'eft-à.dire , lorfque quelque chofe s'oppofe à ce qu'il défire & à ce qu'il veut. De-là vient que quelques fous font auffi-lôt furieux qu'ils commencent à extravaguer , parce que dès le commence- .ment de leur délire ils ont trouvé des obftacles infurmontables à leurs défirs. La colère eft un moment de folie , je l'ai dit ailleurs , & la raifon en eft clai- re : la colère dans un fou eft fureur. Quant aux facultés appétitives de l'ame , il eft aifé de fe faire une idée de ce qui fe paflè à leur égard dans les fous. Ces facultés toujours fubor- données aux facultés cognofcitives , feront dans les fous ce qu'elles font dans les hommes raifonnables ; partout elles fuivent le flambeau qui nous ■éclaire , & qui les anime. Aufli ce principe de morale , que nous ne pouvons être jugés que fuivant le degré de nos lumières , & la connoiffànce réfléchie de ce que nous faifons , a-t-il abfous de tout tems les fous des adions , dont des hommes non égarés feroient refponfables. C'eft fur l'état aflueldes repréfentations de l'ame , que le degré d'imputabilité fe régie : de-là vient qu'on pardonne quelque chofe à l'yvrefllè, à laquelle onpardonneroit tout, s'il n'étoit pas en notre pouvoir de ne pas nous enyvrer. Il eft un malheureux principe de conduite , qui devient la fource de tous les vices , & le germe fécond de nos égaremens. Ce principe , c'eft que tout ce qui nous plaît contribue à notre bonheur , & devient un bien pour nous , lorfque nous le poffedons. Ce principe eft obfcurément dans l'ame du fou , comme dans celle de l'homme raifonnable : dans les brutes c'eft le pur inftinâ. La raifon a été donnée à l'homme pour régler l'impulfîon natu- relle qui le porte vers les objets qui lui plaifent , parce qu'elle pouvoit être DES SCIENCES DE BERLIN. 455 une fource d'abus : le fou ne raifonnant plus affcz , rcfTcmble à cet égard tt- ■ ' à la brute , il fe livre fans réferve à l'impuliion qui l'entrainc , & la brute f^'' Ce laiiïè entraîner par fon initinft. L'objet des défirs du fou devient pour lui '^ ^ ^ le feul objet qui 1 occupe; & li ces défirs font le fruit des paffions , ils pa- ^759' roififènt bientôt avec fureur , & s'accroiffent à mefurc qu'ils durent. Je m'arrête ici pour faire deux réflexions , que le fujet amène naturelle- ment. L'étude la plus confiante & la plus férieufe d'un homme raifonnable devroit être de travailler à brider fon imagination , & à ne la jamais porter fur des objets , qui peuvent ou l'induire au vice , ou faciliter des abus : fi les objets ne paroifioient à nos yeux que ce qu'ils font en eux-mêmes relative- ment à notre nature , il y en auroit peu qui nous attachaflent : mais l'ima- gination les embellit ou les défigure. Ce n'eft pas tout : celui dont l'imagit- nation travaille trop fouvent , efi fujet à des difiraftions qui le troublent au moment même où fon attention devroit être uniquement portée fur un feul objet : bientôt il lui en coûte de méditer quelques inftans , la chaire de fes idées efi pour ainfi dire interrompue. De-là vient que plus les hommes ont l'imagination vive , moins ils font en état d'approfondir quelques idées. La moindre chofe leur rappelle ce qui flatte leur imagination , & la fcène de leurs penfées change : aux pies même des autels ils retournent à ces objets chéris , que leur imagination careffe fi fouvent : incapables de fuivre long tems un même raifonnement, ils deviennent bientôt incapables de conferver le fou- venir d'une même idée. Ainfi les préceptes & les leçons de la fagefïè , éclip- fés pour quelques inilnns , on ne trouve dans leur ame que l'image de ce qui les flatte, & le défit d'obtenir ce qui leur plaît. Pour peu que la nature prê- te à ces défirs, je veux dire , pour peu que la nature ait des difpofitions ana- logues à ces défirs, on les voit fe paffionner , & quelquefois le délire vient à la fuite de ces premiers tranfports. Qu'cft-ce que la fureur utérine dans les perlbnnes du fcxe , fi ce n'efl: un appétit violent de la cohabitation avec les hommes , qu'elles ont conçu pour s'être abandonnées à des idées contrai- res à la chafleté , qu'elles ont prifes pour autant de fenfations ? Qu'arrive- til aux mélancoliques ? La mélancolie efi le premier degré de la folie ; le nom- bre des idées diftinftes commence à diminuer , on raifonne peu, l'amc en filence , fi j'ofe ainfi parler , ne confidére qu'un même objet , qu'une même idée. On voit ces hypocondres abattus , chagrins , craintifs , angoiflés ; ils afTurent fouvent qu'ils font inquiets fans favoir pourquoi : ils pleurent fou- vent , ils vont chercher la folitude , ils fuyent la fociété , & tremblent pour tout ce qui infpire de la joie : leur fommei! eft inquiet , leurs rêves eiFrayans : voilà les fruits de la malheureufe habitude de laiffer à l'imagination la liberté de ne s'occuper que d'une feule idée, & dans ce cas d'une idée trifie. Il ne faut plus qu'un pas : il y a déjà trop d'idées difiinftes qui ont difparu , trop- de fenfations éclipfées à tout infiant , trop de vivacité dans l'imagination ;; 4S6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROFALE '■j, "TT^ encore un effort , & les objets fuggérés & peints par l'imagination paroî- J OM. A F. jj.Qj^j exifter : on confondra les effets de l'imagination avec les fenfations & ANNEE l'on deviendra fou. ^759' La féconde réflexion que mon fujet amène , c'eft que ce font nos vices qu'on doit accufcr du dérangement de notre raifon. S'il étoit poffible de re- monter à la fource de la folie d'un fou , fî l'on connoifïbit tout ce qui eft arrivé à un fou , toutes les idées & les défirs qui l'ont occupé , on verroit bientôt comment fa folie a été produite par un de fes vices , ou par pluficurs. L'intem- pérance , la vanité, la haine, la colère, l'envie, voilà tout autant de paffions qui portées trop loin produifent naturellement la folie. Je ne parle point ici de ce qui arrive à un défefpéré , que les remords de fa confcience tourmen- tent : je ne parle que de ce qui fe palfè dans l'imagination d'un homme atta- ché à un vice , fans égard aux conféquences qu'il pourroit prévoir. Je ne crois pas qu'un homme parfaitement vertueux puifle jamais devenir fou , fi j'en excepte le cas de la fuperflition , & d'une dévotion que la raifon n'a pas fuffifamment éclairée. Ainfi l'on voit la juftelTe de cette idée, que tout notre bonheur, que toute la fageffe confilte dans la vérité. Ramenez les hommes à cette vérité , vous les ramenerés au bonheur & à la fageffe. Dès qu'on altère cette vérité, & c'elt l'imagination qui l'altère le plus fouvent , il n'y a plus de fureté pour l'homme. Il ne refte donc à l'homme d'autre reffource que celle de fe dé- fier de fes fens , ou plutôt de ce que l'imagination prête aux fens : le doute peut nous empêcher de nous livrer à des apparences. C'eft lorfqu'on eft le plus perfuadé , qu'on doit le plus fe défier de foi - même : la conviâion n'eft fouvent qu'une perfuafion. J^ — — 'ilS>!e= g= jgg ARTICLE XXXIX. Eclaircijjemens hifloriques & phyjîques fur diverfes plantes , qui ont été prifis pour Le véritable JE golethron de Pline. (*) Par M. Gleditsch. Traduit de l'Allemand. ON fait affez combien il fe trouve d'imperfe£lions dans l'Hifioire Natu- relle des pierres , des plantes & des animaux ; imperfedions qui n'ap- partiennent pas feulement aux tems les plus reculés , ou à ceux de bar- barie , qui les ont fuivis , jufqu'au XV^ fiécle , mais qui s'étendent fort au-delà ; il en eft parvenu un grand nombre jufqu'à nous , & il n'eft pas <*) Hift, Natur. lib. XXI. cap. IV. encore DES SCIENCES DE BERLIN. 457 encore en notre pouvoir de les faire difparoître entièrement. En effet lorf =^^' » qu'on examine les écrits qui ont été publiés un peu avant nous, & la meil- "^^ ^ ^' leure partie même des plus récens , on fe perfuade toujours de plus en ^ ^ '"^ ^ * plus, qu'il n'y eut jamais de divifion conforme à la nature, ni de déter- ^7 59' mination exafte des corps appartenans aux trois régnes de la nature & qu'il ne faut pas même en efpérer , fi l'on ne parvient à écarter in- fenfiblement les obltacles qui s'y oppofent ; la voie la plus alïùrée d'y réuffir, fera de fécouer le joug des préjugés reçus , & de s'attacher uni- quement à la contemplation de la nature , en renonçant à tous les fyftè- mes artificiels , qu'elle défavoue. D'après ce que nous venons de dire , on ne fera pas furpris que plu- fîeurs écrits des Anciens, relatifs à i'Hiftoire Naturelle, conviennent beau- coup moins à nos vues préfentes qu'on n'a coutume de fe l'imaginer. Il fepeut bien qu'originairement , & dans les contrées où ils ont été compofés , ils aient eu certaines utilités , qui leur ont donné alors un prix beaucoup plus confidérable que celui que nous devons leur attribuer aujourd'hui , au moins à quelques-uns d'entr'eux. Parmi les Savans du moyen âge & desfiécles ténébreux, il s'en eft trouvé plufîeurs qui ont rendu des fervices fignalés , en commençant un travail , qui depuis a été pouffé beaucoup plus loin , celui d'expliquer dans les An- ciens les paiïàges dont le fens étoit équivoque , & de reftituer ceux que la coutume d'écrire par abbréviations avoit rendus inintelligibles , à l'aide d'une critique éclairée & laborieufe par laquelle ils comptoient , avec rai- fon , fe rendre recommandables à la pofiérité. La perfuafion où l'on étoit autrefois que les écrits des Anciens qui étoient l'objet de cette critique, contenoient pour la plupart de riches tréfors de fcience , & qu'en particu- lier on parviendroit par leur étude à retrouver des Arts qui fe font per- dus , a fait multiplier prodigieufement ces fortes d'ouvrages ; mais ces favans & pénibles travaux des Interprètes , après avoir été continués fort au-delà d'un fiécle , ont à la fin ceflé peu-à-peu , les avantages qu'on s'étoit pro- mis d'en retirer , n'ayant que très-imparfaitement dédommagé du tems & des peines qu'on y confacroit. Mais , quoiqu'à divers égards , on ne puilTe plus tirer des écrits des An- ciens les fecours qu'on y avoit cherché , ni même quelquefois en faire aucun ufage ; il eft prefqu'incroyable que les Anciens n'ayent pas eu , au fu- jet de plufieurs corps naturels , au moins de ceux de leurs propres con- trées , des connoifTances plus exa£tes , & qu'ils n'aient fçu les appliquer à plus d'ufages , qu'on n'a lieu de le penfer, en jettant les yeux fur ce qu'ils en difent par-ci par-là , ou fur les defcriptions confufes & défigurées qu'on en trouve dans leurs ouvrages. En eflFet , quand on réfléchit fur l'ufage gé- néral de certains corps , & fur les avantages & les inconvéniens néceflai- Tome II. Mmm 4s8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE = rement 6c inféparablement attachés à la manière dont on parvient à les con- 1 OM. X I . j^QÎtfg ^ il n'eft guère poffible de douter que leur connoiffànce ne doive /Innée g^^j^ ^j^ ^3^,5 jq^jj l^j ^^^^ auffi parfaite chez un peuple que chez un au- ^7i9' tre , & même , à certains égards , complette Ôi fuffifante ; mais quelque forte vraifemblance qu'il y ait à cela , peut-on affirmer abfolument qu'elle ait été généralement telle , ou feulement pour les hommes les plus éclai- rés & chez les nations les plus policées ? C'eft une queflion qui ne peut être décidée qu'après un examen fort attentif: & en attendant , on n'a au- cun droit de fuppofer que les defcriptions exades ik détaillées , fondées fur de telles connoiffànces foient parvenues jufqu'à nous , à travers la foule des fîécles qui ont précédé. Nous regardons les tems où nous vivons comme trop éclairés , & en pofTeffion de trop d'avantages , pour ne pas convenir qu'on y a pouflé les connoifiànces naturelles fort au-delà des découvertes faites par tous ceux qui ont vécu avant nous. Il faut reconnoître , à la gloire de notre fiécle, que fur bien des points on s'eft réellement élevé à un degré très-fupérieur à celui que nos prédéceffeurs avoient atteint ; mais fi l'on veut fuppofer à ce degré toute l'élévation que plufieurs lui attribuent , je penfe qu'il y aura beaucoup à en rabbatre , ou du moins que l'éloge devra être borné à un très-petit nombre d'articles. En effet , fi l'on décompofe avec quelqu'exaftitude l'affemblage de ces prérogatives tant exaltées , fi l'on confidére tant de lacunes qui reflent à . remphr , tant de chofes dont , malgré tous nos efforts , nous ne tranfmet- trons qu'imparfaitement la connoiflànce à la pofiérité la plus reculée, on demeurera convaincu des bornes étroites de notre favoir , ce qui nous rendra plus modeftes. On n'a garde de difconvenir que les écrits des Anciens ne renferment quantité de relations imparfaites & de defcriptions fautives des pierres , des plantes , & des animaux , dont nous ne pouvons retirer aucun profit -, ce ne font fouvent que des traces obfcures , fans ordre & fans liaifon : mais avant de faire le procès aux Anciens , il s'agit de favoir , fi ces écrits , ou du moins la plupart d'entr'eux , ont été faits dans la vue de fervir à notre infiruftion ^ & pour cela il faut foigneufement rechercher comment ils ont été produits , quelle en a été l'occafion , & quel but leurs Auteurs s'y font propofé. Or , nous ne devons quelquefois nous en prendre qu'à nous-mêmes , fi nous attendons de ces ouvrages plus qu'ils ne doivent nous donner , ou des chofes différentes de celles qu'ils contiennent. Cela vient de ce que nous jugeons des écrits des Anciens d'après des préventions trop avantageufes , & fans y apporter l'examen requis ; de ce qu'il nous plaît de regarder des fragmens détachés, ou de fimples pièces de rapport, fouvent recueillies au hazard , comme une hiftoire naturelle complette des pierres , des plantes , DES SCIENCES DE BERLIN. 459 & des animaux , que les Auteurs de ces recueils n'ont jamais eu defièin . ^rp d'écrire , encore moins de tranfmcttre à des nations étrangères, & à des a°^' . * ficelés éloignés, comme des livres deitincs à fervir à l'inltrudion publique '"^ '^ dans toutes les parties du monde, & leur méthode comme celle à laquelle ^759' on dût rigoureufcmcnt s'aftreindrc. Combien n'eft-il donc pas aifé que di- vers ouvrages faits avec foin & pleins de bonnes chofes , demeurent inuti. les , auffibien que les travaux de leurs interprêtes, dès qu'on veut les envifa- ger uniquement fous ce faux point de vue , & les rapporter à cette feule deftination ? Il faut pourtant rendre à quelques Interprètes la juftice de dire, que leurs explications font de la plus grande folidité , & précieufes au point qu'on pourroit quelquefois fe paifcr plutôt du texte que du commentaire. La plante nommée iEGOLETHRON , fort connue du tems de Pline , & ori- ginaire du Pont dans le terroir d'Héraclée , va fervir à confirmer tout ce que nous avons dit jufqu'ici. Ce qui rendoit alors cet JEgokthron fi connu , c'étoient en partie fes propriétés nuifiblcs , par leftjuelles il caufoit des ac- cidcns mortels au bétail , boeufs , chèvres , & brebis , & en partie la qua- lité très - pernicieufe qu'il communiquoit au miel , lorfque , dans certai- nes années , les abeilles en recucilloient fur fes fleurs. Mon delTèin dans cette DifTertation eft de comparer les opinions de quel- ques Modernes avec celles des Anciens , & de raflèmbler des circonA tances hiftoriques & phyfiques , defquclles je puifîè clairement déduire quelle eft la plante où l'on trouve aujourd'hui les vrais caraftères de I'jE- golcthron de Pline. Le célèbre Conrad Gcfner (a) n'avoit pu trouver dans les Anciens d'au- tre mention de cette plante que celle dont on eft redevable à Pline. Tout ce qu^Hermolaus Barbarus & Ruellius (b) en difent , eft pareillement tiré du feul Pline, Celui-ci dans fon Hijloire Naturelle donne une indication abrégée de deux plantes étrangères nuifibles , différentes l'une de l'autre. La première eft celle que fes mauvaifes qualités , comme on l'a déjà dit , avoient fait nommer ^golethron , & fur les fleurs de laquelle les abeilles , dans certaines années , recueillirent un miel pernicieux. L'autre plante , qui appartenoit au même païs, & qui venoit avec abondance dans les bois d'un certain diftrift , fourniffbit auffi aux abeilles un miel fi dangereux qu'il caufoit le délire , des vertiges , le vomilTement , & d'autres accidens fem- blables. On la défignoit par le nom de Rhododesdros (c). Ces deux plan- tes méritent bien qu'on y faffê quelqu'attention , tant à caufe de leurs qualités nuifibles en général , que du miel pernicieux qu'elles fourniiïbient j d'autant plus qu'on ne fauroit encore déterminer esaftement , fi ce n'étoit (d) Hlft. Animal. 11b. 1. de çttadruptd. pag. ^7. {h) Hift. Stirp. lib. m. cap. XXI. (e) Let Botaniftes l'appellent Rhododcndros ptruic» Plinii, M m m ij 46o MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE „, y^ point une feule & unique plante qu'on avoit indiquée à Pline fous deux dé- - ' ■ , ■ nominations , ou fi peut-être il ne faut point attribuer à l'une l'effet mortel qu'éprouvoient les efpèces de bétail qui ruminent , & à l'autre , qui en dif- 7 3J' féreroit entièrement , le fuc venimeux de ces fleurs dont provenoit un miel empoifonné. Pline , à l'occafion d'un grand malheur qu'avoit caufé à Héraclée dans le Pont , le miel dont on vient de parler , fait mention , comme en paffànt, de ces deux plantes , d'après des mémoires qui lui avoient été fournis , mais d'une manière fi courte , qu'on ne démêle pas bien clairement fi VJE- goUthron eft une plante réellement différente du Rhododendros. On doit ufer ici de la plus grande circonfpeftion , pour éviter les écarts dans les- quels font tombés quelques - uns des Interprêtes de Pline , & après eux plu- fieurs Botaniftes du moyen âge. Je vais d'abord commencer par rapporter fuc- ceffivement & mot à mot tous les paiïàges de Pline qui peuvent fervir à répandre du jour fur cette difcuffion , fans m'arrêter aux erreurs manifeftes qu'ils renferment , & que ceux qui font verfés dans les Arts ou dans les Langues peuvent aifément découvrir. Voici donc comment Pline s'exprime^ Heracleœ in Ponto quihufdam annis melta perniciojljjlma exijlunt , ah iif- dem apibus fiicia. Nec dixere auclores e quitus floribus ea fièrent. Nos trade- mus quae comperimus. Herba eft ah exitio jumentorum , fed prœcipuè caprarum , appellata JEgo- LETHRON. Hujus flores concipiunt noxium virus , aquofo vere marcefcentes„. Ita fit ut non omnibus annis fentiatur hoc malum. Plus bas il ajoute : * EJl genus in eodem Ponto gente Sannomm mellis , quod ah infania Mce- nomenon vacant. Id exifiimatur contrahi flore Rhododendri , quo fcatent Jylvœ. Diofl:oride (rt) raconte à-peu-près les mêmes chofes au fujet des accidens caufés par le miel d'HéracUe ; mais il donne à la plante nuifible le nom d'Aconit. Il dit que le miel dangereux a coutume de fe trouver dans l'en- droit même où croît V Aconit ^ & que tous ceux qui emploient de ce miel , dans leurs alimens ou dans leur boifïbn , éprouvent les mêmes accidens que s'ils avoient pris du fuc d'aconit. Elien (h) rapporte au fujet du miel du Pont , qu'on trouve autour de Trebizonde , que ce miel , autant qu'il a pu le favoir , vient de l'arbre du buis, que de plus il a une odeur forte & dé- fagréable , qu'il guérit les malades attaqués d'épilepfîe ou de folie , & qu'il rend au contraire infenfés les gens fains & raifonnables. (a) Lib. VI. cap. VIII. (b) Lib, V, cap, 41, DES SCIENCES DE BERLIN. 461 Si l'on veut démêler quelque chofe dans tous ces récits , il faut confidé- .. "^Ty Ter féparéincnt les circonftances rapportées à l'occafion de ce miel dangc- ^ ^'^ ^ g rcux d'Héraclce , & distinguer les quatre noms des plantes que les Auteurs indiquent. L'Aconit de Diofcoruk étant la plus ancienne doit être confïdcrée ' ^^* avant l'^goUthron de FUm, Celui ci n'a parlé que d'après les relations qu'on lui avoit communiquées , & félon les apparences , il n'avoit pas lu le paflàge de Diofcoride qui concerne l'Aconit ; il a employé expreflèment le nom de KhododenJros parce que c'étoit celui qu'on lui avoit fourni , ajou- tant dans un autre endroit les furnoms de Nerion & de RoJodaphne , qui lui ctoient connus , fans y mettre aucune diftinftion , quoique le célèbre Tour- ncfort (a) ait cru qu'il les avoit diftingués. Le buis clt regardé depuis long- tems comme une plante nuifible aux abeilles , & peut-être d'après les ré- cits des Anciens ; toutes celles qui viennent d'être indiquées font , autant qu'on peut en juger par le peu qu'on fait de leurs parties conftituantes , & que l'expérience a pu nous inflruire de leurs divers effets , ou abfolument nuilibles ik mortelles à certains animaux , ou du moins ne leur convien- nent pas. Mais parmi toutes ces plantes , quelle efl celle qu'on peut être fondé à prendre pour l'yEgo/et/iron de Fline ? C'eft ce qu'il n'eft pas facile de décider. En effet , puifqu'à l'exception de Fline , il n'exifte point d'Auteur qui falïè mention de cette plante , comme il le déclare lui-même par rapport à ceux qui l'ont précédé , & comme le confirment ceux qui ont écrit après lui, il paroît bien furprenant que quelques Botaniftes aient prétendu avoir découvert & pouvoir déterminer le véritable JEgolcthron , par les feules analogies des qualités mortelles pour tout le bétail , & du miel empoifonné qui fc recueille dans certaines années fur fes fleurs ; car fî l'on veut exami- ner cette prétendue découverte de plus près , il fe préfentera bien d'au- tres plantes dont les effets font funeftes au bétail , fans qu'on ait des preu- ves certaines que leurs fleurs produifent auflî un miel empoifonné. Il y en a plufîeurs dont les effets pernicieux fur les corps des animaux font incon- teflables , & qui néanmoins ne laiiïènt pas de fournir aux abeilles quantité de miel & de cire d'une très-bonne qualité ; tandis qu'il en efl quelques autres dont l'àcrété eft extrême , & dont les parties conftituantes renfer- ment quelque chofe de volatil ou de narcotique propre à étourdir , qui tuent les abeilles mêmes ; elles ne fauroient y recueillir du miel , & on les trouve mortes dans les fleurs , ou fur les arbres , où elles fe font difperfées. Cette dernière circonftance mérite l'attention la plus particulière. Certaines plantes au contraire , fourniilènt aux abeilles aflèz de miel de bonne qug. lité , Si cependant elles offrent tous les indices d'un fuc venimeux. On a quelquefois pouflè trop loin la licence des conjedures, en prenant (<•) Voyage du Levint , lettre XYU. pag. 99. & fuiv. 4^2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE .rr'^ — T— pour VXgolethron diverfes plantes d'Allemagne communes & naturelles f"*^* • au païs , feulement parce qu'elles avoient quelque chofe d'acre & de mordant , ou même des plantes tout-à-fait innocentes , qui ont des vertus ' /$5« rnédicales afTez marquées. On ne s'eft pas feulement mis en peine d'exami- ner , fi le bétail s'en nourrilTbit , s'il pouvoit parvenir aux endroits où elles croilïènt , & s'il s'en trouve de mêlées parmi le fourrage fec ; & dans ce der- nier cas fi elles peuvent être nuifibles ou non. Pour applanir les difficultés que cette matière préfente , & fe tirer de l'embarras que caufent tant d'af- fertions incertaines , il fera néceffaire de diflinguer avec exaâitude toutes les plantes qui ont été précédemment indiquées , ou que d'autres pourroient avoir prifes pour l'JEgolethron de Pline. Le nom même de notre plante inftruit de fes qualités nuifibles connues & funeftes à diverfes efpèces de bétail , qualités qui lui font communes avec plufieurs autres. Mais la circonftance du miel dangereux qui s'y re- cueilloit dans certaines années à Héraclée & aux environs eft extrêmement remarquable. Les plus anciennes expériences , & les hiftoires de ce tems- là , la confirment : & encore aujourd'hui les habitans de ces contrées ne fe contentent pas de remonter aux traditions éloignées , ils en appellent aux preuves de fait qui exiftent actuellement ; auffi ont - ils grand foin de bien diftinguer cette plante de toutes les autres , que ce foit l'une des deux efpèces, ou toutes les deux, du Chamœrhododendros deTournefort (a) ^ & par conféquent le Rhododendros ou Rhododaphrte de Pline , ou bien un JEgolethron tout-à-fait difFérent de ces plantes. Car , quoique , dans les en- droits déjà plufieurs fois cités , Pline ne fe foit pas expliqué d'une manière allez nette & alïèz détaillée fur l'efpèce de fes effets nuifibles , les expret fions dont il fe fert dans un autre paiïàge , que je rapporterai bien-tôt , font fuffifantes pour nous guider. En effet, on y voit très-clairement que l'jïgo/e- thron du Pont étoit alors connu par deux circonftances manifeftes , relati- ves à deux efpèces d'effets nuifibles, ce qui fait entièrement tomber la con- jefture de tous les Auteurs du moyen âge & des derniers tems. Cependant on ne pourroit faire prefqu'aucun ufage du rapport qui concerne les ef- fets funefles de la plante fur le bétail , fans ce qui eft ajouté de la trifte expérience fournie par le miel empoifonné. Ce dernier fait ne fauroit être révoqué en doute, puifqu'il eft ait qvi'û a lieu dans certaines années , quoi- que la plante n'ait fouffert d'ailleurs aucun accident ou maladie , la nielle feule la difpofant à produire ce miel dangereux. A la vérité Pline dit d'a- bord après : hujus flores concipiunt noxium virus ; mais cela eft fort vague , & refuté par ce qui fuit immédiatement : aquofo vere marcefcentes. ha {a) Chamairhùdodindros poniica maxima , mefpili foli» t fiore luteo, Coroll. p« 42. Chamxrl\ododendros ponuca maxima , folio laurottrafi fioTt c eamleo pujpurc/eente. Ejufd, lib, 8t loc. cit. DES SCIENCES DE BERLIN. 465 fit ut non omnibus annis fcntiatur hoc malum. Car il s'enfuit de-là que B la ■■■ ^^ faifoii humide n'avoit fait quelquefois paffer ou tomber ces fleurs, HcnuUc .'^"' , '^' fe fcroit rcflentic tous les ans de ce mal. En comparant attentivement cet ^ "'' ^ ^ expofé avec la vertu narcotique très-forte des fleurs fraîches d'un des Rho- ^7 59' dodcndros du Pont , dont Tourncfort allègue des preuves dans l'endroit cité, il paroit évident que ï'JE^olcthron de Pline doit avoir été une plante tout à la fois acre & narcotique. Le grand Tourntfurt , qui , par les importans fcrvices qu'il a rendus à la Botanique , & par les peines infinies qu'il s'efl données dans fes voyages pour découvrir de nouvelles plantes, & pour déterminer le caraétèrc de pla- ceurs de celles qui ont été connues & employées par les Anciens , a mérité l'éternelle reconnoilTànce de tous les Botaniftes , s'eft fort occupé du foin de retrouver les plantes qui , du tems de Pline , portoient le nom d'j'Egolc- thron autour d'Héraclée dans le Pont. Il a été vifiter les lieux mêmes qui tui ont paru les plus propres à lui fournir des éclaircilTemens à cet égard j il a confulté rhilloire , les anciennes traditions , & les expériences modernes j enfin il a eu fous les yeux & comparé diverfes plantes en qui fe manifeftent les propriétés dont il s'agit, & d'après tout cela , il a jugé que fon premier Cliamœrhododcndros pourroitbien être VJEgoUthron de Pline, & le fécond le Rhododenaros Pontiea du même , & que celui-ci devoir différer entièrement de l'autre. Pour donner une plus grande certitude à fon opinion , qui lui a paru la plus vraifemblable , il pofe en fait que Pline avoit diftingué fon Rho- dodendros du Acr/on ou Rhododaphne (aj , & à l'égard du Merion, il dit qu'il n'a point rencontré cette plante autour du Pont-Euxin. Mais quand ce que Tourncfort affirme de fon premier Chamœrhododendros feroit fondé , on n'a aucune preuve fùre & ancienne , qu'il ait produit des effets mortels tout à la fois fur les boeufs , fur les chèvres & fur les bre- bis. La forte odeur narcotique , qu'il dit avoir trouvé dans fes fleurs , fem- blablc à celle des fleurs du chevrefeuil , peut bien cauferdes vertiges, des nau- fées ôi des vomiflèmens ; mais il ajoute lui-même qu'on l'a afTuré que le bé- tail n'y touche pas. La très-ancienne expérience que le miel de certaines an- nées , dans ces contrées , caufe des étourdiflemens , du dégoût , du délire , & d'autres accidens femblables , & le nom particulier de Manomenon qui lui a été donné à caufe de cela , ont été rapportés par Pline , qui ajoute avoir . appris que cela provenoit des fleurs du RhodoJendros , qu'il nomme aufli Ne- rion & Rhododdphne. Diofcoridc en a rejette la faute , fur l'aconit , & Elien fur le buis , comme nous l'avons déjà remarqué. C'eft ici où il convient de (a) Nerion , fiorihus Tuhtfctnùhus, C. B. Pin, 464, Rhododendron , Nction & Rhododaphne. PUn. Hift. ntu. li|),, XVI. cap. XX, lib, XXIY. Cfç,. Oleander , Laurus rofea , Lob, le. 364.^ Ëa ftiniois., LaurUr-rofc. 4«4 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ^^ — rr^ rapporter les pafl&ges de Pline dont j'ai difFéré l'allégation , afin qu'on foit loM. . gj^ ^jgj jg juger fi cet Auteur a pris le Rhododaphne , ou le Ncrion , pour E yjjg plante réellement différente du Rhododendros. Cela fervira beaucoup ^759' à faire connoître , lî l'opinion de Tournefort eft pleinement fondée , ou fi l'on ne peut pas encore y compter autant qu'on l'auroit cru. Voici d'abord ce qu'on lit au chapitre XX du Livre XVI de l'Hifloire Na- turelle de Pline. Rhododendron , ut nomine apparet , a Grecis venit , alii Nerion vocarunt^ alii Rhododaphne , fempiternum fronde , rofœ Jlmilitudine , caule fruticofum^ & il exprime enfuite très-bien la qualité pernicieufe de VJEgolethron , qu'il ne connoiiïbit d'ailleurs que de nom , par ces mots :' jumentis caprifque (s ovibus venenum efl , &c. Au Chapitre XI. du XXIV. Livre il ajoute : Rhododendron , ne nomem quidem apud nos invenit Latinum ; Rhodo- daphnen vocant , aut Nerium. Mirumfolia ejus quadrupedum venenum ejfe , homini contra ferpentes pntjldium ruta addita e vino pota. Pecus enim & ca- prsE , fi aquam biberint in qua folia maduerint, mori dicuntur. Le pafîàge de Difcoride qui Ce rapporte ici efl le fuivant ; je le cite d'après la verfion de Sarracenus : Nerion, quibufdam Rhododaphne ja/iù Rhododendron vocatum, nafcitur in viridariis maritimifque locis , G" fecus amnes. Flores ac folia canibus , afinis , mulis & plerifque quadrupedibus venena funt. Animantes autem imbecilliores uti caprse ac pecudes , fi aquam biberint, in qua illa maduerint , moriuntur. Les Botaniftes modernes reconnoifTènt les qualités nuifîbles du Nerion, & il y a là delïus un parfait accord entre ce que l'antiquité nous a tranfmis & les obfervations récentes. Mais , puifque r^golethron de Pline doit nécefTaire- ment croître autour d'Heraclée dans le Pont, & que le Nerion de Tournefort ne fe trouve pas dans ces contrées , & même que , de fon propre aveu , il ne fauroit y en avoir , voilà une circonftance dont il faut encore rendre raifon , avant que de confondre ces deux plantes enfemble. Quant à la vertu narco- tique des deux Chamarhododendros de Tournefort , elle n'efl plus fujette à aucune conteflation , tandis qu'on ne fauroit démontrer qu'elle fe trouve dans les fleurs du Nerion , ou du Rhododaphne , ni que les abeilles recueil- lent du miel fur ces fleurs , dont l'odeur eft plutôt modérée & agréable , que forte & afToupifTante. Quoiqu'il en foit , je ne crois pas me tromper beaucoup, en attribuant, fur les plus fortes vraifemblances , les effets nuilîbles du miel d'Heraclée , à une âcreté narcotique & volatile des fleurs des deux efpèces de Chamœrho- dodendros , qui font les plantes les plus communes & les plus abondantes dans toute cette contrée , comme l'alTurent aujourd'hui les Turcs d'après la tradi- tion DES SCIENCES DE BERLIN. 465 tion & leur propre expérience. Ce n'eft pourtant pas une con(èqucncc ■ y'p qu'on puiflc appliquer à toutes les plantes narcotiques , comme cela pa ^ ' " ,. * roit par notre Lcdum , autrement dit Romarin fauvage , fur lequel les abeil- les font d'abondantes récoltes , fans qu'on découvre les moindres traces de ' ' j9« qualités nuifibles dans leur miel. Quant à la confufion des plantes dans laquelle les Anciens tombent fi fréquemment , on ne fauroit leur en faire un reproche , puifqu'à propre- ment parler ils n'avoient aucune véritable connoilTànce botanique des plan- tes. Rien donc n'a pu arriver plus aifément , qu'une même plante ait été dé- crite fous deux ou trois noms difFérens , tk que diverfcs plantes , cfîèntieliement différentes, aycnt été comprifes fous le même nom. Qu'on examine feulement le genre de V Aconit cphémcrc, & quelques autres ; qu'on effàye d'y porter la lumière & les diflindions nécelïâircs , & l'on rencontrera des difficultés qui fouvent rendront tous les efforts inutiles. Au fujet du Ncrion ou de VOlcundcr , il ne faut pas oublier que cette plante croît en pluficurs contrées d'Efpagne , d'Italie , des liles de la Grèce, de la Syrie , des Indes , & de la Chine •., que dès les anciens tems elle a été ré- gardée en Efpagne comme une plante fort nuifible , & que les chafîèurs en ont exprimé le fuc pour y tremper la pointe de leurs flèches & blefïèr mor- tellement les bêtes féroces. Encore aujourd'hui fes propriétés nuifibles lui font porter le nom de Vciva Mala , ou rnauvtùfc herbe ; comme la Bofea de Linnœus , fuivant les relations , eft appeliéedans les liles Canaries , & dans quelques contrées de l'Amérique, par des raifons femblablcs, Verva Mora^ ou Vherbe de Li mort. Ceci peut fufEre pour ce qui regarde l'JEgolethron de Pline ; mais il Ce préfente de nouveaux objets à confidérer , fi nous voulons paflèr en revue les diverfes plantes que les Auteurs ont prifes pour celle-là. Suivant l'opinion de Ment^el (a) on peut le divifer de manière que les unes fe rapportent à l'JEgolethron de Pline , & les autres à celui de Gcfner. Il n'y a rien à ajouter à l'égard du premier, au moins de ce qui peut fervir à répandre du jour fur l'hiftoire de cette plante ; il s'agit donc à préfent de palîèr au fécond. Gcfner (b) dit que la plante qu'il prendroit pour V JEgolethron de Pli- ne auroit beaucoup de relTémblance avec VOrokmche , fi elle n'en différoit par la racine & par la couleur de pourpre de la tige. Quand j'examine dans les écrits de ce favant Auteur la relation qui précède , & que je la compare avec ce qu'il dit ici , les principales circonftances & les caractères indiqués font à la vérité applicables à VOrohanche ; mais ils ne conviennent pas le moins du monde à ['JEgolethron, Voyons donc le récit que fait Gcfner de fon prétendu JEgolethron. (j) Chrift. Memiel. Ind. Nom. Plant. Vniy. p. S. (h) Hifl. de quadrupcd. §. jo. p. 40. Tome 11. K n n ToM. xr. 466 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE » Il croît chez nous , dit-il , une cfpèce de plante nuifîble , dont le bê- ±UM. ^1 . ^^ jgji ^ corne ne mange point; il s'éloigne même de l'herbe à laquelle >3 elle fe trouve mêlée : les chevaux cependant mangent de cette herbe. ' ^"* » Nos gens de la campagne nomment la plante en cjuefHon la mauvaife » fli:ur , ou le mauvais Henri , comme ils apiiellent , au contraire , une ef- » pèce de Chcnopodiam , que les Anciens ont connue fous le nom de Chry- » folachnon , le bon Henri, On voit par le refte de la defcription de cette plante , que je fupprime pour abréger , que Gefner indique fimplement ici une plante qui a beaucoup d'affinité avec rAnblatum de Valerius Cordas (aj , ou plutôt qui eft cet An- Hatum même. Cette plante eft fort commune en Allemagne : on la trouve dans Matthiolc fous le nom de Dentaria major ; dans le Pinax de C. Bauhin fous celui d^Orobanche , radice dentata major -^ Leonicerus , Kivinus, & d'autres l'appellent fquamaria , nom qu'elle conferve encore dans quelques phar- macies. A la fin de cette relation , Gefner ajoute ; eudem ( planta J nifi fallor , jïgolethros Plinii fuerit. Dodonée (h) dans le XXVI. chapitre de fon premier livre , intitulé de Herba tota bona , a fidèlement copié la relation de Gefner , mais il n'a pas ajou- té un feul mot qui puifTe feulement faire conjeâurer ce qu'il penfe de l'o- pinion de ce Savant; & lorfqu'il parle dans le X. chapitre de fon troifîème li- vre de l'Anblaton & de la Neotia, il n'ajoute rien de plus, fii/îiar Hoffm^mn, au contraire , demande (c) ce que c'eft que ce malus henricus que Dodonée a décrit d'après Gefner , ne trouvant rien du tout , dit-il , dans cette def- cription qui puiffe faire prendre la plante en queftion pour la Dentaria major de Mattkiole. Cependant la chofe eft fi manifefte que depuis ce tems- là , ni les deux frères Bauhin , ni les autres habiles Botaniftes n'ont formé la moindre difficulté à ce fujet. La plupart des principales circonftances de cette defcription s'accordent avec VAnblatum de Cordus ; & celles qui paroifiTent y répugner font voir évi- demment que Gefner a été dans le même cas à l'égard de cette plante que Pline à l'égard de fon JEgolethron, l'un & l'autre n'ayant parlé que d'après les relations qu'on leur a fournies , fans voir les plantes mêmes. En effet , fi les gens du pais avoient porté kGefner la plante dont il parle, non- feulement il l'eût auffi-tôt reconnue pour une des plantes les plus communes du canton, mais il eût été en état de la décrire fous fon véritable nom ; & alors il ne lui feroit pas arrivé de dire qu'elle croît dans les vignobles , qu'elle gâte les pieds de vigne , & qu'à caufe de cela les vignerons font extrêmement foigneux de l'arracher ; chofes qui conviennent toutes à l'Orobanche com- mune & à fes efpèces dans les païs chauds. (a) Hift. lib. I. cap. X. (h) Pempt. ftirp. j. (c) Lit), II. dt medieum. officinal. Cap. m, de Upatho, DES SCIENCES DE BERLIN. 467 Par confequent il auroit reconnu d'une manière certaine que c'eft la ... • t^ Dcntariii major de MitihioU , qu'elle aime les terroirs fpongieux , la terre i''^'.^ ' couverte de feuilles , & les endroits où règne l'ombre , qu'elle vient autour des "^ "*■ ^ fources & des arbres dont les racines font couvertes de vieille mouilë 5 au ^7 59' lieu qu'elle ne s'accommode pointdes places découvertes de chaudes autour des montagnes, où l'on a coutume de placer les vignobles. Il n'auroit pu igno- rer non plus la faifon où elle paroît , fa courte durée , tant en fleur que fur la terre , & le petit nombre de plantes particulières du printems qui croifTént en même tems qu'elle , & dans le même lieu. Enlin fa fubrtance molle , char- nue , & pleine du fuc , lui auroit donné occalion de s'appcrcevoir que , pen- dant fon rapide accroilTèment , elle ne fauroit foulever & percer un terrein dur, ce qui exigeroit une terre légère, dans la compofition de laquelle entrent principalement la moufle, le bois pourri 6c les feuilles. En poulTant nos recherches plus loin , & jufqu'à la conflitution inté- rieure , & aux propriétés conftamment reconnues de VAnblatum , la conjec- ture que j'ai avancée acquiert encore plus de force. L'innocence de la plante dont Gifner parloit, & qui ne peut guère être que \'Anhlatum (a) ou l'O- rohanche , ne lui auroit jamais permis de tourner fes vues du côté de YIEgo- Icthron de Fline ; il fe feroit rendu plus attentif aux qualités nuifîbles qu'on lui attribue, & il eut reconnu que cette plante , loin d'être dangereufe, eft em- ployée en qualité de remède , tant pour les hommes que pour les animaux , & pourroit l'être encore plus utilement. Elle eft charnue & pleine de fuc , comme pourroit l'être un jeune pied d'afperge. L'odeur de la fleur eft délicate , volatile & reftaurante , à-peu- près comme celle de la jonquille; mais la fleur même poulTe peu après s'ê- tre ouverte. Son goût eft mélangé , aqueux , balfamique , amer & aftrin- gent , tant dans les fémences que dans la racine. Cescirconftances ne fournif- fent aucun indice de propriétés fufpeiiïes , & les effets connus que cette plan- te produit fur les hommes & fur les animaux la déchargent de tout répro- che. Certains cependant , s'en fiant à l'autorité de Gefner , ont pris VAnhla- tum , qu'il nomme malus Henricus , pour VJEgoîetliron de Pline ; & ceux qui n'ont pu concilier les bonnes qualités de cette plante avec les mauvaifes de l'/Ego/êf/iron , ont été chercher d'autres plantes acres & nuifîbles , comme je le ferai voir dans la fuite , en y joignant les remarques néceflài- res. Ce ne fera qu'après toutes ces difcuflîons qu'on pourra réunir les vrai- fêmblances qui peuvent conduire à la découverte & aune détermination plus exade de la plante en queftion , qui , dans différentes contrées , porte les noms de mala herha , malus flos , malus henricus , & autres femblables , fans que ces dénominations foient pourtant fondées fijr ce qu'elle eft mortelle (n) Ou Sc'tuptnwurtxtl. Que les Habiians de la Marche de Brandebourg connoiffer.t fous le nom it Maywuriiçl , & fur le pied d'une plante paifaitement innocente, N nn ij ToM. XV, 468 MÉMOIRES DE VACABÈMIE ROYALE pour le bétail , mais feulement fur le préjudice qu'elle caufe aux autres plantes. /INNEE j^^ defcription inexaftc que Gefner a donnée d'une plante qu'il ne con- 1 7j9' noilfoit pas , & à laquelle il donnoit le nom de matus flos , ou de malus hcn- ricus , ( defcription qui l'a conduit à la conjecture fi dénuée de vraifemblance, qu'il fait au fujet de VJEgokthron ) n'avoit d'autre fondement que le récit des gens de la campagne j or, dans la plupart des gens de cet ordre , rien de plus commun que le défaut d'attention , prefque inféparable de l'ignorance , & comme lié à l'imperfedlion des connoilTànces : ils portent cette inattention jufqu'aux chofes , dont il leur importeroit le plus d'être inftruits. J'ai confervé le fouvenir d'un cas , qui confirme parfaitement ce que je dis 5 j'en ai été témoin oculaire dans le tems ou je fus chargé par ordre du Roi (aj d'examiner les caufes d'une mortalité fort rapide dont le bétail étoit attaqué. Ce mal exigeoit alliirément les plus prompts fècours. Il enle- voit principalement les bétes les plus jeunes , les plus vigoureufes& les plus faines , tandis que les plus vieilles en reflentoient des atteintes beaucoup moins fortes , & en guèriflfoient plus aifément. C'étoit à proprement parler une violente fièvre inflammatoire , avec des douleurs , des crampes , & des lignes fcnfibles d'inflammation dans le bas ventre ; à quoi fe joignoient la conftipation & un flux copieux d'urine épaiffe, rouge , ou d'un brun fort noi- râtre (/'). Le bétail qu'on envoyoit à la prairie étoit fubitement attaqué , & le mal faifoit les progrès les plus rapides , enforte que la mort s'enfuivoit dès le 6. le 7. ou le 8. Les gens de la campagne ne connoiffoient rien à la ma- ladie ; ils remarquèrent feulement d'abord que le fymptôme de l'urine d'un rouge noir , étoit mortel; ce qui ne pouvoit guères manquer d'arriver, tant par la nature même du mal & la violence de l'inflammation , qi-i'à caufe de l'ufage de remèdes trop forts , & qui produifoient trop tôt un effet af- tringent (c). L'idée généralement répandue parmi les gens du cantorr fur la caufe de ce mal , eft qu'il falloit la chercher dans certaines plantes nuifîbles , acres Réchauffantes, que le bétail avoit broutées à la prairie. Les plus anciens, conjointement avec les bergers , affùroient que depuis nombre d'années , une femblable maladie n'avoit pas été entièrement inconnue dans le prin- ( H. n'arrive pas aifément de propos dfliberé. DES S C 1 E h^ C E S DE BERLIN. 471 \ miner tout par lui-même. Car , comme il fe préfente fréquemment des cas t^ femblables à ceux que nous avons indiqués , & fur lefquels il y a bien des y^'*'' ,, doutes à former & des foupçons à concevoir , ce n'elt qu'après avoir donné ^ ^ ^ ' toute notre attention à les confidérer qu'il clt permis de leur accorder place ^7 59' dans l'Hilloire Naturelle. Le récit de Gcfncr au fujet du malus Hcnr'uus con- firme pleinement ce que j'avance , & fait connoitre combien de fidions fc font gïillées parmi les faits réellement fondes fur l'expérience , tant dans les anciens tcms , que dans ceux qui les ont fuivis , & même dans les nôtres j fixions qui alfurémcnt ne font guère d'honneur aux Naturaliftes. Les préten- dues transformations de certaines plantes en d'autres , d'un genre tout diflé- rent , font encore bien propres à prouver ce que nous difons ici. On a vu des Savans ik des ignorans adopter également cette chimère , faire tout ce qui dépendoit d'eux pour l'accréditer , & produire même des expériences par lefquelles ils fe propofoient de rendre inconteftable la réalité de ces transfor- mations. Quelques-uns ont même été fi loin qu'ils ont prétendu ramener ces faits à une théorie exaéfe & démontrée. On cite pour exemples de ces transformations , celle de l'avoine en feigle ou en orge , comme réciproque- ment celle du feigle & même de l'orge en froment , celle du froment en lo- lium , celle des pois en veflès, celle de la menthe en bafilic , celle des choux rouges en fauge , celle des choux blancs en navets des champs , celle de la camomille en mille- feuille , & autres femblables. Après cela quelqu'un oferoit.il s'élever contre ce qu'on difoit anciennement de la génération des fcorpions par la plante du bafilic? Avant que d'aller plus loin , & de rendre compte des autres plantes qui ont été prifes ^à & là pour VJEgolctbron de Pline , je veux encore en in- diquer une qui s'accorde beaucoup mieux avec les caraftères donnés par Gefner , &. avec le récit des gens de la campagne , fur lefquels il fe fondoit, que ne le fait VAnblatum de Cordus. Cette plante eft celle qu'on nomme Orohanchc Icgkima Diofcor'ulis , (a) ou herba lupa Italorum , ( plante fuffifam- ment connue par les récits des Anciens & des Modernes , comme meurtrière des autres , ) & peut-être celle de fes variétés qui a la tige rouge. Elle ne doit pas être confondue avec VErvangina , ou la Cufcuta , quoique celle-ci affoibiilïè auffi les plantes qui fe trouvent dans fon voifinage en les privant de leur fuc nourricier , & que par là elle faflè beaucoup de dégâts à la cam- pagne ôc dans les jardins. Boditus de Stapel , en parlant de cette perni- cieufe plante , favoir de VOrobanche dit (b) : eadem de caufa rujïici malumflo- rem voeare [oient. Le dommage qu'elle caufe aux autres plantes eft une chofe qui n'a point été ignorée ; & c'cll elle peut-être auffi qu'on nomme herba Léo (a) Orohanchc 1. Cnnjor^ Linn. Sp. pi. SSS. Orctimhc major , Caryophyllum OUns. C. B. Pin. 87. Cynomojium quorumdam , apud Plinium , Hift. lib. XXII. Cap, ult. (k) Bod. 4 Siaptl, ia Thiophrift. Hift, plmt, Ub, 111, Cap. VlU. 472 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE • = ou Leonis geoponicomm. Cependant elle ne fait aucun mal aux bêtes à cor- ToM. XF. ^g ^ ^j g^ j.^f^g jy bétail, Au contraire, elle en eft recherchée , parce qu'elle Année j^^'^ aiguife , dit-on , l'appétit. On peut voir ce que les Hiftoriens des plantes 17 59' en difent plus au long fous les noms d'hcrha taura ou tora. Les fleurs de cette Orobunche ont l'odeur agréable & aromatique des oeillets & contiennent beaucoup de fuc mielleux. La tige fraîche &. jeune eft tendre , charnue , aqueufe , d'un goût amer & aftringent. S'il y avoit quelque cas où cette plante pût nuire aux animaux domeftiques , ce feroit lorfqu'ils en mangent ti-op copieufement , ce qui pourroit leur gonfler l'eftomac & le bas ventre: mais les plantes les meilleures, les plus gralfes, & les plus nourriflantes , produifent le même efl^et, dès que le bétail en fait excès. . , Dans notre païs , cette plante aime les lieux expoles à un air libre , élevés , chauds , fecs , & dont le terroir eft maigre ; elle fe plaît autour des cô- teaux , des prairies , & des vignobles qui font fitués au midi. J'en ai trouvé moi-même d'attachée aux racines de vieux feps , dans un vignoble ruiné , près de Francfort fur l'Oder ; & peut-être qu'on l'y trouveroit encore , per- fonne ne fe mettant en peine de l'arracher. Toutes ces circonftances réunies me donnent lieu de coniedurer que VOrobanche eft la plante nuifible que les gens de la campagne avoient indiquée à Gcfner , & qu'ils étoient fi foi- gneux d'arracher des vignobles «5c du voifinage des pieds de vigne. Mais on ne fauroit dire les mêmes chofes de VAnblatum de Cordas , ou du moins les prouver. Si VOrobunche de Montpellier (a) , qui ne doit pas être moins préjudiciable aux plantes que celle dont on vient de parler , fe trouvoit abondamment dans les contrées où Gefncr a vécu , & a recueilli fa det cription , qu'on fût aflùré-que les chèvres la broutent , & que les abeilles en tirent du miel , on feroit alors mieux fondé à la regarder comme un JEgole- thron que plufieurs autres ; car le goût & l'odeur de cette plante font fouve- rainement mauvais & defagréables , & la diftinguent d'une façon toute parti- culière des autres plantes qui répugnent auffi au goût & à l'odorat. A l'égard de la féconde plante , les qualités extrêmement nuifibles que plu- fieurs y ont reconnues , ont fait conjeâurer à Dodonêe (b) à C. BaU' hin (c) & à d'autres , que ce pourroit être celle dont Pline a fait men- tion. Quoique Dodonée n'hazarde rien de pofitif là-defTiis , il y a diverfes cir- conftances qui peuvent appuyer fon opinion. Mais avant de les alléguer, je dois remarquer que la même plante , dont il eft aftuellement queftion , a ete •connue ailleurs fous le nom de CkomeOcldviani Horatii, comme une plante (a) Oroinnchi ( livis ) Linn. Sp. pi. 88i, Orobanche majore flore. C. B. Pin. 88. (i) Pempt. Stirp. lib. III. «p. V. ' tres-âcre , I DES SCIENCES DE BERLIN. 473 très-àcrc , & qu'on l'a confondue avec d'autres , favoir la Dentaria (a) ou, — — ) fuivant toutes les apparences VErifimum officinak (h) , auffi ne doit-il pas ^J*^'- ^' ' y avoir beaucoup de différence entr'ellc « effet de l'habitude , le bétail fait cxaftemcnt difcerner au goût & à l'odorat les plantes qui lui conviennent , & qu'en quelque lieu qu'on le mené paî- tre , il choilit de préférence certaines efpèces d'herbes jeunes & tendres , de ■toutes fortes d'odeur iSc de laveur, qui , outre les propriétés requifes pour le nourrir , ont un volume qui s'accorde avec la configuration de la bouche des dents &. de la langue , pour pouvoir être faifîes , arrachées , brifées & mâchées commodément ; & c'eft ainfi que par la différente manière dont les diverfes efpèces de bétail broutent l'herbe , la fage nature a pourvu avec égalité aux bcfoins de chacune ; telle cfpèce ne pouvant faire ufage de la même plante que telle autre , lailTc à celle qui vient après de quoi paître conformément à la ftrufture des organes qui lui fervent à fe nourrir • fans parler de bien d'autres caufes qui font qu'une efpèce de bétail ne confumc que peu ou point du tout de quelques efpèces de plantes, dont s'accommo- dent mieux celles qui prennent fa place. Que les animaux en pailîànt apportent réellement du choix dans ce dont ils fe nourrilTent , c'eft ce que l'expérience la plus commune dépofe • ils paflént dans les pâturages par-deflias plufîeurs plantes fans y toucher; ils laif- fent même des pièces de terre tout entières lorfqu'ils n'y trouvent plus les plantes qui leur fervoient de nourriture , à quoi contribuent beaucoup la iiature du terroir, la température des faifons, & bien d'autres circonftances; ils quittent enfin les plantes qu'ils avoient coutume de brouter , dès qu'ell les deviennent trop vieilles , trop dures & trop coriaces , & en choififlént d'au, très plus fraîches & plus tendres, ce qu'ils continuent de faire auffi long- tems qu'ils trouvent à choifir. On peut aflèz aifément fe faire une idée de l'in- fluence qu'ont fur les qualités des plantes , les faifons , la température de l'air, la nourriture qu'elles reçoivent , la fîtuation & la nature du terroir • & n'être pas étonné , en conféquence , qu'au retour de la même faifon ', le bétail ne cherche pas , dans tous les lieux , & dans les divers terroirs , d'une manière uniforme , les mêmes plantes précifément pour lefquelles il avoit montré beaucoup d'avidité dans d'autres tems. Les plantes qui ont une acre- té brûlante, & avec cela l'odeur & le goût defagréables , les rebutent , auffi bien que celles qui font féches , dures épineufes , couvertes de poil ou de lai- ne , tant qu'ils en rencontrent de plus fraîches & de plus agréables. Ainfi quand le bétail trouve de ces mauvaifes plantes dans l'herbe encore verte qu'il broute, & dans celle qu'on coupe pour la lui mettre dans la crê- che , il fait fort bien, ( les bœufs fur tout ) tirer avec la langue , pendant gu'il mâche, ce qui ne l'accommode pas , & le féparer du refte ; s'il y ^ ToM. XV. 478 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE quelques exceptions , elles viennent de la faim , de ce que le bétail eft étran- ger, de la faifon de l'année , de la température de l'air , & de la nature du A s s É E jgj.j.Q;p . toutes circonltancesqui font dignes d'attention. Les perfonnes fans ^7 59' expérience ne peuvent s'empêcher d'être furprifes en pareils cas , fur-tout quand elles voyent , dans les faifons où les campagnes paroiffènt encore cou- vertes d'herbes & de plantes, le bétail revenir du pâturage à demi aftamé , ou que fur le pré même il maigrit & dépérit , fans qu'on s'apperçoive d'ail- leurs chez lui d'aucune maladie. Ceux qui font verfés dans l'œconomie ruftique favent que le bétail ne s'accommode pas toujours , dans les divers pâturages , des m.èmes herbes ou des mêmes plantes , & qu'il refufe quelquefois de brouter dans les uns celles qu'il avoit broutées dans les autres. On remarque la même chofe à l'égard du foin; lorfqu'on le recueille trop tôt ou trop tard , ou qu'on com- met quelqu'autre faute qui influe fur fa qualité , le bétail , à qui on le pré- fente , n'en confume que la moindre partie , gâte le refte , & le foule aux pieds, ce qui a quelquefois des fuites qui achèvent de convaincre de tout ce que nous avons dit jufqu'ici. Quelque fur que foit l'inftinû des animaux pour leur faire difcerner lés bonnes plantes des mauvaifes , il fe trouve quelquefois dans les pâturages une fi grande abondance d'herbes nuifibles & mortelles , que leurs effets fe déployent tout à coup fur les troupeaux , & y produifent les accidens les plus funefles. Des recherches exaftes font voir que ce n'efl pas par choix , mais par l'effet de quelque méprife , que le bétail fe nourrit de ces herbes per- nicieufes j & l'on remarque , ce qui eft aflèz fingulier , que le même bétail, en faifant ufage en d'autres tems des mêmes plantes , non-feulement n'en meurt point , mais qu'il n'en reffent pas la moindre incommodité , comme on l'a déjà remarqué ci-defïùs. Le dommage caufé par de femblables plantes fe fait beaucoup plus aifé- ment fentir au printems que dans les autres faifons de l'année ,■ lorfque la •chaleur eft forte que quand elle eft modérée ; & le jeune bétail en fouffre plu- tôt que le vieux. Les accidens dont il s'agit ne font pas rares non plus par- mi le bétail étranger , qui paflè de quelque hauteur dans un fonds humide , ou qui quitte un pareil fonds pour gagner les hauteurs , & en général , parmi celui qu'on a mené d'une contrée dans une autre , & quand l'arrière faifon ne laiire plus grand chofe à paître dans les campagnes. Che^^nous le bétail de- vient fujet aux maladies dont nous parlons , quand il va dans des pâturages mal entretenus, couverts d'ombre & marécageux, quand il règne une trop " grande humidité, quand les infeftes fe multiplient au point d'en devenir m- commodes , lorfqu'après une extrême chaleur du foleil pendant le jour , les troupeaux paffent la nuit à l'air. 11 y a donc ici un concours de diverfes cau- fes.qui ne permettent pas d'attribuer tous les mauvais effets à des herbes & DES SCIENCES DE BERLIN. 479 à des plantes , qui , hors de ces circonftances , font bonnes & nourriflantes. _, .,.. En effet , on rencontre à la fois l'herbe humide , le froid de la nuit. Peau V*'^' ^ ' bourbeufc, la poiiflière, la multitude d'infeftes , tant de ceux qui piquent, ^ '^ ' que de ceux dont les œufs & les chryfalides fe logent dans les plantes ten- ' 7 S5' dres , & forment des efpèccs d'étuis ou de nids , dans celles qui font couver- tes de poil ou de laine, ou qui , s'attachant , en général , aux plantes hu- mides , font avales pendant les nuits froides par le bétail , qui eft fouvent affamé. On ne trouvera rien d'étonnant dans tout cela, fi l'on fait attention à la grande quantité de fourrage vcrd dont les bêtes à corne ont befoin pour remplir leur panfc , avant que de fe mettre à ruminer. Combien dans une feule nuit , & à plus forte raifon dans l'efpace de plufïeurs , le bétail ne peut- il pas confumer d'herbes ainfi endommagées , jufqu'à ce que les effets nui- fibles & mortels d'une pareille nourriture viennent tout à coup à fe manifef- ter , comme nous l'avons quelquefois remarqué, avec le plus grand étonne- ment , dans des troupeaux entiers. 11 ne faut bien fouvent qu'un petit nom- bre d'heures pour de pareils ravages , & l'on fe trompe ici évidemment en les attribuant en tout , ou en partie , aux plantes , tandis qu'un examen plus attentif fait connoître que , par elles-mêmes , elles n'y ont pas feule- ment la moindre part. Je peux m'appuyer à cet égard fur l'expérience , ayant moi-même beau- coup obfervé dans les endroits de la Marche du Brandebourg où le bétail eft fort abondant , & bien au-delà même de ce qu'en croient & en fa- vent les étrangers. J'ai d'abord remarqué que le bétail ne touchoit qu'avec la plus grande répugnance aux plantes dont nous venons de parler, à caufe de leur mauvais goût , quoique dans d'autres pâturages il les eût recher- chées avec beaucoup d'avidité. Il n'y avoit que la faim , l'habitude , l'hu- midité , & le froid de la nuit , qui le portaflent à la fin à les brouter. J'ai également obfervé cette particularité dans les pâturages marécageux , & dans ceux qui venoient d'être nouvellement faits dans des terreins couverts auparavant de broulïâilles. On y rencontroit fréquemment les mêmes ac- cidens , fièvre forte avec inflammation & confiipation, urine chargée de fang & rendue avec douleur , enflures , affedions convulfîves & paralytiques. J'ai fait des relations exaftes de tous ces cas , & conformément aux ordres de Sa Majefté , j'ai pris toutes les mefures convenables pour rém.édier à ces maux ; mais j'ai eu rarement le bonheur de convaincre les gens de la cam- pagne , combien il leur importoit de faire attention à toutes les circonftan- ces qui ont été détaillées , & à la liaifon qu'elles ont entr'elles 5 je ne pou. vois fur-tout me promettre de faire aucune imprcfïion fur l'efprit de ceux qui ne fe lailTent jamais inflruire qu'à force de tems , & toujours à leurs dé- pens. Il arrive quelquefois au bétail , comme je l'ai déjà dit, de brouter des 48o MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE rr— z^ plantes nuifibles , fans en recevoir aucun dommage , & cela lorfque ces Anne e P'^"*-'^^ étant encore jeunes , tendres , molles & aqueufes , leurs parties acres & volatiles n'ont pu acquérir encore toute l'aftivité qu'elles auront dans la ' ^•^' fuite. Quand ces mêmes plantes ont pris leur entier accroiflèment , le bé- tail , tout en mikhant, les démêle fort vite du relte du pâturage : mais il en fait ufage de nouveau , lorfqu'après avoir ceflè de croître elles fe flétriffènt, parce qu'elles perdent alors une partie confidérable de la fubftance volatile, acre & chaude qu'elles contenoient. Dans cet état , quoiqu'encore acres & narcotiques , elles peuvent , au défaut d'autres , être données au bétail, fans préjudice , mais auffi fans avantage ; le tems le plus favorable pour cela elt le matin , où la rofée en attendrilTànt ces plantes , les rend moins malfaifantes. Ces différentes circonitances , & d'autres femblables , méri- tent beaucoup d'attention , parce qu'il importe très - fort de bien connoître les variations purement accidentelles qui ont lieu dans l'ufage que le bétail fait des plantes nuifibles , & les effets qu'elles produifcnt fur lui. On remarque , en outre , que certaines maladies , ou certains accidens mortels , n'attaquent le bétail que dans des contrées particulières , ou dans des faifons marquées , & qu'on ne les rencontre ni dans d'autres lieux , ni dans d'autres tems. Il leur arrive auffi quelquefois de difparoître entièrement , ou de paffer d'une contrée à une autre , où ces m.aux étoient auparavant tout.à-fait inconnus , lorfque la nature du terroir , & l'efpèce du pâtu- rage viennent à changer , par des conjonftures accidentelles, ou à la fuite de certains arrangemens œconomiques. En faifant fécher doucement le foin , toutes les plantes fortes , acres & aromatiques , s'adoucifïènt infenfîblement ; quelques-unes perdent tout-à- fait leur force , & cefTcnt par-là d'être nuifibles ; d'autres exhalent à tra- vers le foin ce qu'elles avoient de balfamique , d'acre & de volatil , 6c s'af- foibliffent ainfi d'elles-mêmes. Les perfonnes habiles dans l'œconomie cham- pêtre, connoiffènt aiïèz la différence des foins , & les conféquences qui en réfultent par rapport au fourrage ; & c'eft là defïùs qu'efl: en partie fondée la différence du prix dans les foins. Enfin , une dernière attention à faire concerne la nourriture propre aux di- verfes efpèces de bétail ^ il y en a qui non-feulement recherchent par préfé- rence, &fupportent mieux les alimens acres , piquans , & même fortement aflringens que les autres , mais qui , généralement parlant , ne fauroient s'en paflèr. On ne peut donc pas conclurre qu'une forte d'aliment qui con- vient à une efpèce d'animal convienne également à une autre , ces efpèces fufïènt-elles chacune de la claflè des animaux qui ruminent. Car quelques animaux fupportent , par exemple , les plantes acres ôc piquantes dont on vient de parler , & s'en noUrrilîènt , tandis qu'elles font abfolument nuifî. feles & mortelles pour d'autres , ou peuvent aifément le devenir. Les dif- férentes DES SCIENCES DE BERLIN. 48, férentes efpèccs particulières d'animaux nous préfcntent alternativement ~ ce fingulier phénomène. Quant à l'habitude que la faim ou l'art peuvent ^^^' ^^• leur faire infenfiblcment contracter, on ne fauroit en juger autrement que ^ •"' ^ t E par ce qui arrive aux hommes mêmes , qui peuvent s'accoutumer à faire de ' 7 in- certaines chofes , acres & narcotiques, un ufage beaucoup plus copieux qu'ils n'auroicnt pu le faire d'abord , & le continuer pendant long-tcms fans en recevoir d'incommodité. Il eft donc confiant par l'expérience journalière , que certaines plantes mor- telles pour uneefpèce d'animaux, font à peine nuilibles à d'autres , & uti- les même à quelques - unes , auffi-bicn qu'aux hommes ; mais la même expérience dépofc précifément lé contraire par rapport à certaines plantes dont les propriétés malfaifantes font telles , qu'elles nuifent , à-peu-près , de la même manière & aux hommes & à prefque tous les animaux , avec cette différence feulement , que les accidens qu'elles entraînent , quoique toujours nécelTàires , fe manifcftent plus ou moins tôt , & avec plus ou moins de violence. La diverfité d'organifation , & les différens dégrés de fenfibilité & d'irritabilité , peuvent encore faire varier confidérablement les effets des plantes fur les corps des animaux. Revenons maintenant à VJEgokthron ; cette plante , autant qu'on peut le con- clurre de fa dénomination , a principalement paffé pour nuifible parce qu'elle étoit plus funefte aux chèvres qu'aux autres efpèces d'animaux ; mais afin de répandre un plus grand jour fur ce fujet , il ne fera pas inutile d'ajouter encore quelques faits hiftoriques à ceux qui ont été précédemment rapportés. Les chèvres , entre toutes les efpèces de quadrupèdes qui ruminent, paffent pour avoir le plus d'agilité & de voracité ; elles ne s'en tiennent pas à l'herbe jeune , tendre & douce , ni aux plantes qui ont des vertus aroma- tiques modérées , elles en dévorent encore une grande quantité d'autres dont l'odeur , le goût & les vertus , font diamétralement oppofées aux qualités des premières. Ces animaux aiment les lieux élevés , & vont paitre volontiers fur de hautes collines , couvertes d'arbuftes dont ils broutent les boutons , les feuilles & les rejettons , & qu'ils dépouillent même de leur écorce. Pour trouver une pareille nourriture , les chèvres grimpent les rocs les plus efcarpés , où elles trouvent des plantes d'une âcreté confidérable , fortement aftringentes , & dont l'odeur & le goût font quelquefois C défa- gréables, que les autres efpèces d'animaux ne veulent pas feulement en ap- procher. Cette agilité & cette voracité, font caufe que les chèvres font beaucoup de dégât , & en même tems qu'elles peuvent fe nuire à elles-mêmes , en dévorant des plantes pernicieufes , & jufqu'à des matières non alimentaires. Ce que nous difons ici des chèvres , fe remarque auffi dans les genres & Tome II. Ppp 482 MÉMOIRES DE V ACADÉMIE ROYALE ~ dans les efpèccs d'animaux qui ont de l'affinité avec elles , & s'étend jufqu'aus y"- .^/- cerfs. A K N E E Qn ^ trouvé dans l'eftomac de ces animaux , outre ce qui leur fert de ^7i9' nourriture ordinaire, comme les herbes, les plantes, les jeunes branches, les tiges , les boutons des arbres , la mouilè de la terre ou des arbres , de l'écorce mâchée, & bien d'autres corps étrangers , tels que de l'argille, de la poix , des noyaux , des femences dures , des bois , des os , du cuir , des chiffons , de la corne , des plumes , du verre , des coraux , des métaux, des cordons , des rubans , &c. non-feulement ces corps étrangers ne font prefque jamais mâchés , mais ils ne peuvent fortir du corps des animaux par les voies ordinaires que fort difficilement & fort lentement , & la plu- part du tems ils n'en fortent point du tout. Au bout d'un long efpace , fur- tout dans les vieilles betes , on trouve ces corps dans le ventricule , où ils font enveloppés d'une couche de terre dure & comme oiTèufe , ce qui de- vient dans plufieurs de ces animaux la caufc d'une maladie de confomption. Rien n'eft plus propre à convaincre de ce que j'avance que la pièce confervée dans le cabinet d'Hiftoire Naturelle de l'Académie , & que je mets fous les yeux de ceux qui me font l'honneur de m'écouter. Elle con- fiée dans un aflèz gros paquet de ruban , ou jarretière de velours , roulé en peloton , qu'on a tiré autrefois de l'eftomac d'un cerf, dans la forêt de Rudcrfdoff. Ce paquet ou ce peloton eft entouré d'une forte enveloppe ofTeu- fe , mais de façon qu'en quelques endroits on peut voir le ruban à nud , (Bc toucher fenhblement le velours. Les chèvres étant telles que nous les avons décrites , ont coutume de s'atta- cher à beaucoup plusd'efpèces de plantes que les autres animaux ruminans.Le nombre des plantes indigènes, dans la Marche électorale de Brandebourg, à dix lieues à la ronde de Berlin , s'étend environ à 2000 , ou un peu au- delà. Souflraâion faite des herbes dures , de la moufie des arbres & de la terre, & des champignons, il refte à peine 200 efpèces de plantes qui conviennent aux bètes à corne & aux chevaux , & il faut en rabattre encore près de la moitié pour les veaux & les poulains. Les brebis , au contraire , font accoutumées à un plus grand nombre de plantes , ne broutant que les plus petites efpèces , ou parmi les autres , celles qui confervent leiu^ fi- nellè & leur fuc , ik pouffent des rejettons , auxquels les autres animaux ne s'arrêtent pas, enforte que par rapport aux brebis , on peut compter juf- qu'à 400 plantes qu'on eft afTuré qu'elles recherchent dans les différen- tes contrées où elles paiflènt. Les chèvres vont au-delà de ce nombre , & confument au moins $00 efpèces déplantes; mais comme elles fe plaifent au changement , elles en gâtent plus qu'elles n'en mangent , & cela fait que malgré le grand nombre auquel on fait qu'elles touchent , on n'efl pas aC- furé fi elles peuvent brouter fans danger & fupporter celles qui ont beau- J DES SCIENCES DE BERLIN. 483 Coup d'àcreté & de piquant. On ne fauroit regarder , non plus , comme ~" ■ propres à la nourriture des chèvres ik des brebis, les plantes dans la com- a'^^'' polîtion defquclles entre une fubftance vifqueufe , groflîère & infoluble , ou '' '^ qui font fort narcotiques ; on doit plutôt s'attendre qu'elles leur caufent des ' 759' accidens dangereux. II eft encore de fait que les animaux font incommodés par l'ufage , fur-tout trop copieux , des plantes garnies extérieurement de poils durs , de piquans , ou d'une laine courte & épaiffe. Le Kanimculus que Dodoncc a pris pour l\Il^oUtliron de Pline, a été re- connu par les Botaniftes anciens & modernes , d'après des obfervations certaines, pour une de ces efpèces de plantes acres & piquantes , dont les feuilles fraîches & la tige ont fur-tout une extrême âcreté , au point qu'en les pilant avec du fel , & les appliquant extérieurement fur la peau , elles font promptement l'effet d'un véficatoire. On peut trouver de plus grands dé*- tails là - defîiis dans Dodonce , Jean Bauhin , Fabricius , Cappiracius , Sch' wencfild , dans les recueils de Breflau, &c. Cependant quand les chèvres broutent cette plante hors du tems où fes panies volatiles ont le plus d'aftivité & de force, elles n'en éprouvent point d'accidens fâcheux. J'ai voulu m'en convaincre en mêlant à la nourriture d'une chèvre quantité de cette plante fraiche , qu'elle mangea avec le plus grand appétit , & fans en refièntir dans la fuite la moindre incommodité. Je fis cette expérience au mois de Septembre ; elle n'auroit peut-être pas eu le même fuccès dans une autre faifon de l'année, où la plante n'auroit pas encore perdu fes parties acres par l'évaporation , après fon entier dévelop- pement ; car il elî certain que fa racine & fes feuilles produifent les mê- mes effets que IdPtarmUii offidmiUs, lorfqu'on l'emploie dans fa plus grande force. Il eft tems de terminer les éclaircifTemens que je m'étois propofé de four- nir fur l'hiftoire de VJEgolcthron , & je vais le faire en indiquant une plante qui elt la plus nuifîble de toutes aux chèvres , & qui par cette raifon peut tenir la place de l'ancien JEgolcthron, Il y a environ deux fiécles qu'elle eft connue fur ce pied-là dans certaines contrées d'Italie. Cette plante eft auffi acre & narcotique que peut l'avoir été r.'Ego/i:i/iro;i ; du refte , elle eft fort tendre & garnie de poils : elle croît dans les pais chauds , fur des terroirs élevés , maigres & fecs , fur les collines & autres lieux fcmblables : on la rencontre en Portugal , en Efpagne , dans les Provinces méridionales de la France , en Italie , dans la Grèce , & dans les autres régions orientales voifî- nes , fur-tout dans les lieux fecs , autour & dans les vignobles ; & autant qu'on peut en être inftruit par l'expérience , elle eft mortelle pour les chèvres qui la broutent. Cette plante fleurit , non comme VJEgolethron , au printems , mais en été, & même un peu tard , & l'on n'a pu apprendre jufqu'à préfent , fi Jcs Pppij 484 MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROVALE ss==— abeilles s'y répofent pour recueillir du miel & de la cire , &. fi elles en tirent ^°^'' ^^* un miel dangereux. r- j yl N N É £ (^gj^g jgj^tg ^ par tous les carafteres qu'elle prefente , elt une elpece de ' 75S- rErisiron de LinncTiis (a) & la vraie Conyia mas de Théophrafle, ou le Ma- ior de DiofcoruU , de C. Bauhin (i>), qu'il ne faut pas confondre avec la Conyza Baccharis. Ses feuilles couvertes de poils font toutes remplies de glandes , dont on peut exprimer abondamment une matière vifqueufe & te- nace. . • 1 1 r , ■ I. 6' des. DES SCIENCES DE BERLIN. 489 des , & fe trouvent imprégnées de parties de fel , ou chargées de parties miné- -. t, 1? raies , à raifon des différences de leurs polîtions. J^^' • L'expérience a fait obfcrver que les rameaux de ces fources croiflfènt ou di- "^ ''' ^' ^ minuent à proportion que la faifon eftfécheou pluvieufc , & que plus ils font ' 7"0' abondans, plus leurs eaux font faléesj ce qu'elles ont de commun avec les eaux de la mer, & qui doit naturellement provenir, de ce qu'ayant plus de volume & de poids, & parconféquent plus de force & de rapidité , elles lè- chent ou frottent avec plus de violence , occupent plus d'efpace , émouP- fent plus facilement les angles des finuolîtés qu'elles parcourent , & par-là entraînent avec elles les particules falines jufqu'où le niveau leur permet d'arriver. §. III. Les trois manières de tirer du fel , c'ejl-à-dire , des mines , des eaux de mer 6" des eaux de fources , étaient connues des Anciens. Le fel eft une denrée fi néceffàire à la -vie , qu'il y a bien de l'apparence que l'on commença à en faire ufagc dès les premiers tems du monde. Il n'eft pas feulement à l'homme d'une extrême utilité , foit pour donner du goût aux alimens , foit pour les préferver de la corruption : on en mêle auffi parmi la nourriture des animaux lorfqu'on s'apperçoit qu'ils manquent d'appétit , ou qu'on veut les exciter à la copulation : on en emploie dans la teinture écarlate j & il fert encore au labourage , échauffant la terre où l'on en jette , & empêchant les infeéles de ronger le grain. 11 eft difficile de favoir lequel du fel minerai ou du fel marin a été mis en ufage le premier. Il y a des mines , comme celle de Cardonne , où le fel paroît à découvert , & brille comme une roche de criftal ou de pierreries quand le foleil donne deflus. Rien n'étoit plus aifé que de fe procurer de ce fel. Mais il y a auffi des marais falans , fur-tout dans l'Orient , où le fel fe forme de lui-m.ême fans que l'induflrie humaine y contribue en rien ; & il n'étoit pas plus difficile de recueillir ce fel que de le prendre fur la fuperfi- cie d'une mine. Pour ce qui eft du fel tiré des eaux par le fecours du feu , on peut , fans crainte de fe tromper , en regarder l'ufagc comme beaucoup poltérieur à celui des deux autres , quoiqu'il paroifle par le témoignage des Anciens qu'ils les connoiflbient tous trois. En effet, pour commencer par le fel minéral , outre ce qu' Aulugelle & Ifidorc que j'ai déjà cités en rapportent , d'autres Auteurs dont les noms fui- vent , prouvent par les remarques qu'ils nous ont laiiïces , qu'on n'ignoroit» point la manière de le tirer des mines. En Efpagne , dit Solin , (a) on ■tire de Li terre un fclfoffilc. Ce fel eft le même dont Sidoine (h) compare (j) 5o/in. cap. 13. p. 43, (i) SiJon.Wti. IX.«pift. Il, Tom, IL QfJ"î 490 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE ■7pr~ -y^j le brillant à celle d'une lettre qu'on lui avoit écrite. » J'ai reçu, dit-il , v(> . ' . ' » tre lettre qui a beaucoup de refïèmblance avec le fcl d'Efpagne , que l'on » coupe dans les montagnes de Tarragone ; car plus je l'examine , plus je ' * » la trouve brillante & piquante. » Il eft probable que Pii'ne (ii) ne connoif- foit point cette mine , lorfqu'il difoit que tout lieu où l'on trouve du fel eft flérile & hors d'état de rien produire , puifqu'au contraire la fuperficie de cette montagne eft toute couverte de pins fort hauts , & de quantité de vi- gnes dont le vin efl: excellent (h). Cependant il avoit une parfaite connoif- fance de celle d'Egelefla dans l'Efpagne citérieure , c'eft-à-dire , d'Uniefta dans la Caflille près de Cuença , à l'égard de laquelle il écrit (c) que les piè- ces de fel qu'on y coupoit , étoient entièrement tranfparentes , & que la plu- part des Médecins lui donnoient depuis long-tems la préférence fur les autres fortes de fel. Il connoiiïbit auffi (b. XXXI. cap. 7. (f) ■Tifiiiiv^icrits animaux fe trouvent en abondance dans la falive , & que la nature ne fait rien fans raifon , il faut convenir que les efprits animaux aident à la digeflion : croira-t-on après cela que le même moyen qui fait digérer , fallë aulii penfer ? Mais examinons ce qui fe paflé ordinairement en nous , & nous verrons qu'il n'eft rien moins que neceiraire d'avoir recours à l'aftion immédiate des efprits animaux & des nerfs pour expliquer les opérations de l'ame : à moins qu'on ne \?euiiie établir pour principe , que parce qu'il y a dans le corps certains mouvemens qui accompagnent ou qui fuivent les repréfenta- tions de l'ame , & dans l'ame certaines repréfentations qui accompagnent ou qui fuivent les mouvemtns du corps , l'ame agiflë immédiatement fur le corps, & le corps fur l'ame. Dans la colère , le cœur bat avec plus de vîtelïè & plus de force qu'à l'ordinaire : le mouvement plus rapide du fang rend auffi plus rapide le mou- vement du fluide nerveux 6c des efprits animaux : j'en conviens. Mais que s'en- fuit-il de-là ? L'ame fe repréfente ce qui fe paiïè dans le corps très-confu- fément: s'apperçevant d'un plus grand mouvement , elle ne fe fent plus por- tée à fixer le même objet , elle eft diftraite , & plufieurs repréfentations dif- férentes fe fuccédent les unes aux autres : mais comme la loi de continuité exige qu'il y ait un rapport entre ces idées qui fe fuccédent, il arrive que dans cet état une idée étant vivement repréfentée , celles qui l'accompagnent ou qui la fuivent ont avec elles un rapport bien fenfible ; c'efl: pour cela qu'un homme en colère fe rappelle tout ce qui fert à condamner celui qui échauffe fa bile. Un homme en colère , obfédé des idées claires qui fe fuccé- dant rapidement reparoilTent tour-à-tour , & de ces idées obfcures qui le fatiguent fans qu'il s'en apperçoive , eft comme hors de lui ; les aâes de fa volonté font auffi-tôt exécutés que repréfentés poffibles à fon efprit : c'efl une folie momentanée. L'imagination peint vivement , le corps agité fe prête aifément au mouvement , tout eft tendu : la fenfibilité des parties augmente; l'ame en harmonie avec le corps s'attache aux idées préfentes , toute au- tre idée eft écartée : & c'eft ce qui fait comprendre pourquoi un homme ir- rité oublie en un inftant tout ce qu'il fe rappelle aifément dans le commun de la vie, & qui l'empêche alors de faire ce qu'il fait dans l'emportement. Dans la triftelïè le contraire arrive, & j'aurois tort de perdre du tems à m'ar- rêter ici. Dira-t-on enfin , pour combattre l'opinion que je défends , que l'imagi- nation étant foumife aux mouvemens du corps , il faut pourtant convenir fue 1^ fç>iie eft l'effet d'un dérangement quelconque du corps ? AUéguera- t-on DES SCIENCES DE BERLIN. jij t-on ce que rapporte M. de la Condamine , des Omaguas , habitans des en- ?^^ y,^ virons du fleuve des Amazones , qui ont deux plantes , l'une que les Efpa- J'^'^. J. ' gnols appellent F/ori/)cn(/o , & l'autre appellée dans le pais Curupn , dont ils ^ '' ' ^ le fervent pour s'enyvrer pendant 24 heures ? Ces plantes prifes en infufion, ' * ou comme du tabac en poudre , remplilTcnt l'imagination de ces habitans de toutes fortes de bizarreries , ik ils font alors dans cet état de gaieté , qui femble n'avoir aucune liaifon avec leur état précédent. Mais ces plantes font l'ertet que produit le vin j & j'ai dit ailleurs ce qu'on peut répondre à cette objeâion. L'ame s'apperçoit de ce qui fe pafTe dans le corps , & fes opérations font aialogues aux changemens que le corps éprouve : le corps fouffre des imprelfions de l'ame ; mais l'on voit que la folie naît fouvent fans que le corps puilïè être, en aucune manière, mi;me une caufe éloignée de ce chan- gement extraordinaire. Ce n'eft donc alors que dans l'ame même qu'il faut chercher la raifon de la folie : & l'y trouver pour un feul cas , c'eft l'y trouver pour tous. Il nous reftera fans doute toujours quelque chofe de difficile à expliquer, favoir, comment lorfque la folie eft née par des caufes pfycologiques le corps fe détruit & fe dérange , & comment lorfque le corps fe détraque , il s'enfuit dans les opérations de l'ame des varia- tions analogues à ces dérangemens. Mais quand on aura expliqué com- ment l'ame eft inftruite de ce qui fe paflë hors d'elle , & comment le corps obéit à l'ame , j'expliquerai aufli ce qui refte fur le fujet que je traite de difficile & d'obfcur. Il s'agit de trouver un fyftème qui fa- tisfaflTe à toutes les difficultés : quand on fuppofe la fpiritualité de l'ame , celui de l'harmonie préétablie paroit y fatisfaire plus que tous les au- tres , & il ne nous manque peut-être qu'une connoilîànce plus folide de l'ame elle-même , pour prouver la vérité de cette hypothéfe. Il fuffit ici 1°. que la folie puilTè naître & naiiTè fouvent, fans que le corps entre pour rien dans la caufe de ce canal ; 2°. que lorfque la folie eft occafionnée par des maladies , ce qui fe paffe dans l'ame foit un effet de fa propre force , qui agit d'une manière analogue à fes repréfentations : l'ame ne pouvant fe repréfenter que ce qui eft ; 3°. entin qu'on auroit tort de conclurre que l'ame perde fes facultés , ou que fes facultés foient altérées , parce que les aâions extérieures ne répondent point à fon état ordinaire : on n'accufera point un muficien habile de donner de faux tons lorfque fon inftrument n'eft pas accordé. Tom. Il, T 1 1 ij6o. S14 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROVALE ^ N N t E A R T I C L E X L 1 1. Réflexions fur la nature Cf les caufes de la folie. CINQUIÈME MÉMOIRE. DAns le dernier mémoire que j'ai eu l'honneur de préfenter à l'Acadé- mie , j'ai cherché à prouver , cjue ce n'efl: pas dans quelque altération du corps , qu'il faut chercher la railon immédiate des maladies de l'elprit. J'ai combattu l'opinion contraire , dans la fuppofition que l'ame fût réellement fujette à des maladies 5 mais j'avois établi dans un mémoire précédent , que l'ame ne pcuvoiî fouftrir comme force d'autre dérangement , que celui de l'afFoibliirement. Or , comme il ne fe perd point de force dans la nature , cet aftoibliirement n'eft pas même poffible dans l'ordre naturel des cho- fes : l'anéantilîément de toutes les forces de l'ame feroit fa delkuûion ; & l'anéantiflèment d'une partie de fes forces l'afFoibliiTèment dont nous par- lons. L'un & l'autre ne peut-être eftéftué par les voies ordinaires de la na- ture : c'eft à Dieu , qui a tout tiré du néant , qu'il faut remonter pour trou- ver une caufe fuffifante aux effets , que les loix de la deftruûion naturelle ne fauroient produire. Il ne s'agit donc que des maladies apparentes de l'efprit , de ce prétendu afFoibliiTement , de ce dépériflèment apparent des forces de l'ame , ce n'efï plus qu'un mal fuppofé que j'ai expliqué. On voit , il eft vrai , dans les vieillards & dans les fous , comme dans les perfonnes attaquées d'un mal vio- lent , des phénomènes qui femblent indiquer que les opérations de l'ame ne fe font plus ; mais (i la difficulté de s'exprimer dans les gens timides ne prouve pas leur imbécillité , pourra-t-on croire qu'un dérangement alTéz ex- traordinaire dans le corps , pour empêcher que les aâions ne dépofent en faveur de l'ufage de la raifon , prouve que la raifon elle-même foit af- foiblie ? En fuppofant donc l'ame inaltérable , fi j'ofe ainfi parler , on voit com- ment des caufes phyiîques peuvent occafionner la folie , fans jamais en être la caufe efficiente : cela doit arriver toutes les fois qu'elles feront de nature à porter l'imagination à altérer la repréfentation de l'état préfent. La repréfentation de cet état préfent (extérieur) ne peut être altérée que de deux manières , l'une en y faifant entrer ce qui n'exifle pas , ou ce qui n'exifte pas de la manière dont il efl reprcfenté ; l'autre en fupprimant ce qui exifte réellement. Tant que l'ame s'apperçoit que ce qui arrive d'extraordinaire eft l'effet d'un dérangement quelconque , il n'y a point de iolie ; mais , iorfque l'ame , pleine des repréfentations occafionnées par ce DES SCIENCES DE BERLIN. S'J dérangement , s'en rapporte entièrement à l'imagination , il y a de la fo- , , lie , plus ou moins fcïon les circonftances. i om. XFI, Comme l'ame fc repréfente tout ce qui l'environne , & que ces repréfenta- '^ ^ ^ ^ E tions font ou obfcurcs ou claires, il eft ncceiïàire qu'un dérangement ex- '7<5"0. traordinaire dans le corps amène dans l'ame des reprcfentations analogues claires ou obfcurcs j tant que l'ame attribuera ces repréfentations extraordi- naires à quelqu'état extraordinaire du corps , elle jugera fainement , & n'é- prouvera que de la douleur ou de la triftelTc ; mais , fi elle fe livre à ces repréfentations nouvelles , fi tout ce que lui peint fon imagination lui pa- roît autant de fignes certains de chofes réellement exiibntes hors d'elle , alors ne fixant fon attention que fur ces repréfentations , ces dérangemens du corps pourront être des caufes éloignées de la folie. Il eH: fans doute impoffibie d'indiquer quelle efpèce de dérangemens dans le corps pourroit l'occafionner. Premièrement, quelque fuccès qu'aient eu les recherches des Anatomiftcs dans ces derniers tems , il nous refte encore tant de chofes à découvrir fur les fenfations & fur les organes des fens , qu'il y auroit même de la témérité à bazarder quelques conjeftures fur cette matière. En fécond lieu , les mêmes dérangemens ne produiront pas tou- jours les mêmes eftets dans différens fujets , l'imagination de différens indi- vidus n'étant pas la même. Mais , quels que foicnt ces dérangemens , il nous fuffit ici de favoir qu'il faut qu'ils foient de nature à occafionner une altération dans la repréfentation que l'ame fe fait de l'état préfent ( extérieur ). Quel- que petite que foit cette altération , elle préfentera à celui qui l'éprouve une chaîne d'idées tout-à-fait différente de celle qu'il devroit naturelle- ment avoir , elle lui offrira un autre monde : mais un homme qui voit une autre fuite de chofes que tous les autres hommes , peut-il s'accorder & liarmonier avec eux ? 11 n'eft pas néceffaire de chercher dans le cerveau , & dans les organes les dérangemens propres à occafionner la folie. Tout autre mal peut avoir le même effet : cela dépend de l'imagination du malade. Qu'un homme , par exemple , ait le inalheur de perdre ce qui lui eft cher , que l'idée de cette perte l'afflige , qu'occupé continuellement de fa perte , il laifTè à fon imagination plus d'empire qu'il ne lui en faut ; on le verra palTér infenfible- ment de la triftelîè à la mélancolie , & de la mélancolie à la folie. Ce qu'on peut dire de plus vraifemblabic , c'eft que quelques dérangemens feront des caufes médiates de la folie pour tous les hommes , tandis que d'autres ne le feront que pour quelques-uns : que les uns produiront leur effet beaucoup plutôt que d'autres , &c. Je remarque encore que ce ne feront point les repréfentations claires qui produiront le plus fouvent cet effet : quelque confidérables que foient les dérangemens , s'ils font repréfentés clairement à l'ame , ils n'auront d'au-' Ttt ij 51(5 MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE ^T^ tre effet que de rendre l'état du malade douloureux : & pourvu que ce- ToM. ^ 1 1. j^jj qijj (-oy{jr,.g fig s'attrifte pas au point de paffèr , comme je l'ai dit , par dé- A 1^ N È E gj.^5 jjg |g (-fifieiiç à jv, foIiL- j il n'y a point à craindre pour lui. Ce font les i/6o. douleurs fourdes & longues qui font naître ordinairement la trifteflè j les douleurs vives & fortes ne durant guères , on voit la joie & la tranquillité, fuccéder bien-tôt à l'impatience ; c'efl; ainfi que les repréfentations obfcures font les plus à craindre : ce font elles qui font travailler l'imagination , ôc l'imagination frappée , Tame fe prcfente l'état préfent extérieur tout au- trement qu'il n'elt : tranfportant le paflé au préfent , & effaçant le pré- fent qui cil comme éclipfé par les repréfentations vives de ce qui n'cxille pas. A juger cependant par expérience, il paroît que c'efl dans le cerveau que ces dérangemens fe trouvent le plus fouvent. On a remarqué que c'étoit aux yeux qu'on diftinguoit communément les fous. En effet , il y a des hommes dont le regard annonce ce qu'ils ont à craindre , & rarement trouve-t-on des fous dont les yeux ne décèlent le trifte état où ils fe trou- vent. Mais ils ont cela de commun avec tous les hommes : ce n'eft qu'une longue étude de la diiïimulation & de la gène , qui peut apprendre aux hom- mes à ne pas fe trahir par leurs regards. Les yeux font immobiles & fi- xés fur un feu! objet lorfque notre attention efl: fixée : celle des fous l'eft toujours ,■ leur regard a quelque chofe de farouche , parce qu'il efl; immobile » & il l'eft fouvent fans qu'ils aient une repréfentation claire de l'objet qu'ils fixent. Comme il leur importe peu , ou qu'ils n'ont aucune raifon de pro- mener leurs regards , ils font quelquefois fans aucun mouvement de la pru- nelle. Cela leur arrive toujours lorfque l'imagination leur peint vivement l'ob- jet de leur folie. D'autres fois il arrive que leurs yeux font errans , qu'ils les promènent continuellement fur "tous les objets qui les environnent , qu'ils fixent même tous ces objets fans en appercevoir aucun. Après ce que je viens d'étabJir, oferois-je bazarder de déterminer ce que c'efl que la folie , & ce que c'efl: qu'être fou ? Il me feinble qu'en rap- prochant tout ce que nous appercevons dans les hommes que nous ap- pelions ainii , & en retranchant de cette idée colleélive ce qui n'eft pas elTèntiel , on peut appeller fou un homme qui , éveillé , & jouifTant de l'ufage de fes fens , fe trouve dans un état où il ne diftingue plus les repré- fentations que fon imagination produit, de celles qui font analogues à fes fen- fgtions , & où fes çrreurs , démenties par le témoignage des fens , ou oppo- fées aux notions communes , font le trifte fruit des fenfations qu'il croit avoir. Qu'au refte , cet état foit accompagné de fureur , ou qu'il foit fort tranquille , qu'il ait ou n'ait pas de longs intervalles , qu'il amène peu ou- beaucoup d'erreurs , enfin qu'il diffère peu ou beaucoup de l'état ordinaire 5 c'eû ce qui ae change rien à la nature même du mai : ce ne font là que diffé-. DES SCIENCES DE BERLIN. 517 rens dégrés d'un mal , qui peut être plus ou moins violent , des moditïca- -^7=^ tiens d'un état qui peut être modiiié d'une infinité de manières. ■' '^■^'' ■^'^'■' Lorfque cet état elt l'cft'ct de caufes purement morales , il eft diiEcile d'y ^ ^ ^' f^ ^ remédier , on s'apperçoit du mal lorfqu'il n'cft plus tems d'y porter remé- ' 7^0% de. Dans le commun de la vie , les premiers accès d'une folie de cette efpèce ne paroillènt que des écarts d'imagination , ou des inconféquenccs. La raifon a de trop longs intervalles , les reprcfentations des objets extérieurs font encore diverfion à ces repréfentations obfcures dont l'effet eft à crain- dre. Le mal à fon dernier période éclate tout-à-coup ; Ôc alors il n'eft plus de reirources que dans quelques intervalles de repos , qui ne fervent fou- vent qu'à empirer le mal. Mais , fi cet état eft occafîonné par quelques dérangemens que le corps ait fouftert , par quelques douleurs , 'par quelque mouvement extraordi- naire des liquides , fi cet état , dis-je , eft en quelque façon l'effet de caufes phyfiques ; alors les remèdes pourront quelque chofe : il ne s'agira que de favoir ce qui eft vicié dans le corps, mais cela ne fera point aifé. Le plus grand nombre des fous n'ont pas, fur-tout dans les commencemens , une maladie bien férieufe ; & fouvent, à l'exception d'un fang épaifli , on ne trouve en eux rien qui puiiîe être l'objet d'une guèrifon à entreprendre. Ce qui fait qu'on a recours à la Médecine , c'eft l'état où les fous fe trouvent après: un certain efpace de tems : fi l'on efpère les rétablir en guèriffànt le mal que différens accès ont pu produire dans le corps , on fe trompe fort. Lors- qu'un fou s'échauffe , s'irrite , dérange fa façon de vivre , pafîè les nuits dans les veilles , & ne jouit que rarement du fommeil fi nécefifaire , il eft natu- rel que fa fanté fe dérange. Quand on dit qu'un fang épaiflî, après avoir pro- duit le mal hypocondriaque , mot fi propre à cacher notre ignorance , peut auffi produire la folie , que dit-on autre chofe fi ce n'eft que ce mal-aife , où un fang épaiffi & un corps lourd nous mettent quelquefois , amène na- turellement un homme à confidérer avec lenteur & avec chagrin certaines idées défagréables , parce que l'ame fe repréfentant l'état du corps , fe re- préfente auflî cette difficulté de faire jouer les organes , & de varier fes re- préfentations, & parce que l'ame étant aéfive , & cherchant hors de l'état préfent de quoi s'occuper , ou fe diftraire , tombe naturellement fur ce qu'elle craint ou efpère pour lors le plus ? C'eft ordinairement cet état de mal-aife, qui amène ces maladies fi fingulières , enfans de l'imagination, comme l'hydrophobie , l'aérophobie : cette répugnance pour l'eau & pouf- l'air eft quelquefois fi forte , qu'il y a tout à rifquer , fi l'on veut brufqueç le malade. Il ne faut pas croire que les furieux foient ceux qu'on guérit le plus diffi- cilement. On guérit de la rage. Ce font les fous les plus tranquilles dont laguè-, jrlfon eft la jjIus défef^érée. Quand le corps eft bien bouleverfe , les chac|ç^ Si3 MÉMOIRES DE VACADEMIE ROYALE A, y^ mens que les remèdes y produifent font naître un calme , qui frappant yf ' f^ l'efprit en impofe fouvent à rimagination : c'eft un réveil après un fonge g. eft'rayant. ' ' Ainfi la rage , la frénéfîe , la fièvre chaude , le tranfport au cerveau , &c. font des maladies du corps , où les opérations de l'ame paroiflTent altérées ou fupprimées , parce que le corps ne fait pas fes fondions , ou ne les fait pas comme il le devroit : la folie eit un état où les opérations paroiffènt altérées ou fupprimées , parce que l'imagination dénature ou fupprime la repréfentation de l'état préfent extérieur : la mélancolie eft un état , où les opérations de l'ame font moins aétives , parce que l'efprit eft trop occupé d'idées défagréables : un homme mélancolique fe diflingue du fou , en ce qu'il ne confond pas les fenlations avec les images que préfente l'i- magination , ou que du moins cela ne lui arrive que très-rarement. De-là il eft allez naturel de conclurre , que fi l'art des Médecins peut por- ter quelques fecours efficaces , c'eft dans le cas où des caufes phyfiques ont dérangé tout.à-fait l'œcûnomie intérieure , & le fyftême de l'organifa- tion ; il fjut alors ou rétablir l'inftrumcnt dont l'ame fe fert , ou s'attendre à toutes les fuites que peut avoir une liaifon , finon interrompue, du moins aff"oiblie , & qui doit refter entière fi, par les aftions extérieures du corps , l'ame doit paroître jouir comme auparavant de toutes fes facultés. Mais qu'cfpérera-t-on de la Médecine , lorfque ces dérangemens phy- fiques font l'effet infenfible de la folie, ou , pour parler plus clairement , de tout ce que le corps a fouft'ert en conféquence des volontés de l'ame pen- dant tout le tems où elle s'eft trouvée avoir eu l'imagination trop vivement frappée. Les remèdes , s'ils ont quclqu'effet , ne feront autre chofe que relever une machine , qu'on abbat un inftant après. L'art du Médecin ne peut fe montrer que dans la guèrifon de ces malades , dont les maux ont été de nature à affcûer leur imagination : alors c'eft à deviner le fiége du mal , ou la nature du dérangement , ix. les remèdes propres à rétablir l'état na- turel que le Médecin doit employer toute la fagacité dont il eft capable. On m'objcftera fans doute qu'il pourroit y avoir des cas, où la Méde- cine feroit encore d'un puiffant fecours , bien que le corps n'ait été dé- rangé qu'enfuite de l'état violent où l'ame s'eft trouvée : on me parlera de l'effet de ces frayeurs violentes dans un danger imminent. Mais, fi l'on fait attention , que la folie ne peut alors avoir d'autre caufe , que l'im- preffion trop vive d'un malheur qu'on croyoit voir arriver , & qu'il eft né- ceffaire que le corps fouffre des mouvemens extraordinaires de l'ame , en vertu d'une liaifon , qui eft encore un phénomène inexplicable , on verra que les fecours de la Médecine , pouvant fervir peut-être à rétablir le corps , ne pourront pas pour cela ôter de l'efprit l'impreffionque la vue du dan- ger y a faite. Tout dépend de l'efprit ou plutôt de l'imagination : le corps DES SCIENCES DE BERLIN. J19 pourra fe rcnentir toujours de la commotion qui s'y cft faite , & l'efprit re- \^ & garde un corps aftoibli ou détraqué, ou bien qu'il perlevére dans l'état de folie , quoique fon corps ait été rétabli dans fon état naturel , pourra-t-on dire que la médecine ait pu guérir ce fou ? Peut être penfera-t-on que les cft'ets lingulicrs de quelques poifons , de quel- ques filtres ikc. ii tant elt que ces eftets foient réels , paroilîent non-feu- lement prouver que la folie peut être quelquefois une fuite immédiate des dérangemens du corps , mais encore que les remèdes peuvent guérir la fo« lie, puifqu'ils ont rétabli plulîeurs perlonnes qui avoient pris de ces filtres , ou de ces poifons , dont l'eftét avoit été de déranger kur efprit. On citera fans doute l'exemple de Loticliius , ce Poète fameux en Alle- magne , qui prétend avoir eu le malheur de perdre, la raifon , après avoir pris un philtre qu'on lui donna dans une auberge où il fe trouvoit:il racon- te que les accès de la folie ne duroient pas , que les intervalles croient fré- quens & longs , qu'il en devint chauve , mais qu'enlin il fut parfaitement réta- bli. Sans contefter la vérité d'un fait , atteReparle témoin qui doit être le moins fufpcél , il s'agiroit de favoir fi Lotichius ne feroit pas devenu fou fans avoir pris ce filtre. Mais je veux fuppofer encore que fans ce breuvage il ne l'eût jamais été , ne fe peut-il pas que ce filtre agillant avec tant de violence , ou pendant un fi long eipace de tems , l'imagination de ce Poète vint à être frappée , & que cette imagination une fois aftééfée , certaines idées le firent extravagjuer , jufqu'à ce que les douleurs , les inquiétudes , le mal-aife ayant celTé par le moyen de remèdes convenables, Lotichius ne fe repréfen- ta plus ces idées qui le faifoient extravaguer ? L'aéfion de ce filtre fur le corps revient à ce qui arrive aux gens pris de vin, ce que j'ai examiné ail-. leurs : la différence n'efè que dans la durée de l'eftét. Ce font des moyens , d'un genre bien différent de ceux des remèdes or- dinaires , qu'il faut tenter pour efpérer de donner quelques fecours à ces malheureux , d'autant plus dignes de pitié , que leur douleur & leurs regrets , dans les intervalles lucides , viennent empoifonner le plaifir qu'ils ont dç retrouver l'ufage de la raifon. Qu'il eft trilîe de n'ouvrir les yeux que pouc voirfamifere ! momensde raifonachetcs bien cher ! Avant de fonger au fecours qu'on pourroit porter au mal , c'efl à foa origine qu'il faut pcnfer. Soigneux de la découvrir , par le rapport fidèle de ceux qui ont vécu avec le malade , il faut auffi s'attacher à connoître le ca- ractère & le tempérament de celui qu'on veut guérir. Partant de cette idée , que la folie confiée fur- tout en une trop longue Sz trop vive contemplation d'un feul & même objet , ou d'une feule & mèms Sao MÉMOIRES DE VACAD ÉMIE ROY ALE - ,.= idée, on conçoit qu'elle peut être de différente nature: & que , fi les prin- loM.AI 1. ^.^^^^ furlefquels on pourroit établir la manière dont il faut s'y prendre /î N N E £ pQ^|.j^ guérir, peuvent être appliqués à tous les cas , ce n'eft que comme on ^7°°' applique les principes généraux à des cas particuliers. C'eft donc à diftraire le malade qu'il faut porter fes premiers foins : il faut tâcher d'écarter de fon efprit l'idée qui y eft toujours préfente : il faut tâcher de lui faire tourner fon attention iur d'autres objets : la multiplicité des repréfentations obfcurcira la repréfentation fatale : & un intervalle lucide gagné ainfi peut faire efpérer d'en gagner de plus longs , & enfin de rétablir le malade. Je conviens de la difficulté de traiter ainfi un malade de cette efpèce: mais c'eft le iéul moyen de réuffir. Je ne prétens point exclurre les foins & les fecours du Médecin ; je les re- garde même comme néceffaires à certains égards , pourvu qu'on ne con- fonde pas des chofes d'une nature bien diftérente , & que j'ai cherché à diftin- guer fcrupuleufcmcnt. Lor.fque la repréfentation fatale eftdùe à un certain état dérangé, à une douleur, ou à quelque difpofitlon extraordinaire du corps , le Médecin en rétabliirant l'état naturel , en aiîbupiflànt la douleur , en changeant la difpofitlon où le corps fe trouve , rétablit le malade, lorfque fon efpnt n'a point été aflfèz affeè^é , pour que l'imagination puifTe repréfen- ter un état pafïé comme fi c'étoit un état préfent. Mais cette efpèce de fo- lie eft appellée ainfi fort improprement : ce n'eft que la fituation d'un homme qui fe repréfente confufément , mais trop vivement , l'état fâcheux où il fe trouve ; & dans la folie il eft eflentiel que les fantômes de l'imagina- tion étouffent ou obfcurciflTent les repréfentations de l'état préfent. Quelquefois il eft aifé de favoir l'idée qui a frappé un fou : ou il en parle tou- jours , ou fes aftions la découvrent. Mais il arrive aufli qu'il eft aftcz diffi- cile de la découvrir; foit que les fous ne fe la rappellent pas dans les mo- mens lucides , foit que fe la rappellant , ils n'aient pas le courage de la dire. Cette idée eft fouvent relative à des circonftances particulières qui ne font connues qu'à la perfonne intéreffée ; il fe peut même que ce foit une idée qui ne s'apperçoive que dans certains momens , comme cela eft alïez ordi- naire aux fous hypocondres ; j'en connois un qui paroît un phénomène inex- plicable, fi l'on n'a recours à cette fuppofition. Celui dont je parle eft un homme de lettres , qui a de très-longs intervalles lucides , qui pendant le tems de fon repos raifonne très-bien , dont les mœurs font pures , qui n'eft m bi- got ni incrédule , en qui l'on n'apperçoit ni mélancolie , ni dérangement de l'efprit , qui fufceptible de fentiment peut éprouver une grande triftefle , ou une grande joie , fans être expofé à aucun accès de folie ; mais qui de tems à autre s'appercevant que ces malheureux accès vont revenir, va lui- rr.ême fe rendre à la maifon des fous , lorfqu'il les fent arriver , & en fort Jorfqu'ils font paffés. Cela lui eft arrivé plufieurs fois , mais non pas dans. DES SCIENCES DE BERLIN. 521 des tems réglés : les intervalles ont été quelquefois de 6 à 8 mois. , j7^ Un fait femblable , connu à Berlin , & arrivé il y a peu de tems , ne fau- /i ,,: * roit être expliqué , fi l'on ne fuppofe que cette idée , d'où naît la folie , ^ c'eft-à-dire , celle dont l'efprit efl alors fi frappé , peut quelquefois être telle- ' ment obfcurcie par d'autres idées ou d'autres repréfcntations , qu'il cft im- poffible aux fous de fe la rappeller , lorfqu'elle n'agit pas fur l'imagination avec ià violence accoutumée. Cette idée eft dans l'alternative , ou de n'être point apperçue , ou de l'être avec trop de chaleur pour laiflcr l'efprit dans fon zffiéte naturelle. Une Dame, à qui l'on avoit toujours reproché beaucoup de hauteur & ua efprit d'un commerce fort difficile , avoit fait fouffrir fon mari pendant plufieurs années. Un matin elle le fît appeller pour fe racommoder avec lui , pour lui demander pardon de toutes fes vivacités & de tous fes emporte- mens ; & lorfque le mari , pénétré de ce retour , lui témoigne l'envie qu'il a de vivre en paix avec elle , elle lui dit qu'elle avoit été obligée de preflèr Iç moment de réconciliation , parce qu'elle étoit alTùrée que dans trois jours elle feroit enragée. La furprife du mari efl facile à imaginer; il ne put jamais découvrir ce qui lui faifoit tenir ce langage : les regrets de fa conduite paffëe ne parurent point avoir troublé fon efprit , la crainte de l'avenir ne parut point non plus la menacer du même malheur : le mari enfin fut le trifte fpeftateur de la réalité de cette prédiction : cette Dame devint enra- gée le troifième jour , & mourut le huitième dans l'état le plus violent où l'on ait jamais vu un fou. Dans l'un & l'autre de ces deux cas , on voit qu'il y a une certaine fituatioa de l'ame, où , fortant pour ainfi dire hors d'elle-même , elle n'efl frappée que d'une idée qui l'agite avec beaucoup de violence, & qui fe fait pref- fentir , lors même qu'elle n'eft pas encore clairement repréfentée. Lorfque je fais réflexion à ce qui arrive à ceux qui , ayant été bleffés dan- gereufement, fentent fouvent des douleurs qui leur indiquent un changement d-e tems que d'autres ne prévoient pas , je fuis tenté de comparer l'état du corps de ces bleffés , qui fouffrent de l'impreffion de l'air extérieur , à l'état de l'ame des fous qui dans les momens lucides voient confufement le danger qui les menace. Un homme digne de foi m'a raconte , qu'un de fes amis ayant un jour vu la foudre tomber fur un arbre auquel il étoit appuyé , fen- toit tous les ans au même jour des angoifîès terribles , lors même qu'il ne fongeoit pas à ce qui lui étoit arrivé. Ces phénomènes pfychologiques , & beaucoup d'autres , font des mifières inconcevables , fi l'on n'a recours à des idées obfcures , qui peuvent émou- voir l'ame , comme une douleur fourde peut incommoder un homme , fans qu'il puiiTè dire ce que c'eft qu'il foufFre. Les folies de ce genre font peut-être incurables : comment écarter des Tom, 11, V V V jîi MÉMOIRES DE UACADÉMIE ROYALE ^=^ .' idées , que celui-là même qu'elles frappent ne fe rappelle plus lorfqu'il rc- ToM. XI 1. ^.^^^ ^ j^j j Q^gi ^oyen pour découvrir d'où & comment naît cette mal- A S N È E j^gypgyfg ijge ? Quelque diffipatiou que nous cherchions à oppofer au re- I 700. ^^^^^ jg ^gjjg -j^g , peut-être que cette diffipation même fervira à la repro- duire avec plus de violence que jamais. Il s'enfuit de tout ce que je viens d'établir , que , s'il y a quelques fe- cours à efpérer des remèdes , c'eft i^.lorfque la folie a fa fource dans la re- préfentation d'un état dérangé du corps , 2°. ou lorfqu'ayant fa fource dans une idée dont l'imagination a été frappée , les dérangemens phyfiques qui s'en font fuivis aident à entretenir la folie. Cependant dans l'un & l'autre cas , ces remèdes ne font utiles , qu'autant qu'il elt poffible de rétablir le dé- rangement phyfique , & qu'autant qu'il refte encore à l'ame i après la guèrifon du corps , affez d'empire fur l'imagination , pour que la repréfenta- .tion de l'état paiTé ne foit pas plus vive que la repréfentation de l'état aftuel , c'eft-à-dire , pour que l'ame ne confonde pas avec les fenfations , les fan- tômes que produit cette imagination , ou , ce qui revient au même , pour qu'elle n'altère pas les fenfations. Qu'on juge après cela de la difficulté de la guèrifon : la nature des dérangemens phyfiques eft prefque toujours inconnue , & le rétablKïè- ment de ces dérangemens eft d'autant plus difficile , que les remèdes qui peuvent agir jufques fur le cerveau , font d'un dangereux ufage , & le font à proportion du degré d'efficacité qu'ils poflèdent. Mais toutes ces difficultés étant levées , la guèrifon n'eft pas encore auffi fûre qu'on V pourroit le croire : l'imagination frappée une fois eft difficilement bridée. : Il en eft bien autrement encore de toutes ces efpèces de folie , qui , ':■ n'étant pas nées à la fuite d'un dérangement phyfique , n'en ont pro- duit que de très-foibles. Ici le fecours de la médecine eft parfaitem.enî inu- tile : le fecours du raifonnement eft impoffible , comme nous l'avons prouvé dans un des mémoires précédens ; cet homme qui fe croyoiî Dieu le Père , auroit-on pu le guérir par les remèdes , ou par le rai- fonnement ? ' Quand on réfléchit fur les abus infinis qui régnent dans ces triftes L- - aziles où l'on enferme les fous , on défeipére de parvenir à recueillir afîcs d'expériences pour guider heureufement ceux qui veulent foulager ces matheureufes viftimes de l'imagination. L'humanité fembleroit deman- der qu'on fit les plus grands eft'orts pour les foulager ou les guérir. Le cœur eft déchiré à la vue de pareils maux; & peu d'hommes cependanï peuvent s'affurer de n'être jamais ezpofés à les fouffrir , à moins de prendre pour afTuré qu'il ne nous arrivera jamais ce qui arrive rarement^ DES SCIENCES DE BERLIN. S»3 ARTICLE XLIII. "^i/eV Recherches anatomîco-phyjiologiques fur Us caufes de la folle qui viennent du vice des parties internes du corps humain, Pai- M. M E c K E L. TriJuit du Latin, A Près les difcours intéreflàns fïjr les caufes de la folie ( * ) que cette Affemblcc a eu la fatisfaÛion d'entendre , il n^ a pas long-tems , il fembleroit que celui que je lui préfente aujourd'hui fût fuperflu , fi je n'avois defléin de joindre aux confidéraîions métaphyiîques qui ont été propofccs , celles qui naiflènt des obfcrvations que j'ai eu occafion de faire fur les cadavres de divers muniaques , pour mettre dans un plus grand jour les caufes de la folie qu'on peut appeller corporelles. En effet , l'état na- turel & parfait de l'homme dépofe manifeilement qu'il y a entre le corps & l'ame la liaifon la plus intime , & que les forces de l'efprit font dans une entière dépendance de la difpofition de la machine ; mais la vérité de cette aflfertion s'ollro encore d'une manière bien plus fenfible dans ceux qui 5 font entièrement privés de l'ufage de la raifon , ou clies qui cette faculté I eft du moins fort en dommagée. Car l'on découvre le plus fouvent dans le — ■ ^ corps la caufe de la ftupidité ou delà folie , quoique ce ne foit pas toujours ; dans la même partie : il paroît par la dilTcâion des cadavres de perfonnes infenfées , que la lézion de différentes parties du corps peut être le principe du dérangement des facultés de l'ame. La nature tious refufe ordinairement l'accès à l'intérieur de fon fanâuaire , mais dans le cas dont il s'agit , elle nous permet communément de voir dans le défordre des organes une rai- fon , finon parfaitement diftinâe , au moins aflèz évidente de l'altératioa des facultés de l'ame. Le cerveau principalement étant , comme il l'eft , l'organe , en quelque forte immédiat, de l'union de l'ame avec le coi-ps , la plupart des Phyfi- ciens n'ont pas balancé à y chercher la caufe unique de la folie. Il paroît néanmoins affez par des obfcrvations fréquemment réitérées , que les vices de plufîeurs autres parties du corps peuvent porter le trouble dans les fondions de l'ame ; mais il n'en eft pas moins vrai qu'on ne manque guè- res d'appercevoir quelque dérangement phyfique dans le cerveau de ceux qui ont le malheur d'être attaqués de la folie 5 il faut donc apporter fur-tout une attention particulière à l'examen de ce vifcère , tant pour fa difpoC- C) Ce font Icsclni M^noitss de M. ic Btûujairc cosiprii duis ce Volume . Ann. 17(9 {{1760» V VV ij ijGo. 524 MÉMOIRES DE VACADtmi-E ROYALE f -J7777 tion externe , que par rapport à fon état interne. Le poids fpécifique du ioM. JS.VI. ^gj.^gg^ j^g paroit lur-tout un objet important dans cette recherche : pour ^ le bien déterminer , j'ai examiné les cerveaux de plulieurs fujets qui avoienî confervé jufqu'à la fin de leur vie le parfait ufage de la raifon , avec ceux des fous afin de connoître par ce moyen fi la caufe de la folie ne confifteroit peut - être pas dans la gravité fpécifique plus ou moins grande du cer- veau. Djns cette vue, j'ai fait faire des cubes de léton de diverfe grandeur , favoir de neuf lignes , de fix , & de trois , pouce de Paris. J'ai mefuré avec autant d'exaftitude qu'il m'a été poffible la fubftance médullaire de diverfes parties du cerveau 5 & enfuite , en faifant la comparaifon du cerveau d'un homme raifonnable avec celui d'un infenfé , je les ai pefés dans le deflèin de découvrir leur véritable poids & la différence entre l'un & l'autre. A ces expériences faites fur des cerveaux humains , j'en ai joint d'autres fur des cerveaux de bœuf , de veau , & de mouton , afin qu'il en réfulte , fi l'homme , en tant que doué de raifon , diffère des brutes par la folidité & la péfanteur fpécifique du cerveau. J'ai d'abord examiné le cerveau par- faitement fain d'un homme de trente ans , & j'ai trouvé que le poids d'un cube de fix lignes de la fubflance médullaire de ce cerveau , pefoit une dragme & cinq grains. Le même poids s'eft rencontré dans la fubftance médullaire du cer- veau d'un homme de 60 ans mort de pleurefie. Cette identité de poids avoit également lieu dans les hémifphères du cerveau , dans les couches des nerfs optiques, & dans les corps cannelés; quant à la fubftance médullaire du cervelet , un cube de fix lignes n'a pefé qu'une dragme & quatre grains. J'ai rencontré le même poids fpécifique dans la fubftance médullaire du cerveau d'un homme de 38 ans mort d'apoplexie. Dans un jeune homme de 24 ans, mort de la pthifie du poumon , un cube de fix lignes de la fubftance médullaire du cerveau a pefé une dragme trois grains & trois quarts ; & le poids des corps canelés étoit le même. Un Temblable cube de la fubftance médullaire du cervelet , auffi bien que de la moelle allongée , pefoit une dragme & trois grains. Dans le cadavre d'une femme de 30 ans , qui pendant fa vie avoit eu l'efprit fain & le corps bien confiitué, un cube de fix lignes de la fubftance médullaire du cerveau étoit du poids d'une dragme & quatre grains & demi 5 & dans celui d'une vieille feptuagenaire , un pareil cube pefoit une dragme & quatre grains , & furpalToit d'un demi grain le poids de la fubftance médul- laire du cervelet. On eft fondé à conclurre de ces expériences faites fur les cerveaux de per- fonnes dont l'efprit a été fain , que la gravité fpécifique plus ou moins gran- de du cerveau dépend de la réplétion plus ou moins grande de fes canaux & de fon étendue ; de - là vient que le cerveau defîéché & dépourvu de DES SCIENCES DE BERLIN. jij fang du jeune homme pthyfiquc , s'cft trouvé plus léger que les autres, à . ^^ caufe de l'évacuation de fes vailTèaux. Il arrive en conféquence que les petits a '.' , ' tuyaus nerveux s'affailTènt ; & c'eft ce qui caufe aux pthyfiques un léger ^ délire vers la fin de leur vie. C'clt encore par la même raifon que le cer- ' ' veau de la perfonne âgée étoit plus léger que celui de la plus jeune, parce qu'à mefure qu'on viellit , l'abord des Huides dans les plus petits vailîéaux va toujours en décroifTant , de forte que les canaux moins gonflés par le fluide nerveux fe reflèrrent , ce qui rend le cerveau fpécifiquement plus léger. On explique encore par-là comment dans la vieilleflb la faculté de juger, en tant qu'elle eft fondée fur la comparaifon des idées , s'affoiblit pour l'ordinaire , auffi bien que la mémoire ; cela vient de ce que les nerfs , moins remplis de fluide nerveux , fentent plus foiblement : ce qui afioiblit la repréfentation des idées ou la rend confufe. Ajoutons que dans toutes ces expériences, le cervelet s'eft trouvé plus léger que le cerveau ; premièrement , parce que la fubftance corticale y eft plus mêlée à la fubflance médullaire ; & feconde- ment , à caufe que le tifTu du cervelet fe montre par-tout plus lâche que celui du cerveau , ce qui fait qu'il 5'écoule & fe répand plus aifément. N'omettons pas d'indiquer le poids du cerveau des animaux. Un cube de fix lignes de la fubftance médullaire du cerveau d'un bœuf pefe une dragme & quatre grains , de celui d'un veau une dragme & trois grains , & de celui d'un mouton une dragme & quatre grains. Ces recherches préliminaires mettront en état de mieux juger des ob- fervations que je vais rapporter concernant l'état du cerveau dans les fous. OBSERVATION I. AU mois de Février, j'ai difféqué le cadavre d'une femme qui avoit ét6 plus de I 5 ans à l'Hôpital des fous. Il n'y avoit point eu d'intervalles lumineux dans fon état , qui confîftoit en une flupidité perpétuelle. Le corps étoit des plus robufles , & extrêmement gras. La tète extérieurement marquée de tâches bleuâtres caufées par des contufions, & femblables à des meurtriHiires. La bouche étoit remplie de fiente , les infenfés ayant coutume de dévorer à la fin les excrémens , ce qui fait un fpeâacle horri- ble. Le crâne , après la difléftion, fe trouva épais , & garni entre les lames oflTeufes , de quantité de fubltance diploïque. L'épaifièur à l'os du front , aufli-bien qu'à l'occiput , étoit de trois lignes & un tiers , mais les tempes n'avoient que trois lignes , pouce de Paris. La dure mère étoit toute rem- plie de vaiflèaux gonflés de fang , & fembloit enflammée ; les glandes de la dure-mcre connues fous le nom de pacchioni , & fîtuées auprès de l'infer^ tion des veines dans le finus longitudinal du cerveau, étaient pour la plupart S2Ô MÉMOIRES DE UACADÈMIE ROYALE -, '^yî^ blanches & tuméfiées. Au côté gauche , derrière le trou pariétal , étoît J OM. XI 1. gttaf-hée au procelliis falciforme de la dure-mere une lame oiîèufe , dont la ANNEE partie fupérieure le terminoit en une épine très-pointue qui piquoit le cer- *7"^' veau. La fubltance corticale du cerveau difîèqué, étoit d'une couleur pâle cendrée ; la fubltance médullaire étoit abfolument blanche , d'une dureté es- traordinaire & très - fingulière 5 elle reflèmbloit en tout au blanc d'un œuf durci dans l'eau bouillante , enforte qu'on pouvoit détacher d'une lame mince de cette fljbllance de petits morceaux , qui pe s'écouloient point , & ne chaiigoient pas même de figure. Quand on comprimoit cette fubftance médullaire , le doigt n'y laiiïbit aucune empreinte , fon élaflicité étant telle qu'elle reprénoit la première figure immédiatement après la compreflîon : je l'ai pefée à diverfes reprifes en prenant des morceaux tant du milieu que de tous les côtés ; mais un cube de (i^i lignes de cette fubltance n'a jamais fur- paflë le poids d'une dragme & trois grains , de forte qu'il y a deux grains de différence entre ce cube & un femblable d'un cerveau fain. Le corps calleux , avec le feptum lucidurn , qui lui eft adhérent , étoit il dur , que je pouvois faifir fa fubftance avec des pincettes fans y caufer aucune lézion ; au lieu que pour l'ordinaire le plus léger attouchement d'un inftrument tant foit peu dur l'cntâme , & même le fait écouler. Le fsptum. lucidurn , que fon extrême mollelTè ne permet prefquc jamais d'apperce- voir entier dans d'autres corps , avoit ici une telle dureté , qu'en retournant le corps calleux , il avançoit perpendiculairement , & préfentoit fes deux îames médullaires dans un état de roidcur , qui les empéchoit , toutes minces qu'elles font , de s'affailïèr & de fe coller l'une à l'autre ; elles fe foutenoient & demeuroient féparées de façon que le fcalpel pouvoit les dé- tacher l'une de l'autre. La fubftance du corps calleux étoit encore plus lé- gère que le refte de la fubftance médullaire du cerveau , puifqu'un cube de fix lignes exaâement rempli ne pefoit qu'une dragme, un grain & demi ; & quant au poids du corps cannelé , il égaloit celui du refte de la fubftance médullaire. La glande pinéale pefoit deux grains ; il n'y avoit point de pe- tites pierres , mais elle étoit plus féche qu'elle ne l'eft naturellement. Les ^ couches des nerfs optiques s'étoicnt entièrement réunies , & tenoient forte- ment par des péduncules au corps de la glande pinéale. Les nerfs delà qua- trième paire , qu'il n'eft prefque pas polKble de préparer dans les autres cerveaux jufqu'à leur origine , à caufe de leur extrême moUeire & de leur grande ténuité , étoient ii fortement attachés à la raye tranfverfale du cer- veau, qu'à leur fortie de cette partie de la fubftance médullaire , après avoir écarté la pie-mere , ils n'étoient nullement endommagés , quoique le nerf eût été coupé tranfverfalement par le milieu. La grande valvule du cerveau , tjuoiqu'à l'ordinaire très-molle, réfiftoit ici fortement, quand on vouloit la déchirer ; & même après avoir été fendue par le milieu , elle fe foutenoit de DES SCIENCES DE BERLIN. 517 l'un & de l'autre côté. La portion molle du nerf auditif, que fa molleflc fait au f- fitôt écouler dans d'autres corps , ne s'écouloit pas mtme ici après avoir été °^* fendue , mais confervoit fa fituation comme un corps roide ême carrière que lui. Les jeunes Praticiens qui rccouroient à fes lu- mières , le trouvaient toujours acccffibic : les malades qui imploroicnt fon affiftance , recevoient tout le foulagcment qu'on peut fe promettre de l'art de guérir • mais ils n'en recevoient peut-être point, de plus fcnCble,que celui qui naillbit de l'intérêt tendre que le Médecin prcnoit à leurs maux , de la bonté compatilTànte avec laquelle il les traitoit. Ce qui couron- noit tant de belles qualités , ou ce qui en étoit peut-être la principale fource , c'étoit le plus généreux défintérclTement , cette noblclTè de fenti- mens, bien plus rare que les perles & les pierres précieufes. M. Liidolf n'é- toit point avide de pratiques : en partant de là tout s'explique ; plus de concurrence & de rivalité , plus de haine & d'envie ; quand l'habile Mé- decin eft en même-tems un Médecin défintéreflè , il mérite qu'on lui érige un autel avec cette infcription : Au Dieu Sauveur. Fin du feptième Tome* 1 ^>ç '^^^ *^'>fe* *^.>f^ yf\ï ^ ^^>^ v^^ ^^--^ m iil TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE SECOND TOME. il.RTicLE I. Obfervations anatomiqiies fur des pierres trouvées dans les différentes parties du corps humain. Par M. Meckel. pag. t Art. il Recherches fur l'ufage prétendu dangereux de la vaijfelle de cuivre dans nos cuifines. Par M. Eller. i§ Art. III. Defcription d'un monjlre cyclope , mis au monde à Berlin le i<) de Février de Vannée 1745. 24 Art, IV. Injîruciions néccffaires pour la connoiffance de diverfes plantes du pais , dont Vufage ptutfervir à épargner les chines , & l'emploi des matières étrangères dans la tannerie des cuirs. Par M. Gl.EDITSCH. jj Art. V. Diffcrtation phyfico-philologique fur un paffage difficile de Pline, Hijl. Nat. Liv. XXXVll. Chap. XLFll. où il s'agit d'une pierre précieufe des Anciens , nommée Ajléria. Par M. Lehmann. 4$ Art. VI. Diffi-rtation fur un pommier à tige baffe, en buiffon , d'une efpèce dégénérée , femelle , apétale , G" defes variétés. Par M. Gleditsch. 51 Art. VII. Expériences qui concernent la régénération de l'alun de fa propre terre , féparée d'avec L'acide vitriolique ; avec quelques comportions arti- ficielles de l'alun , par le moyen d'autres terres , & du même acide. 61 Art. VIII. Expériences fur la terre d'alun. 6"8 Art. IX. Continuation des travaux fur la terre d'alun. 74 Art. X. Recherches fur la formation des pierres ou concrétions graveleufes dans le corps humain , à l'occafion d'une pierre fortie par un abfcès percé dans les hypocondres. Par M. Eller. 8§ Art. XI. Recherches fur les loix du mouvement du fang dans les vaiffeaux. Par M. de Sauvages. 9^ Art. XII. Hifloire du Chryfoprafe de Kofemiti. Par M. Lehmann. 107 Art, TABLE DES ARTICLES. ArtT. XIII. Relation abrégée , concernant une excnjj'cn:c monjlrucufe qui a été trouvée fur un J'upin. Par M. Gleditsch. 1 17 Art. XIV. Obfcrvations fur les maladies du coeur. Par M. Meckel. 129 Art. XV. Nouvelles obj'ervutions fur les maladies du cœur. Par M. Mec- kel. 151 Art. XVI. Recherches fur la force de V imagination des femmes enceintes fur le fœtus , à l'occafion d'un chien monjlrucux. Par M. Ellfr. 176' Art. XVII. Continuation des preuves fondées fur des expériences exactes , qui font voir quil fe trouve de la terre dans l'eau dijlillée la plus pure. Par M. Margraf. . i^^ Art. XVIII. Differtationfur les fleurs de rAfler Montanus , ou Pyrenaïque , précoce , à fleurs bleues & à feuilles defaule , empreintes fur l'ardoife. Pac M. Lehmann. 195 Art. XIX. Expériences chimiques concernant Vétain. Par M. Mar,graf. 207 Art. XX. Dcfcription d'un quadrupède d'Amérique , rapporté par M. Lin- nœus au genre des ours. Par M. RoLOFF. zio Art. XXI. Nouvelles obfervations pour fervir de fupplément.à l'hifloire de la nielle des bleds. Par M. Gleditsch. 220 Art. XXII. Mémoire concernant quelques nouvelles expériences éleSriques. 247 Art. XXIII. Effai concernant la nouvelle efpèce de corps minéral , connu fous le nom de Platina del Pinto. Par M- Margraf. i6S Art. XXIV. Nouvelles obfervations fur Vépiderme & le cerveau des Nègres. Par M. Meckel. 2^5 Art. XXV. Expériences fur la confervation du fang , & d'autres corps liqui- des , dans le vuide , fans corruption , pendant plujieurs années. Par M. Eller. 256' Art. XXVI. Recherches chimiques fur une terre de foufre toute particulière , qu'on trouve près de Tarnowiti en Silèfie. Par M. Lehmann. 203 Art. XXVII. Recherches chimiques fur la terre de Beuthniti. Par M. Bran- DES. " J20 Art. XXVIII. Defcription d'un Anévrifme de l'aorte. Par M. Roloff. 330 Art. XXIX. Obfervations anatomico-pathologiques fur l'enflure cxtraordi' naire de l'abdomen , procédant de diverfes caufes. Par M. Meckel. jjq Art. XXX. Rèponfe à la Dijfcrtation de M. le Comte Voncalli , fur l'ino- culation de la petite vérole , par M. le Comte de Redern. 34g Art. XXXI. Examen chimique d'une mine d'argent lamelleufe , ou d'une efpcce de liège minéral qu'on trouve , quoiqu'en très-petite quantité , dans les mines de Dorothée ù Caroline , fur le haut Hart^. Par M. Leh- mann. jfft Art. XXXII. Remarques abrégées fur quelques traces de conformité entre les corps du règne végétal , G" ceux du régne animal. Par M. Gleditsch, j/l Tom. II. Zzz TABLE DES ARTICLES. Art. XXXin. Recherches hijloriques ù chimiques fur le Copal , tel que les Apoticaires & les Epiciers le vendent ordindirement ici. Par M.Lehm ANN. 3^2 Art. XXXIV. Sur le Bitume d'Alface. Par M. Spielmann. 359 Art. XXXV. Obfcrvations fur quelques maladies affei rares. Par M. Mtc- KEL. 41<î Art. XXXVI. Réflexions fur la nature ù les caufes de la folie. Par M. DE Beausobre. 426' Art. XXXVII. Réflexions fur la nature ù les caufes de la folie. Second Mémoire. 43^ XXXVIIl. Réflexions fur la nature & les caufes de la folie. Troifième Mé- moire. _ 447 Art. XXXIX. Eclairciffemens hifloriques & phyfiques fur diverfes plantes , qui ont été prifes pour le véritable JEgolethron de Pline. Par M. Gle- DITSCH. 45<5 Art. XL. Differtation fur le fel terreftre , marin & cocîile. Par M. de Francheville. 4*4 Art. XLI. Réflexions fur la nature ù les caufes de la folie. Par M. de Beausobre. Quatrième Mémoire. 506' Art. XLII. Réflexions fur la nature fj les caufes de la folie. Cinquième Mémoire. 5^4 Art. XLIII. Recherches anatomico-phyfiologiques fur les caufes de la folie, qui viennent du vice des parties internes du corps humain. Par M. Mec- KEL. 3^3 Fin de la Table du fécond tome, *^^/f^ ^^^feif ^^^ *^>fe* SUPPLÉMENT POUR L' ANNÉE i7Sz. La fcpuhure de la Taupe. Par M. Gleditsch. Traduit du Latin, ON fera furpris , fi je ne me trompe , du fujet fur lequel va rouler cette DilTertation ; je ne doute pas même que plufieurs ne le jugent peu digne de l'attention des grands hommes que je veux en entretenir , & qu'on ne trouve que le travail que j'y ai confacré, eft fuperflu. Au feul nom de la Taupe , qui eft à la tête de mon Mémoire , on traitera peut-être les expériences que j'ai faites fur ce petit animal avec le même mépris qu'on a pour lui. Car la taupe a eu le malheur , que des gens d'ailleurs fort judicieux & fort habiles , ne l'ayant fait qu'entrevoir & de fort loin , ont adopté un préjugé que l'expérience détruit néanmoins , & fur lequel eft fondé le pro- verLe vulgaire plus aveugle qii'une taupe ; la croyant en effet plus aveugle que Tircfuis même , ils en ont conçu l'idée la plus abjeâe. La nature l'a ce pendant duement pourvue d'yeux , très-petits à la vérité , tk fort pro- fondément placés, mais tout -à -fait convenables à un petit animal de cette efpèce , & dont la force furpalTè fouvent celle des yeux des per- fonnes qui la méprifcnt. Les Orateurs & les Poètes, ne font pas mieux fondés dans les comparaifons qu'ils empruntent de la taupe , lorfqu'ils veulent dé- crire un efprit bas & un génie rampant. Tout juge accoutumé à prendre les chofes du mauvais côté, & qui fe hâ- tera de décider , fans connoiiTànce de caufe , ne manquera pas de dire aufli- tôt, que ce difcours eft le fruit de la fimplicité & de l'oifiveté ; que je luis dans le cas de ces gens qui pafîènt leur vie à attraper des oifeaux , des grenouil- les , des ferpens , des lézards, des écureuils , & à raffembler jufqu'à des rats des champs, pour faire d'une pareille colleâion l'objet de leurs amufemens , Supplém. pour l'auaée »7S». 2 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROVALE " "'— ce qui ne donne pas une fort haute idée de leur efprit. pour r^née Eh , qui ne voit du premier coup d'oeil , dira-t-on , que le fépulchre & }75î. les funérailles d'une taupe ne fauroicnt être des objets fort importans ? Y au- roit - il par hazard dans l'inhumation d'un pareil cadavre , des circonitances affez magnifiques & aPTez mémorables , pour répandre quelque jour fur les rites & fur les antiquités ? C'eft fur de pareils fondémens , que ces cenfeurs dédaigneux , qui ne pen- fent qu'à dénigrer les travaux d'autrui , mettront d'abord tout ce Mémoire au rebut • emportés par leur prévention , ils taxeront d'inutilité toutes les expé- riences que j'ai faites à cette occafion, en affirmant que le public ne fçauroit en retirer aucun avantage. Ce dédain pour la taupe eft affurément permis , parce qu'il efi; permis à chacun de penfer comme il lui plaît , n'y ayant rien où il règne plus de diverfiié que dy.ns les goûts , & dans les jugemens , tant des favans que des ignorans , & dans le but que chacun fe propofe dans le choix de fes occupa- tions , & dans fes recherches. Un homme qui s'eft confacré à la vie de Cour- tifan, aux affaires publiques, ou à l'état militaire , regarde une taupe d'un œil bien différent du Phyficien ; & celui-ci à fon tour a fa façon de la con- fîdérer , toute différente de celle de l'Œconome , du Poëte , du Critique , ou du Grammairien. Quant au vulgaire , tout eft confus & greffier dans fes idéef. Mais cette diverfité dans la manière d'envifager les mêmes objets , n'em- pêche pas que les travaux & les recherches du Phyficien , quelque appa- rente fimplicité qui s'y trouve , ne foient de nature à ne devoir déplaire à perfonne. Ils coûtent beaucoup de peine à ceux qui s'y livrent, & fer- vent à établir des vérités de phyfique, dont le prix & l'importance furpalîènt de beaucoup les idées qu'on s'en forme , d'après les jugemens téméraires dont nous venons de parler. Je ne faurois me peri'uaderau moins, que perfonne penfe férieufement, que cette fépulturc de ta taupe foit un rêve que j'ayeeu en veillant, ou que ce petit animai.l'objet de la haine des autres, m'ait rendu quelque fcrvice particu- lier , que je veuille reconnoître , ou enfin que tout ceci ne foit qu'un jeu d'ef- prit , fondé fur quelques qualités imaginées à plaifir , & pour m'égayer. Loin de moi de pareils projets ; la taupe n'efl pas un animal afiez aimable , ou airez utile , pour la traiter avec tant de diftinftion ; elle & les fiens rendent de trop mauvais fervices à nos jardins, à nos champs, & à nos prairies, pour leur faire un pareil honneur. On doit plutôt les compter parmi nos ennemis capitaux , parmi les premiers deflrufteurs de nos biens , & c'efl à caufe des inhgnes ravages qu'ils commettent , qu'un arrêt de mort a été prononcé contre eux depuis plufieurs fiécles ; & que quiconque peut s'en faifir , les tue ians miféricorde. Irai -je donc jii'amufer ridiculement à ériger un DES SCIENCES DE BERLIN. 3 monument à un pareil animal, par un fîmple motif de goût ou d'affcc- ^~ .•'"" ^°^ ■ , n „ f°"'^ l'annse On pourroit , je l'avoue, m'objeaer 1 exemple des femmelettes, dont 1751. l'efprit aufli foible que le corps , donne dans de pareilles extravagances. Des afteâions hypocondriaques , ou hiftcriques , leur faifant chercher la foli- titude , elles l'adouciilent en multipliant autour d'elles , les chiens , les chats, les étourneaux , les pinçons , les linottes , les ferins de canarie , les per- roquets , Si d'autres animaux , auxquels elles attribuent quelquefois une intelligence plus qu'humaine, & dont le commerce leur paroit mille fois plus gracieux , ou du moins plus fupportable , que celui des perfonnes les plu$ fages , ou les plus douces. S'il arrive que ces animaux , fi tendrement aimés , viennent à périr , ou à force de manger , ou du mauvais air qu'ils refpircnt auprès de la malade qui les chérit & les careflè , les lamentations fur leur perte ne finifTènt point; la folie va fî loin , j'ai preique honte de le dire , qu'on rend à ces charognes des devoirs, que n'obtiennent pas les corps de tant de héros morts au lit d'honneur ; on enveloppe ces chiens , ces chats , ces perroquets défunts , dans les étoffes les plus précieufes , on les fait repofer fur des couffins de du- vet, on les enfevelit , en un mot, dans toutes les formes; &alîn qu'il ne man» que rien à leurs obfcques , on charge les domefliques les plus fidèles d'y af- fifter, & de leur former un convoi honorable. Ce n'efl pas au rang de ces étranges & ridicules fépultures , qu'il faut met- tre celle de la taupe , dont je vais parler. Il s'agit d'un fait qui mérite de te? nir fon rang dans l'oeconomie de la nature , & qui arrive toujours dans cer^ tains tems de l'année , à moins que quelque obftacle particulier ne le dé- range, en s'oppofant à l'ordre d'ailleurs invariable des caufcs phyfiques. Ce fait m'avoit été inconnu jufqu'à préfent, & autant que je puis le favoir, tous les curieux de la nature , & tous les Ecrivains d'hiAoire naturelle , ont garde là-deflùs un profond fiience , bien loin qu'aucun d'eux ait rendu compte de ce phénomène avec l'exaftitude convenable. La première occafion que j'ai eue de tourner mes vues de ce côté-là , me fut préfentée par une lettre de NI, Lange, Pafteur du village de Lanefée, dans le Cercle de Havcl , écrite il y a deux ans à l'Académie , où il expofoit la chofe telle qu'il l'avoit obfervée , & demandoit qu'on en fît l'esamen. Je me fuis appliqué , en conféquence , à remarquer , à diverfes repriîcs , pour- quoi des taupes , qui , par quelque hazard , demeurent après leur mort , fur la furface de la terre, difparoiffént bientôt après , & femblent échapper des mains de ceux qui auroient deiîêin de s'en faifir. Les expériences que je vais rapporter , feront voir plus clair que le jour , ce que deviennent ces taupes , & fi elles font ealevées par d'autres animaux , ou enfévelies dans toutes les formes, 4 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROVALE ^= , - Il feroit fuperflu à mon avis d'établir ici , par une longue fuite d'argu- Supplem. [g nature & la certitude de cet ordre , qui eft commun à tous les ré- pour 1 année , , ^ , i j jvj. ii »7S». g"S5 ''''"^ lefquels on partage les corps de ce monde , oc d employer beau- coup de tems à expliquer, comment la confervation de toutes les créatures vivantes , que la nature produit , ei1; établie , par une loi éternelle & immua- ble , fur la mort & la deitruûion des créatures qui ont déjà vécu avant elles. Il n'y a rien fur quoi l'expérience dépofe avec plus d'évidence j & il eft ailé à la raifon d'en découvrir les caufes ik les motifs. On n'ignore pas non plus , que chez toutes les nations , les hommes mettent en terre les cadavres de leurs morts, ou entiers ou par pièces , fuivant la diverlité des ufages ; à moins qu'il n'y ait encore quelques endroits où la coutume ancienne de brûler les corps ne prévale , & ne faffe rendre les derniers devoirs à la cendre feule de ceux qui ont vécu. Quelques Phyliciens ont rapporté des fourmis , qu'elles enterrent auflî celles d'entr'elles qui meurent j mais il n'eft pas bien décidé , fi elles les met- \ tent etfeâivement en terre , ou plutôt fi elles ne les pouUcnt pas hors de leurs fourmillieres fouterraines. C'elt d'ailleurs une chofe alîez connue, que prêt que tous les animaux n'enfévelillént , ik ne touchent pas même les cadavres de leur efpèce , mais qu'il y en a cependant quelques-uns , fur-tout ceux qui vivent de rapine , de chair crue , & de charogne puante , qui font aflèz féroces pour dévorer eux- mêmes les cadavres de leurs femblable'v C'eft ce qu'ont principalement coutume de faire les pourceaux , les chiens , les loups , les renards , les chats , & d'autres animaux femblables. Au contraire le Iv'ix , qui eft du nombre de ces animaux de proie , & pour qui le fang tout frais eft un régal fi délicieux, laiflànt là les cadavres diC pofés à la pourriture , fait une chofe qui me paroît mériter quelqu'attention de la part de ceux que les curiofités de la nature intéreflënt. Après que ce cruel & rufé tiran des bois a égorgé quelque biche , chèvre , ou autre proie femblable , & qu'il en a fuccé le iang, il détache auffi-tôt des brouflailles pro- chaines , autant de feuilles qu'il en faut pour couvrir le cadavre de la bête qu'il a tuée , & la cache adroitement fous ces feuilles. Enfuite , il fe retire de cet endroit du bois le plus vite qu'il lui elt poffible , & il s'écoule un long eC- pace de tems avant qu'il s'y montre de nouveau. Cette manière de couvrir ou de cacher , qui reffèmble en quelque forte à la fépulture , eft appellée par les chaflèurs Allemands das verbrcchen des luchfcs , & le terme d'art confacré à exprimer cette aftion eft der luchs hat das Wildbret verbrochen- Je ne m'arrête point à rapporter ce que font les ichneumons & quel- ques autres infeâes , qui , après avoir tué les araignées , les chenilles , &c. les enfoncent en terre pour y dépofer leurs œufs ; je remarquerai feulement d'avance , que c'eft à cette dernière manoeuvre que la fépulture de la taupe a le plus de rapport 5 je renvoie à l'Hiftoire Naturelle ceux qui DES SCIEN CES DE BERLIN. _ j veulent s'inftruire d'un plus grand nombre de faits de cette efpèce. 's^g Pour en venir donc à la taupe elle-même , mon dcflèin n'cfl pas d'en ^"IjP''^"'^- donner la defcription , ni de raconter les moyens qu'elle emploie pour fij H -T. ^^^ fubfîltance , & pour fa propagation \ je me bornerai à quelques circonllan- ces qui ont un rapport plus direft avec le but que je me propofe dans ce Mémoire. D'abord la taupe fait fa demeure la plus ordinaire fous terre , & il eft inconteftable qu'elle y trouve fa nourriture. On la voit rarement au-deiïus de la terre , fur-tout pendant le jour , fi ce n'eft quel- quefois au printems , que les eaux rempliflànt les taupinières , forcent leurs hôtes à en fortir & à chercher refuge pour quelque tcms , foit dans les creux des arbres , foit dans des brouflàilles cpaiflcs , ou même à chan- ger entièrement de domicile. Dans le tems de fon accouplement , la taupe paroît auffi quelquefois fur terre , & le mâle plus fouvcnt que I3 femelle ; lorfqu'il trouve chez lui un convive qu'il n'a pas invité , un rival auprès de fa femelle , il le chaiïc & le mené battant hors de fon trou. Le combat eft quelquefois fî acharné , que les combattans ne voient , ni n'entendent plus , & qu'on les foule aux pieds fans qu'ils penfent à le pré- venir : les chiens , les chats , & les hériflons les guettent pour l'ordinaire & les attrapent dans ce tems-là. Mais quand la taupe ne paroîtroit jamais fur la terre , elle ne feroit pourtant nullement en fureté dans fon réduit , contre les embûches de la belette. Cet ennemi de la taupe , eft , à la vérité , prefque l'unique que je con^ noilTë, mais il eft bien dangereux ; il va l'attaquer jufqu'au fond de fon do- micile , & après l'avoir tuée , il fe régale de fa chair toute fraîche. Je n'ai point de preuves certaines que la belette enlevé de deftiis terre , des tau- pes mortes & pourries j mais je l'ai vu faire quelquefois au hériftbn. Il y a peu d'animaux pour qui la taupe foit un mets propre \ reveiller l'appctit • ce qui n'empêche pas que plufieurs ne lui fafTent la guerre , & ne l'exterminent fans quartier ; mais dès qu'elle eft morte , & qu'elle commence à fentir , ce qui lui arrive bien-tôt , ni chien , ni chat , n'y veulent plus toucher , mal- gré toute l'ardeur qu'ils avoient témoigné à la pourfuivre , & à la tuer 5 & quoique de leur nature , ils foient capables d'aller chercher à plufieurs lieues , des cadavres infects , fans en excepter ceux des hommes , & de le? dévorer ; ce qu'on peut voir fur-tout dans les champs de bataille. Les chiens de chaftè , qui tuent le gibier, fournilîént un exemple prefque femblable ; ils ne fe foucient point, pour l'ordinaire, de manger ni crues . ni cuites , diverfes efpèces d'oifeaux , de marais fur-tout , mais fe jcttant pgr derrière fur eux, il les fécouent comme pour s'en divertir; & ils en font ordinairement de même à leurs cadavres , lorfqu'ils en rencontrent. Il ne m'eft pas fufEfammcnt connu , fi le renard , le milan , le hibou , I3 shouette , & les diverfes fortes d'épervier que la faiai réduit quelquefois , « MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE /— lorfqu'ils ne trouvent point de proie , à fe contenter de grenouilles , d'efcar* pourl^année bots & de rats , poufïènt auffi la voracité jufqu'à vivre de taupes mortes , 1748. & en pourriture. Il n'y a pas lieu de s'étonner , comme le font quelques perfonnes , qu'on ne rencontre Tous fes pas que peu , ou prefque point de taupes mortes ; car premièrement , tous les ans la plus grande partie de celles qui meurent naturellement, demeurent fous terre à plus ou moins de pro- fondeur , & y pourrilTént facilement , à caufe de la petitefié & de la mol- leflè de leurs parties , fans s'offrir à nos regards. Il y en a pour le moins autant qui font détruites par diverfes fortes d'ennemis , dont la plupart nous font inconnus, & qui les traînent auffi-tôt dans des lieux écartés. Il refte donc le petit nombre de celles que l'induftrie des hommes fait périr en leur drelTant des embûches , ou que quelque hazard amène entre les dents des chiens , ou fous la griffe des chats , qui ayant alTbuvi leur fureur fur elles j les laiffent à terre dans les jardins , dans les prairies ou dans les champs. C'eft de ces dernières qu'il s'agit fpécialement ici 5 jettées au hazard , à peine les a-t-on apperçues fur terre qu'elles femblent, difparoître & l'on demande , quelU ejl la caufe de cet enlèvement ? Quoique pour l'ordinaire ces chofes là paroiffent des minuties, auxquelles on ne daigne pas faire attention , il y a toujours quelques amateurs d'Hiftoire Naturelle pour qui les plus petits détails font précieux, & qui ne laiflènt rien échapper de ce que la nature leur préfente ; ils ont donc obfervé , que les taupes tuées & laifïées fur terre difparoiffoient , les unes plutôt , les autres plus tard , mais toujours infailliblement ; & que la promptitude ou la lenteur de cet enlèvement venoient de la diverfité du terrein, de la fituation du lieu , de la faifon de l'année , & de la température de l'air , fans qu'on pût néanmoins s'affurer , pourquoi , quand , & de quelle manière ces taupes étoient enlevées. J'avoue naturellement que j'aurois plutôt foup- çonné que divers animaux les emportoient & les devoroient , que de m'imaginer qu'elles reçuflènt une fépulture dans les formes. Ce n'eft pas que le premier cas n'arrive quelquefois , j'en ai été moi-même témoin ; mais dans le grand nombre d'expériences que j'ai faites dans cette vue, il n'eft arrivé que trois fois que les taupes que j'avois pofées à terre , aient été enle- vées par des hérilTons. Je fuis donc en droit de dire que ce cas n'eft pas fré- quent; j'ajoute qu'il peut arriver plutôt ou plus tard, fuivant que la faifon eft plus ou moins froide ou humide , & félon que les enterreurs ordinaires de la taupe , s'acquittent plus ou moins exactement de leur fonâion. Toutes ces chofes étant mifes à l'écart , je fuis réellement convaincu que les taupes , dont j';ii à parler , étant pofées librement dans un en- droit un peu humide , fur une terre, ou excellente ou médiocre, difparoif- fent furement dans l'efpace de trois joun ; fouvent même , quand le tems eft DES SCIENCES DE BERLIN. cft plus chaud , en douze ou feize heures. Mais fi le hazard fait , qu'elles "^j^^J^ tombent fur un fond de roc ou de pierre , fur une terre d'argillc , de li- pour l'annéf mon ou de tuf durcie , fur des endroits revêtus de moufle , dans des 175», lieux marécageux, où diverfes efpèces de joncs forment un entrelaflèmcnt , ou au contraire , fur quelque terrein aride , d'un fable fec & brûlant , fur quelque place fort deflëchée , fous des arbres ou des arbuftes , alors leur fcpulture va fort lentement , & le plus fouvent même n'a pas lieu du tout -, après qu'elles ont paflè plus de trois jours dans de pareils endroits , leur puanteur attire des animaux qui les emportent pendant la nuit , & préviennent par là leur enterrement. J'ai fait à cet égard un fort grand nombre d'expériences , dont je ne rap- porterai qu'une partie , en faifant choix de celles qui peuvent répandre un jour complet fur ce que j'ai avancé , & en fournir des preuves qui ne lailTent rien à défîrer. Le 22 Mai de l'année 1750 , une taupe qui avoit été prife avant midi, fut le premier fujet fur lequel je procédai. Je la mis d'abord dans un jardin, fur une terre humide, molle & noire ; & le 24 du même mois après midi , je trouvai qu'elle avoit déjà été tirée de la furface de la terre à la profondeur d'environ quatre travers de doigts. Elle avoit confervé la fituation que je lui avois donnée , & fon tombeau répondoit à la lon- gueur & à la largeur de fon corps. Le 2 5 ce tombeau s'étoit déjà afFaiiTé de la moitié. Je déterrai adroitement la taupe dont le cadavre exhala une puanteur horrible ; elle ne me parut extérieurement avoir fouffert aucune altération , excepté que fon ventre étoit fort applati , ridé , & retiré. Direftement fous le cadavre , je trouvai de petits creux , dans lefquels étoient quatre efcarbots ( fcarabccos mordcinii ) dont deux furpaffoient les autres en grandeur , ce qui me fit foupçonner que c'étoit deux couples de ces infeftes. J'en dirai plus bas davantage , fans avoir deflèin cepen- dant de donner leur hilloire entière , me bornant à une efpèce de relation. Ne pouvant alors rien découvrir que ces quatre efcarbots , qui étoient tout garnis de très-petits poux , je les remis dans la foflè , & ils fe re- cacherent bien vite en terre. Je repofai enfuite la taupe dans la terre à la même profondeur où elle avoit été , & après avoir jette deflus de la terre molle , je lailTai tout cet ouvrage fans y toucher , pendant fix jours entiers. Le 1 2 Juin je retirai le même cadavre , qui étoit alors parvenu au plus haut degré de pourriture , & dont tout le poil étoit tombé. Je trou- vai le ventre creufé & vuide d'inteftins , & tout le corps fourmilloit de petits vers blanchâtres , courts & épais, au nombre d'environ foixante ou quatre vingt, qui donnoient à cette maflè infeftc l'apparence d'une chair lardée. Ces petits vers , autant qu'on pouvoit en juger à l'extérieur , étoient Tome II. * * Z MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE - — ^' la famille des efcarbots ; mais il n'étoit pas facile de deviner comment "^M^JJ"'» ils étoient nés , & s'étoient accrus fi promptement. Outre ces petits vers . pour 1 année . . , ' ,-111 o in- 1751. je trouvai les quatre efcarbots dans leurs creux , & par-deilus un autre efcarbot plus petit , rond , d'un noir tirant fur le verd , & fort vif. Toutes ces circonllauces me firent conjefturer que c'étoient les grands eC- carbots qui avoient enterré la taupe ; & je me crus auffi fondé à croire qu'ils avoicnt dépofé leurs œufs fous terre dans la peau garnie de poil de l'animaî qu'ils avoient enterré ; mais il me parut néccfîàire , pour changer mes foup- çons en certitude , de faire des expériences qui miffent toutes ces opé- rations fous mes yeux d'une manière plus pofitive & plus diftinfte. Pour cet effet j'emportai ces cinq efcarbots , avec une vingtaine de leurs petits vers , dans un petit coffret rempli de terre , & je remis la taupe dans fon tombeau. Enfuite je pris le même jour une cucurbite de verre, quipou- voit contenir environ fix mefures d'eau ; je la remplis au-delà de la moitié d'une terre un peu graffe , humide & poreufe , & j'y mis les cinq efcarbots avec leurs petits vers. A peine furent-ils fur cette terre, qu'ils s'y cachèrent, & ne reparurent plus de la journée. Pour les petits vers , quelques-uns feulement , favoir les plus forts , s'enterrèrent auffi dans le cours d'une mi- nute , mais les autres qui étoient languiiTans , peut-être parce que le cou- vercle du coffret les avoit trop preflcs contre la terre , demeurèrent environ une heure au-deliùs , après quoi en rempant lentement ils difparurent. Je mis enfuite la cucurbite de verre couverte d'un linge dans le cabinet du jardin : mais la terre paroifToit fe delTécher trop-tôt à caufe de la chaleur. Le 1 3 Juin après midi , je mis dans la cucurbite , à la furface de la terre , & exaâement au milieu , deux grenouilles d'une médiocre grandeur , prefTées l'une contre l'autre , de manière cependant que , pour donner lieu aux obfervations que je me propofois, l'une étoit couchée fur le ventre , & l'autre fur le dos. Au bout de trois heures , tous les efcarbots fortant de terre , fe mirent à parcourir les corps des grenouilles , mais il ne s'y atta- chèrent pas , & ils elTayerent de prendre vol pour s'enfuir de la cucurbite. A la fin ils rentrèrent en terre , mais c'étoit une merveille de voir avec combien de peine ; la furface de la terre , qui s'étoit trop defïéchée , crouloit à mefure qu'ils creufoient , de forte que les efcarbots ne pou- voient ni faire leurs trous , ni les conferver ; voyant cela , je mouillai la terre en fecouant au-defïus une poignée de paille humide , car je vou- lois que l'eau ne s'engouffrât pas précipitamment en terre , mais qu'elle s'y infinuât tout doucement , & s'y répandit avec égalité. Je compris qu'il falloit fouvent répéter cette façon d'arrofer la terre. Bientôt après les efcar- bots reparurent , ayant beaucoup plus de facilité à creufer , & ils fe mirent à parcourir, comme auparavant le corps des grenouilles; je con- fidérai ce manège jufqu'à dix heures du foir , après quoi je ne pus plus rien obferver. DES SCIENCES DE BERLIN. 9 Le 14 Juin à 4 heures du matin, je trouvai l'une des grenouilles , celle -==3 qui avoit été fur le dos , tirée du milieu de la cucurbitc vers le côté , & tout- no i'' * à-fait enterrée. Elle étoit exadcmcnt couverte de l'efpèce de tombeau dont X7si. j'ai fait mention en parlant de la taupe , & il paroiflbit qu'une feule paire d'efcarbots avoit fait toute cette befogne. L'autre paire étoit occupée autour de la grenouille mife fur le ventre , & elle ne fit que courir autour pendant toute la journée , comme ii elle fc fût occupée à me- furer fa circonférence & fa grandeur. En attendant , le plus petit efcarbot noirâtre travailloit à percer fous les côtes le corps de la grenouille qui étoit encore fur terre ; mais comme l'expérience m'avoit appris que la eu- curbite s'échaufFoit trop dans le cabinet du jardin , je la portai vers le foir dans le jardin même , afin que fcs habitans jouifîènt déformais d'ua air plus libre. Le 1 5 Juin , la féconde grenouille avoit reçu la même fepulture que la première. Etant pleinement allùré du fait à l'égard de l'une & de l'autre il m'étoit facile de comprendre que la même chofe pouvoit arriver à d'au- tres petits animaux ; mais je ne jugeai pas pour cela en devoir être moins foigneux de faire d'autres expériences , pour pouiïèr cette découverte aufii loin qu'elle pouvoit aller , & pour faifir à la fin fur le fait ces enterreurs fi adifs & fi diligens , en confiderant avec attention au travers du verre toute la fuite de leurs occupations. J'avois deflëin auffi de connoitre fi toutes , ou la plupart des efpèces de petits animaux , fe trouvoient dans le cas de la fepulture. J'eus le bonheur de réuffir à fouhait à tous ces égards. A peine la dernière grenouille étoit-elle enfevelie , que je pris un char' donneret mort depuis fix heures, & qui n'avoit pas la moindre mauvaife odeur. Je le plaçai au milieu de la cucurbite fur le dos , & quelques inflans après les efcarbots fe montrèrent auflî alertes à fortir de leurs creux qu'ils l'avoient été pour les grenouilles. A trois heures après midi , on ne voyoit autour de l'oifeau qu'une paire d'efcarbots tout couverts de très- petits poux , fur-tout le plus grand, que je foupçonnois être la femelle. Bientôt après , l'un & l'autre commença fon ouvrage , en creufant la terre fous l'oifeau ; ils arrangoient une cavité de la grandeur de l'oifeau , en pouffant tout à l'entour de fon cadavre la terre qu'ils remuoient. Pour en venir à bout, ils s'appuyoient fortement fur leurs colliers, & cour- boient leurs têtes conjointement, ce qui forma d'abord autour de l'oifeau une couronne de terre , & à la fin comme un petit rempart ; l'ouvrage étant fini , & l'oifeau tombé dans la foffb , on la recouvrit , & l'on ferma le tombeau déjà plus d'une fois mentionné. Vous auriez fouvent dit que l'oifeau remuoit alternativement la tête , la ^ queue, les ailes, ou les pieds. Toutes les fois qu'on obfervoit quel- qu'un de ces mouvemens , on remarquoit , en même tems , les ef- ** ij 10 MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROYALE SÎippiém ^°'"'-' ^"^ faifoient les efcarbots , pour tirer l'oifeau dans la foffè déjà pour l'année prefque achevée , & vuide de terre ; ôi afin d'en venir à bout , ils tirait- Ï752. loient fes plumes par-dcITbuf. Je les ai vus dans la fuite faire exactement la même chofe avec tous les autres cadavres ; cette manœuvre des deux efcarbots avoit duré deux heures entières , lorfqu'à la fin le plus petit, ou le mâle , fe mit à chafTer la femelle de la fofiè , & à l'éloigner de l'oifeau comme à coup de bec , la forçant de rentrer dans fon trou , toutes les fuis qu'elle revenoit. Cet efcarbot continua l'ouvrage feul pendant quelques heures , enforte qu'il en dura bien cinq. J'étois véritablement étonné de cette application continuidle d'une auffi petite créature , & de la grande quantité de terre qu'elle avoit été capable de remuer dans cet efpace de tems. Mais ma furprife augmenta bien encore , quand je vis cet infefte roidiffant fon collier, ëi s'appuyant de toute fa force , foulever l'oifeau , le faire changer de place , le tourner , & l'arranger en quelque forte dans la foflè qu'il avoit préparée, qui à la fin fe trouva tellement vuidée & fi fpacieufe, qu'on pouvoit exaftcment appercevoir fous l'oifeau , tous les mouvemens , & tou- tes les aftions de l'elcarbot. Au bout de quelque tems , l'efcarbot fortant quelquefois de fon creux , montoit fur l'oifeau , & le fouloit en quelque forte aux pieds ; puis revenant à diverfes réprlfes à la charge , il le liroit toujours plus dans la foflè , jufqu'à ce que l'oifeau fût confidérablement enfoncé , fon petit corps étant un peu replié. Finalement , l'efcarbot à force d'aller & de venir, me parut un peu las ; ayant placé fa petite tête en terre à côté de celle de l'oifeau , il conferva cette fituation environ une heure , fans aucun mouvement fen- fible , comme s'il eût voulu prendre du repos ; après quoi il rentra tout- àfait en terre. Le 1 6 Juin de grand matin , l'oifeau avoit été tiré fous terre à la pro- fondeur de deux travers de doigt , dans la même fituation où je Pavois placé fur terre , & la foflè demeura ouverte pendant tout le jour • enforte que ce petit cadavre y paroiflbit comme expofé fur une bière , avec un petit rebord , ou rempart tout à l'entour , qui ne s'étoit point éboulé pour le recouvrir. Sans doute que les grenouilles placées deflbus , étoient caufe de la réfiflance de la terre, plus fortement condenfée dans cet endroit , &: empêchoient qu'elle ne s'afFaiff^ât davantage. Le foir l'oifeau avoit été tiré au-delà de la moitié d'un travers de doigt vers le fond , & fon tom- beau étoit en partie formé. Cette inhumation continua jufqu'au 1 8 Juin ^ auquel jour l'ouvrage avoit atteint fa perfeftion. Je n'attendis pourtant pas jufques là à faire de nouvelles expériences ; dès le 17, vers le midi, je pris un petit poiffbn que la rougeur de fes yeux fait nommer en allemand Rothan^e ( eritrophtalmus ) & je le i DES SCIENCES DE BERLIN. n plaçai près de la foflè du petit oifeau , en le preiïànt contre elle. Au- =g tant que je pus le conjecturer , l'autre paire d'efcarbots avoit enterré dès le ^''IjP''^'"; 19. tout ce petit poilïbn , & l'avoic parfaitement couvert du tombeau or- 175». '"'"" dinaire. Le 2 I Juin avant midi , je mis dans la cucurbite un petit oifeau à rouge queue , nommé en latin Rubiciila tk en allemand Rothfchuantr & avec lui une écrevillè morte : le lendemain le tombeau de l'oifeau étoit déjà achevé ; mais il n'en étoit pas de même de celui de l'écrevilîè dont le bout de la queue feulement avoit été un peu tiré fous terre. Le furlen- demain je mis dans la cucurbite un autre rouge queue , qui venoit d'expi- rer , & le 2 j je le trouvai pareillement fous terre. Cependant la terre que j'avois arrofée de tems en tems , s'étoit infen- fiblement affaifïëe , & il y reltoit d'ailleurs peu de place pour recevoir & cacher de nouveaux cadavres. Je retirai le même jour l'ecrivilTè qui n'a- voit pas encore été enfeveiie , & ayant ajouté à l'ancienne terre la hauteur de trois travers de doigt de terre fraîche , j'y repofai l'écrevilTè. Il faut re- marquer qu'elle avoit été entièrement vuidée par un petit creux , qui , fî je ne me trompe, étoit l'ouvrage du plus petit efcarbot; car les plus grands ne s'étoient point mis en devoir de travailler à fa fépulture. A i'écreviflé j'ajoutai un poulet que j'avois gardé fix femaines dans l'efprit de vin ; mais au bout de trois jours je fus obligé d'oter l'écrevilTe & le pou. let, parce que les efcarbots, bien loin d'y toucher , ne parurent point du tout, tant qu'ils demeurèrent pofés lur terre. 11 en arriva autant à un taupe- grillon que je jettai à leur place dans la cucurbite de verre : les efcarbots le tournèrent & retournèrent bien des fois , mais il demeura pourtant fans fépulture ; & dans l'efpace de fix jours , de petits vers fortis des œufs de grof. fes mouches , qui , attentives à l'ouverture de la cucurbite , y étoient en. trées & en étoient forties , confumerent le taupe-grillon fur terre , & n'en laiffèrent que les parties les plus dures. Je n'avois plus rien à défirer pour la certitude du fait que j'examinois ; i'étois convaincu que les efcarbots dont j'ai parlé jufqu'ici, enfévelifToient véritablement prefque tous les cadavres des petits animaux , à l'exception de ceux dont le volume étoit trop confidérable pour qu'ils pufîènt les gouverner à leur aife ; mais il ne me paroiflbit pas vraifemblable , qu'une auffi grande provifion de cadavres fut uniquement deflinée à leur nourri- ture, & j'en conclus que les petits vers que j'avois mis dans la cucurbite, avec les cinq efcarbots , étoient leurs convives , ce dont je m'affurai pleine. "" ment dans la fuite. En effet, vers la fin de l'automne , je trouvai ces vers déjà fort avancés & d'une grandeur afTez confidérable , qui rongeoient de bon appétit tous ces cadavres ^ ce qui me donna lieu de croire qu'au printems fuivant ils fubiroient leur dernière métamorphofe , & forti- lî MÉMOIRES DE VACADÈMIE ROFALE ., ~ roient pour la première fois de terre fous la forme d'efcarabées. J'obfervaî pouH^anné'e qu'ils étoient déjà fi forts , que lorfque les grands efcarbots pafToient à côté J7S». d'eux, ou les touchoientlc moins du monde , ils les attaquoient , les mor- doient , & ne lâchoient prife que le plus tard qu'il leur étoit poffible. Mais pour revenir à mes expériences, le 28 Juin dès le matin je jettaî dans la cucurbite une vieille grenouille des plus grolTès , avec une fauterelle verte de la plus grande efpèce , qui vit fur les arbres , & une autre plus petite de Celles qui chantent dans les près ; dès le lendemain vers midi tous leurs cadavres étoient parfaitement enfcvelis , excepté les pieds de la grenouille qui parurent encore un jour au-defîùs de la terre. Le même jour je mis en- core une autre grenouille dans la cucurbite j & le i Juillet les efcarbots lui avoient rendu les mêmes devoirs. Le 3 Juillet je variai mes expériences , je pris les entrailles toutes fraî- ches d'un poiflbn nommé amia , de médiocre grolTeur , je les jettai dans la cucurbite , & autant que j'ai pu le conjeâurer , l'abondance des alimens , & le défaut d'efpace , furent caufe que la fépulture ne fut terminée qu'au bout de quatre jours. Le 7. vers le foir , je fis le même ufage du petit poiflbn dit alburnos j & le lendemain matin je le trouvai déjà caché en terre : je mis à la place deux morceaux de foie de bœuf tout frais , dont un fut enterré le neuf, & l'autre le dix. J'obfervai qu'il n'y avoit que trois grands efcarbots qui travaillaflènt après ce foie , & qu'il manquoit une femelle à l'ouvrage ; je vis auffi que dans le tems de ces dernières expériences , ils étoient extraordinairement tourmen- tés par ces petits poux blanchâtres , dont j'ai déjà fait mention ; ils en étoient fi garnis & environnés , lorfqu'ils fortoient de terre , que leurs pi- quures les faifoient courir çà & là , comme fi on leur eût enfoncé des éguillons. Quelquefois ces poux fe jettoient fur le foie frais & fanglant , & alors ils lailTbient les efcarbots en repos , contens , à ce qu'il paroiffoit , de s'être raflàfiés du fuc de ce foie. Ce font là les expériences auxquelles j'ai employé , fans interruption , tout l'efpace de tems qui s'eft écoulé depuis le 2 1 Mai jufques au 10 Juillet, avec une attention toujours foutenue. Un nouveau fpeâacle fourni par les abeilles terreftres , m'appella alors ailleurs, & me fit entreprendre un voyage. Mais j'avois fait aflèz d'expériences pour m'aflùrer, que les taupes mortes & les autres petits animaux , à l'exception d'un fort petit nombre , & même les inteftins & les chairs de plus grands animaux , recevoient par le mi- niftère des efcarbots , la fépulture dont on vient de lire le détail. Il réfulte en effet de mon récit , qu'en cinquante jours , quatre efcarbots ont enterré douze cadavres , en y comprenant la première taupe , fçavoir quatre grenouilles , trois petits oifeaux , deux fauterelles , & une taupe , à quoi il faut ajouter les entrailles de poifTon, éi les deux morceaux de foie de bœuf. DES SCIENCES DE BERLIN, ij Pajoute aux expériences ci-defiTus , que dès le commencement , j'avois mis ' quelques autres vers d'cfcarbots dans un vafe de verre féparé , dont le fond nnnM-mr^. etoit couvert de terre , ahn d oblerver a part leur nourriture & leur ac- 175», croilïêment , craignant qu'un fcmbiable examen fait fur les cfcarbots en- terreurs mis dans la cucurbite , ne les détournât de leur ouvrage. Au mois de Septembre fuivant , je féparai de la terre , tant les efcarbots que les petits vers , qu'ils avoient engendrés , & qui étoient déjà allez grands & af» fez forts. Je verfai avec toutes les précautions néceflaires une certaine quantité d'eau dans le verre fufdit , & dans la cucurbite , & je lavai peu-à-peu la terre , qui , en s'afFaiilànt , étoit devenue ferme & tenace. L'eau fit d'a- bord fortir les cinq efcarbots , que je préfente à la compagnie ; je les ai travcrfés avec des éguilles , & fait mourir avec un efprit acide dujcifié afin de les délivrer fur le champ de tous leurs poux ; pour les petits vers d'efcarbots qui étoient cachés dans le peu qui reftoit des cadavres qu'ils avoient confumés , ils n'étoient pas de la même grandeur. Mais je ne pu? m'empècher d'admirer que de quatre grenouilles , trois petits oifeaux , Si deux poillbns , il ne reliât que peu ou point d'os ou d'arêtes ; car je nç trouvai rien dans la terre que quelques - unes des grolTes plumes , des écailles , & quelques pièces de tètes d'oifeaux. C'étoit au refte , une chofç bien difficile , que de tirer ces reftcs du fond de la terre , parce que c'é- toientdcs matières affèz graflès, & que les efcarbots en les pétrifiant, en avoient fait une mafiè cohérente fort tenace. Je n'y ai point apperçu dç petits os liés entr'cux, ni aucune partie de fquélete, comme on en trouve quelquefois , dans ces amas d'animaux que les fourmis enfouiflent. J'eus occafion de découvrir encore, dans le cours du même mois, la caufe de ce dernier fait ; aj'ant rencontré des efcarbots , de l'efpèce de ceux qui enterrent les taupes & les autres petits animaux , attachés aux reftes d'une géniffe jettée à la voirie , & dont les renards , les corbeaux , & les chiens avoient déjà emportés leur part , je remarquai , que ces efcarbots ne s'at- tachent pas tant , pour s'en nourrir , aux parties charnues du cadavre, qu'aux articulations , aux tendons , aux ligamens , aux vertèbres de l'épine , & au« épiphifes des os ; j'en vis qui , ayant trouvé un os de la cuiflfè caffé , s'ç. toient infinués dans fa cavité , pour fuccer la moelle & le fuc des articu. lations ; d'où je conclus , que les efcarbots , préférant les parties fufdites aux parties mufculeufes , qui ne leur fuffifent pas , doivent détruire entiè« rement les fquéletes des petits animaux ; ce qui eft conforme à mes ob- fervations. Les expériences dont il a été qucftion jufqu'ici , ne permettent pas de douter que tout ne Ce paffe dans la fépulture de la taupe , comme je viens de le rapporter 5 mais il refte encore à rechercher , s'il faut plufieurs efcarbots 14 MÉMOIRES DE VACADÉMIE ROYALE Supplém. pour enterrer une taupe , ou fi un feul fuffiroit à cette tâche , malgré la dif- pour l'année proportion qu'il y a entre l'animal & l'infede. L'expérience fuivante va dé- VS** cider la queftion. Au mois d'Avril , j'ai tué une taupe qui avoit été prife vivante , & je l'ai mife enfuite fur un quarré du jardin , qui avoit été nouvellement fumé & bê- ché. Le tems étoit fort chaud. En vingt-deux heures de tems la taupe fut à demi enterrée. Je la déterrai avec toute la circonfpedion poffible , & je la trou- vai parfaitement faine & entière ; mais comme j'étois tout occupé à chercher mes efcarbots ordinaires , je ne pus en trouver qu'un feul , qui même ne paroiflbit pas avoir depuis long-tems fa forme d'efcarbot, & qui étoit venu du fond de la terre vers la furface. Cet infeâe démenîoit les obfervations des Phyfîciens , qui prétendent qu'on ne trouve de poux blanchâtres (acaros) que fur les vieux efcarbots ; il en étoit tout rempli. Du refle , je ne faurois affirmer avec certitude , fi c'étoit là le feul enterreur de la taupe , ou fi en creufant j'avois écrafé , coupé , ou écarté l'autre ; d'autant mieux que j'en ai toujours trouvé au moins une paire , & plufieurs fois deux. Pour m'en alTurer , je portai chez moi cet efcarbot avec la taupe , & je les mis dans la cucurbite de verre pleine de terre , dont l'orifice étoit , à l'ordi- naire , couvert d'un linge très-fin. Le lendemain à fept heures du matin, l'efcarbot avoit déjà tiré en bas la tête de la taupe , & en pouffant la terre lui avoit formé autour un ram- part aflèz haut ; l'enféveliffement de la taupe fut achevé , en la manière accoutumée, à quatre heures de l'après midi. Se feroit-on imaginé qu'un miférable animalcule , tel qu'un efcarbot , fans aucune aide ni affiftance d'autres plus forts , pût tirer fous terre une taupe , qui le furpaffè au moins trente fois en volume & en pefanteur ? Je crois devoir joindre encore une expérience à celle que je viens de rap- porter , & la décrire en peu de mots. Ce qui m'a conduit à la faire , c'eft le deffein d'éviter la manœuvre des hériffons , qui , comme je l'ai dit ci- deffus , m'avoient enlevé pendant la nuit trois des taupes que j'avois deC- tinéesàla fépulture. Je pris donc deux cadavres de taupes, le 3oMaii7Ji. & je le mis vers midi , par un foleil ardent , dans l'endroit le plus chaud du jardin , fur une place de terre tout-à-fait féche & aride. Je liai forte- ment l'une & l'autre de ces taupes par le pied droit de derrière , à des ficelles attachées à de petits bâtons courbes , & je fichai chacun de ces petits bâtons en terre obliquement , de manière que les taupes fjfpendues perpendiculairement , effleuroient la terre du bout de leur tête j le lende. main les deux têtes avoient été tirées dans deux trous , diftans l'un de l'autre d'un empan , & y étoient entrées , autant qu'avoit pu le permettre le relâ- chement des ficelles ; ayant alors incliné les petits bâtons , de façon que la DES S Cl E N C E S DE BERLIN. îj ia ficelle pendoitdeux travers de doigt plus bas , je trouvai le i Juin les tau- ^^^ pes enterrées au point qu'il n'en reftoit pas la moitié , étant toutes deux pourp'année entourées d'un cercle fort haut de terre fraîchement remuée; le z Juin jebaif- 1751. fai la ficelle , & les trois taupes étoient en terre jufqu'aux pieds de derrière • enfin ayant toutà-fait relâché la ficelle , elles furent parfaitement cnfcvelies le 5 du même mois. J'ajoute que les taupes avoient été entièrement dépouillées de leurs poils, à l'exception de la tv' , oc que le poil étant refté à la furface de la terre à caufe de la petiteflè 'jl. ^rou , il fembloit qu'on l'eût véritablement rafé , tant la peau ctoit demeurée liflè & unie. Je n'ai pas befoin de prouver que la pourriture fait tomber les poils ; & fi dans le cas que je viens de rappor- ter , ils demeurèrent à la furface de la terre , fans être enterrés avec la taupe, cela vient de ce que les cadavres expofés 'à l'ardeur du foleil , avoient été réduits promptement en pourriture , avant que d'avoir pu être enfévelis ; toutes les fois que la même chofe aura lieu , il fera donc facile de re- marquer des poils fur la tombe fépulcrale de la taupe. Mais lorfqu'il arrive qu'elle eft enterrée par les efcarbots fans délai & fans obftacle , les poils demeurent quelque tems fous terre attachés à la peau ; & on les y trouve conftamment , lors même qu'il ne refte rien ou prefque rien du cadavre de la taupe. Voici encore une remarque que j'ai faite. Ayant retiré l'une des taupes de terre , je la pofai à deux empans du trou fur un ferpcnt mort , & tout- à-fait defîéché. Cinq jours après elle avoit été ôtée de defTus le ferpent , reportée au même trou , & remife dans la même fituation , mais à une plus grande profondeur ; à l'égard du ferpent , il demeura dans la même place , parce qu'il étoit déjà trop defféché. Dans le tems où j'étois occupé de cette dernière expérience, un de mes amis , auquel j'avois parlé de ce que je faifois , avoit mis un crapaud dans fon jardin , fiché à un petit bâton , pour le faire defTécher à l'ombre ; auffi-tôt que ce crapaud vint à pourrir , les efcarbots attirés par l'odeur', travaillèrent fous le bâton , & l'ayant fait tomber , ils enterrèrent, à leur ordinaire , & le crapaud & le bâton. A l'égard de la faifon de l'année où les efcarbots enféveliflènt les cadavres des taupes , & des autres animaux , cette fépulture commence lorfque le tems devient ferein arec une chaleur foutenue , & fe continue , pour l'or- dinaire , du milieu d'Avril à la fin d'Oâobre. Les particularités que nous avons rapportées font voir, qu'il n'eft pas indiftérent aux efcarbots d'avoir en leur puiflance les petits animaux morts fur terre , ou fous terre. On y voit aufli que ce n'eft pas uniquement à leur nourriture qu'ils veulent pourvoir en les enfévcliflant ; les petits vers qu'ils y dépofent indiquent encore d'autres vues. S'ils ne vouloieijt que fe repaître de ces cadavres , comme Tom. II. *** i6 MÉMOIRES DE VACADÉMIË ROVALE ===== ils le font des charognes des grands animaux jettes à la voirie , ils les con- ^"'^P'^"'" fumeroient fur terre , fans prendre la peine de les inhumer , & il en feroit pour^i année ^^^ ^gtits cadavres comme des grands, qu'ils ne s'avifent pas de vouloir en- terrer , tant à caufe de leur maffê , que parce que pendant qu'ils pourrif- fent , d'autres animaux rapaces les déchirent & les emportent de côté & d'autre • enforte que deux ou quatre efcarbots ne peuvent avoir ni le tems ni la force d'en rien enterrer. Mais à l'égard de la fépulture des animaux d'une moindre taille , fur laquelle les expériences précédentes ne permet- tent pas, je crois , de conferver aucun doute , elle eft plus que probablement deftinée, comme nous l'avons déjà infinué , à aflurer le fort & le repos de leurs œufs , & à nourrir enfuite la famille qui en proviendra ; il eft de la dernière vrâifemblance , que les grands efcarbots ne fe donneroient pas tant de mouvement , pour les fépultures en queftion , fans ce dernier but , & s'ils vouloient feulement fe procurer la fubfiftance. 11 étoit néceflàire que cet ouvrage fe pafsât fous terre , parce que les renards , les corbeaux, les ép«r- viers , & d'autres animaux de proie , dévorant les cadavres fur terre , ils avaleraient en même tems les efcarbots , & nuifant ainfi à leur propa- gation , pourroient enfin en détruire l'efpèce. Après avoir traité avec alïéz d'étendue le phénomène remarquable d'Hiftoire Naturelle , objet de ce mémoire , qui paroiiToit d'abord un pa- radoxe , & en avoir fufEfamment établi la certitude , j'achèverai de dégager ma promeflTe , en expofant encore quelques particularités qui regardent les efcarbots. Le plan de ce Mémoire ne me permet pas d'en donner une hiftoire complette^ je laifTe ce foin aux Phyficiens qui embraflent avec ardeur tous les détails de l'Hiftojre Naturelle, & qui fe propofent, en particulier, de décrire les infedes depuis le petit œuf qui les produit , jufqu'à leur mort, en rapportant toutes les circonftances qui répandent du jour fur leur origine, leur nourriture , leur propagation , leur accroifïèment , & feurs métamor- phofes. Je me borne à défigner les efcarbots dont il s'agit par leurs ca^ raâères diftindifs , que mes expériences m'ont mis à portée de faifir. D'abord , pour les diftinguer de toutes les autres cfpèces , je crois être en droit de les appeller déformais Efcarbots enterreurs , fcarabeos vefpil- lones ; ils étoient appelles auparavant fcarabœi monicinii ou efcarbots de charogne , parce qu'ils en font leur nourriture , & que la puaateur des voiries les attire en foule , des lieux les plus éloignés. Le célèbre Vlijfe Aldrovande au livre IV de fon ouvrage fur les in- fectes, chap. 3. pag. 779, dit avoir trouvé un femblable efcarbot fur un ferpent mort , tout occupé à s'en nourrir ; & cela l'avoit engagé à le nommer Scarabœus Serpentarius ; notre ancien confrère M. Frifch , qui a rendu auffi de fort bons fervices à cette partie de l'Hiftoite Naturelle , ayant trouvé le même efcarbot dans la fiente de bceuf , & ayant remarqué DES SCIENCES DE BERLIN. 17 qu'il a une odeur forte de mufc , qu'il tiroit félon lui de la fiente , l'a • 'j^ nommé Scarnbœus Moscluitus , mufcus Kafcr , & en a donne une courte def- nnTi"'î''ini'!i,. cription , accompagnée d une ligure , qui n eu pas mauvailc. itji. Je n'ai rien à dire de particulier de cet efcarbot noir & rond , qui étpit avec les quatre grands , finon qu'il perça le corps de la grenouille morte , lorfqu'cllo étoit encore fur terre , & qu'il féconda le travail des autres avec beaucoup de vivacité ; je ne m'arrêterai pas à en donner une dcfcrip- tion plus étendue. Pour ce qui concerne les autres efcarbots plus grands , auxquels j'ai donné le nom d'enterreurs de taupe , ils font d'une forme plus longue j & d'une médiocre grandeur. J'en donnerai à la fin de ce Mémoire le ca- radère , tel que je l'ai réduit en abrégé. Leur odeur , que M. l'rifch a remarqué fe confcrver au delà de vingt ans , eft fort vireufe , & approchante du mufc , tant dans les efcarbots vivans que dans les morts ; de plus , elle eft li acre & fi nauféeufe , qu'on ne peut la foutenir quelque tems fans peine; il y a certaines plantes fufpeétes & vénimeufes , dans lefquelles on trouve une pareille odeur virulente , & ennemie de la tète. Je pourrai peut-être communiquer dans la fuite un plus grand nombre d'expériences , qui auront pour objet les mêmes efcarbots , & les taupes vivantes. En attendant, fi nous confiderons avec attention , le travail & l'infiimfï des infedes , qui ont fait le fujet de cette differtation , nous ne pour- rons allez admirer l'étonnante œconomie de la nature. De quelle éten. due ne doit-elle pas être , & avec quelle fagelTè ne faut-il pas qu'elle foit réglée, pour que toutes les efpèces d'êtres vivans, fans exception, qui habitent notre globe, cefïènt de vivre à point nommé, lorfque leur vie ne peut plus être d'aucune utilité ? Mais il y a bien plus encore , ces mêmes créatures après avoir perdu les ufages qui étoient attachés à leur vie , en acquièrent d'autres auffitôt après leur mort ; dès qu'elles pourriffent , ou plutôt dans l'inftant même de leur deftrudion , & même un peu avant , elles fervent à cette œconomie fi excellente , & concourent au but uni- verfel que le fouverain Créateur s'eft propofé dans la propagation , la con- fcrvation , & la deftruétion de tous les êtres vivans. Il n'y a ici ni préro- gative ni exception ; tous font fournis à une même loi éternelle & im- muable , fuivant laquelle ils parviennent à l'exiflence de la même ma- nière , & font enfuite détruits pareillement , pour fervir aux ufages des créatures qui leur fuccedent. Je finis par le caraftère de l'enterreur que j'ai promis. Gaudet Capite Nigro atque deprejjb. • *** ij iS ÉLOGE DE M. ELLE R. ^^ rr^ Antennis Parvis , nigris , clavatis , circa aplcem flavefcendbus , in quarum pour l'année interfticiis macula fapius trigona fub-fulva in confpecîum prodit. 1752. Roftro Bicorni. Oculis Protuberandhiis feu emijjitiis. Collari Sive clipeo , nigro , glabro , marginato , &• fupernè in margine caput verjus tribus quatuor-ve puncîis latis , elevatis & nitidis , in lineam reciam dcnsè pofitio , dijlincio. Peftore Nigro , fcutiformi , utroque latere inferiùs macula fulva , pilofâ & fplendente notato, Vaginis Seu elytris ( alas tegentibus ) brevibus , nigris , quadran^^ulis pofiice truncatis. Harum Jingula duas in medio habet fafcias , la' tiores & luteas , utrinque latis & inœqualibus ferraturis incifas. Abdomine Nudiufculo , acuminato , valde annulofo , in apice £>■ ad mar- gines inferiùs prafertim pilofo. Pedibus Omnibus ferratis ; anterioribus , fubtus fiavefcentibus , articula^ tionè extremâ latiore ; poflerioribus non nihil pilojis , pilis au-' reo-rufefcentis coloris. PRECIS J .urnai En- cyclopédique. Février. lytfi. Og l'Éloge hijlorique de M. Ellir , là à l'Académie Royale de PruJjTe. JEan-Théodore Eller de Brochufen naquit le 29 Novembre 1689 , à Pletzkan , dans la Principauté d'Anhalt Bernbourg. Il fut le quatrième fils de Jobjl Hermann Eller de Brochufen , dont l'époufe étoit d'une an- cienne famille de, Livonie , nommée Behon. Depuis pluficurs fiécles la fa- mille de M. Eller étoit connue , & avoit des biens en Wefiphalie & dans les Pays-Bas. On trouve même dans les archives de l'Abbaye de Quedlin- bourg , qu'un de fes ayeux a eu un porte honorable à la Cour de l'Em- pereur Henri YOifeleur , qui le fit Chevalier. Plufieurs ancêtres de no- tre Académici'Cn ont fervi avec diftinaion. Le père de M. Eller quitta le fervice de Hanovre à la paix de Nimégue , pour fe retirer d'abord à Magdebourg , & enfuite à Pletzkau , Bailliage dont le Prince d'Anhal lui avoit confié l'adminiflration. Le jeune Eller fit d'abord fes études dans la maifon paternelle , d'où il pafiTa au Collège de Quedlinbourg, & de la à l'Univerfité de lena en 1709 : il fe deflinoit alors à l'étude du Droit; mais un penchant naturel s'oppofoit à cette vocation ; les leçons de mathématiques du vieux Hamber- ger lui infpirerent le goût de la phyfiqpe , qui produifit à fon tour celui de la médecine. MM. Teichmeyer, Slevogt , & George Wolfgurig Wedelj ÉLOGE DE M. ELLE R. 19 guidèrent fes premiers pas dans cette nouvelle carrière 5 mais il manquoit """ " ■■> alors à lena un fecours des plus eflentiels , c'eft l'Anatomie. M. ElUr cyciopédique' quitta cette Univcrfité pour aller palTcr deux ans à Halle , où n'ayant pas ^^'"'"- '76i. trouvé tous les fecours qu'il S'y promettoit du côté de l'Anatomie , il fe rendit à Leyde , où l'appelloient en quelque forte par leur célébrité M. Albinus le père , le Profclîèur Scngerd 6i l'immortel Bocrhaave. Le grand talent de ces hommes célèbres n'étoit pas proprement l'Anatomie , & Leyde n'avoir alors dans ce genre qu'un vieillard de 80 ans , M. Bidloo, qui n'étoit plus en état de faire des démonftrations publiques. M. LlUr fut donc obligé de palier à Amfterdam , où il trouva eniin ce que l'Eu- rope avoit alors de plus diftingué dans l'Anatomie & dans la Chirurgie , en la perfonne de M. Rau , & dans l'admirable cabinet du célèbre Ruyfch. Dans ces circonftances M. Bidloo mourut, & M. Rau fut appelle à Leyde pour remplir fa place de ProfefTeur d'Anatomie. M. ElUr lui étoit trop for- tement attaché pour s'en féparer ; il le fuivit , & fît les dilTeôions publi- ques fous lui , en qualité de Profefteur , jufqu'en 1716. Il foutint au mois d'Avril de la même année une thèfe publique , fans Préfident , fur la ftruc- ture & l'ufage de la ratte. Après des études auffi heureufes qu'affidues , M. ElUr fit un tour dans les Provinces feptentrionales de la Hollande , & revint en Allemagne pour s'y enterrer , s'il efl permis de parler ainfi , dans les mines de Saxe & du Hartz. Il favoit combien il importe à celui qui veut connoitre la nature , de l'étudier dans fes abîmes les plus profonds , de fe former de juftes idées des richelîès que la terre renferme dans fon fcin , & des opérations fe- cretes qui fervent de bafe à la Métallurgie & à la Chimie. Pour fe dédommager en quelque forte du tems qu'il avoit paffé dans ces antres profonds , il fe mit à voyager. La France l'attira : il alla à Pa- ris. Il rendit fes premiers hommages à Meffieurs Hecquet , Aftruc , Helve- tius , de Juffieu , du Verney & Winflov. Il fe perfectionna fous ces derniers dans l'Anatomie. Tous ces Savans virent en M. Eilcr un fujet digne de leur eftime & de leur confiance ; ils lui en donnèrent les marques les plus fatisfai- fantes. Il fréquenta enfuite les hôpitaux de l'Hôtel-Dieu & de la Salpe- triere , ce qui le mit en liaifon avec M. de la Peyronie , alors premier Chi- rurgien , Mrs. Thibaut , Morand & Dupont. Il leur donna des preuves fi frappantes de fa dextérité dans les opérations chirurgicales , qu'ils lui permirent de faire fur divers fujets , la feftion latérale qu'il avoit pratiquée fous M. Rau , & dont il s'acquittoit auffi-bien que lui. En cultivant une partie des talens qui font le grand Médecin , il ne né- gligeoit pas les autres. La Chimie fur-tout l'occupoit beaucoup ; elle le fit connoitre avantageufement de M". Groffe , Lemery, Bolduc & Homberg^ leurs laboratoires lui furent ouverts , & ils n'eurent rien de refervé pour lui dans un art où l'on fe pique fouvent d'être myftérieux. 2fr ÉLOGEDEM. EILER '^o^aff^. Il fei'O't difficile à quiconque cherche à s'infiruire , de quitter la France , cyciopédique. fi l'Angleterre ne lui offroit pas une nouvelle moiflbn de connoilîànces. Février. 1761. ^^^ ^^^^^ Royaumcs font depuis long-tems dans une rivalité véritablement balancée à cet égard. Chefelden , l'un des plus grands hommes de ce fiécle pour les opérations, venoit d'être rappelle à Londres. M. Ellcr délîroit vi- vement de le connoître. Il fît le trajet de Calais avec Mylord Petersboroug , & féjourna quinze mois fur les bords de la Tamife. Il vit Chefelden , & ne fut pas moins fatisfait des liaifons qu'il contracta avec le Docteur Mead , MM. Hanckewitz , Hauksbée , Doulas , Defaguliers , & Sloanne. Il n'au- roit pas crû , malgré tout cela , avoir vu l'Angleterre , s'il n'eût rendu hom- mage au grand Newton. Il quitta Londres au mois de Janvier 172 1 , & revint dans fa patrie. A peine y fut-il arrivé , que fon Souverain , le Prince Viâ:or Frédéric d'Anhalt Bernbourg , le déclara Médecin de fa Cour , & Phyficien de fa réfidence , comme on dit en Allemagne , avec des honoraires confidéra- bles. Cet'étabhiTcment avantageux le fit penfer à un autre. Il fe maria au mois d'Oftobre avec Mlle. Catherine Elizabeth Burckhard , de laquelle il eut plufieurs enfans que la mort enleva tous en bas âge. tl perdit fon cpoufe en 17$ I. Un Médecin du mérite de M. ElUr n'étoit pas fait pour pafTer fa vie dans une ville auffi peu confidérable que Bernbourg. Il fut attiré h Magde- bourg, & le Roi de PrufTe alors régnant , l'appella à Berlin en 1724, pour donner des leçons d'Anatomie, dans le grand théâtre anatomique qui venoit d'être érifé ^ il eut en même tems la furvivance de premier Médecin du Roi, & peu de^tems après , il fut honoré de la place de Confeiller de Cour & de ProfelTeur du Collège Royal médico - chirurgique , qui venoit d'être fondé à Berlin , de Doyen perpétuel du Collège fupérieur de Médecine , & de Médecin de l'armée & du grand Hôpital de Frédéric. 11 fe montra digne des bienfaits d'un grand Monarque , en cherchant à les reconnoître par de nouveaux fervices. Il avoir réuni de bonne heure le favoir à l'expérience : & ce qui paroît encore établir mieux fon mérite , c'efl qu'il n'en étoit que plus circonfpeft , qui n'eft pas dévoilée encore. M. ^enel remarque dans l'Encyclopédie , (6) à propos de la terre des os , qu'il manque à toutes nos phy- lîologies un chapitre de fecretione terra ojjen. Mais revenons à M. Tenon ; ce Sa. () Tom, Xr. [11$. sSC, • ««« A P P E N D 1 X. ' vant Académicien s'ed convaincu par fes expériences que les eaux minérales de Barege ""^ Vl.*^ '■ ^ & de Cautrcs reJuilent la plupart des pierres de la veffie en une cTpèce de glaire liijlpide , coulante comme le blanc d'œuf, ce qui prélcnte mi point de vue plus im« portJnt encore pour la pratique , que la diflblubilité des mêmes pierres par les aci- des minéraux; ccitaines pierres ont une' cfpèce d'enduit grailTeux qui les défend contre l'aftion des derniers ; M. Tenon fait leur enlever cet enduit par des moyei'S très-fimples , & les taire rentrer par conféquent dans la clafTe des pjcrres dont les acides opèrent immédiatement la dillblution ; il oblerve enfin qu'il pourroit bien y avoir du mécompte dans l'évaluation que le célèbre Halles a faite de la quan- tité d'air renfermée dans le calcul humain , piiifqu'il n'a point cû d'égard dans cette eftimation au canevas de la pierre , qu'il ne connoilibit pas , & qui le confu- moit dans la retortc. M. Tenon fe propofc de pouffer beaucoup plus loin Tes recherches fur les pier. res animales , & de les étendre en particulier fur les calculs biliaires ; il ne pa- roît pas que ces pieiTes ayent été encore examinées chimiquement avec une atten- tion fuftifante ; les expériences que M. Cadet a faites fur la bile des hommes & des animaux , & qu'il a communiquées à l'A adémie Royale des Sciences , fem- blent devoir répandre du jour fur les principes conftitua'ns de ces concrétions ; il réfulte de ces nouvelles expériences , que la bile eit un véritable favon , compofé d'une graille animale 8c de la bafe alcaline du fel marin , du fel marin lui-mê- me , d'mi fel elTentiel de la nature du fucre du lait , & d'une terre calcaire qui participe un peu du 1er (a). art^'jC'-^ article m. ^.. .. De glandulofo ovarii corpore , obfervationes Amhrojii BertRANDI. ''^'t'h-mat'ica' \T ^'^''^^ Anatom.ici obfervationibus deftituti de generationis opère parùm , aiit îbcîetaTis'mi- * "''"' intellexerunt ; atque in fumma rei obfcuritate pofteros vix aliquid elle intel- vatœTaurincn- lefturos , nifi potius modos operis fequantur , pêne defperandum eft ; haneiu! hanc fis , pro anno methodum primus amplificavit , quam ipfe quum fequcrer non niillas obreivationes cu- 1759- mulare contigit , quas modo nudas exponam. Primas inftitutœ funt circa corpora ovarium , ut vocant glandulofa ; neque de his que fatisvulgariafunt tranfribam. Quae- cour^^artlclè " '^^''^"' phyfiologi non nulli , an in virginibus intemeratis comperirentur , nec ita fa- XYI. ciiè , atque conftanter refpondebant anatomici. S.miotinus vero per conjefturam rem adeô invexit , ut virginum morbos aliquos uteri à priECOci St vchementi ipforu.n in- tumefcentia repctendns ciiè exiilimaverit. Cl. Morqagn.us rem maxime cohibuit , uî nullum hujufmodi corpus in virginibus, quod cnm ils nuptarum comparari polfet, numquam obfervavilîe fcripferit.( in Epift. ad me dat. die Xlli. Novembr. 1749- ) Kgo verô in puellis à decimo quarto ad vigefimum annum , quas non magis tranfafije vitae genus partium , quam genitaliii/n intemeraia integritas & plcnitudo , virgines deceffilfe indicabant, in ovariis ftigmata , feu granula qusedani obfervavi , quK corpo- rum glanduloforum rudimenta refeirent ; in aliis porrô ade6 perfeûa & turgentia vidi , ut totam amplitudinem fuam acquifiviffe facile putarem ; imo in robufta ik fucci plena puella hujufmodi corpus inveni , cujus pupilla gangrena elfet correpta , id- que totum fanguine atro oppletum. Corpora hujuimodi glandulnfa in puellis veluti in mafculis femen excitare credide- rim ; vcficulae feminales in his dilatantur , feminequç recens affluents replenwr ad ( d'inftant en inftant. Dans l'inftant 011 il eft formé , les petits corps font poulies vers la » pierre, il ceffe , St ils demeurent oi'i ils éroient ; il recommence, c'eftà-dire , qu'il » fort de la pierre lui nouvel écoulement de matière analogue à la magnétique , & cet » écoulement chaffe les petits corps. Il eft vrai que feion cette idée , les deux mouve- ij mens contraires des petits corps , devroient fe fucceder continuellement , ce qui n'eft 1) pas ; car ce qui a été chaflé n'eft plus enluite attiré ; mais ce qu'on veut qui foit >> attiré , on le met allez près de la pierre ; & lorfqu'enfuite elle repoulle le corps , » elle le repoulle à une plus grande diftance ; ainfi ce qu'elle a une lois challé , » elle ne peut plus le rappeller à elle ; ou ce qui eft la même chofe , fon » tourbillon a plus de force pour chailer en fe formant , que pour attirer quand » il eft formé. Foyej l'hijl. de l'Acai. des Sciences , ann. 1717. p. 7. £< fuiv. Tels font les premiers détails que nous ayons fur la Tourmaline. Depuis il en a été queCion dans deux écrits publiés en 1757; l'un eft un Mémoire de M. jï/'in , Profedèur de Phyfique , Membre de l'Académie Impériale de Petersbourg , qui a pour titre , de qitibuj'dam experimentis eleclricis notjtilioiibui ; il a été lu à l'Acadé- mie de Berlin (•) ; l'autre eft une Differtation de M. mtke fous le litre de DijF"- ratio folemnis philofoyhica de eleciricitatibiis contrariis. Roftochii 1757. Ces deux nl!- teurs nous difent qu'on trouve dans l'ifle de Ceylan une pierre tranfparente , pref- qu'auflî dure que le diamant , d'une couleur qui imite celle de l'hyacinthe , mais plus obfcure. Cette pierre eft connue en Allemagne Si en Hollande , fous le nom d'jj'mant Je cemircj ; mais elle s'appelle plus communément Tourmaline, la propriété fingulière de cette pierre , eft d'attirer & de repouller tour-à-tour les cendres qui environnent un charbon ardent fur leauel on l'a placée. Enfin M. le Duc de Noya-Caraffa , Seigneur Napolitain , auffi difiingué par fon goiit pour les Sciences, que par l'on rang, étant venu à Paris en J759 , apporta deua (») Voyez ce Mémoire fous Tannés 1756. Article XXII, lourmalmi I A P P E N D I X. 9 Tcurmallnts qu'il avoit acquifes dans Tes voyages. L'une , qui étoit la plus petite, l'el'oil fix grains; elle avoir quatre lignes de longueur fur trois de largeur, & à-peu. près une ligne dcpailleur. bile cioit entièrement opaque, d'un brun noirâtre ; fa lubftance paroilToit homogène , quoique traverfcc de quelques veines ou tcnaircs peu lenlibles ; le l'eu auquel cette pierre avoit été expolce avoir fait partir de fa luiface de petits éclats qu'on ne découvroit bien qu'à la loupe. Cette pierre peut être rougie au feu fans aucun rifquc , pourvu qu'on ne la rcfroidifle point trop fubitc, ment dans l'eau ou autrement. L'autre Tourmaline étoir plus grande ; elle pefoit dix grains ; fa longueur étoit de citiq lignes & un tiers ; fa largeur de quatre lignes & demie , & fon épailTcur de près d'une ligne. Sa couleur étoit d'ini jaune entumc ou de vin d'Efpagne , 6c lenoit un milieu entre le beau jaune de la topafe orientale , & la couleur brune de la topafe ou du criftal de Bohême. Cette pierre étoit fans défaut , à l'exception de deux glaces que le feu des expériences y avoit formées. La dureté de ces deux pierres étoit la même que celle du criftal de roche , de l'éméraude , &c du faphir d'eau , que les Lapidaires mettent au rang des pierres tendres. Leur poli eft gras; elles rayent le verre; elles n'ont ni goût ni odeur; la plus petite avoit plus de vertu que la grande. L'Auteur de l'Oryclolcgie , donné à cette pierre le nom de Turfeli-e , & dit fans aucun fondement , que c'cft une ef- pèce d'izil du chat. M. ^pin attribue à cette pierre la durcts du diamant ; ce qui eft contredit par ce qui précède. M. le Duc de ^'oya a fait un grand nombre d'expériences avec ces deux pier- res en préfence de plufieurs Curieux ; voici en peu de mots les réfultats de ces expé- riences , dont les unes prouvent la conformité de la tourmaline avec les autres corps éleftriques , & les autres prouvent que cette pierre a des vertus qui ne lui font point communes avec ces corps. La tourmaline étant frottée avec du drap , attire & repoufle les corps légers ; mais fes effets fonr plus forts lorfqu'on la pofe fur des charbons ardens , ou fur des métaux cchaufles , ou dans de l'eau bouillante , ou à la chaleur du foleil concen. trée par un verre ardent ; une chaleur trop grande , ainfi qu'une chaleur trop foi- ble , nuifent également à fa vertu clcftrique. Celle qui rienr le milieu entre ces deux extrémités , & qui s'étend depuis le jo'= jiUqu'au 70" degré du thermomètre de M. de Riaumur , cft la plus convenable pour lui donner toute la force éleflriquc dont elle eft fufccptible ; le mieux eft d'étendre une couche de cendre fur des char- bons ardens , ou fur une plaque de métal rouge ,•& de placer la tourmaline fur cette couche de cendre. Si on met la pierre dans l'eau bouillante , lorfqu'on la retire, elle eft trop promptemenr refroidie pour pouvoir produire fes efléts. Quanr à la chaleur du verre ardent , elle eft trop fubire , ik merrroit la pierre en rifque de fe calTér. La tourmaline échaurtée convenablement , attire Se repoulTe les corps légers , tels que les cendres , la fueille d'or , la limaille de fer , la pierre en poudre , le verre pilé , le fablon , la poudre de bois , le charbon pilé , la foie fufpendue , &c. Les diftances de l'attraflion Se de la répulfion , varient fuivant le degré de cha. leur qu'on a donné à la pierre , £< fuivanr les coips légers qu'on lui préfenre ; mais la diftance de la répulfion eft roujours plus grande que celle de l'artraftion. La répulfion dépend aufli de la figure des corps qu'on lui préfente , £* de la façon de les préfenter. Cette pierre trop échauffée n'a plus d'élearicité. Sa vertu agit de même que celle des cylindres éleftriques au travers du papier. Elle agit au bout d'un conduftcur métallique , c'eft-à-dire , au bout d'un fil de fer dont un bout eft placé fur la tourmaline échauffée. Elle n'a point de pôles comme l'aimant, non plus que tous les corps éleftriques. Tom. Il, • • « • » A 11 T 1 c L s 10 A P P E N B I X. Elle rejette plus vivement les paillettes aux endroits où l'on prcfente les pointes.. Sa vertu n'eft point altérée par l'aimant; ces phénomènes de la tourmaline hai IbnJ communs avec les autres corps élcftriques; mais elle en iift'ére par les points fuivans. 1°. Elle s'éleflrire par la feule chaleur , & par ce moyen elle devient beaucoup plus éleftrique que par le frottement. 1°. Etant éleftrifce, elle ne devient point phofphorique, 8t ne donne point d'étin- celles élcftriques. 3°. Elle s'éieflrifc même dans l'eau. 4". Elle ne perd point fa vertu éleflrique par les moyens qui la font perdre à la machine éleftrique. 5". On ne lui communique point l'élcftricité comme aux autres corps éleftri- qucs. 6". La tourmaline , au lieu d'être repoutTée par un tube éleftrifé , en eft attirée. ' 7°. Deux tourmalines fufpendues à des fils étant échauffées , s'attirent mutuelle- ment , au lieu de fc rcpoulfer comme font les autres corps éleftriques. De ces expériences M. le Duc de Noya conclut que la tourmaline eft un corps éleftrique qui s'éleftrife par des moyens ditî'érens des autres corps éleftriques ; que fon éleflriciié eft diftérente de la leur ; qu'elle eft fenfible , comme la vertu magnétique , à l'aftion de leur éleftricité , fans s'en charger, fans perdre la fienne, & fans leur faire perdre la leur ; & par conféquent que cette pierre diffère en cela de tous les autres corps éleftriques connus. Tous ces détails font tirés d'une Lettre de M. le Duc Je Noya . Caraffa , fur la Tourmaline à M. de Buffon , que ce Seigneur a fait imprimer 6c publier à Paris en 1759. L'on y trouvera un grand nombre d'autres détails que l'on a été obligé d'omettre , de peur de trop allonger cet article , où l'on n'a rapproché que les chofes eiïentielles contenues dans cet ouvrage. Article de M. le Baron à'Olbach. — 5»= «sî^ =«a Article VI. ARTICLE VL Sur la nielle des Bleds, Voyez Msm. p z les A ^''^^ l'élude des maux qui affligent le corps humain , rien de plus intéref- . 210. m\. fant pour nous que celle des maladies qui attaquent les plantes dont nous lirons immédiatement notre fubfiftance : cette étude , toute importante qu'elle eft , avoiî été extrêmement négligée jufqu'à ces derniers tems ; ce n'eft qu'envirorî depuis douze à quinze ans , qu'on s'en eft occupé avec toute l'ardeur qu'elle mé- rite. M. Glediifch , qui a peut-être la gloire d'avoir ouvert la carrière , nous fait efpérer une fuite de Mémoires , qui ne peuvent manquer d'être très-intéreflans , fur les maladies dont il s'agit ; & , en attendant qu'il puiffe acquitter complette- ment fa promcflè , il commence par nous donner des obfervations très. importantes & très-détaillées , fur l'une des plus confidérables , qui eft la nielle des bleds ; ces obfervations ont été fuivies avec la plus grande exadtitude , pendant quatre à cinq années confécutives , par notre Académicien. Nous nous étions d'abord propofés de placer ici un extrait fort détaillé de l'ex- cellent Mémoire de M. GieditJ'ch fur cette matière , mais tout confideré , nous avons cru devoir fubftituer à cet extrait , auquel la lefture même du mémoire fnppléera facilement , ce que le célèbre M. du Hamel nous a donné fur cette ma- ladie des grains dans fes EUmens d'agriculture (a). Ce morceau , écrit avec touts ( a ) î. Vol. in-n, Paris , 1761. A P P E N D î X. ir b netteté & la prccifion poffiblcs , prcfentc le rcfulrat des obfcrvatloas les plus XTtTTL 7 rccemcs ùir la nature , les caiifes , &t. les prclervatits de la nielle. Nous avons été y I. charmé de l'accord qui règne Couvent entre ces obrervations &: celles de M. CUditfch , qui paroiHent leur être antérieures ( * ) Se qui ne font pas aulTi con- nues , du moins en France , qu'elles méritent de létre. Laillbns mainten'^nt parler M. du Hamel. Il y a ici trois points à confiderer , dit ce grand !k utile Pliyriticn : les caraftércs de la nielle , fcs caufcs , & les moyens de la prévenir. 5. r. Caractères de la Nielle, Dès 1751. Nous avons obfeivc dans la nielle proprement dite les caraflères Eieip. d'Agrî- fuivans. culture , tom. i". Cette i^aladle détruit totalement le germe & la fubftance du grain. !• 'jv. lU, 1^. Elle n'aftcfte pas l'épi feul , toute la plante s'en trouve un peu aftcûée , <="■ '• quand elle a tait un grand progrès. 5°. Il efl très-rare lorfqu'un pied en eft attaque , de trouver fur une des talles qui en dépendent un épi qui en foit exempt. 4°. Dès le mois de Mars ou d'Avril , en ouvrant avec attention les gaines qui enveloppent l'épi , & en examinant le petit épi , qui n'avoit alors que deux lignes de longueur, &c qui étoit tout auprès des racines , j'ai trouvé cet embryon déjà noir Se attaqué de cette maladie ; il le peut faire que dans d'autres pieds la mala- die les attaque plus tard. 5°. Quand l'épi attaqué fort des enveloppes que lui forment les feuilles, il paroît • menu Se maigre ; les enveloppes communes & propres des grains font tellement alté- rées &i amincies , que la poullière noire fe manifefte au travers ; & dès lors , on ne trouve à la place du grain , qu'une poullière noiie & de mauvaife odeur , qui n'a nulle confidance. Comme les grains de cette pouffière ont peu d'adhé- rence entr'eux , &c comme les enveloppes font détruites , cette pouffière eft faci- lemeni emportée par le vent, &c lavée par la pluie, de forte qu'on ne ferre com- munément dans les granges que le Iquéléie des épis ; St. s'il refte quelque impref- fion de cette pouffière , elle eft aifément emportée par le crible , 8c il ne nous a pas paru que cette poullière fut contagicufe comme celle du charbon. M. Titlet a obfervé aulïï qu'on trouve foiivent les épis corrompus dans le four- reau , quoique ce fourreau , qui paroit verd & bien formé , ne lailfe Ibiipçonner aucun déperilfement. Le haut de la tige des pieds niellés , à un demi pouce au- delfous de l'épi , n'eft pas com;nunément bien droit. Si Ton prelTe la tige en cet endroit , elle refiftc , &c ne s'allaiflé prcfque pas. Si on coupe cette tige deux eu trois lignes au-deffous de l'épi , on la trouve prefque entièrement remplie de moelle ; de forte qu'on n'apperçoit au cœur de cette tige qu'une très-petite ou- verture , au lieu que cette ouverture eft grande dans les tiges faines : M. Tillet n conclu de cette difpofition , qu'il y a un engorgement dans le haut de la tige des pieds niellés. Les fromens barbus font auffi fujets à la nielle que ceux qui font raz ; mais ni M. Tillet ni moi , nous n'avons trouvé d'épis de fcigle niellés. {*) M. GUdhfch a commencé f«s obfsrvatlsns fui U nielle en 1747. % les i continuée» iufqu'en I7;2. »* % ♦ ♦ [j Article YI. îi A P P E N D I X. $.11. Recherches fur les caufes de la nielle, La nielle ne peut être produite , comme on l'a cru jufqu'à préfent , par ua défaut de fécondation , puifqu'elle aftefte & détruit les organes des deux fexss long-tems avant le tems de cette fécondation. _ .... On ne peut pas l'attribuer à l'eau qui s'arrête fur les cpis , m aux brotnllards , ni aux coups de foleil ; puifque nous avons vu les cpis niellés bien avant qu'ils fuHent dégagés des enveloppes que leur fournilTent les feuilles , qui redent vertes quand la maladie n'a pas encore fait un grand progrès. Ces mêmes obfervaiions détruifent abfolument l'opnuon de ceux qui Ce perfua- dent , que la caufe de la nielle fe trouve dans les grains déjà formés , mais qui ne font encore qu'en lait. .,■„„■ On a prétendu que l'humidité du terrein occafionnoit la nielle. Mais on ne voit pas qu'il y ait plus de nielle dans les parties balles des pièces , que fur les parties les plus élevées ; d'ailleurs , pourquoi trouveroit-on un pied malade entre plufieurs auties fains ? Cependant comme il paroit que les grains font plus attaqués de la nielle dans les années humides, que dans celles qui font feches , il pourroit fe faire que l'humidité ne fût point une caufe prochaine de la nielle , mais feulement cu'elle feroit plus favorable que la féchereffe aux progrès de cette maladie. ' Quelques Phyi:cicns ont attribué cette maladie à des infeûes : fi je ne fuis pas antorifé à le nier abfolument , je puis au moins alTurer qu'ayant d'abord été de ce fentiment , toutes les recherches que j'ai faites pour me mettre en état d'en établir la réalité ont été inutiles. Quelques obfervateurs m'ont bien fait remarquer des ftaphylins & quelques autres infeftes dans les grains niellés ; mais comme j'ers irouvois auffi de femblables dans des épis fains , je crois , comme M. Tillet que ces infeftes ne font en aucune façon la caufe de cette maladie. Nous favons que la chenille des grains en dévore la farine, mais ehe n'oceafionne point la nielle. Quantité de mouches dépofent leurs œufs dans ces lemences;les vers qui en naiflent rongent ces femences», mais on ne voit pouit qu'ils occa- fionncnt rien de comparable à la nielle. ... M. Halles voulant vérifier fi les grains mélirtris par le fléau pouvoient devenir niellés , choifit pour s'éclaircir de ce fait , un certain nombre de grains de diftérentes grofleurs, &. les meurtrit avec un marteau. Ces grains germèrent , & rapporte- rent des cpis qui n'ctoient point niellés ; la propre expérience de cet habile Phy- lîcien détruifit ainfi l'opinion qu'il s'étoit formée de la caufe de cette maladie. Plufieurs cultivateurs ont cru que le fumier de pigeon & celui de brebis occa- fionnent la nielle , mais c'eft fans aucun fondement .- nous avons de grands colom. biers dont nous faifons répandre le fumier fur nos terres à froment ; on y répand aufli le fumier de nos bergeries , &t no-s faifons même parquer nos moutons ; cependant on ne remarque pas que ces ch nps foient plus infeftés de nielle que les autres ; c'eft donc une allégation abfolument dénuée de preuves. M. tVolf a cru que la nielle venoit d'une monrtruofité de l'embryon ; mais M. Aimen a détruit ce fentiment, en faifant remaïquer qu'on voit dans certains gen- res de plantes , des fleurs mâles attaquées de la nielle ; or ces fleurs n'ont point d'embryon. ... M. Âimen a remarqué très-judicieufement , que la nielle ne peut tirer Ion prin- cipe du vice de » f«ve , puifque toutes les parties de la plante , excepte l'epi , pa- roiffent faines , & qu'il y a des plantes vivaces par leurs racines , qui fe momrenl yigoureufes , quoique tous les ans leurs femences foient niellées. A P P E N D I X. n Le mêrtie obfervstcur , qui a fait des recherches très.ruivies fur la nielle pro- ^i^ ^ ^ i c l a premciit dite , p-étcnd que cette maladie provient d'un ulcère qui attaque en pre- y i^ mier lieu les fiipporis des icrr.ences , &c qui fc communique enfuite aux dilîcrentes parties de la fleur ; mais, dira t on , quelle eft la caule éloignée qui produit cet uicere ? Pour parveuir i découvrir cette ciufe , M. Âimen a examiné avec une loupe plufieuis grains d'orge : les uns cîoicni plus gros que les autres ; il y ^n avoit de fort durs ; d'autres ccdf ;cnt à la preiVion de l'ongle : leur couleur éioit tantôt plus foncée , £< tantôt plus claire : il en voyoit d'jUongés & d'autres plus ronds : leur écorce ctoit quelquefois gercée en pkifieurs endroits , au lieu que dans l'état natu. rel elle ert unie ; enfin à quelques-uns il appercevoii des tâches noires , Se à la loupe ces tâches Pc montroient couvertes de moifilfures ; ces grains furent exafte- ment triés , mis par tas & femés à part quoique dans un mcmc tcrrein. Tous les grains chargés de moifiuuies produifircnt des épis niellés ; les grains retraits , échau. dés , attaqués par les infeéks , ou ne levèrent point , ou ne produifirent point de ni-elle. Il choifit enfuite de bons grains ; il les femn , & quelque tems après il les tira dg terre pour les examiner de nouveau à la loupe : il trouva de la moifilTure fur quel, quesuns , qu'il remit en terre ; ceux là fournirent des épis niellés. M. Aimen , fans prétendre qu'il n'y ait que cette caule de la nielle, a conclu des expériences que je viens de rapporter , que la moijijjure ejl une des caufes de la nielle. Il eft bien difficile de concevoir que cette moifilTure , ou , fi l'on veut , cette efpèce de moulle , puilTe produire cette maladie ; car fitôt que le grain a germé , & qu'il a produit fa phmte , toute la fubftance du grain fe trouve conlbmmée. Que les enveloppes moifiircnt ou non , il femblc que ce font des circonfiances trqs-in. différentes à la plante , qui alors ne fubfifte plus de ce que la fcmence lui avoit fourni jufques-U'i. On conçoit bien que fi cette moifilïïu'e attaquoit la plante, elle pourroit ou la fdire périr , ou la rendre chétivc. Mais on n'imagine pas comment cette moifilTure affefte uniquement les organes de la fruftification , & les détruit totalement , fans que les aunes parties delà même plante en foient fenfiblement affeftées , même quand les plantes font vivaces. Au refte , M. Aimen rapporte des faits ; & pour en rendre raifon , on pourroit conjefturer , en fuppofant que l'ac. croifieraent des plantes n'eft autre choTe qu'un développement des parties ; que les organes de la t'ruflifi;arion qui exiftent d'une façon imperceptible dans la femen, ce , étoient déjà attéftss de la moififiiire avant que les grains luiTent en terre. Mais tenons. nous-en aux faits bien obfervés ; il eft plus important d'en radémblcr que de fe hâter de les expliquer par des conjefturcs qui jufqu'à préfent font peu vrsU femblablcs. §. I I I. Moyens de prévenir cette maladie. Pour prévenir cette maladie , M. Aimen eft d'avis que l'on choififTe pour la fé, mence le pius beau grain , le plus mur , qu'on le batte fans différer , & que fur le champ on le palTe à la chaux, foit pour empêcher , dit-il , qu'il ne s'y forme de la moifilTure , foit pour détruire celle qui feroit déjà formée. Suivant ce. princi- pe , la Icffive que M. Tillet a propofée feroit également avantageufe pour prévenir la nielle & le charbon , nous n'ajouterons rien aux confeils de M. Aimen , n'ayant pas autant étudié la nielle proprement dite , q;ie la carie ou le charbon. Comme cette dernière maladie eft bêaHcoup puis funefte que l'autre , elle a principale 14 A P P E N D î X> ment fixé notre altcntion. Stiivant quelques expéiiences de M. Tlllet, il ne paroiî ■ pas que la pouffière noire de la nielle proprement dite , Ibit contagieule ; & nouî parlerions plus affirmativement fur ce point , li nous avions pu ramalTér une alVez grande quantité de cette poulilère noire : mais , comme nous l'avons déjà dit , le vent &c la piuie emportent cette poulRère , on n'en trouve que très-peu dans les granges. Nous invitons ceux qui voudront contribuer aux progrès de l'agriculture , à taire de nouvelles épreuves , poiu- s'alilirer de la réalité de la contagion de la nielle ; mais nous les avertirons de fe garder de confondre la nielle proprement diie avec le charbon. Cet!,e confuCon a jette en erreur jiaqu'à prcfent plufieurs Phyn. ciens. S^J L-^ : ■■ :Sl^.-=^;=^=== ^-=^ ARTICLE VII. Article VII. Vcy. le Sun- /^ Stéocolle ( iïi/?. Nat. ) C'eft ainfi qu'on nomme une fubflance folTile , qiii plement pour V-' refTcmble parfaitement à des racines d'arbres pétrifiées. Elle efl ordinairement l'année 174S. inégale & raboteufe , d'un blanc jaunâtre , cependant dans quelques parties elle eft quelquefois blanche comme de la neige , tandis que d'autres parties font grifes ou noirâtres. Cette fubriance ne fe trouve que dans des terreins arides &i fablonncux ; elle eft d'une forme cylindrique ; on en trouve depuis la grofieur d'une plume , jufqu'à telle du bras ou de la cuiffe. Le tilTu de cette fubftancc eft moins compare au cen- tre que vers l'extérieur ou l'écorce ; quelques morceaux paroiiVent avoir leur centre rempli de petits trous comme l'intérieur des os. Les gros morceaux ou racines ont rrroins de confiftance £*. de folidité que les petits. En général VOfliocolle ell tendre £c fragile tant qu'elle eft en terre , ce qui fait qu'on a beaucoup de peine à la tirer en grands morceaux, mais elle acquiert de la confiftance lorfqu'elle a étéexpofée à l'air. Les Naturaliftes ont été très-embarraffcs pour connoître la nature & l'origine de VOfléocolle ; quelques-uns l'ont prife pour une concrétion fpathique , d'autres l'ont regardée comme une efpèce de tuf ou d'incruftation ; d'autres ont cru que c'étoit des olfemens calcinés ou pétrifiés à caufc de fa forme & de fon tiflli. Ferrants Im- perato en a très-bien jugé, lorfqu'il a dit que c'étoit une racine changée en une pierre tendre & mêlée de fable. En effet , cela eft conforme aux obfervations & aux expé- riences les plus récentes qui ont été faites fur VOftéocolle ; elles font dues à M. G/e- ditj'ch de l'Académie de Berlin ; il a examiné cette fubftance , qui fe trouve très- communément dans la Marche de Brandebourg , fit le célèbre M. Margraf en a tait i'analyfe chimique, (a) D'après ces obfervations il paroît conftant que VOfléocaUe a été formée par des raci- nes d'arbres , qui , après s'être pourries dans le fable par riuimidiié , ont été rem- plies peu-à-peu d'une terre calcaire , femblable à de la craie ou à de la marne , mêlée de fable, à qui ces racines pourries ont fervi de moule. Ce qui conftate ce fentiment d'une manière indubitable , c'eft un fait rapporté par M. Gleditfch. Lorfqu'il s'occupoit à chercher de ï'OftéocolU , il vit un pin placé fur un lieu élevé ; les eaux avoicnt entraîné une partie du terrein fablonneux qui couvroit fes racines , dont plufieurs étoient à nud par un côté ; ayant eu la curiofité d'examiner ks racines par le côté où elles étoient encore enfoncées dans le fable , il trouva qu'une de ces raci- nes, de la grolfeur du bras , U tenant encore au tronc , étoit changée en OJléocolle , & que la partie ligncufe pourrie & changée en terre étoit rcftée au centre. Ce fait efl propre à lever toutes les objeftions, puifqu'il prouve la pétrification d'une racine enfévelic dans le' fable, & qui tenoit encore à l'arbre vivant. D'autres obfervatiODS (o) Fôyej cette analjfe k la fuite ,du Mémoire de M. GUdi'fifi, . ^ A K T l C L < A P P E N D I X. is ont conv 'ficu M. Gleiitfch de plus en plus de cette vdriié ; il a trouvé des OfiiocolUs, dans Icfquelles la fubftaiice ligncufe ctoit encore mêlée avec U lubftance terreufe ou '* "^vii picrrcuftf. Toutes ces obrervations font confirmées par les expériences que M. Margrafa faires fur ïOjléocolle ; elles prouvent qu'elle ell compolëe d'une pierre cakaire , d'un Table fin , & de particules de végétaux pourris. M. Beurer de Nuremberg a aufli examiné VOJtéocolle avec beaucoup d'attention ; fes oblervations s'accordent parfaitement avec celles de M. Gleiitfch , excepté qu'il foupçonne que cette fubftance eft produite par les racines du peuplier noir , vu qu'il apperçut une branche djlfécliée, & un rameau encore verd adhérent à un peuplier noir , dont la partie fupérieure étoit encore du bois , & dont la partie inférieure etoit changée en OjléocolU. yoye\ les tranfaft. philofoph. n°. 476. _ Les Naturaliftes ont donné une infinité de noms diftërens à cette fubftance qu'ils connoiU'ûicnt fi peu ; il eft à propos de les rapporter pour pouvoir entendre les dif- férens ouvrages qui en ont parlé : ils l'ont appcllée Ojleocolh , ojleitei , lapis ojjlj'ragus , osfinia , ojjifana , laps morochius , hammojhus , enofleos , kotojleus , ofeoliihus , Jlele- ckites , lapis afiaticus , lapis fihuhfus , lapis l'pongiie, cyjleolithus , fojjile arborefceni. La plupart de ces dénominations font fondées fur la refl'emblance que cette fubftance a avec les os , ou fur la prétendue vertu qu'on lui a attribuée de fervir à confolider St à faire reprendre les os frafturés ; c'eft pour cela qu'on l'appelle aulli pierre des lompus-, ou pierre des os rompus. On fent aifcment que ces vertus font imaginaires ; ccpendanç VOjléocolle occupe encore une place dans la boutique des Apoticaires d'Allemagne , qui fouvent lui fubftituent du gypfe ou du fpath. Encyclop. tom. XI. Article de M. le Baron à.'Olbach. m —- — ==^sg=^ = D lui a Art I c l 5 ARTICLE VII L Vlii. Sur la couleur des Kégres. Extraitdel» ° thffcrt. de M. Epuis M. le Cal M. l'Abbé de Minet nous a donné à la fuite de fa nouvelle hif- ^^^^^^^ f' ^'■'■^ toire de l'Afrique Krançoife , hiftoire très-intéreifante & digne de l'accueil qu'on ""^^ " ^V" '°^ fait, une ample diiTertation fur la caufc de la couleur des nègres , dont nous allons gtej. ^ placer ici les traits qui nous ont paru devoir être le plus particulièrement remarqués. C'eft l'Auteur lui-même qui parle toujours dans ce qui fuit ; nous prendrons feulement ^oy- le DlTc, ]a liberté d'y joindre quelques petites remarques en noies. p. lx. &fttiv« Les recherches , les obfcrvations , & les découvertes que j'ai faites en Afrique , dit M. l'Abbé de Manet , fur urte matière qui n'a été traitée jufqu'ici que fur des princi. pes étrangers , font trop intéreflanies pour les enfévelir dans l'oubli, (a) Il attribue à l'imagination des mères les queues de finge des hafaitans de l'iUe de Bornéo. (!>) Il eft hors de doute qu'une progéniture de nègres 8c de négrelfes en Europe , re- (») M. l'Abbé dt Manu a eu raifon de ne pas condamner fa diflTertation à roub!i ; mais il nous a paru qu'il ne s'eft pas piqué de rendre une juflice exa^e à 4eux qui l'ont précédé dans la re- cherche des caufes de la couleur des nègres , & Tur-ioat à M. le Cji , qui a traité fi fupérieute- ment ce fujet. Si nous en croyons M. l'Àbbé ile liUntt on ne l'a traité jurqu'à lui que fur des principes étrangers : il eft certain néanmoins que l'opinion pour laquelle il fe déclare eft l'opi'. nion la plus commune ; elle a été adoptée par M, Ac Buffon , & par une foule d'autres Ecrivains, Avant que M. l'Abbé de Manet s'occupât de cette queftion. (t) Si cette queue eft commune à tous les habitans , il eft diffic'Jç de croire que cet effet 4 génétal doive ètt« uniquement aiii'ibué à rimaginatioo. i6 A P P E N D I X. prendroit fa couleur naturelle , & redevieiidroit blanche ; le fait efl c(5',.flaté paf ^ l'expérience, (a) Les enfans des Portugais établis en Afrique feulemerit" depuis tjii. étoient telle, ment métaraorphofés , que i' Auteur eut d'abord de la peine à les diftinguer de ceuK des nègres. La race des nègres blancs en Afrique eft entièrement fuppofée , il n'y a pas mê- me un feul individu de cette couleur , & fi cette race blanche comme du lait exif- loit , ce feroit encore l'effet du climat. (,'') En Mofcovie Se en Pologne les ours, les loups, les renards font blancs en hiver, &c rouges en été. Les Sarraiins qui envahirent l'Afrique dans le VIP. fiécle , & les Portugais qui S'y font établis dans le XIV^. y font devenus noirs. Il arrive aflèz fouvent que dans le nombre des noirs , il fe rencontre un blanc qui conferve fa blancheur pendant un tems , enfuite duquel il clevient bafané , & pref- que mulâtre. La diD'érence des figures dépend uniquement des coutumes locales , St de l'imagU nation des mères, (c) Les nègres ont le delfous des pieds auffi blancs que les nôtres , les lèvres aulll ver- meilles , £c le fang de même couleur que celui du Parifien. On n'a eu jufqu'ici aucun principe fur , clair , £* bien établi fur cet objet fi inté- reflant. L'Auteur ne veut pas qu'on recoure à l'imagination des mères pour expliquer la noirceur des nègres , d'après l'expérience des moutons de Laban. En vain dira-t-on , que divers Anatomilles ont remarqué que le corps muqueus des nègres étoit noir , Se qu'il étoit donc la caufe 8<. le principe de leur noirceur ; en accordant gmtis les prémices , je nie avec raifon la conféquence. {d) Il eft avoué par tous les Anatomiftes que le fang , la lymphe , & la bile ont la même couleur chez les nègres que chez les blancs, (e) L'Auteur après avoir accordé gratu que le corps muqueux eft noir chez les nègref , ne lailîè pas d'attribuer fa noirceur aux influences du chmat , du ferein , & du foleil. (j) Le fait eft vraifembUble , mais cft-il ruffiramment conftaté , & a-ton jamais vu de nègre devenir blanc autrement que par une difpofition maladive ou accidentelle ? (i) Çb) Le climat produitoit donc en même tems le blanc & Is noir, c'eft-à-dire , les deux extrê- mes en fait de couleur ? Cela n'eft guère probable. (c) Cela nous paroît plus aile à dire qu'à prouver, & nous croyons qu'on ne peut fe difpenfer de joindre aux deux caules alléguées par l'Auteur , l'influence fi paillante de la nourriture âc du climat. (li) Il eft fingulier que M. l'Abbé de Manit , qui probablement n'a jamais vu la peau des nègres que par les dehors , jefufe d'en croire les plus grands Anatomiftes , tels que Liitrc , It'inf- low , AlUnus , Meckel , h Cal , Camper , &c. fur la couleur du corps muqueux dans les nègres j il leur accorde , comme par grâce , qu'il eft noir, & en l'accordant, il ne veut pas qu'on en conclue que ce corps noir eft la caufe de la noirceur. La conféquence eft cependant direfte & nécef. faire j on ne peut la contcfter que par un petit mal-entendu qu'il eft bien aifé de faire difpa- roîire. Le corps muqueux eft inconteftablemenî le fiége ou le fujet immédiat de la couleur des régres. Mais qu'eft-ce qui le colore lui-même ? Eft-ce une qualité inhérente à la conftitution des régres , ou fimplement l'effet du climat , ou de quelqu'autre caufe locale ? Cette queftion , com- me on voit , a deux membres , que M. h Cat a très-nettement diftingués ; il iniîfte peu lur le der- nier , c'eft-à-dire , fur la recherche de la caufe primitive ou éloignée , pour parler le langage i?es Médecins , mais beaucoup fur celle de la caufe prochaine ou immédiate , qui étoit fon objet capital. («) 11 s'en faut bien que cela foit avoué de tous les Anatomiftes , du moins pat tappoit au fang(i}. (i; Toy. le Difc. pag. LXX. (i) Yoy. U Difi, mu de la pce. LXXYI. A P P E N D I X. 17 Ci le corps muqueux eft la caufe de la noirceur des nègres , i! en feroii de même 7^ 77 dans les blancs , les bafancs , les cuivreux , les olivâtres, les demi noirs. Il faudroit "^vi'n. qu'il fût de la couleur de chaque individu ;cr, c'cft ce qu'aucun Anatomifle ne prou- vera jamais, (a) Les brûlures & les cicatrices demeurent blanches pendant toute la vie du blcfle ; ce tcms ne luftit pas pour les noircir , ce n'cft donc point le corps muqueux qui co. lorc les nègres , il répareroit bien vite cette perte, (fr) On voit quelquefois un ndgre &c une ncgrclTe donner un enfant blanc , & qui refle tel , quoique ia ncgrelTc n'ait jainais vu de blanc , (c) & que par conféquent l'on itna- gination n'ait pu circ frappée , autre preuve que le blanc eft la couleur primitive des hommes. N'importe fi l'on voit fortir de deux blancs une progéniture noire , cela n'arrive que par l'imagination des mères vivement frappées par la vue d'un nègre , ou par un accident fortuit. (,d) Il n'y a parmi les nègres aucun peuple blanc comme le lait. Pour être mètamor- phofè en noir , il faut plufieurs générations confécutivcs de père en fils fous I3 Zone-Torride. Il eft connu à tous ceux qui ont obfervé ou obfervent les nègres dèpaiTès , qu'en dix ans de tems ils perdent confidérablement de leur noirceur , & qu'à la fé- conde génération les ims n'ont plus que la couleur de cafté & de marron , les autres que celle de demi noir. Dis la dcuNiéme génération les nègres en Amérique ne font plus que demi noirs , en comparaifon de ceux qui font fous la Zone-Torride. Les habitans de la Baye de Hudfon font noirs , quoique fous un climat auffi froid & aulïï léptentrional que l'Angleterre ; mais ce cas a des caufcs particulières , Se rentre dans les principes de l'Auteur. Dès la cinquième génération les Européens tranfportés en Afrique font entière. ment noirs. Pour parvenir du blanc au noir , il faut quatre Se même cinq générations , & pour palTer du noir au blanc i! n'en faut que trois, (e) Si la noirceur ètoit naturelle aux nègres , ils en auroient la teinture, par-tout le corps. (/) (a) Et c'cft pciurtant ce qu'on peut regarder comme prouva dès à pr^fent. (>) Il ne pourroit point la réparer , fi les petits tuyaux nerveux & liquoieux qui verfent la li- gueur noire , que M. U Car appelle txihwps animal , fe trouvoicnt détruits ; or c'eft précifement ce qui arrive, fuivant M. le Cit , dans toutes les plaies & les brûlures un peu confidérables {\). (c) Le fait eft-il bien fur? J'avoue que j'en doute unpeuj'je doute, dis-je , que jamais né- greiTe ait fait un véritable blanc , fans avoir eu commerce avec un blanc i je ne parle pas d'un blanc couleur de lait , parce que ce blanc eft , dit-on , une dilpolltion maladive , one vraye dé- génération fa). {(i) On peut dire à M. l'Abbé de Manet que ce n'eft aufti que par un accident fortuit qu'une né- greiTe accouche quelquefois d'un blanc , fi tant eft que le fait foit vrai , & que ce fait ne conclut rien par conféquent en faveur du blanc , regardé comme la couleur primitive du genre humain. (e) La régie que l'Autenr établit ici cft-elle fondée fur la comparaifon d'un afl"ez grand nom- bre de faits bien avérés ? Il nous dit lui-même que les enfant des Portugais qui ne font établis en Afrique que depuis 1721. étoient déjà fi noirs, qu'il eut d'abord de la peine à les diftinguer des nègres. (5) (f) Nous n'en voyons pas la nécefiité ; & n'y a-t-il pas dans les blancs mêmes certaines parties tqui font naturellement noires , exclufîvement aux autres , telles que U choroïde, les glandes bron- chiques i Sic. ' ^^y^-*^»^p^>«^^i»— I II I ■ I (i) Voy. U Difc. pal. LXIX, (1) Voy. le Difc. Ibi'd. X (3) "^'"y- 'i-degus pag. li, . Tem. II. •«•••• i8 A P P E N D I X. Article I ^- A R T I C L E I X. Mëm. de II S'ur l'encre de la Sèche. Socictë Roy. de Montpei. | L ne m'a pas été poflible de développer les filtres & les routes par Icfquelles cette tom.l.p.îjS. 4 liqueur noire cil portée dans la veffie qui la contient. Quelque foin que je me fois donne pour obferver cette partie , même après de longues macérations dans Voy. le Difc. tjij^'^j-entes liqueurs , ;e n'ai pu abfolument en voir la ftrufture , à caufe de fa couleur V\v '■"'^ noire qu'on ne fauroit eft'accr , Si qui en empêche l'obi'ervation. 11 y a apparence que cette liqueur eft filtrée de la même manière que quelques liqueurs du corps humain qui le ramafTent dans certains réfervoirs , comme la morve , par exemple , qui eft filtrée dans les finus fourciliers , fphénoïdaux , & maxillaires ; il y a donc heu de croire que l'encre de la feche fe fépare dans un filtre glanduleux , répandu dans la fubftance même des tuniques de la veffie noire , &c qu'elle eft verfée dans fa cavité par une infinité de petits tuyaux qui échappent à la vue. C'eft fans doute le long féjour de cette liqueur dans cette même veffie qui lui donne la confiftance épaifl'e qu'elle a , de la même manière que la bile humaine s'epaiffit par fon féjour dans la vé. ficule du fiel. Extrait du Mémoire de M. Lamorier , Jur l'anatomie de la Sèche, — - ^S^ =jas>^>~ I ~^r^ ARTICLE X. Hift.de la So- Sur le pouvoir de l'imagination des mères fur le fatus. Moripel. 1. 1. T A queftion a-t-elle été fuffifamment éclaircie , 8c peut-on enfin fe hazarder à _!a j). 100. & loi. !_, décider? L'Académie de Petersbourg ne le croit pas. En couronnant deux piè- ces , dont l'une admet l'influence de l'imagination des mères , que l'autre rejette for- Voy. le Difc. mellement , elle a fait voir en dernier lieu qu'il étoit prudent de ne rien prononcer. pag. Ljtx. Nous croyons qu'on doit imiter cette fage retenue. Nous ajouterons que fi le tems Nous pouvons conclurre , je penfe , de l'extrait que nous venons de donner de la dilTertalion de M. l'Abbé dt Manct , & de la lefture entière de cette pièce , que quoiqu'elle mérite à bien des égards les éloges qu'elle a reçus , (t) l'Auteur paroît entièrement étranger à l'Anatomie , puif- l'mrait qu'in a dfnni (t Journal Mj Sil»'ii J" 'Pi' t R T I CLE A R T ; c AP P E N D I X. 19 amené enfin une dccilîon , ce no fera qu'après nous avoir éclairés par un nombre fuff.iiint de faits inconteftabics. Ce n'elt que par là que la vérité qu'on cherche peut '^ "^ ^J fe manifcder. Car de mettre , comme on fait quelquefois , tous les faits à part , &c de nier enOiite le pouvoir de l'imagination de la merc fur le corps du fœtus , unique- ment parce que nous ne faurions nous former une idée claire de ce pouvoir , ce fe;oit aifcz mal raifonner , & méconiioitre totalement les bornes de l'efprit humain. Ce qui cH Iblidemciu prouve doit eue admis , quand même nous ne faurions le cora. prendre. Cette maxime cfl vraie en Philofophie, comme dans la Religion. g¥ ~^= ===sSg=^= ^ ARTICLE XI. Ohfervûtions fur quelques jauniJJ'ei partielles, Jourml d« Par M. Strack, Médecin de fon AltefTe Eleftorale , & ProfelTeur de Médecine "^'f' ''^"''f' à r..ayence. [if P' '^3" UN jeune homme qui avoit le tcin fort beau, fut pris fans caufe manifefte, ^ _,., d'une jaunilfe qui n'occ.ipa qu'une partie de fon vii'age , & laiiïa le reile de ■^' f ^ y !a peau blanche , & entremêlée d'un bel incarnat : c'étoit une tâche jaune couleur &^ixxv. de citron , qui commença aux tempes , travert'a le vilage le long des apophyfes zigomatiques , les paupières , 6c le nez , ilsfcendit julqu'aux lobes des oreilles , tra- verfa les joues &c le bord de la Icvre fupérieure. Ce mafque iftérique que le malade porta une année entière , fut prefque toujours d'un jaune de citron : de tems en tems , il prcnoit une teinte plus pâle , &c imitoit la couleur d'orange , ou plutôt celle du fuc de chelidoine ; du refle , nul dérangemint dans les fonflions. On emploj'a inutilement pendant long-tems dift'érens remèdes. Il furvint un cra- chement de fang , pour lequel je fus appelle. Les faignées du pied , les apéritifs t le petit lait , dans lequel on dilfolvoit des fels de même nature , les légers purgatifs , les bains &c les eaux minérales , dont je lui fis faire ufage , guérirent celte jaunif- fe , en lui procurant un flux d'hémorroïdes réglé. Ce jeune homme depuis fix mois a repris fon premier teint. Un autre jeune homme blond , qui a le teint fort blanc , a eu plufieurs fois au vifage des tâches jaunes , couleur de citron , en forme de deux barres largos d'un pouce , qui fe rcunilVoient en angle à la racine du nez , defcecdoient le long des apophyles nazales fupérieures des os maxillaires jufqu'aux commilTures des lèvres. Ces tâches ne fe font diflîpées qu'après ime prife de rhubarbe. Une jeune fille également blonde, quia le teint parfaitement beau , a éprouvé plu- fieurs fois le même accident qui s'eft dilîipé de même , moyennant une dofe de rhubarbe. Un homme avancé en âge , fentoit deux heures avant chaque accès d'une fièvre quarte , dont il a été malade pendant quelque tems , im fourm.illement dans les qua- tre doigts 6c le métacarpe de la main droite , qui fc leignoient en jaune , io pouce reftant blanc. Cette jaimilfe fe dillipoit dans le fort de la chaleur , lailfoi: ces doigts blancs pendant l'intermittence , &c ne revenoit qu'avec l'accès fuivant. Le quinquina en guèrilVant la fièvre termiiw cette jaunilfe. Les extrémités des doigts de la main droite , depuis la deuxième phalange , Se même les ongles , l'ont devenues fort jaunes à la fuite d'une goutte remontée dans la région de l'épigaftre. Cette jjuniife s'eft dilljpée , après de grandes fueurs procu- rées par une décoâion fudorifique. D'où vient que , dans ces différens cas, les embarras du foie , auxquels on ne peut S'empêcher d'attribuer ces jaunilfes partielles C*), n'en ont pas produit une univcrfellsl (*) M. U Cet n'eft point d« cet ivij, Vo^n le Dijiwurs pag. ixxv. 20 APPENDIX. Article XH. ARTICLE XII. Sur la Gajlrotomis. Voy. le Dlfc. >^ Ette opération, par laquelle on fe propofe de dégager les inteftins rentrés pag. Lxxxu. (^ ]'iin dans l'autre, dans la maladie à laquelle on donne le nom de loltulm , a été propofée comme une dernière reiîburce par plulieurs Auteurs très ■ recom- mandafalcs , du nombre defquels eft M. Meckel. M. Hevln , premier Chirurgien de feue Mde. la Daupliinc , vient cependant de nous donner dans le IV^;. volume de l'Académie Royale de Chirurgie , des recherclies très-intérclTantes lur la gaftroto- mie , dont le réiultat eft que. cette opération doit être bannie pour jamais de l'art. Nous avons fait efpérer dans le Projpecius de h CoUeftion que nous préfen- tons aujourd'hui au public, un précis des reclierchcs de M. Heiin:, il eft jufte d'ac- quitter notre promelfe, Se c'eft auli: ce que nous allons faire , mais très-fommairement , perlliadés qu'on le hâtera de recourir au Mémoire même du favant Académicien, &c qu'on s'emprelfera de fe procurer le nouveau volnme que l'Académie Royale de Chirur. gie vient de publier; ce volume rédigé par M. Louis, fur un plan un peu diftë- lent des premiers , mérite le même accueil H les mêmes éloges qu'ils ont re- çus ; la plume de l'Académie , confiée fuccelïïvement à M M. Quefray &l Mo- rand , qui l'ont tenue avec diftinftion , ne pouvoit palfer en de meilleures mains qu'en celles de M. Louis. Précis des recherches de M, Hevin fur la Gajlrolomie. M. Hevln commence par venger la Chirurgie moderne , du reproche qu'on lui a fait , d'avoir lailfé tomber dans l'oubli , plulieurs opérations exécutées par les An- ciens : il infinue que l'abandon qu'elle en a fait eft une fuite des nouvelles lumiè- res qu'on a acquifes dans l'Anatomie & la pratique de l'art , £4 qu'il doit par confé- quent tourner à fon honneur. La gaftrotomie en oftriroit un exe.-nple des plus frap- pans , s'il étoit vrai qu'elle eût été recommandée par les anciens Médecins ; mais Cœiius Aurelianus eft le feul OÙ l'on ait cru en voir quelques veftiges , St M. He- vin prétend qu'il eft très - douteux que Praxagore , à qui Calius attribue cette pra- tique , l'ait eue réellement en vue ; il croit que cet ancien Médecin ne faifoit que l'opération ordinaire do la hernie , pour remédier aux fimptômes de l'étranglement du boyau (a) , ainfi que M. de Haller l'avoit déjà conjefluré (fc). Saviard révoque pareillement en doute que la gaftrotomie ait jamais été exécutée fur le vivant (c). Barbette eft le prem.ier , qui dans le dernier fiéde, ait propofé nettement & for- mellement cette opération , mais feulement par voie de demande {,d). Le cas de réuffite rapporté par Bonet (e) n'a pas paru décifif à l'Académie (/). Le feul exemple bien avéré jufqu'ici du fuccès de l'opération dont nous parlons , eft celui donï (a) Si Praxagore n*avoit pas fait autre chofe, pourquoi Calius Aurelianus fe feroit-il tant recrié contre fon opération ? Nous ne pouvons pas douter d'ailleurs qu8 pluiîeurs iei anciens JVl** «tecins n'ayent été de très - hardis opérateurs, pour ne lien dire de plus, (i) MahoJ. Siud. Med. tom. II. pag. 818. (c) Ohfirvat. XXXIV, {d) An non ctiam prxjlaret , faHa diJfeHions mufculorum & perhonaî , digîtis fifeeptum intefilnam txtrahere , quam monl tf^rorjirem commirrere. Paul Barbette , Oper, Chirurgico-Anat, tCCz , de abi, fartih. intcrn. lih. X. cap, II, ( O Lib. m. fia. XIV. de dolore ilinco. (f) Non plus qu'à l'immortel Autem des Claffes des maladies. Fid, nofologU methuMca in-^*, «om. II. pag. 345, A P P E N D I X. ji Schacht , Médecin plein de candeur & de bonne foi , eft le garant , 8c qui cft cité • ■''' par l^elfe dans la Diffcrtation fur le vohulus ^ & par plufieurs aurres Auteurs , vn'''^^ tels que Mis. les Barons Je lijtUr , 6c l^jn-Swieten. Voici le tait. Une tcmme de cinquante ans étoit rcduiie à la dernière extrémité par les fîmp. XortKS de la paflion iliaque ; on avoit iiitVuttucuicment tenté pour la l'oulager tous les remèdes ordinaires. J.e célèbre Huck , foupçoniiant le vuhulus , engagea un Clii. rurgien très-habile , à ouvrir le ventre à la malade , pour lui dénouer les intcftins ; par le plus heureux des hazards , il tomba précilèment fur l'endroit de rinius-rupcep- tion ; il n'y avoit encore ni inflammation, ni adhérence ; il dégagea les parties , après les avoir bien graiiîécs , 6c fit enluite la gaftroraphic , comme on en étoit convenu. La malade a iurvêcu plus de 20 ans à l'opération. Cet exemple unique de la réudite de la gailrotomie , ne fauroit autorifcr cette ^opération , quoiqu'elle ait eu le luftrage de plufieurs grands Médecins , tels que 'Frédéric Hoffman &c Félix PUter. L'autorité des plus grands hommes ne doit jamais être un motit" déterminant , lorsqu'on peut lui oppofcr , comme dans le cas dont il s'a- git , l'autorité de la raifon , toujours bien plus relpeiflablc- Geoge Oitan paroit avoir laifi les vrais principes d'cxdufion contre la gaftrotomie (j). Cette opération ne pou- voit raifonnablement être propofée que comme im moyen extrême , une dernière relVource , lorlqu'on défelpére d'ailleurs du malade ; or , 11 l'on le détermine à opé- rer dans une telle extrémité , l'épuifément où le malade eft réduit le fera fuccombcr à l'opération , ou les intefiins auront déjà contracté quelque altération gangreneuie , enforte que dans les deux cas , le malade, dit Otion , n'en périra pas moins , que s'il avoit été abandonné à la nature. Une raifon plus forte encore , ert le manque d'in. dication précife , l'incertitude abfolue du fiége 8c de la caufe du mal. La paflion iliaque en rcconnoît un grand nombie , telles que les pierres , les vers , l'amas des matières fécales endurcies , des tumeurs qui bouchent en tout ou en partie le con. duit inteftinal , &c. comrr.ent diftmguer le loliului , qui eft la caufe la plus rare & la moins ordinaire de cette maladie , d'avec toutes les autres? Et dans une telle ^ incertitude , quel feroit le Chiiurgien alVez téméraire & allez cruel , pour aller cher- cher dans les entrailles d'un homme vivant , une maladie qu'il ne fait pas mê- me exifter? &C en fuppofant foii exiftence, comment déterminer le lieu précis que le volvulus occupe dans la capacité du ventre ? Lorfque la maladie tourne à mal , toute la circonférence de l'abdomen eft ordinairement tendue , & par-tout égale, ment douloureufe. Telles font les raiibns qu'apportç M. ie Baron de l^an.Suieten contre la gaftrotomie (fc) ; fi elles ne l'ont pas entièrement décidé contre cette opé- ration fi cruelle Se fi incertaine , il eft du moins aifé de fentir qu'il eft plus porté à la profcrire , qu'à l'adopter (c) , ce qui n'a pas empêché qu'on n'ait produit fon autorité à l'Académie , comme lui étant favorable. L'éloignement que M. Van-Swieten témoig:ie pour la gaftrotomie , quoiqu'il ne paroilTe pas avoir révoqué en doute le fuccès des opérations rapportées par Bcr.net & par S;ha:h; , fait préfumer que ce grand Médecin ne feroit pas plus difpofé que M. Heiin , à admettre le principe de Galien , reçu par Marc Aurele Severin , que d'après une ou deux expériences on peut établir une loi générale dans la pratique : un plus grand nombre de fuccès , fuflént - ils inconteftables , n'autoriferoit pas davan- tage à faire la gaftrotomie. Un principe fondamental en Chirurgie , également difté par la raifon &c l'humanité , eft qu'on doit bannir de cet art , toute opération , qui ne pouvant être foumife à des indications fijrcs 6c coaftantes , eft capable de faire (a) Prax. Mci. par. II. pag. ij. (k) Comment, in aphor. Boerh. tom. lU. §. 964. \c) UnJa fatis paict , nihil nijî itUimam necejptaêem /uaJcre poffe , ut erudeli operaltoae » divifo a^ domine , fyri omntt inujiinorum trglraïui'r , ut merii fedes yaraïur ia tiyemt ntmiat, id, ibii, p>£. 12 A P P E N D I :K. périr beaucoup plus de malades , qu'elle ne peut en fauver. Le hazard & la té» niériié nous l'ervent quelquefois mieux que la prudence , 8t ce n'eft pas aliuré- ment un petit bonheur pour les hommes, lî fujets à faillir, que toutes leurs fjutes ne tirent pas à conféquence : mais quel eft cependant l'homme fage qui voulût ie livrer à des guides aulfi dangereux ! Le judicieux Schatch ne vouloit fans doute être conduit que par la raifon , car malgré le fuccès de l'opéiation ordonnée par Kuck, dont il garantit la vérité , il argumente avec beaucoup de force contre la gallro- tomie. M. Menfchir.g , Auteur d'une théfe fur les opérations téméraires (u) , foutenue à Rofloch en 1756 , ne contefte aucun des fuccès attribués à la gaflrotomie ; 81 néan- moins il trouve cette opération etîrayante , cruelle, 6< conclut à la profcrire ; M. He- vin adopte cette conclulion , à laquelle il ne croit pas qu'on puilVe rien oppolér d€ raiionnabie. Elle eft appuyée d'ailleurs fur un alTez grand nombre d'obrervations très- intéref. fautes , communiquées à l'Académie Royale de Chirurgie. On voit par ces obfer-* valions qu'on auroit tort de défefpérer entièrement d'un malade qui foutîre les plus Violens lymptômes du volvulus , & qui même vomit les excrémens (t). La nature (i fouvent fupérieure à l'art, 6c dont nous fommes bien éloignés de connoître tou- tes les rellburces , procure quelquefois la féparation , &. l'expulfion par l'anus , de la portion d'inteftin invaginéc , au moyen des adhérences qu'elle fait habilemenr ménager à l'endroit de l'étranglement. La gangrené ik la fuppuration qui la fuit , détachent cette portion d'inteftin , demeurée libre 8c flottante dans l'intérieur du tube intcftinal , fans détruire les points d'adhérence formés à l'endroit du repli ou du bourrelet , ce qui lailî'e toujours fublifter la coniinuité du canal alimentaire. C'efl; par cette opération admirable de la nature , qu'on a vu un malade fe délivrer de vingt-trois pouces de l'intefiin colon , un autre de vingt-luiit pouces de l'iléon , &c un troifièrne , de tout le cœcum , & de fix pouces de chacun des inteftins qui s'y abouchent. Du refte , qu'on ne croie pas que ce foit feulement la tunique intérieure de l'inteftin exfoliée , qui eft fortie par le fondement , c'eft la totalité des tuniques inteftinales : on ne peut conferver le moindre doute fur ce point , les pièces ayant été préfentées à l'Académie , ik attentivement examinées par des CommilVaires nommés à cet effet. La quatrième obfervation prélente imc invagination du cœcum Se de la plus grande partie du colon, dans l'exlrêmité inférieure de ce dernier, ik dans la partie fupérieure du reftum ; elle commençoit à plus d'onze pouces de l'anus , 81 finilVoit à cinq ou fix pouces au-dertlis. Il ne fut pas poflible de retirer la portion d'inteftin rentrée , tant elle avoit contrafté de fortes adhérences ; (c) mais ces adhérences n'exiftoient feule, ment qu'au dehors à l'endroit du repli ; l'inteftin étoit libre &; flottant intérieure- ment ; c'eft cette difpofition qui permet la féparation & l'expulfion de la portiort invaginée , comme les trois premières obfervations en font foi. M. Boudou a vu le cœcum rentré dans le colon ; le malade mourut dans le maralme , après avoir fouf- fert beaucoup de douleurs de colique, mais fans avoir éprouvé les lymptômes excelfi- Vement aigus qui font la fuite ordinaire du ¥»ivulus. Un jeune Seigneur de 18 ans , ayant imprudemment mangé pour fe guérit* d'une diarrhée opiniâtre , une grande quantité d'œufs durcis , réuflit au - delà de fes efpèranccs , &c de fes défirs ; il tomba dans une conftipation mortelle qui le fit (a) T)'i^, inattg. mtd, de operationïhus quibufdam chir^rgîcts temerc in/licutis, \k) Cjhcn dit n'avoir jamais vu réchapper de malade qui ait vomi les matières fécales ; nos Praticiens modernes ont été plus heureux ; l'on a préfentement beaucoup d'exemples de ces guè- Jifons. (c) Quelle violence ne faudroit-il pas faire i U natttfe , fi l'on entieptenoit de déttuiie c«J Adhérences dans un homme virant i A P P E N D I X. îj périr avec tous les fymptômes du voUulus. On trouva les inteftins . bouchds par -* ■ une colomne d'cxcrémcns fort durs , fur laquelle dtoit le mercure qu'on lui avoir A k t i c fait prendre pour ouvrir les voies. Les fujets des obfcrvations 8 £< o, périrent de ^"' la même manière par l'ctict d'un reirccilî'emeni des tuniques des intcitins : (a) dans le premier , le retreciilcment occupoit la partie du colon qui s'unit au roc- tum , vers l'angle obtus que forme la dernière vertèbre des lombes avec l'os fa- crum ; ilétoit li conlidérable qu*à peine on pouvoit introduire l'extrémité dupent doigt dans la cavité de l'inteHin. Il lembloit avoir été étranglé par une ligature , fi ce n'elt qu'il n'y avoit ni pli , ni froncement ; dans le fécond , le retreciffement fo trouvoit à la partie fupericurc du reftum , laquelle étoit fi refîcrrce qu'elle n'auroit pu que difficilement recevoir une plume à écrire dans fa caviré. Une tumeur fquirreuie com- prilè entre les tuniques du colon , caufa la mon d'une femme , dont il ei't parlé dans la X"^. obfervaticn. Celle qui fuit préfente encore un exemple du retrcciife- ment de l'intcftin : mais cet accident llit la fuite d'une chute de cheval que fit un homme de foixantc ans , fur le pommeau de fon epée , dont-il fut violemment frap- pé à deux travers de doigts de l'ombilic. Le malade éprouva par intervalles les ac- cidens du ichulus ; on s'apperçut que les déjcftions étoient filées , comme (i les ex- ciémens avoicnt pallë par une filière étroite ; M. Brailliet , membre de l'Académie , & Auteur de cette obfervation , ne doutant pas que le retrecilfement de l'intellin ne fût un effet conlëcutif de la contufion qtfil avoit foufl'crt , propoi'a la gaftrotomie déterminé à cela par le caraftbre de la maladie , qui avoit im fiège fixe Se décide : cette opération eut pii fauver le malade : on n'auroit pas été obligé pour trouver le nal , de faire de recherches longues Si dangereufes , comme on y feroit forcé dans le lolmlus de caufe interne ! il eut fallu emporter la portion d'inteftin retre- cie , &c pratiquer eniuite dans l'aine un anus artificiel , ou ce qui eut été préfé- rable , rétablir la continuité du canal , en faifant aboucher les bouts de l'inteftin cou. pé , fiiivant le procédé de M. de Ramdohr , perfectionné d'abord par M. Louis , ( i ) &!enfuiie par M. R.tfih ; (<;) dans les obferv. XII. XUI. £< XIV. l'inteftin étoit étran. glé par des brides contre nature formées dans l'intérieur du ventre , & dans la 15'. qui termine le mémoire de M. Heiin, par une efpèce d'anneau ligamenteux qui le trouva au méfentere. De tous les cas dont nous venons de faire une courte enumé. ration , il n'y en a pas un feul , à l'exception du XI'. qui piit être reconnu pendant la vie du malade , 6c déterminer par conlequent à la gaftrotomie un Chirurgien qui ne veut. point agir au hazard. Il refulte donc des recherches de RI. heiin, que le fecours de cette opération ne peut jamais être imploré par la médecine interne ; mais la Chirurgie peut en retirer quelquefois de grands avantages , pour remédier aux diverfcs caufes d'étranglement des inteftins , qui peuvent être foumifes au taft ou à la vue. ^'' ' »?a L'excellent ufage que fait l'.^cadémie Royale de Chirurgie des obfcrvations qu'on lui communique , donne lieu de regretter que la Médecine ne jouifl'e pas d'un fem- blablc dtablifrement , d'autant plus nécefl'aire pour les Médecins , que les objets da leur Art font bien plus voilés aux yeux de l'obfervateur , que ceux dont la Chi- rurgie s'occupe. .M. de Fontenelle nous apprend dans l'éloge de M. Chirac , que ce premier Médecin avoit formé le projet d'une Académie de Médecine ; fa mort , 11^ -ir'" ''' ^'"^''g" «n C'ie quelques exemples. Vid. nofologia. meihodi. tom. 11. pag. 449. (*; Voyez dans U 111. tom. du Mcm. de L'Acad. de Chir. le Mim. de M. Louis fur lu ktr. mes avec gangrène. (e ) Voyez Ui Mi/n, dt VAtad. Roy, de Chir, tom, IV, pag. 177 & iUiv. 14 A P P E N D î X. ■ ■ ■ — £< des obflacles faciles à prévoir , mais non infurmontables , firent e'vanoiiir ce x'il^ '^ ^ projet. M. de la Peyronin , toujours occupé du progrès 8i de l'illurtraiion de fon Art , l'aifil habilement l'occalion , il obtint l'éreftion de l'Académie Royale de Chirur- gie, (a) Quel homme ! Quel patriote , que M. de la Peyronie ! Quel courtilan fit ja- mais un ufage phis noble_ St plus utile de fon crédit! & quel citoyen dilpofa jamais de fon bien d'une façon plus avantageule à la patrie .' M. de la Peyronie étoit un Grec ou un Romain parmi les François ; l'antiquité éleva des ftatucs 6c même des autels à des hommes qui l'avoient peut-être moins mérité. Aux vœux que nous venons de faire pour rétablilfement d'une Académie de Médecine , qu'il nous foit permis d'en ajouter de plus vifs pour un autre éta- bliiîement plus important & plus nécelVaire encore , celui d'un Ecole de Médecine pratique , à Paris ik à Montpellier , formée fur le modèle de celle dont l'Aile- magne ert redevable au zèle patriotique de M. le Baron de f^an-Swieten , & à l'amour de l'Impératrice - Reine pour les peuples fournis à fa domination. N'eft - il pas dé- plorable , que tandis qu'on exige un apprentiifjge pour les plus vils des métiers , on foit reçu après trois ans d'é[udes , £< qu'elles éuides , bon Dieu ! à exercer la Médecine , fans avoir vil un feul malade , fous la direction d'un maître de l'art ; dans les Villes ou il y a ce qu'on appelle une Aggrégation , on exige , il ell vrai , que ceux qui y prétendent aillent pratiquer trois ans dans un bourg , c'ell-à- dire qu'on envoie le jeune élevé fans expérience , &c livré à lui. même , faire fcs eflais meur. triers fur les villageois & les habitans de la campagne , comme fi la vie du labou- reur & de l'artifan , qui fourniflént à la patrie les bras qui la nourrifîènt & qui la défendent , croit moins précieufc à l'état , que celle des M", des Villes , dont la moitié au moins lui eft inutile ; ô Jean. Jacques ! que n'ai-je ton éloquence pour tonner contre ce barbare outrage fait à l'humanité , par des horrynes qui le difent humains &. fages. L'école de Médecine pratique , après laquelle tous les Médecins- citoyens foupirent , outre les autres avantages innombrables qui en refulteroient , feroit cell'er cet énorme abus ; l'humanité gémilfante eft en droit de l'attendre , cette école fi ardemment defirée , du Monarque bien - aimé , qui joint à toutes les vertus des grands Rois , la bonté paternelle des Titus , des Trajans & des Antonins ; d'un Prince qui a comblé la Chirurgie d'honneur , & qui vient de décorer de fon au- gufte nom l'école de Médecine de Montpellier. Cette grâce efl bien digne d'être follicitée par M. le premier Médecin. Après l'illuftration qu'il a reçue de fa place , & de fes ouvrages , tous marqués au fceau de l'immortalité , ce trait feul manque encore à fa gloire. , ^ ^^==^====r==g^ = ^ A Yj'jÇ ^^ ARTICLEXIII. Dift de Chi- T5 E G N E S. La plupart des Phyfîciens, des Naturaliftes & des Chimiftes , divifent tnie tom. li! iX. 'o"5 les corps naturels en trois grandes clafiès ; fçavoir celle des miné- j,ag.'369-373. raiix, celle des végétaux, & celle des animaux; ils ont donné à ces claflès le nom de règnes : ainfî l'on diflingne le règne minéral , le tegne végétal , & le règne animal. Voy.WD'ik. Cette grande &c première divifion eft fondée fur ce qu'une plante ou un végétal fcxxxiv, quelconque , qui naît , qui croît , qui a une organifation , qui porte fon germe , £t qui reproduit fon femblable , paroît être un être très - didinft Si totalement différent d'une pierre ou d'un métal , dans lefquels on ne remarque tout au plus qu'un arrangement fymétrique'fans nulle véritable organifation , & qui n'a aucun germe pour fe réproduire ; &. fur ce qu'un animal quelconque ne difféiC pas moins (a) Yoyei U IV, vol, de l'Acad. de Chir, Hijl, fig. 37. & 38. d'une A P P E N D I X. iS d'une fimpîe plante , par le fcntimcnt , l'iifage des fcns , Se les mouvcmens volon- ==^= taircs qui lui roiit accordés , tandis que ces choies font rciulees à tout ce qui cft ^ "x l'i^,*" ' fimplemcnt vcgctJl. Mais mal=;ré des caraOcrcs aurtî diftinftifs , il y a des Philofophes qui prétendent que ces dalles ne lont qu'idéales , Ik n'ont rien de réel ; ils allincnt qu'en oblcrvant attentivement la naïuie , on rcconnoit qu'elle a lié toutes Tes produftions les unes aux autres , par une chaîne non interrompue ; U. qu'en paflant en revue toute la fuite des êtres , on eft convaincu qu'il n'y en a aucun qui ne dirtére qu'infini- ment peu de deux autres entre lesquels il eft placé ; enforte qu'on peut Jefcendrt depuis l'animal le //lu parfait , jujqu'au minerai le plus brute , par degrés infenfi- bles , & lans trouver aucun interdice auquel on puiffe s'arrêter pour faire une divilion. Cette idée eft fans doute grande , fublimc , & n'eft point fans vraifemblancci car fi l'on compare un polype avec la fenfitivc , ou un lichen avec une belle mine d'argent natif ramifié , on fera tiès-portc à la regarder comme conforme an vrai plan de la nature. Les fcntimcns des Naturaliftes font donc partages fur cet objet , & chaque opi- nion parolt fondée liir des obfervations , fur des analogies , £i iur des raifonne- mcns plus ou moins concluans ; mais la difcufiion de cette matière eft étrangère à notre objet ; c'cft pourquoi nous n'entrerons point dans de plus grands détails fur cela ; nous ne conlîdcrons ces chofes que chimiquement , c'cft-à-dire relative- ment aux dirtérens principes que nous retirons dans l'analyfe des corps naturels : or , voici ce que l'expérience nous a fait connoitre fur ce fujet. Dans les décompo- fitions de tous les êtres véritablement vivans , organifés , & qui portent en eux un germe de reproduflion , tels que font les animaux ik les végétaux, on retire conf- tamment une fubOance inflammable , gralVe , ou huileufe ; &t au contraire , on ne trouve pas le moindre vertige de ce principe dans aucune des fubftances pu- rement minérales , même dans la plus inflammable de toutes ces fubftances , qui eft lefoufre. D'im autre coté fi l'on examine avec foin , &c que l'on compare les uns avec les amrcs , les principes analogues qu'on rctite des trois règnes , tels que font les fubftances falines qu'on obtient dans les analyfes des animaux , végétaux , S minéraux , on reconnoitra fans peine que toute matière faline provenant d'un règne vivant , c'eft-à-dire végétal ou animal , eft altérée par de l'Iuiile ; tandis qu'au contraire aucune matière faline provenant du règne privé de vie , ou règne minéral ne contient aucun vertige d'huile. . ' Il eft eiléntiel de bien remarquer ici que de ce qu'on rencontre une matière dans un ou plulieurs individus de quelques règnes , il ne s'enfuit pas pour cela que cette matière appartienne au règne de cet individu : car pour peu qu'on ait obfcrvé la na- liuc , on eft bien convaincu qu'il peut arriver , £4 qu'il arrive tous les jours par mille combinaifons !k circonftances particulières , que des fubftances d'une clalfe ou d'un règne abiblument différens , fe trouvent m.êlées & confondues enfemble. C'eft ainfi , par exemple , que dans les entrailles de la terre, & même à de gran- des profondeurs , c'cll-à-dire dans la région particulièrement alfeftée aux miné- raux , on rencontre quelquefois des fubftances bien décidément huilcufes , telles que le font tous les bitumes : mais il eft vifibic en même tems , &c toutes les ob- fervatit)ns d'hiftoire naturelle le prouvent, que ces fubftances huileufes font étrangè- res à l'intérieur de la terre, qu'elles ne font là qu'accidentellement , £< qu'elles pro- viennent des corps végétaux ou animaux qui ont été enfevelis dans l'intérieur de la terre , par quelqu'une de ces grandes révolutions qui arrivent de tems en tems à la furlace de notre globe. De même , en décompofant divers végétaux &. animaux , on retire phnîeurs fels , tel que leyW commun , k Jet de Gtauber , g< autres , qui n'ont ab- Tom. 11. ««•<«*« Article Xlll. 16 A P P E N D I X. foliiment rien d'huileux, & qui par conféqucnt font des matières décidément miné- rales : mais il eft conftant d'un autre côté , que ces Tels minéraux font étrangers aux végétaux ou aux animaux dans Icfquels on les trouve ; qu'ils ne fe font introduits dans ces corps vivans , que parce qu'ils fe l'ont trouvés fortuitement confondus avec les matières qui leur ont lervi d'alimei.s , ik qu'ils ne doivent pas être mis au nombre de leurs principes ; la preuve en efi que non - feulement la quantité de ces fels mi- néraux n'eft jamais confiante dans les végétaux ou animaux , mais encore qu'il y a beaucoup de plantes ou d'animaux de même efpèce , qui n'en contiennent pas un atome, & qui n'en font pas moins fains Se vigoureux pour cela. Nous obfervons en fécond lieu , que les matières huileufes n'exiftent en quelque forte que dans les principes prochains des végétaux & des animaux , c'eft à-dire dans ceux de leurs principes qui entrent immédiatement dans leur compofition , lorfque ces principes n'ont point été dénaturés par des analyfes ultérieures, & qu'ils con- fervent encore par conféquent le caraftère végétal ou animal : car il ell certain , que par la putrefaflion naturelle portée très-loin , ou par les opérations chimiques , non-feulement les matériaux dont font formés les corps des végétaux Ik des ani. maux, peuvent être privés totalement d'huile , mais encore que cette huile peut être ellc-iTiéme entièrement détruite H décompofée. Il eil évident qu'alors ces fubf- tances n'ont plus rien qui les diftingue de celles du règne minéral. Les terres , par exemple , des végétaux &. des animaux , lorfqu'ellcs ont été privées par une calci. nation fuffifante de tout ce qu'elles ont d'inflammable, deviennent ablblument fem- blables aux terres calcaires &c argilleufes qu'on trouve dans l'intérieur du globe , £c qu'on doit regarder comme des lubflances minérales , quoique vraifemblablemcnt elles ayent fait partie autrefois des corps végétaux &< animaux. De même fi l'art parvenoit à dépouiller les acides végétaux de tout ce qu'ils contiennent d'huileux , ce qui efi peut être très- poffible ; alors il efl certain que ces acides fe rapprocheroient totalement des acides minéraux , vraifemblablemcnt vitriolique ou marin , & n'au- roient plus aucune des propriétés qui caraftèrifent les acides végétaux. De- là nous concluons, qu'en confîderant chimiquement tous ces corps natu- rels , on en doit faire deux grandes daflcs : l'une de ceux qui font privés de vie & qui non - feulement n'ont point d'organifation , mais encore dont les principi ont un certain degré de fimplicité qui leur e(l efl'entiel , ce font les minéraux ; & l'autre de tous ceux qui non - feulement ont eu une organifation bien marquée, mais encore qui font tous pourvus d'une fubflance huileufe , qui ne fe rencontre nullement dans aucune des matières qui n'ont jamais fait partie d'un corps vivant, & qui fe combinant avec tous les autres principes de ces corps vivans , diftingue ces principes de ceux des minéraux par un? moindre fimplicité : cette féconde clalle renferme les végétaux Ik les ar.Miaux. I! faut aufli bien remarquer que la prefence de l'huile dans les matières végétales & animales, les rend fulceptibles de la/«'"- meniation pioprement dite , qui ne peut nullement avoir lieu dan? aucun mmeral. Quant aux animaux 81 aux végétaux , ces deux grandes clafles de corps naturels , ne différent chimiquement l'une de l'autre que du plus au moins , &i non pas du toiiC à rien , comme elles diftérent l'une êc l'autre de celle des minéraux par la prg« fence de l'huile & la qualité fermentefcible. es A P P E N D 1 X. 17 G5¥===— ======= ======$^^=============--====«2 Article A R T I C L E X I V. XIV. HU I L E , ( Chimie. ) Le fj'ftême des connoifTances chimiques bien refumë , porte Encycl. tom, à cioircqu'il exiftc une huile générale univerfelle , un principe huileux pri- vill. p. 333.' mitif , très-analogue au loutre commun , du même ordre de com)iofiiion que ce corps , formé même très-probablemeni des mêmes principes de l'acide vitrioliquc &C ^"y- ^' ^''^• du phlogiflique. ^ P- >-xxxvi. Le principe huileux confidéré fous ce point de vue , ne différera du foufre com- mun que comme la plupart des fubftaaces végétales & animales différent des fubtlan- ces analogues que renferme le régne minéral , le vinaigre radical de l'acide du vi. triol , par exemple, c'eft- à-dire par une plus grande atténuation, un degré fupérieurde fubtilitc , une mixtion plus délicate diio aux élaborations propres à l'œconomie végétale ou animale , Se peut-être à la ûirabondance du principe aqueux qui eft particu- lier à ces deux régnes. L'huile' peut être conçue aulïï comme étant au foufre , ce qu'une huile rcftifiée eft à la même huile bruie. Ce rapport feroit démontré , fans doute , li on réulfilîbit à porter , par des rcftificaiions , le foufre commun à l'état de ténuité fpécifîquc de l'huile , à décompofer l'huile , &c à démontrer fes principes auiîi clairement qu'on a démontré ceux du foufre , & enfin à compofer de l'huile artificielle , comme on a compofé dit foufre par art , &c à la former des mêmes principes. Or , je crois bien que ces trois problèmes pratiques doivent le ranger par- mi les recherches chimiques les plus fublimes , mais non pas parmi les tentatives té- méraires , les efforts fupérieurs à l'art. Je crois même pouvoir me promettre de four- nir cette démonftration complette , fi je retrouve le loifir néceilàire pour continuer fur l'analyfe végétale , les travaux que j'avois commencés dans le laboratoire de feu M. le Duc d'Orléans. Ce qui augmente la difficulté de l'entreprife , c'eft que la nature ne préfente point de cette huile pure primitive , & que l'art n'eft pas parvenu jufqu'à préfent à dépouil- ler les moins compofées de tout principe hétérogène , de tout alliage. Celle de tou- tes les huiles connues qui approche le plus de la fimplicité abfolue , c'eft l'éther des Chimiftes modernes , ou l'huile retirée de l'efprit de vin par l'intermède des acides minéraux. Les diverfes huiles que nous connoiifons , font compofées de l'huile primitive , & d'un autre principe, ou de plufieurs autres principes. Ce font ces divers principes , (f< leurs difiérentes proportions qui en conftiiuent les genres Se les efpèces. Cette idée de la compolition & des différences elTentielles qui diftinguent les huiles entr'elles , eft , ce me femble , plus exafte &c plus lumineufe que celle qu'on s'en feroit commu- nément , en confidérant chaque efpèce d'huile comme un compofé ou un mixte effentiellement dift'érent , ou n'ayant tout au plus de commun avec les autres efpèces que le phlogiftique ; car il n'eft pas égal de dire qu'une telle huile eft formée par l'union d'un principe huileux univerfel , & de plus ou moins d'acide ; ou que cette huile admet plus ou moins d'acide dans fa mixtion ou dans fa compofition primor- diale. D'après la dernière théorie qui eft une erreur , je crois , on pourra déduire que l'acide eft un des principes conftitutifs de l'huile , de ce que « fi on triture u long - tcms certaines huiles avec un fel alcali , 6c qu'on difFulve enfuite cet al- » cali dans l'eau, il donne des crj'ftaux d'un véritable fel neutre.» Au lieu que d'après la première manière d'envifager notre objet , cette apparition d'im fel neu- tre n'annoncera qu'un acide étranger à l'huile , combiné au principe huileux dans celle qui préfente ce phénomène , de même qu'une fubftance comme gommeufe eft combinée au principe huileux dans les huiles par expreflîon , ou l'alcali fixe a une iS A P P E N D I X. ^^ huile quelconque dans le lavon. Et certes , les compofitions auflî intimes que celles ^^j'-yf "■ ^ d'un corps très fimple , te! qu'eft l'huile, ne fe détruiCent pas par des moyens auflî vulgaires que la trituration avec un Tel alcali ; c'cfi bien une opération d'un autre ordie que de démontrer la compofition primitive de l'huile. On range les diverfes huiles fous le petit nombre de dalles générales fuivantcs ; on a les huiles c/lentielles , les huiles gralles , &c les huiles empyréumatiques. la feule qualité vraiment générais ou efléntielle qui convient à toute huile Tans exception , c'eft l'inflammabilité 'Se la milcibilitc à une autre huile quelconque. Article de M. Venel. ^— 5^ ■— :S^.====e==a=?ga ^^Ik:"-^ ARTICLE XV. Encycl. t.XI. -v -rApHTE. (Hifl. Nat. Minerai.) En latin Naphta. C'eft le nom que les Naïu- Tov leDifc IN raliftes donnent à un bitume blanc, tranfparent, très-fluide & léger qui fur- p. Lx'xxv. & nage à l'eau. Cette fubftance eft très.inflammable , au point d'attirer le feu même fuiv. • à une certaine diftance ; l'on odeur eft pénétrante ; elle 'brûle fans laiffer aucun réfidr). Il eft très-rare de trouver du naphte dans cet état de pureté : la fubftance a qut on donne communément ce nom, eft d'un jaune plirs ou moins clai'- ; c'eft-à-dire , de la couleur du fuccin , & alors elle ne paroît point fi pure que celle qui eft parfaite- ment blanche. Le njp/ire doit fon origine à des arbres rëtineux enfévelis fous terre, ainfi que les attires fubftances bitumineufes , le charbon de terre , le jais , le iuccin , &c.^ la feule difterence vient de ce que la fubftance qui produit le riaphte femble avoir été filtrée , fondue , & pour ainfi dire , diftillée dans l'intérieur de la terre ; en effet , ce bitume a beaucoup de rapport avec les huiles elîentielles que la Chimie tire de certaines plantes. M. Rouelle croit que le r\!iphte le plus pur & le plus clair vient du fuccin ; félon ce favant Chimifte, les embrafemens fouterreins ne fe manifeftent point toujours par des effets fenfibles Si éclatans , ils agiliént fouvent paifiblement & fans produire d'éruptions dans le fein de la terre; alors ils peuvent diftiller , £c , pour ainfi dire, reôifier les fubftances bitumineufes folides qui s'y trouvent , les rendre fluides , les forcer à s'élever & à fuinter au travers des couches de la terre &C des pierres mêmes, & alors ces fubftances ainfi élaborées fe montrent fous la forme de nafhte , c'eft- à-dire , d'une huile tenue & légère que l'on trouve quelquefois nageante à la fur- face des eaux thermales. Cette conjefture très-vraifemblable paroît confirmée par plufieui^ faits. En effet, on nous apprend que dans le voifinage d'Aftrakan , pour avoir du naphte , on n'a que la peine de creufer des puits , qui ne tardent point à fe remplir de ce bitume I liquide. On s'en fert dans le pats au lieu d'huile pour le brûler dsns les lampes , &c même au lieu de bois , qui eft très-rare , pour fe chauffer , & pour cuire les alimens. Pour cet effet, on ne fait que jetter fur l'àtre des cheminées quelques poignées de terre , on les arrofe de nayhte auquel on met le feu ; il s'allume fur le champ ; & avec la précaution de remuer ce mélange , on parvient à cuire les viandes plus prorap- tement qu'on ne feroit avec du bois. Il eft vrai que par ce moyen toutes les maifons fe trouvent remplies de noir de fumée & d'une odeur défagréable pour tout autre que des Tartares. A une lieue de l'endroit où font ces puits d'où l'on tire le naphte , eft un lieu appelle Baku , où le terrein brûle perpétuellement. C'eft un efpace qui a environ un demi-quart de lieue de tour. Le tenein n'y paroit point vifiblement enflammé ; pour s'appercevoir du feu il faut y faire un trou d'un demi pie de profondeur , & alors A P P E N D I X. ip en n'a qu'à y prdfenter un bouchon de paille , il s'allumera fur le champ. Les . Gaures ou Perfans qui adorent le feu , &c qui fuivent la religion de Zoroajlre , vien- "^ xV*^ "^ ^ nent cti cet endroit pour rendre leur culte à Dieu , qu'ils adorent fous l'emblème du feu. C'cft là le feu perpétuel de Perfe ; il a cela de particulier qu'il ne répand , en brillant , aucune odeur , & qu'il ne laiiTe point de cendres. Ce détail ell tiré d'une lettre allemande, datée d'A/lrjtjn \e i. de Juillet 17J5. & inférée dans un ou- vrage de M. Zimmeimann , intitulé : académie Miniralcglque. On trouve encore du naphie en plufieurs endroits de la Perfe , de la Chine , de l'Ita. lie, & lur-tout aux environs de Modene. On en trouve aufii en Allemagne &c en France ; mais il n"a que rarement U limpidité & la tranfparence du nafhte le plus pur. Ariicli de M. U Baron d'Olbac. l^ = =i^:^=== , — ^y^ -'^ " A R T 1 c t Ç A R' T I C L E X V I. XVI. Sur Us yitrret ir.lejitnalet. CF.s pierres font de deux efpcces ; les unes prcnent liaiflance dans la veficule du y^y. U Dif, fiel , Se de-là palfent dans les inteftins , 011 elles peuvent eau fer bien des cours , pag, ravages , fi elles ne font pas expulfées auffi-tôt , ou peu de tems après , par le lxxxvu. fondement ; ( a ) les autres fc forment dans les intcftins mêmes de la matière fé. cale exceflîvement durcie , ce qui les à fait appeller pierres JlercoraUs. Feu M. Maréchal 81 M. Mareau ont communiqué chacun à l'Académie Royale de Chirurgie une obfervation importante fur ces fortes de pierres ; le corps étranger arrêté dans le reftum à la portée du doigt , ne put en être retiré d.ms le cas rapporté par M. Maréchal , qu'au moyen de plufieurs incifions qu'on fut obligé de faire à l'orifice de cet inteftin j M. Monau eut été forcé auffi d'en venir Iq (i heureiifement la pierre ne S'étoit calfée entre les tenettes. ( i ) M. Cadet , Apoticaire de l'Hotel Royal des In- valides , & très- habile Chimifte , ayant fournis ceue dernière pierre à l'analyfe , elle lui a fourni une grande quantité d'une huile rouge , c>aire & fétide , qui étant refroidie , à pris une confiflance butireufe. Le mélange de cinq gros d'alun , avec quatre gros de la concrétion, en fuivant le procédé de M. Homberg , (c) lui a donné un phofphore qui prend feu très- facilement , qui enflamme même les matières combuftibles fur lefquellcs on le jette, & qui répand en brillant une odcijr de foufrc très - pénétrante, {d). (a) On peut voir fur les concrétions biliaires une excellente thèfe de M. Imhcn Chance- lier de rUnivenlté de Médecine de Montpellier , & membre de la Société Royale des Sciences, On lit auflî dans le Journal de Médecine , Novembre 1756. des obfervations intérelTantes foç les pierres biliaires , communiquées par M. Boucher , célèbre Médecin de l'ifie en Flandre ; qq doit conlulter fut les acciJens caufés par U préfence des pierres de toutes efpèces dans le conduit inicHinal , la ^ofolo^ie méthodique , qu'on p^uc appeller à juAe titre, le Bréviaire des Mi* decins. (b) Voy. les Mcm. Je l'Aead. Roy. de Chir. tom. Ul. /n - 4°. pag. J5-6r. (c) Voy. dansU, Mén. de l'Actd. Roy, des Sciences , arw. 1711. le travail de M, Homberg, fur U malièrt fécale. id)yoy. l'Hifl. de l'Acad.Roy.deChir, ia-^°, tom. lU, pag. 14, IJ. & 16, 30 A P P E N D I :^. ^^"- ARTICLE XVII. Mémoitcsde Sur une excroijjance foneueufe fortie rar le fondement. rAcadémie de ^ ^ i^ j j i j Bologne. \J Irum torminibus primùm , deinde etiam dyfenteriâ diù miiltùmqiie ex cril- V ciaium , gravior quam antca , cepit dolor , crebriorque dejiciendi cupiditas , Voy. le Difc. fed ctim liimmà aivi durhiâ conjiinfta. Senlit ille , rem fibi quampiam ia ano pig. Lxxvii. haereie , quam ut uigcndo propelleiet . ea tameii iiiter excundum lubliftebat, viam- que faecibus intercludebat. Chirurgum confuluit , is cum afteflam partem inl'pec- talfet , ex ani piolaplii laborare liomincm pionunciat itaque fomentis piimum uten. dum elfe, tum iniofiinum leponendum , cavendumque diligemcr , ne uuiïim ex ciddt. Quibus omnibus cum ille nihil profccifTet , neque tenelmus fe rcmitieret, neqtie dolor ; multol'quc j^m dies in ea affliftatione ciicc , faluti per audaciam conlulerc maluit , quam artis opcm diutiùs expeftare. Rem illara , quam lupra dixi , per anum excuntem fuàmet manu apprehendit , ad utrumque paratus , vel benè , vel malè verterct , ut extralieret ; excraxit non fine labore , fed citra dolo- rem. Erat id iungola; ulcerum carni haud ablimile ; fpiihamam unam longum , eoque amplius ; cavum prsierea, aperuimque ex altéra pane, ex altéra occlul'um , in ejus cavo prster fœces paucuias nigricantes , atque aridas , calculi continebantur non admodum mulii , magniiudine , figura & colore granorum tritici fimiles. Hic quo- que excavati erant , ac lateribus conftabant ea firmitate , ut cum lamellis com- parari poflent , in quas fiftilia interdum prœ veiulîate diffiduntur. Intus inclufa erat amurca nigra , atque ficca , tetri odoris , faecum inRar , quœ igni admota nequc flammam concipiebat , neque abfumebatur. Conjeftis in aquam calculis , plerique ad fundum deciderunt ; fie fuit carnofum illud ano extraftum .• aagro autem , etlî morbus finiri omninô non potuit tamen poftea fuit melius ; nam &c tenefmus remiitere , &c defcendere alvus cœpit , lenitis doloribus. Sic illi audacia fuit uti- lior, quam raiio. ( * ) Commentarii Âcademitg Scientiarum & Ariium Bononienfii , tom. II, pan I. p3g. 158. £c 159. A R T I CLE ■■■■ Fii-.T^ .- ^^"'' ARTICLEXVIII. Ma'ï'qui'5''d°e Stl ^"^ "" >""""« '^'"" '" poitrine. Alban. y fi^ fingulière maladie du Marquis de St. Alban , dont l'illuAre Boerhaave a donné Voy.UV.x- L-l'hiftoire dans un fi grand détail, (*«) confiftoit en une maflè de grailTe du p, Lxxxviu. poids de plus de fix livres, qui remplilToit toute la cavité de la poitrine ; « Eratque " intérim compagis levillims , unde magniiudo molis ingens facile perfpici poteft. ( * ) On trouva dans le cadavre d'un Notaire mort avec les rymptômes du rohulus , une excroillance charnue qui rempliffoit exaftement la capacité de l'inieftin dans l'efpace de douze à qijinze lignes ; elle avoit une confidance ferme & compare, plus dure au centre qu'à la circonférence : elle étoit fi adhérente aux parois de l'inteftin , qu'elle fembloit ne faire qu'un mê- me corps avec lui. Joum. dt Méd. Fev. 1760. pag. 124. (**) Acrocis ^ rarijjimiqut morhi hijloria confcripta ab Hermano Boerhativt. Il eft a remarquer que le Marquis de St. Alban n'avoir qu'un embotipolnt raifonnable « mais qu'il aimoit pafTionnement le beurre , les viandes chargées de grailTe , ficc. & qu'il s'e- Xerçoit beaucoup à la cbaffe , & à cheval. La feule eaufs apparente à laqi^lle on pût attti» buer fon mal , étoit une fuppreflTion d'hémorroïdes. A P P E N D I X. 31 Totiim hoc corpus coloris erat candidi inftar puriirimi fcvi. Si tranfcinderetur , liquoT gg laâcns, pauca copia , hic irde cxlillabat. Cœicriim iinum conlblidatum corpus erat , * vVin'' * in qiio nullum omuin6 vas coiilpicere liceiet , nili magna illa , circa qiiae circiim.' ^""'' crcvorat. Neque etiam ulla mi^mbrana , prœier cxternam ambieatem , in ipfa intc. riorc parte maiîa; cernerc erat; m neque in ccUulas ullas , vel loculos , diduita ap. parerct. Vcrum atiriia inter digitos pinguis inllar olci liquefcens diffluebat : quare igitiir vcium (leatoma fuit. Hoc vcio naiuralis pinguitudmis abnormem copiam intra unius exienlilis valdc involucri membranofi cancellos aggellam effe , ciarifli- nnis Rhuyfchius dudiim vero experimento comprobavit , enarravitque immenfas mo- les , in quas adaufla , quandoque deprehenfa tuillet. L'tcunque vtr6 ingcntes fleatomatiun maille liicrint , fi tamen in iartagine leni igné lentè committuntur , liquefcunt penitus, atquc in pingue diffluens totst; qiiantae deliquefcunt , incredibilitcr parvâ nem branulâ non folutà rcli(ità. Vides novum exemphim humanae calamitatis ! iibi infons , blandus , pinguis , humor , Iblâ copia abundans in loco arûationis impatiente , tam diros , tam mira- biles , tam infanabilcs , morbos , mortemque tandem ipi'am produxit intelligis , quo- ties l'ymptomata anomala penitus , nulli cognilo aptanda morbo', in a;grotante ap. parent ; loties cogiiandum cfli; de caufa inlolita latente , quae evolventi cai'us ana, tomicos l'orte tum occurret , vel conjetturK probabili opportunitatem prabebit. Uiinam valeret medici exercitati ingenium perfpicere taie malum primo in or- tu , quando ibrmari modo incipit I utinam lune impedire noflet femel inccpti luxu- rianlis pinguis ulteriorem dilîblionem I tum demum Ipes îbret , mala hxc cognof. ci , caverique pcfl'e. Semel enim formata nuUa dein arte diflblvi , digcri , diflipari , queunt , nifi forte idoneus fitus id manu perita; cxtirpandi facultatem ofi"erar, Neque vero novi haflenus repcriam artem , qua pirguitudo femel incipiens di- latare fua vafcula , aique formare tumorem obefum prœternaturalem , coërceri queat , ne quotidiano incremento in moles excreùat immenfas , quum enim , in externis fub cute eiiata fteatomata manui , pertraOationi , poteniibus remediis chirurgicis , expofita , non polliiit prohiber! ne augeantur ; quid de iutcrioribuj putes ! » IS^ — * I ==^&f^!= =y^ „ Article ARTICLE XIX. XIX. Sur la venu fepdque du fil marin, Encyclop, t. XIV. p. (,io, n Ether avoit déjà fait mention de ce fait fingulicr , que Tes expériences de M. •^-' Pringle confirment, & qu'on auroit dû déduire il y a long-tems des obferva- ^«V- '« I5''c, lions les plus connues , fi les Savans favoient aifez obferver autour de foi. En g| xcui"^'*' eftet , rien n'eft fi connu que cette obfervation , qu'un bouillon non falé fe ' ' conferva mieux &c plus long- tems , que celui auquel on a ajouté la dofe ordinaire de tel ; qu'on peut garder pendant alVcz long, tems un ragoût à demi fait, pourvu qu'on n'y ait pas mis le fel , avant d'en interrompre la cuite Les expériences les plus exaftes qui ont été faites fur cet objet par M. Pringle , Dift. de Chlnt, par l'Auteur de l'eilai fur la putrcfartion , & par M. Gardant , Médecin de '• "•P'17'). la faculté de Paris, prouvent que ceux des Tels neutres dont les principes font très, intimement liés , tels que ceux à bafe d'alk'li fixe , & en particulier le fel commun accélèrent plutôt qu'ils ne retardent la purretaOlon. Je n'ai point vu la théfc que M. Gardane , mon condi.cipte d'étude H mon ami , dont les lalens me font très-connus depuis long.tems , 9 donnée fur cette matière ; je fuis très» 5î A P P F. N D I X, convaincu qu'elle mérite les éloges qu'en fait M. Macquer ; (a ) mais ce célèbre Chî- mifte voudra bien me permettre d'oblerver, que rexcellent Auteur de l'effai pour fervir a l'hijloire de la futiéfaélion , tire de fes expériences une conclufion direc- tement contraire à celle que M. Macquer dit en rélijlier. Il paroît en général , dit ce Savant Anonime, (i) que tous les l'els à bafe terreule Ibnt moins ami- feptiques que les autres Tels neutres , ce qui confirme en partie nos conjeftures à ce lujet. (c) ARTICLE XX. Sur la Génération. f^TTrr m- =^ ■ — ■ =^^ X X. ^ E fujet eft inépuifable : ce que nous allons en dire dans cet Article eft une ef- Difc Atîic" V.>pèce de fupplément à ce que nous en avons déjà dit dans nos Difcouis. (_d) II Xiv'. & le 11. nous a paru que riiypothèle des germes préexiftans , quels que foient le nombre Se »rt. XYl. le mérite de fes défenfeurs , fouflioit les plus grandes difficultés. Si nous avions à prendre un parti dans une matière aufli obfcure , ce feroit pour le mélange des fémences que nous panclierions , fans prétendre expliquer le moins du monde com- ment l'animal réfulte de ce mélange , &c en renonçant même à le concevoir ; (e) car dans la Phyfique comme dans la Religion, on peut admettre des vérités incompréhèn- fibles , ik l'on doit toujours bien diftinguer entre le fait , &c le comment. Hippocraie a dit depuis long-tems , que fi la fémencc du mâle prévaloir dans le mélange, ce qui en réfultoit étoit un mâle , Se que c'étoit au contraire ime femelle , (i la fémence de la femme étoit la plus forte. (/) On s'eft beaucoup mocqué de ce fyftême ; il me pa- roît cependant que l'obfervation lui eft très-favorable , & je croirois que les chofes Ce partent efteftivemcnt ainfi pour l'ordinaire: il me femble entrevoir même quelques ex- ceptions qui confirment cette idée , loin de la détruire; on voit de certains individus à qui l'on diroit que le père ou la mère n'a fourni que les parties fexuelles ; on remar- que en effet des hommes qui ne femblent l'être que par là , encore ne le font-ils guè- res. Les hommes dont je parle n'ont prcfque point de barbe , ils ont la voix elfe- (a) DiB. il Chlm. tom. II. pag. 446 & 447- (b) Effai fur U pi:lrcfacl. pag. 54. (c) Voy. U Difi. pag. xcui. fà) Voyez les Articles cités à la marge. (e) C'eft-à-dire qu'en rejettant la génération /orjuite, nous admettrions la gén^cationyJiwMnK; la première , eft un effet fans caufe , & par conlequent une ablurdité ; U leconde, un effet dont on içnore la caufe , ce qui eft très-commun. ... If) Hipfocrate dans quelques-uns de fes ouvrages admet formellement la diftinilion & le mé- lange des fémences; dans d'autres il paroit fe déclarer aufli pofitivement en faveur des germes , comme on peut le voir par la favante differtaiion de M. Hcinius. (i) Hippocratc admettoit-il donc les contradiftoires ? Gardons-nous de faire cette injure à un fi grand homme ; on fera aifément difparoitte cette apparence de contradiftion , en difant , ce qui eft fort vraifemblable , que quel- ques-uns des ouvrages qu'on lui attribue, ne lui appartiennent pas , ou , en fuppofant qu'il foit véritablement l'Auteur des uns & des autres , qu'il a pu changer d'opinion fur l'article de la généra- tion , comme l'a fait de nos jours un illuftre Moderne , (1) qui s'étant d'abord décl.iré contre les germes dans fes premiers ouvrages , eft devenu depuis un de leurs plus grands défenleurs , & kur plus ferme appui. M. Hiinius donne les plus grands éloges à hippocratc fur ce qu'il a connu 8f enfeigné , félon lui , le fvftème de la préexiftence des germes ; quant à nous , li nous voulions faire prendre une haute idée du génie philofophique de ce père de la Médecine , nous citerions de préférence à tous fes autres écrits , fon traité de Aert , a^uis &■ hcis , ouvrage étonnant , oCl l'on trouve déjà le germe trèsdéveloppé de VEfprii dei Loix, (1) Voyez Us Mémoires , Art, XIV. (i) M. It Baron de Haller. , . , ^ ' mmee , A P P E N D I X.' 33 miniée, la peau douce Se fans poil, en un mot, au fexe près, ce font des femmes plutôt que des hommes. D'un autre côté , on voit aulli des femmes hommaiies dont le ton de voix eft rude , le tiiïu des parties ferme 6c ferré , & qui même ont de la barbe ; le fexe excepté , elles tiennent plus de l'homme que de |j femtr-.c : on a vu enfin des individus en qui les deux fexcs étoient fi fingalièrement confondus , qu'on ne fjvoit trop quel titre leur donner, ou de quel nom on devoir les appeller. Tel eft le fpct^acle qu'a préfcnté, dit-on , depuis peu à Lyon & à Paris le nomme Grand- Jijn , (j) dont tout l'dre éloit un niilange des deux fexe i dam une égale imperfeciion. Les monftres tournilTent encore , à mon avis , une préfomption alTez forte , que la génération fe fait par le mélange des fémences : (fc) car fi i'oti veut qu'ils viennent de germes^ il faut ou admettre des germes originairement monftrucux , comme M. Winjlow , ou dire avec M. Lemery, que ceux dont les monftres tirent leur origine, font tous rendus tels par accident, (c) La première l'uppofiiion paroit répugner à la SagelVe divine. Kn effet , quoiqu'il faille convenir avec M. de Mairan , (J) que dans les difputes phyfiques on ne doit point trop infifler fur les preuves morales & mé- taphyfiques , je ne me prêterois pourtant que très.difficilement à penfer que l'Etre fouverainement bon , jufte fit raifonnable , ait formé par un premier delfein, par une volonté diredte , des êtres que le vice de leur conformation rendroit néceffaircment malheureux d.vs la fociété , par l'horreur naturelle qu'ils infpirent , &c ce qui eft infiniment plus fort encore , des êtres condamnés à mourir auflîtôt qu'ils font nés, en coniëquence de cette organifation vicieui'e. Quel feroit en cela le but de la nature? ne fe propofe-t-elle pas toujours direftement la confervation de l'individu , comme la perpétuité de l'efpèce .' Je croirois donc volontiers , que les monftres ne font pas l'effet d'un dcfli;in immédiat, mais des exceptions aux loix ordinaires de la forma- lion des animaux, exceptions qui ne pourroient être prévenues que par des miracles, que Dieu ne juge point à propos de faire, ayant voulu que ces loix fulfcnt générales, malgré quelques inconvéniens particuliers qui en réiiiltent. Quant à l'hypothèfe qui attribue toutes les productions monftrueufes à des caufes accidentelles , comme la pé- nétration des germes , des greffes fortuites, &c. il ne faut que parcourir avec quelque attention , & fans efprit de fyftéme , l'hifloire des monftres , pour être convaincu qu'il y en a un grand nombre dont on ne fauroit rendre raifon par ce principe , (a) Voyei le Mémoire que M. Vermeil , Avocat , a écrit pour la de'fer.fe de cet infortuné . condamné à Lyon» comme profanateur du Sacrement de Mariage , Se abfous par le Parlement de Paris, yoy'i auffi dans les .Mémoires de l'Académie Royale' des Sciences, année 1750, la def- cription d'un hermaphrodite , donnée par M. Morand; le fexe mafculin dominoit dans l'herma- phrodite , mais il y avoir cependant chez lui un bizarre mélange des deux Cexes ; le badîn paroif- foit un peu plus évafé qu'il ne doit l'être naturellemeDi dans un garçon , & en comparant lei deux cuiiTes enfemble , il fembloit que l'une tenolt de celle du garçon , & l'autre de celle de la iille. (i) M. Bonnet prétend, (1) d'après M. de Haller , qu'il n'exifte point de liqueur féminale dans les femelles , mais les preuves qu'il en apporte ne nous ont pas paru plus concluantes , que celles qui ont été difcutées à l'article XVI. du Difcours , fjus l'année 1756 , & ce ne font mime au fond que les mêmes preuves. (c) On peut voir le détail de la longue & faraeufe difpute de ces deux Académiciens fur les monflres dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, (a) M. de Foniene'.le en donnant l'hiftoire de cette difpute , a fait , à fon ordinaire, l'office d'un excellent Rapporteur ; M. de Mairan, qui lui fuccéda dans la place de Secrétaire de l'Académie , a continué le même office , & a donné de plus fes condufions , qu'on lira certainement avec le plus grand plaifir dans l'Hiftoirs de 1-4}, depuis la page s8. jufqu'à la page 67. {d) Ibid. fag. C4. Cf. & m-. (1) Confiiirtt. far les corpi organl/. tom. II. pag. 157. IjS, (2) Ann. ijn. ,7jj. i-jj^, ,7jS, ,j.^o. ,.^j, 6- rj^i, Tom, II. ■»««*«««« 34 A P P E N D I X. •■ 6c qui évidemment ne peuvent avoir été formés de pièces de rapport, (a) A a T I c L £ jj gjj ,,|j]-j ceriains vices de conformation , dans des lii)ets d'ailleurs régulièrement con- ^^' formés, qui ne font pas moins inexplicables par le fyiiême des accidens ; nous pour- rions en citer des exemples fans nombre ; bornons- nous à quelques-uns. M. Louis rap- porte dans une thèfe très fingulièrc & très-inftruftive , remplie d'obfervations curieu- fes , qu'un jeune homme qui connut une fille d'une manière antiphyCque , ayant trouvé des obltaclcs infurmontables par la voie ordinaire , ne lailVa pas de la rendre enceinte; ce qui donne lieu de croire, dit M. Louii , qu'elle avoit été conformée pour être' connue d'une façon aurti révoltante, (fc) Il n'oie décider fi cette fille pou. voit fe marier canoniquement. (c) M. Boufquet , Chirurgien à Maçon , a donné dans le Journal de Médecine (.d) l'hiftoire d'im fœtus femelle non moins fingulièrement con- formé ; le reftum s'ouvroit dans le VDgin , & les uretères venoient aboutir aux deux grandes lèvres , qui en étoient percées ; fi cette fille avoit vécu , elle auroit pii concevoir de la même façon que celle dont parle M. Louis. On a vu plufieurs fois le reaum s'ou- vrir dans la velîie ou dans fon cou. L'hiftoire de l'Académie Royale des Sciences , année 1755, nous en ortie un exemple. M. Bonnet a la bonne foi de convenir dans fes Conlidérations fur les corps organilës , (e) que fi l'urètre de la mule s'ouvre dans le vagin , (/) comme le prétend M. Heher.peii , (5) &c non au dehors , comme dans îa jument , {h) il ne peut pas rendre raifon par fes principes de c;tte déviation; îl eft donc clair que le fyftême des accidens ne fauroit expliquer toutes les conforma- tions vicieules. ( i ) . ,. , . Les animaux mi-parti , ou provenus d'efpeces différentes , mdiquent plus fortement encore , félon nous , que le mâle &c la femelle fournifl'ent chacun une part à la for- mation de l'embryon. Sans répéter ici ce que nous avons déjà dit ailleurs au fujet du mulet qui réTuitc de l'âne Et du cheval, (t) &i fans nous prévaloir de l'exemple du jumar, dont l'exilknce cil encore conteftée , U) nous citerons quelques faits, (a) Voyei-en les preuves chez M. dt Mairan , Hift. de l'Acad. ann. 1743. pag. $8-67. & chez M. jj« MaupLriuj!. [Venus Phyji^uc.) Une preuve qui paroîi démontrer , fuivant la remarque de ce dernier Philol'ophe , la faulTeté d'u lyftème des accidens, c'eft que dans les monftres par excès , les parties fuperilues le trouvent toujours aux mêmes endroits que les parties néceffaires , & jamais ailleurs. (i) Je n'ai point vii la curieufe thèfe de M. Louis , qu'il cite à l'article Rc/lriHif de l'Ency- clopèdie , & je n'en parle ici que d'après le Journal Encyclopédique , du mois da Mars 1756. lU'. partie, pag. 116-iiS. (c) Vagina claufa in anum patehat, tamen , fcd per anum conccpii , & pipcrit Ucirato ani fphinScrt, Louis , ap. Haller. EUm. Phyfiot. tom. VHI.p. 213. ^ (if) Fcpfidr /7f7. P'Sg. izS. 6* tZi), (c) Tome IL noce de la pag. j3;o. (/) Elle s'y ouvroit dans l'hermaphrodite de M. Morand, (g) Foyei le IL Appendix , pag. jj. (h) Foyci le I. Difc. pag. J4. not. ('») , , . /• J . (;) J'ai vu dernièrement un exemple fort (îngulier de ces vices de conformation , fi cependant on peut lui donner ce nom ; une jeune Demoifelle, de dix à douze ans , remue le fternum de droite à gauche , & de gauche à droite , comme il lui plaît , de façon que cet os s'éloigne d'envirorj un demi pouce de la ligne perpendiculaire qu'on fuppoferoit le partager en deux parties égales ; il eft remarquable que le peie da la Demoifelle remue aulTi le fternum à volonté, & nen pas la mère , chez qui l'os en queftion n'a point cette étonnante mobilité. , j • j M. le Marquis de Madonia m'a dit avoir vu à Padoue M. le Dofleur Bonati , dont l»s doigts de la main font liés entt'eux par une membrane, comme ceux des pieds des canards ; ce Dotteur «ft père de 10. à 12. enfans , qui ont tous les doigts de même , à l'exception d un ieul , qui les a à l'ordinaire. (k) Vuyei le I. Difc. pag. ^S-jC. . , , ,, ■ , • f 0 II eft bien étonnant qu'on ne fathe pas encore à quoi s'en tenir fur le compte d un animal qu on alTure fe trouver en Savoye & dans le Dauphiné. M. de Halle, dit à la page 213. de fes additions a fes Elémsns de PhyûoW&ie : Jumaiorum totam hipriam fatuhfam tjfc milu tefiss efi gravijjiaus lU APPUNDIX. îj qu'il ne paroît pas qu'on puifle révoquer en doute , 8c qui ne Ibnt pas moins con- ^^ ^ ^ ^ J\ cluans. Locbe a vu un animal engendre d'un chat & d'un rat, qui avoit des marques xx. ïifijîlcs de CCS deux bêtes , en quoi il paroît , dit ce grand Philolbphe , que la na- ture n'avoit liùvi le modèle d'aucune de ces efpèccs en particulier , mais les avoit confondues enlemble. (j) Bayl» raconte aulli qu'un gros rat s'accoupla à I.ondrej avec une cliate, qu'il vint de ce commerce des petits qui tenoient du chat & du rat, & qu'on les éleva dans la ménagerie du Roi d'Angleterre. (6) M. Veraiii rapporte comme témoin oculaire , que d'un chien Se d'une chatte naquit un animal qui avoit le corps du chien , les giilics , les dents , 8t le poil de le chatte, (c). L.a gazette de France du 6. Mai 1768, t'ait mention d'un tait tout récent, qui par l'a fingularité mé- rite d'autant plus de trouver place ici, que les Phyliciens ù. les Savans en général confultent trcspeu les gazettes: voici donc le fait littéralement rapporté dans toutes fes circonftances. On mande de Joinville les détails fuivans, qui ont été confiâtes par un procès verbal en régie : une chèvre appartenant à Maurice Feron , vigneron de Mufley en Cham- pagne, a mis au monde un animal d'une conformation extraordinaire , âgé déjà de Ifiatius Somis. M. de Maupertuis (i) doute fi le jum/ir n'efl pas un ê:re chimérique , & M. de Bufun n'hélitc pas à le croire ; il dit dans foa grand & bel article de la dégtfnération des animaux , (î) qu'ayant fait venir un de ces jumars de Dauphiné , & un autre des Pyrénées , il a reconnu tant pac i'infpe^ien des parties extérieures , que par la diffe>1ion dos parties intérieures , que ces jumars n'é- toient que des bardeaux » c'eft-à-dire des mulets prévenant du cheval & de l'âneffe , d'où il conclut que cette fortt de mulet n'«xille pas. Il y a cependant des témoignages 11 poiîtifs en faveur des jumars , que je pancherois à croire qu'il en exilée. U y a quelque tems que in'entretenant fur cela avec ua de mes amis, (5) en qui l'eTprit paroît être une qualité héréditaire, il m'allura avoir vii à Eiguieies ^ (Bourg de l'rovcncej chez Mme. la ComtelTe de Sade ^ un animal qu'on lui dit être un vrai jumar , & qui plus que probablement n'étoit pas un mulet ; un Provençal ne peut guère fe mé- prendre à ce dernier. {a) Effai phdojophique fur Penlendement humain , Liv. III. chap. VI. Locke conclut de ce fait , & de beaucoup d'autres raifons , qu'il eft très-difficile de fixer U notion qu'on doit fe faire de l'e/pcce. Je me doutois depuis long -tems que celle que M. de Bufon en donne eft purement arbitraire , & n'a point fon fondement dans la nature ; cela a été démontré depuis par un Phi- lofophe ('4) moins éloquent , mais non moins profond , que le fublime Auteur de l'Hiftoire Natu- relle. M. Gleditfch , quoique grand & illuHre partifan des germes, convient que dans le régne vé- gétal, comme dans le régne animal , le mélange des efpèces produit fouvcnt rfes morfires ou ef- pèces bâtardes qui dégénèrent en peu de tems au point de n'être plus rien de déterminé, (y) Cette obfervation me paroît porter également contre les germes , & contre les moules, (4) Bomare , Diflion. raif. d'hift. nat. in-j^'. tom. I. pag. 504. On fera fans doute fur» pris que des efpèces aulfi antipathiques ayent pu s'unir ; mais un gros rat eft plus méchant & prefque aufli fort qu'un jeune chat ; (6) d'ailleurs le chat eft fi palTionné pour la liberté , que lorfqu'il i'a perdue tout autre fentiment cède à celui de la recouvrer ^7^. M. Lemcry ayant enfermé ua chat avec plufieurs fouris dans une cage , ces petits animaux d'abord tremblans à la vue de leur ennemi , s'enhardirent bientôt au point d'agacer le chat , qui fe contenta de les réprimer à coups de pattes , fans les empêcher de letoutnet à leur premier badinage , qui n'eut point de fuites ui- giques. (8) \c) Galerie de Minerve , tom, VII. pag. 67. (t) Venus phiyfïque. (1) Hifl. nat' tom. XIV. pag. J^S. (3j M. de Lieuron , nrteu de feu M. de Surian , Evùjue de Venee , & gendre de M. de Peyniér , mncicn Fréfderjt au Parlement de Provence , & Intendant de la Mttrtiititjae. (4) M. Adanfon , de C Académie Royale des Sciences; voyei la belle & excellente Préface de fes Familles des plantes , pa%. ciyiii-CLXiy. (s) Voyez dans le III. vol. des mil. d'hift. nat. pag. ^6i,[tiilr»it ict txfirientcs faites à Berlin fat ies deux fexes des végétaux. (6) Dia. raif. d'kifl. nat. m-^", tem, m, p. 7';. C7) Ibid. tom. I.pag. jd4» (5) Ihid. pag. jp/, ^ • ««««t«* jj l6 A P P E N D l X. - ''^^^ quinze jours. Au lieu d'avoir de petites oreilles pointues , des pattes minces 8c "" xx "^ ^ courbées ik une tôte courte , ce qui diftingue les chevieaux , l'animal dont il s'agir a des oreilles pendantes & longues d'environ fix pouces, la tête rellémblante à celle d'un chien courant, les deux pattes de devant plattes &c all'ez grofles , !k une queue longue de quatre pouces comme celle d'un chien ; mais fon corps eit très- bien con- formé £* la croupe , ainli que les pattes de derrière , rcrtèmble allez à celles d'urj chevreau. Sa têie e(l noire , ik une raye de la même couleur s'étend tout le long de fon dos ; fes pattes & le relie de l'on corps font de couleur gris de perle ; fon cri reflemble tantôt à celui d'un chevreau , & tantôt à celui d'un petit chien. La chèvre qui l'a produit a refufé long tems de l'allaiter , & paroilfoit redouter fa vite ; mais enfin elle s'y efl accoutumée , 6c continue de le nourrir. Dans le mois de Jan- vier dernier , une brebis appartenant à Henri Taboiireux , vigneron du même en- droit , avoit produit un agneau mâle de groHeur ordinaire , qui avoit huit pattes , deux têtes , tiois oreilles , deux queues, 6i un feul corps. Hucheli raconte dans fa relation du Congo , que les femmes de ce païs , après avoir eu affaire avec de gros linges, mettent au monde des enfans qui ont exaftement la forme humaine. M. de Hc mis à putréfier de la guede qu'il avoit lui-même fe» - (*) Que devient donc cette grande quantité de fel marin à bafe d'alcali minéral , qa'oB fait sntcec dans U« alimens , à titre d'aflaifonnemïiit i A P P E N D I X. 39 mée 5t rccueilUe , afin de l'avoir meilleure &c qu'elle pi'it lui donner une pjus grande i '' ^w quaniilé de la nutière colorante , il trouva le neuvième jour fur cette gucde uuire- Article fiée une multitude de petits vers blancs , qui , pôles l'ur un verre , fous le microfco- ^^t* pe , 6t éclairés par le miroir , étoicnt prelque entièrement iranlparens ; ils avoient léulement au milieu du corps une petite raie noire ; au bout de quinze jours ces iiliéttcs avoient déjà pris un uccroill'cmcnt confidérablc , 6c leur raie noirâtre com- mençoit à fe teindre fcnfiblcincnl en bleu. Après trois femaincs , ce bleu Te repandit dans tout le corps de linlcdk , 6c le teignit parfaitement jl'infeâe continua à croître pendant le reile du mois ; il fe changea eni'uite en cliryfalide , &c. finale- ment , après quelques feniaines , en une mouche femblable à nos mouches ordjnai. res , à l'exception qu'elle a le corps un peu plus allongé. Lorfque avant de piijr les feuilles de la gucde & de les mettre à putréfier, on les lave pendant cinq à ùx fois avec de l'eau pure , 6c qu'on les clfuye enfuiie avec un mouchoir bien propre , l'iuTefte dont nous parlons ne s'y montre pas en f\ grande quantité , ce qui donne lieu de croire qu'd avoit déjà dcpofé lés œul's fur les tçuilles de la gucde , &i que le lavage & le mouchoir en emportent une partie. Cependant quoique les feuilics de la guede dans leur état naturel & dé fraîcheur, foient attaquées par divers imcttes , tels que la puce de terre, les chenilles, cer- taines araignées ; l'inlcfte dontil s'agit ici ne s'y trouve jamais , du moins M, Margraf ne l'y a jamais vu; il a toujours fallu que la guede ait été pilée & miie en puirétattion. M. Margrjf n'ofe cependant décider li l'infedle ne tireroit pas do l'indigo des feuilles de la guede , qu'en auroit fait fimplement fécher ; on ne peut le lavoir que par des expériences paitii-ulièrcs , que lans doute l'illuftre Acadé, micicn ne manquera p :s de laire. Du refle, on auroit tort ae croire que les parties co- Jurantes fe forment du.is le corps de l'animal , & qu'elles n'exiftent pas dans la guede même , M. Margraf les en a tirées par la maceiation.dans l'eau , Se par uns légère expreluon. D'ailleurs , fi on pred'c de la guede qui ne fait que de fortir do terre , & qui n'a encore que deux feuilles , fur du papier, de la toile, ou de la laine , 6c qu'on y verfe enfuite quelques goûtes d'efprit de fel ammoniac , il en réfultc un bleu allez durable , ce qui indique furtifamment que la couleur exiftg dans la plante dès fes premiers commencemens. Cette couleur ne paroît pas rélider dans les parties qui peuvent être dilîbutes pcr l'eau ; car en épuifant la guede de ces parties par des ébullitions & des cxpref. (ions répétées , l'eau ne fe teint nullement en bleu , au lieu que le réfidu dcf. féché, qui ne peut guère contenir que la partie refincufe 8t la terre de la plante , conferve fon effet par rapport à la teinture bleue , &c même un effet lupérieur à celui des feuilles de la guede en balle ; car M. Margraf ayant fait de cette guede ainlî cpuifée une petite cuvetc , fuivant la méthode de M. Heilot , elle teignit encore en fort beau bleu de l'étofte de laine , tout comme auroit pi'i le taire la préparation ordinaire de la guede. En outre l'efprit de vin bien rcflifié appliqué à de la guede bouillie &c délféchée fe charge d'un fort joli bleu , tirant fur le vcrd. En finifiant, M. Margrj/ iftvite ceux qui s'occupent de la recherche des maté- ■ riaux propres à la teinture , à faire attention aux diverfes efpèces de chenilles &c d'autres infeftes , qui tirent leur nourriture des plantes ; il croit qu'en les confide- raiit avec plus de foin qu'on ne l'a fait jufqu'îçi , il s'en trouveroit quelques uns qiri pourroient être employez à cet ufage , 6c nous dédommager en quelque foiHç dci dégâts qu'il ne leur arrive que trop de cavifcr. 40 A P F E N D I X. III. •XXI. Recherches /uceinte: fur VHypoclflis des Anciens» Par M. Gle Di TS c H. L'hypociftis eft une plante parafite du nombre de celles qui ne croiflent pas in- différemment fur plufieurs arbres , mais déterminément fur certains , dont le ftiC leur eit plus approprié'; elle vient uniquement fur les cifta , arbres qu'on trouve dans les contrées arides de l'Efpagne , du Portugal , de l'Italie , ik du Languedoc ; la Grèce 6c prefque toutes les ifles de la mer Egée , en produiient en abondance , fur- tout de l'el'pèce qui donne le ladanum. Après des confidérations générales fur les plantes paralites , M. Gleditfch afligne les caraftères & les efpèces de l'hypociflis \ il rélèrve pour un autre mémoire l'hiftoire détaillée de cette plante. I V. î)lj}'eriation fur Vorigine de l'Amhre gris. Par M. DE Francheville. On a publié en 1763 , qu'un Chirurgien François dilîequant dans les Indes un cro- codile de trente. neuf pieds de long , trouva que fes tefticules avoient parfaitement l'o. deur de l'ambre gris , ce qui lui fit conjefturer que l'ambre gris , qu'on tiuuve na- geant lur la furface de la mer , &. dont la nature a été jufqu'à préfem fort peu con- nue , n'étoit autre cliofe que le lait du crocodile mâle , qui naturellement vifqueux eft condenfé par la chaleur du climat ; & que c'eft aulîi par cette railbn qu'on trouve de l'ambre gris dans tous les parages des Indes , où l'on trouve des crocodiles. La même année , M. Margraf, alors Direfteur ", lut à l'Académie dans la féance du 13. Juin un Mémoire de M. le Dofteur Kriel , établi à Batavia , dans lequel il étoit dit qu'en 1761. le Gouverneur de l'ifle de Ternate lui avoit envoyé neuf lots & demi d'ambre gris , avec des obfervations fur fon origine , contenant en fubfiance que l'ambre gris eft dans fon principe un bitume liquide , ou huile de terre à laquelle on donne le nom de Pétrole. Le Dofteur Kriel ayant analyfe cette fubftance , conclut ds fes expériences , qu'elle n'appartient ni au régne animal , ni au riîgne végétal , mais que c'eft une huile de terre , ou un bitume , de la même na.ure que le fuccin ou l'ambre jaune. C'efl ce qu'on penfoit dès le XVI'. fiécle , comme le témoigne Jules - Céjar Scatiger dans fon livre contre Cardan. Mais tous les parfums dont l'origine n'eft point conteftée , font ou du régne animal ou du végétal ; le régne minéral où foflîle n'offre aucune efpèce décidée qu'on puilTe mettre au rang des parfums , les unes étant l'ans odeur , & les autres n'ayant qu'une odeur fulphureufe !k défagréable. Or , le pétrole appartenant à ce régne , (a) par quelle vertu les eaux de la mer pourroient- elles en faire le plus précieux de tous les parfums 1 D'ailleurs, par quelle étrange 5c inconcevable propriété , cette matière liquide ré- pandue dans les eaux de la mer, pourroit-elle fe réunir, fe condcnfer , prendre un corps , &c fe changer enfin fans foriir de l'eau, en une malîè folide d'ambre gris? Voit-on que le bitume , dont les eaux de la mer font véritablement imprégnées , fafle rien de pareil ? (a) Tous les Phyficiens & les Naturaliftes n'en conviennent pas, VoyeiU Difcours, art. XXXIV* & VAficndix attides XIH, & XIV. A P P E N D I X. 4t R T I C L E Y ayant donc une impoffibilité phyfique, à ce qu'une huile répandue dans la mer " ou ponce a fa lurtacc , y devienne un corps folide , & auffi épais que le font ccr'*-vv,- lains morceaux d'ambre gris, il s'enfuit qu'il doit tomber tout formé dans la mer & être en même tcms de nature à pouvoir fe fouccnir par fa légèreté fur la furl' face de l'eau , & n'y être point-fufceptitlc de diiTolution. JujU Klobiu, , Doacur dans IX'nivcrfité de Wiitenberg , & Auteur d'une hiftoire de l'ambre, imprimée en 1677. in.^". y a rapporte jufqu'à dix-huit opinions fur Icfqucl- les il nous a laillé la liberté du choix ; dans ce grand nombre d'opinions , il n'y en * que trois qui mentent d'C-uc examinées , Se de ces trois la plus vraifemblable eft celle qui établit que l'ambre gris eft un compolc de cire & de miel , que les abeilles depoient dans les lentes des rochers , qui bordent les illcs des mers oricnralcs • que cette matière fe cuit au folerl , & que fe détachant enfuite , foit par l'clîbrt des vents foit par l'élévation des flots, foit enfin par fon propre poids , elle tombe dans la mer' ou elle achevé de le perteûionner, Kn ertet, on conçoit que fous un climat très. chaud , comme celui des côtes orientales, oi'i l'ambre gris fe trouve en plus grande abondance , les fleurs s'y fuc- cedant fans celle , les abeilles doivent multiplier à un point étonnant , 8c produire da la eue 61 du miel à proportion : on en peut juger par celles de Siam , du Tun- quin , & de la Chine , dont les ruches pofées les unes fur les autres par étages oc- cupent un grand nombre de barques ambulantes le long des côtes , & les appkan. tirtent fi tort par le travail continuel des mouches , que ces bateaux couleroient bas s'ils^n'étoient de tems en tems allégés ou déchargés d'une partie de leur fardeau. 1°. Les abeilles fauvages ne font ni moins fécondes ni moins ouvrières fur les côtes delertes ou habitées par des peuples barbares Se ftupides ; mais y étant abandon, liées a elles-mêmes , & n'y trouvant ni ruches ni forêts , elles doivent naturellement le retirer dans des rochers qui bordent ces côtes , pour faire leur cire & leur miel ' l'exceflive ardeur du foleil y fait fondre ces deux matières , les raréfie , les cuit, les mêle enfemble , Se dans cet état s'il furvient une tempête , elles font entraînées par les vagues dans la mer. f. Ce compofé de cire & de miel doit fe fondre à la moindre chaleur, comme l'expérience le prouve à l'égard de l'ambre gris , & néanmoins devenir indilToIuble dans les eaux de la mer , y furnager , & être porté par les flots dans tous les para- ges où il s'en trouve. 4°. Cette matière étant formée fous un climat où les fleurs ont plus d'odeur Se de vertu que celles d'Europe , il e.1 naturel qu'elle ait le partiim exquis , & les mer- reiUeufes propriétés qu'on y reconnoît pour fortifier le cœur, leftomac , Se le cerveau. 5". Ce qui autorife ce fcntimem , c'eft que de la cire Se du miel mêlés enfemble, on tire une edénce qui a des quahtés fort approchantes de l'ambre gris , Se qui en auroitfjns doute de plus analogues encore, fi l'on étoit à portée de fe fcrvir de la cire & du miel des Indes. 6°. Les raies marbrées que M. le Gouverneur de Ternate dit être la mar- que du meilleur ambre gris , font vifiblement les traces que le miel a laiOëes dans la cire lorfque le foleil a cuit cette matière , Se il eft fenfible que l'ambre gris doit avoir de l'odeur & des vertus à proportion que ces traces de miel recuit s'y font confervées. 7°. Pour preuve de cela , on a péché quelquefois de grofies pièces d'ambre gris qui n'avoientpas encore toute leur perfeaion , Se en les rompant, on y a trouvé dans le milieu des rayons de miel Se de cire. 8". Cette^ matière tombant dans la mer, y peut acquérir un nouveau degré de per- Jcttion , même quant a l'odeur , puifqu'on fait d'expérience que la première glace de iom. II, *■*««««•• 4z A P P E N D 1 X. fel marin qui le fait dans les aiies des marais falans , fent auffi parfaitement fa vio- ''xxi "" ^ lette que la fleur même de ce nom. 9". Tout le produit de l'opération chimique de M. le Dofleur Krielt peut con- venir aux principes du miel & de la cire dans l'état où le foleil ik la mer ont rais ces deux matières. 10°. L'extrait nn peu amer qu'il en a tiré a dû néceffairemcnt s'y trouver , à caufe que l'ambre gris imprégné du bitume nage comme lui à la furface des eaux de la mer : £< du reile , cet extrait étoit gommeux , ce qui eft aufli la qualité de la cire. Par toutes ces raifons j'eftime que l'ambre gris n'eft & ne peut être qu'un com- pofé de cire &c de miel , réunillant parfaitement les trois circonftances que j'ai éta- blies d'abord , de tomber tout formé dans la mer , d'être d une namre à pouvoir fc Ibutenir par fa légèreté fur la furface des eaux, St de n'y étie point fufteptiblc de diflblution. Il eft donc inutile d'aller chercher fon origine , ou dans l'excrément de la ba- leine, que Kiohui nomme trompe , Si qui me paroît être le cachalot ou le louffleur, OU dans la lémence du crocodile mâle ; dans le premier cas les baleines feroient plus communes qu'elles ne le font dans les mers des Indes , ov'i l'on trouve le plus «l'ambre gris , & l'ambie gris moins rare dans les mers du nord , 011 fe trouvent le plus de baleines : Se dans le fécond cas , les crocodiles étant très. communs aux em- bouchures du nil Si dans nombre &e lleuves de l'Amérique , l'ambre gris devroit fe trouver aullî très -communément dans la Médicerranée , Se fur les côtes occideii- tales , ce qui eft cependant prefque fans exemple , de forte que s'il s'en eft trouvé, les flots dévoient l'avoir apporté d'ailleurs : de même files crocodiles, les cachalots, ou d'autres poillbn? voraces ont quelques parties de leurs inteltins , ou quelque chofe dans leurs déjcûions , qui ait l'odeur de l'ambre gris , c'eft que ces animaux trou- yant des morceaux de cet ambre à lu iiirface de la mer , les avalent , (a) comme le prouve celui qu'on trouve dans leur corps. V. Expofition abrégée d'une féconJat'ion artificielle des truites & des faumons , qui eji appuyée fur des expériences certaines , faites par un haUle Naturalijle. Par M. Gleditsch. Ce que les infeflcs entreprennent 6c exécutent pour la fécondation de diverfes efpèces de plantes , Ci) ce qui fe palî'e annuellement chez quelques peuples dans la culture des dattes £i des piftachcs , enfin ce que j'ai efl'eftué m.oiméme avec fuccès par des expériences réitérées , (c) un autre Natuialine des plus habiles l'a tenté , 6c en eft heureufement venu à bout , en fe fervant de la voie d'analogie pour arriver à une fécondation artificielle des poifj'otis , & en liiivant l'exemple des animaux dont les femelles dépofent leurs cents non encore fécondés, fur lefquels les mâles répandent enfuite leur laitance dans l'eau. Je fuis redevable d'une relation circonftanciée de cette intérelTante découverte , Se du détail des expériences qui ont été entreprifes à ce fujet , à M. le Baron de Wehheim de Harbte , qui m'a permis d'en faire part à l'Académie. Ces expériences faites par le favant M. Jacohi , avec beaucoup de circonfpeftion 6c le plus grand (a) C'eft probablement ce qui étoit arrivé au crocodile difféqué par le Chirurgien François , & dont les tefticules étoient parfumés de l'odeur de l'ambre. (b) Voy. Us Mîm, tom, II. pag. jS. (r) Yoy. les Mm, lom, 1, a't. A'A'i7, A P P E N D I X. 43 difcernement , tncritent fans contredit d'occuper une place diftingiiëe dam tous les . mcmoircs de l'hyliqiie. Voici ce qu'elles préienient de plus important, d'après le '^xxi. récit que M. Jncubi luimcmc en a donné. Il fit taire une cailTe d'une grandeur arbitraire , par exemple , de douze pies de longueur , auwm de largeur , tSc fix pouces de profondeur. A un des bouts de la caifle, il fit clouer par-deiïïis une planche d'environ un pié de largeur, qui avoir au milieu un trou qujrré de lix pouces, lequel étoit garni en dedans d'un treillage de fil de léton ou d'archal , dont les reieaux avoient un tiers de pouce de diftance , à l'autre bout de la longueur do la cailTe , & à l'exception de quatre pouces de la protondeur. La même ouverture étoit revêtue en dehors d'un treillage pareil à celui qui vient d'être décrit , afin que tant à l'entrée de l'eau qu'à fit foriie , les rats ne puiVent y pénétrer , ni aucun autre petit animal propre à détruire les œut's des poif- fons. Pour interdire encore mieux toute avenue à ces animaux , il lit mettre fur la cailVe entière une couverture qui l'enveloppoit exactement , 8c au milieu de la- quelle il y avoit un trou de lix ppuccs en quarré , par lequel le fretin pouvoit rece- voir une quantité fuffil'ante d'air &. de' lumière, quoique celle-ci ne tïit pas repu- lée tout- à fait nécelfaire. Une cailie ainfi faite peut être avantageufement placée au courant d'un ruiiTeau , ou encore mieux près d'une fource un peu abondante , qui aille fe rendre dans quel- que petit étang ; l'eau qui coule d'une i'emblable fource doit être ralfemblée dans un petit canal, & tellement gouvernée qu'il en entre environ l'épairteur d'un pouce par le treillage décrit cidellus dans la caille, convenablement placée au deflbus du canal. Se que cette eau aille fortir par l'ouverture grillée qui fe trouve à l'autre bout de la caiflc , & y prenne un écoulement continuel. Mais avant que de palTer à l'expérience même , on répand au fond de la cailTe l'épailîéur d'un pouce de fable groilier bien lavé , ou de gros gravier ; & fi c'ert ce dernier , on poi'e delïïis une couche de cailloux nets de diverfes grofleurs , de fa- çon que ces petites pierres fe touchent de fort près , & lîo laiflent entr'elles qiie des interftices t'ort étroits ; les plus gros cailloux qu'on puiifc employer à cet ufagc , ne doivent pas lurpufTer le volume d'une noix. Vers l'entrée de l'hiver , on peut faire faire une ou plufieurs caiiTes fcmblables a celle qui a été d;!critc , & les placer aux endroits indiqués , car le meilleur tems de l'année oi'i l'on puilfe faire des expériences pour la produftion des faumons e(\ en No- vembre , parce qu'nlors les poilTons màles & femelles de cette efpèce paHcnt des grandes rivières dans les ruillcaux & dans les eaux courantes, poirr y dépofcr fucceflî- vement leurs œufs parvenus à maturité. On procède à ces expériences de la manière fuivante. Quand on a raflemblé autant de faumons qu'on veut en avoir pour le but qu'on le propofe, on prend , par exemple , un vailVeau de bois propre, où l'on verfe une mefure d'eau de pompe bien claire. Enfuite , on tient l'urpenJue au-delfus de ce vailfeau une t'emcUe de faumon en l'empoignant par la tête. Lorfqu'unc partie des œufs que ce poiifon renferme le trouvent bien mûrs , Se difpofés à la fécondation , ils s'écoulent pour l'ordinaire Se tombent d'eux mêmes ; fmon , il fuffit de palTer dou- cement le plat de la main fur le ventre du poilTon , pour qu'une partie de ces œufs en forte , &c tombe dans l'eau oii ils vont à fond. On en fait autant avec le faumon mâle , &c l'on en emploie fucceflîvcment autant qu'il paroît néccITaire pour que les œufs qui font tombés dans l'eau foient imprégnés d'une quantité fuffil'ante de fémence , c'eft-àdire jufqu'à ce que l'eau commence à blanchir , cnr c'eft une marque que l'opération a réuffi. 44 A P P E N D I :K. Article .„ XXI. , c & qu'ils puiircnt s'y loger en pleine fùrcté. Aiifli tôt après , on tait couler une quantité ruftiianie d'eau fraîche de fource par le canal qui eft au-delVus de la caille ; & cet écoulement doit continuer fans interruption. Mais afin que les œufs ne foient pas emportés par le mouvement de l'eau , & qu'ils demeurent immobiles dans l'endroit cil ils font placés , le cours de l'eau à travers la caille & par dellus le gravier ne doit jamais être trop fort, ni trop rapide ; il fjut que ce foit un palTage peipctue! , mais trancjuille & très-doux par-dellus la couche de gravier dont le tond de la cailfc eft couvert. On peut tirer de- là des conléquences fort utiles pour déterminer les places que les poilVons occupent & doivent occuper dans le tems qu'ils répandent leur fcmcnce dans l'eau , relativement à la profondeur de celle-ci , & à la difpoluion du terrein. L'applicEtion qu'on peut faire de ces obfervations à divers cas d'œconomia- pratiquc eft de la dernière importance. ^ . ^ Comme il eft indifpenftiblement néceflaire , que les œufs de faumon introduits dans la caille , foient nettoyés de tems en tems &. débarraflés de l'efpèce de vifcofité ou de toute autre impureté que l'eau dépofe , on peut fe fervir pour cet effet d'une aile d'oie , ou de quelques grollés plumes bien fortes , qu'on tau pjfler !k repallér tout doucement fur la furface de l'eau. Il eft confiant que la vifcofité dé- liée qui fe dépofe fur la femence du poiilbn, empêche le plus louvent les œuis d'e- clorre ; & 1 on peut expliquer par-là pourquoi toutes les efpèces de poiffons ne peu- vent pas fe multiplier indiftinflement dans toutes fortes d'eaux. ,.. r Au bout d'environ cinq femaines , les petits iaumons fe trouvent deja formes dans la caille , 8c parviennent fucceflivement à un état où ils peuvent fe mou- voir • on peut le remarquer avant tout à leu:s yeux , qui font noirs , au lieu que toutes les autres parties de leurs corps demeurent encore tranfparentes , fans re- fléchir la lumière ni aucunes couleurs. „. , . Pendant raccroillcment du poiflbn dans Ton œuf, on peut en diftinguer 1 intérieur au moyen d'une peau très-fine , vifiblement feparée de la membrane extérieure de l'œuf, &- au- dedans de laquelle eft logé l'embrion , lequel eft fi_ bien attache a l'intérieur de fon œuf, qu'on diroit que cet œuf eft fufpendu en forme de bourfe au petit poiffon , à peu- près comme fi on plaçoit tranlverfalement une éguiUe fur un Cette cfpèce de bourfe fufpendue au petit poiffon avec Teftomac 'qui ■ s'étend derrière fon intérieur , fait à-peu-près. tout le contenu de l'œuf; l'embrion fe nourrit pendant quatre ou cinq femaines d'une matière fluide renfermée dans la bourfe ; & pendant ce tems-là fa bouche , d'abord applatie , s'allonge infenfiblement. La bourfe au contraire , dans le même efpace de tems devient toujours plus petite ; |< au moyen de toutes ce? modifications fucceffives , le poiilbn parvient enfin à la figure régulière qu'il doit conferver. Ce tems étant écoulé , on remarque que les petits faumons recherchent leur nourriture avec plus d'ardeur ; mais ne trouvant point de petits vermilleaux dans l'efpace étroit de la caille qui les contient, ils fe portent aux ouvertures grillées , & en fortcnt pour pafTer dans l'eau. On pratique ûlors dans le ruiHeau , ou au voifî- nage un refervoir fpacicux , dans lequel les fources verfent leurs eaux ; & le fre- tin y parvient à la groffeur ordinairement requife pour en peupler les étangs. Cette expérience, qui eft une fuite de la première, fert à la confirmer , la rend plus avan- tageufe, & en fait recueillir le fruit. Quand les petits poiûbns ont atteint le terme qui vient d'être indique , on peut en APPENDIX. 45 prendre qui aycnt environ dix femaines , & en mettre une quantité dans des verres — - ou d'jutrcs val'es bien nets , pour les envoyer en ditïerentes contrées. Mais afin de * '^tii mieux raflembier ceux qu'on doftine à cet uiage , il n'y a qu'à placer dans la caillé ^ '^ '• un petit crible , ou une planche qui en détend la ibriie , dont la figure & l'uTage peuvent être aifément compris , fans que j'aye bcfoin do m'étendre à les dticiiie. Il y a quelques traites d'œconomie où l'on trouve des traces de ce que nous ve- nons d'expofer , & des projets de tianfportcr d'un çiang dans un autie le frai des polirons, ou les œufs fécondés , avec des_ branches de Taule , qu'on met pour cet eft'et dans l'eau , bc auxquelles ces œufs s'attachent. Je prends occafion de pla. cer ici cette remarque , pour rappeller que les oilcaux aquatiques tranfportent d'une manière analogue le frai des poillbns d'une eau dans une autre. Pour ce qui concerne les truites , on peut leur appliquer fans aucun changement toutes les parties de '"art qui vient d'être enleignc en parlant desfaumons; leurs œufs •ont moins d» groiVeur que ceux des derniers , ce qui n'empêche pas qu'on ne puill'e en ratnaÎTer une qiiaptiié fuftiiante , aulli-bicn que des femences requii'es pour la fécondition , eu Décembre & en Janvier , fans que cela nuifc à la vie de ces poirtbns. " ■' Comme on pourroit s'imaginer que les œufs qui fortent des feme!les auroient déjà «té fécondés par quelque accouplement qui nous feroit inconnu , &c qu'ils fe trou, veroient dans le cas des œufs de poules qui ont eu le coq , eniorte qu'il n'auroit pas été nécelTaire d'y répandre la liqueur feminale des màles , voici une nouvelle ex- périence de notre curieux Naturalise , qui détruit entièrement cette fuppofition. Pour écarter la difficulté dont nous parlons, laquelle a déjà donné lieu à bien des erreurs , il fit choix , il y a environ fix ans , d'une truite , & n'employa pour l'cflai qu'il fe propolbit que les œufs de ce feul poilfon , &c en particulier ceux qui en croient fortis le plus à tcms , fcc avec le moins de befoin d'en provoquer la fortie. Il ufa de la plus grande Qirconfpeftion en Ibumeitant ces œufs à la même expérience dont on a Vil le détail au fujet des faumons ; mais en fort peu de tcms la putréfaftion détruiat tous ces œufs fans qu'ils aient produit aucun poilfon : d'où il a conclu avec railbn, qu'il en eÛ tout autrement de la fécondation des œufs des poiflbns , que de celle des œufs des oileaux , en ce que lei premiers ne font jamais fécondés qu'après leur fortie du corps de la femelle , au lieu que les derniers le font toujours dans l'oraire même , fa n'ont plus befoin après cela que de l'incubation. Notre obfervateur , dont rien n'égale l'exaftitude , a découvert aufli un nombre confidérable de monftres parmi les poiflbns provenus de la fécondation artificielle , fur-tout parnii ceux qui venoient des œufs des truites. Il s'en eft trouvé entr'autres qui avoient deux têtes avec un feul corps, d'ailleurs régulier; d'autres n'avoicnt qu'un ventre à deux , & parmi ces derniers on en voyoit dont les ventres s'étoicnt telle, dent confondus , qu'ils fembloient attachés l'un à l'autre dans toute leur longueur. D'autres tenoient enfemble comme fi l'on avoit vu deux truites l'une à côié de l'au- tre dans l'eau. Quelques-uns préfentoient deux corps qui allouent fe confondre en une feule queue ; mais le plus extraordinaire de ces monftres étoit fans contredit celui qui étoit formé par deux petits poiflbus réunis en croix , &c n'ayant qu'un feui ventre commun. Notre Naturalise a obfervé de plus , au fujet de tous ces monftres , 8c de divers autres , qu'ils ne prolongeoicnt leur vie qu'auflî long-tems qu'ils pouvoient tirer de la nourriture de leur propre eftomac ; ce qui ne durcit prefque jamais plus do fix femaines. Tel eft le précis des expériences & des obfervaiions , qui concernent proprement la fécondation artificielle des truites St des faumons : l'écrit qui les contient peut four, nir encore plufleii;s remarques utiles , mais j'ai cru devoir les omettre , parce 46 A P P E N D I ^. ' — qu'elles fe rapportent à d'autres objets. Il y a cependant une expérience digne d« j^^i "■ ^ toute l'attention des Naturaliftes & des Phyficicns ; je crois devoir d'autant moins la palier fous (ilence , qu'elle me rappelle un fait prefque tout pareil , que me prélenta la poufïïère fécondante des rieurs , confiderée comme la fcmence mâle des plan- tes , lorfque je procurai , il y a quelques années , la fécondation du palmier du Jardin Royal botanique de Berlin. Dans le fait que je vais indiquer , il fera quef- tion du regno animal , ik .de la partie féminale qui- appartient aux femelles. Dans les truites femelles , les œufs parvenus à maturité , iic propres à être fé- condés , qui le détachent , & fe réparent de la mère , tout comme dans les au- tres animaux , font entourés d'une membrane allez ferme & confiftante. Il lemble donc qu'alors les autres lues du poiflbn n'ont plus aucune communication avec ces œufs , 6c c'eft peut-être pour cela qu'après la mort de la truite, ils ne font pas d'abord détruits par la putrétaftion , mais confervent encore pendant quatre à cinq jours la vie & toutes les propriétés qui en dépendent , comme l'expérience fuivante va le prouver. Notre Naturalise ayant pris dans des truites mortes depuis quatre à cinq jours & fort puantes , des œufs qui après avoir atteint leur maturité s'en étoient féparés d'eux-mêmes ; il féconda ces œufs , ( chofe bien remarquable I ) avec la fémence d'un poillbn màle vivant de la manière qui a été décrite ; .£< ces œufs ainfi fécondes lui donnèrent de petites truites qu'il put élever comme les autres fans aucune diffé- rence. Il s'offre de - là bien des queftions importantes à faire fur la conftitution inté- rieure propre aux œufs des poillbns , & peut-être à ceux de bien d'autres animaux analogues. Ces œufs parviennent à la perfeftion requife , &c fubiliènt les mouve- mens qui les difpolènt à la plus importante des opérations , qui eft la fécon- dation. Reftés dans le corps d'im animal mort depuis quatre ou cinq jours , & déjà puant , ils ne billént pas de conferver leur aptitude à être fécondés , &. tirent enfuiie d'eux-mêmes pendant cinq ou lix femaines toute la nourriture néceUaire au petit poill'on ; auroient-ils donc leur blanc dès ce tems-Ià ? Se la fémence du poilTon mâle conferveroit-elle de même fa vertu fécondante quatre ou cinq jours après la mort Se dans l'é[at de corruption ! C'eff ce qui ne fauroit être décidé par la feule voie du raifonnement ou par des analogies ; il faut pour cela des expériences formelles & pofitivcs ? ( • ) Après s'être entièrement convaincu de la poflibilité d'une fécondation artificielle des poilibns , dans laquelle l'art n'eft qu'une imitation de la nature , notre Na- turalifte crut devoir appliquer une manœuvre qui lui avoit lî bien réulfi à d'autres fujets, &c confidérant la grande rellémblance qui règne dans la génération des diftérens animaux , confiderée dans fa généralité , il conjcftura que puiique la fémence d'une truite màle féconde les œufs d'une truite femelle , même après qu'elle eft morte & puante , on parviendroit peut-être en unillànt la fémence 6c les œufs de deux efpèces différentes de poillbns , à en produire" une troifième , ce dont-il y a des exemples très - connus , chez d'autres animaux & dans les plantes. Notre Naturalifte n'annonce pas cependant cette expérience comme déjà faite; il propofe feulement d'avance d'allbcier la fémence du brochet aux œufs de la truite ; 8c cela lui donne occafion d'appuyer préliminairement fur une circonf. tance particulière ; il dit que les œufs de quelques truites , parvenus à maturité , peuvent -être confervés fans altération depuis Janvier ou Février jufqu'en Mars ( ^ ) Si l'on ponvoit raifonncr ici par analogie Hes végétaux aux animaax , le fuccès de" ces curieufes expériences ne feroit point douteux , puifque M. GUditfck eit parvenu a féconder le palmier femelle de Berlin , avec la poutHère feminale rf'un palmier mâle de Leiplic qui s'é- toit pourrie en chemin, Voyc^ les Mémoires , tora, I. Art, XXXI. pag. 104 & îoj. A P P E N D I X. 47 ce qui cft bien fingulier par rapport à des œufs non fécondés , quoique ce foit '— i d'ailleurs une cliofe ordinaire à l'égard des œufs fécondés des infeiles. ( * ) Mais a r t r c l » comme l'Auteur de ces obfervations ne s'eft pas expliqué davantage, fans doute ^^1. à delVein , fur ce point , il fcroit difficile de fuivrc le fil de fes idées , 64 d'imiter fûremcnt fes procédés. Cependant comme les truites tardives ne jettent leurs œufs qu'en Février , Se qu'il y a aufli des brochets , dits à caufe de cela Brochas de Février , qui ne commencent à répandre leur femcnce que dans le même mois , on pourroit dès à prcicnt faire l'expérience propofée , &c voir ce qui en réfulteroit. Mais quoiqu'il en Ibit de la conieflure de M. Jacobi , qu'elle fe vérifie ou non je fais toujours un cas infini de les travaux ; ils m'ont été doublement agréa. blés , Se en ce qu'ils établiircnt la certitude d'une fécondation artificielle de cer- taines efpèccs d'animaux , à laquelle je Ibuhaitois depuis long - tcms qu'on pût parvenir , & à caïue de fon analrgie avec celle qui a lieu dans les plantes , & que j'ai exécutée avec fuccès à l'égaid des palmiers, S( d'autres arbres. S^ : I ..>^^^ ^ ;-------^ ^ ÉLOGE DE M. DE SAUVAGES, Lu dans une affcmUce publique de la Société Royale des Sciences de Mont' pellier , par M. DE Ratte, Secrétaire perpétuel de cette Compagnie, FRakçois Boissier de Sauvages de la Croix , Cxième fils de François Boif. fier , ieigneur de Sauvages , ancien Capitaine au Régiment de Flandres , Se de Gi- letie Blarichier , naquit à Aîais le 11 Mai 1706 , jour fameux dans l'hiftoire de Iq Société Royale par une édipfe totale de foleil , époque de nos premiers travaux. Ce qu'il y eut ici de plus remarquable , c'eft qu'il vint au monde au moment pré- cis ou le foleil difparut entièrement ; circonftance qui n'eût pas pallé pour in. dliiércnte dans ces tems où les aftres , prépofés par l'aveugle ignorance au gou. vernement des chofcs d'ici bas , préfidoient particulièrement à la nailFance des hom, mes célèbres , &4 fe faifoient un devoir aux yeux du préjugé d'annoncer leurs deflinées. Les difpofitions naturelles de M. de Sauvages firent naître en fa faveur des pré- fages plus sûrs que tous ceux qu'on tiroit autrefois des comètes &c des éclip, fes. Il fut aifé de s'apperccvoir qu'il méritoit une excellente éducation : celle qu'il reçut à A.lais fut cependant aflez défeftueufe ; on n'y avoit pas encore établi de Collège public , & il n'eut pour guide dans les Humanités &c la Philofophic que des maîtres d'un mérite obfcur , plus propres à nuire qu'à contribuer aux progrès de leurs diiCipIcs. Ce defavaiitage , très-grand en lui-même, le fut moins pour l'Académicien que nous regrettons , fes talens furent le réparer ; ils applanif- foient par d'heureux efforts les difficultés les plus confidérables, Se. embeliiflbient les diftérentes routes qu'il éioit obligé de fe frayer. ^ Ces premiers fuccès excitèrent vivement la tendrelTe d'un père dont les foins pour l'éducation de fes enfans fe irouvoient malheureufement bornés par fa fortune , qu'ua procès de trente ans , qu'on lui avoit injuflement fufcité , avoit fort dérangée. C^ ) U sa «ft lOHC autiement de ceux des poules. 48 A P P E N D I X, Dans cette (itiiation , il ofoit efpérer , & ce n'étoit pas fans fondement , que le mérite ik les talens , fijpplaant par eux-même à l'imperfeftion de leur première culture , releveroient une famille originairement noble Se très-bien alliée , pleine d'honneur £4 do vertu , jouilîant depuis plus de trois fièclcs de l'eitime & de U confidération publique , comme par un droit héréditaire. Déterminé par un pencliant qu'on étoit bien éloigné de combattre , M. de Sauvages , après la Philofophie , vint étudier en Médecine à Montpellier ; ce fut au commen. cernent de 1722. L'Univerlîté de cette Ville comptoit alors , entre les Profeffeurs à qui le dépôt de fa réputation avoit été confié, Mrs. Aftrui; , Deidier , Haguenot , Chicoyneau. ^\. de Sauvages faifît avidement & recueillit avec loin les inflruc- tions de ces grands Maîtres ; Se l'on peut dire qu'après la nature , ils eurent , à cer- tains égards , la gloire de l'avoir forme. Du caraftère dont- il étoit , il ne pouvoit fe permettre des progrès médiocres; il eût voulut tout épuifer , du moins tout approfondir. L'Anatoraie , la Chimie , la Botanique, pour laquelle il prit une forte pallion , toutes les connoilTances , qui font la bafe naturelle de la profeffion qu'il devoit exercer , ne lui iiiifiibient pas. Des recherches , que beaucoup d'autres négligeoient fans fcrupule , lui paroilVoient importantes & même nécelfaires ; par - tout il découvroit des rapports plus ou moins fenfibles avec l'art de guérir. 11 fuivit la Phyfique dans toutes fes branches &c jufques dans fes moindres détails ; & à l'égird des Mathématiques dont fon frère aîné , qui ne fe contente pas d'en connoître le prix , lui avoit déjà communiqué le goût , il les apprenoit de lui-même , Se s'y livroit totalement dans le tems des va- cances qu'il alloit palfer à Mais : il fe rendoit infenfiblement la géométrie sITez fa- milière pour être en état de l'appliquer à la Médecine , comme il a fait depuis avec tant de fuccès dans une multitude d'écrits. Il fut reçu Dofleur de Montpellier en 1716. Sa théfe de licence fit du bruit ; il agita cette quellion : fi l'amour yeut eue guùri par des remèdes lires des plantes ; matière très-fufceptible d'agrément , & dont le choix feul pouvoit indiquer un amateur de la Botanique. La maladie dont-il ofoit attaquer les funeftes fymptô- fnes , fouvent plus dangereufe que les fièvres les plus violentes , n'eft pas com- munément comprife dans ce qui fait proprement l'objet de la Médecine : il eft vrai que le Médecin du jeune Antiochus découvrit la folle paffion de ce Prince par l'application des règles de fon art ; mais il ne s'avifa nullement de foupçon- ner que les plantes en pareil cas pudent avoir l'honneur de la guèrifon , & le re- mède qu'il propofa , comme feul infaillible , s'offrit fans doute plus naturellement. Comme tout intérefle dans la vie des hommes d'un mérite rare & diftingué , nous ne ferons nulle difficulté de dire ici que la théfe de M. de Sauvages lui valut pour quelque tems le furnom de Médecin de l'amour. Ce n'eft pas fous ce titre que l'Allemagne , l'Italie , l'Angleterre Se les autres pays fçavans l'ont connu depuis; M. de Sauvages , dans fa patrie plus qu'ailleurs , fut le Médecin de l'amour. 11 eur dans fa jeunefle , ou parut avoir le cœur tendre ,- il faifoit des vers , Se on ne par- loir à Alais que des pièces de Poéfie qui lui échappoient fréquemment , pour ou contre le beau fexe , félon qu'il en étoit bien ou mal traité. Les pièces qu'un peu de dépit lui arrachoit , tenoient fouvent lieu de remède pour une guèrifon que les plantes n'tiuroicnt pas opérée , Se juftifioient en quelque forte le nom dont on l'avoit décoré. Gn peut juger de fon talent pour les vers par plufieurs mor- ceaux de fa compofition inférés dans les mercures de ce tems -là : ce font des madrigaux, des cpigrammes, des fonnets , des élégies. Se d'autres_ ouvrages de cette efpèce tous affez Ijons pour permetrre à leur Auteur d'afpirer à la réputation de Poète j mais il eut le courage de renoncer à cette gloire , dont l'appas eft fi féduifant. Sa profeflkm , qu'il ne perdoit point de vue , l'occupa bientôt plus que jamais ; A P P E N D I X. 49 jamais ; H regarda comme des diftraftions importunes tout ce qui pouvoit le détour- ner de cet objet principal : les petits vers furent facrifiés à fon devoir ; il les bannit impitoyablement de Tes amiifemens , 6c le Dieu du Parnad'e ne fut plus pour lui que le Dieu de la Médecine. Les grands talens doivent Ce perfeûionncr dans la capitale. M. de Sauvage , qui s'y rendit vers 1730 , y palla environ quinze mois au milieu des Sciences 6c des Sçavans, & probablement il s'y l'croit fixé , fi les attaques fréquentes d'un mal d'yeux , mal trop cruel pour un homme de lettres, ne l'eufTcnt ramené maigre lui dans b patrie, il attribuoit à l'air & au climat de I^aris cette incommodité qui , en fe dillipant , lui lailfa le relie de l'es jours im peu de foibleifc dans l'organe de la vue ; peut être devoit-il s'en prendre à fa grande application au travail, prodigieufe. ment redoublée dans la capitale par les occafions plus multipliées de s'inftruire ; mais il eft rare que ceux qui ont commis des excès en ce genre, s'en accufent de bonne foi. Ce qui eft certain , c'eft que pendant ce féjour de Paris , il conçut Se exécuta l'heureufe idée d'un ouvrage , où les maladies exaftement diftinguées par leurs genres &c leurs cl'pèccs , fe trouvent diftribuées en dift'crentes clali'es , fuivant la méthode employée pour les plantes par les Botaniftes. Il avoit d'abord communi- que fon plan à l'illuftre M. Boeiha le germe ou la cicatricule , qui eft 6o A P P E N D I X. AÏ7i7iiTo7s7 ordinairement finie fur la furface du jaune , fe trouvoit à fou centre ; ce qxii n'anivoit point d::ns les œiu's couves , dans lefquels ce geime rciloit cônriammcnt à la rurtbcc. M M. Cigria , de Salnce , ik Benrandi fe l'ont convaincus , par l'examen le plus exaft , que cette cicatricule ne changeoit jamais de place , £* que la petùelle avoii'leuic empêché que BelUni ne la découvrît ; que le corps blanc du cen're du jaune, que Betlini avoit pris pour 'cette cicatricule, lé trouvoit dans tous les œufs , foit couvés , foit non couves , pourvu qu'ils fuflcnt altez cuits, lis ne dilént point ce que c'eft que ce corps blanc. Joum. de Méd. JuUl. 1763. extr, du Mém. de la Soc. de Turin, Article XXXVIT. M. Eifenfchmid a découvert par les expériences, que le pouce cubique d'eau de rivière , pefe en été 5 gros &c 10 grains , & en hivers 5 gros 13 grains ; l'eau de fontaine j gros 11 grains, en hiver 5 gios 14 grains : l'eau diflillée 5 gros 8 grains , & en hiver 5 gros 1 1 grains, yoyej fon traité intitulé : Dijquijitio nom de pondsribus Jluidonim , &L l'Encyclopédie tom. Xl^. fjg. 443, OÙ l'on trouve une table des pefanteurs fpécifiqiies de diftérens tluides en été & en hiver. L'cxplofion du nitre fe déduit d'une manière démontrable de l'eau de criftalli- fation du nitre ; la prodigieufe, force explofive de la poudre à canon , ne dépend ^ que de ce principe. Mt^enel , Enc. ». XI. p. 156. M. le Clievalier de SaUice no convient ^s de ce dernier point ; loyef dans les deux premiers volumes de la Société Royale de Turin, les favantes recherches de cet Aca- démicien fur la nature du fluide élaftique de la poudre à canon. Article XXXVUI. Tous les acides font Iblubles dans l'air, c'eft-à-dire volatils, plus ou moins fuivant la quantité du phlogiftique qui entre dans leur combinaifon . . . Ils font fol'jbles dans l'eau , plus ou moins , dans la proportion oppofée à la précéden- te. Ainfi l'acide vitriolique , que nous avons dit contenir le moins de phlogiftique , s'u- nit avec une facilité étonnante à l'eau , & tandis que les autres acides expofés à •l'air perdent une partie de leur poids , il augmente le fien aux dépens de fa force en fe mêlant avec l'eau. M. Venel , Enc. t. XIV. pa^. 904. On peut avancer en général que la facilité des fels neutres à fe diflbudre dans l'eau, eft proportionnée à la quantité qu'ils en contiennent, id. ib. pag. 908. On peut voir dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences , année 173Î des expériences de M. de Reaumur fur la pénétration des liqueurs , analogues à cel- les de M. Eller fur la pénétration des fels dans l'eau. Mém. Art. XXXIX. La propriété de bien cuire les légumes eft comptéi par- mi celles qui caraftèrifent les meilleures eau.r ; la raifon de ce phénomène n'eft point connue ; il me femble qu'on n'en t pas même foupçonné une explication raifonnable ; mais peut-être auffi ce fait prétendu inconieftable , n'eft - il au con- traire qu'une croyance populaire. (*) Enc. lom. IX. jag. 369. Des Etrais chimiques faits avec foin donneroicnt fans doute bien de lum-ères fur la nature des exhalaifons terrcftres 8s des corps hétérogènes dont la neige peut être chargée. M. Margrafa trouvé un peu de nitre dans la pluye & dans la neige qui tombent à Berlin. Enc. t. XI. p. 87. Art. XLIII. On lit dans les Lettres de Bartholin l'hiftoire d'un enfant paraliti- que à la fuite d'une frafture du crâne , dans lequel le cerveau s'épuifa en cham- pignon , jufqu'au corps calleux , qu'on voyoit d'abord après avoir enlevé le crâne. Enc. tom. XI, f. 914. Article XLVIH. Le tilTu celk-'aire ou corps muqueiix eft un crgane général & paffif , qui n'appartient pas plus à l'animal proprement dit , que la terre n'appai tient n la plante qui y végète. Enc. tom. XV, p. 41. Dans le lion les iames de ce tifl'u foni prçfque tendineufes. ibid, pag. 47. (*) Nsus us croyons pas que ce fait juins ltr« révoqué en doutSi A P P E N D I X. 6i Article XLIX. Bêcher eft mort en i68z à 37 ans ; il cmployoit la nuit à étudier , 6t le jour à enleigncr, pour faire fubfifter ik vivre fa pauvre tncre. (') Mal. heureux à Mayencc , a Municli , & à Visboutg , pjr la jaloulie de les ennemis , il tut errant pendant plufieurs années fans pouvoir trouver en Allemagne un domi. cilc alliiré ; il palla donc en Angleterre , Se mourut à Londres. Lnc. tom. xy. pag, 477. yoye{ ce que M. Barthéi a écrit touchant l'air fixé de M. Macbiide , dans une excellente thclc foiitenue l'c.is fa préfidence aux cccles de Médecine de Montpel- lier en 1767 , & le lavant Mémoire de M. de BoiJJieu, furies anii-feptiques, couronné par l'Académie de Oiicn. Pour réduire la chaux d'arfenic , & lui rendre l'état de régule , on n'a qu'à mêler cnfemble parties égales de chaux d'arlenic , & de favon noir , &c la moitié d'alkaK fixe ; on met la tout dans un creuiet terme d'un couvercle , au milieu duquel il y a un petit trou ; on lutte bien ce couvercle avec de la terre glaife, le régule d'ar. fenic le fublime , & va s'y attacher. Enc. tom. XI. pag. 665. Kuntel allure pofiiivement avoir fixé le mercure en argent. Enc. t. XII. p. 37^. Ibid. M. Keyjler , qui nous a donné des détails très curieux fur les mines de mer- cure d'Ydiia , dans la Carniole , fait obferver qu'on ne tiouve aucun autre métal dans ces mines, quoique les Alchimiftes regardent le mercure comme la bafe de tous ics autres métaux. Enc. t. X. p. 372. En Allemagne on a trouvé une incruftation de mine qui s'étoit formée fur un mor. ceau de bois provenu d'une échelle ; elle contenoit huit marcs d'argent au quintal. M. C'onjhd , de l'Académie Royale de Suéde , a trouve dans les mines de Kungsberg en Norvège une eau qui en découlant par une fente d'une roche, avoir formé un enduit ou une pellicule d'argent fur ce'rte roche. Enc. t. X. p. 512. Le poids du mercure cl) plus confidérabic en hiver qu'en été ; M. Neuman a ob. fervé qu'un vaiiVeau qui étant rempli de mercure pcfe en été onze onces St fept grains , Se en hiver on?e onces Se trente deux grains. Er.c. t. X. pag. 373. Le mercure attire fortement l'iiumiditc de l'air ; Raymond Lulle eil le premier qui ait dit que le mercure contenoit de l'eau. Si on l'expofe à l'aftion du feu dans des vaili'eaux fermés , il fe met en explofion , S< brife les vaiifeaux. M. Rouelle a trouvé que cela vient de l'eau •^ui lui eft jointe , car en le privant de cette eau , il ne fait plus d'explofion. Enc tom. X. pag. 373. Voyei Sw- la calcination & la vitrification de l'or & de l'argent !es curicufes ex- périences de M. Homberg dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences , année 1702. pag. 141-145. Il feroit bien à ibuhaiter que ces irnportantes expérien- ces fuflent foigneufement tépetées. Malgré l'autorité d'un fi grand homme ( Sihal ) , il y a tout lieu de croire que les métaux fc forment encore j(Airnellement ; pîufieurs obfervaiions lemblent conftater cette vérité , & nous convaincre que ces fubllances éprouvent dans le fein de la terre des décompofition; qiii font fuivics d'une reproduftion nouvelle. Enc. tom. X. p. 430. Albinui rapporte dans fa Cronique des mines de Mifnie , qu'en 1478 on découvrir à Schneeberg un filon de mine d'argent fi riche, que l'on en détacha un morceau d'argent natif , fur lequel le Duc Albert de Sjxe dina dans la mine avec toute fa Cour , Se dont on tira quatre cens quintaux d'argent. Enc. t. X. p. 517. On regarde les Royaumes d'Ethiopie , d'Abyflinie , & de Soffala , comme irèj. riches en or ; dans la plupart de ces pays l'or fe trouve à la furface de la terre , 6{ l'on ne fc donne pas la peine de fouiller dans les montagnes pour l'e.T tirer, ib. p. 5î& (») Quel g de l'Acad, ann, ij6o. pcg. iOjt A P P E N D I X. 63 plus ou moins grande quantité de cette terre argilleuTe pure, & d'une autre fubf- !==s=s tance que M. Marbra/ regarde comme un vrai fable, Se qui en a en effet tout les Aoe'T'»"'" caraftères. (a) Voici queli l'ont les moyens qu'indique M. Baron pour avoir la bafc de l'alun dans toute ù pureté. Lorfqu'elle a été précipitée par l'alcali fixe iit édulcorce avec foin , M. Baron fait bouillir cç précipité dans une fone lelTjve de cendres gravelées ou de pctalTe ; il lailTe enfuite dépofer le précipité , décante la IclTive qui le fumage , le lave avec foin , !e fait bouillir de nouveau dans de l'eau pure , verfe le tout fur un filtre , dé- pouille le fédiment de tout alcali fixe par des lotions réitérées , & obtient enfin une malle blanche qu'il fait dellécher , & réduit fous la molette en une poudre i^rpalpa- ble ; ce procédé enlevé à la bafe de l'alun tout l'acide vitriolique qu'elle contient ; aufll ne décompofc-t elle plus alors le fcl ammoniac, non plus que le nitre , &t le fel marin. Hiji. de l'Acad. Roy. des Se. ann. 17Û0. pag. 74. Voyei auffi le Mem, de M. Baron , p. 176. &t 277. Art. X. pag. 81. M. Dumonceau, Médecin du Roi, des Hôpitaux militaires de Douai , a vu une fuppreflion d'urine de fix mois guérie par l'extraftion d'une pierre fous la langue. M. Lamellin , Médecin de Valenciennes , a obfervé le même cas ; la pierre fc trouvoit dans un abfcès à la tempe. Journ. Enc, Août. 1759 1". part. p. ij8, 139. Un jeune homme fouffroit des douleurs très -vives , & une falivation des plus abon. dantes , avec fièvre ardente &c continue , en conféquence d'une dureté fous la lan. gue ; trois ou quatre faigaées faites dans l'cfpâce de cinq jours ne l'ayant point fou. lagé , M. Leautaud , ("hirurgien d'Arles , en Provence , foupçonna un corps eu-an. ger ; il fit une incifion proportionnée à ce corps, qui fe trouva eue une pierre de la grofleur d'un œuf de pigeon , grisâtre en dehors & blanche en dedans comme du lait , qui fe laifla pulverifer entre les doigis ; l'extraûion de la pierre fit celTcr d'abord tous les accidcns ; M. Kruger , Doôeur en Médecine à Hambourg , parle d'ua Payfan qui avoir au palais une tumeur inflammatoire confidérable. Cette tumeur ayant abfcedé , s'ouvrit d'elle-même pendant un exercice violent, ik il fortit avec le pus une allez grofle pierre de couleur cendrée , légère & cependant affez com. pafte. Journ. de Med. tom. V. fag. 68 & 69. Une fille hiftérique , à la fuite de plufieurs accidens , dont nous fuppriraoni le détail , rendit par l'uréire 460 pierres , toutes de grofleur moyenne , & à- peu. près la moitié autant par l'anus , dans l'efpace de cinq jours ; elle continua à rendre une très-grande quantité de gravier , quelquefois trois quarterons , puis demi-livre , toujours en diminuant. Dans une féconde attaque de néphrétique , il fortit avec les urines 186 pierres , &S. la malade en rendit par les felles 79 , femhlablei en tout à celles qui fortoient de la vellie. L'obfervateur termine le récit de ce fait fin. guli'jr par les queflions fuivantes : l'aft'eûion hyftérique , en reflcrrant les tuyeaux des reins , en auroit-elle fait une vraie carrière ? 6c les calculs rendus par l'anus par. toient-ils du même endroit que ceux fortis par l'urètre ? ce font des queftions dont la folution me paroît des plus difficiles ; mais j'ai été témoin , £< je me fuis alTuré avec tout le fcrupule pofljble , de cette féconde iflue des pierres. Journ. de Hkd. Août 176», P^B- «7Î-I7/- Ce que cette obfervation préfente de plus étonnant , eft l'illlie par l'anus de pierres femhlaUes en tout à celles qui fortoient par l'urètre ; il feroit bon de foumettre les unes & les autres à l'analyfe chimique , & auK expériences de M. Tenon. Du refle , il fem. ble que la prodigieufe quantité d'urines limpides que les hyftériqucs rendent au com» mencemeat de leurs attaques , peut contribuer à rendre fujettes à la pierre Je» {f)ii(m, et CAtad,ann, 'Tsf-P'g. 'jtt ^4 A P P E N D 1 X. ^^^^^ femmes qui y àuroîcnt d'ailleurs une grande difpofition, comme celle dont il s'agit ici, M. Go"/<»''i 1 célèbre Chirurgien de Montpellier, & mon ami, a été témoin d'un cas aiîêz extraordinaire dans la peribnne d'un Gentilhomme de Languedoc , attaqué depuis plus de trente ans de c.irnofitcs dans l'urétre. Les fondes de plomb dont il t'ai- foit ufage , lui rendoient fon état fupportable , mais elles ne l'empccherent pas de tomber dans une rétention d'urine qui dura neuf jours , Ëi qui fut liiivie d'une incon- tinence de ce liquide , qui pcififta pareillement pendant neuf autres jours , après lef- ""■ quels les chofes allèrent à l'ordinaire ; mais le malade voulant enfin fe délivrer de fort incommodité , il fe mit à l'ufage des bougies de M. Goularâ. Après fix à lept fe- maines de cet ufage , il eut le plaifir d'uriner librement , à cela près qu'il étoit aflii- jetti à une petite incommodité allez fingulière , c'étoit une dilatation du canal , de- |)uis le verumontanum jufqu'au cou de la veliie , qui obligeoit le malade, loifqu'il vouloit uriner, à donner un petit coup de doigt à cette dilatation, pour diriger l'u. Sine vers l'autre portion de l'urétre ; il y a lieu de juger , fuivant M. Goulard , qu'une pierre du volume & de la figure d'une olive, que le malade rendit un jour avec beaucoup d'etfort & de douleur, avoit été formée dans cet endroit dilaté de l'urétre. M. GouUrd , après avoir rappelle la théorie de M. Louis fur les pierres urinaires for- mées hors des voies naturelles de l'urme , continue de cette manière. Cette idée ingenieufe de M. LouU me fait penfer , que dans le cas de notre ma- lade , l'urine qui ne pouvoit pas fortir librement à caufe des embarras du conduit , àvoit pareillement dépofé dans la portion dilatée de l'urétre , où elle avoit été obli- gée de féjourncr quelque - tems , avant de pouvoir furmonter les obftades , les rudi- mens du potit calcul dont j'ai parlé. C'eft ainC que dans les poches anévrifmales , ou le cours du fang eft rallcnti , il fe forme toujours des couches polypeufes. Une chofe digne d'attention , & que je 'crois devoir faire obiervcr en paifant, c'ell que j'ai V.-, affez fouveni , à l'occafion des embarras de l'urétre , de petites tumeurs lirinaires au périnée. Je penferois volontiers que ces petites tumeurs dépendoient moins des crevafTcs de l'urétre , qui occafionneroient , dans le cas où ce canal n'eft pas libre , de grands dépôts d'urine dans tout le fcrotum &c le périné , que de la tranfudation de cette liqueur a travers les pores de la membrane intérieure de l'urétre , élargis par les efforts que les malades font obligés de faire en urinant. Ce q\ii paroit appuyer cette idée , pourfuit M. Goulard , c'eft que les tumeurs dont il s'agit fe forment lentement , Se n'acquièrent dans l'efpace de plufieurs jours que le volume d'une très petite noix, & qu'en outre, elles font fouvent long -tems fans rcparoître. J'ai vu un malade dans cette Ville qui en fut attaqué au moins fept à huit fois dans l'efpace d'environ trois ans, & un Officier Suiflé trois à qua. tre fois en fix mois ; j'ai rencontré beaucoup d'autres cas de cette eTpèce dans ma pratique, & je ne dois pas oublier que les cataplafraes demie de pain avec l'eau vé- geto - minérale ont toujours procuré parfaitement la xéfolution de ces petites tu- meurs. ( * ) Traité des malad. de l'urétre , edit. 11. obf. II. pag. 298 - 101. Article XllL M. du Hamel a prcfenté en 1740 à l'Académie Royale des Sciences un Mémoire très-curieux fur le Guy; ce Mémoire eft divifé en quatre Articles ; le premier roule fur lés femences du guy , & leur germination ; le fécond fur la îbrmaiion & le progrès de les racines; le troifième furie progrès des tiges ; &c ,1c quatrième fur la diftinftion des pieds du guy en mâles & en femelles. Art-ï^XL m. Àymen expOfe la nature de la nielle , en quoi elle diffère de li rouille 6c du charbon , qui tous deux attaquent le grain, après fa formation ,' au lieu que la nielle fe prend à la fleur , £< paroît par conféquent avoir une cri- (*) Nous avons cru que celte obfervation de M. Goutard méritoit d'être rapportée à U fuite du Mémoire de M. Louh fur les calculs utlnajiei! , dent nous avent dgnné un ample ex- trait dans le Difcouis, article Xi ginc A P P E N D I X. 6s gine plus reculée que ces deux autres maladies. M. Aymen croit que la moifiifure , qui, loriqu'cllc attaque les grains , fait Tes premières imprcflions fur le germe propre- ment dit , eft caul'e que ce germe venant enfuite à végéter , donne à la fleur , qui précède nécciraircment la formation du nouveau grain , une qualité qui détériore ce grain, Se y produit la nielle. Journ. Je med, Jann, 1761, txt. du UI. tom. dei Mém, pref. à l Acad. Roy. des Scier.c. M. A) met a donné à l'Acadéraie un fécond Mémoire fur les maladies des blés qui contient des recherches fur la nature de la pouflière noire de la nielle , ik in! dique les moyens de prévenir cette maladie ; ces moyens confiftent à faire choix pour ia fcmence de la pièce ou. le blé eft le plus beau. Lorfque ce blé eft bien mur , on le coupe deux heures après le lever du foleil ; on le porte tout de fuite dans l'aire , on le fait battre le même jour , &c le foir on met les grains dans de l'eau de chaux, qu'on a eu foin de tenir préie ; on y lailfe ces grains vingt. quatre heures ; 8c après avoir rejette tous ceux qui furnâgcnt , on fait bien fécher les au- tres , pour les conferver dans un endroit foc. Après avoir pris toutes ces précautions , M. Aymen fit enfemencer , avec ce fro- ment ainfi préparé , plufieurs arpens de terre ; il examina à différentes reprifes ce champ fillon par fillon , & n'y trouva que quatre à cinq pieds nielleux , quantité qui dans un champ confidérable doit être comptée pour rien ; ayant tait fcmer dans le même terrein du froment quj^n'avoit point été préparé , il y vit beaucoup de nielle. Mém. pref. à l'A^ad. tom. I^. yag. 381. jSl. On voit combien ce que dit ici M. Aymen fe rapporte à la doftnne de M. GUditfch fur la nature & les préfervatifs de la nielle. Art. XXIII. Malgré toutes les expériences qu'on a publiées fur la platine bien des Chimiftes doutent encore que ce foit un métal particulier ; ils croyent plii*. tût qu'on doit la regarder comm.e une combinaifon particulière , dont le fer eft la baie &C qui eft de la nature de la pyrite ; c'eft au tems à nous apprendre ce qu'on doit penfer de ces conjeOures, &t fi cette fubftance finguliére peut être employée plus utilement pour la fociéié. £nc. tom. XII. p. .^75. La platine, qui depuis quelque - tems occupe fi fort les Chimiftes, a paru à M. /Jiirtct entièrement attirable par l'aimant: expofée au feu de l'on fourneau , elle s'y eft calcinée, &c la poudre qui s'en eft détachée par le broycment , a été toute emièro fortement attirée par l'aimant ; ce qui confirme l'opinion de M. Mjrgraf qui regarde ce prétendu nouveau métal comme un alliage de fer. Journ. de Med. Noy. 1766. pag. 396 & 397. Quand même la platine ne feroit qu'un alliage de divers métaux , ce compofé n'en feroit pas moins fingulier , 6c n'en devroit pas être étudié avec moins de foiu par les Chimiftes Se les Phyficiens. Art. XXIV. L'.Auteur de l'ouvrage , intitulé : Ph^Jlque de l'hl/lolre , ou conjîdéra. lion; générales fur les prir.cipes élememaires du tempérament & du cara3ire na- turel des peuples , m. 12 Paris 1765, attribue la variété de couleur parmi les hom- mes, à rjmpreftîon puifiante du Ciel. Nous regardons cette opinion comme vraifembla- ble , mais elle ne'nous paroitra vraie , que quand nous aurons vu la blancheur des def. cendans de deux Nègres tranfplantés mariés en Europe , 8c gardés , fur- tout la lemmc , avec la plus exafte vigilance. /oum. Er..-. ler. Août 1765. pag. 21. Ce trait eft fans réplique ; mais eft- il bien fur que les Portugais ancêtres ds ceuir. ci ne fe foient point unis à des Nègres , 8c que par la fuite la race n'ait pas été entièrement changée 1 Ann. litt. 1766 tom. VU. pag. 240. extr. de la dijjenat. de M. l'Abbé de Manetfur la caufe de la couleur des Nègres. \oy. l'Appendixdu II. toi. Art. VIII. Les Papous font noirs comme les Caft'res , mais parmi ces Papoux fi noirs , il y a des hommes blonds & blancs ; en examinant les diftercns peuples qui compofent Tom, IL *«««•«•*•««« AODlTtO.-ti. 66 A P P E N D 1 X. "additions, '^s ''•"■'^^ noires , on y remarque autant de variétés que dans les races blanches , mê- mes nuances du brun au noir , que du blanc au brun. Ce qui achevé de rcnilter de ces oblervations eft que la couleur eft principale- ment un effet du climat , ik que les traits dépendent des ulages ; mais fi le nez eft . épate , £i les lèvres grolTes par artifice en quelques endroits , il eft certain que dans d'aïKres ces traits font dornéspar la nature. L'origine des noirs a fait de tout tems une grande queftion ; les Anciens les rcgardoient comme la dernière nuance des peuples bafanés. Le blanc paroît être la coulein- primitive de la nature , que le cli- mat , la ncurriiure , &<. les mœurs altèrent & font palîér par le jaune & le brun , S< conduifent au noir. M. Dulerot. Enc. lom. Vlll. art. humaine efpèce pag. 546 & J47. M. le baron de Haller après avoir rapporté en raccourci (a) prefque tout ce qu'on a dit fur la queftion de la couleur des Nègres , conclut de cette manière : Adpaiet id folum liquere ; & per parentes ad filios nigtedmem aut albedinem reticuH propagari , & per motbtii caufnfque ignotas fubnafci ahjque Jeminali principio ; & mul. ttim ad utrumque colorem producendum pajj'e cUma, non tamen vel clitiia folum , yelfe- minale pnncipium catifim ej]e , quce de colore definiat. ibid, pag. îj. F(i;tf encore dans les tianfaâions Philofophiques , année 1744, n°. 474 , l'eflai du Dodeur Mitchell fur la caufe des couleurs des divers peuples dans les différens climats , & le premier livre des démonftrations anatomico - pathologiques de M. Camper , &i.c. .^ AuTicLE XXV. BagUil dans fon traité de Lapidum vegetatione , rapporte un grand nombre d'exemples qui prouvent évidemment que le marbre fé reproduit de nou- veau dans les carrières d'oi'i il a été tiré ; il dit que l'on voyoit de fon tems des che- mins très-unis, dans des endroits où cent ans auparavant, il y avoit eu des carriè- res très- profondes : il ajoute qu'en ouvrant des carrières de marbre , on rencontre des haches , des pics , des marteaux , & d'autres outils renfermés dans le marbre , & qui ont vraifemblablement fervi à exploiter ces mêmes carrières , lefquelles s'é- tant remplies par la fuite du tems , font devenues propres à être exploitées de nou- veau. Enc. tom. IX. pag. 70. Il réfulie de ce qui vient d'être dit , que les animaux qu'on affure avoir été, trouvés plufieurs fois vivans dans un bloc ou une pièce de marbre , pouvoient n'ê- tre pas auffi vieux qu'on eft naturellement porté à le croire , puifque le marbre n'e- xige pas un tems extraordinairement long pour le régénérer. Art. XXVL On trouve en Franche - Comté des cailloux qui font d'une forme arrondie irrégulière , & lorfqu'on vient à les brifer , on trouve que ces cailloux for- moient une efpèce de croûte , qui fert d'enveloppe à du foufre natif. Suivant M. Rouelle ce font les bitumes qui fervent d'aliment aux feux fouterrains par leur embrafement ; ces bitumes fe décompofent, & l'acide viiriolitjue , fi abon- dant dans le lèin de la terre , s'unit au phlogiftique des matières grallès , qui brû. lent , & produit du foufre; d'où M. /fouel/e conclut que le foufre n'eft qu'une pro- duaion fécondaire de la nature , aulîi ne le trouve- 1- on pur qu'au voifinage des vol. cans. Enc. tom. XVI. pag. 398. M. Rouelle regarde encore le foufre comme un véritable fel neutre , ou comme un acide à qui le phlogiftique à fait prendre une forme folide & concrète ; auffi le foufre cryftallife-t-il en le refroidiiîant à la manière des fels neutres. Ibid. pag. 399 & 400. Comme le foufre manque d'une qualité cflentielle à tous les fels , qui eft la fo- lubilité par l'eau , & qu'il polVéde au contraire prefque toutes les propriétés ca- raûéiiftiques des huiles , il feroit plus naturel , ce fcmble , de le regarder avec M. yenel , comme une huile concrète , rendue telle par la furabondance de l'acide vi- {«) Vid, EUm. Piyfiolvi. tom, V. iik. XII. pag. iJ-î;. A P P E N D I X. 67 triolique , (a) car le cclcbre Sthal a trouvé que dans le compofd du foufre le phlogiiUque ne foimoit qu'un peu moins du 16=. du total, (i) Article XXIX. M. Darluc Médecin à Caillan en l'rovencc , Se excellent ob- fcrvatcur , a communique au Journal de Médecine , (Mars 1764 ) quelques obfer- vations fur l'hydropifie du péritoine. Après avoir parle de l'ouverture du kiile propo- fée par .Mrs. le Dian !ic Morand , & des difliculiés qu'oppofe à cette pratique M. de Haen , il dit que Ci cette ouverture peut être admil'e , ce doit être dans le commcn. cément du mal , où le killc n'a pas encore contracté des adhérences , ni aucun autre vice, où les liqueurs qu'il renferme n'ont pas acquis le degré d'âcreté & de putréfaftion qu'on leur remarque dans la fuite , où l'on a le bonheur de ne trou- ver aucun de ces corps durs , qui accompagnent fouvent ces fortes d'hydropifies , & où l'on peut avoir enfin des lignes rationels externes qui rendent nos conjec- tures plus que vraifemblabics ; il rapporte cnfuite un cas dans lequel il préfume que l'ouverture du fac eût rculli. On a publié en 1765 à Ratisbonne la féconde édition d'un ouvrage allemand in- titulé : Ujage & grande utilité de U fumée de tabac en lavement, aiec la defcription de deux machines commodes pour cet effet, & des phnchei en taille. douce , par M. SchnetCT , Docleur en Médecine. L'Auteur n'a point fait la découverte de ce remède , mais il poulfe fi loin les recherches à ce fujet , & ce qu'il dit eft fi judicieux & fi utile qu'on doit lui accorder le mérite de l'invention. Joum, Enc. ime. part. ncuv. litter. de JVur. 1765. p, 146. M. Heijler fe trouvoit fi bien de la fumigation du tabac , qu'il dit n'avoir jamais ete obligé d'opérer aucune hernie (c). M. Louis paroit avoir évalué avec plus de précifion qu'on ne l'avoir fait encore, la manière d'agir de ce remède ; fon efficacité confifte dans l'irritation qu'il caufe a la furtace interne des tuniques intcftinales, & dans le dégorgement fubféquent de la portion inférieure de l'inteftin étranglé. On a préfenté à l'Académie Royale de Chirurgie une feringue fumigatoire plus commode que toutes celles dont ou a fait ulage jufqu'ici , pour pouller de la fumée de tabac dans le conduit intcfli- nal. Fo)ej les Mémoires de cette Académie , lom. IV. in.^°.pag. 268-272. Compofttion d'un lavement dont on a éprouvé de très. bons effets dans la paj/ion iliaque. Dans une livre 8c de.-nic de décoflion émoUiente réfolutive, faite avec les fleurs de mauves , de camomille , &c de melilot , on fait infuler pendant deux heures , une forte poignée de rue récente 8c pilée ; on paiVe le tout avec exprellion ; on y fait fondre une demi once de fel ammoniac; on y ajoute deux onces d'huile de noix & autant de miel mercuriel , pour être partagé en deux lavemens , qu'on donne à deux heures de diftance. Journ. de Méd. Sov. 1761. p. 468.* L'Auteur rapporte quatre obfervations touchant l'efficacité de ce lavement ; feu M. de Sauiages en a inféré la formule dans le grand ouvrage qu'il nous a laifle fur les maladies, (d). Article XXXIV. M. Cartheufer dit quelque part dans fes ouvrages , qu'en met- tant à digérer , à une douce chaleur , une alTez grande quantité d'efprit fulphureux rolatil , dans un matras à long cou , fcellé hermétiquement , il a vu , après quelqu» tcms , fc former à la furface du liquide, un grand nombre de gouttes huileiifes. Cette curieufe remarque m'a été communiquée par M. le Marquis de Madonij qui n'a pu fe rappeller l'ouvrage de M. Cartheufer où il l'a lue. {a) Voyii le Difc. ait. XXXIV. & YAppcndix , Ariicls XIV. ( » ) Enc. lom. XVI. pig. 400. y) t^' ^"' """■ "■ ''■ 7'7- <<' '" i'rn. idit, Amft, 17/». (i)Iouin. Encycl. 1765 , II. Part, de Sept. p. 136 & 137. peut'Cin le premier , heaucoup de ce dernier fel très -diJlinH , & trCs- bien cryJîaUifé itjns Us ta' eles des julinei où l^on éiapore l'eau de la mer. Remarquons encore qae l'Auteur de l'ElTai pour fervir à l'hiftoire de la putréfaftion ( 3 ) a ru te fel marin feptique à 60 grains , quoique .M. Pringlc ajfure ijue cet effet ne s'étend pas au-delà de 20 -y il y a frande apparence que cette différence dans Us réfuliats doit dépendre principalement de la qualité plus eu moin* terreufe des fils que ces deux favana Phyjiciens ont employés, ( I ) Anal. Chiriirç:. in -S". Paris 15-3 , tom. 11. pjg. 13J. (1) M. Fi/ii enieigne la même do£lrine (^4; dans fes cours fi fulvis , qui ne lui ont pal fèil moins de réputation que fes ouvrages. ( ? ) ^oy'\ 'es obfcrvations de l'Auteur fur (ei expériences de la VII'. clalTe. ( 4 ) D,a. Ra,f. d'Aïut, fr d( Phyfioî, lom, I. Tom, JI, ««««««««««««a 74 A P P E N D 1 K. "^""""^'^ de dire à la fuite du précis de l'éloge de M. EUer , qu'on a publie à Leipfic en Uû'^'^'"%''é' '7*^* "" excellent ouvrage pofthume de cet illuftre Médecin fous le titre fuivani : Joan. n^rat'ion ' "'' - Theodori ElLiR, Med. Docl. BoruJJ'onim Régi à Confiliii intimis & Archiatri , Claf. Phyf. Acad. Reg. Scient. Colleg. juprem. Med. Colleg. Medico-Chirur. ut & om- nium Mcdic. rerum ac Chirur. totius regni pntfid. ac di'eci. Regior. exercit. med. prim. &(C. Observationes de cognofcendis & curandis morbii , prafertim acutis, in-8''. pag. 300. Cet ouvrage contient, dit M. Roux dans fon Journal de Janvier 1763, une infinité de réflexions fines, d'obfervations importantes, 8c de vues utiles, qui ne font qu'à M. Eller. L'Académie à fait paroître fon volume de 1761 , &c celui de 1765; nous n'avons vu encore ni l'un ni l'autre; l'année préfente à été marquée par une époque bien glorieufe pour elle ; fa lifte s'eft ornée du nom d'une Souveraine ; l'Impératrice de Ruffie , à l'exemple de Pierre le Grand, qui fit à l'Académie Royale des Sciences de Paris l'honneur de vouloir être admis parmi fes membres , n'a pas dédaigné de s'affocier à celle de Pruffe. Voici la lettre qu'elle a écrit à ce fujet à cette illuftre Compagnie. De Peteribourg , le 4 Mars 1768. » MeJJletirs de l'Académie de Prujje. J'ai tâché de remplir les devoirs de mon b état, 6c je n'ai pas cru avoir rien fait qui «m'eût mérité le titre que vous m'of- » frez dans votre lettre du 11 Janvier. Sous les aufpices d'un Roi couvert de >) gloire , 6c doué d'un génie auffi fublime qu'éclairé , vous êtes accoutumés à ju- » ger des chofes 6c des hommes fans préjugé &c fans illufion ; vous ne con. » fidérez en moi que la perfonne même , 8c cependant vous me mettez au rang » de vos alTociés ; c'eft une marque d'eftime qui me flatte , &c que j'accepte. Je » vous l'avoue , Meflieurs , ma Science fe réduit à favoir que tous les hommes » font mes frères , 8c j'employerai toute ma vie à régler mes aftions fur ce M principe. Si jufqu'à préfent j'ai rétilfi dans quelque entreprife , il ne faut at- » tribucr mes fuccès qu'au fentiment de cette vérité. Au refte , je fouhaite , » Meflieurs , de pouvoir être utile aux Sciences &c aux Arts , Se en particulier » à l'Académie ; je voudrois aufll trouver fouvent les occafions de donner à fes « membres des marques de mon eftime. (5ignO CATHERINE. » P. S. Je joins à cette lettre deux cartes nouvelles Se très - exaftes , l'une de la « Mer Cafpienne , Se l'autre du cours du Wolga depuis la 'Ville de Twer jufqu'à » cette mer. J'ai cru , Meflieurs , que ces deux cartes vous feroient agréables. Que cette lettre eft belle I qu'elle eft digne d'une Princeflé qui remplit le trône de Pierre le Grand ! Eft-il rien qui foit au-delTus de ces admirables paroles : Ma Science se réduit a savoir que tous les Hommes sont mes Frères! Paroles divines dans la bouche d'une Souveraine , fentiment tendre 8c fublime , qui feroil le bonheur du monde , s'il étoit dans le cœur de tous les Rois , comme il efl tJans celui de l'augufte CATHERINE. Fin dt l'Appcndix du fécond Tome, 75 TABLE DE L'APPENDIX Du fécond Tome. AuticleI. (Jt'r lu p'urrts du rein. pag^ t Art. II. i'ttr /(i compofition des pierres du corps humain. z Art. in. De gUmdulofo avarii corpore , obfervationes Ambrojîi Ber» TRANDI. 4 Art. IV. Sur Us corps jaunes de Covaire. j Art. V. Sur la. tourmaline. 8 Art. VI. Sur la nielle des bleds. lo Art. VII. Sur Cojléocolle. ijf. Art. VIII. Sur la couleur des Nègres. iS Art. IX. Sur [encre de la feche. iS Art. X. Du pouvoir de Cimagination des mires fur tefatus. ibid. Art. XI. Ohjervations fur quelques jaunifjes partielles , par M, StRACK. ig Art. XII. Sur la Gaflrotomie, zo Art. XIII. Sur la diflinclion des règnes naturels, 24 Art. XIV. Sur [huile. - 7.7 Art. XV. Sur le naphte. 2.8 Art. XVI. Sur les pierres intejlinales. 2g Art. XVII. Sur une excroijjance fongueufe fortie par le fondement. ■^o Art. XVIII. Sur un fiéatome de lit poitrine. ibid. Art. XIX. Sur la vertu feptique du fel marin. 3/ Art. XX. Sur la génération. jz Art. XXI. Titres , notices , & extraits des Mémoires de P hilofophie ex- périmentale de [Académie Royale de Ptuffc pour [année //(ÎV. .37 Eloge de M. de Sauvages. 47 Additions pour les Difcours. 68 Additions relatives à la génération, 6S Fin de la Table de l'Appendix du fécond Touie. ♦ ♦ ♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦♦ «J NOMS DES AUTEURS :?«2S Cités dans le Difcours & dans fAppendix. (^J X^E Roi DE Prusse. M. de Leibnitz. M. Helvetius. M. Swammerdam. M. Bartholin. M. Window. M. Schaefer. M. Macquer. M. Sthal. M. Venel. M. le Baron d'Olbach. M. de Durtbn. M. Black. M. Macbride. M. Haies. M. Miifchenbioeck. M. de Voltaire. Al. Woodward. M. Bertrand. Heraclite. Pythagore. Hippocrate. Platon. Lewenhoeck. Hartfoeker. M. Needham. M. de Maupertuis. M. le Baron de Haller. M. Bonnet. M. de Mairan. M. de Reaumur. M. Aftruc. M. Valmont de Bomare. M. Heriflant du Pinct. M. le MarquB de Madonia. M. Hebenftreit. M. Valifnieri. M. Raft. Graaf. Empedodes. Diodes. Pline. Ariftote. ColiimcIIe. Locke. Licetus. Scaligcr. Cabec. Kirker, Bonnani. M. l'Abbé Poncelet. Van-Helmont. M. Boerliaave. M. Schlofler. M. \X'illermoz. M. Rouelle. M. Houx. M""', la Marquife du Cha- telet. M. l'Abbé de Condillac. M. de Jufti. M. le Roy. M. Wallerius. M. Richmann. M. Cullen. M. Kraft. M- Boyle. M. Leutmann. M. Ruyfch. M. Heifter. M. Platner. M. Louis. M. Camper. M. Geoffroi. M. Henckel. M. Malouin. M. le Baron de Van-Swie- ten. M. MilTa. M. Pringle. M. Lemery le père. M. Jamez. M. Gautier. M. Kalm. M. Miller. M. Michelius. M. Neumann. Aldrovande. Fabrice , d'Aquapen- dente. Harvée. Malpighi. L'Auteur anonime de l'efl'ai pour lervir à l'hiftoire de la putré- faftion. M. le Car. M. Monro. M. 'Whitt. M. Tarin. M. Adanfon; M. Alfton. M. le Chevalier de Jau- court. M. Bafin. M. Berryat. M. Santorini. M. Micheloti- M. Aurivilius. M. l'Abbé Nollet. M. du Tour. L'Auteur anonime de l'article ExPAiVSXBi- LiTÉ de rEnc^itaf'ir die. M. le Commandeur de Godeheu. M. Papin. Le Père Parennin. M. Amonftons. M. Newton. Olaus Rudbeck. M. Linnseus. . M. l'Evêque d'Abc , en Suéde. M. le Dofteur Jurin. {*) N. B. Ui noms des Auttun fim d-feofit dans ttui Uflt fuivaiu Vordn dts tUation,. M, ritcarne. M. Pitcarnc. Mctkrcn. M. l'amard. M. Quefnay. StalpalVanderwiel. M. Petit le père. M. de la Peyronie. M. Grew. M. Hook. M. Trew. M. Gucttard. M. Moellcr. L'Auteur anonime de l'article Végétation de l'Encyclopédie, M. du Hamel. M. de Secondât. M. de Bordeu. M. Thycri. M. le Camus. M. Diderot. Roger Bacon. Albert le Grand. Arnaud de Villeneuve. Becker. M. Lheman. M. Brandt. M. Mcycr. M. Pott. 1\1 PoiiTonier. M. Lomonofow; M. Braun. M. Cronftctd. M. Sharp. M. le Dran. M. Houftet. M. de Haen. M. de Garangeot. M. Winckler. M. Gucrin. Riedlinus. Lifter. Moyfe. Aretée. M. Storck. M. William - Henri. M. Bond. Mcichior Friccius. M. Philip. M. Hettfinger. M. Ami. Tom, //, M. Rouflfeau de Genève. M. le Baron de SchœSer. Homère. Virgile. M. Klein. M. de la Lande. M. Hellot. M. Gellert. M. Baron. M. Rohault. M. Soulier. M. Eller. M. Littre. Couillard. >_ M. Morand. Hildanus; M. Barry. Skenkius. M. Mayr. M. Verdier. M. de la Fitte, Duncan. Aetius. M. Levret. M. de Sauvages. M. l'Abbé de Sauvages , frère du précédent. M. de Ratte. Le P. Malebranche. M. Marcot. M. Panckoucke. M. Bertrand!. M. Vander.Belcn. M. Ledermuler. M. d'Aubenton. M. d'Alibart. M. Daumont. Galien. M. de Juflieu. M. le Duc de Noyar Carafta. M. Euler le fils. M. de Formey. M. Baume. M. Lewis. Hoyerus. Le Pcre GumiJla. M. Strack. M. Tenon. Riolan. M. Meckel. Le Père Labbat. M. l'Abbé Prévôt. M. l'Abbé de Manet. M. Petit le fils. M. Hamberger. M. Virgile. M. le Comte de Marfilly. M. Modcl. M. Bucholtz. M. WeilTcmann. M. Spielmann. M. de Machi. M. le Comte de la Garayc. M. Cigna. M. Wiir. Maître-Jean. M. Wintringham. M. Dodart. M. Ferrein. Athénée. M. Klein. M. Sprengel. M. Barrere. M. Bourguet. M. Diderot. M. Gaber. M. Haupt. M. Bourdelin. M. Fougeroux. Muys. M. Warner. M. Bertin. M. De la Sonc. M. de Villers. ■ M. Pouteau. M. Darcet. M. Lancifi. M. Mollinelli. M. de Tourncfort. M. Morland. M. Camerarius. M. du Tens. Prorper.Alpin, Ksemfer. Veflingius. Jean- Bauhin. Jovianus Pontanus, Don Antoine de Villa. M. Micheli. »«*•»•»*•«*»•« M. Battara. Plater. M. Barthés. M. Bradiey. George Otton. M. de Boiflîeu. M. Braun. Marc-Aurele Severia. M. Keyfler. M. Homberg. M. Menfching. Raymond l.ulle. M. de Senac. M. Boudou. Dom Jofeph Quer. M. Hoin. M. Ramdhor. M. Buchoz. M. le Chevalier de Jau- M. Ritfch. Albinus. court. M. Brailliet. M. Dumonceau. Meferai. M. de Fonte nelle. M. Lamellin. M. Browal. M. Zimmermann. M. Leautaud. M. Juncker, M. Beccari. M. Kruger. Ifaac le HoUandois. M. Maréchal. M. Goulard. M. Jallabert. M. Moreau. Baglivi. M. le Roy. M. Imbert. M. Darluc. M. Billebault. M. Boucher. M. Schsffer. Baillou. M. TiUet. M. Cartheufer. Antoine de Hcyde. M.Aymen. M. Gautier. Pierre Rommelius: M. Gardane. M. de Ligniville. M. Cadet. M. Vermeil. M. Cederhielm. M. Morgagni. M. Boufquet. M. Morand , le fils. M, Lemery le fils. M. Veratti. M. Roederer. M. Wilke. Zucheli. Anaxagore. Ferrante Imperati. M. Kriel. Plotin. M. Calvet. Jufte Klobius. Diogene Laerce. M. Beurer. M. Jacobi. Pluiarque. M. Albinus. M. Gottfched. Platon. M. Lamorier. M. J. Murait. Tachard. M. Hevin. M. J. H. Pauli, Kolbe. Cœlius Aurelianus. M. Duvernoy. M- Maréchal, le fils. Saviard. M. Hunter, M Moniet. Barbette. M. Lorry. M. le Comte de la Bonet. M. Saw. Garaye. Schacht. M. Bellini. M. Petit le Médecin. M. Velfe. M. de Saluce. Montagne. Nuck. M. Ëifenrchmid. M. du Tens. Hofman. X.