Re nn mr EE de sa + C2 nee er L Der ave » CEPCICRORE EE EN eS oe DD ter MN - » à me Fée nee a LE nn vr8-. DDR A 58 4e OR ERA F sg ap Ed À Ar 4 SE Dr ta Q fa }] \ de, REX > RATS dl. RE Z= LE e G . rar = LS np wi #4 1 ; Ru “Ar * SR æsts De COMPLÉMENTS DE BUFFON. Tome Premier. ‘ re . ’ » # 1. £ ER AE LÉ “SR RE ARE DMPRIMERIE DE LACRAMPE, RUE DAMIETTE, 2, + * 4 ve D ur. | EL 0 men es + ISF : Le 2 , 1837, À Lime sn cha DRE ro CONPLÉNENTA E BUFFO! PAR René - Pa LESSON: MEMBRE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT. Douxiègse Cdolion # Revue, corrigée et augmentée par l'Auteur. FIRE, P. POURRAT FRERES, ÉDITEURS, RUE DES PETITS-AUGUSTINS, D Et chez les Libraires et aux Dépôts de Pittoresques de 1] et de l'étranger. a France 1838 a" AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. En élevant un monument durable aux sciences naturelles par la publication de plusieurs édi- tions de Buffon, nous aurions cru notre tâche imparfaite si nous n’avions mis à la fin des œu- yres de notre immortel prosateur le tableau le plus complet des immenses découvertes faites depuis cinquante ans. Le succès qui a accueilli notre premicre édition du Complément, par R.-P. Lesson, nous a autorisé à en donner une seconde, semblable, par le format, à l'édition de Buffon que nous venons de publier. Ce complémentest le seul qui présenteaujourd'hui l'état réel de la science en Europe pour les mammifères et les oiseaux, et l’auteur a redoublé d'efforts pour ne rien omettre d'essentiel de ce que renferment les nombreuses publications qu’il a eu à consulter. Les deux volumes de cette présente édition, enrichis des découvertes les plus neuves, sont donc un vaste résumé des travaux publiés dans ces dernières anné:s par tous les savants de l'Europe, en même temps qu’ils renferment le résultat des propres voyages de M. Lesson. pre LA nr + he 19 t ( 15440 M'éates le Ver HISTOIRE NATURELLE DE L'HOMME. % © LIVRE PREMIER. à he? PA l :Dg CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES VARIÉTÉS DE L'ESPÈCE HUMAINE QUI HABITENT L'OCÉANIE, LA POLYNÉSIE ET L'AUSTRALIE, Nous n'avons pas l’intention d’écrire dans ce vo- | prend ce vaste espace de mer qui baigne les côtes lume l’histoire complète des races humaines éparses ! occidentales de l’Amérique , les côtes orientales de et disséminées sur le globe. Cette étude immense à souvent été tentée par des savants du premier or- dre, et Buffon lui-même s’en est occupé avec pré- dilection : seulement nous avons cru servir la science en réunissant tous les faits recueillis par nous dans le cours d’une longue campagne, et en présentant un tableau entièrement neuf des peu- plades au milieu desquelles nous avons vécu, non pas d’après les relations des voyageurs, mais d’après propres observations. Cette partie de notre tra- vail ne sera pas la moins intéressante, même pour les gens du monde; et, bien nos ayons déjà publié les généralités sur les îles océaniennes et sur les races humaines qui les habitent (!}, nous les re- produisons ici. afin qu’elles servent d'introduction aux détails plus complets que nous consacrons à chaque peuple en particulier. C’est dans le même but que nous présenterons d’abord un apercu s r les îles du Grand - Océan et sur l’ensemble de leurs. productions naturelles, alir de mieux faire apprécier les modifications que Je climat et les latitudes ont apportées dans les caractères physiques des races qui y ont été sou- mises. Le Grand-Océan, au milieu duquel sont semées les terres de l'Océanie (?) proprement dites, com- () Zoologie du Voyage autour du monde de la cor- vette la Coquille, t. 1, pag. 4 à 115. e) Adoptant la PART de voir de plusieurs géogra- modernes , nous appelons Océanie les îles innom- les qui sont éparses dans le Grand-Océan, et Poly- A ésie toutes Re fe qui forment ce qu'on appelle les la Nouvelle-Hollande, les îles nombreuses du sud- est de l’Asie, en communiquant avec les mers des Indes et de Chine par de nombreux canaux; re- montant au nord-est sur les îles du Niphon, jusqu’à la presqu’ile du Kamtschatka ; se limitant au nord aux iles Aléoutiennes et Kouriles, au milieu des nombreux archipels de la côte nord-ouest d’Améri- que, aux rivages de la Californie, en donnant nais- sance à la mer Vermeille; renfermant un intervalle de cent soixante degrés, et n'ayant pour bornes au sud que les mers de la zone glaciale australe. Cette vaste surface d’eau ne présente qu’une petite por- tion de terre habitée par l’homme; et encore celle- oi se trouve-t-elle morcelée en un nombre considé- rable d’iles isolées ou disposées par groupes, qui forment des archipels distants et épars dont la com- position minérale appartient à trois formations dif- férentes. Placées indifféremment dans l’un ou l’autre tro- pique, mais plus particulièrement sous le tropique du Capricorne, les îles vraiment océaniennes diffè- rent par leur disposition générale de la trainée d'îles qui part de la pointe sud-est de la Nouvelle-Gui- née , et qui s’avance dans le sud en formant une longue chaîne à l’est de l'Australie ou Nouvelle- Hollande : telles sont la Louisiade, la terre des Ar- sacides, les archipels de Santa-Crux, des Hébni archipels d'Asie, et qui renferment les Moluque Philippines, les îles de la Sonde, et la Nouvelle-Guinée. Quelques autres écrivains ont au contraire transposé ces noms; mais il suffit qu'on soit averti pour compren- dre ce que nous appelons Océanie et Polynésie. 4 HISTOIRE NATURELLE de la Nouvelle-Bretagne, de la Nouvelle-Calédonie, les îles Norfolk, la Nouvelle-Zélande, et sans doute les îles Campbell et Macquarie ; et ces îles semblent être véritablement le prolongement des terres avan- cées de l'Asie : car on doit regarder les archipels de la Sonde, des Moluques, enfin de la Polynésie en- tière, comme les débris de ce continen crevassé de toutes parts sous l’équateur. À ce sujet une opinion assez générale admet que le globe a subi l’action d’une force puissante sous la zone équatoriale ; et on a remarqué des dispositions analogues dans le morcellement da continent américain sous le tropi- que du Cancer, et même en Europe, plus au nord, entre la Méditerranée et la mer Rouge. L’isthme de Suez en effet correspond à l’isthme de Panama ; et le cap York, dans le détroit de Torrès , est sans doute le prolongement d’un bras de terre qui unis- soit la Se à la Nouvelle-Hollande, et que les Vagues ont brisé. Enfin les trois extrémités des masses de terre dans l'hémisphère austral of- une grande similitude. Le cap de Diémen de- voit être-le promontoire sud de l'Asie, comme les caps de Bonne-Espérance et de Horn se trouvent terminer aujourd’hui l'Afrique et l'Amérique. Le détroit de Bass est l’analogue de celui de Magellan ; et le banc des Aiguilles, à l’extrémité du cap de Bonne-Espérance, annonce que des terres affaissées s’y élevoient, et ont pu en être isolées par un détroit, ou qu’elles ont disparu dans la catastrophe qui a morcelé les extrémités méridionales de l'Afrique et de l'Amérique. La Nouvelle-Hollande, qui dans cette hypothèse formeroit la partie méridionale des vastes contrées de l’Asie, en diffère complétement par ses produc- tions, de même que les pays des Cafres, des Hotten- tots, et les terres magellaniques, différent des con- tinents dont ils sont les prolongements. Cependant les animaux ou les végétaux de l'Australie (1) ont reçu une physionomie spéciale, un cachet qui leur est propre, et leurs formes insolites semblent éluder tous les principes de classification. Mais à mesure qu’on avance vers l'équateur les êtres se rattachent à ceux que produit l’Asie; etenfin sur la partie in- terlropicale on en trouve un grand nombre qui sont communs à la Nouvelle-Guinée comme aux terres d'Arnheim et de Carpentarie. L'opinion qui admet que la Nouvelle- Hollande est sortie plus récemment du sein des eaux est généralement reçue ; et quoi- que l’intérieur soit pour nous couvert d’un voile mystérieux, ce qu'on connoit du littoral Jui donne nom est adopté par beaucoup de géographes pour désigner la Nouvelle-Hollande : quelques uns écri- vent Austrelasie. Par Tasmanie on indique la terre de Diémen , découverte en 1642 par Abel Tasman, navi- gat hollandois. Sans rajeunir de vieilles idées ou sans se perdre en suppositions vagues et hypot'étiques, on ne peut, en jetant un large coup d’æil sur l’ensemble de ces terres, se dispenser de remarquer que toutes les îles qui forment le chainon depuis la Nouvelle- Guinée jusqu’au sud de la Nouvelle-Zélande sem- blent être les bords de l’ancien continent Australique déchiré; car aujourd’hui les nombreux canaux#qui isolent ces archipels sont encombrés de bancs à fleur d’eau, de plateaux de récifs ou de rochers épars , qui forment de cette partie de l’Océan une mer semée d’écueils. Si nous examinons la partie orientale de l’Aus- tralie, depuis les rivages du Port-Jackson jusqu’à cent cinquante milles dans l’intérieur du pays, en franchissant l’épaisseur des montagnes Bleues, nous parviendrons peut-être à saisir les chaïinons qui étayent cette idée. Toutes les côtes de la Nouvelle- Galles du Sud sont en effet entièrement composées d’un grès houiller à molécules peu adhérentes; et ce que nous appelons le premier plan des monta- gnes Bleues est également composé de ce grès, qui cesse entièrement au mont York. Là une vallée pro- fonde isole ce premier plan du second, qui est com- posé en entier de granite. La hauteur de ces deux chaines parallèles, qui courent du sud au nord, est la même. Le mont York, d'après les observations de M. Oxley (1), est élevé de trois mille deux cent quatre-vingt-douze pieds anglois , et se trouve éloi- gné de la côte par un intervalle de cent milles envi- ron. Quelques voyageurs pensent sans doute à tort que cette montagne conique, et brusquement ter- minée par une pente roide sur le Val de Clyde, est l’ossuaire d’un ancien volcan dont le périmètre a été enseveli sons le dépôt du grès marin qui revêt toute celte étendue de territoire, Onvest plus fondé à le considérer comme recouvert d’une formation ter- liaire ; ce que prouvent le gisement abondant d’un liguite stratiforme qui occupe toute là partie moyenne du mont York, à mille pieds au-dessus du niveau de la mer, et les empreintes nombreuses de phyto- lithes qui se rencontrent vers son sommet, et qui paroissent pour la plupart appartenir à des feuilles d’eucalyptus ou à des fougères. Au-delà du Val de Clyde se développe la deuxième chaîne, et celle-ci se trouve être complétement primitive; car les ro- ches qui la composent sont des granites des syénites quartzifères, et des pegmatites. C’est sur le rebord de ce plan des montagnes Bleues qu’on remarque aujourd’hui les traces nombreuses de bouches vol- caniques, et que des masses basaltiques, dont les plus remarquables forment ce qu’on appelle les () Journal of two expeditions into the interior of New-South- Wales, undertaken by order of the bristish A RE RD D Oxley;in-4o, London , 4820, r Les es) a” à # ME. ” DE L'HOMME. k + Chutes de Bathurst, s'offrent abondamment aux re- gards du voyageur. En dernière analyse un terrain tertiaire, reconnu sur le littoral de la Nouvelle- Galles comme sur divers points au sud de la Nou- velle-Hollande (1), seroit dore accolé sur le sol primitif qui compose le plateau central de cette vaste contrée. | Les échantillons nombreux que nous avons rap- portés de la terre a@Démen indiquent encore une étendue assez considérable de sol tertiaire adossé à un terrain de pegmatite et de serpentine, où l’on ob- serve des gisements assez puissants de fer fibreux natif au milieu de roches amianthoïdes. Il est à re- marquer que nous trouvâmes des empreintes de pr 0- ductus aux îles Malouines, et que les spirféres se montrent en abondance et dans un bel état de con- servation avec plusieurs autres testacés sur les l'ords de la rivière Tamar, non loin du port Dalrymple, à cent cinquante pieds au-dessus du niveau de la mer. La Nouvelle-Zélande, séparée de la Nouvelle- Hollande par un simple canal, est héri-sée sur sa surface de volcans éteints ou même en activité, el de prismes basaltiques ; et cependant on y trouve également quelques roches primitives, et surtout un jade d’une grande beauté. Mais, malgré le rap- prochement de ces deux contrées, leur physiono- mie est toute différente ; et si on remarque quelques points d’analogie, on ne les trouve que dans le règne animal. La Nouvelle-Irlande, avons-nous dit, semble être plus particulièrement le prolongement des ter- res d'Asie; eten effet les hautes montagnes de cette grande ile située près de l'équateur doivent être pri- mitives, tandis que les collines de sa circonférence et les écueils du rivage sont entièrement de carbo- pate de chaux madréporique (?) , qui forme des sor- tes de murailles, ou plutôt un rivage récent moulé sur un autre plus ancien. Fn remontant au nord sous la ligne, les observations que nous avons pu suivre à la Nouvelle-Guinée nous démontrent que les montagnes d’Arfak sont composées de roches primitives ; car les rivières qui en descendent cou- lent sur des galets de granite, tandis que les terres assez élevées qui forment le littoral sur plus de douze milles de largeur, ainsi que les îles de Manasouary et Masmapy, qui sont à l'entrée du havre de Doréry, sont sans exception de calcaire madréporique élevé {") Péron ( Voyage aux terres australes, seconde édi- tion , 4 vol.in-8s, Paris, 1824) consacre plusieurs pa- ragraphes à l'explication des divers phénomèénes géolo- . giques que lui présentérent Ja terre de Diémen, les îles du détroit de Bass, et les terres d'Édels, de Wilt, et d'Endracht. {Tome IV, pag. 215 et suiv.) (2) Fait également mentionné par M. Labillardière { Voyage à la recherche de La Pérouse, t. I, pag. 240, édition in-4° , Paris, an VIU), | de plus de cent cinquante pieds au-dessus du niveau actueldes eaux. D'un autre côté on sait d’une manière positive que les îles de la Sonde, les Moluques, Timor même, malgré l'opinion erronée de Péron, sont de formation primordiale; et que le calcaire saxigène ne s’offre jamais que comme une ceinture extérieure, ce dont les iles d'Amboine, d : Bourou, de Céram , offrent la preuve palpable. En franchis- sant par la pensée la largeur entière de l’océan Pa- cifique, et nous reportant sur la côte occidentale d'Amérique, on y retro ivera de vastes surfaces cou- vertes de testacés fossiles, en un mot un sol tertiaire élevé de cent cinquante à deux cents pieds au-dessus du niveau de la mer (à Payta, côte du Pérou); et ne doit-on pas naturellement conclure que par des causes quelconques, et que nous ne devons pas rechercher ici, le dernier niveau de l'Océan étoit à cette élévation , et baignoit alors la surface de la Nouvelle-Galles du Sud jusqu’au premier plan des montagnes Bleues ? En examinant ensuite l’ensemble des îles océa- nienpes proprement dites, puis chacune d’elles en particulier, nous ne trouvons sans nulle exception que deux sortes de formation : l’une basaltique, et l’autre de création animale. Toutes les iles hautes de la mer du Sud présentent en effet les conditions de ce qu’on appelle terrains volcaniques, ou sont le produit palpable de volcans. Ces îles montagneu- ses, couronnées quelquefois par des pies qui se per- dent dans les nuages , sont généralement , entre les tropiques seulement, entourées d’une bande de terre que supporte un calcaire à polypiers élevé de quel- ques toises au-dessus du niveau de la mer. Mais ce rivage accessoire n’est presque jamais unique : sou- vent à quelque distance il s’y joint une ceinture d’iles basses, plates, uniformes, dues aux mêmes zoophytes , et que nous nommerons parfois Motous d’après la désignation générale de la langue océa- nienne, usitée surtout à Taïti et chez les Pomo- tous (1). Les îles de notre seconde division compren- dront, sous le nom générique de Shopelonyse, ce que les divers peuples navigateurs appellent indif- féremment trrezife, Paracels, Attoles et Attolons, ou l'orulligères, dont l'existence est due au travail lent et successif d’animalcules délicats n’élevant jamais que jusqu’à la surface des vagues, en bâtis- sant sur de hants fonds leurs demeures pierreuses : bien éloignés en cela de donner lieu au phéno- mène décrit avec pompe par un savant d’ailleurs très célèbre, d’écueils qui naiss nt sous le sillage des navires. Mais les t{-s-récifs sont de trois sortes : simples, ce sont les motous des grandes terres ; dis- posées en cercle avec une mer intérieure, ce sont les motous à luyons de plusieurs navigateurs. Enfin ces ()Insulaires des îles basses de l'archipel Dangereux, 6 HISTOIRE NATURELLE îles présentent encore une modification plus singu- lière: west celle d'offrir de vastes plateaux à fleur d’eau recouverts de motous arrondis et verdoyants ayant un ou plusieurs lagons, et que les Anglois nomment £les-groupes (ISLANDS GROUPS). Les motous simples nese rencontrent guère qu’au- tour des terres hautes, auxquelles ils forment des ceintures , telles qu'à Maupiti, Borabora, et dans tout l'archipel de Ja Société, Les motous à lagons appartiennent à une sorte de système d’iles qu’on remarque plus particulièrement dans deux points de la mer du Sud, au milieu des archipels Gilbert et Mulgrave d’une part, et au milieu de la mer Mauvaise d’une autre part, et dont on peut aisé- ment se faire une idée en examinant un plan des îles de Clermont-Tonnerre, de La Harpe, etc. Mais les éles-groupes semblent être particulières à l’ar- chipel étendu des Carolines. Là le plateau de litho- phytes prend souvent un immense développement. Il n’est parfois surmonté que par des iles basses ou motous distants et isolés, comme on le remarque dans les archipels de Kotzebue, de Ralick et Radack ; et souvent il environne des terres volcanisées hau- tes, comme on en a la preuve par l’île d'Hogoulous, crue si long-temps fabuleuse, les Palaos, Ulia, ete. En dernière analyse les terres du sud-est de l’Asie, l'Australie, la Tasmanie, et même le chainon ter- minal de la Polynésie, de la Nouvelle-Guinée à la Nouvelle-Zélande , peut-être même l’ile Campbell, sont des terres primordiales ; et les îles de l'Océa- nie, de formation récente et postérieure dans l’his- toire du globe, sont volcaniques et madréporiques. Mais, pour que notre idée soit complète sous ce rapport, il nous reste à envisager les causes qui peu- vent démontrer l’origine ignée d’un aussi grand nombre de terres séparées par d'immenses espaces et par la plus vaste étendue de mer connue. L’an- cienne opinion qui veut qu’elles soient les débris qui surgissent d’un continent austral brisé n’est point admissible ; et la seule raison satisfaisante qu’on puisse donner de la naissance de tant d'îles éparpil- lées comme au hasard, mais cependant assez com- munément par grands groupes, a sans contredit été émise par Forster, etgénéralisée ensuite, tropexelu- sivement peut-être, par le savant géographe Buache. Forster (Observ.) considéroit toutes ces îles comme assises sur les points culminants des chaînes sous- marines, s’irradiant sous la mer comme elles le font sur la surface de la terre. Ainsi s'explique sans dif- ficulté la naissance des îles de corail, dont la base est construite par les polypiers saxigènes sur ces émi- nences placées à peu de profondeur; et c’est de la conformation des chaînes formant les bassins sous l’eau que naît celle qu’affectent dans leurs contours les îles basses. La surface du Grand-Océan, couverte de terrains voleanisés anciens (!),"présente encore une quantité prodigieuse de monts ignivomes en activité, égale- ment nombreux sur les terres ou sur les continents qui lui servent de limites. La Nouvelle-Zélande (2), Tanna, les Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-Calé- donie , les îles Schouten, les Mariannes, les Sand- wich (), la Californie, ont encore des volcans en activité, et sur les bords il ne faut que citer ceux des Andes en Amérique, des Gallapagos, etc., ‘etc. L’océan Atlantique, sous ce rapport, présente une grande analogie avec la mer du Sud; car les îles distantes et éloignées de la côte d'Afrique sont vol- caniques, telles que Sainte-Hélène, l’Ascension, Madère, les Acores, les Canaries, les îles du Cap- Vert, Tristan d’Acunha : le même phénomène se manifeste dans les Antilles, dans la mer des Indes, par les îles Maurice et de Bourbon. Mais on remar- que encore autour de ces iles la formation madré- porique, qu’on ne retrouve point d’une manière complète dans l’océan Atlantique. Des récifs de corail enveloppent en effet l’ile Maurice, les îles Rodrigues, les Mahées, les Seychelles , etc. Plus anciennement surgies du sein des eaux, les îles vol- caniques de la mer du Sud ont été peuplées les pre- mières ; et ce n’est que long-temps après et succes- sivement que l’espèce humaine a été s'établir sur les îles basses, où son existence est beaucoup plus pré- caire et entourée de privations plus nombreuses. Enfin, si la zone équatoriale offre seule le phéno- mène des formations de roches madréporiques en grand , les hautes latitudes boréales et australes en présentent encore des traces légères produites par un polypier nullipore qui encroûte les rochers bai- gnés par la mer, et qu’on retrouve également à Terre-Neuve comme aux îles Malouines. # De ces considérations sommaires il résulte que les peuples qui doivent nous occuper habitent, 1° des (n Lesiles de la Société, au milieu des masses basal- tiques (basalle avec péridot) qui constituent la plupart des montagnes de leur portion centrale, ont leur os- suaire composé d’une belle dolérite. Le mont Oroena est élevé de trois mille trois cent vingt-trois mètres, d'aprés Cook; et des montagnes voisines présentent à leur sommet des lacs qui sont d'anciens cratéres. 1] en est de même à Noukahiva. (KRUSENST. ) (2) La partie nord de la Nouvelle-Zélande est entière- ment volcanique. La cascade de Kiddi-Kiddi est remar- quable par la grande nappe d'eau qui se précipite d’une colonnade basaltique très élevée. Le lac de Rotoudona, qui joue un si grand rôle dans la mythologie de ces peu- ples, est un cratère d’où jaillissent des sources d’eau chaude. Des biocs d'une belle obsidienne, des tuffa rouges, abondent sur plusieurs points. (3) Le pic d'Owahie ou Mono-Roa, haut de deux mille deux cent cinquante quatre toises suivant M. Horner (Voyage de Krusenst.), vomit une immense coulée de lave vers 1801 , suivant M. de Chamisso. (Kotsebue’s Voy. round the world, t. IL, pag. 353.) VE DE L'HOMME. 7 terrains primitifs, 2° des terrains ignés , et 5° des îles madréporiques à peine élevées au-dessus du niveau des vagues. Suivons cette idée en examinant rapidement les caractères généraux de la botanique de la mer du Sud. La végétation des terres de l’Océanie se compose de plantes entièrement indiennes ou analogues à celles de l’Inde équatoriale, c’est-à-dire aux végé- taux qui revêtent les îles de la Sonde, les Molu- ques etla Nouvelle-Guinée. Leur distribution paroît évidemment avoir été faite de la Polynésie dans l’O- céanie jusqu'aux îles les plus voisines de l’Améri- que , à l'ile de Pâques par exemple, de l'occident vers lorient, contre le cours habituel et des vents réguliers et des courants. Le règne végétal, si pom- peux , si imposant dans lesiles de la Polynésie, di- minue successivement de sa richesse en avançant Mn" ; et cette vérité a été démontrée complé- te par les deux Forster et par M. de Chamisso; car on ne peut rien conclure de quelques plantes américaines ( qui datent même pour la plupart de l’arrivée des Européens ) perdues dans la masse de celles indo-polynésiennes, qui composent unique- ment la végétation de l’Océanie; pas plus que de ce qu’on rencontre dans la Nouvelle - Hollande des espèces européennes, ou qui n’en diffèrent point au premier examen (!). Il resteroit à examiner l'ile de Juan-Fernandez ; mais nous n’avons que pen de données sur sa végétation, et il n’y auroit rien de surprenant que cet ancien volcan ne partageât la flore du continent dont il est très rapproché. Il y a des plantes qui semblent faire le tour du globe sous les zones qui leur conviennent ; et on peut citer en ce genre le portucala , que nous rencontrâmes sur toutes les terres que nous avons visitées entre les deux tropiques, dans le Grand-Océan comme dans l’Atlantique (?). La végétation indo-polynésienne se montre dans toute sa splendeur sous la ligne équinoxiale : d’abord imposante sur les îles de la Sonde, elle s’étend pro- gressivement sur les nombreuses possessions ma- -laises et tidoriennes, et étale toute sa pompe et tout son luxe sur les Moluques orientales et sur la terre des Papous. C’est là que des palmiers nombreux, des cycas, des fougères, prennent la formegracieuse et svelte de colonnes légères : leurs forêts immenses se composent d'arbres de grande taille, tels que les gatip (inocarpus edulis ), les arbres à pain, les muscadiers , les spondias; c’est dans leurs profon- deurs qu’on retrouve la patrie des plantes nourri- () Le Val de Clyde, dans les montagnes Bleues , est revêtu de plantes des genres typha, lythrum, plan- tago , samolus , etc., qui nous parurent en tout res- sembler aux espèces des marécages d'Europe. (2) Consultez Humboldt , Géographie des plantes, in-8° , 4817. cières des Océaniens, de longues lianes arborescen- tes, des légumineuses, dont les formes sont innom- brables et variées. En suivant la masse de ces végé- taux, nous la voyons diminuer successivement à mesure qu’on avance vers le détroit de Torrès : quelques espèces le traversent seulement’, et sont d'autant plus remarquables qu’elles appartiennent à des genres qui n’en renferment point un grand nombre: telles sont l’arec à chou, l’érythrine indien, le sagoutier, deux muscadiers sauvages, la flagellaria indica, etc. (1). En continuant d’exami- ner les plantes suivant la latitude des îles qui for- ment la chaine avancée au sud de la Polynésie, tel- les que la Nouvelle-Irlande, la Nouvelle-Bretagne, nous y retrouverons le même luxe; et les aréquiers, les sagoutiers, les grandes fougères, les drymirrhi- zées, peuplent encore les forêts. C’est ainsi que nous observâmes à l’entour du port Praslin les vaquois, les barringtonia , les calophyllum , les filao (casua- rina indica ), propres à toute l'Océanie; mais, à mesure qu’on s'élève en latitude en allant vers le sud, aux Hébrides, à la Nouvelle-Calédonie, le nombre de ces mêmes végétaux décroît naturelle: ment. Plus au sud encore la zone tempérée australe change complétement la physionomie des végétaux ; et l’île de Norfolk a de commun avec la partie nord de la Nouvelle-Galles du sud l’araucaria, qu’on voit encore au havre de Balade, et avecla Nouvelle- Zélande le phormium tenax : mais il est à remar- quer que cette île, vaste et composée de deux terres séparées par un détroit, quoique rapprochée de la Nouvelle-Hollande et par la même latitude, en diffère si complétement qu’elles ne se ressemblent nullement dans leurs productions végétales. Toutefois la Nouvelle-Zélande, si riche en genres particuliers à son sol et peu connus, en a cependant d’indiens, tels que des piper, des olea, et une fougère réni - forme qui existe, à ce qu’on assure , à l’ile Maurice. À l’époque de notre séjour à la baie des îles de la Nouvelle-Zélande la végétation se ressentoitdes ap- proches de la saison hyémale. [= Pour peu qu’on ait voulu suivre les idées que nous » venons d'émettre, on sera convaincu que les terres hautes du sud-est de la Polynésie, entre les tropi- ques, partagent les mêmes végétaux alimentaires que les îles des Indes orientales. Ils se sont répan- dus diversement par suite sur les terres les plus () Observations de M. Cunningham faites dans le voyage autour de la Nouvelle-Hollande, exécuté par le capitaine King (manusce. ). Le journal de King, avec des recherches intéressantes d'histoire naturelle, vient d'être publié sous ce titre : Narrative of a Survey of the Intertropical and Western Coats of Australia ; performed between the years 1818 and 1822. By captain Philip P. King, with an Appendix containing various subjects relating to Hydrography and natural History. 2 vol., Lond, , 1826. 5 HISTOIRE NATURELLE lointaines, et ne se sont arrêtés que près des côtes | leurs rejets à l'embouchure des rivières, au milieu d'Amérique. Comment, par exemple, les végétaux si communs sur la Polynésie se retrouvent-ils sur les îles Sandwich et sur les îles des Marquises de Mendoce, qui en sont séparées par un intervalle immense? Il seroit fort diflicile de résoudre une telle questien, parce que des vents et des courants qui se dirigent dans un sens contraire ne permet- tent point de leur attribuer aucune influence pour l'établissement dela végétation sur des points comme égarés sur la surface du Grand-Océan. Toutes les îles océaniennes hautes, à peu d’ex- ceptions près, sont plantées de fruits à pain sans noyaux, de taro (arum esculeitum), de cannes à su- cre, de bananiers, qui y viennent presque sponta- nément pour contribuer à la vie paisible et heu- reuse de ces insulaires. On retrouve à Taïli l’hiviseus rosa sinensis, si abondant sur toutes les Moluques; les pandunus , le gard'nia florida, les cyuthées, le cratæva, des ficus, le bambou, ÿ reproduisent leurs tribus. Et «c’est dans celte ile, dit M. d’'Urville » (Distiib. des fougères, Ann. sc. nul., Sepl. 5825), » que commence à paroitre une foule de fougères » qui semblent habiter cette zone, à partir de cet » archipel, et même des Marquises, jusqu'aux Mo- » luques, et plusieurs jusqu'à lile de France; tels » sont les iycupouium phicgmaria, sehizea cris- » tuta, elc#netc. » Ainsi les iles équatoriales par- tasent les productions végétales de source indienne, avec des différences cependant daus leur répartition ; car, suivant M. de Chamisso (tome IE du Pryeg de Kotzebue ), le barringtonia et le filao, si communs à Taïti et à Borabora, ne se trouvent point aux Sandwich , tandis que ces dernières ont le bois de sandal , dont les îles de la Société paroissent pri- vées, et qui est si commun aux Marquises, aux Fidjis, etc., etc. Il est plus aisé de se rendre compte de la manière dont la végétation a envahi jes iles basses de corail. La fi e ces motous ne se compose point d’un grand nombre d'espèces , et nous avons eu souvent l'occasion de la suivre dans les diverses phases de” ses progrès. La manière dout s'opère cet intéressant phénomène répond assez exactement aux descrip- tions, un peu poéliques sans doute, mais vraies dans leur ensemble, des migrations vésrtales, esquissées avec celle pureté et ce chérme de style qui appar- tiennent et à Bernardin de Saint-Pierre ct à M de Chateaubriand. Sous le rapport de l'exactitude des faits, les détails fournis primitivemenut par Forster, puis par M. de Chamisso, laissent sans doute peu de chose à désirer. Quelques végétaux semblent avoir pour fonctions d'envahir les récifs de coraux à mesure qu'ils se dessèc:ent. Les bruguiera, par exemple, qui se plai- sent dans l’eau salée, étendent peu à peu le lacis de | des vases qu’ils accumulent sans cesse. Bientôt un humus suffit pour recevoir quelques autres plantes ; et les sables des rivages, même purs, sont bientôt occupés par le scœvola lobelia , le convoloulus pes | capre&, le pandanus odorant, l’hibiscus tiliaceus, etc. Si le banc de corail est isolé et distant de quelque île principale, les flots sans cesse agités x bientôt des coc:s, des fruits du bonnet carré de PFougainville (barringtonia), qu’on rencontre en mer presque journellement. Ces fruits, arrêtés par l’écueil, jetés sur le sable calcaire des madrépores, germent, s’y cramponnent, et sont ainsi & pre- miers colons de la nouvelle terre. Mais c’est prin- cipalement au précieux cocotier qu’il est réservé de conquérir sur la mer, pour l'habitation de l’homme, ces bandes }lates d’écueils jetés au milieu des va- gues, à quelques toises au-dessus de leur niveau. Autant ce palmier redoute les hauteurs, où an. guit, autant il s’élance avec vigueur sur les récifs. El y forme d’épaisses forêts, dont on ne peut se faire une idée par la description, et dont rien n’égale la grâce et la beauté. Le navigateur passeroit fréquem- ment dans le voisinage de ces iles sans en avoir la . moindre connoissance , si un bouquet de cocotier à l’horizon ne les lui déceloit. Ce roi des palmiers , comme le nomment quelques Orientaux, une fois établi eLen rapport, la race humaine ne tarde point à y paroitre, et peut compter sur ses produits pour assurcr son existence. On conçoit que les peuples qui émigrent des terres riches en fruits et en ra- cines de toute sorte sont exposés sur les îles basses à de nombreuses privations. L'eau douce leur man- que souvent; souvent aussi ils sont réduits à vivre de vaquois, de taro, ou de ce que la pêche leur fournit. On peut assurer que chez ces hommes la défiance est beaucoup plus grande, et que ieurs mœurs sont beaucoup plus farouches que celles des autres insulaires. Comme leur subsistance n’est point assurée, ils craignent toujours qu’on ne vienne leur en soustraire une partie. D'un autre côté, ce- » pendant, l’industrie ct le besain luttent contre les manque de ressources, et ont forcé ces peuples à s’adonner à la navigation et à devenir habiles dans cet art. L'objet le plus indispensable d’un insulaire est sans doute une pirogue; et cependant il arrive souvent qu'une île de cette sorte ne produit point de bois d'assez forte dimension pour la réparer ou en fournir la mâture. C’est ainsi que nous en eûmes des exemples en longeant le grand archipel des Ca- rolines et lesiles Mulgrave et Gilbert. Leurs frêles embarcations présentoient parfois des pièces mal ajustées, faites de plusieurs morceaux d’hbiscus tiliaceus , le seul bois dense qui puisse croitre sur ces terres. La Polynésie proprement dite s’arrête au nord- DE I'HOMME. est par une bande d’archipels composés des îles de Formose, Luçon et Mindanao, dans les Philippines. Mais on remarque que les chaînes d’iles placées dans le tropique du Cancer et dans l'hémisphère nord, jus- qu’au-delà du cent soixantième degré de longitude, telles que les Mariannes, les Palaos, Hougoulous et Oualan , ont reçu de ces contrées, probablement avec la race humaine , les orangers, les citron- niers et les bruguiera, qu’on ne retrouve point dans le reste des îles de l'Océanie du tropique du Capri- corne. La variété sans semences de l'arbre à pain est la seule qu’on observe aux Sandwich, aux Tonga, aux Marquises, comme aux iles.de Ja Société. Mais la variété à châtaignes, si commune dans les Molu- ques et à Célèbes, se retrouve, en nombre égal à la première espèce, aux Palaos et à Oualan par exem- ple, et est la seule qui assure l’existence des Carolins des îles basses. Ces naturels en effet paroissent être réduits fréquemment à se nourrir des fruits demi- ligneux du paudanus. Sur toutes les îles du Grand-Océan nous trou- Vâmes les mêmes productions végétales, et le plus souvent les mêmes noms pour les désigner. C’est ainsi que les vallons si pittoresques, mais à la lon- gue si monotones, des Sandwich, et de la reine de la mer du Sud, Taïti, si éloignés, produisent abon- damment le taro (arum esculentum), l'igname (dios- coreu), la pomme de Cythère (spondias dulcis), etc. Les Taïtiens mangeoient, dans les temps de disette, la moelle d’une fougère en arbre, comme les Nègres le pratiquent à Maurice et à Madagascar pour le cambare marron ; et tous les deux appartiennent au genre cyatheu. Le pya est la racine du tacea pin- nulifidu, qui croit dans toutes les Moluques, à la Terre des Papous, et à la Nouvelie-Irlande. La noix d’ahi (inocarpus edulis) se rencontre depuis les iles de la Sonde, où les Hollandois nomment Parbre gatip Looi, jusqu'aux iles les plus orientales de la du Sud. Il en est de même du terminalia, du morind citrifolia, du curcuma, et d’une foule d’au- tres Végétaux dont il seroit assez fastidieux de pré- enter ici la liste. Placées hors du tropique, les vastes iles de la Nouvelle-Zélande, dont l’intérieur est encore à con- oitre, ’ont pu fournir à la race qui les habite les mêmes ressources , et la nécessité la contraignit de se plier à la pauvreté du sol sur lequel elle devoit vivre, et de tirer sa principale ressource alimentaire de la racine sèche et ligneuse de la fougère (acros- tichum furcatum, Forster), qui couvre le pays : mais ce qui rend cette fougère très digne d'atten- tion, c'est que les peuples noirs de la Nouvelle- Galles du Sud s’en nourrissent habituellement, et la mment dingoua. a + pile de Pâques , également hors. deftt mites du tropique du Capricorne , ne présenté qu'un nombre LE curieux et remarquables : ? très restreint de végétaux ; ceux qu'on rencontre sur cette terre brûlée appartiennent encore cepen- dant aux plantes indiennes : tels sont entre autres l’hibiseus popuneus, des mimosu . Un soianum que Forster fils indique aussi à Taïti, ete., ete. La zoologie des îles Malaisiermes, aussi riche que variée par les nombreuses espèces qui leur sont propres, semble attester que cette portion centrale de Asie orientale a fait partie d’un continent, puis- que ces iles sont peuplées de grands quadrupèdes vivants qui sont communs à plusieurs d’entre elles. D'ailleurs les canaux qui les séparent sont peu pro- fonds , et ils sont encombrés de bancs qui sembient complétement légitimer cette idée. Mais toutefois chaque île de ces grandes terres équatoriales de l'archipel des Indes recèle quelques espèces qui y seroient aujourd’hui isolées, et plusieurs ont fourni la singularité de reproduire des individus de genres qu'on avoit jusqu’à ce jour regardés comme essen- tiellement propres au Nouveau Monde : tels sont, dans deux branches différentes, un tapir, des cou- roucous , et le rupicole vert. Tout ce que nous sa- vons de l’histoire naturelle de ces contrées fécondes est d’un haut intérêt ; et malgré les recherches in- fatigables de sir Stamford Raflles, d’'Horsfield, de Diard, de Duvaucel, de Leschenault, de Kuhl, de Van-Hasselt, et de Reinwardt, elles fourniront long-temps encore d’abondantes moissons en objets mais leur climat a déjà dévoré plusieurs naturalistes européens et la barba- rie profonde des habitants de l’intérieur opposera long-temps une barrière insurmontable aux tenta- tives de ceux qui voudroient essayer de nous en faire connoitre les merveilleuses productions. C’est dans les mers de ces archipels que se trouve aujour- d’hui le dugong (hulicore indicus, DESM. Mumm., 151 esp.), qu’on a cru si long-temps fabuleux, fi- guré par Renard(t), mais complétement décrit par les naturalistes modernes, notamment par M. F.Cu- vier, et dont on trouve un bon dessin pour le temps (1708) e' une description assez complète dans le Voyrge de François Leguat, qui n’est cité que dans Sonnini (Buff.. t. XX XIV, p. 185) et d’une ma- nière très fautive. Sumatra et Bornéo paroissent renfermer quelques espèces de quadrupèdes identi- ques , tels que l'éléphant des Indes ( Ele, has indi- cus, Cuv.) et les orangs. Les rhinocéros découverts par MM. Diard et Duvaucel(Rhinoce:i os javanicus, G. Cuv.; et Rhinoceros sumatrensis, GUVY. ) appar- tiennent plus spécialement à cette belle ile de Su- matra qui nourrit un très grand nombre de singes, divers nammifères très intéressants, et notamment des semnopithèques, la viverra musanqua et le tu- (‘) Renard, pl. 34, fig. 180. (Poissons des Indes, 14 vol. in-fol , Amsterd., 1754.) Ë 2 10 paia tana de Raffles, enfin le tapir de l’Inde (Ta- pirus indicus , F. Cuv.) qu’on à découvert et dans cette île et sur la presqu’ile de Malak. La grande île de Bornéo, cet espace blanc sur la carte du monde , comme l’a dit judicieusement sir Rafiles, recèle sans doute beaucoup d'animaux inconnus ; mais ceux qu’on y indique plus particulièrement , tel que l’orang-outang et le pongo , existent aussi, à ce qu’on assure, et dans la Cochinchine et sur la presqu’ile de Malaca. Java , si particulièrement ex- plorée dans ces derniers temps, a fourni à nos species un assez notable accroissement. On y trouve HISTOIRE NATURELLE rattache à celle de l’homme, qu’ils ont suivi. On remarque que ces deux animaux utiles ont été ren- contrés dès la découverte des archipels des Sand- wich , des Marquises, des Amis, de la Société, des Fidjis, de Rotouma, et sans doute des îles des Na- vigateurs. La Nouvelle-Zélande n’avoit seulement que le chien , du moins d’après le dire du capitaine Cook , qui assure que le cochon n’y existoit pas, et qui y déposa des femelles pleines, tandis qu’aujour- d’hui il y est commun. Ces deux mammifères se rencontrent également dans les îles avancées de la Polynésie , jusqu’à la Nouvellé-Calédonie, où le surtout la panthère noire (1), les tupria javanica et ; chien est la même, espèce à oreilles droites qu’on ferruginea de Horsfeld, la mustelx nudipes de F. Cuvier, la mydaus meliceps de F. Cuvier, un nycticèbe , et autres espèces remarquables. Si Ma- dagasear n’a aucun individu de la famille des sin- ges, elle possède en revanche les makis; et les Moluques ont en propre les cuscus ou phalangers à queue prenante, et les galéopithèques , dont une espèce s’est propagée à l’est jusqu'aux Carolines oc- cidentales, c’est-à-dire aux Pelew ou Palaos. Ce n’est guère que sur l'ile de Bourou que vit de nos jours le cochon-cerf {sus babyrussa), animal rare qui manque à nos musées. Les phalangers à queue nue appartiennent presque exclusivement aux Mo- luques orientales, et surtout à la Terre des Papous, jusqu’à la Nouvelle-Irlande. En s’avançant vers le sud-est le nombre des mammifères diminue. Déjà à la Nouvelle-Guinée on ne trouve plus que le cochon nommé par nous sus papuensis , le pélandoc (?) , et le couscous tacheté. La roussette kéraudren, voi- sine du pteropus edulis, paroît s'étendre depuis les Philippines, sur les Mariannes, jusqu’à Oualan, où nous l’observâämes en abondance par cent soixante $ degrés de longitude orientale : mais cette espèceul trouve au Port-Praslin, à la Nouvelle-Bretagne, et qui suit les misérables tribus de la Nouvelle- Galles du Sud. Mais cet animal paroît avoir été in- connu des Carolins et des Mariannais jusqu’au temps de leurs relations suivies avec les navigateurs. Wil- son dit qu’il étoit ignoré des habitants des Pelew (1) ; et nous pouvons assurer que les naturels de l'ile d’Oualan , où très probablement jamais Européen n’avoit mis les pieds avant nous, n’avoient pas la moindre idée du cochon et du chien, qui leur in- spiroientune grande frayeur, et qui attiroient vive- ment leur attention. M. de Chamisso a observé le même fait à Radack, chaine d’iles bien plus recu- lée dans l’est. Les reptiles sont d’autant plus communs, et d’au- tant plus développés dans leurs proportions , qu’ils se rapprochent davantage des climats brülants et humides de la zone torride : on les voit peu à peu diminuer en nombre à mesure qu’on s'éloigne des tropiques, et qu’on s'avance dans la zone tempérée. Le crocodile, si abondant à Java, à Bornéo, à Timor, à Bourou, existe encore à la Nouvelle-Guinée (?) ; # % mais il n’est plus représenté à la Nouvelle-Irlande paroït ne point avoir pénétré au-delà; et aux | que par un grand tupinambis, dont la peau sert à Sandwich, par exemple, il n'existe qu’un petit ves- pertilion. Il est à remarquer qu’on ne connoît aucun quadrupède comme véritablement indigène de la Nouvelle-Zélande, excepté le rat, si abondam- ment répandu sur les îles de l'Océanie comme sur presque l’univers entier. La Nouvelle-Hollande seule a produit des genres qu’on ne retrouve que sur son sol ; mais le kangurus , un des plus singu- liers, avoit son type aux Moluques dans le lapin d’Aroé (Kangurus Brunii, DEsm. ). Quant au cochon ou au chien, leur histoire se (1) La panthère melas, figurée par M. F. Cuvier dans la quarante-neuvième livraison de son bel ouvrage sur les mammiféres, ne seroit, suivant M. Temminck, qu'une variété accidentelle du léopard : ce qui semble exiger de nouvelles observations. (:) Le pélandoc , et non pélandor, est commun à la Nouvelle-Guinée : les Papouas du havre de Doréry le nomment podin, et estiment sa chair. recouvrir les tamtam. D’après le récit de Mariner, on ne peut se dispenser d'admettre que des croco- diles, portés par des courants, n’aient été vus sur les îles Fidjis ; car les habitants en ont consacré le souvenir par une tradition orale qui paroît complé : tement assurer ce fait. Les lézards et les scinques sont d'autant moins nombreux qu’on s'avance Vers l'est. C’est ainsi que plusieurs espèces fort vintéres- (r) Le capitaine Wilson ( Relation des îles Pelew, 2 vol. in-8°, Paris, 1793 ), qui séjourna sur les îles Pe- lew,ou mieux de Palaos, après son naufrage, y vitun chat et aussi un Malais, qui tous les deux y avoient été apportés sans doute par la perte de quelques pros des Philippines. ba (2) Les Papous de la Nouvelle-Guinée suspendent à leurs cabanes les têtes desséchées de ce gigantesque saurien, peut-être comme trophée de la mort d’un en- nemi dangereux : ou bien environnent-ils sa dépouille des hommages qu'arrache la peur chez des peuples superstitieux ? "ALT * DE L'HOMME. {1 santes s'arrêtent à Oualan, tandis que toutes les iles de l'Océanie ont indistinctement le joli petit scinque à raies dorées et à queue azurée des Moluques. Il en est de même des geckos : le lacerta vittuta, par exemple, se trouve depuis Amboine jusqu’à la Nou- velle-Irlande ; et à Taïti comme à Borabora, on ne rencontre plus que l’hémidactyle. Enfin ces pytons de forme colossale des îles de la Sonde se trouvent remplacés, même à la Nouvelle-Guinée, par delon- gues couleuvres (1), dont la taille diminue à mesure qu’on s’en éloigne, et c’est ainsi que ces reptiles paroissent ne s'être pas introduits, jusqu’à ce jour, au-delà de l’île de Rotouma, par cent-soixante-quinze degrés de longitude ouest. Pour les batraciens, on n’en connoît aucun de propre aux îles du &rand- Océan, phénomène intéressant, et qui semble con- corder avec l'opinion ingénieuse d’un de nos savants distingués, le colonel Bory de Saint-Vincent ; savoir, que les batraciens n’ont, jusqu’à ce jour, été ren- contrés sur aucune île volcanique , à moins que les espèces n’y aient été portées par les Européens, comme on l’a fait à l’île Maurice. Les oiseaux de l'Océanie, comparés à ceux de la Polynésie, n’offrent point d’analogie dans les espè- ces. Chaque système de terre a ainsi des individus de genres qu’on rencontre dans un grand nombre de localités ; mais un fait qui n’est point inutile pour l’histoire de l’homme, c’est que sur toutes les terres hautes existe la poule domestique, bien que, dans certaines îles, elle ne serve point à la nourriture. Java, Sumatra. possèdent un grand nombre d’oi- seaux d’une rare beauté ; quoique rien n’égale, sous ce rapport, le groupe d’iles nommées Terre des Papous, la patrie des somptueux oiseaux de para- dis et des grands promérops. Il est à remarquer (2?) que déjà quelques espèces de ces oiseaux à plumage si splendide traversent le détroit de Torrès, et ha- bitent la portion chaude de la Nouvelle-Hollande ; tels sont l'epimachus regius et le sericulus regens, entre autres. Les Moluques sontessentiellement peu- plées par les calaos ; et le genre nouveau des méga- podes remplace, aux Philippines, aux Mariannes, à Guebé comme à la Terre des Papous, les tinamous d'Amérique, près desquels doit venir se placer le beau ménure de la Nouvelle-Galles. Mais c’est sur- tout la grande famille des psittacidées, qui compte sur les îles de la Polynésie de nombreuses tribus, communes sur presque toutes , et dont le plus grand (‘) Ce dernier fait ne se rapporte qu'à des observa- tions recueillies pendant notre court séjour dans cette contrée. (2) Le genre eurylaime est tout-à fait polynésien : plusieurs espèces de Sumatra ont été décrites récem- ment, et nous y ajouterons l'espéce de Blainville, de - la Nouvelle-Guinée. I1 en est de même du genre nou- veau de M. Horsfield , nommé pomatorhinus. nombre des espèces a recu le nom de loris, de ja teinte de leur plumage, La Nouvelle-Bretagne, là Nouvelle-frlande, de même sans doute que les iles Bouka et Bougainville, partagent une portion des espèces de ce riche groupe, qui surtout est très ré- pandu à la Nouvelle-Hollande. L’aualogie des espè- ces de perroquets est tellement grande entre la Polynésie et l'Australie que nous ne pouvons nous refuser à en citer quelques exemples. Ainsi l’ara à trompe (Psittacus Goliuth, KunL) est remplacé par les kakatoès noirs ( Psittacus Bunksitet funereus, SHAw ), tandis que le kakatoëès blanc à huppe jaune est aussi abondant aux Moluques que dans les envi- rons de Port-Jackson. Les perroquets et les perru- ches , qu’on sait ne point s’avancer à l’extrémité sud de l’Afrique, et qui n’ont qu'une ou deux espèces égarées dans les pampas de la Patagonie, sont bien autrement mullipliés sur les terres australes. Leurs espèces belles et nombreuses peuplent Ja Nou- velle-Galles et la terre de Diémen. Ce dernier point du globe à même offert un ordre qui lui est particu- lier, celui des perruches-ingambes. La Nouvelle- Zélande a ses perroquets propres, dont le nestor est sans contredit le plus remarquable. Mais il n’y a pas jusqu'aux îles Macquarie et Campbell, par cinquante-deux degrés de latitude sud , qui n’aient également leurs espèces ; et certainement on eût été bien éloigné, il y a peu d’années, d'admettre que ces oiseaux eussent leurs représentants dans de si hautes latitudes. Malgré l’étrangeté de forme que le sol sec de la Nouvelle-Hollande a imprimée à tous les êtres, et plus particulièrement aux oiseaux que les naturalistes européens eurent à étudier de 1788 jusqu’à nos jours, on trouve cependant tous les types des espèces qui y sont les plus abondantes dans les archipels d'Asie. Tels sont surtout le cygne noir, lémiou( asuarius), qui diffère peu du casoar à cas- que des Moluques, le philédon moine, et la perru- che des montagnes Bleues, dont toutes les nuances semblent appartenir à la perruche ornée, etc., ete. D'un autre côté, il est vrai, rien ne nous rappelle ailleurs et le s-ytrops et le céréopsis. La plupart des oiseaux voisins des merles ont, sur ce continent, offert la singulière organisation de présenter l’ex- trémité de la langue hérissée de longues papilles roi- des , pénicillées, destinées à sucer les sucs miellés qui exsudent des fleurs d’un très grand nombre d'arbres aromatiques dont tous les fruitssontligneux. Presque tous sont remarquables par quelques autres singularités ; M. Cuvier lesa réunis pour eu former le genre philédon. Mais le beau merle à cravate frisée (1) habite seulement la Nouvelle-Zélande, et c’est à tort qu’on l’a indiqué comme propre à la Nou- velle-Hollande. Ces deux grandes îles; si opposées CN : ". (1) Poé de Cook, philedon circinnatus des auteurs. Le 12 à l'Australie par l'aspect et la végétation, ont éga- lement le casoar, s’il faut en croire les naturels ; mars tous les autres oiseaux terrestres diffèrent absolument. Les iles de Norfolk et de la Nouvelle-Calédonie ont aussi des espèces particulières, et surtout des cassicans. Les iles Sandwici: offrent quelques per- ruches-du genre psittacule et des héorotaires ; ce dernier genre se retrouve au Tonga et à Taïli, et dans plusieurs autres îles de l'Océanie. L’archipel de la Sociétéa la st rna alba . de Sparrman, deux belles perruches , l'évini (psittacus t tlensis), et le phigy, ainsi que le coucou tailien de Sparrman. Enfin, les Carolines hautes, et notammeut l'ile d’Oualan, ont plusieurs oiseaux des Mariannes et des Philippines, qui paroissent ne point avoir été au-delà du cent soixantième méridien. Ce sont un soui-manga rouge et brun, le pigeon océanique, et le merle des colombiers, si commun à Manille et à Guam. L'ornithologie ne peut donc être, pour les îles vraiment océaniennes, que d’un faible secours dans nos recherches ; car il seroit assez inutile de s’occuper des oiseaux organisés pour vivre à une certaine distance des côtes, ou même des échassiers qui fréquentent les grèves. Tant de causes peuvent les transporter d’un lieu dans un autre qu’il suffit qu'ils y trouvent leur subsistance pour s’y multi- plier. Nous dirons toutefois que le pluvier doré, le chevalier, les hérons blanc et ardoisé, se repré- sentent à peu près suntous les rivages de ces îles. Il seroit très difficile de pouvoir grouper les faits généraux de l’histoire des poissons, parce que trop de chainons manquent. Cependant l’ensemble de l’ichtyologie du Grand-Océan, des mers d’Asieet des Indes, se compose presque entièrement d’es- pèces analogues. C’est ainsi que nous avons re- trouvé à l’île de Franceun grand nombre de poissons de Taïti, et que nous avons pu très souvent les suivre d’archipel en archipel. On doit donc conclure que les espèces sont identiques, depuis les Mar- quises jusqu'à Madagascar, dans les mers situées dans la zone équatoriale, et qu’il en est de même pour les parallèles placés hors du tropique du ca- pricorne. La plupart des poissons de la Nouvelle- Zélande, en eflet, sont les mêmes que ceux des - côtes de la terre de Diémen ou de la Nouvelle- Galles du Sud; et l’on sait, par exemple, que la Chimère antarclique se retrouve à l'extrémité des trois grands caps avancés du globe, ceux de Horn, de Diémen et de Bonne-Espérance , et semble être fixée dans les mers qui sont renfermées dans l’in- tervalle du soixantième au trente-cinquième degré de latitude sud. Entre les tropiques, les récifs de coraux, qui, par les riches couleurs des polypes qui les habitent, ou les innombrables zo0phytes qui y pullulent, forment comme des parters S sous …, F, HISTOIRE NATURELLE marins enchanteurs, sont habités par des poissons revêtus des plus brillantes parures, et dont l'éclat est vraiment fantastique : ce sont surtout des gi- relles nombreuses, des chelmons, des ballistes, des serrans, des pomacentres, etc. ; tandis que, sur ces mêmes récifs, que recouvre à marée basse très peu d’eau, negent en rampant les nombreuses tribus des murénophis et des ophisures. Mais plus on s’engage dans les canaux étroits et sans cesse ré- chauffés par le soleil équatorial, qui séparent en tout sens les iles innombrables de la Polynésie, plus le nombre des poissons augmente ; et là seule- ment on «serve certains genres ou certaines espè- ces qui n'existent sur aucun autre point. Le squale à ailerons noirs ne vit que dans les Moluques et sur les côtes de la Nouvelle-Guinée : il en est de même de quelques aleutères, du diacope macolor, de quelques acanthures, de la lophie histrion, etc., etc. Dans toutes nos relâches, depuis Oualan et le Port- Praslin jusqu’à Java, nous observämes le nason licorue!, des scombres, des priacanthes identi- ques, elc. La partie intertropicale de l'Océanie est très pauvre en testacés. Plus on se rapproche des iles de la Polynésie, plus le nombre des espèces s'ac- croit d’une manière rapide. On doit donc supposer que les plages de sables uniformes de cesiles de l’Asie orientale, et leurs eaux peu profondes, et par conséquent plus faciles à échaufler, renferment toutes les conditions favorables pour la multiplica- tion facile des belles espèces qu’on y trouve. À Taïñi, comme à Borabora, on n'’observe guère qu’une sorte d’arche, la vis-tigre, la cérithe blan- che, l’ovule, les porcelaines, la mitre-épiscopale, le cadran - escalier, etc.; et ces mollusques, ainsi que l’aronde aux perles, la tridacne-bénitier, le murex-chicorée, le ptérocère, la harpe, des rou- leaux, etc., etc., se retrouvent, sans exception, sur toutes les îles océaniennes et polynésiennes, jusqu’à l’île Maurice inclusivement, et sont égale- ment observés sur les iles africaines de la mer des Indes. Mais aux Moluques particulièrement, dont les baies sont paisibles et abritées, où la mer ne brise point avec fureur, où de longues plagès Sa- blonneuses déclives permettent à des testacés fragi- les de vivre sans compromettre leur existence, naissent et se développent de précieuses coquilles , telles que la carinaire vitrée, ces nautiles papyra- cés, ce scalata si recherché, etc., etc. Sur toutes les grèves nous trouvâämes en abondance et la volute éthiopienne et l’argonaute flambé rejeté par les vagues; ce qui autorise à penser que ce céphalo- pode, extrêmement commun, ne vit qu'à une cer- taine profondeur. Les nautiles, qu’on retrouve \l . » je dans plusieurs mers, et notamment dans la Médi- .(erranée, et qui s’y sont propagés sans doute à DE L'HOMME. 13 l’époque où cette mer coinmuniquoit avec la mer Rouge et la mer des Indes, alors que n’existoit point l’isthme de Suez, ont une espèce qui les re- présente, même dans le sud de la Nouvelle - Hol- lande; car c’est dans le détroit de Bass qu’on ob- serve communément le beau nautile dit à grains de riz, dont la patrie a long-temps été ignorée. En dé- passant le tropique du capricorne, les mollusques ne sont plus les mêmes : leurs espèces sont pro- pres à tel ou tel point, d’où elles ne s’écartent guère ; et c’est ainsi que l'extrémité australe de PAmérique à des espèces très remarquables qu’on ne retrouve point ailleurs, telles que les moules, des monocéros, le concholépas entre autres, et que la Nouvelle-Zélande, comme la terre de Diémen et la Nouvelle Hollande, ont des genres qui leur sont propres et remarquables par leur rareté plus ou moins grande dans nos collections. C’est alors que seroit rigoureusement applicable cet aphorisme trop vague de Péron (1) : « Qu'il n’est pas une » seule espèce d'animaux marins bien connue qui, » véritable cosmopolite, soit indistinctement propre » à toutes les parties du globe ; et que les animaux » originaires des pays froids ne sauroient s’avancer » impunément jusqu’au milieu des zones brûlantes. » D’après l'indication sommaire que nous avons présentée de toutes ces îles , on a dû préjuger que les crustacés étoient, à peu d’exceptions près, iden- tiques. Ce n’est guère que sur les côtes de la Nou- velle-Guinéeet au milieu des Moluques que vivent ces singuliers phyllosomes au corps aplati et na- cré, et les smerdis et les aluna, qui rendent parfois la mer étincelante par les feux qu’ils émettent sans interruption. Il en est de même des insectes : ils sont très rares sur toutes les îles de la mer du Sud, et se bornent communément à quelques diptères , à quelques papillons qui sont indiens, et qu’on rencontre aux Moluques. C’est ce qui a fait dire au plus profond entomologiste de notre époque, à M. Latreille ( Géographie des Insectes, in-+, pag. 181 ) : « Plusieurs des îles de la Nouvelle-Zé- - » lande, de la Nouvelle-Calédonie et des mers cir- » convoisines , sont américaines par leur position » géographique, et peuvent être asiatiques quant » aux productions animales et végétales de leur » sol. » Nous ajouterons, comme fait particulier , que partout, sur les eaux du vaste océan Pacifique, en dedans comme en dehors des tropiques, nous avons observé le veliu oceanica, insecte de la tribu des plotères , mentionné par Eschscholtz près de Pile de Pâques, et qui couvre la mer, par les temps de calme, loin des terres, comme proche de Taiti, () Notice sur l'habitation des animaux marins , chap. xxxix, L. IV, pag. 273 du Voyage aux terres australes, seconde édition. de la Nouvelle-Irlande, ou de tout autre point. Nous avons esquissé à grands traits le sol des contrées dont nous devons maintenant essayer de peindre les habitants : ce sera l’objet de ce livre. L'homme et les variétés qui en composent les races diverses sont sans doute le sujet le plus vaste et le plus intéressant dont puissent traiter les sciences naturelles, la philosophie et la morale (1). Cette étude à de tout temps occupé quelquesesprits supérieurs , qui cherchèrent à mettre à la portée de leurs contemporains cette pensée sublime de Solon , inscrite sur le temple d'Ephèse : Nusce te ipsum. Mais, à cet égard, les modernes (?)ont bien surpassé les anciens, réduits à des relations exté- rieures bornées, et chez lesquels le peu de progrès des sciences naturelles ne permettoit d’envisager une telle question qu’obscurcie par de vains so- phismes. Nous nous abstiendrons ici de toute ex- cursion extérieure , et nous ne chercherons qu'à ajouter quelques faits susceptibles d’éclaireir l’ais- toire des peuples que nous avons visités ; car cha- que jour leur physionomie originelle disparoît par des relations journalières avec d’autres nations. Le croisement des races, de nouveaux usages, de nou- velles habitudes, ne peuvent manquer d’apporter dans un laps de temps peu considérable des chan- gements qui déjà effacent chaque jour ce qui suh- sistoit de leurs anciennes traditions. Au premier coup d’æil on pourroit croire qu’il n’est point dif- ficile de tracer le tableau physique et moral de ces peuples, puisque les voyageurs ont recueilli sur la plupart de nombreux documents publiés dans tou- tes les langues. Depuis Bougainville, Biron, Wal- lis Carteret et Cook, en effet, peu d'années se sont écoulées sans que des expéditions aient visité ces insulaires : desétablissements permanents d'Eu- ropéens ont été fondés au milieu d’eux ; et cepen- {) « La science la plus intéressante et la plus impor- » tante pour l'homme est celle de l'homme même.» (Marsden , Hist. of Sumatra.) &) Pour l'homme , considéré en général comme pre- mier être zoologique, consultez Linnæus ( Systema nature, ed. 13, eur. Gmelin); Blamenbach ( De Gçene- ris humani varietate nativa, Gættingen, 1795, troi- siéme édition, in 80): Bulfon ( Hist. de l'homme); G. Cuvier { Tabl. élém. d'hist. nat., et Règne animal) ; Lacépède ( Diction. des scienc. nat.): Virey (Dict. des sciences médic., et Histoire naturelle du genre hu- main, 3 vol.in 8,182% , seconde éditiou }; Desmou- lins (Journal de physiologie, 1825), et le coloncl Bory de Saint-Vincent Dict. class d'hist. nat ,L \HI). Parmi les travaux remarquables sur l'angle facial elles diverses modifications qu'éprouve, suivant les races, la capacité du crâne, voyez Wolterus Henriçus Cruil (Dis- sertatio anthropologico-medica inauguralis de cranio, ejusque ad faciem ratione, elc., thèse in-8°, 14 juin 1810 , Groningæ }). 4 14 HISTOIRE NATURELLE dant nous ne possédons encore que des esquisses fort imparfaites sur cette matière. Une telle ques- tion mérite bien aujourd’hui d’être éclaircie; et peut-être le gouvernement qui ordonneroit une expédition dans ce seul but serviroit-il plus eflica- cement les sciences qu’on ne le pense communé- ment (!). N’est-il pasétonnant d’ailleurs que la ques- tion (2) sur les Océaniens, mise au concours par la Société de géographie, soit restée plusieurs années de suite sans réponse , et qu’on n’ait point encore cherché à la résoudre ? Mais voilà , à notre avis, où git la difficulté. Comment faire concorder les observations de tous genres consignées dans des relations écrites par leurs auteurs avec un mérite très variable , des principes diflérents , et souvent sous l'influence de sensations opposées ? Le savant qui voudra coordonner dans son cabinet ce qu'ont dit les voyageurs sur les races des insulaires de l'océan Pacifique, sur leurs migrations ; qui es- saiera de suivre la filiation de leurs idées , de leurs arts, ou les types de leur organisation , ne doit-il pas reculer devant la divergence des opinions et rester indécis au milieu des erreurs ou des incer- titudes dont rien ne peut le dégager ? Aussi cet écueil est tel que la plupart des écrits relatifs à l'homme , et il en est où se montre la plus vaste érudition , sont pleins de rapprochements erronés qu’il étoit impossible d'éviter. Malgré les connois- sances dont nous sommes redevables à Forster, à de Chamisso, à sir Raflles, et au docteur Leyden ; malgré des descriptions complètes et détaillées de plusieurs iles où séjournèrent long-temps des Eu- ropéens , tant de chaîuons manquent et interrom- pent le récit des faits qui doivent lier par une con- tinuité de rapports les peuplades les unes aux au- tres, que nous ne pouvons généraliser encore que les traits les plus saillants de leur histoire. Ce n’est donc, dans l’état actuel des choses, qu’une esquisse très imparfaite qu’il nous est possible de (:) On sait que la pensée dominante de Péron, de celte âme de feu sitôt enlevée aux sciences, étoit d'é- crire une histoire de l'homme, pour laquelle il avoit déjà rassemblé des notes qui ont élé égarées après sa mort. {2) Elle est ainsi conçue : « Rechercher l’origine des divers peuples répandus dans l'Océanie ou les îles du Grand-Océan situées au sud-est du continent d'Asie , en examinant les différences et lesressemblances qui exis- tententre eux et avec les autres peuples sous le rapport de la configuration et de la constitution physique, des mœurs, des usages, des institutions civiles et religieu- ses, des traditions et des monuments; en comparant les éléments des langues relativement à l'analogie des mots et aux formes grammalicales, et en prenant en considération les moyens de communication d'après les positions géographiques, les vents régnants, les courants, et l’état de la navigation. » présenter : le seul mérite qu’elle pourra avoir sera d’être basée en grande partie sur des observations faites pendant notre campagne , ou parfois em- pruntées à quelques voyageurs dont le talent d’ob- servation est généralement reconnu. Rs. Les sources où l'on peut puiser pour étudier l’organisation et les mœurs des peuples de l’Océa- nie, de la Polynésie et de l’Australie, ne sont point nombreuses. Forster (!), le premier , traça d’une main habile le vaste cadre des productions des terres du Grand-Océan, et des insulaires qui y vi- vent. Combien l’on doit regretter que le cours de l'expédition ne l'ait pas mis à même de voir un plus grand nombre de points, et de suivre le fil des idées qu’il avoit émises avec tant de succès sur les lieux qu’il visita ! Forster ne distingue que deux variétés dans l'espèce humaine de l’océan Pacifique, l’une blanche et l’autre noire; mais il établit à cha- que ligne cette pensée fondamentale, que l’homme ne constitue qu’une espèce unique, dont les variétés se sont propagées à la longue, ou se sont transmises intactes , ou ont été modifiées par l'influence des croisements ou par une foule de causes locales: On ne devroit en effet adopter les distinctions de races ou d’espèces que comme des moyens artificiels des- tinés à préciser nos idées dans l'étude de l’homme, et à lä rendre plus facile. M. de Chamisso (?) plus récemment écrivit sur le même sujet, et, s’en- tourant de toutes les ressources d’une érudition ri- che et féconde , il emprunta aux langues parlées par les divers peuples ses principales lumières pour remonter à leur origine (#). Enfin, si la race malaise, circonscrite dans des bornes plus étroites, a été mieux connue, on le doit aux travaux de sir Raffles (*), de Marsden (°), de Crawfurd , et de Leyden (f), qui séjournèrent au milieu d'elle , et qui en firent l’objet de recherches approfondies. Le long séjour de M. Mariner (°) aux iles de Tonga () Cook, Deuxième Voyage, t. V et VI, édit. in-8» , Paris, 1778, ou !. V,in-4o, sous Île litre d’'Observa- tions faites pendant le Second Voyage de Cook dans l'hémisphère austral et autour du monde, elc. (2) À Voyage of discovery into the South-sea, and Beering's straits, elc. By Otto von Kotzebue, L.If, pag. 353. (3) M. Balbi, dans un ouvrage important intitulé Atlas ethnographique du globe, récemment publié, vient de classer les langues de tous les peuples de la terre, qu’il réunit ainsi par l’analogie des idiomes et des racines, des coutumes et des usages. (4 History of Java, 2 vol. in-40. (5) Voyage à l'île de Sumatra, traduit par Parraud, 2 vol.in-8o, Paris, 1794. (6) Notice sur Bornéo (Transact. bataves, t. VIT), et dans divers Mémoires sur les peuples de l'Inde, insé- rés dans les recueils de la Société asiaslique de Calcutta. () Histoire des naturels des îles Tonga ou des DE L'HOMME, a d’un autre côté fait connoître ces naturels de ma- nière à ne rien laisser à désirer , et les documents que nous fournit une habitation plus ou moins lon- ue au milieu des Océaniens s’accroissent journel- Pa des travaux de quelques missionnaires an- glois plus instruits que leurs collègues; et, sous ce rapport, la grammaire zélandoise de M. Kendall (1) rend les plus grands services au philologue, en même temps qu’elle éclaircit plusieurs des habitu- des et des usages de ce peuple singulier. Sans donner une grande importance au tableau suivant, nous grouperons les divers Océaniens à aide de distinctions spéciliques dont les noms, communément adoptés , n'ont d’ailleurs à nos yeux aucune valeur absolue qui puisse répugner à l’in- > ligence, Hab. les archipels nom- breux des [ndes-orien- tales ou de la Polynésie. 1er rameau.MALAIS, | Hab. les iles innombra- {errace, HIN- DOUÉCAU - CASIQUE, À 2e ram. OCÉANIEN , bles et éparses comme au hasard au milieu de lPimmense surface du Grand-Océan. Hab. la longue suite des ‘Eu ram. . MONGOL- | archipelsdes Carolines, 2erace, MON- PÉLAGIEN OU CA- depuis les Philippines GOLIQUE. ( ROLIN, jusqu'aux îles Mulgra- ves. / re var,, papoue, Hab. le littoral de la Nouvelle-Guinée etdes iles des Papous. 2e var., tasmanienne, Hab. la terre debiémen. Î1re yar., endamène, Habitant l’intérieur des grandes îles de la Po- lynésie et de la Nou- velle-Guinée. 2e var., australienne, Hab. le continent entie: de la Nouv.-Hollande 4e rameaut. CAFRO- MADÉCASSE, 3er, NOIRE ÿe rameau. ALFOU- ROUS, I, DES MALAIS. La conformation physique et l’habitude générale de ces peuples a porté quelques auteurs à les distin- guer, parmi les variétés de l’espèce humaine, sous le nom de race malaise. Ils nous paroissent être un simple rameau détaché de la grande famille hin- doue caucasique, mélangé au sang mongol et fixé sur les îles polynésiennes depuis leur éloignement du continent d'Asie ; car l’opinion des orientalistes les plus éclairés leur donne pour patrie primitive la Tartarie ou le royaume d’A va. Disséminés en un grand nombre de petits Etats, les Malais (2?) qui Amis , rédigée par John Martin, traduct. franc. , 2 vol. in-8e, Paris, 1817. . () À Grammar and Vocabulary of the language of New-Zealand, published by the Church-Missionary Society, in-12 , London, 4820. (°) Consultez l'excellent tableau intitulé: Mœurs et à 15 peuplèrent les grandes îles conservèrent sur les unes les traditions de leurs ancêtres, ailleurs les modifièrent ou les dénaturèrent, se créèrent de nouvelles idées , et pratiquèrent des coutumes différentes. Tous cependant, quelle que soit la dis- persion de leurs tribus, conservent une forme ty- pique caractérisée et dans l’ensemble de leur orga- nisation et dans leurs mœurs. Mais ces peuples, qu’on a dit si faussement être répandus sur toutes les îles du Grand-Océan, ne dépassèrent jamais les îles Tidoriennes, les plus orientales des Moluques ; et quelques traces de leur fusion dans le Grand- Océan se font remarquer seulement à la Nouvelle- Guinée , où le commerce les a attirés dans ces der- niers temps, et aux Philippines, où ils ont fondé une petite colonie à Marigondo, sur les bords de la grande baie de Manille (Chamisso). Le rameau ma- lais est bien loin d’être à nos yeux, comme le veut l'opinion reçue. la souche des Taïtiens, des Sand- wichiens , des Mendocins, et des Nouveaux-Zélan- dois ; et on ne reconnoit dans ces peuples ni Ja même conformation physique, nulle analogie dans la langue, nulle ressemblance dans la tradition, les arts et les usages. Le seul point de rapproche- ment seroit une sorte d’identité de croyance reli- gieuse ; mais chez ces rameaux distincts et d’une même origine ce fait n’a rien de remarquable : il indique que tous les deux ont conservé les tradi- tions indiennes. Les Malais, dont l'existence politique est mo- derne dans l’histoire de l'Asie, et dont les légendes de Malacca et quelques écrits anciens nous mettent à même de suivre les traces obscures et quelques unes des migrations, ne sont bien connus que de- puis le douzième siècle, où queïques unes de leurs tribus émigrèrent de Menang-Kabou, la capitale des Etats malais à Sumatra, étendirent leurs con- quêtes, fondèrent Singhapora , leur premier éta- blissement sur la terre ferme, et placèrent le siége de leur principale autorité à Johor, sur la presqu’ile de Malacca. Ces peuples, avides de gain et de guerre, s’'adonnèrent particulièrement au commerce; et par leurs communications avec les Maures de la mer Rouge ils recurent avec lenteur et successive- ment quelques coutumes arabes, et surtout l’isla- misme (1). Chez eux la navigation se perfectionna, les richesses s’accumulèrent , et des envabissements successifs vinrent chasser les habitants de la plu- usayes des habitants de Timor, par Péron et de Frey- cinet,t. IV, pag. 4 du Voyage de découvertes aux terres australes, seconde édition. (‘) Marco-Polo (édit. in-#°, page 1492) dit de Ferlec et du petit Java : « Sous Magat cette ile fut habitée par » des marchands sarrasins qui jouissent des prérogati- » ves de citoyens, et qui les ont convertis à la foi mu- » sulmane, Ils vivent seulement dans la ville.» 16 HISTOIRE NATURELLE part des iles orientales ; car telle est la manière dont les Malais s’emparèrent du littoral de la plu- part de ces terres, en reléguant dans l'intérieur les anciens propriétaires ou en les exterminant. Cet état de cioses est démontré d’une manière évidente par ce qu’on sait de l'élévation de plusieurs Etats malais de Bornéo, de Célèbes, et de Timor ; et les histo- riens des îles de l’est sont remplis de documents qui prouvent la continuelle fusion des Malais sur les îles de la Polynésie. Mais sur toutes celles dont les Européens n’ont pas fait la conquête, les mon- tagnes de l’intérieur sont peuplées par des tribus tantôt noires, tantôt jaunâtres, qui, confondues sous les noms d’Alfours. Alfo:ézes, Alfourous , ont été l’objet des opinions les plus contradictoires et les plus absurdes. C’est ainsi que dans les Moluques les Hollandois qui y sont établis n’en ont point une idée distincte, et qu'ils en font la peinture la plus hideuse en nommant sans distinction Papouas les habitants de l’est, Battas ceux de l’ouest, et iduans ceux de Bornéo, quoiqu’ils appartiennent d’ailleurs évidemment à des races différentes. Or ces peuples, ainsi refoulés, sans cesse expulsés par des hommes qui tenoient de l’Inde la coutume de faire des es- claves et de les vendre, sont restés stationnaires dans leurs idées. Ils ont fui les nouveau- venus, qui, les chassant de leur territoire, les opprimoient ; et, séparés d'eux par des remparts naturels et puis- sants, leur existence est restée inconnue des Euro- péens : ou ce qu’on en sait est si imparfait , tant de fables obscurcissent les rapports qu’on a obtenus de quelques Malais qui trafiquent avec eux, qu'on ne peut faire aucun rapprochement positif, soit d’après leurs habitudes ou leurs mœurs, soit d’après leur organisation. Le rameau malais, depuis long-temps mélangé au sang arabe, a toujours conservé un type caractéris- tique, quoiqu'il présente quelques variétés assez distinctes. Une des plus remarquables est sans con- tredit ceile des Jurans. Assemblés naguère en corps de nation, les habitants de Java formèrent des Etats populeux, et conser vèrent pendant long-temps les traditions de l’Inde : ce qui nous est prouvé par les ruines d’un grand nombre de monuments im- posants qui subsistent encore sur cette grande et belle île, par le faste des cours des sultans et des sousounangs, par les objets de leur culte et leurs divers emblèmes. Toutes les îles ervironnantes d’ailleurs, avant l’arrivée des Portugais dans l’Inde, qui date de 1497, malgré les habitudes locales, avoient les mêmes formes de gouvernement , sui- voient les mêmes coutumes, se servoient des mêmes litres : tels étoient surtout les Etats de Cé- lèbes, de Tidor, de Ternate, de Soulou, de Bor- (:) Les Malais de Banjer-Massin, royaume de Bornéo, néo (1), de Sumatra, etc. Java seule paroissoit en entier soumise à la même race humaine : aussi doit-on, à bien dire, la considérer comme colonisée par l'Inde bien avant les autres terres. Mais il n’en est pas de même des îles que nous venons de nom- mer ; et voilà ce qui explique comment le rameau malais se trouve réduit à n’y occuper que le littoral, tandis que l’intérieur est peuplé par les plus anciens propriétaires, avec lesquels ils ne se sont presque jamais mêlés. Cette explication de la manière dont les Malais se sont emparés du sol qui leur parois- soit avantageux est tellement satisfaisante qu’an ne voit jamais en effet qu’ils aient assis leurs campongs ou villes ailleurs que sur les bords des grandes baies, ou sur les rives des fleuves navigables. C’est princi- palement à Céram, à Bourou, qu’on peut observer Pi- solement dans lequel vivent réciproquement les Ma- lais et les naturels de l’intérieur ou les Alfourous. Ceux-ci conservent intacts et purs la langue et les usages qui leur furent transmis par leurs pères. Leur existence se borne au cercle étroit d’un petit nombre d’idées qui leur suffisent : etleurs mœurs se ressentent naturellement de cet isolement, et con- servent cette férocité de l’homme grossier primitif. Dans les iles soumises aux Européens on con- çcoit que les Malais ont subi des modifications, et qu'ils ont pris par leurs rapports continuels avec divers peuples, et surtout avec les émigrations chi- noises, des habitudes qui ne leur étoient point natu- relles. Elles sont en petit nombre toutefois, mais le type malais dans toute sa pureté se retrouve dans les iles où il a conservé son indépendance, telles que Guebé, Oby, Gilolo ou Halamahira, Flores, Lombok, Bali, etc. Cependant, quoique le Javanois soit la branche la plus distincte du Malais, on ne peut se dispenser de reconnoîitre quelques nuances entre l’Amboinois naturel, le Timorien, le Macas- sar et le Rudgis ; mais toujours est-il vrai de dire que ces caractères sont peu saillants, et ne déran- gent aucun trait de l’ensemble typique. Les Malais, dans tous leurs gouvernements, ont consacré la forme despotique des Indiens. La per- sonne de leurs sullans ou de leurs rajahs est sacrée, et la vénération la plus profonde ou une hu- milité servile leur prodigue des hommages qui tien- nent aux coutumes d'Orient. La perfidie la plus noire, la duplicité, une soif ardente de vengeance qui naît avec d’autant plus de violence sous des lois oppressives qu’elle est plus concentrée, carac- suivant sir Raffles, possédoient des attributs indiens, Lels que les figures d'Ishwara, des empreintes de lawa- che et de l'éléphant, qui attestent leur ligne primor- diale. Hs font descendre leurs ancêtres de Johor même, sur la presqu'île de Malacca, suivant le docte Leyden { Trans. bat., t. VIL), qui ajoute que Ie javanois pur a les plus grands rapports avec le sanskrit, DE L'HOMME. 17 térisent ces peuples : la mauvaise foi malaise est aussi célèbre que le fut jadis celle des Carthaginois, et nos relations sont remplies d’actes d’assassinats et de trahisons des Malais, qui ont toujours exercé la piraterie avec un goût décidé. Fanatisés par la religion mahométane, dont ils reçurent les dogmes tout en conservant un très grand nombre de céré- monies hindoues, ces peuples ont surtout adopté la polygamie et les préceptes. les plus vulgaires du Coran, sans être cependant très rigoristes sur leur exacte observance. En suivant les diverses familles éparses de ce rameau, les usages ne présentent en effet que très peu de différences ; et si nous exami- nons leur manière de s’habiller, nous verrons par- tout les chefs richement vêtus à l’orientale , tandis que les gens du peuple ne voilent une complète nu- dité que par quelque légère portion d’étoffe. Le turban, le sarong, ou un large pagne, composent en grande partie tout l’habillement d’un orang caya ou d’un homme de la classe fortunée. Les Malais sont adonnés à la sensualité, et leur jalousie est extrême. Ils ont le cœur avili et cor- rompu, et les débauches auxquelles ils se livrent sont inouïes, au dire de tous ceux qui ont été à même d’en dévoiler les turpitudes ; et, sous ce rap- port, les Chinois et les Japonois sont leurs seuls rivaux. C’est chez eux que les analeptiques de toutes les sortes jouissent d’une vogue générale, et que se consomment surtout l’opium, les trépangs , et les nids d’oiseaux. Un usage qui paroît leur être propre est celui de mâcher le bétel. Ce sialagogue bien connu, et qu’il seroit inutile de décrire, leur procure des sensations agréables ; et ce mélange est un besoin très vif pour les deux sexes, qui l’ont constamment à la bouche. On retrouve cependant l'habitude de se servir de cet excitant des membra- nes huccales chez les peuples de race noire de la Nouvelle-Guinée et de la Nouvelle-Irlande; mais nul doute qu’elle ne provienne de communications entre les peuplades les plus voisines et de proche en proche. En remontant à la source de cette cou- tume, on la voit naître dans l’Inde et se propager en Cochinchine. Le Camoëns , dans une note de la Lusiade, a décrit le cérémonial suivi à la cour du zamorin de Calicut lorsqu'il présenta du bétel à Gama; cérémonial qui s’observe encore présente- ment dans toutes les réceptions d’apparat des sul- tans et des rajahs. Le bétel étoit autrefois, comme de nos jours, l'interprète des sentiments d’amour ; et c’est par l'offre du siri qu’une femme malaise dé- cèle ses secrètes pensées à celui qui en est l’objet. L'usage du bétel au reste n’a pu naître que sous l'équateur et sur les îles d'Asie , là où croissent en abondance et le pinang (areca) et le poivre, qui, unis à la chaux et souvent au cachou, en fournis- sent les principaux ingrédients, 1. En dernière analyse il est bien reconnu aujour- d’hui par tous ceux qui ont le plus étudié l’histoire des Malais que le rameau qu’ils forment tirent son origine de la race répandue dans l'Inde, et qu’il est limité entre les quatre-vingt-douzième et cent trente-deuxième méridiens; que le point le plus éloigné où ils se soient avancés à l’ouest sont les côtes de Madagascar, où ils se mélangèrent aux Maures qui y abordoient par le nord en refoulant au sud les Nègres Vinzimbers, maintenant dissémi- néset probablement les premiers habitants de cette île immense; qu'ainsi ils formèrent les populations riveraines de toutes les îles des archipels de la Poly- nésie, telles que celles de la Sonde et des Moluques ; qu’ils se propagèrent sur une ou plusieurs des Phi- lippines; et qu’enfin quelques essaims aventurés s’avancèrent jusque sur les iles des Papous et au nord de la Nouvelle-Guinée, où ils fondèrent quel- ques villages, et s’y arrogèrent l'autorité. On trouve en effet des Malais à Waigiou , aux îles d’Arou, et dans le détroit de Dampier ; mais ils ne dépassèrent point le cent trente-deuxième méridien, ou, sils le firent, ce ne fut qu’accidentellement et sans projets. ; La conformation physique du rameau malais est aussi caractérisée que l’ensemble de leurs coutumes, de leurs mœurs et de leurs institutions. En général, les hommes de cette race sont remarquables par la médiocrité de leur taille et par la couleur jaune cuivré, mélangé d’une partie d’orangé, de leur peau (*). Les femmes surtout ont des proportions peu développées ; et dans plusieurs de nos relàches, soit à Amboïine, Bourou , Java, Madura et autres lieux, nous ne vimes que peu d’exceptions à ce fait. La taille commune des hommes est au plus de cinq pieds quatre ou cinq pouces ; mais il n’est pas rare d'en rencontrer qui aient davantage, et dont les proportions soient robustes. Les Malais sont en gé- néral bien faits , et leur système musculaire est des- siné avec vigueur. Les femmes ont des formes arron- dies et courtes, des mamelles volumineuses , une chevelure rude et très noire, une bouche très ou- verte, des dents qui seroient très belles si elles n'étoient pas noircies et corrodées par le bétel. Le caractère des deux sexes est inflammable, irascible, porté à la vengeance et à l’artifice, bas et rampant sous le joug du plus fort, barbare et sans pitié pour leurs ennemis ou leurs esclaves. Nous ne nous occuperons pas de la langue ma- laise, et des divers rapprochements qu’il seroit pos- sible d’y trouver. L'ouvrage de M. Marsden ne () M. Bory de Saint-Vincent dit que les membranes muqueuses des Malais ont une couleur fortement vio- lette. Ce fait intéressant, que nous avons négligé de vérifier, mérite bien de fixer l'attention des voyageurs futurs, o 18 HISTOIRE NATURELLE laisse rien à désirer, et prouve que, malgré ses divers | conservé avec une religieuse fidélité la physionomie idiomes, elle est parlée partout avec de très légères modifications locales. Douce, harmonieuse, et simple dans ses règles, la langue malaise est pleine de tournures orientales, et emploie souvent le style figuré. En recevant la religion des Arabes et leurs sciences, les Malais adoptèrent les caractères de leur alphabet et l’usage d'écrire de droite à gauche ; tandis que les habitants de Sumatra , les Javanois , et plusieurs autres peuples indiens, écrivent, comme les Européens, de gauche à droite II. DES OCÉANIENS (1). La variété de l'espèce humaine que nous nommons océanienne est remarquable par sa beauté, relative- ment aux autres rameaux dont nous aurons à parler ensuite ; c’est elle qui peuple la plus grande partie desiles de l'Océanie proprement dite, etque M. Bory de Saint-Vincent a nommée, dans son ingénieux travail sur l'Homme, race océanique. Son histoire, dans l’état actuel des choses, est satisfaisante à tra- cer ; car le long séjour des Européens sur plusieurs des îles de la mer du Sud, les nombreux voyages entrepris dans le but de les explorer, les vocabulaires qu’on a dressés des mots usités dans la lingue de chacune d'elles, permettent assurément de s'en for- mer une idée plus nette et beaucoup plus précise. Quant à Ja migration de ces insulaires de la source originelle, c’est là le point le plus difficile à expli- quer ; mais les hypothèses doivent se taire devant les faits : et puisque tout nous prouve que le cachet hindou est imprimé sur les hommes du rameau océa- nien , il seroit absurde de chercher trop minutieu- sement à expliquer comment ils se sont répandus sur ces terres séparées par de grands espaces de mer, et surtout contre la direction habituelle des vents régnants. Ce qu’on pourroit dire pour ou contre sans preuves certaines rentreroit dans le cas de ces nom- breuses conceptions plus ou moins ingénieuses qu’on peut attaquer et défendre avec des armes à peu près égales. La race océanienne se trouve occuper des îles sé- parées les unes des autres par d'immenses distances, au milieu du Grand-Océan ; et son existence est dé- montrée sur la plus grande partie des îles placées au sud-est de la Polynésie et à l’est de l'Australie. Les hommes de ce rameau, disséminés sur les îles vol- caniques ou madréporiques du tropique du Capricorne ou de la zone tempérée australe, ne paroissent avoir envoyé dans l'hémisphère nord et sous le tropique du Cancer qu’une seule colonie, qui a peuplélesiles Sandwich. Les insulaires de cet archipelen effetont (:) Mémoire lu à la socièlé d'histoire naturelle de Pa- ris en novembre 1825, de leurs pères, tandis que des hommes d’une autre race occupent évidemment les Philippines, les Mariannes, et la totalité du vaste archipel des Carolines. Les Océaniens, ainsi isolés, se sont répandus, sans éprouver que de bien légères modifications, sur les îles des Amis, de la Société : plus tard on les voit s'établir sur les récifs des îles basses, et la tra- dition de cette migration récente se conserve encore à Raïatea et à Borabora. Un essaim égaré s’est avancé jusque sur l'ile de Pâques (Pascha) (1); mais déjà ils étoient fixéssur lesiles de Mendana, Washington, Mangia, Rorotunga , Lady-Penrhyn , Sauvage, Ton- ga, et sur les terres de la Nouvelle-Zélande. La moi- tié environ de la population des Fidjis et des ilesdes Navigateurs appartient à ce rameau, qui s’arrêle au nord , d’après nos propres observations, sur l’ile de Rotouma (2). Supposer les Océaniensautocthones sur le sol qu’ils habitent seroit une exagération ridicule que tous les faits physiques démentiroient ; car leur établissement sur les îles de la mer du Sud doit être d’une époque bien récente par rapport aux âges du monde, et dater au plus des temps primitifs de la civilisation hindoue. L'organisation physique, leurs habitudes et leurs lois, leurs idées religieuses et la poésie qu’ils ont conservées, attestent cette origine ; et, quelle que soit la difficulté d’expliquer la des- cendance de ces peuples, toujours est-il vrai qu’on ne peut soutenir une opinion contraire sans heurter une analogie fort remarquable. Sur les îles de la Po- lynésie, que dürent traverser les premières migra- tions indiennes lorsqu'elles s’irradièrent du golfe de Siam et du Camboge, devroient rester toutefois quel- ques indices de ce passage. C’est ici, il faut l'avouer, que cette théorie est en défaut, et que les faits nous abandonnent complétement. Peut-être cependant les Océaniens pourroient-ils être représentés dans quel- ques unes de cesiles par cette belle race d’un blane jaunêtre mentionnée par des auteurs estimables, et qu’un état permanent d’hostilité a refoulée dans l’in- térieur. Cette question est sans contredit bien épi- neuse ; et, quoique nous ne cherchions nullement à la résoudre, nous soumettons avec confiance le rapprochement qu’il est possible de faire de ce pas- sage du savant docteur Leyden concernant les (5) « Les traits, les coutumes, et la langue du peuple » de l’île de Pâques , ont la plus grande affinité avec ce » qu’on observe dans les autres îles de la mer du Sud.» (Forster, t. 11, page 202, in-4o, Second Voyage de Coo%.) (2) Le capitaine Méares ( Voyage à la côte nord-ouest, t. II, page 360 ) observe que, sur les îles Freewil de Carteret, les habitants, quoique si voisins de la Nou- velle - Guinée , « ressembloient aux Sandwichiens, » avoient des pirogues construites de la même ma- » niére, et parloient absolument le même langage. » DE L'HOMME. Dayaks, habitants de l’intérieur de Bornéo : « Les » Dayaks ont un extérieur agréable, et sont mieux » faits que les Malais; leur physionomie est plus » délicate, le nez et le front sont plus élevés. Leurs » cheveux sont longs, roides et droits. Leurs fem- » mes sont jolies et gracieuses. Ils ont le corps cou- » vert de dessins tatoués. Leurs maisons sont assez » grandes pour que PIHSIEURS familles puissent les » habiter à la fois jusqu’à cent personnes. Dans la » construction de leurs pirogues, comme pour fabri- » quer divers ustensiles, les Dayaks déploient une » grande adresse. Ils reconnoissent la suprématie de » l'Ouvrier du monde, adorent quelques espèces » d'oiseaux, font des sacrifices d'esclaves à la mort » d'un chef, conservent les têtes de leurs enne- » mis, ete., etc. » En un mot ce tableau, peint à grands traits, est entièrement applicable aux Océaniens. L'opinion la plus probable est donc cellé-ci. Des peuples indiens et navigateurs, partant du golfe de Siam, s’avancèrent successivement d’ile en ile. Ils s'emparèrent des unes , et furentrepoussés des autres qu’occupoient des hommes de race noire. C’est ainsi qu’on les voit déjà aux Hébrides et à la Nouvelle- Calédonie se mélanger avec eux, et que même à la Nouvelle-Zélande, où les navigateurs modernes n’in- diquent que de vrais Océaniens , ceux plus anciens y trouvèrent une espèce hybride (t). Enfin on suit ce rameau sur les îles des Amis, Vasquez, Kerma- dec, s'étendant naturellement à l’est par les Fidiis, les îles des Navigateurs, les Roggeween, Palmers- ton, Scilly, Hervey, jusqu'aux îles de la Société ; s'irradiant de celles-ci sur les iles basses iusqu’à l’ile de Pâques, et, poussé par les vents de sud-est, se trouvant transporté aux Marquises , à Christmas, ct aux Sandwich (?). Qu'on ne pense point que de telles navigations ne soient qu’une fiction. Le hasard et les vents, en chassant au large un grand nombre de pirogues, en ont jeté quelques unessur desterres où leurs tribus ont ensuiteété s'établir ; et ces faits nous sont clairement démontrés par les expéditions des Carolins et des Océaniens, qui font annuellement («Marion (Voyage aux Indes, par Rochon, p. 364) » n’a pas élé peu surpris de trouver à la Nouvelle-Zé- » lande trois espéces d'hommes tout-à-fait distinctes, » des blancs, des noirs et des jaunes. On suppose que » les noirs tirent leur origine de la Nouvelle-Guinée. et » que ceux a peau jaune descendent des Chinois.» Ma- rion a bien pu se tromper : cependant il est de fait que nous y vimes deux ou trois naturels très bruns, à che- velure laineuse et crépue. (2) Turnbull (Foyage autour du monde, in 8°, 1807, pag. 160) dit en parlant des Sandwichiens : « Il est assez » probable néanmoins que la plupart des îles de la mer » du Sud ont été peuplées à diverses époques par des » émigrants chassés de leur pays. Cela expliqueroit les » rapports de mœurs et de langues entre des contrées » qui ne paroissent avoir eu aucune communication. » 13 des trajets de cent cinquante à deux cents lieues dans leurs grandes pirogues de mer. Ces embarca= tions d’ailleurs sont très propres pour des naviga- tions lointaines; et nous en avons vu qui servoient aux naturels des îles basses pour leurs can pagnes habituelles, et dont les emménagements étoient pro- pres à de longues traversées sur mer sans commu- niquer. Bligh d’ailleurs a bien pu faire douze cents lieues dans une chaloupe non pontée! Le rameau océanien est supérieur à ceux qui for- ment avec lui la population des îles de la mer du Sud, par la régularité des traits ct par l’ensemble des formes corporelles. Les naturels qui lui appar- tiennent ont en général une haute stature et des sail- lies musculaires nettement dessinées, une tête belle et caractérisée, une physionomie mâle sur laquelle s’'épanouit ordinairement une feinte douceur, ou qui souvent décèle une férocité guerrière. Les yeux sont gros, à fleur de tête, protégés par d’épais sourcils. La couleur de la peau est d’un jaune clair, plus foncé chez les naturels habitués à chercher sur les coraux leurs moyens de subsistance , et beaucoup plus af- foibli chez les femmes. Les Océaniens ontaussile nez épaté, les narines dilatées, la bouche grande, les lèvres grosses, lesdents très blanches et très belles, et les oreilles singulièrement petites. Les femmes, quoique en général trop vantées, sont dans l’âge de puberté remarquables par une certaine élégance dans les traits , tels que des yeux grands et ouverts, des dents du plus bel émail, une peau douce et lisse, une longue chevelure noire qu’ellesarrangentdiver- sement , et un sein régulièrement demi-sphérique, mais toutefois mal faites dans l’ensemble du corps, et ayant comme les hommes une grande bouche, un nez épaté, une taille grosse et ramassée. La teinte de leur peau est d’ailleurs presque blanche. Les Labitants des îles de Mendoce (1) et de Rotouma sont, à ce qu'on rapporte, les Océaniens les mieux faits : viennent ensuite les Taïtiens, les Sandwi- chiens, les Tongas; et déjà la dégradation de la beauté chez les femmes est très sensible à la Nou- velle-Zélande, tandis au contraire que les hommes sont ps robustes et doués de formes plus athléti- ques qu'aucun autre peuple de la même race: Si nous suivons chacun de ces peuples insulaires dans l’ensemble de leurs habitudes . journalières, nous y remarquerons l’analogie la pla grande; et (:) Krusenstern, en parlant des insulaires des Mendo- ces, s'exprime ainsi: « Les femmes ont la tête belle, » plutôt arrondie qu'ovale, de grands yeux brillants , le » teint fleuri, de très belles dents, les cheveux bouclés » niturellement , etla teinte de leur peau est claire. Les » Noukahiviens, ajoute-t-il, sont de haute taille, bien » faits, robustes, doués de belles formes, et ayant les » traits-du visage réguliers. » ( Voyage autour du monde , de 1803 à 1806 , sur la Nadicjeda et la Ncva, 2 vol. in-8o et atlas.) : 20 HISTOIRE NATURELLE chez la plupart d’entre eux les mêmes circonstances sercproduiront avec des nuances, légères toutefois, : Ah amenées l'isolement et les localités (1). Ainsi, placés dans la zone intertropicale, les habitants des îles Marquises et des Sandwich ne se servent que de vêtements légers et imparfaits, ou ne portent qu'un pagne étroit ou maro; mais ils savent, comme les Taïtiens et de même que les insulaires de Rotouma et des Tonga, fabriquer avec l'écorce de l’aouté (broussonetia papyrifera ) une étoffe très fine réservée le plus ordinairement aux femmes, et des toiles plus grossières qu’ils retirent du liber de l'arbre à pain (artocarpus incisa) (?).Comme les natu- rels des îles de la Société, ïls les teignent en rouge très brillant avec les fruits d’an figuier sauvage ( licus tinctoria, Forsr.), ou avec l'écorce du mo- rinda citrifolia,eten jaune fugace avee le cureuma. C’est avee un maillet quadrilatère et strié sur ses quatre faces que tous ces peuples faconnent leurs étoffes en frappant sur les écorces ramollies et invis- quées avec un gluten. Dans toutes lesiles que nous avons mentionnées on retrouve les mêmes procédés de fabrication , ainsi que l’art de les enduire d’une sorte de caoutchouc pour les rendre imperméables à la pluie. Certes de tels rapprochements ne sont point le résultat du hasard; ils doivent dériver des arts que pratiquoit naguère la souche de ces peuples, que nous verrons d’ailleurs rattachés les uns aux autres par des liens de parenté encore bien plus forts. Les deux sexes du rameau océanien se drapent avec leurs légers vêtements dé la manière la plus gracieuse lorsque la température variable leur en impose l'obligation. Souvent les femmes jettent sur leurs épaules une large pièce d'étoffe, dont les plis ondulent sur le corps et retracent le costume anti- que. Les chefs seuls jouissent de la prérogative de porter le tipouta, vêtement qui présente l’analogie (Aujourd'hui cette manière de voir semble étre adoptée universellement parmi les étrangers. On lit dans le no 51 dela Revue de l'Amérique septentrio- nale, avril 4826, cette phrase positive : « In all those » particulars, which are considered as marking the » broadfeatures of the human constitution and charac- » ter, the inbabitants of Occania exhibit a striking re- » semblai ce-Ofno races or tribesof men,canit be in- » ferred \ th greater certainty, that they originated » from à co ommon stok. » (Journ. of a tour round Hawaii, the largest of the Sandwich islands ; By a de- putalion from (he mission of those islands, Boslon, 1825 ,in-12.) (2) L'usage de fabriquer un papier vestimental avec des écorces d’arbres est indien; et Marco-Polo, dans son langage naïf, s'exprime ainsi en parlant des habi- tants de l’île de Cipinguet de la province de Caigui dans l'archipel des Indes : «Ils sunt jens blences, de beles » maineres, e biaus; ils sunt ydules, e se tiennent por » elz, vivent de mercandise € d’'ars, € si voz di quil » funt dras des scorses d'arbres, cle, » (Page 147.) la plus remarquable avec le poncho des Araucanos de l'Amérique du sud. Les Nouveaux-Zélandois, placés en dehors des tropiques, ont senti le besoin de vêtements plus appropriés aux rigueurs de leur climat ; ils onttrouvé dans les fibres soyeuses du phormium une substance propre à remplir avanta- geusement ce but, et leur industrie s’est tournée vers la confection: de nattes fines et serrées qu’ils fabri- quent avec des procédés très simples, mais avec une grande habilité. Les manteaux dontilss’enveloppent sont plus épais et plus chauds que les nattes, qu’ils roulent simplementautour du corps , et qui descen- dent jusqu’à moitié des jambes ; et parfois cet ajus: tement chez les chefs est formé de larges bandes dé peau de chien cousues ensemble, et dont le poil est en dehors. Tous les peuples de l'Océanie ont un goût à peu près égal pour la parure. Ainsi les Taïtiens, les Sandwichiens aiment à se couronner de fleurs ('); et ceux des îles Marquises et Washington(?), de même que les naturels de Rotouma et des Fidjis, attachent le plus grand prix aux dents des cacha- lots; et celte matière, que la superstition rend si précieuse à leurs yeux, est pour eux ce que sont les diamants pour un Européen. Les Zélandois et les habitants de l’ile de Pâques remplacent les fleurs par des touffes de plumes qu’ils placent dans leur chevelure, et passent des bâtonnets peints dans les lobes des oreilles. Les Rotoumaïens , comme les in- sulaires des archipels de la Société et des Pomotous, quoiqu’un immense espace de mer les sépare, ont conservé la même coutume de se garantir des rayons du soleil avec des visières de feuilles de cocotier (?), Aux Fidjis on suit cet usage; ct là aussi se fabri- quent ces nattes fines qui servent de maros aux Taï- tiens, et qu’on nomme gnatou aux îles des Amis. Les Océaniens ont tous le goût des frictions huileuses , dont ils s’oignent le corps et les cheveux : ceux des tropiques emploient l'huile de coco; ceux placés hors de cette limite se servent d’huile de phoque ou de poisson. Une remarque assez intéressante est re- lative à cette habitude des femmes des Sandwich et () Les fleurs plus particuliérement choisies par ces naturels jouissent de l'éclat le plus vif, ou laissent exha- ler les plus suaves odeurs: ce sont surtout les corolles de l’hibiscus rosa sinensis, ou celles du gardenia flo- rida , qu'ils choisissent pour tresser des guirlandes ou pour placer dans les lobes des oreilles et en recevoir plus aisément l'arome. (2) Le groupe des îles Washington fut découvert à la fois par le capitaine françois Marchand, sur le Solide, et en mai 1794 par le capitaine américain Ingraham, commandant le navire the ILope, de Boston. () Getle coiffure , nommée ischao à Rotouma, niao à Taïti, est façonnée à l'instant même où un naturel veut s’en servir. Elle a quelque chose de gracieux sur la têle des jeunes gens, & L DE’ L'HOMME. 24 de Rotouma de se poudrer les cheveux avec de la chaux de corail ; et on ne trouve l’usage de se bario- ler le corps de poudre jaune de cureuma, ou de se couvrir la tête ou la figure de poussière d’ocre, qu'aux Fidjis, à Rotouma , et à la Nouvelle-Zélande. Dans cette dernière île nous avons vu pratiquer un em- bellissement dont on ne retrouve des traces que chez des peuplades éparses au nord de l'Asie et de l'Amérique, et qui consiste à s'appliquer sur le visage de larges mouches noires ou bleu de ciel. Comme l’usage de ces fards semble être un apanage exclusif du rameau nègre , il est intéressant d’en in- diquer l'habitude chezt elques peuples océaniens. ” La coutume de porter la chevelure flottante où coupée ras est peu caractéristique, et a subi des mo- difications locales sans nombre. Les Taïtiens(f) ont leur chevelure rasée ; les Mendocins ne conservent que deux groSses touffes nouées sur les côtés ducrâne ; les Zélandois, les Rotoumaïens, ainsi que la plus grande partie des Océaniens, portent ectte parure naturelle tombant en boucles ondoyantes sur lecou. Un genre d'ornement généralement pratiqué par tous les insulaires de la mer du Sud, quel que soit leur rameau ou océanien ou mongol, est le tatouage. Ces dessins que l’art grave sur la peau d’une ma- nière indélébile, et qui la revêtent et voilent en quelque sorte sa nudité, paroïissent étrangers à la race nègre, qui ne les pratique que rarement, tou- jours d'une manière im par faite et grossière, et qui les remplace par les tubercules douloureux et de forme conique que des incisions y font élever. Cette opération, dont le nom varie toutefois chez les di- vers insulaires des grands archipels (2), ne peut ici nous occuper sous le rapport du sens qu’on y atta- che , soit pour la désignation des classes ou des rangs , Soit comme ornement de fantaisie ou hiéro- glyphique. Cependant le soin ct la fidélité que les divers insulaires apportent à reproduire ces dessins doivent nous porter à penser qué des motifs qui nous sont inconnus, ou des idées dont la tradition s’est effacée, y attachoient un sens. L’analogie du tatouage d’ailleurs mérite que nous l’examinions chez plusieursydes peuplades que sépare l’espace des mers. ï à im pournous est collectif, et com- prend les insulaires de Faha, Raïalca, Borabora, Ey- meo , Maupili,etc., ete. (2) Fatou, Taïti; Hoko, Nouvelle-Zélande; Chache, Rotouma. Krusenstern dit des insulaires déNoukahiva : « Les principaux chefs sont tatoués de la tête aux pieds, » et surtout les grands-prêtres. Ils se tatouentle visage » et les yeux. » Suivant King : « Celle coutume se re- trodeux Sandwich. Les femmes ne sont tatouées » qu'aux picds, aux mains, aux lèvres et aux lobes » des'orcilles, » Les insulaires des Pomotous se couvrent le ne F de figures tatouées ; et déjà leurs voisins les Taïtiens en ont beaucoup moins , et surtout n’en placent ja- mais sur le visage, et se bornent, avec ceux de Tonga, à y dessiner quelques traits légers, tels que des cercles ou des étoiles : mais plusieurs des natu- turels des Sandwich (1) et la masse des peuples zé- landois et mendocins (?) ont le visage entièrement recouvert de traits toujours disposés d’après des principes reçus et significatifs. On conçoit que leur aspect doit en acquérir un caractère de férocité re- marquable , et que cet usage, né du désir d’inspirer une plus grande terreur à Mhinemi ou de blasonner des titres de gloire, s’est conservé par la suite comme le témoignage de la patience du guerrier à endurer la douleur qui arcompagne toujours une pratique qui blesse les organes les plus sensibles de la périphérie du corps. Les femmes à la Nouvelle-Zélande , comme aux iles Marquises , se font piquer de dessins à l’angle interne des sourcils et aux commissures des lèvres, et souvent sur le menton. En général le tatouage des Ccéaniens se compose de cercles ou demi-cer- cles, opposés ou bordés de dentelures, qui se rap- portent au cercle sans fin du monde de la mythologie indienne. Cependant celui des naturels de Rotouma diffère assez essentiellement, puisque le haut du corps est recouvert de dessins délicats, de traits légers de poissons, ou autres objets, tandis que celui qui revêt l'abdomen , le dos et les cuisses, est disposé par masses confuses et épaisses. . Nous retrouvons dans le par ra, ornement singu- lier et emblématique des Taïtiens, destiné ancien- nement aux cérémonies funèbres, la représentation de ce que portent au cou, comme un hausse-col, les prêtres des îles Marquises. Si nous suivons les insulaires de Ja mer du Sud dans leur vie domestique, nous verrons pratiquer les mêmes coutumes chez tous ceux qui vivent en- tre les tropiques. Tous préparent et font cuire leurs aliments dans des fours souterrains, à l’aide de pierres chaudes ($) ; ils se servent de feuilles de vé- gétaux pour leurs besoins divers; ils convertissent () King, Troisième Voyage de Cook. (2) Krusenstern (t.1, pag. 164) observa à Noukahiva que les femmes n’avoient de tatouage que surles pieds et les mains , « comme les gants courts que nos dames » portojient autrefois ,» dit-il. A Taïli les femmes des classes supéricures suivent encore le même usage. (3) Toutes les îles hautes, peuplées seulement par le rameau océanien, possédoient, à l'exception de la Nouvelle-Zélande, s’il faut en croire Cook, le cochon de race dile de Siam. Cette circonstance en elle-même est assez caractéristique; et c’est bien gratuitement que quelques personnes pensent que cet animal a pu y être porté par les anciens navigateurs espagnols, qui connoissoient ces iles bien avant l’époque historique | de leur découverte. 22 HISTOIRE NATURELLE le fruit à pain, la chair du coco, le taro , en bouil- lie : tous boivent le kava ou l’ava, suc d’un poi- vrier qui les enivre et les délecte. Avant l’arrivée des Européens dans leurs îles ces peuples éloignoient de leurs repas les femmes, qu'ils regardoient comme des êtres impurs susceptibles de souiller leurs aliments. Chacun connoit par les voyageurs l'état de gêne, le tabou, quelles Océaniens s’étoient imposé; et cette prohibition que M. de Chamisso a découverte dans les lois de Moïse ne doit-elle pas provenir de la même source? Des productions différentes , un climat Soümis à des rigueurs incon- nues dans les îles précédentes, ont imposé aux Nouveaux-Zélandois un nouvel ordre de besoins à satisfaire et d'industrie à employer. Ainsi on re- trouve encore la cuisson opérée le plus souvent avec des pierres chaudes. Seulement ils ont appris à faire des provisions d'hiver pour la saison rigoureuse, féconde en tempêtes ; et ils ont panifié la racine de fougère et desséché le poisson à la famée. Dans la construction de leurs demeures les Océa- niens ont en général apporté les modifications né- cessitées par les régions dans lesquelles ils vivent. Vastes, spacieuses, logeant plusieurs familles, sans parois eloses, telles sont les maisons des insulaires des iles de la Société, de Tonga, de Mangia , des Marquises , de Rotouma : toutes sont sur un mo- dèle à peu près identique. Mais, obligés de vivre sur des iles dont les hivers sont intenses et prolon- gés, que battent des.vents impétueux, les Nou- veaux-Zélandois, Sans cesse en guerre de tribu à tribu , se sont retirés sur des pitons, sur des crêtes aiguës, inabordables , ont palissadé leurs hippahs, et ont construit ras de terre leurs cabanes étroites , dans lesquelles ils n’entrent qu’en rampant, et où deux ou trois personnes au plus peuvent se retirer. Ces demeures n’ont guère plus d’un mètre au-dessus du sol; et les coups de vent qui règnent fréquem- ment dans ces parages respectent ces singuliers ajoupas, plutôt faits pour servir de retraite à des animaux que pour être l'habitation de l’homme. Chez tous ces peuples , soit de race hindoue , océa- nienne ou mongole , nous voyons des maisons com- munales destinées aux assemblées publiques ou aux : réceptions d’apparat. Partout on remarque l'usage” de traiter les affaires avec recucillement et dans la position assise, et les personnes les plus élevées en dignité se couchent seules sur des nattes. Dans la plupart de ces îles les réceptions amicales sont pra- tiquées à la suite d’un long discours et en présen- tant une feuille de bananier ou un rameau. Disséminés sur des îles qui fournissent une nour- riture abondante et facile, les Océaniens de la zone équatoriale se livrent peu à la pêche, tandis que les Zélandois lui empruntent leurs ressources pen- dant l’hiver : aussi ces derniers y sont-ils habiles, et ils ont su faire avec le phormium d’immenses fi- lets absolument semblables à ceux qu’on fabrique en Europe sous le nom de sennes. A Taïti, aux Sandwich et ailleurs, les cordes sont faites de faou , de fara (pandanus), ou de pouraou (hibi- eus tiliaceus); et nous retrouvons aux îles de la Société ce que le général Krusenstern avoit remar- qué à Noukahiva, l’usage de prendre le poisson en jetant sur la mer la semence soporifère du taonou (calophyllum inophyllum ). Les pirogues ont été jusqu’à ces derniers temps l’objet sur lequel les insulaires déployoient toutes les ressources de leur industrie. Chez cette race la forme universellement adoptée est caractéristique. Les piroguessimples, ereusées dansun ‘ronc d’arbre, peuvent se reproduire ailleurs ; mais il n’en est pas de même des pirogues doubles ou accolées deux à deux, qu’on ne rencontre nulle partf@hez des peu- ples d’une descendance étrangère aux Océaniens(!). Nous vimes à Taïti des pirogunes doubles qui arri- voient des îles Pomotou : c’étoient de vrais petits navires propres à faire de longues traversées et ca- pables de contenir des vivres en proportion détermi- née pour l’équipage, qui est logé dans une banne en bois solidement tissée et disposée sur le tillac. La coque üe chacune des deux pirogues est calfatée avec soin, enduite de mastic, et de forts madriers solidement liés les unissent. Leur gouvernail est remarquable par un mécanisme ingénieux que nous ne pouvons pas indiquer ici. Ces pirogues étoient anciennement chez les Taï- tiens décorées de sculptures,qu’on retrouve encore aujourd'hui sur les embarcations sveltes des Nou- veaux-Zélandois. Ces reliefs, débris des arts tradi- tionnels que ces peuples ont conservés, ct dont le fini étonne lorsqu'on examine l’imperfection des instruments qu’ils employoient, sont toujours iden- tiques par leurs représentations: Ils les négligent depuis que les Européens leur ont porté le fer : les idées nouvelles qu’ils ont reçues feront bientôt dis- paroître les traces de ces ingénieux travaux, qui s’effaceront avec le sens mythologique qu’on y atta- choit, et que remplace déjà chez plusieurs une itation plus ou moins grossière nos arts et de aux îles Marquises, et les avons pas vues à la Nour nature des baies nécessite des embarcations plus maniables. On nous assura cependant, et quelques navigateurs , Cook notamment (page 283, Premier () Sil'on s’en rapporte à Marco-Polo , les anciennes pirogues de l'Inde étoient doubles (page 1814) « Elles » sunt clauées en Lel mainere, car toutes sunt dobles; » elles ne sunt pas empecé depèce , por ce qe ils n’en » ont. » DE L'HOMME. 23 Voyage), affirment que ces insulaires s’en sont parfois servis. Toutes les pirogues zélandoises ent leur avant surmonté d’une tête hideuse tirant Ja langue, ce qui est chez eux le signe de guerre et de gloire; et l’arrière est terminé par une pièce sculp- tée, haute de quatre pieds, présentant un dieu et des cercles sans fin, dont la siguilication est entiè- rement symbolique. Adonnés à la guerre comme toutes les tribus dont les droits se trouvent renfermés dans la force, Ja ruse , ou la trahison, ces peuples ont fabriqué di- verses armes, et n’ont jamais manqué de les em- bellir par des reliefs sculptés avec soin, Mais on remarque que l’are et la flèche n’étoient usités que chez très peu d’Océaniens (1). Les armes principales, et presque partout identiques dans les diverses iles, sont les longues javelines en bois dur, les casse- têtes sous diverses formes, les haches en basalte ou en serpentine, et les frondes. Les instruments d'utilité domestique sont également analogues, et consistent partout en petits tabourets , en vases de bois sculptés, en molettes de basalte pour broyer le kava , en nattes tressées en paille , ete , etc. Nous ne pouvons cependant nous dispenser de rappeler un objet fort remarquable, qu’on ne voit que chez les Sandwichiens. El s'agit ici des casques surmontés d’un cimier, ingénieusement fabriqués en paille , et dont la forme est exactement calquée sur les casques grecs ou romains. D'où ces insulai- res ont-ils eu la connoissance de ce genre d’orre- ment ? l’ont-ils apporté de l’Inde après qu’Alexan- dre leur eut montré cette coiffure guerriere? fl seroit difficile de répondre à cette question ; mais il est de fait que les autres Océaniens en ignorent l'usage. Si nous fouillons dans les débris des arts qui sub- sistent encore chez les divers peuples répandus dans la mer du Sud, nous y distinguerons sans doute quelques disparates, mais nous y retrouve- rons aussi bien des points d'analogie. En effet , si on examine altentivement leurs habitudes, leurs lois, leurs mœurs, leurs arts, leur musique, leur grammaire , leur poésie, et même jusqu’à l’ensem- ble de leurs idées religieuses, on sera frappé de l’a- nalogie qui existe entre ces familles d’un même ra- meau isolées sur des terres semées à de si grandes distances les unes des autres. L'identité des divers () Chez les Taïtiens, par exemple, qui se servoient de flèches et de lances, de casse-lêtes, et de frondes en corde de coco pour lancer les pierres. Aux Marquises une tête d'homme est sculptée sur le casse-tête. Il en est de même à la Nouvelle-Zélande. Seulement il paroît que les habitants des îles des Amis ayoient recu l'usage des flèches des îles Fidjis, qui elles-mêmes l’avoient emprunté aux peuples noirs qui y émigrérent. (Voyez La Billardiére , t, Il, pag. 108.) ne peuples de l'Océanie entre eux, si on en excepte les habitants des terres du prolongement d’Asie et de la bande des iles Carolines et Mulgraves, sera recon- nue jusqu’à l'évidence ; nous l’espérons du moins : mais il n'en sera peut-être pas tout-à-fait de même pour leur descendance directe du continentde l'Inde. Ici trop de ténèbres couvrent les usages primitifs de ces peuples dans les temps reculés pour trouver des rapports exacts avec les usages des peuplades actuelles, qui sont restées stationnaires dans leurs ideés , bornées dans leurs ressources, et dont l’in- dustrie n’a point été au-delà de quelques besoins et de quelques circonstances usuelles de la vie. Toute- fois de nouveaux points de contact se présentent encore ; et, soit à la Nouvelle-Zélande, soit aux Tonga, des vestiges remarquables et caractéristi- ques d'idées hindoues, qu’on ne peut récuser , sem- blent jeter quelque jour sur cette question obscure. Tous les Océaniens reconnoissent l’autorité de chefs dont les distinctions honorifiques et la puis- sance se ressemblent dans beaucoup d'’iles, ou sont plus restreintes dans quelques autres. L’hérédité du pouvoir dans quelques famiiles privilégiées, qui est encore observée religieusement par les classes inférieures, dénote cependant bien une source in- dienne, ou du moins prouve que ces peuples, en s’isolant de la souche commune, emportèrent et conservèrent avec eux les idées dominantes de leur patrie ; qu'habitués à vénérer la caste des brames leurs prêtres ou arikis (1) héritèrent de la considé- ration dont ont toujours joui chez ces peuples les ministres de la divinité; qu’enfin ils respectèrent plusieurs des traditions, en modifièrent quelques autres, mais dans toutes, et quoiqu’elles nous soient mal connues, leur conservèrent pour nous une phy- sionomie commune. Cook, Vancouver, Bougain- ville, Wallis, Turnbull, donnent la mesure du respcet dont on entoure les chefs aux iles de la So- ciété, des Amis, et des Sandwich. Ils possèdent les terres et les fruits, ont des vassaux qu'ils nour- rissent et qui composent leur cour; tandis que les toutous , derniers débris d’une caste de parias, sont regardés comme d’iguobles serviteurs, ainsi queles esclaves pris à la guerre. Les femmes, quoique con- sidérées comme des êtres d’un ordre inférieur, n’en jouissent pas moins de beaucoup de liberté ; et, bien qu’il leur soit défendu de manger en présence des liommes dans la plupart des îles, toujours est-il vrai qu’elles succèdent parfois à leurs maris, et que les enfants héritent d’une considération d’autant plus grande que le rang ou la noblesse du côté de la mère est plus pure ou plus ancienne. Felles sont les opinions des Taïtiens , des Tonga, aussi bien que (:) Soit qu'on les nomme er, Marquises; ariki, Taïli, Nouyelle-Ztlande , Rotouma ; egi, iles Tonga. 24 des Nouveaux -Zélandois. Une coutume indienne singulièrement remarquable nous prouve la force des traditions, et nous fournit un document du plus grand poids. Les exemples de veuves qui se brû- lent sur le bûcher de leurs époux pour ne point leur survivre se reproduisent aux îles des Amis et aux Fidjis; et ici nous ne pouvons nous dispenser, pour éclairer ceux qui douteroient d’un si grand rapprochement, de citer le texte même de l’auteur qui rapporte ce fait, et quiest d’autant plus croyable que long-temps il séjourna dans les îles Tonga. Ainsi s'exprime Mariner (t. II, pag. 278): « La » cérémonie des obsèques du toëtonga (1) se nomme » langi. Ses veuves viennent pleurer près de lui; » et, süivant l’ancienne coutume, celle qui tient le » principal rang parmi elles doit être étranglée. » Son corps est ensuite enterré avec celui de son » époux , etsouvent des enfants sont massacrés sur » sa tombe.» Ce dernierusage se retrouve aussi bien aux Tonga, aux Fidjis, qu’aux iles de Rotouma et de la Société; et à la Nouvelle-Zélande les mânes des chefs sont honorés par des holocaustes sanglants et par la mort de sept ou huit esclaves, ou même plus, immolés sur leurs tombeaux. L'histoire an- cienne nous représente souvent les funérailles de ses héros célébrées par le trépas des prisonniers de guerre; et ce n’est pas sans quelque étonnement que de telles coutumes nous sont offcrtes au- jourd’hui par des peuples dans un état de demi- civilisation, et qui les ont conservées, à travers un laps considérable de temps, par la simple tradition orale. Déjà l'identité des Ccéaniens avec les Indiens, leurs ancêtres , a été reconnue d’abord par Ferster, puis par un auteur francois peu connu, qui s’ex- prime ainsi : « Les naturels des iles de la Société et » des Amis, ctc., par le respect et les attentions » qu’ils conservent pour les corps des morts pendant » un assez long espace de temps, peuvent avoir reçu » dans l’origine cet usage qui se rapproche beaucoup » de ceux des Egyptiens; car ilest fort probable » qu'ils sont originaires de la partie méridionale de » l'Inde, où la doctrine de la métempsycose étoit » établie depuis un temps immémorial, bien avant » que Pythagore en eût puisé la doctrine dans les » conversations qu'il eut avec les anciens brachma- » nes. » { Histoire des peuples sauvages. ) Les divers rites religieux des Ccéaniens ont long-temps été un sujet de doutes et d’erreurs pour ceux qui cher- choient à les approfondir. Ce qu’on en savoit étoit si (1) « Le toïlonga est le grand-prétre des îles des » Amis. Aux iles Marquises les funérailles étoient éga- » lement célébrées par la mort de trois victimes.» (Krusenstern, Voyage , 180%.) « Le sacrifice des veu- » ves s'exécute surtout religieusement aux Fidjis. » { Mariner, t. II, pag. 349.) HISTOIRE NATURELLE vague que jusqu’à ce jour il n’éloit pas possible d'en présenter une idée bien nette, et nous sommes cer- tainement loinencore de connoître la filiation de leur croyance ; il est même probable que les fréquentes communications qu’ils ont actuellement avec les Européens leur feront perdre bientôt la tradition de la plupart de leurs opinions et des sources d’où elles découlent. Aussi nous ne chercherons point à entrer dans de grands détails à ce sujet. Les Nouveaux-Zélandois sont les insulaires qui ont le mieux conservé les traces de l’antique religion du législateur indien Menou, qui consacra les trois principes de Brahma, de Chiven et de Wichenou. Les sculptures qui ornentles pirogues des chefs prin- cipaux ou les palissades de lPhippah représentent presque toujours ces trois principes entourés de cer- cles nombreux et sans fin, image sans doute du grand serpent Calingam, qui voulut dévorer le monde, et dont Wichenou délivra la terre. La figure du centre de ces ornements offre constamment le lingam , attribut qui se reproduit sur d’autres reliefs, et même sur des vases. Le fétiche de jade, qui se porte au cou, représente évidemment une figure indienne , et peut-être Chiven ou le génie du mal. Enfin des poésies anciennes, dont le sens métapho- rique n’est plus compris par les habitants d’aujour- d’hui, semblent renfermer quelques unes des pre- mières idées mystiques sabéennes et brachmanes de leurs ancêtres, que la tradition n’a pu sauver de l’oubli. Le Zélandois, comme tous les Océaniens, quelles que soient les variations qu’a éprouvées leur théogonie, reconnoissent une trinité. Ils nomment Atoua, Akoua, leurs dieux, et pensent que les âmes des justes sont les bons génies, Ealouas ; que les méchants ne deviennent point meilleurs dans un autre monde, et que sous l’attribut de Ti ils sont investis du pouvoir de pousser l’homme au mal. Malgré des nuances légères ne retrouvons-nous pas cet ensemble de faits dans ce que l’on sait du culte des autres peuplades ? Et soit que Faroa, brisant la coquille qui le tenoit emprisonné, s’en servit pour jeter les bases de la grande terre (fenoa nui), ou l'ile de Taïti, eten composer avec les parcelles.qui se détachèrent les autres îles qui l’entourent; soit que Tangaloa ( Mariner, t. IT, pag. 1468) tirât le monde (les îles de Tonga ) de la mer en pêchant à la ligne({), partout, chez les Océaniens, nous voyons (:) Les Dayaks adorent Deonata, l’ouvrier du mon- de , eties mânes de leurs ancêtres : ils vénérent aussi certains oiseaux, et pratiquent les augures; ce que font les Océaniens. ( Voyez Aémoire sur les idées re- ligieuses des Taïliens, par Lesson; Ann. marit. et colon. , seconde partie, pag. 209, 1825.) La religion des Zélandoïs de la partie nord est assez connue , ainsi que leurs diverses cérémonies. Il n’en est pas de même pourceux de la partie sud, qui n’ont jamais été visités que très passagérement et par des marins le plus sou- DE L'HOMME. 25 établie une identité de croyance frappante : la divi- nisation des âmes, l’adoration de plusieurs sortes d'animaux et de certaines plantes, la puissance in- tellectuelle des prêtres, les augures, les sacrifices humains, les Maraïs, les idoles (?), et l’anthropo- phagie, qui naquit de leurs préjugés religieux , mais qui s’est effacée de plusieurs îles abondantes en sub- stances alimentaires, et qui s’est conservée intacte sur celles où la rigueur du climat ct la pauvreté du sol ont fait sentir le besoin d’une nourriture sub- stantielle (?). Les îles de la Société avoient leur paradis, où se rendoient les âmes heureuses des tavanas, que le dieu, esprit ailé, emportoit et purifioit : celles des mataboles des iles des Amis habitoient le délicieux séjour de Bolotou , d’où étoient bannies les âmes du vulgaire, qui mouroient en entier. Les Nouveaux- Zélandois ont la ferme croyance qu'après la mort les esprits de leurs pères planent sur l’hippah qui leur donna le jour, et se rendent à l’élysée, qu’ils nom- ment Ata-Mira, en plongeant dans la mer au lieu vent peu instruits. Voici quelques renseignements que nous nous procurâämes du capilaine Edwardson. On pourra juger comment les mémes idées sont plus ou moins traveslies par ceux qui les professent, ou plutôt par ceux qui les recucillent. « Les Nouveaux-Zélandois méridionaux croient qu'un » être suprême a créé toutes choses, excepté ce qui est » l'ouvrage de leur propre industrie. Cet étre est clé- » ment,et se nomme Maaouha. Is reconnoissent un » bon esprit, appelé Noui-Atou, auquel ils adressent » des prières la nuit et le jour pour qu’il les préserve de » tout accident. Rowkoula , l'esprit, aussi nommé » Eatoua , gouverne le monde pendant le jour seule- » ment, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil. » L'esprit nocturne est Rockiola, la cause de la mort, » des maladies et des accidents qui viennent fondre » sur les hommes pendant le temps de sa puissance. » Enfin ils ont encore l'histoire fabuleuse d’un homme » et d’une femme qui habitoient la lune. » Gr, la plu- part de ces idées, nous les retrouvons chez les habi- tants des îles de la Société. (») Les idoles se ressemblent toutes quant à la forme générale, depuis l’ile de Pâques jusqu'aux iles Sand- wich, Mendoce, et de la Société, etc. Consultez les Voyages de Lisianskoï, de Langsdorff,de Krusenstren, de La Pérouse, etc. () L’anthropophagie est d’origine indienne. Marco- Polo (pag. 186 ) décrit ainsi les coutumes de plusieurs des peuples qu’il visita: « Lorsqu'ils prennent un homme » quin'est point de leurs amis, et qui ne peut se ra- » cheter, ils le tuent et le font servir à tous leurs pa- » rents comme un régal; ef ceste chars d’ome, ont-ils » por la meilor viande qu'ils pensent avoir. » Or c’est ce que pratiquent encore les Nouveaux-Zélandois , et, à ce qu’assurent plusieurs navigateurs d’un grand mé- rite, l'amiral de Krusenstern entre autres, ce qu’on re- marque chez les habitants des îles Mendoce, des Fidjis, de Salomon, des Navigateurs, de la Nouvelle-Calédonie, et ce que pratiquoicnt naguére les Saudwichicns, JL, nommé Reinga, vers le cap Nord. Ces âmes au con- traire errent autour du Pouke-Tapou ou montagne sacrée , et sont éternellement malheureuses lorsque les corps qui les renfermoient ont été mangés sur le champ de carnage, que leurs têtes sont restées au pouvoir des ennemis, et que les cadavres sont ainsi privés de l’oudoupa ou sépulture de leurs pères. A ces principes d’une religion corrompue, mais dont l’ensemble ne nous est malheureusement que peu connu, à ces restes d’un fanatisme barbare, sont liées des idées de sabéisme ; et, dans leur croyance, ils placent au ciel quelques uns de leurs organes, qu'ils transforment en météores célestes. Arracher les yeux d’un ennemi (!), boire son sang, dévorer ses chairs palpitantes, c’est hériter de son courage, de sa valeur, commander à son dieu, et enfin ac- croître ainsi la puissance que chaque guerrier ambi- tionne. Tels sont les fondements du droit de la guerre chez les insulaires des Marquises ( Krusens- tern), des Fidjis ( & Navihi - Levou, Mariner, tome I, page 555) , et des Tonga ( Mariner, tome I, page 558 ). È Il seroit trop long de rechercher les rapports d’analogie qui existent sur les devoirs à rendre aux morts, comme type caractéristique des Océaniens. Leurs prêtres , leurs sacrifices, leurs cérémonies fu- nèbres , leurs tombeaux, leurs arbres de deuil, an- noncent une croyance commune. La poésie même de ces peuples, semblable à leur langue, qui ne varie que par l'introduction fréquente de mots nou- veaux ; leur poésie, unie à une musique dans l’en- fance, mais composée de mesures lentes, de sons graves, atteste une civilisation régulière et une méditation bien entendue du but primitifet religieux de ces deux arts. Leur langue, bien que simple en apparence, est riche en tournures orientales ; et les règles de leur grammaire, généralement analogues d’après celles que nous connoissons (?), diffèrent singulièrement () Turnbull rapporte ( pag. 341 )« qu'à Taïti, lorsque » Ie corps d’un homme choisi pour servir de victime » expiatoire est déposé sur le Moraï, on lui enléve les » yeux pour les présenter au roi sur une feuille d'arbre » à pain. Celui-ci ouvre la bouche comme pour avaler » ce qu’on lui offre, et ilest supposé en acquérir plus » de force et d'adresse, » M. Marsden, dans son voyage à la Nouvelle-Zélande, observa la même coutume, et c’est ainsi que le fameux chef Shongi avoit arraché et dévoré les yeux de plusieurs de ses ennemis dans la ferme persuasion qu’il se les approprioit, et que le nom bre des étoiles qui lui étoient consacrées au ciel s’'aug- mentoit ainsi de celles des chefs qu'il avoit vaincus ; car, suivant la croyance de ces peuples, chaque œil , aprés la mort, est une éloile qui brille au firmament. (2) À Grammar and Vocabulary of the language of. New-Zealand , 1 vol.in-12, 230 pages , 1820. Grammaire des iles Tonga, à la fin du LE dela 26 du malais pur, dont le génie est opposé (!). Tous ceux qui lisent attentivement les voyageurs, et qui mettent de côté les variantes que chacun d’eux, langue maternelle, apporte dans la ma- écrire les mots ou de rendre des sons par des lettres, reconnoissent qu’une identité palpable de langage règne cntre tous ces insulaires épars et semés sur le Grand-Océan dans les limites que nous assignons aux Océaniens. Ils savent qu’un Teï- tien peut être entendu aux îles Marquises, ceux-ci aux Sandwich, et un naturel de ces dernières îles à la Nouvelle-Zélande. Cependant on conçoit qu’une terre placée hors des tropiques, et par conséquent n'offrant pas les mêmes productions, a dû nécessi- ter de nouveaux termes pour les peindre ou pour les exprimer. Ne sait-on pas d’ailleurs qu’une sorte de dialecte conservé par la classe supérieure et consacré aux traditions anciennes permet aux œikis de se com- prendre entre eux, tandis que le vulgaire en ignore les règles, que les prêtres et les chefs transmettent intactes à leurs enfants? El seroit facile de donner de longues preuves de ceci pour compléter nos idées; mais nous les croyons superflues : d’ailleurs les relations journalières des Européens avec ces peu- ples en altèrent singulièrement la langue vulgaire ; et, déjà corrompue, celle-ci dans quelques années présentera sans doute un grand nombre de nos dé- nominations introduites dans les îles où l'influence des voyageurs d'Europe est permanente. Dans tou- tes ces contrées on retrouve les noms communs de taro, pain ; tané, homme ; wahiné ou fafiné, femme ; molou, Île; malaou, hamecon; maté, mort, tuer (mot d’origine hébraïque); et tant d’autres qu’il scroit aussi fastidieux qu’inutile de rappeler ici. Pourquoi cette identité de noms et de coutumes se retrouve-t-elle de la Nouvelle-Zélande aux îles Relation de Mariner, par Martin, édit. orig., 2 vol. in-8o. Tahetian Grammar, publiée à Taïli en 4823 par les missionnaires. () Nous avions écrit ceci bien avant d’avoir connu l'opinion des missionnaires américains qui sont fixés davs plusieurs des îles océaniennes, et qui disent : «It » has been a theory, in which geographers and philolo- » gists have universally concurred, that the Malayan » and Polynesian languages were from the same stock, » or ratherthat the latter was only a braneh of the for- » mer. The investigations of the missionaries have » show this Theory Lo have no foundation in fact, and » that few languages are more diverse in their radical » principles. » La langue océantienne (les auteurs an- glois la nomment polynésienne), composée d’un si grand nombre de voyelles qu'il est rare que chaque mot ne soit pas terminé par une d'elles, leur paroît étre neuve, Curicuse , el spéciale : ils adoptent l'existence de cinq dialectes, qui sont le hawaïen, le taïtien, le marquisin, le nouveau-zélandois, et le tongatabou. (The North American Review, avril 1826.) HISTOIRE NATURELLE Sandwich, des Marquises à Rotouma, tandis que les insulaires de cette Jongue bande de terres presque noyées, connues sous la dénomination vague d’iles Carolines, parlent un autre langage, ont des mœurs différentes, un type autre ? C’est que les Océaniens, émigrés à une époque plus ancienne des rivages de l'Inde, habitèrent les premières terres hautes de l'Océanie ; et que les Carolins, venus plus tard et rameau isolé de la grande famille mongole, n’ont pris possession, en partant des mers de Chine, que des îles plus récentes sur l'Océan, qui les confinoit au sud-est. HIT. DES CAROLINS (rameau mongol-pélagien ). Si les faits abondent pour caractériser le rameau océanien, il n’en est pas de même pour isoler et décrire celui que nous nommons mongol-pélagien, qui, jusqu’à ce jour, avait été confondu avec le pre- mier. Les Carolins cependant diffèrent des Océa- niens par l’ensemble de leur organisation et deleurs babitudes ; et des rapports généraux servent à réu- nir les divers groupes de cette famille, qui s’estavan- cée de l’est à l’ouest jusqu’au cent soixante-douzième degré de longitude orientale et jusqu’à l'équateur, sans dépasser ces deux limites dans le Grand-Océan. A en juger par les figures et par les descriptions des voyageurs, on doit penser que ce rameau peu- ploit primitivement les iles Philippines, Mindanao, les Mariannes; qu’il s’est répandu de quelques unes des terres hautes des Carolines sur les longues chat- nes d’iles basses qui les entourent, et qu’il s’arrêta aux archipels de Radack, de Mulgrave et de Gil- bert, ou iles du Scarborough. Déjà, dans un paral- lèle des insulaires d’Oualan (!) avec ceux des îles Pelew, si bien décrits par Wilson (?), nous avons indiqué l'analogie parfaite qui existe entre ces deux peuples séparés par une distance de plus de cinq cents lieues; et nous savons par les récits du savant de Chamisso (:), et surtout par ceux de son ami Kadu , que ces peuples , navigateurs par excellence, se trouvent souvent transportés par les moussons des archipels de Lamursek , par exemple, jusqu’à Radack. Comme nous avons suivi avec notre cor- vette ces nombreuses bandelettes de terres décou- pées et à fleur d’eau en communiauant journellement avec leurs habitants, il nous a été faciie de les com- parer avec les autres insulaires de l’Océanie propre- meut dite. Ne doit-on pas être étonné que ces natu- {) Notice sur Oualan, par R.-P. Lesson. (Journal des Voyages, cahiers de mai et juin 4825.) (2) An account of the Pelews islands , by Gcorge Keate, Lond., 1803. (3) Remarks and Opinion of the naturalist of the eæpedition (von Chamisso). Tomes Het HI(AÀ Foy. of discov., by von Kotzebue). DE L'HOMME, 97 rels aient été confondus jusqu’à ce jour avec les Océaniens, dont les éloigne uné foule de caractères ? Aussi, en attribuant leur origine à la racemongole, nous obéissions à notreconviclion intime, lorsque des recherches subséquentes nous prouvèrent que cette idée n'étoit point neuve, et que déjà le père Char- les Le Gobien (1) l’avoit formellement exprimée dans le passage que nous citons textuellement (pag. 45 et suiv.): « On ne sait en quel temps ces îles (les » Mariannes ) ont été habitées, ni de quel pays ces » peuples tirent leur origine. Comme ils ont à peu > près les mêmes inclinations que les Japonois et les » mêmes idées de la noblesse, qui y est aussi fière et » aussi hautaine , quelques uns ont cru que ces in- » sulaires venoient du Japon, qui n’est éloigné de » ces îles que de six à sept journées. Les autres se » persuadent qu’ils sont sortis des Philippines etdes » Îles voisines, parceque la couleur de leur visage, » leur langue, leurs coutumes, et leur manière de » gouvernement, ont beaucoup de rapport avec cel- » les des Tagales , qui étoient les habitants des Phi- » lippines avant que les Espagnols s’en fussent ren- » dus les maitres. Il y a bien de l'apparence qu'ils » tirent leur origine et des uns et des autres, et que » ces iles se sont peuplées par quelque naufrage des » Japonois et des Tagales , qui y aurontété jetés par » la tempête. » Le même missionnaire, en parlant des Carolins qui abordèrent à Guam en 1626, ajoute ( pag. 40%) qu'ils approchoient par la ressemblance des habitants des Philippines, mais que leur lan- gage étoit différent. Nous ne pouvons nous dissimuler cependant la difficulté qu’il y a de grouper les habitants des di- verses chaînes depuisles îles Pelew jusqu'aux Mul- graves, par le peu de renseignements qu’on a sur ces iles. Les seuls guides qu’on puisse consulter pour cet objet sont Wilson, pour les îles de Palaos; de Chamisso, pour les Carolines, et surtout pour la chaîne de Radack : nos propres observations sur Oualan , et celles des premiers missionnaires sur l'ensemble de ces archipels (?). Quoique l’histoire de ces peuplades ait été un peu éclaircie dans ces derniers temps, ce que nous savons de leurs idées religieuses, de leurs coutumes fondamentales et du génie de leur langue, est encore si vague qu’il scroit au moins prématuré d'essayer d’en tracer un tableau définitif. Il paroîtroit , suivant le récit du père Cantova, () Histoire des iles Mariannes, nouvellement con- verties à la religion chrétienne, elc.; par le père Charles Le Gobien, de la compagnie de Jésus : seconde édition, in-12, Paris, 14701 (2) La relation historique du capitaine de Freycinet, dont les premières parties viennent d’être publiées, ren- fermera aussi de nombreux documents qui nousauroient été fort utiles, mais qui n’ont point encore vule jour. que des hommes de-diverses races, surtout des nè- gres , auroient de son temps existé parmi les Caro- lins. Aussi M. de Chamisso (Voyage de Kotzebue a t. ILE, pag. 120 ) pense que les Papous des contrées placées au sud ont abordé sur ces îles, s’y sont méz langés , et que des Européens , tels que Martin Lo- pez et ses compagnons , ont bien pu les fréquenter souvent dans le cours de leur navigation. Enfin ce savant ajoute : « La race de ces insulaires est la » même que celle qui peuple toutes les îles du » Grand-Océan; » manière de voir en opposition directe avec l’opinion que nous cherchons à faire prévaloir dans cet aperçu, mais qui nous démontre d'un autre côté qu’il ne voyoit parmi les habitants de toutes les Carolines aucune différence , et qu'il trouvoit dans la généralité de leurs habitudes phy- siques et morales la plus grande analogie. On peut reconnoître, dans la manière dont les iles Carolines ont été peuplées, deux migrations qui ont eu lieu à des temps divers et séparés. D'a- bord les terres hautes reçurent des colonies qui ne s'étendirent que successivement et plus tard sur les terres basses. Ces colonies sont certainement venues des côtes du Japon ou des archipels chinois ; car les vents y poussent fréquemment des navigateurs de ces mers : et dès 4648, pendant le séjour des pre- miers missionnaires espagnols à Guam, un Chinois nommé Choco s'ysfixa après y avoir été jeté par un naufrage. Les moussons régulières d’ailleurs, et les typhons des mers placées à l’occident, enlèvent souvent des insulaires des archipels de l’ouest, et les transportent sur les côtes des îles qui sont pla- cées à l'extrémité orientale du système entier de ces terres. De la nécessité de vivre sur des îles basses et comme noyées il résulte que les habitudes des Ca- rolins ont été entièrement dirigées vers la naviga- tion : aussi ces peuples y sont-ils habiles , et c’est avec le plus grand art qu’ils manœuvrent leurs pros élégants et légers; qu’ils se dirigent à l’aide des astres et de la boussole. Mais. quoique leurs connoissances pratiques soient tres etendues, beau- coup de ces insulaires, surpris par les ouragans qui règnent à certaine époque de l’année, périssent dans leurs voyages , ou voguent au hasard jusqu’à ce que leurs provisions soient épuisées, ou qu’ils trouvent un refuge sur quelque plateau de récifs que déjà la végétation a envahi, et dont ils devien- nent alors les premiers colons. En longeant les chaînes nombreuses des îles Ca- rolines jusqu'aux archipels de Marshall, nous n’a- perçûmes que de légères nuances dans la physio- nomie générale et les habitudes des insulaires de chaque groupe d'îles, qui, comparés les uns aux autres , présentoient tous les rapports les plus évi- dents. Lorsque dans notre traversée de la Nouvelle- Zélande à l’équateur nous eûmes laissé derrière 28 nous et par conséquent aussud l’île de Rotouma, où nous observâmes les derniers Océaniens, nous remontèmes au nord en suivant une ligne oblique sous les soixante-quatorzième et soixante-douzième méridiens. Après avoir atteint les îles du Grand- Cocal et Saint-Augustin, nous ne cessâämes plus en- suite d’avoir en vue les chaînes d’iles basses et à peine élevées au-dessus de la mer de Gilbert, de Marshall, de Mulgrave. Chaque jour nous commu- niquâmes avec les naturels qui les habitent, et dont la pauvreté nous attesta le peu de ressources de ces récifs, et combien l’industrie des habitants devoit suppléer aux privations diverses qui tour- mentent leur existence. Le 15 mai 4824 des pirogues que montoient des naturels de l'ile de Kingsmill, vue en 1799 par le Nautilus, vinrent communiquer avec la corvette la Coquille. Ces hommes étoient d’une taille assez éle- vée, quoique ayant des membres grêles ; la couleur de leur peau étoit d’un jaune cuivré assez foncé , et différoit par cette teinte du jaune-clair des Carolins de l’ouest. Leurs pirogues étoient faites sur le même modèle que les pros; mais le manque de bois de certaine dimension avoit nui à leur exécution. Ces insulaires portoient un poncho fabriqué avec des nattes, et nous avons retrouvé cet ajustement chez les Chiliens indigènes et chez les Araucanos d’A- mérique , comme chez tous les Garolins indistincte- ment ; sa forme caractéristique se reproduit dans le tipouta ou vêtement des chefs des Océaniens. Les jours suivants nous communiquâmes avec les “iles de Blaney, Dundas, Hopper, Woodle, Hall, Mulgrave, Bonham, etc. Leurs habitants nous présentèrent la plus grande ressemblance ; mais tous paroissoient plongés dans un état de misère que nous ne vimes point chez les Carolins orientaux. Leur corps, couvert de cicatrices, attestoit des hos- tilités fréquentes. Ils parloient avec une telle volu- bilité que nous ne pûmes saisir aucun mot de leur langue; mais, du reste, nous retrouvâmes dans la forme de leurs pirogues et dans leur tactique pour Jes évoluer, dans les instruments qu’ils nous mon- trèrent, les mêmes principes et la plus grande ana- logie. Plusieurs de ces insulaires étoient coiffés avec des chapeaux de forme chinoise faits avec des feuilles de vaquois, et tous portoient des ornements divers fabriqués le plus ordinairement avec des tests de coquilles. A mesure que nous nous avan- câmes à l’ouest, il nous sembla que la teinte foncée de la peau diminuoit d'intensité, et qu’elle affectoit une couleur jaune plus pure : ce qui pourroit tenir à ce que les uns sont sans cesse occupés sur les ré- cifs des lagons à la pêche qui les fait vivre, et que les autres habitent des îles basses sur lesquelles s’é- lèvent des forêts nourricières de cocotiers qui les ombragent. Nous continuâmes à longer l’ensemble HISTOIRE NATURELLE des îles que peuple le rameau mongol-pélagien ou les Carolins; et nous püûmes ainsi compléter nos idées sur les points de contact de tous ces insulaires, et puiser des documents dans nos communications journalières avec les naturels de Pénélap, de Taka, d’'Aouera; de Doublon ou Hogoulous, de Tama- tam, et de Sataouëlle. Voici le résultat de ce que nous avons vu, et ce que rapportent à ce sujet les voyageurs et les premiers Européens qui s’établi- rent aux Mariannes. Nous ne pourrions reconnoitre les anciens habi- tants des îles Mariannes dans ceux d’aujourd’hui, dont le sang est mêlé au sang espagnol. A plus forte raison il nous seroit fort difficile d'établir l’analogie qui peut exister entre eux et les Carolins, mainte- nant que des principes divers dus aux Européens et une nouvelle religion ont changé leur physionomie originelle. Nous sommes donc forcés de recourir aux auteurs qui les premiers les ont décrits lorsque leurs îles furent découvertes. Mais, il faut l'avouer, les lumières que nous en tirons sont un peu vagues ; et les religieux qui tracoient l’histoire de ces peu- ples préféroient s'étendre sur le nombre de leurs néophytes que sur leurs usages et leur physionomie. Cependant le père Le Gobien dit (pag. 46) ,en par- lant des Mariannois : « Ces insulaires sont basanés, » mais leur teint est d’un brun plus clair que » celui des habitants des Philippines. Ils sont » plus forts et plus robustes que les Européens. » Leur taille est haute, et leur corps est bien pro- » portionné. Quoiqu’ils se nourrissent de fruits et » de poissons, ils ont tant d’embonpoint qu'ils en » paroissent enflés : ce qui ne les empêche pas d’é- » tre souples et agiles. Ils vont nus. Les hommes se » rasent la chevelure, et ne conservent sur le haut » de la tête qu’une mèche, à la manière des Japo- » nois. Leur langue a les plus grands rapports avec » la tagale des Philippines. Ils ont des histoires et » une poésie qu’ils aiment beaucoup. Il y à trois » états parmi ce peuple : la noblesse, le peuple, et » une condition médiocre. La noblesse est d’une » fierté incroyable; elle tient le peuple dans un » abaissement extrême. Les chamorris, c’est ainsi » qu’on les nomme, ne veulent pas souffrir de més- » alliance d’un membre de leur ordre avec quel- » qu'un d’une autre classe. Les canots dont ils se » servent pour pêcher et pour aller d’une ile à l’au- » tre sont d’une légèreté surprenante, et la propreté » de ces petits vaisseaux ne déplairoit pas en Eu- » rope. Ils les calfatent avec une espèce de bitume » et de la chaux qu’ils détrempent dans de l'huile » de coco, etc. , etc. » Cette esquisse rapide est entièrement celle que nous pourrions tracer des naturels d’Oualan , placé au milieu des Carolines, où nous avons séjourné ; et la plupart des observations puisées dans cette DE L'HOMME. 29 ile Cïncident d’une manière étonnante avec celles que nous possédons sur les Carolins occidentaux ou les habitants de Pelew, d’après Wilson. M. de Cha- misso, à ce sujet, s'exprime ainsi : « Le peuple des » Mariannes, suivant le frère Juan de la Concep- » tion, ressemble aux Bisayas aussi bien par la » physionomie que par le langage, et n’en diffère » que par des nuances diverses. » En parlant des peuples qui habitent ce que ce savant voyageur a désigné par sa première province, M. de Chamisso nous fournit une excellente peinture du groupe en- tier des Carolines ; et nous ne concevons pas com- ment il se fait qu’il ait pu, au milieu des traits de rapport et d’analogie qu’il reconnoit dans cette fa- mille, ne pas distinguer combien elle s'éloigne des insulaires de l'Océanie proprement dite. « Nous pen- » sons, disoit-il, que ses dialectes sont moins sim- » ples que ceux de la Polynésie orientale; et nous » trouvons dans leurs habitants un ensemble de » nations qui sont diversement liées par les mêmes » arts et par les mêmes manières, par une grande » habileté dans la navigation et dans le commerce. » Ils forment des populations paisibles et douces » n’adorant aucune idole, vivant sans posséder d’a- » nimaux domestiques des bienfaits de la terre, et » seulement offrant à d’invisibles dieux les prémices » des fruits dont ils se nourrissent. Ils construisent » les pirogues les plus ingénieuses, et font des » voyages lointains à l’aide de leurs grandes con- » noissances des moussons, des courants et des » étoiles. Mais, malgré les rapports frappants de » ces diverses tribus, elles parlent plusieurs lan- » gues. » Ce premier examen nous démontre donc une ressemblance incontestable de ces insulaires entre eux : il ne nous reste plus qu’à en résumer les caractères généraux. La physionomie des Carolins qui composent no- tre rameau mongol-pélagien est agréable ; la taille des individus est communément moyenne; leurs formes sont bien faites et arrondies, mais petites : quel- ques chefs seuls nous ont paru d’une stature élevée. Leur chevelure est très noire, la barbe ordinaire- ment grêle et rare, quoique cependant divers natu- rels nous l’aient montrée épaisse, rude et touffue. Le front est étroit, les yeux sont manifestement obliques, et les dents très belles. Ils ont une cer- taine gravité dans le caractère, au milieu même de la gaieté des jeunes gens. Leur peau jaune citron est plus brune lorsqu'ils vivent sur les récifs non boisés , et beaucoup plus claire chez les chefs. Les femmes sont assez blanches, ont des formes pote- lées , et généralement grasses ; le visage est élargi transversalement, le nez un peu épaté. Leur taille est courte, et les filles nubiles l’ont souvent très bien faite. De même que tous les insulaires qui vivent sur les terres placées entre les tropiques, les Mongols- Pélagiens ne portent pour tout vêtement qu’une étroite bande d’étoffe qui leur ceint le corps, ou parfois ils jettent sur les épaules deux morceaux de nattes tissées cousues aux deux bouts, mais non au milieu où ils passent la tête : ce qui constitue le véritable poncho des Araucanos ; et nous dirons en passant , d’ailleurs, que d’autres traits de ressem- blance ont même fait présumer à quelques auteurs que les peuples du Chili dont nous parlons déri- voient de la même source. On sait du reste que plu- sieurs savants s'accordent à dire que des Mongols ont également peuplé une grande portion de l’A- mérique (1). Quoi qu’il en soit, une autre partie de leur ajustement, dont on ne suspectera pas l’ori- gine, est le chapeau, de forme entièrement chi- noise , fait de feuilles de pandanus, dont ces insu- laires se servent pour se garantir de la pluie ou de l’action du soleil : nous le remarquâmes particuliè- rement chez les habitants de l’ile de Sataouëlle (Tucker de Wilson), d'Hogoulous ou Doublon, d'Aouerra, etc. ; et à Oualan un chapeau chinois fait de coquilles enfilées, artistement travaillé, sert à distinguer les pirogues des chefs. Cependant nous retrouvâmes aussi cette forme de chapeau chez les Papous de la Nouvelle-Guinée ; et ceux-ci ont dû la recevoir des marchands chinois, qui étoient dans l'habitude de trafiquer sur ces côtes il n’y a pas en- core un demi-siècle. Nous regardons comme une industrie essentielle- ment propre à ce rameau la confection des étoffes. Tous les Océaniens emploient pour leur fabrication des écorces battues et amincies sous forme de papier ; les Carolins au contraire se servent d’un petit mé- ticr, seul débris des arts de leurs pères, pour assem - bler les fils et composer une toile par un procédé et par des instruments parfaitement analogues à ceux dont se servent les Européens. On ne peut, en voyant ces tissus formés de fils soyeux de bananier () I faut avouer que parmi toutes les opinions émises sur les émigrations des Mongols en Amérique plusieurs sont appuyées par des observations sijudicieuses qu'on ne peut se refuser à admettre un tel rapprochement. Par exemple M. Auguste de Saint-Hilaire, dans l'aperçu qu'il a donné de son voyage dans l’intérieur du Brésil (Annales du Muséum, t. IX , 1823), fait cette remar- que : «Les Botocudos, souvent presque blancs, res- » semblent plus encore à la race mongole que les au- » tres Indiens. Quand le jeune homme de cette nation » qui m'a accompagné vit des Chinois à Rio-Janeiro, il » les appela ses oncles; et le chant de ce dernier peu- » ple n’estréellement que celui des Botocudos extrême- » menti radouci. » On trouve aussi une grande similitude dans les coutumes ; et c'est ainsi que les Botocudos, comme les Carolins, se percent les oreilles et la lèvre inférieure pour y placer des bâtonnets, dont ils aug- mentent chaque jour le diamètre de maniére à donner à ces parties une extrémedilatation, ete. , etc. 30 teints en jaune, en noir, ou en rouge, entrelacés sur un métier élégant, ornés de dessins qui annon- cent du goût , que faire remonter la source d’un art ainsi perfectionné à une race plus anciennement ci- vilisée et depuis long-temps établie en corps de nation. Pourquoi d'ailleurs les Carolins n’ont-ils jamais eu recours à l'écorce de l'arbre à pain si com- mune sur la plupart de leurs iles , et qu’ils n’avoient qu’à battre avec un maillet pour la convertir en étoffe ? Cela tient à ce qu’ils ont retenu par la tradi- tion les principes d’un arttrès perfectionné dans leur patrie primitive, et que leur industrie a su en con- server l’usage pour confectionner les seuls ajuste- ments réclamés par le climat qu’ils habitent. Le tatouage, diversement nommé suivant les îles, nous paroît aussi particulier à ces peuples; et, quoique nous n’y attachions pas une grande impor- tance, nous le trouvons cependant partout à peu près identique par sa distribution générale, c'est-à- dire qu'il est placé par larges masses sur le corps, et que chez divers insulaires il couvre le tronc en entier en formant ainsi une sorte de vêtement indé- lébile, mais arbitraire par les détails. Le genre de vie des Carolins, chez ceux dont les habitudes sont bien connues, diffère peu de celui des Océaniens. Ce sont les mêmes productions qui ser- vent aux mêmes usages ; et sur les iles les plus fer- tiles le fruit à pain , à châtaignes ( A. incisa , var. à semences), le cocotier, le taro et la pêche, en font tous les frais. Seulement ceux qui vivent sur lesil:s basses, où leurs moyens d'existence sont très res- treints, sont obligés de recourir parfois aux fruits demi-ligneux du pandanus. Partout existe la méthode de cuire les aliments dans des fours souterrains, de composer des bouillies avec les bananes, la pulpe du rima et le coco. Enfin nous retrouvämes à Oualan l'usage de boire de l’ava après le repas; inais cette boisson, nommée schiaku (1), au lieu d’être faite avec les racines du poivrier, comme chez les Ccéaniens, est obtenue des feuilles, qu’on broïe avec une mo- lette en pierre dans des vases en bois. Il paroït que les fibres qu'ils retirent d’un musa, analogue au musa textilis des Philippines, qui four- nit l’abaca, étoient obtenues des Mariannois, de la même espèce de bananier, sous le nom de balibago, et que tous faisoient des étoffes et s’en servoient. Les habitants de Peltw et les Mariannois étoient nus, d’après M. de Chamisso (?) et le père Le Gobien ; () Les Chiliens et les Péruviens ont conservé l'usage de composer des breuvages enivrants avec le schinus molle et le maïs, qu'ils appellent xava et schiaka : c’est ainsi que nous les avons toujours entendu nommer. Or quelle singulière analogie dans l'usage de ces liqueurs et dans leur nom ! (2) &A piece of banana stuff, worn almost like the » maro of Owhyce and Otahéite, is the usual dress, and HISTOIRE NATURELLE mais ils savoient également confectionner ces étofes, puisqu'on litdansson Histoire des Mariannes (p. ü8) cette, phrase remarquable : « Les femmes marian- » noises ajoutent à toutes ces parures de certains » tissus de racines d’arbres, dont elles s’habillent les » jours de fête; ce qui les défigure fort. » Les ornements que ces divers insulaires recher- chent , quoique variables de leur nature, sont assez caractéristiques pour ces peuples. Ainsi tous pré- sentent un goût décidé pour entrelacer des fleurs rou- ges d’ixora dans lescheveux, ou des feuilles odoran- tes, et des spadices d’arum dans les oreilles : ces parties ont toujours le lobe fendu d’une manière démesurée ; et depuis les îles de Palaos jusqu’à la chaîne de Radack on observe la coutume presque générale de placer dans cet organe, graduellement, des morceaux arrondis d’un bois léger peinten jauue avec le curcuma, et dont on augmente sans cesse le diamètre. Mais cette méthode, ainsi que celle de se couvrir d'habitude la lèvre inférieure avecune valve de coquille, se représente avec la plus grande simi- litude sur les îles du nord de l’océan Pacifique, et même sur la côte nord-ouest, là où le rameau mon- gol est reconnu par tous les voyageurs. Il en est de même des chapelets de petites coquilles dont ils se serrent le ventre, etdes ornements de testacés dont ils se font des colliers. Certains Carolins se servent de bracelets faits avec des portions de coquilles ou d’os polis et imitant l’ivoire. Ce dernier usage est essentiellement propre aux peuples de race noire qui habitent la terre des Papous, la Nouvelle-Ir- lande et les Hébrides ; et nous avons déjà dit que le père Contova indiquoit une fusion de quelques icsulaires nègres au milieu de plusieurs îles Carolines. La manière dont les Carolins construisent leurs maisons diffère notablement de celle des Océaniens. C'est un système d'architecture qui tient à d’autres idées ; et le soin qui préside à leur arrangement, les peintures diverses qui les ornent, leur forme sin- gulière, mais remarquablement appropriée au cli- mat, mériteroient des détails descriptifs complets, si cela ne nous étoit pas interdit dans le cadre étroit que nous avons dû nous tracer. Tous ces peuples ont de grandes maisons communales pour traiter des affaires en public ou pour préparer leurs repas. La construction des pirogues des Carolins est depuis long-temps célèbre; elle ne ressemble en rien à celle des Océaniens. Iei on ne peut sedispen- ser de reconnoître des insulaires essentiellement navigateurs, observateurs exacts du cours des astres, possédant une sorte de koussole, instrument que l’on sait exister depuis long-temps en Chine et au » only at Pelli the men are entirely naked, as was also » formerly the case in theMariana islands.»(Ckamisso’s Obs. , t. LIT, pag. 191 de l'édition angloise.) DE L'HOMME. 31 Japon, quoique les habitants de ce pays soient loin d’être pate Je d’habiles marins. Si tous les Ca- rolins évoluent avec facilité leurs pros gracieux ; si leur construction montre un talent d’exécation bien supérieur à l’imperfection des instruments qu'ils + + on est cependant étonné de voir quelques uns d'éntre eux , tels que les Oualanois, ignorer l’art de les manœuvrer, et ne pas connoitre l’usage des voiles et des mâts. Mais, à part cette exception remarquable , les pirogues, toujours à un seul ba- lancier, sont faites avec ce soin, ce fini , qui rendent leurs formes aussi gracieuses que leur coupe est svelte. Elles sont peintes en rouge, frottées avec quelques substances qui leur donnent l'aspect d’un ouvrage vernissé; et, par cela déjà , on peut remon- ter aisément à la source d’un art qui est encore poussé au plus haut degré de perfection chez les Mongols des mers de Chine. La marche des pros des Carolins est remarquable, quoiqu’elle soit loin de légitimer ce qu'en ont dit quelques navigateurs , et surtout Anson ; elle est de cinq à six nœuds au plus. Mais avec quelle adresse on fait changer indistinctement à ces pirogues l’avant en arrière, par un simple ren- versement de la voile! et ces fragiles embarcations conservent toutes un genre de construction qui ne varie dans aucune île, et que nous cûmes occasion de voir sur la plupart de ces longues chaînes d’ar- chipels. Cependant, à mesure qu’on avance dans l'est, la pénurie des matériaux se fait remarquer ; et déjà les pros sont moins soignés , el se ressentent du manque de bois dont ces iles à fleur d’eau sont privées. Toutefois Ie même esprit a présidé à leur forme générale ; et tels s’offrirent à nous ceux des archipels Gilbert et Mulgrave. Les pros des Marian- nois ne difléroient point de ceux que nous décrivons ici et ce n’est qu'après la sanglante conquête de leurs îles par les Espagnols qu'ils négligèrent leur architecture maritime (!). Mais tel est le goût du rameau mongol-pélagien pour la navigationque, si chez les Océaniens un chef est renommé par son courage ou par son habileté comme guerrier, chez les Carolins il n’a de réputation qu’autant qu’il est le plus habile pilote, et qu’il connoît le mieux le cours des astres, les phases des saisons, et les vents régnants. Enfin peu d’insulaires font de plus longs trajets dans de frêles pirogues que ceux qui nous occupent. Leurs voyages annuels à Waghal (Guam) pour y chercher du loulou (fer) n’en fourniroient encore qu’une preuve secondaire, si M. de Cha- misso, en traçant les aventures du Carolin Kadu, ne nous en donnoit un témoignage devenu histori- (r) On a long-temps adopté sans examen l'idée ridi- cule que les missionnaires avoient émise, que les Ma- riannois ne connoissoient point le feu, et qu'ils le prenoient pour un animal qui mordoit ceux qui l’ap- prochoien! de trop prés, que. En remontant à des considérations plus élevées, nous trouvons chez ce peuple, comme chez les Océa- niens , une noblesse héréditaire, des classes moyen- nes, et des serfs avilis. Fière de ses prérogatives, la classe privilégiée, soit qu’elle se nomme urosse, tamole, rupack, etc., tient dans une soumission servile le peuple qu’elle regarde comme façonné pour lui obéir : elle possède seule les terres et même les individus; et, quoique n’ayant aucune marque disticetive, elle jouit d’une autorité d'autant plus forte que la basse classe se croit seulement faite pour obéir à ses volontés. Leur croyance rekgieuse, peu connue, semble n'avoir de culte pour aucun objet extérieur (1). Point de cabane servant de temple, point d’idoles. Que de traits propres à isoler ces peuples! Mais, de même que les Ccéaniens, ils possèdent le dogme conso- lant d’une autre vie; et si les premiers placent les dépouilles de leurs proches sur les moraïs, les Ca- rolins, en général, leur élèvent des abris de chaume au milieu des bois ou des plantations de cannes à sucre. Ce n’est pas sans étonnement qu’on ne voit chez ces peuples nulle trace extérieure de l’idolâtrie qui règne chez tous les autres rameaux épars dans les mers du sud. ; Adonnés à la guerre, parce que l’homme y est naturellement porté, les Carolins ont aussi conservé ou su faire un grand nombre d'instruments de des- truction. Cependant nous ne les trouvons pas en possession de l’are et des flèches , réservés à la race nègre, ni du casse-tête, ni des longues javelines, plus particulièrement usités chez les Océaniens. Des frondes, des pierres, des bâtons pointus et garnis d’os et d’épines de poissons , des haches de coquil- les, voilà les armes les plus habituelles , et celles dont ils se servent plus généralement. Les Carolins ne suivent pas l’usage infâme des Océaniens de prostituer leurs filles , ou les esclaves enlevées à leurs familles. Jaloux de leurs épouses, ils paroissent scrupuleux de conserver intacte la fidélité conjugale, et redoutent le commerce de leurs femmes avec les étrangers. La polygamie semble exclusivement réservée aux chefs. Quant à leur caractère, il paroît enjoué et bienveillant. Leur abord est plein de douceur : mais cette race tient de ses pères l’art de dissimuler avec adresse ; et tel est le tableau que Le Gobien en traça en 1704 : « Ces » insulaires en usèrent d’abord avec droiture et » bonne foi; mais bientôt les Espagnols s’aperçu- » rent qu'ils avoient affaire à une nation fourbe et » artificieuse, contre laquelle il falloit toujours » être en garde pour ne pas être trompé. Ils con- () «Au reste les Mariannoiïs ne reconnoissent aucune » divinité, et avant qu'on leur eût préché l'Evangile ils » n’avoient pas la moindre idée de religion: ils étoient » sans temples , sans autels, etc. » (Le Gobien, p. 64.) 32 HISTOIRE NATURELLE » servent profondément dans leur cœur le souve- » nir des injures qu’ils ont recues ; etils sont telle- » ment maîtres de leurs sentiments qu’ils attendent » plusieurs années l'instant de la vengeance. » Ici nous n’adopterons pas sans examen le caractère que leur donne un Père trompé par son zèle sans doute, et qui n’apprécie point assez ce que ce peuple in- fortuné avoit à endurer d’une nation européenne qui en opéroit la conversion au christianisme avec le fer et le feu. Les Carolins, avec lesquels nous eûmes de fréquentes communications, montrèrent constamment de la bonne foi dans leurs échanges , de la franchise dans leurs manières, de la gaieté, et un certain abandon qui indiqueroit de la droi- ture, à moins que cela ne fût produit par l’appareil d’une force imposante, qui les porta à n’avoir avec nous que des relations franclrement amicales. La musique des Mongols-Pélagiens, comme celle de tous les peuples dans l’enfance d’une demi-civi- lisation , est grave, peu mélodieuse, parfois mêlée de notes entrecoupées et lentes. Elle est destinée le plus souvent à servir d'accompagnement à leur danse, qui est caractéristique, et qui diflère beau- coup de celle des vrais Océaniens. L’'instrument dont ils se servent est le tam-tam, qu'on trouve gé- néralement répandu chez la plupart des peuples orientaux et africains, de races nègre et jaune. Celle poésie, qu’on retrouve chez tous les Carolins, dont les idées sont demeurées stationnaires, ne prouve- t-elle point que, découlant d’une source antique, et quoique brute et sauvage, elle peut encore ré- veiller dans leur âme des émotions agréables et des souvenirs historiques ? que chez ces hommes isolés dans un cercle étroit, elle suffit pour embellir les longues journées , qui s’écouleroient sans elle dans une complète inertie ? La langue de ces peuples semble varier à l'infini et presque dans chaque île. Cependant , malgré la différence de l’orthographe usitée par les collecteurs divers des mots employés par ces insulaires, on reconnoit le même génie, et, comme le dit fort bien M. de Chamisso, des sortes de régles pius compliquées que chez les vrais Océaniens. A notre avis les langues, lorsqu'elles se rapprochent évi- demment, peuvent offrir de bons caractères, lors- qu’ils s’adaptent surtout à l’ensemble de ceux qu’on peut tirer des habitudes et de la conformation ; mais on ne peut jamais y attacher une valeur absolue. Où en scroit-on, en effet, s’il falloit grouper divers peu- ples de la France, en écrivant des noms tels qu’on les entendroit prononcer ? et à quelle race rapporte- roit-on alors les habitants de telle ou telle province? Cependant quelques rapprochements existent dans la langue des Carolins. Çà et là on retrouve les ja- Jlons de communications. Ainsi la numération dé- cimale est seule usitée, et, quoique les noms de nombre varient, le système arithmétique est le même. À Oualan comme à l’ile d'Hogoulous les dénominations numériques sont très'arbitraires, et doivent tenir ou à des migrationsdiverses, ou à des dialectes corrompus, que nous ignorons Ainsi le mot un, chez ces peuples, se dit sha à Oualan (Nob.), duon à Radack ( Chamisso) , eoth éa , rep à Eap, hatjijai en chamorien, sa à Pénélap (Nob.), yote à Doublon ou Hogoulous (Nob.), tong aux Pelew ( Wilson), usa (Bisaya), isa (Pampan- go, Chamisso), ysa (Tagale), ete. Le mot cinq offre beaucoup plus d’analogie, et il présente la plus grande ressemblance dans presque toutes les lan- gues de la mer du Sud , quels que soient les peuples qui l’emploient; il se dit, comme en malais, lima, lime. D'un autre côté, le mot iamole, pour désigner un ehef, est généralement usité dans les Carolines. Il en est de même du mot ik, poisson , qui semble dériver du malais ikan, etc. Nous terminerons ce tableau par une seule ré- flexion. Les peuples du rameau mongol-pélagien n’avoient point le cochon ni le chien sur leurs îles avant l’arrivée des Européens; et MM. Quoy et Gaimard nous apprennent que ce dernier est lui- même étranger aux îles Mariannes , comme l’indi- que son nom de galagou, qui veut dire animal venu par la mer. IV. DES PAPOUAS OU PAPOUS (1). Sous le nom de Papous, on connoît, en France, des peuples dont la couleur noire varie en intensité, et dont la chevelure n’est point lisse de sa nature, mais n’est pas laineuse non plus. Ces hommes, qu’on sait habiter le littoral des îles de Waigoui (?), de Sallawaty, de Gammen et de Battenta, et toute la partie nord de la Nouvelle-Guinée, depuis la () Mémoire lu à la Société d'histoire naturelle de Paris , dans la séance du 23 juin 1826. «Les peuples dont la peau est noirâtre et la cheve- lure tantôt lisse, tantôt laineuse, et qui vivent sur les grandes terres montagneuses siluées entre l'Asie el la Nouvelle-Hollande, ont été jusqu'à ce jour fort peu étu- diés. Il est même difficile de se former une idée exacte des dénominations qui leur ont été appliquées. Aussi, dans cel essai, nous présenterons seulement un résumé très succinct des observalions que nous avons pu re- cucillir pendant le séjour de la corvette la Coquille au milieu de ces archipels. On doit d’ailleurs espérer que l'expédition de L'Astrolabe, qui explore actuellement ce système d'îles ,jettera la plus vive lumiére sur ce sujet en rassemblant les faits nécessaires pour fixer ir- révocablement l'opinion des savants sur une matière qui intéresse si particulièrement l'histoire de l'homme.» (2,Le nom de Waigiou est écrit différemment par les François et par les Anglois. Nous avons toujours en- tendu les naturels appeler Ouaighiou la partie nord de l'ile, et Ouarido la partie sud, DE L'HOMME. 39 pointe Sabelo jusqu’au cap de Dory, ont été parfai- ment décrits par MM. Quoy et Gaimard (1), qui les premiers ont démontré qu’ils constituoient une es- pèce hybride, provenant, sans aucun doute, des Papouas et des Malais qui se sont établis sur ces terres et qui y forment à peu près la masse de la population. Ces Négro- Malais ont emprunté à ces deux races les habitudes qui les distinguent ; et c’est ainsi que plusieurs ont embrassé le mahomé- tisme , et que d’autres ont conservé des Papouas le fétichisme et la manière de vivre. Un grand nom- bre des mots de la langue de cette variété humaine sont tirés du malais, et notamment celui de rajah, qui sert à désigner les chefs. Ces insulaires forment donc une sorte de peuple métis (?), placé naturelle- ment sur les frontières des îles Malaises et des ter- res des Papouas, et sur le littoral d'un petit nombre d’iles agglomérées sous l'équateur , et au milieu desquelles s’introduisent sans interruption des Ma- lais de Tidor et de Ternate, et des Papouas de la Nouvelle-Guinée, et même quelques Alfourous des montagnes de l’intérieur. Presque toujours l’au- torité, peu influente d’ailleurs, se trouve reposer dans les mains des Malais, qui exploitent encore le commerce par (changes, et surtout la vente des es-- claves pris à la guerre. La masse de ces Papous hy- brides présente des hommes d’une constitution grêle et peu vigoureuse. La teinte de leur peau est très claire; mais le plus souvent elle est recouverte de cette lèpre furfuracée si abondamment répandue sur les peuples de race noire de la mer du Sud Leurs traits ont une certaine délicatesse ; leur taille est le plus ordinairement petite; l'abdomen est très proéminent, et leur caractère est timide. Tout en eux indique la funeste influence de leur genre de vie et de leur habitation. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces peuplades que visitèrent d'Entrecasteaux , de Ros- sel, La Billardière, de Freycinet, Quoy et Gaimard, (‘) Observations sur la constitution physique des Pa- pous. {Zoologie du Voyage de l'Uranie, pag. { à 11.) (2) La relalion de Jacob Le Maire (Miroir Oost et West Indical, Amst., 4621, in-4o oblong , pag. 164) prouve que déjà ces Papous hybrides n’avoient point échappé aux observations des premiers navigateurs. Il y est dit : « Vindrent aussi quelques negrez qui nous » amenerent vivres. Ils avoyent aussi une monstre » de porcelaine chinese; c’estoient une autre sorte de » gens que les precedens { ceux de la Nouvelle-Guinée), » de couleur plus jaulne ; quelques uns portoyent des » cheveux longs, d’autres courts, et usoyent aussi » d’arcxs etflesches , etc. » En 1699 Dampier ( Voyage aux terres australes ct à la Nouvelle-Hollande, t. IV, pag. 67, 1714) décri- vit également ces Papous hybrides , et les détails qu'il en donne portent le cachet de son exactilude ordi- paire. LL et qu’il nous suffisoit de distinguer des peuples à cheveux crépus (crispd toitilique coma des Latins), auxquels nous conservons le nom indigène de Pa- poua (1), usité à la Nouvelle-Guinée, où ils sont ré- pandus sur les côtes, de même que sur les grandes îles faisant partie de ce qu’on nomme terre des P«- pous, Enfin nous retrouverons les Papouas peuplant les îles jusqu’à ce jour peu connues de la Louisiade, de la Nouvelle-Bretagne, de la Nouvelle-Irlande , de Bouka, de Santa-Crux (?), et de Salomon (3), etc. Les Papouas qui doivent nous occuper ont la plus grande ressemblarce avec les nègres Cafro-Madé- casses (4) ; et cette analogie se retrouve encore dans plusieurs de leurs habitudes et de leurs traditions, de même que dans leur constitution physique, Ils paroissent provenir d'une migration postérieure à celle des Ccéaniens, migration qui s’est arrêtée sur le contour des chaînes de la Polynésie, n’a envahi que le littoral de la Nouvelle-Guinée, et s’est ré- pandue sur les îles de la Nouvelle-Bretagne, de la Nouvelle-Irlande, de Bouka, de Bougainville, de l’Amirauté, de Salomon, de Santa-Crux , de la Tierra australe del Espiritu-Santo, et de la Nou- velle-Calédonie ($#). Les habitants de la Nouvelle- Guinée se désignent par le nom de Papouas, en réservant la dénomination d’Endaménes aux nègres à cheveux droits et rudes de l’intérieur : ils n’ont point passé le détroit de Torrès ; tandis que les En- damênes ou Alfourous (nègres australiens) parois- sent s'être répartis très anciennement en peuplades misérables, éparses et peu nombreuses, sur le sol maigre et stérile de la Nouvelle- Hollande. On ne peut, par suite, concevoir la manière dont la terre de Diémen a été peuplée qu’en adoptant l’idée que les nègres à chevelure laineuse s’y sont introduits par le groupe des Hébrides et de la Nouvelle-Calé- donie. Ainsi donc la portion centrale de ia Nouvelle- Guinée est habitée par des nègres Alfourous qui (r) « Du mot indigène pua-pua, qui veut dire brun » foncé. » (Marchal, Histoire de Java, pag. 4.) (2) «Les naturels de l’île de Santa-Crux sont noirs » comme les nègres d'Afrique. Tous ont les cheveux » laineux, et les teignent de différentes couleurs, etc.» (Second Voyage de Nengdana; Fleurieu, Décou- vertes des François, pag. 26.) (3) « Les peuples qui habitent ces terres sont en gé- » néral de l’espéce des nègres ; ils ont les cheveux lai- » neux et noirs, le nez épaléet de grosses lèvres, elc. » (Surville , Découvertes des François, pag 95.) (4) Ce rapprochement avoit déjà été fait il y a un sié- cle; ila élé combattu par M. Crawfurd, dont les rai- sonnements en cette circonstance ne sont appuyés sur aucun renseignement positif. (5) « Les naturels des îles Tatée paroissent être de la » même race que les Papous.lIls ont la tête laineuse, la » peau d’un noir de jais,et tous les traits des nègres » d'Afrique, » (Méares, Voyages, t. 1, pag. 357.) B] 34 en sont les aborigènes, et que les Papouas du havre de Doréry nomment Enduménes. Ces peuplades sont toujours en guerre les unes avec les autres, et n’ont point d'autres communications que celles qu’amène un état perpétuel d’hostilités. Les nègres, au contraire, qui sont établis sur les côtes, se distin- guent entre eux par la dénomination d’Arfañis ou de montagnards ,; et de Papouas ou Ge riverains. Ces derniers vivent par tribus éparses et isolées dans un état continuel de défiance ct d'inquiétude. Leurs villages, placés sur l’eau et sur des pieux, se composent d'un petit nombre de cabanes gouver- nées par l'autorité de chefs âgés. Leur taille est assez communément médiocre, quoiqu’on observe parmi eux de forts beaux hommes. Leurs membres sont ordinairement proportionnés avec régularité, et souvent leurs formes sont robustes et athlétiques. La couleur de leur peau est d’un noir mêlé d’un huitième de jaune; ce qui lui donne une teinte assez claire dont l'intensité varie. Leur chevelure est noire, très épaisse , médiocrement laineuse : ils ont l'habitude de la porter ébouriffée d’une manière fort remarquable , ou de la laisser retom- ber sur le cou en mèches longues et très flexueu- ses. Le visage est assez régulier dans l’ensemble des traits, quoique le nez soit un peu épaté, et que les narines soient élargies transversalement. Le menton est petit ct bien fait; les pommettes sont assez saillantes, le front est élevé, les sourcils sont épais et longs. La barbe est rare; mais quelques naturels la conservent au-dessus de la lèvre supé- rieure et au-dessus du menton, à l'imitation de plusieurs peuples africains. La physionomie des Pa- pouas réfléchit aisément les sensations qui les ani- ment et qui naissent de la défiance , du soupçon et de toutes les passions les plus lhaineuses : et l’on observe chez presque tous les peuples de race noi- râtre une prédominance marquée des facultés pure- ment inslinctives (1) sur celles de l'intelligence. Les femmes, qui partout l’emportent sur l’homme par Ja délicatesse de l’organisation , sont communément Jaides. Cependant nous vimes à la Nouvelle-Gui- née quelques filles nubiles très bien faites, et dont les traits réguliers et doux étoient remarquables. () Plus les hommes sont loin de l'état de civilisation, plus leur intelligence instinctive est développée : les sens Sont plus parfaits que chez l’'Européen. Aussi le Papoua a-t-il la vue perçante et l’ouïe trés fine. Mais comme son unique occupation est de satisfaire son appétit vorace , que cette fonction absorbe toutes les autres facultés, ou qu’elles ne sont développées que dans ce seul but, il a reçu des muscles masseter et temporaux d'une grande force. C’est ainsi que nous re- marçquâmes sur plusieurs crânes des crêtes nombreuses hérissant loute la partie antéricure de la fosse tempo- rale pour donner aux fibres du crotaphyte des points d'altache plus puissants. HISTOIRE NATURELLE Faconné pour la servitude et l’obéissance ce sexe, chez les Papouas, comme chez certains nègres d’A- frique, doit vaquer aux travaux Îles plus rudes que dédaigne de partager un maitre inflexible et des- pote. Ainsi les Papouas se sont propagés sur les îles de Pouka, de Bougainville, de la Nouvelle-Bretagne et de la Nouvelle-Irlande. Si l’on en juge par la description des voyageurs les plus exacts, ils se seroient également établis sur les îles de Santa-Crux et des Arsacides, des Hébrides (1) et de la Nouvelle- Calédonie ; ils auroient envoyé des colonies sur les iles des Navigateurs et des Fidjis (?), el y auroient donné naissance à la variété hybride ou négro- océanienne qu’on y connoit. Les naturels de Bouka , avec lesquels nous com- muniquâmes, avoient une taille moyenne. Ils pré- sentoient absolument tous les caractères et toutes les habitudes des Papouas, et portoient comme eux leur chevelure demi-laineuse , longue et ébouriffée. Les habitants de Port-Praslin à la Nouvelle-frlande, ceux de l'ile d’York dans je canal Saint-George, ne différoient point de ceux-ci : seulement il y avoit parmi eux un plus grand nombre d'hommes grands et robustes. Mais plusieurs individus, dans le nombre, étoient remarquables par la teinte peu foncée de leur peau; ce qui les rapprochoit de la couleur jaune foiblement bronzée des Océaniens. La figure des vieillards de ces diverses peuplades étoit généralement calme, sereine et impassible. Cependant nous observämnes des changements assez brusques dans le jeu de leur physionomie. A la fausseté, aux regards perfides des uns, étoient opposés la défiance et les soupçons desautres, la bon- homie ou la confiance d’un petit nombre. Ces peu- ples ne hérissent point leur chevelure comme cer- tains Papouas; car cette mode n’est suivie que par quelques tribus. (") Consultez les excellents détails fournis par Forster ser les naturels de l'île de Mallicolo, qui semblent con- slituer une varièlé. (Second Voyage de Cook, t, IH, pag. 59 ,el t, V, pag. 220.) () Suivant M. Mariner (t. 1, pag. 346), les habitants des Fidjis ont les cheveux crépus et de la nature dela laine. Ils les poudrent avec des cendres, et les frisent avec le plus grand soin, de manière qu'ils ressemblent à uneimmense perruque. Is portent des bracelets d'é- corce et de coquilles autour des bras, et sont presque nus. Plus loin il ajoute, après avoir séjourné au milieu d'eux(t. I, pag. 135) : « Les naturels de ces Îles pa- roissent être une race fort inférieure à celle de Tonga, et approcher davantage de la conformation des nègres. La langue est dure,et emploie plus souvent la consonner. C'est au point que, quoique les îles Fidjis soient trés voisines des îles de Tonga , le langage différe bien plus entre ces deux archipels que celui de Tonga , par exemple, avec les Sandwich, qui en sont séparées par une distance neuffois plus considérable, » æ DE L'HOMME. Si nous examinons enfin la conformation physi- que des habitants de la grande ile de Madagascar, connus sous les noms de Âadécasses proprement dits (‘), nous trouverons, au milieu des trois ou quatre variétés humaines qui habitent celte grande île , des nègres dont les membres sont proportion- nés avec régularité, et souvent dessinés avec vigueur. Ces Madécasses ont une taille bien prise, et parmi eux on observe un très grand nombre de beaux hommes. Leur chevelure, médiocrement laineuse, est nouée sur l’occiput par gros flocons ; la peau est de couleur brune, mêlée de jaune; le nez est légè- rement épaté, la bouche grande ; en un mot l’en- semble de leurs traits, qui est régulier, serviroit en grande partie à tracer le portrait d’un ‘apoua de Doréry, de Birare ( Nouvelle- Hretayne de Dampier), de la Nouvelle-Irlande ou de Bouka (?). Il nous reste à généraliser les habitudes de cette grande famille. Les Papouas vont nus. Jamais nous ne vimes les habitants des iles Bouka , de la Nouvelle-Bretagne et de Port-Praslin, cacher par le moindre voile les organes sexuels. Les naturels de Doréry, ainsi que les Papous hybrides, sont les seuls qui fassent exception à cette coutume ; et bien qu’ils ne sachent point faire des tissus , ni convertir les écorces d’ar- bres en étoffes, ils emploient comme ceinture des sortes de toiles naturelles et grossières qu’ils reti- rent des enveloppes florales du cocotier ou des gaines membraneuses des feuilles du bananier. Les tribus qui vivent sur les côtes de la partie nord de la Nouvelle-Guinée, ayant chaque jour des communi- cations avec les Malais, et surtout avec les Guébéens, en reçoivent en échange d'oiseaux de paradis, d'écaille de tortue, ou par la vente des esclaves, des toiles de coton teintes en bleu ou en rouge, et qui sont destinées aux femmes. Ils ont aussi adopté l’usage de chapeaux larges et pointus, faits à la chinoise avec des feuilles de pandanus , cousues et disposées très ingénieusement. Mais un goût com- mun à tous les peuples de race noire est celui de se couvrir les épaules et la poitrine d’incisions éle- vées et mamelonnées , disposées en lignes courbes ou droites, mais toujours régulières ; et cette mode, qui sert à distinguer les diverses tribus nègres de l'intérieur de l’Afrique , est pratiquée par presque tous les habitants de Madagascar, et par tous les naturels de couleur noire répandus dans l’ouest de {) Consultez Flacourt, Histoire de Madagascar , 1 vol. in-4°,et Rochon, Voyage à Madagascar , 1 vol. in-8o, pag. 15. (2) « Parmi les habitants de la Louisiade qui vinrent » en pirogue le long de nos navires, et dont la cheve- » lure étoit laineuse et la peau olivâtre, j'en remarquai »un aussi noir que les nègres de Mozambique , avec » lesquels je lui trouvai beaucoup de rapport. » ( La Bil- lardière , Foyage, t. 11, pag. 276, in-4o.) 39 la mer du Sud, et aus:i bien sur la terre de Dié- men que dans l'Australie. La chevelure de ces peuples est en général très frisée , très fine, résistante, et en même temps très épaisse. Quelques familles de la Nouvelle-Guinée, de Waigiou , de Bouka , lui donnent la forme ébou- rifée et singulière qu'on a même regardée comme un caractère des Papous; mais d’autres tribus, telles que celles de Rony à la Nouvelle-Guinée, de la Nouvelle-Bretagne et de la Nouvelle-Frlande, la laissent tomber sur les épaules en mèches cor- données longues et flottantes. Les papouas aiment à se couvrir la tête de poussière d’ocre unie à de la graisse, etrougir ainsi leur chevelure et leur visage, et se faire sur la poitrine ou sur la face des bandes diverses avec de la chaux de corail. C’est plus par- ticulièrement au Port-Praslin, à la Louisiade, qu’on retrouve celte singulière mode, qui règne sans partage chez les habitants de la Nouvelle-Galles du sud. Ces peuples emploient peu le tatouage, qu'ils nomment panaya à la Nouvelle-Guinée ; et, opposés en cela aux Océaniens, ils se bornent à tracer quelques lignes éparses sur les bras ou à l’angle des lèvres de leurs femmes, comme une marque particulière. Ils aiment tous les ornements de quelque nature qu’ils soient. Nulle part nous ne rencontrâmes en plus grande abondance des colifi- chets de plumes, d’écailles ou de nacre, destinés à être placés sur la tête, à la ceinture ou sur les armes. Mais partout nous observâmes l'usage, exclusif à cette race, de porter des bracelets d’une blancheur éblouissante, faits avec beaucoup d’art, très polis , et qu’ils faconnent probablement avec la grosse extrémité des énormes cônes qui vivent dans les mers environnantes : tous les navigateurs en ont parlé. Bougainville dit, en mentionnant cet objet chez les naturels des grandes Cyclades : « Ils » se percent les narines pour y pendre quelques » ornements {!), Ils portent aussi aux bras, en » forme de bracelets, une dent de babiroussa, ou un » grand anneau d’une matière que je crois de li- » voire (2). » Un tel usage est par lui-même carac- () « Les naturels de Navihi-Levou, l’une des Fidjis, » ont adopté cette coutume ; et pour se donner un air » plus formidable ils percent le cartilage du nez, el ils » y passent des plumes qui retombent sur les lèvres » comme d'épaisses moustaches. » (Mariner, {. [, pag. 335.) Or nous avons vu une habitude identique chez les nègres de Port-Praslin. (2) Surville, sur Le Saint-Jean-Baptiste, mentionne ces bracelets de cette maniére (Port-Praslin, : « La plu- » part portent un bracelet au bras, au-dessus du coude, » qui peut avoirun demi-pouce d'épaisseur sur un pouce » de largeur. Il est fait, autant qu'on peut en juger , » d'un coquillage dur, opaque, lourd , qui est supérieur » en blancheur à l'ivoire du Sénégal et au marbre de » Carrare » (Découvertes des François dans le sud- 30 : HISTOIRE NATURELLE téristique ; mais ce qu’il offre de plus remarquable encore est l’analogie qu’il présente avec les coutu- mes des Ég gyptiens. Les recherches modernes nous ont en effet indiqué la présence d’un ornement de forme exactement semblable sur un grand nombre de momies. L'usage de mâcher le bétel avec l’arec etla chaux, propre au rameau malais, a été porté chez les Pa- pouas par ce peuple sans doute; mais on doit sup- poser que des communications antérieures en ont fait naître le besoin chez les habitants de Port-Pras- lin, où nous le trouvâmes très répandu; à Bouka, où nous en vimes des traces; à l'ile de Choiseul et à la Louisiade , où Bougainville et La Billardière l’observèrent. Ces derniers peuples ct les Papouas de la Nou- velle-Guinée surtout portent des amulettes façon- nées en idoles (1), fixées sur la nuque par un collier fait de dents d’animaux, etc. Mais nous trouvàmes dans leurs cabanes quelques coiffures parfaitement analogues à celles qui servent aux enfants dans nos fêtes religieuses, et que surmontoit une feuille de pandanus, contournée très adroitement en fleur de lis. Cette forme antique et singulière, conservée fi- dèlement, et même avec le plus grand goût chez les peuples encore dans les ténèbres d’une longué en- fance, doit provenir de l’Abyssiuie. Mais ce qui met hors de doute leurs rapprochements avec les ha- bitants de l'Afrique ce sont les oreillers en bois sur lesquels ils appuient la tête pour dormir. A Wai- giou , à Doréry, nous trouvämes chez tous ce meu- ble travaillé avec adresse, représentant le plus constamment et avec plus ou moins de perfection deux têtes de sphinx, attribut égyptien; et plusieurs de ces objets, comparés en France, ne diffèrent en rien de ceux trouvés sous la tête des momies d'É- gypte, dans leurs tombeaux, et conservés par les voyageurs modernes qui les ont découverts. Les Papous de Doréry et de Waigiou ont un goût particulier pour façonner lesidoles qu’ils placent sur leurs tombeaux et dans un endroit particulier de leurs cabanes. Ces sculptures se reproduisent sur le devant deleurs pirogues. Mais comme leur culteest un fétichisme pur, et que quelque teinte de l’isla- misme n’a pénétré qu'avec les Malais au nord seu- lement, nous voyons chez tous cette habitude de consacrer dans une cabane qui sert de temple une est de la Nouvelle-Guinée, par PR: 1790 , page 128 ,in-4o, ) (:) « Les nègres de Sicrra-Leone semblent vénérer » de petites statues faites à peu prés à la ressemblance » de l'homme. Il n’en coûte que huit ou onze pouces de » bois pour la façon de ces images qu’on peint en noir, » et qui sont les pénates de Ja hutte, Ils leur font des » offrandes qui consistent en chiffons, vases ébré- » chés,etc.» (Matthews, Voyage à Sierra-Leone.) suite d'idoles vêtues de guenilles diverses, repré- sentant les divinités rangées par ordre de puissance, Nous trouvâmes cet état de choses au Port-Praslin, grôce à la course hasardeuse du jeune et brave de Blosseville ; et ces naturels, sans exception, au milieu de leurs grotesques divinités, consacrentàdes animaux des représentations assez fidèles. C’est ainsi que le crocodile est un objet de culte à Waigiou, le requin et le pélandoc au Port-Praslin, le chien à Doréry, etc. Les Papous toutefois vénèrent les morts, suspendent les têtes de leurs ennemis comme tro- phées aux parois de leurs demeures , pour les pri- ver sans doute d’une existence heureuse dans l’au- tre vie; car ils ont la croyance d’un être suprême infiniment bon , et d’un génie adonné au mal. L'industrie des peupies de race noire n’est point à citer, bien que les femmes des Papouas de Doréry fabriquent de la poterie (!); et, comme ceux de Waigiou , ils savent assembler les belles feuilles sa- tinées du pandanus longifolius pour en faire des nattes qu’ils festonnent diversement, et qu’ils tei- gnent avec les couleurs les plus éclatantes .et les plus solides. Ces nattes, avec lesquelles ils s’abri- tent de la pluie, sont représentées , au Port-Praslin, par des capuchons qui en ont la forme et parfois l'ampleur : elles sont en effet le plus souvent pliées au milieu, et cousues à une extrémité, Les habitants de la Nouvelle-Bretagne, dela Nou- velle-frlande, avoient divers ornements passés dans les narines, ou des bâtonnets traversant la cloison du nez, à l'instar des naturels de la Nouvelle-Galles du sud. Cctte mode se reproduisit à nos yeux chez les Papouas du havre de Rony, et tous nous assu- rèrent que les bâätonnets qu’ils portoient éloient bien petits en comparaison de ceux que les farouches Endamênes, leurs ennemis, et les propriétaires des districts plus au sud, se placoient ainsi, et comme une vergue civadière , ainsi que l’a dit le premier un marin judicieux et instruit. Le genre de vie des Papouas ne nous fournit point de caractères bien précis. Cependant ils ne savent point, comme les Océaniens, pratiquer des fours souterrains pour cuire leurs aliments : ils se conten- tent de les griller sur les charbons ardents, ou bien de faire des treillages élevés, et de les préparer ainsi par l’action médiate de la chaleur. Vivant, du reste, des fruits équatoriaux , de racines nutritives que le sol produit en abondance, les Papouas de la Nou- velle-Guinée savent encore cultiver quelques légu- mes ; et l’espèce de haricot qu’ils nomment aberou forme principalement la base deleur nourriture, avec (:) « Dans le pays des Kaartans, dans l'Afrique occi- » dentale, le village d’Asamanga Tary est renommé par » ses manufactures de poterie de terre, travaillée par » les femmes, » ( Voyage dans l'Afrique occidentale, par Gray et Dochard.) DE L'HOMME. 37 les produits de la pêche, ou les coquilles qu'ils vont chercher sur les récifs, et même les reptiles qu'ils attrapent dans les forêts. Leur gouvernement est peu connu. On a cepen- dant remarqué qu’ils sembloient obéir à des vieil- Jards dont l’autorité paroissoit nettement établie ; et ce n’est guère que chez ceux qui ont communiqué avec les Malais qu’on retrouve le titre de rajah, par exemple; et encore n’en ont-ils point d’idée bien claire et bien distincte. Nous avons vu que leur culte étoit un fétichisme pur ; fétichisme sous l'influence duquel toutes les races noires de l'Afrique , excepté l’abyssinienne, sont plus ou moins soumises. Mais les Papouas entourent d’un profond respect les tom- beaux de leurs pères : ils élèvent des cabanes pour les abriter. Ilsdressent souvent des estrades en bois, destinées à supporter leurs os desséchés , et ne man- quent point de placer sur leur sépulture des vases destinés à recevoir des offrandes , telles que du bétel, tabac, ou du poisson , et de recouvrir des attri- uts du défunt le lieu où reposent ses cendres. La construction des cabanes présente, chez les divers peuples de la race papoue, des différences assez tranchées. Ainsi les huttes des naturels de la Nouvelle-Irlande sont de forme africaine , arrondie, couvertes de paille , ayant une porte étroite et basse. Chez les habitants de Waigiou et de la Nouvelle- Guinée (!), aucontraire , elles nous montrent quelle peut être l’influence des hostilités continuelles aux- quelles ils se livrent Ces peuples en effet établissent leurs villages au fond des baies, sur le bord des ri- vages. Mais par une prévoyance sans cesse défiante, ils ont placé leurs maisons sur l’eau même des grè- ves, de manière qu’elles sont supportées par des pieux , et qu’on ne peut y parvenir que par des ponts informes qu’en cas d’alerte du côté de terre on peut faire disparoïtre en un elin d'œil ; tandis que la fuite est facile par mer, parce qu’ils ont le soin d’avoir leurs pirogues sous le plancher à jour de ces ajou- pas. Il se sauvent aisément dans les bois lorsque lPattaque a lieu avec des embarcations armées. Enfin ceux même qui habitent l’intérieur du paysont placé leur gîte sur quelque morne élevé, dont l’approche est défendue par des palissades ; et non satisfaits de la sécurité qu’ils peuvent retirer des obstacles qui se rencontrent sur le chemin, ils ont encore perché *Jeurs demeures sur des troncs d’arbres rendus lis- ses, et hauts de douze à quinze pieds, et se servent d’un énorme bambou entaillé pour y parvenir. Cha- que soir cette échelle est retirée dans la cabane, et Ja famille dort en paix, sur des tas de flèches pré- (*) « Les cabanes des naturels de la Louisiade sont, » comme celles des Papous , élevées avec des pieux de » deux ou trois mètres au-dessus du terrain. » (La Bil- » lardière, Voyage à la recherche de La Pérouse, t. U, page 277.) j L parées pour repousser {oute attaque, dans l’aire qu’elle a construite à la manière des oiseaux. Cesont ces cabanes aériennes, que nous avons examinées avec détail, qui ont donné lieu de croire à quelques écrivains amis du merveilleux, que les Papouas logeaient dans des arbres. Nous ne savons pas si les voyageurs mentionnent ailleurs une telle construc- tion ; et on n’en trouve point de traces en Afrique, à ce que nous croyons. Seulement le capitaine russe Krusenstern (Voyage, t. IT, pag. 255) dit que les Tartares qui habitent Sakhalien élèvent leurs cabanes sur des pieux , au-dessus du sol. Ces peuples possèdent encore un genre de construc- tion nautique , opposé à celui des rameaux océanien et mongol-pélagien. Navigateurs comme le sont naturellement tous les peuplesriverains,onretrouve, chez tous les nègres épars depuis le nord de la Nou- velle-Guinée, sur ces chaînes de grandes îles, une forme assez générale de pirogues. Ceux de Port- Praslin, de la Nouvelle-Bretagne, de l’ile d’York, de Bouka enlin , ont desembarcations sveltes , légè- res, formées de bordages assemblés et cousus de manière que les joints sont bouchés par un mastic tenace , dont les deux extrémités se relèvent, et sont le plus souvent surmontées dequelque attribut. Mais toutes ces pirogues n’ont point de balancier, tandis que celles qu’on retrouve sur le pourtour boréal des iles dites des Papous, et qui sont destinées aux besoins ordinaires, sont, sans exception, à deux balanciers; celles de guerre toutefois ressemblent aux précédentes. Les armes princip les des habitants de Waigiou et de Doréry sont l'arc, les flèches et les longues javelines, terminées par une lame de bambou, acé- rée et faconnée en fer de hallebarde. A Bouka nous retrouvons des flèches et des arcs parfaitement fabri- qués en beau bois rouge, de même qu’à la Nou- velle-Frlande et à la Nouvelle-Bretagne. Mais ces tribus inquiètes et guerrières emploient principale- ment le casse-tête de bois dur, les longues javelines garnies parfois d’os humains, ce qui annonceroit peut-être une habitude d’anthropophagie ; les fron- des pour lancer les pierres, et surtout l’usage con- stant du bouclier (1). Cette arme défensive, faite sur le modèle de certains boucliers romains, garnie de coquilles enchâssées avec symétrie, seroit-elle due au hasard (?) ? Tous les peuples ont une musique, en rapport (‘) De Bougainville (Voyage autour du monde) vit les naturels de la Louisiade se servir également de bou- cliers : la description qu'il en donne est applicable à ceux que nous avons vus au Port-Praslin. () « Les Antaximes de la partie sud de Madagascar, à » teinte trés noire et à cheveux crépus, se servent du » bouclier pour combattre. » ( Malte-Brun, Géogra- phie,t.IV, pag. 193.) 38 HISTOIRE NATURELLE avec leur civilisation sans doute ; maïs les Océaniens, les Mongols-Pélagiens, et les peuples noirâtres et à cheveux frisés des iles dela mer du Sud , ont chacun un type particulier, suivant leurs habitudes ; et quoi- que ect art soit resté stationnaire par l'isolement de ces peuplades, il n’en est pas moins caractéristique, et ne peut provenir que d’un ensemble d’idées per- fectionnées. Nous ne savons rien de la musique des Papouas de Doréry et de Waigiou : celle des habi- tants de Port-Praslin et de l'ile d’York et leurs in- struments nous sont mieux connus. Sur loutes ces grandes terres nous retrouvons le tam-tam , dont le nom peut varier, mais jamais la forme, quiest l’imi- tation parfaite du tam-tam de la côte de Guinée. Ce tambour, creux, fermé à sa grande extrémité par une peau de lézard , est encore usité dans plusieurs ré- gions de l'Afrique. Mais ce qui dut nous fournir matière à réflexion au Port-Praslin sont et l’épinette el la flûte à pan que nous y trouvâmes. L’épinette est faite avec une lame de bambou, divisée en trois lames effilées, qui se placent dans la bouche comme la nôtre. Quant à la flûte à pan, nous devons nous y arrêter un instant, et indiquer la conclusion d’une note que nous a remise sur cet instrument un de nos amis, excellent musicien. « Lesanciens connoissoient » deux sortes de flûtes : la simple, et le syrinx ou » flûte à pan; et ces flûtes n’avoient qu’une étendue » de sons très bornée, parce que les Grecs ignoroient » l’harmonie proprement dite, et que leur mode ce » Musique étoit mineur, tant l’homme ualturel » éprouve plus de facilité à attaquer la tierce mi- » peure que celle majeure. Le syrinx de la Nouvelle- » Irlande présente ce caractère mineur ; et après un » examen sérieux, je conclus que cet instrument, » composé de huit notes, dont cinq appartiennent à » la gamme , et trois sont répétées à l’ectave en des- » sous, est des temps les plus reculés. » Lorsque M.de Blosseville visita le village de Leu- kiliki, à une lieue de Port-Praslin dans l’intérieur, il ne fut reçu qu'après que des naturels eurent exé- cuté une darse nommée louk-louk. Les danseurs étoiententièrement cachés sous un vêtement bizarre, fabriqué avec des ianières de feuilles de pandanus, imitant une ruche ambulante, et qu’ils suspendent à des poteaux sur la grève. Toutes les circonstances de celte sorte de solennité seront rapportées dans le chapitre relatif à ce peuple ; mais nous devons citer comme rapprochement un usage semblable, observé dans le royaume de Woulli, en Afrique, par le major Gray. « En approchant de Barra-Cunda, nous vimes » accroché à un poteau, hors des murs de la ville, » un vêtement fait d’écorce d’arbres, coupé par fila- » ments, et arrangé de manière à couvrir un homme, » espèce de loup-garou, nommé Mumbo-Jumbo. » Des ténèbres trop épaisses couvrent les traditions poétiques de ces peuples pour que nous puissions en tirer quelques conséquences : nous en ignorons même les faits les plus essentiels. Mais ce qu’on ne peut se dispenser de remarquer c’est la divergence complète du langage qui existe non pas d'ileàile, | mais même de tribu à tribu et de village à village. Quelle peut en être la cause? rien autre chose sans doute que ces haines héréditaires, ces guerres per- | pétuelles , dans lesquelles vivent et meurent les gé- nérations successives. Le caractère moral de ces peu- ples en a acquis cette barbarie profonde, cette défiance sombre et continuelle , qui les rendent traîtres, per- files et assassins. « Nous avons observé, dans le » cours de notre voyage, dit Bougainville, qu’en » général les hommes nègres sont beaucoup plus » méchants que ceux dont la couleur approche de » Ja blanche. » Quant au rapport que peuvent avoir entre eux les idiomes de chaque peuplède, il nous seroit im- possible de le saisir. Ce langage barbare et guttural se refuse à tout examen; et on en pourra juger par bi le tableau suivant, dans lequel nous avons placé les noms de nombre, écrits comme les naturels les prononcent. NOUVELLE-GUINÉE. NOUVEL.-| NOUV.- | MADA- GUINEE, |lxzazn.| GASC. È: MALAIS. ALFOUROUS] PORT- | TAMA- HAB, DE [PRASLIN| TAvr. L'INTÉR: CANTON DE HONY. HAVRE DE DORÉRY. a a l Iliossaire, Saha. Toure, 1EE Rec. Satou. 2 Nouiou. Doui. Kire. Irou. Roui. Doua, 3 Nokore. Kiore, Noure, Toul, Telou. Tiga.  Fake. Fake. Ouat. At. Effak: Ampat. ÿ Rime, Rime. Mai. Lime, | Dimi, Lima. 6 Ouonème. Ouonême.|Imbitoure, |Ouone. | Enine. Anam. 7 |Ounamanourou.| Fike. Inebiki, Hiss Fitou. | Touyou. $ |Ounamonocore.{ Quart. Imbinonr. | Ouale. | Valou. | Delapan. 9 Fike. Sihiou. Imbeboit. | Siou. Sevi. [Sambilan, 1G Sanfour. Sanfour. |Ouanguire | Saouli. ; Foulou. |Sapoulou. | V. DES TASMANIENS. ; Nous plaçons à la suite des Papouas, et comme deuxième variété du rameau cafro-madécasse , les habitants de la terre de Diémen. Nous ne les indi- querons ici que pour mémoire, parce que la corvette la Coquille n’a point visité cette partie du globe, et que les naturels ne nous sont connus que par les ré cits des voyageurs. On s'accorde généralement à peindre les Tasmaniens comme une race d'hommes d’un noir peu foncé, dont le crâne est déprimé, et qui a des cheveux courts, laineux, très recoquillés. Le nez est écrasé, et l’angle facial médiocrement aigu. On peut toutefois s’en faire une idée assez juste par les planches 7 et 8 de l’atlas de La Billardière, et par les figures 4 à 8, dessinées par Petit dans l’atlas de Péron. Ce qui semble autoriser à placer les Tasmaniens à la suite des Papouas, ce sont quelques ressemblances d'organisation et une certaine simi- litude dans plusieurs usages qui paroissent dériver DE L'HOMME. 39 d’uné source commune. Ainsi ils ont l'habitude de se couvrir les cheveux d'argile ferrugineuse très rouge ; de se faire naître des mamelons ou des cica- trices en relief sur la peau ; de cuire leurs aliments sur des charbons incandescents , de coucher sur la terre près de grands feux ; de fabriquer des paniers élégants avec des tiges d’arbustes ; de façonner des ornements divers, el surtout de se servir d’un petit oreiller en bois, nommé roéré (La Billardière,*oyage, t. II, pag. 45); de placer des huttes coniques sur les tombeaux de leurs parents décédés (Péron, t. IV, pag. 99); et enfin d’être polygames. Seulement on ne retrouve point chez eux l’art de construire des cabanes, dont la pauvreté d sol et l’inclémence du ciel auroient dû leur imposer la-nécessité ; car ils se bornent à élever des abris temporaires, des abut- vents en écorces, insuîMisants pour les garantir des rigueurs du climat austral. Leur langage diffère tel- Jement des idiomes barbares et sans nombre des peu- ples de la Nouvelle-Hollande, que déjà, dès avant qu'on sût que la terre de Diémen en étoit séparée par le détroit de Bass, M. de La Billardière avoit dit (t. IL, pag. 60): « Il prouve que ces peuples n’ont » pas la même origine. » Des détails utiles à con- sulter sur les Tasmaniens sont consignés dans Île tome IV, pag. 77 et suiv. de l’Historique du voyage aux Terres-Australes, rédigé par Péron et le capi- taine de Freycinet. VI. DES ALFOUROUS-ENDAMÈNES. La population primitive des archipels des Indes orientales étoit une race noire, qui paroît avoir été décimée par d’autres peuples conquérants, sur cer- taines îles et à diverses époques, ou avoir été chas- sée des côtes, et reléguée au milieu des montagnes, ainsi que nous l’apprennent les anciennes histoires et les annales de Malacca en particulier. Ces peuples à peau noire et à cheveux rudes, mais lisses, vi- vent encoreMdans les lieux inaccessibles de toutes les terres polynésiennes (1); et c’est ainsi que le plateau (‘) En nous servant du nom de Polynésie, exclusive- ment restreint aux {erres si vaguement nommécs archi- pels d'Asie, nous cncourrons probablement le blàme de quelques gécgraphes fidèles à une nomenclature in- certaine et encore plongée dans le chaos. La dénomina- lion d'Océanie est si harmonieuse, et peint si bien la dispersion des petites îles volcaniques et madréporiques éparses sur la surface immense du Grand-Océan , qu'elle survivra indubitabl: ment à toute autre : celle de Péla- gie lraduiroit avec exactitude le surnom de monde maritime, qui lui fut imposé, d'une maniére trop gé- nérale cependant, par M. C.-4. Walckenaer. Ainsi le nom de Polynésie, que jusqu'à ce jour on avoit étendu à plusieurs systèmes de terres aussi distantes que sépa- récs par la uature, ne pouvant plus étre appliqué aux Îles de la mer du Sud, demeure donc aux les de l'Asie, central de la plupart des îles Moluques est occupé de nos jours par les Haraforas ou Alfourous (t); que les Philippines sont peuplées par los Indivs des Espagnols (2), que l’on mentionne los Negros del monte à Mindanao (3), les Finzimbers à Madagascar, dont ils seroient les liabitants naturels; et que nous apprimes l'existence des Endaménes à la Nouvelle- Guinée. Les Alfourous-Endamênes vivent de la maniere la plus sauvage et la plus misérable. Toujours en guerre avec leurs voisins, ils ne sont occupés que des moyens de se préserver de leurs embüches et d'échapper aux piéges qu’on leur tend sans cesse. L’habitude au’ont les Papouas des côtes de les mettre à mort et d’ériger en trophées leurs dépouilles rend compte de la difficulté qu’on éprouve à les observer, même à la Nouvelle-Guinée; et deux ou trois de ces hommes, réduits en esclavage, que nous vimes à Doréry, sont tout ce que nous en connoissons. Les Papouas nous les peignirent comme d’un caractère féroce, crucl et sombre, n'ayant aucun art, et dont toute la vie s'écoule à chercher leurs subsistances dans les forêts. Mais ce tableau hideux, que chaque tribu ne manque point de faire de la tribu voisine, ne peut être regardé comme authentique. Les En- damênes que nous vimes avoient une physionomie repoussante, un nez aplati, des pommettes sail- lantes, de gros yeux, des dents proclives, des ex- trémités longues et grèles, une chevelure très noire, très fournie, rude et comme lisse, sans être longue. La barbe étoit très dure et très épaisse. Une profonde stupidité étoit empreinte sur leurs traits : peut-être étoit-elle due à l'esclavage. Ces nègres, dont la peau est d’un noir brun sale assez foncé, vont nus. Ils se font des incisions sur les bras et sur la poitrine, et portent dans la cloison du nez un bâtonnet long de que la formation primitive, les productions, les races qui les habitent, permettent de grouper par des carac- tères trés tranchés : peut-être seroil-il préférable de le remplacer par un nom neuf dont le sens fût sans équi- voque, tel que pourroil être le mot de Malaisie. {) « Les Alphouréens ou Alfoures sont vraisembla- » biemeut les premiers et les plus anciens habitants » des Moluques :avjourd'hui méme ils nese confondent » pas avec les autres habilauts; mais ils se liennent » renfermés dans les montagnes de Bouro et de Céram.» (Stavorinus, Foyage aux Indes, 1.1, pag. 259.) (2) C’est peut-être à tort qu'on indique comme appar- lenant à ces races mal connues les Zaos etles Miaotsé de l'intérieur de la Cochinchine, qu'on nomme aussi hommes à queue dans le pays. Barrow les regarde comme des Cochinchinois encore plongés dans une grossière barbarie. (Voyage à la Cochinchine, t. HW, pag. 226.) 3) Ainsi nommés, dit Méares, à cause de leur res- semblance avec les noirs d'Afrique, tant au physique qu’au moral. (Voyage à la côte nord-ouest d'Amérique, t.1, pag. 287 ) Il est probable que ces Negros sont des Papouas. 40 près de six pouces. Leur caractère est silencieux , et leur physionomie farouche ; leurs mouvements sont irrésolus et s’exécutent avec lenteur. Les ha- bitants des côtes nous donnèrent quelques détails sur ces Endamènes ; mais comme ils nous parurent dictés par la haine, et que les versions ne s’accor- doient point entre elles, soit que le sens de ce qu’ils nous exprimoient fût mal compris, soit qu’eux- mêmes nous racontassent, dans l'intention de nous inspirer de la frayeur, des habitudes auxquelles ils ne croyoient point, nous pensons qu’il est inutile de faire connoître, par des renseignements faux ou inexacts, une espèce d'hommes dont l’histoire est encore entourée d’épaisses ténèbres (1). Nous nous bornerons à tracer la description des crânes d’Alfourous-Endamênes que nous trouvämes à Doréry, où ils servoient de trophées, et à les com- parer avec ceux des Papous décrits par MM. Quoy et Gaimard, et aussi avec les crânes de Nègres- Mozambiques, de Nouveaux-Zélandois et d'Euro- péens. La figure que nous en avons donnée est le résultat de la comparaison de plusieurs têtes; mais elle a été plus particulièrement faite sur un crâne conservé avec soin dans une cabane, et enchâssé dans une idole grossièrement sculptée en bois, que nous ne pûmes jamais obtenir des naturels, même en offrant des présents susceptibles de les tenter, et que nous nous décidämes à aller enlever pendant la nuit, la veille du départ de la corvette. Cette idole assez remarquable, et qui est déposée maintenant au Muséum d'histoire naturelle de Paris, représente un homme assis, dont le cou supporte un plateau sur lequel reposoit le crâne d’un Alfourous, solidement enchâssé. Les orbites étoient remplies par des ron- delles de nacre, simulant des yeux, et fixées par un mastic noir; tandis que les arcades dentaires étoient recouvertes de deux lèvres en bois très proémi- nentes. D’autres crânes d’Alfourous étoient disposés par rangées et attachés aux parois de la cabane qui servoit de temple à ces débris que les Papouas con- servoient avec d'autant plus de satisfaction qu'ils se complaisoient dans l’idée de faire subir un pareil sort à tout ennemi qui tomberoit dans leurs mains, VII. DES AUSTRALIENS. Toutes les peuplades de race noirâtre qui habitent l'Australie présentent entre elles les rapports les plus évidents, d’après les descriptions des voya- geurs Phillip, Collins, White, d'Entrecasteaux, () Les Endamënes , retirés dans l’intérieur de la Nou- velle-Guinée, doivent être possesseurs paisibles des côtes méridionales; et ce sont eux, frês probablement, qui habitent exclusivement les bords du détroit de Tor- rés. Les expéditions futures peuvent seules ou détruire ou confirmer nos doutes. HISTOIRE NATURELLE Péron (1), Flinders, Grant, King, etc. Ces nègres austraux ont toujours montré une profonde igno- rance, une grande misère, et une sorte d’abrutis- sement moral. Ils sont réunis par tribus peu nom- breuses qui n’ont point de communications entre elles, d’où résulte l’état de barbarie profond dans lequel elles croupissent, et dont rien ne semble de- voir les retirer. Les habitants de la Nouvelle-Galles du sud, qui ont particulièrement fixé notre attention, sont dis- séminés, dans cette partie du monde, par familles éparses sur le bord des rivières, ou dans les baies peu nombreuses qui morcellent les côtes orientales de la Nouvelle-Hollande. Leur intelligence a dû na- turellement se ressentir de l'infertilité du sol et des misères auxquelles ils sont soumis : aussi une sorte d’instinct très développé pour conquérir une nourriture toujours difficile à obtenir, semble avoir remplacé chez eux plusieurs des facultés morales de l’homme. La peuplade qui vit au milieu des buissons et des rochers des alentours de Sydney-Cove, et qui a pour chef Boongaree, est plongée dans un tel état d’a- brutissement qu’en vain on a essayé d'améliorer sa position, en bâtissant pour elle des maisons et des sortes de villages, ou en lui fournissant des moyens de subsistances plus agréables. Elle s’est refusée à l'adoption de ces premières idées de civilisation; et de toutes les habitudes sociales que lui montrent chaque jour les Européens, au milieu des villes po- puleuses et imposantes de la Nouvelle Galles du sud , elle n’en a pris que des vices dégoütants et un goût désordonné pour les liqueurs fortes. Ces peu- ples n’ont senti la nécessité de recevoir des vête- ments de laine que pour se garantir la poitrine. Aucune idée de pudeur ne les a jamais portés à voi- ler les parties naturelles ; et l’immodestie native de cette race fait un contraste d’autant plus grand que chaque jour elle brave, au sein même d’une colonie () Les distinctions qui existent entre les Tasmaniens et les Australiens ont été nettement exprimées par Pé- ron, qui dit (t. IV, pag. 212): «De toutesles observations » qu’on peut faire en passant de la terre de Diémen à la » Nouvelle-Hollande, la plus facile, la plus importante, » et peut-être aussi la plus inexplicable, c’est la diffé- » rence absolue desraces qui peuplent chacune de ces » deux terres. Ces deux peuples n’ont presque rien de » commun ni dans leurs mœurs, leurs usages, leurs » arts grossiers, ni dans leurs instruments de chasse ou » de pêche, leurs habitations, leurs pirogues, leurs » armes, ni dans leur langue, ni dans l’ensemble de » leur constitution physique , la forme du crâne, les » proportions de la face, etc. Cette dissemblance abso- » lue se trouve dans la couleur; les indigènes de la terre » de Diémen sont beaucoup plus bruns que ceux de la » Nouvelle-Hollande : les premiers ont des cheveux » courts, laincux et crépus; les derniers les ont droits, » longs et lisses. » DE L'HOMME. 41 européenne qui a fait d'immenses progrès, les lois de l'honnêteté publique. La liberté semble pour ces noirs (!) un besoin de première nécessité : aussi sont-ils soigneux de conserver leur indépendance, au milieu des cantons rocailleux où ils habitent en plein air, autour de grands feux, et protégés de la pluie par quelques branches négligemment jetées du côté où le vent souffle; ou bien, tous les efforts de leur génie se bornent, pour les garartir des in- tempéries du climat, à détacher une large écorce d’eucalyptus, qui fournit le toit naturel qui les abrite. La taille des Australiens est médiocre, et souvent au-dessous de la moyenne. Plusieurs tribus ont les membres grêles, peu fournis, et en apparence de longueur démesurée ; tandis que certains individus au contraire ont ces mêmes parties fortes et très bien proportionnées, et surtout les muscles jumeaux et soléaire très prononcés. Leur chevelure n’est point laineuse ; elle est dure, très noire et abondam- ment fournie. Els la portent flottante et sans ordre, le plus souvent courte, en mèches très frisées. La barbe participe de la nature des cheveux ; elle est le plus ordinairement rude et touffue sur les côtés du visage. Leur face est aplatie; le nez, très élargi, a des narines presque transversales. Des lèvres épaisses, une bouche démesurément fendue, des dents un peu proclives, mais du plus bel émail, des oreilles à conque très développée (?), des yeux à demi-voilés par la laxité des paupières supérieires, donnent à leur physionomie sauvage un aspect re- poussant. La couleur peu décidée de leur peau, qui affecte communément une teinte noire fuligineuse, varie en intensité, mais n’est jamais très foncée. Pius laides encore que les hommes, les femmes australiennes ont des formes flétries et dégoûtantes ; et la distance qui les sépare du beau idéal de la Vénus de Médicis paroît immense aux yeux d’un Européen. Les mariages chez les Australiens se font par rapt, ct l’usage a consacré l'habitude d’arracher (") Le mot noir ou nègre n’a ici qu'une valeur rela- tive. Nous n’employons ce nom en effet que pour éviter des périphrases. Mais, pour qu'il n’y ait point de doutes à ce sujet, nous devons dire qu'il n’y a point d’analogie à établir entre un nègre africain et un Alfourous austra- lien , et que, si nous les nommons parfois noirs ou né- gres, c’est parce que la teinte de leur peau affecte une couleur noirâtre , fuligineuse, qui approche plus de la teinte des véritables nêgres que de toute autre. {4 Grant (Voyage à la Nouvelle-Galles méridio- nale ) peint de cette maniére les hahitants de la baie Jervis, peu éloignée du détroit de Bass : « Ces sauvages » éloient jeunes, grands et vigoureux. Ils avoient des » cheveux plus longs que ceux des autres naturels que » j'avois vus jusquelà; ils les avoient bouclés, mais point » laineux comme ceux des nêgres d'Afrique, » I, une dent incisive aux hommes à certaine époque de la vie, et de couper une phalange aux femmes. Ils aiment à se couvrir la tête et la poitrine de matières colorantes rouges, et cet ornement est de première nécessité dans leurs coroboris ou grandes cérémo- nies. Ils ont tous l'habitude de se peindre le nez et les joues avec les mêmes fards grossiers, en y joi- gnant des raies blanches qui sillonnent le front et les tempes. Sur les bras et les côtés du thorax ils font élever ces tubercules de forme conique, qui semblent être l’apanage du rameau nègre. Enfin celte race, qui semble ignorer l’usage de tout vête- ment sous le rapport de la pudeur, se borne à se couvrir parfois les épaules avec une peau de kangu- oo ou de pétaurus, et à s’entourer le front avec des filaments tissés en réseaux. Un grand nombre de familles se placent dans la cloison du nez des bà- tonnets arrondis et longs de quatre à six pouces, qui donnent à leur physionomie un aspect farouche ; et cet usage nous le retrouvons chez tous les Pa- pouas. Supersliticuses à l’excès, ces peuplades ont ce- pendant conservé l’usage de punir les sortiléges et d’avoir des jongleurs. Leurs différents se décident par des sortes de duels à nombre égal ou à armes égales , et des juges de camp établissent les règles du combat. La forme des armes dent ils se servent varie. À la Nouvelle-Galles ils emploient la sagaie, sorte de javeline eflilée qu’ils lancent , par le moyen d’un bâton façonné pour cet usage, avec une grande vigueur et beaucoup de justesse. Ils s’attaquent le plus souvent avec une sorte de sabre de bois re- courbé, que Lesueur a nommé sabre à ricochets (pl. 50, n°6, Atlas de Péron ), et que les naturels de Sydney désignent sous le nom de boumerang ou tatanamang. Cette arme caractéristique est égaie- ment usilée au port Bowen et à l’ile Goulburn , et la manière de s’en servir est fort remarquable; car c’est en lui imprimant des mouvements de rotation en l'air qu'ils frappent souvent le but à plus de quarante pas de distance. Leur dernier instrument de gucrre, et en même temps d’utilité domestique, est le casse-tête ou woudah . avec lequel, dans leurs duels, chaque naturel assène alternativement sur la tête de son ennemi un coup que la dureté inouïe du cräne rend moins dangereux qu’on ne devroit le supposer. Nous retrouvons chez tous ces peuples l’usage du bouclier. Celui qui leur sert à parer les coups de sagaie avec une grande adresse est de forme ovalaire, oblongue, ou quelquefois disposé en croissant; et nous avons vu un de ces naturels, condamné à servir de but aux coups d’une tribu qu’il avoit offensée, parer avec une habileté peu commune plus de cinquante traits lancés avec vi- gueur, lorsqu’enfin une sagaie de ranthoræa, tra- versant son bouclier, vint lui percer la poitrine, 6 42 Quant à l'emploi de l'arc et des flèches (1), il est com- plétement inconnu sur le continent entier de la Nou- velle-Hollande. De toutes les peuplades de l'Australie, celles du port du Roi-Georges ont plus particulièrement senti la nécessité de se vêtir, à cause du froid intense de l’hiver, et elles ont assemblé sous forme de petits manteaux des peaux de kanguroos : celles des alen- tours de Sydney et de Bathurst préparent les peaux de pétauristes, tandis qu'entre les tropiques les Australiens vivent dans un état de nudité parfaite. Les objets d'ornement se ressentent du rétrécisse- ment des idées de ces peuples. Ils se décorer t cepen- dant de colliers faits avec des chaumes de gramen ; mais combien leur forme sauvage contraste avec l'élégance des mêmes objets chez les naturels de l’ile de Diémen ! Les cabanes des Australiens se composent, autour du port Jackson, d’abris en rameaux ou en écorces d'arbres. Ailleurs ce sont des sortes de nids formés de branches entrelacées, ou parfois disposées en huttes grossières , recouvertes d’écorces. Les soins qu’ils prennent de leurs tombeaux an- noncent qu’ils ont l’idée d'une autre vie. On a génc- ralement observé qu’ils brüloient leurs morts, et qu'ils en enterroient les cendres avec une religieuse sollicitude. M. Oxley a même vu de ces tombeaux dont les arbres des alentours portoient des sortes d’attributs funéraires. Des observations positives semblent encore prouver qu'ils lèvent la peau des cadavres, afin que la combustion puisse s’opérer avec plus de rapidité. L'ensemble des habitudes des peuplades de la Nouvelle-Hollande, ainsi que leur genre de vie, ne présente point d’analogie bien démontrée. Leur in- dustrie se réduit à la fabrication des filets pour la chasse et pour la pêche, dont on mange le produit sur le lieu même en le faisant rôtir sur des char- bons. Ces naturels portent toujours du feu avec eux, dédaignant leurs femmes, auxquelles les travaux les plus rudes sont dévolus, tels que ceux de prépa- rer leur nourriture, dont elles et leur famille ne (:) « Le capitaine King, qui a grouné quelques unes des légères observaliors qu'il nous a données sur les peuples du pourtour entier de la Nouvelle-Hollande, remarque que la sagaic semble être d'un usage général parmi les habitants de Australie. Le bâton qui sert à Ja lancer n'existe pas à la Tasmanie ni à la baie More- ten, sion doit s’en rapporler à un court séjour sur ce point. 11 n’a reconnu que quelques différences peu sen- sibles dans cetle arme, soit au port Jackson, soit à la côte sud-est, à la rivière Endeavour; au nord-est, aux baies de Hanovre et de Vansitlart; au nord-ouest, à la baie du Roi-Gcorges. Sur les côtes mérid'onales cette sagaie cest faite avec lestiges du æanthoræa hastilis ; ailleurs, avec des branches de manglier durcies aufeu,» { Bulletin géographique, t. V, pag, 251 ) HISTOIRE NATURELLE recoivent que les débris rejetés par leurs époux, ou de porter les ustensiles du ménage et leurs enfants sur le dos, tandis que l’homme chemine n’ayant qu’une légère javeline à la main. Ce sont elles qui récoltent et préparent la racine de fougère, nom- mée dingoua, qui leur sert d’aliment journalier, et dont les hommes ne mangent que dans les moments de disette ou lorsque la chasse vient à manquer. La manière de construire les pirogues varie pres- que autant que les tribus. Elles sont faites au port Jackson avec une longue écorce d’eucalyptus, soli- dement liée aux extrémités, telles qu’on en voit un bon dessin, pl. 54 de l’Atlrs de Lesueur et Petit. Dans la région intertropicale, un tronc d'arbre creusé en tient lieu. Plus à l’ouest, dit King, à la baie de Hanovre, c’est un radeau formé de tiges vicilles et légères de manglier. Ailleurs, dans l’ar- chipel de Dampicr . par exemple, leur intelligence n’a pu s'élever, pour passer les rivières, au-dessus du simple tronc d'arbre flottant. | Chez ces peuplades on a retrouvé des idées de dessin, qui, toutes grossières qu’elles paroissent être, indiquent cependant une certaine réflexion; et l’on reconnoit encore dans ces linéaments graphiques les êtres qu’ils sont destinés à représenter, tels que le casoar, le squale de Phillip, divers poissons, ete. Quant à leur chant ce n’est qu’une moditication in- forme de leur langage, et leur danse se borne aux mouvements lourds et ridicules qui imilent lessaut du kanguroo. Les beaux-arts, enfants du repos et des doux loisirs, pourroient-ils germer chez des hommes toujours en quête de leur subsistance ? Le langage des Australiens diffère de tribu à tribu. Nulle part on ne peut y reconnoitre la moin- dre analogie ; mais il est vrai de dire aussi qu’il n’y a pas de langue moins connue. Cependant il paroît que les naturels d’un endroit, transportés dans un autre, comme les Anglois l'ont fait très souvent, ne peuvent se comprendre. Les seuls mots qui nous ont présenté quelques rapports sont les suivants, usités d’une part chez les naturels de Sydney, et de l’autre par ceux de Bathurst, au-delà des montagnes Bleues. L’orthographe des premiers est écrite d’a- près le génie de notre langue, et nous avons con- servé pour les seconds ceile de M. Oxley. Ainsi nez se dit à Sydney nougouro, et morro à la rivière La- chlan ; les dents, nandarra dans le premier lieu, et erra dans le second; cou, ouro et oro ; poitrine, be- ren et benning; cuisse, darra et dhana, etc. Jci se terminent les détails généraux sur les varié- tés humaines qui peuplent les terres de la mer du Sud. De plus longs développements sont nécessaires pour rendre ciair et sensible l’enchaînement des idées émises dans ce travail; mais nous ne pouvions ni les présenter ni les discuter sans outrepasser les bornes de cet apercu, et d’ailleurs les renseigne- DE L'HOMME. 43 ments précis qu’on puisera dans les paragraphes sui- vants viendront y suppléer. DÉTAILS ANATOMIQUES RELATIFS AUX CRANES DE QUEL- QUES UNS DES PEUPLES DONT IL EST QUESTION DANS LE CHAPITRE PRÉCÉDENT. Nous avons donné dans la planche {re de l’atlas de La Coquille le crâne, vu sous trois faces, d’une espêce d'hommes que les Papouas nomment Alfourous-En- daméne. Nous nous en procurâmeés plusieurs léles à la Nouvelle-Guinée : les renseignements que nous avons obtenus indiquent qu’elles appartenoiïent aux tribus sauvages de l'intérieur , bien différentes de celles qui vivent sur les côtes et dans les iles méridionales de ce système de terres ; ce que prouve leur conformation anatomique. Les grânes d’Alfourous ont été examinés et comparés avec les têtes recueillies par nous à Wai- giou, et avec celles rapportées du même lieu par MM. Quoy et Gaimard,et qui ont servi de types à leurs Papous ( Négro-Malais Hybrides). Nous avons aussi présenté les caractères qui les distinguent des boîtes osseuses crâniennes des Nouveaux-Zélandois du rameau océasien, du nègre mozambique d'Afrique et du Fran- çois. Le crâne des Papous ‘:)est remarquable par un apla- lissement considérable à sa partie poslérieure : cet aplatiss:ment est Lel qu'il forme une surface carrée dont les angles scroient arrondis. Cette disposition ne rend pas pour cela le diamètre occipito-frontal beau- coup plus petit comparativement aux têtes d’Européens, d’Alfourous et de Mozambiques : mais il n’en est pas de méme du diamètre bi-partétal, qui est beaucoup plus grand, ce qui est dû au développement plus considéra- ble des bosses pariétales, Le coronal, quoique un peu plus large que celui d’un Européen, ne présente point de différences assez tranchées pour qu'on puisse les in- diquer. La face a également plus de largeur; ce qui provient de la plus grande étendue du diamètre trans- versal de la cavité orbitaire, et d’un léger aplatissement de la voûte nasale. L'ouverture des fosses nasales est en tout semblable à celle d'un Européen; mais la distance d’une apophyse mastoïde d'un côté à celle du côté op- posé est plus grande. Le diamètre vertical est assez identique avec celui qui est propre aux têtes d'Alfourous ou d'Européens. ( Voyez les planches 1 et 2 de l'Atlas zoologique de MM. Quoy et Gaimard.) Le crâne des Alfourous se rapproche davantage de celui des nègres d'Afrique, c'est-à-dire des Mozambi- ques. Les différences que nous remarquâmes sont, {oun aplatissement des paroislatérales dela voûte crânienne, disposition qui fait faire une saillie en dos d'âne au som- {) Ces crânes ont été recueillis sur les tombeaux des naturels de Waigiou, el sont analogues à ceux décrils dans la partie zoologique du voyage de l’'Uranie. met de la voûte; 20 le diamètre occipito-frontal est un peu plus allongé dans le premier ; 3 la coupe de la face offre un peu moins d'obliquité que celle du Mozambi« que , de sorte que l’angie facial est plus ouvert dans leg têtes d’Alfourous , d’où il résulte que la voûte nasale est plus verticale. Les fosses nasales sont un peu moins lar- ges. Si nous examinons les pommettes, nous trouvons qu'elles sont moins saillantes chez l’Alfourous que chez le Mozambique; mais celle saillie des pommettes est- plus considérable que chez le Papou et que sur la tête d'un Européen, et cela est dû à la profondeur des fosses sous-orbilaires. Les mächoires de l’Alfourous, quoique moins proéminentes que celles du Mozambique, le sont encore beaucoup comparalivement à celles du Papou et de l’'Européen. Les têtes d’Alfourous liennent le milieu, pour la forme générale, entre les crânes des Nouveaux-Zélan- dois et ceux des nègres mozambiques. Comme chez ces derniers, les deux mâchoires formentun prolongement assez avancé pour qu'on puisse les comparer à la face d’un orang. La mâchoire inférieure de l'Alfourous a le même développement que celle du Mozambique; mais elle est plus rétrécie que celle du Papou. Comparées toutes les trois à la mâchoire inférieure de l'Européen, elles en différent par la forme de l'os, par la base ou bord inférieur, etenfin par la symphyec. La parlie antérieure du corps de l'os, au lieu d’être inclinée en arrière, comme dans l'Européen et le Nou- veau-Zélandois, est coupée perpendiculairement; ce qui contribue à faire saillir davantage Ics arcades den- taires. La base de la mâchoire cest plus arrondie et se relève un peu en avant chez l'Alfourous , le Mozambi- que, le Papou, et même le Nouveau-Zélandois. La cour- bure est toutefois moins sensible chez les Papous. Posés sur un plan horizontal, les bords inférieurs de ces m4- choires ne s’y anpliquent point dans tous les sens, comme le fait celle de l’'Européen : les angles latéraux de la sympbyse sont par conséquent plus arrondis que dans ce dernier. L'os coronal d'un Nouveau-Zélandois est moins bombé que celui d’un Européen; les angles orbitaires externes sont beaucoup plus épais, et la ligne courbe qui en part est aussi plus saillante. Le sommet de la tête se prolonge un peu en pain de sucre, comme dans celle de l'Alfourous. La voûte nasale n'offre rien de par- ticulier. La partie antérieure du corps de la mâchoire inférieure est à peu prês disposée comme dans l'Euro- péer, et elle n’en diffère que légèrement par la rondeur des angles et par la foible courbure de la base. Les ar- cades alvéolaires ont un peu plus de développement. L'angle facial ne s'éloigne guère de celui del'Européen, et seulement la protubérance occipitale exterge se pro- nonce avec plus de force. Enfin les os du crâne des Nouveaux-Ztlandois sont remarquables par une grande épaisseur. 44 HISTOIRE NATURELLE TABLEAU COMPARATIF DES PROPORTIONS QUE PRÉSENTENT LES DIVERSES PARTIES DES CRANES DE : NOUVELLE WAIGIOU. à NÈGRE "S GUINÉE. NOUVEAU- FRANÇOIS. RARES _— ZELANBOIS. M 1B, EE Q PAPOU, ALFOUROUS. métres. mètres. métres. metres, mètres. Diamètre antéro-postérieur ou occipito-frontal .| 0,185 0,171 ) 0,183 ——— transverse ou bi-pariétal. . . .......... ...| 0,131 0,124 0,126 ——— perpendiculaire ou sphéno-bregmatique. . . . . . ..| 0,135 0,122 ? 0,135 Distance de la protubérance occipitale à la symphyse du menton| 0,185 0,201 0,217 ——— du sommet de la tête à la symphyse. . . . .. .. .| 0,221 0,221 0,217 ——— d’une arcade zygomitique à celle opposée. . . . 0,131 0,122 0,138 ——— d’un angle de la mâchoire à celui du côté opposé. ; | 0,104 0,090 0,095 ——— de l’angle de la mâchoire à l’aphophyse condyloïde. .| 0,063 0,0€1 0,068 ——— dune apophyse mastoïde à celle du côté opposé 0,104 0,099 0, ——— deVangle orbitaire externe à celui du côté opposé. . . .| 0,104 0,099 0,11 Biamètre transverse de l'orbite . .. ... ..... . .....| 0038 0,041 0,050 M peccndicuiaire. 20. 0,0... . . .. .| 0,036 0,036 36 0,041 Létundbsses nasales. .. : . . . : .. . . . . .. . . .| 00% 0,029 25 0,027 Diamètre antéro-postérieur du trou occipital. . . . . ... . .| 0,034 0,036 36 0,034 ——— d’une tubérosité molaire de l'os maxillaire supérieur PALIER NE EE EME Cl Meet 0,045 0,054 Angle formé par une ligne partant de la symphyse du menton à la protubérance occipitale, et par une autre ligne partant de la symphyse à la bosse frontale... . 58 degrés. 67 degrés. | 67 degrés. (x) Lestêtes qui ont été comparées entre elles n’étant pas parfaitement en- ticres, nousavons été forcé de négliger quelques unes de leurs dimensions. E— TABLEAU DE LA TAILLE DE QUELQUES UNS DES NATURELS MENTIONNÉS DANS LE MÉMOIRE PRÉCÉDENT. OCÉANIENS. PAPOUS DES HAUTEURS, PAPOUAS. AUSTRA LIENS. OU NÉGRO-MALAIS RYDRIDES. Te LS, TAÏÎTIET BORABORA etes NUE de DE ANGLE l : e la ANGLE mie U lEAchipét dela Société). TAILLE. Woo TAILLE. | ANGLE NOUV.-RLAND. eue. SANTA AE AS TAILLE. | EACIAL. | FACIAL. | (Port-Praslin). (Sydney). | [ Totoë (Taïti), Dès Rss Er a de Eee NE Due de, Hess se Mme. à ou de | à |) & 2 Re Nu Upapärou 12827 4 1,556 64 4 ; 178 2 4 | 1,705 63 | prises pendantl: Faita 1354 5 1.658 66 5 Note # 5 | re 66 campagne:nous nous ; à RE de »0u 5] 1? lispensons d’y ajou- » (Borabora). | 1,865 6 | 1,678] 65 6 1,597| 64 6 1732] 63 [ter celles donnée: » 1,831 7 1,611] 68 7 1,674| 63 7 1:7051 62 f|parlesautres voya- ee 1,732 8 1,611| 69 8 1,647| 63 8 1542 63 |geurs. + Plusieurs, [15705 9 |1502| 66 9 |162%| 66 ge LE) M Le roi Tefaora. 1,841 11 Do Fa a 1,692 és qui résulte de deux — 5949 ; 2 lign a les Norte) : 1,468 65 12 : a 63 enr Rtresspe Teimo. 1,678 13 1,502! 65 ? rieures, et se ren- Matihé. 1,678 14 1,489 65 dant, l’une à Ja raci- Ouaira. 1,678 15 1,509| 66 ne du nez, et l’autre Teimamo. 1,692 16 1,583| 63 sur le trou auditif. ? ns LR (2) Dimensions & 17 1,678 66 la tête, du front à 15 1,502 l'occiput, n° 1,0,189; D. 2,0,176. DE L'HOMME. 45 LIVRE IT. MÉMOIRES DIVERS SUR PLUSIEURS VARIÉTÉS DES RACES HUMAINES. $ I DES ARAUCANOS, OU ARAUCANS (1). A l'extrémité méridionale du nouveau continent vivent éparses de nombreuses tribus, pour la plu- part ignorées, ou sur lesquelles l’Europe ne possède que des notions vagues et incertaines. Les faits que nous allons présenter ne fourniront point de gran- des lumières; mais ils seroient encore intéressants lors même qu’on n’en obtiendroit que quelques aper- cus neufs et utiles pour établir des rapprochements. La tribu des Araucanos habite cette partie de l’A- mérique méridionale qui est placée au sud du vieux Chili, entre les Andes et la mer. Les Espagnols ont de tout temps redouté l’humeur belliqueuse des Araucanos, qu’ils n’ont jamais pu dompter, et avec lesquels ils ont été jusqu’à ces dernières années dans un état presque permanent d’hostilité. troupes du Chili ont fréquemment foibli devant peuples; etsi les dominateurs de l'Amérique temps des Pizarre et des Cortez eussent trot dans les Péruviens et les Mexicains énervés une foible partie de l'énergie des Araucanos, jamais l'humanité n’auroit eu à gémir sur les excès de leur sanglante conquête, et la soif sanguinaire et avide des Almagros et de leurs compagnons eût payé fort cher les premiers actes d’injustice dont ils se se- roient rendus coupables. Les Araucanos forment donc une peuplade belli- queuse divisée en tribus nomades ou sédentaires, occupant des villages que régit l'autorité d’un caci- que, et réunies entre elles par une sorte de fédéra- tion présidée par le plus expérimenté et le plus an- cien des chefs, Les tribus plus voisines du Chili ne sont séparées de la province de la Conception que. par le cours du Biobio, et se sont propagées jusque sous les murs de la ville de Valdivia, dont le terri- toire est ainsi très resserré. Les mœurs de ces peuplades, bien que sous l’in- fluence d’un commencement de civilisation, sont portées à la cruauté. Des habitudes gucrrières diri- .{) Consultez » Pour plus de détails sur ces tribus , le Voyage à la mer du Sud de Frézier; Paris, 1732, in-4°, gées vers les moyens de fondre sur un ennemi et de le dépouiller de tout ce qu’il possède, absolument à la manière des Bédouins, ne laissent point éclore cetle pitié et ces idées de philanthropie qui sont le fruit des institutions perfectionnées. Tout en eux est sacrifié à l'égoïisme personnel et de famille; et ce sentiment, qui semble être le grand mobile de tou- tes les actions humaines, n’est point chez eux mas- qué par quelques qualités heureuses. Le droit du plus fort est leur suprême loi; ils n’en connoissent point d’autre. Les caractères physiques des Araucanos sont loin d’être attrayants. Les hommes de cette tribu sont robustes, vigoureux , et remarquables par un système musculaire éminemment développé; leur taille médiocre et mal prise, leur visage cuivréaplati et large qu'empreint de férocité un regard sombre et défiant, des lèvres grosses, un menton arrondi et volumineux, une chevelure longue, épaisse et très noire, un ventre communément saillant, des gestes hardis, donnent à l’ensemble deleurs traits un carac- tère de sauvagerie repoussant. Bien que la plupart des auteurs regardent ces peuplades comme issues d’une source commune avec les Péruviens, les rap- prochements qu’ils ont établis ne reposent que sur des suppositions auxquelles on ne peut s'arrêter un instant lorsqu'on a vu des individus de ces deux rameaux. Les Péruviens diffèrent des Araucanos autant par le physique que par toutes les habitudes de leur vie. Un officier chilien, aide-de-camp du général Freyre, président de la république , que les hasards de la guerre conduisirent prisonnier au sein de ces hordes, nous fournit pendant notre séjour à la Con- ception du Chili quelques renseignements sur leurs habitudes, et nous rapporta certaines particularités que le général Freyre sanctionna lui-même de son témoignage. La province de la Conception, boulevart du Chili du côté du territoire des Araucanos, a presque con- stamment été le théâtre de leurs invasions. Leur nom seul inspire la plas vive terreur, et les villes de la Conception et de Talcaguana, qu’ils ont sac- cagées il ya quelques années, portent des traces 46 HISTOIRE NATURELLE durables de leur irruption. Les inquiétudes sans cesse renaissantes que les gouverneurs espagnols éprou- voient lorsque le Chili dépendoit encore de la cou- ronne d’Espagne les portèrent, vers 1810, à entre- prendre une gucrre active ct soutenue contre ces peuplades. Après diverses vicissitudes les chances couronnèrent leurs efforts; et les Araucans, repous- sés dans leurs limites, furent heureux de faire une paix pour laquelle ils donnèrent des otages, mais qu'ils rompirent vers 18:35 à l’instigation des roya- listes, et notamment du fameux Bena-Vidès. Les républicains, étant parvenus à chasser les Européens du Chili, réunirent toutes leurs forces contre les Araucanos ,qu’iis mirent pour long-temps dans l’im- possibilité de devenir agresseurs. Ils bâtirent aussi une forteresse sur le Biobio, et darts un défilé qui commande l'entrée du territoire de ces peuplades. Depuis ils gagnèrent, soit par des présents, soit par la douceur, les caciques de plusieurs tribus, et for- mèrent un corps de cavalerie composé d’Araucanos, dont la manière de combattre et la tenue sont abso- lument celles des Cosaques. Un Araucan ne se livre jamais à aucun travail manuel ; il croiroit déroger aux prérogatives de son sexe et s’avilir. Sa principale et presque unique occupation: est de dompter un cheval. On sait que ce précieux animal, abandonné à lui-même dans les vastes pampas du sud de l'Amérique, s’y est mul- tiplié d’une manière prodigieuse , et que, vivaut en liberté par troupes considérables, il a conservé cette vigueur et celte énergie que n’a jamais usées la do- mesticité. Les Araucanos ne se donnent point la peine de l’élever : comme les Péous du Paraguay, ils s’exercent dès l'enfance à jeter le lacet en courant au grand galop, et de changer ou renouveler leur monture sans peine comme sans soins. Peu d'hommes pourroient être cités pour meilleurs cavaliers : aussi dans leurs combats ont-ils souvent employé un stra- tagème qui consiste à se placer sur un des flancs en s’y accrochant par une jambe, ctils se redressent avec vigueur lorsqu'ils avancent sur un ennemi sur- pris, ou même près duquel leur pige est resté sans succès. Le pied des chevaux qu’ils montent est telle- ment sûr, ou leur adresse pour les diriger est siper- fectionnée, qu’on les à vus descendre avec rapidité sur les pentes roides et escarpées de hautes collines. Habitués à boire dans leurs villages une liqueur fermentée, nommée cici, qu’ils tiroient de plusieurs plantes, et surtout du maqui ( wristoteliu maqui), les Araucanos , dans leurs relations avec la province de la Conception, en ont pris un goût désordonné pour les boissons alcooliques, et l'ivresse est pour eux l’image parfaite de la félicité. Chez tous les peuples dans l’enfance de la civili- sation le sort des femmes est un dur e:clavage ; mais c’est principalement chez les tribus adonnées à la guerre que leur condition est pénible. Les femmes des Araucans ne sont guère, aux yeux de leurs maris, que des bêtes de somme chargées de tous les fardeaux de la vie, sans en avoir les plus légères douceurs. Ainsi leur sont dévolus en outredes soins que nécessite l’intérieur de la cabane, ceux plus pénibles d’en bâtir les murailles, et de labourer les terres qui fournissent la base de leur nourriture. Les femmes sont encore dans l'obligation de suivre leurs maris dans leurs expéditions de guerre, de soigner leur cheval, de le seller, de le brider au moment de l’action, et de rester sur les derrières pour ras- sembler et prendre soin du butin conquis par leurs époux. Les enfants dès l’âge le plus tendre sont exercés à galoper sur un cheval fougueux et à demi sauvage, et les petits Iudios, car c’est ainsi que les Chiliens les nomment, deviennent de très bonne heure d’ex- cellents cavaliers. On en rencontre un assez grand nombre dans la ville de la Conception que des pa- ren!s pauvres ont cédés à des habitants qui les em- ploient comme domestiques. Les Araucanos se nourrissent presque unique- ment de chairs, et leurs provisions dans les voyages consistent en starké, qui est une viande desséchée au soleil et durcie sous forme de lanières minces et eflilées. Ils consomment également un peu de fro- ment grossièrement concassé et rôti. Mais, soit la malpropreté qui couvre le corps, soit l’influence d’une nourriture presque uniquement animale, leur transpiration cutanée en contracte une odeur détes- table. connue dans le pays sous le nom de «oreno. Ces peuples, dans les premiers temps de leurs démélés avec les E spagnols , ne faisoient point de prisonniers. Ceux qui leur tombent entre les mains aujourd’hui sont occupés dans l’intérieur du pays à garder les troupeaux. La férocité naturelle des Araucanos peut se cal- mer passagèrement , mais jamais d’une manière com- plète, et c’est avec ardeur qu’on les voit saisir toutes les occasions de donner cours à leurs habitudes pil- lardes. Nous arrivâmes au Chili vers les premiers jours de janvier 1825, et quelques mois avant les tribus maritimes avoient assez bien aveueilli quatre navires baleinicrs, mouillés sous l’ile Sainte-Marie, dont les équipages furent assez peu défiants pour abandonner les précautions les plus salutaires. Cette aveugle sécurité les perdit ; attaqués à l’improviste, ils furent massacrés sans qu'ils’en échappât un seul, et les navires furent mis en pièces. Cet événement, que plusicurs habitants nous rapportèrent, nous a aussi été confirmé par le capitaine Choice, comman- dant le navire baleinier anglois la Surah-Ann, mouillé alors sur la côte du Chili. Les armes dont se servent les Araucans se rédui- sent à la lance qu’ils manient avec une dextérité DE L'HOMME. 47 peu commune. Îls n'aiment point les armes à feu, bien qu’ils s’en soient nroeuré dans leurs échanges avec les habitants de Valdivia et de la Conception. Les lances que nous avons vues dans leurs mains ont un fer large de quatre pouces, et long de près de deux pieds, que supporte un long bambou, droit et plein, qui croît abondamment sur cette partie de l'Amérique. Bien que cette arme soit longuement emmanchée, ils la manient avec la même aisance qu’un cavalier européen le fait de son sabre, et tous les officiers indépendants nous en parlèrent en des termes admiratifs qui nous parurent outrés. Les Araucans combattent à la maniére des Cosaques, sans ordre, mais avec une grande bravoure ; tant il est vrai que l’analogie dans le sol influe sur les ana- logies morales : les premiers en effet, vivant au milieu des forêts et des pampas placés au pied des Andes, ont dû se plier à des usages que les steppes rendoient obligatcires pour les tribus tartares. Une autre manière de combattre consiste à se servir du lacetavec lequel ils saisissent, pour ainsi direcomme au vol, leur ennemi, ou bien à lancer des boules fixées à l'extrémité d’une très longue courroie qui s’entortille autour des jambes des chevaux, et qui, tenue avec vigueur, sert à démonter les cavaliers. Pour conserver le souvenir de leurs actions ils emploient des quipos. Le principal ajustement d’un Araucan est le pon- cho, pièce d’étoffe quadrilatère, percée au centre pour y passer latête, et destinée à couvrir le haut du corps. Ce poncho, dont tous les Chiliens ont adopté l’u- sage , est fait de laine de Guanaco, et tissé par les femmes. Leur goût pour la danse tient de la fureur. Cette danse ne consiste d’abord qu’en pas lents et graves, mesurés et sans grâce, el finit par graduellement s'animer, et se composer de mouvements brusques, désordonnés, tenant du délire. Le chant qui lui sert d'accompagnement est triste, monotone, et toujours sur une note basse et gutturale. La danse la plus en vogue parmi ces tribusest la sapatera; comme chez tous les peuples encore près de l’état de liberté, elle n'est qu’un épisode dramatique de la vie, c’est-à-dire qu’elle est destinée à reproduire des scènes d'amour. Cette sapatera, dans laquelle ne paroissent qu’un homme et une femme, peint assez bien et assez vive- ment toute l’histoire de ce qu’on nomme amour : d’abord les complaisances, les soins, puis l'intelli- gence, les légères faveurs, les bouderies qui leur succè- dent, les raccommodements, et enfin le dénouement connu. Il en résulte que cette danse, d’abord calme, cérémonieuse, s’anime et se termine par les mou- vements les plus désordonnés de la licence. Au plai- sir qui brille dans les yeux des danseurs, on peut apprécier combien ces peuples s’identifient avec leur rôle, ct les demoiselles espagnoles du Chili n’ont point dédaigné d'introduire parmi leurs plaisirs cette sapatera, qui n’est que le diminutif de leur fandango national. Puisque nous venons de parler du penchant ex cessif que les Araucans ont pour l'amour, ce qui ne leur est du reste pas plus particulier qu’à tous les peuples non civilisés, nous rapporterons, sans en garantir l'authenticité, une bistoriette qu'on nous raconta souvent avec complaisance dans les salons de la Conception. On dit que le fils d’un cacique eut occasion, dans ses relations avec les autorités chi- liennes , de voir une demoiselle de cette ville dont il devint éperdument amoureux, et qu’il demanda en mariage. Peu jalouse de régner sur des tribus grossières, où le sort des femmes est un rude es- clavage, celle-ci rejcta avec dégoût une proposition peu faite pour la flatter ; mais le chef sauvage , peu habitué à des refus, signifia à ses parents qu'ils eussent à se décider sous tant de jours, ou qu’il viendroit à la tête de ses tribus incendier leurs pro- priétés , saccager la ville, etqu’il les égorgeroitsans pitié. La foiblesse des autorités qui craignoient une nouvelle guerre avec ces peuplades intervint dans cette affaire , et décida la famille à acquiescer à cette dure demande, À ces renseignements mulilés se bornent ce que nous nous sommes procuré sur les Araucanos dans leur propre pays; nous ajouterons sur eux quelques détails puisés dans le savant ouvrage de M. Balbi, intitulé Atlas ethnographique du globe. Les Molouches, que les Espagnols nomment Arau- cans, parlent plusieurs dialectes, les langues chili duga, chilien propre ou araucan. Cette nation très nombreuse, qui forme la masse principale de la po- pulation des Chili ancien et nouveau, et dont une grande partie conserve encore son indépendance, se divise, selon Falkner, de la manière suivante: les Picunches ou les gens du nord, qui habitent dans les montagnes de Coquimbo jusqu’au-dessus de San- ago, et s'étendent du côté de l’est presque jusqu’à Mendoza dans le €uyo ou Chili oriental. Les ha- bitants de cette dernière contrée s'appellent aussi Puelches, c’est à-dire orientaux. Les Pehuenches, qui habitent la partie du Chili comprise entre le trente-cinquième et le quarantième parallèle, sont quelquefois nommés Huilliches, c'est-à-dire gens du midi. par les Picunches, à cause de leur posi- tion méridionale à leur égard. Ceux qui demeurent entre les rivières de Biobio et de Valdivia sont les Auca, Molouches propres ou Araucans, si célèbres par l’Araucana d’Alfonso d’Ercilla, et quatre autres poëmes dont ils sont le sujet. Cette nation forme une puissante république, qui, après avoir fait une longue guerre aux Espagnols, grâce à la sage con- duite de den Higgins de Vallenar, président du Chili, reconnut la protection de l'Espagne vers la 48 HISTOIRE NATURELLE fin du dernier siècle. Une partie de cette nation vient de jouer un rôle aussi terrible qu’important dans la guerre qui a agité le Chili. Les Araucans passent justement pour être la nation indigène, encore in- dépendante, la plus policée de l'Amérique méridio- nale, et paroissent être le premier peuple du Nou- veau Monde, qui, en se procurant de nombreuses et bonnes races de chevaux, s’accoutuma de bonne heure au manége, et forma des corps de cavaliers ; selon le Viagero universal, vers l’année 1568, il eut déjà plusieurs escadrons de cavalerie dans son armée. Comme plusieurs autres nations du Nouveau Monde, il conserve le souvenir d’un grand déluge auquel il n’échappa que peu d'hommes. Les Arau- cans savent déterminer par le moyen des ombres les solstices, et leur année (sipautu) offre encore plus d’analogie avec l’année égyptienne que celle des Aztèques. Les trois cent soixante-cinq jours sont répartis en douze mois (ayen) d’égale durée, aux- quels on ajoute à li fin de l’année, au solstice d’hiver (huamathipantu), cinq jours épagomènes. Ils divi- sent le jour naturel qu’ils commencent à compter depuis minuit en douze parties, six de jour et six autres de nuit, comme font les Chinois, les Japo- nois, les Taïtiens et quelques autres nations. Ils divisent les étoiles en plusieurs constellations qui prennent leurs noms du nombre des étoiles princi- pales qui les composent, comme les pléïades, la croix antarctique, etc. Ils appellent rupuepeca ou chemin de la table la voie lactée. Ils distinguent les planètes des étoiles, et les croient autant de terres habitées comme la nôtre. Ils pensent, comme Aristote, que les comètes viennent des exhalaisons célestes, qui s’enflamment dans la région supérieure de Pair, et les regardent comme les avant-coureurs des événe- ments fâcheux. Malgré l’état imparfait de leurs con- noissances géométriques, ils ont dans leur langue des mots pour désigner les différentes espèces de quantité, comme le point, la ligne, l'angle, le trian- gle, le cône, la sphère, le cube. Ils cultivent avec succès la poésie et la médecine, autant qu’on peut y réussir sans livres et sans écriture. La première n’est qu’un assemblage d'images fortes et vives, de figures hardies, de fréquentes allusions et d’excla- mations pathétiques. Leurs chansons roulent pour l'ordinaire sur les hauts faits de leurs héros. Leurs médecins se nomment amfibes, et les chirurgiens gutarves. A | $ IL. DES PATAGONS(). Les Patagons ont été regardés par un grand nom- bre de voyageurs comme formant une race remar- quable par sa haute stature, et à laquelle le nom de géant convenoit parfaitement bien. D’autres, au contraire, ont traité de chimériques les récits de ceux qui mentionnent cette grande taille, et aflir- ment n'avoir vu sur les bords du détroit de Magellan que des peuples n’ayant point de proportions autres que celles de la plupart des Européens. Dans une telle divergence d’opinions, il seroit peut-être dif- ficile de présenter un résultat positif, si les faits ne se trouvoient point aujourd’hui nettement et clai- rement exprimés par des hommes estimables et ju- dicieux. | L'intelligence répugne toujours à admettre l’exis- tence d’une race privilégiée, qui seroit ainsi en op- position avec l’organisation humaine. Le vulgaire, ami du merveilleux, a dans tous les temps aimé à se faire illusion, et créer dans son imagination des géants d’une force prodigieuse, dont la poésie et puis la mythologie se sont emparées. C’est ainsi que la fable nous a conservé le souvenir des Lestrigons, des Cyclopes, de ce Polyphème qui peignoit sa cheve- lure avec un râteau, des Titans qui voulurent esca- lader le ciel, etc. On conçoit que, lorsque des aven- turiers hardis, qui les premiers s’élancèrent dans les parages nouveaux des terres Magellaniques ou de la mer du Sud, publièrent leurs récits, on dut éprouver une vive surprise des nouveautés qu'ils ra- contoient non sans les entremêler de mensonges. Leur peinture des Patagons, vivant sur les bords du détroit fameux ouvert à l’extrémité du sud de l’A- mérique, dut paroître surtout extraordinaire ; et lorsque de nouveaux voyageurs vinrent après les précédents démentir les faits qu’ils avoient avancés, nier la grande taille de ces mêmes hommes, l’opi- nion flotta incertaine entre les diverses narrations, et adopta suivant l’ordinaire, et sans faire de con- cessions, telle ou telle manière de voir. Combien d'auteurs ont traité de mensonges avérés ce que d’autres regardoient comme une vérité palpable et reconnue! On ne peut cependant se dispenser d’ad- mettre comme un fait positif que des peuplades re- marquables par leur grande taille habitent tempo- rairement les bords du détroit de Magellan, et que parfois des tribus plus misérables et de stature moyenne s’y présentent à leur tour, et viennent ainsi () Ge mémoire a été inséré dans l'Atlas ethnogra- phique du globe, ou Classification des peuples anciens et modernes d'après leur langue, par M. Adrien Balbi; Paris, 1826 , in-folio, tableau XX VI. DE L'HOMME. 49 donner aux Européens, qui s’y rencontrent dans ces circonstances, une idée opposée à la croyance com- mune sur les Patagons. On ne doit pas se dissimuler toutefois que beaucoup d’écrits présentent de l’exa- gération dans la stature de ces peuples qu’on a portée jusqu’à huit et dix pieds anglois ; aussi est-il plus con- venable de se fier aux rapports des voyageurs moder- nes, plus amis de la vérité, qui la réduisent à des proportions plus voisines des nôtres, et qui nous montrent la tribu des Patagons comme une race con- servée pure, douce d’un physique imposant, pleine de force et de vigueur. Dans l’état actuel de ce que nous savons sur ces peuples, il est sans doute plus sim- ple de classer les diverses opinions émises sur eux. Magellan, dont le nom est attaché au fameux dé- troit qu’il découvrit, est le premier navigateur qui mentionne la haute taille des Patagons. La mesure approximative qu’il indique est à peu près de six pieds et demi. La Barbinais a emprunté une tradi- tion des Péruviens, consignée dans l'Histoire du Pérou de l’Indien Garcilasso , et dans les œuvres de | Torquemada, qui rapporte « que les Péruviens, en » descendant des montagnes après un déluge, trou- » vèrent les plaines occupées par unc race de géants » dont les mœurs étoient féroces. » Turner enfin (1610) dit avoir vu une race de géants sur les bords de la rivière de la Plata, et décrivit même les os qu’il pensoit leur avoir appartenu. En 1592, Cavendish porta à quatorze palmes de longueur deux Patagons qu’il mesura. Le menteur Sarmiento (1579), qui voyoit partout des châteaux et des colonnades, ne balance pas à dire que le Patagon qu’ils prirent étoit géant entre les autres géants. Hawkins dit de ces peuples que leur haute taille les fait appeler géants par plusieurs voyageurs. Pigafetta (1519) donne à ceux du port Saint-Julien huit palmes ou sept pieds. Knivet (1592) donne quinze ou seize palmes aux géants du port Désiré ; et, renchérissant encore sur ses prédécesseurs, Sebald de Wert (1598) accorde jusqu’à dix ou onze pieds de haut à ceux qu’il vit dans la baie Verte. Olivier de Nort (1598) trouva au port Désiré des hommes de grande stature, ayant le regard terrible, nommés Tireménen , et hauts de onze à douze pieds. Jacques Le Maire et Guillaume Schouten (i615) parlent des ossements de Pata- gons qu'ils déterrèrent, dont les dimensions leur prouvèrent que ces hommes avoient dix ou onze pieds de haut. Byron (1764), qui communiqua avec les Pata- gons, dont le nombre étoit de plus de cinq cents, les peint comme des hommes dont les plus petits n’avoient pas moins de huit pieds anglois, et parmi lesquels il y en avoit de beaucoup plus grands. Wallis (1767), dans la baie d'Élisabeth, vit deux troupes de naturels couverts de peaux de veaux marins, et exhalant une horrible puanteur. Ils L. étoient d’une taille beaucoup plus petite que ceux déjà précédemment vus, et le plus grand d’entre eux n’avoit pas plus de cinq pieds cinq à six pouces. Cook, dans son premier voyage (1769), décrit ainsi les naturels qu’il trouva à la baie de Bon-Suc- cès : « Ils sont gros et mal faits ; leur stature est de » cinq pieds huit à dix pouces; les femmes sont » plus petites, et ne passent guère cinq pieds. » M. de Bougainville n’en a pas vu qui eussent moins de cinq pieds cinq ou six pouces, mesure de France, et aucun qui eût plus de cinq pieds neuf ou dix pouces. M. de La Giraudais, commandant la flûte l'Etoile (1766), dit que le moindre de ceux qu'il aperçut avoit cinq pieds sept pouces ; et M. Duclos- Guyot, capitaine de la frégate l'Aigle, en rencon- tra de beaucoup plus grands. Forster, en parlant des Patagons, s'exprime ainsi, page 251 : « C’est un étrange phénomène de voir toute une nation conserver une s{ature si remarquable, tandis qu’au sud du détroit de Magellan , sur la Terre-de-Feu, on rencontre une race abâtardie et dégénérée, qui paroitroit descendre de la tribu des Huilliches, dé- crite par M. Falkner ( Description of Patagonia).» L'expédition de Malaspina , au détroit de Magel- lan, a donné des détails positifs sur ce sujet : ils nous paroissent concluants. Ils trouvèrent que la taille moyenne des Patagons est de six pieds et demi, et que les plus grands avoient sept pieds un pouce. De telles observations au dix-neuvième siè- cle sont décisives, et d’ailleurs elles sont confir- mées par celles de M. Gauthier, capitaine d’un navire baleinier françois, qui les visita dernière- ment. Cependant, si on rencontre dans Pernetty, Fré- zier, le père Feuillée, et dans les auteurs que nous avons cités, des témoignages aussi unanimes, on trouve également des contradicteurs , tels que Wood, Narborough { 1670). Les Patagons du Ha- vre-Saint-Julien sont d’une taille médiocre, mais bien faits, dit ce navigateur. De Gennes (41696) s'exprime ainsi : Ce sont ces Patagons (Port-Fa- mine ) que quelques auteurs nous disent avoir huit ou dix pieds de haut : le plus élevé d’entre eux n’avoit pas six pieds. De nos jours (1825), le marin anglois Weddell tourne en ridicule les rapports des précédents voyageurs, qui représen- tent ce pays comme tant habité par une race de géants. 11 dit que, d’après les renseignements qu’il se procura, leur taille ne diffère point de celle des habitants de la Tierra del Fuego, qui est de-cinq pieds cinq à six pouces au plus. Tels sont les renseignements les plus authenti- ques qu’on ait aujourd’hui pour aborder une ques- tion intéressante en elle-même, et qui pendant long-temps a été l’objet de l’avide curiosité des gens instruits. On ne peut nier que véritablement des 90 HISTOIRE NATURELLE peuples de grande taille ne vivent à certaines épo- ques dans les vastes pampas du détroit de Magel- lan. On ne peut se dispenser d'admettre, d’un au- tre côté, que des peuplades de taille moyenne y habitent également, et que, tour à tour prises l’une pour l’autre, elles ont été la source des discordances qu’on trouve dans les récits dont nous avons rap- porté la substance. On sait en effet que la Terre-de-Feu, la terre des Etats, sont peuplées par des hordes misérables et déjà rabougries par l’inclémence du climat. Tous les navigateurs peignent les Pescherais comme de dégoûtantes créatures. D'une autre part, les Espa- gnols ont écrit que les tribus nombreuses qui sont éparses dans les portions australes de l'Amérique varioient à l’infini, et que parmi des races de forte taille on trouvoit parfois des tribus de stature mé- diocre et ordinaire; et les naufragés du Wagger, de Fescadre d’Anson , qui traversèrent toute cette étendue de terrains , s'accordent sur ce point. Mais ces tribus errantes à la manière des Tartares, chan- geant de place et de lieu avec leurs familles suivant que les pâturages s’épuisent dans les endroits qu’elles fréquentent, se sont souvent transportées à de grandes distances ; et on ne peut douter que les Patagons eux-mêmes ne soient dans ce cas, et qu'ils ne parcourent ces immenses déserts suivant les époques et les saisons. Plusieurs auteurs disent que les Huilliche:, qui habitent depuis l'archipel de Chonos jusqu’au golfe de ?ennas, étendent leurs courses vers entrée du détroit. Il en est de même des Puel-hes où montagnards dont quelques uns ont jusqu’à sept pieds de haut, et que Falkner croit être ceux que plusieurs des voyageurs mentionnent dans le Havre-Saint-Julien ou au Port-Famine. Les Fehuels, tribu des précédents, qui habitent entre Ja Comarea déserte et les Andes, hauts de six pieds communément, et souvent de sept, habitués au cheval qu’ils manient avec adresse, seroient égale- ment les Patagons montés sur des chevaux des na- vigateurs modernes. Au dire du même missionnaire ces peuples ne seroient donc pas coufinés à ce qu’on appelle habituellement Patagonie, laqueile com- prend le sud de l'Amérique à partir du quarante- sixième degré de latitude. Sans adopter aveuglément la haute stature accor- dée aux Patagons par les vieux écrivains, on ne peut aujourd’hui, à moins d’un scepticisme exclu- sif, ne pas croire à l’existence d’une race d'hommes robustes, de grande stature, qui sans être géants sont très supérieurs aux Européens par la taille. Ces tribus, placées sous un ciel tempéré ou même froid, ne sont point, comme les habitants du pôle Nord, rabougrices par un climat rigoureux; on a même remorqué que du quarantième au cinquan- tième parallèle le climat étoit le plus propice pour conserver aux hommes le développement de leur stature que compriment et rapetissent les latitudes plus élevées. Tel fut le nord de l’Europe appelé officina gentium, et qui pendant long-temps inonda les États voisins de ces grands corps à cheveux blonds, connus sous le nom de Normands, etc. Les naturels de la Tasmanie sont plus grands et plus développés que ceux de l’Australie ; et on a même remarqué au port Jackson, où c’est une opinion vulgaire, que les enfants des colons grandissent considérablement, et bien au-delà de la taille de leurs pères et mères. Cependant il ne faudroit point conclure que la taille des hommes diminue d’autant plus qu’on se rapproche et de l’équateur et des pôles, parce que de nombreux exemples témoigneroient du contraire. Ainsi les Océaniens sont des hommes superbes, soit qu'ils vivent entre les tropiques ou à la Nouvelle- Zélande; et on retrouve ces avantages chez les na- turels de plusieurs points de la Nouvelle-Bretagne, et chez ceux de plusieurs parties de l'Afrique, sous la ligne, au Congo par exemple. Il en est de même, si l’on cherche quelques unes de ces lois dans le règne végétal. Ainsi l’eucalyplus, le gigantesque araucaria, couvrent de leurs forêts l'hémisphère austral ( l’équateur a le baobab, et le nord, ses pins séculaires. Ce n’est que près des pôles, au Groen- land comme à la Nouvelle-Shetland , que les arbres deviennent des herbes, et qu'une nature expirante pose son cachet sur les productions animées, et même sur l’homme. Les Patagons conserveroient par des relations pures et sans mélange la haute taille qui les distin- gue. C’est ainsi que divers peuples de l’Europe of- frentencore des différences généralement reconnues, Les Saxons, les Danois, les Norwégiens et les Sué- dois, sont plus grands que les François ; ceux-ci, que les Portugais; les habitants des plaines, que ceux des montagnes, etc. Les rapports des peuples les uns avec les autres, et les croisements qui en résultent, détruisent à la longue ces différences. Mais chez ces peuplades isolées, qui n’ont point de relations avec d’autres peuples, on conçoit qu’un tel résultat doit long-temps se faire attendre. Les peuples cités encore aujourd’hui pour une haute sta- ture sont, outre ceux que nous venons de nommer, en Europe, les montagnards de l’Ecosse, de la Styrie, du Tyrol, les habitants de la Frise, de l’An- germanie, de l'Héricodalic , du nord de l’Angle- terre, etc. ; et anciennement les Gaulois et les Ger- mains ; en Asie, les montagnards du Coïmbetore, du Boutan, les Katti, les nègres de Formose men- tionnés par Valentyn, etc. ; en Afrique, jadis les Guanches, et maintenant plusieurs peuplades de la Cafrerie, et les Hollandois du cap de Bonne-Espé- rance ; dans l'Océanie, les indigènes des iles Bali, DE L'HOMME. 51 Santa-Christina , des Navigateurs, des Mariannes, les Passummah de Sumatra, les Cagayanes de Lu- çon, etc. ; en Amérique, les Mocoby, les Abipons, les Guaycurus, les Paiagua, les Carybes, les Emé- rillons, les Arkansas, et en général les nations à l’est des montagnes Rocheuses. De même qu’il y a de nombreuses exceptions parmi les peuples, de même il y a aussi des excep- tions individuelles parmi les hommes, et ceux-ci alors recurent le nom de géants. La Bible nous peint Goliath haut de dix pieds et demi : nous y trouvons encore les géants enfants du démon et des filles de la terre, Og, roi de Basan, les géants d’'E- noc, auprès desquels les autres hommes n'étoient que des insectes. Nos vieilles légendes se sont plu à nous retracer Ja grande taille de quelques uns des chevaliers er- rants du vieux temps : on à vu leurs squelettes , et des os fossiles d’animaux que l’ignorance ou l'erreur attribuèrent au paladin Renaud, à Roland, ou à quelques autres preux tout aussi célèbres , ont long- temps chez le vulgaire témoigné de la véracité de nos vieux chroniqueurs. Sans remonter si haut nous savons que la nature, qui rapetisse certains êtres, semble, par une loi compensatrice de la matière, la distribuer sur cer- lains autres pour donner tous les jours sous nos yeux naissance à des individus de grande taille; mais, prudente et sage même dans ses écarts, on ne la voit jamais outre-passer certaines limites, et le maximum de sa puissance, pour créer ce que nous appelons un géant, paroît s'arrêter entre six et sept pieds. Telle est du moins la taille que nous connoissons appartenir à ces hommes offerts le plus souvent à la curiosité publique , ct c’est alors qu’un juste re- tour sur nous-mêmes nous fait regarder comme dé- mesurées des proportions qui ne se trouvent plus en rapport avec les nôtres. C’est ainsi que devinrent célèbres les soldats de la garde de Frédéric, roi de Prusse, remarquables par une haute stature. Sous l’empereur Claude, Pline cite le géant Gab- bare, qui avoit neuf pieds neuf pouces de haut. Mar- tin Delrio vit à Rouen en 4579 un Piémontois ayant plus de neuf pieds. Jules Scaliger vit à Milan un homme d’une taille démesurée. La Gazette de France du 21 septembre 1719 annonça qu’on avoit trouvé près de Salisbury un squelette humain de neuf pieds quatre pouces. Gaspard Bauhin cite un Suisse haut de huit pieds; et Vanderlinden, un Frison de la même taille. Stoller rapporte qu’un soldat de la garde de Guillaume Ie" avait huit pieds et demi. D'après les exemples que nous empruntons à M. Virey, et dont nous pourrions assez inutilement grossir celte liste, le célèbre anatomiste Diemes- broëk eite un homme de huit pieds sept pouces ; et Uffenback a vu le squelette d’une fille de cette grandeur. Enfin chacun a pu voir à Paris, dans le mois de février 4826, Louis Baguelin, surnommé le Goliath moderne, âgé de vingt-deux ans, haut de sept pieds, et parfaitement proportionné dans toutes ses par- ties. Un tel homme peut nous donner l’idée la plus nette des Patagons ; et il ne répugne nullement de croire que ces tribus ne puissent présenter assez communément ce que la nature ne produit en France que comme un phénomène rare et curieux. $ III. DES ESQUIMAUX (). Si nousavons vu une race privilégiée et de grande taille habiter l'extrémité méridionale de l'Amérique, nous trouverons par opposition, dans la partie bo- réale, un rameau distinct divisé en plusieurs bran- ches secondaires, qui présentent toutes la même physionomie et les mêmes habitudes. Les peuples que nous nommons Esquimaux, vi- vant dans les hautes latitudes du nord, sont soumis, au plus haut degré, à l'influence que peut exercer le climat sur l’homme comme sur les autres êtres animés. Leur physionomie, leurs habitudes, tout prouve que leur descendance provient de la race mongole ; et cependant, rapetissés dans leur taille, rabougris par les froids extrêmes des régions glacées du pôle nord, sur les limites duquel ils sont épar- pillés, ils ont subi toutes les modifications que pou- voit faire éclore l’action prolongée d’une tempéra- ture rigoureuse, sans cependant offrir d’une manière invariable la petite stature long-temps attribuée aux seuls habitants des côtes du Labrador et des terres placées près du cercle arctique, auxquels le nom d'Esquimaux proprement dits a été réservé sans partage par quelques anthropographes. La race mongole, même dans les pays tempérés où elle a pris naissance, est remarquable par sa taille médiocre. Aussi ses rameaux , disséminés sur le Groenland comme sur la Laponie et au nord du Nouveau Monde, en s’endurcissant au froid, ont pu se rapetisser, quant aux développement du corps, suivant les localités, tandis au contraire que d’autres tribus de la même famille, vivant sur un sol plus fertile et moins âpre, sont restées de taille ordinaire, tout en conservant les traces physiques de leur filiation. Une similitude dans les usages et dans les arts lie d'une manière assez nette les Esquimaux aux Sa- () Cette notice a été primitivement rédigée pour le trente-sixième tableau de l'Atlas cthnographique du globe , par M. Adrien Balbi. 52 moïèdes et aux Ostiaques, et même aux habitants de la presqu’ile de Kamtschatka et des îles Aléou- tiennes. Mais on remarque au milieu de ces peu- plades boréales une tribu qui paroît évidemment étrangère, dont la taille est bien plus développée, et qui s’est répandue sur les bords du détroit de Behring. Toutes les nations qu'on peut appeler polaires, séparées depuis long-temps, sans communication entre elles, ne peuvent être isolées sous le rapport physique et moral. Elles composent une grande fa- mille que plusieurs naturalistes ont nommée race hyperboréenne, et qu'ils ont caractérisée par les par- ticularités suivantes. Les hommes de cette race ont une taille qui ne dépasse guère quatre pieds six ou huit pouces. Leur corps est trapu, sons être gras; leurs jambes sont raccourcies, mais assez droites et très fortes ; leur tête est arrondie et d’un volume as- sez prononcé pour paroitre peu en rapport avec l’en- semble du corps. Le visage a cela de remarquable d’être large, court, et plat vers le front. Le nez est écrasé, sans être trop large; les pommettes sont fort élevées. La bouche est grande; les cheveux sont plats et noirs, naturellement gras et durs. La barbe est rare. Fabricius, dans sa Fuune du Groenland, avoit déjà dit : « On a remarqué que les hommes » du Nord avoient un teint plus blanc , une cheve- » lure plus blonde, à mesure qu’on s’avance vers » les climats plus froids; mais, par exception, les » habitants des environs du cercle polaire, tels que » les Lapons, les Samoïèdes, sont de petits hommes » très bruns de peau, à cheveux et barbe très noirs. » La nature placa près d'eux, et par un singulier contraste, les grands et lymphatiques Finois; et » près des Groenlandois les blonds Islardois, plus » méridionaux. » La couleur des Esquimaux est en effet d’un jaune rougeâtre sale. Les habitudes des Hyperboréens sont à peu près identiques partout où on les a soigneusement obser- vées. Vivant sur des points du globe où la nature semble expirante, ensevelie sous les glaces éternelles du pôle, leur industrie, toute instinctive, s’est tour- née vers la chasse et la pèche, leurs seules ressour- ces pour se nourrir : aussi y ont-ils acquis une grande Labileté. La rigueur du climat pendant de longs hivers les a forcés à se creuser des abris sou- terrains, et à y entasser des vivres pour l’époque où la pêche et la chasse sont impraticables. Dans les longues nuits polaires qu’éclairent à peine les au- rores boréales, ensevelis sous la glace et la neige dans des yourtes profondément creusées sous terre, les Esquimaux vivent de poisson sec, de chair de cétacés , et boivent avec plaisir l’huile de baleine qu’ils conservent dans des vessies. Ils cousent avec des nerfs leurs vêtements d’hiver, qui sont faits de peaux de phoques dont les poils servent de fourrure: | HISTOIRE NATURELLE ceux d'été sont taillés dans les intestins de grands cétacés , et ressemblent à des étoffes vernissées. Les huites estivales, de forme circulaire, sont couvertes de peaux de daim. Toutes ces tribus con- struisent sur un même modèle leurs élégantes piro- gues, longues de douze pieds et très étroites, avec des peaux d’amphibies que supporte une mince charpente en bois. La construction de ces pirogues ou baïdars est caractéristique pour ces peuples ; car ces embarcations sveltes et légères, sans balanciers, n’ont qu'une ouverture à leur milieu, dans laquelle se place l’'Esquimau. Celui-ci semble être identifié avec cette nacelle, et sait se relever avec dextérité lors même qu’elle chavire; ce qui arrive fréquem- ment. L'industrie de toutes ces peuplades se manifeste dans le travail d’une pierre grise et poreuse dont elles font des vases et des chaudières, qu'elles em- bellissent par des dessins variés, et aussi dans l’art de tailler le jade, dit pierre de Labrador, et d’en faire des bijoux à leur usage. Le goût des cosmétiques est aussi très vif chez elles. L’Esquimau est adroit à la chasse des renards et des zibelines, dont les fourrures lui servent de vé- tement ou d’objet d'échange avec quelques trafi- quants du Nord. Il sait harponner avec audace les cétacés, et les dards dont il se sert, faits d’os ou de pierres aiguës, sont surmontés de vessies gonflées dont la résistance sur l’eau use les forces de la ba- leine, qui vient plus souvent respirer à la surface de la mer, et qui éprouve une plus grande difficulté à s’enfoncer. De nouveaux javelots l’accablent en- core jusqu’à ce qu’elle ait succombé. Alors elle est dépecée; et ses lambeaux, partagés entre plusieurs familles, assurent pour long-temps leur existence. Superstilieuse à l'excès, la race polaire, à cela près de quelques nuances, a présenté dans toutes les tribus des idées religieuses identiques. Mais une morale très relâchée a fait adopter aux hommes la polygamie, prostituer sans pudeur leurs femmes et leurs filles, qu’ils ne considèrent que comme des créatures d’un ordre inférieur dont ils peuvent faire ce que bon leur semble. Les Esquimaux qui ont eu des communications avec les Européens en ont reçu un goût désordonné pour les liqueurs spiri- tueuses ; et ceux du Labrador et du Groenland, bien qu’ils aient eu au milieu d’eux pendant long-temps des missionnaires moraves, n’ont fait aucun progrès dans la religion chrétienne. Quelques uns des Es- quimaux , moins septentrionaux , sont pasteurs ; ils élèvent des troupeaux de rennes qui leur assurent une fortune, se servent de chiens pour tirer des traineaux sur la neige, et emploient pour marcher de larges patins faits en forme de raquettes. Ceux-ci sont, comme on doit le penser , très mélangés. La petite taille des Esquimaux est remarquable. DE L'HOMME. 53 Certes la nature rapetisse chaque jour certains hommes, et semble prendre plaisir à créer des ébauches imparfaites ou des êtres en miniature; tel étoit surtout le célèbre Bébé, le mieux fait des nains que cite l’histoire, car la plupart d’entre eux ne sont que le résultat du rachitisme : mais il est difficile de croire qu’elle ait voulu donner le jour à des peuples de pygmées, à ces Quimos que réprou- vent les lois de l’organisation humaine. Quant à cette médiocre stature qui paroit être dévolue aux Esquimaux, n'est-il pas naturel de penser que l’ac- tion d’un froid vif et permanent suffit à la longue pour s’opposer au développement de l’organisme, et que cette action constante doit concentrer le plus possible le développement des organes? Cette opi- nion ne répugne nullement à l'intelligence ; car la faculté créatrice semble s’anéantir vers les pôles, et le nombre des êtres destinés à y vivre a reçu une organisation appropriée, et diminue d’une manière rapide. Le règne végétal n'offre-t-il pas l'exemple le plus remarquable de cette influence? Les plantes de la zone glaciale, rabougries dans leurs formes, engourdies pour ainsi dire pendant les neuf dixièmes de l’année, n’atteignent jamais qu’à des dimen- sions très petites; et c’est ainsi, pour en citer une preuve palpable, que le bouleau du Nord finit par prendre les formes humiles d’une herbe près des limites du pôle! $ IV. DES PÉRU VIENS. Pendant un court séjour à Payta, petite ville si- tuée sur la côte du Pérou par cinq degrés de lati- tude, nous eûmes occasion de visiter fréquemment les descendants des Péruviens qui peuplent un petit village de l’intérieur nommé Colan. Bien que facon- nés par la domination espagnole à des habitudes tout opposées à celles de leurs ancêtres, ils ont en- core conservé quelques unes de leurs traditions ; et leur physionomie d’ailleurs, quoique influencée par les superstitions que leur ont inculquées leurs mai- tres, est empreinte d’un caractère de nouveauté suffisant ponr mériter un instant notre attention. Le village de Colan est situé au milieu d’une plaine sablonneuse, nue et déserte, mais à une foible dis- tance de la rivière de Chira, non ioin de Lambayec. Ces deux villages sont entièrement peuplés d’abori- gènes auxquels les Espagnols ont laissé la préroga - tive d’avoir des caciques de leur choix pour les régir. Ces peuplades, ne fournissant jamais d’hom- mes pour les milices ou pour leservice des créoles, se sont multipliées en paix, et mettent le plus grand soin à ne pas avoir de relations ayec les descendants des Européens qui les méprisent et les molestent. Nous eùmes des relations amicales fréquentes avec le respectable Mutcharé , cacique en 1822. Ce Pé- ruvien nous reçut dans sa cabane avec cette antique hospitalité, cette extrême bienveillance , cette dou- ceur inaltérable que les vieux auteurs accordent aux anciens habitants du Pérou et du Mexique ; aussi nous empressämes-nous de le combler de présents qui le pénétrèrent de reconnoissance , et bien qu'é- tranger aux grands débats de l’Europe, ignorant jusqu’au nom de France, nous ne doutons pas qu’il ne conserve de notre passage et de notre nation un doux souvenir. La physionomie de tous les Péruviens que nous avons vus paroissoit calquée sur un type unique. Cette ressemblance générale est frappante. La ma- jeure partie d’entre eux nous parut avoir une taille médiocre, et ne dépassant jamais cinq pieds et deux ou trois pouces. Les membres sont grêles, arrondis et peu musclés. La coloration de la peau tire sur la teinte de cuivre rouge un peu clair, La face est ova- laire. Le nez est saillant, assez ordinairement épa- té, et les narines ouvertes et dilatées. Les lèvres sont grosses , et la bouche est très fendue. Les traits pris dans leur ensemble sont assez réguliers, et res- pirent la douceur. Les Péruviens ont une chevelure très noire, abon- damment fournie, qu’ils portent tressée en longues mèches flottantes sur le dos. Leurs femmes sont généralement laides ; car leur petite taille, leur vi- sage évasé transversalement , leurs traits prononcés et mâles, ne contribuent point à leur prêter de char- mes. À peine sur un grand nombre nous en distin- guâmes deux ou trois qu’on pourroit citer comme passables d'après nos idées conventionnelles de la beauté, et encore c’étoient des jeuues filles dans l’âge de puberté, au moment de la floraison de la vie. Les habitants de Colan, placés non loin d’un pe- tit port de mer, se procurent par l'échange des pro- ductions de leur sol les vêtements européens qu'ils portent dans les jours de fête; et quoique placés sous l’influence d’une vive chaleur, le gros drap est ceiui que les plus riches Péruviens affectionnent pour se vêtir. [ls se couvrent la tête avec un large chapeau de paille, et vont nu-pieds. Les femmes ont une mise plus simple, et n’ont point perdu l’usage de leur ancien costume qui ne se compose que d’une grande camisole noire, munie de larges manches, dans laquelle le corps est en pleine liberté. L'é- toffe qui sert à la confection de ce vêtement se fait dans le pays avec une espèce de coton, etest teinte en noir très solide avec les gousses d’un mimosa qu’on nomme chitran , qui croit dans les montagnes voi- sines. Cette tunique enveloppe la peau, car le linge est inconnu. La chevelure des femmes n’est point recouverte autrement que par un léger morceau 54 HISTOIRE NATURELLE d'étoffe chez celles qui imitent les usages des créoles, mais elle est en général disposée par longues tresses retombant sur le dos. Leurs jambes ne sont garan- ties par aucune chaussure, ni par toute autre en- veloppe. Si les personnes d’un certain âge n’em- ploient pas plus de frais pour leur toilette, certes les enfants doivent encore être plus simples dans leurs ajustements : aussi vont-ils nus jusqu’à un âge même assez avancé ; et nous avons vu des pe- tites filles de douze ans , époque de la vie où elles commencent à être nubiles dans les pays chauds, complétement privées de vêtements devant les ca- banes de leur père, et, dans l’innocence des mœurs primitives, n’attacher aucune idée d’indécence à leur état de nudité. Les Péruviens de Colan savent communément lire et écrire l’espagnol. Les bienfaits de cette in- Struetion leur sont communiqués par des prêtres qui tiennent pour les enfants des écoles très suivies. Mais c’est à peu près tout ce qu’ils en reçoivent ; car ils ne pourroient guère puiser des leçons de mo- rale dans leur conduite. Les habitants forment deux classes distinctes, les agriculteurs et les pêcheurs. Les premiers cultivent leurs propriétés sur les rives du Rio del Chisue, et les autres tirent de la mer leur subsistance et celle de leur famille. Ceux-ci emploient pour naviguer des balsias, faites de peaux ou de troncs d'arbres réunis et attachés entre eux de manière à former une sorte de radeau. Les Péruviens de Colan ont pour toute industrie de filer le coton, et d’en tisser l’étoffe qui habille les femmes. Leurs besoins sont peu nombreux ; et par conséquent les meubles grossiers de leurs ca- banes bâties en terre et en bambous se réduisent à des vases faits avec des calebasses, à de petits ha- macs de toile pour servir de berceaux aux nouveaux- nés, tandis qu’une simple natte étendue sur le sol est le lit des père et mère. Le pain n’est point servi dans les repas. Son usage est inconnu. Il est remplacé par des grains de maïs rôtis et grossièrement concassés, ou par le manioc et des patates douces (convolvulus batatus). Hs se régalent en outre avec de la viande de porc salée ou séchée au soleil, et n’emploient guère de moyen de cuisson autre que l’ébullition ou le grillage sur des charbons incandescents. La boisson la plus ordi- naire est l’eau pure; mais on lui adjoint à la fin du repas de la chicha, obtenue par une fermentation de la graine de maïs, et qui donne une liqueur eni- vrante que leurs ancêtres buvoient avec délices. Cette chicha a une saveur forte , mais aigrelette, et sa consistance et sa couleur ne peuvent mieux être rendues que par celles du café au lait. Ces peuples font un grand usage de condiments énergiques, et surtout d’ur* espèce de piment à épiderme rosé, âcre et brülant. Les mœurs de la peuplade de Colan sont d’une grande douceur ; mais elles se ressentent de l’incul- ture des faculté morales, et présentent trop fré- quemment chez les femmes celte facilité et cet abandon que nos mœurs réprouvent. Il est vrai que les voyageurs emploient d'ordinaire sans scrupule des moyens de tentation puissants, et que leurs présents, trop souvent appréciés au-delà de leur valeur, sont pour ces peuples simples les objets d’une convoitise qu’ils ne peuvent surmonter. Aussi les Péruviens de Colan nous parurent-ils deman- deurs insatiables, et tout leur faisoit envie ; mais il est juste de dire qu’ils n’insistoient point, ni qu’ils ne témoignoient aucune humeur lorsqu'ils étoient refusés. La superstition la plus grande règne parmi ces habitants, et c’est ainsi qu’ils comprennent le culte catholique. Hommes et femmes portent suspendues au cou des amulettes de toutes sortes, bien que le plus ordinairement ce soient des billets contenant quelques prières, renfermés dans un petit sac en cuir suspendu sur le cœur. Ces billeis jouissent à leurs yeux des propriétés les plus surnaturelles, et ils leur attribuent la guérison de toutes leurs mala- dies. Une vertu fortementenracinéeest le respect filial. Nous avons entendu le vieux Matcharé au milieu de sa famille, considéré par elle comme le patriarche que leurs respects devoient honorer, nous dire : « J'ai élevé leur jeunesse, ils doivent soigner ma » vicillesse à leur tour. » Tout dans la cabane en effet ne se faisoit qu'avec son assentiment. On le consultoit avec les attentions les plus délicates ; et jamais un fils, fût-il âgé et père de famille, n’oseroit s'asseoir à table avec son père, en compagnie d’é- trangers du moins, sans son consentement. Quant aux femmes elles sont considérées comme des créa- tures secondaires, et leurs principales attributions consistent à préparer les aliments et à les servir; elles n’ont la permission d’y toucher que lorsque les hommes ont terminé leur repas. La conversa- tion du vieux cacique Matcharé étoit grave, lente : jamais le sourire n’eflleuroit ses lèvres. Son visage étoit austère et sérieux, et ce caractère de physio- nomie est généralement celui que nous vimes chez tous les Péruviens de Colan. Ils vénèrent la vieil- lesse, parce qu'ils la regardent comme riche d’ex- périence et dégagée de l'influence des passions vio- lentes : aussi est-ce par ses conseils qu’ils sedirigent le plus ordinairement. DE L'HOMME. 95 $ V. DES POMOTOUS. Les Pomotous appartiennent à la race océanienne, et vivent sur ces iles basses et plates connues des géographes et des navigateurs européens par le nom d'archipel Dangereux de la mer Mauvaise, et qui sont appelées dans la langue de ces peuplades Po- Motous (1). Ces îles sont élevées sur le sommet des montagnes sous-marines, et entièrement formées d’un calcaire qu’y déposent les polypiers saxigènes ; leur surface n’est élevée que de quelques toises au- dessus du niveau de la mer. Bordées par des récifs, recouvertes par un très petit nombre de végétaux nourricicrs, privées d’eau douce, sans cesse me- nacées d’être englouties par des vagues lors des grandes perturbations de l'atmosphère, ces îles n'offrent à l'espèce humaine qui les habite que des secours bornés et une existence précaire. Ces ter- res, résultats du détritus des coraux , seroient com- plétement nhabitables si des forêts de cocotiers, dont les noix ont été transportées par les courants et ont pris possession du sol à mesure qu'il s’ex- haussoit sur la surface de l'Océan, n’étoient venues fournir aux hemmes , que des naufrages ou un excès de population forcèrent à y émigrer, leur principale ressource pour y vivre. Toutes les iles basses de Ja mer du Sud en effet, quelle que soit leur petite étendue, commencent à être habitées dès que les cocotiers peuvent produire. Dans cette portion du globe l'existence de l’homme est donc intimement unie à celle de ce palmier. On conçoit que des be- soins sans cesse renaissants, une industrie constam- ment tournée vers les moyens d’accroitre les res- sources alimentaires, un manque de communication avec les navires européens qui sillonnent ces mers, ont dû avoir une grande influence sur le caractère moralde ces peuplades : aussi remarque-t-on qu’elles sont ombrageuses, défiantes, et qu’elles présentent une grande sauvagerie de mœurs. Lorsque nous traversâmes l'archipel des Pomo- tous, un grand nombre de naturels vinrent à une certaine distance de notre navire sans vouloir en ap- procher, bien que nous employassions les moyens les plus propres pour éloigner leur défiance. Les habitants de l'ile de Clermont-Tonnerre, que nous découvrimes le 22 mai 4823, se servoient de piro- gues à balanciers. Ils nous adressèrent de longs dis- cours d’une voix forte et aigre, qui nous parurent être un roulement continuel de voyelles pressées. En vain leur criämes-nous tayo, mot qui dans la langue ccéanienne veut dire ami, ainsi qu’enomot, () Po, collectif, les ou groupes des, et motous, îles basses formées par des récifs, qui signifie venez ici: ils se bornèrent à les répéter et à rire en gesticulant. Les étoffes rouges qu’on leur montra les tentèrent beaucoup; mais la peur fut la plus forte, ils n’osèrent approcher. Ces insu- laires étoient nus, si on en excepte un maro ou petit morceau d'étoffe qui voile à demi les parties natu- relles. Leur couleur étoit d'un jaune bistre assez clair, et paroissoit brillante par la couche d'huile de coco dont ils étoient frottés : leurs formes corporelles ne diffèrent point de celles des O-Taïtiens ; leur ma- nière de nager, leurs pirogues, et l’art de construire celles-ci sont également identiques. Le 24% du même mois nous longeàmes une autre ile basse découpée en bandelettes étroites, ayant un lagon au centre, à laquelle le chef de l’expédition donna Je nom d'éle d'Augier : cette île étoit couverte de cocotiers; aussi sa population étoit-elle nom- breuse, et les groupes de naturels qui s’agitoient sur le rivage éloient armés de longues javelines. 1ls mirent aussi plusieurs pirogues à la mer : elles vin- rent toutes très proche de notre vaisseau; mais au- cune n'’osa toutefois l’accoster. La taille de ces hommes étoit généralement élevée : des colliers de coquilles entouroient leur cou ; ua morceau d’étoffe blanche, fabriquée sans doute avec le mürier à pa- pier, ceignoit leur tête. Ceux qui étoient dans les pirogues croissoit la solennité de la fête impie qu’on adressoit aux dieux. Ces offrandes humaines éloient presque toujours prises dans la classe du peuple : ce n’étoit que dans des circonstances rares qu’on sacrilioit des femmes cuccintes ; et l’on dit même que les chefs ou le roi avoient le soin de choisir des individus qui, sans amis ou sans parents, n’excitoient les regrets de personne, et dont la mort ne pouvoit occasionncr de troubles. Souvent aussi on réservoit cette sorte de vengeance publique pour ceux qui s’éloient fait remarquer par leur turbulence ou par des actes cri- minels. C’est au milieu des ombres de la nuit qu’on en- touroit Ja maison de la victime : on l’appeloit, et à peine mettoit-elle le pied sur le seuil de la cabane qu’elle étoit mise à mort. D'autres fois des hommes vigoureux s’élançoient sur elle ; et alors le patient, 72 HISTOIRE NATURELLE résigné à son sort et encore religieux adorateur du dieu qui ordonnoit son trépas, faisoit ce que les Taï- tiens appeloient tipapu, c’est-à-dire qu’il se couchoit - et attendoit avec calme le coup de casse-tête qui de- voit lui briser le crâne. Mais les odieuses divinités qui inspirèrent aux Taïtiens, doux par caractère, des superstitions aussi barbares, ne se bornoiïent point à voir arroser les marches des moraës avec le sang humain ; elles leur inspirèrent la pensée, tant leur aveuglement sacrilége les asservissoit au culte affreux d’Oro, que le plus pur encens, que les offran- des les plus chères aux dieux, étoient les angoisses de la douleur, les tortures d’un être souffrant, et la longue agonie d’un malheureux se débattant contre des tourments sans cesse renaissants jusqu'à ce qu’un trépas vivement attendu vint l’y soustraire. Ainsi les victimes attachées aux arbres des moruis étoient frappées avec des bâtons pointus, couvertes de blessures mortelles, et expiroient dans une lente agonie en adressant aux cieux des cris de douleur et de rage. Les enfants étoient souvent oMerts en holocauste, et la barbarie avec laquelle les ‘Faïtiens traitoient ces innocentes créatures ne peut se concevoir. Que le levier de la superstition est puissant pour trans- former en choses sacrées des actions que la simple morale réprouve comme des atrocités!.. Les en- fants, exposés sur les moraïs, éloient écrasés sur la p'erre qui en formoit les marches. Leurs débris épars étoient supposés servir de nourriture aux âmes ren- fermées sous ce tombeau. Parfois encore on leur at- tachoit au cou ou aux oreilles une grosse pierre, et on les lançoit à la mer, ou même dans les rivières des environs ; et les parents se réjouissoient de leur mort, comme si le bonheur de leurs enfants étoit à jamais assuré dans une vie future pour avoir servi d’offrande à la colère d’Oro. Telles étoient les san- glantes cérémonies que les Taïtiens (!) pratiquoient souvent avec un empressement barbare, et on dit même que chaque mois voyoit dresser les prépara- tifs d’une fête de cette sorte. Les victimes, après les sacrifices, étoient enveloppées de feuilles de coco- tier. On les accrochoit aux parois des moraës, on on les suspendoit aux branches des arbres d’alentour. Les enfants étoient ornés de colliers et autres objets, qu’on regardoit ensuite comme sacrés. Les cadavres restoient ainsi en plein air jusqu’à ce que les lam- beaux pourris tombassent sur le sol, où ils servoient de nourriture aux animaux immondes que leur odeur attiroit; ct leur sépulture dernière se trouvoit être l'estomac d’un cochon ou d’un chien, ou celui d’un oiseau de rapine. &) On dit qu'il n’y avoit que quatre-vingts ans qu'ils avoicnt reçu cette coutume sanguinaire de l'ile de Raïatea, Les morais qu'ont décrits Cook, Wilson et au- tres, étoient formés de pierres de corail d’un vo- lume parfois énorme, entassées avec régularité en formant des gradins. Ces moraës avoient de grandes proportions, et servoient de sépulture aux rois ou aux grands personnages, et étoient consacrés aux divers ordres des dieux. Les Taïtiens ont prouvé qu'ils sentoient parfaitement toute l’impression que pouvoient faire dans l’âme du vulgaire des endroits ainsi consacrés, en les entourant de fables, de spec- tres qui terrifioient ceux qui les approchoient ; et même aujourd’hui. quoiqu’ils soient convertis, ils redoutent encore le voisinage de ces lieux qu’ils ne visitent qu’avec crainte, et sur lesquels ils débitent les histoires les plus absurdes. C’est du moins ce dont nous avons eu l'expérience en visitant avec deux guides les ruines du grand morai royal de Pari. Les autels homicides des moraïs étoient toujours placés dans des lieux retirés, au milieu des bois, sous des massifs de verdure formés par le gigantes- que ey!0, l'arbre des regrets et des morts (cusuarina à feuilles de prêle), sous le feuillage sombre du ta- manon (calophyllum), des haoutou (baringtonia), et des arbres à pain ; de larges liserons festonnoient de guirlandes ces temples rustiques, analogues à ceux que nos pères arrosoient de leur sang, sous le cou- teau des druides. Les cérémonies n’avoient jamais lieu que le soir, au moment où le crépuscule venoit apparoître et je- tr une clarté vacillante et éteinte sur la scène, qu’un peuple immense entouroit lorsque la nature de la fête le permettoit, mais qui n’étoit occupée que par les initiés lorsqu'on devoit y pratiquer des offrandes mystérieuses. Alors malheur à quiconque y portoit par hasard ses pas! il payoit de sa vie la faute qu’il avoit commise involontairement. Les grandes cérémonies commencoient par une danse nocturne nommée pomara. Le son aigu des tritons (1) résonnoit au loin dans les gorges des val- Iées et la profondeur des forêts, et servoit à indiquer aux insulaires que le grand erchi alloit commencer les mystères. Les roulements rauques d’un long tambour, ou tam-tam, ne cessoient point de se faire entendre dans l’enceinte. Alors on déposoit sur le moy ai les plus beaux régimes de bananes, les cocos les plus butireux , enfin des offrandes nombreuses et variées. C’est alors que le pontife dictoit ses oracles, annonçoit la protection de son dieu, ou menacçoit de sa colère, exigeoit des victimes, ordonnoit la guerre, et proinctioit la victoire, ou enfin décidoit de la paix et des traités que les chefs devoient effectuer pour le bien-être de tous. Dans les cérémonies funèbres, tous les habitants () Trés grosse coquille qui leur servoit de trompette; ils la pergoient d’un trou à sa petite extrémilé, DE L'HOMME. 73 non initiés devoient se {enir cachés dans leurs mai- sons, ou .du moins se tenir éloignés du lieu où les prêtres faisoient leurs prières. On sait que le princi- pal personnage du deuil étoit revêtu du paraï, vêle- ment mortuaire, que Pomaré Nehoraï nous montra à Matavai. À la vue du parai tous les insulaires pre- noient la fuite. Ce costume singulier étoit un mélange d’ornements de nacre, de plumes de phaéton, sur un large croissant en bois, et cachoit sous un bonnet de poils la tête de celui qui en étoit revêlu comme sous un masque. - Les corps étoient exposés sur des plates-formes élevées sur des pieux, et parfois embaumés comme les momies d'Egypte, avec des résines de vy, et des bandelettes d’étoffes de mürier ou de jaquier. On les laissoit se sécher lentement, au milieu des saaves parfums du gardenia, ou sous les corolles éclatantes de l’Aibiscus rose de Chine. Telle étoit la masse fondamentale des opinions religieuses des insulaires de Taïti, lorsque les mis- sionnaires anglois de l'Église réformée vinrent, en mars 1797, leur inculquer de nouveaux dogmes. Ce ne fut qu'après un intervalle de plus de seize années, à la suite de guerres désastreuses, que la religion chrétienne sapa leurs superstitions traditionnelles, vint régner triomphante sur les idoles renversées, et détruire à jamais les divinités mensongères de celte grossière mythologie (!). {‘) Nous croyons devoir citer comme piéce à l'appui une lettre adressée au commandant de la corvelle Læ Coquille par un des missionnaires anglois établis aux Îles de la Société, bien qu'elle ne nous paroisse pas de- voir mériler une croyance complète en tous ses points. Borabora, 43 mai 1823. MONSIEUR, Quoique je vous sois complètement étranger, je vous prie de vouloir bien accepter les deux livres renfermés dans ce paquet comme un témoignage de mon respect, L'un est les rites des apôtres; l'autre, un recucil d'hymnes dont nous faisons usage dans nos adoralions publiques. Vous ne z pas biessé que je prenne un peu de votre tem pe M Quelque déplacée que soit l’idée qu’on vous aura don- néc de la déclaration d'indépendance de ces peuples, ils ne jouissent cependant par le fait que d’une force nominale, et d’une simple possession des iles. Ce sont les seuls avantages dont ils puissent se glorifier. Les rois ne sont rois que de nom. Leur pouvoir réside en entier dans les tiaaus et les ratiras; les rois sont les premiers par leur rang, lestiaaus marchent ensuite, et les ratiras viennent aprés. Les tiaaus (prononcez tiaous) sont par le fait des petits rois de districts, Les désirs du roi ne peuvent être remplis que par la volonté et l'influence des tiaaus et des chefs; ils peuvenr détrôner le roi quand il leur plaît. Le monarque n’a jamais eu de revenus: mais il reçoit de temps en temps des tiaaus et des chefs les ï. Le langage desO-Taïtiens est le dialecte le plus pur de la langue océanienne; il ne s'éloigne pas beau- coup de celui parlé aux Tonga, à la Nouvelle-Zé- lande, aux Marquises et aux Sandwich. Cette insu objets et les vivres que les îles produisent.Les tiaaus et les chefs forment en effet l'ordre le plus formidable, Les îles sont Taïti, Morea, Maïaoïli, Huahéune, Raïa- tea, Tahaa , Borabora et Maurua, Les rois de chacune sont Pomaré TITI, roi de Taïti, Malhiné, de Morea et de Maïaoiti; Flahiné et Hautia, d'Huahène; Tamatoa, de Raïatea; Fenuapeho, de Tahaa; Maïet Tafaora, de Borabora (qui a peut-être le plus beau port, et qui, sous tous les rapports, est la plus belle ile de tout l'archipel) ; et Faïro, de Maurua. Le gouvernement de chaque ile est exclusif et entié- rement indépendant (*). Chacune a ses prêtres, ses prophéles, son enfer, ses contes et ses tradilions , qui composent un ensemble curieux, discordant et ab- surde. L'enfer à Raïatea étoit le grand réceptacle. Ce n’est qu'un lac au sommet de la plus haute montagne; le dieu résidoit sur les arbres voisins, et avec une es- péce de coquille ( dentje renferme un échantillon dans celte lettre) il étoit censé enlever la chair des pauvres malheureux qui venoient là pour lui servir de nourri- ture. La coquille étoit déifiée, et celui qui en mangeoïit l'animal devoit mourir. Les poissons, les oiseaux , les (‘) Nous ajouterons à ces détails quelques renseigne- ments historiques sur les rois @'O-Taïli. Le gouverne- ment est monarchique et héréditaire dans une famille; la marque distinctive de la royauté est le maro royal, et le titre erahi rahi : les distinctions sociales se com- posent de quatre classes, qui sont celles des raliras ou nobles, des mahaounis ou cultivateurs, des touhas ou peuple dans la rigueur du mot, et des foutous ou ser- vileurs. : Lorsque le commodore Wallis aborda à O-Taïli, cette île étoit gouvernée par la reine Oberea, celèbre par le récit de ce navigateur, et surtout par la narration de Bougainville. Elle étoit mariée à Cammo, qu’elle força à vivre en simple particulier à Papara aprés s'en être sé- paréc. Oberea descendoit de Zemari par une longue suite d’aïeux:; et eette branche, depuis long-temps en possession du pouvoir, en fut dépossédée par la branche d'Otou, qui chassa la reine Oberea, seul et dernier re- jeton des Temari. Cet Otou est le chef de la famille des Pomaré. Il eut pour fils Pomaré Ler, qui prit en naissant ie nom d'O- tou , tandis que son père changea de nom, et prit celui d'Otehi. Ce nom d'Otou, par les lois taïliennes, passoit toujours au premier-nê, et le père devoit ainsi cesser de porter un titre qui appartenoitde droit à son héritier. Otou (Pomaré Ler ) vécut long-temps, fit la guerre avec succès, et mourut vers 4798. C'est de lui dont parle st fréquemment Cook et avec éloge: car il en fut accueilli avec une grande bienveillance. 11 eut un fils qui, pre- nantle nom d’Otou, le força à se faire appeler Teina. Cet autre Otou (Pomaré H) avoit un frére nommé Ori- pia, qui mourut fort jeune, etse maria à deux femmes, Tetoua et Whyridi. Cette dernière fut épousée vers 1796.Pomaré 11 avoit environ dix-sept anslorsque le ca- pitaineWilson, commandant le Duff, toucha à 0-Taïili en 4797. Il régunoit alors; il accueillit avec empressement les missionnaires; et, adoptant leur religion, il fit bri- ser les idoles. Mais, chassé du gouvernement par son peuple, il parvint à ressaisir le pouvoir, régna sans obstacle, quoique obligé de calmer des soulévements , jusqu'à l’époque de sa mort, qui arriva en décembre 4821. Son fils Otou (Pomaré Lil), enfant de trois ans, lui succéda en janvier 14823 , eLO-Taïli étoit nominale- ment gouvernée par la veuve de Pomaré ou Pomarë Wahiné , régente. Ce n’est point ici le lieu de présenter un tableau du régne de Pomaré I, bien qu'il soit re- marquable par les événements qui en forment le cours. 10 74 océanienne qui est répandue dans la plus grande partie des îles de la mer du Sud est généralement, ar le grand nombre de voyelles qui en composent mots, d’une grande douceur. Elle se corrompt, elle s’altère par le mélange des langues papoues, aux Fidjis, aux îles des Navigateurs, à la Nouvelle- Calédonie, etc. Ce dialecte a été long-temps sans être fixé; cela tenoit au singulier usage que le roi et les chefs avoient, en prenant un nom quelconque, de le faire bannir du langage usuel. Ainsi, pour en donner un exemple plus facile à saisir, supposons qu'il ait plu à un chef de prendre pour surnom le mot manou, qui veut dire oiseau, le peuple ne pouvoit plus se ser- vir de ce mot pour désigner ces êtres, et on en créoit unautre, qui Lôt ou tard finissoit par être remplacé. La langue est pleine de cette surabondance de noms qui n’expriment plus les mêmes objets, et c’est pour cela que les dictionnaires que nous ont transmis les navigateurs renferment tant de mots inusités aujour- d’hui. De tous les Européens, les Espagnols et les François sont ceux qui peuvent le plus aisément parler et écrire l’o-taïtien ; il n’en est pas de même des Anglois qui éprouvent des difficultés telles que beaucoup de leurs missionnaires ont été forcés de relourner dans leur patrie, n’ayant pu en saisir la prononciation ; et même, parmi ceux qui ont le mieux compris le génie de cette langue, a-t-il fallu près de trois années pour leur en inculquer les prin- cipes. Que penser alors de Cook, quand on lit dans son deuxième Voyage (p. 535) :.… « Nous direà plu- » sieurs que M. de Bougainville étoit de France, » nom qu'ils ne vinrent jamais à bout de prononcer : » ils ne prononcçoient guère mieux celui de Paris, » et il est probable qu’ils auront bientôt oublié l’un insectes et Îles reptiles, ont tous été déifiés : il y avoit dix ou douze cérémonies accompagnées de sacrifices humains. Le premier el leur plus puissant dieu étoit appelé Faroa : dans une coquille de la forme d’un œuf il tourna dans le vasle espace jusqu’au jour où il en brisa les enveloppes; alors il l'oceupa, et commença à former la base de la terre, à laquelle, lorsqu'il devint vieux, il ajouta les corps qui l'accompagnent, jusqu’à ce que la terre eût acquis sa grandeur actuelle. Une profonde ignorance, pire que les ténèbres de l'Egypte, couvroit ces îles. Mais, monsieur , l'étoile du jour de la vérité etla liberté ont brillé, Maintenant > AU lieu des absurdes murmures de l'ignorance, des inven- tions artificieuses de prêtres rusés, des rites Sanguinai- res de déités méprisables, des lois de sing du démon ; et du déluge de guerres qui ravageoient ces côtes, nous voyons la plus grande partie de ce peuple suivre les instructions de la paroles pure du Dieu vivant. Je vous demande pardon, monsieur, de fixer si long- temps votre attention. Je ne puis que vous exprimer mes souhaits pour votre conservalion, Je m'intlitule votre très humble et très, ete. Signé J, M. ORSMOND. HISTOIRE NATURELLE » et l’autre : au contraire tous les enfants pronon- » coient celui de Pretany (Grande-Bretagne), et il » est presque impossible qu’ils l’oublient jamais ? » Que de fausseté dans ces lignes ! et comment se fait- il qu'un homme de génie soit si pelit dans ses pré- ventions nationales? Ainsi les naturels, privés du son cuphonique de plusieurs de nos consonnes, tra- duisoient le nom de Bougainville en le rendant par le mot de Poutareri, comme celui de Cook par Touts ; quant à celui de Paris, c’est entièrement la même prononciation que Pari, district dans lequel est Papaoa, la résidence des rois, et que le navi- gateur anglais écrit Opare ; ce mot de Pari leur étoit donc familier; quant au nom de France, ils le prononcoient sans doute alors comme aujourd'hui, et aussi bien que celui de Grande-Bretagne, l’un pèr frany, et l’autre par Pre'any. Sous le rapport du souvenir que Bougainville y a laissé, il est vrai que la mémoire des naturels ne l’a pas conservé; mais il n’avoit jamais fait couper un grand nombre d'oreilles à ces insulaires, titre durable (t) pour ne pas en être oublié. Les règles grammaticales des langues sont trop avantageuses à l'étude des races humaines pour que nous ne cherchions pas à conserver l’ébauche informe de celles relatives au langage o-taïtien, que nous avons recucillies sur les lieux et souvent dans la con- versation de M. Nott. D'après l'E bukia haa pii r«aneia ei Parau tahiti ou abécédaire taïtien , l'alphabet ne se compose que de seize lettres, qui sont : A, B, DE, F, H, 1, M, N,0,P, R,T, U, V, W. Ïj lui manque donc dix lettres de notre gram- maire qui sont: C, G, J, K,L, Q,S,X, Y et Z. La privation de ces lettres, que ne peuvent prononcer les Taitiens , est le seul obstacle qui force ces peuples à travestir nos noms. La prononciation de chacune d’elles peut se rendre par les sons fran- çois suivants : A,a; B, bi; D, di; E,e;F, fa, H, esse; 1, i; M, mo; N,nou;,0,0;,P,m;R, r05T, 4; U,ou; V, vi. L'assemblage des syllabes se fait comme pour les nôtres, ct nous n’en donnerons qu’un exemple, ba, be, bi, bo, bu, etc. Depuis la fixation de la langue, qui date de l’in- troduction du christianisme , il n’y a plus que les noms propres qui changent. () Nous avons long-temps médité la vie de Cook; nous en connoissons une foule de particularilés qu'ont ré- pandues ses compagnons et qu'ont passées sous silence ses biographes. Les circonstances que nous rapportons sont assez légères, etnous croyons devoir omettre celles qui n'ont point de rapport avec notre sujet, DE L'HOMME. Lcs conjugaisons, moins compliquées que les nôtres, ne peuvent être mieux comparées qu’à celles de la langue hébraïque. Ils n’ont point de verbes auxiliaires, comme étre, faire; ils ont donné à pres- que tous les verbes la Gouble acception d'ordre : tel est ce verbe remarquable par le grand nombre de voyelles, fuaaa, faire; et suivant le génie de cette Jangue, qui est riche en figures belles et nombreu- ses, on dit faaa tea te aaaoao, qui signifie faire * augmenter l’espace entre les côtes, ou, en d’autres termes, ce qui veut dire qu'un homme engraisse beauroup. Voici un exemple des déclinaisons : SINGULIER, Le navire, te pahii. Du navire, o te pahi. Au navire, à le pahüi. Le navire, te pahii. O navire, e te pahii. Du navire, e te pahii. PLURIEL. te mau pahii. o Le mau pahi. i Le mau pahit. te mau pahii. e le mnau pahii. e te mau pahii. Les navires, Des navires, Aux navires, Les navires, O navires, Des navires, DUEL. Les deux navires, te na pahii. Des deux navires, o te na pahi. Aux deux navires, à {e na pahii. Les deux navires, 1e na pahii. O deux navires, e te na pahü, Des deux navires, e te na pahii. La négation diffère par des temps distincts, et plusieurs mots servent à l’exprimer. Ainsi aeta (non), ainea, aina , aipa, aore , expriment le pas- sif; eita, eima, eina , eipa, eore,ehene, ehere, in- diquent le futur et le présent, Une autre locution est eioha , qui veut dire que cela ne soit pus. Pour l'affirmative ils onte, oui; et ouetia, qui veut dire d'accord. Les comparatifs et les superlatifs sont les mêmes que dans le francois ; seulement quelques uns ont des modifications. Ainsi maitai, bon; maitai ae, meilleur ; maitairoa, le meilleur que ; maitai tei à tena, ceci est meilleur que cela. Beaucoup de mots expriment souvent une même chose, et une même chose est exprimée par un grand nombre de tournures différentes. Les plus petits changements dans la prononciation des mots modifient leur valeur. ExEurre. Le mot au signifie, pris isolément, 75 fumée, fiel, un, courant, natation, être d'accord, préperer, un pronom, une aiguille , coudre, conve- nable , un arbre, un oiseau. Le mot 0e veut également dire une épée, une cloche, une erreur, un pronom, une famine. On remarquera que dans aucun cas deux conson- nes ne se suivent. Les missionnaires ont donné le nom de palatiale à cette langue; et lorsqu'ils se sont réunis pour se communiquer leurs divers travaux relativement au dictionnaire projeté, ils se sont trouvés d’accord pour l’orthographe et les étymologies : mais ils ont beaucoup différé pour la prononciation , qui, sui- vant eux , est la principale difficulté ; car le mot que nous avons vu exprimer diverses choses se prononce avec autant d’accentuations ou inflexions différentes. Cela n’empêche pas que le vulgaire du peuple la parle avec délicatesse : mais les chefs seuls connois- sent les tournures expressives , les mots significa- tifs ; ils sentent les fautes les plus légères de la pro- nonciation , et la basse classe se sert de certains idiotismes qui lui sont propres, de même qu’on en à introduit un bon nombre qui sont anglois et défi- gurés ou travestis. Les noms européens sont tra. duits pour la plupart, mais d’une manière à ne pas les reconnoître : tels sont, par exemple, M. Ors- mond, Otamoni; France, Frani; la Coquille, To- tire; gouverneur, tavant ; le Dauphin, Ofaa; le Duff, Tarapu, ete. ya EXEMPLES DE PHRASES. Te pahi paniola a Quiro te tipae raa à Vaiuru paha, 4606. (Le navire espagnol de Quiros aborda sur la côte du district de Vaiourou, 1606. ) Le nom de Quiros n’est point écrit suivant l’ortho- graphe des naturels. D. Naite anei outou ta Olamoni parau? (Com- prenez-vous M. Orsmond parlant? ) Naite anei (Williams) te outou parau? (Lesieur Williams comprend-il votre langue? ) R. E naîte, il entend. EXEMPLES DE NOMS. — La flèche, emoia. Brisant, vae. Ciseaux, paoti. Fourchette, patimara, Habit, proue. Pagaies, eoe. Javelot, omore. Chasse-mouche, tairi, Mouchoir, taamou. Encre, «pou. Souliers, tima. Homme, {ane. Femme, vaine. Fille, aëne. Fils, meotua. Crayon, peni. Livre, pouta. Couteau, tipi. Chapeau, tapou. Are, phana. — La corde, roa. — Le carquois, oke. 76 ASseZ, aëma. Ami, èou. Papier, parao. _ Bague, tapeu. Chemise, tapa. Biscuit, amou. Eau-de-vie, Vin, ava. Eau, Cordage, aourou. Sabre, 0e. — Fourreau, vi. Ceinturon, tatia. Clef, tariri. Mût d’un navire, céira. Poule, moua. Cochon, pou. Chien, ouri. Montre, mana. Pagne, aati. HISTOIRE NATURELLE Culotte, {atoe. Bouteille, moona. Aiguille, nira. Nacre, etou. Fil, taoura. Huile de coco, mori ou monoë. Pendants d'oreilles, poe. Sifller avec les doigts, ekio. Tabac, avaava. Vrilles, ehou. Clou, nero. Collier, ai. Ficelle, eaho. Petite hache, 10e. Nom (désign.), 104. Pavillon, ereva, Soleil, mana. Venez ici, arimai. — promptement, eare. Hamecons, malao, etc., etc. On pourra consulter le Pocabulaire taïtien donné par Bougainville; et, quoique quelques mots soient inusités, il rendra encore de grands services. En général cependant il faudra supprimer le et l’o qui précèdent le plus grand nombre des mots: ce sont deux articles qui signifient le ou la. Notre manière de mesurer le temps a été intro- duite par les missionnaires de la manière suivante : CO amo r«a mala à ta minute. (Soixante secondes font une minute.) 60 minute i ia hora. (Soixante minutes font une heure.) 24 hora ia mahana. (Ningt-quatre heures font un jour.) 7 mahana i ia hebedoma. (Sept jours fontune semaine.) 4 hebedoma i iaavae. (Quatre semaines font un mois.) 13 avae 1 mahana 6 hora à ia matahiti. (Treize mois un jour six heures font une année laïtienne ou lunaire.) 52 hebedoma à ia matahili. (Cinquante-deux semaines font un an.) 265 mahana à ëu matahiti. (Trois cent soixante-cinq jours font une année.) Les noms des jours de Ja semaine sont traduits ainsi : S'abati, TMonedi, T'uesedi, Henesedi, T'uresedi, Feraïidi, Saturedi, dimanche. lundi. mardi. mercredi. jeudi. vendredi. samedi. Les mois sont également empruntés des Anglois, et ils n’en diffèrent pour les noms que par l’arran- gement des voyelles qui séparent les consonnes. Les mois taitiens étoient appelés apaapa, firia, te eri, te tai, ovarelu, faa ahu, pipiri, œununu , paroro- mua, paroromuri, muriraha, hiaia et tema. Les douze premiers sont rangés dans l’ordre de notre calendrier, et répondent à nos mois; mais les insu- laires les plaçoient bien différemment : leur année étoit lunaire. L'ancienne manière de compter usitée à Taïti, ‘comme dans les iles voisines, est celle-ci :, atahi. arua, et le plus souvent apiti. aloru ahea où amaha. arima OU apae. afene ou aono. ahitu. avaru OU aVaous aiva. aahuru ; prononcez aahourou. ahuru matahi ou hoe ahuru mahoe. 12, ahuru marua où hoe ahuru mapiti. alhuru matoru ou hkoe ahuru matoru. alu maaeha où hoe ahuru mamaha. alu marima où hoe ahuru mapae. ahuru mafene où hoe ahuru maono. ahuru mahitu Où hoe ahuru mahitite ahuru mavaru où hoe ahuru maraou. ahuru maiva où hoe ahuru maiva. erua ahuru ; on dit aussi epit ahuru. De 20 à 29, on commence par erua ahuru,auxquels mots on ajoute matahi, marua, elC., comme pour les premières dizaines. eloru ahuru. eha ahuru. erima ahuru, efene ahuru. ehitu ahuru. 80, evaru ahuru. 90, 100, 5” % + - - + + SOMME OR CE NI - 10, civa ahuru. atahi rai. Les signes des neuf premières unités s’ajoutent devant ru, pour exprimer le rombre de centaines. Ainsi : 200, 300, 400, 1000, arua ra aloru Tau. aeha rau, e& ainsi des autres. se dit atahi mano ; 2000, arua mano, comme pour les centaines. Par ce simple aperçu il sera possible de comparer le dialecte o-taïtien avec celui de la Nouvelle-Zélande ou de plusieurs autres systèmes d’iles océaniennes, et nous le terminerons par un petit vocabulaire de noms donnés aux diverses parties du corps humain. Ces noms doivent être ceux qui subissent le moins de changements et qui traversent intacts le laps le plus considérable de temps, et parmi lesquels on doit trouver des caractères moins variables pour les analogies, —— sn = D Tête, aai. Cheveux, o-où-rou, OEïil, tone-ma-ta. Nez, e-hi-ou. Sourcils, tou-a-ma-tlx. Bouche, ou-tou. Joues, papari-a. Le globe de l'œil, opomata. Cils, outi-outi. Narines, popooyou. Dents, tariniou. Menton, t(oa, Oreille, taria. Barbe, ourounour'ou. Favoris, ounaoun«a. Poitrine, kouma. Mamelles, ohnou. Sein, nami, Nuque, ereë. Côté du thorax, «oo. DE L'HOMME. Nombril, péto. Anus, ououre. Vagin, pipitiloe. Verge, {apa. Fesses, toai, Épaule, lapauno. Aisselle, ai-aë. Bras, rma. Avant-bras, valia. Coude, pororima. Main, erima. Paume de la main, {eabou- rm Les doigts, rma-rima. Ongles, ma-i-ou-ou. Cuisse, ouaa. Jambe, avai. Tibia, eoufara. Cheville, momoa. Pied, tapouai. Ventre, obou. influence du climat des îles de la Société sur la race humaine qui les habite est beaucoup plus fà- cheuse que ne l'ont cru les navigateurs dont nous possédons les relations. Ces îles, et notamment O- Taïti, bien loin d’être exemptes de maladies, sont au contraire la proie d’endémies qui moissonnent les insulaires aussi bien que les étrangers. Comment en seroit-il autrement d’ailleurs sous une température humide et chaude, sur un sol frais et constamment humecté, dans des cabanes sans parois closes? La vie peut très bien s’accommoder du régime frugivore, mais la grande consommation de poissons, que les naturels mangent crus de préférence et par goût, n’est pas sans de graves inconvénients. Ce qui le prouve d’ailleurs sans réplique est le petit nombre de vieillards qu’on remarque parmi les C-TEtaïtiens ; car malgré nos recherches nous n'avons pu nous procurer aucun exemple de longévité. Ces peuples, avant larrivée des Européens, con- noissoient une sorte de médecine qu’ils appeloient erapo-maë, qui guérit. Leurs médecins ou e-«o rem- plissoient souvent les fonctions de prêtres inférieurs, ou étoient revêtus d'emplois guerriers. Quelques uns de ces Machaons, faisant marcher de front l’art de faire des blessures et l’art de lés guérir, étoient in- vestis d’une haute estime. Mais le plus ordinairement les pères de famille exerçoient eux-mêmes ce pieux ministère, et ne confioient point à des étrangers la santé de leurs femmes ou de leurs enfants, et tous counoissoient un grand nombre de plantes qu’ils al- loient recueillir dans les montagnes, et auxquelles ils attribuoient diverses propriétés ; toutefois les sucs qu’ils en exprimoient avoient moins d'efficacité dans leur opinion que des pratiques superstitieuses et des intercessions aux idoles des Horaïs. 77 ils se réduisoient à abandonner aux soins de la na- ture la cicatrisation des plaies, dont ils rappro- choient les bords, et qu’ils préservoient du contact de l'air en les recouvrant avec leur papier vestimen- tal; mais ce qui nous parut plus étonnant fut de sa- voir que les raturels pratiquoient parfois une sorte d'opération analogue à celle du trépan, et nous vimes un habitant de Borabora qui s’étoit acquis sous ce rapport une grande réputation. Ils ont trouvé dans la racine de l’ava-uva un remède contre la syphilis, et ils ont l’usage de se ficeler les jambes comme moyen prophylactique pour s’opposer à l’éléphantiasis, $ VII. DES NOUVEAUX-ZÉLANDOIS. Peu de peuples sont aussi intéressants à ctudier que les Nouveaux-Zélandois : leur âme, fortement trempée, présente ce mélange de douceur et de cruauté qui forme de l’histoire d’un peuple un ta- bleau pittoresque. Les Nouveaux-Zélandois, en effet, ne semblent avoir que peu des mœurs hospitalières qui caractérisent quelques tribus de la même race établies sur les iles de la mer du Sud. A la première vue leur caractère est sombre et féroce ; on diroit que la haine et la vengeance sont les scules passions qui les animent : tout étranger qui aborde leur rivage est pour eux un ennemi. Leur physionomie morale attriste donc l’observateur lorsqu'il pénètre la bar- barie de leurs coutumes, leur anthropophagie, leur instinct destructeur, l’aveuglement de leurs super- stitions, et leur mépris pour les choses utiles à l'agrément de la vie ; et cependant, au milieu d’habi- tudes si éloignées d’une civilisation même naissante, on retrouve quelques unes de ces vertus développées avec une vigueur que cette même civilisation n’a point encore permis de cacher sous le vernis trom- peur et mensonger de la politesse. Chaque Zélandois porte le plus grand attachement aux divers membres de sa famille et à tous ceux de sa tribu : au dedans il concentre son affection, au dehors il ne voit que des ennemis ct rarement des alliés; et si les tribus voisines se réunissent entre elles, cette union n’est jamais cimentée que par la nécessité de vivre en paix, et, comme on le dit vuigairement, dans un état de paix plätrée. Nous retrouvons donc dans les Nouveaux-Zélan- dois la même physionomie, les habitudes, les idées religieuses, la langue des habitants de Taïti, des Marquises et de Sandwich ; mais, jetés sur une terre plus défavorisée sous le rapport des ressources, ils ont conservé beaucoup plus intactes les traditions de leurs ancêtres. Les Nouveaux-Zélandois sont généralement plus grands et plus robustes que les Les préceptes chirurgicaux étoient très simples : ! O-Taïtiens, L’habitude de la guerre et les marches à 78 travers les montagnes endurcissent leurs membres, dont les formes sont athlétiques ; leur taille est com- munément de cinq pieds sept à huit pouces, et ra- rement elle est au-dessous; la couleur de la peau ne diffère point de celle des hommes du midi de l'Eu- rope. Leur physionomie est remarquable par son ex- pression; elle est rarement franche et ouverte, mais d'ordinaire les traits respirent une sombre férocité. Ce qui la distingue chez ces peupies est un visage ovalaire, un front rétréci ; un œil gros, noir et plein de feu ; un nez parfois aquilin et plus souvent épaté, et une bouche grande dont les lèvres sont grosses. Les dents sout du plus bel émail, petites, et rangées avec beaucoup de régularité. Les Zélandois portent leur chevelure longue et par mèches éparses retom- bant sur la figure, et les chefs seuls ont le soin de la relever sur la tête en une seule touffe. La nature de leurs cheveux est d’être rudes ; leur couleur est noire, parfois rougeâtre, et ceite dernière doit être attribuée sans aucun doute à l’usage que pratiquent certains individus de se saupoudrer la tête avec de la poussière d’ocre. Foui, chef de l'hippah de Kaouera, qui nous rendoit de fréquentes visites, avoit ses cheveux flottants par longucs mèches, qu’il arran- - gcoit de manière, dans les expéditions militaires, à ce qu’elles imprimassent à sa physionomie un air plus redoutable. L'usage qu'ont un grand nombre de naturels de conserver la barbe longue ei flottante sur la poitrine rappelle quelques unes de ces têtes antiques reproduites par le pinceau de nos grands peintres. Les jeunes gens sont long-temps imberbes : tous leurs mouvements sont agiles et dispos; et, bien que les jambes soient parfaitement faites, lPu- sage qu'ont ces peuples de s’accroupir sur les talons fait naître de bonne heure des engorgements aux jarrets. Toutes les femmes mariées qui vinrent à bord de Ja corvette La Coquille avoient les formes bien plus développées que les filles esclaves qui vivoient dans le navire, et que leurs maitres y envoyoient dans l'intention d'en obtenir divers objets en échange de leurs faveurs. La taille de ces femmes étoit forte et robuste, et rarement au-dessous de cinq pieds deux à trois pouces ; celle des esclaves au contraire étoit, terme moyen, de quatre pieds trois à six pouces. Une telle disproportion est sans doute due à la prostitution à laquelle ces infortunées sont condam- nées dès qu’elles sont nubiles. L'ensemble des traits qui chez la plupart des peuples distinguent les femmes par leur délicatesse est, à la Nouvelle-Zé- lande, diamétralement opposé aux idées que nous nous sommes formées sur Ja beauté. Les filles, dans leur premier printemps, ont un large visage, des traits masculins, de grosses lèvres souvent teintes en noir par le tatouage ; une grande bouche, un nez épaté, une chevelure mal pcignée et flottant en HISTOIRE NATURELLE désordre, une malpropreté générale, et enfin le corps imprégné d’une odeur de poisson ou de pho- que qui soulève le cœur. Mais ce tableau si repous- sant est en partie détruit par quelques précieux avantages dont la nature les a dotées; et en effet des dents d’une blancheur éblouissante et des yeux noirs pleins de feu et d'expression sont des charmes tout- puissants, quelque part qu’on les trouve : d’ailleurs leur effet s’accroit encore d’un avantage qu’il est si diflicile de rencontrer chez les femmes civilisées. Les jeunes Zélandoises, dont l’heureuse ignorance ne connoit point l’usage des corsets, ont les orbes de la poitrine qui le disputent au marbre par la du- reté, et qui malgré leur volume conservent long- temps et leur élasticité et leur rectitude. Ces organes n’ont aucune influence sur les sens des hommes; ils ne sont à leurs yeux que les réservoirs où leurs en- fants puisent la vie. Les travaux de ménage, les enfantements, les jouissances nombreuses ct pré- coces, font bientôt disparoître lembonpoint et la fraicheur des jeuncs années, et toutes les femmes âgées que nous avons eu occasion de voir étoient dégoûtantes par la flaccidité générale des chairs. Les femmes et les hommes n’ont point l’habitude de s'épiler, et ces derniers sont loin de pratiquer la circoncision. Les vieillards ne sont pas nombreux. Les habitu- des guerrières de ces tribus et les combats fréquents qu’elles se livrent sont des obstacles en effet pour que les individus puissent atteindre Ie terme de leur carrière. La froidure du climat ne permet point aux Nou- veaux-Zélandois de faire usage des bains : aussi sont-ils dégoûtants de malpropreté. Les femmes, et surtout les files esclaves, chargées de léviscé- ration des poissons pour les faire sécher, ont le corps recouvert d’une épaisse crasse qui exhale au loin une odeur d'autant plus repoussante que sou- vent s’y mêle celle de l'huile de phoque ou de mar- souin, dont elles s’oignent le corps, et qu’elles re- couvrent de poussière d’ocre : ce dernier usage est remarquable en cela qu’on ne le trouve employé que chez les peuples de race nègre. La plupart des Zé- landois d’ailleurs dédaignent de se couvrir la che- velure de poussière rouge, et tous ceux qui nous présentèrent cet embellissement appartenoient à des villages éloignés de la baie Marion, et venoient de l'intérieur de l’ile. Cette habitude de malpropreté est d'autant plus cnracinée chez ces peuples, qu'avec très peu de soins il pourroient se débarrasser de la vermine qui les dévore, et de la crasse qui les recouvre. Hommes et femmes sont d'excellents nageurs : mais ce n’est que par nécessité et rarement par plaisir qu'ils se jettent à l’eau, et ces dernières conservent, sars en changer, les pagnes de phormium qui leur DE L'HOMME. 79 ceignent les reins jusqu’à ce qu'iis soient usés; elles ne les quittent point pour le sommeil, ni même lorsqu'elles sont accroupies au fond des pi- rogues dans l’eau, au milieu des têtes et des intestins de poissons. Le costume des Zélandois varie très peu dans les deux sexes. Mais comme ces iles n’offrent point les arbres précieux à écorces textiles dont se servent les O-Taïtiens pour confectionner leur papier ves- timental gracieux et léger, ces peuples ont eu recours à d’autres matières, et les nattes qu’ils ont su tisser avec les fibres du phormium texax sont d’une rare beauté et par la substance dont elles sont composées et par le travail. Une de ces nattes flotte négligemment sur les épaules et sar le corps ; on la nomme tatutu : une deuxième est roulée autour du tronc, et descend jusqu'aux genoux. Dans les hi- vers, dont la rigueur est extrême sur ces iles antarc- tiques, ils ajoutent sur la natte supérieure un tissu grossier et pesant formé de masses nombreuses de filaments d’une sorte de jonc qui imitent les flocons de laine réunis sur les colliers des chevaux des voi- turiers d'Europe. Ce vêtement est nommé toÿ; il est remplacé chez les chefs par un manteau de peaux de chiens cousues ensemble, et c’est le Æahou ouairo, Le tissu des nattes varie par le travail; et c’est ainsi que, souvent lisse et sans dessin, il est parfois remarquable par la délicatesse des ornements qui le composent. Des brins de phormium non bat- us et.très longs sont implantés dans les pagnes des jeunes files esclaves plus particulièrement, et ne contribuent pas peu à donner à celte partie du corps une ampleur démesurée. Le rang et la valeur des guerriers zélandois sont indiqués par un grand nombre de petits fragments polis et travaillés d'os ou de jade, attachés sur la poitrine au bord de la natte, et dont le véritable et primitif usage étoit de servir à gratter dans la che- velure et détruire les insectes qui y vivent. Du reste ils ont, comme tous les autres peuples, le goût de la parure, et celle qu’ils préfèrent consiste à se pla- cer des plumes dans les cheveux, et surtout une touffe de plumes blanches et soyeuses dans le trou des oreilles, qu’ils remplacent le plus souvent par des morceaux de {oile. La tête n’est jamais recou- verte par aucune espèce de coiffure, et les cheveux flottent en désordre sans que l’art vienne leur prêter son secours : cependant quelques jeunes filles, plus coquettes sans doute que leurs compagnes, vinrent nous visiter ayant la tête couronnée d’une guirlande de mousse très verte et très gracieuse, Les objets de parure pour les femmes consistent en colliers de coquillages nommés piré, auxquels sont parfois suspendus de petits hippocampes dessé- chés. Leur goût pour les grains de verre bleu de fabrique européenne est très prononcé; aussi les recherchent-elles avec empressement. Mais le bijou le plus précieux, que portent seulement les hommes, et à la possession duquel sont attachées des idées religieuses , est le fétiche de jade vert représentant une figure hideuse, qui pend sur la poitrine sus- pendu à quelque portion d'os humain. C’est encore par esprit de superstition qu’ils attachent à une de leurs oreilles une dent acérée du goulu de mer ou squale, qui sert aux femmes à se déchirer la figure et la poitrine pour témoigner leur vive douleur à la perte des chefs ou de leurs parents. Les insulaires attachent le plus grand prix à la conservation de ces objets lorsque, transmis par leur ancêtres, ils sont devenus tabouës ou sacrés. Ils pensent qu’à leur possession est lié le bonheur de leur vie, et ils les échangent au contraire avec indifférence et pour des bagatelles lorsqu'ils proviennent de leurs ennemis, et qu’ils les en ont dépouillés en les massacrant. Nous avons déjà eu occasion d'indiquer que les Nouveaux-Zélandois de quelques endroits de lin- térieur se recouvroient la figure et les yeux de fard grossier composé de poussière d’ocre, mélangée à de l’huile de cétacés; cependant cet usage est peu général : mais il n’en est pas de même de celui de se placer de larges mouches noires sur le nez, le menton , et sur les joues, ainsi que le font les jeu- nes garçons, et de larges mouches d’un bleu d'azur, ainsi que le pratiquent les jeunes filles ; ce dernier embellissement se nomme para-eka- ouni-noua. Qu'on veuille bien ne pas croire que ces détails soient futiles : ceux-ci, ajoutés à d’autres faits, sont quelquefois très nécessaires pour caractériser les habitudes des peuples; et d’ailleurs aurions-nous bonne grâce de critiquer au milieu des tribus restées stationnaires dans leur civilisation ce que le caprice des modes rend bien plus ridicule chez les nations curopéennes ? Ce besoin qu’ont tous les hommes de modifier les avantages qu’ils ont reçus de la nature se fait aussi vivement sentir chez les Nouveaux-Zélandois. Le tatouage ou moko les occupe pendant toute leur vie, el chaque année ils se soumettent à l'opération douloureuse qu’il nécessite. Ce tatouage est d’au- tant plus remarquable qu’il couvre ordinairement fa figure; et, comme il est renouvelé très fréquem- ment, ilen résulte de profonds sillons disposés par cercles réguliers, qui donnent à la physionomie l'expression la plus étrange. Les habitants des iles Müarquises et les Nouveaux-Zélandois sont donc les seuls peuples qui se tatouent profondément le visage, tandis que les O-Taïtiens en ont perdu la coutume, et prodiguent au contraire cetornementsur le corps, et que les Nouveaux-Zélandois ne le placent que sur les fesses en le disposant en cercles enroulés les uns dans les autres. Les femmes se font couvrir les reins de ‘losanges formant une large bande; mais elles 80 ajoutent encore à leurs traits durs ct repoussants des dessins qui ne contribuent point à les embellir, et c’est ainsi qu’elles ont les lèvres sillonnées de raies d’un noir profond, et des sortes de fers de lance profondément imprimés aux angles de la bouche et au milieu du menton. Il n’y a que-les esclaves pris jeunes ou les hommes de la dernière classe qui ne soient point latoués : tous les autres naturels ne sau- roient se soustraire à cette coutume sans honte; et plus un guerrier est fameux, plus il a subi le renou- vellement de cette opération, et plus il est fier d’un blason qu’il n'obtient jamais sans de vives douleurs. L'architecture domestique, et par ce nom nous désignons l’art de bâtir les cabanes, a été assez in- génieusement appliquée par les Zélandois au climat qu'ils habitent, et aux habitudes belliqueuses qui les animent. Leurs demeures, au lieu d’être vastes et aérées, forme qui seroit désavantageuse dans un pays que battent les tempêtes de l'hémisphère austral, sont petites et basses, et leurs villages ou hippahs ne sont d’ailleurs jamais placés en plaine, parce qu’ils pourroient être saccagés par surprise; mais au contraire ils couronnent toujours des collines abruptes, des lieux escarpés et d’un difficile accès. Ces cabanes sont des gites où l’on ne peut pénétrer qu’en se trainant sur les genoux et sur les mains, et les familles qu’elles abritent dorment pêle-mêle sur de la paille, et dans un espace très resserré, où la respiration de plusieurs individus entretient aisé- ment la chaleur nécessaire pour que le froid du de- hors ne puisse y pénétrer. Leur intérieur. ne pré- sente aucun meuble, si l’on en excepte quelques coffrets élégamment sculptés, quelques vases en bois rouge, chargés de dessins tels qu’on peut s’en faire une idée par les figures qu’en a données Cook dans sa relation. L'industrie la plus perfectionnée et la plus remar- quable du peuple qui nous occupe est celle de la fabrication des étoffes. On retrouve dans les variétés de ces ressources chez les divers Océaniens la sage prévoyance de la nature, puisque sur les îles inter- tropicales, dont la température est constamment chaude, elle à fourni des écorces textiles , suscepli- bles de se métamorphoser en étoffes légères et moel- leuses, comme à O-Taïti, aux Tonga, aux Marquises, aux Sandwich ; et qu’à la Nouvelle-Zélande, où les froids des hivers sont intenses, elle a produit le phormium ; car c’est avec les fibres de ce dernier vé- gétal, bien supérieur à notre plus beau lin, que les femmes, et surtout les jeunes filles enlevées à leurs familles par suite des malheurs de la guerre, tissent soigneusement leurs mali ou nattes élégantes, nom- mées kahou, lorsqu'elles servent de vêtements, et appelées koura, kupenga, ete., suivant les parties du corps qu’elles doivent recouvrir, Ces nattes, par IISTOIRE NATURELLE l'aspect satiné des fibres du phormium, soigneuse- ment débarrassées de la maliére gommeuse qui les invisque, sont ornées de dessins, et forment en se drapant un habillement qui n'est point sans analogie avec l’ancien costume civil des Romains. Permi les objets d'utilité qu'ils fabriquent pour leurs besoins journaliers, on doit mentionner les paillassons grossiers dont ils se couvrent les épaules dans les temps de pluie, et les sacs en jonc dans les- quels sont renfermées leurs provisions diverses. La manière dont sont préparées les fibres du phormium est aussi fort remarquable par sa simplicité, tandis que, dans les essais tentés par des savants dans le but louable d'utiliser une plante aussi précieuse en Europe, on n’est point parvenu à obtenir ces mêmes fibres avec toutes les qualités qui distinguent celles qui résultent du procédé des Nouveaux-Zélandois. Ces derniers, après avoir coupé les longues feuilles de la plante à lin (c’est ainsi que Cook nomme le phormium dans la relation de ses voyages), les met- tent maceérer quelques jours dans l’eau, et les reti- rent pour les briser avec un maillet en bois très dur sur un billot ovalaire du même bois. Cette opération préliminaire est leur haronga, et par son moyen la chlorophylle ou matière verte résireuse est enlevée de dessus les fibres, incomplétement il est vrai; mais le soin qu’on a ensuite de les racler avec force à l’aide d’une valve de coquille rendue coupante sur son bord achève de les débarrasser des parcelles de cette ma- tière qui s’opposent à leur souplesse. Ainsi netloyées de l’enduit qui les enveloppoit, les fibres du phor- mium ont la couleur dorée du plus beau lin, unie au moelleux et presque à la force de la soie. Les deux iles habitées par les Nouveaux-Zélan- dois, sans être placées sous de hautes latitudes, su- bissent cependant linfluence d’une température rigoureuse par les vents furieux qui soufflent une grande partie de l’année, et par les neiges qui re- couvrent les lieux élevés. Les naturels qui les hati- tent ont senti de bonne heure le besoin de se former des provisions d'hiver; et, comme dans les beaux jours ils prennent une grande quantité de poissons dans les baies qui morcellent leur rivage, ils en sè- chent et en fament la majeure partie por se nourrir lorsqu'il est impossible de mettre des pirogues en mer, et pour se préserver de la famine lorsque leurs hippahs sont assiégés par des tribus ennemies. Le sol ne fournit plus spontanément comme dans les îles équatoriales une grande variété de substances alimentaires; et la base de l'existence des Zélandois se trouve être la racine ligneuse d’une fougère qui couvre toutes les plaines , et qui ressemble parfaite- ment à notre pleris. Plusieurs plantes potagères que leur ont communiquées les Européens sont aujour- d’hui utiles aux naturels, et croissent presque sans soins, {ant le sol meuble leur est convenable : tels DE L'HOMME. 81 sont les patates douces, les pommes de terre et les radis. Les mets accessoires dans leurs repas consis- tent en coquillages, en langoustes, et parfois en cochons, et le plus souvent en chiens. Les chairs de leurs ennemis tués sur un champ de bataille, qu’ils dévorent avec tant de plaisir, ne sont point considérées comme objet de nourriture, mais bien comme devant servir à des actes mystérieux de re- ligion. Leur cuisine est simple comme la nature de leurs aliments. Elle ne diffère point de celle des autres Océaniens, et consiste à faire torréfier les substances sur des charbons, ou bien dans des oumous ou fours creusés sous terre à l’aide de pierres échauffées. Ils nomment {aro l’espèce de pain qu'ils font avec la ra- cine de la fougère eroi qui est l’acrostichum furca- tum de Forster. Ces racines sont recueillies par des esclaves qui les font sécher au soleil en les exposant sur des claies; pour être converties en pain, elles sont concassées dans un mortier en bois, et triturées de manière à ce qu’elles ne forment plus qu’une pâte brune jaunâtre, visqueuse comme de la glu, et rem- plie de parcelles ligneuses ou d’écorces. Cette pâte est malaxée en cylindres analogues aux bâtons d’ex- trait de réglisse, et ne contient que très peu de prin- uipe nutritif: sous ce rapport elle doit ressembler au pain que les Islandois font avec l'écorce des sa- pins. Nous avons vu les Nouveaux-Zélandois manger avec sensualité des poissons demi-pourris, exhalant une odeur infecte; mais ce qui est plus remarquable est l'habitude qu’ils ont de presser, de ficeler dans des feuilles, une grande quantité de petits poissons de la même manière que les O-Taïtiens préparent leurs confitures de bananes. L'eau pure est l’unique boisson de ces peuples ; ils haïssent les liqueurs fortes; et si quelques uns d’entre eux, ou même des jeunes filles, boivent de l’eau-de-vie, cette pernicieuse habitude leur est venue pendant leur séjour à bord des navires européens. Ils font communément trois repas, et nomment fainga dua le diner, et kaiahki-ahi le souper ; leurs aliments sont placés par terre, et chacun les dépèce avec les doigts. Parfois les guerriers se servent d'instruments faits avec des os humains, provenant d’un ennemi tué sur le champ de bataille ; et c’est ainsi que nous achetâmes à l’un d’eux une fourchette à quatre dents faite avec l'os radius du bras droit, sculptée avec soin, et ornée de divers reliefs en nacre. Les filets dont se servent ces peuples sont absolu- ment analogues aux nôtres, et sont de trois sortes : leurs sennes, faites de feuilles de phormium, ont une immense étendue, et demeurent le plus souvent la propriété de tous les habitants d’un village; leurs hamecçons, composés d’une tige en bois dur, et ar- més d'os pointus et barbelés, se trouvent être façon - nés parfois avec des morceaux de nacre. Les lignes À ee] qui les supportent sont très bien cordées et d’une force considérable. Leurs pirogues ou waka sont remarquable par les sculptures qui les décorent. Les habitants du nord , qui dans leurs communications fréquentes avec les Européens ont reçu un grand nombre d'instruments de fer, négligent aujourd’hui leur construction. £a plupart de ces légères embarcations sont creusces dans un seul tronc d’arbre, et ont communément jusqu’à quarante pieds de longueur. Nous en me- surâmes une près Kaouera, qui, formée d’un seul morceau, avoit soixante pieds de longueur et trois de profondeur sur quatre de large. Elles sont peintes en rouge et ornées de plumes d’oiseaux disposées sur les bords en festons ; l'arrière s'élève jusqu’à près de quatre pieds, et se compose de sculptures allégoriques qui surmontent la représentation d’un homme tenant de la main droite le lingum ; avant est occupé par une tête hideuse à yeux de nacre, et dont la langue sort démesurément de la bouche, ce qui signifie chez ces peuples le courage provocateur à la guerre et le mépris des ennemis. Ces pirogues peuvent contenir par leur longueur quarante guer- riers ; elles sont presque toujours simples ou non accouplées, et les rames dont on se sert pour les faire marcher sur l’eau, ou les oé, sont terminées en pointes très acérées, de manière à ce que l’équi- page, pris à l’improviste, puisse s’en servir comme d’une arme avantageuse pour se défendre des atta- ques. Leur marche est rapide lorsqu’elles sont pous- sées per les vents ou par les coups pressés des rames. Les voiles dont se servent les Nouveaux-Zélandois ne consistent qu’en nattes de jonc grossièrement tissées et de forme triangulaire qu’on nomme cé-hia ou pagaies du vent, et qui ne peuvent point servir pour voguer au plus près. Bien que les Nouveaux-Zélandois soient éminem- ment portés à la guerre, que ce soit pour eux l’oc- cupation de toute la vie, on ne trouve point chez eux une grande variété de moyens de destruction. Leur bravoure consiste à attaquer un ennemi corps à corps, à triompher par Ja puissance de la force, et ils ont dédaigné ces armes légères, ces flèches à pointes barbelées, qui se lancent de derrière les buissons , et qui décèlent toujours la perfidie unie à la foiblesse. Ainsi avec leurs patou-patous ,faits en jade vert, ils scalpent ou brisent le crâne d’un ennemi, ou le percent de leurs longues javelines. Ce patox-patou, fixé au poignet par une lanière de peau, est l'arme par excellence du guerrier zélandois. Les arikis ou prêtres ont, pour marque de leurs fonc- tions sacerdotales, un grand assommoir en os de baleine, couvert de reliefs. Leurs tokis sont des haches, aussi de jade, dont les manches sont tra- vaillés avec le plus grand soin, et ornés de touffes de poils de chien d’un blanc pur. Un grand nombre 11 82 HISTOIRE NATURELLE de leurs casse-têtes sont en bois rouge , poli ct très dur, et quelques chefs les remplacent par des mas- sues travaillées de la même manière. Les naturels chargés de la défense des hijpahs palissadés (et l’on sait que ces villages sônt toujours placés sur la crête abrupte et roide de quelque endroit escarpé ) font pleuvoir sur les assaillants des grêles de grosses pier- res ; mais ils repoussent surtout leurs efforts à l’aide de très longues javelines acérées, qui ont commu- nément de quinze à vingt pieds et quelquefois plus. La baie des Iles. placée dans la portion nord de la Nouveile-Zélande, est une relâche avantageuse pour les navires qui sillonnent le Grand-Océan ; aussiest-elle très fréquentée par les baleiniers anglois ou américains. Les nombreuses tribus qui vivent sur ses bords, et qui sont unies par des liens de famille, ont senti l'immense avantage qu’elles auroient de posséder de la poudre etdes fusils: c’est là le prix qu’elles ont mis aux vivres frais qu’elles fournissent aux vaisseaux européens qui les visi- tent, et le nombre des mousquets qu’elles se sont déja procurés leur a permis de faire la guerre avec succès aux tribus voisines, et de saccager les hip- pahs environnants jusqu’à une assez grande distance, De toutes les inventions européennes celle des armes à feu leur a paru la conception la plus sublime et la plus merveilleuse ; c’est la seule qui ait mérité leur approbation. Nous n’avons jamais compris le mot sauvage , tel qu’il est usité en Europe, pour désigner des peu- plesstationnaires dans leur civilisation. Tous ces sau- vages ont un culte, quelque grossier qu’il soit, re- connoissent des autorités supérieures, ont des idées sociales depuis long-temps arrêtées, cultivent les beaux-arts, nomment loutes les productions de leur sol, eten savent les propriétés. Or comparons ces prétendus sauvages avec les gens de nos campagnes ! Les Nouveaux-Zélandois ont donc aussi leurs beaux- arts : non ceux qui consistent à élever des pyrami- des, bâtir des palais , et faire revivre sur la toile les plus beaux traits de l’histoire, mais ceux qu’il leur est possible de cultiver par tradition au milieu du petit nombre des ressources qu’ils possèdent. Ces fruits des loisirs, cette culture de Pesprit, ce perfec- tionnement moral de la civilisation, sembleroient ne pas être compatibles avec les mœurs guerrières et l’instinet destructeur de ces peuples; et cepen- dant ils sont plus avancés dans le chant, la sculp- ture et la pcésie, que dans les arts les plus immé- diatement utiles aux premiers besoins de la vie. Le chant des Zélandois est grave, monotone, et se compose de notes gutturales lentes et entrecou- pées; il est toujours accompagné de mouvements d’yeux et de gestes mesurés très significatifs. Mais, si leur chant n'eut point l'avantage de nous plaire, le nôtre n'obtint point leur suffrage : c’est par la plus froide indifférence qu'ils aceucillirent nos ro- mances les plus en vogue, et les fibres épaisses de leurs âmes ne furent point ébranlées par quelques uns de ces airs martiaux qui enlèvent et électrisent un Européen; cependant si devant ces hommes si impassibles leur chant de guerre eût été entonné, la rage et la frénésie se fussent emparées d’eux, tant il est vrai que dans l'effet produit par la mu- sique se mêlent des souvenirs et des idées locales, La plupart de leurs chants roulent sur des sujets très licencieux, et, soit diten passant, ce goût, qui est très prononcé chez tous les hommes, n’a été masqué parmi les peuples civilisés que par le fard des allusions et des équivoques. Les Zélandois, comme les autres Océaniens, n’attachent aucune idée de malhonnêteté à nommer les choses par leur nom ; et jamais elles ne font naître, comme chez nous, ces mouvements tumultueux et désordonnés que le frein de la bienséance comprime, sans pour cela les détruire, Leur danse ou heiva est une pantomime dans laquelle les acteurs changent rarement de place, et qui se compose de gestes ou de mouvements des memtres exécutés avec la plus grande précision. Plus ordinairement, en effet, les jeunes guerriers se rangent les uns à côté des autres : l’un d'eux chante des paroles auxquelles l’ensemble des dan- seurs répond per des cris diversement accentués; tous exécutent des mouvements rapides de la tête, des yeux, desbras, des jambes et particulièrement des doigts, que la cadence diige avec une grande justesse et que la mesure fait varier. Chaque danse a un sens allégorique, et ne s'emploie que dans les circonstances qui lui conviennent, pour une décla- ration de guerre, un sacrifice humain, des funé- railles, etc. Les femmes, appelées par la nature de leur sexe à des habitudes plus douces, ont trans- porté dans leurs jeux les fonctions qu’elles sont des- tinées à remplir dans ce monde. Leur danse consiste donc en mouvements désordonnés qu’on ne peut décrire, et nous nous bornerons à en signaler une consacrée à Ouré ou Phallus. Le seul instrument de musique que nous ayons vu entre les mains des Zélandois est une flûte ordi- nairement en bois, et travaillée avec goût : parfois on emploie à sa confection des portions d’os de la cuisse, en commémoration de quelque victoire rem- portée sur des hommes d’une tribu étrangère. Enfin nous observämes que les enfants jouoient avec des toupies analogues aux nôtres, en se servant d’un fouet pour les faire tourner ; et sans doute que cette légère remarque, unie à une plus grande masse de faits, ne sera pas un jour sans utilité. La langue douce et sonore des Océaniens, très musicale, a subi quelques altérations à la Nouvelle- Zélande, Les sons , remplis de mollesse et de douceur DÉ L'HOMME. 83 à O-Taïti, ont acquis ici une prononciation plus dure ; ce qui est dû à l'introduction de consonnes, et surtout des lettres K, H, N, Get W. Les habi- tants se sont transmis par la tradition orale un grand nombre de poésies d’une haute antiquité, dont ils ignorent et l’origine et même le sens allégorique. La plus célèbre d’entre elles est la fameuse ode funèbre ou piaë, qui commence par ce vers : Papa ra te vuati tidi, etc. Comme les Taïtiens, ils peu- vent improviser sur toutes sortes de sujets, et leurs annales sont des chants dans lesquels ils conservent le souvenir desévénements remarquables , les appa- ritions des navigateurs sur leurs bords, et les cir- constances diverses de leur histoire, ou les faits de - leurs guerriers. Leurs femmes , naturellement por- tées à l’enjouement, critiquent avecironie dans leurs couplets la prononciation peu correcte ou ridicule des étrangers, et transforment en épigrammes les habitudes qui heurtent leurs préjugés. C’est ainsique les jeunes filies qui vivoient avec les matelots de la corvette ‘a Coquille, et qui ne retiroient pour salaire de leur complaisance qu'une portion des vivres de leurs amants, les accabloient de leurs sarcasmes en leur chantant des couplets commencant par ces mots: Taye ti taro, etc. Nous croyons utile, pour donner une idée de la tournure d’esprit de ces peuples, de rapporter une petite pièce de vers qui a été traduite en anglois par M. Kendall, missionnaire, qui a long-temps résidé à la Nouvelle-Zélande, et plus capable qu'aucun de ses collègues de nous fournir sur la croyance des naturels des détails positifs et intéressants. W AI AT A (L'ATTACHEMENT ). CHANSON, Æ taka te e aou ki te tiou marangai, Z ouioua mai ai e koinga dou anga, T'ai raoua nei ki te puke ki ere atou. Æ tata te ouiunga te tai ki a Taoua Ki a koe, E-Taoua, ka ouioua ki te tonga IVaou à o mai e kahou e turiri ÆE tahooué eo mo tokou nei rangi Ka tai ki reira akou rangi auraki. « J'ai gravi les sommets estarpés des montagnes pour êlre témoin de ton départ, à T'aoua! et les vents impé- tueux qui soufflent du septentrion, fécond en tempêtes, firent une impression profonde sur mon âme inquiète de ton sort. La vague mugissante se déroule chaque jour sur le rivage, et semble venir du pays éloigné de Slivers, tandis que lu vogues au gré des vents, et qu’exilé de La patrie tu cours vers les régions où le soleil se lève. Sur mes épaules floite comme un doux souvenir le vêtement que tu portois, et que tu me laissas comme le gage de ton amour. Quel que soit le lieu de la terre où tu diriges tes pas, mon attachement l'y suivra à jamais. » La sculpture semble être le premier pas versli « civilisation, lorsqu'elle n’en est pas le résultat ; et comme elle est la représentation matérielle des êtres, on la retrouve plus où moins informe chez tous les peuples rapprochés de la condition humaine primitive. Cet art chez les Zélandois annonce du goût et des principes fixes ; car ils reproduisent fré- quemment les mêmes dessins, les mêmes formes, dans les mêmes proportions. Combien de temps devoient exiger les ornements sculptés de leurs pi- rogues! Les procédés par lesquels ils sont parvenus à polir un jade très dur et le transformer en idole, hideuse il est vrai, dénotent d’ailleurs une grande habileté, et nous sont inconnus, bien qu’on ne puisse pas douter qu’ils ne soient le fruit de la patience et du temps. La croyance que professent les Zélandois sur la Divinité ne nous est point complétement dévoilée : autant qu’il est possible d’en juger cependant par la variété de leurs dogmes, on doit supposer que leur religion est très ancienne, et se compose d’une nombreuse suite d'idées très perfectionnées , et qui ne se sont corrompues que par l'isolement depuis leur séparation de la race dont ils descendent. Les Zélandois ont une vieille tradition par laquelle ils ont appris que leurs pères partirent d’une très grande île pour venir habiter la Nouvelle-Zélande; mais le voile qui couvre d’une profonde obseurité leur origine et celle des habitudes qu’ils professent ne pourroit être déchiré que par les recherches ar- dues d’un homme instruit établi dans ces îles, et peut-être que le missionnaire Kendall auroit pu rendre de grands services sous ce rapport, s’il n’avoit pas été absorbé par une pensée dominante, et s’il ne rapportoit pas exclusivement la croyance des Nouveaux-Zélandois au système trinitaire de Pythagore, et les regardant comme une colonie d'Egyptiens. Nous avons déjà , dans nos généralités sur la race océanienne, émis l'opinion que les divers rameaux qui lui appartiennent sont nés sur les rivages de l'Inde, dans les premiers temps de leur civilisation; ce qui corrobore notre manière de voir est la figure de jade qu’ils portent suspendue au cou; les cercles conservés dans leurs sculptures et qui rappellent le serpent Calingam; le lingam qui paroît jouer un grand rôle dans leur mythologie; enfin une grande partie de leurs idées appartient au sabéisme, et dé- coule des anciennes traditions mystiques des Brach- manes. Les dieux principaux de la Nouvelle-Zélande sont : Dieu le père, Dieu le fils, et Dieu l'oiseau où l'esprit. Dieu le père est le plus puissant, et se nomme Nui Alua, le maitre du monde. Tous Îles autres lui sont subordonnés; mais chaque naturel a son Atua, espèce de divinité secondaire qui répond 84 HISTOIRE NATURELLE assez exactement à l’ange gardien des croyances chrétiennes. Les prêtres se nomment arikis et par- fois on les désigne par les noms de tané tohonga, ou hommes savants ; et leurs femmes, qui remplis- sent les fonctions de prêtresses, sont les wahiné ariki ou wahiné taïonga, ou savantes femmes. Chaque hippah possède une cabane, plus grande que celle des habitants, qui se nomme waré Aiuu, ou maison de Dieu, destinée à recevoir la nourri- ture sacrée, a o kai tou, et dans laquelle on fait des prières, karakia. Les cérémonies religieuses sont ordinairement accomplies par les arikis, dont la voix implore hau- tement et en public la protection d’Atua. Hs ont la plus ferme croyance aux songes, qu’ils pensent leur être envoyés par la Divinité; et toutes les affaires se décident par les prêtres, seuls chargés d’inter- préter les volontés célestes. Les diverses tribus, dans leurs guerres continuelles, n’en viennent ja- mais à des hostilités sans avoir interrogé oui-doua, ou l’esprit saint, par une solennité nommée karakia- tanga. Is semblent consacrer par des cérémonies religieuses les époques les plus marquantes de la vie : c’est ainsi qu’à la naissance des enfants les pa- rents se réunissent pour faire de cette circonstance une fête de famille, dans laquelle ils prononcent des sentences et tächent de pronostiquer un heu- reux horoscope. M. Kendail croit trouver dans cette cérémonie, nommée toinga, le baptême des chrétiens, et il va même jusqu’à dire qu’on asperge les enfants avec une eau sacrée ouaï tapu. ou ouai tot, ou eau baptismale. Leur mariage recoit aussi une sorte de sanction religieuse, et leur mort est entourée de prières funèbres. Il n’y a pas jusqu’à leurs festins sacrés de chair humaine que Kendall pe pense être l’imitation, bien corrompue il est vrai, de la communion sous les deux espèces. Mais nous bornerons là nos citations, de peur de nous égarer dans l'indication de faits qui nous sont trop im- parfaitement connus. Les Zélandois ont les plus grands traits de res- semblance avec les Spartiates : ils sont indifférents pour la vie, et bravent la mort avec courage, et on doit dire avec grandeur. Toutes leurs pensées sont tournées vers les combats; c’est le plaisir de toute leur vie : aussi dès le jeune âge ne manque-t-on point d’enflammer l'imagination des enfants par le récit des exploits de leurs parents ou de leurs amis, et de faire naître dans leur cœur cette soif inextinguible de hasards et de périls. De bonne heure un petit garcon sait apprécier sa propre di- gnité ; il sait qu'aucune femme n’a le droit de porter la main sur lui: qu'il peut frapper sa mère sans que celle-ci ose s’en plaindre; qu’il peut préluder, en maltraitant ses esclaves, à l’épouvante qu’il doit porter au jour du combat au milieu des tribus voi- sines. Une chose bizarre cependant e’est qu’un en- fant est d'autant plus illustre que le rang de sa mère est plus élevé, car c’est d’elle qu’il tire toute sa noblesse. Ce sont toujours des vieillards estimés par leur savoir, ou des arikis, ou des prêtres, qui pré- sident à l'éducation des fils des chefs ; ce sont eux qui les initient dans les secrets de leur théologie. Semblables aux anciens scaldes du Nord, leurs leçons, renfermées dans des sortes de stances ca- dencées, roulent sur les exploits des guerriers, sur le nombre de leurs victimes, sur le bonheur dont elles jouissent dans l’ata-mira ou paradis céleste. Vers douze ans ces jeunes adeptes assistent aux as- semblées des chefs et écoutent leurs délibérations ; leur caractère en prend des habitudes méditatives et réfléchies ; ils sont avides de s’illustrer par quel- ques exploits. Nous avons été fort souvent étonné de voir de jeunes garçons monter à bord, parcourir le navire en tous sens au milieu des matelots, sans montrer ni timidité ni surprise; leur démarche avoit déjà de l’assurance. A l’âge de dix-huit ou vingt ans ils font partie de la tribu des guerriers; ils bâtissent alors une cabane à côté de celle de leur père; ils se marient, et l'autorité paternelle cesse. Les mariages se font par achat ; le futur doit faire des présents à la famille de la fiancée. La plupart des naturels, surtout ceux du commun, n’ont qu’une femme ; mais il paroît que la polygamie est permise aux rangatira, car le fameux Songhi a plusieurs épouses. Toui, chef de l’hippah près duquel la cor- vette la Coquille étoit mouillée, avoit acheté la sienne, quoiqu’elle appartint à une famille distin- guée, deux mousquets et un esclave mâle; en retour on lui donna son épouse et un certain nombre de nattes faites en lin de la Nouvelle-Zélande, et aussi troisesclaves femelles destinées d’après le haut rang de la femme à la servir dans tous ses besoins. Les habitants de la classe commune font des présents de moindre valeur; aussi n’ont-ils communément qu'une seule épouse. L’adultère est sévèrement puni lorsqu'il n’est point le résultat du consente- ment du mari; il est vrai qu’on peut acheter celui- ci par des présents. Quant aux filles, elles sont maîtresses de leurs personnes , et libres de faire au- tant d’heureux qu’il leur plait. Les jeunes filles es- claves, au contraire, sont vouées par leurs proprié- taires à la prostitution; et les chefs eux-mêmes ne dédaignent point de les envoyer à bord des navires européens, à pleines pirogues, et de tendre la main pour réclamer un salaire d’un genre de commerce que nos babitudes sont loin de nous faire trouver honorable. L’ariki consacre les mariages par une sorte de cérémonie religieuse. Les missionnaires protestants qui sont à la Nouvelle-Zélande nous dirent même qu’au moment de la naissance d’un | enfant on pratique une sorte de baptême. Quoique DE L'HOMME. 85 la femme ne soit aux yeux de ces belliqueux insu- laires qu’une créature d’une ordre secondaire et destinée à la conservation de l’espèce , ils la con- sultent cependant dans toutes les circonstances graves; et l'épouse d’un ariki, semblable à une druidesse de l’ancien temps, partage le pouvoir sa- cerdotal de son époux. Nous ne parlerons point de la légèreté avec la- quelle ces peuples traitent ce que nous nommons pudeur ; cette vertu est seulement le résultat de la civilisation, et le tableau que nous pourrions tracer des mœurs encore brutes de l’homme dans sa pri- mitive nature seroit souvent fort plaisant sans doute, mais il effaroucheroit aussi les esprits les moins difficiles. Les Zélandois et tous les insulaires de la mer du Sud, ainsi que les documents historiques des peuples anciens et modernes, nous ont confirmé dans cette pensée, que l’homme, animal par son organisation, est soumis à l'empire des besoins phy- siques que l'intelligence ne peut pas toujours régler ni modérer. Sous ce rapport les Zélandois sont d’une salacité qui étonne. L'amitié que se portent les naturels d’une même tribu entre eux est très vive, et nous fûmes souvent spectateurs de la manière dont ils se la témoignent. C’est ainsi, par exemple, que lorsque l’un d’eux venoit à bord et qu’il y rencontroit un ami qu'il n'avoit pas vu depuis quelque temps, il s’approchoit de lui dans un morne silence, appliquoit le bout de son nez sur le sien, et restoit ainsi pendant une demi-heure en marmottant d’un ton lugubre entre ses dents des paroles confuses ; ils se séparoïent en- suite, et agissoient le reste du temps comme deux hommes complétement étrangers l’un à l’autre. Les femmes observoient le même cérémonial entre elles; et l’on avoucra que eette salutation nasale, qui se nomme ongi, est une singulière politesse; mais ce qui nous étonnoit encore plus c’est l'indifférence que les naturels témoignent pour ceux qui, au milieu d’eux, se donnent ainsi des marques d'amitié. Il est assez remarquable de voir les peuples asiatiques conserver dans toutes les circonstances de leur vie, et porter jusqu’au sein de leurs plaisirs, cet air calme et solennel qui convient si bien à la dignité de l'homme. Siles Zélandois montrent par leurs émotions qu’ils sont sensibles aux passions douces, l’histoire de leur vie entière prouve , d’un autre côté, que nul peuple ne conserve el ne nourrit plus long-temps le désir de punir une insulte. Un Zélandois semble avoir pour seule maxime que le temps ne peut effacer aucune offense, mais bien la vengeance seule. De ce principe vicieux , dont chaque naturel est imbu, et qui fait la règle de conduite politique des familles, résultent ces haines éternelles et les guerres perpé- tuelles qui désolent ces îles. La perte des parents ou des chefs distingués est vivement sentie par toute une tribu : les habitants en deuil se livrent à une cérémonie lugubre qui dure plusieurs jours; et lors- que le rang du défunt est élevé, on sacrifie toujours des captifs destinés à le servir dans l’autre monde. Les femmes, les filles, et les esclaves femelles, se déchirent le sein, les bras et la figure, en se sillon- nant la peau avec une dent tranchante de chien de mer, et celle-ci est toujours sacrée et pendue à l'oreille ; plus le sang ruisselle de leurs corps, plus cette ofrande doit être agréable au défunt ; de temps à autre et à époque fixe, elles renouvellent ces marques de douleur. Lorsque nous demandions l'explication de cet usage aux jeunes filles, elles se bornoient à répondre: « Atoua veut que nous pleurions. » Ces peuples professent pour les morts le respect le plus religieux , ils les embaument avec un art qui n’est imité nulle part, et qui est bien su- périeur à celui qu’on employoit pour conserver les momies. Ils les enterrent d’ordinaire dans les tom- beaux que chaque famille se réserve, ou quelque- fois, pour les gens du commun, ils font ce qui s’ap- pelle t'{ere et iwata-atu,, et placent le cadavre dans une pirogue qu’ils lancent en pleine mer. Chaque tribu de Zélandois forme uue sorte de ré- publique, et chaque individu est indépendant de tout autre homme. Les districts sontrégis par un chef direct, dont le titre n’est reconnu qu’à la guerre. Dans son village il n’a aucun pouvoir particulier, ni aucun ordre à donner à l’insulaire le plus vulgaire ; seulement il ne fait rien, et il a le droit de recevoir en nature une dime sur les provisions des autres fa- milles; mais il n’a au reste que les esclaves qu'il fait lui-même à la guerre; et n’a d'autre prérogative que le tatouage qui dénote son rang, et que per- sonne ne peut porter, On re lui témoigne aucun égard, aucune marque particulière de respect, lors< qu'il arrive au milicu des guerriers. Les enfants d’un chef ne lui succèdent pas à sa mort; ce sont ses frères dans l’ordre de leur naissance. Crdinairement on nomme chef celui qui possède la réputation la plus étendue de bravoure, d’intrépidité et de pru- dence. A l’armée, ses avis prévalent sur la manière d'attaquer. El n’a pour faire la guerre et pour assem- bler ses guerriers d'autre moyen que la honte qui s'attache à ceux qui refusent de le suivre au combat; rarement, lorsqu'il projette une invasion, arrive-t-il que l'avis qu’il donne de son expédition et des mo- üifs qui l'y déterminent ne soit pas suflisant pour réunir lès combattants. Lorsque Atoua (Dieu) de- mande la guerre, il n’y a jamais de partage dans les opinions. Les chefs de chaque tribu forment un conseil auquel sontadmis les prêtres et même les simples combattants qui jouissent d’une réputation acquise dans les combats Ce sont les corps des chefs tués, dont on conserve la tête comme un étendard , 86 qui servent d’holocauste dans les sacrifices. Leurs femmes sont remises à l'ennemi pour subir le même sort, ou se dévouent elles:mèmes. A leur mort na- turelle on égorge sur leurs tombeaux des victimes humaincs. La coutume la plus atroce que nous ayons à si- gualer est l’anthropophagie, que nul peuple n’exerce ni si ouvertement ni d’une manière si révoltante que les Nouveaux-Zélandois. Avides de vengeance et de carnage, ces hommes féroces savourent avec une vive satisfaction la chair palpitante des ennemis tom- bés sous leurs coups. Par suite de ces abominables coutumes ils ont pris goût à la chair humaine, et ils regardent comme des jours heureux et des fêtes solennelles les circonstances dans lesquelles ils peu- vent s'en rassasier. Un chef de lhippah de Kaouri, sur l'ile Ou-ïlotou-4rohia, nous exprimoit même toute la satisfaction qu’il éprouvoit à manger un ca- davre ; il nous indiquoit le cerveau comme le morceau le plus délicat, et la fesse comme le plus substantiel : mais nous voyant faire des signes d'horreur, il se re- prit pour affirmer que jamais ils ne mangcoient des Européens ( Patek 1), mais bien les méchants hom- me; de la rivière Tamise et de la Baie-Mercure. Il nous disoit d’un air presque caressant que les Euro- péens étoient leurs pères, puisqu'ils leur fournis- soient de la poudre pour tuer leurs ennemis. Les cadavres des naturels morts sur le champ de bataille sont toujours dévorés; mais on n’est pas certain s'ils ne mangent pas la chair des esclaves qu'ils sacrifient en diverses circonstances. Il semble que ces habitudes d’une férocité sans exemple règnent de toute ancienneté parmi ces peu- ples qui ne respirent que la guerre, et qu’elles for- ment une sorte de code qu’on ne peut transgresser sans violer les lois de l'honneur. La guerre occupe presque tous les instants de leur vie : le plus léger prétexte suîit pour la faire déclarer; mais le plus léger revers ou une simple satisfaction peut engager les ennemis à se retirer. Les querclles durent pen- dant une longue suite d’années, et la génération pré- sente fait souvent une invasion pour venger la défaite de ses pères. On les a vus se battre, dans quelques districts, pour des affaires qui s’éloient passées depuis plus de soixante ans. Leur rancune est concentrée : chaque jour, loin de leur inspirer l'oubli de l’injure, ne fait que nourrir la soif de la vengeance, qui ne peut être satisfaite que par le sang de l’agresseur. Leurs guerres sont le résultat de l’animosité, et ont pour but le pillage et le désir de se procurer une nourriture dont leur estomac est avide. Ils fondent alors sur leurs ennemis en plus grand nombre pos- sible, et âchent de les surprendre et de les tailler en pièces. Parfois ils s’envoient un défi qui doit se vider dans un lieu spécifié. Le combat n’est jamais entamé avant que les «rikis aient fait des prières et HISTOIRE NATURELLE . des offrandes à leurs dieux, et aient obtenu leur ap- probation. Pour les rendre favorables ils sacrifient alors quelques esclaves : lorsque ces formalités sont remplies, les combattants entonnent le chant de guerre, tirent la langue en signe de défi et de mé- pris, poussent de grands cris, el se chargent avec fureur. Il est rare que la mêlée soit longue; et à la première fusillade, lorsqu'un bon nombre d’hommes est tué, les vaincus se retirent; ou si le combat se pousse avec plus de vigueur et d’acharnement, les combattants s’attaquent corps à corps, et le nombre des tués est plus considérable. Le parti victorieux chante son triomphe sur le champ de bataille, et l’on prépare alors les sacrifices épouvantables que l’on doit offrir à de dégoûtantes divinités. Les corps des chefs sont préparés ; et lors- que les «ri à et les dieux ont pris leur part, la tête reste au vainqueur, qui la conserve comme un tro- phée de sa victoire. Les chairs sont mangées, et les os distribués pour en faire des instruments. Si les ennemis ont tellement disputé le terrain qu'ils aient pu enlever les cadavres de leurs morts en se retirant et celui de leur chef, ils sont tenus de les restituer, ou ils sont attaqués immédiatement. Si leur défaite les a intimidés, elle les porte à les rendre, ainsi que la femme ct les enfants du chef; la première est tuée et mangée, et les enfants massacrés ou réduits en esclavage. Presque toutes les femmes des chefs, lors- que leurs époux ont succombé, croient devoir à leurs mânes le sacrifice de leur vie, et se rendent elles- mêmes aux ennemis, sûres de n'avoir aucune grâce : exemple de fanatisme qui se rapproche des coutumes indiennes. Pendant ce temps les guerriers vulgaires gisant sur Je sol sont scalpés avec le patou-patou, coupés en morceaux rôtis, et dévorés. Leurs têtes, lors- qu’ils ont quelque réputation, sont préparées et ven- dues aux Européens pour de la poudre. Les tribus séjournent sur le champ de carnage tant qu’elles ont de la chair humaine. Cette nourriture, que les na- turels regardent comme propre à leur transmettre le courage de celui qui a été tué, répare physique- ment leurs forces épuisées par la fatigue et les pri- vations. Tant que durent ces horribles festins, les ouerriers se livrent à la joie la plus épouvantable; et pour n'être pas les seuls à se réjouir de la victoire, ils envoient à leurs familles des pièces du banquet : mais lorsque l'éloignement ne permet pas qu’elles parviennent sans être corrompues, ils les touchent avee un bâton sacré qu'ils envoient à leurs amis pour qu’ils touchent aussi avec ce bâton des racines ou du poisson; ils pensent, par ce moyen, leur transmettre la propriété et la saveur de la chair humaine. Parfois ces peuples font des prisonniers qu’ils con- servent pour les réduire à la plus dure servitude. Ce sont eux qui vont à la pêche, cultivent les patates, DE L'HOMME. . arrachent les racines de fougère. Leur vie n’est ja- mais assurée; ils sont massacrés à la première vo- lonté de leurs maîtres, et ils servent le plus ordi- nairement de victimes lorsque leurs possesseurs viennent à mourir. Trois furent tués à la mort de Korokoro, et sept le seront à celle de Songhi. La fille de ce dernier chef, dont le mari fut tué dans une affaire, s’en vengea en s’aidant de son frère pour massacrer vingt-trois prisonniers pendant leur som- meil. Lors de notre séjour un guerrier sanguinaire nous montroit plusieurs prisonniers qu’il avoit faits de sa propre main, et nous engageoit avec force à accepter un jeune homme fort et robuste pour le- quel il ne demandoit qu’un mousquet. Les navires anglois qui ont besoin de matelots obtiennent sou- vent un certain nombre d'esclaves pour de la poudre et des fusils. La tête d’un chef sert en quelque sorte d’étendard à sa tribu. Autant le parti vainqueur s’enorgueillit de la posséder, autant les vaincus, et surtout sa fa- mille, s’en attristent. Elle est préparée, puis conser- vée avec soin; et lorsque la tribu victorieuse désire la paix, elle envoie la tête du chef devant la tribu à laqueile il commandoit. Si à sa vue celle ci pousse de grands cris, elle témoigne par là qu’elle désire entrer en accommodement et accepter les condi- tions ; si au contraire elle la regarde d’un œil morne et dans un profond silence, c’est qu’elle cherche à venger sa mort, que tout accommodement lui dé- plaît, qu’elle veut enfin continuer les hostilités : alors le combat recommence. C’est toutefois une grande consolation pour les vaincus de savoir que les vain- queurs conservent les têtes des guerriers tués; ils espèrent les posséder un jour. Lorsqu’elles leur sont rendues, ils les conservent religieusement et les vénérent; mais depuis qu’elles sont d’un bon débit pour les Européens, il en est peu qui ne soient pas vendues. Toui nous montroit la tête d’un chef de la rivière Tamise, qu’il conservoit afin de la remettre à son fils. Ces peuples professent la plus profonde indiffé- rence pour Ja mort; ils la bravent avec un sang-froid étonnant ; et jamais aucun d'eux n’a peut-être réflé- chi qu'un jour on le traiteroit comme il traite son semblable : une fois échauffés par les idées de car- nage , ils sont plus féroces que les tigres des déserts de l’Afrique; ils n’ont qu’un but, qu’une pensée, celle de punir leur ennemi, et leur unique regret est de ne pouvoir le dévorer en jouissant de ses tour- ments et de ses cris. La coutume de conserver les têtes n’est pas uni- quement propre aux Zélandois ; on la trouve à Céram et à Bornéo ; seulement ils emploient un moyen de conservation dont les procédés extrémement simples ne paroissent être exécutés nulle part ailleurs. Els nomment moko-mofai cet embaumement, et don- nent même divers noms à Ja fumée qui sort par les narines , les yeux et les oreilles dans la préparation. Pour conserver une tête, ils la coupent à la partie supérieure du cou; ils brisent alors la partie occi- pitale correspondante en formant un Jarge cercle. Ils enlèvent également les portions osseuses inter- nes, telles que celles qui composent la voûte orbi- taire , les voûtes nasale et palatiale ; enfin ils ne con- servent des os queles parties extérieures qui doivent soutenir les téguments de la face ; ils arrachent toutes les chairs et les membranes intérieures, surtout le cerveau et ses annexes. Lorsque l’intérieur est par- faitement nettoyé, ils cousent les paupières ou les ferment avec une espèce de gomme; ils placent du chanvre dans les nerines, et entourent l'ouverture inférieure d’un rebord en étoffe ou en bois. Ils sou- mettent alors cette tête, dans un endroit bien abrité, a l’action constante de la fumée et d’une chaleur lente qui en dessèche successivement et peu à peu les té- guments. Lorsqu'elle est parvenue au point de des- siccalion voulue , ils l’oignent d’huile, et la serrent dans les lieux les plus secs de leur cabane, en ayant soin de lexposer de temps à autre, de peur qu’elle ne contrécte de l'humidité. Les têtes ainsi préparées sont d'autant plus recherchées que leurs chevelures sont plus longues, le tatouage plus pcrfectionné, et qu’elles appartiennentà desguerriers de plus grande reputation. Els les conserventavec moins de religion depuis que les Européens les achètent ; et il arrive souvent que des esclaves sont sacriliés dans l’inten- tion de vendre leurs têtes. La pitié, comme le dit judicieusement un auteur françois, semble être un sentiment qui n’a jamais d’accès dans le cœur des Zélandois : tout étranger que la tempête jette sur leur côtes, ou que lacuriosité y attire, est dévoué à une mort cruelle. Ceux de la partie nord sont les seuls qui souffrent volontiers parmi eux le séjour des Européens, dout ils ant besoin ; mais les habitants de la partie sud se sont montrés intraitables. Tous les voyageurs qui navi- guèrent sur ces côtes furent l’objet des dispositions hostiles de ces sauvages insulaires, traitres, perli- des, qui semblent n'avoir pour droit que la force et la violence. Fasman, en 1642, perdit quatre lommes, et nomma buie des Assa:sins l'endroit où il mouilla. Surville, en 1762, fut attaqué et obligé de recou- rir à la supériorité de ses mojens de défense. Le capitaine Furneaux, avec L'Aventure, perdit neuf hommes dans le détroit de Cook. Cook lui-même fut constamment en butte aux insultes et aux menaces d’extermination que lui firent les naturels ; et par une modération opposée à la violence de son carac- tère , il se borna à leur faire sentir la supériorité de ses forces, et ne fit point couper les oreilles des pri- sonniers, comme il le fit pour les naturels des iles 88 de la Société. Cook visita ces îles en 1769 et 1770. Le capitaine Marion séjourna à la baie des Iles, que les François appellent baie Marion, vers 4772; on sait qu'il y fut égorgé avec vingt-neuf hommes de son équipage. Depuis cette époque un grand nom- bre de navires baleiniers furent enlevés, et leurs équipages massacrés ; la liste des Européens dévo- rés par ces cannibales formeroit un long martyrologe. Parmi les événements les plus remarquables de ce genre, nous ne mentionnerons que l’enlèvement, en 18:16, du Boyd, commandé par le capitaine Tompson, et celui des bâtiments du capitaine Howel, que nous vimes à Port-Jackson, et qui nous en rapporta lui-même les détails. Ce marin, qüi commandoit le brick Le Trial et la goëlette l4 Féticité, mouilla, le 50 novembre 1815, dans la rivière Famise : les naturels profitèrent de quelque négligence des matelots chargés de surveiller leurs mouvements; ils firent main-basse sur les hommes qui étoient sur le pont, coupérent les câbles, et jetèrent les navires à la côle; mais ce qui sauva l'équipage retiré dans le faux pont, ce fat la précau- tion qu’on avoit eue de placer les fusils dans cette partie du navire. Par les panneaux les matelots pou- voient ajuster paisiblement tous les naturels qui s’y présentoient , et les fusilloient sans crainte de man- quer leurs coups; ils balayèrent ainsi les gaillards du brick, et repoussèrent les naturels sur lavant, où un feu bien nourri força ceux qui échappèrent à cette décharge de se précipiter à la mer. Des philanthropes plus ou moins éclairés ont lon- guement disserté sur les moyens de détruire lan- thropophagie ; la plupart ont nié cette abominable coutume , et regardant cette aberration comme une fiction inventée par les voyageurs , ils ont cru qu’on avoit calomnié l’espèce humaine ; nous ne cherche- rons point à réfuter ces idées spéculatives , résultat des rêves d'hommes paisibles et heureux au sein de leurs foyers qu’ils n’ont jamais perdus de vue. On rapporte qu’un gentilhomme écossois, que le désir de civiliser les Nouveaux-Zélandois enflammoit, s’embarqua, en 1782, avec soixante paysans et tous les objets indispensables pour cultiver la terre; son projet étoit de s'établir sur les bords de la rivière Tamise, ou dans la Baie-Mercure, et d’y apprendre aux naturels à défricher leur sol; mais on n’en a jamais eu de nouvelles depuis. Les idées que les Nouveaux-Zélandois professent relativement à la médecine ne nous ont pas paru étendues; cependant leurs habitudes belligérantes auroient dû leur faire sentir la nécessité d'appliquer des remèdes aux larges blessures qui résultent des coups de leurs patou-palous. Sans doute qu’il faut attribuer à leur coutume d’achever les blessés et de manger les vaincus le peu de cicatrices que présen- tent les guerriers. Dans les maladies internes qui HISTOIRE NATURELLE les assaillent dans leurs hippahs, ils ont recours à une diète sévère et boivent des sucs de plantes qu’ils appellent rongoa ou confortantes ; dans les cas déses- pérés, ils placent leur unique espoir dans les’prières des arikis, quoiqu'ils aient quelques uns de leurs compatriotes chargés de préparer des remèdes et - qu’ils décorent du nom de tängata-rongoa. Leurs maladies ou mate les plus ordinaires sont l’éléphan- tiasis, le phthisie pulmonaire, et les catarrhes sous toutes les formes. Lorsque les membres sont frac- turés, ils en maintiennent les extrémités en rapport par le moyen d’attelles faites d’écorces d’arbre, et deux fois par jour ils font parvenir sur le membre des vapeurs aqueuses chargées de principes herbacés en jetant sur des charbons allumés des feuilles im- bibées d’eau. Les enfants présentent souvent des hernies de l’ombilic, et les vieillards sont fréquem- ment atteints d’ophthalmie, de crampes ou héhé, et de la gravelle ou kiddi-hiddi. Les plaies se nomment ope ngu rara, la grossesse apou, tandis que la santé ou cet heureux état du juste équilibre de toutes les fonctions de la vie est ce qu’ils appellent ora. Le tatouage occasionne à ceux qui se font piquer dans la peau les larges dessins dont ils sont si jaloux des accès de fièvre qui durent plusieurs jours, et aux- quels succèdent une abondante suppuration et des croûtes épaisses et longues à se détacher. Ce n’est jamais sans danger et sans des douleurs atroces que le tatouage sillonne les parties nerveuses et délicates, telles que l’angle de l'œil, les paupières, les tissus subjacents aux glandes pzrotides. Ce n’est donc que par parties et plusieurs fois dans l’année que les guerriers zélandois supportent l’opération du ta- touage; aussi la regardent-ils comme une preuve de courage et de fermeté, tandis qu’ils méprisent comme des efféminés ceux qui n’osent s’y soumettre. Pendant la relâche de la corvette la Coquiile à la baie des Eles, il se présenta un cas analogue à celui que la plupart des ouvrages de médecine rapportent, relatif à une fille qu’un grand nombre d’étudiants ne purent déflorer. Une ieune Zélandoise soutint à bord pendant trois jours les efforts successifs de tous les gens de l'équipage sans qu'aucun d’eux pût en- lever le trésor que tous se piquoient de conquérir. Une épaisse membrane de nature cartilagineuse percée d’un trou presque imperceptible fermoit so- lidement le canal utéro-vaginal. 4 Une maladie dont les ravages n’ont point encore trouvé de digue est la syphilis que Cook y introduisit en 1769 et en 1770. Les naturels pour se garantir de ses atteintes s'opposent énergiquement à ce que leurs femmes aient des communications trop faciles avec les navires européens, tandis qu'ils forcent les filles enlevées aux tribus voisines par les malheurs de la guerre à se prostiluer sans s'inquiéter des souvenirs cuisants que leur obéissance fait naître. Par principes DÉ L'HOMME. 89 religieux comme par fierté, ils ne cohabitent jamais avec ces esclaves. Cette maladie est sans cesse re- nouvelée maintenant par les communications avec le Port-Jackson d’où elle est importée en droite ligne. $ VIIT. DES ROTOUMAIENS. La petite île de Rotouma est située par douze de- grés de latitude sud, et cent soixante-quatorze de longitude orientale ; elle s'élève comme un cône so- litaire, an milieu d’un espace de mer libre, à une assez grande distance des archipels des Amis et des Fidjis d’une part, et des Nouvelles-Hébrides et de la terre de Salomon de l’autre. Les habitants de Rotouma appartiennent à la race océanienne ; mais on voit déjà, par leurs communi- cations avec les habitants des Fidjis, qu’il s’est glissé dans leurs usages des coutumes que leur ont trans- mises les races nègres. Ces hommes sont bien faits et d’une taille avantageuse. Leur physionomie est douce, prévenante, remplie de gaieté ; leurs traits sont dessinés avec régularité, et la teinte de leur peau est claire. Ils porient leur chevelure, qui est très longue, relevée en touffe sur le sommet de la tête; et lorsqu'ils la laissent tomber flottante sur leurs épaules, c’est chez eux l’expression du respect et d’une profonde soumission. Ils ont la plus grande ressemblance avec les O-Taïtiens, malgré l'immense intervalle de mer qui les en sépare. Leurs yeux sont grands, noirs et pleins de feu; leur nez est légère- ment épaté; deux rangées de dents très blanches embellissent la bouche. Ils se coupent la barbe avec des coquilles, en ne conservant sur le rebord de la lèvre supérieure qu’une ligne de poils destinée à former une sorte de moustache comme chez les O-Taïtiens ; ils placent dans les trous des oreilles des feuilles ou des fleurs odorantes. Leurs membres sont gracieusement proportionnés, et plus d’un des jeunes gens que nous vimes auroit pu servir de mo- dèle à un statuaire. Placés sous une température chaude, ils se baignent fréquemment ; aussi ont-ils la peau douce, nette et lisse. La plupart des habi- tants sont entièreme us, si l’on en excepte une étroite bandeleite destinée à soutenir plutôt qu’à ca- cher les parties génitales, quoique cependant les chefs s’entourent les reins d’en pagne qui tombe jus- qu'à moitié des cuisses. Quelques uns $e coiffent ayec des morceaux de filets, ou maintiennent leurs cheveux dans un réseau fait avec des folioles de co- cotier nommé ischao, absolument de la même ma- nière qu’à O-Taïti. Dans les grandes cérémonies, ou pour paroître devant des étrangers avec tous leurs avantages , ils sont dans l'habitude de se peindre la surface entière du corps de jaune orangé très vif, 1, en se servant pour cela d’une poudre obtenue de la racine de curcuma , délayée dans de l’huile de coco. Or, comme ils sont très démonstratifs, leur voisi- nage devient fort incommode lorsqu’ils sont ainsi parés. Nous ne vimes point leurs femmes, qu’on nous dit fort jolies, parce qu’on n’envoya pas d’em- barcation dans leur île, quoique nous restämes de- vant à une foible distance un jour entier. Comme tous les Océaniens, ces naturels sont fort peu jaloux. Ils nous pressoient d’aller coucher à leur village, à Rotouma-Lili ou la Bonne. ainsi qu'ils désignent leur patrie, en prononçant lentement ces deux mots d’une voix douce et même féminine. La froideur ap- parente des gens de l’équipage les étonna ; mais les propositions de ces bons insulaires étoient faites avec une naïveté si étrange que le visage le plus austère n’auroit pu retenir un sourire aux explications mi- miques que leur ingénuité nous donnoit. Les deux sexes s’épilent avec le plus grand soin, et ne conservent même point les poils des aisselles. Le grand nombre de naturels qui couvroient le pont de la corvette la Coquille montroient le dégoût le plus prononcé à l’aspect des poitrines velues de nos matelots. Deux de ces insulaires que nous exami- nèmes étoient circoncis. Une valve d’huître à perles, nommée tifa, est l’or- nement le plus ordinaire que les hommes portent suspendu au cou; quelques uns le remplacent par des chapelets de coquilles, ou par des colliers faits avec des natices : parfois des écailles d’huître à perles, ou des ovules de léda, qu’ils nomment pouré, recou- vrent leurs fronts. Mais leur goût affectionne sin- gulièrement l’ivoire des dents de cachalot; et cette matière, dont ils composent leurs bijoux les plus pré- cieux, jouit dans leur esprit d’une haute réputation. Leurs vêtements consistent en étoffes très fines ; ils les fabriquent, ainsi que les Sandwichiens et les O-Taïtiens, avec les écorces internes des müriers à papier et des arbres à pain, qu’ils teignent parfois en rouge marron très solide. Les pagnes des femmes sont remarquables par une plus grande finesse, et se composent de filaments soyeux. Certains hommes se serrent le ventre avec des cordes teintes en noir, et faites avec le aire de la noix de coco. [ls appor- tent les plus grands soins dans la fabrication de leurs pattes , et toutes celles que nous vimes entre leurs mains étoient bien supérieures à ces mêmes objets tressés par les O-Taïtiens. Ces nattes sont faites avec le chaume d’une graminée souple et tenace; leurs dimensions sont considérables. Parmi le grand nombre de naturels qui vinrent nous visiter à bord de la corvette la Coquille nous en remarquâmes deux, plus blanes que le reste des insulaires, ayant leur chevelure rasée, excepté sur le sommet de la tête, d’où partoit une longue touffe tressée à la manière des Chinois. Nous ne dautons 12 J0 nullement que ces hommes n’appartiennent à notre rameau carolin ou mongol-pélagien; car l’ile de Ro- touma est placée sur la limite de l’espace de mer qui borde les archipels des Carolines au sud. Ces insulaires n’ont point appris à estimer le fernon travaillé ; les seuls instruments dont ils ont apprécié les avantages sont les haches, les clous et les ha- mecons : mais les objets frivoles l’emportent à leurs yeux, etil n’est rien qu’ils ne fassent pour se pro- curer des mouchoirs rouges et de grosses verroteries. L'ile de Rotouma, quoique peu étendue et mon- tueuse, est, comme toutes les autres îles océaniennes intertropicales, prodigue en substances alimentaires. On y trouve en abondance les pommes de Cythère, que les habitants nomment, comme les O-Tuïtiens, e-vi ; le mapé (inocarpus edulis), qui est leur if; les bananes, les ignames, les racines de taro, les cannes à sucre, les fruits à pain, ete. Les poules y sont multipliées, et la variété de cochon dite de Siam y existe. Malgré ces ressources il paroît cependant que l’ile est parfois la proie de disettes qui ont lieu à Ja suite de violents ouragans qui règnent en certai- nes saisons, qui, fort heureusement pour les habi- tants, n’amènent que de loin en loin de tels fléaux. Le chant de ces naturels se rapproche du ton psal- modique des autres insulaires ; cependant nous re- marquâmes, comme une légère exception, que la mesure en étoit parfois plus pressée et plus vive. Voici les paroles de l’une d’elles : Chi a leva, chi a leva, Olé tou lala, Olélé onachedi Onaneñea papaopiti Chi a leva Chi a leva, ché e chitta. (bis.) Leur danse diffère peu de celle des autres Océa- niens ; mais elle n’a point l’ensemble gracieux de celle des Taïtiens, ni la précision sévère dans les mouvements de la pantomime des Nouveaux- Zélandois. La seule arme que nous ayons eu occasion de voir est un long bâton en bois rouge très dur, terminé par un casse-têle aplati, tranchant, et couvert de cise- lures. Leur tatouage, qu’ils nomment c/ache, est caractéristique, car il se compose de larges plaques séparées par des dentelures qui s’engrènent les unes dans les autres, simulant, à s’y méprendre, sur les cuisses et sur les reins, les cuissarts en acier de nos anciens preux. Celui du haut du corps, au contraire, né se compose que de dessins légers et gracieux re- présentant des petits Icsanges, des fleurs, ou des poissons volants. Un grand nombre de ces insulaires portoit aux jambes de longues cicatrices, et des ulcères atoni- HISTOIRE NATURELLE ques en corrodoient plusieurs. Nous ne vimes aucune . trace d’éléphantiasis ni de lèpre. Un Européen qui avoit long-temps séjourné à Rotouma nous pria de le prendre à bord de notre vaisseau pour le ramener dans sa patrie. Cet homme, dont les manières ctoiert douces et honnêtes , l’in- struction bien supérieure à celle d’un simple mate- lot, nous fournit sur cette peuplade , dont les habi- tudes n’ont été mentionnées dans aucune relation, les détails piquants qu'on va lire, et dont nous ne saurions toutefois garantir l’authenticité. L'ile de Rotouma est divisée en vingt-quatre dis- tricts, gouvernés par autant de chefs qui portent le titre de hinhangatcha. Chacun d’eux parvient à l'autorité suprême à titre de plus âgé, et exerce le pouvoir pendant vingt lunes sous le nom de schaou. Celui-ci préside le conseil, et règle les affaires con- jointement avec les chefs qui y sont présents. Sa nomination ne demande point de grandes formalités, et le nouveau schaou est reconnu lorsque le plus ancien des chefs lui a versé de l’huile de coco sur la tête. Seize hinhangateha possèdent toutes les terres à la manière des anciens fiefs féodaux, contraignent les insulaires à les cultiver, etsont maîtres de marier les jeunes filles à qui bon leur semble. Ce sont eux qui guident les hommes de leur district au combat, qui remplissent les fonctions sacerdotales dans les baptêmes, les mariages et les enterrements ; enfin ce sont les dispensateurs de la justice. Mais chez un peuple dont les mœurs sont douces, l'autorité des chefs n’est ni oppressive ni cruelle, et ressemble plu- tôt au pouvoir paternel; partout on se dérange pour eux, et devant le schaou chaque insulaire est obligé de s'asseoir, de délier sa chevelure en la laissant flotter sur ses épaules. Ces respectueux hommages envers les chefs, un grand fond de vénération pour les vieillards, la bienveillance des habitants entre eux, l’obéissance des enfants envers leur père, prou- vent que les idées morales de ce peuple n’ont souf- fert aucune atteinte. Parfois cependant des démêlés ont lieu de district à district, parfois aussi on en vient aux mains; mais ce n’est guère que pour re- pousser les agressions étrangères qu’ils ont recours aux armes. Les chefs alors se revêtent de leurs nat- tes de combat, ceignent leurs têtes de coquilles de nacre comme marque distinctive de l'autorité mili- taire, et marchent en tête des guerriers pour joindre l'ennemi. La mêlée ne devient générale que quand les deux chefs ont entamé l’action en s’attaquant corps à corps. Leurs armes sont des javelines longues de dix à quinze pieds, des casse-têtes , et de grosses pierres qu’ils lancent avec la main. Les morts sont, après le combat, enterrés sur le champ de bataille, et leur tombe est recouverte de fragments de rochers. Les villages sont bâtis sur les bords de la mer, et entourent le cimetière ou E-thamoura. Chaque fa- DE L'HOMME. 91 mille occupe sa cabane ; mais les demeures deschefs sont beaucoup plus vastes et plus spacieuses que cel- les des autres insulaires. Les premières ont jusqu’à quarante pieds de longueur, tandis que les dernières n’en ont qu’une quinzaine. Ces cabanes sont analo- gues à celles d’O-Taïti, car des poteaux supportent une toiture en feuilles de cocotier de forme conique, et sont fermées à leur base par des nattes. Les objets d'ameublement qu’on y remarque, entretenus d’ail- leurs avec la plus grande propreté, consistent en nattes, en billots de bois destinés à servir d’oreil- lers, en petites tables basses et longues, etc. Une feuille de bananier fraîchement recueillie sert de linge pour lesrepas, et les mets qu’on y dépose sont des fruits à pain, des racines d’arum, des poud- dings d’ignames, et des poissons cuits dans des fours souterrains. Les naturels ont la précaution de pren- dre leurs aliments non avec leurs doigts seuls, mais avec une feuille repliée. Les hinhangatcha ont seuls la prérogalive de se nourrir de viande de pore, et le peuple ne peut en consommer que dans les fes- tins de noces. L'emploi du temps est réglé chez eux avec une grande régularité. Ils se lèvent avec le soleil, et profitent de la fraîcheur du matin pour soigner leurs plantations, cultiver les propriétés des chefs, creuser les pirogues, ou se livrer à la pêche. Ils sont ren- trés dans leurs cabanes avant la plus forte chaleur du jour, et c’est alors qu’ils euisent les aliments du deuxième repas, après lequel ils font ce qu’ils ap- pellent tak ou la sieste. Le soir ils achèvent quelques travaux du matin, ou ils se réunissent de préférence dans le fhumoura pour se livrer aux danses. Quant aax chefs ils ne travaillent jamais ; et lorsqu’ils s’ab- sentent de leurs districts, ils y sont remplacés par un substitut. Les parents ne sont pas libres de marier leurs filles à leur gré ; les chefs seuls ont ce pouvoir. La cérémonie du mariage consiste à faire coucler les futurs sur la même natte deux ou trois jours avant la célébration définitive, et sans que pour cela le mariage se consomme. Le jour où les fiancés doivent s’appartenir se passe en danses et en joyeux festins jusqu'au soir, où les nouveaux époux sont conduits sur le bord de l’eau pour s’y plonger l’un et Pautre pendant quelques secondes, et en sortir unis par un lien indissoluble. On dit que lorsque le marié ne trouve point l'être si fugitif et si recherché des Eu- ropéens, il est libre de renvoyer son épouse et d’en choisir une autre. Il est alors permis à la femme ré- pudiée de faire entrer ses charmes daris le domaine publie. Ces hommes traitent leurs moiliés avec beau- coup de douceur ; mais on dit que, délicats sur l’hon- neur conjugal, ils peuvent, lorsque leur infidélité est avérée, leur faire donner la mort par les hin- hangatcha. LH paroït que les maris se sont réservé le droit d’être volages en leurs amours sans que leurs compagnes puissent les en blâmer. Les jeunes filles, avant de prendre le titre de femmes par une union reconnue, sont libres de faire autant d’heureux qu’il leur plait: mais, comme sans la virginité elles ne peuvent prétendre au mariage, il en résulte que bien peu laissent conquérir ce trésor, aussi en sont-elles fières ; et lorsqu'elles se vantent de le posséder en- core, elles ont pour habitude de se saupoudrer le dessus de la tête avec de la chaux de corail, de se peindre les côtés et le bas de la figure en rouge, et la nuque jusqu'au milieu du dos en noir. En général le beau sexe porte ses cheveux plus courts que ceux des hommes, et a pour unique vêtement un pagne étroit destiné à voiler à demi leurs charmes. A la naissance d’un enfant on pratique une cé- rémonie retraçant d’une manière grossière celle du baptême. Le chef frotte la figure du nouveau-né d'huile de coco, et prononce à haute voix le nom que les parents lui donnent et que les assistants ré- pêtent à grands cris et par trois fois : la naissance des fils des hinhangatcha est toujours accompagnée de jeux , de danses et de festins. A la mort d’un insulaire son cadavre est exposé dans sa cabane le corps enveloppé d’une natte, un oreiller en bois sous la tête, et toutes les parties supérieures peintes en rouge. Lorsqu'il est resté dans cet état un jour et une nuit, il est définitive- ment enseveli dans six nattes très fines, et porté au thamoura, où il est enterré dans une fosse garnie de pierres. Pendant cette cérémonie on chante un hymne funèbre; puis les assistants se rendent à la maison du défant, où les attend un repas destiné à clore la cérémonie. Les veuves témoignent leur douleur en coupant leurs cheveux et en se couvrant la poitrine de brûlures faites avec un bâton en- flammé. Les hommes au contraire, à la perte de leurs épouses, se sillonnent le front et les épaules par des coupures tracées avec des pierres aiguës. On dit aussi qu’à la mort des chefs deux enfants doi- vent être sacrifiés sur leur tombe, et que les familles de ceux choisis par la voie -du sort se réjouissent de l’honneur qui en rejaillit sur elles. Les schaous ne sont point inhumés dans les thamoura du dis- trict; mais leurs tombeaux sont placés sur le som- met de la montagne centrale de Rotouma, entou- rés d'arbres plantés avec soin , et revêtus de larges pierres. Leurs idées en médecine sont fort bornées : par- fois cependant les fonctions en sont exercées par des chefs. Leurs principaux remèdes consistent en fric- tions huileuses ou en sucs d'herbes, et leurs maladies les plus fréquentes se trouvent être les affections de poitrine, les ulcérations , etc. Ils craignent beaucoup la mort, qu'ils nomment atoua, ainsi que leur dieu le plus puissant. Leur 92 BISTOIRE NATURELLE douceur et leur bienveillance s'étendent jusqu'aux animaux nuisibles qu'ils ne détruisent jamais. Les hommes mangent seuls sur des tables sépa- rées ; les femmes et les enfants ne commencent leur rep’s qu'après eux. Ils s’éclairent dans leurs cabanes avec des torches empruntées aux feuilles de cocotiers bien sèches, et qui jettent une grande clarté pendant environ dix minutes. Le cercle de leur vie indolente et molle, mais heureuse, roule done dans les mêmes actes jour- paliers : ainsi, se lever avec le soleil qui n’a point d’aurore entre les tropiques, se réunir devant les cabanes pour jouir des courts instants de fraicheur, voilà l'emploi des premiers moments de la matinée. Vers huit heures a lieu le déjeuner, ou seulement un léger repas ne consistant qu’en fruits d’i/i ou de vi. Après quelques travaux peu fatigants, ils ren- trent vers onze heures dans les villages, abattent des noix de coco, et préparent leurs aliments dans une cabane placée à distance de leur logement. Ce deuxième repas est le plus copieux de ceux qu’ils font, aussi se compose-t-il de mets variés, tels que les productions végétales peuvent les offrir, aux- quels on ajoute des poissons et des mollusques. Comme les O-Taïtiens ils aiment varier leurs jouis- sances ; aussi leur cuisine s’est-elle enrichie d’une friandise très recherchée, et qui consiste à fendre un fruit à pain, à en enlever la partie centrale pour y placer du lait de coco de quatre âges différents, et à faire cuir le tout dans une feuille de bananier. Ils se baignent fréquemment dans la soirée avant de souper ; et leur mets favori en cette circonstance est le papouta, mélange de feuilles de taro cuites avec de jeunes pousses de bananiers et du lait émulsif de coco. L'ile de Rotouma n’a point de sources. L’eau qui sert aux usages des naturels est pluviale et se con- serve dans des mares, mais leur boisson ordinaire consiste en lait de coco. Les connoissances géographiques de ces naturels sont peu étendues : elles se bornent à l'indication de quelques îles placées sur leur route avec les ar- chipels de Tonga et des Fidjis, et avec lesquelles ils ont de temps à autre des communications. Tel est le tableau des habitudes et des idées so- ciales des Rotoumaïens, ou du moins telle est la légère et unique esquisse que nous en possédons. A cela nous ajouterons quelques détails de mœurs, pris dans leurs relations avec les gens du vaisseau que nous montions. Ainsi, doux et timides par caractère, ces naturels sont joyeux, gais, et d’une curiosité enfantine qui étonne. Leur attention n’est point long-temps fixée sur le même objet ; elle va- rie, elle change, elle est aussi mobile que la surface de l'onde. Des animaux vivants qui couroient en paix sur Je pont, tels qu'un cacatoès, un Kanguroo, un chat, les étonnèrent au dernier degré; et ces formes si étrangères et si nouvelles pour leurs yeux firent une impression momentanément profonde sur leurs sens. Bruyants, solliciteurs, ces hommes rioient, gesticuloient, parloient tous ensemble, et nous retracèrent complétement toutes les sensations que durent éprouver les premiers navigateurs qui découvrirent et O-Taïti et les Sandwich. Mais ce qui rend le parallèle encore plus ressemblant est l'habitude des habitants de Rotouma pour le vol. Tout ce qu’ils voyoient sur le pont étoit de bonne prise, et jamais maraudeurs ne furent plus âpres à vouloir retenir leur butin injustement acquis. Des châtiments infligés aux coupables pris en flagrant délit ne servirent point à retenir ceux qui voyoient ainsi pratiquer les règles de la justice distributive, et ceux-là même cherchoient à profiter du désordre amené par ces circonstances, afin de soustraire avec plus de liberté ce qui avoit frappé leur vue; mais ce penchant désordonné pour le vol étoit le résultat d’une tentation si forte, et en même temps si irré- fiéchie, que des naturels cherchoient à soulever les caronades pour les jeter à la mer, et que d’autres plongeoïent après avoir décroché des paquets de mitraille dont le poids s’opposoit à ce qu’ils pussent vager et qu’ils laissoient précipiter au fond de l’eau. Rien enfin ne fut à l'abri de ces effrontés filous, que notre indifférence encourageoit d’ailleurs, et qui emportèrent tout ce qu’ils purent attraper; heureu- sement qu’ils ne quittèrent point le pont du navire et qu’on s’opposa à ce qu’ils en visitassent l’intérieur, car certes ils eussent soustrait jusqu'aux matelas des coucheltes. Leurs pirogues nous parurent grossièrement con- struites; elles ne diffèrent de celles d’O-Taïti que par la fermeture de leurs deux extrémités qui sont pointues. [ls les nomment vaku, les nagent avec des pagaies ovalaires, et les évoluent à la voile avec une natte. Elles sont à balancier, parfois accouplées comme celles des Pomotous. Ces der- nières, nommées aoë, servent aux navigations lointaines. La langue parlée à Rotouma dérive de l’océanien. Cependant des altérations nombreuses s’y sont glissées par les communications avec les Fidjis, les Carolines, et peut-être avec les archipels peuplés par les races nègres. La prononciation des naturels est douce, très lente, et fait paroitre les syllabes démesurément longues. Ma et outou semblent être des particules on des prénoms, et outou , placé de- vant un mot, signifie le plus ordinairement C’EST. La numération a la plus grande analogie avec celle usitée à Madagascar. DE L'HOMME. 93 NOMS DE NOMBRE, 1, tala. 6, ono. 2, taua. 7, ethou. 3, tholo. 8, vaalou. 4, hate. 9, chivou. 5, lima. 10, ekanfour. Les noms que nous citons ont été recueillis par M. Bérard, lieutenant de vaisseau. Ceux obtenus par M. Poret de Bilosseville en diffèrent d’une ma- nière trop sensible pour que nous les passions sous silence. Ces derniers s'accordent avec ceux que nous avons obtenus; les voici : 1, tala. 1, ito. 2, roua 8, volia. 3, tolo 9, ehiva. 4, als 10, shançoula. 9, Lima 100, tharo. 6, honc 1000, fa. $ IX. DES CAROLINS, OU MONGOLS-PÉLAGIENS. Nous aurons les premiers fixé l'attention sur l'origine des peuples qui habitent les îles Carolines. Cette longue suite d’archipels distincts s’étendant depuis le cent trente-deuxième degré de longitude jusqu’au cent soixante-treizième est située dans la zone tropicale de l'hémisphère nord. Ces îles, ainsi nommées en l’honneur du roi d'Espagne Charles IE, ont été jusqu’à ce jour l’objet des spéculations les plus hypothétiques, et sont encore très mal connues des géographes. On les trouve mentionnées pour la première fois d’une manière un peu étendue däns les Lettres édifiartes des missionnaires, et le nom du père Cantova se rattache surtout à leur existence. On lui doit une carte qui faite d’après le récit des insulaires a été mille fois très diversement interprétée, et quoique vraie en un sens, la ma- nière arbitraire dont les îles qui la composent ont été groupées a long-temps fait croire que la plupart n’existoient point, ou a porté à créer des doubles emplois nombreux. On suppose que ce fut Eap que le pilote don Francisco Lascano découvrit en 4686, après que les Espagnols eurent pris possession des îles Mariannes. Ces Européens s’occupèrent beau- coup de cet archipel dans l'intervalle de 1696 à 1772, C’est même en 1696 que don Juan Rodriguez en aperçut un groupe, et s’échoua sur le banc de Santa- Rosa, à environ quarante-cinq lieues de Guam. En 1770 quelques Espagnols furent envoyés pour s'établir sur la petite île de Saint-André, et y furent tous égorgés. Mais à ces détails géographiques doi- vent ze Dorner les courtes généralités qu’il importe de donner ici pour mieux distinguer les peuples que nous devons faire connoître (1). Ainsi done les cartes du père Cantova et de don Luis de Torrès ont donné à cet archipel des rapports qui ne peuvent avoir lieu, et leur tort le plus grand est d’avoir isolé et mis à de grandes distances des ilots qui se trouvent faire partie d'un système d’iles que nous avons nommé d’après les Anglois Irs- Groupes, et qu’il serait peut-être plus convenable de nommer Polinyse. L'immense archipel des Ca- rolines forme ainsi une bande très étroite entre les six à huit et pent-être les dix degrés de latitude nord, qui ne se compose que d’une dizaine de grou- pes, résultat eux-mêmes de quinze, vingt, trente ilots, ou beaucoup plus, disposés en un immense cercle, avec ou sans noyau de terre centrale. Ces Polinyses seroient bien tranchées par leur forma- tion si quelques rochers épars et solitaires ne sem- bloient être des chainons interrompus, semés cà et là pour rétablir les rapports. Dans un travail com- plet sur les îles basses formées par les polypiers, nous développerons cette idée, mais il nous suffisoit de l'indiquer ici pour légitimer notre opinion sur les hommes qui les peuplent. Ainsi les iles Pelew sont le premier anneau de la longue chaine des Carolines, dont les groupes de Ralick et Radack semblent être la terminaison orientale, tandis que les îles basses et découpées en étroites bandelettes des Mulgraves et des îles de Gilbert et de Marshall en sont la déviation vers l’équateur, et le lien de communication avec les autres groupes de l'Océanie : cependant la race des Mongols-Pélagiens s'arrête et ne dépasse point l'ile Saint- Augustin de Maurelle, située par cinq degrés trente -huit minutes de latitude sud, et cent soixante-lreize degrés cinq minutes de longitude est. Semés sur des îles basses à peine élevées au- dessus des vagues, peuplant indifféremment des terres montucuses et volcaniques, ces Carolins n'ont rien ni dans les habitudes ni dansles mœurs qui puisse les rapprocher des Océaniens; habiles na- vigateurs, possédant une connoissance étendue du cours des astres, construisant leurs pirogues avec un talent d'exécution ignoré de tous les autres in- sulaires de la mer du Sud, ces peuples encore si mal connus, si dignes d’être étudiés, forment une grande famille qui a dû s'émigrer des îles du Japon, () Consultez Lettre du père Paul Clain, Lettres édifiantes, t. 1, p.112; Relation en forme de journal, ibid., t. VE, pag. 75; Lettres du père Cazier, ivbid., t. XVI; Lettres du père Cantova, ibid , t. X VIIL, p. 188; Journal de Wilson et son Naufrage aux iles Pelew , par Keate , traduction françoise, 2 vol. in-8o; de Cha- misso, Voyage autour du monde du capitaine de Kotzebue, t. LI, en anglois, etc. 94 HISTOIRE NATURELLE et dont la multiplication a fondé de proche en proche et sans interruption de nouvelles colonies à mesure que les îles sortoient pour ainsi dire du sein de l’eau. Malgré l’imperfection de nos conanoissances sur ces insulaires, nousavens remarqué la plus grande ana- logie entre eux , et comme nous décrirons avec le soin le plus scrupuleux les Oualwnois, il sera facile de leur rattacher ce que nous dirons des autres peuplades. Mais la vérité que nous cherchons avec ardeur sera notre guide le plus fidèle, et bien loin de forcer les analogies pour donner comme réelle une opinion qui pourroit ne pas être fondée, nous transcrirons avec une parfaite impartialité les faits consignés dans notre jourual qui sembleroient en opposition avec la manière de voir que nous éta- blissons en ce moment. Il sera bon de se rappeler aussi que depuis long-temps les Carolins sont fami- liarisés avec les longs voyages ; que souvent leurs escadrilles profitent des moussons pour communi- quer avec les autres systèmes d’iles, et que le plus souvent les iles Mariannes sont le but de leurs cam- pagnes ; qu'ils redoutent la mousson d'ouest, féconde en tempêtes, mais qu'ils se mettent volontiers en mer en avril, et que par conséquent il résulte de ces communications nombreuses une certaine uniformité dans les habitudes de ceux de la partie occidentale, tandis que les naturels plus à l’est et isolés ont con- servé pure leur teinte de localité. C’est ce dont il sera facile de s’apercevoir lorsque nous parlerons des habitants des Kingsmill, d'Oualan, par lesquels d’ailleurs nous allons commencer, J, NATURELS DE L’ARCHIPEL GILBERT. Ces îles sont placées par un degré vingt minutes de latitude sud, et cent soixante-douze degrés qua- rante minutes de longitude est, et s'étendent jus- qu’au dixième degré de latitude nord. Elles furent découvertes en juin 4788 par les capitaines Gilbert et Marshall, Le 45 mai 1824 nous naviguâmes très près des îles basses de Drummont et de Sydenham, ou les Kingsmill des cartes d’Arrowismith, qui ne forment sur la surface de la mer qu’un long et étroit ruban de terre‘hordée de récifs el couverte de cocotiers. Ure seule pirogue, montée par trois hommes, osa s’aven- turer le long de la corvette ; et ce n’est qu'après bien des irrésolutions que ceux-ci se hasardèrent à mon- ter sur le navire. Ces naturels n’apportèrent avec eux aucun objet d'échange; ils n’avoient dans le fond de leur piro- gue que des mollusques du bénitier tridacne qu’ils venoient de prendre sur les récifs, et qui sont sans aucun doute une des principales ressources de leur vie. Nous leur donnämes des couteaux, qu'ils pa- rurent nommer {bi et des hameçons, qu’ils appe- lèrent matao. On voyoit qu’ils savoient apprécier le fer; mais leur langage, inintelligible pour nous, n’avoit aucune analogie avec les autres dialectes parlés dans l'Océanie. La teinte de leur peau étoit assez foncée, et leurs membres étoient grêles et maigres, deux circonstances qu’il faut sans doute attribuer à leur habitation sur des récifs découverts et peu productifs. Leurs traits sont élargis et gros- siers, et leur teinte est un cuivre bronzé foncé en noirâtre. Leur intelligence parut bornée, et leur extérieur peignoit la misère et le peu de ressources du sol qu'ils habitoient. Le plus jeune des trois individus étoit recouvert d’une lèpre furfuracée qui est si commune ch°z tous les nègres océaniens, et qui paroit être propre à tous les peuples riverains qui se nourrissent presque exclusivement de pois- sons. Ces trois hommes avoient le ventre serré par des tours d’une corde faite avec le brou de coco; ils ne s’épilent point, ni ne pratiquent la circonci- sion. Aucun voile ne couvre les organes généra- teurs. Ces insulaires portent les cheveux coupés courts, et n’ont point de barbe ni de moustaches, qu'ils taillent avec des coquilles. Nous ne leur vimes dans les mains aucune espèce d'arme. Leurs seuls vêtements consistoient en un petit bonnet rond tissé avec des folioles sèches de cocotier, pour abri- ter la tête; et en une natle très grossièrement faite et percée au milieu comme le poncho des Arauca- nos, pour garantir les épaules et la poitrine. Ils sont familiarisés avec la navigation, et s’a- vancent assez loin de leurs iles en emportant une provision d’eau douce dans des noix de coco. Leurs pirogues n’offrent plus rien de semblable avec celles des Océaniens ; et, bien que construites sans gran- des précautions, elles retracent la forme des pros si élégants des Carolins occidentaux : on doit penser que la disette du bois et le peu de facilité qu’ils ont de trouver des matériaux convenables sont les seules causes de la négligence qui paroît avoir pré- sidé à leur construction. Mais ces embarcations s'évoluent de la même manière, en changeant seu- lement la voile pour que lavant devienne l’arrière, el vice versa. Ces pro: sont simples et longs d’en- viron vingt pieds sur deux de largeur. Un madrier servant de balancier est tenu fortement à une cer- taine distance du bord par plusieurs perches, et supporte une sorte de plate-forme. Le corps de la pirogue est formé de bordages minces, concentri- ques, très solidement cousus ensemble, et soutenus par des membrures gracieuses : ses deux extrémités se terminent en pointe. De petits bancs servent de siéges aux pagayeurs. Le mât est penché sur l'avant, et implanté sur le côté droit; des haubans le sou- tiennent , ainsi qu’une perche recourbée qui appuie sur la plate-forme du balancier. La voile a la coupe d’un deltoïde dont la partie la plus large est Ja plus DE L'HOMME. supérieure; elle est formée de lèses de nattes très grossières et réunies entre elles. Une longue pagaie sert de gouvernail (!). Par ces données on reconnoît déjà un peuple émi- nemment navigateur, ayant des idées très avancées pour la construction des embarcations avec lesquelles il va d’ile en île et sur les récifs pêcher sa subsis- tance ; car les cocos de ces terres noyées ne sont point suflisants pour alimenter la population entière, et les végétaux nourriciers des Océaniens, tels que les arbres à pain, les ignames, manquent le plus ordi- nairement sur ces ilots. Mais plus nous avancerons vers l’ouest, plus nous verrons ces pros, conser- vant toutefois leurs mêmes formes, nous offrir le beau idéal d’une pirogue par leurs ornements et le fini de leur architecture, par leur marche supé- rieure, et la précision et l’art avec lesquels ils sont évolués. I. NATURELS DE L'ILE SYDENHAM. L'île Sydenham, primitivement découverte par le capitaine Bishop, et vue en 1809 par le brick l'Eli- sabeih, dont le commandant la nomma île Blaney, git par zéro degré trente-deux minutes zéro se- conde de latitude sud, et cent soixante-douze degrés quatorze minutes de longitude est. C’est une ile basse dont la forme est celle d’un grand are un peu irré- gulier, et n'ayant que vingt milles de longueur. Sa surface, peu élevée au-dessus du niveau de la mer, est très boisée, surtout dans la partie méridionale, où l’on remarquoit un grand nombre de cabanes en- tourées de bosquets. Lorsque les habitants aperçu- rent la corvette {4 Coquille longeant à Ja voile leur rivage, ils s'élancèrent dans leurs pirogues, et en un clin d'œil nous en vimes une vingtaine manœu- vrant par escadrilles pour nous joindre : mais une seule y parvint ; elle étoit montée par dix naturels grands, forts et nerveu. La couleur de leur peau tiroit sur le noir fuligineux intense; leurs cheveux, très noirs, étoient courts, et la barbe peu fournie : Jun d’eux s’étoit fait un bonnet avec la peau d’un gros diodon, et étoit revêtu d'une casaque grossiè- remen£ fabriquée avec des fibres de cocotier. Les autres naturels étoient complétement nus, et tous avoient les cuisses tatouées par lignes peu foncées et circulaires. Leur cou éloit entouré de colliers formés avec les valves rouges d’un peigne, et leur ventre étoit serré par plusieurs brasses d’un cordonnet très fin et teint en noir, où avec des cordes enfilées par () Le manque d'arbres est tellement la cause unique de la négligesce apparente avec laquelle les pirogues des îles basses sont contruites, que leurs mâls, leurs balanciers, étaient faits de plasieurs pièces Lortueuses d'un mauvais bois, tel que l'Aibiscus tiliaceus , et mal- gré cela ajustées avec beaucoup de soin. 95 une innombrable quantité de petites rouelles d’un bois très dur et noir. Leurs haches sont faites avec des fragments de la coquille triue e, dont le bord estaiguisé, el que supporte un manche en bois. Leurs nattes sont tissées avec des lanières étroites de pan- dunus; ils en échangèrent quelques unes, ainsi que trois cocos frais, les seuls qu’ils eussent dans leurs pirogues, pour des clous, des hamecons, et des cou- teaux qu’ils nommoient tibi: les miroirs leur cau- sèrent la plus grande surprise. Ces insulaires étoient de mauvaise foi dans leurs échanges; rarement ils donnoient l’objet dont ils avoient recu la valeur. La construction de leurs pirogues étoit parfaitement semblable à celle des habitants de l’ile Drummont. La physionomie de ces dix hommes étoit peu pré- venante : de larges cicatrices annonçoient qu’ils font fréquemment la guerre ; ce qui, joint à leur peu de ressources dans leur ile, doit leur donner des mœurs inhospitalières. Ils parloient avec volubilité : c’est avec bien de la peine que nous pûmes ohtenir le nom dont ils se servent pour désigner leur ile, qui est Hotou ia pour la partie sud, et Moïou tera pour la partie nord. Les seuls mots que nous puissions joindre à ces deux-ci sont cari, sourcils, tepahi, nez, et tetaniga, oreille. III. NATURELS DE L'ILE HENDERVILLE, Le 17 mai 1824 nous eûmes connoissance des iles Hendervilie et Woodle, séparées l’une de l’autre par un canal qui a cinq milles de largeur. Par leur dis- position elles ont la forme d’un fer à cheval, et sont bordées par une épaisse ceinture de récifs dont le centre est occupé par un vaste lagon. Cà et là pa- roissoient quelques cabanes, ou plutôt des huttes grossières, dont les toits descendoicnt jusqu’à terre. Un grand nombre de naturels, parcourant la grève, se détachoient vivement sur la blancheur éblouis- sante des sables de coraux : tous formoient une scène animée et mouvante. Les femmes et les enfants, attachés au rivage par la curiosité, restoient specta- teurs, tandis que les hommes, portant des piro- gues ct les jetant à la mer, s’efforcoient d’atteindre la corvelle. Ces naturels ressembloient aux précédents, ils éloient entièrement nus; mais nous remarquâmes qu'ils s’épiloient soigneusement. L'un d’eux avoit sur la tête un bonnei pointu fait avec une feuille de bananier roulée; leur coloration, ainsi qu’on doit le penser pour des hommes immédiatement placés sous la ligne, étoit très foncée. Un naturel âgé, qui pa- roissoit jouir d’une certaine autorité, se tint long- temps debout au milieu d’une pirogue, en parlant avec feu; sans doute qu’il nous adressoit quelque discours dont les mots frappèrent vainement nos oreilles. Il étoit distingué par deux ovules (œufs de 96 léda ) suspendues au cou, et par des bracelets très blancs formés de coquillages enfilés. s VI. NATURELS DE L'ILE DE WOODLE, Cette île, découverte en 4809 par le navire l'Eli- sabeth, nous présenta une nombreuse population : nous comptâmes plus de trois cents naturels courant sur le rivage; quelques uns étoient armés de longues lances ; les femmes avoient le corps entouré d’un pagne, tandis que les hommes étoient complétement nus. À leurs gestes, à leurs cris, il étoit facile de juger qu’ils avoient rarement occasion de voir dans leurs parages des navires européens. Un grand nom- bre de pirogues se dirigea aussitôt vers la Coquille, et, comme une brise favorable nous poussoit, deux d’entre elles plus persévérantes parvinrent à nous joindre lorsque nous étions à trois lieues de la terre : les naturels qui les montoient n’avoient aucun objet d'échange ; mais ils témoignèrent vivement leur es- time pour les couteaux, les clous, les hameçons, et le fer, sous quelque forme qu’il fût : ils avoient pour ornement des ceintures en coquilles taillées en rouelles, placées autour du corps, du cou, des poi- gnets et des jambes. Ces deux pirogues étoient plus petites que les précédentes, mais construites d’ail- leurs comme elles, en bordages cousus et avec des balanciers ; leur équipage ne se composoit que de quatre hommes, n'ayant pas même une feuiile de figuier pour les vêtir, et complétement épilés, à l’ex- ception d’un seul. Leur peau fortement bronzée étoit cependant déjà ‘plus claire que celle des premiers Carolins que nous avions vus, et tous portoient trois cicatrices d’entailles profondes sur les téguments de l'épaule droite. L'ensemble de leurs traits étoit assez régulier, quoique l'aspect en fût farouche et sauvage ; leur taille étoit médiocre. L'un d’eux, qui paroissoit jouir de quelque autorité sur ses compagnons, étoit tatoué sur les cuisses et sur le dos par lignes légères, disposées avec délicatesse autour de ces parties. Au reste ils montèrent à bord sans hésitation et sans té- moigner de crainte ; ils n’avoient point d'armes, et mirent dans leurs échanges la plus grande bonne foi. Comme à leurs voisins, leurs ornements con- sistoient en ovules. Leur habitude d'observation est tellement perfectionnée qu’ils s’aperçurent bientôt que des nuages, s’amoncelant à l'horizon, annon- coient du mauvais temps; aussi se hâtèrent-ils de gagner leur île, et à peine en toucièrent-ils les bords que des grains subits et violents sc firent sentir. Les jours suivants nous longceâmes les iles Hall, Gilbert, Knoy, Charlotte, Mathews, ainsi que l’ar- chipel de Marshall, et les îles Mulgrave et Bonham. Elles nous présentèrent dans leurs formes, comme dans la race humaine qui les habite, des particula- rités identiques avec celles que nous venons de rap- HISTOIRE NATURELLE porter. Toutes ces îles sont donc entièrement basses, formées par des bancs massifs de coraux aui sont eux-mêmes le résultat d’un travail lent et successif d'animaux presque imperceptibles. Ces polypes mous et gélatineux peuvent done décomposer les eaux de la mer, en retirer le carbonate de chaux, pour éle- ver jusqu’au niveau des vagues des plateaux qui finissent par recevoir d’abord des colonies végétales, puis des animaux, et ensuite des migrations d’hom- mes. Mais ces saxigènes placent-ils indifféremment leurs murailles dans les abimes de la mer ou seule- ment à des profondeurs déterminées? Des expé- riences positives prouvent aujourd’hui que ce n’est jamais que sur les sommets des hauts-fonds ou chaines sous-marines, sillennant et formant des bas- sins au fond des océans, qu’ils asseyent la base de leurs édifices ; aussi remarque-t-on que les rochers de corail affectent les formes les plus bizarres dans leurs dispositions sur la surface de la mer ; qu’ainsi on les voit former des remparts autour des hauts pitons volcanisés des grands archipels ; qu'ailleurs, là où le volcan sous-marin n’élève point son cône au-dessus de la surface des vagues, sont des plateaux bas qui se découpent souvent sur le pourtour du cra- tère, de manière que l’intérieur reste vide à cause d’une grande épaisseur de la masse des eaux; et c’est ainsi l’origine des iles à lagons intérieurs. Et ne voyons-nous pas au milieu des Carolines des îles volcaniques élevées, telles qu'Oualan et Hogolous, avoir des barrières de polypiers sur leurs pour- tours, d’où s'élèvent des motous ou ilots couverts de végétaux, tandis que l’intérieur ne présente qu’un ou plusieurs des pitons du mont ignivome complé- tement isolés ? V. NATURELS DE L'ILE D'OUALAN. L'ile d’Oualan (1) est placée par cinq degrés vingt- une minutes vingt-cinq secondes de latitude nord, et cent soixante degrés trente-sept minutes quarante- sept secondes de longitude est, au centre à peu près de la série des terres peuplées par la race mongole- pélagienne. Bien que nous r’ayons séjourné que peu de temps à Qualan, les détails que nous noussom- mes procurés sur les habitants auront quelque at- trait, et prouveront qu’il n’y a entre eux et les vrais Océaniens aucune analogie de conformation physique et d’habitudes morales. Les habitants d'Oualan nous ont paru avoir des mœurs douces, bienveillantes, ignorer la guerre et ses désastres, et vivre en paix des productions vé- gétales dont leur ile abonde. Tout en eux retrace ces () Consuitez, pour plus de détails, la Notice sur l’île d'Oualan, par R. P, Lesson, Journal des Voyages, t. XXVI, pag. 129 ct 273, mai et juin 1825. s DE L'HOMME. habitudes d’une nature simple ct primitive dont le tableau nous séduit encore lorsque nous lisons les relations des voyageurs du seizième siècle. Fls sem- blent en effet ne point avoir de coutumes sangui- paires, et dans leurs instruments rien n’annonce qu’ils aient songé à s’en faire des armes. Placés dans une position isolée, sur une île haute qui suflit gran- dement à leurs besoins, ignorant quels sont leurs plus proches voisins, ils coulent dans l’indolence une vie qui ne connoît point de position plus heu- reuse ni un sort plus doux. À la stupéfaction ex- traordinaire que notre vuc et nos moindres gestes leur inspiroient lorsque nous les abordämes pour la première fois, il est évident qu’ils n’avoient ja- mais vu d'Européens dans leur ile, ct que nous sommes les premiers qui ayons séjourné parmi eux. L'étonnement que le navire leur inspira lorsqu'ils le considérèrent de près, la surprise que nos vête- ments, nos costumes, notre peau blanche, portoient dans leur âme, nuisirent beaucoup les premiers jours à nos recherches, et nos observations ne pu- rent être que superficielles; mais le peu que nous en savons est digne d'intérêt. Lorsque nous arri- vions dans une cabane, le premier mouvement des propriétaires étoit de fuir, ct ce n’est que sur quel- ques paroles de nos guides que la tranquillité re- naissoit. Chacun alors faisoit cercle autour de nous, nous touchoit, porloit la main sur chaque partie du corps, nous accabloit d’un déluge de questions sui- vies d’un bou-xi éternel; de sorte qu'au lien de pouvoir observer à notre aise, à peine pouvions- nous nous-mêmes suflire à tout ce qu’on exigeoit de nous. Le mouillage de la corvette {a Coquille étoit d’ailleurs trop éloigné du village principal, où de- meurent le roi et les chefs ; on ne pouvoit s’y rendre qu'après une course fatigante, tandis que près du vaisseau il n’y avoit que deux ou trois cabanes, dont les femmes avoient fui et étoient cachées dans l'intérieur. Les habitants d'Oualan diffèrent entre eux par la taille comme par la bonne mine. His semblent former deux classes distinctes : celle des chefs ou urosses, qui est remarquable par sa belle conservation, et celle du peuple, qui est beaucoup plus défavorisée, Les habitants sont en général de petite taille et de cinq pieds au plus : un bon nombre n’avoit que quatre pieds sept à huit pouces, tandis que les plus avantagés par la stature n’alloient pas au-delà de cinq pieds deux à trois pouces. Les femmes aussi sont généralement petites, mais très grasses et très bien formées. Le type physionomique des hommes est d’avoir le front découvert et étroit, les sourcils épais, et les yeux petits et obliques, le nez épaté, la bouche grande, les dents très blanches et bien conservées, des gencives vermeilles. Ils portent la chevelure, qui est très noire ct non frisée, longue L. 97 et nouée sur locciput; leur barbe, très fournie et noire, est rude chez quelques uns (1). Is ne la cou- pent point. Quelques uns cependant s’'empressèrent de se faire raser à bord, preuve qu'ils n’y attachent aucune idée superstitieuse. ls ne s’épilent point, ct ne pratiquent point la circoncision. Leurs membres sont arrondis et bien faits, surtout la jambe. Leur peau est très dure; et la plante de leurs pieds, par l'habitude de marcher sur le corail, contracte l’é- paisseur et la dureté d’une forte semelle de soulicr: La teinte de leur peau est comme celle des Océa- niens, de couleur peu foncée de cuivre ou bronze clair. [ls ne mâchent aucune substance. Ces peuples, non habitués au travail, sont mous ct efféminés ; la fatigue les atteint de suite, et sans doute est pour eux le souverain mal. Les femmes et les jeunes filles ont une physio- nomie agréable. Elles possèdent deux grands at- traits, de beaux yeux noirs pleins de feu, et ne bouche meublée de dents superbes d'une grande blancheur et rangées avec beaucoup de régularité. Mais le charme le plus puissant leur manque com- munément, ci sous ce rapport clies sont loin d’être aussi favorisées que les Zélandoises. Leur gorge, très grosse, est habituellement, même chez les plus jeunes filles, flasque, et terminée par un gros ma- melon noir. Il en est peu qui échappent à cette règle. La couleur de leur peau, moins exposée à Pardeur du soleil, est aussi beaucoup plus blanche que celle des hommes. Leur taille ramassée est mal prise, surtout par la grosseur démesurée de leurs hanches, ce qui seroit du goût de plusieurs peuples. Leurs mamelles pendantes ct accolées doivent cette forme à ce qu’elles se rapprochent sans cesse les bras près du corps, tardis que leur démarche gê- née ctembarrassée est due à leur habitude de rester assises, et de serrer les cuisses pour voiler ce qu’un étroit maro, mal assujetti ct trop peu ample, ne cache que très imparfaitement. Les femmes, à notre vue, montroient une vive curiosité; elles parois- soient même très satisfaites de quelques demi-liber- tés qu’on prenoit avec elles; le front sévère de leurs époux les forcoit alors à prendre un ton plus ré- servé : quelques unes étoient remarquables par leur douceur et l'expression gracicase de leurs traits. Les femmes, de même que les hommes, n’ont au- cune sorte d’étoffe sur le corps, si ce n’est celle qui recouvre les parties naturelles. Les deux sexes ont l’habitude de se faire un large trou dans l’orcille droite seulement pour y placer tout ce qu’on leur donne, ct parfois des objets peu faits pour y être accrochés, tels que des bouteilles. Ordinairement () Le plus grand nombre n’a presque point de barbe : celle-ci est peu fournie, grêle, et forme une petite . mêche très maigre sous Ie menton. 15 98 les filles y mettent des paquets de fleurs de pancra- tium qu’elles paroissent affectionner. Souvent avec ect air de coquetterie que la femme civilisée, comme dans l'enfance de cette même civilisation, possède si éminemment, des jeunes femmes détachoient de leur tête ces fleurs odorantes, et cherchoient à nous les placer dans les oreilles en accompagnant ce présent d’un sourire gracieux. Les hommes se couvrent aussi la chevelure avec lesfleurs rutilantes du kalcé, ou les spadices de l’arum. Ces naturels ne se servent d’aucune espèce de vê- tement pour se garantir des pluies fréquentes de leur climat. Lorsque le soleil les incommode, ils s’abritent seulement les épaules avec une large feuille d’arum. Les chefs paroissent tenir, par mor- gue, à ne point s’exposer autant aux influences de Ja chaleur. Ils sont un peu plus blancs que le reste des iusulaires. Ils sont aussi plus beaux hommes, et beaucoup mieux faits. Ils n’ont aucune marque dis- tinctive autre que les dessins de leur tatouage ; ce- pendant ils placent des plumes dans le nœud qui retient leur chevelure ; et lorsqu'on leur donne des clous, c’est toujours dans cette partie qu'ils les en- foncent en les rangcant régulièrement en forme de diadème. Les femmes, comme les hommes, vont habituel- lement tête nue. Leurs cheveux sont d’orüinaire épars sur leurs épaules, tandis que ces derniers les portent noués sur l’occiput. Celles-ci ont de plus une grosse cravate passée autour du cou, formée par un grand nombre de cordonnets, dont les bouts se dirigent du même côté et sont réunis en grosse touffe. Leur maro n’est point placé comme chez les hommes : c’est un morceau d’étoffe dont ces derniers se servent pour ceindre le corps en formant une poche pour recevoir les organes de la génération, tandis que le beau sexe emploie un maro large de dix pouces environ, étendu cireulairement autour du corps, et assez mal fixé pour qu'il soit le plus or- dinairement besoin de le retenir avec les mains, ou, au moindre mouvement, de le soutenir. L'ensemble des traits des femmes est en général assez bien. Elles se marient de bonne heure, car quelques unes étoient mères et paroissoient très jeunes: celles ont grand soin de leurs enfants, qu’elles portent sur le dos. Leurs travaux se bornent à l’in- térieur de la cabane, et jamais nous ne les rencun- trâmes occupées au-dehors ou à préparer les ali- ments. On ne sait si ces insulaires sont monogames; mais nous croyons avoir saisi dans le langage d’un paturel intelligent que chaque homme des classes supérieures pouvoit avoir deux femmes. Les wosses en auroient alors trois ou quatre. Les femmes sont considérées comme des créatures d’un ordre infé- rieur, quoiqu’on les traitât cependant devant nous avec une bonté ct une considération remarquables, HISTOIRE NATURELLE Elles sont très chastes, et on doit croire que cette vertu est enracinée dans leurs cœurs, et ne prend pas sa source dans l’excessive jalousie des hommes, qui, dès le premier instant de notre relâche, se montrèrent singulièrement éloignés de permettre le moindre commerce entre leurs épouses ct les gens de notre équipage. Les naturels parurent en effet très bien saisir le sens de quelques demandes que leur firent les matelots, ils en rioient beaucoup en répétant leurs gestes expressifs :mais dès cet instant tous ceux qui habitoieñnt les côtes occidentales de l'ile, vis-à-vis notre mouillage, firent conduire leurs familles dans l’intérieur; et malgré les bons traitements qu’on eut pour eux, les présents qu’on leur fit, et les soins qu’on prit de ne point donner ombrage à leur humeur jalouse, ceux qui se di- soient nos amis ne voulurent jamais les rappeler. Ce n’est que dans l’intérieur, et surtout dans le vil- lage de Lélé, que nous pûmes observer les femmes; et lorsqu'on. paroissoit trop s’en occuper, par un seul coup d'œil on les faisoit retirer; et souvent il arriva que des jeunes gens qui nous servoient de guides couroient devant nous les faire cacher dans les cabanes dans lesquelles nous devions nous arrêter. Cette habitude de soustraire leurs femmes à la vue des étrangers, ou la grainte de les voir profaner par des inconnus, est d’autant plus remarquable qu’elle est grandement opposée aux mœurs géné- rales des insulaires de la mer du Sud, qui sur cet article témoignent une grande indifférencé. Ce n’est pas cependant que les naturels des Sandwich, des iles de la Société et des Amis, des Marquises et de la Nouvelle-Zélande, prodiguent leurs épouses ; on sait qu'ils n’offrent communément que les filles esclaves ou de Ja classe inférieure du peuple, dont ils emploient les charmes pour trafiquer. Mais les habitants d’Oualan ne paroissent posséder qu’un nombre restreint de personnes du sexe féminin, et ne point avoir de concubines avouées, ni par consé- quent une classe de femmes livrée au publie. Dé- licats sur l’article de la chasteté conjugale, ils diffè- rent' beaucoup sous ce rapport des peuples que nous venons de nommer; aussi on peut assurer que les galants les plus déterminés du bord ne retirèrent ‘ absolument aucun fruit de leurs avances. On est au-. torisé à penser cependant que les chefs, dont l’au- torité est sans autres bornes que leur volonté, au- roient été disposés, pour des présents, à accorder les femmes de la classe inférieure de leur district; car c'est ainsi que nous avons dû interpréter l'offre d’un urosse, qui, dans l’étonnement que notre vue lui inspira, nous pria en grâce, M. de Blosse- ville et moi, de coucher au village, d'y rester, en nous promettant une femme, une cabane et des aliments, DE L'HOMME. Nous ne connoissons absolument rien des rites religieux de ces insulaires ; nous ne vimes point de cabanes en apparence destinées à un culte quel- conque, et on ne peut penser qu'ils aient quelques notions de mahométisme. Cependant la hiérarchie et la prééminence des castes nettement établie, l'autorité toute-puissante des chefs, les hommages qu’on leur adresse en les entourant d’un respect religieux , surtout la conformation physique de ce peuple, quelques mots très usités , tels que celui de Japan pour désigner l'O. et souvent le N. O., nous autorisent à penser que les insulaires d'Oualan, sem- blables en cela à une partie mélangée des Chamo- riens des Mariannes, et des Tagales des Philippines, descendent de quelques provinces, non de l'Inde propre, mais de l’empire japonois. A leur vue, en effet, on ne peut se dispenser de leur donner cette filiation qui nous paroit avérée. La population d’Oualan est douce, timide et craintive ; les chefs seuls ont l’arrogance que leur dosne l'habitude du pouvoir. Habitués dès leur en- fance à une soumission passive, les gens du peuple respectent chaque classe supérieure à celle à la- quelle ils appartiennent; ils ne possèdent rien en propre; ils dépendent, eux, leurs familles, et les objets de leur industrie, de l’urosse dans le district duquel ils sont nés. Les classes moyennes sont les seules qui jouissent d’un peu de liberté. On conçoit que des lois ou des coutumes si féodales tendent à ne donner nulle énergie à leur caractère. Serviles par habitude, sans besoins nombreux, sans relations extérieures , ils vivent en remplissant quelques de- voirs qui ne sont ni pénibles, ni rigoureux dans un pays où les chefs n’habitent que sous les mêmes ca- banes, ne se nourrissent que des mêmes substan- ces, et n’ont de plus aucun vêtement. Aussi le peuple est-il le plus pacifique et le plus doux qu’on puisse citer, et sans doute qu’il faudroit de bien graves motifs pour qu'il cherchât à se venger ou à attaquer les Européens qui visitent son ile. D’ail- leurs ces hommes n’ont pour armes que des bâtons, et, ce qui est bien rare sur le globe, ils paroissent ignorer la guerre. Leur petite population, dominée par des chefs qui reconnoissent une autorité su- prême, n’a point de dissensions, et l'ile peut fournir à tous ses besoins, lors même qu’elle s’ac- croitroit. Oualan est régie par un seul chef, qui porte le titre d’urosre toll ou tône. Un grand nombre d’autres -chefs, également nommés urosses, commandent dans les districts de l’ile ou entourent le roi, dans le. village très peuplé de Lélé, établi sur la petite île de ce nom, dans la partie est d'Oualan. L’urosse tône paroît être choisi par les plus anciens uroises, et celui qui éloit en fonction lors de notre séjour étoit un vicillard que les ans menoient au tombeau 99 d’un pas insensible. Nous remarquâmes que le plus grand nombre des chefs étoit âgé, et à peine en vimes-nous quatre ou cinq pleins de vigueur, et encore dans la jeunesse. Le respect dont le peuple entoure le monarque est prodigieux, et la vénéra- tion et l'humilité qui se manifestent sur leur visage en prononçant son nom, qui pour eux paroit être sacré, le soin qu’ils ont de se trainer sur les genoux lorsqu'ils rencontrent Îes mrosses, attestent que leur pouvoir repose sans aucun doute sur des idées re- ligieuses. Tant de bassesse et de servilité dénotent bien une source asiatique. L'Inde, cet antique ber- ceau d’une civilisation depuis long-temps étouffée sous l'empire presque indestructible des opinions su- perstitieuses, est depuis des siècles divisée en castes qui se haïssent mutuellement, ou se déversent le mépris. La caste de Brama se croiroit flétrie par l’attouchement d’un membre de la vile caste desPa- rias… Eh bien ! à Oualan on retrouve parfaitement le tableau de cet ordre social, si peu en harmonie avec la raison. Là aussi une foible population est divisée en plusieurs castes, et celle des urosses, ou la noblesse, regarde comme indigne de ses regards la populace ou sinqué , faite seulement pour la ser- vir. D’après les indices que nos observations trop restreintes, et dès lors incomplètes, nous ont mis à même d'acquérir, il paroît que les chefs ont un droit absolu sur les propriétés et peut-être sur les personnes des hommes d’une origine commune qui naissent dans leurs districts respectifs. Nous vimes une femme, qui venoit de recevoir un présent de l’un de nous, être forcée de le remettre à lurosse à un seul geste qu’il lui fit. D’autres étoient dé- pouillés, sans se plaindre, du fer ou des autres ar- ticles qu’ils avoient reçus en échange de leurs maros ou des fruits qu’ils avoient cueillis. Mais cette obéis- sance passive est également imposée aux chefs à l'égard du roi, et tous les présents qu’ils recevoient lui étoient aussitôt remis. Les urosses diffèrent en général. du peuple par une taille bien prise, un air plus imposant, plus grave, un tatouage plus soigné et qui dénote leur rang. Leur chevelure est soigneusement peignée et frottéc d'huile; leur barbe, très blanche chez les vicillards, leur donne une physionomie vénéra- ble. il paroitroit que plusieurs tribus différentes existeroient dans l'ile, et seroient désignées par des noms particuliers. D’après les renseignements que nous avons obtenus des naturels, il en résulteroit, pour désigner ces clusses, les sept dénominations suivantes. io Urosse paroît signifier noble, chef. Ce nom se- roit applicable aux gouverneurs de districts, à ceux enfin devant lesquels le peuple doit s’humilier. Le mot tôue paroit être, pris isolément, un terme qui signifie haut, puissant, premier, et même chef de 100 famille. Aussi le titre du chef principal ou roi est-il urosse tône, quoique les naturels disent souvent et simplement urosse eu le désignant. La deuxième classe est celle des pennemés. Nos amis du village de Tahignié appartenoient à cette caste, qui correspondroit aux professions libérales du barreau et du haut commerce dans nos états civilisés. Ils étoient constructeurs de pirogues, et pul doute que cet art, le premier chez eux, ne soit distingué, comme exigeant du savoir et de l’habi- lcté. D’autres vieillards, habitant l’intérieur, étoient aussi tônes , et sans doute que c’éloit par naissance qu’ils conservoient ce titre dont ils étoient fiers. Nous remarquâmes combien l'esprit de corporation a d'influence sur tous les hommes, et la préférence que l’on accorde à ceux qui exercent la même pro- fession que nous. Nous dimes à un vieillard jovial, de la classe des pennemés, que nous étions pennemés de la grande pirogue; aussitôt il nous sauta au Cou, e1 appliquant son nez sur notre poitrine ct la flai- rant ; ce qui sembleroit être une politesse, car nous l'avons vu répéter plusieurs fois ensuite, et nous eûmes beaucoup de peine à nous débarrasser de ses bras lépreux. El nous offrit chaque jour des fruits à pain et des cocos, tandis qu’il parloil à peine à ceux qui prenoient le titre d’urosses. La troisième classe ou celle des lisignés corres- pond à la bourgeoisie. Cette ciasse est estimée et paroit être formée des propriétaires de terres. Le bas peuple enfin nommé siné ou sinqué est occupé aux plus rudes travaux , c’est-à-dire fournit les do- mestiques, les travailleurs. Cette caste est répartie chez les chefs, fait la cuisine et va chercher ou ré- eolter les fruits. Elle nage les pirogues, va couper des lattes pour les maisons ; en un mot, elle est ré- servée pour la servitude. Trois divisions paroissent encore exister, celle des lius ou néas, celle des metkao, et celle des memata. Mais ces deux der- nières nous paroissent douteuses, et nous serions tentés de croire que ce sont des noms de profession ou d’origine, peu usités d’ailleurs par les naturels eux-mêmes. On voit par l’ordre qui isole chaque rang que cette considération dont héritent les enfants nés dans telle ou telle caste ne peut provenir que d’un peuple anciennement civilisé. La filiation des idées de ceux que des circonstances imprévues auront portés dans ces îles se sera perdue ou se sera réduite à la plus simple tradition orale. à Un fait très remarquable est la différence d’in- struclion qui caractérise chaque caste, et même le langage que chacune d'elles parle. On conçoit que, pour former un vocabulaire, ce n’est pas une petite difficulté que de prendre des mots des premiers venus. Souvent un penremé nous donnoit le nom HISTOIRE NATURELLE siné, qui étoit à côté, en donnoit un autre, quel- quefois tout différent, au même objet qu’on mon- troit en le touchant. En général les chefs ont beau- coup plus d'instruction ; leur intelligence saisissoit aisément ce qu’on leur demandoit, et pour qu’il n’y eût pas d'erreur, souvent ils répétoient en nimes ce qui servoit à caractériser l’objet dont on vouloit avoir la connoissance. Leur prononciation est nette, leurs mots bien articulés, tandis que le peuple a une prononciation vicieuse, et qui varie à chaque instant. Nous eùmes occasion de juger des connois- sances d'un pennemé, en lui traçant sur le papier le cours du soleil. El sut fort bien nous exprimer l'idée qu’il avoit de sa marche, en nous indiquant qu’il tournoit autour de la terre, et que le matin, houat alaïe, le soleil se levoit; qu’à miii il étoit sur sa tête, koune ineléne, et qu’au soir il se cachoït dans la mer, foune cofo, en éclairant une autre terre. Le jour s'appelle lexélique, et la nuit fongao- nou. El nomma les mois une lune , alouaite, et il nous dépeignit aussi comment il pensoit que cet astre tournoit autour de la terre, en sens contraire du soleil. On ne put obtenir aucun résultat satis- faisant des questions qu’on lui adressa , pour savoir s'ils ont quelques terres dans leur voisinage : il sembla nommer deux îles Huat et Nécat, et surtout une dans l’ouest quart-sud-ouest d’Oualan, qu’il ap- peloit nun Monsol (1). L'ile d'Oualan, divisée en districts, régie par des urosses, a un nombre restreint d'habitants; on ne peut apprécier les causes qui tiennent la population dans ces bornes étroites, et nous ignorons si ce sont quelques institutions vicieuses qui ordonnent des sacrifices d'enfants à la mort des chefs, ou si enfin cela est dû à l’insalubrité du climat. Le village de Lélé, le point le plus peuplé de toute l'ile, doit avoir une population de cinq à six cents âmes. Le reste d’Oualan ne renferme plus que des réunions de trois ou quatre cabanes, ou même des maisons solitaires, principalement sur le bord des grèves sa- blonneuses ou dans les vallées intérieures. De sorte qu’on ne peut être loin de la vérité, en estimant à deux mille habitants la population totale de l'ile. On se demande quel est le levier qui maintient l’or- dre établi parmi ce petit peuple isolé; quels peuvent être les châtiments infligés à ceux qui manquent à cette obéissance aveugle qu’exigent les chefs; com- ment il se fait que des hommes toujours portés à franchir les bornes de leurs devoirs soient si soumis devant quelques individus qui se transmettent une autorité si despotique. Les idées religieuses y ont- elles quelque part, et les chefs sont-ils en même + (1) C’est très probablement un mot qui signifie autre chose que le nom d’une île ; car monsol, ou plutôt mol- d'un objet ou d’une partie du corps, tandis que le * soul, signifie la mer, prise dans son étendue. DE L'HOMME. temps les ministres du culte? Cette dernière opinion auroit une grande probabilité, d'autant plus que les naturels professent un saint respect pour les tom- beaux, et surtout pour ceux des urosses, qu’ils bâ- tissent avec efforts en leur consacrant des hommages publics. Il n’est pas jusqu’à ceux de leurs proches qu’ils ne placent dans des positions choisies, en les entourant de tout ce qui commande un recueille- ment religieux. Le village de Lélé, principal point où sont réu- nies les demeures des naturels, a été bâti sur un îlot qui ne tient à Oualan que par un récif, sur le- quel on peut marcher ayant de l’eau jusqu’à la moitié du corps. Ce village est dans une position défavo- rable ; au milieu d’un limon infect couvert de man- gliers, tandis qu’une eau croupie et puante stagne même dans les sortes de rues qui conduisent aux diverses agglomérations de cabanes. Ces maisons occupent généralement des tertres, et celles du roi et des chefs sont situées au pied d’une haute colline. La forme de ces demeures est fort agréable, et leur construction est très ingénieuse : elles sont répan- dues sur le pourtour de la baie, ou au milieu des arbres le long des rivages ; et leur coupe étrangère, s’élevant au milieu de végétaux imposants, ombra- gée par les cocotiers, leur donne un caractère neuf qui n’avoit point encore frappé nos regards. Ces mai- sons sont très vastes, ayant jusqu’à quarante pieds d’élévation , sur une longueur proportionnée. Leur couverture est démesurément grande ; elle retombe presque sur le sol, en s’arrêtant sur une cloison en bois haute de trois pieds. Le sommet de chaque ca- bane forme un arc ouvert vers le ciel ; la toiture est faite avec des feuilles de vaquois et s’unit par simple juxta-position des deux côtés au sommet, et ne porte point sur une pièce de bois transverse. Les parois latérales sont faites avec des lattes d’un bois léger et blanc d’kibiscus, attachées sur des montants à distance d’un demi-pouce les unes des autres; de petites portes sont pratiquées sur les côtés. Ces lattes sont soigneusement travaillées et peintes de diverses couleurs. Le devant et le derrière de la maison ont cela de très remarquable que le haut rentre beau- coup sous la toiture, et semble former un abat-jour. Cet endroit est orné avec soin, et on a laissé çà et là entre les lattes des séparations qui permettent à l’air d'entrer par la partie supérieure et de circuler libre- ment dans les appartements. La portion inférieure de la facade à une petite toiture avancée , se termi- nant aussi à trois pieds du sol, ou a un lattis en bois, ou enfin est en partie à jour. Le sol de la bâtisse se compose de petits bambous ou roseaux dont les tiges, d’égale longueur, liées les unes aux autres, forment un plancher d’une grande propreté et très frais Les insulaires ont beaucoup de soin de ces bà- timents, surtout Les chefs, dont Iles demeures, quoi- 10{ que faites sur un même modèle, sont plus spacieu- ses, mieux travaillées, et ne présentent point un morceau de bois sans qu’il soit peint en rouge, en noir, en jaune, ou en blanc, et très poli. Quelques compartiments sont établis sur un côté ; ils servent de chambres à coucher, et le lit des naturels ne con- siste qu’en une petite natte étalée sur le plancher en roseaux. Toutes les maisons que nous vimes n'of- froient de différence sensible que dans le plus ou moins de soins apportés à leur construction , ou dans leur grandeur et dans la manière dont elles étoient tenues. Les portes sont ordinairement très basses, et il faut ramper pour entrer dans les diverses pièces. Dans celles des chefs il y a de grandes portes à bat- {ants, qu’on ouvre aux visites de cérémonie. Les autres travaux dés naturels consistent en fortes murailles qu’ils appellent pot, lesquelles sont éle- vées avec beaucoup d'efforts sans doute, à en juger par la masse des pierres et par l’imperfection des moyens dont ces naturels se servent. C’est ainsi que le village de Lélé, sur l’ile de même nom, se trouve partagé en rues et en quartiers, en même temps que le pourtour de l'ile offre en entier une enve- loppe composée de ces masses de madrépores. Dans l’intérieur de l’île, des murailles hautes et formées d'énormes massifs attirèrent notre attention. Nous sûmes par la suite que c’étoit le lieu de la sépulture des urossss, et les naturels montrèrent le plus vif empressement à repousser de celte partie ceux qui cherchèrent à y jeter un coup d'œil. Ce cimetière se trouve très élevé, puisque la terre paroit presque au niveau du mur, qui a quinze pieds de hauteur, et quelques cocotiers et des bananiers y ont été plantés. Approfondir les idées morales de ce peuple, connoitre ses opiaions sur sa religion et sur une existence future, seroit d’un grand intérêt, surtout si l’on pouvoit assister à quelques unes de ses cou- tumes et de ses grandes cérémonies, telles que les funérailles d’un urosse. On trouve sur divers points de l’ile des petits ilots que les naturels ont envelop- pés de murs quadrilatères; nous ne pûmes savoir dans quel but. Il nous reste à parler maintenant d’un autre genre de maisons qui semblent être du domaine public, et où les naturels s’assemblent et préparent même leurs aliments en commun : ils nomment celles-ci lomme ounou, et quelquefois paé. Elles sont beau- coup plus vastes et moins propres. Il n’y a pas de réunions de trois ou quatre cabanes sans qu’il y ait une de ces maisons. On y dépose les haches de pierre pour le travail, et les longues lances pointues pour la pêche. Les régimes de bananes qui servent aux consommations journalières sont pendus à la toi- ture, Dans celles-ci, comme dans les autres, il n'y a que peu d’ustensiles de ménage, dont les princi- paux sont des auges de bois, dans lesquelles ils pré- 102 cipitent la fécule de la racine vénéneuse de l’arum macrorrhizon. Des écuelles de coco, une molette . pour broyer le fruit à pain ou le poivre, quelques nattes grossières, le métier avec lequel les femmes fabriquent les maros, voilà à peu près tout le mo- bilier des insulaires d'Oualan. La grande maison communale, où les chefs nous reçurent à Lélé, ressemble en tout à celles éparses dans les divers districts de l'ile. Le pourtour de ces grandes cabanes cest entouré d’un plancher en bam- bous, au milieu duquel on a laissé un grand espace quadrilatère sur le sol même, pour établir les foyers qui servent à la cuisine. Ceux-ci sont peu profonds, formés avec des galets arrondis de trachyte s’échauf- fant aisément, et qu’on dispose de manière à ce qu’ils entourent les fruits à pain, qu’on y cuit et qu’on place dans le trou, enveloppés de feuilles de bana- nier, en les recouvrant d'un petit dôme de pierres préalablement échauffées. Pendant que les domes- tiques de la classe des singu‘s préparent les aliments, les vicillards sont assis sur leurs nattes, ainsi que les hommes faits, et les mangent à mesure qu'ils sont cuits. Nous avons eu occasion de nous trouver plusieurs fois au milieu des naturels lorsqu'ils pre- noient leurs repas, et toujours nous avons vu un grand nombre d'hommes vivant en commun, servis par des jeunes gens qui se nourrissoient des débris laissés par leurs maîtres. À chaque convive on ap- porte un faisceau de morceaux de canne à sucre écorcés et netloyés, un petit panier de fruits à pain coupés par le milieu, deux ou trois bananes : voilà l'essentiel du repas. Pendant ce temps on fait griller légèrement quelques poissons, ou le plus ordinai- rement on les offre crus. Un domestique fait circuler alors une bouillie nommée ouaouw, faite avec la fé- cule d’arum unie à du fruit à pain écrasé, arrosée de lait de coco et de jus de canne à sucre, et ren- fermée dans une feuille de bananier. On prend cette bouillie, assez agréable, avec deux doigts, et, après en avoir mangé un peu, elle est passée au voisin. Un autre domestique est, pendant ce temps, occupé à broyer des tiges fraiches de poivre sur des pierres de basalte enfoncées dans le sol, ayant trois ou quatre trous avec des rainures, et qui existent dans chaque maison communale. Ces tiges sont humectées avec de l’eau, et triturées avec une molette nommée to : le liquide verdätre qu’on en retire se nomme sehia- ka; il est reçu dans des vases de coco, et on le passe dans un morceau d’étoffe avant d’être donné à cha- que naturel, qui avale d'un trait ce breuvage d’abord sucré, puis aromatique et stimulant. L'eau pure- sert de boisson ordinaire ; on l’apporte dans de petits vases faits avec des feuilles de bananier, végétal qui fournit à tous les besoins de propreté. Les cocos ne servent point ordinairement; le petit nombre qu’en possèdent les indigènes paroît être réservé pour l’é- | | | } HISTOIRE NATURELIE poque où les autres provisions viennent à manquer. Il en est de même des racines du chou caraïbe ou taro. Les insulaires d’Oualan se délectent avec la canne à sucre, qui est pour eux un objet de grande utilité, tandis qu'ailleurs elle est négligée. Ils man- gent volontiers le fruit à pain sauvage, dont la sa- veur douceâtre leur plaît; ils le font torréfier très légèrement, et rejettent les châtaignes, qui ailleurs sont estimées par leur bon goût. Les poissons et les aplysies sont rarement grillés; ils trouvent meil- leures ces substances lorsqu'elles sont crues. Nous ignorons l'heure de la matinée à laquelle ils déjeunent. Is dinent vers onze heures et demie. Ils soupent le soir, au coucher du soleil. Après le repas du milieu du jour les hommes se renversent sur leur pelite natte, et dorment à la place qu’ils occupent. Il paroit que les femmes et les enfants mangent à part etensemble ; du moins elles paraissent toujours réunies entre elles pour le travail, de même que les hommes s’assemblent entre eux. Les femmes peu- vent manger devant leurs époux, et l’on sait que les - vrais Océaniens interdisoient cette prérogative à leur famille : les occupations du sexe féminin paroissent bornées aux soins de la maternité et à la fabrique des étoffes pour maros. Les hommes se livrent à la bâtisse des maisons, cultivent les fruits, sarclent et plantent la canne à sucre, construisent des pirogues, ou vont à la pêche. Les vicillards ne font rien que boire, manger ct dormir, ou donner des conseils, L’hospitalité est un caractère distinctif des hahi- tants d’Oualan : dans quelque cabane qu’on aille, on s’empresse de vous faire asseoir et d'aller querir des fruits. Ils nous apportoient beaucoup de cocos, tandis qu’ils en sont très avares pour eux-mêmes. Il est probable qu’ils pratiquent pour leurs égaux ou pour une classe supérieure les mêmes devoirs qu’ils nous rendoient. Ils ne sont point exigeants, ils ne demandent rien en échange, et les petits présents qu’on leur faisoit les combloient de joie. Des dispo- sitions aussi bienveillantes et aussi aimabies ne se retrouvent point chez les chefs; et soit par vanité, soit parce qu'ils pénsent que tout leur est dû , ils se montrèrent avides, insatiables, et ne daignoient jamais , quelque présent qu’on leur fit, donner un coco en échange. Le vol est presque inconnu à Oualan, et les actes répréhensibles furent commis par des urosses, qui cherchoient à prendre effrontément ou ordonnoient à ieurs pagayeurs d'enlever les objets à leur bien- séance. C’est ainsi que devant tout l'équipage de la Coquille un urossr vouloit faire détacher le gouver- nail d’une de nos embarcations. Ce sont encore les chefs qui se montrèrent turbulents et disposés à faire dépouiller un officier qui se rendit seul à Lélé : mais, pusillanimes et mous, le moindre geste les inti- mida. Nous pensons que des altercations se DE L'HOMME. seroient élevées entre les urosses et nos gens, si ceux-ci eussent continué d’aller isolément dans leur village, où ces chefs se trouvoient en force. Quant au peüple , sa bonté et sa soumission ne se sont jamais démentics. Toujours prévenants et com- plaisants dans quelque cabane que nous soyons entrés, les naturels ont devancé nos désirs ; ils n’ont jamais cherché à enlever le moindre de nos eflets; ils nous servoient de guides, et cela tout nata- rellement. L'industrie de ces insulaires n’est remarquable que par les étoffes et les pirogues. Pour les premiè- res tout leur savoir consiste à tisser leur maro, le climat ne leur ayant pas fait sentir la nécessité de se couvrir d’autres voiles. Mais on ne peut troplouer Ja vivacité des couleurs dont ils teignent les lils, et l’art avec lequel ils les assemblent. Ces étofles, tou- jours identiques, varient pourle dessin, et sont encore celles qui approchent le plus des tissus eu- ropéens. Ils ne savent point faire le papier vestimen- tal avec l'écorce d’arbre à pain. Il paroît qu’on retire les fils des feuilles ou des tiges d’un bananier sauvage (musa textilis), et qu’ils les débarrassent par le rouissage de la gomme qui les invisque. Cependant ils pourroient aussi se servir pour cet usage des écorces d’ortie blanche et d’hibiscus tiliaceus, plantes qu’on y rencontre en abondance, et qui sont utilisées en d’autres îles. Ces fils, débarrassés de leur enveloppe, sont séchés par paquets. Ils se servent pour teindre en rouge d’une grosse racine rougeâtre nommée mahori, qu’ils font infu- ser dans l’eau au soleil, et qu’ils retirent du mo- rinda, Hs y font tremper les fils pendant quelques jours, avant de les sécher. Ge rouge est d’abord terne el analogue à celui de l’ocre. Hs paroit qu'ils ne possèdent point dans leurs montagnes le figuier, ou qu’ils ignorent l’usage de son fruit, utilisé dans les archipels de la Société et des Sandwich. Nous ne savons avec quel végétal ils composent le noir brillant et le jaune doré qui forment les des- sins des maros. Comme le morinda citrifilia est très connu pour donner une belle couleur jaune avec sa deuxième écorce, et qu'il est usité à Taïti et dans les Moluques, il est probable que cctarbreleur four- nit encore cette couleur. El reste à savoir comment ils font pour les aviver d’une manière si parfaite. El peut se faire aussi qu’ils tirent quelque parti de la terre mérite ou cureuma, qui croit spontanément dans l’ile. Les femmes sont en possession de manufaciurer les maros en se servant d’un petit métier à laide duquel elles tracent les dessins, tandis qu’elles n’ont besoin que de deux montants carrés pour composer le corps uni de l'étoffe. Ces »aar0s, nommés toll, n’ont que huit pouces de largeur sur plus de cinq 103 pieds de longueur, bien que le tissu des femmes aît plus de développement. Ceux des hommes du peu- ple sont d’un tissu plus grossier, et Icurs dessins se réduisent à des raies rouges légères tractes sur les bords et au milieu, La couleur en est généralement noire et sans ornement. Les pennené; et autres cas- tes plus relevées en portent dont le fond est noir aussi, mais dont les extrémités sont enjolivées de carreaux mélangés des quatre couleurs précitées. Des franges en ornent les extrémités. Les plus beaux maros appartiennent aux premiers chefs; et leur fond, rouge et surtout blanc, est couvert en lon- gueur de raies légères et noires. La construction des pirogues se faitavec des haches en pierre ou en coquilles : et, quoique défavorisés par limperfection de leurs instruments, ces insu- laires donnent un fini précieux à leurs travaux. Les pirogues ont une forme caractéristique, et se distin- gueat par des extrémités verticales. La coque en est faite d’un seul arbre, quelquefois trèsgros, sur lequel on adapte des fargues. Les trous sont recouverts avec un mastic blanc nommé pouasse, que nous croyons être fourni par le suc laiteux de l'arbre à pain, uni à la pulpe non mûre du fruit. Les embarcations sont creusées dans le seul tronc d’un «rtocurpus. Ces pirogues, quoique grandes, sont très légères; elles paroissent très étroites par la rentrée des plats- bords ; elles sont peintes en rouge, et le bois est si soigneusement poli avec du trachyte ou avecde gros- ses râpes faites avec une peau de diable de mer, que nos ouvriers ne sauroient rien faire demieux. Il n’est pas jusqu’au balancier qui ne soit travaillé avec soin, et dont les extrémités ne soient relevées avec goût. Ces pirogues marchent sans voiles et sans mâts ; ce n’est qu’à l’aide des pagaies qu'on les fait naviguer : celles-ci, de forme lancéolée, sont terminées par une pointe très aiguë ; elles servent d’armes défen- sives plutôt qu'à la manœuvre, car les naturels ne se montrent point habiles à évoluer leurs embarca- tions. Ces peuplades, entièrement sédentaires, vivant sur une ile fertile, ne sont pointadonnées à la pêche, et les poissons ne sont pour elles qu'un accessoire de leur nourriture et non pas leur principale res- source : de là le peu d’habitude de la mer qu'on remarque en elles, tandis que les autres Carolins sont d'excellents marins. Les pirogues des urosses sont désignées par des sortes de chapeaux chinois appelés palpa , faits en coquilles blanches et brunes eufilées, et supportées par quatre morceaux de bois qu’ils placent sur le balancier. Les instruments usités dans le pays sont peu nom- breux. La hache, tala, tient le premier rang par: son utilité comme par la manière ingénieuse qui a présidé à sa confection. Les haches sont faites sur un type unique : seulement elles varient par la gran- deur, car il en est de très grosses ; et d’autres , des- 104 linées à de petits ouvrages, sont gracieuses et faites avec une vis-ligre ou une mitre-épiscopale, dont la grosse extrémité est usée pour former un bord cou- pant. Les naturels emploient aussi des valves de grandes tridacnes au même usage; mais ils ont recours le plus habituellement à une sorte de madré- pore spathisé, d’un grain très fin, imitant l’ivoire, qu’ils façconnent par un frottement prolongé avec de la poussière de basalte. Ils disposent en biseau le coupant de cet instrument, dont la forme générale ne peut mieux être comparée qu’à une dent iucisive. Ces coupants sont entés sur un corps en bois, et so- lidement attachés à une tige arrondie qui peut tour- ner sur une surface concave du manche en permet- tant à la hache de prendre une direction verticale ou horizontale au besoin. Le manche est en bois léger d’hibiscus , et décrit une courbe. Le tout est peint en rouge et en noir. On se sert des haches les plus volumineuses en frappant à grands coups pour creu- ser une pirogue, et en donnant un singulier tour de bras à l'instrument qui décrit un cercle au bout du levier qui le fait agir. Le bois travaillé est ensuite poli avec beaucoup de soin par le moyen de mor- ceaux unis de trachyte ou par une râpe faite avec la peau rude de grandes raies. Les haches sont seulement employées à couper des arbres, à construire les pirogues, faconner la charpente des maisons, et creuser des auges en bois qui servent à teindre ou à renfermer de l’eau. Nous eûmes occasion de voir dans les cabanes de Jongues javelines eflilées, soigneusement travaillées, que nous primes pour des armes, ainsi qu’un bâton pointu à une extrémité, entaillé à l'autre, et aussi peint en rouge. La javeline se nomme ouessa, et le bâton sague. Les naturels s’en servent pour se pro- curer du poisson. Leurs pêcheries sont établies sur le bord des récifs, où la haute mer vient briser. Ils établissent des espaces quadrangulaires avec des murailles hautes de trois pieds, et construites assez solidement pour que la mer ne puisse les renverser en s’élevant par-dessus. Les pierres sont disposées de manière à ce qu’il n’y ait point d’interstices entre elles, et une seule ouverture est pratiquée pour que les eaux puissent s’écouler jusqu’à un certain niveau lorsque la mer baisse. Le poisson qui à été apporté dans ce vivier y demeure, et les naturels s’y ren- dent lorsque la marée à abandonné le rivage : fer- mant alors le trou pratiqué au réservoir, où il reste peu d’eau, ils frappent et percent le poisson avec ces longues javelines dont nous avons parlé. Au reste ces pêcheries ne sont ni nombreuses ni bien entre- tenues. Ils se servent aussi d’hamecons en nacre, dont nous ne vimes entre leurs mains qu'un bien petit nombre. Ils ne faisoient aucun cas des nôtres, ou , s'ils les acceptoient, c’étoit pour les placer dans les trous de leurs oreilles, Les filets qu’ils emploient HISTOIRE NATURELLE ne sont point ingénieusement fabriqués. C’est un long ovale de branches pliantes et souples qui se réu- nissent à une extrémité, et supportent une sorte de poche dont les mailles sont assez serrées et faites avec le caire du coco. Ce genre de filet sert à pour- suivre le poisson. Pour cela une douzaine d'hommes se placent de manière à former un grand cercle dans l’eau des récifs : ils finissent par se rapprocher en poussant les poissons devant eux. Il arrive alors qu'ils se joignent, et les poissons sont contraints de se jeter dans leurs filets tendus. Le bâton pointu pa- roît destiné à assommer certaines espèces, ou bien à saisir, dans la fourche pratiquée à son sommet, les grosses murènes et les murénophis, si communes sur la côte. Cependant nous ne leur en vimes jamais prendre, et en général leur prodigieuse multiplica- tion annonce qu’ils les négligent. Les cordes qui servent aux pirogues sont assez bien tissées : il en est qui imitent à la vue celles d'Europe. Ils emploient à cet usage le brou filamen- teux du coco. Les insulaires d'Oualan possèdent peu d’objets de décoration, et ils ne se servent point de cosmétiques ni de substances masticatoires quelconques. Les chefs paroissent être les seuls qui empioient l’huile pour s’oindre les cheveux. Ils portent quelques fleurs, parfois des colliers faits avec une ovule enfilée qu'ils nomment Aoulé, ou des bracelets en petites rouelles noires et blanches. Le plus grand nombre a sur la nuque un morceau d’écaille de tortue, sus- pendu à un cordonnet qui fait le tour du cou. Il pa- roit qu'ils attachent quelques idées superstiticuses à cet ornement; car ils ne voulurent point nous en céder, bien que le prix qu’on leur en offrit les tentât singulièrement. Le tatouage paroît à Oualan désigner les rangs: on nomme sisé, schisché, cette opération. Les hommes portent deux longues raies en dedans et en dehors des membres inférieurs. Ces deux bandes sont larges de huit lignes, remplies de losanges à jour dans les classes inférieures, noires et pleines au contraire chez les urosses. Ceux-ci ont en outre des dente- lures, et, comme les peunemés, des lignes légères dans leur intervalle, terminées par des crochets. Les bras sont chargés de petits dessins; mais ce qui rend remarquable et caractéristique le tatouage de ces insulaires est un large chevron noir qui couvre le pli du bras chez les deux sexes. Les hommes n’en placent point ailleurs que sur les membres, tandis que les femmes ont les reins couverts de tatouage qui se termine sous le rebord même de leur maro, Le chant des habitants n’a rien d’agréable; ce sont des sortes de phrases prosaïques cadencées sur un {on lent et monotone, qui accompagnent le plus souvent la danse. Il faut avouer que celle-ci décèle un caractère bien sérieux et bien flegmatique. Les DE L'HOMME. paturels, en effet, paroïissent en général calmes et peu adonnés à la gaieté. Les chefs surtout sont gra- ves. Quelques hommes du peuple dérogent seuls à ce caractère, qui semble exclusif à la masse de la population. Quoi qu’il en soit, un wrosse voulut bien exécuter plusieurs fois de suite, devant rious, la danse usitée dans le pays. Celle-ci ne se compose que de mouvements lents, cadencés, des membres et du corps, de sortes de changements de position des bras et des jambes, qui imitent parfois les poses d'un maïître d'escrime. Ces balancements, accom- pagués de la voix, se bornent à des demi-tours que le danseur fait sur lui-même. Ordinairement, lors- qu’ils tiennent dans les mains des bâtons, ils se réu- nissent pour former une longue file. Le grand mérite consiste alors à faire les mouvements et les mêmes gestes avec une telle précision que tous les membres semblent être animés du même principe moteur. Il paroît que le peuple ne sait point exécuter cette cho- régraphie ; car quelques hommes du commun l’es- sayèrent en vain, et plusieurs montroient un grand plaisir à la voir danser par trois on quatre naturels qui y excelloient, à en juger par les applaudisse- ments qu’ils reçurent (!). Iodubitablement ces insulaires professent le dogme de la résurrection des âmes, et les soins qu’ils ap- portent à leurs tombeaux semblent altester qu’ils ont cette pensée consolatrice. Les urosses, ces demi- dieux d’Oualan, sont enterrés dans un lieu consacré, où toute la force des insulaires se manifeste avec le summum de leur puissance dans la confection des murailles qui les enclosent. Celles du peuple, moins recherchées, ont quelque chose de touchant dans leur simplicité sauvage. Les plantations de cannes à sucre sont principale- ment destinées aux sépultures ; et comme elles exis- tent dans la plaine comme sur le revers des mon- tagnes, et parfois aux deux tiers de leur hauteur, il en résulte un choix qui annonce un jugement mé- ditatif sur l’effet des tombeaux. Souvent, en effet, la sépulture d’un naturel se trouve abritée par l'arbre à pain qui l’a nourri, au milieu des tiges murmu- rantes de la canne à sucre, près d’un ruisseau dont les ondes fugitives coulent, du sommet des monta- gnes, au milieu de bosquets touflus d’orangers, d’ixora, que recouvrent des liserons volubiles aux larges corolles purpurines. Chaque sépulcre est pro- prement recouvert d’une petite cabane, dont les pa- rois latérales sont à jour. Très souvent on rencontre des villages aujourd’hui habités par les morts; car les naturels d’un endroit se plaisent à réunir leurs proches dans le même espace de terre, Des treillages LS s (‘) Hs s’accompagrent avec un tambour ou tam-tam, et cet instrument paroît être connu de tous ies peuples non civilisés, 1 105 recouvrent le sol de la cabane mortuaire ; une natte y est placée, sans doute pour que le fils puisse venir consulter les cendres de ses pères : on retrouve encore sous quelques uns de ces toits simples, mais élevés avec soin, les instruments dont se servoit le possesseur sur la terre, une hache pour l’homme et le métier à étoffes pour la mère de famille. Chez les peuples les plus bruts, ceux de la Nouvelle-Hol- lande par exemple, les tombeaux sont respectés : il n’y a que l’homme civilisé qui en ait méconnu la religieuse influence! Il nous reste à dire un mot sur la langue des ha- bitants d’Oualan : elle nous paroît évidemment com- posée de plusieurs dialectes que parlent les diverses castes ; elle diffère de toutes celles que nous avions entendues jusqu'alors, et surtout de l’océanienne, La prononciation des mots nous parut très difficile à saisir, et nous remarquâmes que la plus grande difficulté étoit de rendre, par nos signes ou lettres, les sons qui parvenoient à nos oreilles. Une autre cause qui s’opposoit à ce travail est l'espèce de soin qu'ont les naturels à ne jamais contrarier. Si par inattention on croit avoir entendu un mot, et qu’on vienne à le répéter, tous persisteront à dire comme la personne, le nom n'ayant aucun rapport même avec ce qu’on leur demande. Cette excessive com- plaisance est plus nuisible qu’utile, et ces hommes sont d’une telle légèreté, ou tout ee qu’on fait autour d’eux les occupe tant, qu'ils ne répondent d’ailleurs qu'avec indifférence. Pour former des vocabulaires, le plus difficultueux n’est point d'obtenir les noms des choses matérielles qu'on a sous les yeux. En recueillant les mots qui les concernent, on est à peu près sûr de leur exacti- tude; mais il n’en est pas de même pour leur-faire comprendre des idées métaphysiques attachées aux mots, tels que hier, demain, père, frère, parents, et une foule d’autres qui tiennent à des rapports plus complexes. Leur prononciation est souvent gut- turale, terminée par des consonnances nasales ou palatiales difficiles à saisir avec rigueur, et qui in- fluent beaucoup sur la valeur des mots; car il en est qui désignent plusieurs objets en changeant de son seulement, son qui est peu sensible pour nos oreilles. Les seuls mots dont on rencontre des ana- logues dans le langage de quelques peuples de la mer du Sud sont peu nombreux et peu caractéris- tiques. On en trouveroit sans doute beaucoup plus dans les langues japonoise ou chinoise. Ainsi le mot ik, poisson, employé à Oualan, est dérivé d’ikan, Malais, d’ika, Nouveile-Zélande; tandis qu’eia, usité à Taïti, et ie à Rotouma, en sont corrompus Wouake, pirogue, consacré à Oualan, est analogue à waka, Nouvelle-Zélande ; à vaka, Rotouma, à vaa, Taïiti. Cocotier, nou, se nomme niou aux Sandwich et à Rotouma, et pourroit dériver du mot malais 14 106 HISTOIRE NATURELLE nior, moins usité que kalipa. Pagaie, oa, est appe- lée eoé à Taïti. Banane, oune, porte absolument le même nom, oune, au Port-Praslin et à la Nouvelle- Yrlande. Canne à sucre se dit tu à Oualan, to à la Nouvelle-Frlande, toa à Taïti, toou aux Sandwich et à Rotouma. Le coït se dit fouine à la Nouvelle- Irlande, et foë.e à Oualan. Mata, œil, également nommé nata dans la langue malaise, ete., ete. La numération est basée sur des principes régu- liers et fixes qui n’ont pu provenir que d’une nation civilisée depuis long-temps. Elle diffère beaucoup de celle des Malais, et la dénomination de plusieurs noinbres se rapproche de mots employés à la Nou- velle-Frlande. Quant à la manière de compter des Sandwichiens et des Taïtiens, elle en diffère com- plétement par rapport aux noms, et s’en rapproche quant au mécanisme. . EXEMPLES. FUNAY 01: 30, toll go ule. 2, lo. 40, eaa goule. 3, toll. 59, lomme goule. 4, eaa. 690, holl goule. 5, lomme. 70, hut goule. 6, holl. 80, ouall goule. 7, hut. 90, héo goule. 8, ouall. 100, scha sihiogo. 9, héo. 200, lo sikiogo. 10, singoule. 41, singoule scha. 42, singoule lo. 13, singoule toll. 14, singoule caa. 15, singoule lomme. 16, singoule holl. 17, singoule Lut. 438, singoule ouall,. 19, singoule héo. 20, logoule. 24, logoule scha. 22, logoule lo. 23, logoule toll. 24, logoule caa. 25, logoule lomine. 26, logoule holl. 27, logoute hut. 28, logoule ouall. 29, logoule héo. 300, toll siriogo. 400, eaa sihiogo. 500, lomme sihiogo. GG9 , hollsiriogo. 709, hut sihiogo. 809 , ouall sihiogo. 900, keo sihiogo. 16090, scha sihia. 2009, Lo sihia. 3009, toll sihia. 4000, eaa sihia. 5000, lomme sihia. 6060, holl sihia. 7000, hut sikia. 8000, ouall sinia. 9009, heo sihia. 10000, sasihié. 1416090 , scha sasihié. 20000, louho. NI. NATURELS DES ÎLÉS MAC-ASKILL. Le 17 juin 4824 nous reconnümes les îles Pelelap, Tougoulou et Takai, que le capitaine Mac-Askill découvrit en 4809. Ce sont de petites îles basses re- posant sur le même plateau de récifs, qui gisent par six degrés trente-six minutes de latitude nord, et céht cinquante-huit degrés vingt-sept minutes de Jongitude ‘est. De nombreux végétaux les recou- vrent, et eù et là dans les éclaircies des bois parois- . sent les cabanes dont la forme est analogue à celles d’Oualan; toutefois leur construction nous parut beaucoup plus négligée. Les naturels se hâtèrent de jeter leurs pirogues à l’eau, et comme nous avions mis en panne, en un clin d’œil ils nous atteignirent; la plupart des embarcations étoient manœuvrées par sept ou huit indigènes : ils montèrent à bord sans témoigner ni hésitation ni crainte, et, par une exception d'autant plus digne d’être citée qu’elle est plus rare, ils nous offrirent avec un désintéresse- ment qui nous charma toutes les provisions dont ils s’éloient munis, et qui consistoient en cocos secs et germés, en fruits à pain sauvages, et en gros tron- cons de taro (arum macrorrhizon ). C’étoit la pre- mière fois que nous recevions des peuples de la mer du Sud un présent de haute importance pour des hommes dont les iles sont peu productives, sans qu’ils nous témoignassent le moindre désir d’en ob- tenir une récompense. Leur action ne fit point d’in- grats. Les cocos, qu’ils nomment cagué, ne sont, à ce qu’il paroît, mangés que dans l’état sec, et lorsque l’amende a acquis son entier développe- ment. Ce fruit, sur les iles basses, est sans doute trop précieux à une population nombreuse pour être cueilli lorsque la noix est remplie de lait émulsif, et propre à désaltérer seulement : la prévoyance leur à donc fait une loi de ne point gaspiller leurs vivres, ou comme on le dit, de manger leur bien cu herbe. Les objets qui leur firent le plus de plaisir furent des clous et des haches; et le fer d’ailleurs, qu’ils nomment loulou. est recherché par eux sous quelque forme qu’il soit. Parmi les fruits qu’ils nous offrirent étoient quelques régimes d’une espèce de banane sucrée et fondante que nous n'avions point encore rencontrée, et dont la saveur étoit délicieuse. Nous y remarquâmes aussi quelques cônes de pan- danus que les naturels sucent avec plaisir, quoique les semences en soient ligneuses et coriaces ; cepen- dant une matière sucrée assez abondante est ré- pandue à l'endroit où ces fruits s’insèrent sur le pédoncule. Ces insulaires avoient la plus grande analogie et dans les caractères physiques et dans les arts in- dustriels avec les habitants de l'ile d’Oualan. C’est en vain toutefois que nous essayâmes de nous faire entendre d’eux en nous servant des mots oualanois que nous avions recueillis, et qu’ils parurent ne pas comprendre; après quelque persévérance nous ob- tinmes de plusieurs les noms qu’ils donnent aux unités ; et, comme il sera facile de s’en convaincre, ces mots ne présentent que des différences bien lé- gères avec ceux employés à Oualan. L 4, sa. 4, hea. 7, ut. DTOX 5, Lim. 8, houal. 3, toll, 6, huone, 9, héo, DE L'HOMME, La taille des habitants des îles Mac-Askill est moyenne et bien prise; la plupart d’entre eux avoient un embonpoint raisonnable, tandis que nous en remarquâmes quelques uns ensevelis sous d’épaisses couches de graisse, dont tous les mouve- ments étoient gênés par cet état d’obésité. La teinte de la peau est d’un olivâtre peu foncé, et l’ensem- ble de leur physionomie agréable est empreinte d’une grande douceur. Un seul petit maro de toile, placé en plusieurs doubles, est leur unique vête- ment ; et lorsque, cédant aux'demandes des amateurs, ils changeoient ce morceau d'étoffe contre du fer, ils manifestoient la plus grande pudeur pour qu’on n’entrevit point ce que le maro offlicieux cachoit d’ailleurs assez mal. Leurs longs cheveux noirs, ct un peu frisés, sont retenus sur le sommet de la tête par un nœud : ils ne se rasent jamais la barbe ni les moustaches; mais cet accessoire n’acquiert son complet développement que chez quelques vieillards, car le plus grand nombre des indigènes ne nous présenta qu’une touffe peu épaisse d’une barbe rare et grêle formant une pointe sous le men- ton comme celle que portoit Charles IX. Leurs dents sont éblouissantes de blancheur; et leurs yeux naturellement obliques, lorsqu’on y joint l’é- troitesse du front, l’étranglement des branches du maxillaire inférieur, rappellent évidemment le type coréen ou japonois. Ces insulaires ont un goût décidé pour les fleurs. Des jeunes gens s’étoient orné la tête de couronnes d’irora, dont les corolles sont d’un rouge ponceau très vif; quelques uns passent dans les trous des lobes des oreilles des feuilles florales qui nous sont inconnues, et qui ex halent une odeur suave de vio- lette ou d'iris de Florence; d’autres enfin avoient leur chevelure entremêlée de fleurs blanches, et ces parures si simples prêtoient à leurs physiono- mies un charme qu’il est plus facile de sentir que de peindre. Sans cesse en mouvement et se livrant aux éclats les plus bruyants d’une gaieté folle, le caractère de ecs hommes ne se montra que sous des dehors favorables dans notre courte entrevue. Ils nous parurent moins posés et moins mélancoliques que les habitants d’Oualan. Ainsi que nous avons déjà eu occasion de l’indi- quer, davs le groupe des iles les plus orientales ils se ceignent les reins de chapelets faits avec des rouelles noires et blanches : leur maros sont d’une étoffe beaucoup plus épaisse que ceux usités à Oualan, mais l’art de les tisser, la variété des des- sins, la vive coloration des fils, ne leur sont point inféricurs. Leur tatouage est plus élégant et plus perfectionné que chez aucun autre peuple ; les dessins qui recouvrent le corps sont disposés par larges masses qui lui donnent un aspect bleuâtre:; mais dans ces masses sont répélés symétriquement 107 des raies, des cercles, incrustés dans la peau avee goût. Les jeunes gens seuls ne présentoient point ce genre de décoration, Quelques vieillards étoient entièrement chauves. Lesinstruments que nous vimes dans leurs mains consistoient en haches fabriquées, comme celles d’Oualan , avec des fragments de corail ou avec des coquilles, telles que la tridaene , la vis, et la mitre- épiscopale. On les appelle talé ; et ce nom a, comme on voit, la plus grande analogie avec le mot tala usité à Oualan, et qui signifie la même chose. Leurs cordes, faites avec le caire du coco, étoient solides et bien tissées. Leurs pirogues diffèrent beaucoup de celles d'Oualan,; leur construction se ressent na- turellement de ce que les îles basses ne possèdent point de grands arbres ni de bois dont les fibres soient denses et compactes. Cependant la forme de leurs pirogues rappelle celle des pros élégants dont nous aurons bientôt occasion de parler. Aucune de celles qui vinrent le long du bord n’avoit de mâts ni de voiles; on les manœuvroit simplement à Paide de pagaies pointues. VII. NATURELS DES ÎLES DUPERREY. Le 18 juin nous découvrimes trois îles inconnues aux géographes, formant un trépied sur un plateau de récifs; les naturels qui vinrent à bord nous les nommèrent Hougai, Aouerra et Mongoule. Ces iles, auxquelles le commandant de la corvette /a Co quille crut devoir donner son nom, gisent par six degrés trente-neuf minutes de latitude nord, et cent. cinquante-sept degrés vingt-neuf minutes de longi- tude est. Le, premier pros qui nous accosta étoit monté par dix hommes : l’un d’eux nous montra une herminette en fer faite avec un morceau de cercle de barrique, ce qui prouve qu'ils ont dû communiquer avec des Européens, ou recevoir ce métal dans quelque ile voisine et par voie d'échange. Comme tous les Carolins, ils appellent le fer loulou, leurs chefs tamols, et connoïssent exactement la po- sition des îles qui les environnent. Les insulaires qui communiquèrent avec nous sont de très beaux hommes; ils joignent à une taille avantageuse et bien prise des membres forte- ment dessinés. Leur peau, souple et lisse, n’est point foncée en couleur; leurs traits, bien que larges et épatés, ont un jeu de physionomie ouvert et bienveillant; leurs cheveux noirs, un peu frisés, flottent librement sur leurs épaules, et ne recoivent aucun objet de parure. La gaieté qui les anime, et le sourire qui règne sur leurs lèvres , laissent entrevoir des dents du plus bel émail. La barbe con- tourne la lèvre supérieure, taillée en un léger re- bord, tandis qu’elle forme uñe touffe mince et poin- tue sous le menton, Comme les autres Carolins, ils à! Er # 108 n’ont pour fout costume qu’un étroit maro dont J'étoffe est colorée en jaune orangé fort vif. Un tatouage très compliqué recouvre toute la surface du corps; mais cet ornement, chez la plupart des naturels qui nous visitèrent, disparoissoit sous les zones nombreuses de la lèpre océanienne (!) qui les dévoroit. Nous remarquâmes que ces insulaires sont plus navigateurs que ceux que nous avions jusqu’à ce jour visités ; toutefois ils sont encore assez longs à évoluer leurs pirogues, surtout dans le mouve- ment d'orienter la voile et de changer d’extrémité : ils sont d’une grande maladresse pour accoster un vaisseau, et la marche de leurs pros n’est point à citer. Ces embarcations, quoique construites sur le type adopté par les Carolins, sont grossières et sans ôrnements ; mais le balancier, l’inclinaison du mât, la forme de la natte qui sert de voile, les deux vergues qui la soutiennent, sont comme dans les aulres pros. [2 de wrII. NATURELS DES ÎLES HOGOLOUS, Ces îles, dont le nom est écrit Hogoleu sur nos cartes , et dont l'existence a long-temps étéregardée comme fabuleuse , ont été revues en 4814 par le ca- pitaine espagnol Dublon. Elles ont trente-sept lieues de tour, et forment un archipel composé de plusieurs hautes volcaniques, et d’un grand nombre de motous verdoyants qu’entoure un immense dévelop- “pement de récifs à l'extérieur, tandis que des lagons profonds occupent l'intérieur. Pendant quatre jours nous contournâmes ce système de terre, dont les habitants vinrent fréquemment nous visiter. Aux morceaux de fer travaillés qu'ils avoïenty dans les mains et qui provenoient sans doute desiles Marian- nes, à l'assurance avec laquelle ils montoïent à bord, on doit juger qu’ils connoissoient les Européens. Leurs traits ressemblent parfaitement à ceux des autres Carolins ; cependant nous remarquâmes chez eux quelques usages quenous n'avions point encore trouvés : le premier est de se servir d’un chapeau chinois très bien fait avec des feuilles de pandanus, et le second de porter un véritable poncho en toile noire tombant jusqu'aux reins. Or, comme nous l'avons déjà dit, le poneho est une pièce de toile per- cée au centre, et dont l'usage n’est propre qu'aux Araucanos du Chili et aux Mongols-Pélagiens ; car, bien que ce vêtement soit usité aux îles de la Société, il diffère beaucoup, par son ampleur et par le peu d'usage qu’on en fait, du poncho des habitants &d'Ho- golous. Nous n’eûmes point à nous louer dela bonne foi de ces naturels; ils s’'approprioient sans scrupule () La plupart des insulaires de la mer du Sud, quelle que soit la race humaine à laquelle ils appartiennent, sont rongés par cette lèpre, due sans aucun doute à l'ichthyophagie. HISTOIRE NATURELLE ce qui tentoit leur convoitise. Très peu d’entre eux étoient tatoués ; et celte opération, qu’ils nomment male, ne secompose chez eux que de quelques lignes verticales placées sur la poitrine et sur les jambes. Les lobes des oreilles étoient fendus et tiraillésoutre mesure per l’habitude d’y placer des cylindres en bois léger d’hibiseus , d’un grand diamètre, et peints en rouge orangé , ainsi que le capitaine Kotzebue l’a observé à Radack. Nous ne pûmes saisir aucun mot de la langue de ces hommes; quelques uns cepen- dant nous parurent d’origine malaise. La pêche est une de leurs grandes ressources , et ils y sont très habiles. Nous remarquions que chaque jour leurs pirogues étoient remplies de plusieurs espèces de poissons, de mollusques, de gros bénitiers et d’étoi- les de mer, qu’ils paroissent également ne pas dédai- gner. Leurs pirogues sont fort remarquables tant par leur légèreté que par les soins qu’on a apportés à les décorer ou à les peindre. Leur marche, par une brise modérée, est d'environ six nœuds, et ce nom- bre est bien loin d’égaler celui qu’Anson leur ac- cordoit. Nous observâämes que dans plusieurs de ces embarcations fines et légères ils avoient des frondes fabriquées avec du brou de coco , destinées à lancer des pierres et des javelines longues et effilées. ÎX. NATURÉLS DÈS ÎLES TAMATAM. Le 59 juin 4824 nouscümes eonnoissance detrois petites îles basses nommées Tamalam, l'alalike, et Pollap, découvertes en 484 par don Juan Ibar- goilia. Une trentaine de pirogues partirent immé- diatement pour nous joindre : mais, comme la cor- vette étoit favorisée dans sa marche par une brise assez fraiche, toutes ces embarcations arrivèrent à la fois tumultueusement, de sorte que plusieurs des pros furent brisés le long du bord, et leurs débris rompirent les balanciers de plusieurs autres qui chavirèrent à leur tour; et, comme les naturels parloient et gesticuloient tous à la fois, se culbu- toient et se jetoient à l’eau, nous eûmes le specta- cle en petit d’une flotte naufragée. Le mot loulou étoit dans toutes les bouches, car le fer est pour ces peuples la matière la plus précieuse; les haches, les couteaux, nommés sar, les clous, les gros ha- meçons, sont pour eux des objets d’une grande valeur : en échange ils donnent des cocos qu’ils appellent nou, des mailles (1) ou fruits à pain sau- vages , et des coquilles qu’ils pêchent sur le rivage, telles que les casques (méale) et les belles porce- laines aurores. Les habitants de Tamatam ne diffè- rent point de ceux d’Hogolous. Leurs muros et leurs ponclos sont de même étoffe; leur chapeaux, faits à la chinoise , sont identiques par la forme, et (") Ri' gmail aux iles de Pelew, suivant Wilson, DE L'HOMME. leurs oreilles sont traversées par de gros rouleaux en bois peint : cependant le maro, que certains Ca- rolins n’abandonnent point sans montrer quelque pudeur, n’a pas toujours pour but ici de voiler les parties génitales, mais souvent il est placé sur le ventre comme une ceinture. Au reste le tatouage, les colliers en grains noirs et blancs, leurs tissus, nous rappelèrent les mêmes objets vus à Hogolous. Quelques hommes étoient armés de bâtons blancs longs de cinq pieds, très polis, et renflés aux extré- mités ; les naturels s’en servent comme de balan- ciers lorsqu'ils dansent. Bien que de bonne foi dans lcs marchés, ils cherchent cependant le plus pos- sible à s'emparer de ce qui leur plaît, et souvent les objets les plus futiles sont ceux qui captivent le plus leur attention. Les noms de nombre que nous pümes obtenir sont les suivants : À, yote. 260, roué. 2, rouke. 30, héhélié. 3, héole, 40, faté. 4, fane. 59, limé. 5, lime. 69, huoné. 6, auone, 70, firé. 7, fusse. 80, houalliké. 8, houalle. 90, tiroué. 9, tike. 160, yote apoutouke. 10, seke. 260, routapoutouxe. 11, sele yote 12, sexe rouze. 13, seke héole. 14, seke fane. 15, sexe lime. 16, scke ouone. 17, sexe fusse. 300, héapoutouxe. 400, fatapoutouke. 500, limapoutouke. 609, ouonapou toure. 709, fikapoutoure. 860, houalapoutouke. 909, tikapoutouke. 18, sexe houalle. 19, seke tike. 1000, sangarasse. 10009, seke anga rasse. X. NATURELS DE L'ILE SATAHOUAL, Le 5 juillet la corvette {a Coquille étoit en vue de l’île Sa/ahoual, que le capitaine Wilson appela Tucler, du nom d’un matelot suédois qu’il y laissa, Cette île, la dernière du groupe des iles Carolines avec laquelle nous communiquâmes , est située par sept degrés vingt-une minutes nord, et cent qua- rante-quatre degrés quarante-six minutes de longi- tude est. Safahoual, que les indigènes prononcent Saloër et quelquefois Sataouëlle, n'a guère qu'un mille de diamètre; ses habitants sont d'excellents marins , et font des voyages fréquents à Guam pour s’y procurer des instruments de fer. En vain leur parlämes-nous de Tucker, ils parurent n’en avoir pas conservé le moindre souvenir. Au reste ils témoignèrent le plus grand désir d'obtenir du fer, qu’ils nomment loulou; et en échange ils nous offrirent quelques cocos sces, des poissons, des étoffes, des coquillages, des cordes tissées avec le 109 brou. de coco, des colliers faits avec leurs cheveux ; et quelques javelines en bois rouge très dur. La plupart de ces naturels étoient complétement nus, et trois ou quatre d’entre eux seulement étoient coiflés d’un chapeau chinois. Ils ne diffèrent en rien des autres Carolins, ni par le tatouage ni par les formes corporelles. La fabrication de leurs étof- fes, de leurs filets, la construction de leurs pros, et l’art de les évoluer, sont identiques. Quelques jeunes gens avoient la chevelure couverte de fleurs d'ixora ; les tempes de quelques autres étoient en- tourées d’un bandeau tiré d’une écorce blanchâtre. La lèpre enfin avoit étendu ses ravages sur leur po- pulation. Jcise terminent nos observations sur les Mongols- Pélagiens ; elles prouveront sans doute que la race humaine, jetée sur cette longue suite d’iles qui s'étend des îles Pelew ou de Palaos jusqu'aux archipels du Scarborough ou du Nautilus dans un intervalle de plus de six cents lieues, forme une seule et même famille diamétralement opposée par les caractères de son organisation comme par ses traditions sociales aux vrais Océaniens. Nous allons étudier les tribus diverses à peau noirâtre qui se sont également introduites sur plusieurs points de l'Océanie, et qui peuplent sans partage l'Australie et les îles orientales non colonisées de la Polynésie. RACES NOIRES RÉPANDUES SUR LES ILES DE LA POLYNÉSIE ET DE L'AUSTRALIE, es 1. HABITANTS DE L'ILE DE WAÏCIOU. L'homme est constamment influencé par le sol qui l’a vu naître, et se trouve modifié dans ses ha- bitudes par les besoins qu’il y éprouve, ou par les ressources qu’il s’y procure : mais aucune race hu- maine ne présente d’une manière plus frappante peut-être que la nègre ces modifications profondes dues à l’action prolongée du climat et des besoins physiques. Les peuples à peau noire qui ont été ré- pandus sur la plupart des îles de la Polynésie, ct qui vivent encore sur un très grand nombre d’entre elles, sont, on peut le dire, presque inconnus. Les notions publiées sur leur conformation, sur leurs habitudes, se réduisent à quelques renseignements vagues, presque toujours incomplets et remplis d'erreurs. Nous entrerons donc, à l'égard de ceux que nous avons étudiés, dans des détails circon- stanciés, et nous ne commencerons jamais leur bis- [10 toire sans peindre le pays qu’ils habitent et jeter un coup d'œil sur l’ensemble physique de la création qui les entoure. L'ile de Waigiou, placée au nord de la Nouvelle- Guinée, fait partie de l’ensemble des iles connues sous le nom de Tvorr:s des PapGu. Ses habitants sont un mélange de Malais purs el de métis prove- nant du croisement des Malais et des Alfourous. Les vrais indigènes sont, dit-on, relégués dans les mon- tagnes, où ils vivent isolés et sans communication avec les riverains qui les nomment Alfourous. Le nom de Waigiou a été orthographié de bien des ma- nières, et presque toujours on n’a tent aucun comple de la prononciation des naturels : ce nom, d’ailleurs, n’est jamais donné à l'ile entière, mais seulement à sa partie boréale; car la portion méridionale est appelée Ouarido, et, pour rendre en françois le son que les indigènes articulent, il faudroit écrire Ouai- ghiou. Cette île avoit déjà été visitée par plusieurs navigateurs européens. Forrest s’y présenta le pre- mier en 4775 : plus tard elle recut les navires en- voyés à la recherche de l’infortuné La Pérouse sous le commandement du général d’Entrecasteaux ; puis la corvette l'Uranie, montée par M. de Freycinet, et enfin notre vaisseau. La latitude de la baie d’Of- fack, presque directement placée sous l'équateur, se trouve être par une minute 46 secondes $., et par 128 degrés 22 minutes 59 secondes de longitude orientale. Montueuse au centre, couverte de vastes maré- cages sur ses bords, l’ile de Waigiou, placée direc- tement sous l'équateur, éprouve des chaleurs énor- mes qui ne sont tempérées dans leurs effets que par des pluies abondantes condensées par les sommets des montagnes, sans cesse enveloppés de nuages. Ces averses se renouvellent plusieurs fois dans le jour avec une force dont il est difiicile de se former une idée dans les régions tempérées, et cessent avec la même rapidité qu’elles sont venues. F1 paroït que la plus grande partie de la population réside non loin de l'ile Rawack : mais à peine existe-t-il trois ou quatre cabanes sur les bords de la baie d’Offack, baie qui se divise en plusieurs bras de mer considérables présentant eux-mêmes un grand nombre de petits havres. Les vents qui règnent pendant le mois de septembre soufllent le plus ordinairement de l’ouest, et plus spécialement du $. 0., du $, 8. O. et de l'O. S. ©. Le milieu de la journée est ordinairement marqué par des calmes parfaits : une seule fois nous ressentimes une forte brise du nord, qui ne dura que quelques instants; la surface de la baie fut tou- jours unie. Le baromètre se maintint ordinairement à 28 pouces 0,4, et morta une seule fois à 28 pouces 4,2; le thermomètre centigrade donna pour maxi- mum 5! degrés, et ne descendit jamais plus bas que 97 à midi et à l'ombre. La (empérature de l’eau ne HISTOIRE NATURELLE varioit dans la nuît de celle du jour à midi que d’un degré en moins, et étoit de 25 à 25 degrés; l’hygro- mètre à cheveux varia de 404 à 106, et ne donna 96 qu’une fois. Nous n’eûmes que quelques jours exempts de pluie : le plus ordinairement les grains, en passant sur quelques parties de l'ile, tomboient avec violence l’espace de deux ou trois heures; puis le ciel paroissoit de l’azur le plus pur. Toutefois le sommet de la montagne nommée la Corne ce Buffle étoit presque toujours enveloppé de masses épaisses de nuagts, et les vapeurs qui s’élevoient des gorges de ce mont tourbillonnoient au-dessus des arbres comme de la fumée. . Les rivages du port d’Offack recoivent un grand nombre de petites rivières qui sont alimentées par d’abondantes sources : quelques unes de celles-ci descendent des cimes des montagnes ou des ravines en formant quelques cascades très hautes. La mer remonte assez loin dans quelques unes de ces riviè- res, dont les bords sont très limoneux. Les Papous bâtissent leurs cabanes sur leur cours, sans redouter les crocodiies qui les habitent; ils se servent de leurs canots divers pour communiquer entre eux à l’aide de leurs pirogues. Fout le littoral de Waigiou, mal- gré l’épaisse végétation qui le recouvre, n’est qu’un merécage fangeux où croissent de hauts palétuviers : la profonde humidité et les miasmes délétères qui règnent dans ces lieux y font éclore de nombreuses maladies qui ne manquent point de sévir sur les Européens, et qui portent aussi leurs ravages sur les naturels. La formation rocheuse de l’ile de Waigiou est fort remarquable; elle s'éloigne tout-à-fait du caractère de la Nouvelle-Irlande, au moins sur ces rivages : car le terrain flanqué sur le pourtour du Port-Pras- lin est d’un calcaire madréporique dur avec des co- quilles et parfois des grains spathiques, tandis qu’on n’en observe aucune trace à Waigiou, où du moins sur la côte nord ct dans la baie d'Offack. Cette île, par sa position comme par les bou:eversements nom- breux dont elle offre des traces à chaque pas, a dù appartenir aux grandes masses de terres situées sous l'équateur, et qui composoient avec les Moluques et la Nouvelle-Guinée un tout continu jusqu’à la Nouvelle-Hollande. Cette idée, du reste, n’est qu’une supposition : mais les faits les plus positifs prouvent que la surface entière de Waigiou a été torturée par des éruptions volcaniques dont les débris, bien que voilés aujourd’hui par une végétation pompeuse, se montrent en abondance. D'ailleurs on ne sauroit méconnoitre cette formation en observant les ai- guilles basaltiques de Poulo-een et des nombreux ilots qui saillent çà et là du sein de la mer comme des colonnes prismaliques, et sur le sommet des- quels croissent en abondance des bouquets ver- doyants et touffus. Les roches à nu ne se montrent DE L'HOMME. parfaitement bien que dans la passe haute et étroite qui sert d'entrée au port d'Offack. Là ces roches, déchiquetées par le temps, affectent des couleurs noirâtres mélangées de veines rouges; mais elles sont surtout à découvert dans une pelite ile placée au milieu de la baie, et que nous nommämes l'Ile aux Tombeaux. Partout la nature de ces roches est identique, et contient une grande quantité de ser- peutiue. Sur ses rivages battus des vagues on trouve des amas de puddings formés par lémiettement et la brisure de ces roches, et réunies par un ciment calcaire assez tenace : ces puddings n’ont guère qu’une trentaine de picds d'élévation au-dessus du niveau de Ja mer. Sur les grèves enlin on ramasse en abondance les ponces que les flots ÿ ont déposées. Le sol sous les vastes forêts de l’ile (car la végéta- tion sur toutes ces terres ne cesse point d’envahir même les rochers les moins convenables pour qu’elle puisse s’y développer), le sol est Le plus ordinaire- ment composé d’une argile très rouge. Les pitons des montagnes présentent parfois des emplacements décharnés que leur couleur noire porteroit à penser de nature basaltique. La Corne de Bufle est la mon- tagne la plus remarquable de Waïigiou; elle tient à une chaîne qui se dirige de l'E. S. E. à l’O.S,. O., et sa hauteur seroit de 485 toises d’après les caleuls des officiers de l’expédition. Vue de la haute mer, Waigiou ne paroît être qu’un pâté de verdure; et cependant on remarque peu de variété dans ces arbres gigantesques qui se pressent et s'élèvent les uns sur les autres. Leur masse de feuillage interceptant Le passage de l’air et des rayons lumineux, la surface de la terre ne présente point de ces herbes humiles si nombreuses dans les zones tempérées ou dans les forêts de certaines contrées du Brésil. La riche tribu des palmiers se compose d’un grand nombre d’espèces : parmi Les plus com- munes se font remarquer les lataniers, que leurs feuilles flabelliformes dessinent si bizarrement dans les paysages torridiens; les figuiers, les poivriers, les filaos indiens, les calophyllum, les mimeuses, les vaquois, les ce: bera, les scwvola, les ignames, les | ananas, les arum, les bananiers, les cucurbitacées, les cycas, les mangliers, les sagouïers, ete. Les me- nues herbes consistoient en liserons pied-de-chèvre, en graminées ou cypéracées, en acanthe à feuilles de houx, en amarantes, en casse à corymbes, en nepenthes, en amomum, en epèdendruin recouvrant les trones mousseux des gros arbres, et singuliers par la variété infinie de leurs formes et de leurs fleurs. En général la botanique de Waigiou diffère peu de celle de la Nouvelle-frlande ; et a un grand nombre de traits de ressemblance avec celle d’O- Taïti et de Borabora. Parmi les végétaux usuels et alimentaires le palmier sagou tient le premier rang. La moelle interne répandue dans le stipe fournit ces 111 grains féculents avec lesquels les naturels compo- sent des galettes plates et quadrilatères qui leur servent de pain, et qu’ils cuisent dans des sortes de petits fours en briques divisés en compartiments, Les noix des muscadicrs sauvages seroient peut-être susceptibles de prendre par la culture quelque dé- veloppement, et pourroient sans doute s'améliorer : les arts trouveroient aussi dans cette ile des bois propres à l’ébénisterie, et le teck ({ectona jrandis) fourniroit d'immenses ressources aux constructions navales. Pour obtenir des habitants les productions du pays, il sufliroit d’y porter des toiles peintes, des étoffes à fleurs ou culorces en rouge : on en obtien- droit en échange des peaux d’oiseaux de paradis, de : la nacre, des perles, de l’écaille de tortue, des tré- pangs, de la muscade et de la résine ki, Cette der- nière matière sert aux Papous à façonner des torches avec lesquelles ils vont à la pêche pendant la nuit, et s’oblient du dammara resinifera de Lambert, ou du canarium suivant Lamarck. Le règne animal de Waigiou doit être riche en espèces : malheureusement nos courtes relàches et notre connoissance imparfaite des localités ne nous permettent d'en juger que par analogie. Parmi les mammifères nous croyons qu’on doit citer le babi- russa : tout-fois ce n’est encore qu’un doute assez fondé, que les voyageurs futurs éclairciront. Nous ne rencontrâämes qu’une fois, en nous rendant vers l’isthme étroit qui s‘pare le havre d'Offack de la baie Crouzol, un petit quadrupède à pelage gris, nommé kalulow par les Papous, que la mère venoit d'égarer sans aucun doute, à en juger par son jeune âge, et qui à la taille d’un rat joignoit le museau pointu et la poele marsupiale des sarigues. Depuis, en étudiant Panimal nommé vriverra gymnura par sir Raffles, et en proposant d’en créer un genre dis- tinet (1) sous le nom de gymaura, et d'imposer à (") Sir Raffles (Catafogue d’une collection faite dans l'île de Sumatra, inséré dans les Transac. soc. Linn., Lond.,l XI, p.72 ,enadd.) dil : « J'ai reçu un ani- » mal nouveau trés singulier qui se rapporte aux viverres » par le nombre des incisives, mais qui en diffère par » la proportion et la disposition, et qui a la queue » nue comme un rat. S'il doit être considéré comme une » espêce du genre viverra, on doit lui approprier le » nom spécifique de gymnura.» Or suit la description de ce sivguli:r mammifére, d’ailleurs très bien décrit, et que sir Raffles croit être identique avec le tikus- ambaäng-bulan de l'intérieur de Malacca, découvert par le major Farqghüar, Dans notre Manuel de Mammalo- gie, publié le 10 mai 4827, nous avons regardé comme type d’un nouveau genre celte viverra gymaura de sir Raffles, en lui donnant le nom de gymnura Rafflesii. Daus le Zoological Journal (ne 40, avril à septembre 1827) nous retrouvons, page 246, l'adoption du genre gymnura et la dénomination de Rafflesii, sans aucune citalion de la part de MM. Vigors et Horsfield de notre 112 l’espèce de Sumatra Je nom spécifique Rufflesii, nous avons reconnu que notre kalubou étoit une seconde espèce du même genre, et devoit être nom- mée gymnura kalubou, et prendre place dans les tableaux méthodiques de Mammalogie à côté des sarigues, dont ce genre seroit le vrai représentant dans l’ancien monde. Les phalangers à queue prenante ou couscous ne sont pas rares dansles bois. Déjà nos collègues dans la précédente expédition s’en étoient procuré quelques individus, et les naturels nous apportèrent plusieurs fois à bord le couscous tacheté, qu’ils nomment schamscham , et dont nous donnerons la descrip- tion dans la suite de cet ouvrage. L’ornithologie est une des branches de l’histoire naturelle qu’une longue relâche dans l'ile de Wai- giou enrichiroit le plus : elle se compose de ces es- pèces rares et précieuses communes sur le système des terres des Papouas, telles que les oiseaux de paradis, qui ne s’y présentent d'ailleurs que dans certaines saisons. Le paradiswa apoda ou l'éme- raude, le manucode, le magnifique, le paradisier rouge y sont les plus communs. Nous tuâines la fe- melle de cette dernière espèce, qui étoit inconnue naguère. La famille des psittacidées nous offrit les loris papou, vert, tricolore ou à tête noire, la perruche d’Amboine ou à face bleue, le microglosse-goliath, le grand cacatoës à huppe jaune, et une espèce de lori noir inédite que nous avons nommée Lori de Stavorinus (psittacus Stavorini) parce que ce navi- gateur nous paroit l’avoir mentionnée dans la rela- tion de son voyage aux Indes orientales (‘). Le lori de Stavorinus est de la taille du tricolore, auquel il ressemble aussi par les formes corporelles. Son plumage est en entier d’un noir lustré uniforme, excepté sur l’abdomen, où règne un rouge vif qui s'étend jusqu’à la poitrine. Le seul individu que nous achetâmes à un Papou a été perdu dans le naufrage de M. Garnot au Cap. Parmi les pigeons nous citerons les belles colombes muscadivores, dont plusieurs étoient privées de la caroncule noire et arrondie que présentoit le plus grand nombre des espèces. Cet organe entièrement graisseux ne doit s'élever sur la base de la mandibule supérieure qu'à l’époque des amours, et peut-être chez les fe- melles seulement; et la peau qui se distend pour recevoir ce fluide, résultat d’une vie en excès, doit, après la fécondation, se dissiper, se racornir, et ne plus paroître au-dessus des narines que comme une légère fronçure cutanée. A Waigiou nous rencon- nom, bien que ces messieurs n'aient point ignoré l’exis- tence du Manuel, dontils ont inséré une critique dans le numéro suivant du même journal, (:) Forrest indique aussi unlori noir dans son Voyage à la Nouvelle-Guinée. HISTOIRE NATURELLE trâmes aussi des individus de la columba puella de la Nouvelle-Irlande, le ptitinopus kurukuru, et le goura ou pigeon couronné des Moluques (1) ( Co- lumba corona'a. L.), oiseau stupide, mais dont la chair est exquise. Le mégapode Freycinet (?) est singulièrement mul- tiplié à Waigiou. Les Papous nous en apportoient journellement à bord , qu’ils échangeoïent pour des bagatelles; mais leur chair est loin d’être déli- cate, car elle est sèche et coriace. Les accipitres ne nous donuèrent qu’une espèce, le ma'apour (falco pontice ranus) à tête blanche, à corps et ailes d’un marron foncé; les échassiers, l'édicnème à gros bec (OEdirnemus magnirostris, GEOFr.), figuré par M. Temminck, pl. 587, et qui se trouve sur tous les rivages des Moluques et des iles de la Sonde : dans les palmipèdes une seule sterne, nommée sa- penne. Les passereaux nous présentèrent le philé- don corbi-calao, une corneille dont le cri ne res- semble point à l’aboiement d’un chien comme celui du même oiseau à la Nouvelle-Frlande, mais imite au contraire un ricanement moqueur, le guêpier à gorge jaune, le calao à casque sillonné, plusieurs gobe-mouches et soui-mangas, et le beau martin- chasseur Gaudichaud. Les reptiles Les plus communs sont les tortues franche et caret. La chair de la première est recher- chée des naturels, qui préparent de longs saucis- sons desséchés avec ses œufs, et les conservent pour les échanges ou font des hameçons avec les écailles de la seconde. Un tupinambis de la grosseur de l'iguane d'Amérique, noir ponctué de jaune, est multiplié dans les bois de manière à ce qu’on en rencontre presque à chaque pas sur les branclies, où il attrape les petits oiseaux : il vit encore de pois- sons, qu’il guette sous les racines de mangliers, sur le bord de la mer, ou dans les lieux fangeux. On y trouve aussi le scinque à queue bleue, qui paroit répandu dans toute l'Océanie. Un de nos matelots nous assura avoir vu des serpent: dont nous ne ren- contrâmes aucun individu. Nous ne vimes parmi les batraciens qu’une grande espèce de raine. L'ichtyhologie de la grande et vaste baie d'Offack doit être très riche, à en juger par les espèces que nos filets, jetés au hasard, nous rapportoient cha- que jour. Comme l’estimable docteur Quoy nous avoit communiqué ses descriptions alors inédites, et qui 6nt paru depuis dans la partie zoologique du voyage de l’Uranie, nous retrouvâmes plusieurs des espèces figurées par ce naturaliste et par son coopé- (") Cet oiseau est figuré dans Temminck, pl. re. La figure de Buffon , enlumin., no 418, est très mauvaise. Le dessin de Sonnerat , déposé au Muséum dans les ma- nuscrits de Commerson, n’est pas meilleur. (2) Megapodius Freycinetii(Quoy et Gaymard, Zoo- | logie de l'Uranie, pl, 32; et Temminck, pl, 220). DE L'HOMME. rateur M. Gaimard. Trois squales régnoient en nombreuses tribus dans ces mers. L'un, le squale aux ailerons noirs, avoit été confondu avec le requin ordinaire par l’illustre Commerson, dont il diffère cependant par une taille plus petite (les plus grands que nous ayons vus n’avoient pas trois pieds), par la couleur du corps qui est d’un gris légèrement rougeâtre , et par le noir intense qui recouvre l’ex- trémilé des nageoires pectorales. Les femelles nous présentèrent constamment deux fœtus dans chaque côté de la matrice; et ces jeunes squales, tirés du sein de leur mère, s’agitoient avec tant de vigueur qu’ils forçoient l’ouverture ombilicale, placée sous forme de trou arrondi entre les deux pectorales et en dessous du corps, à s'ouvrir, et le sang qui s’en écouloit ne tardoit point à les faire périr. Un ro- chier et un troisième chien de mer à barbillon se prenoient fréquemment dans nos trois-mailles. Les poissons les plus vulgaires, et qu’il nous suflira de citer pour le moment, se trouvoient donc être la pastenague blonde à points d'azur, la baliste Bou- rignon du docteur Quoy, qui est identique avec la baliste Praslin de Commerson; la baudroie géo- graphique (acanthurus lineatus), le nason licornet, décrit primitivement par Forrest; le dô:e ou pté- roïs à antennes, un trigle volant, le Aalolo ou blernie sauteur , l’échenéis à raies blanches, un pi- mélode, des chæœtodons, des labres, des serrans, des aiguilles , etc., etc. Les coquilles marines sont assez généralement des nauliles (nautilis pompilus), des spirules (nautilus spirula), des volutes couronnes d’Ethiopie (cym- bium æthiopicum, Moxrr.), dont les habitants se servent en guise d’escope pour vider l’eau qui s’in- troduit dans l’intérieur des pirogues ; les bénitiers, qui atteignent une taille bien plus considérable que l'individu qui sert de bénitiers à Saint-Sulpice, et. que Forrest a décrit sous le nom de kima; l’huitre selle polonoise, l’huître marteau, l’huître des man- gliers, l’éperon molette, l’hypocrène, la coronule des tortues, des polliciges, des nérites, des patelles, des strombes, des grimaces, ete. Les coquilles terrestres nous présentèrent cette grande et belle variété de l’helix citrina, figurée pl. 67, fig.2 et 5 de la Zoologie de l'Uraäie; plu- sieurs autres petites espèces, et le scarabe auricule. Parmi les coquilles fluviatiles on doit citer les né- rilines, qui y sont tellement communes que les Pa- pous nous en apportoient des tubes de bambou remplis; la melania setota ou spirella spinosa d’'Humphrey, indiquée aux îles de l’Amirauté par M. Gray. La langouste ornée, quelques portunes, le crabe honteux, sont tous les crustacés des environs d’Of fack. Les échinodermes étoient composés du cyda- rite à baguettes, de plusieurs spatangues, de diverses s 5 113 scutelles ; et parmi les êtres du dernier embranche= ment du règne animal nous mentionnerons plu- sieurs belles espèces d’holothuries, figurées dans nos dessins et remarquables par la singularité de leurs formes. Plusieurs méduses nouvelles enrichi- ront également notre atlas. Les habitants recher- chent avec un extrême empressement les holothu- ries ; ils les préparent à la manière des Malais, pour les donner en échange des toiles que leur apportent quelques jonques chinoises, ou ils s’en nourrissent, Dans toutes les cabanes nous rencontrâmes une quantité de cette substance desséchée, coriace, très peu agréable au goût, et que ces peuples n’estiment que parce qu'ils la regardent comme la matière la plus convenable pour soutenir leurs forces épuisées et faire renaître chez eux les désirs éteints par le re- nouvellement abusif des plaisirs des sens. Deux variétés de l'espèce humaine habitent évi- demment l’ile de Waigiou. La première. malaise, s’est établie sur la côte par droit de conquête ; l'autre, aborigène, conserve la plupart des traits du rameau dont elle est descendue, celui des Alfou rous. De ce mélange sont nés des hommes hybrides nommés Papouas, sans vigueur, sans énergie mo- rale, et docilement soumis à l’autorité des radjai,s malais qui les gouvernent, ct le plus souvent ré- duits en esclavage par les insulaires des terres voi- sines, entre autres les Guébéens, dont la piraterie est la première branche d'industrie. Sur le pour- tour de la baie d'OGffack nous ne vimes que quel- ques familles de véritables Papouas ou Négro-Ma- lais h) brides, ainsi que nous les avons décrits dins le tableau général de nos races humaines, tandis que les Malais sont particulièrement réunis dans de petits villages épars sur plusieurs points de VWaigiou, et surtout aux environs de Rawack, de Boni, et dans la partie méridionale de l'ile. Les Papouas d'Offack au contraire, timides et crain- üfs, cachent leurs retraites dans les endroits les plus isolés des forêts, bâtissent leurs cabanes sur des rivières, afin de fuir avec plus de facilité à la moindre alerte; et comme la pêche est leur princi- pale ressource, ils se transportent sur les récifs ou sur les îlots isolés, afin d’y prendre du poisson et des tortues, et n’en partent que lorsque les vivres sont épuisés. Les Malais des villages de Boni et d’'Emberbaken nous parurent généralement d’une taille médiocre, dépassant très rarement cinq pieds deux pouces ; leur peau est d’un olivâtre foncé, et leurs mem- bres, généralement bien proportionnés, sont quel- quefois grêles et peu musclés. Ils portent leurs cheveux courts et recouverts d’un morceau de toile en forme de turban. Leur regard est mobile et per- çant, ce qui tient à des yeux noirs pleins de feu ; la bouche est médiocre, mais le grand usage qu'ils 15 114 font du bétel corrode les gencives et les dents, et teint les lèvres en rouge noir. La physionomie de quelques jeunes gens étoit douce et agréable ; celle du plus grand nombre des hommes du peuple est stupide , ou plutôt est empreinte d’une certaine sau- vagerie. Tous portent une petite touffe de barbe sous le menton, et deux courtes moustaches sur le rebord de la lèvre supérieure; leur caractère est flegmatique, taciturne, et cache sous une apparente froideur une violence de caractère qui fait explosion Jorsque les circonstances leur paroissent favorables. Le radjah qui les gouverne vint nous faire visite; il étoit le seul de sa nation qui fût complétement vêtu : sur la tête il portoit une calotte à jour tissée avec des fibres d’un beau noir, et qu’il remplaca un jour par un bonnet à la chinoise, formé de plusieurs car- tels d’étoffes de la même couleur ; un large sarong d'indienne verte à fleurs rouges enveloppoit négli- gemment le corps sans le serrer ; un demi-pantalon d’étoffe rayée complétoit cet ajustement, car ce chef avoit la poitrine et les jambes nues. Une étroite bandelette d’étoffle, nommée maré, étoit le seul voile jeté négligemment par les autres habitants sur les organes sexuels. Nous remarquâmes que quel- ques jeunes gens, par des idées de coquetterie assez mal entendues, s’étoient fait limer les dents de ma- nière à former sur la rangée dentaire une gouttière profonde en avant. Le tatouage leur est inconnu; seulement ils ont adopté des peuples nègres l'usage de se faire élever des tbercules dans la peau, sur la poitrine et sur le deltoïde, au nombre de douze. La plupart de ces Malais, aussi bien que les Papouas, avoient le corps rongé par la lèpre squameuse qui a indifféremment étendu ses ravages sur les Nègres polynésiens comme sur les Mongols pélagiens et les Océaniens. Leurs objets d'ornement consistent principale- ment en bracelets polis et blancs dont l’usage leur est venu des Papouas. Ces objets, qu’ils nomment sanfar, sont travaillés avec le plus grand soin, et formés d’une seule pièce enlevée à la base des grands cônes, de manière à-offrir le diamètre du bras. Ils portent aussi quelques uns de ces anneaux plus petits aux doigts ; et lorsque la matière calcaire leur manque, ils la remplacent par des morceaux d’é- caille de tortue, appelés ouahomisse, ou par des kapraës, sorte de cordonnets tissés en jonc peint de diverses couleurs. Plusieurs des habitants de Boni portoient aux bras des bracelets d’étain, de cuivre, et même d'argent, qu'ils fabriquent eux-mêmes, ou qu'ils reçoivent des Chinois. Par une bizarrerie de goût, assez ordinaire aux hommes, ces bracelets sont fixés à demeure autour du membre qu’ils com- priment ; car ils ont le soin de les passer sur le bras dans le jeune âge, de sorte que les muscles, en se développant, se trouvent étranglés dans le lieu que IISTOIRE NATURELLE cet ornement doit conserver pendant la vie entière de celui qui le porte. Quelques autres objets de parure, d’un goût moins universel, consistent en colliers dont les grains sont faits avec des pailles vivement colorées, ou en idoles sculptées que l’on porte suspendues sur la nuque. Les Papouas attribuent de grands pouvoirs à ces amulettes, qui sont leurs divinités protectrices. Souvent elles ne se composent que d’un morceau de bois entouré de quelques sales guenilles ; quelquefois ce sont des figures ingé- nieusement travaillées avec des morceaux d'os ou d'ivoire. Tels nous parurent les Malais, d’ailleurs très mé- langés, de l’ile de Waigiou; mais les Papouas des environs de la baie d'Offack, véritables métis des Alfourous et des Malais, ont retenu des traits assez nombreux de la physionomie des Papous , et méri- tent d'autant plus d'attention, qu’ils ont été jusqu’à ce jour pris comme le vrai type papou, ainsi qu’il est facile de s’en assurer en consultant les figures données dans un grand nombre de voyages. Les Papous métis d’Offack sont tous de petite taille, et, sur plus de vingt individus que nous me- surâmes à bord, la hauteur des deux plus grands alloit à peine à cinq pieds deux pouces, et chez le plus grand nombre des autres elle n’étoit que de quatre pieds six à sept pouces. À cette petite taille il faut ajouter des membres décharnés et peu déve- loppés, un ventre très gros, la face aplatie, dont les yeux sont noirs et la bouche très fendue, et qui disparoît sous la vaste chevelure ébouriffée qui donne à la tête, vue de loin, des proportions énor- mes et disparates avec le reste du corps. Leur phy- sionomie est empreinte de cette douceur dans les traits qui ressemble à de l'irrésolution, à de la craiite, ou peut-être à des souffrances physiques. La teinte de leur peau est d’un olivâtre basané assez clair, et leur chevelure est d’un noir foncé. Ces hommes paroissent indolents; leurs mouvements sont d’une lenteur qui étonne, et la frayeur seule a le pouvoir de les faire se hâter. Leur corps, assez habituellement recouvert de lèpre, est nu; caron ne peut guère donner Île nom de vêtement à l’étroite bandelette d’étoffe qui ceint les reins. Tous les Pe- pous portent au milieu de leur chevelure un très long peigne de bambou, dont le haut est allongé et habituellement garni d’ornements de nacre ou de pendeloques de toutes sortes. Ces Papous métis ont communiqué aux Malais qui vivent parmi eux beaucoup de leurs coutumes, et en échange ils en ont adopté quelques uns de ceux-ci. C’est ainsi qu'ils portent quelquefois des moustaches et un bouquet de barbe sous le menton, et qu’ils ne met- tent jamais sur leurs cheveux ces poussières d’ocre ou de craie dont sont prodigues les Papous de la DE L'HOMME. Nouvelle-Irlande, de la Louisiade, ete. Nous n’a- bordàmes jamais ces hommes sans que la frayeur la plus vive se manifestät sur leur visage, et ce ne fut qu’à la longue que nos bons procédés détruisirent les impressions pénibles qui les tourmentoient. Une fois rassurés, ils nous parurent gais et pleins de bonté ; car il leur arriva fréquemment de nous offrir, sans exiger de récompense, des cocos et des racines nutrilivés. - Les vieillards sont graves et sérieux, ils semblent impassibles sur tout ce qui les entoure. Tous portent de nombreuses amulettes autour du cou, et ne sor- tent poiut sans être armés de la machette, sorte de gros couteau qu’ils obtiennent des trafiquants malais pour de lécaille de tortue. Les demeures des habitants de l’ile de Waigiou sont constamment établies au milieu des marais ou à l'embouchure des petites rivières ; et bien qu’elles soient élevées sur des pieux, elles sont exposées aux influences des miasmes les plus délétères qui s’exhalent des eaux croupies et du limon. Les fièvres de mauvais caractère doivent donc régner en ce lieu. Tous les vieillards qui s’offrirent à notre vue étoient frêles et débiles, et parmi les autres naturels plu- sieurs portoient d'énormes cicatrices de brûlures ; quelques uns offroient des traces de petite vérole, tandis que d’autres étoient oppressés par des ca- tarrhes, etc. Leur habitude de coucher sur le sable des grèves, entourés de grands feux et pendant des nuits où il pleut souvent à verse, ne doit pas peu contribuer à rendre dangereuse cette dernière af- fection. L'industrie de ces Papous se décèle par le travail ingénieux qui préside à tous leurs ouvrages en paille, et on ne sauroit trop admirer la vivacité des coulcurs avec lesquelles ils teignent les feuilles de pandanus qu’ils mettent en œuvre; leurs grandes nattes, suitout, sont remarquables par leur soli- dité et leur durée, aussi bien que par des dessins qui fréquemment les décorent. L’oreiller en bois sur lequel ils appuient la tête pour dormir est sculpté et poli avec une habileté d'exécution qu’on ne seroit pas tenté de leur supposer, et l’on sait que ce meuble n’est point chez eux le résultat du ha- sard, puisqu'on le trouve fréquemment, dans les tombeaux égyptiens, placé sous la tête des momies. Ils ne savent point tisser d’étoffes, et celles dont ils s’habillent , lorsqu'elles ne sont pas de fabrique in- dienne ou chinoise, se bornent à des toiles de pal- micr ou à des écorces à peine dégrossies. Les armes dont ils se servent sont l’are et la flèche, et leur adresse à frapper le but ne mérite pas d’être citée. Le radjah et quelques autres chefs possèdent des fusils et de la poudre, qu’ils ont obtenus des Euro- péens en échange d’oiseaux de paradis. Tous les naturels que nous visitâmes, soit dans leurs ca- banes, soit dans leurs pirogues, posséCoient d’é- 115 normes paquets de flèches qu’ils échangeoient vo- lontiers. Ces flèches sont en roseau et armées à une extrémité d’une pointe en bois très dur, unie ou barbelée, et souvent d’un os aiguisé ou d’une épine de pastenague. L’arc est le plus ordinaire- ment en bambou, et parfois en bois rouge solide et pliant; il est tendu par une corde de rotang. Par leurs communications fréquentes avec les commer- çcants des Moluques, ils se procurent le fer dont ils arment leurs lances de combat et leurs Larpons pour la pêche. La plupart de nos cadeaux furent reçus avec la plus parfaite indifférence : un seul combla tous leurs désirs ; et, faut-il l'avouer ? ce ne furent nides haches ni des instruments utiles, mais des objets d’un usage frivole, en un mot de ces petits miroirs enveloppés de papier doré ! Un Papou obtenoit-il ce meuble pré- cieux , on le voyoit rester en extase devant sa phy- sionomie, se complaire à en admirer tous les traits, pousser des cris d’étonnement; et rien n’étoit plai- sant sans Le troisième genre des auteurs, nommé PONGO par M. de Lacépède, a été adopté par MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier, et placé par Illiger avec les cynocéphales. Ce genre a pour type le grand singe de Bornéo (1) décrit par Wurmb, et dont Audebert publia le squelette (pl. 44, fig. 5 et 6). Les caractères attribués aux pongos sont trente-deux dents ; mais les canines, au lieu d’être contiguës et de la même hauteur que les autres dents, sont très robustes et séparées des dents voisines par un espace destiné à recevoir en haut les extrémités des inférieures, et en bas celles des supérieures. La tête est aussi robuste, prolongée en un long museau déclive, et garnie de crêtes sourcilière, sagittale et occipitale, énormes le genre troglodyte (voyezsa VII leçon sténographiée). () Ce pongo est regardé encore avjourd’'hui par M. Geoffroy Saint-Hilaire comme une deuxième espêce du genre orang : il le nomme orang de Wurmb ( VIL leçon sténographiée). DES MAMMIFÈRES. (voyez notre planche 2, crâne du pongo) : un angle facial de trente degrés; des bras excessivement longs ; de longues apophyses épineuses aux vertè- bres cervicales ; des sacs thyroïdiens au larynx ; mais du reste, comme dans les deux genres précédents, point de queue, point d’abajoues , et nulles callosités aux fesses. Tout ce que nous savons en ce moment des orangs nous autorise à confondre ces trois genres et à les réunir en un seul, qui sera dans nos méthodes de zoologie le lien intermédiaire entre l’homme (1) etles autres animaux : mais nous séparerons, bien qu’au- cun caractère rigoureusement précis ne puisse les isoler, les gibbons qui déjà s’éloignent davantage du type humain, et qui sont plus singes, si nous pouvons nous servir de cette expression, que le chimpanzé et l’orang-outan. Ainsi les vrais orangs seront dis- tingués, dans le premier âge, par une tête large, haute, arrondie, et saillante sur le front, sans tra- ces d’'éminences osseuses proéminentes; dans l’âge moyen, par des crêtes occipitale et sagittale médio- crement développées, par un front moins bombé, et par moins de sphéricité de la boîte crânienne, qui a en outre moins d’élévation. Enfin dans l'état com- plétement adulte et voisin du viel âge la tête se trouve déprimée, obliquement située sur la colonne vertébrale, et couverte de crêtes sagittale et occipi- tale dessinées avec une rudesse hideuse. Les dents de l’orang-outan n’ont été étudiées et dé- crites par M. F. Cuvier que d’après de très jeunes individus qui avoient encore leur première dentition. Les deux molaires du fond de la bouche de chaque côté n’étoient point sorties de leurs alvéoles, et par conséquent on ne comptoit que vingt-huit dents au lieu de trente-deux que les orangs doivent avoir lorsqu'ils sont adultes. Les incisives de la mâchoire supérieure sont aplaties, très larges, et en forme de coin. Un petit intervalle sépare la seconde incisive de la canine. Cette dernière se termine en pointe, et est plus épaisse que les incisives qu’elle dépasse en longueur. Les trois molaires suivent immédiatement les canines : la première est la plus petite, et se trouve partagée au milieu par une légère rainure qui, usée sur les bords antérieur et postérieur, donne lieu à deux tubercules mousses ; la deuxième a quatre tubercules séparés par deux sillons transversaux ; la troisième est la plus grande, et a la même forme que la précédente, mais n’est point usée pas la mas- tication : elle a par suite, au 1ieu de tubercules et de sillons très lisses, des rides nombreuses. Les dents incisives de la mâchoire inférieure res- semblent à celles du maxillaire supérieur. La canine () M. Bory fait de ce genre et de celui de l'homme une famille de bimanes, qu'il classe dans l’ordre des anthropomorphes. 175 est terminée en pointe, el se trouve séparée des trois molaires qui la suivent par un petit intervalle, Ces molaires sont moins épaisses que larges. La première est comme partagée en deux parties, et se termine par un tubercule; la seconde en a quatre, ainsi que la troisième ou dernière. Les rapports de chacune de ces dents dans l’acte de la mastication sont absolu- ment analogues aux arcades dentaires de l’homme. Le système dentaire du pongo se compose de trente-deux dents (!). Les incisives ne diffèrent point de celles qui ont été précédemment décrites ; mais les canines sont très longues, très fortes et très épais- ses. La supérieure est creusée au-dessous d’un sillon occasionné par le frottement de celle qui lui est op- posée. Les molaires paroissent avoir leur couronne très aplatie, mais cet aplatissement semble dû à l'usure ; car on remarque des points arrondis, qui doivent être les traces des éminences des molaires des jeunes orangs usées par la mastication. Il n’y a pas jusqu'aux rides indiquées sur les dents précé- dentes qui ne se décèlent par des vestiges : la canine de la mâchoire inférieure est rendue triangulaire par une arête relevée qui occupe sa face interne, et qui paroît due à l’action long-temps continuée de la se- cende incisive supérieure sur elle; les molaires infé- rieures ont, comme celles d’en haut, leur couronne très aplatie. Au reste les dents des deux rangées ont les mêmes rapports que celles qui meublent les maxillaires de l'espèce humaine, et tout autorise jusque là à ne les regarder elles-mêmes comme n’é- tablissant point de caractères distincts, excepté ceux de l’âge, entre les jeunes orangs-outans et les vieux pongos. Nous ne présenterons point ici de généralités sur les orangs. Les détails qui conviennent à une espèce pourroient fort bien ne point se rapporter à l’autre. Nous réserverons ce que nous avons à en dire à la suite de la description soit du chimpanzé, soit de l’orang-outan proprement dit. Nous nous bornerons pour le moment à peindre les orangs comme des ani- maux sylvains dont l'existence est protégée par les vastes forêts de la zone torride , se servant de leurs longs bras et de leurs jambes déjetées, pour gravir avec aisance et sans effort sur les arbres , où ils trou- vent un abri protecteur et leur nourriture jour- nalière. Nousdirons toutefois que les orangs se distinguent comme êtres zooïogiques par les circonstances d'or- ganisation ou les particularités anatomiques suivan- tes : un angle facial toujours plus ouvert que chez les autres singes; une poche digestive ou estomac ample et simple, comme celui de l’homme, suivi d’un tube également composé de trois sortes d’intes- (‘) D’aprés une tête conservée au Muséum et étudiée par M. F. Cuvier. ( Des dents des Mammifères, p. 10.) 176 tins, etdont le cœcum est muni d’un appendice ver- miforme. L'os hyoïde, le foie, et ses deux lobes ; les vertèbres, une cloison des narines étroite, un axe de vision horizontal, des ongles aplatis à l’extré- mité des doigts, rappellent par leurs formes ce que nous retrouvons dans l'espèce humaine. Les fe- melles sont assujetties au flux menstruel, leur ges- tation est d’un ou deux petits que les mères affec- tionnent avec la plus vive tendresse. Les mâles ont une verge pendante, le scrotum situé à l'extérieur, et le prépuce non retenu par un filet. Les poils qui recouvrent abondamment le corps en dessus sont rares et peu fournis sur les parties internes. Ceux de l’avant-bras se dirigent d'avant en arrière depuis le poignet jusqu’au coude. Ces orangs ont encore de nombreux points de conformation qui les séparent de la plupart des singes ; c’est ainsi que leurs mollets, sans être prononcés, sont cependant assez dévelop- pés pour s'éloigner des formes habituelles aux autres animaux ; que leur rotule est faite de manière à s’op- poser à la marche exclusive sur les quatre extrémi- tés. Leur cerveau est profondément plisséetcomposé de trois lobes dont le postérieur recouvre le cervelet; les vaisseaux spermatiques traversent l'anneau in- guinal , comme chez l’homme, pour descendre dans le scrotum. Les organes générateurs sont disposés de manière à ce que l’acte de la copulation ne puisse point, comme chez les autres mammifères, s’exé- cuter par derrière , mais que la femelle ait l'avantage au contraire de serrer le mâle dans ses bras. Les mamelles, peu velues, et doucement arrondies , oc- cupent également, et comme chez toutes les femelles des singes d’ailleurs, la partie antérieure de la poitrine. Tous les auteurs s'accordent à dire que les vrais orangs n’ont point de callosités. Il est probable ce- pendant que l'endroit où Pischion appuie sur les branches des arbres où ils se tiennent doit être un peu calleux et dénudé. Cette présomption est forti- fiée par de légers emplacements nus que présentent les peaux séchées et empaillées du Muséum, et tout porte à croire qu’en examinant des dépouilles frai- ches ou ces animaux en vie on leur trouvera ces callosités , ne füt-ce qu’à l’état rudimenutaire (1). Dans l’état actuel de nos connoissances nous n’au- rons à décrire que deux orangs : celui d'Afrique, qui est le chimpanzé, el celui d'Asie, qui est l'orang-outan des îles de Sumatra et de Bornéo. Mais l’histoire de ces animaux estencore enveloppée de tant d’obscurités , de tant d’erreurs , qu’il est bien () Ce caractère, dans tous les cas, n'est pas d'une haute importance; car faudroil-il faire une espéce à part des hommes que leur état force à étre constam- ment à cheval, tels que les postillons, dont les fesses sont garnies de callosilés bien plus développées que celles des gibbons? HISTOIRE NATURELLE probable que sous un seul nom on confond plusieurs espèces mal indiquées, à peine entrevues, et sur les- queïles les naturalistes à venir pourront seuls four- nir des données satisfaisantes. L'ORANG CHIMPANZÉ (1. Troglodyles niger. Grorr. SainT-HU. L'histoire de l’orang chimpanzé (?) est encore in- complète, malgré le grand nombre de communica- tions que les nations européennes entretiennent avec les côtes d'Afrique où il vit. On n’en avoit même (') Satyrus, Gesn., Quadr., p. 974? satyrus indicus, Tulpius, Observ. médic., pl. 14; simia troglodytes , L. Gmel., sp. 34; jocko , Buffon, t. XIV, pl. 1 ct pl. col. 236 ; Encyclop. méthod., pl. 5, fig. 2; pongo, Buffon, Supplémen., t. VIE, p. 2; le pongo, simia troglodytes, Audeb., fam. 1, sect. 1, pl. 1, figure copiée dans l’atlas du Dictionnaire des sciences naturelles; troglodytes niger, Geoffroy Saint-Hilaire, Ann mus., t. XIX, p. 87; Cuvier, Règn. anim , t. 1, p.104; Shaw, Gen. Zool., pl. 2; Desmarest, Mamm., sp. 2; F. Cuvier, Dict. des scienc. natur., t. XXXVI, p. 285; Bory Saint-Vincent, Dict. class. d'hist. natur., t. XI, p. 268; Griffit, Régn. anim., trad. angl., t. 1, p. 250, avec figure de l'animal; Geoffroy Saint-Hilaire, Leçons sténographiées, VIte le- çon, p.16 et suiv. (2) Le jeune chimpanzé dont Ics naturalistes dési- roient l'acquisition pour le jardin des Plantes, vient d'arriver à Paris, et dé,à il est installé dans le local na- guëre oczupé par l’orang-oulan; sa douceur, ses for- mes plus humaines que celles de l'orang-outan, ne tarderont certainement pas à lui obtenir une grande célébrité. C'est une femelle, sa santé paroît excellente, el son intelligence fort digne d'intérêt. Ce seul fait per- mettra d’en juger : une personne voyant avec quelle at- tentive curiosité le jeune singe considéroit l'œuvre d'un dessinateur occupé à esquisser ses traits, cut l'idée de lui meltre un crayom dans la main. Aussitôt l’animal se pose auprès de l'artiste, et se met à passer l’extrémité de son crayon sur le papier comme un enfant qui veut essayer d'écrire on de dessiner. En attendant que nous puissions donnet plus de dé- Lails sur les mœurs de celle curieuse cspêce, nos lec- teurs liront certainement avec un vif intérêt une note sur les traits principaux qui caractérisent le jeune ani- mal, note rédigée par M. de Blainville, et qu’il a bien voulu nous communiquer. « L'administration du Muséum d'histoire naturelle vient de faire tout nouvellement l'acquisition d'une es- pèce de singe qui n’avoit pas été vue à Paris depuis 4740 , où on en montroit un individu mâle au publie, et dont Baffona parlé en 4766, dans le XIVe volume de son histoire naturelle, sous le nom de jocko, en confon- dant aussi dans cet arlicle ce qui a trait à l'orang-ou- tan. Ce singe est connu maintenant sous le nom de Chimpanzé, qui paroît être un nom de pays, et simia troglodytes par les auteurs systématiques. C'est, avec l'orang-outan, le plus élevé des singes, c’est-à-dire le DES MAMMIFÉRES. pas de bonne figure jusqu’à ces derniers temps, où M. Griffith à publié le calque d’un plâtre moulé sur un individu mort en Angleterre, figure que nous reproduisons. Quelques auteurs prétendent que les l plus voisin de l’homme, Sa patrie est la côte occidentale d'Afrique, au Congo et en Guinée; Bornéo et Sumatra sont au contraire l'habitation des orangs. » L’individu qui vient d'arriver vivant au Muséum a été élevé et amené en France par un capilaine au long cours, de Nantes, E. Boullemer, qui l'acheta en 1836, au mois de novembre, d’un jeune nègre qui l'avait ap- porté dans sa pirogue, bras et jambes liés, comme objet de commerce, sans dire comment ni où il l’avoit ob- tenu. Il étoit bien jeune puisqu'il n’avoit encore que quatre incisives en haut comme en bas, ce qui fait sup- poser qu'ii avoit cinq ou six mois, etlui donne avjour- d’hui environ un an et demi. Il n’a, en effet, queles canines et les deux premières molaires de lait, en sorte qu’il est certainement plus jeune que l'orang-outan qui existoit l'année dernière à la ménagerie. Il estnota- blement plus petit, n’ayant que deux pieds et demi au plus quand il est debout sur les membres postérieurs, et dix-huit à vingt pouces pour le tronc seulement. » Au premier aspect, on voit qu’ilest mieux propor- tionné, moins cul-de-jatte que l’orang-outan, sa tête étant relativement moins forte dans la partie crânienne, et les membres étant surtout dansune proportion beau- coup plus humaine. » Les bras, les avant-bras ct les mains sont en effet beaucoup mieux dessinés, beaucoup moins longs et gréles que dans l’'orang-outan; par contre, le train de l'arrière est évidemment moins pauvre, plus développé dans les deux premières parlies, tandis que les doigts sont beaucoup plus courts. Il s'ensuit qu'il y a un peu plus de renflementmusculaire aux fesses et aux mollets. » Comme dans l’orang-outan le corps est entiére- ment couvert de poils durs, assez rares, sans bourre, mais noir de jais et comme gauffrés, un peu comme chez le coaïta (S. paniseus, L.). Ces poils sont notable- ment plus nombreux en dessus du corps et en dehors des membres que sur la poitrine, le ventre et la partie interne des membres. Ils sont dirigés d'avant en arrière et de haut en bas, si ce-n'est aux avant-bras où ils offrent la particularité, qui se remarque aussi dans l’es- péce humaine et dans l’orang-outan, de remonter du poignet vers le coude; mais une différence avec ces derniers, c’est que les poils de la partie antérieure ou mieux de la tête sont, dans lc chimpanzé, comme dans les autres mammifères, dirigès comme ceux du reste du corps, tandis que dans l’orang-outan ils se portent d'arrière en avant en forme de chevelure comme dans l’homme; seulement la différence est que dans celui-ci l'épi est au sinciput, tandis que dans celui-là il est à Ja vertébre cervicale proéminente. » Dureste, les poils du devant des oreilles forment aussi des espèces de favoris, el il y a au menton une courte barbe blanche ct rare. » La peau de la face est de couleur de suie, clle s’est déjà éclaircie sur les lévres depuis l’arrivée de notre chimpanzé en Europe ; celle des quatre extrémités est en dessus comme en dedans d’une couleur de chair vio- lacée. » La face ct les organes des sens ont beaucoup de rapports avec €e qui existe dans l’orang-oulan; seulc- : I, 177 gorillès du Carthaginois Hannon, dont les Romains trouvèrent les dépouilles pendues aux parois d’un temple, lors du sac dela rivale de Tyr, n’étoient pas autres que le chimpanzé. Ce n’est toutefois qu’une ment le front est beaucoup moins développé et bombé, fuyant davantage en arrière surtout à cause de la saillie des crêtes sus-orbilaires bien plus prononcées que dans l’orang-oulan. » Les yeux sont peut-être plus petits, moins expres- sifs; les cils des paupières moins longs et d’ailleurs beaucoup moins découverts à cause de la saillie d’un bourrelet sourcilier épais et comme charnu. » Les oreilles sont au contraire beaucoup plus gran- des, plus larges, plus aplaties, moins bien bordées que dans l’orang-outan qui les a fort petites , bien faites, et presque semblables à celles de l’homme , sauf le lobule. » Le nez est moins enfoncé, moins aplati. Ses orifices sont cependant toujours fort rapprochés et sans lobes ou ailes distinctes. » Les lèvres sont, comme dans l'ourang-outan, lon- gues, mobiles et extensibles, un peu moins peut-être: du reste, la supérieure offre également des rugosités longitudinales, et la muqueuse ne se déverse pas plus en dehors que dans cet animal. » Le tronc est court, la poitrine large, déprimée, le ventre médiocrement renflé; il n’y a aucune trace de queuc, et la région ischialique et le tour de l'anus sont revétus par une peau nue, lisse, épidermée, formant un premier degré de callosité, » Les membres antérieurs ressemblent beaucoup plus à ceux de l’homme que dans l’orang-outan, où ce sont des espèces de longs crochets. En effet, le pouce, quoique réellement court, le paroît moins, parce que les autres doigts sont beaucoup moins longs, et ne sont pas arqués, les phalanges étant droites avec la derniére en crochet. » Les membres postérieurs sont au contraire plus dé- veloppés que dans l’orang-outan, les fesses plus char- nues, les cuisses plus épaisses , plus larges, les jambes également plus renflées au mollet; aussi le pied est-il plus semblable à celui de l’homme, Ic talon assez accusé, la plante large, les doigts remarquables par leur brié- velé, ct paroissant comme tronqués à l'extrémité, ce qui est trés différent dans l’orang-outan , en sorte que le chimpanzé peut appuyer toute la plante à terre. L'orteil est trés fort et presque aussi long que les autres doigts, quoique séparé ct apposable. » Les ongles des doigts antérieurs sont assez déve- loppés, celui du pouce au moins autant que celui des autres ; mais aux doigts postérieurs ils sont (rés courts et trés aplatis, et bien loin de dépasser l'extrémité. » L'aspect, la physionomie de cet animal est mélan- colique, sérieux, mêlé de quelque chose de doux et même d’aimant. Il montre en effet Ie même degré d'af- fection pour son maître et ceux qui le soignent, que le faisait l'orang-outan . Il est trés tranquille et trés obéissant aux moindres volontés de son maître, et même detoutle monde. L'élévation du ton de la voix suffit pour l'arrêter , le faire venir à soi ou s'en faire embrasser comme d’un enfant. » Sa démarche à terre est encore assez bien celle de l'orang-outan, c'est-à-dire qu'il marche le plus sou- veut à quatre paltes daus une position un peu oblique, 97 L 2 781 supposition que rien ne pourroit détruire à la ri- gueur, mais aussi que nul fait ne pourroit légitimer ; car ces gorillès auroient bien pu être ou des man- drills ou des magots. Le satyrus de Pline, le carupos d’'Elien, sont encore l’animal qui nous occupe, autant qu'il est possible d’en juger par les foibles in- dications!, résultat d’idées légères et confuses, qu'ils nous ont laissées. La première mention qui soit faite du chimpanzé date des navigations européennes sur les côtes de Guinée, et se trouve consignée dans les Voyages de Purchass (t. IL), où apparoissent pour la première fois les noms de pongo et d’enjoco, sans qu'il soit vraiment possible d’aflirmer avec certitude à quelle espèce de grand singe de tels noms convien- ñent exclusivement. Dapper, dans son histoire de Y'Afrique (1), publia une figure qui paroît parfaite- ment convenir à l’orang, dont nous traçons l’his- toire, et qu’il nomme quojas-morrou. Ce même nom se trouve reproduit par Barbot (?) qui écrit indifféremment quojas-morrou ou worrou, avec celui de barris que plusieurs voyageurs citent éga- lement. Edw. Tyson, naturaliste anglois, mit au jour en 4699 une monographie de cet animal (®), où pour la première fois paroissent les noms d’orang- outang exclusivement donnés depuis à l’espèce d’Asie, et celui de pygmée. Enfin en 1758 on lit dans un petit mémoire d’un Anglois nommé Scotin le nom de chimpan:é, que quelques auteurs écri- vent guimpésé (4), seule dénomination qui soit au- jourd’hui adoptée. Il paroît que les Nègres du Congo appellent indifféremment ce singe gongo et jiocko, et ces deux noms, introduits dans le langage uni- appuyé en avant sur le moignon formé par les articula- tions des première et seconde phalanges, et en ar- rière bien davantage sur la plante des pieds que l'o- rang-outan qui s'appuyoit sur le côté des mains, les doigts fléchis en dedans. » Du reste il aime à sauter, à se balancer et à jouer comme ce dernier. De même qu’un enfant, il ne peut rester seul, et crie continuellement si l’on n’est pas auprés de lui. » Ainsi en définitive c’est un animal trés voisin de l'orang-outan, se rapprochant plus que lui de l'espèce humaine par les membres et les pieds, en un mot, plus bipède , mais plus semblable aux quadrupédes par l'a- baissement du front, la saillie des crêtes sourcilières et la grandear des oreilles. » () Umstandlich und eigentliche Beschkreibung von Africa, durch O. Dapper; Amst.; 1670, in-fol., p. 393, 582 et 583. (>) À Description of the Coasts of north and South- Guinea and of Ethiopia inferior, vulgarly Angola, by John Barbot, in Churchill's Collect., t. H,p.1, p.101. G) Orang-outang, sive homo sylvestris ; or the Ana- tomy of a pygmie, by Edw. Tyson; Lond. La figure de Tyson, très bonne pour le temps, se trouve reproduite par Shaw, Gen. Zool , pl. 2, et par Screber, tab. 1B. (: Lecot, Mouv. musc., pl. 1, fig. 1, HISTOIRE NATURELLE versel par Buffon, ontété une source intarissable d'erreurs ; car le Pline françois ayant d’abord con- fondu le chimpanzé avec l’orang-outan, désigna le premier par le nom de jocko qu’il changea dans ses Suppléments en celui de pongo qu’il avoit d’abord appliqué à l’orang-outan , auquel il restitua ensuite celui de jocko. Or une telle versatilité de nomencla- ture n’étoit guère propre à faciliter laconnoïissance des orangs, car elle exige une sorte de commentaire toutes les fois qu’on veut distinguer une espèce de l’autre. Les figures qu’on a du chimpanzé sont peu nom- breuses. Celle de Buffon est faite à plaisir, et le pein- tre a joint aux formes apparentes d’un singe la figure et la démarche de l’homme: toute fautive qu’elle est on en trouve une mauvaise copie dans l’Encyclopé- die. La planche d’Audebert, quoique se rapprochant assez de la vérité, donne une idée peu complète de cet animal, et a été reproduite dans l’Atlas du Dic- tionnaire des sciences naturelles. La figure laissée par Tyson étoit encore, et malgré tout, la plus vraie dans ses principaux caractères, lorsque celle de M. Griflith parut dans ces derniers temps(!}, et vint, par son exactitude, fixer l’opinion des zoologistes. Le premier chimpanzé qu’on ait soigneusement observé en Europe, après ceux de Tuipius et de Tyson, est celui que Buffon a décrit sous le nom de petit orang-outang. Cet animal avoit deux pieds et demi de hauteur, et n’avoit, au dire de M. Nonfoux, son propriétaire, que deux ans. On devoit supposer que sa taille auroit pu acquérir dans son complet développement jusqu’à cinq pieds. Les individus observés par Tulpius et Tyson étoient également dans les premières années de leur existence. Buffon assure que ce singe, qui ne séjourna à Paris que pendant un été, et quimourut l'hiver suivant en Angleterre, marchoit debout sur ses deux pieds, même en portant des fardeaux assez pesants. Son air étoit triste, ses mouvements mesurés et calmes, et tout en lui an- nonçoit la plus grande douceur. Son intelligence saisissoit aisément la valeur de certains signes et les comprenoit sans effort. Il imitoit une foule d’usages qu’il avoit vu pratiquer, et se comportoit à table comme un homme bien élevé. Cechimpanzé recher- choit les caresses, aimoitles sucreries avec passion, étoit devenu extrêmement friand. Nous n’ajouterons rien de plus sur cet animal, dont on trouve une des- cription complète dans les œuvres de Buffon, etqu'il nous suflisoit de citer ici. Les proportions de l’orang d'Afrique, considérées dans les rapports du tronc et des membres, offrent moins d’irrégularité ou de disproportion que dans (‘) Le chimpanzé apporté vivant en Anglelerre par M. Gross, étant venu à mourir, fut moulé en plâtre sur le cadavre de l'animal méme. La figure qu'on a tirée de la bosse a donc l'exactitude la plus parfaite dans les proportions des diverses parties entre elles. DES MAMMIFÈRES. les orangs d’Asie, et se rapprochent davantage de celles de l’homme (!). Les bras, par exemple, n’ont point cette excessive longueur de ceux de l’orang- outan, et ils atteignent seulement le jarret. Si les mains ont une dimension plus grande, les pieds en revanche se trouvent plus courts ; mais ce sont les pouces, surtout ceux des pieds de derrière, qui s’é- cartent singulièrement des autres doigts qu'ils sur- passent d’ailleurs en force et en volume. Les pouces des mains sont toutefois d’une brièveté telle qu’ils se terminent vis-à-vis la ligne d’où partent les phalan- ges des quatre autres doigts. A joutez à ces caractères généraux une face large et nue, des lèvres grosses, et vous aurez sous ce rapport un rapprochement plus complet. Les oreilles, quant à leur disposition géné- rale, sont analogues à celles de l’homme : le carti- lage qui en forme le pavillon est très développé, mince, garni d’un rebord, et collé contre les tempes. La tête est ronde; mais lorsque les téguments revê- tent la face, on ne seroïit point disposé à reconnoitre cette sphéricité à cause de la forte saillie qu’occa- sionne une lame qui part, ou plutôt qui constitue le bord orbitaire supérieur. L’angle facial mesuré sur ces crêtes donne soixante degrés, mais on ne peut véritablement l’évaluer, en déduisant la saillie os- seuse sourcilière, qu'à cinquante degrés. Le nez est épalé, ouvert, assez élevé, et situé à une dis- tance moyenne des yeux et des lèvres. La base de chaque fosse nasale est plus large quechez les orangs- outans, lorsque le crâne est dépouillé des téguments qui le recouvrent. On compte sept vertèbres cervi- cales, treize dorsales, quatre lombaires, quatre sacrées, et quatre coccigiennes dans la colonne ver- tébrale. La forme des vertèbres dorsales est parfai- tement analogue à celle de l’homme; toutefois on trouve deux surnuméraires qui donnent également attache à deux côtes en plus, qui portent à quatorze au lieu de douze le nombre de ces os protecteurs du thorax. Cette circonstance anatomique est tou- tefois d’une haute importance, car elle semble reje- ter parmi les animaux un être qui nous avoit habi- tués, par la disposition universelle de ses organes, à le considérer comme la première ébauche restée incomplète du type homme. La face du chimpanzé est nue, ou du moins cou- verte de quelques poils rares et peu apparents, plus épais sur le menton et sur les côtés du visage où ils forment des favoris. Les yeux sont petits, mais pleins de vivacité et d'expression; leur regard , en captivité, exprime l’inquiétude, mais rarement des passions haineuses, Les régions supérieures du corps sont recouvertes de poils noirâtres, d’une grande rudesse, qui sont partout d’une égale lon- () Geoffroy Saint-Hilaire , Leçons sténographiées, Vile leçon, p. 16. 179 gueur, excepté sr les épaules où ils ont jusqu'à deux pouces. Toutes les parties internes des mem- bres, la poitrine et le ventre, sont presque dépour- vus de cet organe accessoire, et la forme du ventre, par son ampleur et son aplatissement, rappelle complétement celui de l’homme. Si les mains sont poilues en dessus, leur intérieur est complétement dénudé. Un renflement des muscles jumeaux et s0- léaire donne à la jambe des mollets assez dessinés. Leurs membres, sans cesse exercés au sein des fo- rêts, acquièrent celte adresse et cette force qui ont rendu redoutables aux Nègres d'Afrique les indi- vidus adultes de cette grande espèce de singes. Par cette description , il est aisé de juger quelles considérations nous dirigent en faisant suivre immé- diatement l’histoire de l’homme de celle du chim- panzé. Plüusieurs zoologistes cependant lui refusent la place que nous lui accordons, et regardent l’o- rang-outan comme plus voisin de l’homme sous certains rapports. Il paroît aussi que l’une et l'autre espèce n’ont point d'os inter-maxillaire, et que le chimpanzé seul a un ligament suspenseur. La plupart des anciens voyageurs, tels que Bat- tel, d'Obsonville, Pyrard, Froger, Bosman, de La Borde, parlent dans leurs relations de grands singes qui vivent sur la côte d'Afrique, et dont la taille atteint les dimensions corporelles des Nègres. Bien que dans leurs récits on apercoive que la vérité n’est pas toujours respectée, et qu'à des détails réels sont jointes des circonstances que le merveil- leux à dictées, toujours est-il que leur smitten, leur enjocko, et surtout leur barris, ne sont pas autres que des chimpanzés parvenus à leur entier développement, et dont l’histoire se trouve entre- mêlée de faits qui n’appartiennent qu’au mandrill. Tous les individus qui furent amenés en Europe r’avoient encore accompli que leurs premières an- nées. Tels furent les orangs africains décrits par Tul- pius, Tyson et Buffon, et nous ignorons quelle étoit la taille de celui dont M. Griflith a publié la figure, Les mœurs de l'animal qui nous occupe sont presque entièrement inconnues, ou du moins ce que nous en sayons est entremêlé de tant d’erreurs et de fables qu'il est fort difficile de baser son opinion d’une manière satisfaisante. Depuis l'époque où Buffon écrivoit, il y a environ quarante années, nous n’avons pas recu le moindre renseignement sur les habitudes et sur la manière de vivre d’un animal qu’il seroit pour nous d’un haut intérêt de bien connoître. Le voyageur qui pourroit en effet publier sur le chimpanzé des observations con- sciencieuses et suivies rendroit sans doute plus de services à la zoologie générale, et même à la physiolo- gie humaine, qu’un naturaliste qui auroit à publier un certain nombre d’espèces ou de genres nouveaux. Le chimpanzé habite exclusivement cette partie 180 inter-tropicale de la côte occidentale d'Afrique qu’entame le golfe de Guinée, sans dépasser au nord l'empire du Bournou, et sans avancer au sud au- delà de la côte déserte : il paroïtroit qu’il est con- finé dans les forêts du Congo, du Loango, d’Angole et de la Guinée. Dans ses jeunes années ce singe est remarquable par sa douceur et par son caractère confiant et do- cile; la teinte de mélancolie qui règne sur ses traits inspire en sa faveur un touchant intérêt; il cherche à imiter les actes qu'il voit reproduire sous ses yeux; sa mémoire trace dans le cerveau certains faits, et en conserve le souvenir. Emu par la recon- noissance et sensible aux caresses, il n'oublie point les bienfaits qu’il a reçus : Iles mauvais traitements lui inspirent l’aversion la plus décidée pour ce- lui qui s’en est rendu coupable; et dans cet âge heu- reux où l’on imite plus volontiers les mauvais exemples que les bons, il s’abandonne aisément à l’intempérance jusqu’à se familiariser avec les breu- vages les moins faits pour son estomac. Il se plie à toutes les fortunes, à toutes les positions de la vie : compagnon du matelot, il couche dans son hamac, se balance dans les cordages, brave les grains subits des tropiques et ronge avec appétit le léger mor- ceau de biscuit que son maître et lui partagent ; transporté chez les heureux du jour, il s’est bientôt accommodé à cette nouvelle position : on le voit rechercher avec la même avidité des fruits ou des mets épicés, des sucreries et des liqueurs. Ses mem- bres agiles et dispos apprennent aisément à exécu- ter des tours qu’on lui enseigne ; il s’habitue à mieux tenir son corps en équilibre et à marcher de- bout avec plus d’aisance. L'amour des jeunes chim- panzés pour leur mère paroit excessif : aussi, lors- que les Nègres veulent se les procurer, ils tuent celle-ci ; car ils savent que, par un touchant exem- ple d'amour filial, ces jeunes singes restent attachés sur le cadavre de celle qui leur donna le jour. Les femelles portent, dit-on, leurs petits l’espace de sept à neuf mois, et leur grossesse n’est ordiuaire- ment que d’un seul individu; elles soignent pen- dant deux anrées complètes leur nourrisson, et veillent avec la plus tendre sollicitude à tous ses mouvements. On assure encore que ces femelles, bien loin de s’abandonner à l’effervescence de leurs passions comme celles de tous les autres singes, ont la retenue la plus exemplaire, et des sentiments de pudeur qui feroient honneur à l’espèce humaine. Toutefois la pudeur n’est point une vertu des peu- ples restés stationnaires dans leurs idées primi- tives; elle doit son origine à la délicatesse des sentiments, résultat d’un perfectionnement de ci- vilisation, et iln’y auroit rien d'étonnant que les chimpanzés violassent ces lois sans transgresser celles de la nature HISTOIRE NATURELLE A ces heureuses dispositions des premières an- nées , à celte circonspection, ou, si l’on aime mieux, à celle prudence qui caractérise alors leurs actions, succède cette sauvagerie de mœurs que tous les au- teurs s'accordent à donner aux individus adultes. Leur indépendance trouve dans la profondeur des forêts un abri contre les embüches des Nègres, leurs ennemis naturels. Là ils se réunissent en troupes, et se bâtissent des sortes de huttes avec des branches d'arbres, ou perchent sur les rameaux l’espèce de hamac dans lequel ils goûtent le som- meil. Habiles à se faire des armes avec des bran- ches, ils chassent au loin de leur asile les hommes ou les animaux qui tenteroient d’en troubler la sé- curité. On dit que leurs bras nerveux manient avec dextérité les massues qu’ils arrachent aux arbres ; on dit aussi qu’il savent lancer avec justesse des pierres volumineuses. Peu endurants lorsqu’on les dérange dans leurs habitudes, ils ont, parmi les Nè- gres qui les redoutent, la réputation d’être féroces et intraitables. Ce qu’ils en disent seroit peu proba- ble si l’on ne savoit, par l’exemple du grand orang- outan de Sumatra, qu’un chimpanzé haut de six pieds doit avoir en effet une force considérable. Nous croyons cependant qu’il ne faut pas ajouter une entière confiance à ce que rapportent plusieurs voyageurs d’enlèvements de jeunes Négresses ou de Négrillons que les chimpanzés auroient traités avec bienveillance au fond de leurs forêts, et nous som- mes même disposé à regarder comme un conte fait à plaisir l’histoire de cette Négresse qui auroit vécu trois ans avec un singe de cette espèce épris de ses charmes, et pour laquelle il auroit construit une hutte de feuillage. Si les habitudes de ces orangs sont aussi impar- faitement connues, on ne doit pas s'attendre à ce qu’on puisse supputer la durée de leur vie : on ne peut la fixer que par analogie avec celle de l’homme, en prenant pour point de départ l’accroissement d’un jeune chimpanzé comparé avec celui ‘d’un enfant du même âge; et de cet examen on pourra obtenir une évaluation assez proche de la vérité, et qui donneroit pour médium une durée de trente années. Dans les forêts où ils vivent, les chimpanzés s’accommodent de tout ce qui tombe sous leurs mains : les fruits, la gomme arabique, les œufs d'oiseaux qu’ils dénichent adroitement, les reptiles et les mollusques terrestres, forment la base de leur existence. Ils se livrent aussi parfois avec succès à la pêche ; et on cite d’eux des preuves d’une grande intelligence et de beaucoup d’adresse pour manger les mollusques des coquilles bivalves. Un chimpanzé mort à Liverpool en 1818, et qui avoit été acheté par un Anglois à l’île des Princes, fournit au docteur Traill l’occasion de publier des observations qui s'accordent en grande partie avec DES MAMMIFÉRES. celles de Buffon : elles en diffèrent toutefois en ce que l'individu étudié par M. Traill avoit la plus grande répugnance à se tenir debout. Lorsqu'il mar- choit, il n’appuyoit point sur le sol la face palmaire des mains ni la plante des pieds ; mais repliant for- tement les doigts, le corps se trouvoit porter en en- tier sur les poignets : ce qui prouve, à notre avis, que ce singe n’avoit pas encore eu le temps d’être façonné à la station bipède, station qui, soit dit en passant, n’est jamais complétement naturelle à au- eun individu de ce genre. M. Geoffroy Saint-Hilaire suppose que cette différence d'habitude pourroit tenir à une différence d’espèce, et à ce sujet il rap- porte que M. de Blainville se trouve posséder un crâne de chimpanzé distinct de celui qui existe au Muséum (1): Mais il est facile de préjuger que des différences énormes caractérisent les têtes de ces orangs africains, suivant les âges et même les sexes. On ne connoïit encore qu’une seule espèce de chimpanzé, bien qu’il soit possible qu’un jour on puisse en distinguer plusieurs. | — LE CHIMPANZÉ A COCCIX BLANC. Pithecus leucoprymna, Less. (?). Nous avons résumé dans l’article précédent tout ce que l’on savoit du chimpanzé d'Afrique. Dans () «M. de Blainville a acquis pour le Cabinet de la » Faculté des Science un crâne de troglodyÿte assez dif- » férent de celui de notre chimpanzé. Son volume est » plus considérable d’un peu plus du tiers; en ligne » droite, et d'avant en arriére, sa longueur n’excédoit » que d’un pouce et demi; mais d’ailleurs ee crâne est » parfaitement ossifié : il avoit produit toutes ses dents » molaires, qui étoient bien au nombre de cinq. Il » porte aussi tous les caractères d’un animal parvenu » à son entier développement. Le chimpasnzé de Buffon » seroit, sans aucun doute, arrivé à une taille plus con- » sidérable. J'ai comparé ces deux erânes de chimparzé. » Les différences tiennent à celles qu'introduisent les » développements d’un âge plus avancé.Dans le crâne » adulte, ou celui de la Faculté, la crête sourcilière » forme une lame avancée au-dessus des yeux qui pro- » duit un effet très singulier. Le trou occipital est beau- » coup plus reculé, laissant hors de lui postérieurement » la longueur de son diamètre pour quatre à cinq de » ces longueurs en devant. Les mâchoires, principale- » mert l'inférieure, étoient remarquables par l'excès de » leur largeur, et je n’ai point trouvé qu'on dût regarder » cet excès comme occasionné parle développement » des dents canines, quiexcèdent peu en grosseur et en » longueur les dents voisines. » (Geoffroy Saint-Hilaire, Cours de 4828, VIe leçon sténographiée, p. 20.) (2) Illust. de zoologie, pl. 32: T. pilis rudis, niger- rimis; natibus niveis ; facie nudä rufo-carned : hab. Guinea, Congo. 181 celui-ci il ne s’agira que de la description de l’espèce que nous avons fait figurer, d’après un individu pris sur la côte de Guinée, conduit au Brésil, où il a vécu long-temps, et que nous à communiqué M, De- lâtre, qui en possède la dépouille à Paris. Ce chimpanzé présentoit les dimensions sui- vantes : Pouces. Lignes, HAUTEUR RME MIN LI EG Diameétre aUThoraAx ee E 00) Longueur de la face, de la symphyse à la HAsSeduAIRonL M 6 ————— deSOrelllES Me ee 3 Largeur des oreilles. . «+ : « . ————— de la bouche. . . . . . Longueur du corps: + + =. + 1. ————— des bras. . , . . . . . => à LU + & D ND À a ———-—— des MAINS Er. 0 8 ————— desjambes, , . . . . , 12 » ————— AS NIEUS EC CC 4 » Les mâchoires sont renflées, saillantes, munies de dénts de même forme que celles de l’homme, et recouvertes par deux lèvres minces, très fendues, à commissure linéaire. Le nez est rentré, concave, perforé par deux narines très ouvertes , ovalaires, isolées par une mince cloison. Les yeux sont oblongs, séparés par un intervalle plane, garnis de cils, sur- montés d’arcades arrondies, à peine proéminentes. Le front est légèrement bombé, puis déclive. Le menton est convexe. Toute la face est nue, ayant quelques poils sur les pommettes, qui sont peu saillantes. Des favoris épais couvrent les côtés des joues et s'unissent sous le menton. La tête est arron- die, abritée de cheveux peu touffus, longs sur l’oc- ciput et courts sur le sommet de la tête. Les orcilles sont larges, hautes, médiocrement déjetées en ar- rière, à conque rebordée, à pavillon dessiné comme chez l’homme. Les bras sont allongés, à faisceaux musculaires assez robustes, couverts de poils dirigés de haut en bas sur les bras, et de bas en haut sur Pavant-bras. La main est longue, à doigts nus, à paume épaisse, à pouce très court, très étroit. Tous les ongles sont aplatis, blanchâtres. La verge est mince, pointue, surmontant un petit scrotum. Les fesses sont sans aucune callosité; les jambes sont courtes, épaisses. Les pieds ont un pouce opposable, un peu plus prononcé qu’aux mains; ils sont dénu- dés, calleux sur le bord externe. Les poils de ce chimpanzé sont entièrement rudes , flexueux, peu serrés, excepté sur le dos, les épaules et le dehors des membres ; ils sont beaucoup plus rares sur le thorax. Le ventre est en dedans des membres : les mamelles sont au nombre de deux, ayant chacune un petit mamelon arrondi, dénudé sur son pour- tour. Le pelage est noir, profond partout, excepté le 182 pourtour de l’anus, qui est largement bordé de poils blancs jaunâtres allongés, Nous n'avons pas vu de traces de callosités sur les fesses. L’ORANG-OUTAN(). Pithecus satyrus. DESM., sp. 5 (?). (Pl 4e12*) La plus ancienne indication que nous puissions citer de l’orang dont nous allons parler est celle de Jonston, sous le nom d’orang-outan Indorum. Nous en retrouvons ensuite une figure fort gros- sière dans l'Histoire naturelle et médicale des Indes orientales de Bontius, publiée à Amsterdam en 1658; et quelques auteurs pensent que c’est encore le même animal dont il s’agit dans Charlet (1677), sous le nom de satyrus indicus ou drill, et dans Du- halde (Description de l'empire de la Chine, 1756), sous le nom de sinsin, usité parmi les Chinois. A ."ces vagues notions, à des renseignements superfi- ciels, fut bornée pendant long-temps l’histoire de l’orang-outan , que Brisson et Linnæus confondirent avec le chimpanzé : ce n’est que fort tard que Buf- fon lui-même s’aperçut que ces deux animaux étoient évidemment distincts l’un de l’autre, et il compléta les descriptions qu’il en avoit données par () Nom malais, que tous les auteurs ont écrit à tort orang-outang, et jusqu'à ce jour affecté à l’orang d’A- sie, que plusieurs zoologistes nomment aussi orang roux. ; (2) Simia satyrus, L. Gm. Erxleb. : joc4xo, Buffon, Suppl., t. VIH, f. 1 ; simia satyrus el simia agrias, Secreber, f. 2, et 2 B,2 C ; jocko, Audeb., fam. 1,$. 1, pl. 2; Cuvier (Georges), Régn. anim., t. 1, p. 102; Sbaw, Gen. Zool., t. 1, p. I, p. #, pl. 3 ei 4;F. Cuvier, ist. des Mamsnif. 42e liv., juin 1824; Ann. du Mu- séum, t. XVI, p. 46; Dictionn. des Scienc. natur., L. XXX VI, p.281; Pennant, Quadr., n° 64, p. 96 ; pongo, Bory Saint-Vincent, Diction. class. d’'hist. nat., t. XIT, p. 272, avec une (rés bonne figure; Griffith, Régn. anim. , trad. angl., avec planches; Donavan , Rép. du natur., no 49 à 24; the man of the wood, Edwards, Glan,.,t,1,pl. 23; Abel, Ambass. de lord Amerhst, fig. ; pongo , Encyclop. pl. 5, f. 1; Legat, Voyag., t. Il, p. 95; Bontius, Znd. or., p. 84, fig. ; simia orany- outang, Klein, Quadr., p. 86; Vosmaër, 1778, in-4, Amst.;Tilésius, Voyage de Krusenstern autour du monde ; pongo Würmbii, Desm., sp. 7; grand orang- outang, ou pongo, Wurmb, Trans. soc. bat., t. If, p. 245; Geoffroy Saint-Hilaire, Journ. de physique, 4798 , 1. I, p. 542; et Leçons sténographiées, cours de 1828, p. 31; singe de Wurmbii, Audebert, Singes, avec la figure du squelette, pl. 2, f. 5 et6; de Blainville, Note surl’orang-outang, Journ. de physique , 1818, t. I, p. 311; Bory Saint-Vincent, Dicl. class., t. XII, p.276; F. Cuvier, Dict. des Scienc. natur.,t. XXXVE, p. 285. 7 HISTOIRE NATURELLE des annotations qu’on trouve dans ses Suppléments. Cependant, dans l'intervalle de 1758 à 1764, Ed- wards avoit publié une excellente figure de ce qu’il appeloit homme des bois. Le naturaliste anglois Shaw a reproduit dans sa planche 4 cette figure d'Edwards, et y a joint celle de Vosmaër (pl. 5), et celle d’Allamand, gravée dans l'édition hollandoise de Buffon. Depuis ce temps l’histoire de l’orang-ou- tan a été enrichie d’un grand nombre d’observations nouvelles, dont les principales sont dues à MM. Ti- lésius, compagnon de l'amiral Krusenstern dans son voyage autour du monde, Donavan, Frédéric Cu- vier, Clarke-A bel et Griflith ; et des portraits d’une grande vérité, dessinés en diverses contrées, sont venus donner une idée complète de ses traits : parmi ces dessins exacts nous citerons ceux de Ma- réchal, conservés dans les vélins du Muséum, et dont M. Bory a donné une copie dans l’atlas du Dictionnaire classique d'Histoire naturelle; une figure dessinée par M. le baron Cuvier, et gravée dans l'Iconographie de M. Guérin; celles enfin de MM. Frédéric Cuvier et Griffith. La gravure pu- bliée par Audebert ne donne point une idée assez exacte de cet orang pour que nous puissions la citer avec les précédentes (1). L’orang-outan diffère du troglodyte noir ou chim- panzé par des particularités évidentes d’organisation physique. Ces deux grands singes ne se ressemblent ni par les proportions des membres ni par les traits de la physionomie et la couleur du pelage : cepen- dant il faut avouer qu’on ne connoît bien que le jeune âge de cet animal, et même le sexe féminin ; car ce n’est que par des rapprochements faits d’a- près des documents écrits que le grand orang tué dans l’île de Sumattra en est regardé comme l’âge (‘) Les journaux françois de 4835 contenoient, sur le jeune orang qui a vécu au jardin des Plantes, la note suivante : «Le jeune orang-outan vivant, annoncé par M, de Blainville à l'Académie, dit l'Echo, est arrivé dimanche 45 mai au Muséum, Il a été aussitôt installé dans la ca- bane qu’on lui avoit préparée au-dessus de celles des autres singes, dans le double but d’en rendre la vue facile au public et de pouvoir lui prodiguer les soins qu’exige un animal aussi rare et aussi précieux. » M. le capitaine Vansghen, qui a lui-même amené son jeune orang au Muséum, a bien voulu nous dire son histoire ; elle intéressera certainement nos lecteurs. Il s’'adressa, pour avoir up orang, à quelques chasseurs de lile de Sumatra, dans laquelle cet animal est du reste trés rare.Les chasseurs s'étant mis aussitôt en recher- che, rencontrérent une femelle portant son petit encore fort jeune. » Cette femelle, poursuivie avec ardeur, se réfugia sur un arbre dont toutesles branches furent successi- vement abattues par les chasseurs. Une seule branche restoit encore, celle qui supportoit l'animal; celui-ci, se voyant cerné de toutes parts, alloit s'élancer sur un LOTS (AUD ALU TE Î ) = = ER ANT SE 4 1An7 -vulan, Pithecus Salvrus . DES MAMMIFÉRES. adulte, dans la plénitude de ses développements corporels. Quant au pongo de Wurmb, ce n’est qu'avec doute que des naturalistes ont émis l’opi- nion qu'il pourroit bien être l’orang- outan très avancé en âge; et plusieurs, encore aujourd’hui, ne balancent point à en faire une espèce distincte, dont nous donnerons plus tard les caractères. Si l’orang-outan a la tête plus grosse, plus arron- die, en un mot plus humaine que le chimpanzé ; si son cerveau est plus amplement développé; si son intelligence semble devoir marquer sa place après l’homme dans nos méthodes zoologiques, l’allonge- ment disproportionné de ses membres lui fait con- _tracter des liaisons plus intimes avec les gibbons, dont les formes sont déjà très dégradées. L’angle facial est plus aigu que celui du chimpanzé; mais cette obliquité n’est peut-être aussi apparente que parce que les crêtes sourcilières sont effacées, et ne forment point, comme chez le troglodyte, des arêtes larges et saillantes. Les bras de l’orang-outan sont beaucoup plus longs que ceux du chimpanzé, puis- que les mains, lorsque l’animal est debout, attei- gnent presque les chevilles des pieds. La main est très longue, et le pouce ne dépasse point la pre- mière phalange de l'index. Pour peu que Panimal se baisse, les membres antérieurs touchent à terre; arbre voisin, lorsqu'un homme de la troupe lui coupa d’un coup de hache une des mains de devant. La mére saisit alors son petit avec la main qui lui restoit ; mais comme il lui fut dès lors impossible de se soutenir au milieu des arbres, elle ne tarda pas à tomber au pouvoir de ses agresseurs. » Elle fut alors emmenée ainsi que son petit; mais les fatigues du voyage et la chaleur extrême augmenté- rent la gravité de sa blessure, et une dégénérescence gangréneuse la fit bientôt périr. Le petit survécut : son âge fut approximalivement évalué à six semaines; cel animal étoit entièrement nu, et ce ne fut que plus tard que Îles poils qui couvrent arjourd'hui son corps com- mencérent à se développer. Ceux du dos parurent d'a- bord, puis ceux du ventre et des parties inférieures. Néanmoins l'animal avoit déjà fait ses dents incisives et les canines; ses molaires, aujourd'hui au nombre de trois de chaque côté et à chaque mâchoire, se montré- rent plus tard,mais sans occasionner aucun malaise ap- préciable. » Le jeune orang fut nourrien partie avec de la houil- lie qu’on étoit obligé de lui donner comme on la donne à un enfant; il étoit alors très foible et peuintelligent ; maintenant il est très aclif, doux de caractére, et sensi- ble aux caresses. Il affectionne surtout M. Vansghen, maisilest familier avec tout lemonde; il prendla main, s'accroche aux jambes de ses visiteurs, et monte jus- que sur leurs épaules. C'est en lui donnant des soufflets ou même des coups de corde que le capitaine le corrige quand il est trop turbulent; il s'assied alors dans un coin, se cache la figure de ses bras, et pleure parfois; dans ce dernier cas, il porte ses mains sur ses yeux comme pour les essuyer. » 11 joue avec les enfants, et il prend avec eux 133 et comme ils sont beaucoup plus longs que les posté- rieurs , il en résulte une impossibilité physique de courir à quatre paltes, comme nous le développe- rons ailleurs. L'orang qui nous occupe a les oreilles petites, arrondies, de moitié moins grandes que celles du chimpanzé ; elles sont nues et colorées en noir, aussi bien que la face et le dedans des pieds et des mains. Les poils qui recouvrent le corps sont beaucoup plus épais et plus fournis sur les parties supérieures et externes des membres que sur le ventre et la poi- trine, où ils sont rares et où ils disparoissent com- plétement; ceux qui sont implantés sur la tête par- tent du vertex, et retombent en tous sens sur les côtés en imitant une chevelure qui seroit mal pei- gnée. De même que chez l’homme les poils des bras se dirigent de haut en bas depuis l'épaule jus- qu'au coude, tandis qu’ils affectent un sens inverse sur l’avant-bras en rebroussant du poignet vers le bras. Ces poils longs et mous, rarement crépus, sont dans le jeune âge d’un blond cendré, puis en vieillissant ils deviennent secs et rigides, et leur couleur est alors d’un roux ardent. La teinte de la peau est un formément d’un bleuûtre ardoisé, et sur toute sa surface elle est finement ridée, comme chagrinée, ce qui annonce un défaut d’adhérence beaucoup plus de ménagements qu'avec les grandes personnes. Il est aussi quelques animaux avec lesquels il sympathise, mais il ne peut souffrir!les chats; il n'aime pas non plus les autres singes; il affectionne les chiens d'une manière toute particulière, elle capitaine recom- mande de mettre dans sa loge un jeune animal de celte espêéce pour lui tenir compagnie.Il paroïît en effet aimer beaucoup la société, el il entre en colère dés qu’il se trouve seul, brise alors et déchire tout ce qui est à sa portée. On peut au contraire faire de lui ce que l'on veut en le mettant au milieu de quelques personnes: il joue avec elles, et aime surtout qu'on le bouscule, qu’on le roule de toutes les façons. » On n’avoit jusqu'ici possédé en France qu’un seul orang vivant, encore ce singe éloil-il trés malade et presque mourant lorsqu'il y est arrivé. Cet orang, dont la peau bourrée existe encore à la galerie zoologique, a vécu quelques semaines seulement à la ménagerie de la Malmaison, il y a environ trente années, Celui que l’on doit à M. Vansghen est en parfaite santé; on remarque tout d'abord le volume de son ventre , sa maniére lente de marcher et presque comme un cul-de-jatte, et au contraire sa légéreté à grimper ct son intelligence. » Nous l'avons vu à la fenêtre de sa loge tenant avec sa main de derrière (les singes ont des mains au lieu de pieds) un verre d’eau sucrée, elavec l’une de ses mains supérieures un biscuit qu'il trempoit dans la liqueur chaque fois qu’il vouloil en prendre une bouchée. » Nous apprenons que Île généreux capitaine Van- sghen a refusé de vendre son orang aux naturalistes de Londres au prix de 5,000 fr. qui lui étoient offerts, pendant qu’il attendoit la réponse des professeurs du Muséum de Paris, auxquels il l’avoit proposé pour la somme de 3,900 fr. » 184 de l’épiderme avec le tissu cellulaire, particularité anatomique encore plus remarquable sur la poitrine, où Ja peau, par la laxité de son tissu, forme souvent comme des fanons pendants. C’est principalement sur le nu du ventre, des aines et des aisselles, que cette teinte bleuâtre de la peau est plus foncée : elle prend même un aspect noir assez intense sur le vi- sage, où la couleur de chair dessine à peine le pour- tour des yeux et la muqueuse des lèvres. Les ongles qui terminent les doigts des mains et des pieds sont noirs. Camper avoit cru que l’un des caractères de l'orang-outan étoit de ne point avoir dongle au pouce du pied; ce célèbre anatomiste a été en cela suivi par Shaw et par plusieurs naturalistes, bien qu’on ne doive attribuer ce manque d’ongle, dans le sujet observé par Camper, qu’à une circonstance purement individuelle. I paroît aussi que cet ongle ne se développe jamais complétement, c’est-à-dire qu'il reste à l'état rudimentaire ou qu’il tombe de bonne heure. Edwards, plus correct sous ce rapport que ses successeurs, n’avoit point oublié de faire figurer cet organc dans le portrait qu’il à laissé de son chesnut coloured jocko, ou man of the wood. Toutefois, si le pouce de la main est opposable comme chez l’homme, et si par sa longueur et par ses facultés de préhension il jouit des mêmes mou- vements, il n’en est plus de même du pouce du pied qui se trouve très déjeté en arrière, et sur le côté où il forme un angle de quatre-visgt-dix degrés avec les autres doigts. Ainsi l'orang-outan est remarquable par sa fäce néire et son museau légèrement avancé. Son nez, tout-à-fait aplati à la base, ne s'élève que près des ouvertures nasales. Ses yeux, à iris brun, brillent au fond de l’orbite qui les protége rapprochés et de médiocre grandeur, leur forme est ovalaire , et leur plus grand diamètre placé dans le sens vertical. De la barbe, des favoris, couvrent le menton et les joues. La poitrine est large et bombée. Les bras, ainsi que nous l'avons dit, sont longs; mais les cuisses et les jambes sont proportionnellement beaucoup plus courtes. Le ventre, chez tous les in- dividus qu’on a observés dans les premières années de leur vie, ilest vrai, étoit démesurément gros, et cette particularité se trouve reproduite dans les deux figures de Vosmaër et dans celles de MM. Gcor- ges et Frédéric Cuvier. Deux sacs membraneux dé- couverts par Camper occupent les côtés du larynx, et paroissent avoir pour but de modifier le timbre de la voix. Enfin les muscles fessiers ont bien moins de développement que chez le chimpanzé, et les mollets sont aussi beaucoup moins saillants et beau- coup moins bien dessinés. Les très jeunes orangs sont caractérisés par le peu de poils qui les recouvre, et par la douceur de leur peau, également lisse sur toute se surface. HISTOIRE NATURELLE Leurs très petits yeux, leur nez aplati, la grande distance qui sépare la lèvre supérieure des narines, prêtent à leur physionomie enfantine un aspect bizarre sans doute, mais où se peignent toutefois la douceur du jeune âge et l’innocence des premières années. La grandeur à laquelle parvient l’orang-outan n’est point précisément connue. Les individus qu’on a vus vivants en Europe n’avoient point encore passé leur troisième année, et n’offroient par con- séquent que deux pieds six pouces à trois picds. La taille la plus ordinaire des individus adultes dont parlent les voyageurs est d'environ quatre pieds et quelques pouces; mais un orang tué récemment dans l’ile de Sumatra a offert jusqu’à sept pieds six pouces et demi de hauteur, mesure angloise qui ré- pond assez exactement à six pieds et demi de la me- sure de France. Le cours de la vie de ces animaux est trop peu connu pour que nous puissions nous rendre compte des modifications nombreuses qu’ils viennent à éprouver par la succession des années : tous les jeunes individus qui ont été étudiés en Eu- rope étoient remarquables par leur sagacité et leur intelligence, et à ces qualités naturelles se joi- guoient des habitudes posées, un air calme et réflé- chi, et des dispositions amicales et bienveillantes. Les orangs d’un âge plus avancé qui ont été pour- suivis dans les forêts qui leur serventde retraite ont paru avoir le sentiment de leur vigueur ; ils n’ont point craint de se mesurer avec leurs agresseurs, de repousser en un mot la force par la force, et de mériter, par ces simples actions du droit naturel et primitif, la réputation de férocité attachée à leur nom; l’âge, en usant toutefois l’énergie de leurs or- ganes des sens, en dégradant les pièces osseuses qui les protégent, semble les rapprocher encore plus de la condition des brutes; et tel seroit le pongo, s’il est évidemment un orang-outan, vers le déclin de sa carrière. De tels exemples dans la nature ne sont pas rares d’ailleurs, et on les retrouve aussi bien chez les singes que chez un grand nombre d’autres quadrupèdes. On ne sait point encore si l’on ne doit admettre qu’une seule espèce d’urang-outan. Celle que nous décrivons habite exclusivement les grandes îles si- tuées sous l’équateur , dans l'archipel de la Sonde, et ne paroît point avoir jamais été rencontrée ail- leurs qu’à Bornéo et à Sumatra. Les individus qu’on a observés sur la presqu’ite de Malacca y avoient été portés par les trafiquants malais, et ni Ja Co- chinchine, ni la Chine, ni Java, et encore moins les Moluques, n’en produisirent jamais. Les orangs-oulans ne vivent que de fruits et de racines au milieu des vastes forêts qui leur servent de refuge, dans ces profondeurs impénétrables où jamais l’homme ne porta ses pas. Ils en parcourent DES MAMMIFÈRES. les solitudes à l’aide des branches, car l’organisa- tion de leurs membres est disposée de manière à offrir les conditions les plus favorables pour gra- vir sans effort Les troncs des arbres les plus élevés ; mais leur démarche à terre paroït devoir être gênée par les articulations des membres, et la station bi- pède, entre autres, seroit impossible au-delà de quelques instants par l’excès du poids des parties antérieures qui ne seroient point tenues en équi- libre par des faisceaux de muscles assez puissants en arrière: il n’est pas jusqu’à la marche sur les quatre pieds qui ne soit gênée par le grand allonge- ment des bras, disposition qui fait que les orangs, dont le corps est presque toujours en repos sur les membres inférieurs, sont obligés, lorsqu'ils veulent se déplacer, de s'appuyer sur les doigts des mains et des pieds repliés de manière que leurs longs bras font l’oflice de béquilles qui supportent le poids du corps, et permettent de le lancer en avant absolument de la même manière que le font les culs-de-jatte qui implorent la pitié publique dans les rues. Pris jeunes, les orangs se façonnent à l’escla- vage. Ils apprennent aisément à répéter une foule d’actes qu’ils voient reproduire sous leurs yeux ; on en connoit plusieurs qui ont su remplir les offices d’un domestique bien dressé; mais en général, tristes et chagrins, ces singes, transportés loin du climat qui les a vus naître, finissent par périr des suites d’habitudes qui sont diamétralement oppo- sées à leur organisation. Par les détails que l’on vient de lire, on doit avoir une idée générale de l’orang-outan ; mais notre des- criplion seroit trop incomplète si nous ne lui ajou- tions pas, comme complément, des extraits étendus des travaux spéciaux qui le concernent, et dont la publication date de ces dernières années. Au pre- mier rang nous citerons le travail plus ancien et fort bien fait de M. Fr. Cuvier, sur une jeune fe- melle qui vivoit au château de la Malmaison. « Cet orang-outan n’avoit pas plus de vingt-six à trente pouces de hauteur étant debout. Les bras, depuis l’aisselle jusqu’au bout des mains, étoient longs de dix-huit pouces, tandis que les extrémités inférieures depuis le haut de la cuisse jusqu’au tarse n’avoient que huit ou neuf pouces. Les doigts des pieds avoient la même stature que ceux de la main ; chacun d'eux étoit muni d'un ongle, et tous jouis- soient d’une grande mobilité. On n'observoit pas les moindres vestiges de queue, et les fesses dépour- vues de toute callosité étoient nulles ainsi que les mollets. La tête ressembloit beaucoup plus que celle d'aucun autre animal à la tête de l’homme; le front en étoit élevé et saillant, et la capacité du crâne fort étendue; mais elle étoit portée sur un cou très court, L 155 La langue, semblable à celle des autres singes, étoit très douce à sa surface, et quoique les lèvres fussent extrêmement minces et peu apparentes, elles avoient la faculté de s'étendre considérable ment:on ne trouvoit dans la bouche aucune trace d’abajoue. » La vulve fort petite avoit ses lèvres à peine sen- sibles, et son clitoris étoit entièrement caché: mais de chaque côté de cet organe on voyoit une tache couleur de chair où la peau sembloit être d’une nature-plus molle et plus fine que celle des autres parties, ce qui sembleroit être une indication des lèvres. Deux mamelles se trouvoient placées sur la poitrine comme chez les femmes. Le ventre étoit naturellement fort gros. » Un poil roux, plus ou moins foncé, plus ou moins épais sur les différentes parties du corps, couvroit presque entièrement cet animal: la peau étoit généralement ardoisée; mais les oreilles, le tour des yeux, le museau, l’intérieur des mains ct des pieds, les mamelles et une bande longitudinale sur le côté droit du ventre, étoient couleur de chair cuivrée. Les poils de la tête, des avant-bras et des jambes, étoient d’un roux plus foncé que ceux des autres parties, et sur la tête, le dos et les parties su- périeures des bras, ils étoient plus épais que partout ailleurs; le ventre en étoit peu fourni, et la face en avoit moins encore: la lèvre supérieure, le nez, la paume des mains et la plante des pieds, étoient les seules parties qui fussent entièrement nues. Tous les poils étoient laineux et de même nature, et ceux de la tête, en général plus durs, se dirigeoient tous en avant. La peau, et principalement celle de Ja face, étoit grossière et chagrinée, et celle du des. sous du cou si flasque que l'animal sembloit avoir un goitre lorsqu'il étoit couché sur le côté. » Cet orang-outan étoit entièrement conformé, dit M. Frédéric Cuvier, pour grimper et faire des arbres sa principale habitation; mais s’il gravissoit avec aisance, en revanche il marchoit péniblement : du reste une grande lenteur earactérisoit tous ses mouvements ; mais la marche sur le sol étoit d’une extrême difficulté. Pour se reposer il s’asseyoit sur les fesses ayant les jambes reployées sous lui à la manière des Orientaux. 11 se couchoit indistincte- ment sur le dos ou sur les côtés, en retirant ses jembes à lui, et croisant ses bras sur sa poitrine ; alors il aimoit à être couvert, et pour cet effet il prenoit toutes les étoffes, tous les linges qui étoient placés à proximité. » Cet animal employoit ses mains comme nous employons généralement les nôtres, et l’on voyoit qu’il ne Jui manquoit que de lexpérience pour en faire l’usage que nous en retirons dans un très grand nombre de cas particuliers : il se servoit de 9, 24 186 -ses doigts pour porter à la bouche ses aliments, parfois il les saisissoit avec ses longues lèvres ; et sa manière de boire consistoit à humer l’eau, en se servant de l’élasticité de ses lèvres pour former un tube. Son odorat étoit soigneusement interrogé pour lui faire connoître les aliments avec lesquels il n’é- toit point familiarisé; ce sens, éminemment per- fectionné, ne le trompoit jamais. Il mangeoit indis- tinctement des fruits, des légumes, des œufs, du lait, de la viande; il aimoit beaucoup le pain, le café et Les oranges, et une fois il vida, sans en être incommodé, un encrier qui tomba sous sa main. Il ne mettoit aucun ordre dans ses repas, et pouvoit manger à toute heure du jour comme les enfants. Sa vue étoit fort bonne, ainsi que son ouïe, et la musique ne produisit pas la moindre sensation sur ses sens. Pour se défendre, cet orang-outan mordoit et frappoit de la main; mais ce n’étoit qu’envers les enfants qu’il montroit quelque méchanceté, plutôt par impatience que par colère: en général il étoit doux et affectueux, et il éprouvoit un besoin natu- rel de vivre en société. Il aimoit à être caressé, donnoit de véritables baisers, et paroissoit trouver un plaisir fort grand à téter les doigts des person- nes qui l’approchoient; mais il ne tétoit pas les siens. Son cri étoit guttural et aigu; il ne le faisoit entendre que lorsqu'il désiroit vivement quelque chose. Alors tous ses signes étoient très expressifs : il secouoit sa tête en avant pour montrer sa désap- probation, boudoit lorsqu'on ne lui obéissoit pas, et quand il étoit en colère il crioit très fort en se roulant par terre, et alors son cou se gonfloit sin- gulièrement. » Cet orang-outan arriva à Paris dans les com-. mencements du mois de mars 4868 ; il provenoit de Bornéo, où il avoit été pris à l’âge de trois mois. Con- duit à l’ile de France où il avoit séjourné le même espace de temps, puis de là en Espagne où il fut expédié par terre en France en mettant deux mois à faire ce trajet, son âge étoit done de dix à onze mois vers la fin de l'hiver de 1898 ; mais les fatigues de la traversée, le froid qu’il éprouva en franchis- sant les Pyrénées, détruisirent sa santé, et après cinq mois de séjour en France il mourut. » Cet animal, bien différent de ceux dont on a fait l’histoire, n’avoit été soumis à aucune éducation particulière , et m’avoit reçu d’autre influence que celle des circonstances au milieu desquelles il avoit vécu. Il ne devoit rien à l'habitude ; toutes ses actions étoient indépendantes, et les simples effets de sa volonté. Ces actions, soigneusement étudiés par M. Frédéric Cuvier, sont tellement intéressantes que nous croyons devoir les citer textuellement et sans abréviations. « Lanature a donné aux orangs-outans assez peu de moyens de défense. A près l’homme, c’est peut-être l’a- HISTOIRE NATURELLE nimal qui trouve dans son organisation les plus foibles ressources contre les dangers; mais il a de plus que nous une extrême facilité à grimper aux arbres, et à fuir ainsi les ennemis qu’il ne peut combattre. Ces seules considérations sufliroient pour faire présumer que la nature a doué l’orang-outan de beaucoup de circonspection. En effet la prudence de cet animal s’est montrée dans toutes ses actions, et principale- ment dans celles qui avoient pour but de le sous- traire à quelque danger. Cependant sa vie paisible et douce , tant qu’il a été sous mes yeux , ct l’impossi- bilité de le soumettre à des épreuves rigoureuses dans l’état de foiblesse où il étoit, m’ont empêché de multiplier en ce genre mes observations; mais aidé de celles qui ont été faites par M. Decaen pendant la traversée de l’ile de France en Europe, nous par- viendrons à prendre une idée assez exacte de ses fa- cultés naturelles. » Pendant les premiers jours de son embarque- ment cet orang montroit beaucoup de défiance en ses propres moyens, ou plutôt, ne pouvant appré- cier la cause du roulis, il s’en exagéroit les dangers. Il ne marchoit jamais sans tenir fortement en ses mains plusieurs cordes ou quelque autre chose atta- chée au vaisseau; il refusa constamment de monter aux mâts, quelque encouragement qu'il reçût des personnes de l'équipage, et il ne fut poussé à le faire que par la force du sentiment que la nature semble avoir porté dans cetle espèce à un très haut degré, celui de l'affection. Notre animal en ressen- toit constamment les effets; et il doit sûrement con- duire les orangs-outans à vivre en société et à se dé- fendre mutuellemeni quand quelques dangers les menacent, comme le font la plupart des autres ani- maux qui sont portés par leur nature à vivre réunis. Quoi qu’il en soit, notre orang-outan n’eut le cou- rage de monter aux môts que lorsqu'il eut vu M. Decaen, son maître, y monter lui-même; il le suivit, et dès ce moment il y monta seul chaque fois qu'il en éprouva Île désir : l’expérience heureuse qu’il avoit faite lui donna assez de confiance en ses propres forces pour qu’il osût la répéter. » Les moyens employés par les orangs-outans pour se défendre sont en général ceux qui sont com- muns à {ous les animaux timides, la ruse et la pru- dence ; mais {out annonce que les premiers ont une force de jugement que n'ont point la plupart des autres, et qu’ils l’emploient dans l’occasion pour éloigner des ennemis plus forts qu'eux. » Notre animal, vivant en liberté, avoit coutume dans les beaux jours de se transporter dans un jar- din, où il trouvoit un air pur et les moyens de se donner quelque mouvement : alors il grimpoit aux arbres, et se plaisoit à rester assis entre les bran- ches. Un jour qu’il étoit ainsi perché, on parut vou- loir monter après lui pour le prendre ; mais aussitôt DES MAMMIFÈRES. il saisit les branches auxquelles on s’accrochoit, et les secoua de toute sa force, comme si son intention eût été d’effrayer la personne qui faisoit semblant de monter. Dès qu’on se retiroit, il cessoit de secouer les branches ; mais il recommencoit dès qu’on pa- roissoit vouloir monter de nouveau, et il accompa- gnoit ce geste de tant d’autres signes d’impatience ou de crainte que son intention d’éloigner par le danger d’une chute ou par une chute même celui qui menacçoit de le prendre fut évidente pour toutes les personnes qui se trouvoient en ce moment-là près de lui. Cette expérience, qui a été tentée plusieurs fois, a toujours eu les mêmes résultats. Souvent il se trouva fatigué des nombreuses visites qu’il rece- voit : alors il se cachoit entièrement dans sa couver- ture, et n’en sortoit que lorsque les curieux s’étoient retirés ; jamais il n’agissoit ainsi quand il n’étoiten- touré que des personnes qu’il connoissoit. » C’est à ces seuls faits que se bornent nos ob- servations sur les moyens des orangs-outans pour se défendre; mais ils suffisent, je pense, pour con- vaincre que ces animaux peuvent suppléer par les ressources de leur intelligence à celles qu’une foible organisation physique leur refuse. Les besoins natu- rels de ces quadrumanes sont si faciles à satisfaire qu’ils doivent trouver dans leur organisation assez de moyens pour n’être pas obligés d’exercer forte- ment, sous ce rapport, leurs autres facultés. Les fruits sont les aliments principaux dont ils se nour- rissent ; et , comme nous l’avons vu, leurs membres sont essentiellement conformés pour grimper aux arbres. Ilest donc vraisemblable que, dans leur état de nature, ces animaux emploient beaucoup plus leur intelligence à écarter les dangers qu’à chercher les objets de leurs besoins. Mais tous leurs rapports doivent nécessairement changer dès qu’ils se trouvent dans la société et sous la protection des hommes : leurs dangers diminuent, et leurs besoins s’accrois- sent. C’est ce que nous montrent tous les animaux domestiques, et ce que devoit à plus forte raison nous montrer notre orang-outan. En effet son intel- ligence à eu beaucoup plus d’occasions de s’exercer pour satisfaire ses désirs que pour se soustraire aux dangers. Je dois placer dans cette première division un phénomène qui pourroit tenir à l'instinct, le seul à peu près de ce genre que cet animal m'’ait offert. Tant que la saison ne permit pas de le laisser sortir, il avoit une coutume singulière, ct dont il auroit été diflicile de deviner la cause: c’étoit de monter sur un vieux bureau pour y déposer ses excréments ; mais, dès que le printemps eutramené Ja chaleur, etqu'’il fut libre de sortir de l'appartement, on trouva la raison de cette action bizarre. El ne manqua jamais de monter à un arbre pour satisfaire aux nécessités de cette nature ; on a même souvent employé ce moyen avec succès contre sa constipation habituelle. | 157 » Nous avons déjà vu qu’un des principaux be- soins de notre orang-outan étoit de vivre en société, et de s'attacher aux personnes qui le traitoient avec bienveillance. Il avoit pour M. Decaen une affection presque exclusive, et il lui en donna plusieurs fois des témoignages remarquables. Un jour cet animal entra chez son maître pendant qu’il étoit encore au lit; et dans sa joieil se jeta sur lui, l’embrassa avec force, ct, lui appliquant ses lèvres sur la poitrine S il se mit à lui téter la peau comme il faisoit souvent le doigt des personnes qui lui plaisoient. Dans une autre occasion cet animal donna à M. Decaen une preuve plus forte encore de son attachement. Il avoit l'habitude de venir à l’heure des repas, qu’il con- noissoit fort bien, demander à son maître quelques friandises. Pour cet effet il grimpoit par-derrière à la chaise sur laquelle M. Decaen étoit assis, de sorte qu’il ne pouvoit le voir de manière à le reconnoitre qu'après être arrivé à la partie la plus élevée du dossier de cette chaise : là, perché, il recevoit ce qu’on vouloit bien lui donner. A son arrivée sur les côtes d'Espagne M. Decaen fut obligé d’aller àterre, et un autre officier du vaisseau le remplaça à table : l’orang-outan , comme à son ordinaire, entra dans la chambre, et vint se placer sur le dos de la chaise sur laquelle il eroyoit que son maître étoit assis; mais, aussitôt qu’il s’apercut de sa méprise et de labsence de M. Decaen, il refusa toute nourriture, se jeta à terre, et poussa des cris de douleur ense frappant la tête. Je l’ai vu très souvent témoigner ainsi son impatience dès qu’on lui refusoit quelque chose qu’il désiroit vivement, et qu’il avoit sollicité. Cet orang-outan auroit-il été conduit à agir ainsi par une sorte de calcul? On seroit tentéde le croire ; car dans sa colère il relevoit la tête de temps en temps, et suspendoit ses cris pour regarder les personnes qui éloient près de lui et voir s’il avoit produit quelque effet sur elles et si elles se disposoient à lui céder : lorsqu’il eroyoit ne rien apercevoir de favorable dans les regards ou dans les gestes, il recommencoit à crier. » Ce besoin d’affection portoit ordinairement notre orang-oùtan à rechercher les personnes qu’il con- noissoit et à fuir la solitude qui paroiïssoit beaucoup lui déplaire, et il le poussa un jour à employer en- core son intelligence d’une manière très remarqua- ble. On se tenoit dans une pièce voisine du salon où l’on se rassembloit habituellement ; plusieurs fois il avoit monté sur une chaise pour ouvrir la porte du salon ; la place ordinaire de la chaise étoit près de cette porte, et la serrure se fermoit avec un pêne. Une fois, pour l’empêcher d'entrer, on avoit ôté la chaise du voisinage de la porte; mais à peine celle- ci fut-elle fermée qu’on la vits’ouvrir, et l’orang- outan descendre de cette même chaise qu’il avoit ap- portée pour s'élever au niveau de la serrure. Il est 188 certain que jamais on n’avoit enseigné à cet animal à agir de la sorte, et il n’avoit même vu le faire à personne. Tout ce qu’il avoit pu apprendre par sa propre expérience c’est qu’en montant sur une chaise il pouvoit s'élever au niveau des choses qui étoient plus hautes que lui, et il avoit pu voir par les actions des autres queles chaises étoient transportables d’un lieu dans un autre, et que la porte dont il est ques- tion s’ouvroit en poussant le pêne : tout le reste de cette action venoit de lui. Les hommes, au reste, ne sont pas les seuls êtres différents des orangs-ou- tans, auxquels ceux-ci peuvent s'attacher : notre animal avoit pris pour deux petits chats une affec- tion qui ne lui étoit pas toujours agréable; il tenoit ordinairement l’un ou l’autre sous son bras, et d’au- tres fois il se plaisoit à les placer sur sa tête: mais, comme dans ces divers mouvements les chats éprou- voient souvent la crainte de tomber, ils s’accro- choient avec leurs griffes à la peau de l’orang-outan, qui souffroit avec beaucoup de patience les douleurs qu'il en ressentoit. Deux ou trois fois, à la vérité, il examina attentivement les pattes de ces petits ani- maux ; etaprèsavoir découvert leur: ongles, il cher- cha à les arracher, mais avec ses doigts seulement : n'ayant pu le faire, il se résigna à souffrir plutôt qu’à sacrifier le plaisir qu’il trouvoit à jouer avec eux. L'instinct sembloit encore entrer pour quelque chose dans le mouvement par lequel il portoit ces petits chats sur sa tête. Si quelques papiers légers lui tomboient sous la main , il les élevoit sur sa tête ; s’il arrivoit à une cheminée, il en prenoit les cen- dres à poignée , et s’en couvroit la tête : il en faisoit de même avec la terre, avec les os qu’ils avoit ron- gés, etc. » Nous avons dit que pour manger il prenoit ses aliments avec ses mains ou avec ses lèvres; il n’é- toit pas fort habile à manier nos instruments de table, et à cet égard il étoit dans le cas des sauva- ges que l’on a voulu faire manger avec nos four- chettes et avec nos couteaux : mais il suppléoit par son intelligence à sa maladresse; lorsque les ali- ments quiétoient sur son assielte ne se placoient pas aisément sur sa cuillère, il la donnoit à son voisin pour la faire remplir. 11 buvoit très bien dans un verre, en le tenant entre ses deux mains. Un jour qu'après avoir reposé son verre sur la table il vit qu’il n’étoit pas d'aplomb, et qu’il alloit tomber, il plaça sa main du côté où ce verre penchoit pour le soutenir. Le premier de ces faits, qui a souvent été répété ici, a été vu de plusieurs personnes, et le second m'a été rapporté par M. Decaen. » Presque tous les animaux ont besoin dese ga- rantir du froid , et il est bien vraisemblable que les orangs-outangs sont dans ce cas, surtout dans la saison des pluies. J’ignore quels sont les moyens que ces animaux emploient dans leur état de na- HISTOIRE NATURELLE ture pour se préserver de l’intempérie des saisons. Notre animal avoit été halitué à s’envelopper dans des couvertures, et il en avoit presque un besoin continuel. Dans le vaisseau il prenoit pour se cou- cher tout ce qui lui paroissoit convenable : aussi, lorsqu'un matelot avoit perdu quelques hardes, il étoit presque toujours sûr de les retrouver dans le lit de l’orang-outan. Le soin que cet animal pre- noit à se couvrir le mit dans le cas de nous donner encore une très belle preuve de son intelligence. On mettoit tous les jours sa couverture sur un gazon devant la salle à manger; et après ses repas, qu'il faisoit ordinairement à table, il alloit dro't à sa couverture, qu’il plaçoit sur ses épaules, et re- venoit dans les bras d’un petit domestique pour qu’il le portät dans son lit. Un jour qu’on avoit re- tiré la couverture de dessus le gazon, et qu’on l’a- voit suspendue sur le bord d’une croisée pour la faire sécher, notre orang-outan fut, comme à l’or- dinaire, pour la prendre; mais, de la porte ayant aperçu qu’elle n’étoit pas à sa place habituelle, il la chercha des yeux, et la découvrit sur la fenêtre : alors il s’achemina près d’elle, la prit, et revint comme à l'ordinaire pour se coucher. » Nous avons déjà fait remarquer que cet animal étoit beaucoup trop jeune pour avoir pu nous mon- trer quelques phénomènes de son intelligence rela- tifs à la génération et à ses besoins. C’est donc ici que je terminerai tout ce que j'ai à dire sur les fa- cultés intellectuelles de l’orang-outan qui a fait le sujet de mes observations. » Tels sont les détails neufs et originaux dont nous sommes redevable à M. Fr. Cuvier. Nous les com- pléterons par les observations que le docteur A bel, naturaliste de l'ambassade de lord Amherst, à pu- blices sur un orang-outan de Bornéo qui fut trans- porté, sur le César, de Batavia en Europe, où il arriva en août 4847, et où il a vécu jusqu'au 4er avril 4819. « Le pelage de cetorang-outan de couleur rouge brunâtre couvroit abondamment le dos, les bras, les cuisses, et les parties supérieures des mains et des pieds. Les poils , en certains endroits du corps, avoient jusqu’à six pouces de longueur et cinq pou- ces sur les bras : mais sur le dos de Ja main et des pieds ils étoient très courts et clair-semés. Leur di- rection étoit de haut en Pas sur les reins, les bras et les jambes, et rebroussoient au contraire de bas en haut sur les avant-bras. Le visage étoit complé- tement nu, excepté sur les côtés, où s’implantoient de légers favori', et au menton, que recouvroit une barbe grêle. Le dessus des épaules de même que les coudes et les genoux étoient revêtus d’une bien plus petite quantité de poils que le reste des bras ou des jambes, et les surfaces palmaires et plantai- res des mains ct des pieds étoient entièrement ta- DES MAMMIFÈRES. pissées d’un épiderme lisse. Partout la peau offroit une couleur grise bleuâtre. La tête, vue de face, étoit pyriforme, c’est-à-dire qu’à partir du menton elle s’élargissoit de manière à ce que le haut de la tête fût la partie la plus développée. Voisins l’un de l’autre, les yeux dont l'iris étoit brun foncé rou- loient dans des orbites ovalaires ; les paupières qui les recouvroient étoient sillonnées de vergetures , et la portion du palpébral inférieur étoit remarqua- ble par son épaisseur et par les rides épaisses qui en parcouroient le contour. Le nez, dans la plus grande partie de son diamètre, ne s’élevoit point au-dessus du niveau de la face; il nese dessinoit par une légère saillie que vers son extrémité où les na- rines s’ouvroient obliquement sous forme de fissures étroites. La bouche avancçoit de beaucoup, et par son ensemble imitoit un mamelon élevé : elle ac- quéroit en s’ouvrant une ampleur démesurée ; mais en se fermant elle n’offroit l'apparence que d’une simple ligne, car les lèvres étoient extrêmement minces. Le menton fuyoit sous la bouche, et au- dessous pendoit une membrane lâche, susceptible de se gonfler lorsque l’animal étoit animé par des sensations fortes, soit de plaisir, soit de colère. Dans le repos, ce tissu lâche n’imitoit pas mal ce repli du peaussier et du tissu cellulaire qui chez l’homme donne lieu à ce qu’on nomme double menton. On comptoit vingt-quatre dents aux deux mâchoires : à chacune d’elles existoient quatre incisives, dont les deux du milieu du maxillaire supérieur se trou- voient du double plus larges que leurs deux voisi- nes ; on observoit encore deux canines et six molai- res. Les oreilles étoient remarquables par leur petitesse, et ressembloient parfaitement, par leur forme, à celles de l’homme ; mais dans une situa- tion plus élevée, puisque leur bord inférieur se trouvoit au niveau de l’angle externe de l'œil. La poitrine étoit beaucoup plus large que le bassin, et le ventre surtout avoit acquis un développement considérable. Les bras, par leur longueur démesu- rée et peu en rapport avec le corps, étoient aussi, toutes proportions gardées, bien plus prolongés que les extrémités inférieures. » Les mains étoient longues , relativement à leur largeur et à celles de l’homme, et chacune d’elles étoit divisée en doigts minces et eflilés. Le pouce surtout en éloit tellement court qu'il se terminoit au niveau de la première articulation du doigt indi- cateur. L’extrémité de chaque doigt se trouvoit re- vêtue d’un ongle noirâtre, parfaitement conformé et ovalaire, Les pieds surtout étoient fort longs, et par leur fonction comme par leur organisation ils ressembloient aux mains ; leurs talons toutefois pré- sentoient avec ceux de l’homme la plus frappante analogie ; le gros orteil très court formoit un angle 159 droit sur le pied , en arrière des autres doigts, et n'avoit point d'ongle. » L’orang-outan de Bornéo ne sauroit marcher debout, ainsi que sa conformation le prouve ; il n’essaya jamais volontairement de l’allure bipède. Sa tête, qui tombe en avant et hors de la ligne de gravité, étoit un obstacle puissant pour s'opposer à ce genre de locomotion. Il éprouvoit la plus grande difficulté à se tenir droit l’espace de quelques se- condes, lorsque son propriétaire l’exigeoit ; aussi, pour conserver son équilibre, se trouvoit-il con- traint de lever les bras, et de les jeter en arrière pour s’en servir comme d'un ba'ancier. Il chemi- noit sur la surface unie ‘du sol en y appuyant ses poings fermés , et soulevant le corps il lui donnoit un mouvement de balancement qui le faisoit avan- cer. Cette manière de marcher ne peut être bien rendue qu’en se figurant un homme privé de l’usage des jambes et marchant à l’aide de béquilles. Dans son indépendance l’orang-outan sans doute va très rarement sur la surface de la terre; tout dans sa structure annonce qu’il est destiné à vivre dans les arbres , qu’il est habile à grimper sur leurs troncs, et à s’accrocher à leurs branches. La longueur et la flexibilité des doigts des mains et des pieds les ren- dent très propres à saisir avec solidité et prestesse les tiges arrondies. La puissance de ses muscles lui permettoit de rester indifféremment suspendu, et sans grande fatigue, par une des extrémités. Les forêts sont pour lui un champ non interrompu qu’il peut parcourir en passant de branche en branche. Dans le repos, et pour s’asseoir sur une surface unie, l’orang-outan plie ses jambes sous lui; mais lors- qu'il veut demeurer assis sur la branche de l’arbre ou sur une corde, il s'appuie en entier sur les ta- lons en déjetant le corps en avant des cuisses. Il sait se servir de ses mains comme tous les indivi- dus de sa tribu. » Lorsque cet orang-outan arriva à Batavia on le laissa libre de ses actions ; quelques jours après, il fut embarqué sur le vaisseau le César qui devoit le transporter en Angleterre; mais lorsqu'on le prit à Bornéo pour le conduire à Java, il resta paisible tant que le petit bâtiment fut en pleine mer, et ne se livra à la violence de son caractère que lorsqu'il se vit renfermer dans une cage de bambou destinée à le transporter à terre. Il essaya de mettre en piè- ces les barreaux de sa cage en les secouant violem- ment avec les mains; mais, voyant qu'il ne pouvoit en venir à bout en les prenant en masse, il essaya de les briser isolément. Il en reconnut un plus foi- ble que les autres auquel il S’'acharna tant qu'il tint bon : étant parvenu à le rompre, il s’échappa. Lorsqu'on l’eut conduit à bord du vaisseau le César, on essaya de le retenir à une chaine fixée dans la 190 muraille du navire par un crampôn de fer ; il eut bientôt brisé ce lien, et se sauva en trainant après lui cette chaîne dont la longueur, gênant ses mou- vements, lui inspira la réflexion d’en rouler l’extré- mité, et de la jeter sur ses épaules. Après avoir plusieurs fois répélé ce manége, et ennuyé de ce que cette chaîne ne restoit point sur son dos, il finit par Ja prendre dans sa bouche afin de fuir plus à son aise. » Après plusieurs essais tout aussi infructueux que le précédent, on renonça à tenir cet orang- outan à l’attache , et il Jui fut permis dès lors de parcourir le vaisseau au gré de ses caprices. Il ne tarda point à se familiariser avec les matelots qu'il surpassoit en agilité; c'est en vain qu’ils essayèrent fréquemment de l’atteindre en le poursuivant sur les agrès, ces jeux ne servirent qu’à montrer toute l'étendue de son adresse, et la sagacité avec la- quelle il savoit éviter les piéges. Lorsqu’il étoit sur- pris, il cherchoit à devancer ceux qui le poursui- voient; mais lorsqu'il se trouvoit trop vivement pressé il saisissoit la première corde venue en se balancant ho:s de leur portée. D’autres fois négli- gemment couché dans les haubans ou sur la tête du mât , il attendoit que les matelots, qui croyoient le surprendre, fussent arrivés à le toucher : alors, par un mouvement aussi brusque que la pensée, il se jetoit sur quelque manœuvre courante, et se laissoit glisser comme un trait sur le tillac, ou s'élançant sur le grand étai, il passoit d’un mât à l’autre en se balançant sur les mains de même qu’un habile fu- nambule. En vain secouoit-on avec force les corda- ges minces auquels il s’accrochoit, ces secousses ne l'agitoient aucunement, tant ses muscles avoient de force et de puissance, pour maintenir les extrémi- tés sur les corps qu’elles embrassoient. Parfois lors- qu’il étoit de bonue humeur et en disposition de jouer, il s’élançoit dans les bras du matelot courant à sa poursuite, et après l'avoir touché de la mainil fuyoit d’un bond hors de sa portée comme pour le défier de l’atteindre. » Pendant son séjour à Java cet orang-outan lo- geoit dans un grand tamarinier, près de la demeure de M. Abel. El y avoit formé un lit en entrelaçant les petites branches et en les couvrant de feuilles ; dans le jour, il s’y étendoit nonchalamment , en ayant soin de placer sa tête hors de cette espèce de nid, «fin de voir si les hommes qui passoient au- dessous ne portoient pas des fruits; car aussitôt qu’ilen apercevoit il ne manquoit pas de descendre afin d’en obtenir sa part (1). El avoit pour habitude de se coucher avec le soleil, ou plus tôt, lorsqu'il avoit fait un copieux repas. Il étoit réveillé au jour, () Gemelli Carreri, dans son Voyage autour du HISTOIRE NATURELLE et sa première action étoit de visiter ceux dont il recevoit habituellement s1 nourriture. » Il paroissoit faire très peu d’attention à plu- sieurs petits singes de Java, ses compagnons de voyage. Une fois cependant il essaya de jeter à la mer une cage qui renfermoit trois de ces animaux, et on suppose qu'il fut guidé dans cette action par le désir de les punir de ce qu’ils avoient reçu devant lui des aliments dont il n’avoit pas eu sa part, Mais, quoiqu'il ne s’en occupât guère pendant toute la traversée, M. Abel pense qu’il étoit moins indiffé- rent à leur société lorsqu'il n’étoit pas observé, et il fut un jour surpris sur l'avant du mât de misaine jouant avec un jeune singe mâle. Couché sur son dos et en partie couvert d’une voile, il contempla quelque temps avec une grande gravité les gam- babes du singe qui étoit au-dessus de lui; mais à la fin il l’attrapa par la queue, et essaya de le rouler dans sa couverture. L'action cependant ne parois- soit pas se passer entre égaux; car l’orang-outan ne daigna pas folâtrer avec le singe comme il faisoit avec les mousses. Pourtant les singes avoient évi- demment une grande prédilection pour sa société, car lorsqu'ils étoient détachés ils alloient le trou- ver, et furent souvent vus s’avançant clandestine- ment, et se cachant vers lui. Leur intimité ne s’accrut pas sensiblement, car ils parurent aussi fa- miliers avec lui dès la première entrevue qu’à la fin du voyage. » Mais, quoique très doux, l’orang-outan pou- voit être animé par une violente rage, qu’il expri- moit en ouvrant la bouche, en montrant ses dents, eten saisissant et mordant ceux qui étoient près de lui. Quelquefois il parut presque désespéré, et en deux ou trois occasions il se livra à des actes qui dans un être raisonnable auroient été regardés comme la menace d’un suicide. Si on lui refusoit obstinément une orange lorsqu'il essayoit de s’en saisir, il poussoit de grands eris, ets’élançoit en fu- reur sur les cordages; ensuite il revenoit, et essayoit monde, parle évidemment de l’orang-outan , lorsqu'il dit «avoir vu un singe qui se plaignoit comme un en- » fant: qui marchoit sur les deux pieds de derriére, » emportant sa natte sous son bras pour se coucher et » dormir. Ces singes, ajoule-t-il, paroissent avoir plus » d'esprit que les hommes à certains égards; car, quand » ils ne trouvent plus de fruits sur les montagnes, ils » vont au bord de la mer, où ils attrapent des crabes, » des huîtres et autres choses semblables. Il y a une es- » péce d'huître, qu'on appelle taclovo, qui pêse plu- » sieurs livres (tridacne bénitier), et qui est souvent » ouverle sur le rivage; or ce singe, craignant que quand » il veut la manger elle ne lui pince les doigts en refer- » mant ses valves, jette entre les deux coquilles une » pierre qui s'oppose à sa fermelure, et peut ensuite » manger sans crainte le mollusque. » DES MAMMIFERES. derechef de l'obtenir : s’il étoit encore joué, il se rouloit comme un enfant sur le pont, jetant les cris les plus percants; une fois, se levant soudain, il s’é- lança avec fureur sur le côté du vaisseau, et dispa- rut. Témoins de cette action, les gens du vaisseau crurent d’abord qu'il s’étoit élancé dans la mer; mais, après l'avoir cherché, on le trouva caché sous les chaines des haubans. » Cet animal ne fait pointles grimaces et les con- torsions des autres singes, et ne possède point leur penchant à la malice. Une gravité qui approche de la mélancolie et de la douceur étoit fortement ex- primée dans sa contenance, et sembloit être ses dispositions caractéristiques. Lorsqu’ii se trouvoit pour la première fois parmi des étrangers, il regar- doit pendant des heures entières autour de lui d’un air pensif, en appuyant sa Lête sur sa main; et lors- qu’il étoit ennuyé d’être un objet de curiosité, il se cachoit sous le premier meuble qui étoit à sa portée. Sa douceur étoit prouvée par la patience avec la quelle il supportoit les injures même graves, et ce n’étoit qu’à la dernièreextrémité qu’il cherchoit à se venger. Mais ilévitoit toujours ceux qui le lutinoient trop fréquemment. Il s’attacha promptement aux marins qui se conduisirent bien à son égard; il ai- moit beaucoup s'asseoir à leurs côtés, et, s’en ap- prochant autant que possible, il prenoit leurs mains entre ses lèvres, et réclamoit vivement leur pro- tection et leur appui. Le bosman de l’Alceste, aui partageoit ses repas avec lui et qui étoit son plus grand ami (quoiqu'il lui dérobât quelquefois son grog et son biscuit), lui apprit à manger avec une cuillère ; il s’asseyoit souvent à la porte de la cabane de ce maître pour prendre son café, sans être aucu- nement troublé par ceux qui l’observoient, et cela avec un air sobre et comique qui sembloit être une parodie de la nature humaine. » Après le bosman M. Abel étoit peut-être sa connoissance la plus intime. {1 le suivoit constam- ment à la tête du mât, où il se retiroit souvent pour fuir le bruit du vaisseau; et, s'étant assuré que ses poches ne contencient point de vivres, il se cou- choit alors à ses côtés, et se couvroit entièrement d’une voile qu'il écartoit parfois pour suivre de l'œil tous ses mouvements. » Son amusement favori à Java étoit de s’élancer d'arbre en arbre et sur le toit des maisons; et dans le navire, de se pendre par les mains aux cordes et de badiner avec les mousses. Il les excitoit à jouer en les tapant avec la main lorsqu'ils passoient, et en se sauvant ensuite ; ou bien il se laissoit attraper, et alors s’engagcoient des démêlés burlesques dans lesquels il avoit recours aux mains, à ses pieds et à sa bouche. Si on peut tirer quelque conjecture de ces jeux et de la manière dont il attaque son adver- saire, on doit penser que son premier but est de le 191 jeter à bas , puis de s’en saisir avec ses mains ct ses pieds, et alors de le blesser avec les dents. » À bord du vaisseau il dormoit ordinairement sur la tête du mât (le chouc), en s’enveloppant d’une voile (1). Il se donnoit beaucoup de mal pour faire son lit, et ne manquoit pas de le débarrasser des objets qui auroient pu rendre inégale la surface sur laquelle il vouloit reposer ; et, content de cet arran- gement, il tiroit sur lui la voile et s’étendoit sur le dos. Quelquefois M. Abel s’emparoit de son lit, et aiguillonnoit son humeur en refusant de le lui ren- dre : alors il s’efforçoit de tirer à lui la voile, et ne vouloit se retirer que lorsqu'il étoit resté maître du terrain. Si le lit étoit assez large pour deux, il se posoit tranquillement auprès de la personne qui étoit venue l’occuper ; ou, s’il arrivoit que toutes les voiles fussent déferlées, il cherchoit un autre objet, (r) Ces habitudes, observées par un naturaliste trés instruit, nous prouvent aussi que nous ne devons pas toujours rejeter sans examen le récit des anciens voyageurs. Leguat, que beaucoup de savants regardent avec quelque apparence de raison comme un conteur, rapporte, dans la narralion de son voyage et de ses aventures( Voyage et Aventures de François Legual aux deux îles désertes des Indes orientales, 2 vol. in-12; Londres, 14720), tome Il, page 95, quelques particu- larités sur l’orang-outang, qu’il est bon de conserver, « Je dirai quelque chose d'un singe extraordinaire, que » j'ai vu à Java, où il avoit une petite maisonnette sur » la pointe du bastion qu'on nomme le Saphir. C'étloit » une femelle. Elle étoit de grande taille, et marchoit » souvent fort droit sur ses pieds de derrière; alors elle » cachoit d'une de ses mains, quin'étoit velue ni dessus » ni dedans, l'endroit de son corps qui distingue son » sexe *: elle avoit le visage sans autre poil que celui » des sourcils, et elle ressembloit assez en général à » ces faces grolesques de femmes hottentoles que j'ai » vues au Cap. Elle faisoit tous les jours proprement » son lit, s’y couchoit la tête sur l'oreiller, et se cou- » vroit d'une couverture, de la même maniére que cela » se pratique communément parmi les hommes. Quand » elle avoit mal à la Lête, elle se serroit d'un mouchoir, » et c'étoit un plaisir de la voir ainsi coiffée dans son » lit, Je pourrois en raconter diverses autres peliles » choses qui paroissent extrémement singulières; mais » j'avoue que je ne pouvois pas admettre cela autant » que le faisoit la mullitude, ni en tirer les mêmes con- » séquences, parce que, comme je n'ignorois pas le » dessein qu’on avoit de porter cet animal en Europe » pour le faire voir, j'avois beaucoup de penchant à sup- » poser qu’on l’avoit dressé à-la plupart des singeries » que le peuple regardait comme lui étant naturelles : » à la vérité c'étoit une supposition El mourut à la hau- » teur du Cap de Bonne-Espéranec, dans un vaisseau de » la flotte sur laquelle j’étois. » + Cette observation est, ainsi que plusieurs autres de Legual, entiérement fausse Les orangs ignorent le sen- timent de la pudeur, aussi bien queles hommes de race noire qui vivent à la Nouvelle-Hollande et sur les erres des Papous. Habitués dès leur enfance à une complète nudité, peuvent-ils avoir, Comme nous, des idées de bienséance ? 192 voloit soit une veste, soit une chemise de matelot mise au sec, ou tâchoit de découvrir la couverture de laine de quelque hamac. Lorsqu'on eut doublé le cap de Bonne-Espérance, il souffrit beaucoup d’une température refroidie, surtout dans les pre- mières heures de la matinée; aussi, lorsqu'il des- cendoit du mât transi de froid, il couroit vers un de ses amis, se jetoit dans ses bras, et le serroit fortement pour se réchauffer : il poussoit des cris violents au contraire, si l’on essayoit de l’éloi- gner. » Sa nourriture à Java consistoit principalement en fruits, et surtout en mangoustans qu’il aimoit passionnément. Il suçoit aussi les œufs avec vora- cité, ets’occupoit fréquemment d’en chercher. A bord sa nourriture n’éloit pas déterminée ; il mangeoit indifféremment toutes sortes de viandes, et surtout lorsqu'elles étoient crues ; il aimoit beaucoup le pain, mais il préféroit les fruits lorsqu'il pouvoit en obte- nir. Sa boisson à Java étoit dé l’eau ; à bordelle étoit aussi variée que les mets qui formoient sa nourri- ture. Il préféroit le café et le thé ; mais il acceptoit le vin, et prouva un goût fort vif pour les liqueurs fortes en dérobant une bouteille d’eau-de-vie au capitaine. À Londres il préféroit à toute autre sub- stance la bière et le lait, bien qu'il bût aussi fré- quemment du vin et des liqueurs. » Dans ses tentatives pour obtenir de la nourri- ture, il montra en plusieurs circonstances une grande sagacilé et une finesse de tact peu commune. Il étoil toujours très impatient de saisir ses aliments lorsqu'on les lui présentoit, se mettoit en colère lorsqu'on ne les lui livroit pas promptement , et poursuivoit la personne chargée de les lui donner par tout le vaisseau. M. Abel alloit rarement sur le pont sans avoir dans sa poche des confitures ou des fruits, et jamais il n’échappa à s5n œil vigilant. Quelquefois il essayoit de l’éviter en montant sur lemât; mais il étoit toujours prévenu ou interrompu dans sa fuite. Lorsqu'il arrivoit avec lui dans les haubans, il se soutenoit d’un pied dans les enfléc'iu- res, ct retenoit ses jambes avec l’autre pied et une main , tandis qu’il fouilloit dans ses poches. S'il trouvoit impossible de le surprendre , il grimpoit à une grande hauteur dans le gréement, et s’élançoit brusquement sur lui. Enfin, apercevant son inten- tion de descendre, il se glissoit par une corde, et étoit en bas en même temps que lui. Quelquefois M. Abel attachoit une orange au bout d’une corde, et la laissoit pendre da mât sur le pont; et aussitôt qu'il vouloit la saisir, il élevoit rapidement. Après avoir été plusieurs fois trompé dans son emploi des moyens naturels, il changeoïit son plan. Paroissant n'y plus faire attention, il s’en alloit à quelque dis- tance, et montoit tranquillement aux agrès pendant quelques minutes ; puis, par un saut imprévu, il HISTOIRE NATURELLE attrapoit la corde qui soutenoit l’orange. Si on re- tiroit précipitamment la corde, il paroissoit déses- péré, abandonnoit ses efforts, se jetoit dans les cor- dages , et crioit avec violence. Mais il revenoit toujours ; et, s’il étoit encore vaincu , il saisissoit le bras afin de lui enlever l'orange. » Deux fois seulement il manifesta une grande frayeur : c’étoit à la vue de huit grandes tortues ap- portées à bord tandis que le César étoit à l’Ascension. Alors il grimpa en toute hâte sur la partie du vais- seau la plus élevée; et de là, regardant au-dessous de lui, il allongea ses longues lèvres sous la forme d’un groin, et laissa échapper en même temps un son qui peut tenir le milieu entre le croassement d’une grenouille et le grognement d’un cochon. Au bout de quelque temps il s’aventura à descendre, mais avec beaucoup de précaution, regardant conti- nuellement les tortues; et on ne put jamais l’en faire approcher qu’à plusieurs toises de distance. 11 monta à la même hauteur et fit le même grognement en voyant plusieurs hommes qui se baignoient, et qui plongeoient dans la mer; et après son arrivée en Angleterre il témoigna presque le même degré de frayeur en voyant une autre tortue vivante. » Cet orang-cutan fut conservé en Angleterre à Exeter-Change, où ses aimables qualités et sa grande douceur lui attirèrent de nombreuses visites. Jamais on n’eut à le punir ou à le tenir captif. Il témoignoit la plus grande préférence à son gardien et aux per- sonnes qui le visitoient fréquemment. Pendant sa maladie et jusqu’à l'instant de sa mort son air sup- pliant sembloit réclamer le secours de ceux qui l’ap- prochoient, et tout en lui inspiroit des émotions d'autant plus tristes qu’il rappeloit parfaitement les souffrances de l’homme, dont il avoit jusqu'à la moindre douleur. La maladie qui la fait périr fut occasionnée par des dents qui sortoient de leur al- véole, et qui prouvent sa grande jeunesse. Pendant son séjour à Londres sa taille se développa en lon- gueur comme en grosseur ; ce qui porte M. Abel à croire que l’orang-outan adulte est identique avec le pongo. » A la suite des observations détaillées et piquantes de M. Abel nous croyons devoir citer celles que M. John Mac-Lcod, chirurgien de marine sur le vais- seau du capitaine Maxwell, a publiées sur le même animal (1). Le rapprochement de ces données four- nira des termes de comparaison dans la manière dont sont interprétées [es actions des animaux. « L’orang-outan de Bornéo n’est pas seulement re- marquable parce qu’il est très rare, mais encore par la forte ressemblance qu’il a sous plusieurs rapports avec. l’homme, Le crâne est absolument, à l’exté- () Voyage du capitaine Maæwell en Chine, traduc- tion françoisc; Paris, 4818 ,in-8°, p, 341, DES MAMMIFÈRES. rieur, comme le nôtre. La forme de la partie supé- rieure de la tête, le front, les yeux, qui sont noirs et animés, les cils, en un mot tout ce qui a rapport aux yeux et aux oreilles, ne diffèrent en rien de l’espèce humaine. Les poils de sa tête sont les mêmes que ceux qui couvrent le reste de son corps. Son nez est très plat, et la distance qui le sépare de la bouche est considérable. Son menton est très large, ainsi que toute la partie inférieure de la mâchoire. Ses dests sont fortes et au nombre de trente-six (1). Le bas de sa figure est comme une espèce de caricature de celle de l’homme. La position des omoplates, la forme générale des épaules et du sein, ainsi que celle des bras, la jointure du coude principalement, et les mains, offrent des signes non moins frappants de ressemblance. Le métacarpe, ou cette partie de la main qui est entre les doigts et le poignet, est un peu allongé; eten plaçant la jointure du pouce pres- que au niveau de celle des autres doigts, la nature semble avoir formé sa main pour le genre de vie qw’il mène dans les forêts, en lui donnant les moyens de grimper plus aisément aux branches des arbres. » Celui dont je parle avoit le ventre très gros et comme gonflé, et ressembloit assez à ces Silènes que l’on voit assis sur des tonneaux : mais étoit-il aussi replet quand il vivoit dans les bois? ou n’est-ce que depuis son introduction dans une nouvelle société et en faisant meilleure chère qu’il l’est devenu? C’est ce qu’il est difficile de décider. Ses cuisses et ses jam- bes sont courtes et tortues, la cheville et le talon ‘comme ceux de l’homme; mais le devant du pied est composé d’orteils aussi longs et aussi flexibles que les doigts, avec un pouce placé un peu en avant de la malléole interne, conformation qui lui permet de tenir tout ce qu’il saisit aussi ferme avec ses pieds qu'avec ses mains. Quand il se dresse, il peut avoir environ trois pieds de hauteur : il sait marcher quand on le guide comme unenfant; mais sa marche natu- relle, lorsqu'il est sur un terrain uni, est de se sou- tenir à chaque pas en posant sur la terre les jointures des doigts des mains. Tous les doigts, tant des mains que des pieds, ont, à l'exception du pouce du pied, des ongles exactement semblables à ceux de la race humaine. » Les fruits et les noix de toute espèce paroissent être sa nourriture habituelle; mais il mange du bis- cuit ou toute autre sortie de pain, et quelquefois de la viande. Il boit fort bien du grog, même des li- queurs spiritueuses, quand on lui en donne, et nous l'avons vu plusieurs fois s’en servir lui-même. Il apprit facilement à prendre sa tasse de café ou de thé, et depuis son arrivée en Angleterre il à mon- tré beaucoup de goût pour le porter. Il n’est point, {‘) Ce nombre cst doublement fautif, et n’est indiqué par M.Mac-Leod que par erreu L Le 193 comme les autres singes, d’un naturel méchant et malicieux ; il ne vous étourdit pas en faisant claquer ses dents dans un mouvement de dépit et d’impa- tience : il est plutôt d’un caractère grave et posé, a l'humeur très sociable, et vit en bonne intelligence avec tout le monde. Il n’est pas enclin au vol; mais il ne se faisoit pourtant pas scrupule, lorsqu'il avoit froid ou qu’il vouloit dormir, de se couvrir de toutes les hardes qu’il pouvoit trouver, ou de dérober un oreiller dans l’un des hamacs, afin de se faire un lit plus doux et plus commode, » Quelquefois, lorsqu'on l’agaçoit en lui montrant quelque chose à manger, il portoit au plus haut de= gré toutes les passions humaines, vous poursuivant en poussant des cris horribles, se renversant sur le dos, se roulant par terre, comme s’il étoit dans la plus grande rage, et essayant même de mordre ceux qui étoient près de lui : ou bien, s’accrochant à quel- que cordage, il se laissoit glisser sur le bord du na- vire comme s’il vouloit se noyer; mais, quand il étoit tout près de l’eau, il s’arrêtoit, sembloit faire de nouvelles réfiexions, et rentroit dans le vaisseau. E fouilloit souvent dans les poches de ses amis pour y chercher des noix et des biscuits, qu’ils lui don- noient quelquefois. Il avoit beaucoup d’antipathie pour les autres espèces de singes plus petits que Jui : et il les auroit jetés à la mer s'il avoit pu. Il étoit pourtant en général d’un naturel doux et docile, et qui ne se démentoit jamais, à moins qu’on ne le pro- voquât. C’est sans contredit, de tous les animaux, celui qui a le plus de rapport avec l’homme. » À la suite de ces deux descriptions complètes et détaillées d’orangs-outans dans les premières années de leur vie, nous rappeilerons les renseignements nouveaux dont on est redevable à M. Clarke-Abel, sur un grand individu tué dans l’île de Sumatra en 1825, et qui paroit être évidemment le vieil âge de lespèce ordinaire. Le mémoire (1) de M. Abel a été rédigé d'après les dépouilles mal préparées de cet animal, et se trouve accompagné du récit des circon- stances diverses qui ont précédé ou suivi sa capture, Il nous fournit sur l’orang-outan des particularités d’un haut intérêt. « L’équipage d’un canot sous le commandement de MM. Craygimann père ct fils, eMiciers du brick Marie-Anne Sophie, étant débarqué au lieu nommé Raïnboom, près Tourämand, dans le nord-est de l’île de Sumatra, sur un canton bien cultivé qu’om- bragent des arbres clair-semés, aperçut un animal gigantesque de la race des singes. A l’approche des hommes, cet animal descendit de l'arbre sur lequel () Il esl inséré dans ie tome XV, p.489 des Asiatiz researches ; on y a joint une planche lithographiée re- présentant la Lête , les dents, les mains et les pieds de l'animal, 25 19% il étoit perché; mais quand il vit qu’on s’apprêtoit à l’attaquer, il se réfugia sur un autre, et rappela dans sa fuite l’aspect d’un homme de la plus grande taille, couvert de cheveux luisants qui paroissoient noirâtres, mais dont la démarche eût été chancelante, et qui, pour ne pas broncher, appuyoit ses mains de temps à autre sur le sol où, en se servant d’un bâton, il cheminoit alors assez doucement. Bientôt on jugea de son agilité et de sa force dès qu’il fut parvenu sur une cime, d’où, s’élançant à l’aide des grosses branches, il passoit d’un arbre à l’autre aussi lestement que l’eût fait le plus petit et le plus vif des singes. Il eût été impossible de s’en rendre maitre dans un bois touffu et serré, car alors la rapidité d'un cheval au galop n’eût pas été plus considérable que son allure. Ses mouvements étoient si prompts qu’on avoit à peine le temps de l’ajuster, Ce n’est qu'après avoir abattu plusieurs arbres et en agissant de ruse qu’on parvint à l’isoler, et alors il fut frappé successivement de cinq balles, dont une parut avoir pénétré dans les entrailles. Ses forces s’épuisèrent avec rapidité, et semblèrent complétement éteintes à la suite d’un vomissement copieux de sang noir. Néanmoins il se tenoit toujours dans le feuillage. Quelle fut la surprise des chasseurs lorsque , après avoir forcé le dernier asile de cet orang-outan, on le vit se relever avec vigueur, et s’élancer sur d’autres arbres! Mais bientôt sa foiblesse le fit retomber pres- que mourant, et tout en lui annoncoit qu’il alloit exhaler le dernier soupir. Les marins se croyoient assurés de leur proie, lorsque ce malheureux animal recueillit ce qui lui restoit de force, et se mit en pos- ture de se défendre jusqu’à la dernière extrémité. Assailli à coups de pique, sa vigueur et l'énergie de ses membres robustes ne se démentirent point; il brisa comme un fragile roseau la tige d’une pique qu'il avoit saisie dans ses mains. Cet effort épuisa ce qui lui restoit de vigueur, et renoncant à une défense devenue inutile, il prit alors l'expression de la dou- leur suppliante. La manière piteuse avec laquelle il regardoit les larges blessures dont il étoit couvert toucha tellement les chasseurs, qu’ils commencèrent à se reprocher l’acte de barbarie qu’ils commettoient sur une créature qui leur sembloit presque humaine, non moins par la manière dont elle exprimoit ses douleurs que par ses formes corporelles. Lorsque cet orang eut terminé son existence, les naturels ac- courus autour des Européens contemplèrent sa figure avec un égal étonnement. Etendu sur le sol, il sem- bloit avoir sept pieds anglois de hauteur (six pieds cinq pouces de France); mais quand il étoit debout, dépassant de toute la tête l’homme le plus grand de l'équipage , on ne lui en avoit pas supposé moins de huit, Le corps étoit fort bien proportionné, la poi- trine large ct carrée, le bas de la taille mince; les yeux étoient assez grands, mais petits, proportions HISTOIRE NATURELLE gardées avec ceux d’un homme; le nez paroissoit plus saillant que chez aucune autre espèce de singe, et la bouche étoit notablement fendue. Une barbe frisée, couleur de noisette, longue de trois pouces, ornoit les lèvres et les joues plutôt qu’elle ne défi- guroit ces parties : les bras étoient bien plus longs que les membres postérieurs. Les organes sexuels retirés se laissoient entrevoir. Les dents, parfaite- ment complètes et d’une grande blancheur, annon- coient que cet individu n’étoit pas très âgé. On comp- toit quatre incisives à chaque maxillaire, de forme aplatie, et taillée en biseau, longues à la mâchoire d’en bas d’un pouce cinq lignes ; les canines avoient deux pouces sept lignes ; les molaires présentoient les mêmes particularités dans leur couronne que celles de l'homme, mais leurs proportions étoient beaucoup plus considérables. Le poil qui constituoit le pelage étoit partout doux et luisant. Ce qui sur- prenoit le plus les assistants étoit la ténacité de la vie qui avoit long-temps résisté à tant de blessures, La force musculaire devoit avoir été bien considéra- ble, car l’irritabilité de la fibre se manifesta encore d’une manière très frappante lorsque le cadavre ayant été transporté à bord et hissé pour y être écor- ché, le scalpel produisit un mouvement effroyable . de contraction dans les muscles, même long-temps après la mort. Cette irritabilité fut telle, lorsqu'on atteignit les plans musculaires des gouttières verté- brales, que le capitaine Cornfoot en eut horreur, et que dans la persuation où il fut que ces marques de sensibilité ne pouvoient avoir lieu sans de vives dou- leurs, il ordonna de ne pas continuer la dissection qu’on n’eût séparé la tête du tronc. » Cet orang-outan, comme dépaysé, devoit avoir voyagé pendant un certain temps avant d’être par- venu au lieu où il fut tué, car il avoit de la boue jus- qu'aux genoux, etles habitants de cette partie de Su- matra n’avoient aucune idée d’avoir jamais vu un animal semblable. Les Malais qui peuplent ces côtes ne s’enfoncent jamais dans les vastes et impénétra- bles forêts qui commencent à deux licues de Ram- boom, et ils ignoroient complétement qu'un tel ani- mal y existät. [ls lui attribuèrent les cris singuliers qu’on avoit entendus depuis quelques jours, et qui n’avoient aucune analogie avec ceux des animaux carnassiers qui viennent de temps à autre rôder Ja nuit autour de leurs demeures. La peau de cet orang , ridée et racornie, présente encore au mo- ment actuel cinq pieds dix pouces, à partir de l’a- cromion ju:qu’à la malléole. Le cou a trois pouces de longueur seulement; la face du haut du front jusqu’à la symphyse du menton en a neuf; le pied quatorze pouces : ce qui, au total, donne sept pieds anglois six pouces et demi de hauteur, et huit pieds deux pouces d’une main à l’autre, les bras étant étendus. » à DES MAMMIFÈRES. L'examen de la dépouille de cet orang-outan a permis à M. Clarke-Abel de résumer les caractères suivants. « Le visage est ridé et complétement nu, si ce n’est au menton et au bas des joues, où se dé- veloppe la barbe que les marins de la Marie-Anne- Sophie trouvèrent si bien placée et si belle. Quel- ques cheveux d’un noir plombé tombent sur les tempes et sur les côtés de la tête; des cils touffus garnissent les paupières. Les oreilles sont petites, collées le long de la tête, et hautes à peine de dix-huit lignes ; elles ressembleroient parfaitement à celles de l’homme si elles avoient un lobule. La bouche grande et projetée en avant a des lèvres minces et étroites : la supérieure est recouverte par des “espèces de moustaches. La paume des mains est très longue et de la couleur de la face. Les ongles qui terminent les doigts sont robustes, convexes, et très noirs : le pouce ne dépasse point la première articulation du doigt indicateur. Le pelage est gé- néralement d’un brun rouge, passant au brun foncé en quelques endroits, et au rouge vif en d’autres. Partout le poil est très long en dessus, et surtout sur le dos où il forme une ligne plus épaisse et plus four- nie, etc. » Par les détails que nous venons de rapporter très au long, il est facile de voir que l’orang-outan décrit - par M. Abel est un individu complétement adulte des deux jeunes que MM. Frédéric Cuvier et Abel lui-même nous ont précédemment fait connoitre. Par la taille, par la puissance musculaire, par l’en- semble de ce que nous en savons, ce grand singe est peut-être le pongo de Wurmb, non encore vieilli par l’âge; mais cependant ce n’est guère qu’une supposition qu’on peut émettre, puisque M. Abel n’a point eu en sa possession la seule pièce pro- bante, celle qu’il eût été si intéressant de discuter, le squelette enfin, et surtout la boite osseuse crà- nienne, qu’on auroit pu comparer avec les mêmes parties de la charpente osseuse du pongo de Wurmb conservées au Muséum. À la suite de l’histoire de l’orang de M. Abel nous joindrons des détails tirés du Journal philosophique de Boston (1), et du récit de M. John Jeffries, relatif à un orang-outan de Bornéo (?) conduit à Batavia, et dont la taille étoit de trois pieds quatre pouces, ce qui permet de supposer qu’il n’étoit âgé que de () Boston's Journal of Philosophy, no XI, août 1825, p. 570; et Philosophical Magazine, mars 1826, p.182 (article analysé par J.-J, Virey, t. X, p. 140, du Bulletin des Sciences), (2) M. le professeur Geoffroy Saint-Hilaire regarde le pongo de Wurmb comme une deuxiéme espéce du genre orang, el admet que l'animal décrit par M. Jeffries est un jeune individu de l’orang ou pongo de W'urmb ; mais nous ignorons quels sont les motifs sur lesquels se fonde l'opinion du sayvanlacadémicien. 195 quatre où cinq ans. « Cet orang, dit M. Jeffries , avoit à la première vue quelque ressemblance avec un Nègre, par son museau prolongé et par la cou- leur noirâtre de sa peau. Cependant les lèvres, le tour des yeux, le dedans des mains et des pieds, et le reste des téguments, dans les endroits dépourvus de poil, ressembloïient en tout à ceux de l’homme : il maerchoit soit sur deux pieds, soit en s’aidant des membres antérieurs qui étoient plus longs que ses jambes. Ses yeux bruns étoient enfoncés dans leurs orbites. Le nez étoit court, les lèvres saillantes, les épaules assez larges et aplaties, les fesses à demi nues, mais distinctes : il y avoit un sacrum, un coccix sans prolongement caudal, un nombril profond, un scrotum très développé et rugueux; le tout parfai- tement semblable aux mêmes parties dans l’homme. M. Blanchard, capitaine du navire l’Octavie, étudia à loisir les mœurs de cet intéressant animal, et voici le résultat de ses observations. « Il vivoit familiè- rement avec les marins, qui l’appeloient Georges, et le considéroient comme un Nègre de l'équipage. Il servoit le café à table, comme il l’avoit toujours fait dans la maison de M. Forestier, son premier posses- seur ; il s’utilisoit à bord pour nettoyer le pont et apporter de l’eau; il arrangeoit les habits des offi- ciers (1), aussi bien que pourroit le faire un domesti« que soigneux. Il amusoit l'équipage, qu’il charmoit par sa docilité et son obéissance. Une fois M. Blan- chard le corrigea , et par son repentir apparent il ressembloit à un enfant qui pleure. Sa nourriture de prédilection étoit le riz ; mais il aimoit les fruits, bu voit du thé, du café et même du vin blane, surtout après diner. I] ne s’asseyoit jamais sur le plancher, et choisissoit un siége élevé. D’après l’avis de M. Fo. restier, on lui donnoit de l'huile de ricin lorsqu'il étoit incommodé : une once le faisoit vomir et le purgeoit. Lorsqu'il contracta la maladie dont il mou- rut, il se laissoit tâter le pouls, qui donnoit autant de pulsations par minute que celui d’un homme. Sa peau adhéroit solidement à un tissu cellulaire plus dense sur la face, aux picds et aux mains, comme chez nous. L'ouverture de l'abdomen montra les viscères dans les mêmes rapports que chez l’homme, Ainsi le péritoine, le mésentère et les ligaments sus- penseurs du foie étoient amples et robustes. Le cor- don des vaisseaux spermatiques descendoit le long des muscles abdominaux et du ligament de Poupart. L’estomac, le cœur, les poumons, n’étoient point dif- férents de ces organes chez l’homme. El en étoit de même de la glotte, de lépiglotte, de l’os hyoïde etdes cartilages du pharynx; seulement à lentrée du la- rynx étoit placée la poche de Camper, qui pouveit se gonfler et se remplir d'air à la volonté de lani- (") Peut-être ces détails sont-ils un peu fardés, 196 mal (1). Le cerveau (?) pesoit neuf onces trois quarts; il donnoit naissance aux mêmes branches nerveuses “que chez l’homme, et chacune d’elles sortoit par les ouvertures identiques, et se distribuoit de la même manière. Le diamètre des vaisseaux sanguins étoit généralement étroit, et les fibres musculaires étoient très robustes. » Tels sont les documents les plus modernes que nous possédons sur l'être intéressant qui nous oc- cupe. On ne peut se dissimuler qu’ils jettent un grand jour sur son histoire, et qu’ils forment la base la plus solide des connoissances que le temps ne peut manquer de compléter. Cependant il seroit in- juste de dédaigner la description détaillée qu’en a (r) Le capitaine Blanchard dit que son orang-outan gonfloit cette poche quand il nageoit, et qu’elle contri- buoit à soutenir la tête au-dessus de l'eau. On se rap- - pelle que M. de La Billardière a cité un de ces animaux qui, en tombant à l'eau, se laissoit couler sans essayer le moins du monde de faire agir ses membres pour se sauver. (2) Le cerveau de l’orang-outan différe de celui des autres singes, suivant le docteur Tiedemann (Cerveau de l'orang-outan comparé à celui de l'homme, avec "planche, Zeitschrift für Physiologie, t.H ): «4° Par l'absence du faisceau médullaire nommé tra- pèze de la moelle allongée; .. 2e Par l'existence d’une échancrure postérieure au cervelet ; 3° Par un plus grand nombre de sillons et de lames à la même partie ; 4° Par la présence de deux tubercules mamillaires distincts; 9o Par les circonvolutions et les anfractuosités plus nombreuses et en même lemps moins symétriques du ccrveau ; 6° Par l'existence d'incisures digitées sur les cornes d'Ammon. Par tous ces points le cerveau de l’orang-outan res- semble à celui de l'homme. Il s’en distingue nettement par les particularités suivantes : 4° Le cerveau de l’orang-outan est en proportion plus petit, plus court et moins haut; les lobes posté- ricurs ne recouvrent point en entier le cervelet ; 20 La masse des hémisphères cérébraux est plus pe- “tite, relativement à la moelle épinière, aux pyramides, ‘au cervelet, aux tubercules quadrijumeaux, aux cou- ches optiques et aux corps striés. Chez l’orang-outan, le diamètre transversal de la moelle épinière, derrière les pyramides, est au plus . grand diamètre transversal du cerveau même comme 14:9; chez l'homme, au contraire, ce rapport est comme 1 : 10; chez l’orang-outan, la largeur des pyra- mides est à celle du cerveau comme 1 : S'z; et chez ‘ J'homme , comme 1 : 13. Le diamètre des corps olivai- res, comparé à celui du cerveau, est, chez l’orang- -outan , comme 1 : 9 ; et chez l'homme, comme 1 : 48. 30 Le cerveau de lorang-outan est plus petit, rela- tivement aux nerfs, que chez l'homme. 4° Les hémisphéres ont beaucoup moins d’anfractuo- sités ef de circonvolutions que chez l'homme, HISTOIRE NATURELLE laissée Vosmaër (!); mais, comme elle a été insé- rée dans cette édition des OEuvres de Buffon, tome III (pages 598 et suiv.), nous y renvoyons le lecteur. Il nous reste maintenant à parler du POXGO DE Worms, que des motifs assez plausibles ont porté à regarder comme l'individu très vieux de l’orang- outan, dont on n’avoit jusqu’à ce jour connu que le jeune âge. Plusieurs naturalistes toutefois doutent de cette identité, et admettent, à l'exemple de M. de Lacépède, un genre pongo qui seroit placé à plu- sieurs degrés au-dessous des orangs et après les mandrills, comme s’éloignant déjà du type pri- mordial des anthropomorphes, et présentant à un haut degré les formes des carnassiers. Mais repre- nons les faits à leur source, et établissons par une discussion aussi lumineuse que possible l’état de la question. Le baron de Wurmb(?) nomma pongo une grande espèce d’orang, dans laquelle il crut reconnoitre le pongo de Bufon, c’est-à-dire le chimpanzé, et en donna une dexcription assez étendue, mais qui cependant n’est point à l’abri de la critique. Toute- fois le squelette de cet animal, qu’on conserve +oi- gneusement dans les galeries du Muséum, et dont Audebert a publié une figure (Détails anatomiques, pl. 41,f. S), présente des différences telles qu'à moins de posséder la charpente osseuse de tous les âges des orangs, passant par la succession des an- nées au type de celui du pongo, il est vraiment im- possible d'admettre que ce soient des animaux de même espèce. Le squelette du roNGO pE Wurme est haut de quatre pieds. La forme de la mâchoire inférieure fait présumer un os hyoïde fort grand ; le museau y est aussi long que dans le mandrill, et même plus gros et plus obtus. Une crête osseuse très développée (voyez la pl.) surmonte le crâne; elle part de la par- tie moyenne de l’occipital. remonte sur la voûte du crâne, et se partage en deux branches qui se diri- gent sur les côtés des orbites. Deux autres crêtes latérales, partant également de l’occiput, se dirigent vers les fosses temporales, et acquièrent jusqu’à cinq lignes d’élévation. Les vertèbres cervicales sont surtout remarquables par la longueur extraor- dinaire de leurs apophyses épineuses, qui surpas- sent, proportions gardées, ce qu’on trouve dans tous les autres mammifères. Les côtes existent au nombre de douze, y compris cinq fausses. Les membres antérieurs sont très longs, et descendent jusqu'aux malléoles. La main égale presque en lon- (:) Description de l'espèce de singe, aussi singulier que très rare, nommé orang-oulang de l'ile de Bornéo. (Feuilles de Vosmaër, Amst., 1778.) : (2) Mémoires de la Société de Batavia, t, IF, p. 245. Æ PA sh: 20/6 JJelUItE! ;, 2: jeurre Ê LU / cutlt it , 4 LA 24 UM TINC., 9 As 4 1? Je LA adulte, 4. crane du : tte de Zublie Par Jburrat Lreres a lurer . a tr Le DES MAMMIFÉRES. gueur la jambe, et l’avant-bras est à lui seul aussi prolongé que le bassin et le fémur pris ensemble. Les dents canines présentent une force considéra- ble; et par leur développement, leur longueur et Jeur pointe cunéiforme, elles rappellent celles des animaux les plus carnassiers. Ce pongo fut pris dans lé district de Saccadina, -dans l’ile de Bornéo, par le résident hollandois de Rambang. El se défendit avec la plus grande vigueur à l’aide de grosses branches qu’il brisoit du tronc des arbres; aussi ne put-on s’en rendre maitre qu'après l’avoir tué, Cet animal avoit Ja tête un peu pointue et prolongée en avant, le museau proémi- nent, mais non pas tronqué brusquement à son -extrémilé comme celui des cynocéphales. Son nez étoit très plat et ouvert par deux narines obliques. Le cou en dessous étoit garni d’une large membrane charnue, qui pouvoit se développer amplement sur les côtés. Les yeux étoient petits et saillants, les oreilles peu développées et collées contre la tête. La bouche étoit entourée de lèvres épaisses ; et la ‘langue, qui en remplissoit l’intérieur, étoit très charnue et très large. Le corps du pongo, robuste dans ses proportions, offroit cependant un cou très court, une poitrine plus large que les hanches, ct une verge qui pouvoif se retirer presque en entier dans le serotum. Les jambes étoient courtes, mais grêles. Des ongles, très voisins de ceux de l’homme, recouvroient les extrémités des orteils : ceux des pouces étoient plus courts et beaucoup plus étroits que ceux des autres doigts. Le calcanéum étoit pro- noncé d’une manière remarquable. Le pelage de ce vieux pongo mâle étoit obscur : les poils qui le composoient, longs d’un doigt en ‘plusieurs endroits, étoient généralement d’un brun noir intense, et affectoient cette couleur principale- ment sur le corps et les membres. La face, nue et d’un noir fauve, n’étoit recouverte que d’une barbe mince et peu fournie. Le ventre et la poitrine n’of- froient point non plus de poils, ainsi que le dedans des mains et le dessous des pieds, dont la peau toit colorée en noir fauve. F L’angle facial du pongo est de trente degrés : or, avec cette particularité et celle des erêtes sagittale, occipitale et sourcilières, si développées, la plupart des zoologistes ont été autorisés à ne faire de ce grand singe qu’une espèce de cynocéphale (Hiliger), ou un pongo placé assez loin des gibbons, entre les mandrills et les alouates ( Lacépède, Cuvier, Geof- froy Saint-Hilaire et Desmarest). Cependant les abajoues qu’on lui accorde paroïissent être le ré- sullat d’une indication incomplète et fautive de Wurmb.. Les sacs tyroïdiens qu’il mentionne sont la poche de Camper ; et de tous ses caractères dis- tinctifs et réels il ne reste comme genre que la con- formation si tranchée du crâne, et comme espèce 197 que l'allongement des bras ct la couleur noire du pelage. Le pongo, par ce que nous en savons, est donc un animal sauvage et très courageux, qui se tient debout sur les pieds, en s'appuyant de temps à autre sur Pextrémité des doigts des mains, et qui peut se défendre avec des bâtons des attaques des hommes. Felles sont nos connoissances sur ce singe dont l’existence nous est prouvée par son squelette, et qui a jusqu’à ce jour été pour les naturalistes un sujet non encore épuisé de discussions et de con- troverses. Si les détails de Wurmb n’étoient entachés d’au- cune erreur, nul doute qu’on ne pourroit confondre avec l’orang-outan un animal qui auroit des aba- joues, un poil noir et non rouge, des lèvres épaisses au lieu d’être minces, etce.; mais ces légères dissem- blances tiennent peut-être à des fautes de rédac- tion , car dans une description écrite un mot a sou- vent une plus grande valeur que l’auteur n’a voulu lui en donner. Il faut done en revenir aux pièces osseuses, seuls témoignages que nous ayons pour décider avec une apparence de raison une question qui a occupé les plus savants naturalistes sans être aujourd’hui complétement décidée : cette tâche est réservée aux Voyageurs à venir. M. le baron Cuvier a reçu de M. Wallch, en 1818, une tête osseuse d’orang-outan de l'Inde, qui ressembloit, sous beaucoup de rapports, à celle de l'espèce ordinaire; mais son museau pius allongé et son crâne pourvu de crêtes sourcilières la rappro- choient de la tête da pongo. Cette tête étoit donc intermédiaire aux deux espèces que nous venons de citer : aussi M. Cuvier conjectura, d’après un bon nombre de preuves assez fondées, que l’orang-outan n'étoit qu’un jeune pongo, et que le crâne qu’il avoit recu de l'Inde étoit celui d’un individu non encore complétement adulte. M. de Blainville(!), en adoptant ce rapprochement, développa ainsi qu’il suit les rapports qu’il trouva communs à l’orang- oulan et au pongo (?). 40 Fous les orangs roux venus en Europe avoient le crâne lisse et angle facial très ouvert, etétoient de jeunes individus de dix-huit mois à trois ans tout au plus: or on sait combien la forme de la tête va- rie dans l’homme et dans les singes suivant l’âge, et que les jeunes ont toujours l’angle facial plus ou- vert que les adultes. £0 Le pongo de Wurmb étoit adalte, ainsi que l’indiquent l’état de son squelette, de ses dents, et le grand développement de ses erêtes osseuses. Ces (x) Journal de Physique, 1818. (2) Consultez Desmarest, Hammif., p. 52, en note; Griffith, Régn. anim., L I, p. 249, traduction angloise. 198 caractères se retrouvent dans les vieux singes du genre cynocéphale, dont les jeunes, sans présenter des différences aussi considérables que celles qui existent entre le pongo et l’orang roux, en montrent néanmoins de fort marquées. 50 L’exacte correspondance que l’on observe dans le nombre des vertèbres dorsales , lombaires et sa- crées, si variables d’ailleurs dans les difféientes es- pèces de singes d’un même genre, comme celui des gucnons par exemple. 4 La disproportion des membres, la forme des mains et des pieds tout-à-fait semblables. 5° L'ongle du pouce des pieds de derrière égale- ment plus court et plus étroit que les autres. 69 La présence des sacs tyroïdiens dans le pongo et dans l’orang-outan aussi considérable et de même forme. 70 Les dimensions relatives de l’orang, du singe intermédiaire que M. Cuvier a fait connoître, et du pongo, qui sont graduées en proportion du déve- loppement des caractères tirés du museau et des crêtes osseuses du crâne. 80 La couleur du poil rousse dans l’orang et noire dans le pongo, comme cela se voit dans plusieurs espèces de singes, dont les jeunes présentent la première teinte, et les adultes la seconde. 60 La patrie qui est la même, etc. Si l'identité de l’orang et du pongo est un jour bien constatée, ajoute le même auteur, il deviendra nécessaire de rapprocher le genre qui les contien- dra de celui des mandrills, bien que ces derniers singes forment une petite famille bien distincte et caractérisée par la forme du nez. M. Gcoffroy Saint-Hilaire ne partage nullement cette manière de voir. Ainsi s'exprime à ce sujet ec savant (1) (septième leçon sténographiée, p. 12): « La tête du pongo est arrivée, par le développe- ment extraordinaire de la face, l'allongement et la grosseur du museau, les crêtes épaisses qui sur- montent le crâne, à des formes tellement hideuses qu'on est tenté d'y méconnoitre les rapports qui unissent cet animal avec les singes. Dans un article publié en 4798 (Journal de Physique) j'ai proposé à son sujet un genre particulier, et j’émis dès lors l'opinion qu’il devoit occuper un des derniers rangs de la série des singes, à en juger par les formes du crâne; mais qu’il se rattachoit aux gibbons par le manque absolu de queue, la longueur démesurée des bras, et la marclie bipède. En 1818 la tête os- seuse envoyée de l’Inde par M. Wallich vint offrir de nouveaux termes de comparaison; elle étoit re- marquable par des crêtes sagittale et occipitale peu (") Nous rédigeons cette citation par extrait , n'en conservant que la substance, pour ne pas (rop allonger notre histoire de l’orang-oulan, HISTOIRE NATURELIE saillantes, mais qui rétracèrent, par leurs formes comme par la manière dont elles étoient placées, celles du pongo. Tout dans ce crâne indique un âge moyen, dont le premier développement seroit une tête lisse, large, élevée, arrondie, à front saillant, sans la moindre apparence de crêtes, tandis que dans l’âge complétement adulte cette tête seroit dé- primée, obliquement située sur la colonne verté- brale , et hérissée sur sa voûte de crêtes robustes et hideuses. » Mais, dit plus loin M. Geoffroy Saint-Hilaire (p. 27) après avoir établiainsi l'historique des faits, le PoxGO pe Wurug forme-t-il une espèce distinc- te, ou doit-on le regarder comme l’âge parfait ou adulte de l’orang-outan dont on n’a jusqu’à ce jour étudié que les jeunes individus? Tout porte à croire au contraire à la première opinion déjà émise par M. Bory de Saint-Vincent, et en voici les motifs. » Les squelettes des deux espèces, de l'orang- outan et du pongo, sont semblables en tout point, excepté les développements respectifs de chaque partie; ce dont la différence d’âge donne une expli- cation suflisinte. Le crâne de l’orang-outan doit même , avec le temps, prendre les mêmes crêtes sa- gittale et occipitale; car on sent déjà sur l’occiput des têtes des jeunes sujets un léger ressaut qui en est une indication suflisante. Mais à cela , suivant M. Geoffroy Saint-Hilaire, doivent s'arrêter toutes les prévisions ; car il reconnoît dans le pongo et l’o- rang-outan des différences qui ne peuvent prove- nir que de deux animaux distincts en espèces. C’est ainsi qu’il regarde comme étant le jeune âge du pongo de Wurmb le crâne envoyé à M. Cuvier par M. Wallich, et différent de celui de l’orang-outan par ses fosses orbitaires, qui sont exactement ar- rondies, tandis que chez ce dernier elles sont ova- laires et leur diamètre transversal plus petit. Le front diffère également ; il est saillant en devant chez le pongo, et bombé dans toute sa largeur chez l’orang, Le haut de la face forme un plan obli- que , qui est vertical chez ce dernier. Or le crâne dont on doit la connoissance à M. Wallich, à cela près des nuances dues à l’âge, ressemble parfaite- ment à celui du pongo; quatre crânes de jeunes orangs-outans ont présenté une parfaite similitude dans les formes spécifiques indiquées. Il en résulte donc que ces différences sont organiques, et doivent être par suite caractéristiques. M. Gcoffroy Saint- Hilaire étaie ensuite son opinion de la couleur du pelage et de quelques autres circonstances que nos lecteurs ont apprises par ce qui précède ; il nomme le pongo onANG DE Wu, et conserve à l'espèce plus connue son nom d’ORANG-OUTAN (1). » (‘) M. Harwood partage également l'opinion que l'o- rang-outan et le pongo forment deux espèces dislinc- DES MAMMIFÈRES. Au milieu de tous les doutes qui existent encore sur l’identité de ces deux animaux, il est difficile d'adopter une opinion exclusive qui ne soit pas dé- truite un jour par de nouvelles observations. Il est de fait qu’il ne répugne nullement d'admettre que deux espèces d’orangs puissent vivre dans les gran- des iles des Indes orientales, et que lorarg-outan par exemple soit de Sumatra et de Bornéo, et le pongo ou orang de Wurmb exclusivement de la grande île de Bornéo, encore complétement incon- nue des Européens sous Le rapport de l’histoire na- turelle. A ce sujet nous citerons les renseignements que sir Thomas Stamford Raflles a publiés dans le tome XIII des Transactions de la Société lin- néenne de Londres (p. 241) (1), et qui, bien que très incomplets, serviront au moins à légitimer le doute que nous émettons. « Le simia satyrus de Linnæus, dit M. Raflles, est l’orang-outan des Malais. Nous en avons eu un individu venant de Bornéo, et qui a vécu à la ménagerie de Calcuttaen 4819. Les naturels de Pile de Sumatra assurèrent que cet animal se trouvoit dans leur ile (?), et ils lui donnent le nom d’orang pantach ou d'homme pygmée : la description qu’ils en font s’accorde par- faitement avec celle de l’orang de Bornéo. On le confond fréquemment dans le pays avec l’orang kubu ou orang gugu décrit par M. Marsden, qui tes. Les idées de ce naturaliste se troavent rapportées en extrait dans le douzième cahier du Zoological Jour- nal, qui a paru en juin 1828 (page 579); on y lit que M. Harwood « a déerit et donné les dimensions de deux » mains d'orang offertes par lui au Muséum de la Société » Zoologique, et qu'il en résulte que leur longueur, qui » n'estpas moins de quinze pouces, dépasse de beau- » coup les proportions indiquées par le docteur Abel » dans sa description de l’orang de Sumatra, tué par » les marins du navire {a Marie-Anne-Sophie. I dis- » cusle ensuite jusqu’à quel point il est possible d’ad- » mettre que le pongo soit le vieil âge de l'ourang-ou- » tan ordinaire; et, aprés avoir rapporté les diverses » opinions émises sur ce sujet, il en conclut que ces » deux animaux sont évidemment distincts et forment » deux espèces. Son principalargamentestque le pongo » possède cinq vertébres cervicales, et l'orang-outan » seulement quatre; que les formes des omoplates, chez » l'un et chez l’autre, ne se ressemblent point; qu'il en » est de même des clavicules. L'orbile lui offre aussi » des distinctions à établir : c'est ainsi qu'elle est ver- » licale à la base chez l’orang, et qu'elle forme un plan » incliné chez le pongo. L'intervalle qui sépare les » mêmes orbites est d'environ un sixième du diamétre » {ransversal chez le premier , etse trouve de moitié » dans le crâne du second, ete. » () The Trans. of the Linn. Socicty of London, in-4o, t. XILI, 4822. (2) Celte indication est pleinement confirmée par la description de l’orang-outan décrit par M. Abel, qui se trouve dans le tome XY des Recherches asialiques, année 1825, 199 est pour ces peuples le sujet perpétuel de fables et de récits exagérés , et qui paroît être une race d'hommes aussi couverte de poils et aussi sauvage que le véritable orang-outan. » Or, par ce pas- sage (et il a d'autant plus d'autorité que sir Raflles a long-temps résidé à Sumatra, où il gouvernoit la factorerie angloise de Bencoolen), on ne peut dou- ter que deux espèces d’orangs n’existent dans cette ile ; car très probablement l’orang kubu est celui que les marins du vaisseau la Marie-A nne-Sophie tuêrent en 1825, bien que le récit de M. Marsden soit à cet égard ent'emêlé d'indications obscures, En suivant les diverses phases de la vie animale, l’orang jouit donc, jusqu’à une certaine période, d’un développement de perfection toujours crois- sant. Ses organes neufs exécutent, dans toute la plé- nitude de leur puissance, les mouvements que la conservation et les besoins de l'individu exigent et commandent. Mais, quand il est parvenu à une au- tre époque de l’âge adulte, les forces deviennent stationnaires, et l’accroissement ne se fait plus. Après cette espèce d'oscillation dans les rouages des divers systèmes dont le but est la vie, les or- ganes de ces mêmes systèmes s’affoiblissent par suite d'usure : leur dégradation devient sensible avec plus ou moins de lenteur ou plus ou moins de rapi- dité. Les os s’encroûtent de phosphate calcaire, les crêtes se solidifient, les tendons se durcissent ou s’ossifient à demi, les fibres musculaires deviennent rigides , les contractions du cœur n’envoient plus avec la même énergie le sang aux extrémités des vaisseaux, le stimulus nerveux n’est plus électri- que, et n'a plus la même vigueur ; en un mot les fonctions de l'intelligence ou de l'instinct s’abru- tissent, tandis que celles de nutrition prédominent, ou règnent exclusivement. Il en résulte chez les orangs, comme chez l’homme, que le jeune âge, re- marquable par sa facilité pour apprendre, par son talent d'imitation, par l’insouciance de l'avenir qui le caractérise, est remplacé par l'instinct de la pos- session, instinct d'autant plus prononcé que la vi- gueur pour acquérir décroît ; et de là découlent chez les orangs cette sauvagerie de mœurs, celte grossiè- reié de penchants, qu’on a reprochées aux individus âgés. Les rapports physiques et moraux qui unis- sent ces animaux aux hommes sont d’une grande évidence. Les orangs, par leur conformativn exté- rieure, sont laillés sur le même type; mais ce type est déjà dégradé. Ils s’en rapprochent par la conti- nuité de leur système digestif, par leur appareil den taire, et par les dispositions des pièces locomotrices. Il n’est pas jusqu’au système cutané qui ne soit de même nature, bien que l’ensemble des téguments, 200 créé pour protéger ct pour abriter les viscères et les ressorts qui les mettent en jeu, soit la partie la plus variable de toutes par les formes et par la manière dont elle remplit ces fonctions. Les poils longs et touffus qui forment sur le corps d’un orang une couche plus ou moins épaisse ne sont certainement pas plus serrés que ceux qu’on voit exister sur le corps de certains hommes, où ils se développent avec une abondance et une rudesse étonnantes. L'homme est donc l’objet le plus complexe de la création, il en est le premier anneau; l’orang en sera le second. En vain essaiera-t-on de rapprocher par leur organisation, comme par leurs facultés mo- rales, les singes : ces êtres ne sont que des animaux faits à l’image grossière de l'espèce humaine, dont ils ne sont qu’une grotesque caricature, et leurs pen- chants et les lois qui les régissent ne les font point différer d’une foule de mammifères quadrupèdes : car ils les placent même bien au-dessous des chiens sous le rapport de l'éducation. Quant aux orangs, il est aisé de leur reconnoître plus que cet instinct vul- gaire qu'on dit être l'apanage des bêtes, et rempla- cer l'intelligence qui seroit exclusivement dévolue à l'homme seul : certes cette intelligence de l’homme est encore trop obtuse chez un grand nombre de peu- ples pour que nous ne trouvions point entre elle et l'instinct cet état intermédiaire que déjà les orangs nous ont présenté dans leur organisation. Afin de mieux établir cette sorte de distinction, ils est néces- saire sans doute de présenter un tableau succinct de ce que nous possédons de plus avéré sur les orangs. Leurs sens, par la conformité qu’ils ont avec les nôtres, sont éminemment développés; et tout prouve en effet que leur vision cest parfaite, et n’a rien de nocturne, ainsi qu'on l’a cru long-temps. Leur oreille apprécie avec une grande finesse les moindres bruits, et l’odorat est pour eux la sentinelle la plus vigilante du goût, car ils ne manquent jamais de consulter ce sens avant de toucher à un aliment avec lequel l’ex- périence ne les a point encore familiarisés. Du reste, omnivores comme l’homme, ils s’accommodent de toutes les substances, de toutes les boissons; et s’ils préfèrent les fruits, c’est sans doute, comme dan l'espèce humaire, pendant les premières années, car à l’âge mûr ils doivent rechercher avec plus d’ap- pétence les matières riches en principes nutritifs, telles que le sont les chairs. Le sens du toucher jouit également d’une grande perfection, puisque la pulpe des doigts, garantie comme chez l’homme par un ongle, et renflée pour recevoir l'épanouissement des nerfs, peut leur faire apprécier plus vivement la surface sur laquelle ils doivent se maintenir. Certes ä est bien nécessaire que le tact ait celte exquise sensibilité pour ne pas occasionner d'erreurs dans les mouvements d’un être qui vit sur les branches d’ar- bres, et qui trouve dans leur Jacis un abri protcc- HISTOIRE NATURELLE teur où il brave les atteintes des ennemis qui tente- roient de l’y poursuivre. La peau des mains et des pieds est lisse, couverte de stries, et seroit très ca- pable de rendre un compte très parfait de l’acte du toucher, si l'habitude de presser des corps très so- lides n’émoussoit sa sensibilité. Au reste la civilisa- tion à fait perdre à l’homme l’usage des doigts des pieds ; les peuples plus près de l’état de nature s’en servent au contraire comme des doigts des mains : mais c’est chez les orangs que ces extrémités ont ac- quis une perfection de préhension telle que seule elle seroit Ja preuve la plus positive que ces animaux ne sont point créés pour la station bipède sur le sol. A quel àge les femelies ont-elles leur écoulement menstruel? Quand arrive l’époque de leur gestation ? Combien dure-t-elle? Enfin l’union des sexes est- elle accompagnée de préludes? A toules ces ques- tions on est encore aujourd’hui dans l’impossibilité de répondre. De tous les animaux, l’homme est né sans moyens de défense qui lui soient propres. Les orangs vien- nent également au monde dans un grand état de foi- blesse, ayant pendant un temps plus ou moins long besoin de l’appui maternel, et n’acquérant qu’avec l’âge cette force matérielle brutale, la seule que les gens du peuple parmi les hommes civilisés puissent apprécier : et certes dans un orang ou un manœuvre il n’y a pas une grande différence sous ce point de vue, car l’un et l’autre ne semblent connoître pour droit que celui de la force physique. Sous le rapport de l'instinct dévolu aux formes de la matière, ou, pour mieux nous faire comprendre, des actions in- nées qui semblent être le complément vital de tels ou tels systèmes organiques mis en jeu, les orangs ont la plus parfaite analogie avec l’homme; mais privés de l’usage de la parole, ne pouvant point se communiquer par un langage parlé les sensations qui les animent, ils rentrent, par cela même, dans les conditions des sourds-muets de l’espèce humaine, qui, s'ils étoient abandonnés dans quelque lieu dé- sert, se trouveroient sans moyens de corrélation entre eux, et peut-être sans une industrie plus per- fectionnée que celle de chercher leur subsistance. Cependant ces orangs sont caractérisés par des fa- cultés qui sont plus complexes que les actions pri- mitives de l'instinct. Leur mémoire fidèle garde le souvenir des faits; maïs elle va même plus loin, elle conserve en dépôt une suite d’idées qui pour être re- produites par l'animal exigent un jugement, résultat de réflexions intuitives combinées. Leur affection pour les personnes qui leur témoignent de l’atta- chement annonce que la reconnoissance est une de leurs vertus, et le souvenir des offenses qu’ils cou- vent dans leur intérieur prouve que la rancune est chez eux comme chez l’homme un penchant naturel. Hs savent par une modération simulée cacher, sous DES MAMMIFÈRES. les apparences d’une feinte froideur, les sentiments très vifs de convoitise qui les poussent à s'approprier tel ou tel objet : il y a done chez eux réflexion sur le danger qu’il y auroit à témoigner trop brusque- ment leurs désirs, réflexion qui les porte à recourir à la ruse pour mieux accomplir leur projet. Lors- qu'ils demandent aux personnes qu’ils connoissent quelque friandise qui flatte leur sensualité, on les voit employer la prière, les caresses, les pressantes sollicitations. Si on les refuse, ils prennent le ton boudeur et maussade des enfants volontaires, se mu- tinent, se fâchent même ; et enfin, lorsqu'on ne cède pas assez vite à leurs capricieuses volontés, ils ont recours aux menaces, feignent de vouloir employer des moyens extrêmes, et finissent, lorsqu'ils voient qu’on est fermement résolu à ne point céder, par se coasoler de n’avoir point obtenu le prix de leurs im- portunilés. Or tous les jeunes orangs observés par des naturalistes ont présenté cette suite d’idées en- fantines, et sous ce rapport le lecteur fera sans peine l'application de ce qui se passe dans les premières années de l’homme. C’est l’âge adulte qu’il seroit si important de bien connoitre. Quelles lumières son étude ne fourniroit-elle pas à la physiologie des pas- sions, et même à la morale? Certes l’énstinct, ou ce sentiment primitif et conditionnel des organes que la vie anime, dépendant de telles ou telles formes typiques, est un. Ce premier principe est aussi in- hérent à la molécule organique que l'ombre est au corps qui la produit : l'instinct est donc le mobile le plus influent des actions d’un orang, de même qu’il produit chez l'homme une foule d'actes indépen- dants de la volonté, et que l’on nomme habitude. Mais si l'intelligence, ou cette faculté que possède si éminemment l’homme de combiner ses idées et d’ap- pliquer les forces de son entendement à connoître et à analyser ses sensations, à acquérir des notions justes des causes et des effets, à réfléchir en un mot, est le résultat d’un grand perfectionnement du sys- tème sensitif, on ne peut méconnoitre que la dispo- sition du sensorium commune, plus incomplète dans l’orang, apporte aussi moins de perfection dans l’in- telligence, et que chez lui cette perfectibilité n’est qu'à l'état le plus simple, et comme surajoutée à l'instinct. Bien que ce champ soit très vaste, nous ne cherche- rons point à discuter plus long-temps sur ce sujet : nous nous bornerons à résumer les particularités connues des mœurs et des habitudes des animaux qui nous occupent. Les orangs, vivant dans les contrées les plus chaudes du globe, n’ont point besoin d’abris perma- nents : le feuillage est leur cabane, et les ramifica- tions des branches leur logement. Ils ont cependant le soin de se faire des sortes de hamacs avec des ra- meaux pliant(s et entrelacés, dont ils tapissent le fond L. 201 avec des feuilles douces et mollettes. Ils quittent peu ces demeures aériennes, où ils trouvent la sécurité, le repos et la nourriture. On dit que parfois ils pro- fitent des grands feux allumés par les Nègres pour réchauffer leurs membres après les averses pluviales, mais qu’ils ignorent complétement les moyens de l’entretenir. Cependant M. Hamilton, pendant un séjour à Java, affirme avoir vu un de ces animaux qui savoit allamer du feu, et qu’il le souflloit avee sa bouche. Une telle habitude lui auroit donc été ap- prise par ceux avec qui il vivoit? On cite des exem= ples du vif attachement que les mâles ont pour leurs femelles, et l’on assure qu’un orang se laissa mourir de faim par la vive douleur qu’il ressentit de la perte de sa compagne, qui suceomba lorsqu'on les con- duisoit tous les deux à Bombay, où ils étoient desti- nés au gouverneur anglois. L’orang seroit-il mono- game? Des voyageurs prétendent que ces animaux se réunissent par troupes, bien que le fait soit peu probable, car les orangs ne paroissent pas très mul- tipliés. Ils s’accommodent de toute espèce de nourri- ture; fruits, œufs, racines, jeunes pousses d'arbres, grenouilles et insectes ne répugnent nullement à leur estomac. Terminons enfin par un morceau de M. Bory Saint-Vincent (!), qui nous paroît dicté par les vues d’une philosophie qui ne sera point applau- die par tous nos lecteurs. « L'invention des armes, qu’ils eussent fort bien pu essayer à manier, ne leur a point été nécessaire. Suflisamment vêtus pour les climats qu’ils habitent, ils n’ont pas eu besoin de bercher à se façonner d'autres habits : une chaus- sure qui n’eût pas manqué de devenir indispensable pour protéser leur plante charnue, s’ils eussent été voyageurs, leur devenoit inutile et même incom- mode pour se percher. Sédentaires dans les forêts, les orangs, créés pour l’indépendance, n’ont pas plus eu besoin de se chercher des moyens d’attaque que de se procurer des commodités personnelles : ce sont ces avantages corporels qu’ils ont sur l’homme (?), et qui, unis à moins de besoins, ont dû placer ces animaux au degré d’infériorité qu’ils occupent dans la nature par rapport à nous. Nul doute qu’à l’aide de tant de conformités physiques existant entre l’homme et le chimpanzé, qu’au moyen des facultés intellectuelles qui élèvent ce dernier au moins au niveau des Hottentots, on ne parvint à développer considérablement la raison de ce second bimane, comme on parvient à faire un peu plus qu’une ma- chine d’un paysan grossier, lorsque l’on s'occupe de l'éducation de celui-ci avant que, croupi dans une stupide superstition, il ne soit définitivement con- “) Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t. XII, p. 280 et suiv. (2) Les Nègres australiens, les Océaniens même, ne différent point des orangs sous ce rapport. 26 Li 202 stitué en brute, et, qui pis est, en brute la plus mé- chante de toutes, parce que les fausses idées dont on l’imboit détruisent en lui jusqu'à cette rectitude d’instinct qui faisoit que l’orang-outan de Sumatra, dont on a raconté le meurtre, étoit probablement moins bête que la moitié des marins qui l’assommè- rent. C’est donc avec beaucoup de sens que Mau- pertuis auroit préféré une heure d’observation d'un orang-outang à la conversation du plus savant hem- me; et nous croyons, dût-on s’en égayer, qu’il seroit de la plus haute importance pour l'avantage des sciences morales qu’on se donnât la peine d'élever des orangs dès le berceau , et loin de leurs aînés, en employant pour les instruire les procédés par les- quels on parvient à élever nos muets de la triste condition d’infirmes à la dignité d'homme. En vain contre la possibilité de réaliser notre vœu l’on argue- roit de cette humeur indomptable et sauvage que la plupart des auteurs attribuent aux orangs, mais dont nous avons plus haut essayé d'expliquer les causes. « Ce seroit une grande simplicité, disoit Jean-Jac- ques, de s’en rapporter là dessus à des voyageurs grossiers, sur lesquels on seroit quelquefois tenté de faire la même question qu’ils se mêlent de résoudre sur d’autres animaux. Ces voyageurs, ajoute le phi- losophe génevois, font sans façon sous les noms de pongo, d'orang-outan, etc., des bêtes de ces mêmes êtres dont les anciens faisoient des divinités. Peut- être, après des recherches plus exactes, on trouvera que ce ne sont ni des bêtes ni des dieux, mais des hommes. » En ajoutant ou à peu près à sa phrase, Rousseau l’eût rendue parfaitement orthodoxe, c’est- à-dire conforme aux idées que les hommes raisonna- bles ont aujourd'hui de l’orang-outan et du pongo (1). (:) « Dans une des dernières séances de la Sociélé z00- logique de Londres, on a présenté une peau et deux crânes de l'orang-outang de Bornéo, ainsi que le crâne d’un jeune orang-oulang de Sumatra, lesquels ont été envoyés de Singapore en Angleterre, par le docteur W. Montgomerie.M.Owen communique en même temps les ohservations suivantes qu'il a failes sur chacun de ces animaux. D’après son examen, la peau du jeune orang-oulang de Sumatra s'accorde, sous le rapport de la couleur fauve, de la texture, de la disposition et de la direction de sa fourrure, avec celle de l’orang adulte femelie de Sumatra, qui fut offerte à la Société zcolo- gique par M. Stamford Raffles; comme celui de ce der- nier, il n'a pas d’ongle au pouce des extrémités infé- rieures. Les molaires de chaque côté de la mâchoire correspondent aux premiéres molaires permanentes de l'adulte; le reste des dents consiste en huit bicuspèdes delait, quatre pelites canines également de lait, et huit incisives de même nature. Cet état de dentition est semblable à celui de l'enfant humain à huit ans, mais il pe seroit pas prudent d'en conclure que le jeunc orang-outang avoit cet âge, parce qu'il est très présu- mable , par suite de la longue durée caractéristique de l'enfance de l'homme, que le renouvellement des dents chez lui a lieu à une époque plus tardive que cher les HISTOIRE NATURELLE LES GIBBONS. Hylobates. ILzic, Les gibbons ont été confondus avec les orangs par la plupart des auteurs systématiques, car ils n’en diffèrent en effet que par des caractères secon- daires de peu d'importance. Déjà cependant les gibbons s’éloignent du type des orangs par un allongement plus considérable des membres ct par une plus grande tendance vers l’animalité. Leur manque absolu de queue, leur système dentaire, la disposition de leurs viscères, quelques unes de leurs habitudes, semblent établir un rapproche- ment intime; et cependant aussitôt qu’on porte son attention sur leurs très longs bras, leurs muscles grêles, et surtout sur les callosités (!) dénudées qui recouvrent les fesses, on ne peut se dispenser de les descendre quelques degrés au-dessous des orangs, dontils sont le lien transitoire avec les autres singes. La dénomination de gibbon fut donnée à l'espèce anciennement connue de genre par Buffon, qui crut d’abord ce nom d’origine indienne, parce que Dupleix nommoit ainsi le singe vivant qui servit de type à sa description. Par la suite il fit venir ce nom du grec keipon, par lequel Strabon désignoit orangs-outangs. Les deux crânes de ceux de Bornéo différent matéricllement entre eux sous le rapport de leurs dimensions , et du développement des crêtes oc- cipitales. Le plus grand des deux ressemble beaucoup au crâne du pongo de Bornéo, ou orang adulle du col- : lége des chirurgiens, et diffère précisément par les mêmes détails du crâne du pongo (qu'on suppose de Sumatra), qui a été décrit dans le £er volume des Tran- sactions de la Société zoologique de Londres. Les par- ticularités sexuelles qu’on observe dans le pongo de Bornéo et de Sumatra sont bien prononcées el très re- marquables, d'abord par une différence dans la dimen- sion relative, celui de la femelle étant environ :/6 plus petit, ensuile par un développement beaucoup moins grand de la crête occipitale, enfin par la symphyse du merton qui est moins profonde, le crâne de la femelle se rapprochant sous ce rapport, d'aprés les lois ordi- paires du développement sexuel, du caractère de l'ani- mal qui n’a pas encore atteint l'âge adulte. Le plus petit des crânes des deux orangs de Bornéo est regardé par M. Owen comme indiquaat une expêce de simia égale- mentdistincie du grand pongo de Bornéo et de l’orang de Sumatra. En conséquence, il propose de désigner le pelit orang de Bornéo, simia morio, » (Revue bri- tannique, n° 20, août 1837, p. 367.) () Les callosités qui occupent les fesses de certains singes sont formées par l'adhérence de la peau sur les tubérosilés des os ischions : ces tubérosités présentent une facette plus où moins large que recouvre exacle- ment cette peau nue et durcie par l'usage, DES MAMMIFÈRES. le cephus, s’il faut en croire, dans une nomenclature de singes, une note de Daléchamp sur Pline. Tou- tefois il est évident que cette étymologie ne repose sur aucun fondement solide, et que le nom de gib- Pon est un mot corrompu de quelque idiome des iles indiennes de l’est. Quoi qu'’ilen soit, les gibbons ne furent jusqu’à ces dernières années composés que d’une seule espèce que Buffon avoit observée vivante, et qu’on placoit à la tête du genre singe, immédiatement après l’orang-outan. Le naturaliste prussien Illiger jugea le premier convenable de former un genre des gibbons qu’il nomma hyloba- tes, en exprimant par cette désignation leur habi- tude de vivre dans les forêts. Ce genre, dans ces dernières années, s’est enrichi de plusieurs espèces nouvelles très remarquables, qui formeroient une petite tribu assez naturelle si les siamangs ne s’en éloignoient pas par quelques particularités d’orga- nisalion. Illiger distinguoit ces hylobates de tous les autres singes par les détails anatomiques suivants : une face obluse, présentant un angle facial de soixante degrés ; le visage nu; les narines séparées par une étroite cloison ; aucune trace d’abajoues ; les oreilles munies d’un rebord ; deux mamelles terminées par un mamelon allongé sur la poitrine ; point de queue ; les pieds et les mains ayant des ongles à tous les doigts; les membres antérieurs touchant presque la terre lorsque l’animal est debout ; des ongles aplatis; les fesses recouvertes de callosités dénudtes; les mâchoires garnies de quatre incisives droites à peine dépassées par des canines de forme conique; les molaires à couronne aplatie; les deux antérieures de chaque côté bicuspidées, et les trois postérieures à quatre éminences. La glupart des zoologistes modernes n’ont fait des gibbons qu’une section du genre orang : cepen- dant MM. F. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire les en distinguent nettement. Ils se rapprochent du chimpanzé par la conformation de la tête, dont la voûte est abaissée presque au niveau des arcades sourcilières, et ils tiennent de l’orang-outan par Jeurs membres antérieurs , proportionneliement beaucoup plus longs. Les callosités des fesses ont aussi une grande influence sur la forme du bassin, dont les ischions sont élargis en un disque ovalai:e et plat qui les supporte. Les os iliaques sont étroits et allongés, et donnent naissance à un pubis qui forme une grande saillie en devant. Leur tête, qui est déjetée en arrière, se termine en avant par un museau à chanfrein concave. Le pelage qui revêt le corps est partout également fourni, également épais , et le poil qui recouvre l’avant-bras n’affecte point ce rebroussement qui caractérise celui des orangs. Une autre particularité anatomique encore fort intéressante est que l’humérus et Ie fémur sont 203 de même longueur, "et que la grande inégalité qu’on remarque entre les proportions relatives des mem- bres tient à ce que l’avant-bras et la main sont d’un tiers plus longs que la jambe et le pied : fréquem- ment les doigts indicateurs et médiants des pieds sont soudés et unis jusqu’à la phalange qui sup- porte l’ongle. Le profond anatomiste Daubenton a remarqué que, lorsque les gibbons veulent se tenir debout, ils fléchissent la cuisse sur la jambe, et que, lorsqu'ils veulent reposer leurs muscles fati- gués, il leur suffit d'étendre les mains vers le sol et de s'appuyer en le touchant avec les doigts. Lors- qu'ils courent seulement sur les deux extrémités postérieures, leurs longs bras servent à établir une sorte de contre-poids à leurs mouvements: mais leur allure s'exécute le plus souvent à l’aide de leurs quatre extrémités, Les gibbons vivent par troupes nombreuses dans les forêts des îles indiennes : ils ne quittent guère les arbres où leurs membres longs et grêles leur permettent de courir de branche en branche et de s’accrocher sans'effort. Leurs fesses non renflées , Jes muscles jumeaux et soléaire effacés, leurs longues extrémités antérieures, n’annoncent point qu'ils soient destinés à marcher sur le sol. Ce sont des animaux doués de mœurs douces et paisibles, et dont l’instinct est très borné. La stu- pidité de plusieurs espèces est si prononcée qu’elle établit entre elles et les orangs une ligne de démar- cation immense. Tout ce que l’on connoît de positif sur leurs mœurs et sur leurs habitudes, naguère en- core complétement ignorées, est entièrement dû aux recherches de M. Alfred Duvaucel. Ces détails. écrits sur les lieux, ont été soigneusement enregistrés dans l'Histoire des Mammifères de M. Fr. Cuvier, et nous cs reproduirons lorsqu'il sera question des espèces qu’ils concernent. « Les gibbons ont trente-deux dents comme l’homme et les orangs, c’est-à-dire seize à chaque mâchoire, ou quatre incisives, deux canines, et dix molaires ({). » À Ja mâchoire supérieure la première incisive est large, terminée par une ligne droite, usée obli- quement en dedans, et coupée transversalement par l'impression de lincisive inférieure : la seconde est plus petite que la première, et usée obliquement du côté de la canine; celle-ci, plus large qu'épaisse, est tranchante à son bord postérieur, et elle présente deux sillons longitudinaux à sa face interne, sépa- rés l’un de l’autre par une côte saillante : le sillon postérieur est plus large et plus profond que l’an- térieur. Les deux mâchelières'suivantes sont deux fausses molaires : la seconde est un peu plus grande () Frédéric Cuvier, Des dents des Mammifères, pag. 12, j 204 que la première ; mais toutes deux se composent de deux tubercules mousses, l’un au bord externe et l’autre au bord interne plus petit que le premier. Les trois molaires qui viennent après, et qui vont en grandissant de la première à la dernière, ont la même forme; elles se composent de quatre tuber- cules, deux d’égale grandeur au bord externe, et deux au bord interne, le postérieur beaucoup plus petit que celui qui le précède. Ces tubercules sont formés par des sillons qui partagent inégalement la dent. » À la mâchoire inférieure la première incisive est petite et terminée par une ligne droite; la se- conde est arrondie à sa face externe, terminée en pointe, et renforcée à sa face interne par une côte longitudinale qui l’épaissit dans sa partie moyenne. La canine est plus égale dans ses dimensions que celle de l’autre mâchoire, et elle est terminée pos- iérieurement par un talon; mais sa face interne présente aussi les deux sillons et la côte que nous avons vus à l’autre. La première fausse molaire, placée obliquement, n'a qu'une seule pointe; la seconde en a deux, l’une interne et l’autre externe, situées plus près de son bord antérieur que de son bord postérieur. Trois molaires suivent, qui vont en augmentant de grandeur, et qui se ressemblent : elles présentent cinq tubercules, deux à leur partie antérieure, et trois disposés en triangle à leur par- tie postérieure. C’est la première fois que de sem- blables molaires se présentent. » Dans leur position réciproque ces dents sont dans les mêmes rapports que celles que nous avons décrites précédemment. Ce type de dentition a été donné par le siamang, et il se retrouve chez le wou- wou et l’oundo, trois espèces dont on doit la connois- sance aux recherches de MM. Duvaucel et Diard à Sumatra. » Ainsi les gibbons seront reconnoissables par leurs membres minces et grêles, par l’épaisse toison poilue quiles recouvre, et par leurs fesses calleuses ; et à ces caractères extérieurs se joindront des na- rines presque verticales et étroites, un museau ré- tréci, de très longues mains et de très longs pieds, des doigts grêles terminés par des ongles légère- ment renflés et pointus : en un mot les gibbons ne seront plus, sous les rapports matériels et moraux, que des singes faits à l’image des orangs. Leur taille est également la nuance intermédiaire; et, bien que les siamangs deviennent très grands, les autres espèces n’acquièrent jamais que des proportions médiocres : aussi, moins forts et moins robustes, se confiant moins par conséquent à l'énergie de leurs muscies , il en résulte chez eux plus de défiance, plus de timidité dans les mœurs. Le peu de dé- veloppement qu’acquiert le cerveau est aussi la cause principale d’où dépend la foible dose d’intel- HISTOIRE NATURELLE ligence dont ils sont doués, et le peu d'éducation dont ils sont susceptibles. Les gibbons sont généra- lement sédentaires ; la faim seule les décide à quitter leurs retraites. Mais leurs longs bras, qui deviennent si embarrassants pour la marche sur un sol uni, sont au contraire très favorables pour leur vie semi-aé- rienne sur les arbres; et les gibbons, micux que nos plus habiles voltigeurs sur la corde, s’élancent d’une branche à l’autre, s’accrochent aux plus lé- gers rameaux avec une aisance dont rien n’appro- che. Combien est sage la nature, qui, plaçant les gibbons dans l'Asie et les destinant à habiter les bois, leur donna des membres agiles et capables d’assurer ce genre d’existence, et, variant ses {ypes, les remplaça dans les forêts de l'Amérique par des singes dont la queue est faconnée de manière à ser- vir de cinquième membre, à s’accrocher sur les rameaux en s’enroulant à l’entour! Les vrais gib- bons rappellent les atèles du Nouveau Monde, et les siamangs y remplacent les alouates. Fous les individus élevés en domesticité ont paru timides, craintifs, taciturnes ct embarrassés de leur maintien. Is n’ont jamais répété qu’avec une très grande gaucherie les actes d'imitation qu’on a cher- ché à leur enseigner. Les gibbons vivent de fruits, de racines, de tu- bercules végétaux; ils sont friands d’œufs, et l’on doit penser qu’ils ne dédaignent point les reptiles, les mollusques terrestres qu’ils peuvent se procu- rer sur les arbres. Ceux qu'on à nourris en capti- vité mangcoient indifféremment des fruits, de la viande , et en général de tout ce que mange l’homme. On connoît assez bien aujourd’hui cinq cspèces de gibbons, toutes des iles indiennes de Sumatra, de Bornéo et de Java. Ce sont des animaux qui, par les veriations que leur taille et les couleurs de leur pelage éprouvent suivant les âges et les sexes, sont d’une très grande difficulté à spécifier d’après les ou- vrages écrits : aussi apporterons-nous les plus grands scrupules à discuter quelques points de leur his- toire; mais ce travail toutefois sera rendu plus facile par l’existence des cinq espèces bien conservées dans les galeries du Muséum royal d'histoire naturelle, où elles ont été envoyées avec des descriptions ori- ginales par MM. Duvaucel et Diard. LE GIBBON SIAMANC. Hylobales syndactylus ('). Le gibbon siamang est une découverte récente que les Anglois attribuent à sir Stamford Rafles, et (r) Simia syndactyla, sir Raffles, Trans. soc. Linn., DES MAMMIFÈRES. 908 que naturellement les Francois doivent réclamer pour MM. Duvaucel et Diard, momentanément en- gagés à seconder de leurs talents et de leurs con- noissances les recherches de ce gouverneur, d’ail- jeurs instruit et très zélé pour les collections de son pays. MM. Vigors et Horsfield nous ont aussi, au sujet de l'introduction de cette belle espèce dansles catalogues zoologiques , taxé d'ignorer les droits (1) que M. Raflles avoit à l'estime des naturalistes pour avoir fait connoître cette espèce. Ses droits ne peu- vent être contestés : cependant le mémoire où le siamang est décrit, bien que lu en décembre 1826, inséré dans le tome XHII des Transactions de la Société linnéenne de Londres, n’a été livré au publie qu’en 4822, et la description du siamang par M. Fr. Cuvier a été imprimée et porte la date de novembre 1821. L'histoire du siamang dans M. Raffles est fort peu étendue, bien que positive dans ses détails. Cet au- teur rapporte que ce gibbon est très commun dans les forêts qui avoisinent Bancoolen, et qu’il y vit par grandes troupes qui font retentir ces solitudes de leurs cris aigus et singuliers. Un individu qu’il con- servoit en vie lui parut très doux et très familier, et recherchoit avec empressement la compagnie des hommes. Siamang ou samang est le nom que Îles Malais donnent à ce singe, en dérision du peuple Lond.,t. XIII, p. 241 (1822) : siumang, F. Cuvier, 34e livraison, HMamanif., novembre 1821; Dictionn. des Scienc. natur., t. XXXVI, p. 287: pithecus syn- dactylus, Desmarest, Mammif., pag. 531 (1822 ); Griffith , traduction angloise du Règne animal, fig. texte , p. 255; Bory, Dictionn. classiq., t. XI, p.283; Geoffroy Saint-Hilaire , Leçons sténograph., p. 34. (:) En attribuant à MM, Diard ct Duvaucel la décou- verte du plus grand nombre des animaux que sir Raffles a envoyés à Londres, nous n’avons fait qu’obéir à un sentiment de justice générale indépendant de tout cs- prit de nationalité ; nous eussions agi de même envers un Anglois. Mais nous ne pouvons laisser passer sans réponse l’axiome le plus illibéral pour des hommes consacrés aux sciences que viennent d'émettre, dans le 13e cahier du Journal de Zoclogie, MM. Horsfeld et Vigors ( page 406, note*}.« Ces naturalistes (MM. Diard » et Duvaucel) furent Iles collecteurs à gages de sir » Stamford Raffles; ils agissoient directement sous ses » ordres, et furent amplemeat récompensés de leurs » services subordonnés par une solde large et géné- » reuse. De même qu’on devroit attribuer les décou- » vertes du capilaine Cock aux marins qui manœu- » vroient son vaisseau, de même on doit attribuer les » découvertes de sir Raffies à ses collaborateurs. » Nous ne ferons point de réflexion sur ce passage , aussi ridicule que faux dars son ensemble ; nous laissons à juger à nos lecteurs si une solde quelconque peut payer les productions de l'esprit, ct combien il faut que deux écrivains respectent peu leur propre dignité pour ayan- cer un principe qui ravaleroil les gens de lettres et les hommes de sciences au niveau des simples manœuvres à salaire journalier, qui le porte; car les siamangs que cite Marsden sont les indigènes de la presqu’ile de Malacea , dont les mœurs et les habitudes sont très peu connues. Le gibbon siamang , lorsqu'il se tient droit, a jus- qu’à trois pieds de hauteur. C’estun animal robuste, très vigoureusement musclé, ayant de longs bras, mais pas de queue. Il est couvert de poils épais et d’un noir de jais, excepté sur les fesses, où se des- sinent des callosités. Un caractère fort remarquable, qui porta sir Raffles à lui donner le nom de simia syndactyla ou singe à doigts soudés, cst la particu- larité qu’il présente d’avoir les doigts indicateur et médius du pied soudés jusqu’au milieu de la seconde phalange : depuis, cette disposition organique a été retrouvée chez les femelles de quelques autres espè- ces. Le siamang porte aussi sous la gorge un repli dilatable et extensible de la peau, qui est entière- ment nu, et qui peut se gonfler d’air et assourdir la voix, comme cela a lieu chez les orangs. Les poils, partout également épais, doux , et souvent très longs sur certaines parties, sont d’un noir intense, ex- cepté sur le menton, où l’on remarque quelques poils brunâtres qui semblent devoir grisonner avec l’âge. La face est complétement nue et d’un noir pro- fond , ainsi que les mamelles de la femelle. Les or- bites sont arrondies et saillantes , et les dents cani- nes sont remarquables par leur longueur. Sir Raffles termine cette description par mentionner une variété albine de cette espèce, qui se trouveroit dans le dis- trict de Barous; mais, comme il n’entre point à son sujet dansdes détails plus circonstanciés, ilse peut que ce soit un animal du même genre encore inconnu des naturalistes. Telles sont les lumières dont nous sommes rede- vables à sir Stamford Raflles sur un animal d'autant plus intéressant qu’il tient par plusieurs caractères aux orangs, ct par l’ensemble de son organisation aux gibbons. C’est encore le vrai anneau de transi- tion qui lie les orangs, ou le premier genre après l’homme, au second genre ou aux gibbons, avant de nous conduire tout-à-fait au milieu des singes tels que nous les concevons. Nous emprunterons ce que nous aurons à dire maintenant du siamang aux re cherches de M. Alfred Duvaucei et aux travaux de M. Fr. Cuvier, en ne perdant point de vue lesbeaux individus dont les dépouilles sont conservées dans les collections publiques de Paris. M. Duvaucel a fourni sur l’animal qui nous oc- cupe les détails les plus neufs et les plus complets; ils sont rapportés avec une élégance que nous crain- drions d’afoiblir en ne suivant pas avec une sCcru- puleuse exactitude le récit qu'en a publié M. Fré- dérie Cuvier (1) d’après les lettres de ce jeune voya- geur, mort victime de son zèle pour la science. () F. Cuvier, Histoire des Mammifères, t. IE, p. 1, 206 Ainsi s'exprime M. Duvaucel : « Cet animal est fort commun dans les forêts de Sumatra, et j'ai pu sou- vent l’observer en liberté comme en esclavage. On trouve ordinairement les siamangs rassemblés en troupes nombreuses, conduites , dit-on, par un chef que les Malais croient invulnérable, sans doute parce qu’il est plus fort, plus agile et plus difficile à atteindre que les autres. Ainsi réunis, ils saluent Je soleil, à son lever et à son coucher, par des cris épouvantables qu'on entend de plusieurs milles, et qui de près étourdissent lorsqu'ils ne causent pas d'effroi. C’est le réveil-matin des Malais monta- gnards, et pour les citadins qui vont à la campagne c'est une des plus insupportables contrariétés. » Par compensation ils gardent un profond si- Jlence pendant la journée, à moins qu’on n’intcr- rompe leur repos ou leur sommeil. Cesanimaux sont lents et pesants; ils manquent d’assurance quand ils grimpent’, et d'adresse quand ils sautent : de sorte qu'on les atteint toujours quand on peut lessurpren- dre. Mais la nature, en les privant des moyens de se soustraire promptementaux dangers, leur a donné une vigilance qu’on metrarement en défaut ; et s’ils eatendent à un mille de distance un bruit qui leur soit inconnu, l’effroi les saisit et ils fuient aussitôt. Lorsqu'on les surprend à terre, on s’en empare sans résistance, soit que la crainte les étourdisse, soit qu’ils sentent leur foiblesse et l'impossibilité de s'é- chapper. Cependant ils cherchent d'abord à fuir, et c’estalors qu'on reconnoit toute leur imperfection pour cet exercice. Leur corps, trop haut et trop pesant pour leurs cuisses courtes ctgrêles, s'incline en avant, et, leurs deux bras faisant l’oflice d’é- chasses, ils avancent par saccades, et ressemblent ainsi à un vieillard boiteux à qui la peur feroit faire un grand effort. » Quelque nombreuse que soit la troupe, celui qu’on blesse est abandonné par les autres, à moins que ce ne soit un jeune individu. Sa mère alors, qui le porte ou le suit de près, s'arrête, tombe avec lui, pousse des cris affreux en se précipitant sur l'ennemi la gueule ouverte et les bras étendus. Mais on voit bien que ces animaux ne sont pas faits pour combattre ; car alors mêmeilsnesavent éviteraucun coup, et n’en peuvent porter un seul. Au reste cet amour maternel ne se montre pas seulement dans le danger, et les soins que les femelles prennent de leurs petits sont si tendres, si recherchés, qu’on seroit tenté de les attribuer à un sentiment raisonné. C’est un spectacle curieux, dont, à foree de précau- tions, j'ai pu jouir quelquefois, que de voir des fe- melles porter leurs enfants à la rivière, les débar- bouiller malgréleurs plaintes, les essuyer, les sécher, et donner à leur propreté un temps et des soins que dans bien des cas nos propres enfants pourroient cuvier. HISTOIRE NATURELLE » Les Malais m'ont aflirmé un fait.dont je doutois alors, mais que je crois avoir constaté depuis : c’est que les petits siamangs, trop jeunes encore pour aller seuls, sont toujours portés par des individus du même sexe qu'eux; par leurs pères s'ils sont mâles, et par leurs mères s'ils sont femelles, Ils m'ont également assuré que cette espèce devenoit souvent la proie des tigres par le fait de cette sorte de charme qu’on a déjà dit que les serpents exercent sur les oiseaux, les écureuils, etc. Je ne peux rien vous apprendre sur leur mode d’accouplement, sur la durée de la gestation, ete. Ces faits mystérieux sont ignorés des Malais eux-mêmes, les siamangs n'ayant point encore produit en esclavage. Au reste la servitude, quelle que soitsa durée, ne paroit mo- difier en rien les défauts caractéristiques de ce singe, sa stupidité, sa lenteur, sa maladresse. A la vérité il devient en peu de jours aussi doux qu’il étoit sauvage, aussi privé qu’il éloit farouclie ; mais, toujours timide, on ne lui voit jamais la familiarité qu'acquièrent bientôt les autres espèces du même genre, et sa soumission paroit tenir plutôt à son extrême apathie qu'à un degré quelconque de cou- fiance ou d'affection. Il est à peu près insensible aux bons et aux mauvais traitements: la reconnoissance, la haine, paroissent être des sentiments inconnus à ces machines animées. Tous leurs sens sont gros- siers : s’ils fixent un objet, on voit que c’est sans in- tention ; s’ils y touchent, c’est sans le vouloir. Le siamang, en un mot, est l’absence de toute faculté; et si l’on classe jamais les animaux d’après leur in- telligence, celui-là occupera sûrement une des der- nières places. Le plus souvent accroupi, enveloppé dans ses longs bras, et la tête cachée entre les jam- bes, position qu’il a aussi en dormant, le siamang ne fait cesser son immobilité et ne rompt le silence qu’en poussant par intervalles un cri désagréable assez approchant de celui du dindon, mais qui ne paroit motivé par aucun sentiment, par aucun besoin, et qui en effet n’exprime rien; la faim elle-même ne peut le tirer de sa léthargic naturelle. En esclavage il prend ses aliments avec indifférence, les porte à sa bouche sans avidité, et seles voit enlever sans étonnement. Sa manière de boire est en hirmonie avec ses autres liabitudes : elle consiste à plonger ses doigts dans l’eau et à les sucer ensuite. » « Après cesintéressants détails, dit M. F. Cuvier, M. A. Dvaucel nous fait connoître les organes du siamang. Cet animal, semblable à tous les gibbons, et la plus grande espèce de ce genre, n’a ni aba- joues ni queue, et ses bras sont d’une longueur dé- mesurée, quoique un peu moindre que celle des bras du wou-Wou. S4 figure nue est extrêémement laide; ce qui est principalement dû à son front réduit aux arcades sourcilières , à ses yeux enfoncés dans leurs orbites, à son nez large, aplati, dont les narines, DES MAMMIFÈRES. placées sur les côtés, sont très grandes , à sa bouche ouverte jusqu’au fond des mâchoires, à ses joues enfoncées sous des pommettes saillantes, et à son menton en rudiment. Si l’on ajoute à ces traits la grande poche nue , onctueuse et flasque, en forme de goître, qu'il a sous la gorge, toutes les autres parties de son corps revêtues d’un poil brillant, long, doux, épais, et d’un noir foncé, excepté les sourcils et le menton, où il est roussâtre, ctses jam- bes arquées, tournées en dedans, et qui restent tou- jours en partie fléchies, on se fera du siamang une idée assez juste, et qui ne sera rien moins qu’agréa- ble. » La poche gutturale, dont nous venons de par- ler, a la faculté de s'étendre et de se gonfler, ce qui arrive lorsque l’animal crie; et il a cela de commun avec l’orang-outan. Le scrotum est recouveit de poils longs et droits, réunis en un pinceau qui des- cend quelquefois jusqu'aux genoux. Les mâles sont facilement reconnoissables à cette particularité, et les femelles à la nudité de leur poitrine et de leur ventre, el à leurs mameiles un peu saillantes, ter- minées par un gros mamelon. Un caractère commun aux deux sexes, qu’on ne trouve pas chez le wou- wou, et qu’on observe chez beaucoup d’autres sin- ges, est la disposition des poils de lavant-bras diri- gés en arrière, qui, rencontrant ceux quidescendent de l’humérus, forment sur ie coude une sorte de manchette. Mais la circonstance la plus remarqua- ble du siamang c’est la réunion de l’index au médius par une membrane très étroite, et qui s'étend jus- qu’à la base de la première phalange. La taille de cet animal peut s'élever jusqu’à un mètre quinze centimètres (trois pieds six pouces environ }), et le sexe ni l’âge ne paroissent rien changer à ses couleurs. Les dimensions des premiers siamangs dont les dépouilles furent apportées en Europe, bien que maintenant on en possède des individus dont la taille ait jusqu’à trois pieds six pouces, sont les sui- vantes : Pieds. Pouce, Hauteur de l'animal lorsaw’il est debout. 2 8 Lonaheun THMDrAS. Es Deleted » UPS AIME 4. cle 0.1 (OU T0 — de la partie nue de la main. , . . 9 Les siamangs sont donc reconnoissables dès la première vue, et distingués des autres espèces de gibbons par leur pelage uniformément noir sans avoir de blanc autour de la face ; par le sac membra- neux et nu qui pend sous la gorge : ils sont aussi beaucoup plus grands que les autresespèces, et beau- coup plus robustes. L'examen des crânes de sia- mangs est venu confirmer les idées de phrénologie du docteur Gal], en prouvant que chez les femelles, qui possèdent à un haut degré les sentiments de \ 207 lPattachement maternel, l'organe de l'amour des mères pour leurs petits est considérablement plus développé que chez le mâle. Cette observation a été faite surtout par M. Geoffroy Saint-Hilaire, en exa- minant des crânes appartenant à des êtres des deux sexes, et il eut occasion de montrer dans une des lecons de son cours que les boites osseuses desmäâles p’avoient point la large et forte saillie de la région occipitale, saillie occupant une superficie de huit lignes d'avant en arrière, et dix-huit dans le sens transversal, et correspondant avec exactitude à la saillie postérieure des lobes du cerveau. Il paroît en effet que les femelles sont industrieuses pour proté- ger leurs enfants; qu’elles sont aussi plus intelli- gentes que les mâles, en général stupides, lourds, et indifférents pour leur progéniture. 2 "me LE GIBBON AUX MAINS BLANCHES. Hylobates lar (1). Cette espèce est la plus anciennement connue du genre, et sa description fut tracée par Buffon (?) d’après un individu amené en France fort jeune et qui n’avoit point encore la couleur nette et tranchée des adultes, c’est-à-dire le pelage noir relevé par la blancheur de celui des mains et des pieds. La de- seription de Buffon est sous ce rapport tellement incomplète (bien que ce soit d’après elle que la phrase attribuée par Linnæus à son simia lar ait été faite) que sans la peinture, plus exacte que la de- scription, on ne pourroit balancer à regarder le grand gibhon de l’auteur françois comme étant identique avec l’ounko. Mais la précision de la gravure ne laisse rien à désirer, puisque plusieurs individus conservés dans les collections de Paris et de Londres sont venus dans ces derniers temps rap- peler tous les caractères qu’elle présente, et par conséquent arrêter, sans permettre de doute, le type du simia lar des auteurs méthodiques. Le gibbon, ainsi que Buffon appelle ce singe dans () Le gibbon, Buffon , t. XIV, p.108 : le grand gib- bon, Buffon, pl. enl. 5% : sünia lar, L. : le gibbon, Audebert, fam. I , sect. 2, pl. 1 : le grand gibbon, En- cyclopédie, pl. 5, fig. 3; Shaw, Gen. Zoo. t.1, part. 1, p. 42, pl. 5 (copiée de Buffon) : simia longimana, Screber, pl. 3 ; Müller (figure copiée de Buffon) : pithe- cus lar, Desmarest, p. 50; Geoffroy Saint-Hilaire, Leçons sténographiées, VIle leçon, p. 34; Latreille, Histoire des Singes, t. Y, p. 202 : simia albimana, Vigors et Horsfield , Zoo!. Journ., n° xur, p. 407. (2) Daubenton en a donné l'anatomie, et une descrip- tion plus exacte que celle de Buffon. 208 son texte, ou le grand gibbon, ainsi qu’il le nomme dans ses planches coloriées , a été spécifié de cette manière par ce célèbre naturaliste : « Il n’a point de queue; les fesses sont pelées, avec de légères callosités ; sa face est plate, brune, et environnée tout autour d’un cercle de poils gris; il a les dents canines plus grandes à proportion que celles de l'homme ; il a les oreilles nues, noires et arrondies, le poil brun ou gris suivant l’âge ou la race; les bras excessivement longs : il marche sur ses deux pieds de derrière ; il a deux pieds et demi à trois pieds de hauteur. La femelle est sujette, comme les femmes, à un écoulement périodique. » Dans i’histoire générale du gibbon, Buffon an- nonce avoir fait la description sur un individu vi- vant qui n’avoit pas trois pieds de hauteur, mais qui paroissoit être encore dans sa première jeunesse. IL avoit tout autour de la face un cercle de poils gris, qui l’encadroit exactement. Ses yeux étoient grands, mais enfoncés dans leur orbite ; et la face, aplatie et assez semblable à celle de l’homme, étoit de couleur tannée. Deux individus dont les dépouil- les préparées se trouvoient au cabinet du Jardin du Roi, différoient beaucoup l'un de l’autre par la taille : bien que le second fût adulte, il étoit beau- coup plus petit que le premier, et n’avoit que du brun dans tous les endroits où l’autre avoit du noir. Mais Buffon se trompe iciévidemment en regardant comme appartenant à son gibbon le singe qu'il à figuré dans ses planches coloriées sous le nom de petit gibbon, qui est évidemment une espèce bien distincte. Quant aux habitudes morales du gibbon observé par Buffon, elles sont ainsi présentées : « Ce singe Dous à paru d’un naturel tranquille et de mœurs assez douces. Ses mouvements n'éloient ni trop brusques ni trop précipités. Il prenoit doucement ce qu'on lui donnoit à manger; on le nourrissoit de pain, de fruits, d'amandes, etc. Il craignoit beau- coup ie froid et l'humidité, et il n’a pas vécu long- temps hors de son pays natal. Il est originaire des Jodes orientales, particulièrement des terres de Coromandel, de Malacca et des iles Moluques. » Certes une description aussi vague, aujourd’hui que nous connoissons plusieurs espèces du même genre, ne seroit pas très utile pour caractériser l’a- nimal qu’elle concerne, et le séparer de ses congé- nères. La phrase de Linnæus et de Gmelin dans le Systema Naturcæ (t.E, part. 4, p.27) est entière- ment calquée sur elle, sans citation de la planche enluminée. Il en est de même de celle d'Erxleben (Syst. Keg. an., p.10), dont la synonymie se trouve entackée de citations qui doivent appartenir au gibbon cendré ou moloch. Telles étoient les seules lumières qu’on eût sur le gibbon lar, car les au- teurs s’accordèrent à rejeter comme fautive la plan- HISTOIRE NATURELLE che 54 des figures coloriées des animaux quadru- pèdes de Buffon; planche (1) une des meilleures sans contredit de tout le recueil, et représentant parfaitement ce gibbon, d’ailleurs très biea décrit par Daubenton, avec son pelage entièrement noir, excepté le pourtour de la face d’un gris blanc encadrant par un cercle le tour du visage, et les doigts jusqu’aux ongles qui sont, ainsi que les pieds à partir de larticulation tibio-tarsienne, d’un gris blanc uniforme, tandis que l'extrémité des doigts des mains et des pieds est d’un noir profond. Au- debert, dans son histoire des singes (4797), publia une figure (?) d'après une peau préparée du Mu- séum , où sont conservées les deux transitions de couleurs, c’est-à-dire que le tour du visage et les extrémités sont d’un blanc pur tandis que le pelage est d’un noir uniforme. La seule description qui soit propre à Audebert se borne à la courte phrase suivante : « Le gibbon a deux pieds de haut; ses bras sont presque aussi longs que son corps et ses jambes; il cest couvert de poils longs, noirs et touf- fus ; la face cest brune, entourée de poils gris jaunà- tres ; les mains el les pieds sont aussi couverts de poils gris. » Le gibbon est donc remarquable par son corps allongé et assez grêle, sa tête arrondie, ses yeux grands et enfoncés. Les poils de la tête, du cou, du dos, des flancs et des membres, sont d’ur noir intense chez les sujets adultes ; la face est nue et de couleur brune. Un cercle de poils gris très clairs traverse le front, s’élargit sur les joues, et con- tourne la mächoire inférieure en dessous. Le des- sus des mains, depuis le poignet jusqu'aux ongles, le dessus du pied, depuis la cheville jusqu’à la der- nière phalange, sont également recouverts de poils gris blancs plus ras que ceux du corps. La peau nue du dedans de la main et de la plante des pieds est de couleur noire, ainsi que les ongles et l’extré- mité des phalanges. Le Muséum de Paris possède en ce moment un individu très bien conservé du GIBBON LAR, dont le pelage, en place du noir intense qui caractérise l’âge adulte, est d’un brun fuligineux ou noirâtre sale, ce qui peut tenir à quelque différence d’âge. Il paroît aussi que le gris blanc du tour du visage, des mains et des pieds, passe souvent à ja teinte blanche pure. Les collections de Londres offrent quelques individus de cette espèce, qui n’ont encore que des dimensions peu considérables, mais qui du reste s'accordent parfaitement avec les de- scriptions que les auteurs en ont tracées (). (r) L'individu figuré et décrit par Daubenton étoit une jeune femelle qui ne pesoit que neuf livres. (2) Famille ire, sect. 2, fig. 1. () On devra donc donc supprimer l'espèce nominale DES MAMMIFÈRES, Le gibbon aux extrémités blanches habite la pres- qu’ile de Malacca : c’est du moins le seul endroit d’où il provienne d’une manière certaine; car il pa- roît ne point se trouver à Sumatra, où l’ounko le remplace. Le nom de grand gibbon, qu’on lui a donné primitivement lorsqu'on ne connoissoit qu’une petite espèce , lui convient d’autant moins aujour- d’hui qu'il est bien inférieur, par la taille et par les proportions du corps, au siamang. LE GIBBON CENDRÉ, OÙ MOLOCH, Hylobates leuciscus (1). L'indication la plus positive que les anciens au- teurs aient eue du gibbon cendré doit remonter au père Lecomte (Mémoires sur la Chine), qui dit avoir vu aux Moluques une espèce de singe mar- chant naturellement sur ses deux pieds, se servant de ses bras comme un homme, le visage à peu près comme un Hottentot, mais le corps tout couvert d’une espècede laine grise ; étant exactement comme un enfant, et exprimant parfaitement ses passions et ses appélits. Il ajoute que ces singes sont d’un paturel très doux ; que pour montrer leur affection aux personnes qu’ils connoissent ils les embrassent et les baisent avec des transports singuliers; que l’un de ces singes qu’il a vu avoit au moins quatre pieds de hauteur ; qu’il étoit extrêmement adroit et encore plus agile. Cette description est certaine- ment très exacte pour le temps. De Visme a figuré dans les Transactions philosophiques (t. LIX., pag. 74, pl. 5), sous le nom de golock des habi- tants du Bengale, ou singulière espèce de singe créée par MM. Vigors et Horsfeld sous le nôm de simia albimana, ayant pour phrase : Simia nigra circulo marginante faciem ; manibus, pedibus albidis. (1) Simia golock de De Visme, Trans. philos., t. LIX, p. 72, pl. 3 : le wou-wou, simia hirsuta, Forster; Sonnerat, Voyage, t. IV, p. 81 et 82; Mus. Lever., no 2 :le wou-wou, Camper : simia moloch, Audebert, Singes, fam. lre, sect. 2, pl. 2 (figure originale) : long armed ape , white variety, Shaw, Gen. Zoolog., vol. TI, part. 1, p.12, pl. 6, fig. orig. (1800) : gibbon cen- dré, Cuvier, Régn. anim. : pithecus leuciscus, Geoffroy Saint-Hilaire , Além.mus., t. H, p. 89, no 4; Catalogue du Muséum, p. 4: simia cinereus, Leçons sténogra- phiées, p. 3%, VIleleçon: simia leucisca, Screber, pl. 3B; Desmarest , Mammifères, p. 51 ; Raflles, Cat. Trans. soc. Linn. Lond., t. XII, p. 242 : gibbon cen- dré, Atlas du Dictionn. des Scienc. natur.; F. Cuvier, Dictionn. des Science. natur., t. XXXVI, p. 289 ; Bory, Dictionn. class, d'hist. natur., t. XI{, p. 284 ; Griffith, ÆRégn, anim., en angl., p. 254. k 209 sans queue, l’animal qui noué occupe. Camper le décrivit sous le nom de æou-wou , nom que portent chez les Malais plusieurs espèces de gibbons , et dont le son euphonique rappelle sans doutele cri de ces singes. Pennant crut qu’il n'étoit qu’une variété du gibbon lar, et Shaw ne l'en distingua pas non plus. Cependant on trouve une excellente figure du moloch dans le Musée de Lever (pl. n° 2), faite d’après nature, et sur le même individu qui a servi de type à la planche n° 6 de Shaw, sous le nom de long armed ape, white variety. Screber distingua le premier cette espèce, qu’il nomma (pl. 5 B. j simia leucisca. Audebert, en 1797, en donna une très bonne figure (famille Fre, sect. 2, fig. 2), en lui consacrant l’épithète de moloch, qui paroit cor- rompu du nom de golock de De Visme. Au premier aspect ce gibbon se distingue des autres espèces par la couleur noire foncée de sa fi- gure, de ses mains et de ses pieds, qui contraste avec la teinte de son pelage partout également d’un gris cendré. Un cercle de poils gris plus clairs en- toure la face, et une teinte plus foncée en grisâtre paroît être répandue sur le sommet de la tête et sur quelques parties externes des membres. Les poils qui recouvrent Île corps sont partout également fournis ; ils sont généralement longs et laineux, et les mains et les doigts jusqu'aux ongles en sont re- couverts. De fortes callosités se dessinent sur les fesses. Le moloch décrit par Audebert n’avoit que ving pouces de hauteur. Un bel individu, conservé en ce moment dans les galeries du Muséum, a près de deux pieds et demi. On dit que la taille de ces gib- bons peut acquérir, dans l’âge adulte , jusqu’à trois pieds et plus. Le moloch est assez bien proportionné dans tou- tes ses parties sous le rapport de la force; car, quant à la longueur, les membres supérieurs égalent à la fois et le corps et les jambes. Camper rapporte qu'il marche souvent debout et qu’il grimpe sur les bambous, où ses grands bras lui servent de balan- cier pour le maintenir en équilibre. On le dit colé- rique et capricieux, inconstant comme un enfant. Ce singe, nommé wou-wou par les Javanois, n’a encore été rapporté que des forêts intérieures de la grande île de Java, bien que quelques auteurs le disent des Moluques. Les jeunes individus sont parfois d’un blond uni- forme , tandis que la robe des vieux se fonce quel- quefois en gris, ce qui tient à ce que chaque poil est blanchâtre à sa base et gris à son sommet. Les doigts de cette espèce, soit du mâle, soit de la fe- melle, sont complétement libres. Elle ne vit point non plus en troupe, mais bien par couples appareil- lés et solitaires. En captivité ce singe devient mé- lancolique et indolent, tandis qu'à l’état de liberté 27 210 en le voit fréquemment se pendre aux rameaux les plus frêles et s’en servir comme d’une escarpolette pour s’élancer quelquefois à de grandes distances. On ne connoit rien d’ailleurs de la manière de vivre de ce gibbon. ER —— ——————___— —__— _——_—_—_ _—_—_—_—_—_—_——————— LE GIBBON VARIÉ, Hylobates variegatus (1). Buffon a figuré ce singe sous le nom de petit gib- bon à la planche 257 de ses figures coloriées de quadrupèdes : il est vrai que ce portrait est trop mauvais pour qu’on ait pu à sa seule inspection dis- tinguer spécifiquement l'animal qu’il représente ; aussi Linnæus, Screber, Erxleben, et quelques au- teurs modernes se bornèrent à en faire une simple variété du gibbon lar. Cependant des planches co- loriées avec plus de soin que la majeure partie des exemplaires du commerce prouvent jusqu’à lévi- dence la plus complète que le petit gibbon de Buffon est le même singe que M. Fr. Cuvicr a décrit plus tard sous le nom de wou-wou agile, non pas parce que cet animal est très agile, mais parce qu'il l’est beaucoup plus que les autres espèces du genre; car tous les gibbons sont remarquables par la lenteur et par l’inertie de leurs mouvements, s’il faut en eroire les voyageurs. Cependant la prestesse du gibbon cendré, la vivacité de l'espèce qui nous occupe, té- moigueroient assez que les gibbons n’ont rien de celle torpeur, qui semble au contraire uniquement propre au siamang. Sir Raffles a indiqué le gibbon dont nous traçons l’histoire lorsqu'il parle, dans le catalogue des ob- jets recueillis sous son patronage dans l'ile de Su- matra, de l’ungka-puti, qu’il regardoit comme très voisin du moloch. « C’est, dit-il, un animal beau- coup plus petit que le siamang, dont la taille ne dépasse pas deux pieds, et qui a le corps grêle et plus fluet. Sa couleur est d’un blanc jaunâtre sale qui tire sur le brun sous Je corps et en dedans des membres, différant en cela du plus grand nombre des animaux qui sont plus foncés en couleurs sur le () Le wou-wou, hylobates agilis, F. Cuvier, 32e liv. : Dictionn. des Scienc. natur., t. XXXVI, p. 288 :le petit gibbon, Buffon, pl. enl. 237,t. XIV, pl. 3 : sûmia lar, varietas, L. sp. : le petit gibbon, Encyclopédie, pl. v, fig. 4 : pithecus variegatus, Desmarest, Mammif., p. 51 : simia longimana , varietas, Screber, p. 3 : pi- thecus variegatus, Geoffroy, Ann. du Mus.,t. XIX, sp. 3; Leçons sténographiées, pag. 34; Desmarest, Mammif., p. 532; Griff., Règn. anim., en angl., p. 258 : le petit gibbon, Dictionn. class., t. XII, p. 284 el 285 : le petit gibbon, Forster, Miller, pl. 7. HISTOIRE NATURELLE corps. La face et les mains sont noires ; ses poils sont plus doux et plus laineux que ceux du siamang, etson cri est aussi moins fort et moins rauque. » Buffon a passé sous silence, dans son texte, le petit gibbon ; mais Daubenton, exact et serupuleux, a réparé cet oubli par une minutieuse description, suivant sa louable coutume. L’individu étudié par ce profond anatomiste étoit une jeune femelle dont la dépouille n'existe plus au Muséum. Voici le ré- sumé de ce qu’on en sait. Semblable au gibbon lar par les traits généraux, celui-ci, d’un tiers moins grand , a de commun avec le lar la forme des oreil- les, les fesses pelées, la face entourée de poils gris formant un cercle qui passe sur le front, sur les joues, et sous la mâchoire inférieure. Ses quatre extrémités sont également grises. Mais le gibbon varié se trouve distingué du gibbon lar par la cou- leur brune et non pas noire de la tête, du cou, du haut du dos, et des parties externes des membres. Le dessous du cou, la face interne de l’avant-bras et des cuisses, la poitrine et le ventre, ainsi que les flancs et les jambes, sont couverts d'un pelage gri- sâtre mêlé de brunâtre. Toute la région lombaire est d'un gris clair. Ce petit gibbon provenoit de la presqu’ile de Ma- lacca, et ne fut admis comme espèce que par MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Desmarest. Plus tard M. Fr. Cuvier, en septembre 1821 et dans sa trente-deuxième livraison des Mammifères, vint fournir sur cet animal les détails qui manquoient pour compléter son histoire. I le décrit sous le nom de wou-wou, déjà employé par Camper et Forster pour le moloch de Java, et qui paroît être une dé- nomination que les Malais donnent indistinctement à tous les gibbons de petite taille. Les individus envoyés de Sumatra par M. Alfred Duvaucel permettent d’en tracer la description sui- vante. Pieds. Pouce, Hauteur de l'animal lorsqu'il est debout. , 2 8 Longueur de la tête, mesurée du bout du musean à Focciput, 211.00. Nue n — du corps, de l'occiput aux callosités des FOSSES ee ON TS RTE TAMONT DRE su bras: 15 À . — de l’avant-bras. . , de: la euisse ten in SIREN. Tera — de la jambe. , + « . . b QD "I @ © D > Le gibbon varié a”’son pelage composé de poils d’une seule nature, épais et laineux en apparence ; les jambes très déjetées en dehors, les doigts des pieds courts, ceux des mains longs, excepté le pouce qui est court; ce qui est l'inverse des pieds, où le pouce est long. Les yeux sont enfoncés dans leur orbite, et ont une pupille ronde. Les couleurs du poil varient suivant les ges et les sexes : les mâles DES MAMMIFÈRES. adultes sont d’un brun très foncé sur la tête, le ventre, la partie externe des bras et des jambes jusqu'aux genoux, s’éclaircissant sur les épaules, le dos, et passant au blond présque blane sur les reins. Le pourtour de la région anale offre un mé- lange de brunâtre, de blanc et de roux, qui s’étend jusqu'aux jarrets. Le dessus des mains et des pieds est d’un brun très foncé , pareil à celui du ventre. Les poils sont longs sur le cou, crispés sur les épau- les, très courts ct très serrés sur les reins. Les fe- melles, plus petites qu'eux, ont les sourcils moins prononcés que les mâles, se fondant dans le brun de la tête; les favoris sont aussi moins longs et moins colorés. Les jeunes sont presque en entier d’un blanc jaunâtre peu intense. Le gibbon varié est d’un naturel très timide, bien éloigné de partager, même dans les propor- tions de la taille, ni la force ni la hardiesse du sia- mang. Sir Raffles rapporte que les naturels de Su- matra accordent à ce singe une exquise sensibilité ; ils pensent qu’un gibbon de cette espèce, leur un- gka-sulti, mourroit de chagrin s’il voyoit qu’un autre animal lui fût préféré; et, pour légitimer ce profond sentiment de jalousie, M. Raffies assure qu’un indi- vidu, qu’il conservoit vivant, tomba malade parce qu’on caressoit journellement devant lui un siamang également élevé en captivité, et qu’il ne se remit que lorsqu'on eut éloigné son rival. On ne sait si l’on doit regarder comme une va- riété de cette espèce le gibbon d’un brun peu intense, dont la face noire est entourée d’un cercle plus clair, qui vit aux environs de Bancoolen. Nous ne bornerons point aux détails précédents tout ce que nous avons à dire de l'animal qui nous occupe ; nous emprunterons à M. Alfred Duvaucel les observations locales qu’on trouve consignées dans l’histoire du wou-wou écrite par M. Frédéric Cuvier. « Le wou-wou, moins connu que le siamang, parce qu’il est plus rare et que son agilité le rend plus difficile à prendre, porte ici (à Sumatra) plu- sieurs noms, dont le meilleur est celui que nous lui donnons, parce qu’il est la plus juste expression de son cri. » Cet animal a la face nue, d’un bleu noirâtre, légèrement teinte en brun dans la femelle ; ses yeux sont rapprochés et d'autant plus enfoncés que son arcade orbitaire est fort saillante, et qu’il n’a point de front; son nez, moins aplati que celui du sia- -mang, a de larges narines ouvertes latéralement ; son menton est garni de quelques poils noirs qui ne changent pas; ses oreilles sont en partie cachées par de longs et épais favoris blanchâtres, qui s'unissent à un bandeau blanc large de six lignes, situé immé- diatement au-dessus des sourcils, 211 » La couleur incertaine de ce singe et le manque de termes précis pour l'expression des diverses teintes permettent difficilement d'en donner une idée fixe à ceux qui n’ont pas vu l'animal : d’ailleurs celte couleur varie avec l’âge, et change selon le sexe. Le pelage des wou-wous est lisse, brillant, et d’un brun très foncé sur la tête, le ventre, la partie interne des bras et des jambes jusqu'aux genoux ; ils’éclaircit insensiblement vers les épaules, s’allonge sur le cou, puis se crispe, devient tant soit peu lai- neux, et enfin très court, très serré, et d’un blond presque blane au bas des reins. La région latérale de l'anus est un mélange de brun, de blanc et de roux, qui s’étend jusqu'aux jarrets ; les mains et les pieds en -dessus sont d’un brun très foncé, pareil à celui du ventre. » Dans la femelle, peu velue en avant, les sour- cils moins prononcés se ‘fondent dans le brun de la tête. Ses favoris sont aussi moins colorés et moins longs que ceux du mâle, mais néanmoins encore assez grands pour rendre sa tête plus large que haute; ce qui donne à la physionomie des wôou-wous un caractère étrange et particulier fort différent du caraclère du siamang, quoique ces animaux aient d’ailleurs la plus grande ressemblance. Les jeunes sont d’un blanc jaunâtre uniforme. » Ces singes’, qui vivent plus souvent isolés par couple qu'en famille, sont les plus rares de ceux qui se trouvent ici, puisque sur cinq ou six wou-wous on voit toujours cent siamangs. Bien différent de ceux-ci par son agilité surprenante, le wou-wou échappe ainsi qu’un oiseau, ct, comme lui, ne peut guère être atteint qu'au vol : à peine a-t-il aperçu le danger qu’il en est déjà loin. Grimpant rapidement au sommet des arbres, il y saisit la branche la plus flexible, se balance deux ou trois fois pour prendre son élan, et franchit ainsi plusieurs fois de suite, sans effort comme sans fatigue, des espaces de qua- rante pieds. » En domesticité Je wou-wou n’annonce pas une faculté aussi extraordinaire, S'il est moins lourd que le siamang, si sa taille est plus élancée, ses mouvements plus faciles et plus prompts, il est aussi beaucoup moins vif que les autres singes ; et dans ses bras longs ct grêles, dans ses jambes courtes et déjetées, on est loin de soupçonner des muscles aussi vigoureux et une adresse aussi mer- veilleuse. » La nature ne l’a pas doué d'une grande intelii- gence; la sienne n’est guère moins bornée que celle du siamang. Tous deux sont dépourvus de front ; et c’est un des grands points de coïncidence entre ces deux espèces. Ce que j'ai vu me persuade néanmoins qu’il est susceptible de quelque éduca- tion : il n’a pas l’imperturbable apathie du siamang ; on l’effraie, et on le rassure ; il fuit le danger, ct 212 recherche les caresses; il est gourmand, curieux, familier, quelquefois gai. » Quoiaw’il diffère du siamang par l'absence d’un sac guttural, son cri est cependant à peu près le même. Ainsi ce sac ne joueroit pas dans la voix le rôle qu'on lui suppose, ou il seroit remplacé dans le wou-wou par quelque organe analogue. » Cette espèce de gibbon, outre ses couleurs, est surtout remarquable par l’exirême longueur de ses bras, qui, lorsqu'il est debout sur ses jambes de derrière, descendent jusqu’à ses talons, c’est-à- dire que le bout de ses doigts touche presque à terre. » em LE GIBBON OUNKO. Hylobites unko (1). Sir Rafles est le premier auteur qui ait mentionné ce gibbon, d’une manière très vague il est vrai, en le regardant comme identique avec le gibbon à ex- trémités blanches ou simia lar de Linnæus, Son in- dication, que nous citons textuellement pour éviter toute réclamation, est en effet réduite à la phrase suivante : « On trouve dans la presqu’ile de Malacca un gibbon plus petit que le siamang, qui est proba- blement le véritable simia lar. Sa taille ne dépasse pas deux pieds de hauteur; son pelage est entière- ment noir, excepté autour de la figure, où règne un cercle blanc. Les Malais le nomment ungla etam. » M. Fr. Cuvier, en décrivant l’ounko, crut égale- ment y reconnoître le grand gibbon de Buffon ou si- snia lar de Linnæus. Les modifications de couleurs que présente la femelle lui inspirèrent seules quel- ques doutes; mais, ainsi que nous espérons l'avoir prouvé en parlant du gibbon à extrémités blanches, l’ounko forme une espèce nette ct bien distincte que personne ne sera tenté de confondre avec le gibbon lar. Depuis M. Griflith a donné, dans son édition angloise du Règne animal, une excellente’figure de l’ounko sous le nom de SMALLER GIBBON ou simia lar, minor. Peut-être seroit-il nécessaire de suppri- mer Je nom d'ouno adopté par M. Fr. Cuvier, parce que ce mot malais, légèrement altéré, est un terme générique pour plusieurs espèces, et que rien n’em- brouille plus la synonymie, surtout pour les voya- (:) Simia lar, Raffles, Trans. Soc. Linn, , Lond., t. XII, p. 242 : l’'ounko, hylobates lar, Fr. Cuvier ; Mammif., juin 182%; Dictionn. des Scienc. nat., t XXXVI, p. 289: smaller gibbon, simäa lar, minor, Griffith, pl. crig., et p. 254 du Régn.anim., édit.angl.: hylobates Rafflei, Geoffrey , Leçons sténogr., YItele- çon, p. 3#: simia concolor, Harlan, Journ. of the Acad. nat. Sc. Phil., t. V, pl.9:l'ounto, Bory de Saint-Vincent, Dictionn. class, t, XII, p. 284. HISTOIRE NATURELIE geurs, que ces dénominations de pays devenues spé- cifiques. Tel est aussi le motif qui nous a fait rejeter le nom de wou-wou, que deux ou trois espèces se trouveroient porter aujourd’hui. | Les siamangs , soit mâles et femelles, ont l'index et le médius des pieds soudés : il paroît que ce carac- tère se retrouve également, mais chez les femelles seulement des gibbons varié et ounko. Ce dernier présente donc chez le mâle un pelage entièrement noir, excepté autour de la figure, où se dessine un cercle d’un blanc plus ou moins pur qui s’élargit sur les joues et sur les oreilles sous forme de touffes épaisses et développées. Les mains, les pieds, le vi- sage même, sont également d’un noir intense. La femelle, un peu plus petite que le mâle, en diffère ainsi par sa taille, ses doigts soudés, et surtout par l'absence complète de l’encadrementblanc du visage, qui est remplacé par deux traits blancs, légers, et peu apparents autour des yeux. Tels sont au reste les détails dont nous sommes redevable à M. Duvaucel. « Notre troisième gibbon, que j'appellerai ounto, comme les Malais de Padang, est encore plus rare que le précédent, puisque depuis quinze mois à Su- matra nous p’avions jamais soupçonné son existence. Au moment où je vous écris, j'en possède une fa- mille entière, le père, la mère et l'enfant, que j'ai tués presque ensemble. J’en ai vu plusieurs autres absolument semblables : ainsi vous pouvez compter sur l’existence certaine de cette espèce. » L’ounko est un peu moins grand que le wou- wou (gibbon varié), auquel il ressemble tellement sous presque tous les rapports qu’on ne remarque guère entre eux d’autre différence que dans leur couleur. Il est tout couvert d’un poil long et fourni moins noir et moins brillant que celui du siamang, se rapprochant de celui du wou-wou par sa longueur dans certains endroits, par un léger reflet brun qui varie selon l’incidence de la lumière, et par le bas des reins et le dessus des cuisses d’un brun foncé bien prononcé : il lui ressemble encore par un ban- deau blanc qui passe immédiatement au-dessus des sourcils, et vient se perdre sur les côtés dans d’épais favoris blanchâtres, unis eux-mêmes au menton également blanc. La gorge n’est pas nue et dilatable comme dans le siamang, mais seulement garnie de poils moins longs et moins fournis que ceux du ven- tre. Au milieu de la poitrine du mâle est une tache grise peu apparente et peut-être accidentelle. Comme dans les autres espèces, le scrotum est couvert de longs poils qui forment un pinceau légèrement rous- sàtre au bout. Ainsi l’ounko tient étroitement au siamang par la nature ct la couleur de son pelage; au Wou-wou par ses sourcils et ses favoris, sa phy- sionomie et ses proportions, par l’absence du sac guttural, et par l’union de l’index au médius dans la DES MAMMIFÈRES. femelle seulement. Entre autres caractères ostéolo- giques je citerai une quatorzième côte qui manque aux deux autres gibbons. » La femelle de l’ounko, sensiblement plus petite que le mâle, en diffère encore par l’absence des fa- voris blancs. Sa tête est toute noire, à l’exception de deux traits blancs autour des yeux. Sa poitrine et son ventre sont peu velus; mais les poils du dos, des épaules et de la nuque, sont fort longs, et lui for- ment une sorte de crinière. Ce caractère existe aussi chez les siamangs et les wou-wous; mais dans aucun cas il n’est à beaucoup près aussi prononcé. » Nous ne pouvons nous dispenser de regarder comme une femelle du gibbon ounko l’animal dé- crit et figuré par le docteur Harlan (Journal de l’A- cadémie des sciences naturelles de Philadelphie, t. V, pl. 9) sous le nom de singe unicolore ou simia concolor (‘). Cependant la description de cet auteur est si vague qu’on ne peut aflirmer cette identité d’une manière précise. Le gibbon du docteur Harlan fut conduit à New-York dans le mois de mai 4826, et provenoit de l’ile de Bornéo. Chaque maxillaire n’avoit que douze dents, et deux molaires latérales se trouvoient encore cachées dans leur alvéole lors- que cet animal, qu’on supposoit âgé à peine de deux ans, vint à mourir. Sa taille, mesurée de l’occiput jusqu’au talon, offroit deux pieds deux pouces. Le bras avoit six pouces cinq lignes, l’avant-bras neuf pouces, les mains et les doigts cinq pouces quatre lignes, les cuisses cinq pouces trois lignes, les jam- bes six pouces deux lignes, le pied quatre pouces cinq lignes, le tronc dix pouces quatre lignes, la tête et le cou onze pouces deux lignes, l’espace nu de la figure trois pouces, la circonférence de la poitrine onze pouces deux lignes, celle de la tête dix pouces. Les poils, partout abondamment serrés, étoient frisés et noirs, épais et laineux ; la teinte de la peau étoit noire, et les callosités des fesses seulement ru- dimentaires. Lorsque cet animal se tenoit debout, les doigts de la main touchoient presque le sol. Sur une surface unie la station bipède lui étoit familière ; mais il paroissoit bien plus habile pour grimper le long des cordages , s’y accrocher avec ses pieds, en employant ses membres supérieurs comme des ba- lanciers; mais il marchoit à quatre pattes lorsqu'il alloit dans l’endroit où il avoit l'habitude de dormir. Son goût pour les fruits étoit très vif, ct l’on a at- tribué la dysenterie qui l’a fait périr à l'excès de ce genre de nourriture. El avoit au reste, dit M. Har- Jan, la docilité et l'intelligence qui caractérisent les (‘) Corpore pilis nigris obtecto ; facie, palmis, et auriculis nudis; cute nigro; palmis pentunquibus ; brachiis longissimis ; cauda, et sacculis buccarum ct gutluris omnino carentibus ; natibus leviter callosis: naso prominentiore , et angulo faciali plus elevato quam in simia satyro Linnæi, (Harlan. ) 213 orangs; il avoit surtout le goût le plus vif pour les insectes, et paroissoit se délecter avec les mouches, auxquelles il faisoit une chasse active. En disséquant le cadavre de ce gibbon, on trouva dans l’abdomen des adhérences du péritoine, de lé- piploon et des intestins. Les glandes du mésentère étoient tuméfiées, et le péritoine étoit recouvert de tubercules ulcérés. Les muqueuses de l’estomac et du tube intestinal offroient les traces les plus évidentes de vives phlegmasies. Telles étoient les altérations pathologiques. Les particularités anatomiques d’or- ganisation qui méritent le plus d’être citées étoient les suivantes : le foic, par sa forme comme par le nombre de ses lobes, ressembloit à celui de l’hom- me. L’appendice vermiforme étoit développé d’une manière remarquable. Le sternum n’étoit composé que de deux pices. On comptoit vingt-cinq anneaux à la trachée-artère, quatorze côtes sur les parties la- térales de la poitrine, sept vertèbres cervicales, qua- torze dorsaies, cinq lombaires, cinq sacrées et cinq coccigiennes. Mais ce qui atira surtout l'attention de plusieurs médecins des Etats-Unis, et celle du docteur Harlan, fut un cas d’hermaphrodisme assez complet pour que cet auteur ait présenté une longue dissertation à ce sujet : nous la reproduirons pour que nos lecteurs puissent juger eux-mêmes de la réalité de ce phénomène anatomique. « L’herma- phrodisme, c’est-à-dire l'union sur un même indi- vidu des instruments de reproduction des deux sexes, ou la faculté de se féconder sans le secours d'aucun individu de sa propre espèce, paroit être en quelque sorte spécial aux végétaux : parmi les plantes, la dioécie de Linnæus est la seule qui ne soit par her- maphrodite. Plus l'animal se rapproche du règne vé- gétal, plus sont fréquents et complets les exemples d'hermaphrodisme. Il est de deux sortes : dans l’une il est absolu, l'animal possédant en lui-même le pou- voir de la reproduction, comme dans les coquilles bivalves, telles que l'huitre; dans les multivalves, comme le chiton, et dans les zoophytes, les holo- thuries, etc.; tandis que les coquilles univalves, au contraire, telles que l’hélice, la limnée, le pla - norbe, etc., bien qu’unissant les deux sexes, ont be- soin de l’union de deux individus pour se féconder réciproquement. Les animaux de cette sorte sont proprement nommés androgynes. La disposition à l’'hermaphrodisme est donc plus rare à mesure que nous avançons dans l’échelle de perfection ou plutôt vers une organisation plus compliquée. On dit que ces cas se rencontrent dans les-ordres supérieurs d'animaux, et l’on doit, à peu d’exceptions près, les attribuer à une conformation vicieuse des organes de la génération et à un mélange des deux sexes, qui, suivant les observations de M. E. Home (!) et «) Transactions philosophiques , 1799. 214 de M. John Hunter (!), sont plus souvent remarqués chez le taureau que chez les autres mammifères ; mais dans aucun cas ces auteurs n’ont trouvé l’en- semble des organes des deux sexes complet : quel- ques uns de ces organes manquoient ou n’existoient qu’à l’état rudimentaire. » Le fait qui approche le plus en perfection du su- jet de la description actuelle est celui que rapporte Mascagni dans le Bulletin de la Faculté de méte- cine, 1814, p, 476, où il décrit un taureau avec les organes mâles joints à des ovaires, un utérus et un vagin; mais en place d’une vulve le vagin avoit son orifice dans l’urètre. IL y a aussi un autre cas à peu -près semblable, décrit dans le Medical Repository, n° XLv, d’un homme de Lisbonne un'ssant les deux sexes avce l’apparence de la plus grande perfection. Le sujet avoit vingt-un ans, fut deux fois enceinte, “et avorta au troisième et au cinquième mois. Il est “rai que quoique le pénis et les testicules existas- sent, et même avec leurs conduits excréteurs, on ne s’en assura point par l’investigation anatomique. ( Voyez Diclionnaire des sciences médicales, article Cas rares.) » Ces observations démontrent du moins la pos- sibilité de l’existence d’hermaphrodites complets, même dans les plus hautes classes des animaux. Celui qui est le sujet de cette description fournira peut-être une preuve nouvelle de l'existence de la réunion des deux sexes sur un même individu. » Le pénis avoit environ un pouce de long, et étoit susceptible d’érection : il se terminoit comme à l’or- dinaire par un gland, mais qui étoit imperforé ; une profonde rainure occupoit sa surface inférieure et tenoit lieu d’urètre, en s'étendant jusqu'aux deux tiers de la longueur du pénis, la portion qui restoit étant recouverte d’une membrane mince, diaphane, épidermoïque, fermant aussi l’orilice externe du va- gin, en s'étendant sur la vulve. Le vagin étoit assez large, et se trouvoit sillonné par des raies transver- sales, des débris de nymphes, et les lèvres étoient visibles à l'extérieur. Le méat urinaire s’ouvroit sous le pubis dans le vagin; l'urine devoit être dirigée le long du sillon du pénis par la membrane qui fer- moit l’orifice du vagin; le museau de tanche étoit environné par de petites glandes arrondies, l’orifice admettant une large sonde dans la cavité de l’utérus, organe qui parut parfait, avec tous ses appendices; les ligaments ronds et larges enveloppant des ovaires bien prononcés, et dans les rapports habituels (?). () Observations sur certaines parties de l'économie animale, Londres, 4792. (2) Les organes mâles et femelles de la génération dans cet animal étoient aussi parfaits qu'ils pouvoient l'être dans un si jeune individu, ctressembloient à ceux des autres orangs du même âge; de pelits œufs Ctoient visibles dans l'ovaire. HISTOIRE NATURELLE Le scrotum se trouvoit divisé en une poche de cha- que côté des grandes lèvres, à la base du pénis, et revêtu de poils. Les testicules étoient placés obli- quement sous la peau de l’aine à deux pouces de la symphyse du pubis, et paroissoient très compléte- ment formés et même munis de leur épididyme. Malgré un examen minutieux on ne put découvrir de vésicules séminales, mais on crut reconnoitre l’orifice des vaisseaux déférents dans une petite ou- verture béante dans le vagin, au-dessus du méat uri- naire. Malheureusement on sépara les testicules dans la dissection. » M. Harlan, dans la supposition où les deux sexes dont ce gibbon étoit porteur eussent été parfaitement conformés, se demande si cet animal n’eût pas pu se féconder lui-même après avoir brisé la membrane placée dans le vagin. Mais, bien qu’en Amérique cet individu ait passé pour mâle, tout porte à croire que ce n’étoit qu’une femelle dont le clitoris, ainsi que cela arrive fréquemment chez les singes, étoit lar- gement développé. On doit penser également que par une sorte de superfétation les organes mâles étoient parfaitement simulés, ainsi qu’on en a un exemple frappant par cette jeune fille que tout Paris a pu voir; mais, d’un autre côté, il est fort probable que les testicules n’avoient nullement l’organisation in- time que ces organes ont chez les mâles. Dans tous les cas cette observation neuve et intéressante sera un exemple de plus des aberrations ou des écarts auxquels la nature se livre souvent en créant non les espèces, mais bien seulement les individus. LE GIBBON HOOLOCH. Hylobates hooloch. Ricn. HaRLan(!). x Le docteur Harlan a décrit sous le nom de gib- Lon hoolo:h un grand singe observé dans le royaume d’Assam, et ce nom de hooloch paroît être celui par lequel le désignent les habitants de la région où il vit. Les détails fournis à son sujet par ce naturaliste sont les suivants : l'individu figuré appartenoit au (:) Description ofa species of Orang, from the north- eastern province of British cast India, lately kingdom of Assam : Trans am, phil, soc., vol. 1V, n° 3, p. 52, pl. 2. Simia : Colour of [he skin and haïr decp black; ca- nine teeih very long; a band ofwhilish grey hairs over each eye. Motal lengt, about wo fect six inches. Humce- rus cight inches ninctenths; radius nine inches; hand, from the beginning of the wrist to the end of fingers, sixinches ; inferior extremilies about thirfcen inches; {he foot six inches. Habitat, Garrow-Hills, Assam, and probably extending inlo China between latitudes twenty-five and {wenty-seven degrees north. (Harlan.) DES MAMMIFÈRES. sexe mâle, et avoit été conservé vivant par le doc- teur Burough; à ce qu'il paroîtroit, la femelle ne dif- féreroit point de ce dernier. Mais il n’en est pas de même des jeunes qui possèdent quelques caractères distinctifs. Cette espèce habite principalement les monts Gar- row, aux environs de Goalpara , par 26 degrés de latitude nord , et ses mœurs sont remarquables par la docilité, l'affection et une teinte de mélancolie qui les dominent : les naturels affirment que le hooloch ne se trouve point au midi du royaume d’Assam. Il paroîtroit, à en juger par quelques détails, que ce seroit de ce gibbon qu’auroit parlétrès brièvement M. Latreille dans son Histoire des singes (p.140), en l’indiquant, d’après M. Harwood, sous le nom de vouloch. L'individu dont il est question étoit une femelle, dont le flux menstruel] couloit avec régula- rité, et que rendoient intéressante les plus aimables qualités, son adresse à se servir de divers ustensiles destinés à l’usage de l’homme, et une grande dou- ceur dans ses habitudes. Ce vouloch se nourrissoit de lait et de matières végétales, poussoit un cri que l’on peut rendre par les syllabes yaa-hou, yaa-hou répétées, et trempoit ses doigts dans l’eau, et les suçoit quand il ressentoit de la soif, etc., ete. Le hooloch décrit par le docteur Harlan, malgré l’abaissement de température de la latitude où il vit, paroît être beaucoup moins susceptible que les autres espèces de gibbon de supporter sans accidents les variations de l'atmosphère. I1se distingue aussi par- faitement des singes lar, leucisca, agilis, syndacty- lus et concolor, soit par la taille, soit par la colo- ration du pelage, les proportions du corps et les taches des poils. Il se rapproche du siamang de sir Raflles par quelques unes de ses habitudes, et plus spécialement par sa manière de boire; mais il en dif- fère ensuite par beaucoup d’autres caractères. Il a la taille et les formes de la femelle de l’ounko ( X. agilis, F. Cuv.), ct s’en éloigne par sa coloration et la disposition des taches; mais ce sont surtout les jeunes de ces deux espèces qui présentent des diffé- rences tranchées. Leurs mœurs d’ailleurs ne sont pas identiques. Le hooloch ala peau d’un noir profond. Le pelage est en entier de cette couleur, si l’on en excepie une bande de poils grisâtres qui règne sur le front du sujet adulte. Les poils qui recouvrent le dessus des doigts sont très longs, et ceux de l’avant-bras sont rebroussés. Les jeunes ont à peu près la moitié de la taille des vieux, mais ils ont une particularité assez caractéristique, c’est d’avoir proportionnellement l’avant-bras beaucoup plus court que le bras, tandis que ces deux portions des membres supérieurs sont d’égale longueur chez les père et mère : le pelage de ces derniers est un brun noirâtre, avec des poils grisâtres sur le dessus de la main et du pied. Quel- 215 ques poils grisätres se montrent sur le dos, et des sinent une Jigne qui s’étend sur le corps jusqu’au milieu du front. Enfin, le bandeau gris des adultes est chez les jeunes interrompu au milieu par des poils noirs. Ce singe est surtout remarquable par des canines très développées. Il se pourroit que le hooloch fût identique avecle gibbon assez clairement mentionné par quelques vieux auteurs, Nieuhoff entres autres, sous le nom de févé , et vivant sur les frontières de la Chine dans le royaume de Gannore : singe qu’on dit (!) rare, ayant la forme humaine, les bras très longs, et le corps noir et velu. Ce gibbon vit plus exclusivement sur les chaînes inférieures des montagnes, sans être organisé pour supporter les froids intenses des rangées des gar- rois à plus de 400 à 590 pieds de hauteur. Sa nour- riture, dans l’état de liberté, consiste principalement en fruits abondants dans les Jungle; ou forêts maré- cageuses de cette contrée, en autres semences, et baies de l'arbre sacré des Indiens nommé papultrce, et aussi en jeunes pousses d'herbes, dont il suce le suc en rejetant le parenchyme indigeste. Ses mou- vements sont rapides; et c’est avec la plus grande prestesse qu’on le voit gravir le tronc des palmiers, sauter de branches en branches, et fuir à traversles arbres des forêts. En domesticité, on peut le priver aisément, ct alors il ne dédaigne pas ni les œufs, ni le eafé et le chocolat ; mais il a peu de goût pour les viandes cuites. Souvent M. Burough a vu l’in- dividu qu’il possédoit en vie prendre un vase rem- pli de liquide avec ses mains, et boire en le portant à ses lèvres. Les aliments qu’il préférait consistoient en riz bouilli, en pain trempé dans du lait sucré, en bananes et oranges, et il ne dédaignoit même pas les insectes, surtout les araignées qu'il saisissoit avec adresse dans les fentes des murailles. De même que les Indiens qui ont horreur de la viande, ce singe manifestoit la plus vive antipathie pour la chair de bœuf ou de pore, bien qu’il ait essayé de manger du poisson frit. Doux par caractère , il sai- sissoit toutes les occasions de manifester son affection pour son maitre. Dès le matin, il lui rendoit visite en poussant un son guttural whou-whou-whou de contentement pendant plus de dix minutes ; puis il enlacoit ses membres aux siens, et sembloit éprou- ver une vive satisfaction de ses caresses. Il le recon- noissoit à sa voix, et s’empressoit d’accourir à son appel. On ignore combien d'années peut vivre ce grand singe. (") Recueil des voyages, ele, Rouen, t. 3, p, 168. 216 EEE LES SEMNOPITHÈQUES. © Semnopithecus. Fr. Cuv. Les gibbons, que caractérisent principalement les proportions exagérées de leurs membres, tien- nent à la fois des orangs, par la disposition de plu- sieurs de leurs parties, et se lient aux guenons de V’'Asie par les semnopithèques, sorte de singes que rendent remarquables des membres longs et minces sans doute, mais surtout une queue plus allongée encore que celle des macaques, et qu’ils portent assez ordinairement relevée sur le dos. Ainsi par les traits de leur face, par les formes amaigries et grêles de leurs membres, par des cal- Josités développées recouvrant les tubérosités de V'ischion, les semnopithèques s’unissent aux gib- bons; mais leur longue queue Jes en distingue de prime abord , et annonce sous ce rapport un degré plus inférieur d’animalité, degré qu’attestent aussi quelques replis de la peau de la face, simulant des abajoues rudimentaires qu’on sait être propres à tant de singes plus grossiers. Toutefois, bien que chez certaines espèces de semnopithèques ces caractères extérieurs soient dis- tincts, ils ne suflroient cependant pas pour les iso- ler nettement dans un cadre zoologique, puisqu'il se présenteroit des circonstances où quelques espè- ces de ces singes, par des proportions plus norma- les de leurs membres, viendroient à se confondre avec les macaques d’Asie, et même avec les gue- nons d'Afrique. M. Frédéric Cuvier, l’auteur de ce genre, a donc dû se servir de caractères secondaires qu’il n’a pu puiser dans l’ensemble du système de Ja dentition , puisque les semnopithèques ont, comme les gibbons, trente-deux dents, mais qu’il a tirés des éminences qui hérissent la couronne des molaires ; ainsi la dernière mâchelière inférieure, au lieu d'avoir une couronne à peu près circulaire, présente au contraire cette partie allongée et termi- née par un talon (1). Les diverses espèces de dents sont ainsi réparties aux deux maxiilaires : le supé- rieur a quatre incisives, deux canines, quatre faus- ses molaires, et six vraies; ce nombre de seize dents se trouve reproduit exactement dans le même ordre à la mâchoire inférieure. Les canines dépassent les incisives d’une manière notable. Les semnopithèques ont leur face aplatie et nue, le nez très peu saillant, des sourcils épais et diri- gés en avant, ce qui est dù à un renflement assez () Fr. Cuvier, des Denis, ete., pl. 5; et Mammifères, édit. in-4v, pag. 27. HISTOIRE NATURELLE remarquable des crêtes sourcilières : leur pelage est généralement teint de vives couleurs, et les distin- gue éminemment sous ce rapport. Avec leurs membres allongés, souples et agiles, on peut d'avance affirmer que les semnopithèques vivent dans les forêts les plus profondes ; qu'ils trouvent dans les arbres un refuge sûr et commode, et que de branche en branche ils s’élancent dans ce milieu, pour lequel leur organisation est accommo- dée. Leurs longs bras en balancier atteignent aisé- ment les rameaux, que leurs pieds saisissent ; ils s’y accrochent ou s’en servent comme d’échelons, tandis que sur le sol leurs mouvements deviennent gênés et gauches. Les mœurs de ces singes ne nous sont point con- nues; ce qu’en disent les auteurs se borne à lcs peindre comme défiants, soucieux, très attachés à leur liberté, et peu susceptibles de se familiariser avec la captivité, à moins qu'ils ne soient très jeu- nes. Leur humeur est irascible, et leur caractère sauvage. Vieux, ils sont intraitables et d’une insi- gne méchanceté. Les naturalistes de la fin du dernier siècle con- noissoient quatre espèces de singes que les nomen- clateurs placent aujourd’hui parmi les semnopithè- ques ; c'éloient le douc, le kahau, l’entelle et le maure. Trois ou quatre autres espèces authenti- ques, les cimepaye, croo et kra, ont été décou- vertes dans ces dernières années, et sont venues enrichir ce nouveau genre, auquel il faut sans contredit réunir le pyrrhus de M. Horsfield. Les semnopithèques habitent exclusivement en Asie, et principalement dans les grandes îles de la Malaisie. Ils se réunissent en troupes nombreuses, que redoutent les habitants par le maraudage dé- vastateur qui les suit; et cependant l’entelle, par exemple, vénéré sur le continent de l’Inde par les sectateurs de Brama, y jouit du privilége insigne de ne jamais être troublé lorsqu'il cucille leurs fruits, pille leurs jardins : et mille fois heureux celui qu’une telle visite vient assurer de la protec- tion des dieux ! M. Otto a publié l’anatomie d’une espèce qu’il a nommée cercopithecus ? leucoprymnus, et qui est très certainement un semnopithèque. Son Mémoire permet d'apprécier les modifications que présentent les viseères de ce singe, qui est peut-être identique avec le Era de sir Raflles. DES MAMMIFÈRES. LE SEMNOPITHÈQUE DOUC. : Semnopithecus nemœæus (!). Le douce est une des espèces de quadrumanes le plus anciennement connues; ce n’est point toutefois le sisac de Flacourt, ainsi que l’a pensé Erxleben, car l’ile de Madagascar ne nourrit point de singes. L'individu que Buffon et Daubenton ont décrit étoit mulilé, et ne présentoit aucun vestige de callosités sur les fesses, parce que dans la préparition on avoit remplacé la peau endommagée de cette partie par celle qui Pavoisinoit. Or Illiger, dans son Pro- drome , s’est servi de ce caractère fugace pour éta- blir sous le nom de lasiopyga un genre destiné à recevoir le douc, le hocheur et le petit cynocéphale. Ce terme de lasiopyge fut forgé du grec Xéows, ve- lue, et de zvyr, région anale, pour indiquer l’ab- sence supposée de nudité sur les fesses. Mais dans ces dernières années les dépouilles nombreuses en- voyées de la Cochinchine ont prouvé la fausseté de ce caractère, et que les singes du genre lasiopyge possédoient des callosités très évidentes sur les is- chions. Le douc, quel que soit son âge, quel que soit son sexe, affecte dans la coloration de son pelage les teintes qui sont propres à l’individa adulte. Il est peu de mammifères qui aient été plus favorisés sous ce rapport. Sa face, d'un jaune mat, est! relevée par le blanc pur des côtés de la tête, la raie rouge qui traverse les tempes, le devant du cou, ct le bandeau noir qui couvre le front. L’occiput et le corps sont d’un gris verdâtre résultant de ce que chaque poil est annelé de gris verdâtre, de jaunà- tre et de blanc; les avant-bras sont blancs; les mains noires, ainsi que les pieds ; le croupion ct la queue d’un blanc pur; les fesses et les cuisses noi- res, et les jambes d’un rouge-brun fort vif. On con- coit que des couleurs aussi nettement tranchées, aussi vivement opposées, donnent à l’habit de ce singe une apparence extraordinaire et peu com- mune. La taille la plus habituelle du douc est de deux (:) Simia nemæa, Lionæus, Gmelin : le douce, Scre- ber, pl. 24; Buffon, pl. 41, édit. in-4o, et pl. col. 256 : the cochinchina monkey, Pennant, Quadrupêdes, no 85 : le grand singe de la Cochinchine, Brisson, Règne animal , esp. 18 : le douc, Audebert : Singes , fam. 4, sect. 1, fig. { ; Shaw, Gen. Zoolog.: pygathrix nemœæus , Geoffroy, Ann. du Mus.,t. XIX, p. 90 : cer- copithecus nemœus, Desmarest, Mammifères, sp. 11, p 54; Dictionn. des Scienc. natur., t. XX, p. 32; En- cyclopédie, pl. 45, fig. 1 : le douc , Fr. Cuvier, Mam- mifères , in-%, pl. 12, p. 38 ; G. Cuvier, Règne animal, seconde édition, t. 1, p. 93; Favorite, p. 3, Mammif. 1, 217 pieds ct quelques pouces, et la queue est généralez ment comprise dans ces dimensions pour dix-neuf à vingt pouces. Ses formes sont massives, ou du moins les membres sont proportionnés dans des rapporis assez jusies avec les autres parties du corps. C’est ainsi que les jambes et les bras sont ro- bustes et moins grêles que chez les semnopithèques croo et cimepaye. Sa tête est arrondie et médiocre dans son volume; les orcilles sont nues et peu dé- veloppées, les bras descendent jusqu'aux fesses; les doigts des mains sont longs, mais en revanche le pouce est très court; la queue est arrondie, longue etgrêle. Les femelles ont un clitoris très saillant. Si nous nous livrons à un examen détaillé des particularités qui distinguent cette belle espèce de singe, nous verrons que le brun qui teint le dessus de la tête est arrêté en avant par un bandeau brun- roux. Les joues sont revêtues de poils très longs, déjetés en dehors, et d’un blanc légèrement teint de roussâtre; la gorge est d’un marron roux, les épaules sont noires, les avant-bras blanchâtres, les cuisses noires, les jambes d’un marron fort vif; les poils des avant-bras sont dirigés vers le poignet comme chez tous les singes qui vont suivre, et dif- fèrent en cela de ce qui à lieu chez les orangs ; la peau nue des surfaces palmaire et plantaire est de couleur noire, ainsi que le tour des yeux et la mu- queuse des lèvres. Le douc a son pelage assez serré sur les parties supérieures, et peu fourni sur l’abdomen, bien que les poils soient encore assez abondants sur cette partie. Ce singe est, dit-on, insociable; rien ne peut adoucir son humeur sombre et défiante, et les bons procédés n’ont point d’empire sur ses penchants. Il habite la Cochinchine , où il viten troupes, et aussi, à ce qu'il paroît, la presqu'ile de Malacca. Les col- lections publiques se sont enrichies, par les voyages modernes, de plusieurs de ses dépouilles. LE SEMNOPITHÈQUE ENTELLE. Semnopithecus entellus. Fr. Cuv. (1). M. Dufresne estle premier naturaliste qui ait dis- tingué l’entelle comme espèce, et les attributs cor- porels de ce singe n’ont même été bien établis que dans ces derniers temps. D'assez grandes différences (:) Simia entellus, Dufresne, Bull. de la Soc. philom.; Audebert, fam. 4, sect. 2, pl. 2 ; Screber, pl. 23 B : cer- copithecus entellus, Geoffroy, Ann. du Mus.,t. XIX, p. 95, esp. 10; Desmarest, Mammifères, p. 59, esp. 22 ; Fr. Cuvier, Mammifères, in-4o, pl.8 et 9, p. 30 et suiv. ; G. Cuvier, Règne animal, t. 1, p. 9#, seconde édition. 83 218 existent entre les jeunes individus et les vieux , et à son sujet M. Frédéric Cuvier s'exprime ainsi : « Pendant sa première jeunesse l’entelie a le mu- seau très peu saillant ; son front est assez large et presque sur la même ligne que les autres parties de sa face ; le crâne e:t élevé, arrondi, et renferme un cerveau qui a les mêmes dimensions que lui. À ces traits organiques se joignent des qualités intellec- tuelles très étendues, une étonnante pénétration pour concevoir ce qui peut lui être agréable ou nui- sible, d’où naît une grande facilité à s'apprivoiser par les bons traitements , et un penchant invincible à employer la ruse pour se procurer ce qu’il ne pour- roit obtenir par la force, ou pour échapper à des dangers qu’il ne parviendroit pas à surmonter au- trement, Au contraire l’entelle très adulte n’a plus de front; son museau a acquis une proéminence con- sidérable, et la convexité de son crâne ne nous pré- sente plus que l’are d’un grand cercle, tant la capa- cité cérébrale a diminué. Aussi ne trouve-t-on plus en lui les qualités si remarquables qu’il nous offroit auparavant ; l’apathie a remplacé la pénétration , le besoin de la solitude a succédé à la confiance, et la force supplée en grande partie à l'adresse. » L’entelle, lorsqu'il se dresse sur les membres postérieurs, a jusqu’à trois pieds d’élévation, di- mension que la queue dépasse aussi fréquemment. Sa tête est arrondie ; ses oreilles sont aplaties, min- ces, assez grandes, non rebordées; ses doigts sont très fendus, mais le pouce est court et comme tron- qué. Les entelles ont un pelage composé de poils soyeux peu lisses, peu épais sur les parties supé- rieures, et assez rares sur les inférieures, bien que d'une bonne longueur. La face est noire; et cette même couleur, à teinte légèrement violacée, se fait remarquer sur la peau nue des mains, des pieds, des callosités des fesses, et passe au bleuätre sur les parties revêtues de poils. L’entelle est en général d’un blanc grisâtre qui varie au blond clair, et porte sur le front un bouquet de poils noirs saillants, et sous la mâchoire inférieure une barbe qui s’avance en avant au lieu de prendre sur la gorge ; une sorte de ligne roussâtre commence sur le dos et s’élargit sur les lombes; les poils des bras, d’abord gris près des épaules, se foncent en roussâtre, puis en bru- nâtre à mesure qu’on avance vers la main. Il en est à peu près de même des extrémités postérieures ; quant à la queue, elle est entièrement d’un gris roussâtre, et terminée par un petit bouquet pointu de poils eflilés. ‘Ce singe a l'iris brun-roux, et la pupille noire. Les vieux individus prennent à mesure qu’ils avan- cent en âge plus de vigueur dans le système mus- culaire, et leur pelage affecte ure teinte blonde- grisâtre à laquelle se joint sur le corps un mélange de noirâtre et de roux vif sur les côtés de la poi- HISTOIRE NATURELLE trine ; la queue enfin, de blanche qu’elle étoit, se couvre de poils noirâtres. L’'entelle est un des singes pour lequel les Indous ont le plus de vénération; ils croient fermement que dans son corps est renfermée, par suite de la métempsycose, l’âme de quelque prince chéri de son vivant. Le nom d’Houleman, qu’ils lui don- nent, est celui de l’Hercule indien qui vola la man- gue dans l’antique Taprobane, et qui pour punition de son larcin fut condamné au feu, et eut le visage brülé, C’est de l’entelle qu’il est question dans ce morceau plein de fraicheur que nous avons em- prunté à M. Alfred Duvaucel, et qui est inséré à la page 169 de ce Supplément. La patrie de ce semnopithèque est le Bengale, LE SEMNOPITHÉQUE CIMEPAYE OU SIMPAI. Semnopithecus melañophus (1). Sir Raffles est le premier voyageur qui ait décrit le semnopithèque que les Malais nomment simpa, nom que notre orthographe rend assez bien par le mot cimepaye. Ainsi s'exprime cet auteur : «Ce singe ressemble assez au ching-kau par son ensemble et ses formes corporelles; mais il est un peu plus grand et d’une couleur toute différente, car il est fauve- brillant, mélangé de noir sur la tête, le dos et les épaules. Tout le dessous du corps est blanc; la tête et la face sont petites, et les poils qui les couvrent divergent comme ceux du sèmia cristala, et forment sur la tête une huppe longue et remarquable com- posée de poils noirs qui s'étendent en touffes sur les joues en prenant une couleur fauve, puis blanchä- tre ; le front, au-dessous de la huppe, est fauve- brillant ; la barbe est peu fournie ; les orbites, le nez et les oreilles, diffèrent peu par la forme de ceux du ching-kau; la figure, nue et bleuâtre, est légè- rement ridée; la ligne faciale est droite et presque perpendiculaire ; les oreilles, la paume des mains et la plante des pieds, sont noires; le pouce des mains est fort court; les callosités sont larges et dévelop- pées ; la queue, longue et roulée, a plus de trente pouces de longueur ; les poils en général sont longs, doux et soyeux. » A ces traits généraux et incomplets nous ajoute- rons quelques détails plus minutieux. Le cimepaye est communément long de quatre pieds six pouces, () Desmarest, Mammifères, p: 533 : simia melano- phos, sir Raffles, Trans. Soc. Linn., t. XHIH, part.I, p. 245 : cimepaye, simia melarophos, Fr. Cuvier, Mammifères, in-4o, pl. 7, p.29; G. Cuvier, Règne animal, t. 1, p.94, seconde édilion. DES MAMMIFÈRES. mesuré du sommet de la tête à l’extrémité de Ja queue, et dans ces dimensions cette dernière partie entre pour deux pieds huit pouces. Les membres sont très allongés et grêles relativement aux proportions du corps; mais les avant-bras et les jambes sont sur- tout très longs, et terminés par des doigts bien fen- dus. Toutefois le pouce des mains est très court et ‘ très remonté. Les oreilles sont larges, minces et non bordées; la face est très aplatie. Il a le nez garni de rides et peu proéminent, tandis que les pommettes sont renflées et que le front est notablement bombé. Les abajoues n'existent point; mais en revanche les callosités des fesses sont amples et très apparentes. Tout le pelage en dessus du corps est d’un rouge brun lustré et brillant, passant au blanc satiné en dessous et sur les parties internes des membres. Les parties dénudées des doigts sont d’un noir profond, ainsi que la face, à l'exception des lèvres et du men- ton, qui sont couleur de chair : ce dernier n’est garni en dessous que d’une très légère touffe de barbe; mais de longs poils en faisceaux divergents couvrent les joues et sont colorés en roux vif, tandis que les poils de la tête, longs et ébouriffés, forment une es- pèce de diadème brun terminé de gris. Les oreilles sont noirâtres, et les yeux bruns; le bas-ventre est presque dénudé, ou du moins n’est revêtu que de poils rares et mollets. Le cimepaye habite l’ile de Sumatra, où MM. Raf- fles, Diard et Duvaucel, le découvrirent. Il paroît être très commun dans les environs de la factorerie de Bancoolen ; quant à ses habitudes, elles nous sont complétement inconnues. LE SEMNOPITHÈQUE CROO OÙ LOTONG. Semnopilhecus comatus (!). Le docteur Eschschotz, médecin et naturaliste du brick russe le Rurick, exécuta un voyage autour du monde, sous les ordres du capitaine de Kotzebue, dans les années 1815 à 1818, et décrivit dans la re- lation du voyage le croo sous le nom de presbylis mitrata (?). Ce singe lui fut vendu vivant par les ha- bitants de Sumatra, lorsque le vaisseau russe cin- (‘) Desmarest, Mammiféres, sp. 816 : presbytis mi- trata, Eschschotz, Voyage autour du Monde de Kot- zebue , t. II, p. 353, avec une planche de cränes et la main: simia maura, Sir Raffles, Trans. Soc. Linn. , t. XIIL:lecroo , semnopilhecus comatus, Fr. Cuvier, Mammifères, in-4o, pl. 37, p. 11. () Genre presbytis (nommé ainsi à cause de la res- semblance du croo avec une vicille femme coiffée d'un bonnet ); angulus facialis 60° gradum ; sacculi buc- cales nulli; nates tyliis instructæ ; cauda clongata ; antipcdes genu atlingentes. Eschschotz, 219 gloit dans le détroit de la Sonde. L’individu décrit par ce voyageur avoit environ un pied et demi de lon- gueur ; des poils épais, frisés, longs de deux pouces, blanc-jaunâtre à leur racine, et gris-bleuâtre à leur pointe, couvroient les parties supérieures du corps ; des poils plus allongés et de même couleur se trou- voient implantés en arrière sur la tête, et sembloient la coiffer d’un bonnet fourré, suivant l'expression de M. Eschschotz, sur l’avant duquel tranchoit une large raie noire, formée de poils longs de huit lignes, et qui occupoit le front à partir du bord supérieur de l’oreille : un rebord jaunâtre isoloit ce bandeau noir des sourcils, qui étoient étroits, linéaires et noirs. L’oreille-étoit rougeâtre, sans rebord, garnie de poils jaunâtres, et se terminoit en un lobe peu sensible ; la peau de la face étoit noirâtre , seulement les paupières conservoient une teinte tannée, et quel- ques petits poils blanchâtres apparoissoient sur les lèvres. Les parties inférieures du ‘corps étoient peu ve- lues ; et les poils, longs de deux pouces, souples dans leur longueur, étoient blancs. La queue, dé- passant les dimensions du corps, éloit en dessus de couleur gris-bleuâtre comme le dos, jaune-gri- sâtre en dessous, et terminée par un pinceau de poils jaunes longs d’un pouce et demi. Les mem- bres antérieurs atteignoient presque les genoux, lorsque ce singe se dressoit sur ses jambes. Les bras étoient gris-blanchâtre, les avant-bras jaunâtres, et le dos de la main, jusqu’à la dernière articula- tion des phalanges, brun-rougeûtre. Les doigts de la main, longs et grêles, contrastoient avec l’extrême brièveté du pouce , et se trouvoient recouverts par des ongles allongés, demi-cylindriques, légèrement recourbés à leur terminaison, de manière à simuler en quelque sorte la forme d’une griffe, excepté celui du pouce, qui étoit court, élevé, déprimé et arrondi sur son bord. La paume de la main étoit nue et rou- geâtre. Une sorte de bourre lanugineuse, due à une plus grande rudesse de poils, se faisoit remarquer aux pieds de derrière. Les callosités des fesses étoient d’un jaune brunâtre. De même que les autres semnopithèques le croo décrit par M. Eschscho!z avoit les pommettes sail- lantes, le nez peu élevé, et l’angle facial très ouvert, puisqu'il mesuroit soixante degrés. Le crâne de cet individu étoit arrondi, sans traces de crêtes os- seuses sur les sutures, et les mâchoires ne présen- toient que vingt-huit dents. Les vertèbres existoient au rombre de sept cervicales, douze dorsales , trois pièces au sacrum, et vingt-huit coccygiennes. La poitrine avoit ses parois fermées par ses vraies côtes et par cinq fausses, les deux plus inférieures insé- rées au corps même des vertèbres correspondantes et non à leurs apophyses transverses. Le sternum se trouvoit formé de cinq pièces osseuses. 220 Æ Tels sont les détails fournis par M. Eschschotz sur un croo femelle et probablement très jeune. La figure encore inédite que ce naturaliste nous a montrée à Paris diffère toutefois, ainsi que la des cription, des renseignements donnés par sir Raf- fles, et du portrait qu’en a publié M. Fr. Cuvier d'après des individus conservés au Muséum. Aussi, pour mettre nos lecteurs à même de se fixer sur cette question, rappellerons-nous ce qu’en disent ces deux auteurs. Nous croyons qu’on doit retrouver le cro0 dans la description assez incomplète que donne sir Raf- fles de son simia maura ou lotong. Ainsi s'exprime à ce sujet l’écrivain anglois : « Le lotong qu’on trouve à Singapore et à Penang a ordinairement dix-huit ou vingt pouces de longueur, et douze ou treize de hauteur. La queue a de vingt à vingt-quatre pouces. Son pelage est noirâtre, excepté les bras, les jambes, et le sommet de la tête, qui sont teintés de grisâtre, parce que chaque poil noir est terminé de gris. Toutes les parties inférieures du corps et internes des membres sont garnies de poils moins abondants, mais blancs. Le devant du cou est blanchäâtre ; la poitrine et les aisselles sont d’un gris très clair; les mains, les pieds et la face sont d’un noir intense ; quelques poils soyeux revêtent les lèvres ; la barbe est peu fournie, et les poils de la tête se hérissent et forment une aïigrette saillante; la tête et la face ont peu de volume et d’étendue, et le nez, très aplati à son extrémité, s'ouvre en deux narines obliques. Ce singe s’apprivoise très difficilement. » Le croo, ainsi nommé sans doute par analogie avec son cri, et dont on trouve une bonne figure dans l'Histoire des Mammifères de M. Fr. Cuvier, et des individus bien conservés dans les galeries du Muséum, est de la taille de l’entelle. Son pelage, brun en dessus, se teint de noirâtre sur le front entre les oreilles et sur les épaules ; des poils roides et droits lui forment sur l’occiput une sorte d’ai- grette terminée en pointe ; les joues, le menton, les flancs, les parties inférieures du corps et internes des membres, sont d’un blanc assez pur; la face et les oreilles sont noirâtres ; la queue, brune en des- sus, blanche en dessous, est terminée par un petit bouquet de poils blancs. Le croo habite l’ile de Sumatra; on le trouve aussi dans l'ile de Java, suivant M. Temminck, et on J'y nomme siliri. | HISTOIRE NATURELLE LE SEMNOPITHÈQUE PYRRHUS. Semnopithecus pyrrhus (1). Par ses formesextérieuresle pyrrhus semble faire le passage des semnopithèques aux guenons ; c’est même parmi les singes de cette dernière tribu que M. Gcoffroy Saint-Hilaire l’avoit rangé, lorsque pour la première fois il fit connoitre cette espèce au monde savant. L’individu que décrivitle professeur françois est au Muséum, et provenoit, dit-on, des Moluques. En 4824 le docteur Horsfield en publia une figure dans ses Recherches zoologiques sur l'ile de Java, et le premier le classa parmi les sem- nopithèques. La description que M. Geoffroy Saint-Hilaire a donnée de l'individu qu’il nommoit guenon dorée cite pour ses dimensions à peu près deux pieds qua- tre pouces pour le corps, et deux pieds deux pouces pour la queue. Son corps est peu svelle, ses oreilles sont grandes, ses bras robustes, et sa queue longue, assez mince, et égale à quelque point que ce soit de son diamètre. Le pouce des mains étoit rudimen- taire, et des poils recouvroient les autres doigts jusqu’à la première phalange, tandis qu'aux pieds le pouce étoit très développé, et que les doigts étoient velus jusqu’à la racine des ongles. Ce qui rend cet animal remarquable est d’avoir le front et les joues recouverts de poils divergents très allongés, le ven- tre presque nu, et le pelage en entier d’un jaune doré, où quelques poils brunâtres apparoissent sur la queue, bien qu’une petite tache noire se dessine sur le devant des membres au niveau de la rotule. Tels sont les premiers documents qu’on ait possé- dés sur cette espèce : toutefois les proportions un peu fortes qui avoient porté à en faire une guenon ont bien pu tenir à la mauvaise préparation d’une peau desséchée; et M. Horsfield, qui s’est assuré des caractères du pyrrhaus, avoit en effet cru qu’on devoit le distinguer de la guenon dorée, dont il diffère en outre par l’absence des taches noires des genoux. M. Horsfeld a décrit le semnopithèque pyrrhus avec assez de soin pour que nous croyions devoir en extraire les détails principaux qui le concer- nent (?). Par les couleurs qui teignent le corps, ce (:) Horsfield , Zoolog. Research., sepliéme livraison: guenon dorée, cercopithecus auratus, Geoffroy, Ann. du Mus.,t.XIX, p. 93; Desmarest, Mammifères, p. 56, esp. 14. (°) Semnopithecus pyrrhus, Horsfield, Zoolog. Re- search. : rufus nitore splendidè fulvo, pectore, abdo- mine, artubus intrinsecus, caudaque basi subtus pallidè flavis. ST Énenhdhegee se fut | Semnopitheeus pverhus Mers. : / (d'apres Zlorsfield ) Publie pa Powrat Fa Farur , PP" = a, er CT ; \ : \ t Cmnopulhcque Æ/ CTrt Ce 1e Semnopithecus l.cucoprymnus Cle. Le Publie par Pourrat F} à d'arur DES MAMMIFÈRES. 991 singe a quelques rapports avéc le semnopithèque maure avant que son pelage soit entièrement de- venu noir. Toutcfois le dessus du dos et les parties externes des membres sont d’un fauve décidé et constant dans l'intensité de ses teintes ; son corps est allongé et assez grêle, et ses extrémités surtout sont remarquables par leur minceur : la nature des poils qui composent son pelage est d’être délicate, douce au toucher, et comme soyeuse; et sa couleur présente sur les parties supérieures une teinte brune- rousse, affectant des reflets blond-doré sur le som- met de la tête, le front, la queue et les extrémités, et passant au jaune pâle sur le ventre et en dedans des membres. Sur les flancs, depuis la tête jusqu'aux lombes, règne une bandelette longitudinale de poils c'air- semés, frisottés et d’une grande délicatesse, qui sé- pare ainsi les poils longs et allongés du dos. M. Hors- field n’a point vu de traces de tache noire sur les rotules ; mais cette particularité peut tenir à une différence d’âge. La taille du pyrrhus est celle du semnopithèque maure. Il habite l’ile de Java, où on le nomme lu- tung;-toutefois on ne possède aucun détail ni sur ses habitudes ni sur ses mœurs. LE SEMNOPITHÉQUE KRA. Semnopithecus kra(). Le semnopithèque que les Malais nomment ra, et que sir Raffles a très succinctement décrit dans le Catalogue des collections qu’il a faites dans l’ile de Sumatra, n’est pas sans analogie avec le croo; ce singe ne nous est connu que par ce qu’il en dit : aussi sa description fournira-t-elle tous les éléments de la nôtre. C'est dans les forêts de l'ile de Sumatra et sur plusieurs des îles Malaises que le kra vit en troupes considérables. Son corps, long de vingt pouces, est dépassé par la queue; du brun rougeûtre teint le dos et le dessus de la tête, tandis que la queue et les flancs sont d’un gris qui s’éclaircit en dedans des membres et sur la partie inférieure du corps; la face, que recouvrent quelques poils courts gris- clair, est brunâtre, et des poils blanchâtres s’élè- vent sur les joues pour former des toulfes beaucoup plus longues que la barbe; ses yeux sont bruns, abrités par des sourcils proéminents, et protégés par des paupières blanches ; le nez, assez saillant à sa racine, s’aplatit vers l’extrémité, où s'ouvrent les narines en scissures obliques; des abajoues sont (") Simia fascicularis, Raffles, Trans, Soc. Linn., t, XIII, ni assez visibles ; les oreilles, dont la forme est arron- die, présentent une pointe obtuse assez marquée à leur sommet; les canines ont peu de longueur, et le pouce des mains est comme tronqué ; de larges callosités se dessinent sur les fesses. Le nom de kra, que lui donnent les Malais, rend assez bien le cri de cette espèce de singe, que tout porte à croire nouvelle, à moins que ce ne soit, ainsi que nous sommes tenté de le supposer, la gue- non à croupion blanc de M. Otto. Sir Raffles rapporte que le kra s’apprivoise diffi- cilement, et que les naturels en distinguent une variété à pelage plus blane, et teint de rougeâtre sur le dos. Le même auteur ajoute encore qu’il en existe une race plus petite, nommée ra buku, qui n’a point de poils touffus sur les joues, et dont la taille atteint rarement douze pouces. LE SEMNOPITHÈQUE À CROUPION BLANC, Semnopithecus leucoprymnus (1). La description détaillée que M. Otto a donnée de cette espèce ne permet pas d’avoir le moindre doute sur le genre auquel elle appartient : c’est évi- demment un semnopithèque et nullement une gue- non proprement dite, ou cercopithèque, parmi les- quelles on l’avoit placée primitivement quoique avee doute. Ce semnopithèque du sexe féminin est remar- quable par des formes grêles et minces, une longue queue, les doigts effilés et très fendus, tandis que les pouces, soit des mains, soit des pieds, sont peu développés. A ces traits généraux se joignent un museau aplati dont l’angle facial est d’un peu plus de soixante degrés, un front bombé, des oreilles petites et nues, des yeux grands à iris brun-jaune. Les ongles qui terminent les doigts sont aplatis au pouce, et étroits et comprimés aux autres doigts. Sa taille étoit, en y comprenant la queue, de près de {rois pieds. Le pelage se compose de poils fins très longs cet d’un aspect satiné, courts sur la queue, manquant sur la face, la paume des mains et la plante des pieds, et formant sur le côté des joues et sur le men- ton des touffes épaisses, longues et abondamment fournies. Le semnopithèque à croupion blanc a la face noire, en en exceplantle Lour des yeux, quiestrosé ; {«) Desmarest, Dictionn. des Scienc. nalur. : cerco- pithecus ? leucoprymnus, Otto, Mém. de l'Acad. Cés. Léop. Car. des curieux de La nature, t. XI, 1825, pl. #6 bis et 47 ; Férussac, Bullet,, t. VII, p, 261. 222 de petites moustaches gris-blane surmontent la lèvre supérieure , et une étroite bandelette de poils noirs assez courts règne dans l’intervalle des yeux depuis le front jusqu’au nez; les sourcils se confondent pour former une ligne noire qui encadre le haut de la figure ; le dessus de la tête et même tout le dessus du corps sont d’un brun obscur ou fuligineux assez intense, tandis que les parties inférieures, telles que la gorge et le dessous du cou, sont d’un gris blanc, et que la poitrine et le ventre sont d’un noir brunâtre; mais les favoris largement étoffés des joues, les flocons de barbe qui les continuent, sont d’un blanc légèrement teint de roussâtre qui tranche sur le noir de la face. Toutefois le caractère le plus dis- tinctif de cette espèceest d’avoir toute la région lom- baire , la queue, les fesses, et les parties externes et supérieures des cuisses, colorées en gris très clair qui se teint de roussâtre à l'extrémité de la queue ; le pourtour des organes sexuels est teint de rougeà- tre. Ce singe, dont nous avons reproduit la figure qu’en a donnée M. Otto, a offert quelques particu- larités anatomiques curieuses à relater. Ainsi la colonne vertébrale se composoit de sept vertèbres cervicales , douze dorsales , sept lombaires longues, et trois .sacrées. Les caudales , extrêmement allon- gées, étoient au nombre de vingt-deux dans ce qui restoit de Ja queue , qui avoit été mutilée, et lui don- noient un pied huit pouces de longueur lorsque le corps ne présentoit que onze pouces huit lignes. Ce que l’autopsie fit apercevoir de plus remarquable dans la cavité abdominale fut l'estomac, extraordi- nairement volumineux, bien différent de celui des guenons, et présentant dans sa portion gauche une large cavité, tandis que la droite, rétrécie et enrou- lée sur elle même, simuloit une portion de tube in- testinal ; l'ampleur de ce viscère étoit telle, que sa grande courbure n’avoit pas moins de deux pieds un pouce ; de même que le colon deux rubans mus- culaires se trouvoient suivre et la grandeet la petite courbure, et le bridoient en ce sens, ou du moins leur étroitesse forçoit les parois de l’estomac à se froncer et à se boursoufler sur leur longueur. L’in- térieur de la bouche n'offritaucune trace d’abajoues. M. Otto pense que tous les semnopithèques doi- vent avoir la même organisation viscérale. On se rappelle en effet que le kahau (simia nasica), que l’on regarde comme une espèce de ce genre, a, sui- vant Wurmbs, un estomac extrêmement grand et de forme irrégulière. Cependant les détails fournis par M. Duvaucel ne donnent point à penser que les semnopithèques qu’il a disséqués aient présenté de telles modifications dans leur organisation interne. Les abajoues rudimentaires qu’il a trouvées chez plusieurs des.espèces qu’il a étudiées, et que sir Raflles mentionne également dans ses descriptions, détruisent l'opinion assez ingénieuse émise par HISTOIRE NATURELLE M.Ottosur les fonctions relatives de ces poches buc- cales et de l’estomac. On se rappelle en effet que le naturaliste allemand pensoit que tous les singes du genre semnopithèque n’avoient point d’abajoues, et devoientavoir par conséquent l’estomaclargement développé pour servir de magasin, recevoirJes pro- visions de réserve, et remplir ainsi en quelque sorte les fonctions dévolues aux cavités nommées abajoues. La patrie de ce singe est inconnue ; mais on peut, sans craindre de se tromper, dire qu’il provient ou du continent de l’Inde ou des îles de l’Est. Le Muséum en possède une peau, LE SEMNOPITHÈQUE MAURE OU TCHINCOU. Semnopithecus maurus. Fr. Cuv. (1). Comme tous les semnopithèques le tchincou est caractérisé par ses formes grêles et allongées, par ses longs membres, et par sa queue plus longue encore. Sa face plate , qu’entoure un cercle épais de poils divergents, ses oreilles et sa face nue colorées en bleuâtre ; ses mains noires peu velues, tous ses pouces courts, lui donnent la p'us grande analogie avec les espèces congénères ; mais ce qui l’en distin- gue de prime abord est la couleur brune-foncée de tout son pelage, dont les poils, d’un noir intense’, ne blanchissent qu’à leur extrémité. Ainsi que nous l'avons déjà observé chez les singes de ce genre, les poils sont plus épais et plus abondamment four- nis sur les parties supérieures, tandis qu’ils sont rares et clair-semésen-dessous du corps eten-dedans des membres. Les tchincous adultes, dont l'iris est d’un beau fauve orangé, ont environ deux picds de longueur, tandis que la queue a jusqu’à deux pieds six pouces. Les jeunes ont leur livrée d’un brun rougeâtre , qui noircit d'autant plus qu’ils avancenten âge. M. Des- marest a donné le nom de pruineuse à cette espèce, parce que la pointe des poils ressort et luit sur la couleur intense du pelage. Le sommet de la tête du tchincou présente aussi une sorte d’aigrette courte due aux poils droits et bérissés qui s’y implantent. Les petits, dans le premier âge de leur existence, sont d’une couleur fauve très claire sur le ventre, {) Simia maura, Geoffroy, Annal. du Mus.: simia cristata, sir Raffles, Trans. So. Linn., t. XIII : cerco- pithecus maurus, Desmarest, Mammifères, p. 55 ; et semnopitnéque tschincoo , semnopithecus pruinosus, p. 533 : tchincou, Fr. Cuvier, Mammifères, pl. 10, p. 36 ,in-4o; Horsfield, Research. in Java', quatrième livraison., DES MAMMIFÈRES. et qui brunit sur le milieu du dos. Parfois ce gris fauve est légèrement ondulé de brun, teinte qui ne tarde point à passer décidément au noirâtre. Sir Raflles donne à son simia cristaa, ou tchin- cou des François, le nom malais de ching-kau. I] le dit très commun dans les forêts de Sumatra etaux environs de Bancoolen. Les propoiïtions moyennes de sa taille sont à peu près de deux pieds de lon- gueur, sans y comprendre la queue, qui n'a pas moins de deux pieds et demi, et sa hauteur est de quatorze pouces. Ce semnopithèque est d’un gris foncé, ce qui est dû à ce que les poils sont noirs et terminés de blanc à leur pointe, tandis que le des- sous du corps est beaucoup plus clair ou plutôt teinté de gris de fer ; les poils du sommet de la tête sont longs et divergents aussi bien sur le crâne que sur les côtés de la face, et forment sur l’occiput une sorte de crête ou de huppe ; la barbe est peu fournie ; la face et les orcilles sont nues et noires ; les orbites larges ; le nez un peu élevé vers le haut, mais très aplati à l'endroit où les narines s’ouvrent oblique- ment non loin de la lèvre supérieure; les oreilles sont larges et arrondies; le cou est court, et lescal- Josités des fesses très développées ; la queue, revêtue de poils longs ct frisés, n’est point terminée parune touffe, et les canines sont fort longues. Les jeunes ching-kaus ont leur pelage fauve-rou- geâtre, qui contraste avec celui des adultes, dont les teintes sont plus foncées. Les habitants de Su- matra en connoissent une variété qu'ils nomment ching-kau-puti, ou blanc, parce que sa couleur gé- nérale est le gris clair ou le blanchâtre. Le docteur Horsfield a publié dans ses Recher- ches zoologiques sur l’île de Java une figure médio- cre d’une femelle de tchincou avec son petit. I l’ob- serva très communément à Java, où les na‘urels lui appliquent le nom de buding ou lulony M, Les- chenault de La Tour avoit lui-même recueilli dans cette grande ile plusieurs de ses dépouilles, qui ornent aujourd’hui les galeries du Muséum. Ce nom de buding, que lui donnent les Javanois, est pour le distinguer d’une autre espèce à laquelle les Ma- lais ont donné celui de lutony. Ainsi le semnopi- thèque maure est le lutung-ilam ou buding noir des Javanois, etlesemnopithèque pyrrhus le lutong- mera, ie budiny rouge. Les habitants de Java dédaignent le tchincou ; ce n'est que très rarement qu’ils s'appliquent à domp- ter son caractère indocile, et qu’ils essaient de le plier à la servitude. Privé de sa liberté ce semnopi- thèque en effet reste pendant un temps assez long triste et morose : il paroît exister dans l'ile de Su- matra ; mais ilestextraordinairementabondant dans les forêts de Java, où il établit son gite dans les arbres, et vit en nombreuses compagnies : il n’est pas rare d’en rencontrer même des troupes de cin- 223 quante individus et plus. Les habitantsen détruisent un grand nombre dans les battues qu’ils font, afin de les atteindre pour se procurer leurs peaux, qu’ils emploient dans leurs ajustements militaires età plu- sieurs usages domestiques. Lorsqu'il est jeune, ce singe recherche les feuilles tendres des srbres, et plus tard il se nourrit de toutes sortes de fruits. LE SEMNOPITHÈQUE KAHAU OU NASIQUE. Semnopithecus rasicus (1). Les naturalistes nomenclateurs ont ballotté le kahau dans plusieurs genres. Par ses formes géné- rales ce grand singe en effet s'éloigne des guenons et des semnopithèques. Peut-être devoit-on con- server la petite coupe généique que proposa M. Geoffroy Saint-Hilaire sous le nom de nasalis. Toutefois c’est encore des semnopithèques que ce singe se rapproche le plus, par l’ensemble de ses caractères du moins, et ce n’est que par quelques nuances de détail qu’il en diffère. Le kahau, ainsi nommé par analogie avec son cri, a jusqu’à trois pieds un pouce de hauteur lors- qu’il se tient debout : sa queue est longue de deux pieds un ou deux pouces; elle est grêle, d’uneégale épaisseur sur tous les points de son diamètre, et, sous ce rapport, analogue à celle des vrais semno- pithèques. Une plus complète analogie se manifeste dans la brièveté du pouce de la main, qui est très remonté ct que recouvre un ongle aplati, tandis que ceux des autres doigts sont convexes et un peu rou- lés sur eux-mêmes. Toutefois le pouce des pieds est remarquable par sa force et ses proportions, et pourroit servir de moyen de distinction. Les formes du kahau sont lourdes et trapues, et les membres sont proportionnés avec le corps; le ventre, au lieu d’être peu apparent et rentré comme (") Le nasique , Daubenton, Mém. de l'Inst.:cerco- pitheeus larvatus, Würmbe, Hém. de la Soc. de Bata- via : la quenon à long nez, Buffon, Supplément, pl.11 et 12; copiée Encyclopédie, pl. 12, fig. #: simia na- sica, Screber, pl. 10 B ct C : kahau, Audebert, Singes, quatrième famille, seconde section, pl, 4 : simia nasa- lis, Shaw, Zool. génér., t. 1, pl. 22 : proboscis-monkey, Pennant, Quadrupèdes, pl. 40% et 105 : nasalis lar- vatus, Geoffroy Saint-Hilaire, Mém. du Mus., t. XIX, p. 90 : cercopithecus nasalis, Desmarest, Mammifères, p. 53, esp.12; Dictionn. des Scienc natur., L. XX: G. Cuvicr, Régn. anim., scconde édilion, 1, p. 93; et Griffith, €. [traduction angloise; Geoffroy Saint-Hilaire, Leçons sténogr., huitième leçon : nasalis larvatus et incurvus, Vigors el Horsfield , Zoolog. Journ., n° xuT, p. 110, 224 chez les autres semnopithèques, est très groset renflé, si l’on en juge du moins par l'individu conservé dans les galeries du Muséum. Le pelage en entier est, soit sur le corps, soit en dessous, également épaisetégale- ment serré; les poils qui le composent sont courts, rudes etne s’allongent que sur les joues, oùils forment de larges favoris qui se déjettenten arrière, cachent en partie les oreilles, et se terminent sousle menton en une barbe rebroussée en avant : les oreilles sont nues, ainsi que la face, qui est saillante et colorée en noir vif; les yeux sont médiocres, etla bouche assez fendue : mais ce qui concourt à donner au Æahau une physionomie extraordinaire est le prodigieux allongement de son nez; cet organe en effet saille obliquement en avant eten bas en s’aplatissant d’une manière sensible , et est sillonné sur sa face supé- rieure par une rainure longitudinale : les narines sont l:rgement ouvertes et situées tout-à-fait au- dessous de l'extrémité du nez, de manière à donner à ce singe une perfection d’odorat inconnue chez tout autremamnmifère. Une telle disposition dans l'organe de recueillement des effluves odorarts doit en effet faire supposer que ce sens est de première nécessité dans les habitudes de ce quadrumane. On n’aperçoit point de sourcils au-dessus des yeux de l'individu que nous décrivons. La couleur générale du pelage du kahau est un roux ferrugineux à teintes beaucoup plus vives sur le dos, la tête, le ventre, les épaules et les bras; la paume des mains et la plante des pieds sont, ainsi que la face, d’un noir profond ; les doigts des mains et des pieds, longs et très fendus, sont velus jusqu’à la racine des ongles; les poils de la queue sont courts, serrés, de couleur rousse et ne forment point de touffe à son sommet. Le front bombé de ce grand singe, la capacité cérébrale ample et développée, attestent que son intelligence doit être supérieure à celle des sem- nopithèques. Ce fait organique se trouve confirmé par l'opinion des Indiens, qui accordent au Eahau une haute intelligence, et qui même ont admis l'idée qu’il tiroit son origine d'hommes farouches réfugiés dans les bois pour ne point payer de con- tributions dans les villes. M. Geoffroy Saint-Hilaire rapporte que les ambassadeurs envoyés en France par Tippo-Saïb éprouvèrent la plus vive satisfaction à la vue d’un individu conservé dans les galeries du Muséum; et cette anecdote rappelle pour des hommes éloignés de leurs foyers le bonheur que ressentoit Poutavéri l’'O-Taïtien, amené à Paris par Bougainville, à presser un mürier à papier qui lui rappeloit les charmes de la patrie absente. Le kahau habite l'ile de Bornéo, où il seroit nommé batanjan, suivant Wurmbs, et où il paroît très rare; on le dit aussi de la Cochinchine, mais il est probable que cette indication est erronée. Ce HISTOIRE NATURELLE singe recherche la société de ses semblables ; il vit en troupes considérables qui se tiennent principa- lement sur les bords des rivières et dans les maré- cages. D’une humeur défiante et d’un caractère sau- vage, il est intraitable lorsqu’on l’attaque, et se dé- fend avec une extrême vigueur. MM. Vigors ct Horsfield ont donné la figure, dans le Zoological Journal, d’un kahau dont le nez était complétement retroussé, et l’angle facial un peu plus ouvert que dans l'espèce ordinaire, Ils ont proposé de lui appliquer le nom de nasalis re- curvus, en lui donnant pour caractères les particu- larités suivantes : la tête, le cou, les épaules, les cuisses en dessus, roux; le ventre à teintes beau- coup plus claires; le milieu de la région dorsale d’un rouge grisâtre; les parties internes des bras, des cuisses, du bas du dos et du dessus de la queue grises, la partie inférieure de celle-ci blanchôtre : de plus la peau dénudée de sa face étoit rouge au lieu d’être noire, et sa taille étoit d’un tiers moin- dre que celle du kahau ordinaire. Cet individu, qui provenoit de Bornéo, n’avoit que vingt pouces de longueur à partir du vertex jusqu’à la naissance de la queue. Tout porte à croire que c’étoit un in- dividu peu âgé; et cette opinion est d’autant plus probable qu’on sait que le pelage des jeunes singes diffère beaucoup de celui des adultes, et que leur angle facial, beaucoup plus ouvert, finit par éprou- ver un notable changement. Quant au nez relevé, on conçoit encore plus aisément les nombreuses variations de forme que peuvent éprouver les car- tilages mobiles qui en forment les parois. 7 mr | LE SEMNOPITIHÉQUE AUX MAINS JAUNES, Semnopithecus flavimanus. Isin. GEOFF. SAINT-Hiz, (1). Par la disposition des poils de sa tête, cette espèce se rapproche beaucoup des semnopithecus melalo- phos et semnopithecus comatus, mais ses couleurs la caractérisent très bien. Le dessus du corps est couvert de poils d’un roux clair ct de poils noirs mêlés ensemble, d’où résulte une teinte générale d’un roux noirâtre, dont il est difficile, sans le secours d’une figure, de donner une idée exacte. Les poils noirs sont beaucoup moins abondants, et par conséquent la teinte rousse beau- coup plus pure que le dos, La face interne des bras cst de même couleur que le dessus du corps; elle présente aussi deux sortes de poils. (‘) Zn Cent. zool. de Lesson, pl. #40 ;et Voy. auxIndes orientales de Bélarger , p. 74. 4 DES MAMMIFÉÈRES. Ïl en est encore de même de la face supérieure de la queue, qui, au contraire, à sa face inférieure, est blanche dans son premier quart, puis rousse dans sa portion terminale. Son extrémité est d’un roux pur en dessus comme en dessous. La région externe des membres postérieurs et des avant-bras, et les mains, sont d’un beau fauve doré, très foncé, passant au roux sur les cuisses et les avant-bras , très éclairci sur les doigts. _ La région externe des membres, le dessous du corps et de la tête, et de très longs poils qui gar- nissent la face postérieure des joues sont blancs ; c’est surtout ce caractère qui distingue, au premier aspect, le semnopithecus flavimanus du semnopi- 1hecus melalophos. Le front et les côtés de la tête jusqu'aux oreilles sont couverts de poils de longueur ordinaire, d’un beau fauve doré, tirant sur le roux. Les poils du milieu de la tête et de la nuque sont, au contraire, très longs, et forment une sorte de huppe compri- mée; disposition que l’on trouve chez les semnopi- thecus melalophos et comalus. Mais tandis que, dans ces deux espèces, la huppe est noire, elle est d’un blanc sale chez le semnopi- thecus flavimanus, à l'exception de sa partie la plus antérieure qui est noirâtre. La face, autant qu’il est possible d’en juger par des pelleteries préparées, est noirâtre; mais les pau- pières sont blanches. Les ongles sont brunûtres. La taille et les proportions de cette espèce sont, en général, celles du semnopithecus melalophos ; seulement la queue est un peu plus longue. Le semnopithèque à mains jaunes habite Sumatra, d'où il a été envoyé au Muséum par MM. Diard et Duvaucel. Il paroît aussi exister à Java, d’après le dire de M. Bélanger. ILE SEMNOPITHÈQUE À CAPUCHON. Semnopithecus cucullatus. Isin. G£orr. SAINT-HiL. (1), On a donné à cette espèce le nom de cucullatus pour rappeler une disposition de couleurs qui est caractéristique pour elle. Le dessus et les côtés de la tête, et la gorge, sont d’un brun fauve, qui, par sa teinte très claire, tranche d’une manière remarquable avec le reste du pelage, qui est brun sur les flancs, les lombes et les fesses; noirâtre sur la ligne mé- diane du dos et sur les cuisses, les jambes, les bras; enfin, d’un noir pur sur les avant-bras, les quatre mains et la queue. () Voyage de Bélanger aux fades orientales, partie zoologique, p.72, pl. I. LE ‘ 225 Le dessous du corps et la face interne des bras et des cuisses sont couverts de poils noirâtres peu abon- dants ; la gorge l’est de poils d’un brun fauve, très clair-semés. Les ongles sont noirs. La face, en grande partie nue comme chez les autres semnopithèques, est en- tourée presque entièrement d’un cercle de soies noires, roides et assez longues. Ces soies sont, sur les côtés de la face, peu nombreuses et dirigées en dehors; elles sont, au contraire, sur le front, très abondantes et dirigées plus ou moins régulièrement en haut. Cette disposition se trouve également chez quelques autres semnopithèques, principalement chez l’entelle. Les oreilles sont revêtues de poils noirs, assez roides, qui tranchent par leur couleur au milieu des poils bruns-fauves du reste de la tête. Les poils du corps sont généralement moelleux et assez longs (ils ont de 2 à 4 pouces ); ceux des membres et de la face supérieure de la tête sont moins longs ( un pouce à un pouce et demi). Ce- pendant, près des oreilles, les poils de la tête elle- même égalent presque les plus longs poils du corps. Enfin, on remarque sous le menton un bouquet de poils dirigés en bas, et dont une partie sont assez longs. Ce singe présente d’ailleurs tous les caractères des semnopithèques. Ses pouces antérieurs sont très courts, ses formes grêles et élancées , et surtout sa queue très allongée, ainsi qu’on en jugera par les mesures suivantes : Pieds. Pouc. Longueur totale du bout du museau à l’origine de la queue. . . 4 10 ————— dela queue, «+ « « + + 1 8 Le semnopithèque à capuchon habite les monta- gnes des Gates : c’est à M. Leschenault de la Tour que la découverte en est due. M. Bélanger a également rencontré cette espèce dans les Gates occidentales, et il a eu occasion d’en voir plusieurs individus à la côte du Malabar, chez des Anglois qui étoient facilement parvenus à les apprivoiser. M. Dussumier en a aussi rapporté plusieurs indi- vidus de Bombay. LE SEMNOPITHÈQUE A FOURRURE. Semnopithecus vellerosus. Isip. G£orr. SaNt-Hiz. (1). On ne connoît cette espèce que par une peau in- complète déposée au Muséum par M. Delalande, et _{") Voyage de Bélanger aux Indes, part. z001., p. 70, 29 226 qu’il avoit achetée, en 4816, au Brésil, où elle avoit été vraisemblablement apportée du continent de l'Inde ou de l’un des archipels indiens. Mais elle est tellement caractérisée par ses couleurs et par la na- ture de son pelage, qu’il est impossible de conserver aucun doute à son égard. Le corps et le dessus de la tête sont d’un noir lustré. Les poils ont un aspect soyeux, brillant, qui rappelle le pelage du coïta. La gorge et le des- sous du cou sont couverts, au contraire, de poils d’un blanc sale, très moelleux et un peu frisés. Les bras sont noirs comme le corps. Les cuisses et le haut des jambes sont noirs comme les bras ; mais il existe de chaque côté, sur la partie postérieure et interne de la cuisse et sur les fesses, une grande tache d’un gris clair, qui passe au fauve autour de la callosité. Les poils qui composent cette tache sont, pour la plupart, d’un blané grisâtre; mais un assez grand nombre de noirs se trouvent mêlés parmi eux. La queue est tout entière blanche, L'état de la peau que j'ai examinée ne m’a pas permis de connoître la cou- leur des avant-bras, des mains, du bas des jambes, des pieds et de la face. Les poils des membres et de la queue sont assez courts ; ceux de la tête sont un peu plus longs; mais les plus longs de tous sont ceux de la partie supé- rieure du corps et des flancs, qui ont jusqu’à 5, 6 et 7 pouces. Ceux des flancs sont un peu plus longs que ceux du milieu du dos. Fous ces longs poils sont lisses, couchés, dirigés en arrière ; ceux du dessous du corps sont, au contraire, un peu frisés et disposés très irrégulièrement. La taille du semnopithèque à fourrure est la même que celle du douce , avec lequel il a beaucoup de rap- ports. Néanmoins, il sera toujours facile de distin- guer le semnopithecus vellerosus, soit du douce, soit du semnopithecus leucoprymnus, dont il est éga- lement voisin par la taille, les formes et la colora- tion. Le meilleur caractère que l’on puisse citer pour établir cette distinction, est celui de la tache grise des fesses, qui est bornée à peu près au ni- veau des callosités, et ne se prolonge point au-des- sus de l’origine de la queue; origine qui est, au contraire, cachée sous les longs poils noirs du bas du dos. oo LES SEMNOPITHÈQUES NESTOR ET BICOLORE. Le nEsTOR (S. nestor) (1), dont la patrie est igno- rée, vit probablement dans l’Inde comme ses (1) S. saturè cinereus; capite, prymnä, femoribus postioô, caudäque pallidioribus ; {Ho fusco cincto, # HISTOIRE NATURELLE congénères. Le semnopitheeus bicolof (1), que l’on suppose de la côte d'Afrique, a la peau gé- néralement noire ; les tempes, les joues, le menton et la gorge couverts de poils blancs. Le front est ceint d’une bandelette blanche. Les poils des tem- pes, des joues, de la gorge, sont très longs, dirigés en arrière et cachent entièrement les oreilles. Ceux du menton sont dirigés partie en avant et partie en bas ; ceux du reste de la tête, du tronc et des mem- bres (les fesses exceptées) sont noirs. Ceux du dos, depuis le cou jusqu’à la naissance de la queue, sont remarquables par leur longueur ; ils sont épais, doux, soyeux et couchés. Sur la poitrine et sur le ventre ils sont beaucoup plus courts et plus clair- semés. Sous l’espace culleux, les fesses sont d’un blanc légèrement mélangé de noir, ce qui est dû à ce que chaque poil est noir, puis blanc, à sa pointe. La queue est entièrement d’un blanc sale. LES COLOBES. Colobus. ILuic. Sous le nom de full-bottom-monkey Pennant avoit figuré, dans son Histoire des Mammifères, tome I, planche 24, un grand singe que Screber a représenté planche 10 B, et que Buffon a décrit sous le nom de guenon & camail (Supplément, t. VII, pl. 47). Illiger le prit pour type du genre qu’il appela co- lobus, et dont on ne connoît qu’un seul individu conservé dans la collection de M. Temminck. Ces colobesressemblent aux semnopithèques par la forme de leur tête, et par le nombre et la disposition de leurs dents. Ce qui les en distingue est de manquer complétement de pouce aux mains (chez les semno- pithèques il est rudimentaire), et par conséquent de jouer près des singes de l’ancien continent le même rôle que celui des atèles parmi les espèces du Nou- veau Monde. Toutefois les colobes sont très mal déterminés, et la place qu’on leur assigne dans les tableaux méthodiques éprouvera sans doute des changements lorsqu’ils auront été étudiés avec soin. Illiger traça ainsi les caractères de ces grands sin- ges, dont le nom vient du grec xole6vs, mutilé : Leur face est obtuse, dénudée ; les narines ne sont sépa- rées que par une mince cloison, et des abajoues occupent les côtés de la face; leur queue est longue, couverte d’un poil lâche et disposé en flocon à l’ex- hac apicem mystacibus longioribus ; labiis mentoque albidis ; facie, auribus, mantibusque nigris, artubus nigrescentibus. Bennett, Proceed., t. III, p. 67. () Wesmaël, journ, l'Institut , no 116, p. 245, cabi- net de Bruxelles. DES MAMMIFÈRES. trémité ; les deux mamelles sont placées sur la poi- trine ; les mains sont réduites à quatre doigts par l’absence du pouce; les pieds ont cinq doigts termi- nés par des ongles aplatis ; les fesses sont dénudées ; le corps est mince, et les membres sont grêles. Les habitudes des colobes ne sont point connues. Ce sont des singes de l'Afrique occidentale très rares, puisque leurs dépouilles ne se trouvent point dans les grandes collections publiques, et dont on ne dis- tingue que deux espèces. —: pue LE COLOBE A CAMAIL. Colobus polycomos. GEOFr. (1). Ce colobe, que quelques voyageurs nomment le roi des singes, a été appelé par Buffon guenon à camail, parce que ses épaules, le haut du dos et le cou, sont revêtus d’une épaisse fourrure formée de poils très longs qui lui recouvrent cette partie comme le feroit un camail. Ce singe a, dit-on, trois pieds de hauteur lorsqu'il se tient debout, et sa queue est plus longue que le corps; les poils allongés qui recouvrent en forme de crinière aussi bien le som- met de la tête que le tour de la face, le cou, et les parties supérieures du tronc, sont flottants et colo- rés en jaune que tache du brunâtre ; tout le reste du pelage est très court, formé de poils noirs très lui- sants qui tranchent avec la blancheur de la queue, que termine un long flocon de même teinte. La cou- leur de la face du colobe à camail, et les parties dénudées des mains et des pieds, sont d’un noir très intense. Les Nègres d'Afrique recherchent la peau de ce singe pour se faire des ornements de guerre. Bien que sa patrie ne soit point éloignée de l’Europe, puisqu'il vit dans les forêts de Sierra-Leone et au Congo, nous ne savons rien de ses mœurs, de ses ha- bitudes ; et les descriptions de nos livres d’histoire naturelle ne reposent que sur des peaux mutilées qui ne nous peignent pas même avec exactitude ses formes matérielles. () Pennant, Qadrupèdes, 1. 1, p. 197, pl, 24 ; Scre- ber. pl, 10 D; Buffon, Supplément, t. VII, pl. 17 : simia comosa , Shaw : le roi des singes, Encyclopédie, pl. 15, fig. 3 ; Desmarest, Mammifères, p. 53. 227 (0 mm | LE COLOBE FERRUGINEUX. Colobus ferruginosus. ILLiG., GEOrr. (1). Quelques naturalistes supposent que le colobe fer- rugineux n’est qu'une variété de celui à camail, et cette opinion a principalement été émise par M. de Lacépède. Cependant des différences dans les cou- leurs du pelage autorisent à l’en distinguer comme espèce à laquelle on devra même réunir le colobe que feu Kuhl décrivit dans la collection de M. Tem- minck, et qui faisoit partie du riche cabinet de Bul- lok à Londres. Le colobe ferrugineux est un peu plus petit que celui à camail, auquel il ressemble par ses membres déliés et par la longueur et la minceur de sa queue. Son pelage est presque en entier de couleur ferru- gineuse foncée sur le dos, très claire sur les joues et en dedans des membres, tandis que les poils de la tête et de la queue sont d’un noir intense, couleur qui est propre également à la peau de Ja face, des mains et des pieds. Toutefois il ne paroït pas que ces teintes soient toujours bien constantes, puisque l’in- dividu décrit par Kuhl sous le nom de colobe de Tem- minck avoit les mains, la face et les poils de la queue d’un roux pourpré, les membres d’un roux plus clair, et le ventre d’un jaune roussâtre, tandis que la tête, le cou, le dos, les épaules et la région externe des cuisses, étoient noirs. Cet individu, mesuré de- puis le bout du nez jusqu’à l’origine de la queue, avoit un pied sept pouces six lignes de longueur, tandis que la queue, dont une partie avoit été coupée, présentoit dans ce qui restoit environ un pied, Tout porte à croire que le colobe ferrugineux est de la côte occidentale d'Afrique ; mais on ne possède aucun renseignement à ce sujet. Le COLORE GUEREZA (?) est une magnifique espèce qui viten Abyssinie par petites familles, et qu’a dé- couverte le voyageur allemand Ruppell. Ce singe est vif, agile, sans être bruyant, et d’un naturel inof- fensif. Il se nourrit de fruits sauvages, de graines et d'insectes. Les provinces où on le rencontre plus particulièrement sant celles de Godjam, Kouil et Damot. Le nom de guereza est abyssin. Deux seules couleurs teignent le pelage de ce beau singe, le noir profond et le blanc pur. Les poils des flancs s’allon- (‘) Bay monkey, Pennant, Quadrupèdes, t. I, p. 203: guenon , Buffon, Supplément, t. VI, p. 66 : simia fer- ruginea , Shaw : colobus ferrugineus, Geoffroy, Ann. du Mus., t.XIX, p. 92; Desmarest, Mammifères, p. 53, esp. 9 : colobus Temminckit, Kuhl; Desmarest, Mammifères, p. 53, esp. 10. (2) Colobus guereza, Rupp., pl. I; Neue Wirbelt, 1835; | mag. s00l., 1836, pl. 18. 228 gent sur les côtés en franges de housse d’un beau blanc, et la queue est terminée par un gros flocon de cette couleur. Un masque neigeux encadre le noir de la face. Ce singe a ses canines énormément dé- veloppées. RE ———————— “ LES GUENONS. Cercopithecus. ErxL. (1). 4 Les distinctions qui ont été établies entre les sem- nopithèques asiatiques, les guenons africaines, et les macaques aussi d'Asie, sont fugaces et légères, et ne permettent point d'isoler ces groupes par des caractères saisissables dès le premier aperçu. De là sont nées ces opinions si variées et si nombreuses dans le classement de ces divers singes ; de là découle cette incertitude de synonymie si embarrassante pour les naturalistes, et qui laisse tant d’arbitraire et tant de vague dans l’histoire de chacun de ces animaux. Nous ne rappellerons pas les idées émises à ce sujet par plusieurs écrivains, nous ne pourrions en tirer de lumières pour notre sujet. Les principes de no- menclature sont si variables de leur essence, et sont tellement influencés par les théories zoologiques, que le temps doit sans cesse amener des révolutions nouvelles dans ce qui est regardé comme vrai au jour où l’on écrit. Nous nous contenterons donc d’offrir l’état réel de la science au moment actuel, en résu- mant avec le plus de clarté possible ce que l’on sait de plus avéré sur ces diverses familles de singes. Les guenons suivent les semnopithèques dans tous les tableaux méthodiques. Ce n’est pas cependant que les macaques n’aient plus d’analogie avec ces singes à longue queue ; mais les guenons n’ont point de rapport avec les cynocéphales, et les macaques au contraire en ont beaucoup : il a donc paru con- venable d’intervertir l’ordre naturel. Les attributs généraux des guenons sont d’avoir une taille médiocre, et des membres dont les pro- portions correspondent avec le volume du corps. Par cela elles se distinguent des semnopithèques sans doute dès la première vue; mais leurs abajoues ne permettent plus de les confondre lorsqu'on vient à examiner cette poche buccale. Enfin un caractère anatomique plus obscur est celui que présentent les dernières dents molaires inférieures, de n’avoir que quatre tubercules sur leur couronne. Les guenons, envisagées dans l’ensemble de leurs formes, sont des singes dont la tête arrondie se projette en avant en un museau assez saillant dont () Simia, Linnæus : cercocebus, Geoffroy : cercopi- thecus , singe à queue, nom usité chez les Grecs. HISTOIRE NATURELLE l’angle facial est d’environ cinquante degrés. Leurs oreilles, médiocres et arrondies, ressemblent assez aux oreilles de l’homme; le nez toutefois est aplati, et des abajoues amples leur permettent d’entasser dans leurs replis les fruits que ces animaux vont piller dans les vergers; leurs dents, au nombre de trente-deux, sont semblables à celles des semnopi- thèques, dont elles ne diffèrent que par un tubercule de moins aux molaires inférieures ; leur estomac, arrondi et simple, n’est point divisé en deux poches ainsi que l’est celui du semnopithèque à croupion blanc et du kahau : il dénote un régime purement frugivore, tandis que le genre de nourriture des deux singes que nous venons de nommer semble être plus particulièrement approprié aux feuilles et aux bour- geons des arbres. Les guenons vivent dans les forêts ; les arbres sont leurs demeures les plus ordinaires et les plus sûres, et la prestesse de leurs mouvements leur permet d’en parcourir la profondeur avec rapidité et avec aisance ; sauter par bonds rapides, s’élancer de bran- che en branche, est chez elles l'allure la plus habi- tuelle et celle qui est le mieux accommodée à leurs mouvements. La locomotion sur les quatre extré- mités est au contraire embarrassée, difiicile, et ne peut même s’exécuter qu'avec gaucherie. Ce n’est point pour un genre de vie terrestre que ces animaux furent créés. Les guenons, dont le nom françois est sans doute corrompu du mot gnome, et qui dans le langage figuré est devenu le synonyme d’une face laide, gri- macière et grippée, ont des mœurs irascibles, colé- riques, des mouvements capricieux et brusques, une intempérance de désirs, une mobilité d’imagi- nation qui surpasse tout ce qu’on peut supposer de plus variable et de plus inconstant. Moins libidineux que gourmands, ces singes sont indociles, peu édu- cables ; ce n’est que par l'abus de la force qu’on par- vient à les dresser, à les plier à l’obéissance. Leur rancune pour les mauvais traitements qu’ils ont reçus subsiste dans toute sa vigueur pendant des années entières, Prises jeunes toutefois les guenons se fa- connent à une nouvelle existence, et se dressent aux grimaces et aux jeux que leur enseignent leurs mai- tres pour intéresser la commisération publique. Toutes les espèces connues des guenons sont d’A- frique. Les auteurs les divisent en deux tribus qui sont assez distinctes, bien qu’on ne puisse convena- blement les caractériser. La première comprend les vraies guenons, dont l’angle facial est de cinquante degrés, et dont les yeux ne sont pas surmontés de crêtes sourcilières ; leur nez est plat et ouvert à la hauteur des fosses nasales. Telles sont les guenons mone, moustac, hocheur et blanc-nez. La deuxième tribu, que M. Geoffroy Saint-Hilaire a appelée cer- cocèbe (cercocebus), a le muscau plus log, le front DES MAMMIFÈRES. fuyant en arrière, l’angle facial de quarante-cinq de- grés, le bord supérieur de l'orbite relevé et rehaussé en dedans, le nez plat et haut. Les cercocèhes éta- blissent ainsi le passage des guenons aux macaques ; mais ces distinctions peu nettes et peu distinctes n’ont point encore été universellement adoptées. Les cal- litriche, vervet, griset, malbrouk, patas et man- gabey, sont les types de cette seconde section. LA GUENON MONE. Cercopithecus mona (1). Le kèbe, dit Aristote, est un singe à lonque queue: et de cette phrase plus qu'incomplète Buffon a tiré Ja conclusion que le kebos des anciens Grecs devoit être la mone. Toutefois rien n’est moins prouvé. Ce singe est remarquable par ses formes gracieuses et élancées, par la rare élégance des couleurs de son pelage, et par les justes proportions de ses diverses parties. Les poils qui le recouvrent sont partout abondamment fournis, partout à peu prés de même longueur, excepté sur les joues, où ils forment deux grosses toufles épaisses qui retombent sur le cou en enveloppant le bas de la face. Le dos, les parties supérieures du corps, et les bras en dehors, sont d’un roux marron vif, tirant sur le brunâtre sur le dos, les reins et la nuque; des poils un peu redressés, variés de vert doré lustré, recou- vrent la tête, et sont séparés des épais favoris par un bandeau noir : ceux-ci sont d’un jaune clair uni qui tranche avec la couleur de chair de la face et des oreilles. Toutefois le haut du visage, ainsi que le tour des yeux, sont bleuâtres ; la région interne des cuisses, des jambes et des bras, est d’un gris bleu ardoise : c’est aussi la teinte qui est propre à la queue dans toute son étendue. Peux larges taches oblon- gues et blanchâtres se dessinent sur les fesses, et dis- tinguent nettement cette guenon; mais elles man- quent quelquefois, tel qu’on en à un exemple dans le mona de Buffon. Les côtés de l’abdomen et le dessous du corps, de même que le dedans des mem- bres, sont recouverts de poils d’un blanc pur, les surfaces nues des pieds et des mains sont d’un bru- nâtre clair, ou d’une couleur de chair livide. La queue de la mone est longue, brunâtre, et n’est (‘) La mone, Buffon, t. XIV, pl. 36 et pl. color. Do 252; et le mona, Supplément, pl. 19; Audebert, Singes, quatrième famille, pl. 7 : simia mona et mo- nacha, Screber, pl. 15 A et 15 B:varied monkey , Pennant, Quadrupèdes ; Encyclopédie, pl. 11, fig. 4: simia mona, Linnæus; Erxleben, sp. 10, p.32: la mone, Fr. Cuvier, Mammifères, pl. 13, in-4o, et p. 44; G. Cuvier, Règne animal , 1.1, p.92; Gcoffroy Saint- Bilaire , huitième leçon sténographiée, p. 49. 229 point terminée par un pinceau de poils ; ses ongles sont aplatis et noirâtres. Ses dimensions les plus or- dinaires sont les suivantes. Le corps, mesuré depuis le museau jusqu’à l’anus, a dix-sept pouces et quel- ques lignes, et la queue vingt-trois à vingt-quatre. Posée sur ses quatre pattes, sa hauteur est d’à peu près douze pouces aux épaules et dix-huit au bassin, Sa tête est petite, arrondie; son front est élevé, et son nez est peu saillant : les poils qui bordent les callosités des fesses sont roussâtres. L'individu qui a servi de type à la figure publiée par M. Frédéric Cuvier a été conservé vivant dans la ménagerie du Muséum. Venu très jeune en France, il a conservé dans la captivité l’extrème douceur et la profonde indolence qui le caractérisoient alors; en vieillissant, ses membres ont acquis de la vigueur et une agilité surprenante. Cet intéressant animal, observé avec soin par M. Frédéric Cuvier, lui a paru cireonspect dans ses actions et persévérant dans ses désirs, sans avoir jamais recours à la violence. « Lorsque après avoir bien sollicité on persiste à re- fuser quelque chose à la mone, dit ce savant, elle fait une gambade et semble occupée d’autre chose ; elle n’a acquis aucun sentiment de propriété : elle prend ce qui lui plait, les objets qui lui ont attiré des punitions comme les autres, et a une adresse ex- trême pour exécuter ses rapines sans bruit. Ce singe ouvre les armoires qui ont leur clef en tournant celle-ci; il défait les nœuds, ouvre les anneaux d’une chaine, et cherche dans les poches avec une délica- tesse telle que souvent on ne sent pas sa main, quoi- qu’on sache qu’elle vous dépouille. C’est l'examen des poches qui lui plaît le plus, parce que sans doute il y a souvent trouvé des friandises qu’on vouloit qu’il y trouvât, etil y foaille sans mystère ; ordinai- rement il débute par là dès qu'on s'approche de lui, et semble chercher dans les yeux des motifs d’espé- rance. Il n’est pas très affectueux : cependant lors- qu'il est tranquille, et que rien ne le préoccupe, il recoit avec plaisir les caresses, et il répond avec grâce lorsqu'on veut jouer avec lui; alors il prend toutes les attitudes possibles, mord légèrement, se presse contre vous, et il accompagne toutes ces gentillesses d’un petit cri assez doux, et qui semble être pour lui l’expression de la joie. Jamais il ne fait aucune grimace ; sa figure, bien différente de celle de la plupart des autres singes, est au contraire toujours calme, et paroîtroit même sérieuse; et quoiqu'il soit mâle, il n’a jamais manifesté la Jubricité qui rend la plupart des singes si dégoütants. » Par ses formes gracieuses la mone est une des es- pèces de singes les plus intéressantes ; la délicatesse de ses manières, la gentillesse de ses mouvements, la douceur de son caractère, l’heureuse harmonie des couleurs qui teignent son pelage, tout peut la rendre l’objet d’une vive bienveiilance. En liberté 230 ce singe paroît exclusivement se nourrir de fruits; mais en captivité on lui voit manger de la viande _ cuite, du pain et des insectes. On le trouve sur la côte occidentale d'Afrique, très probablement en Guinée ; et non en Barbarie, ainsi que quelques au- teurs le pensent. LA GUENON DIANE. Cercopithecus diana. GEOrr. (1). La guenon à laquelle les naturalistes ont donné le nom de diane, par rapport au croissant de poils blancs encadrés de noir qui lui surmonte le front, est svelte dans les diverses proportions du corps. Sa tête arrondie se termine en avant par un museau obtus et assez saillant, bien que son front soit no- tablement bombé; ses yeux, médiocres et enfoncés, sont entourés d’une peau nue bleuâtre, et le nez et les lèvres affectent une couleur de chair livide; ses oreilles sont petites, arrondies, et en partie cachées par les poils épais des côtés de la tête; des poils touf- fus et allongés revêtent en grande abondance les- joues et le dessous du menton : la queue, aussi lon- gue que le corps, égale dans toute son étendue, est recouverte de poils noirs uniformément serrés; elle est longue de dix-huit pouces, et un peu moins par conséquent que le corps, qui en a vingt-un à vingt- deux : un noir foncé teint les poils de la tête, qui sont courts et serrés; sur le front se dessine le ban- deau blanc dont nous avons déjà parlé; un brun gris teint les épais favoris des côtés des joues; la poi- trine, la région abdominale, le dedans des caisses et des bras, sont recouverts de poils blanchâtres ; les poils de tout le dessus da corps au contraire sont noirâtres et annelés de blanc jaunâtre, ce quileur donne une teinte généralement brune-verdâtre; les bras, les cuisses et les jambes sont noirâtres, et la peau dénudée des mains et des pieds est aussi de cette couleur; un cercle blanchâtre entoure les cal- losités des fesses, qui sont rouges. Quelques indi- vidus ont le pelage assez uniformément noirâtre en dessus ; des favoris noirs, tiquetés de brun et de jaune; du jaunâtre dans le blanc du croissant du front, et enfin une petite touffe blanche sous le men- ton. La face est colorée en violâtre passant au bleu (:) Simia faunus et roloway, Linnæus , Ac. ac. hol., t. VI, p. 213 : exquima, Marcg.: le roloway, Alla- mand; Buffon, t. XV, p. 77, pl. 13: la palatine et la diane , Encyclopédie, pl. 41, fig. 4, et pl.14, fig. 4 : la diane, Audebert, Singes, fam. 4, pl. 6; Fr. Cuvier, Mammifères, pl. 14, p. 47: simia diana et roloway, Screber, pl. 14 et 25 : eercopithecus diana:, Geoffroy, Ann. du Mus., t. XIX, p. 96; Desmarest, Mammi- fères, esp, 2#; G, Cuvier, Règne animal, 1,1, p, 92, HISTOIRE NATURELLE sur les pommetles et sur les joues, et au rougeâtre à l’entour du museau et sur les paupières. La diane, recouverte de poils très épais en des- sus, à le dessous du corps presque nu; la couleur de sa peau est violâtre. Une variété décrite par Linnæus sous le nom de roloway présentoit du blanc sur la poitrine, et en haut et en devant de la cuisse, dont la partie externe étoit de couleur ferrugineuse. La forme du croissant offroit aussi quelques différences ; peut-être cette mo- dification provenoit-elle de l’âge. Enfin l'individu figuré sous le nom de diane par Audebert ressemble assez au roloway de Linnæus, et diffère beaucoup de la planche de M. Cuvier. Dans le singe représenté par Audebert le croissant est à peine marqué, les favoris sont blancs, et une longue barbe blanche pointue tombe en flocon sur la poi- trine, également de couleur blanchâtre. Tous les poils du corps sont noirs, terminés de blanc, et un large delta marron-vif naît du dos et s’élargit sur les reins ; les cuisses, dans le haut, sont encore ferru- gineuses. Or cette description légitimeroit assez la distinction de la diane et du roloway, que presque tous les zoologistes réunissent. La diane habite la côte occidentale d'Afrique, et notamment la Guinée et le Congo, où les Nègres lui donnent le nom d’exquima, En LA GUENON HOCHEUR. Cercopithecus nictitans (1). De même forme et de même taille que la guenon mone, celle qu’on nomme le hocheur, à cause de son habitude de remuer la tête, a ses membres propor- tionnés; sa queue, très longue, égale dans toutes ses parties, et un pelage uniformément brun-gris tiqueté de vert, ce qui est dû à ce que les poils sont annelés de jaune, de brun, de gris et de verdätre, sur le corps principalement ; car ils tirent visible- ment au brun sur les parties externes des membres, et au noir sur les bras et les avant-bras, La queue est brune dans toute son étendue, et ne se termine point en un bouquet de poils; sa longueur est d’en- viron vingt-six pouces, tandis que le corps, y com- pris la tête, n’en a au plus que dix-neuf à vingt. Mais ce qui distingue au premier aspect ce singe est la () Desmarest, esp. 20 : autre singe à longue queue d'Angola , Marcg., Bras., p. 227 : simia nictitans, Linnæus; Erxleben, esp. 13 : quenon à nez blanc pro- éminent, Buffon, t. XII, pl, 18 ; Encyclopédie, pl.7, fig. 4: le hocheur, Audebert, Singes, fam. 4, pl.2; Fr. Cuvier, Mammif., pl. 15, p. 50 , édit, in-4°; G. Cu- vier, Régn. anim.,t. 1, p.93; Geoffroy Saint-Hilaire, , Leçons sténograph. , buitiéme leçon , p, 19. L Ge : * > peau noit-bleuâtre et dénudée de sa face, que domine en avant une large tache blanche qui se trouve oc- cuper l'extrémité du nez jusqu'aux narines, et qui est formée par des poils d’umblanc pur très courts, très serrés. La paupière supérieure est carnée et con- _ traste vivement avec le cercle noir-bleuâtre qui en- toure l’œil ; les mains, les pieds, aussi bien que les oreilles nt la forme est ample et arrondie, sont d’un brun mat très foncé. Des sortes de poils rudes et noirs sont implantés sur les lèvres; et Les poils qui recouvrent la tête et les joues, par leur abondance et par leur longueur, prêtent à ces parties une am- pleur plus considérable qu’elles n’en ont réellement : ces poils touffus sont d’un brun gris doré assez vif sur les arcades Sourcilières, qui sont très dévelop- pées, et sur les côtés de la face, où ils forment d’é- ais favoris. Egalement serré sur tout le dessus du corps; le pelage est seulement plus rare en dedans des membres, sur le ventre et la poitrine, où il prend une teinte brun-roussâtre tiqueté de blanc, et grise sous les aisselles. Chez cette espèce de singe le pouce de la main est plus allongé que dans la plupart des guenons, où ce doigt est souvent rudimentaire. Cette guenon, sur laquelle on ne possède point de renseignements particuliers, se trouve sur la côte occidentale d'Afrique, et vient le .plus ordinaire- ment de Guinée. La première mention qu’on ait du hocheur est celle des Voyages de Purchass (Pelgr., t. IE, p. 955), sous le nom de white nose monkey. La description de Marcgrave est assez précise pour faire reconnoître ce singe dans son angolensis alius. Pennant le dé- _ crivit d’après Linnæus, sous le nom de the winking monkey: et Audebert le figura d’après une mauvaise _ peau, et croyoit qu’il n’avoit point de callosités. Il - étoit réservé à M. Fr. Cuvier d’en donner un por- " trait très exact, dessiné d’après une jeune femelle vivante de la ménagerie du Muséum. Eh : 2e A ——— — La $ LA GUENON ASCAGNE OÙ BLANC-NEZ. 4 Cercopithecus pelaurista. Erxz. (1), Allamand décrivit l’ascagne sous le nom de blanc- nez dans son édition de Buffon. fl en donna une fi- (‘) Simia petaurista, Linnæus , Gmelin; Erxleben, esp. 14, p. 35; Screber, pl. 19 B; Buffon, Supplém., LRU Encyclopédie, pl. 12, fig. 3 : l'ascagne et le blanc-nez, Audebert, Singes, fam. 4, pl. 14 et 15: le blanc-nez, simia aurista, G. Cuvier, Mén. du Mus.,p. 5, édit. in-fol. : cercopithecus ascanius, Fr. Cuvier, Mammif., pl. 16, p. 52, édit. in-4o ; G. Cuvier, Règne animal, 1. 1, p. 93; Geoffroy Saint-Hilaire $ Cours siénographié, huiliéme leçon, p. 19. à . … DES MAMMIFÈRES. 231 gure médiocre à la planche 39. Plus tard Audebert publia les descriptions de deux singes qu’il nomma ascagne et blanc-nez, qui tous deux appartiennent à la même espèce, et par conséquent à celle primi- tivement figurée par l’éditeur hollandois que nous venons de nommer. M. G. Cuvier redressa cette er- reur dans l’histoire qu’il traça de l’ascagne ou blanc- nez dans le grand ouvrage intitulé Ménagerie du Muséum, et en donna une figure supérieurement gravée par Miger, d’après le vélin de Maréchal. Enfin, dans ces derniers temps, M. Fr. Cuvier a fourni un portrait colorié exact et gracieux d’un in- dividu femelle de cette guenon dans la planche 46 de ses Mammifères lithographiés. L’ascagne n’étoit distingué du blanc-nez que par la couleur bleue de la face , au lieu du noir qui teint la peau de la seconde espèce : mais souvent cette teinte noire de la peau change de nature chez les singes à l’époque du rut, et devient turgescente, pourprée, ou bleuâtre, sans que ce soit sous ce rapport un ca- ractère distinctif. L’ascagne est remarquable par l'élévation de son front, le grand aplatissement de la racine du nez, et la saillie que fait le museau. Ses oreilles sont larges, arrondies, brunâtres ; d’épais favoris touffus flottent sur les joues, et garnissent le dessous du menton. Les couleurs qui se partagent les diverses régions de la tête sont assez tranchées. Ainsi tout le dessus du crâne est d’un vert jaune, plus brun sur le fronts La face est d’un noir bleu dans l’état de vie, et une large tache blanct e occupe l’extrémité du nez et une partie de la lèvre supérieure; les poils des joues et du menton sont légers, fins, et d’un gris clair ti- rant sur le blanc pur. La face, excepté le tour des Yeux, n’est point dénudée, mais bien recouverte de poils noirs très petits et très serrés ; les lèvres sont rubanées, c’est-à-dire peu épaisses et très étroites. Le pelage du dos, du dessus de la queue, et des parties externes des membres, est doux, SOyeux , verdâtre, légèrement teint de fauve sur la ligne ver- tébrale et sur la queue, tirant au gris clair en s’a- vançant vers les jambes et les mains ; le dessous du corps et de la queue, le dedans des bras et des cuis- ses, sont d’un blanc à peine teinté de grisâtre ; les doigts des pieds et des mains sont carnés, mais assez bruns en dessous ou plutôt violâtres. L’ascagne a de longueur totale, sans y compren- dre la queue, quinze pouces, et cette dernière n'en a pas moins de dix-huit ; lorsqu'il marche à quatre pattes, son élévation la plus grande du sol est de dix pouces, Un individu conservé vivant dans la ménagerie du Muséum étoit remarquable par son extrême dou- ceur et par sa confiante familiarité, Sa nourriture consistoit en carottes, en pommes et autres aliments de même nature; ses mouvements étojent pleins de RAR 232 grâce et de gentillesse, et son caractère ne démen- t point les charmes de son extérieur. ’ascagne habite, comme les espèces précédentes, côte occidentale d'Afrique, en Guinée et au LA GUENON MOUSTAC. Cercopithecus cephus. GEorr. (:). ©” La guenon moustac se reconnoît à sa face bleu de ciel, sur laquelle tranche un croissant d’un blanc de neige dont les extrémités embrassent les ailes du nez, et qui occupe la lèvre supérieure en simulant deux moustaches, d’où lui vient le nom de moustac, que Buffon lui donna le premier. Cette guenon a le corps et la tête longs de quatorze pouces, tandis que la queue à vingt-un pouces ; son front est ample et spacieux, son nez aplati, son museau un peu avancé; ses oreilles sont larges, arrondies et carnées ; sa tête est couverte de poils verdàtres plus foncés sur l’occiput que sur le front : ceux qui revêtent le cou, les épaules, les flancs, la croupe et la base de la queue en dessus, sont d’un vert brun ; les poils des cuisses sont d’un gris verdâtre, et ceux des membres d’un gris légèrement teinté de jaune, nuances dues à ce que chaque poil est coloré de gris à sa partie intérieure, et annelé de noir et de jaune très clairs sur les teintes grises, brunâtres aux parties brunes, et purs aux parties vertes ; le dessous du corps et le dedans des membres sont d’un gris qui s'étend sur la base de la queue, et qui se change dans les deux tiers de ce membre en roux vif; des flocons de longs poils sont implantés sur les joues, et sont d’abord teints de jaune bril- Jant entre les yeux et les oreilles, puis en jaunâtre très clair sur le bas des joues, et enfin en blanc pur sous le menton, où ils dessinent une sorte de barbe courte et médiocre ; des poils noirs forment une es- pèce de bandeau étroit entre le jaune des favoris et le vert du front et de la tête ; les testicules, la plante des pieds et la paume des mains sont de couleur carnée. La guenon dont nous venons d’esquisser sèche- ment les caractères descriptifs est très peu connue’ sous le rapport de ses habitudes et de ses mœurs. Ce qu’on en sait se réduit à la dire douce, très ca- ressante, et très affectueuse pour les personnes (*) Cercopithecus barbatus alius quincensis, Marcg. Brass., p.228 : le moustac , Buffon, t. XEV, pl. 39, et pl. col. no 254; Audebert , Singes, fam. 4, pl. 2; En- cyclop. , pl. 13, fig. 2 : simia cephus , Linnæus ? ; Scre- ber, pl. 19, et simia monay pl: 45; Fr. Cuvier, Ham- mif., pl. 17, p. 54; D rest, esp. 17; G. Guvier, Règne animal, 1, 1, | ] 7 HISTOIRE NATUREL ES l'OL ARE qui en prennent soin. à les espèces précé- dentes le moustac habite la côte occidentale de l'Afrique. LA GUENON TALAPOIN OU MÉLARIIN Cercopithecus talapoin. Gror 7 Le talapoin que Buffon et Daubenton ont décrit, et dont M. Fr. Cuvier a figuré une jeune femelle planche 48 de ses Mammifères, est remarquable par la distribution singulière des couleurs qui se partagent la face. Ainsi le front jusqu'aux paupières supérieures est d’un blanc pur, 1 joues sont de couleur de chair, le nez est d’un noir intense, dis que le pourtour des lèvres et le mento blancs ; d’épais favoris blancs, arrondis, teints de jaunâtre et picotés de noir, entourent la face et s'arrêtent aux oreilles, dont la couleur est noire; et la forme arrondie et large; son front est bombé, ample et élevé ; proéminent. Le talapoin mâle décrit par M. Fr. Cuvier d’après un individu vivant n’étoit point encore adulte. La longucur du corps étoit de onze pouces “et la queue étoit coupée. Toutes les parties supérieures du corps sont de couleur verte, et les parties inférieures blanches, y compris même le dessous de la queue ; les mains et les oreilles sont noires, les yeux bruns, le dessous des yeux couleur d’ocre, et les testicules couleur de chair. Buffon donna à cette guenon le nom de {al parce qu'il la croyoit originaire de l'Inde. Il es ”.. fait qu’on ignore encore quelle est sa patrie; fois on ne peut pas douter qu’elle ne soit dédie d'Afrique. son nez aplati, et son museau très mn LA GUENON CALLITRICHE. $: Cercopithecus sabœus. DEsx. (2). Adanson, dans son Voyage au Sénégal, parle de la guenon callitriche sous le nom de singe vert ; () Simia talapoin, Linnæus; Screber, pl. 17 : tala- poin monkey, Pennant; Shaw, t.I, part. 4, p.46 :le talapoin, Buffon, t. XIX, pl. 40 ; Encyclopédie, pl. 13, fig. 4 ; planches coloriées de Buffon, no 253 : simia melarhina et cercopithecus t oin, Fr. Cuvier, Mammifères, pl.18, p. 56; G Sd ” Règne animal, t. I,p. 92. E) Simia sabæa, Linnæus ; Sereber , pl. 18 : singe vert, Brisson , Règne animal, esp. 17 : the San-Iago monkey, Edwards (jeune individu) : le callitriche, Buffon, t, XIV, pl, 37, et pl. col. no 257 ; Audebert, Sin- C2 . \. Pie “* La et c est aussi SOUS cette dénomination que Brisson et Edwards l’ont mentionnée dans leurs écrits. Celui Ï de callithriæ, beau a été donné par Buffon pour désigner la teinte peu ordinaire chez les singes $ de son pelage. On en trouve une excellente figure, ravée par Miger d’après un vélin de Maréchal, dans l'ouvrage D". du Muséum, et le por- trait n divi âle dans les Lithographies de M. Fr. Cuvier. Le callitriche est élancé dans ses formes, gracieux et proportionné dans ses membres ; sa queue, lon- gue et recourbée, se renfle un peu vers l'extrémité ; son front, bombé et tant soit peu dressé, fuit toute- fois beaucoup plus en arrière que chez les autres guenons, et le museau se projelte assez en avant ; le z est aplati; ; les oreilles sont larges, délires et oblongues, de couleur carnée, et sa face est d’un noir intense. La guenon callitriche est longue de vingt-deux pouces , et la queue de vingt-six; son pelage est touflu , serré sur le corps, et de couleur vert-jaunà- tre, me | due à ce que les poils sont annelés de jaune et de noir ; les membres, sur leur face ex- térieure, sont gris, et la queue, jaune-verdâtre en dessus, se termine par un bouquet de poils jaunes ; toutes ce inférieures, aussi bien que le de- dans des membres et le us de la queue, sont d’un blanc légèrement lavé de jaunâtre ; quelques poils allongés ombragent les yeux, et sont d’un jaune doré , aussi bien que les poils des joues, qui se transforment en favoris déjetés en arrière, et < fpaant par leur disposition régulière une sorte ss e fraise ; le scrotum est verdûtre, et la peau nue cs ains et des pieds est noire ; une touffe de poils ». _dor sc veloppe PADPATET de la génération. Les emelles sont assujetties à un écoulement périodi- que, sans gonflement ou tumescence du pourtour £ F 4 te guenon est, comme les autres espèces, E L” de mœurs douces, et s’apprivoise aisément ; _ prise jeune, elle devient caressante , et témoigne sa satisfaction des soins qu’on lui prodigue. Les adultes au contraire conservent leurs mœurs primitives et sauvages, et souvent sont très méchantes. Cette guenon est la plus commune de sa famille ; elle est fréquemment amenée vivante en Europe, et habite par troupes considérables les îtes du Cap-Vert et toute la Sénégambie. C’est donc bien à tort que Lin- | næusluia appliqué lépithète de sabæa, qui lui don- . neroit pour patti@Aräbie, où on ne la trouve point. v. ges, fam. 4, fig. 4; Guvier et Maréchal, Mén. du Mus,, in-fol.; Encyclopédie, pl. 12, fig. 1; Erxleben, Ham- mifères, esp. 114, p. 33; Fr. Cuvier, pl. 19, p. 58; Des- marest, esp. 26 ; G. Cuvier, Règne animal, t.1, p. 91 ; Geoffroy Saint-Hilaire, Leçons sténographiées, leç. 8, p. 18. L CNE, 7 Le. w: DES MAMMIFÈRES. 233 M. G. Cuvier, dans sa description, dit qu’un calli=. triche mâle gardé dans la ménagerie du Muséum témoignoit à la vue des femmes des désirs lubri= . ques, et qu’il préféroit pour sa nourriture les racines sucrées et les fruits. | LA GUENON GRIVET. Cercopithecus griseus (1). La guenon grivet a été décrite par M. Fr. Cuvier comme espèce véritablement distincte; et ce n’est qu’à la suite d'observations répétées, faites sur deg individus vivants, que ce savant a émis cette opi- nion. Le grivet en effet a l’analogie la plus frappante avec le malbrouck ; il n’en diffère même que par des particularités qu’on ne découvre qu’à la suite de comparaisons minutieuses ; et ses rapports intimes avec le malbrouck et même avec la guenon calli- triche sembleroient n’en faire qu’un être intermé- diaire, qu’une variété de l’une ou de l’autre de ces espèces. À ce sujet M. Fr. Cuvier exprime ainsi les motifs qui l’ont porté à distinguer le grivet des deux guenons avec lesquelles il seroit si facile de le confondre : « Cet animal, dit-il, ressemble beaucoup au malbrouck par les couleurs générales du pelage; mais il en diffère par les formes de la tête, moins arrondies ; par les testicules, qui sont d’un vert de cuivre au lieu d’être bleu-lapis, et par les poils qui environnent ces parties, constamment d’un bel orangé chez le premier, et blancs chez le second. IL se distingue du callitriche par sa couleur d’un vert beaucoup plus sombre, le bandeau neigeux de ses sourcils, ses favoris blancs, et sa queue grise jusqu’à son extrémité. Il lui ressemble au contraire par la forme pyramidale de Ja tête, par la couleur des tes- ticules, et par la coloration des poils qui environ- nent ces organes, jaune, il est vrai, chez le callitri- che, au lieu d’être orangée. » Le grivet a donc la face et les oreilles noir-bleuâ- tre, le tour des yeux carné, d’épais favoris et un bandeau blancs, le pelage d’un vert sale sur le corps et sur les flancs ; les cuisses et les membres anté- rieurs d’un gris clair, et toutes les parties inférieures et internes d’un blanc assez pur : les poils sont an- nelés de gris noirâtre et de jaune livide sur le dos, et de gris et de blanc sur les avant-bras et les jam- bes ; les mains et les pieds ont leur peau d’un noir vif, et des sortes de cils bruns allongés et roides sont implantés en den l’arcade sourcilière. Ses di- 1 (") Fr. Cuvier, Le thècus griseo-viridi 27 ; G. Cuvier, Rèy Saint-Hilaire, huitiém iféres, pl. 20, p. 61 ; cercopt- ee Mammifères. esp. à 234 mensions sont absolument les mêmes que celles du malbrouck et du callitriche. Le grivet vit en Afrique, et M. Caillaud l’a ob- servé en Nubie. Quelques individus du sexe fémi- nin témoignoient par leur extrême douceur, par leur désir de recevoir des caresses, toute la confiance et tout l’abandon d’un bon naturel. Ce sentiment sembleroit être chez eux le résultat d’une coquette- rie calculée, et qui ne seroit pas sans analogie avec celle des femmes dans l'espèce humaine ; tandis que les mâles conservent toujours cette rudesse de ma- nières qui tient à un sentiment plus prononcé d’é- nergie et d’égoïsme. Les singes verts sont souvent représentés sur les anciens monuments égyptiens, et M. Caillaud croit même avoir reconnu le grivet sur ceux de l'antique Méroé. PI | LA GUENON VERVET. Cercopithecus pygerythrus. Fr. Cuv. (1). Le vervet appartient encore à la petite tribu des singes verts, et ne diffère que par des nuances de détail du callitriche, du grivet et du malbrouck : c'est à M. Fr. Cuvier qu’on en doit la distinction ; c'est dans son ouvrage sur les mammifères qu’on en trouve une figure exacte et une description complète. Le vervet ne diffère point du grivet ni du malbrouck par la couleur de son pelage, qui est verdâtre, ni par sa face, qui est noire, avec le tour des yeux blafard. La guenon callitriche a les favoris d’un jaune vif; les testicules blancs, légèrement teints de verdâtre, et encadrés de poils blancs quelquefois colorés en jaunâtre ; le malbrouck a ces mêmes organes d’une belle couleur lapis, et au milieu des poils neigeux qui en enveloppent la base; le griveta les testicules d’un vert frais et pur, et les poils qui les bordent orangés ; enfin Ice vervet qui nous occupe diffère de ces trois espèces parce que ses testicules, également verts comme ceux du grivet, sont entourés d’un cer- cle de poils d’un blanc pur. Ces caractères sont trop positifs pour qu’ils ne servent pas nettement à isoler ces quadrumanes : mais une autre particularité dis- tingue le vervet, c’est que le pourtour de l’anus est garni de poils d’un roux foncé, cachés pour l’ordi- naire, et qui n’apparoissent que lorsque cette gue- non redresse sur le dos sa longue queue. () Simia erythropyga, Fr. Cuvicr, Mammifères, pl. 21, p. 63; G. Cuvier, Règne Arai t. I, p. 92: cerco- pilhecus pygerythrus, Desmarest, Mammif., esp. 818, p. 533; Geoffroy Saint-Hilaire, uitiéme leçon sténogr., p. 19: cercopithecus pusillus, Delalande, Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist. natur., t. MIL, p. 568: calli- triche, var., Audebert, Singes, fam, 4, sect, 2, pl. 5, HISTOIRE NATURELLE * TURN ! à nn 7 Le A ces détails nous ajouterons que le pelage, gris- verdâtre;sur les parties supérieures du corps, blane sur la poitrine, le eoÿe- ag dedans des mem bres, gris sur la queue, qui est terminée de noir, se change sur les avant-bras et les jambes en gris assez foncé. Un bandeau sur le front et PUR 4 voris sur les joues sont d’un blanc qui s'étend jus- qu'aux oreilles : celles-ci sont noires co Ja face. Le vervet a les dimensians du grivet et du mal- brouck : il ne paroît point non plus différer de ces deux singes par le naturel. Le nom trivial de pyge- rythra, que lui a donné M. Fr. Cuvier, vient du grec #vyn, derrière, et épuüpès, Touge, pour ex- primer la particularité qu’il présente d’avoir la région anale bordée de poils de couleur rousse. Cette guenon paroît vivre exclusivement au ea: de Bonne-Espérance, où M. Delalande l’a décou- verte. Elle se tient dans les forêts, et principale- ment sur la lisière de celles du district de Keiskama, au-delà de Grote-River ; ct nous croyons bien que c’est elle qu'Audebert, dans son Histoire des Sin- ges, a figurée comme une variété du callitriche, fam. 4, sect. 2, pl. 5, et qu’il décrit en ces mots : « Tout le dessus du corps gris ; le front, les tempes, la poitrine, le ventre, et l’intérieur des quatre mem- bres, blancs, et les extrémités noires. | LA GUENON MALBROUCK. Cercopithecus cynosurus. Des. (1), Le malbrouck est la quatrième espèce de singe vert que les zoologistes modernes aient caractérisée, Ce qui le distingue de prime abord des callitriches + 4 griset et vervet, estson scrotum bleu d’azur entourés de poils neigeux. Cette guenon a communément de longueur totale dix-sept à dix-huit pouces sur un pied d’élévation, et se trouve être une des espèces les plus vigoureusement constituées et les plus for- tes. Sa tête volumineuse se termine en un museau arrondi et saillant, parfaitement noir, excepté sur le pourtour des yeux, qui est carné et livide; ses oreilles, arrondies, amples et brunâtres, sont abon- damment garnies en avant de poils touffus qui des- cendent sur les joues et sous le menton en favoris massifs et longs, d’un blanc pur; les mains et les (") Simia faunus, Linnæus ; Screber, pl. 12 : simia cynosuros, Screber, pl. 14B : le malbrouck, Buffon, t. XIX, pl. 29 (femelle), et pl. color: no 248; Encyclo- pédie, pl. 11, fig. 1 : simia cynosuros, Scopoli, Delic. Flore et Faune, pl. 19: le malbroucx, Geoffroy Saint- Hilaire, Ann. du Mus., t. XIX, p. 96; Desmarest, Mam- mif., p. 60; Fr. Cuvier, Mammif., pl. 22, p.65; G. Cuvier, Règne animal, t. I, p. 92 ; Geoffroy Saint- Hilaire, Leçons sténographiées, huitième leçon , p, 19. ( DES MAMMIFÈRES. pieds sont noirs; les callosités et le pourtour de Panus , d’un rouge vif à l’époque du rut ; le scrotum est très développé, et coloré en bleu : les femelles ont leurs parties naturelles très peu ouvertes , mu- nies d’un petit M, et sont soumises au flux menstruel. Les poils qui composent le pelage du malbrouck sont annelés de jaune.et de noir, ce qui donne aux parties supérieures la teinte grise-verte qui les ca- ractérise ; tandis que les poils des régions inférieures et internes sont blancs : toutefois la queue affecte une nuance grise décidée dans toute sa longueur ; et ce gris affoibli se montre aussi sur les avant-bras et sur les jambes, jusqu'aux articulations des carpes et des tarses. Brusque et prodigieusement agile dans tous ses mouvements, le malbrouck peut faire de nombreuses cabrioles en l’air en ne se donnant qu’une vigou- reuse impulsion. Son cri, ou du moins ce que l’on à pu en entendre, se réduit à un sonaigre et foible ou bien à un grognement rauque. Jeune, sa docilité est assez grande; adulte, au contraire, il devient méchant, peu traitable, et d’une circonspection qu’il est difficile de mettre en défaut, circonspection qui le porte à dissimuler sa vengeance lorsqw’il croit le moment inopportun, et à se jeter sur ceux qui l’approchent, à l’improviste et par-derrière, lors- qu’on présente des chances d’impunité aux noirceurs qu'il projette. Irritable, ennemi de toute contrainte, le malbrouck ne tarde pas à succomber lorsque Ja captivité a mis un frein à son naturel volontaire, et la privation de la liberté équivaut pour lui à la mort. Les femelles seules, plus irrésolues, plus timides , se plient au joug ; et chez les singes comme dans l’espèce humaine ce sexe semble, par le senti- ment de sa propre foiblesse , avoir été créé pour souf- frir avec douceur l'autorité que la force, quelle qu’elle soit, s’est arrogée sur lui. On dit le malbrouck du Bengale, ce qui est loin d’être prouvé. Nous avons à peu près la certitude qu’il vit au Cap-Coast, sur la côte occidentale d’A- frique. LA GUENON PATAS. Cercopithecus ruber. GEorr. (1). Nommé singe rouge par les Francois établis à Saint-Louis, le patas est très multiplié dans la Sé- () Le patas à bandeau noir, Prosper Alpin, Rer. Ægypt., liv.1V, pl. 4; Buffon, t. XIV, pl. 25, 26 ,et pl. col. no 246, 247; Encyclopédie, pl. 12, fig. 2: simia rubra, Linnæus ; simia patas et rufa, Screber, pl. 16 et 16 B: cercopithecus ruber, Geoffroy, Ann. du Mus., $. XIX, p. 96 ; Desmarest, Mammiféres, esp, 23 ; Fr. 235 négambie, et ne peut être confondu avec aucuns autre espèce par la couleur de son pelage; ses for- mes sont sveltes, régulièrement proportionnées ; sa tête est arrondie, mais ses yeux sont enfoncés, ses crêtes sourcilières avancées, son nez aplati, et son museau proéminent ; ses oreilles larges et min. ces sont de couleur carnée ainsi que la face, excepté la saillie du nez que recouvrent de très petits poils noirs ras et serrés, et deux sortes de prolongements obliques simulant des moustaches sur la lèvre su- périeure. La fourrure du patas se compose de poils doux, soyeux, assez longs, d’un fauve très vif sur toutes les parties supérieures du corps, et externes des membres; la queue elle-même affecte cette couleuren- dessus, et blanchit en-dessous ; la poitrine, le ventre, le dedans des membres, sont d’un blanc qui tranche plus nettement sur les joues , où d’épais favoris se prolongent jusque sous le menton; les poils de la tête, d’un roux très vif, se trouvent séparés par un bandeau noir qui traverse le front, et va s’arrêter sur les tempes : parfois ce bandeau est blanc; et c’est ce qui avoit porté Buffon à établir comme es- pèce son patas à bandeau blanc, en donnant le nom de patas à bandeau noir à la guenon que nous nom- mons patas sans y ajouter d’épithète. Toutefois ces variations sont peu importantes, et les sexes ne dif- fèrent en rien l’un de l’autre. Le patas mesuré du bout du museau à la racine de la queue peut avoir dix-huit pouces de longueur, etun peu plus pour la queue. Ses mains et ses pieds sont colorés en brunâtre violacé très peu foncé, et les ongles sont bruns. Ce singe est apporté assez souvent en vie du Sé- négal', sa patrie, dans nos ports militaires du midi de la France. Mais il ne tarde pas à succomber, soit par l'influence du climat, soit par les chagrins que lui inspire la captivité. Il s’apprivoise difficilement : il est colère, emporté, irascible, et cherche à mor- dre lorsqu'on l'approche. Bien que son front soit moins bombé que celui de quelques autres guenons, iln’en à pas moins d'intelligence, ni moins de fi- pesse; mais ces qualités sont chez lui destinées à l'état de liberté, et doivent principalement servir lorsqu’il maraude en troupes en dévastant leschamps de couscous et de millet des Nègres, pour lesquels il est un fléau. Cuvier, #bid., pl. 23 (femelle), p. 68; G. Cuvier, Règne animal, t, 1, p. 91, 236 ot LA GUENON MANGABEY A COLLIER. Cercopithecus œthiops (1). Hasselquist, dans son Voyage au Levant, a décrit d’une manière assez claire le mangabey à collier que Linnée introduisit d’après lui sous le nom de singe éthiopien (simia œthiops) dans son Système de la Nature. Buffon accompagna son histoire d’une figure assez exacte (tom. XIV, pl. 55) dont on a reproduit une copie dans ses planches coloriées (pl. 254 ), et dans l’atlas de l'Encyclopédie métho- dique (pl. 45, fig. 4). Dans ces derniers temps M. Frédéric Cuvier en a donné aussi un bon por- trait dans ses mammifères lithographiés. Le mangabey à collier a les plus grands rapports avec la guenon que l’on a nommée mangabey fuligi- neux. Leurs dimensions, les proportions des mem- bres, les couleurs mêmes du pelage, excepté celles de la tête, offrent la plus parfaite analogie. Le mangabey à collier a le front déclive et le mu- seau proéminent; ses oreilles larges et oblongues se terminent légèrement en pointe à leur sommet : elles sont d’un noir intense ainsi que la face ; les paupiè- res supérieures seules se trouvent être colorées en blanc mat, et donnent à cette guenon une physiono- mie singulière lorsqu'elles s’abaissent ; les poils du sommet de la tête, un peu plus longs que ceux des autres parties, sont peints en brun marron très vif; une écharpe blanche naît sur les joues, s'étend jus- qu'aux oreilles, et contourne la nuque et la partie postérieure du cou en redescendant un peu sur les épaules ; d’épais favoris d’un gris assez foncé tra- versent obliquement la face au bas de l'oreille , tan- dis que le dessous du cou et du menton est d’un gris clair ardoisé. Quant au corps et aux régions ex- ternes des membres, le pelage du mangabey est en entier d’un gris ardoisé dont la teinte uniforme règne sur le dos comme sur la queue, sur les membres antérieurs comme sur les postérieurs. Tout le dessous du corps et le dedans des membres se trouvent être blancs. La paume des mains et la plante des pieds sont noirâtres, et les plus grandes dimensions que ee singe atteigne sont d'environ dix-huit pouces. Le mangabey à collier exprime ses sensations en contractant les lèvres et en montrant les dents; ses 4) Simia æthiops, Linnæus; Screber, pl. 21 : manga- bey à collier, Buffon, t. XIV, pl. 33, et pl. col. n°251; Encyclopédie, pl. 13, fig. 3; le mangabey, var. À, Au- debert, Singes, fam. 4, pl. 40 : cercocèbe mangabey , Geoffroy, Annal. du Mus., XIX, D. 97 : cercopithe- eus æthiopicus, ET. Cuvier, pl.24, p. 71 ; Desmarest, Mammifères, esp. 29 ; G. Guyier, 1 égne animal, t.I, p.91: Geoffroy Saint-uilaire, Mutiémo leçon sténo- graphiée,p. 20. ÿ wi HISTOIRE NATURELLE mœurs n’ont paru enrien différer de celles des autres guenons. À l’époque du rut le sang stagne sur le pourtour des organes générateurs, et fait ac- quérir à ces parties des dimensions exagérées. Les auteurs s'accordent à lui do pour patrie l’Abys- sinie; mais c’est avec bien plus de raison que M. Frédéric Cuvier suppose qu’il provient de la côte occidentale d'Afrique, au sud du cap Vert. LA GUENON MANGABEY. Cercopithecus fuliginosus (1). Buffon confondoit cette guenon avec la précé- dente, bien qu’il lui donnât le nom de mangabey sans collier. Audebert ne la mentionne que comme variété; et c’est M. Geoffroy Saint-Hilaire qui le premier s’apereut de la persistance de ses caractères extérieurs , et qui lui appliqua le nom de cercocèbe enfumé. En appelant ces deux espèces de singes mangabey, Buffon s’étaya d’un passage où Flacourt dit, dans la relation que cet ancien auteur a donnée de l’île de Madagascar : « Il ya une autre espèce de singes plus petits, quiont le museau fort court, qu’ils nomment à Mangabey d’un autre nom que vary, et qui n’est pas difficile à apprivoiser.» Or cette phrase est sans contredit applicable à un lemur ; et c’est donc à tort que Buffon a cru que ces quadru- manes provenoient du district de Mangabey dans l’île de Madagascar, qui ne nourrit aucune espèce de singe. Le mangabey fuligineux a le corps long de vingt à vingt-deux pouces et la queue de dix-huit. Ses for- mes sont minces et grêles, surtout vers le bassin , et le museau est renflé et de couleur noirâtre ainsi que les oreilles et les extrémités. I porte habituellement sa queue renversée sur le dos, et le pavillon de l’o- reille est anguleux à son sommet; les paupières su- périeures ressortent vivement par leur blancheur sur le masque ou livide ou noirâtre de la face. Tout son pelage en dessus et en dehors des membres est d’un gris brun fuligineux assez uniforme, et qui fait place en-dessous du corps et en-dedans des mem- bres, ainsi que sur les joues et sous le menton, au blanchâtre légèrement teinté de gris. Les femelles ont à l’époque du rut un gonflement des parties gé- () Desmarest, esp. 28: le mangabey sans collier, Buffon , t. X1x, pl. 32 : le mangabey à collier noir, Encyclopédie, pl. 13, fig. 4, et pl. color. de Buffon, no 250: simia œthiops, Linnæus; Audebert, Singes, quatrième famille, pl. 9 ; Screber, pl. 20 : simia fuli- ginosa, Geoffroy, Annal. du Mus., t. XIX, p. 97 ; G. Cu- vier, Règne animal, t. 1, p. 91 : le mangabeg, Fr. Cu- vier, Mammifères, pl. 25, p. 73; Geoffroy Saint- Bilaire, huitiéme leçon sténographiée, p. 20. DES MAMMIFÈRES. 237 nitales fort large près de l'anus , qui entoure la vulve en formant un bourrelet circulaire en entonnoir. On a donné pour patrie au mangabey tantôt Ma- dagascar et tantôt l'Ethiopie. IL est de fait qu’on le trouve au Congo et à la Côte d'Or. Pendant que la corvette La Coquille étoit mouillée à Sainte-Hélène, un vaisseau anglois arrivant de l'établissement de Cap-Coast vint y relâcher; il avoit à bord plusieurs espèces de singes vivants , et entre autres des man- gabeys enfumés. M. Dumont d’Urville s’en procura un individu qu’il amena en France. Pendant plu- sieurs mois que cette guenon séjourna parmi nous, la douceur de ses habitudes et la gentillesse de ses manières captivèrent nos loisirs ; elle se balancoit dans les cordages avec une agilité surprenante etune merveilleuse adresse : mais c’est en vain que son maitre cherchoit à lui apprendre quelques exerci- ces, tels que marcher debout, ou se teniren fac- tion ; l’extrême mobilité de son caractère et l’insou- ciance qu’elle y apportoit rendirent infructueuses les sévères corrections qu’on lui infligeoit chaque jour. Très souvent violentée dans ses humeurs, tou- jours chagrinée dans ses penchants, souvent en butte à de mauvais traitements, jamais elle ne songea à se venger, tout en témoignant par ses gestes et son désir de fuir la vive aversion que lui inspiroient ceux dans la dépendance desquels elle se trouvoit, LE NISNAS. Cercopithècus pyrronotus. Eure. (1). ” Ce singe, que les habitants du Darfour nomment nisnas, a beaucoup de rapports avec le patas(?), mais cependant il acquiert une taille plus robuste, un museau plus élargi et plus obtus, une queue plus longue: enfin sa face est d'un noir profond, tandis que le patas n’a de noir que 1e nez. Le pelage en entier sur le corps est teint d’un rouge-brique lui- sant, qui s'étend sur les bras, les cuisses et le des- . sus de la queue, en s’affoiblissant sur les parties in- férieures pour laisser dominer un blanc plus ou moins pur. Une sorte de chaperon , d’un rouge brun assez foncé, occupe la partie antérieure du front, tandis qu’une teinte jaune-paille colore l’occiput. Les joues sont d’un blanc assez pur qui tranche sur () Prosper Alpin, Hist. gat. Egypti, p.244, pl. 21; toto corpare rufo, rutilove spectabatur ; facies nigra, undique barbata, sed barba albi crat coloris ; caudam longam rutilamque habebat. Cercopithecus pyrronotus, sive nisnas, du Darfour, Ebremberg, Symboles physicæ, etc., {er déc., pl. X: Bull. de Férussac, t. XVII, p. 345. Nisnas, Valenc. in F,Cuv., Mammif. nov. 4830, G4cliv (2) Simia rubra, auct. le noir mat de la face. Les avant-bras , les jambes, les extrémités, sont blancs ; seulement les parties nues des pieds et des mains sont noires. Le scrotum est d’un beau vert de cuivre. Le CERCOPITHÈQUE à cou blane : M. Sykes (1) dé- crit le C. albogularis, auquel on donne pour patrie l'ile de Madagascar, bien qu’on n’ait jamais trouvé de vrais singes dans cette grande île. Cette localité est donc erronée. M. Bennett à fait connoitre le cercopithecus pogonias (2?) de Fernando-Po, long de 47 pouces, la queue ayant 24 pouces, et le cer- copithecus tephrops (3) voisin du malbrouk. PORN FOUR AR AR ARENA | F7 AE, LA GUENON ATYS. Cercoccbus alys. GEorr, (i). Audebert a appelé atys un singe à pelage blanc dont on ne connoit qu'un seul individu qui se trouve dans les galeries du Muséum d'histoire na- turelle, et que M. Gcoffroy Saint-Hilaire, dans son Catalogue imprimé, page 18, a rangé parmi les gue- nons sous le nom de cercopithecus atys. On lui donne pour synonyme l’animal que Séba mentionne dans Thesaurus, en le désignant par les mots de petit singe blanc de Ceylan, et qu’il figure, tome E, pl. 45, fig. 5. Séba, en parlant du grand singe blanc et des singes en général, s'exprime en ces termes : « Ils sont au reste d’un naturel malin, traître et perfide, capables même d’attaquer et de mordre leur propre maître, comme je l’ai vu faire à un grand singe, très rare par la blancheur uniforme de son poil, qu’on avoit apporté ici des Indes orientales. Ce singe, irrité quelquefois par les per- sonnes auxquelles il n’éioit pas accoutumé, ne put être apaisé par son maitre, à qui il avoit obéi jus- (1) C. supra flavo nigroque, infra albo nigroque irroratus ; qulà albâ; artubus nigris ; myttacibus latis aures pene obvelantibus ; superciliorum pilis rigtdis instantibus; Sykes, Proceed., t. 1, p. 106; Owen, Proceed. ,t. II, p. 18. (2) C. nigrescens, albo punctulatus; dorso medio, prymnä, caudà supernèé et ad apicem , faciäque tem= porali nigris ; fronte, salidibusque externé flavidis, nigro punctulatis ; mystacibus longissimis, albido flavestentibus ; corpore caudäque subtuüs, artubusque interné flavido rufis ; Bennelt, Proceed.,t. II, p. 67. (3) C. suprà fusco virescens , infra albidus ; artubus externè grisescentibus ; facie pallidè carneû ; naso, genis, labiorumque marginibus pilis brevibus fuli- ginosis compersis. (4) Simia atys, Audebert, Singes, fam. 4, sect. 2, pl. 8, p.13; Screber, pl. 44B : cercocébe atys, Geoffroy, Annal. du Hus., 1. XIX, p. 99; et Catalogue imprimé, p.18 ; grand singe blanc, Séba, Th.: cercopithecus atys, Desmarest, Mammiféres, esp. 30, 238 qu’alors; de sorte qu’un jour que le maître voulut le corriger, il lui sauta au visage, le mordit au nez, et ne s’en seroit peut-être pas tenu là s’il n’en eût été empêché par des domestiques qui survinrent à propos. » Reste à savoir si ce grand singe blanc n’est pas le gibbon molock, tandis que latys est bien le type de la planche 45. M. Geoffroy Saint-Hilaire, dans le Catalogue descriptif qu’il a rédigé des mammifères du Mu- séum de Paris, s'exprime à peu près en ces termes : « L'individu de l’atys qui existe dans les galeries est long d’un pied cinq pouces neuf lignes. Son pelage est entièrement d’un blanc sale ; et sa face, les doigts des mains et des pieds, complétement nus , sont de couleur de chair. JL habite les Indes orientales, et provient de la collection du stathou- der; sans doute il est l'original de la description de Séba. Nous le croyons encore, dit M. Geoffroy, le produit d’une maladie albine ; mais dans ce cas, on ignore à quelle espèce on devroit le rapporter , et dans tous les cas elle n’est pas connue des natura- listes. L’atys nous paroit être en eflet une guenon atteinte d’albinisme; et nous avons de fortes rai- sons de croire qu’elle provenoit des établissements de la côte d'Afrique, et nullement des iles indien- nes ainsi qu’on l’a supposé sur la vague indication de Séba. » L’atys, par les traits généraux de sa conforma- tion, vient se placer près des mangabeys, Toute- fois son museau prolongé, ses oreilles à bords an- guleux, lui donnent une physionomie spéciale: et sa face carnée et son pelage blanchâtre ne permet- tront jamais de le confondre avec aucune autre es- pèce de singe à queue, si on vient à en découvrir de nouveaux individus, et à lui assigner une place exempte de doutes dans nos tableaux de zoologie. M. Temminck suppose cependant que l’atys est un albinos du macaque ordinaire (macarus cyno- mulgus); mais il ne donne aucun développement à son opinion. LES MACAQUES. Macacus. Lace. (1). Les Portugais, lorsqu'ils s’établirent sur la côte occidentale d'Afrique, importèrent en Europe le nom de macaco, que les Nègres du Congo don- noient à quelques espèces de guenons et probable- ment à des mangabeys. Ce terme introduit dans notre langue fut changé en celui de macaque par () Pithecus, Geoffroy Saint-Hilaire : simia, Linnœus, Gmelin : papio, cercocebus, et pithecus, Geoffroy: cer- copithecus, Brisson , Lacèpède, Illiger., HISTOIRE NATURELLE lequel on désigne chez le vulgaire toutes les petites espèces de singes indistinctement, mais que les na- turalistes modernes ont abusivement appliqué à des espèces indiennes : à moins toutefois que ce mot de macaco nait été plus particulièrement réservé au magot, dont cette dernière désignation pourroit bien être le dérivé. Les macaques sont donc des singes de l’ancien monde, qui, à l'exception d’une espèce d’Afrique, habitent exclusivement l'Inde et les îles qui en dé- pendent. Ils forment un lien intermédiaire entre les guenons et les cynocéphales ; leur système den- taire affecte la même disposition que chez les sem- nopithèques, et possède un cinquième tubercule sur la couronne des dernières molaires. Les dents sont au nombre de trente-deux; les canines supé- rieures sont arrondies sur leur face interne et très déprimées sur l’externe; leur bord postérieur est tranchant, disposition que l’on retrouve chez les cynocéphales. Le museau des macaques, gros et prolongé, se trouve, par ses dimensions, intermé- diaire entre celui des guenons et des babouins, et l'angle facial ne s'éloigne point de 40 à 45 degrés. Si la tête des macaques est ainsi notablement pro- longée, on pourra toutefois ne jamais la confondre avec celle des cynocéphales, parce que ces derniers ont leurs narines placées à l’extrémité du museau et ouvertes tout-à-fait à sa troncature. Des crêtes sourcilières très saillantes forment sur les orbites un rebord élevé et échancré. Ces crêtes leur don- nent, sous ce rapport, une nouvelle analogie avec les semnopithèques. Le front a peu d’ampleur et les yeux sont très rapprochés : les narines s'ouvrent obliquement, et on ne remarque point de renfle- ment des os maxillaires; les oreilles, nues, serrées contre la tête, sont larges et terminées en pointe à leur bord supérieur; de larges abajoues occupent le dedans de la bouche, que bordent des lèvres minces et très extensibles , et que remplit une langue épaisse et charnue ; leur corps est en général trapu, , massif, et en rapport avec les membres qui sont robustes et pentadactyles; de larges callosités re- couvrent les fesses; elles sont souvent peintes des plus vives couleurs, et leur queue varie en propor- tions ; tantôt cette partie se trouve presque égaler le corps par ses dimensions, souvent aussi elle est très courte; enfin elle manque parfois complétement, ou bien une sorte de petit tubercule la remplace. Ces singes ont les poils de leur pelage le plus ordinaire- ment de nature soyeuse, et les couleurs qu’ils pré- sentent ne varient guère que du noir au fauve et au gris verdâtre. Ils vivent dans l’Inde et dans les îles de la Malaisie, comme les guenons, par troupes nombreuses très redoutables pour les plantations qui avoisinent les forêts. Ce sont des animaux doués d’une grande intelligence dans leur jeunesse; mais DÉS MAMMIFÈRES. à mesure qu'ils vieillissent, ils deviennent méchants et intraitables. M. Frédéric Cuvier, qui a eu occa- sion d'étudier les mœurs d’un grand nombre de macaques, s'exprime ainsi sur leur compte : « Tant qu’ils sont jeunes, ils ont une douceur et une intel- ligence remarquables; mais dès qu’ils ont atteint l’âge adulte, ou qu’ils sont arrivés au-delà, il n’y à aucun animal plus méchant et plus intraitable. 11 résulte de ces dispositions que les macaques jusqu’à leur sixième ou huitième année se prêtent très faci- lement à une certaine éducation, ce dont les bala- dins profitent pour les donner en spectacle; mais dès que ces animaux ont acquis toutes leurs forces, ils se révoltent contre la contrainte, et les plus obéissants peuvent devenir les plus farouches et les plus irascibles. Ce sont les macaques seuls, je crois, qui jusqu’à présent nous ont donné des exemples de propagation. Les petits, après une gestation de sept mois, naissent avec tous les sens ouverts; les quinze premiers jours, ils restent con- tinuellement la bouche attachée à la mamelle de leur mère en se tenant cramponnés à ses poils de leurs quatre mains. Bientôt ils regardent autour d’eux, et, dès les premiers essais qu’ils font pour se mouvoir, ils ont une adresse et une force qu’on n’auroit pu attendre que d’un long exercice et d’une expérience répétée. Ils semblent mesurer avec la plus exacte précision les distances qu’ils n’ont ja- mais pu apprécier, et, sous ce rapport, tout an- nonce que la nature les a pourvus d’un instinct qui a peut-être été refusé à l’homme, et que les autres singes possèdent sans doute comme eux. L’allaite- ment peut être plus ou moins long, mais le jeune est capable de se nourrir seul dès le deuxième mois; et il lui faut cinq ou six années pour atteindre l’âge adulte. » A ces détails nous ajouterons que les macaques mères soignent pendant long-temps et avec la plus vive sollicitude leurs petits, et qu’elles ont le plus grand soin de surveiller leur inexpérience afin qu’elle ne leur devienne pas fatale ; elles les portent même encore dans leurs bras lorsque leur taille égale la leur. Les mœurs enfantines et la naïveté qui accompagnent tous leurs mouvements forment un contraste bien prononcé avec la lubricité qu’ils témoignent lorsque leurs premiers désirs viennent à éclore. Les femelles entrent en rut chaque mois et peuvent recevoir les mâles sans interruption, même lorsqu'elles sont pleines. La plupart éprouvent à cette époque une turgescence énorme des organes de la génération et une tuméfaction de l'ouverture vaginale. ‘ Les nomenclateurs sont loin d’être d'accord sur les circonscriptions que doit recevoir le genre ma- caque. C’est ainsi que M. Geoffroy Saint-Hilaire a créé le genre cercocèbe aux dépens de plusieurs 239 de ces quadrumanes. Il en est de même de ceux des maimons et des magots proposés par d’autres auteurs. Les nuances qui les isolent sont trop lé- gères pour autoriser des distinctions génériques ; elles sont tout au plus suflisantes pour permettre la création de quatre petites tribus que nous nom- merons cercocèbes, ouanderous, rhésus ou mai- mons et magots, re 1 TRIBU. LES MACAQUES CERCOCÈBES. Cercocebus. GEOFF, Les macaques cercocèbes s’éloignent beaucoup moins des guenons que les espèces des trois autres tribus. On peut de prime abord les reconnoître à leur queue presque aussi longue que le corps, mais qui diffère de celle des guenons, parce que épaisse à la base elle diminue successivement pour se ter- miner en pointe. Les callosités des fesses sont mé- diocres; les crêtes sourcilières sont développées, et les poils qui recouvrent la tête sont le plus or- dinairement divergents. Cette petite division comprend cinq espèces, tou- tes de l’Asie orientale, hHHUOUYV,,YJYJYVY,Y/>/>/>/”“V/[_”_>”V”[-_-_-_-_D_—_——— LE MACAQUE A FACE ROUGE. Macacus latibarbatus (1). Le Muséum de Paris possède un jeune individu de ce singe, que sa face d’un beau rouge rend re- marquable, et que la plupart des auteurs placent parmi les guenons ou cercopithèques. Le macaque à face rouge, que quelques naturalistes ont regardé comme une espèce distincte de la guenon barbique, n’en est, suivant le Catalogue de M. Temminek, que le jeune âge; et M. Geoffroy Saint-Hilaire a partagé cette opinion dans son tableau des singes inséré dans le tome XIX des Annales du Muséum. L'adulte a, dit-on, le pelage entièrement noir, mais celui du macaque conservé dans les Galeries est un peu rude, comme laineux , et d’un gris brun pâle assez uniforme sur le corps, aussi bien sur le dos et les membres qu’en dedans et sur la poitrine et l'abdomen. Toutefois cette,nuance brune s’affoi- () Guenon à face pourprée, Pennant, Quadrupé- des, t. I, pl. 24; Buffon, Supplém., pl. 21: simia den- tata, Shaw, Gen. Zool.,t. 1, p.1, pl. 143: guenon barbique, cercopithecus latibarbatus, Temminck , Catalogue ; Geoffroy Saint-Hilaire, Annal. du Mus., t, XIX, p. 94; Desmarest, Mamm., esp. 16, p. 97. 240 blit sur le sommet de la tête, et devient au con- traire plus foncée vers les extrémités; la queue, assez mince dans sa longueur , est d’un gris brun clair; les poils qui la recouvrent s’épaississent vers l'extrémité et semblent former une sorte de toufe. Ce macaque a le corps assez grêle, principale- ment vers l’ouverture du bassin; ses membres sont moins robustes que ceux des autres espèces de la famille, et lui donnent une grande analogie de for- mes avec les guenons. Peut-être même ce singe se- roit-il mieux placé parmi les semnopithèques, car il a comme eux le pouce des mains très court, et celui des pieds très développé. La face, assez peu saillante, est colorée en pourpre-violet éclatant ; sa surface, si on en excepte le tour des yeux, est couverte d’un duvet serré très peu apparent, et se trouve enveloppée de poils d’un blanc pur qui se prolongent sur les côtés des joues pour y former des favoris dressés et en éventail , entourant les oreilles, qui sont minces et nues. Sur le front ; des poils plus longs que ceux de l’occiput apparoissent sous forme de bandeau. . Le macaque à face rouge vit, à ce que l’on croit, dans l’Inde. a —————_———_—_——…——"— LE MACAQUE BONNET-CHINOIS. ’ Li 116 Macacus sinicus. Des. (!). Le bonnet-chinois'et le macaque toque se res- semblent complétement par la taille, les formes, les traits de la face, les proportions de la queue, la particularité d’avoir les poils capillacés du front divergents et irradiés, et ne diffèrent en apparence que par les couleurs du pelage. Aussi l’un et l’au- tre ne sont-ils pour quelques auteurs qu'une variété d'âge d’une même espèce. Cependant la permanence de certains caractères ne permet point de partager cette opinion; et le bonnet-chineis doit, jusqu’à de plus complètes observations, être nettement distin- gué du macaque toque. Le singe dont nous traçons l’histoire est long de quinze pouces sans y comprendre la queue, qui dé- 6) Mammal., esp. 32, p.64; Encyclopédie, pl. 14, fig. 3, et pl.7, fig. 3 : simia sinica, Linnæus, Gmelin? ; Sereber, pl. 23? : le bonnet-chinois , Buffon, t. XIV, pl. 30, et pl. col. no 249 ; Audebert, Singes, quatriéme famille , fig. 11 : cercopithecus sinicus, Erxleben, esp. 20, p. 41 : pithecus sinicus, Geoffroy, Catalogue, p.23; macacus sinicus, Fr. Guvier, Mammif., pl. 30 ; G. Cu- vier, Règne animal ,t.1, p. 95 : quenon couronnée, Buffon, pl. 10 (jeune); bonneted monkey, Pennant, Quadrupédes: cercopithecus pileatus, Desmarest, esp. 18 ; the chinese-bonneted monkey, Griff., Règne animal, fig. 3. HISTOIRE NATURELLE passe souvent dix-huit pouces. Sa tête est forte , et supportée par un cou large et très court, son mu- seau est peu proéminent; ses oreilles, assez étroites, sont longues et déformées à leur bord supérieur ; elles sont bordées et colorées en brun foncé , tandis que la face est couleur de chair, et que le tour des yeux est bleuâtre ; les joues ne sont revêtues que de poils courts, peu nombreux et grisâtres; la queue est assez roide, longue, très poilue, et uni- formément brun-roux dans toute son étendue. Ce qui distingue ce macaque est la sorte de coif- fure que lui forment les poils allongés, roides, dis- posés en mèches, du dessus de la tête, qui divergent d’un point central en s’irradiant sur sa circonférence qu'ils débordent. Ces poils sont d’un roux brun très foncé et doré, teinte qui est uniformément ré- pandue sur tout le dessus du corps et sur les parties extérieures des membres. Ils sont gris à leur base et annelés de fauve et de brun dans le reste de leur étendue; le dessous du corps et le dedans des mem- bres sont peu velus; la teinte bleuâtre de la peau est à peine masquée par les poils blancs, soyeux et rares qui la recouvrent; les mains et les pieds sont de couleur brun-tanné; le pelage, épais et touffa sur les parties supérieures, est assez rude et se prolonge surtout au bas des flancs et sur le bord des bras et des cuisses; les sourcils sont noirs, et une tache de cette couleur se dessine en liseré sur la lèvre infé- rieure. La guenon couronnée de Buffon, admise comme espèce par la plupart des zoologistes, ne paroît être évidemment qu’un bonnet-chinois encore jeune, et dont le museau ne s’avance point autant qu'il le fera plus tard chez les individus adultes. Le macaque bonnet-chinois habite le Bengale. Le dogme de la métempsycose, qu'ont adopté les Indous , leur fait vénérer les singes : ils pensent que dans leurs corps sont renfermées les âmes des malheureux rejetés du sein de Brama , et le bonnet- chinois se trouve ainsi avoir une grande part dans leurs respects religieux. Les mœurs de cet animal ne diffèrent point de celles des autres macaques; elles sont vives, pétu- lantes, capricieuses, et se composent d’une alterna- tive de brusquerie et de malice, de finesse et de méchanceté. | EEE" LE MACAQUE TOQUE. 7 Macacus radiatus (1). Le macaque toque a long-temps été confondu avec le bonnet-chinois,; et même tous les doutes (") Desmarest, Mammal., esp. 33, p, 64; cercoce- DES MAMMIFÈRES. ne sont point encore dissipés à cet égard, bien que M.F. Cuvier ait publié une bonne figure du pre- mier, jeune il est vrai, mais sur le point d’atteindre l’âge adulte. Cette figure est assez précise pour ser- vir de type distinctif du {oque, comme espèce, quoi- que ce savant l’ait d’abord réuni au bonnet-chinois dont il ne l’a isolé que dans l’édition in-4° de ses Mammifères. Le toque, assez proportionné dans toutes ses parties, ne peut être confondu avec aucun autre macaque par la forme bizarre et hideuse de sa tête. Il a en effet le front très déclive, dénudé , et cou- vert de rides épaisses; les crêtes sourcilières très prononcées se projettent au-dessus des yeux, et se réunissent au bas du front pour former un rebord saillant dominant la racine du nez, qui est très en- foncée. Le museau est beaucoup plus obtus et plus conique que celui du bonnet-chinois, et il est aussi beaucoup plus mince et beaucoup plus étroit. Mais ce qui semble être un caractère distinelif de ce singe est la forme trilobée du gland dont ja portion moyenne est allongée, tandis que les latérales sont arrondies. Les oreilles du toque sont larges , un peu déformées à leur sommet ; elles sont de cou- leur de chair livide ainsi que le visage, la plante des pieds et la paume des mains. La face est nue, creuse sur les joues, garnie de quelques poils sur le rebord de la lèvre supérieure ; le front, sillonné de rides, les tempes etles côtés des joues sont pres- que nus, ou du moins garnis de poils courts, ras et peu nombreux; les poils du vertex forment des mèches rudes et divergentes beaucoup moins pro- noncées que chez le bonnet-chinois. Les callosités , de couleur rouge, sont peu larges; et le pelage, beaucoup plus fourni sur les parties supérieures que sous le corps et en dedans des membres, est aussi composé de poils plus longs sur la ligne des flancs et sur les bords postérieurs des membres. Sa couleur sur le corps est uniformément d’un gris verdâtre, ce qui tient à ce que chaque poil, d’abord gris, se trouve annelé de noir et de jaune sale ; le dessous du corps, comme la face interne des mem- bres, est blanchâtre; et celte disposition se fait remarquer aussi sur la queue, dont la moitié su- périeure est de la couleur du dos, c’est-à-dire grise- verdâtre, tandis que l’inférieure est blanchâtre. Le toque habite l'Inde, et plus particulièrement la côte du Malabar. Ses mœurs sont analogues à celles des autres macaques ; et ses dimensions les plus Grdinaires sont pour le corps dix-huit pouces, et quinze ou seize pour la queue, M. Desmarest (Dict. des Scien. nat., t. XXVII, bus radiatus, Geoffroy, Annal. du Mus., t. XIX, p. 98; macacus radiatus, Fr, Cuvier, pl. 29 ; G. Cuvier, Règne animal, t. I, p. 95, 18 } | 241 p. 467 ) a étudié le mâle et la femelle du toque; le premier étoit très ardent auprès de celle-ci, et s’en montroit jaloux, tandis que cette dernière, fidèle, maladive, étoit fort douce et peu vive, ce qui pou- voit tenir à son état de souffrance. ————————— 7 LE MACAQUE ORDINAIRE. Macacus cynomolqus (1). Sous les noms de macaque et d’aigrette, Buffon a décrit, d’après la nature vivante, le mâle et la fe melle du macaque ordinaire. La synonymie de ce singe est assez embrouillée, eton ne peut pas dou- ter que dans les descriptions des auteurs il n’y ait des caractères qui appartiennent au bonnet-chinois dans son jeune âge, ou au macaque à face noire. Nous ne présenterons dans celte description que les faits les plus avérés de son histoire, et ce sera prin- cipalement M. F. Cuvier qui nous en fournira les éléments. Le macaque adulte et du sexe mâle a des formes lourdes et trapues ; son corps , mesuré du museau à la racine de la queue, à vingt pouces, tandis que cette dernière partie en a dix-neuf : sa hauteur to- tale est d'environ seize pouces. Sa tête large, dont le sommet est déclive, est très grosse relativement au volume du corps ; les crêtes sourcilières forment surtout un soubresaut sous lequel s’avance le mu- seau, qui est court et conique et plus haut que lar- ge ; les oreilles, entièrement nues, sont terminées en pointe aiguë à leur sommet; les membres, forts et très musclés, ont cela de remarquable que les doigts des mains et des pieds sont moins allongés que ceux des autres espèces, et qu’ils sont réunis jusqu’à la dernière phalange par un repli membra- neux. Le pelage de ce singe est d’un brun verdâtre léger en dessus, et d’un gris blanchâtre en dessous et sur les parties internes des membres; les poils du dos se trouvent être ainsi mélangés de jaune doré et de noir sur un fond gris : la queue, qui se termine en pointe, est noirâtre, et cette teinte règne encore sur les oreilles, les mains et les pieds. Toute Ja partie antérieure de la face à peu près dénudée est (") Desmarest, Mammalogie , esp. 34, p. 65; Ency- clopédie, pl. 11, fig. 2, et pl. 14, fig. 1 (l’aigrette); le macaque el l'aigrette, Buffon, t. XIV, pl. 20 , 21, et pl. col., nos 24%, 245; simia cynomolgos et cynoce- phalus, Linnæus, Gmelin? ; Geoffroy, Ann. du Dus., t, XIX, p. 99; cercopithecus cynomolqus, Erxleben, esp. 7, p. 28 ; simia aygula, Audebert, Singes, qua- trième famille, pl. 3 ; Geoffroy, Catal., p. 24 : le maca- que, macacus cynomolqus, Fr. Cuvier, Mammifères , pl. 26 et 27 ; macacus irus, Fr. Cuvier, Mém,. du Mus., \, IV, 5! 242 couleur de chair livide sur laquelle tranche du blanc entre les deux yeux. Des sortes de favoris ré- guliers et ras couvrent les pommettes et les joues: ils sont d’abord verdâtres, puis grisâtres . les poils qui recouvrent la tête, au lieu de diverger comme ceux des macaques bonnet-chinois et toque, sont régulièrement couchés d’avant en arrière; les poils du pelage , assez réguliers sur la surface du corps, s’allongent sur les flancs pour former une ligne de séparation entre la couleur du dos et celle du ven- tre, et sur le bord postérieur des cuisses ; les callo- sités sont rouges et moyennes : mais en revanche les organes de la génération sont très développés , et le serotum surtout est remarquable par son am- pleur; il est de couleur de chair, et le gland est pi- riforme. La femelle, sensiblement plus petite que le mâle, n’a guère que quatorze pouces de longueur ; ses for- mes sont plus ramassées et sa tête moins volumi- neuse. Les crêtes sourcilières, qui surmontent l'œil, se projettent aussi beaucoup moins en avant. À ces traits principaux, qui la distinguent du mâle, se joint celui d’avoir des dents canines petites et dépassant à peine les incisives, tandis que celles de son époux sont faconnées en crochets allongés et très robustes. Les poils qui entourent la face sont médiocres, droits, et colorés en gris; ceux du sommet de la tête, roides et implantés de dehors en dedans, se dirigent vers la ligne médiane de manière à se ren- contrer et à former une crête longitudinale que Buffon et les auteurs qui l’ont suivi ont donnée pour type du singe qu’ils ont nommé aigrette. Le maca- que ordinaire femelle, soumis à l’écoulement pé- riodique des menstrues, n’a point, à l’époque du rut, ses organes sexuels gonflés outre mesure comme chez certaines espèces , et ils ne sont que le siége d’une turgescence sanguine amenée par l’or- gasme vénérien. Les mamelles, au nombre de deux, sont placées sur la poitrine. Les macaques ont produit plusieurs fois en France, et M. F.Cuvier a observé avec soin les phénomè- nes amenés par les liaisons d’un mäle et d’une fe- melle élevés sous ses yeux. Ainsi s'exprime ce sa- vant à leur sujet : « Le mâle et la femelle étant adultes , habitués à Ja captivité, et bien portante, s’accouplèrent ; et dès lors j'eus l’espoir que la fe- melle concevroit, et qu’on pourroit suivre, sur les petits qu’elle mettroit au monde, le développement de son. espèce. En conséquence j’ordonnai qu'on la séparât de son mâle dès qu’elle sembleroit le fuir et qu’elle ne montreroit plus de menstruation. Ces animaux véeurent ensemble environ une année, s’accouplant chaque jour trois ou quatre fois à la manière à peu près de tous les quadrupèdes. Pour cet effet le mâle empoignoit la femelle aux talons , avec les mains de ses pieds de derrière, et aux HISTOIRE NATURELLE épaules avec ses mains antérieures, et l'accouple- ment ne duroit que trois ou quatre secondes. La menstruation n'ayant plus reparu vers le commen- cement d’août, cette femelle fut soignée séparément, et, pendant les quatre-vingts jours qui suivirent, au- cun accident n'eut lieu : les mamelles se gonflèrent et le ventre prit son accroissement, sans que la santé de l’animal en parüt altérée; enfin dans la nuit du 46 au 47 octobre 1817 elle mit bas une ma- caque femelle très développée et fort bien portante. Elle avoit les yeux ouverts, ses ongles étoient en- tièrement formés, et les mouvements étoient libres ; mais elle ne pouvoit point se soutenir, et restoit couchée : on ne lui a pas entendu jeter de cris. Ce- pendant sa mère ne l’adopta point, eile ne fut pour celle-ci qu'un animal étranger; rien ne Ja porta à lui donner des soins; elle ne manifesta d’aucune manière le besoin de l’allaiter, et l’abandonna bien- tôt entièrement. J’avois craint cette aberration de l'instinct : je savois que chez les animaux en escla- vage, lorsqu'ils ne sont pas soumis jusqu’à la domes- ticité, l'amour de la progéniture peut s’altérer au plus haut degré. On cssaya d’allaiter cette jeune macaque artificiellement, mais elle ne vécut que jusqu’au lendemain. La mère ne parut point souf- frir du Jait qui remplissoit ses mamelles, et qui s’é- coula en partie au dehors; vers le quatrième jour ses organes s’affaissèrent et reprirent leur état ordi- naire. Le rut reparut dix jours après. Il étoit peu vraisemblable que la gestation n’eût duré que de- puis l’époque de la dernière menstruation jusqu’à celle de la mise bas, ce qui auroit fait environ trois mois , une autre espèce de ce genre ayant eu une portée de sept mois; il faudroit donc en conclure que la menstruation de notre macaque reparut plu- s'eurs fois depuis la conception. Voici la description détaillée du jeune animal dont nous venons de par- ler. Longueur du corps, des callosités au sommet HP TA CEUR: à de ee ce Her ———— de la tête, de l'occiput au bout du MUSEAU 2 M SSI PR EUNS ME ————— de la queue, de son origine à son ExDTÉMILÉ nvrsice MEET EE ———— de la jambe, du genou au talon. . ————— de la cuisse, du genou à la tête HU RCMUE. ee to te nee ————— du pied, du bout du grand doigt AAMBIONNNAUES MNT TIENNE 0 ————— de j’avant-bras, du coude à l’arli- culation du poignet. . . . . ————— du bras, de l'épaule au coude. ————— de la main, du bout du grand doigt au poignet. . . . . 0,17 0,07 0,21 0,06 0,05 0,06 0,05 0,05 0,04 » La tête de cette jeune macaque étoit longue d’arrière en avant, comparée à sa largeur de droite DES MAMMIFÈRES. à gauclie; le museau saillant, mais le front droit ; sa peau avoit une teinte livide, excepté entre les yeux où elle étoit blanche; tous ses poils étoient noirs, les parties supérieures du corps en étoient les plus fournies ; mais nulle part ils ne couvroient assez la peau pour qu’elle ne se vit pas. Les parties infé- rieures étoit presque entièrement nues. Les poils de l'extrémité de la queue paroissoient les plus longs, et la terminoient en une mèche. Au sommet de la tête les poils s’écartoient de la ligne moyenne en se dirigeant obliquement en arrière, et ils se réunis- soient ensuite à l’occiput en une sorte de crête. On voyoit deux petites mamelles sur la poitrine; les callosités saillantes, mais non encore calleuses. » En janvier 1818 notre femelle macaque fut de nouveau réunie à son mâle, qui la couvrit le 25. Aussitôt ces animaux furent séparés ; et dans le cou- rant de mars on s’aperçut que la conception avoit eu lieu, par le développement du ventre et des ma- melles, quoique la menstruation fût toujours reve- nue chaque mois : enfin notre macaque mit bas le 49 juillet suivant une femelle qui eut le même sort que la première et qui lui ressembloit à tous égards. Ainsi, par cette nouvelle expérience, sur lPexacti- tude de laquelle il ne pouvoit s’élever aucun doute, la portée avoit duré sept mois, comme je l’avois déjà observé sur une autre espèce de ce genre. De- puis cette époque la Ménagerie du Roi a vu plu- sieurs fois cette espèce se reproduire et les jeunes s'élever. » Pendant le cours de ja première année il pa- roitroit, à en juger par le jeune mâle, que le mu- seau s’allonge et que la tête se rétrécit sans qu’il se forme de crêtes sourcilières; que les incisives se développent, et que les premières canines com- mencent à paroître à la mâchoire inférieure. » Le pelage verdâtre de l’adulte remplace, dès la première mue, le pelage du nouveau-né, excepté à la partie antérieure du sommet de la tête ; mais la face n’est point encore entourée à cette époque de ces poils épais qui se montreront par la suite. Dans l'individu que je décris, on voit au sommet de la tête le caractère de l’aigrette, une crête produite par la convergence des poils ; l'intervalle qui sépare lés yeux est toujours blanc, ét les organes génitaux ne diffèrent de ceux de l'adulte que par moins de développement. Cette jeune macaque a de la gaieté, mais la méchanceté perce déjà au travers de ses jeux ; la longueur de son corps est de trente centi- mètres (onze pouces), et toutes ses parties sont à peu près dans les proportions de celles de l'adulte. » À la troisième année le macaque mâle ressem- ble beaucoup à la femelle adulte, par les propor- tions et par la taille, si j'en juge par un individu de cet âge que j'ai possédé ; mais la partie inférieure du front n’est point encore en saillie au-dessus des 243 yeux, les canines ne dépassent plus les incisives, et on voit encore au-dessus des sourcils des restes du pelage noir qui y forment une bande assez marquée : le dessus du nez et de là partie des paupières quien est voisine conserve le blanc assez pur que nous avons vu dans cette partie chez tous les individus que nous venons de décrire. Ses couleurs sont les mêmes que celles de la femelle, et sa face est aussi entourée de poils gris et hérissés ; ses organes géni- taux sont, à peu de chose près, semblables à ceux de l’adulte. Cet animal est doux, mais il est déjà lourd et triste. » La mobilité des traits des macaques les porte à faire de nombreuses grimaces, plus répétées lors- qu’on les contrarie. L’humeur des mâles se mani- feste par la violence, et c’est avec ardeur qu’on les voit chercher à mordre ceux qui les irritent. Les jeuves, au contraire, témoignent leur mécontente- ment par un cliquetis particulier des lèvres, et en ouvrant la bouche de manière à montrer les dents. Indociles, légers, très inconstants dans leurs désirs, ces singes recherchent vivement lescaresses et s’ha- bituent aisément aux friandises. Ce n’est que par des punitions répétées, que par une patience à toute épreuve, qu’on les façconne à des exercices peu en rapport avec leur organisation ; toutefois ils ne tar. dent point à devenir habiles, mais ils ne s’y livrent jamais que d’une manière contrainte et pour éviter les corrections : nul animal ne conserve plus long-- temps une profonde rancune contre ceux dont les mauvais traitements lui ont inspiré de l’aversion. Mangeant indifféremment tout ce qu’on lui présente, le macaque a souvent la mauvaise habitude de ron- ger l'extrémité de sa queue. Les jeunes sont enjoués et aiment le badinage, tandis que les adultes sont revêches, méchants , et très portés à mordre. C’est avec la plus vive prestesse que ce singe gravit dans les cordages d’un vaisseau ; et c’est avec une grande docilité que les femelles, plus douces et moins volon- taires, sont faconnées par les jongleurs à une foule d'exercices qui amusent les oisifs des villes. Qui n’a point vu, en effet, quelque jeune et mallieureux Savoyard faire danser au son d’un rustique instru- ment un macaque revêtu d’accoutrements bizarres, et dont la face grippée est rendue plus ridicule par la coiffure qui la recouvre? Étrange association que celle d’un animal arraché aux profondes forêts de l'Asie, devenu le remplaçant de la marmote, et le compagnon et le gagne-pain d’un pauvre montagnard européen | Long-temps on a eru que le vrai macaque étoit originaire d’Afrique, mais cette opinion étoit une erreur ; et c’est dans les iles de Sumatra, ctsurtout de Java, qu’il vit en troupes considérables, et que les naturels le prennent dès son bas âge pour le plier à la domesticité, et le plus souvent afin d'en 244 lâche dans leurs ports. Ce singe, introduit acciden- tellement dans l'ile Maurice, s’est établi dans les rochers crevassés de la montagne du Pouce, et s’est rendu redoutable aux habitants par les maraudes continuelles auxquelles il se livre dans les vergers placés au pied des mornes. A LE MACAQUE A FACE NOIRE. Macacus carbonarius (1). Le macaque à face noire n’étoit point connu des naturalistes, avant que M. Cuvier l’eût distingué du macaque ordinaire. Il se pourroit cependant qu’il eût été mentionné par quelques voyageurs ; mais les renseignements qu'ils nous fournissent sur les singes ” sont en général trop superficiels, pour qu’on puisse en tirer quelques données satisfaisantes. Le macaque à face noirea son pelage coloré comme le macaque ordinaire; il est d’un vert grisâtre sur les parties supérieures , teinte qui est due à ce que chaque poil , d’abord gris, se trouve annelé de jaune et de noirâtre ; le dessous du corps et le dedans des membres , de même que le devant du cou et la poi- trine, sont d’un gris blanc qui teint aussi les favo- ris et les poils des joues. La queue, de la longueur du corps environ, est couverte de poils ras, et s’a- mincit à mesure que l’on avance vers son extrémité ; elle est grise-verdàtre à sa base, et grise-blanchâtre à sa pointe. Ce qui distingue ce macaque de l’espèce ordinaire, qui à la face couleur de chair livide, est d’avoir tout le museau d’un noir profond, excepté la paupière supérieure qui est blanche. La crête sourcilière, médiocrement allongée, est hérissée de poils noirs qui dessinent une sorte de bandeau étroit au bas du front ; les oreilles, notablement défor- mées, sont d’un noir mat, ainsi que les mains, les pieds, et les callosités des fesses. La couleur des testicules tire sur le jaune tanné. Ce macaque ne paroît point différer, par ses mœurs , des autres espèces. Il habite l’ile de Su- matra. () Fr. Cuvier, Mammifères, pl. 28, p. 84, édition in-4o ; Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Dictionn. class. d'Hist. natur., t. IX , p. 588. HISTOIRE NATURELLE db u à E vendre les individus aux navires européens en re- LE MACAQUE ROUX-DORÉ. Macacus aureus. Isin. GEOFF. SAINT-Hiz. (1). Ce singe est très voisin du macaque ordinaire par la disposition de ses poils, ses proportions et sa taille; mais il s’en distingue, au premier aspect, par sa couleur. En effet , chez lui, le roux remplace partout Polivâtre . et ce n’est guère que sur les flancs qu’on aperçoit encore une légère teinte roussâtre. Le dessus du corps et de la tête est en entier cou- vert de poils gris à la base, avec la pointe annelée de noir et de roux, d’où résulte pour l’ensemble une couleur rousse tiquetée de noir. Les membres sont grisâtres à leur face externe et blancs à leur face in- terne, de même que le dessous du corps et de la queue. Celle-ci est, à sa face supérieure, d’un noir tiqueté de roux ou de gris roussâtre dans sa pre- mière moitié, puis, dans la portion terminale, d’un gris brunâtre. Les joues sont vertes, ayant à leur partie posté- rieure de longs poils blancs dirigés en arrière, et qui cachent presque les oreilles. Les sourcils sont blancs, et se trouvent séparés sur la ligne médiane par quelques poils noirs. Enfin , il existe ordinaire- ment sous le menton un bouquet de poils roux di- rigés inférieurement. Cette espèce se trouve à la fois répandue sur le continent indien et dans lesiles de la Sonde. M. Les- chenault l’a trouvée au Bengale, M. Reynaud au Pégou, M. Duvaucel à Sumatra, et M. Diard à Java. M. Bélanger assure que le macaque roux-doré est commun au bazar de Calcutta, où on peut se le pro- curer pour quelques roupies. Ce singe paroît avoir été déjà indiqué, mais non distingué spécifiquement dans plusieurs ouvrages, et c’est en partie sur lui que repose le prétendu cer- copithecus mulatta de quelques auteurs. LE MACAQUE URSIN. Macacus arctoïdes. Isib. GEOFF. SAINT-His. (?). Le macaque ursin se reconnoitra toujours, au pre- mier coup d'œil, à Pextrême brièveté de sa queue, qui n’a guère plus d’un pouce de longueur. Il offre aussi un caractère, qui sufliroit seul pour sa dis- tinction spécifique, dans son pelage, presque partout (") Voyage de Bélanger aux Indes orientales, partie zoologique, p. 76, pl. 2. (2) Voyage aux Indes orientales de Bélanger, zoolo- gie, p.77. DES MAMMIFÈRES. 24 composé de longs poils assez rudes, annelés un grand nombre de fois de roux et de noir, d’où résulte une couleur générale brune -roussâtre tiquetée de noir. La coloration de la face, autant qu’on peut en juger sur une peau desséchée et conservée depuis plusieurs années, présente un caractère très spécial. En effet, le nez se détache par une couleur noirâtre au milieu de toute la face, qui paroît avoir été cou: leur de chair. Cette espèce parvient à une assez grande taille. L'individu d’après lequel a été faite cette description avoit environ deux pieds huit pouces du bout du museau à l’origine de la queue, celle-ci n'ayant qu'environ un pouce. Le nom spécifique d’arctoïdes rappelle à la fois et les longs poils bruns (comparables à ceux de l’ursus arctos), et la queue rudimentaire de l'ours. L’in- dividu qui existe au Muséum a été envoyé de Ja Co- chinchine par M. Diard: c’est un mâle bien conservé et parfaitement adulte. M. Fr. Cuvier a donné, dans son Histoire natu- relle des mammifères, la copie d’une figure qui lui a été envoyée de l’Inde par M. Duvaucel, et d’après laquelle il a établi une espèce nouvelle sous le nom de macaque de l’Inde, macacus maurus. Ce maca- que de l’Inde seroit caractérisé, par rapport au ma- caque ursin, par une face entièrement noire ( d’où le nom de macacus maurus ), la queue un peu plus longue et aussi quelques différences dans le pelage. Cependant on remarque la plus grande analogie entre ces deux singes sous plusieurs rapports, et il seroit possible que ces macacus maurus et arctoïdes ap- partinssent à une même espèce. Quoi qu’il en soit, la connoissance exacte du ma- caque ursin, outre l'intérêt qu’il peut offrir lui- même comme espèce , a cette conséquence pour la science que le sous-genre magot, admis par quelques auteurs, et conservé même dans la deuxième édi- tion du Règne animal, doit être supprimé. En effet, par l’extrême brièveté de sa queue, le macaque ursin se trouve exactement sur la limite du groupe des maimons et de celui des magots, qu’il lie ainsi de la manière la plus intime. Cela est si vrai, qu’on pourroit, presque avec un égal fonde- ment, le placer ou parmi les maimons, ou parmi les magots, dont il se rapproche incontestablement plus que des macaques proprement dits non seule- ment par les proportions de son prolongement cau- dal, mais aussi par l’ensemble de ses caractères spécifiques. [2 11° TRIBU. LES OUANDEROUS. Silenus. Less. L'ouanderou, type unique de cette deuxième tribu, a élé ballotté dans plusieurs genres par les zoologis- tes ; c’est ainsi que les uns en ont fait un rhésus, et que d’autres l’ont classé parmi les papions ou les babouins, bien cependant que tous ses caractères d'organisation ne le fassent différer en rien d’essen- tiel des macaques dont on peut le séparer tout au plus en se servant de particularités accessoires peu im- portantes. Les macaques ouanderous auront done pour at- tribut un museau déelive et arrondi, qui, par sa saillie, établit le passage des macaques aux cynocé- phales, et, par l’ensemble de ses formes, les unit aux cercocèbes. Sa queue mince, grêle, et terminée par un flocon de poils, ne dépasse point la moitié du corps ; les poils de la tête s’allongent et retombent sur les joues et sur les côtés du cou en épaisse crinière. Cette tribu ne renferme qu’une espèce de l’île de Ceylan. LE MACAQUE OUANDEROU. Macacus silenus (1). Le singe nommé ouanderou est un des exemples les plus remarquables des vicissitudes qu’éprouve la nomenclature , et de la difficulté d'appliquer les des- criptions des voyageurs aux animaux classés dans nos ouvrages méthodiques. Ainsi pour certains na- (:) Desmarest, Mammalogie, esp. 31, p.63 ; Ency- clopédie, pl. 10, fig. #, et pl. 8, fig. 3 { guenon à cri- nière) ; Geoffroy Saint-Hilaire , Leçons sténographiées, huitiéme leçon, p. 23 : simia callitriches leonino cor- pore, P. Alpin, Ægypt., t. 1, pl. 20, fig. 2 et 21 : cer- copithecus silenus , faunus, vetus, senex et vetulus, Erxleben, Hammalium : simia silenus et simia leo- nina, Gmelin: simia silenus, Screber, pl. 41 ; Brisson, Quadrupèdes, p. 209 : simia leonina, Pennant, Shaw; louanderou et le lowando, Buffon,t. VIE, pl. 10, p. 404, et pl. color. 221 : l'ouanderou , Audebert, Sin- ges, deuxième famille , sect. 4, fig. 3 : le babouin ouan- derou, Geoffroy, Annal. du Mus.,t. XIX, p. 102: papio silenus, Geoffroy, Catalogue, p. 27 : le macaque à crinière , Cuvier, Règne animal, L.I, p. 95 ; macacus silenus, Fr. Cuvier, Hammif., pl. 38: rhesus ouande- rou, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Dictionn. class. d'Iist. natur., L. IX, p. 588 : the o-ouanderou, Griff., Règne animal, fig. 1. 246 turalistes cette espèce appartient au genre papion, au genre cynoréphale pour d’autres, bien cependant qu'il paroisse plus naturel de la laisser parmi les macaques. Son nom d’ouanderou lui a été donné par Buffon, qui l’emprunta au voyageur Knox, le pre- mier qui ait clairement décrit ce quadrumane. « À Ceylan, dit-il, se trouvent des singes aussi grands que nos épagneuls, qui ont le poil gris, le visage noir avec une grande barbe blanche d’une oreille à l’autre; on en voit d’autres de la même grosseur ayant le corps, le visage et la barbe d’une blancheur éblouissante ; on les nomme également ouanderou ; ils font peu de mal aux terres cultivées, et se tiennent ordinairement dans les bois où ils ne vivent que de feuilles et de bourgeons ; mais quad ils sont en cap- tivité, ils mangent de tout. » Ce nom d’ouanderou semble dériver de celui delwandu , qu’on leur doune däns l’ile de Ceylan, et c’est encore cette dernière dénomination que Buffon a changée en lowando. L'ile de Ceylän n’est point la patrie exclusive de cet ani- mäl; plusieurs voyageurs, et entre autres le père Vinceht-Marie, l’avoient rencontré sur la côte du Malabar, où peut-être il avoit été transporté par quelque trafiquant chingalois. Il est connu des Indous sous le nom de nil-bandar. Les variations que l’ouanderou présente dans les couleurs de son pelage ont fait ériger en espèces, par les nomenclateurs, de simples variétés d’âge et de sexe. C’est en effet le même singe qu’'Erxleben à décrit sous cinq noms différents ; ainsi ses cercopi- thecus veter (1), senex (2), velulus (3), silenus (4), et faunus (°), nesont évidemment que ce macaque aux différentes époques de sa vie. Les figures qu’on en possède s'accordent assez généralement ; on trouve une grande analogie en effet entre celles de Knox, de Screber, de Buffon, copiées dans l'Encyclopédie; d'Audebert, de Griffith, et de M.F. Cuvier. Dans ces derniers temps, le Muséum d'histoire naturelle a reçu plusieurs individus d’ouanderous qui ont vécu dans la ménagerie. Ce singe, assez long et mince de corps au niveau du bassin, à son mu- seau tout d’une venue avec le sommet de la tête, dont le nez estsitué presque à l’extrémité à une assez grande distance de la lèvre supérieure. Sa queue, forte à la base, puis amincie, se termine par une touffe de poils qui la grossit à l'extrémité ; sa lon- gueur est d’un peu plus du tiers du corps; et si ele paroit très courte dans la figure que Buffon a fait graver (pl. 40), cela tient à ce que le sujet qu’il exa- mina avoit eu cette partie coupée. Du reste, la () Cercopithécus barbatus, albus, barba nigra, Erxleb., p. 24 et suiv. () Cercopithecus barbatus, totus albus. (3) Cercopithecus barbatus, niger, barba alba. (4) Cercopithecus barbatus, totus niger. (5) Cercopithecus barbatus, caudà apice flocosa. HISTOIRE NATURELLE forme de la queue de l’ouanderouest très bien répré- sentée, quoique dans des dimensions trop longues, dans la figure, donnée par le même auteur, dé ce singe sous le faux nom de guenon à criniére. L'ouanderou atteint communément vingt-quatre pouces ét la queue dix. Les poils qui recouvrent le corps sont assez courts, et d’un noir intense sur le dos, la tête, le cou, les flancs, et les parties ex- ternes des membres. La queue est uniformément brune ; toutes les parties inférieures et le dedans des membres sont gris-blanchâtre, et parfois en- tièrement blancs ; une mèche grise termine aussi la queue. Mais ce qui rend l’ouanderou plus remar- quablé est l’épaissé crinière qui, à partir du front, enveloppe la face, couvre les joues , et retombe en épais flocons sur le menton. Cette crinière se com- pose de poils allongés, doués d’une certaine rigidité, souvent d’un blanc pur sur lés joues, et qui devien- nent gris et même gris-brun en avoisinant la face. Celle-ci est nue et colorée en noir mat, ainsi que,les pieds et les mains. Tous ceux qui ont vu des ouändérous en vie s’ac- cordent à les dire méchants, sauvages, et toujours prêts à mordre ceux qu’ils approchent. Leur angle facial aigu leur donne des liens de parenté assez in- times avec les cynocéphales , et semble prouver que leur intelligence, en suivant les développements de lencéphale, est peu susceptible d'éducation ; cepen- dant une femelle observée par M. F. Cuvier étoit douce, affectueuse, mais singulièrement capriciéuse. Le macaque ouanderou vit, dit-on, de fruits et de racines dans les forêts de l’ile de Ceylan. On l’a très fréquemment rencontré sur la côte du Malabar, mais en captivité ; il se pourroit alors qu’il y eût été transporté par les navires qui font lé cabotage entre Ceylan et les côtes de l’Inde. JI1° TRIBU. LES RHÉSUS OU MAIMONS. Rhesus. GEOFF. Les macaques de la tribu des rhésus s’éloignent déjà beaucoup des guenons et se rapprochent singu- lièrement des cynocéphales. Les deux espèces lés plus anciennement connues ont été jusqu’à ces der- niers temps une source intarissable d’erreurs de $y- nonymie de la part des nomenclateurs , et lés noms de rhésus et de maimons ont été fréquemment ap- pliqués tantôt à un de ces macaques, tantôt à l’autre. Les rhésus ont les formes trapues et massives, de larges callosités aux fesses , le museau très projeté en avant, et la cloison du nez abaissée verticale- ment sur la lèvre supérieure; leurs oreilles se dé- DES MAMMIFÉRES. forment déjà à leur sommet d’une manière très remarquable : leur queue ne dépasse jamais le cin- quième de la longueur du corps; elle est grosse et conique, et s’enroule en dessous ; elle est ordinai- rement tortillée chez les maimons, nommés à cause de cela singes à queue de cochon; enfin chez deux espèces la queue a au plus deux ou trois pouces, et établit le passage avec les magots. Tous les rhésus sont des iles indiennes de l’est. LE MACAQUE RHÉSUS. Macacus eryihrœus (1). Audebert donna le nom de rhésus au singe que Buffon décrivit sous les doubles noms de macaque et de palas à queue courte. C'est bien à tort que quelques auteurs réunirent à cette espèce le maimon aussi décrit par Buffon , et que déjà Edwards avoit mentionné sous le nom de singe à queue de cochon. Les auteurs les plus modernes ont singulièrement embrouillé la synonymie qui se rapporte au rhésus et au maimon, et ont appliqué avec tant d’arbitraire à l’une ou l’autre de ces espèces les phrases des au- teurs systématiques, que nous ne croyons pas devoir nous livrer à l’examen d’une question qui seroit oi- seuse aujourd’hui, que l’on peut déterminer avec précision ces singes pris individuellement. Le rhé- sus est le simia erythræa de Screber; et cette dési- gnation , consacrée dans îes species , lui vient de ce que ce singe est le seul dont les fesses et le haut des cuisses s’injectent à une certaine époque de la vieet paroissent d’un rouge de feu. Le rhésus mâle, représenté dans la pl. 55 des Mammifères de M. F. Cuvier , est remarquable par ses formes robustes el massives, et surtout parce que ses membres ont beaucoup plus d'épaisseur que ceux des autres macaques. Sa tête est forte, son cou est très court ; son front est aplati, séparé de la ra- cine du nez par un soubresaut, et son museau dé- clive est épais et conique : ses oreilles sont amples, et très pointues à leur sommet : mais son caractère principal consiste en une queue forte, assez courte, ayant une grande tendance à s’enrouler, non pas en (1) Isidore Geoffroy, Dictionn. class. d'Hist. natur., IX, p 588; Encyclopédie, pl. 7, fig. 2; Desmarest, Mammalogie, esp. 35 (synonymie erronée): macaque à queue courte et patas à queue courte, Buffon, Sup- Plément, t. XIV, pl 16:le rhesus, Audebert, Singes , deuxième famille, pl. 4 {bonne figure) : patas à queue courte, ibid , pl.4: macacus erythrœus , Fr. Cuvicr, pl..31 et 32; G. Cuvier, Règne animal, LI, p. 96: et Ménag_ du Mus. (figure de Maréchal gravée par Mi ger ): pithecus rhesus, Geoffroy, Catalogue, p. 25 : simia rhesus , G. Cuvier, Ménag. du Mus., in-fol. 247 dessus, mais bien en dessous et en forme de crochet. Ses testicules sont de couleur tannée, et le gland est simple. Son caractère répond à sa physionomie, car ses mœurs sont très méchantes. Son pelage est sur le corps d’un gris verdâtre à teintes blondes, qui ré- sulte de ce que chaque poil est gris, puis jaune, et terminé de noir. Les avant bras et les jambes sont plus décidément grisâtres, tandis que la teinte jaune des cuisses est plus dorée et plus brillante que sur toute autre partie. La queue est verdâtre en dessus et grise en dessous ; et toutes les parties inférieures du corps et internes des membres, foiblement gar- nies de poils soyeux, sont d’un blanc pur. La nature du pelage, chez cette espèce, est de toute part re- marquable par la finesse et la douceur des poils qui le composent. Des favoris assez épais recouvrent les joues ; ils sont gris-léger , tandis que la peau dénu- dée de la face , des oreilles et des mains, affecte une teinte cuivrée très claire. M. F. Cuvier signale un caractère assez spécial que présente le rhésus, c’est que, par une organisation qui semble particulière à la peau de ce macaque, le tissu de cette enveloppe éprouve une flaccidité qui n’est point le résultat de l’âge, mais qu’on observe à toutes les époques de la vie; fréquemment, chez de jeunes individus, la peau du cou est profondément ridée ; souvent encore les mamelies sont flétries de très bonne heure , et de nombreux plis sillonnent la surface de l'abdomen ; lorsque les individus ainsi amaigris du rhésus se trouvent dans des circonstances favorables pour ac- quérir de l’embonpoint, les mailles du tissu cellu- laire lâches se remplissent de graisse , les formes du rhésus disparoissent alors, et ce singe semble bal- lonné.C’est dans ces circonstances que les seins, de- venus demi-sphériques et arrondis, ont offert ces formes gracieuses de globes élastiques que surmonte un mamelon carné, qui ont porté si souyent des personnes, amies du merveilleux , à faire des rap- prochements absurdes de ce singe avec notre espèce. La femelle du rhésus ne diffère point du mâle par les couleurs de son pelage ; elle est toutefois de taille plus petite, et n’a guère, mesurée du bout du museau à la racine de la queue, que quinze pouces de longueur, tandis que la queue a rarement plus de cinq pouces et demi. Mais ce qui la distingue, et dont la planche 51 de M. F. Cuvier donne une parfaite idée, c’est la couleur rouge très vive qui couvre les fesses, entoure la queue ei descend sur les jambes. Cette teinte, due à l'injection perma- nente des vaisseaux capillaires par le sang , est en- core plus prononcée à l’époque du rut, sans ce- pendant acquérir le développement outré qu’on a signalé chez certaines espèces ; passé ce temps, l’af- flux du sang étant moins considérable, il en ré- sulte les rides ou les plis dont ces parties sont couvertes. 245 M. Frédéric Cuvier a fait figurer un jeune rhé- sus à l’âge de quarante-deux jours. I! naquit le 48 novembre 1824, ayant, au moment où il vit la lu- miére , tous ses organes des sens parfaitement con- formés M. Cuvier suppose que la gestation dura sept mois; il rend compte ainsi des phénomènes qui suivirent sa naissance : « Immédiatement après être né, ce jeune rhésus s’attacha sous le ventre de sa mère, en se tenant fortement de ses quaire mains au pelage, et porta sa boucle aux mamelons qu'il saisit et qu’il ne quitta pas peodant environ quinze jours , gardant continuellement la même si- tuation, toujours prêt à téter lorsqu'il en sentoit le besoin, dormant quand sa mère éloit assise, mais ne lâchant pas, même pendant son sommeil, les poils qu’il avoit saisis. Quant aux mamelons, il n’en abandonnoïit un que pour prendre l’autre ; et c’est ainsi que les premiers jours de sa vie se sont écou- lés, ne faisant pas d'autre mouvement que celui de ses lèvres et de sa langue pour téter, et de ses yeux pour voir; car, dès les premiers moments de sa vie, il parut distinguer les objets et les regarder vérita- blement ; il suivoit des yeux les mouvements qui se faisoient autour de lui; et rien n’annoncoit qu’il eût besoin du toucher pour apprécier, non pas l’ef- fort qu'il auroit fallu qu'il fit pour atteindre les corps, mais la plus ou moins grande distance où ces corps étoient de lui. » Les soins de sa mère, dans tout ce qui tenoit à l'allaitement et à la sécurité de son nouveau-né, étoient aussi dévoués, aussi prévoyants que l’ima- gination peut se le figurer. Elle n’entendoit pas un bruit, n’apercevoit pas un mouvement sans que son attention ne fût excitée, et qu’elle ne manifes- tât une sollicitude qui se reportoit entièrement sur lui; car elle ne l’auroit jamais eue pour elle, appri- voisée au point où elle étoit. Le poids de ce petit ne paroissoit nuire à aucun de ses mouvements ; mais tous étoient si adroitement dirigés, que, malgré leur variété et leur pétulance, jamais son nourris- son n’en souffroit; jamais elle ne l’a heurté, même légèrement, contre les corps très irréguliers sur lesquels elle pouvoit courir et sauter. Jusqu'au moment de la mise bas, elle avoit eu le visage et les fesses fortement colorés en rouge ; mais presque immédiatement après, cette couleur, formée par l'accumulation du sang, disparut entièrement, et sa face redevint couleur de chair. » Ces quinze jours expirés, le jeune rhésus se dé- tacha de sa mère, montra dans ses premiers mou- vements une prestesse {out instinctive, et une assu- rance qui ne peut découler que d’un principe inné. Dans chacune de ses gambades pour s’accrocher aux barreaux de sa prison, la tendresse maternelle se manifestoit par une constante soilicitude ; et, sui- _vant tous ses mouvements d’un œil attentionné, sa HISTOIRE NATURELLE mère sembloit en surveiller les suites, afin de parer assez vile aux accidents qui pourroient en résulter. En grandissant , elle cherchoit de temps à autre à l'éloigner d'elle, non par indifférence, mais pour exercer ses organes ; dans le danger, au contraire, elle le serroit avec amour dans ses bras, et bon- dissoit dans sa prison en calculant tous ses gestes de manière à ce qu’il n’en arrivât point de mal à l’objet de ses affections. Ce jeune rhésus ne tarda pas à acquérir l’expérience de ses père et mère; mais on peut dire que sous le rapport de la jus- tesse du coup d'œil et de la certitude de la loco- motion , il se montra dès le début aussi habile que les individus adultes. Après six semaines environ il cherchoit une nourriture plus substantielle que le lait, qui, jusqu’à ce jour, avoit fait la base de son existence ; mais c’est alors que la mère montra le plus de sévérité, qu’à l'affût des aliments saisis par son enfant, et sans doute dans la crainte de son inexpérience, elle les lui arrachoit des mains et s’efforcoit d'empêcher qu’il y touchât : pressé par la faim, ce jeune singe devenoit très entreprenant, s’attiroit parfois des corrections, et n’obtenoit qu’à force d'adresse quelques parcelles des vivres qu’on placoit dans sa cage. Son pelage ne différoit point sensiblement de celui de sa mère, excepté que sa teinte étoit plus claire, et que la peau du dessous du corps, presque nue, étoit plus bleuâtre. Sa tête volumineuse et arrondie lui prêtoit une physio- nomie enfantine; mais ses membres étoient grêles et peu nourris, et ses oreilles amplement dévelop- pées. » M. F. Cuvier a figuré (pl. 57) une femelle de rhésus dont la face étoit remarquable par sa couleur brune-foncée. Doué de mœurs excessivement sauvages, rien n’a pu encore apprivoiser le rhésus ; d’abord har- gneux, puis capricieux et méchant par boutades, ce macaque en acquérant de l’âge ne tarde pas à de- venir foncièrement féroce. Les morsures qu'occa- sionnent les canines très développées des mâles sont souvent fort dangereuses. C’est sur le conti- nent de l’Inde qu’il vit, et c’est par troupes nom- breuses qu’on le rencontre dans les forêts qui bor- dent le Gange, et que, protégé par les Indous, il ne craint pas de s’avancer jusque dans les villes. Outre les figures publiées par M. F. Cuvier, on en trouve dans la ménagerie du Muséum une très belle gravure exécuiée par Miger d’après un vélin de Maréchal. DES MAMMIFÈRFS. 249 ESEXZXFXTTYFYFYFT.-”-O-OO————————————— LE MACAQUE MAIMON. Macacus nemestrinus (1). Le maimon a été primitivement décrit par Ed- wards sous le nom de singe à queue de cochon (pig- tailed money). Les détails que Buffon et Dauben- ton donnèrent sur ce macaque sont vrais sous le rapport des formes, mais non sous celui de son identité spécifique avec l’espèce précédente. Les deux figures qu’en a publiées M. F. Cuvier ne per- mettent plus, par leur exactitude, de confondre ce singe avec le rhésus, dont il diffère à beaucoup d’é- gards. C'est encore le maimon que sir Raffles a dé- crit comme espèce nouvelle sous le nom de simia carpolegos (?). Le maimon, ou singe à queuc de cochon adulte, a près de vingt et un à vingt-deux pouces de longueur totale sur dix-huit ou dix-neuf d’élévation, tandis que sa queue, assez élevée au bas de léchine, est très courte et peu prononcée avec le reste du corps, et se recourbe en dessous en hameçon : la longueur de cette partie est au plus de quatre à cinq pouces. Ce singe à la tête volumineuse, le cou très court, le corps gros, les membres robustes et largement musclés ; son front est aplati, et son museau large et très proéminent ; la peau de sa face est basanée et presque nue, cà et’là quelques poils longs et noirs y sont implantés; les paupières supérieures sont d’une couleur carnée très claire; et les oreilles, médiocres et moins déformées que celles du rhésus, sont, ainsi que les mains et les pieds, de la même nuance que (1) Pig-tailed monkey, Edwards, Gl.,t. 7, pl. 214: simia nemestrina, Linnæus : lemaimon, Buffon, t. XIV, pl. 19, et pl. color. no 243 : simia platypigos, Scre- ber? : papio nemestrina, Erxleben, esp. 4, p. 20 : le maiïmon , Audebert, Singes, deuxième famille , sect. 4, pl. 2 (bonne figure d’un jeune); Encyclopédie, pl 10, fig. 1 :le nouveau babouin, Encyclopédie, pl. 10, fig. 1 : singe à queue de cochon, Fr Cuvier,pl. 33, 34, et 35: pithecus nemestrinus, Geoffroy, Catalogue, p.25; Desmarest, esp. 36, p. 66; G. Cuvier, Rég.anim., t. 1, p. 96: simia carpolegos, sir Raffles, Catal., Trans. Soc. Linn. Lond., t. XL: maimon, Griff., Règne animal, fig. 2. () Telle est la description donnée par sir Raffles {Trans Soc. Linn. Lond., t. XI): «Le bruh des Ma- lais est trés commun dans le voisinage de Bencoolen, où les habitants le dressent à monter aux arbres pour lui faire cueillir les noix de cocos, service dans lequel il est trés habile. » Il a environ deux pieds de haut lorsqu'il est assis; sa Couleur est d'un brun jaunâtre mélé de noir sur le dos, pâ'e ou blanchâtre par devant. Les poils du corps sont courts et serrés. Sur le sommet de la tête les poils sont noirs et divergenthorizontalement; ceux des sour- cils qui s'unissent au-dessus du nez sont aussi noirs ct I. | la face : toutefois les ongles sont d’un noir profond. Le pelage de ce singe est abondamment fourni de poils sur les parties supérieures du corps, tandis qu'ils sont plus rares en dessous et en dedans des membres ; tous sont soyeux : le milieu du vertex est d’un brun noir qui descend sur le cou, le long du dos, sur les lombes, et sur la moitié supérieure de la queue ; à ce brun noir ne tarde pas à se joindre sur les reins une teinte verdâtre qui s'étend aussi aux épaules, et qui passe au jaune sur les bras, puis au fauve sur les avant-bras : le verdâtre des cuisses se trouve mélangé de beaucoup de gris, dont la nuance s’affoiblit sur les pieds ; toutes les parties inférieures et le dedans des membres sont d’un blond clair qui succède au blanchâtre propre aux jeunes sujets : des poils assez épais entourent le visage en recouvrant les joues et en passant sous le menton; ils dessinent sur le front une sorte de petit bandeau d’un blanc pur qui se continue sur les joues, sous le menton et autour des oreilles : sous les yeux ces poils blanchà- tres se teignent de brun et forment sur les côtés des joues une sorte de tache noire; il en est de même en avant et au-dessous des oreilles. Les deux sexes se ressemblent par les couleurs, et les jeunes seuls ont leur livrée plus blonde ou plus dorée. C’est en vieillissant que le maimon devient trapu, que la tête prend de l’ampleur, que le des- sous du corps se teint de jaune, que les paupières blanchissent, et que la queue se recourbe en dessous. Daubenton, en disséquant le maimon décrit par Buf- fon, remarqua que ce quadrumane avoit le gland trilobé, les deux lobes latéraux étant plus longs que larges; et le troisième, placé en dessus à la naissance des deux autres, de forme arrondie et moins déve- dirigés en haut.Il n’a presque pas de barbe. La face est nue et couleur de chair, ainsi queles oreilles, les mains, et les callosités; l’'extrémilé du prépuce est vermillon; le museau est tant soit peu élevé, et les narines ouver- tes antérieurement; les yeux sont bruns ; les oreilles sont un peu rondes et ont une pointe obtuse en arrière; des poches aux joues; la queue courte et conique, lon- gue d'environ six pouces, insérée très hautetfrisanten bas; les callosités sont grandes; le pouce est un peu plus long, en proportion des autres doigts, que chez plusieurs autres singes; la derniére molaire a cinq tu- bercules. Dans cette espèce , comme dans plusieurs au- tres de ce genre, il y a un sac sous l’os hyoïde qui cora- munique avec le larynx. » Les naturels distinguent trois variétés de bruh : le bruh setopong, le bruh selasi, et le bruh puti. Le bruh setopong estle plus grand; la couleur du dos tire sur l'olive, et s’éclaircit en devant. Il est le plus docile et le plus intelligent de tous, et à cause de cela il est fort estimé. Lorsqu'on l'envoie cueillir des noix de cocos il choisit celles qui sont mûres avec beaucoup de juge- ment,et n’en prend pas plus qu'on ne le lui a commandé. Les deux autres sont d'une couleur plus sombre, moins intelligents et moins traitables. » 32 250 loppé. Ces trois lobes sont séparés par de profonds sillons qui divisent ces trois portions du gland en les circonscrivant de manière que les deux grands lobes forment une cavité spacieuse au milieu de laquelle s'ouvre le méat urinaire. Les vieux maimons diffèrent des rhésus par leur douceur, et on en cite des individus dont le calme et la gravité ne se démentoient point; en général cependant, de doux et d’affectueux qu’ils sont dans le jeune âge, ils deviennent, en acquérant des an- nées, indociles et peu traitables. Plus douces que les mâles, les femelles, à l’époque du rut, présentoient l’ouverture du vagin bordée d'ordinaire par une large surface nue et ridée, gorgée d’un sang abondant dont la quantité finit par se faire une issue. Cette époque passée, l’abord du fluide sanguin diminue, et peu à peu la peau des parties naturelles reprend sa flaccidité première. Une femelle conservée dans la ménagerie du Muséum , et à laquelle on donna un mâle, s’accoupla très fréquemment dans un court espace de temps ; et chaque fois le coït ne duroit que quelques secondes. Après sept mois et vingt jours elle mit au monde un petit qui étoit mort dans la parturition. Le maimon habite l’ile de Sumatra. Les Malais lui donnent le nom de barrou, suivant M. Duvaucel, et de bruh, suivant sir Raffles. Les naturels l’em- ploient à monter dans les arbres pour cucillir les fruits, et l'habituent à unir la fidélité à l'adresse. C’est de cette particularité qu’étoit dérivé le nom de simia carpolegos que lui avoit donné sir Raflles dans son Catalogue d’une collection faite à Sumatra. LE MACAQUE LIBIDINEUX. Macacus libidinosus. Is. GEorr. (1). M. F. Cuvier fit copier par M. Prêtre un vélin du Muséum représentant un macaque inconnu, et cette petite figure parut dans l’atlas (cinquième livraison) du Dictionnaire des Sciences naturelles. M. Desma- rest crut y reconnoitre le maimon ou macacus ne- mestrinus ; mais ce rapprochement lui parut douteux, parce qu’alors le rhésus et le maïmon étoient très mal déterminés, et leur histoire considérablement embrouillée par les auteurs modernes. Toutefois il se pourroit que ce macaque libidineux, ainsi que l’a nommé M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, il y a peu () Isidore Geoffroy, Dictionn. class. d'Hist. natur., t. IX, p. 589 : le macaque inédit, Fr. Cuvier, Atlas du Dict. des Sc. natur., fig. 2; et Mammifères, p.109, édit. in-%o : macacus nemestrinus , var., Desmarest, Mammalogie, p. 67; G. Cuvier, Règne animal, Lt. 1, p.196: HISTOIRE NATURELLE de temps, fût véritablement le maimon femelle à l'époque du rut. Quoi qu’il en soit, la seule bonne diagnose faite de ce singe est celle que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (!) a tracée d’après la belle figure des vélins, et qu’il a imprimée en ces termes dans le Dictionnaire classique d'Histoire naturelle. « Notre description est faite d’après un dessin, de moitié environ de grandeur, qui se trouve dans la riche collection des vélins du Muséum. L’individu représenté, qui est une femelle, est fort semblable au maimon, dont il diffère cependant par ses joues d’un fauve légèrement olivâtre, comme les épaules et les membres antérieurs, et non pas blanches ou blanchâtres comme chez le maimon. Il a de même une sorte de calotte noire sur la tête, et cette tache se prolonge sur le dos et la queue, qui se trouvent, ainsi que toutes les parties postérieures du corps et la face externe des membres de derrière, d’un brun légèrement nuancé de fauve olivâtre. La face interne des membres, soit antérieurs, soit postérieurs, sem- ble grisâtre sur le dessin, et le dessous du corps d’un blanchâtre qui se nuance insensiblement avec le brun du corps. La face et les doigts sont à peu près couleur de chair ; enfin le corps paroît plus grêle que chez le maimon , et la queue est à peu près de même longueur : mais ce qui rend cette espèce extrême- ment remarquable, c’est l’énorme lurgescence de toutes les parties sexuelles pendant le rut. Tout ce qui environne la vulve, l'anus et les callosités (et même le dessous de la queue dans presque toute son étendue) acquiert un développement véritablement prodigieux, et dont il est tout-à-fait impossible de se faire une idée, par la fluxion quelquefois assez abondante qu’on observe périodiquement chez les autres macaques,. » Or cette description, faite d’après un dessin seule- ment, se rapproche beaucoup de celle du maimon ; elle légitime ce que Buffon dit de Pindividu qu'il a représenté dans sa planche coloriée 255, dont tout le dessous de la queue éloit nu et ridé, nudité qui devoit à l’époque du rut se gorger de sang, ainsi qu’on en a un exemple très remarquable dans la femelle du rhésus. Cette espèce est donc très douteuse, et devra pro- bablement être réunie au maimon, macacus ne- mestrinus des auteurs méthodiques. &«) Dictionnaire classique d'Hist. naturelle ,t. IX, p. 589. DES MAMMIFÉRES. LE MACAQUE A FACE ROUGE (1). Macacus speciosus (?). Le macacus speciosus, par l’ensemble de ses for- mes, établit le passage des macaques aux magots. Ce singe en effet est ramassé et a les membres trapus et la taille lourde, ce qui peut être dû à la brièveté de sa queue et au renflement de sa tête, que termine un museau conique. Le macaque à face rouge a son pelage teint sur les parties supérieures du corps et externes des mem- bres d’un roux vineux, la face entourée de poils noirs disposés en cercle alentour ; les parties infé- rieures et internes, et le bord des fesses, colorés en blanc grisâtre ; les oreilles et les doigts brunâtres, et les ongles noirs. Ce qui caractérise ce singe est le rouge vif qui co- lore la peau nue de la face, et qui ressemble à celui du macaque à face pourprée, mais qui est très dis- tinct du rouge vermillon qui apparoît sur le museau des femelles du rhésus lorsque leurs organes de la génération sont en état d’érétisme et d’excitation. Le macaque à face rouge est aussi très facile à re- connoitre à l’extrême brièveté de sa queue conique et pointue, et en grande partie cachée par les poils, qui dépassent le sacrum. On isnore quelles sont les mœurs de ce quadru- mane. Il vit au Japon, et pourroit être le bruk selasi de sir Rafles : on en doit la découverte à MM. Diard et Duvaucel. LE MACAQUE DE L'INDE (5. Macacus maurus (!). Un individu du macaque indien fut envoyé au Mu- séum par M. Alfred Duvaucel, et décrit par M. Des- marest dans sa Mammalogie sous le nom de cynoré- PDhale nègre. La tête forte que termine un museau () M. Temminck en fait une espêce du genre magot, et le nomme inuus speciosus. Il lui donne pour patrie les îles du Japon, etditqu'on ne le trouve point aux Mo- luques. () F. Cuvier, Mammifères, pl. 40, p.112, édit. in-#o; Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Dictionn. class. d'Hist. natur., t.IX,p. 589; G. Cuvier , Règne animal, LI, p. 96. () M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en fait le type de son genre cynopithecus. (4) Fr Cuvier, Mammifères, pl. 39; Isidore Geoffroy, Diction. class. d’'Hist.natur., t. IX, pl. 589 ; G. Cuvier, Règne animal, t. I, p. 96: simia malayana, Desmou- lins, Diction. class. : magus maurus , Lesson , Man.: 251 conique et proéminent, et l'extrême brièveté de la queue de ce quadrumane, avoient porté ce dernier auteur à le ranger parmi les cynocéphales, et nous avoient décidé à le classer dans notre Manuel avec le magot, dont il a presque tous les caractères gé- néraux de port et de formes. M. Frédéric Cuvier le décrivit sous le nom de macaque; et c’est en effet parmi ces singes de la tribu des rhésus qu’il doit être placé comme un passage naturel à la tribu des ma- gots, dont la seule différence consiste dans le tuber- cule qui remplace le rudiment de queue que pré- sentent le macaque à face rouge et celui que nous décrivons. M. Gray, dans le premier fascicule de ses Spicilegia, vient de donner un médiocre portrait du cynocéphale nègre, sans tenir compte de celui du macaque indien de M. F. Cuvier, bien que ces deux représentations soient relatives à des animaux iden- tiques. Enfin nous savons que MM. Quoy et Gaimard doivent publier une nouvelle figure faite d’après un individu vivant, pris aux Célèbes, de ce macaque, dont le Muséum ne possède qu’une dépouille en mauvais état. Le macaque de Inde a le museau très prolongé et très gros; la peau de la face est nue et colorée en noir mat intense; les oreilles, terminées supé- rieurement en pointe, sont, ainsi que la peau des mains et des pieds colorées en noir; les ongles sont en gouttière et bruns, excepté ceux des pouces qui sont aplatis; son pelage se compose de poils assez longs, partout également épais et très fournis, mais surtout sur la tête et le cou, où ils s’épaissis- sent en forme de crinière. Leur couleur est uni- formément brun-noir sale, tirant au fuligineux; les callosités des fesses sont rouges et surmontées par une queue à peine apparente, très mince et très pointue. M. Gray à vu ce singe vivant dans la Tour de Londres (1); sa taille est d'environ vingt-deux pou- ces , et la queue a moins d’un pouce. Le macaque indien habite les Moluques, notam- ment les Célèbes et l'ile de Solo, suivant M. Dus- sumier. le cynocéphale nègre, cynocephalus niger, Desmarest, Mamm. , esp. 819, p. 534; Gray, Spicilègia, er fasc., pl. 1, fig. 2 : wood baboon, Pennant , Quadrupèdes?: cynocephalus niger, Guoy et Gaim., ast., pl. Get, t LD 07 () I lui donne pour diagnose la phrase suivante : C. niger ; capite elongato, cristä compressä long or- nato ; caud& brevissima. LE GELADA D'ABYSSINIE (1). Il a été découvert, en Abyssinie, par le voyageur Ruppell, qui l’a rencontré dans les provinces Ha- remat, Simen et Godjam. Le pelage de ce singe est très fourni sur le dos où il simule un épais manteau ; tous Jes poils sont allongés et tombants. Sa colora- tion est d’un brun noirâtre, passant au brun-clair sur les flancs et sur la tête, les joues et les côtés du cou. Sa queue est floconneuse au sommet; ce qui caractérise cette espèce sont deux plaques sur le cou, l’une en triangle et l’autre obovale. IVe TRIBU. LES MAGOTS. Magus ou inuus. Une seule espèce appartient à cette quatrième tribu ; elle ne diffère presque point des macaques cercocèbes , dont elle a tous les caractères généraux d'organisation. Son museau est moins proéminent que celui des rhésus, mais elle a comme eux le bord supérieur de l'oreille déformé et terminé en pointe. Ce qui distingue d’une manière précise les magots, c’est leur manque à peu près complet de queue ; Car chez eux cette partie se trouve rempla- cée par un simple tubercule, ou plutôt l'extrémité du coccix forme une légère éminence au-dessous de la peau. Peut-être seroit-il plus convenable de pla- cer les magots à la suite des cercocèbes, en faisant suivre les rhésus par les singes du genre cynocé- phale; mais les rapports sont si nombreux entre les espèces des quatre tribus que nous avons énumérées, qu'il devient presque indifférent de placer l’une d'elles avant l’autre. Les magots sont les seuls macaques qui vivent en Afrique, et qui se soient avancés en Europe, puisqu'on sait qu’ils se sont propagés sur le rocher de Gibraltar. LE MACAQUE MAGDOT. Macacus inuus (?). On s’est livré à beaucoup de discussions pour sa- voir si le magot étoit le pithèque et le cynocéphale () Macacus gelada ; Rupp., pl. 2. (2) Desmarest, Mammalogie, esp. 37, p. 67 : pithe- cos, Arist., Gal.: cynocephalus, Prosp. Alpin: simia HISTOIRE NATURELLE connu des Grecs, dont Aristote nous a laissé la des- cription. Cette question est à peu près résolue d’une manière aflirmative en ce moment, et le pithèque que disséqua Galien paroît être, sans aucun doute, ce singe commun alors assurément comme aujour- d’hui sur toutes les terres d'Afrique qui bordent la Méditerranée. Dans son jeune âge, ses traits peu arrêtés lui donnent une physionomie enfantine; c’est alors le pithèque de quelques auteurs; en vieillissant, sa physionomie est dénaturée par les grands changements qu’elle éprouve, et revêt des formes âpres et dures, plus laides encore que ridi- cules, qui ont fait donner à ce singe le nom de ma- got, ou, en d’autres termes, celui de singe à tête de chien (cynocéphale ), ainsi qu’on le trouve déerit dans Prosper Alpin (pl. 16 et 20), Jonston (pl. 50), Brisson et quelques autres vieux auteurs. Le magot habite toute la bande septentrionale des terres d'Afrique; on l’a rencontré du moins en Egypte, en Abyssinie, en Arabie et très communé- ment en Barbarie. De ce dernier point il s’est pro- pagé sur le rocher escarpé de Gibraltar, en deçà du détroit, de sorte que c’est le seul endroit d'Europe où l’on puisse véritablement dire que les singes existent. Ces animaux ont-ils paru sur ce rocher depuis que la mer s’est ouvert un passage entre l’Europe et Afrique, ou bien s’y trouvoient-ils lorsqu'une langue de terre que les anciens géogra- phes nommoient le seuil de la Méditerranée établis: soit une communication entre ces deux parties du monde, ainsi que l’ont pensé quelques écrivains ? L'existence des macaques-magots sur le rocher de Gibraltar a donné lieu à l’énonciation d’un fait géo- logique assez curieux : un Anglois, M. Imerie, a publié, en 1798, dans les Transactiuns de la Société royale d'Edimbourg, une notice dans laquelle il aflirme que les brècies calcaires de Gibraltar sont parsemées de débris osseux qu’il a reconnus appar- tenir à l’espèce du magot. La taille la plus habituelle que ce macaque ac- quiert est d'environ vingt-six pouces et quelques lignes de longueur totale, sur dix-neuf pouces de hauteur vis-à-vis les épaules ; sa tête est forte, sup- portée par un cou à peine apparent; les proportions ‘des membres et celles du corps sont régulières, mais robustes et massives ; son museau élargi est très projeté en avant et surmonté par deux crêtes sour- pithecus, Screber, pl. #, fig. B : simia inuus, sylvanus, el pithecus, Linnæus: le magot, Buffon, t. VI, pl. 4, et pl. color. nos 238, 239 : Audebert, Singes, (am. 1re, sect. 3, pl. 1: le petit cynocéphale, Encyclopédie, pl. 7. fig. 1: le magot, Encyclopédie, pl. 6, fig. 3, et pl. 18, fig. 2: le pithèque, Buffon (jeune magot) ; Encyclopé- die ,pl. 6, fig. 4 : pithecus inuus, Geoffroy, Catal., p. 26 : macacus sylvanus, Fr. Cuvier, pl. #1 , p. 114, édit. in-#; G. Cuvier, Régne animal, {, 1, p. 96. DES MAMMIFERES. cilières saillantes, sous lesquelles sont cachés les yeux; les oreilles nues sont décidément terminées en pointe; de larges surfaces dénulées et calleuses apparoissent sur les fesses ; un gland piriforme, sou- vent caché dans le scrotum, termine la verge. Ses abajoues sont amples, ses canines prononcées, les doigts garnis d'ongles aplatis; mais ce qui est par- ticulier au magot c’est que les pouces des mains sont très petits, tandis que ceux des pieds sont excessi- vement développés. S’avançant dans les contrées tempérées, le magot est de tous les singes celui qui a recu la vestiture la plus épaisse ; son pelage est en effet très fourni, et les teintes qui le colorent sont sur la tête, les joues, le cou, les épaules, la partie antérieure du dos et la région externe des membres antérieurs, d’un jaune doré assez vif, mélangé de quelques poils noirâtres : celte nuance générale est due à ce que chaque poil est gris-foncé à la base, et puis annelé de jaune et de gris : dans le reste du corps se mêle à la couleur que nous venons d'indiquer beaucoup de gris ; parfois apparoissent sur les Jlombes des lignes ondulées brunâtres, dues au dé- rangement qu’a éprouvé le système pileux de ces régions. La poitrine et l’abdomen, ainsi que le de- dans des membres et le bas des joues, sont d’un gris jaunâtre ; une petite tache noirâtre descendant sur les joues occupe l’angle externe des yeux ; elle est due à ce que les poils de cette partie sont noirs et légèrement terminés de jaune à leur sommet. La face, qui est entièrement nue, et les oreilles, velues sur leur pointe et à leur bord, sont d’une couleur de chair livide ; les mains sont noirâtres et presque entièrement poilues, et les poils des joues retom- bent sur les côtés du cou sous forme de favoris assez touffus; de même que chez les orangs, les poils implantés sur les avant-bras des magots rebrous- sent vers en haut, en sens contraire par conséquent de ceux du bras; enfin la peau et les testicules sont rosés. Les femelles sont plus petites que les mâles, et leurs canines dépassent à peine les autres dents : sous tous les autres rapports elles n’en différent en rien. Habitant des contrées peu éloignées de l’Europe, le magot est de tous les singes celui qu’on y trans- porte le plus fréquemment. Docile, soumis, très éducable, ce singe, dans sa jeunesse, se plie aisé- ment à la servitude, et retient facilement les tours que les jongleurs lui apprennent. Etourdi, inatten- tif, capricieux, vivement affecté par ce qui l'en- toure, ce macaque toutefois, lors même qu’il est bien appris, s’attire de nombreuses corrections en oubliant quelques unes des cérémonies qu'il doit accomplir dans nos carrefours et nos places publi- ques. Plus âgé, au contraire, ses penchants se dé- 253 naturent, son humeur s’aigrit, son caractère devient revêche, et il s’abandonne alors à toute la frénésie de ses sauvages penchants : pris âgé, on ne peut en rien faire ; il se défend avec courage, et mord avec fureur. Le magot a une grande propension à faire des grimaces et à montrer les dents. La locomotion à quatre pattes sur le sol est la plus ordinaire ; mais il grimpe avec la plus grande aisance, surtout dans les arbres. Il se sert de ses mains pour porter les aliments à sa bouche après les avoir flairés : tout lui est bon, bien qu’il préfère cependant les bour- geons et les fruits. Pour se reposer ou pour dormir il s’assied en penchant sa tête sur le corps, ou il se couche sur le côté. La colère se décèle chez lui par le claquement des dents; mais lorsqu'il est mû par des passions douces, sa voix est une sorte de: petit grognement léger. En captivité, ce singe éprouve du plaisir à être réuni à quelque animal d’une espèce même opposée à la sienne; il s’y attache, témoigne la satisfaction qu’il ressent dans sa compagnie, en lai épluchant les poils et en lui cherchant des in- sectes sur la peau. C’est aussi de cette manière qu'il manifeste l’attachement qu’il porte au maître qui a pris soin de l’élever. Par l’ensemble de son organisation, le magot est le lien de transition des macaques avec les cy- nocéphales, bien que son manque de queue ait servi à beaucoup d’auteurs pour le rapprocher des orangs. LES CYNOCÉPHALES. Cynocephalus. Brissox. Les Grecs donnoient le nom de xuvoxéoa)os ou tête de chien à des singes que les Latins , à leur imita- tion , appelèrent cynocephalus, et qui répondent en grande partie aux babouins ou aux papions de Buf- fon. Tout porte à croire que les cynocéphales men- tionnés par Diodore de Sicile sont des mandrills : ce qu'il en dit du moins semble le faire supposer, Toutefois les détails fournis par Strabon , par Pline et par Ælien, se bornent à peindre les cynocé- phales comme des singes intraitables et brutaux ; et il est propable que l'espèce qu’ils avoient en vue étoit le singe de Moco ou l’hamadryas, dont ils pouvoient avoir connoissance par leurs communica- tionsavec l'Ethiopie. Ces animaux sont de tous les quadrumanes ceux qui se rapprocient le plus des mammifères carnassiers : leurs caractères zoole- giques ne les font point différer essentiellement des macaques, mais on ne peut les confondre avec au- cune espèce de singes, soit de l’ancien, soit du nou D 254 yeau monde, à cause de leur museau allongé, qui présente une grande analogie de forme avec celui d’un chien, bien qu’il n'ait point de mufle ; les na- rines vont s'ouvrir à l'extrémité et en devant de la troncature du nez, en grande partie formée par l'énorme développement des os maxillaires. Les cynocéphales ont trente-deux dents, et les canines sont surtout remarquables par leur prodi- gieux développement : comme chez les semnopi- thèques, la dernière molaire à cinq tubercules , et celle d’en bas est terminée par un talon ; angle fa- cial est réduit de trente à trente-cinq degrés au plus, et le front est notablement eflacé ; les crêtes sourci- lières, sagittale et occipitale, s'élèvent avec rudesse sur la surface du crâne; les oreilles sont aplaties, mais très anguleuses à leur sommet ; de vastes aba- joues permettent la distension de l'appareil buccal ; le corps est toujours massif, et supporté par des membres égaux et puissamment musclés ; la queue varie de forme, elle est ou très longue ou très courte; de larges tubérosités dénudées recouvrent les fesses, et sont ordinairement teintes des plus vives couleurs. Lescynocéphales sontles plusgrands de tous les singes : leurs proportions et leur taille sont assez bien rendues par celles de nos grands chiens de basse-cour. Le pouce des mains est très court, celui des pieds est plus robuste, et une ex- tension de la peau unit les deux doigts à leur base jusqu à leur deuxième phalange : ils sont terminés par des ongles minces, ployés en gouttière, mais non aigus à leur sommet. Dans la locomotion, il n’y a que l’extrémité des doigts qui porte sur le sol. Les cynocéphales peuvent être aisément divisés en deux tribus ou sous-genres, que caractériseroient quelques traits d'organisation peu importants sans doute, mais suffisants cependant pour autoriser cette petite distinction : la première section comprendroit les cynocéphales proprement dits, ou les babouins dont la queue est aussi longue ou un peu moins longue que le corps, et dont la face est lisse; la deuxième comprendroit les mandrills, dont le mu- seau est couvert de plis, et la queue très courte, très grêle, et implantée d'une manière presque perpendiculaire à la colonne vertébrale. Les cynocéphales, étudiés sous le rapport des modifications qu'éprouvent les appareils des sens, ont les yeux protégés par des crêtes sourcilières très saillantes et une papille ronde, cerclée de brun; l'énorme renflement des sinus maxillaires et la grande ouverture des narines font supposer que leur odorat est parfait : les lèvres ne sont presque point apparentes ; et la langue, dont la muqueuse est douce, est très extensible ; la peau nue du bout des doigts paroît jouir d’une grande sensibilité : aussi le tact est-il très délicat chez ces singes : la verge, que termine un gland piriforme, se cache dans le | HISTOIRE NATURELLE repos au milieu d’un scrotum généralement très dé- veloppé. Les femelles ont deux mamelles placées sur la poitrine; l’ouverture vaginale apparoît au- dehors sous forme d’une fente longitudinale, où l’on n’apercoit aucune trace de lèvres et de nymphes : à l’époque du rut ces parties se gorgent de sang et se tuméfient outre mesure, jusqu’à ce qu’une perte vienne aider au rétablissement de leur état normal, L’accouplement a lieu comme chez les autres mam- miferes ; seulement les mâles ont le soin, pendant la copulation, de retenir immobiles les femelles, en saisissant leurs jambes avec leurs mains. Le pelage des cynocéphales se compose de poils généralement touffus, mais plus épais cependant sur les parties supérieures du corps : la face et les mains en sont ordinairement privées, ou du moins ils ne s’y montrent qu’en très petite quantité. Ce n’est guère qu’en se servant des quatre membres à la fois que la locomotion s'exécute chez ces ani- maux ; mais leur encolure massive et leurs muscles puissants leur donnent une énergie et une force pro- digieuses Ils gravissent les rochers ou grimpent dans les arbres avec une prestesse peu commune, et les endroits qu'ils préfèrent sont toujours les lieux les plus déserts et les plus escarpés : avec leurs longues canines ils peuvent faire de dange- reuses blessures ; leur voix aigre est tantôt un aboie- ment rauque ou tantôt un grognement sourd et étouffé : leur face hideuse et méchante, leurs ap- pétits brutaux , font de ces singes des animaux in- domptables dont rien ne peut adoucir la férocité naturelle. Les femelles, un peu plus petites de taille que les mâles, n’ont point leurs canines, et se laissent parfois apprivoiser : les jeunes au contraire, dont le museau est beaucoup moins saillant, dont les formes sont plus arrondies et plus douces, paroissent en effet doués d’un bon naturel, et ne perdent de leurs qualités enfantines qu’en vieillissant; mais c’est alors qu’ils paroissent hideux, tant par leur air féroce que par le cynisme avec lequel sont dévelop- pées leurs parties postérieures. La nourriture de ces singes ne consiste cependant qu'en fruits ou en graines, régime qui ne doit entrer pour rien dans leur instinct de méchanceté : ils boivent en humant, et leur appétit est loin d’être aussi développé que leur penchant pour l’amour ; leur lubricité est révoltante, et c’est en public qu’ils aiment à satisfaire leurs sens grossiers : lors même qu'ils sont en captivité, la vue d’une femme suflit pour allumer leurs désirs ; et c’est chez eux, parun sentiment inné, que, ne pouvant les satisfaire avec un individu de leur race, ils ont recours à la mas- turbation. Dans l’état de liberté, les cynocéphales vivent par troupes dans des cantons que chacun d’eux affec- DES MAMMIFÈRES. tionne, etdontils chassentimpitoyablement ceux qui tenteroient de s’y établir. Ces singes n’ont pas tou- jours peur de l’homme, et c’est, dit-on, à coups de pierres et de branches d’arbres qu’ils essaient de repousser les visitesimportunes. Leurs dévastations les ont rendus redoutables aux habitants des pays où ils vivent; et l’on assure que lorsqu'ils projet- tent de dépouiller un verger, ils ont le soin de pla- cer des vedettes dont la vigilance répond du salut de la bande. On suppose que la durée de la vie de ces singes est d'environ cinquante années ; et comme leur accroissement est lent, ils ne prennent guère les formes adultes avant sept ou huit ans. On n’a point d'exemple de cynocéphales appri- voisés ; ils n’ont même jamais conservé la plus pe- tite reconnoissance pour ceux qui en prennent soin: toujours hargneux, sans cesse disposés à mordre, il est bien rare de les voir déposer un instant leur air sauvage et méchant. Tous les cynocéphales sont originaires d'Afrique, et se trouvent plus abondamment dans les parties intertropicales, bien qu’on en connoisse de l'Arabie déserte et des environs du cap de Bonne-Espérance : ces derniers habitent ainsi la zone tempérée. Les espèces de singes que nous décrivons ont été placées dans le genre cynocephalus par Brisson, Erxleben, Illiger et F. Cuvier. Linnæus et Bod- daert ne les avoient point distingués de leurs simia ordinaires, et quelques espèces avoient été décrites comme papions par Brisson, Erxleben, Illiger, Geoffroy et Lacépède. ! Parmi les curiosités rapportées d'Egypte par le célèbre voyageur Belzoni se trouvoit une momie parfaitement bien conservée d’un cynocéphale-tar- tarin ou hamadrias, reconnoissable à sa chevelure et à son long camail. Il paroît assez évident que le simia cynocephalus de Linnæus avoit des temples à Hermopolis, et on en trouve des figures très re- connoissables sur la plupart des monuments égyp- tiens. Il est même très probable que le sphynx, dénaturé par la mythologie grecque, avoit pour fon- dement l'existence de l’hamadrias. Chez les Egyp- tiens le cynocéphale étoit le symbole de Tot ou Mercure. LE CYNOCÉPHALE BABOUIN. Cynocephalus babuin (1). Le babouin n’a été bien caractérisé que dans ces derniers temps. Les auteurs n’ont pas toujours été () Simia cynocephalus, Fr.Cuvier, Mém. du Mus., t. IV, pl. 19 ; et Mamsmiféères, mai 1819, t.1; Dictionn. des Sc. natur., t, XI, p. 377 : cynocephalus babuin, 255 d’accord sur les espèces qui devoient porter exelu- sivement ce nom. M. Geoffroy Saint-Hilaire est le premier qui ait reconnu que ce singe devoit être le cynocéphale des anciens, dont ils ont souvent fi- guré les traits. ainsi que le prouvent les monuments qu’ils nous ont laissés. Le babouin semble être le lien de transition des magots aux singes groupés sous le nom générique de cynocéphales. Ses narines, ouvertes à l’extré- mité d’un museau saillant et conique, ne sont ce- pendant pas perforées sur la partie la plus avancée ; le cartilage moyen forme une sorte de saillie qui se projette sur la lèvre supérieure; ses yeux sont enfoncés sous des arcades sourcilières proéminen- tes, sa taille la plus ordinaire est de deux pieds et quelques pouces, sans y comprendre la queue, dont les dimensions sont de vingt à vingt-deux pouces ; son museau est nu et de couleur de chair livide; d’épais favoris blanchâtres couvrent les joues; son pelage est tout entier d’un jaune verdâtre, formé de poils jaunes et légèrement annelés de noir : cette teinte est beaucoup plus claire sur les parties infé- rieures. Les jeunes babouins diffèrent des adultes en ce qu’ils sont d’un blanc sale sur la poitrine et le ven- tre; leur museau est moins saillant; et les parties dénudées des fesses, au lieu d’être rouges, sont de couleur tannée. Ce singe paroit avoir été vénéré à Hermopolis. Son espèce ne paroît pas en effet être rare dans toute l’Afrique septentrionale, et on la rencontre fréquemment dans la Barbarie. LE CYNOCÉPHALE ANUBIS. Cynocephalus anubis (1). L'anubis à les plus grands rapports avec le ba- bouin ordinaire, dont il pourroit fort bien n’être qu’une variété d'âge. Cependant l’anubis semble avoir quelques caractères qui lui sont propres, et qui, toutes proportions égales, le distinguent du babouin : tels sont un museau plus allongé, une voûte du crâne plus surbaissée, et un pelage d’un vert plus foncé. Ces caractères, toutefois, de lallon- gement de la face et de l’intensité de coloration, appartiennent en général aux individus âgés de toutes les espèces de singes, quelles qu’elles soient, et il seroit, dans ce cas, possible que l’anubis fût l’âge complétement adulte du babouin. Les deux Desmarest, Mamm., esp. 33, p. 68: papion cynocé- phale, Geoffroy, Annal. du Mus., L. XIX, p. 102:le babouin, Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist. natur., t. V, p. 259; G. Cuvier, Règne animal, t I, p. 97. () Fr, Guvier, juin 1825. 256 individus que M. F. Cuvier a examinés avoient à peu près un pied et demi du bout du museau à l'extrémité postérieure du corps, et deux pieds d’élévation au-dessus du sol lorsqu'ils se tenoient debout. La partie antérieure de la face étoit noire, ainsi que les oreilles et les pieds, tandis que les joues et le tour des yeux offroient une teinte carnée légère, et que la peau des fesses étoit d’un violâtre foncé. Les poils des joues étoient d’un jaune pâle, et ceux du dedans des membres étoient blanc-gri- sâtre : quant au pelage, il étoit partout ailleurs d’un verdâtre foncé. La description de M. F. Cuvier a paru dans le mois de juin 4825 : nous en avons extrait les dé- tails qu’on vient de lire ; à cela seulement se borne toute l’histoire de l’anubis. ESRD———_—_—_—Z—E——————_—…—…—… …—…—……—…— — —— LE CYNOCÉPHALE PAPION. Cynocephalus sphinæx (!). Les naturalistes ont décrit sous le nom de pa- pions des espèces de singes fort différentes. Le vrai papion cependant se distingue de toutes par ses formes ramassées et par son long museau, imitant celui d’un dogue. Ses proportions communes, me- surées de l’extrémité du nez jusqu’à l’anus, sont de deux pieds et quelques pouces sur vingt-six pouces d’élévation ; la peau dénudée des mains, les oreilles et la face, sont d’un noir intense : seulement la pau- pière supérieure est d’une couleur de chair très claire : les narines sont larges, placées en avant du museau , qui est tronqué obliquement, de manière à en occuper le bord le plus allongé ; l’ensemble du pelage est jaunâtre, à reflets bruns, ce qui est dû à ce que chaque poil est annelé de noir et de brun clair ; ceux des joues sont fauves et disposés en fa- voris épais ; le cou est revêtu de poils bien plus longs que partout ailleurs, tandis que le dessous du corps et les régions internes des membres sont presque nus. Les callosités des fesses des papions sont très larges et d’un rouge assez vif; la queue, presque de la longueur du corps, est dressée jusqu’à (:) Simia sphinx, Linnæus, Screber, pl. 13 B : le grand papion, Buffon, t. XIV, pl. 15, et pl. color. ne 217 : le paypion, Audebert, Singes, fam 3, sect. 1 , fig. 1 ,2,et 3 ; Encyclopédie, pl. 6, fig #: simia cynocephalus, Brongn ,Journ d'Hist. natur., pl. 21 (jeune); copiée, Screber, pl. 13 B : le bavian des Hollandois : le petit papion, Buffon, 1. VIF, pl. 7, p. 96, et pl. col. no 240; Encyclopédie, pl. 9, fig. 1 ; Fr. Cuvier, Mammifères, mai 4819, 1.1; Pesmarest, Mammal., esp. 39, pl.69; Fr. Cuvier , Dictionn. des Sc. natur.,t. XI, p. 377; Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist.nat.,t, V, p. 260; G. Cuvier, Régne animal, t, 1, p. 97. HISTOIRE NATURELLE | quelques pouces de son origine, et puis retombe comme si elle étoit brisée. Buffon avoit figuré ce cynocéphale sous le nom de grand et petit papion. Les différences qu'il a cru remarquer ne tenoient qu’à des modifications ap- portées par l’âge; et son grand papion, représenté avec une queue courte, avoit été mutilé, M. F. Cuvier a donné le portrait d’un très jeune papion femelle dont la coloration ne diffère point considérablement de celle des adultes. Son pelage est en dessus d’un brun roux, tiqueté de noir, pas- sant au blanchâtre sur la poitrine, le ventre, et le dedans des membres; les oreilles et l'extrémité sont brunâtres : d’épais favoris roux couvrent les joues ; et le museau, d’un noir intense, est remar- quable par sa brièveté et par la concavité du chan- frein. Le papion possède à un haut degré toutes les ha- bitudes que nous avons énumérées dans l’histoire des cynocéphales. C’est un singe plein d'intelligence, d’un caractère revêche et indisciplinable, très adonné à la gourmandise et à la lubricité; ses passions sont violentes et haineuses, et la force musculaire qu’il possède le rend dangereux. Ce cynocéphale habite indubitablement la côte occidentale d'Afrique, et principalement la Guinée : il est assez commun dans les ménageries d'animaux vivants qu’on montre en Europe. M. Delalande lui donne pour patrie le cap de Bonne-Espérance. IL rapporte que les papions, très communs autour de la ville du Cap, ne dépassent point Ja baie de Plata- Monts. LE CYNOCÉPHALE PORC OU CHACMA. Cynocephalus porcarius (1). Boddaert est le premier auteur qui ait décrit le cynocéphale que M. F. Cuvier nomma dans ces derniers temps chacma, nom dérivé de chôakauma, («) Desmarest, Mamm., esp. 40 , p. 69: simia por- caria, Boldaert, Nat ,t. XXI, fig.i et 2: Screber, pl 6 B el 7 B:simia ursina, Pennant, Quadrupedes: le ba- bouin des bois, Pennant, copié Encyclopédie, pl.9, fig. 4 : simia sphyngiola, Linnæus : papio comatus, Geoffroy, Ann. du Mus., t. XIX : quenon à museau allongé, Pennant; Buffon, Supplément, t'VUE, pl. 15, p. 60, copiée Encyclopédie, pl. 8, fig. 1 : papio coma- tus et porcarius , Geoffroy, Annal. du Mus ,1. XX , p.102 et 103 : le chacma, Fr. Cuvier, Mammif., juin 1819,4 1, Te livrais.; Fr. Cuvier, Dictionn. des Scienc. natur., t. XI, p. 377 : le singe noir, Le Vaillant, deu- œième Voyage, t. I, pl. 17 : choak-kauma, Kolbe, It.,t UT, p.64, édit. in-12; Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist. natur., t. V,p 260; G. Cuvier, Règne animal, t.1, p.97: cynocephalus comatus, Geoffroy Saint-Hilaire, Lecons sténographiées. DES MAMMIFÈRES. que Kolbe, dans sa relation du cap de Bonne-Espé- rance, applique, d’après les Hottentots, à un grand singe de cette partie de l'Afrique, qui paroît être en effet le cynocéphale porc(f}, Le Vaillant en donne une figure, dans son deuxième Voyage au Cap, sous le nom de singe noir, mais sans l’accompagner de détails intéressants : le portrait le plus exact de cette belle espèce est donc celui qui est lithographié dans l'histoire des Mammifères de M. K. Cuvier. Le chacma à des formes massives et trapues : les membres sont même courts, proportionnellement à l'ampleur du corps; la tête surtout est remar- quable par ses fortes proportions et par l'épaisseur du museau ; les os maxillaires sont, sur les côtés du nez, notablement renflés ; les yeux sont enfoncés sous une profonde dépression des crêtes sourcilières ; le crâne est très aplati; la face, les oreilles de ce singe, ainsi que la peau des mains, sont d’un noir violâtre, que relèvent la teinte claire du tour des yeux et la blancheur de la paupière supérieure ; les oreilles sont très déjetées en arrière de la tête, et se trouvent placées à une distance considérable des narines ; d’épais et larges favoris grisâtres recou- vrent les joues ; les callosités des fesses sont beau- coup plus petites que chez les autres cynocéphales. Le pelage est en général d’un noir verdâtre, plus clair sur les épaules et sur les flancs que le long du dos : la teinte verte est beaucoup plus décidée sur le sommet de la tête : les poils, épais et serrés sur les parties supérieures, très rares sous le corps et en dedans des membres, sont gris à leur base, puis noirs et annelés de jaune plus ou moins sale vers leur extrémité ; les doigts, ceux des pieds de der- rière surtout, sont hérissés de petites soies courtes, rudes et noires : un flocon épais de poils allongés termine la queue, et de très longs poils, formant une épaisse crinière, sont implantés sur le cou : une pro- fonde dépression sépare les deux narines en dessus. L'individu figuré par M. F. Cuvier avoit la tête longue d’un pied, mesurée du bout du museau à l’occiput. Les dimensions de la queue étoient d’un pied huit pouces; sa hauteur aux épaules de deux pieds quatre lignes ; et vis-à-vis le bassin, d’un pied neuf pouces quatre lignes. Ce chacma pouyoit alors avoir quinze ans. Une femelle conservée vivante dans la ménagerie du Muséum étoit douée d’une douceur de caractère qui ne se démentit point : elle éprouvoit chaque mois le retour du flux menstruel, etentroit en chaleur régulièrement à cette époque ; mais alors le pourtour extérieur des organes de la génération se gonfloit outre mesure , et donnoit à ces parties l'apparence extérieure d’un bourrelet (‘) La description de Kolbe est bien celle d’un cyno- céphale ; mais rien n'indique qu’elle soit plutôt relative au papion qu’au chacma: la figure qu’il en donne est méconnoissable, I, 297 renflé : elle se distinguoit du mâle en ce qu’elle n’a- voit point le cou garni d’une crinière. D'une insigne méchanceté, le chacma, par sa force et la brutalité de ses appétits, est un animal excessivement dangereux ; ses canines font de pro- fondes blessures : toutes les passions sont chez lui portées à un haut degré de violence ; la vue des femmes lui fait une vive impression ; et si quel- qu’un s’en approche et a l’air de leur adresser des caresses, il entre aussitôt en fureur. Jaloux, sen- suel, gourmand, méchant, ce singe semble avoir en partage tous les vices, sans qu’une bonne qualité vienne racheter ces défauts. Le cynocéphale porc ou chacma a, dit-on, treize côtes et cinq vertèbres lombaires. Il vit par troupes de trois ou quatre individus seulement, sur les montagnes, dans le voisinage des bois de l’Afrique australe, à plus de cent lieues de distance de la ville du Cap. LE CYNOCÉPHALE TARTARIN. Cynocephalus hamadryas (1). Le tartarin a été décrit par les anciens naturalistes de la renaissance des lettres. On en cite un portrait de Belon que nous n'avons pu vérifier; mais les fi- gures de Clusius et de Jonston , quoique grossières, sont très reconnoissables. Ce nom de tartarin lui fut donné par Belon, parce qu’il pensoit que le singe auquel il Pavoit appliqué provenoit de la Tartarie. Hasselquist, dans son Voyage au Levant, en parle sous le nom de simia œægyptiaca; c’est très évidem- ment le dog-faced money de Pennant, représenté dans sa planche 14, figure première. Le tartarin recut le nom spécifique d’hamadryas de Linnæus ; celui de singe de loco par Buffon, parce que l’in- dividu qu’il étudia provenoit de Moco sur le golfe Per- sique ; enfin M. Cuvier l’appela papion à perruque. Le tartarin a ordinairement le corps long de vingt-quatre pouces, et la queue de quinze ; la tête, mesurée depuis l’occiput jusqu’au bout du museau, a jusqu’à huit pouces ; son corps est trapu et éner- giquement membré; le ventre est peu proéminent, tandis que l’abondante fourrure qui recouvre les (:) Desmarest, Afammif., esp. 41, p. 69 : simia ha- madryas, Linnæus; Screber, pl. 10 : cercopitheci, Clusius, Exot., p. 370 : papion à perruque, Cuvier, Règne animal, t.1, p. 98 : papion à face de chien, Pen- nant, Quadrupèdes ; Muld-Tpuffel, pl. 39 : lowando et singe de Moco, Buffon , t. XIV, pl. 18 ; Supplément, t. VII, pl.10 ; copié Screber, pl. 10 , et Encyclopéuie, pl. 10, fig. 3; le tartarin, F. Cuvier, Mamamifères, avril 4819, t.1I, 5e livraison ; Dictionn. des Sc. natrur., t. XXII, p. 578 ; Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist. nat. , {, V.p. 299, CL J9 258 épaules donne à cette partie du corps beaucoup d’am- pleur ; son museau est long et élevé ; un sillon assez profond sépare les narines; les yeux sont enfoncés sous des crêtes sourcilières très saillantes ; et les cal- losités sont tellement développées, qu’elles recou- vrent toutes les fesses et brillent du rouge le plus vif; le museau et le rebord du front sont de couleur de chair légèrement tannée, teinte qui est propre aux parties dénudées des oreilles, tandis que les mains et les pieds sont noirâtres; les joues sont gar- nies d’épais favoris gris-ardoisé ; une touffe de poils allongés termine la queue, qui est forte : toutes les parties supérieures du corps sont couvertes de poils Jongs de six pouces, qui forment sur le cou et sur le devant du corps une épaisse crinière : le pelage est uniformément d’un gris cuivré un peu lavé de ver- dâtre, ce qui est dû à ce que chaque poil est alter- nativement annelé de noir et de jaunâtre. Les tartarins qu’on à eu occasion d'observer en captivité étoient des singes hideux, d’une force étonnante, et d’une férocité inouïe : on leur a trouvé treize côtes et cinq vertèbres lombaires. Le tartarin ou papion à perruque habite l’Abys- sinie. Alvarez et Niebuhr l’ont rencontré en Ara- bie, et peut-être est-ce le sphinx de Diodore. Ce grand singe est représenté dans les bas-reliefs du sanctuaire d’Essaboua, si l’on en juge par la qua- rante-cinquième planche (figure a) des Monuments de la Nubie par Gau, où il est très reconnoissable. Ses habitudes sont entièrement inconnues. LE MANDRILL. Cynocephalus mormon (1). De tous les animaux, le mandrill est le plus re- marquable par la profusion des riches couleurs qui teignent les parties du corps qui sont privées de poil. Le rouge de feu , le violet le plus éclatant, l’azur le plus pur. sont répandus avec profusion sur sa face ou sur les larges nudités des fesses, et blessent les regards par la beauté cynique des organes qu’ils en- {() Simia mormon et maïimon, Linnæus (jeune âge et adulte) : le mandrill, le boggo, le barris, le choras, Buffon, t. XIV, pl. 146 et 17: et Supplément, t. VII, pl. 8, et pl. color. 220 et 241 ; Encycl., pl. 9, fig. 2 et 3 :cynocephalus mormon, Desmarest, Mammal. , esp. 42, p. 70 : papio mermon, Geoffroy, mandrill, Au- debert , Singes, fam. ?, sect. 1, pl. 1 ; Screber, pl. 7 et 8:mormon, Alstroëmer, Act. Holm.:le mantegar , Encyclopédie, pl. 6, fig. 2; G. Cuvier, Règ. anim.,t.H, p. 98;Miger, grav. d'après Maréchal , Aénag. du Mus. : mandrill,Fr. Cuvier, Hamm.(três jeune), juin 1821, 29e livrais.;et mandrill mâle(vieux), mai 1824; Dict. des Sc. natur., t. XI, p. 378 ; Desmoulins, Dictionn. class. d'Hist. natur.,,t. V, p. 261, HISTOIRE NATURELLE luminent avec tant d'éclat. C’est aussi un singe ro- buste, puissant par son système musculaire , armé de canines redoutables, et d’une salacité encore plus brutale que celle des papions. La vue d’une femme jeune et jolie suflit pour allumer avec violence ses désirs ; et lorsqu'il est captif, on le voit la provoquer du geste, l’appeler avec ardeur, et se livrer enfin à tous les écarts de la passion la plus immodérée dans ses déréglements. Ce singe légitime done tout ce qu’en ont dit d'anciens voyageurs, et a dû plus d’une fois chercher à assouvir ses désirs avec les jeu- nes Négresses qu’il trouvoit isolées dans les forêts de la Guinée et du Congo, où il est très commun. De là a dû dériver sans aucun doute le nom donné, par les matelots hollandois des vaisseaux européens qui les premiers fréquentèrent la côte occidentale d'Afrique, de mann-drill, ou homme-satyre, mots qui répondroient au bon drille de notre vieux lan- gage. L'histoire de ce singe est entremêélée de détails qui appartiennent au chimpanzé ; et il seroit fort dif- ficile de débrouiller,. sous ce rapport, les faits qui appartiennent aux singes que Barbot, Gassendi et autres nomment barris, bogyo, mantegar, etc. Le mandrill atteint jusqu’à quatre pieds et demi lorsqu'il se tient debout. Ses dimensions les plus or- dinaires, prises du bout du museau jusqu’à l'anus, sont de vingt-cinq à vingt-six pouces, tandis que la tête, mesurée de l’occiput jusqu'aux narines, a huit pouces et quelques lignes ; la queue se borne à peu près à un tronçon qui à à peine deux pouces, et qui affecte une forme pointue et une position très élevée sur le bassin; ses membres sont épais et tra- pus; ses joues sont nues , très renflées, et sillonnées de rides profondes et longitudinales d’un bleu d’azur vif, passant au violet noirâtre; le nez est terminé par du rouge-cerise ; et ses oreilles, dont la peau est lisse et le sommet pointu, sont d’un noirâtre pour- pré ou violâtre, variant de teinte suivant l’âge et suivant la vivacité des désirs à l’époque du rut chez les mâles ; les pieds et les mains sont noirûtres ; les fesses sont complétement nues, et l’espace démuni de poils est beaucoup plus large que chez aucune autre espèce : ces parties sont d’un rose vif auquel se mêle un lilas pur ou un pourpre violet foncé, et parfois un violâtre bleu, qu’encadrent des teintes carnées; un rebord d’un rouge de sang entoure l'anus, et le périnée affecte souvent une coloration jaunâtre : à ce luxe de couleurs déposées sur des ap- pareils que la nature à presque toujours voilés par des poils et dérobés par des parties accessoires, tan- dis qu’elle s’est plu à les étaler au grand jour chez le mandrill, se joint le rouge de feu des parties de la génération. Le vieux mandrill a son pelage très épais et trés fourni sur le corps ; il est aussi foncé en couleur sur | ces parties, et est d'un brun verdâtre à nuances DES MAMMIFÈRES. sombres et intenses en dessus et d’un blanchätre uniforme en dessous; d’épais favoris rayonnants, formés de poils très longs, entourent les oreilles et couvrent les joues ; ils sont roux, teintés de gris, et tiquetés de noir ; sous le menton pend une petite barbe qui avance en brosse, et dont la couleur est d’un jaune citron agréable; une sorte d’aigrette, due à l'allongement des poils de la tête, hérisse par- fois l’occiput. Avant que les canines aient pris toute leur crois- sance, avant que le museau se soit allongé et que les maxillaires se soient renflées, les jeunes mandrills différent beaucoup desindividus adultes ; leur pelage est d’un gris verdâtre plus clair; leurs oreilles et le bout du museau sont noirs ; les rides se creusent sur les joues, mais la teinte bleue d’azur forme déjà un masque sur la face, et les distingue du drill; Ja petite barbe du menton est blanchâtre ou roussâtre ; les favoris sont tombants et roux, les fesses n’ont aucune des couleurs vives qui doivent plus tard y apparoître avec tant d'éclat, et les testicules enfin sont brunâtres. La femelle ne prend jamais la taille du mâle; ses formes sont plus petites et plus minces, et la peau de la face et des fesses ne se colore point avec autant de vivacité; son nez ne rougit à l’extrémité qu’à l’époque du rut, qui se renouvelle chaque mois, et qui amène sur le pourtour dela vulve uneexcitation et une aflluence de sang qui donnent alors à cette partie la forme sphérique qui finit par disparoitre avec la cause qui l’avoit vue naître, pour se déve- lopper le mois suivant. Les différences que présentent les mandrills avoient porté les auteurs systématiques à distinguer le jeune âge comme espèce sous le nom de simia maimon de Linnæus, tandis que l'individu adulte reçut le nom de simia mormon d’Alstroëmer et celui de choras par Buffon. Le mandrill est essentiellement méchant : jeune, il reçoit avec plaisir quelques caresses, et semble reconnoître les soins qu’on prend de lui; plus âgé, il est intraitable, colère, cruel, lascif et glouton : en un mot c’est un animal sauvage, féroce; et ce- pendant son régime est purement végétal, car il ne recherche pour aliments que les fruits et les racines. Il habite la Guinée et le Congo, où il est commun, et d’où on le tire ordinairement pour les ménageries ambulantes de l’Europe. 259 LE DRILE. Cynocephalus dril! (1). Le drill est la vivante image du mandril! ; iln’en diffère que par des nuances si peu frappantes, que tous les auteurs jusqu’à M. Frédéric Cuvier ne l’en distinguèrent point. A ce sujet, nous serions assez disposé à croire toutefois que c’est du drill qu’il s’agit sous le nom de simia syluicola, figurée pl. 12 de la Zoologie générale de Shaw. C’est aussi proba- blement ce singe que Buffon avoit en vue quand il décrivit son babouin des bois ? (?). Le drill, dans l’âge adulte, ne diffère donc pas du mandrill, ni par les formes ni par les proportions du corps : la face et les oreilles sont nues ainsi que les fesses et les testicules, la paume des mains et la plante des pieds ; la teinte générale de la peau est bleuâtre, et les poils sont beaucoup moins abon- dants sur les côtés des fesses et sur la mâchoire infé- rieure ; les callosités et le serotum sont d’un rouge vif: ce cynocéphale est caractérisé parce que sa face est constamment, et dans tous les âges , d’un noir luisant ; les rides mêmes qui côtoient ie nez ne se creusent qu’à une époque assez avancée de la vie, et jamais on n'aperçoit de rouge sur le nez ni de bleu sur les joues. Des poils longs et très fins, gris à leur moitié inférieure, puis annelés de noir et de jaune, recouvrent toutes les parties supérieures du corps et externes des membres, ce qui donne à l’ensemble du pelage une teinte verdâtre ; ceux de la poitrine et du ventre, du dedans des cuisses et des bras, sont blancs-grisätres ; les joues sont recouvertes de poils assez rares couchés en arrière et d’un gris roussâtre qui ne cachent point la base des poils du cou, dont le gris est à nu et forme un demi-collier ; le dessous du menton est occupé par une petite barbe d’un blanc jaunâtre, tandis que les poils de l’occiput s’allongent pour donner naissance à une sorte de petite aigrette aplatie; la queue, très courte et presque verticale , est implantée très haut sur le croupion : elle est recouverte de poils gris disposés en une seule touffe. Le drill adalte a les mains et les pieds de cou- leur tannée, le front un peu bombé, les arcades sour- cilières assez développées, et le museau large et (r) Simia leucophœæa, Fr. Cuvier, Hammif., décem- bre 1818, t. 1 (adulte); et Annal. du fus. ,L. IX, pl.37 (jeune) ; drill très vieux, mai 1821, 28: livrais.; et drill trés jeune, février 4826 ; Dictionn. des Scienc. natur ,t. XII, p. 578 : cynocephalus leucophœus, Desmarest, Mammalogie, esp. 43, p. 71 ; G. Cuvier, Règne animal, t. 1, p. 99. (2) Babouin des bois, Pennant ; Encyclopédie, pl. 9, fig. #47?, 260 renflé; ses oreilles sontsans hélice proprement dite, ses lèvres minces et entières, et sa langue est douce : la verge, à gland piriforme, se cache en entierdans le serotum. La femelle du drill a la tête moins allongée, la taille plus petite, et le pelage beaucoup moins foncé en couleur ; les teintes verdâtres n’apparoissent que sur les parties antérieures , tandis qu’elles sont rem- placées par des tons gris sur les postérieures. A l’époque du rut le pourtour de la vulve se tuméfie, et forme une protubérance qu’un étranglement divise en deux portions inégales : ce phénomène se renou- velle mensuellement. Un drill âgé de douze ou quatorze ans avoit vingt- huit pouces de longueur totale, sur vingt de hau- teur. Le ton gris du pelage avoit pris une grande intensité de brunâtre, principalement sur le dos, les fesses, etles régions externes des membres : ies ar- cades sourcilières étoient saillantes, et le front affec- toit une grande déclivité; les os des maxillaires étoient très renflés ; et les poils des joues, du cou et des épaules constituoient par leur allongement une épaisse fourrure ; un rouge vif coloroit la mâchoire inférieure, les callosités, et traçoit autour de la queue un cercle élargi. Le drill mâle dans sa deuxième année ressemble beaucoup à la femelle ; les sillons des joues ne sont point encore développés, ct sa face est d’un noirä- tre sale; le front est bombé, les crêtes sourcilières peu saillantes, et le museau moins allongé ; le pelage est gris-jaunâtre , excepté sur le sommet de la tête ct'sur les membres où apparoissent des reflets ver- dâtres. Les jeunes femelles ont tous leurs poils gris- jaunûtres , et la barbe d’un jaune clair. Le drill doit, sans contredit, avoir les mêmes mœurs que le mandriil ; il doit aussi provenir des mêmes contrées, quoiqu’on ne soit point fixé à ce sujet. Les individus n’en sont pas rares dans les ménageries, et nous en avons vu un bel individu dans celle que le sieur Martin montre actuellement à Paris ( décembre 1829 ). D LE CYNOCÉPHALE DE WAGLER. Cynocephalus Wagleri (1). Cette espèce, donr nous ne connoissons que la courte description insérée par extrait dans le Bul- letin des Sciences de M. le baron de Férussac, pa- roit distincte des autres cynocéphales ; cependant il est si difficile de prononcer sur quelques phrases, (n) Agassiz, Fsis , t. XXI, p. 861, avec figure, ou ca- hiers 8 et 9 de l’année 1828 ; Bulletin des Sciences de Férussac, cahier de novembre 14829, p. 345, HISTOIRE NATURELLE et sans le secours de bonnes figures, que nous nous bornons à rappeler les rotions imparfaites qui indi- quent son existence. Les caractères que l’on assigne à ce singe nou- veau dans l'extrait de la description originale du recueil allemand l’fsis sont les suivants : Son mu- seau s’allonge beaucoup, et la peau de la face est nue, couleur de chair, et garnie de quelques petits poils sur le pourtour de la bouche seulement; les oreilles sont ovalaires, nues et sans rebord; la par- tie antérieure du cou et la poitrine étoient dénudées; le pelage se compose de poils olivâtres dans leur partie supérieure, cendrés à leur base et noirs à leur pointe; le pourtour de l’anus et les callosités des fesses sont colorés en fauve jaunâtre; les mains sont en dessus d’un cendré olivätre, et la queue, plus longue que le corps, est terminée par une touffe de poils jaunäâtres. Ce singe a offert les proportions suivantes : Longueur de la tête, du nez à l'occiput. . » 7 » ———— de la face, du nez aufront. . , » 92 41 Hauteur de la lèvre supérieur jusqu’au nez. » 7 ———— de tout le museau, du menton au nez. PS PE Eure de Ule) UIIR Intervalle entre les yeux.’ "7. "mp6 _- entre les'oreilles., SES CRE OI) ———— entreles oreilles et l’angle externe det'œil tierces ses DECO 7 Longueur du/(rone. certe a claie TNT ——— de la queue. . . . . . , . . 14 3 8 ———— des membres antérieurs. . . . 1 5 » ———— des membres postérieurs. . . , 4 8 »% L'auteur dit avoir comparé le singe qu’il décrit avec les cynocéphales ouanderou , babouin ( cyno- cephalus antiquorum, Schintz), papion, comatus, chacma, hamadryas, et indique les différences qui l'isolent de ces diverses espèces. On n’en connoît point la patrie. M. Wagler acheta, vivant à Londres, l'individu femelle type de la des- cription. C’étoit un animal d’un caractère très doux, dont les mouvements étoient empreints de langueur, et dont la voix faisoit entendre les sons rauques et brefs de ho, ho, ho. LES SAPAJOUS, OU LES HÉLOPITHÈQUES. Cebus. Aucr. (1). Sous ce nom on désigne la tribu des singes amé- ricains ou platyrrhinins de M. Geoffroy Saint-Hi- (:) Cet article, rédigé en entier par M. Isidore Geof- froy Saint-Hilaire, ct dont nous sommes redevable à son DES MAMMIFÈRES. laire, que caractérisent une cloison nasale large, des narines ouvertes sur les côtés du nez; six mo- laires de chaque côté et à chaque mâchoire, ce qui porte le nombre total des dents à trente-six ; des on- gles aplatis; point d’abajoues ni de callosités; la queue longue, fortement musclée, et prenante, c’est-à-dire pouvant s’enrouler autour des corps et les saisir à l'instar d’une main. Ce dernier caractère est le seul qui soit propre aux sapajous ou hélopi- thèques, et qui les distingue des sagouins ou géo- pithèques : encore peut-on considérer le genre sapajou proprement dit ou sajou ( cebus), dont la queue est entièrement velue et foiblement prenante, comme formant un passage entre les deux groupes, et les liant de la manière la plus intime. Les sapa- jous et les sagouins sont donc très rapprochés les uns des autres par leur organisation, et ne sont véritablement que deux sections d’une même fa- mille naturelle. Presque toutes les considérations sommaires que nous pourrions présenter sur les uns étant ainsi également applicables aux autres, nous renverrons aux généralités relatives aux SINGES (p.164 de ce vol.) le petit nombre de remarques qui appartiennent à ces deux groupes; et nous nous attacherons principalement dans cet article à faire connoitre l’organisation et les mœurs de chacune des tribus dont nous avons à nous occuper. Ces genres seroient, suivant l’état présent de la science, au nombre de quatre; mais un cinquième parfaite- ment distinct, et très remarquable par plusieurs anomalies, doit être ajouté : nous en exposerons les caractères sous le nom d’eriodes. Parmi les cinq genres qui se trouveront ainsi décrits dans cet arti- cle, les quatre premiers, stentor, ateles, eriodes et lagothrix , ont la queue nue et calleuse en dessous vers son extrémité, et forment une première section à laquelle on peut donner avec Spix le nom de gym- nures. Le cinquième compose à lui seul une seconde section que caractérise sa queue entièrement velue ; c'est le genre cebus, que l’on nomme en francois sa- Pajou proprement dit, on mieux sajou. Nous dé- crirons d’abord les genres de la première section. $ Ter. SAPAJOUS A QUEUE NUE ET CALLEUSE. Gymnury. Srix. 4e 2 Le à Si l’on excepte les cétacés et les kanguroos, il n’est point de mammifères chez lesquels la queue ac- quière une aussi grande force et remplisse d’aussi obligeance, est l’histoire abrégée la plus complète et la plus au courant de la science de cette famille de singes. 261 importantes fonctions. Cette partie, qui n'existe or- dinairement que rudimentaire et qui n’a presque toujours que des usages tout-à-fait secondaires, ou même entièrement nuls, devient, chez les sapajous, un instrument tout-puissant de préhension; c’est, en quelque sorte, une cinquième main à l’aide de laquelle l’animal peut, sans mouvoir son corps, aller saisir au loin les objets qu’il veut atteindre, ou se suspendre lui-même äux branches des arbres. L’étendue de la partie calleuse de la queue, toutes choses étant égales d’ailleurs, paroït se trouver dans un rapport assez exact avec la force de pré- hension de cet organe ; et comme elle est très con- stante pour chaque espèce, elle pourroit fournir d'excellents caractères spécifiques. Toutefois elle n’est sujette qu’à de bien légères variations, non seulement d’une espèce à l’autre, mais même entre deux genres différents. Ainsi la partie nue et cal- leuse comprend toujours le tiers environ de la queue chez les hurleurs et les atèles, et les deux cinquiè- mes chez les ériodes. Un autre trait commun à tous les sapajous de cette première section consiste dans le peu de largeur de leur nez; des narines sont ouvertes latéralement comme chez tous les autres singes américains, mais elles sont en général beau- coup plusrapprochées que chez les sapajous à queue velue et chez tous les singes américains à queue non prenante; et nous verrons même que ce Carac- tère est tellement exagéré dans le genre ériodes, que la disposition de ses narines le rend véritable- ment plus voisin des singes catarrhinins que des platyrrhinins. Cette remarque très curieuse a déjà été faite à l'égard d’une espèce, par Spix; elle doit être étendue à tous les ériodes. Quant aux formes du crâne , elles sont très variables dans cette pre- mière section des sapajous; cependant tous les genres ont cela de commun que la portion posté- rieure de la boîte cérébrale est très peu développée, et que l’os molaire ou jugal est constamment percé d’an trou très considérable dans sa portion orbitaire, au lieu du trou plus ou moins rétréci qui existe or- dinairement. La grandeur de ce trou n’est pas sans quelque importance, parce que, d’après l’analogie, il doit donner passage à une branche du principal nerf de la face, le trijumeau; et il est à remarquer que tout au contraire le trou sous-orbitaire est très exigu, ou plutôt se trouve remplacé par plusieurs ouvertures très petites; ce qui au reste est un Ca- ractère très général dans la famille des singes. Une autre condition organique, qui est commune à tous les sapajous à queue nue, consiste dans l'ampleur de leur hyoïde. C’est même dans l'un des genres de ce groupe, celui des hurleurs, que le corps de cet os arrive à son maximum de développement, ainsi que nous allons le montrer en présentant l'his- toire de ces singes, 262 LES HURLEURS OU ALOUATES, Stlentor. Ce genre, très naturel et très bien circonscrit, est caractérisé par ses membres d’une longueur moyenne, et tous terminés par cinq doigts; par son pouce antérieur de moitié moins long que le se- cond doigt, très peu libre dans ses mouvements et à peine opposable, et surtout par les modifications très remarquables de son crâne et de son os hyoïde. La tête est pyramidale, le museau allongé, le vi- sage oblique. L’angle facial est seulement de trente degrés ; et le plan du palais forme, avec celui de la base du crâne, un angle tel, que lorsqu'on pose la tête osseuse d'un hurleur sur les bords dentaires de la mâchoire supérieure , c’est-à-dire lorsqu'on met le palais dans un plan horizontal, le trou occipital se trouve placé au niveau de la partie supérieure des orbites. Ce trou est d’ailleurs remarquable par sa position ; il est reculé très en arriere, et dirigé verticalement au lieu de l’être horizontalement, en sorte que, bien loin d’être compris dans la base du crâne, il lui est perpendiculaire. La mâchoire in- férieure cst développée à l'excès, soit dans son corps, soit surtout dans ses branches ; celles-ci sont tellement étendues en largeur et en hauteur que leur surface est presque égale à celle du crâne tout entier. Elles forment ainsi deux vastes parois com- prenant entre elles une large cavité dans laquelle se trouve logé un hyoïde modifié d’une manière non moins remarquable. Le corps de l'os est trans- formé en une caisse osseuse à parois très minces et élastiques, présentant en arrière une large ouver- ture sur le côté de laquelle sont articulées deux paires de cornes, et figurant à peu près, lorsqu'elle a atteint son dernier degré de développement, une moitié d’ellipsoide. Cette caisse avoit, dans l’un des hyoïdes que nous avons examinés, deux pouces environ dans son diamètre antéro-postérieur, un et demi dans son diamètre transversal, et deux anté- rieurement dans son diamètre vertical ; et il n’est pas rare d'en voir de plus volumineuses encore. Aussi, ce qui est une suite de cet énorme accroissement, le corps de l’hyoïde dépasse en bas la mâchoire in- férieure, et forme au-dessous d’elle une saillie re- couverte extérieurement et cachée par une barbe longue et épaisse. La grande influence qu’exerce dans la production de la voix cette conformation singulière de l’hyoïde des hurleurs n’a point en- core été expliquée d’une manière entièrement sa- tisfaisante ; mais elle ne peut être révoquée en doute. Le larynx ne diffère de celui des sajons que par l'existence de deux poches membraneuses dans les- quelles s'ouvrent les ventricules, et qui se portent HISTOIRE NATURELLE vers l’hyoïde. Ces poches ont été décrites par Cam- per et Vicq-d’Azyr; et plus tard par M. Cuvier (Anat. comp., t. iv), qui, d’après de nouvelles re- cherches, a relevé quelques erreurs qui s’étoient glissées dans les observations de ses illustres pré- décesseurs, et qui a fait connoître quelques faits fort intéressants. Ainsi ce dernier anatomiste nous apprend que, dans l'individu qu'il a disséqué, la poche droite occupoit à elle seule presque toute la cavité de l’hyoïde, la gauche se terminant au mo- ment même où elle alloit y pénétrer; en sorte que les organes vocaux n’étoient pas symétriques, et présentoient une exception remarquable à l’un des caractères les plus généraux des appareils qui ap- partiennent en propre à la vie animale. Quoi qu’il en soit, au reste, de cette observation que nous nous bornons à présenter ici, il est certain que c’est aux modifications anatomiques de leur hyoïde que les hurleurs doivent la force extrême de leur voix qui se fait entendre à plus d’une demi-lieue à la ronde, ainsi que l’assurent tous les voyageurs. Cette voix est rauque et désagréable; d’Azara la compare au craquement d’une grande quantité de charrettes non graissées, et d’autres voyageurs aux hurlements d’une troupe de bêtes féroces. Ces singes se. font entendre de temps en temps dans le courant de la journée; mais c’est surtout au lever et au coucher du soleil, ou bien à l'approche d’un orage, qu'ils poussent des cris effrayants et prolon- gés : ceux qui n’y sont pas accoutumés croient alors, dit un voyageur, que les montagnes vont s’écrouler. Marcgraaff donne aussi à ce sujet quelques détails que nous rapporterons, sans toutefois nous porter garant de leur exactitude ; il assure qu’un individu se fait d’abord entendre seul, après s’être placé dans un lieu élevé, et avoir fait signe aux autres de s'asseoir autour de lui et de l'écouter : « Dès qu’il les voit placés, dit le voyageur saxon, il commence un discours à voix si haute et si précipitée, qu’à l'entendre de loin on croiroit qu’ils crient tous en- semble ; cependant il n’y en a qu’un seul ; et pendant tout le temps qu’il parle, tous les autres sont dans le plus grand silence; ensuite lorsqu'il cesse il fait signe de la main aux autres de répondre, et à l’in- stant tous se mettent à crier ensemble jusqu’à ce que, par un autre signe de main, il leur ordonne le silence. Dans le moment ils obéissent et se tai- sent ; alors le premier reprend son discours, et ce n’est qu'après l’avoir encore écouté bien attentive- ment qu'ils se séparent et rompent l'assemblée. » Quelques voyageurs assurent que les hurleurs se taisent lorsqu'on approche d’eux ; quelques autres affirment , au contraire, qu’ils redoublent alors leurs cris, et font un bruit épouvantable qui de- vient leur principal moyen de défense quand on les attaque. Ils cherchent en même temps à éloigner DES MAMMIFÉÈRES. 263 l’agresseur en lui ‘jetant des branches d’arbres, et aussi en lançant sur lui leurs excréments, après les avoir reçus dans leurs mains. Au reste, ces animaux, dont le nombre est si considérable que, suivant un calcul de M. de Humboldt, il y en a, dans certains cantons, plus de deux mille sur une lieue carrée, sont assez rarement attaqués par les chasseurs. Leur peau est, il est vrai, employée quelquefois au Brésil, dans les Cordilières, pour recouvrir les selles et le dos des mulets ; mais leur chair paroît être d’un goût peu agréable, quoiqu’on l'ait comparée à celle du lièvre et à celle du mouton. Comme ils se tiennent toujours sur les branches élevées des grands arbres, les flèches et les armes à feu peuvent seules les atteindre; encore, avec leur secours même, a-t-on beaucoup de peine à se pro- curer un certain nombre d'individus, parce que, s’ils ne sont pas tués sur le coup, ils s’accrochent avec leur queue à une branche d’arbre, et y restent suspendus , même aprés leur mort. Les femelles des hurleurs, de même que celles des autres singes américains, ne paroïissent point sujettes à l'écoulement périodique, et elles ne font qu’un seul petit qu'elles portent sur leur dos. D’Azara assure que, lorsqu'on pousse près d’elles de grands cris, elles abandonnent leurs petits pour s’enfuir plus ra- pidement; et quelques autres voyageurs rapportent aussi des observations d’où il résulteroit que l'instinct de l’amour maternel a sur elles beaucoup moins de pouvoir que sur toutes les autres femelles de singes. Cependant nous trouvons, dans le grand ouvrage de Spix sur les singes du Brésil, un fait dont ce voyageur nous dit avoir été lui-même témoin, et qui tendroit à faire adopter une opinion toute contraire. Ayant fait à une femelle une blessure mortelle, il la vit continuer à porter son petit sur son dos jusqu’à ce qu’elle fût épuisée par la perte de son sang; se sen- tant alors près d’expirer, elle rassembla le peu de force qui lui restoit, pour lancer son précieux fardeau sur les branches voisines, et tomba presque aussitôt ; trait qui, ajoute Spix, suppose une sorte de réflexion. L'auteur de l'Histoire des Aventuriers, Oexmelin, affirme aussi que les femelles sont remarquables par leur attachement pour leurs petits, et qu’on ne peut se procurer de jeunes individus qu’en tuant leurs mères. Ce dernier auteur ajoute que les hurleurs sa- vent s’entr’aider et se secourir mutuellement pour passer d’un arbre ou d’un ruisseau à l’autre, et que, lorsqu'un individu est blessé, on voit les autres s’as- sembler autour de lui, mettre leurs doigts dans la plaie comme pour la sonder ; alors, si le sang coule en abondance, quelques uns ont soin de tenir la plaie fermée, pendant que d’autres apportent des feuilles qu’ils mâchent, et poussent adroitement dans l’ou- verture de la plaie. « Je puis dire, ajoute Oexmelin, avoir vu cela plusieurs fois, et l’avoir vu avec ad- miration. » Les hurleurs , comme la plupart des sin- ges, vivent en troupes et se tiennent habituellement sur les arbres; on a même prétendu qu’ils n’en des- cendent jamais. Spix affirme qu’ils sont monogames ; mais le contraire semble résulter des observations de d’Azara. {ls sautent avec agilité d’une branche à l’autre, et se lancent sans crainte de haut en bas, bien certains qu’ils sont de ne pas tomber jusqu’à terre, et de s’accrocher où il leur plaira, au moyen de leur queue à la fois longue, bien flexible et robuste. Ils se nourrissent de différentes espèces de fruits et de feuilles, et l’on assure qu’ils mangent quelquefois aussi des insectes. Bien loin de redouter le voisinage des grands amas d’eau, comme le font un grand nom- bre de singes, ils se plaisent dans les forêts les plus rapprochées des fleuves et des marais; c’est ce qui a été vérifié également au Paraguay par d’Azara, au Brésil par Spix, et à la Guiane par un observateur que Buffon cite sans le nommer, et qui est très vrai- semblablement le voyageur de Laborde. Suivant ce dernier, on trouve conmunément des alouates (sten- tor seniculus) dans les îlots boisés des grandes sa- vanes noyées, et jamais sur les montagnes de l’inté- rieur, Enfin M. de Humboldt, dont l'autorité suffiroit seule pour établir ce fait, l’a constaté également dans plusieurs parties de l'Amérique espagnole. Dans les vallées d’Aragua, à l’ouest de Caraccas, dans les Llanos de Lapuré et du Bas-Orénoque, et dans la province de la Nouvelle-Barcelone, on trouve des hurleurs partout où des mares d’eau stagnante sont ombragées par le sagoutier d'Amérique. On ne doit donc pas s'étonner, quoique la plupart des singes appartiennent exclusivement aux régions continen- tales, que quelques îles renferment des hurleurs. Telle est, d’après le voyageur Legentil, l'ile Saint- George, située à deux lieues du continent. Enfin, en terminant ce qui concerne les habitudes des hur- leurs, nous dirons que ce sont des animaux tristes, lourds, paresseux, farouches et d’un aspect dés- agréable. Ilest rare, pour cette raison, et sans doute à cause de leur voix, qu’on cherche à les apprivoi- ser, et il est plus rare encore qu’on y réussisse. Ils paroïissent en effet s’habituer très difficilement à vivre en domesticité ; et c’est ce qui nous explique pour- quoi on ne les amène jamais vivants dans nos cli- mats, malgré la fréquence des relations commerciales de l'Europe avec plusieurs des régions américaines où ils sont le plus communs. Ce genre, comme on a pu le voir par ce qui pré- cède, répandu dans presque toute l'Amérique mé- ridionale, avoit d’abord été établi sous le nom de cebus par MM. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, dans le Mémoire qu’ils ont publié en commun sur la classification des singes (Magas. encyclop.); mais le nom de cebus ayant été depuis transporté au genre des sajous ou sapajous proprement dits, nous adop- 264 terons, à l'exemple de M. de Humboldt, de Desma- rest (Dict. des Sc. nat.), et de plusieurs autres natu- ralistes, le nom de stentor proposé par M. Geoïfroy Saint-Hilaire. Ce nom, déjà ancien dans la science, rappelle d’une manière heureuse le trait le plus re- marquable des burleurs; et nous le prélérons aux noms d’alouata ct de mycetes créés Pun par Lacé- pède, l’autre par Illiger. Le nombre des espèces déjà connues, ou du moins indiquées par les auteurs, est assez considérable. M. de Humboïdt et M. Geoffroy en admettoient six, et depuis la publication de leurs travaux, quelques autres ont été annoncées par plu- sieurs écrivains, tels que Kuhl et Spix. Au surplus, il est très possible que le nombre réel des espèces soit beaucoup moindre qu’on ne l’a pensé. El est cer- tain que les hurleurs sont sujets à un grand nombre de variétés dépendant du sexe et de l'âge; et il est probable que plusieurs de ces variétés auront été éri- gées en espèces, comme on est porté à le faire toutes les fois qu’on n’a sous les yeux qu’un petit nombre d'individus. Pour nous, après l’examen de vingt crânes et de plus de quarante peaux, nous n'avons pu parvenir à déterminer, d’une manière exacte, que quatre espèces, savoir : les stentor seniculus et niger de M. Geoffroy, le stentor ursinus de M. de Hum- boldt, et une espèce non encore décrile que nous ferons connoître sous le nom de chrysurus. L'ALOUATE (1). On lui a quelquefois donné le nom de hurleur roux; nom que nous ne pouvons adopter, parce qu’il con- vient également à plusieurs espèces, IL se distingue de la plupart de ses congénères par la nudité presque complète de sa face où l’on remarque seulement des poils très courts et très clair-semés au-dessous des yeux et entre les orbites, sur la ligne médiane. Le corps est, en dessus, d’un fauve doré éciatant qui, vers la base de la queue et près des cuisses et des épaules, se change en roux brillant. La barbe, les joues, les bras, les cuisses et la partie supérieure des jambes, sont d’un marron clair très vif, et le reste des membres, le dessus de la tête et de la queue sont d'un marron foncé tirant un peu sur le violet. Les poils de la partie antérieure de la tête naissent du front, et se portent d'avant en arrière et de dedans en dehors. Un autre centre de poils se remarque vers la fin du cou. Il y existe en effet un point à partir duquel les poils du côté droit se portent à droite, ceux de gauche à gauche, ceux du dos ou les posté- rieurs en arrière, ceux du cou ou les antérieurs en avant. Les poils du cou et de la partie postérieure de () Buffon, t. VI: stentor senieulus, Geoffroy Saint- Hilaire ; simia seniculus , Liniæus. HISTOIRE NATURELLE la tête se dirigent ainsi précisément en sens inverse de ceux de la partie antérieure, d’où résulte, à l’en- droit où ils se rencontrent, une crête dont la direc- tion est transversale, et la forme demi-circulaire. Les poils des joues se portent en avant et en bas ; ceux de la queue, des membres postérieurs et des bras descendent; ceux de la face externe de l’avant-bras remontent au contraire, comme chez l’homme : ca- ractères remarquables qui se trouvent chez tous les hurleurs, quoique inégalement prononcés. La lon- gueur d’un individu adulte, mesuré du bout du mu- seau à l’origine de la queue, est de deux pieds envi- ron , et la queue est un peu plus longue. Les jeunes individus ont le corps uniformément d’un roux bru- pâtre. Cette espèce habite la Guiane, où on la connoît sous le nom de sirige rouge et de mono colorado. LE HURLEUR A QUEUE DORÉE. Stentor chrysurus. 1$. GEOrr. + Cette espèce paroît avoir été confondue avec la précédente, dont elle diffère moins par la nuance que par la disposition de ses couleurs. La dernière moilié de la queue et le dessus du corps, depuis l’origine de la queue jusqu’un peu en arrière des épaules, sont d’un fauve-doré très brillant; l’extré- mité de la queue est d’un marron assez clair ; et le reste du corps, la tête tout entière, et les membres, sont d’un marron très foncé, principalement sur les membres, où il prend une teinte violacée. La face est un peu moins nue que dans l’espèce précédente. Elle se distingue d’ailleurs très facilement de celle- ci; en effet, le tête et les membres sont d’une seule couleur, et la queue et le dessus du corps de deux couleurs, cuez le stentor chrysurus, tandis que chez le stentor seniculus la tête et les membres sont de deux couleurs, et la queue et le dessus du corps d’une seule. De plus, le stentor chrysurus est sensible- ment plus petit, et il diffère même un peu par ses proportions ; sa queue forme seulement la moitié de sa longueur totale, et elle est par conséquent un peu plus courte que chez le stentor seniculus, et sa partie nue est proportionnellement un peu plus étendue. Cette espèce nous est connue par trois individus, dont deux adultes, entièrement semblables, et un jeune différant seulement par la nuance un peu moins claire de sa queue; peut-être le premier âge est-il géné- ralement brunâtre comme dans l’espèce précédente. C’est par l’examen de leurs pelleteries que nous les avons d’abord déterminés comme se rapportant à une espèce non encore décrile; depuis, la comparaison de leurs crânes avec ceux de leurs congénères nous a confirmé dans notre opinion. Il existe en effet plu- sieurs différences, dont les plus remarquables sont DES MAMMIFÈRES. les suivantes : la partie antérieure de la tête a moins de largeur que dans le slentor seniculus, et se dé- tache ainsi davantage de la portion moyenne. Par suite de cette modification, le palais devient plus étroit; mais en revanche il s'étend davantage en ar- rière, d’où il suit que les arrière-narines sont plus couvertes, et que leurs orifices sont placés dans un plan presque vertical, au lieu de l’être dans un plan très oblique. Les rangées des dents, plus longues que chez les autres espèces, sont parallèles entre eiles, principalement à la mâchoire inférieure. La sym- physe de cette mâchoire est aussi remarquable par sa direction très oblique en arrière, et son bord in- férieur est tellement sinueux qu’elle ne peut soute- nir la tête sur un plan horizontal, tandis que, chez le seniculus, la mâchoire inférieure, en posant sur Ja symphyse et son bord inférieur, fournit à la tête une base très solide. Enfin les apophyses zygomati- ques sont plus larges que chez aueun autre hurleur. Cette espèce, sous le nom d’aragualo, a été envoyée des Antilles au Muséum royal d'histoire naturelle par feu Plée. Il est cependant certain qu'elle n’ha- bite pas cet archipel où il n'existe point de singes, comme nous apprennent tous les voyageurs, et comme nous l’a confirmé M. Moreau de Jonnès dans une note qu’il a bien voulu nous communiquer sur les singes américains. Ce n’est que tout récem- ment que nous sommes parvenu à connoître la patrie du stentor chrysurus : cette patrie est la Colombie. a L'OURSON. Slentor ursinus. GEOrr. Sainr-Hir. Il a été décrit et figuré pour la première fois par M. de Humboldt dans son grand ouvrage zoologi- que, sous le nom de simia ursina. Son pelage, com- posé de poils plus longs et plus abondants que dans les autres espèces, est d’un roux doré à peu près uniforme, la barbe étant seulement plus foncée, et renfermant à son centre des poils d’un noir profond. Ses proporlions sont les mêmes que celles de l’alouate ; mais il est un peu plus petit. Sa face est beaucoup plus velue que celle des espèces précéden- tes ; des poils abondants se remarquent au-dessous des yeux jusqu’auprès de la ligne médiane, ct il n’y a guère que le tour de la bouche et le tour des yeux qui soient entièrement nus. Ces caractères sont les seuls que l’on puisse assigner à cette espèce, dans laquelle la nuance du pelage , et même la quantité proportionnelle des poils de la face, sont très varia- bles. Les jeunes individus sont bruns. L'ourson est commun au Brésil ; et c’est d’après un individu ori- ginaire de cette contrée, que M, de Humboldt l’a LE i Li 265 figuré dans son recueil de Zoologie. Il existe aussi, suivant ce célèbre voyageur, dans le voisinage de l’Orénoque, et il est connu dans la Terre-Ferme sous le nom d’arazuato. Ce nom est aussi celui de l’es- pèce précidente; ce qui prouve que. les deux bur- leurs sont confondus dans leur patrie, ou bien qu’a- raguato est une dénomination que l’on donne en commun aux diverses espèces de hurleurs, et non une désignation qui appart'enne en propre à telle ou telle espèce. Cette remarque peut servir à montrer, par une preuve nouvelle, combien l’usage qui sem- ble prévaloir depuis quelques années, d'adopter des noms de pays pour termes spécifiques, est nuisible aux intérêts de la science, et propre à amener dans la synonvmie-une dangereuse confusion, LE HURLEUR BRUN. Stentor fuscus. GEOFr. SAINT-HIL. Il est d’un brur marron; le dos et la tête passant au marron pur, et la pointe des poils étant dorée. Ii habite le Brésil comme l'ourson, et, comme lui, est sujet à un grand nombre de variétés ; aussi est-il extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de le distinguer d’une manière nette et précise des autres espèces, et surtout de l’ourson. C’est à cette espèce qu’on rapporte l’ouarine de Buffon et le simia beelzebul de Gmelin, qu'il faut bien se garder de confondre avec l’atèle belzébuth. LE HURLEUR AUX MAINS ROUSSES, Stentor rufimanus. DEsx. (1). Il est généralement noir, avec les quatre pieds et la dernière moitié de la queue de couleur rousse. La face et le dessous du corps sont nus. Cette es- pèce, à laquelle on doit, suivant Spix, rapporter le guariba de Marcsraaff que tous les autres auteurs réanissent au stentor fuscus, présenté aussi un grand nombre de variétés. Nous pensons qu’on doit lui réunir le mycetes discotor de Spix, décrit et figuré ( pl. 55) dans le riche ouvrage que ce naturaliste a publiésur les singes et les chauves-souris du Brésil. Ce hurleur habite les forêts voisines de la rivière des Amazones, et a, suivani la description de Spix, le pelage généralement brun, avee les mains rous- ses. La patrie de l'individu de Kuhl n’est pas con- nue; mais l’espèce existe très vraisemblablement dans plusieurs parties du Brésil. () Mycetes rufimanus, Kubl, CA 231 266 LE HURLEUR A QUEUE NOIRE ET JAUNE. Stentor flavicaudatus. GEorr. Sainr-His. (1), Cette espèce, distinguée par M. de Humboldt, habite par bandes les rives de l’Amazone, dans les provinces de Jaën et de Maynas, et est connue sous le nom de Choro. Elle est généralement d’un brun noirâtre, avec deux stries jaunes sur les côtés de la queue ; la face, d’un brun jaunâtre, est peu garnie de poils. La queue est plus courte que le corps. En" —————…—"…—"—…—…"—"…"…" LE HURLEUR NOIR. Stentior niger. GEOFF. SaiNT-Hi. C'est très probablement le caraya de d'Azara. Le mâle adulte est uniformément noir ; seulement la queue est couverte à sa face inférieure de poils jau- nes à pointe noire. La face est revêtue presque par- tout de poils, mais ces poils sont très courts et très peu abondants. Les jeunes et les femelles diffèrent beaucoup des mâles; ils sont d’un jaune de paille à la face inférieure du corps, sur les flancs , sur les membres (à l'exception des mains), et sur la tête. Le dos est vêtu de poils noirs, avec la pointe jaune, paroïissant dans leur ensemble d’un fauve cendré. Cette espèce habite le Brésil, et se distingue, outre les traits caractéristiques que nous venons d’indi- quer, par sa taille (elle n’a qu’un peu plus d’un pied et demi du bout du museau à l’origine de la queue ) et par la callosité de sa queue, qui comprend moins du dernier tiers. Son crâne nous a présenté les carac- tères suivants : le museau est étroit comme chez le stentor chrysurus, mais seulement en devant; il suit de là que le palais est beaucoup plus large en arrière qu’en avant, et que les deux rangées de dents, bien loin d’être parallèles comme chez le chrysurus, se rapprochent beaucoup antérieure- ment. Nous pensons que l’on doit rapporter à cette espèce le #yreles barbatus de Spix (loc. cit., pl. 52 et 55 ), qui différeroit cependant, suivant les obser- vations de ce voyageur, par l’étendue plus considé- rable de la callosité de la queue; et l’arabate, sten- tor stramineus de Geoffroy et de tous les auteurs françois, qui, d’après l'examen comparatif que nous avons fait des peileteries et des crânes de plusieurs individus, nous paroîit être la femelle ou le jeune. Peut-être le stentor flavicaudatus n'est-il Jui-même qu’un double emploi, et ne repose-t-il que sur des individus différant par l’âge de ceux que nous avons examinés. (:) Simia flavicauda, Humboldt. HISTOIRE NATURELLE EE | | —————— LES ATÈLES. Ateles. £e genre, établi par M. Geoffroy Saint-Hilaire (Ann. du Mus.,t. VIE), se distingue au premier aspect de tous les autres singes américains ( à l’ex- ception du genre suivant) par l’état rudimentaire du pouce aux mains antérieures. Liés de la manière la plus intime, soit avec les hurleurs qui les précè- dent, soitavec les lagothriches et les sajous qui vont les suivre, ils en diffèrent cependant d’une manière bien remarquable, en ce qu’ils manquent du carac- tère essentiel, non seulement de la famille des sin- ges, mais même de tout l’ordre des quadrumanes. Les atèles n’ont point de pouces, ou n’ont que des poucesexcessivement courts aux mains antérieures ; ou, pour parler plus exactement, ils ont des pouces tellement rudimentaires , qu’ils restent entièrement ou presque entièrement cachés sous la peau : d’où leur nom d’atèles, c’est-à-dire singes imparfaits, singes à mains imparfaites. Déjà chez les hurleurs nous avions trouvé aux mains antérieures des pouces courts, peu libres dans leurs mouvements, peu op- posables aux autres doigts, et par conséquent d’un usage borné dans la préhension. Chez les atèles leur emploi devient tout-à-fait nul, aussi bien lorsque leur extrémité paroit à l’extérieur que lorsqu'ils sont entièrement cachés sous les téguments. Il semble que dans ces deux groupes de sapajous quelques unes des fonctions qu’exerce ordinairement la main aient été dévolues au prolongement caudal, et que l’ex- trême développement de ce dernier organe soit lié nécéssairement à l’atrophie plus ou moins complète des pouces. La loi du balancement des organes, dont de nombreuses applications ont déjà été faites dans nos travaux, semble donner la clef de ces faits; mais surtout elle nous explique d’une maniere frap- panteet toute directe ceux que nous allons indiquer. Chez les hurleurs, les membres sont proportionnés au corps, et les pouces ne font que s’atrophier ; chez les atèles, les membres, et plus spécialement les mains, sont d’une excessive longueur, et les pouces avortent presque complétement. Et ilest si vrai que ces deùx conditions erganiques sont liées l’une à l’au- tre, que chez les lagothriches, dont l’organisation répète presque en tout point celle des atèles, nous verrons en même temps les pouces reparoître et les mains se raccourcir. Au reste, si les membres ont une longueur considérable chez les atèles, ils sont aussi excessivement grêles ; d’où l’on a quelquefois donné à ces animaux le nom de singes-araignées, et d’où résultent pour eux des habitudes et des allures très remarquables. Leur marche, ainsi qu’il résulte DES MAMMIFÈRES. des observations de M. Geoffroy Saint-Hilaire(Ann. du Mus., t. XIII), ressemble à celle des orangs, quiont aussi des membres très longs et très maigres. Comme ces derniers ils sont obligés, lorsqu'ils veu- lent marcher à quatre pieds, de fermer le poing et de poser sur la face dorsale des doigts. Dans quelques cas, les atèles, ce qui est aussi une habitude com- mune aux orangs, ont um autre mode de progres- sion un peu plus rapide : après s’être accroupis, ils soulèvent leur corps au moyen de leurs membres antérieurs, et les projettent en avant comme font les gens qui se servent de béquilles, ou bien encore comme le font les culs-de-jatte. Ce mode de loco- motion , qui rappelle aussi celui des kanguroos lors- qu’ils marchent à quatre pieds, est très remarqua- ble, en ce que les membres de derrière ne jouent qu'un rôle absolument passif, et que la longueur considérable de ceux de devant , qui est en général une cause de gêne et de lenteur dans la progression, devient ici une circonstance extrêmement favorable. Les atèles, semblables aux orangs par leurs mem- bres longs et grêles ct par leur mode de progres- sion, se rapprochent aussi à divers égards des autres genres qui tiennent avec les orangs le premier rang parmi les singes de l’ancien monde. Quelques rap- ports entre eux et les gibbons ont été signalés par M. Desmarest, et aussi entre eux et les semnopi- thèques par M. Fr. Cuvier ; etil est certain, comme la remarqué M. Geoffroy, qu’il existe quelque res- semblance entre leur crâne et celui du troglodyte. La boîte cérébrale est arrondie et volumineuse, et forme près des deux tiers de la longueur totale du cràne. L’angle facial est de soixante degrés environ. Les orbites, larges et profondes, sont en outre re- marquables chez les vieux individus par une sorte de crête existant à la portion supérieure et à la por- tion externe de leur circonférence. La mâchoire in- férieure est assez haute, et ses branches sont larges, quoique beaucoup moins que chez les hurleurs. L’ou- verture antérieure des fosses nasales est de forme ovale; et il est à remarquer qu’une partie de leur contour est formée par les apophyses ascendantes des os maxillaires, les intermaxillaires ne montant pas jusqu'aux os du nez, et ne s’articulant pas avec eux, comme cela a lieu chez la plupart des singes, et particulièrement chez les hurleurs, les lagothri- ches, les sajous, et même chez quelques espèces, jusqu’à ce jour confondues avec les véritables atèles, et que nous décrirons plus bas sous le nom d’ériodes. Tous ces caractères ont été vérifiés sur plusieurs in- dividus, et nous les avons constamment retrouvés sur tous les crânes que nous avons examinés. C’est au contraire sur un seul, appartenant à un mâle pres- que adulte de l’ateles pentadactylus, que nous avons reconnu un fait que nous ne pouvons regarder que comme une anomalie, celui de l’existence de sept 267 molaires au côté droit de l’une et de l’autre mâchoire. On verra plus loin que M. Geoffroy Saint-Hilaire a déjà signalé chez un très vieux sajou une semblable exception à l’un des caractères les plus généraux des singes platyrrhinins, puisqu'il se rencontre non seu- lement dans les cinq genres du groupe des hélopi- thèques, mais aussi chez les géopithèques. Enfin, pour terminer ce qui concerne le système osseux, nous dirons que les vertèbres caudales sont au nom- bre de plus de trente, et qu’elles forment plus de la moitié du nombre total des vertèbres ; qu’elles sont (principalement les premières) hérissées de nom- breuses et fortes apophyses ; que les os longs des membres sont au contraire grêles, et ne présentent sur leur corps ni crêtes ni aspérités; ce dont la loi du balancement des organes rend très bien compte, vu leur extrême développement en longueur ; enfin que les phalanges sont courbes, leur convexité étant en dessus; ce qui est un rapport de plus, et un rap- port très remarquable avec les genres orang et gib- bon. L’hyoïde ressemble aussi à celui d’un grand nombre de singes de l’ancien monde, tels que les guenons et les cynocéphales. Son corps est une lame très étendue de haut en bas, et recourbée sur elle- même d'avant en arrière. C’est en petit un arrange- ment analogue à celui qui caractérise d’une manière si remarquable les hurleurs. Au reste cette ressem- blance anatomique, quoique très réelle, n’entraîne point une ressemblance dans la voix. Celle desatèles, aussi bien que celle des genres suivants, est ordinai- rement une sorte de sifflement doux et flûté qui rap- pelle le gazouillement des oiseaux. Nous passons maintenant à l'examen de quelques caractères qui distinguent plus particulièrement les atèles, soit des lagothriches, soit surtout du genre auquel nous donnons le nom d’ériodes. Leurs mo- laires sont aux deux mâchoires petites et à couronne irrégulièrement arrondie ; et, ce qui est surtout à re- marquer, les incisives supérieures sont de grandeur très inégale, celles de la paire intermédiaire étant à la fois beaucoup plus longues et beaucoup plus larges que celles de la paire externe. Les inférieures, ran- gées à peu près en demi-cercle de même que les su- périeures, sont au contraire égales entre elles ; et, toutes assez grandes, elles surpassent sensiblement en volume les molaires. Les ongles sont élargis et en gouttière comme chez presque tous les singes; leur forme est à peu près demi-cylindrique. Les oreilles sont grandes et nues. Les narines, de forme allon- gée, sont disposées comme chez les hurleurs; elles sont assez écartées l’une de l’autre et tout-à-fait la- térales, c’est-à-dire placées exactement sur les côtés du nez. On à déjà vu, et il importe de le rappeler ici, que les ouvertures osseuses qui leur correspon- dent sont de forme ovale, et circonscrites dans une portion de leur contour par les apophyses montantes 268 des os maxillaires. Le clitoris est excessivement vo- lumineux ; aussi arrive-t-il très fréquemment que l'on prend des femelles pour des mâles. Cet organe avoit jusqu’à deux pouces et demi de longueur sur une femelle de belzébuth récemment morte à la Mé- nagerie, et sa grosseur étoit considérable. La struc- ture du clitoris ne présente d’ailleurs rien de parti- culier, et il est nu comme à l’ordinaire. Les parties du corps et de la queue, voisines des organes sexuels, r’offrent également rien d’insolite, et sont plus ou moins velues. La queue, beaucoup plus longue que le corps, est nue en dessous dans son tiers terminal. Enfin la nature et la disposition des poils offrent des caractères que nous ne devons pas omettre, parce qu’ils permettent de distinguer, au premier aspect et avant tout examen, les atèles des deux genres suivants. Le pelage est soyeux et généralement long comme chez les hurleurs. Cependant, comme cela a lieu aussi chez ces derniers, le front est couvert de poils ras qui se dirigent, au moins en partie, d'avant en arrière. Au contraire tous les autres poils de la tête sont très longs, et se portent d’arrière en avant ; d'où résulte au point de rencontre des uns et des autres une sorte de crête ou de huppe plus ou moins prononcée, el dont la disposition varie suivant les espèces. Les atèles sont généralement doux, craintifs, mé- lancoliques, paresseux et très lents dans leurs mou- vements. On les croiroit presque toujours malades et souffrants. Cependant, lorsqu'il en est besoin, ils savent déployer beaucoup d’agilité, et franchissent par le saut de très grandes distances. Ils vivent en troupes sur les branches élevées des arbres, et se nourrissent principalement de fruits. On assure qu’ils mangent aussi des racines, des insectes, des mol- lusques et de petits poissons , et même qu’ils vont pêcher des huîtres pendant la marée basse, et en brisent les coquilles entre deux pierres. Dampier, auquel nous empruntons ce fait, et d’Acosta rappor- tent encore quelques autres circonstances propres à nous donner une haute idée de l’intelligence et de l'adresse de ces animaux. Ils afrment que lorsque des atèles veulent traverser une rivière, ou passer sans descendre à terre sur un arbre trop éloigné pour qu'ils y puissent arriver par un saut, ils s’attachent les uns aux autres par la queue, et forment ainsi une sorte de chaîne qu’ils mettent en mouvement et font osciller, jusqu’à ce que le dernier d’entre eux puisse atteindre le but où ils tendent, se fixer à une bran- che, et tirer à lui tous les autres. Leur queue, outre sa fonction la plus habituelle, celle d’assurer la sta- tion en s’accrochant à queique branche d’arbre, est employée par eux à des usages très variés. Ils s’en servent pour aller saisir au loin divers objets sans mouvoir leur corps, et souvent même sans mouvoir leurs yeux ; sans doute parce que Ja callosité jouit HISTOIRE NATURELLE d’un toucher assez délicat pour rendre inutile dans quelques occasions le secours de la vue. Quelquefois ils s'enveloppent dans leur queue pour se garantir du froid, auquel ils sont très sensibles ; ou bien ils l’enroulent autour du corps d’un autre individu. Du reste, nous n'avons jamais yu aucune espèce se servir de sa queue pour porter à sa bouche sa nourriture, suivant une habitude que les voyageurs attribuent aux atèles. Leurs mains, que l’absence du pouce, leur étroitesse et leur extrême longueur rendent d'une forme désagréable, mais qui sont loin d’être sacs adresse, remplissent constamment cette fonc- tion. Ce genre, répandu dans une grande partie de l'Amérique du sud, comprend aujourd’hui un assez grand nombre d’espèces, toules trés voisines les unes des autres et se ressemblant même pour la plupart par les couleurs de leur pelage. Ce seroit, sans au- cun doute, rompre d’une manière très fâcheuse les rapports naturels, que de séparer gérériquement les espèces qui ont aux mains antérieures un rudiment de pouce, de celles que l’on a coutume de désigner comme tétradactyles. Nous avons déjà dit que le pouce existe en rudiments chez celles-ci comme chez les premières. Or, que le pouce soit entièrement ca- ché sous la peau, ou qu'il vienne porter à l'extérieur son extrémité, qui ne voit que C’est là une circon- stance qui ne peut avoir aucune influence sur les habitudes d’un animal, et par conséquent que c’est là un caractère sans aucune valeur générique ? Nous ne croyons donc pas devoir adopter le genre court- pouce, brachyteles, proposé par Spix dans son ou- vrage déjà cité sur les singes du Brésil. Ce genre, qui seroit formé du chamek, de l’hypoxanthe et d’une autre espèce, romproit doublement les rapports na- turels; savoir, en associant au chamek l’hypoxan- the, qui appartient, comme nous le démontrerons bientôt, à un genre très différent, et, de plus, en séparant le premier du coaïta, et le second de l’arach- noïde, si rapprochés d’eux par leur organisation, que ce n’est guère que par l’absence ou la présence du pouce qu’on les distingue les uns des autres. LE COAITA (1). C’est l’espèce la plus anciennement connue. Dau- benton en a donné l’anatomie, et Buffon l’a figurée ; mais elle avoit été confondue avec d’autres atèles. Son pelage est noir, sa face de couleur de mulâtre ; ses mains antérieures sont tétradactyles. Elle a un pied neuf pouces du bout du museau à la queue, et celle-ci a deux pieds et demi. Elle habite la Guiane, où on la connoîit sous le nom de coaïta ou coata. {) Buffon, t. V, pl. 4 : ateles paniscus, Geoffroy Saint- Hilaire, Ann, du Ausc.,t, VIT: simia paniscus, Lin- næus. DES MAMMIFÉRES. 269 LE CHAMEK. Aieles pentadactylus. Georr. SanT-HiL. Il se distingue seulement du coaïta par sa queue un peu plus longue, et par ses pouces antérieurs qui paroissent au dehors sous la forme de tuber- cules ou de verrues sans ongles. Cette espèce a été connue de Buffon, mais confondue par lui avec le coaïta. M. Geoffroy Saint-Hilaire est le premier qui l'ait établie. Elle habite la Guiane , et, suivant Bui- fon, le Pérou. LE CAYOU. Ateles ater (1). Il ne se distingue du coaïta que par la couleur entièrement noire de sa face. Il paroit habiter éga- lement la Guiane. M. Geoffroy Saint-Hilaire, qui l'a le premier indiqué, le considéroit comme une simple variété. L'ATÉLE A FACE ENCADRÉE. Ateles marginatus (?). Il est généralement noir confme les espèces pré- cédentes ; mais il se distingue par une fraise de poils blancs qui entoure la face. Sa taille est à peu près la même que celle des autres espèces, mais sa queue est un peu plus courte. IL est à remarquer que chez les jeunes individus la fraise blanche n’existe pas tout entière. Cette espèce habite le Brésil, et se trouve aussi dans la province de Jaën de Bracamo- ros, d’après M. de Humboldt. En effet, le chuva de cet illustre voyageur ne diffère pas, suivant la plupart des auteurs et suivant M. de Humboldt lui- même, de l’ateles marginalus. CR LE BELZÉBUTH 6). Il est généralement noir, avec le dessous du corps et la face interne des membres d’un blanc plus ou moins jaunâtre. On doit remarquer que cette espèce n’est pas d’un noir pur comme les pré- () Er. Cuvier, Hamm. lith. (>) Geoffroy Saint-Hilaire, Ann. du Mus., t. XHII. (3) Brisson , Rég. anim. : ateles belzebuth, Geoffroy Saint-Hilaire. cédentes, mais d’un noir brunâtre. Sa taille est aussi un peu moindre; sa face est noire , avec le tour des veux couleur de chair; sa peau est noi- râtre, même sous le ventre. Plusicttrs auteurs in- diquent quelques différences entre le mâle et la femelle; mais ces différences ne sont pas constan- tes, comme nous l'avons vérifié nous -même par examen de plusieurs individus adultes de sexes différents, et cependant semblables par leurs cou- leurs. Cette espèce, qu’il ne faut pas confondre avec le sèmia belzebul de Linnæus (qui est le stentor fuscus), habite les hords de l’Orénoque. C’est l’un des quadrumanes les plus communs dans la Guiane espagnole, où on le connoît, suivant M. de Hum- boldt (Observations zoologiques , t. L), sous le nom de marimonda. Ï . L'ATÉLE MÉLANOCHÉÈIRE. è Ateles melanochir. M. Desmarest à décrit sous ce nom, dans Ja Mammalogie de l'Encyclopédie, deux atèles fe- melles que possède le Muséum, et dont le pelage est varié de gris et de noir. L’un d’eux a le dessous du corps et la face interne des membres blanchä- tres, le reste des membres et la queue presque par- tout noirâtres ; enfin le dessus du corps couvert de poils blancs dans leur première moitié, bruns dans la seconde. L'autre individu a les quatre mains, les avant-bras , les genoux et le dessus de la tête noirs; le dessus de la queuc brunâtre, le reste du pelage grisâtre. Ces deux atèles, dont l’origine est incon- nue, sont évidemment de jeunes sujets; et il sem- ble, d’après la disposition irrégulière de leurs cou- leurs, qu’ils soient en passage de l’état de jeune âge à l’état adulte. Peut-être appartiennent-ils à l’ateles belzebuth, auquel ils ressemblent par leurs propor- tions et la disposition générale de leurs couleurs, ou bien l’ateles marginatus, dont ils se rapprochent aussi à quelques égards. Malheureusement le peu de renseignements que l’on possède sur le premier âge de ces espèces nous oblige à laisser dans le doute cette question. A ———————————— "Lt L'ATÈLE MÉTIS. Ateles hybridus. Is, GEOrFr, C'est une espèce nouvelle, due aux recherches du voyageur Plée, et qui habite Ja Colombie, où on la connoît sous le nom de mono zambo (singe mé- tis), à cause de sa couleur semblable à celle des 270 métis du Nègre et de l’Iudien. Il paroît qu’elle est aussi connue, de même que le belzébuth , sous le nom de marimonda, nom commun à un grand nom- bre de singes dans l'Amérique espagnole. Le prin- cipal caractère de cet atèle consiste dans une tache blanche placée sur le front et de forme à peu près semi-lunaire, qui a environ un pouce de large sur la ligne médiane, et se termine en pointe, de cha- que côté, au-dessus de l’angle externe de l'œil. Le dessous de la tête, du corps et de toute la queue jusqu’à la callosité , et la face interne des membres, sont d’un blanc sale; et les parties supérieures sont généralement d’un brun cendré clair qui, sur la tête, les membres antérieurs, les cuisses et le des- sus de la queue, passe au brun pur, et qui, au con- traire, prend une nuance jaune très prononcée dans la région des fesses, sur les côtés de la queue et sur une partie des membres inférieurs. Cet atèle est à peu près de même taille que la plupart de ses congénères ; sa longueur, depuis le bout du museau jusqu’à l’origine de la queue, est d’un pied dix pouces ; mais Sa queue, plus courte que chez les autres espèces, mesure seulement un peu plus de deux pieds. Cette espèce nous est connue par l’exa- men d’un jeune mâle et de plusieurs femelles adul- tes. Le premier diffère seulement par la teinte plus claire des parties supérieures de son pelage, qui sont d’un cendré roussâtre, Comme lateles hybri- dus ne nous est point encore connu à l’état de mâle adulte, et comme d’un autre côté il paroitroit (d’a- près les remarques que nous avons faites dans le paragraphe précédent ) que quelques atèles, cen- drés dans leur premier âge, deviennent noirs dans leur état adulte, on pourroit supposer que les dif- férences sur lesquelles nous avons basé notre dé- termination ne sont que des différences d’âge ou de sexe, et que nos individus, par suite des dévelop- pements de l’âge, auroient pu prendre les caractères de l’une des espèces précédentes. Cette supposition ne seroit nullement fondée. Il est très probable que l’ateles kybridus ne devient jamais noir; car les fe- melles des espèces précédentes sont bien connues, et toutes sont noires comme leurs mâles; et d’ail- leurs aucun de nos individus, pas même le jeune mâle, ne présente la plus légère trace de poils noirs. Mais, il y a plus, en admettant même que ces indi- vidus appartiennent à une espèce noire dans l’état parfait du pelage, il n’en seroit pas moins certain qu’ils appartiennent à une espèce distincte de toutes celles déjà décrites. Il en est deux seulement avec lesquelles il seroit peut-être possible de la confondre alors, l’ateles belzebuth et l’ateles marginatus. Or le belzébuth n’a point de tache blanche au front, et les poils du côté de la tête et du cou sont disposés un peu différemment. Leur principal centre d’origine est toujours chez le belzébuth HISTOIRE NATURELLE à l’occiput ou à la région supérieure du cou. Chez l’atèle métis il est toujours à la région inférieure. Dans les deux espèces l'oreille est en grande partie cachée par les poils, mais chez le belzébuth c’est par de très longs poils naissant sur toute la joue depuis la commissure des lèvres et se dirigeant en arrière. Chez l’atèle métis c’est par des poils assez courts qui naissent du centre commun d’origine et se portent en avant. Quant à l’ateles marginatus, il sufliroit presque de dire qu’on en connoît le jeune mâle et la femelle ; car cela seul prouve qu’on ne saurait attribuer à l'influence de l’âge ou du sexe les différences qui nous ont servi de caractères. Nous ajouterons cependant que la portion du dessus de la tête qui est couvèrte de poils blancs et courts est beaucoup plus étendue chez l’ateles marginatus que chez l’ateles hybridus; aussi la petite huppe qui résulte de la rencontre des poils du front et de ceux du reste de la tête est-elle placée sur le milieu du crâne chez le premier, et, tout au contraire, très rapprochée des orbites chez le second. L'ATÈLE FRONTAL (1). Il à la taille de l’atèle noir, il ressemble à l’hy- bride par la coloration de son pelage. : LES ÉRIODES. Eriodes. Is. GEOFrFr. Les espèces que nous réunissons sous ce nom générique ont jusqu’à ce jour été confondues avec les véritables atèles, auxquels elles ressemblent par lextrême longueur de leurs membres, par l’état rudimentaire de leurs pouces antérieurs, toujours entièrement ou presque entièrement ca- chés sous la peau; enfin par quelques autres con- ditions organiques d’une importance secondaire. Toutefois si le nouveau genre que nous proposons aujourd’hui n’a point été établi plus tôt, c’est sans doute parce que les espèces qui doivent le compo- ser ont été jusqu’à ce jour peu étudiées, soit parce qu'elles sont en général assez rares et connues de- puis peu de temps, soit par d’autres causes. En effet les caractères qui distinguent nos ériodes des atèles sont à la fois très nombreux et, pour la plu- part, très importants, comme le prouvent les dé- tails suivants, et comme chacun pourra s’en assurer () Ateles frontalis, Benn., Proc, 1,38; ater, maculä frontali semilunari alba. DES MAMMIFÈRES. avec facilité, la description que nous avons donnée des atèles ayant été faite sous un point de vue com- paratif, et de manière à faire saisir au premier coup d'œil les caractères distinctifs de l’un et de l’autre genre. Les molaires des ériodes sont généralement très grosses et de forme quadrangulaire ; les incisi- ves sont aux deux mâchoires rangées à peu près sur une ligne droite, égales entre elles, et toutes fort petites : elles sont beaucoup moins grosses que les molaires, caractères qui sufliroient pour distinguer les ériodes de tous les autres sapajous, les hurleurs exceptés. Les ongles ressemblent autant à ceux de plusieurs carnassiers, tels que les chiens, qu’à ceux des atèles et de la plupart des singes; ils sont com- primés, et on peut les regarder comme composés de deux lames réunies supérieurement par une arête mousse. Les oreilles sont assez petites, et en grande partie velues; les narines, de forme arrondie, sont très rapprochées l’une de l’autre, et plutôt inférieu- res que latérales, à cause du peu d’épaisseur de la cloison du nez; disposition que Spix a déjà remar- quée dans une espèce, et qui fournit à notre genre ériodes l’un de ses caractères, sinon le plus appa- rent, du moins le plus remarquable. Les ériodes tiennent véritablement le milieu, par la conforma- tion de leur nez, entre les singes de l’ancien monde, ou catarrhinins, et ceux du Nouveau Monde ou pla- tyrrhinins ; et il est même exact de dire qu’ils sont, par ce caractère, plus voisins des premiers que des seconds. Les ouvertures osseuses des fosses nasales, qui sont à peu près cordiformes, présentent aussi une différence importante à l’égard des atèles. Les intermaxillaires montent jusqu'aux os propres du nez et s’articulent avec eux, en sorte que les maxil- laires ne concourent point à former l'ouverture. On seroit porté, au premier abord, à croire cette dispo- sition liée d’une manière nécessaire avec celle que présentent les narines des ériodes, d'autant mieux qu’elle se trouve aussi chez les singes de l’ancien monde. Il n’en est rien cependant ; car cet arrange- ment existe aussi presque toujours chez les singes américains, et les atèles sont même les seuls, à notre connoissance, qui ne le présentent pas. Le clitoris, moins volumineux chez les ériodes que chez ces der- niers, nous à présenté un caractère très singulier en lui-même, et que sa rareté rend plus remarqua- ble encore. Il est couvertsur ses deux faces de poils soyeux, un peu rudes, très serrés les uns contre les autres, noirâtres, longs d’un demi-pouce envi- ron à la face postérieure , et de près d’un pouce à l’antérieure. La disposition de ces poils est telle, que le clitoris ressemble à un pinceau élargi trans- versalement; et il est à ajouter que ceux de la face postérieure, se portant obliquement de dehôrs en dedans vers la pointe de l’organe, laissent d’abord entre eux un petit espace triangulaire qui semble 271 continuer le sillon de l’urètre. Il n’est pas douteux, au reste, que l’urine coule entre ces poils, non seulement parce que leur manière d’être l’indique, mais parce qu’ils sont comme agglutinés les uns aux autres. Cette disposition du clitoris se lie évidem- ment avec la particularité suivante : au-dessous de l'anus on remarque un espace triangulaire corres- pondant à la région périnéale, et plus ou moins étendu, qui se trouve nu ou couvert de poils exces- sivement courts et de même nature que ceux du cli- toris ; et tout le dessous de la base de la queue, dans la portion qui correspond à cet espace et qui s’ap- plique sur lui lorsque l’animal rapproche sa queue de son corps, est couvert de poils excessivement ras, dirigés de dehors en dedans, et formant au point où ils rencontrent ceux du côté opposé une sorte de petite crête longitudinale. L'aspect gras et luisant de toutes ces parties semble annoncer la présence d’un grand nombre de follicules sébacés ; mais n'ayant vu que des pelleteries desséchées, nous n'avons pu constater leur présence. Nous n’a- vons pu également, faute de sujets, et à notre grand regret, examiner chez le mâle le pénis et les parties environnantes. Nous ne doutons point que nous n’eussions trouvé chez lui quelque chose d’a- nalogue à ce que présente le clitoris, mais avec de notables différences; car on concevra facilement combien un gland pénien hérissé de poils rudes, comme l’est le gland du clitoris de la femelle, seroit une condition défavorable pour l'acte de l’accouple- ment. Enfin; outre toutes ces conditions organiques dont l'importance ne sauroit être constatée, les eriodes diffèrent encore des atèles par leur queue un peu plus courte, et nue dans ses deux cinquiè- mes postérieurs, et surtout-par la nature de leur pelage. Tous leurs poils sont moelleux, doux au toucher, laineux et assez courts: ceux de la tête, plus courts encore que ceux du corps et de la queue, sont dirigés en arrière, caractères précisé- ment inverses de ceux que présentent les atèles, et qui donnent aux ériodes une physionomie toute dif- férente. C’est à la nature laineuse de leurs poils que se rapporte le nom générique que nous avons adopté pour ces singes, et par lequel nous avons cherché à rappeler le plus apparent de leurs traits distinctifs. Ce genre est, dans l’état présent de la science, composé de trois espèces , toutes originaires du Bré- sil, et encore très peu connues; aucune d'elles n’a jamais été, du moins à notre connoissance, amenée vivante en Europe, depuis un individu qu'Edwards vit à Londres en 4761 , et qu’il a mentionné sous le nom de singe-araignée, sans nous transmettre à son sujet aucune remarque intéressante. Les ériodes ont été également très peu observés dans l’état sauvage. Spix, auquel on doit la découverte de l’un d'eux, 279 nous apprend seulement que ces singes vivent en troupes, et font, pendant toute la journée, retentir l'air de leur voix elaquante, et qu’à la vue du chas- seur ils se sauvent très rapidement en sautant sur le sommet des arbres. Un fait fort remarquable, et qui montre mieux que tous les raisonnements théoriques combien le voyageur que nous venons de citer brisoit les rap- ports naturels par l'établissement de son genre court-pouce, brachyteles, c’est que, sur nos trois ériodes, il en est un chez lequel il n'ya aucune trace extérieure des pouces antérieurs; un autre, chez lequel ces doigts se montrent au dehors sous la forme de tubercules sans ongles, et un autre en- tin chez lequel ils sont même onguiculés : et cepen- dant tous trois sont liés par des rapports si intimes, et se ressemblent tellement par les couleurs de leur pelage et leurs proportions, qu’on seroit presque tenté de les réunir en une seule espèce. Aussi le genre courl-pouce n’a-t-il été adopté par aucun natura- liste, quoique déjà publié depuis plusieurs années. L'ÉRIODE HÉMIDACTYLE. ” Eriodes hemidactylus. Xs. Grorr. C’est l’espèce chez laquelle il existe un petit pouce onguiculé , très grêle, très court, atteignant à peine l'origine du second doigt, et tout-à-fait inutile à l’animal. Sa longueur, depuis le bout du museau jus- qu’à l'origine de la queue, est d’un pied huit pouces, et la queue a deux pieds un pouce ; son pelage est en général d'un fauve cendré, qui prend une teinte noirâtre sur le dos; les mains et la queue sont d’un fauve plus pur que le reste des membres et le COrps ; Jes poils qui entourent l’espace nu ou couvert de poils ras, que nous avons dit exister à la base de la queue et près de l’anus, sont d’un roux ferrugineux qui ne diffère de la couleur des poils du clitoris que par une nuance plus claire; la face, qui n’est com- plétement nue que dans le voisinage des yeux, paroît être tachetée de gris sur un fond couleur de chair. Cette espèce, découverte en 4846 au Brésil par De- lalande , a toujours été confondue avec la suivante, L'ÉRIODE A TUBERCULES. Eriodes tuberifer. Is. GEorr. (1). Cette espèce se distingue facilement de la précé- dente par le caractère suivant : ses pouces rudimen- (9 Ateles hyporanthus, Pr. de Neuwied et Kuhl, Beyt. zur Zool.: brachyteles macrotarsus, Spix, Loc. cit. HISTOIRE NATURELLE taires paroissent à l'extérieur sous la forme de sim- ples tubercules, et manquent constamment d'ongles, suivant les observations des auteurs allemands ; son pelage est, comme celui des deux autres ériodes, d’un fauve tirant sur Le cendré, la queue étant d’un brun ou d’un fauve ferrugineux ; la racine de la queue étant, ainsi que la partie postérieure des cuisses, de couleur rousse; les doigts sont couverts de poils ferrugineux. Cet ériode, qui ne nous est connu que par la description des auteurs que nous avons cités, a été découvert au Brésil par le prince de Neuwied ; on lui donne généralement les nomsdemiriki, mono, et Aoupo. L'ÉRIODE ARACHNOIDE. Eriodes arachnoides. 1s. GEOFr. (1). Cette espèce est généralement d’un fauve clair, qui passe au cendré roussâtre sur la tête, etau roux doré sur l'extrémité de la queue et sur les pattes, principalement aux talons : quelques individus sont d'un fauve clair uniforme. Cet ériode, dont la taille ne diffère pas de celle de l’hypoxanthe, est connu au Brésil sous le nom de macaco vermello. LES LAGOTHRICHES., Lagothrix. Ce genre, établi par M. Geoffroy Saint-Hilaire ( Ann. du Mus., tom. XIX ), se distingue des deux “précédents par sesmembres beaucoup moins longs, et surtout par ses mains antérieures pentadactyles comme chez les hurleurs et les sajous : c’est à ces derniers qu’il ressemble par ses proportions. Les doigts sont de longueur moyenne ; et le second d’en- tre eux, ou l'indicateur, est même court; les ongles des mains antérieures sont un peu comprimés, même ceux des pouces, et ils tiennent ainsi le milieu, par leurs formes, entre ceux des atèles et des ériodes ; les ongles des mains postérieures sont, à l'exception de ceux des pouces, plus comprimés encore, et res- semblent davantage à ceux des ériodes ; ce qui est surtout apparent à l’égard des trois derniers doigts. La tête des lagothriches, qui est arrondie, et surtout leurs poils doux au toucher, très fins, et presque aussi laineux que ceux des ériodes, les rapprochent encore de ces derniers ; mais leurs incisives et leurs narines sont comme chez les atèles : leur angle facial (‘} Ateles arachnoides, Geoffroy Saint-Hilaire , Ann, du Hlus., t NH. DES MAMMIFÉRES. est de 50 degrés, et leurs oreilles sont très petites. Quant aux conditions organiques que présente le cli- toris, nous n’avons pu rien savoir à leur égard, à cause de l’état des pelleteries que nous avons exa- minées , et du défaut absolu de renseignements dans les ouvrages des voyageurs. C’est à M. de Humboldt qu'est due la découverte de ce genre encore peu connu, soit dans son orga- nisation, soit dans ses mœurs. M. de Humboldt nous apprend seulement que les lagothriches vivent par bandes nombreuses, qu’ils paroissent d’un na- turel très doux, et qu’ils se tiennent le plus sou- vent sur leurs pieds de derrière. Spix, qui depuis a retrouvé ce genre au Brésil, et qui l’a décrit sous le nom de gastrimargus, ajoute que le son de leur voix ressemble à un claquement, et qu’ils sont très gourmands. C’est à cette dernière remarque que se rapporte le nom de gastrimargus, que nous n’adop- terons pas. Nous préférons à tous égards celui de lagothrix, qui est à la fuis et le plus ancien et le plus convenable, et qui, malgré une assertion tout- à-fait erronée de plusieurs auteurs allemands, n’a jamais été appliqué à l’hypoxanthe par Les naturalis- ies du Musée de Paris. en nsne ereeng À LE LAGOTHRICHE DE HUMBOLDYT. Lagothrix Humboldtii (1). Ce singe a été décrit pour la première fois par M. de Humboldt sous le nom de caparro, simia lagothricha. X1 est haut de deux pieds deux pouces et demi; son pelage est uniformément gris, les poils étant blancs avec l'extrémité noire; le poil de la poitrine est beaucoup plus long que celui du dos , et de couleur brunâtre ; celui de la tête est au contraire très court, et de couleur plus claire que le reste du pelage. La queue est plus longue que le corps. C’est sans doute par erreur que M. de Humboldt, auquel nous empruntons ces détails, ajoute que les ongles sont tous aplatis. Cette espèce habite les bords du Rio Guaviare , et paroitse trouver aussi près de l’em- bouchure de l’Grénoque. LE GRISON. Lagothrix canus. GEdrr. SAINT-HIis. IL est d’un gris olivâtre sur le dessus du corps et la partie supérieure des membres, et d’un brun plus ou moins cendré sur la tête, la queue, les parties () Geoffroy Saint-Hilaire, Annales du Musée, t. XIX. L 275 inférieures du corps, et la portion interne desmem- bres. Sa taille est un peu moindre que celle du ca- parro. Cette espèce habite le Brésil. On doit très pro- bablement lui rapporter le gastrimargus olivaceus de Spix (loc. cit., pl. 28), et sans doute aussi un jeune lagothriche que possède le Muséum, et dans lequel le gris olivâtre est remplacé sur le dos par le gris argenté; et le brun, principalement sur latête, par le noir. LE LAGOTHRICHE ENFUMÉ. Lagothrix infumatus (1). Cette espèce, qui ne nous est connue que par la description et la figure de Spix, et que M. Tem- minck regarde comme un double emploi, est tout entière d’un brun enfumé, et habite le Brésil. 6 I. SAPAJOUS À QUEUE ENTIÈREMENT VELUE. Trichuri. Srix. Ceite seconde section ne renferme qu’un seul genre, celui des sajous ou sapajous proprement dits, cebus des auteurs modernes, qui, par sa queue en- tièrement velue et beaucoup moins forte que dans les genres précédents, tient-le milieu entre la première section des sapajous, et le premier des genres du groupe des géopithèques, celui des callitriches. LES SAJOUS OU SAPAJOUS PROPREMENT DITS. Cebus. Dans ce genre les membres sont forts, robustes et allongés, principalement les postérieurs ; aussi les sajous sautent-ils avec une agilité remarquable. Les pouces antérieurs sont peu développés, peu libres dans leurs mouvements, et à peine opposables aux autres doigts; absolument comme chez les hurleurs et les lagothriches. Les ongles sont en gouttière et peu aplatis; la queue est à peu près de la longueur du corps; quelquefois elle est entièrement couverte () Gastrimargus infumatlus, Spix , doc. cit., pl. 29. ui) 274 de longs poils; quelquefois, au contraire, sa partie terminale ne présente plus en dessous que des poils très courts, parce qu’ils se trouvent usés par l’action répétée du frottement. Du reste, jamais elle ne pré- sente une véritable callosité. L'hyoïde a sa partie centrale élargie, mais ne fait aucune saillie; la tête est assez rende; la face est large et courte, et les yeux sont très volumineux et très rapprochés lun de l’autre, principalement dans la partie profonde des cavités orbitaires. L'ouverture des fosses nasales est large, mais peu étendue de haut en bas; le palais est aussi assez évasé, et les arcades dentaires sont à peu près parallèles, soit à l’une, soit à l’autre mà- choire; les molaires sont de grandeur moyenne, au nombre de six de chaque côté et à chaque mâchoire, comme chez tous les autres sapajous. Cependant M. Geoffroy Saint-Hilaire a trouvé sur un individu très vieux, appartenant au cebus variegalus, sept molaires à la mâchoire supérieure ; anomalie très re- marquable, puisque c’est, avec celle que nous avons nous-même observée et indiquée chez un atèle, la seule jusqu’à ce jour connue. Les incisives sont ran- gées sur une ligne presque droite; celles de la paire intermédiaire sont un peu plus grosses à la mâchoire supérieure, et c'est l'inverse à l’inférieure : les ca- nines sont très fortes chez tous les vieux individus. Enfin, la boite cérébrale est très volumineuse; elle est en effet très large et en même temps très étendue d'avant en arrière ; le trou occipital est assez rentré sous la base du crâne. Ces conditions organiques sont très différentes de celles que nous avons eues à si- gnaler dans les genres précédents ; cependant les rapports qui unissent entre eux tous les sapajous sont bien réels, et ne peuvent être révoqués en doute ; peut-être même seroit-il possible de s’assurer de ce fait par l'examen des crânes eux-mêmes, surtout si, au lieu de se boruer à l’étude des crânes des adultes, on embrassoit dans son examen les têtes de tous les âges. Des observations faites sous ce point de vue nous ont fait reconnoitre de nombreuses ressem- blances entre la tête des sajous adultes et celle des jeunes atèles ; et de plus, entre celle des atèles adultes et celle des jeunes hurleurs. El sembleroit ainsi que le même type cränien, se reproduisant chez tous les sapajous, nous apparût, dans un premier degré de développement, chez les sajous; dans un second, chez les atèles (et aussi chez les ériodes et les lago- thriches); et enfin dans un troisième et dernier, chez les hurleurs. Les sajous sont des animaux pleins d’adresse et d’inteltigence; ils sont vifs et remuants, et cependant très doux, dociles, et facilement éducables. Chacun a pu se convaincre de ces faits par ses propres ob- servations, ces singes étant maintenant extrémement communs dans toutes nos grandes villes. El seroit donc tout-à-fait inutile de nous étendre sur les qua- HISTOIRE NATURELLE lités que peut développer en eux l’édueation, et c’est ce que nous éviterons. Ce qui seroit vraiment inté- ressant, ce seroit de donner quelques remarques sur leur intelligence, telle qu’elle est naturellement, et non pas telle que l’homme l’a faite. Malheureuse- ment nous ne trouvons, dans les ouvrages des voya- geurs, aucun fait digne d’être cité; tous se bornent à nousdire que les sajous sont intelligents,et n’ajoutent aucun détail. Nous essaierons de suppléer en partie à leur silence, en rapportant une observation que nous avons faite nous-même sur un individu vivant en domesticité, il est vrai, mais n'ayant reçu aucune espèce d'éducation. Lui ayant donné un jour quel- ques noix, nous le vimes aussitôt les briser à l’aide de ses dents, séparer avec adresse la partie charnue, et la manger. Parmi ces noix, il s’en trouva une beau- coup plus dure que toutes les autres : le singe, ne pouvant réussir à la briser avec ses dents, la frappa fortement et à plusieurs reprises contre l’une des tra- verses en bois de sa cage. Ces tentatives restant de même sans succès, nous pensions qu'il alloit jeter avec impatience la noix, lorsque nous le vimes avec étonnement descendre vers un endroit de sa cage où se trouvoit une bande de fer, frapper la noix sur cette bande , et en briser enfin la coquille. Cette observa- tion nous paroit digne d’être citée, car elle prouve d’une manière incontestable que notre sajou, aban- donné à lui-même et sans avoir jamais reçu aucune éducation, avoit su reconnoitre que la dureté du fer l’emportoit sur celle du bois, et par conséquent s’é- toit élevé à un rapport, à une idée abstraite. Les sajous, comme les autres sapajous, vivent en troupes sur les branches élevées des arbres, ce qui n'empêche pas qu'ils ne soient monogames; ils se nourrissent principalement de fruits, et mangent aussi très volontiers des insectes, des vers, des mol- lusques, et même quelquefois de la viande. Les fe- melles ne sont pas sujettes à l'écoulement périodique; elles ne font ordinairement qu’un seul petit qu’elles portent sur leur dos, et auquel elles prodiguent les soins les plus empressés. C’est à tort qu’on à dit que ces anitnaux ne se reproduisoient pas dans nos cli- mats: Buffon prouve par plusieurs exemples la pos- sibilité de leur fécondation en France. Quelques es- pèces ont été désignées par les voyageurs sous les noms de singes musqués et de singes pleureurs : le premier de ces noms leur vient d’une forte odeur musquée qu'ils répandent, principalement à l’époque du rut; et le second, de leur voix, devenant, lors- qu’on les tourmente, plaintive et semblable à celle d'un enfant qui pleure. Le plus souvent ils ne font entendre qu’un petit sifflement doux et flûté ; mais quelquefois aussi, principalement quand ils sont ex- cités par la colère, la jalousie, ou même la joie, ils poussent des cris perçants et qu’on a quelque peine à supporter, tant leur voix estalors forte etglapissante DES MAMMIFÈRES. 275 Ce genre, auquel tous les auteurs donnent aujour- d’hui le nom de cebus, autrefois commun à tous les sapajous, est principalement répandu dans le Brésil et la Guiane. Il nous paroit démontré qu’il renferme un assez grand nombre d'espèces, malgré lopinion de quelques auteurs ; mais il nous paroït non moins certain que plusieurs de celles qu'ont admises les naturalistes modernes ne sont réellement que de simples variétés. Il n’est point de genre dont l’his- toire offre autant de difficultés sous le rapport de la détermination de ses espèces; ou, pour mieux dire, un tel travail est absolument impossible dans l’état présent de la science, quel que soit le nombre des individus que possèdent toutes les collections, et de ceux même que nous pouvons observer vivants. On peut dire que rien n’est plus rare que de voir deux sujets absolument semblables, et qu’ilexiste presque autant de variétés que d'individus, tant les couleurs du pelage sont peu constantes. Bien plus, l’examen que nous avons fait il y a quelques mois de deux sa- jous du Brésil, l’un adulte, l’autre encore jeune, nous a Convaincu que non seulement la couleur, mais aussi la disposition des poils, varient d’une manière remerquable par l’effet des développements qu’a- mène l’âge. Ces deux individus ressemblent par leur tête, l’un au sajou brun, et l’autre au sajou cornu, et cependant ils appartiennent très certainement à la même espèce. Or, s’il en est ainsi, n’est-on pas porté à croire que les jeunes individus du cebus fatuellus, ou des autres espèces caractérisées par la disposition des poils de leur tête, ont pu donner lieu à quelque double emploi? Quant à nous, nous ne doutons pas qu’il en soit ainsi ; cependant, ne pouvant encore le démontrer, et ne possédant pas tous les éléments né- cessaires pour la solution de telles questions, nous présenterons une indication succincte des espèces admises par les auteurs. LE SAJOU BRUN (1). Pelage brun, clair en dessus, fauve en dessous - dessus de la tête, ligne qui descend sur les côtés de la face, queue et portion inférieure des membres, noirs. Longueur, depuis le bout du nez jusqu’à l’ori- gine de la queue, un pied et quelques lignes ; queue formant un peu plus de la moitié de la longueur to- tale, De la Guiane. () Buffon, &. XV : cebus apella, Erxleb.; Geoffroy Saint-Hilaire, Annales du Musée, t. XIX : simia apella, Linnæus, . LE SAJOU ROBUSTE, ü Cebus robustus. Kuhl et le prince de Neuwied ont donné ce nom à une espèce ou variété qui habite le Brésil, et qui se distingue de la précédente par sa taille un peu plus forte et par quelques légères différences de colora- tion. Nous ne voyons aucun motif pour séparer du cebus robustus le cebus macrocephatus de Spix (loc. eit., pl. 4). Tous les caractères qu'indique ce Voya- geur, tels que celui d’avoir des crêtes très prononcées sur le crâne, sont des caractères communs aux vieux individus de toutes les espèces. a ——— LE SAJOU LASCIF. Cebus libidinosus (1). Ce sajou est caractérisé ainsi par Spix : calolte brune-noire , barbe entourant en cercle toute la face ; dos, gorge, barbe, poitrine, membres (excepté les bras et les cuisses) et dessous de la queue, d’un roux ferrugineux; devant de la gorge d’un brun roux foncé ; joues, menton, doigts, d’un roux plus clair; corps d’un roux fauve, queue un peu plus courte que le corps. Du Brésil. « Cest, dit Spix, la lasci- veté qui rend ce singe remarquable; il aime à faire continuellement des grimaces en regardant certaine partie de son corps. » Il est évident qu’une telle ha- bitude étoit chez le sajou observé par Spix un ré- sultat de la domesticité, et qu’elle appartenoit à l'individu et non à l'espèce. LÉ SAJOU CORNU (’). Pelage marron sur le dos, plus clair sur les flancs, et roux-vif sur le ventre ; tête, extrémités et queue brunâtres, deux forts pinceaux de poils s’élevant de la racine du front. De la Guiane. LE SAJOU A TOUPET. Cebus cirrifer. GEorr. SAixT-His. Pelage brun-châtain; un toupet de poils très éle- vés, et disposés en fer-à-cheval, sur le devant de la tête ; poils longs, doux et moelleux. Du Brésil. (r) Spix, Loc. cit., pl. 2. () Buffon, Supplément, t. VI : cebus fatuellus , Erxleben : simia fatuellus, Linnæus, 276 HISTOIRE NATURELLE C'est près de cette espèce ou variété que doit être placé un sajou du Brésil dont nous avons parlé au commencement de cet article, et qui ressemble au cebus fatuellus dans l’état adulte, au cebus apella dans le jeune âge. Son pelage, très long et moelleux, est généralement d’un brun châtain ; mais quelques longs poils blancs se trouvent chez l’adulte mêlés parmi les poils bruns. Peut-être le sajou à toupet ne seroit-il qu’un âge intermédiaire ? LE SAJOU TREMBLEUR. Cebus trepidus. Erx1. Pelage marron ; poils de la tête relevés, disposés en coiffe, et d’un brun noirâtre ; mains cendrées. Cette espèce, plus douteuse encore que les autres, habiteroit la Guiane hollandoise : c’est le singe à queue touffue d'Edwards ( Glan., t. VIT), et le simia trepida de Linnæus. LE SAJOU COIFFÉ. Cebus frontatus. Kuuz. Pelage d’un brun noir, poils du front relevés per- pendiculairement ; des poils blancs épars sur les mains. Cette espèce, dont la patrie est inconnue, diffère très peu de Ja précédente, et doit peut-être lui être réunie. aa EE LE SAJOU A CAPUCHON. Cebus cucullatus (). Poils de la partie antérieure de la tête dirigés en avant; membres et queue presque noirs, dos et tête brunûtres ; bras, gorge, poitrine roussâtres; ventre d’an roux ferrugineux. Du Brésil et de la Guiane, selon Spix. LE EE LE SAJOU BARBU. Cebus barbatus. GEOrr. SaiNT-Hix. Pelage gris-roux, variant du gris au blanc sui- vant l'âge et le sexe; ventre roux, barbe se prolon- geant sur les joues; poils longs et moelleux. De Ja Guiane. () Spix, Loc, cit., pl. 6. M. de Humboldt rapporte cette espèce ou variété au sajou brun ; et M. Desmarest , qui l’adopte mais avec doute, pense que le sajou gris de Buffon forme une espèce particulière, à laquelle il donne le nom de cebus griseus. LE SAJOU NÉGRE. Cebus niger (!). Pelage brun ; face, mains et queues noires ; front et joues blanches. C’est, suivant M. de Humboldt, une simple variété du sajou brun. EEEEEEEEE————_————……………—… LE SAJOU MAIGRE. Cebus gracilis ). Pelage brun-fauve en dessus, blanchâtre en des- sous; vertex et occiput bruns; formes très grêéles. Cette espèce, très douteuse, habiteroit les forêts voi- sines de Ja rivière des Amazones, LE SAJOU A GROSSE TÊTE. Cebus monachus (3). Front large et arrondi, pommettes saillantes ; poi- trine, ventre, joues, face antéricure des bras, d’un blanc jaunâtre orangé; face externe des bras blan- che; avant-bras, cuisses, jambes et queue noirs; dos et flancs variés de noir et de brun; tête noire en dessus, et blanchâtre sur les côtés ; bande noire des- cendant sur les côtés de la face, comme chez le cebus apella. Cette espèce, dont la patrie est incon- nue, n’a été établie qu'avec doute par M. Fr. Cu- vier, et ne repose que sur l’examen de deux indi- vidus qui même différoient entre eux à quelques égards. LE SAJOU LUNULÉ. Cebus lunatus. KunL. Pelage noirâtre ; une tache blanche, en forme de croissant, sur chaque joue. Patrie inconnue. () Buffon, Supplément, t. VII: cebus niger, Geoffroy Saint-Hilaire. (2) Spix, Loc. cit., pl. 5. () Fr. Cuvier, Mam. lith. DES MAMMIFÈRES. LE SAJOU A POITRINE JAUNE. Cebus xanthosternos. Wiep-NEuw, Kunr. Pelage châtain, dessous du cou et poitrine d’un jaune roussâtre très clair. Du Brésil. LE SAJOU A TÊTE FAUVE. Cebus æantocephalus (1). Région lombaire, partie supérieure de la poitrine, cou, nuque et dessus de la tête, fauves ; portion moyenne du tronc, fesses et cuisses, brunes. Du Brésil. LE SAJOU FAUVE. | Cebus flavus. GEorr. Saint-Hir. Pelage entièrement fauve. Du Brésil. Le sajou blanc, cebus albus de M. Geoffroy Saint-Hilaire, n’est qu’une variété albine de cette espèce ; et le sa- jou unicolore, cebus unicolor de Spix (loc. cit, pl. 4), en est un double emploi. LE SAJOU A FRONT BLANC. Cebus albifrons. GEOrF. SAINT-HIL. (?). Pelage gris, plus clair sur le ventre; sommet de la tête noir; front et orbite blancs ; extrémités d’un brun jaunâtre. Des environs de Maypures et d’A- tures, sur les bords de l'Orénoque. LE SAJOU VARIÉ. Cebus variegatus. GEOFF. SAINT-HIL. Pelage noirâtre, pointillé de doré ; ventre roussà- tre; poils du dos bruns à la racine, roux au milieu, noirs à la pointe. De la Guiane. (") Spix, loc. cit’, pl. 3. () L’ouavapavi, simia albifrons , Humboldt. à mm LE SAI (1. Pelage variant du gris brun au gris olivâtre ; ver- tex et extrémités noirs ; front, joues et épaules d’un blanc grisâtre. De la Guiane. Cette espèce, qu’il ne faut pas confondre avec le saï de M. F. Cuvier (qui paroit être le cebus apella), est celle que les voya- geurs ont le plus souvent désignée sous le nom de singe pleureur. LE SAJOU A GORGE BLANCHE (?). Pelage noir; front, côtés de Ja tête, gorge et épauies , blancs. De la Guiane. LE SAJOU AUX PIEDS DORÉS. Cebus chrysopus (3). Nous décrivons avec quelque détail cette jolie es- pèce parce qu’elle n’est encore que très peu connue. Son pelage est formé de plusieurs couleurs dont la disposition la rapproche de Ja plupart de ses congé- nères, mais dont la nuance la distingue parfaitement. La partie antérieure du dessus et des côtés de la tête, depuis les oreilles et le devant de la tête et du cou, est d’un blanc légèrement jaunâtre; les pieds, les jambes, les régions antérieure et interne des cuisses, les mains, les bras, et une portion des avant-bras, sont d’un roux vif. Le reste des membres, le des- sous de la queue, les flancs, les épaules, la partie antérieure du dos, et le dessous du cou, sont d’un brun clair légèrement cendré qui se prolonge sur la partie postérieure de la tête, en prenant une teinte un peu plus foncée ; la partie postérieure du dos et toute la région lombaire sont rousses. Enfin le ven- tre est d’un fauve roussâtre qui se confond par nuances insensibles, en avant, avec le blanc du des- sous du cou; en arrière, avec le roux de la partie interne des cuisses. Cette espèce, qui a de nombreux rapports avec l’ouavapavi de M. de Humboldt (cebus albifrons), paroît habiter la Colombie. Notre des- cription est faite d’après plusieurs individus entiè- rement semblables, envoyés au Muséum par le voyageur Plée sous le nom de earita blanca; nom très analogue à celui de cari-blanco que M. de Humboldt attribue à l'espèce précédente, et qui si- gnifie comme lui face blanche. (G) Buffon, t. XV : cebus capucinus, Erxleb. : simia capucina, Linnæus. (2) Buffon , t. XV : cebus hypoleucus, Geoffroy Saint- Hilaire : le cariblanco, simia hypoleuca , Humboldt. (3) Fr. Cuvier, Ham. lit, 278 Telles sont toutes les espèces de sajous admises par les auteurs modernes. Quant aux simia morta et simia syrichta, qui doivent également être rappor- tées au genre cebus, ce sont des espèces établies seulement sur des individus incomplets, et qui doivent dès à présent être retranchées des cata- logues. M. d'Orbigny a figuré (pl. 3), dans son Voyage en Amérique, une variété du cebus fulvus, remar- quable par la teinte uniformément blond doré de toutes les parties, sa face exceptée, qui est couleur de chair. ——————…….….……_…—— …"—— …".…"…"….…"…"…"”"”…"”"." "- _—_——————————— LES SAGOUINS OU GÉOPITHÈQUES. Geopithecus. Nous avons donné, en traitant des singes en gé- néral dans ce même volume, une délinition des espèces qu'on réunit sous le nom commun de sa- gouins. On se rappellera d’ailleurs que M. Geoffroy Saint-Hilaire a divisé la famille des singes en deux grandes races, les catharrhinins ou singes de l’an- cien monde, et les platyrrhinins ou singes d’Amé- rique. Ces derniers sont eux-mêmes distingués en hélopithèques ou singes à queue prenante, en géo- pithèques où singes à queue non prenante, qui sont nos sagouins, eLenfin en arctopilhèques (1), ou ouis- tilis, et tamarins. Ces trois tribus américaines se trouvent donc nettement circonserites dans leurs at- tributs généraux. Les sagouins forment ainsi une petite famille qui renferme, d’après les travaux les plus récents de M. Geoffroy Saint-Hilaire, quatre genres, qui sont les callitriche, callithrix; nyctipithèque, nyctipi- thecus ; saki, pithecia; et enfin brachyure, brachyu- rus. M. Desmarest regardoit son genre sagouin comme synonyme de callithrix de M. Cuvier ; mais long-temps auparavant M. de Lacépède avoit pro- posé pour lui le nom scientifique de saguinus. Erx- leben ne sépara point les sagouins des cebus ou sa- pajous. Les sagouins se distinguent de tous les antres singes d'Amérique par leurs habitudes. Leur queue non prenante ne pourroit leur servir à se balancer sur les branches et sauter d'arbre en arbre dans les forêts ; aussi de cette conformation sont aussitôt découlées les privations de ce moyen de conserva- tion, et les sagouins ont été contraints de chercher (") Singes dont les molaires sont hérissées de pointes aiguës. HISTOIRE NATURELLE des refuges dans les broussailles et les fourrées du sol, qu’ils ne quittent guère, et dans les crevasses des rochers. De là le nom de géopithèques, que leur donna M. Geoffroy Saint-Hilaire. Ces singes, par leur tête arrondie, paroissent avoir recu en par- tage une ample dose d'intelligence ; leurs yeux or- ganisés pour la vision nocturne semblent prouver qu’ils n’ont jamais plus d’assurance que le soir et aux approches de l’obscurité, et qu'ils restent tapis le jour dans l'asile qu’ils habitent ; leur face, com- munément courte, forme un angle de soixante de- grés ; leurs narines, largement ouvertes, sont per- cées sur le côté ; leurs mâchoires présentent six dents molaires, et enfin la longue queue qui les distingue ne paroît avoir aucun but d’utilité. M. Geoffroy Saint-Hilaire les divise en deux sections, d’après les indications fournies par l'os incisif ou l’intermaxil- laire qui porte les dents incisives. Ainsi s'exprime ce savant dans ses Leçons : « L’incisif est dirigé en dedans, ou bien il est ré- fléchi en dehors. Infléchi comme chez tous les autres singes, les dents sont parallèles et contiguës, et la cloison des narines est moins large que ne l’est la rangée des dents incisives. L'intermaxillaire est-il au contraire prolongé et saillant en avant, les inci- sives s’écartent des canines, et la cloison des narines est tenue plus ample que la rangée des incisives n'a de largeur; mais de nouvelles recherches m'ont fait connoitre d'autres différences d’organisation, c'est-à-dire que les deux sections sont susceptibles de subdivisions, ou autrement qu’elles contiennent plusieurs genres, » M. F. Cuvier a trouvé que le système dentaire des callitriches ou saÿmiris, premier genre des sa- gouins, ne différoit point de celui des alouates, des atèles et des sajous ; qu’il présentoit trente-six dents, dix-huit à chaque mâchoire, ou quatre incisives, deux canines et douze molaires. LES CALLITRICHES. Callithriæ (1). Le type de ce genre est le saïmiri de Buffon, que M. Geoffroy Saint-Hilaire a pris pour le caractéri- ser ; et ce savant pense même que les autres espèces de callithriches diffèrent assez notablement du saï- miri par les détails de leur organisation, pour ne point faire partie du même genre. Quoiqu'il en soit, voici les caractères généraux adoptés par lesauteurs : tête petite, arrondie; museau court, angle facial de soixante degrés ; les canines médiocres ; les incisives () Cuvier, Geoffroy, Illiger, Desmarest:cebus, Erxleb. DES MAMMIFÈRES. inférieures verticales , et contiguës aux canines ; les oreilles grandes et déformées ; la queue un peu plus longue que le corps, couverte de poils courts; le corpsassez grêle. Le crâne des callithriches est énor- mément développé dans le saïmiri, mais beaucoup moins quant à l’ampleur dans les autres espèces ; le cerveau acquiert des dimensions qui rendent compte de l'extrême sagacité que le saïmiri manifeste; les yeux sont dans toutes les espèces d’une grandeur considérable ; les orbites sont complétement arron- dies;, l'oreille interne est munie de grandes caisses auditives, mais dans les callithriches, veuve à col- lier, moloch, et autres, la boîte cérébrale est moins étendue , le trou occipital est plus reculé en arrière, et la cloison inter-orbitaire estentièrement osseuse : leur pelage agréablement coloré leur a mérité le nom de callithrix, qui veut dire beau poil. Les mœurs de la plupart des animaux de ce genre sont encore peu connues; on sait seulement que quelques espèces ont beaucoup d'intelligence, vivent de fruits et d'insectes, et se réunissent par troupes considérables dans les forêts équatoriales du Nou- veau Monde. LE SAIMIRI. Callithrix sciureus. GEOrr. Saint-Hix. Ce joli singe, rempli d'intelligence, a recu une foule de noms vulgaires; c’est ainsi qu’on le nomme fréquemment sapajou-aurore ou singe-écureuil. Le nom de saïmiri, d'abord employé par Buffon, est usité parmi les Galibis de la Guiane, tandis qu'il est nommé {éti sur les bords de l’Orénoque, suivant le docte de Humboldt. Linnæus et Screber, dans sa planche 55, lui consacrèrent le nom scientifique de simia sciurea ou de singe-écureuil ; et M. Geoffroy Saint-Hilaire dans les Annales du Muséum (t. XIX, p. 415, sp. 1), et M. Desmarest dans sa Mammalo- gie (sp. 75), lui imposèrent celui de callithrix sciu- reus. On en trouve des figures dans l'Encyclopédie, pl. 48, fig. 4; dans Audebert, pl. 7 ; dans F. Cu- vier, t. 1!, 40e livraison des Mammifères ; dans Buf- fon, t. XV, pl. 67, et figures coloriées , pl. 265. Le saïmiri a de longueur totale environ un pied onze pouces. Il est remarquable par sa tête arron- die et par l’aplatissement de sa face, qui rend le museau très peu saillant. Des poils courts, en brosse, recouvrent le sommet et le derrière de la tête; ses oreilles sont nues et taillées à angles sur plusieurs points, leur forme est aplatie le long des tempes; les yeux sont gros; la couleur du pelage est en général d’un gris olivâtre tirant sur un roux léger; le museau est noirâtre, tandis que les bras et 279 les jambes sont d’un roux vif; le poil enfin est doux, etcouvre abondamment le corps, mais la face est entièrement nue et blanche, excepté le bout du rez qui est marqué par une tache noire qui se reproduit sur les lèvres. Au milieu de chaque joue se dessine une petite tache verdâtre; l'iris des yeux est chà- tain, et entouré d’un )une chauve-souris de la Sicile, qui se rapproche des harpies. Elle n’a, en effet, que deux incisives à la mâchoire supérieure, et aucune à l’inférieure. Son museau est lisse, ses oreilles plus longues que la tête sont privées d’oreillons,; le pelage est en entier gris-brun. Si l'existence de cette espèce se confirme, elle sera d'un baut intérêt par rapport à la zoographie. LES HYPODERMES OU VRAIES CÉPHALOTES. Hypoderma ; cephalotes (4), Les hypodermes sont assez nettement caractérisés par la privation d’un ongle au doigt indicateur de l'aile, car ce doigt, composé de quatre phalanges, est ainsi dénudé au sommet. Les ailes ne naissent (°) Iliger, Prod. : cephalotes, Geoff. {2) La céphalote, Buff., Suppl., t. EH, pl. 52 : cephalotes Pallasiü, Geoff., Ann. du Mus ,t. XV, p. 107 : harpia Pallasii, Desm., Mamm., p.145 :vespertilio cephalotes, Pallas, Spie., HU, pl. 4, p. 10. () Prodrome de Siomologie ; Desm., Mamm., p. 113 note. (%) Hypoderma, Geoff., Leçons sténog. : cephalotes Geoff. ÿ 309 pas non plus ces parties latérales du corps, ainsi que cela a lieu chez toutes les chauves-souris frugi- vores ou insectivores; mais ‘on les voit partir, au contraire, de la ligne médiane qui traverse longitu- dinalement la face dorsale; de sorte que le corps, au lieu d’être entre les ailes, se trouve immédiate- ment suspendu à leur point de jonction ou recouvert par elles comme par un mänteau (d’où le nom d’hy- poderma ). Enfin, les maxillaires n’ont chacun que deux in- cisives dans l’âge adulte, tandis que ces dents sont, comme chez les roussettes, au nombre de quatre chez les jeunes individus. L’hypoderme de Péron (!) ressemble beaucoup à la roussette paillée par les couleurs de son pelage (?), dont il se rapproche aussi à plusieurs égards par ses formes. Il est généralement d’un fauve roussâtre, qui, sur la tête, la nuque et le cou, passe au brun. La portion du dos qui est recouverte par la mem- brane alaire est de même couleur que les autres ré- gions du corps. La longueur totale est de six pouces et demi, et l’envergure de deux pieds environ. La queue, longue de neuf lignes, est enveloppée, dans son premier tiers, par la membrane interfémorale, ou plutôt donne insertion à cette membrane par sa face supérieure. Cette chauve-souris, si remarquable par son organisation, aété découverte par MM. Péron et Lesueur dans l'ile de Timor. Ses mœurs sont in- connues. MM. Quoy et Gaimard ont ajouté à ce genre une espèce qu’ils nomment HYPODERME DES MOLUQUES (hypoderma moluccense (3), et qui a de grands rap- ports avec la précédente. Elle ne s’en distingue en effet que par une taille plus forte, des oreilles plus longues, plus pointues et un pelage plus fortement teinté en brun. Le museau est aussi plus allongé. Le corps des hypodermes est moins uniformément cylindrique que celui des roussettes , car de large qu'il est par le haut, il s’'amincit rapidement vers le bas. La tête est brun clair plus foncé entre les oreilles et sur le museau ; celles-ci en partie nues et plissées sont brunes. Les poils du cou et des épaules sont doux, longs, teintés de gris-roussâtre. Le cou, la poi- trine et le ventre, de même que les extrémités, sont grisâtres. Les membranes sont brun-marron, et les doigts, comme leurs ongles, sont blanchätres. Cet hypoderme avoit deux pieds six pouces d'envergure. () Hypoderma Peronii, Is. Geoff St.-Hil., Dict. class., t. XIV, p 708: cephalotes Peronii, Geoff. Ann. du Mus., t. XV, p. 104. (2) Le jeune : Geoff. St-Hil , Ann. du Mus., t. XV, p. 99. ()H. ;capite elongato ; auribus longis, acutis ; collo suprà et humeris griseis ; corpore infr@ subfulvo ; alis desuper brunneis ; unquibus albidis: Q. et G. (Astrol., p. 11). Zool., part. 1, p. 86. 310 Il habite l'ile d'Amboine, où il vit de fruits qu'il mange avec avidité. LES VESPERTILIONS. Vespertilio (1) Les chauves-souris, auxquelles est réservé dans un sens plus restreint le nom primitif de vespertilion, sont reconnoissables à leur système dentaire, pré“en- tant quatre incisives supérieures pointues et sépa- rées par paires rapprochées des canines, les deux in- termaxillaires n’étant point réunies sur la ligne mé- diane. Leurs narines en g renversé s'ouvre sur les côtés d’un mufle. Leur bouche est grande et sans abajoues; les oreilles, de forme variable, sont dis- tantes-entre elles d’une manière notable, mais leur oreillon est ou anguleux, ou subulé, ou taillé en croissant. Les ailes sout amples, et la membrane in- terfémorale enveloppe la totalité de la queue qui est allongée. Les vespertilions sont répandus dans toutes les parties du monde où leurs habitudes crépusculaires sont bien connues. Ils recherchent les insectes et même les petits animaux. Les espèces décrites par Buffon sont, les vesper- tilions murin(V.murinus, L.),noctule (V. noctula, L.), sérotine (. serotinus, L.); pipistrelle (W. jipts- trellus, L.); kirivoula (V. pictus, L) ; de Ceylan, marmotte volante (V. nigrila, L.); du Sénégal et la grande sérotine de la Guyane (V. maximus, Geoff., ou V. nasutus, Saw). LE VESPERTILION DE BECHSTEIN. Vespertilio Bechsteinii (?). Cette chauve-souris a des rapports avec le vesper- tilion murin. Sa face nue est parsemée de petits poils roides. Son museau est conique, allongé; les oreilles longues, sont minces et étroites, et l’oreillon est falciforme. La face est hérissée de glandes séba- cées linguiformes. Son pelage est gris roux ou fauve en dessus, blanc en dessous. Sa longueur totale est de deux pouces deux lignes sur onze pouces d’enver- gure. Elle se tient dans les arbres creux des forêts de la Thuringe , et ne fréquente point les édifices. () Vespertilio, Linné (ce nom générique, donné au- trefois à toutes les chauves-souris, a été réservé aujour- d’hui à un certain nombre d'entre elles) : vespertilio, Fr. Cuv.; Geoff. (e) Leisler, Kuhl, Deuth. Fled., pl 22; Desm., Mamm,, esp. 201. HISTOIRE NATURELLE Les femelles se réunissent pour vivre ensemble dès qu’elles sont fécondées. Elles se choisissent un trou d’où elles ne laissent approcher aucun mâle. Elles ne produisent qu’un petit à la fois. LE VESPERTILION DE NATTERER. Vespertilio Nattereri (1). A des oreilles ovalaires, élargies, plus longues que la tête qui est petite. Le nez est large, et la face, le tour des yeux excepté, est couverte de poils lai- neux et de quelques soies allongées. L’oreillon de couleur jaune ou lancéolé, le pelage d’un gris fauve en dessus, blanc en dessous. Les membranes alaires sont d’un gris de suie, l’interfémorale a son bord dentelé. Le corps a de longueur totale un pouce ouze lignes sur neuf pouces six lignes d'envergure. Cet animal est rare à Vienne, où Kuhl la observé le premier. LE VESPERTILION ROUSSATRE. Vespertilio rufescens (?). Sesoreilles sont courtes, réniformes, à poils courts. Le dessus du corps est grisâtre, couleur de rouilleen dessus, gris en dessous. Les ailes sont remarquable- ment étroites ; la queue dépasse la membrane inter- fémorale de deux lignes et demie. Son envergure est de seize pouces six lignes. L’individu, type de cette description, étoit femelle , et avoit été tué dans une vieille tour de la ville de Iéna. LE VESPERTILION FAUX MURIN. Vespertilio submurinus (°). Ses oreilles sont excessivement courtes. Ses ailes larges donnent jusqu’à dix-sept ou dix-huit pouces d'envergure. Le pelage sur le corps est brun-foncé tirant un peu au brun-grisâtre, pour s’affoiblir en dessous et affecter une teinte blanchâtre. Le museau, les oreilles et les membrones sont d’un gris noirâtre sale. Son système dentaire présente quelques parti- cularités. La canine supérieure n’a pas d’arête mar- quée en arrière, de sorte que la dent qui la suit est libre. Les deux mâchelières inférieures sont longues et très aiguës. Cette chauve-souris est très rare en (5) Kuhl, ibid., pl, 23 ; Desm., esp. 202. (2) Brehm; Isis., 1829, cab. 6, p. 640; Bullet. Férus- sac, t. XXIIL, p. 415. G) Brehm, Ornis, 1827, p. 17; Bullet. Féruss., t, XIY, p.250. DES MAMMIFÈRES. Allemagne; elle se tient sur les arbres à fruits, et vient parfois dans les maisons pendant la nuit. LE VESPERTILION DE WIED. Vespertilio Wiedii (1). Cette chauve-souris, assez rare en Allemagne, et dédiée au prince de Wied-Neuwied, voyageur bien connu, à les oreilles fort petites, la queue dépassant de deux lignes et demie la membrane interfémorale. Ses ailes sont médiotrement élargies , et donnent de quinze à seize pouces d'envergure. Elles sont grises- noirâtres, de même que les oreilles et le museau. Le pelage formé de poils longs et doux estgris-brun en dessus, etgris clair en dessous. Ses mœurs sont à peu près celles du V. murinus ou de la chauve-souris commune. LE VESPERTILION D'OKEN. Vespertilio Okentii (?). A de petites oreilles, de grandes dents, une queue dépassant la membrane interfémorale de trois lignes; des ailes médiocrement larges ; un pelage formé de poils doux, minces, noir-brun sur le dos, gris-terreux sous le ventre. Son envergure est de quinze à seize pouces. Cette espèce se tient dans le creux des arbres, en Allemagne. LE VESPERTILION FERRUGINEUX. Vespertilio fe: rugineus (3) À ses oreilles courtes et réniformes, des poils courts, teintés de rouille, des ailes étroites, donnant quinze pouces et demi d’envergure. Cette chauve- souris de l’Allemagne est rare, et fort voisine du V.noctula, dont elle diffère par une taille de moitié plus forte et les teintes plus claires de son pelage. RS LE VESPERTILION DE SCHINZ. Vespertilio Schinzi (1). Cette chauve-souris, également d'Allemagne, et qui fréquente les lieux habités sous les toitures des ()Brehm, Ornis, 1827, p. 17 ; Bullet. Féruss., t, XIV, p.250. (2) Brehm, ibid. () Brehm, ibid. (*) Ibid. 911 maisons, a les oreilles longues de six lignes, plus courtes que la tête, l’oreillon lancéolé et la queue dépassant un peu la membrane interfémorale. Ses ailes sont larges et donnent une envergure de neuf à dix pouces. Son pelage se compose de poils longs, mollets , d’un noir fauve sur le dos, d’un brunâtre cendré ou même blanchâtre sur le ventre. LE VESPERTILION DE LEISLER. Vespertilio Leisleri (1). Est long de trois pouces neuf lignes sur onze d’en- vergure. Sa tête est plate et brève, et le nez est élargi avec des narines lunulées. Le front est très velu et la face est couverte de verrues jaunâtres. Les oreilles, qui sont ovales triangulaires, sont courtes et leur oreillon estobarrondi au sommet. Les poils longs et serrés sont de deux couleurs, d’un marron vif à la pointe, et d’un brun foncé à leur base. Le dessous du corps pareil gris-brun. Les jeunes sont encore plus foncés en couleur que les adultes. La queue dépasse à peine la membrane interfémorale. Cette chauve- souris habite l’Allemagne, et vit en troupes dans les bois et les cavernes. ————— rm D EEppppEEEEEEEEE—————————————— LE VESPERTILION DE SCREIBERS. Vespertilio Screbersii (?). N’a de longueur totale que deux pouces sept li- gres sur dix à onze pouces d'envergure. Ses oreilles, plus courtes que la tête, sont larges, iriangulaires, arrondies aux angles, avec une bordure de poils en dedans. Leur oreillon est de forme lancéolée, et se recourbe intérieurement vers la pointe. Le pelage est d’un gris cendré, plus pâle en dessous ou même souvent mêlé de blanc jaunâtre. Cette espècese tient dans les cavernes, dans les montagnes, au sud-est du Bannat. LE VESPERTILION DISCOLORE. Vespertilio discolor (°). A le front très velu, un museau large et renflé, les oreilles courtes, ovalaires et recourbées en dehors, avec un lobe saillant en dedans et des oreillons () Kuhl, Desm., esp. 206. Vesp. dasycarpos, Leis- ler, Ms. (2) Natterer; Kulh; Desm., Mamm., esp. 207. () Natterer; Kulh, Deut. Fled , pl. 25,p. 2; Desm., esp. 208. 312 presque aussi larges en haut qu’en bas, et complé- tement nus. Les poils soyeux du dos sont bruns, excepté leur pointe qui est blanche. Le corps sur les parties inférieures est d’un blanc sale. Cette espèce, rare dans le midi de l'Allemagne, qu’elle semble habiter exclusivement, fréquente les habitations des hommes et jamais les arbres. Elle est crépusculaire et apparoît en même temps que la noctule. M. Gloger affirme qu’elle diffère de la séro- tine par ses mœurs; car, au lieu de voler tard et dans Ja nuit, elle se montre trente miautes après le cou- cher du soleil. EX’ — —…—…….……… LE VESPERTILION PYGMÉE. Vespertilio pygmœæus (1). Cette petite chauve-souris a de longueur totale un pouce deux lignes sur cinq pouces quatre lignes d’en- vergure. Elle se rapproche de la pipistrelle, mais sa tête est élevée, son museau court, obtus; ses oreilles sont plus courtes que la tête, larges à leur naissance, obtuses et arrondies à leur sommet. Leur oreillon est linéaire et simple. Le pelage mou et ras est fauve, plus foncé sur la tête, le haut du dos, passant au grisâtre clair en dessous. La queue est tant soit peu libre de la membrane interfémorale qui est fauve. Elle a été observée dans la forêt de Dartmoor, en Angleterre. EEE ——————— LE VESPERTILION ÉCHANCRE. Vespertilio emarginalus (?). A de longueur deux pouces sur neuf d'envergure, les oreilles oblongues aussi hautes que la tête, échan- crées sur leur bord extérieur et à oreillon en forme d’aléne. Le pelage est d’un gris roussâtre en dessus, cendré en dessous. La membrane interfémorale est recouverte de poils blancs à leur sommet. Cette chauve-souris se tient dans les souterrains, et a été rencontrée près d’Abbeville, de Charlemont, en France, et de Douvre, en Angleterre. LE VESPERTILION A MOUSTACHES. Vespertilio imystacinus (3). Long d’un pouce sept lignes sur sept à huit pou- ces d'envergure, ce vespertilion a les oreilles plus (") Leach, Zool. journ., 1825, t. 1, p. 559; Bulletin Féruss., t. VI, p. 398. (2) Geoff. St.-Hil., Ann. du Mus., t. VII, p. 198 ; Desm., Mamm., esp. 210 : V. murinus, Leisler, Ms. (:) Leisler, Kuhl, Desm., esp. 111. HISTOIRE NATURELLE grandes que la tête, oblongues et arrondies à leur sommet, repliées et échancrées sur leur bord cx- terne, et munies d’un oreitlon lancéolé. Des poils fins et serrés forment sur la lèvre supérieure une sorte de moustache. Pelage d’un brun lavé de mar- ron en dessus, plus clair chez les femelles. Cette espèce, rare en Allemagne, vit aussi en Angleterre; mais est très commune dans le nord du Jutland, suivant Faber. 4 LE VESPERTILION DASYCNÈME. Vespertilio Dasycneme (1). Le mäle a deux pouces dix lignes de longueur to- tale sur huit pouces deux lignes d’envergure. La femelle mesure quatre pouces sur onze pouces qua- tre lignes. Cette espèce, qu’on rencontre en Allema- gne, est fauve, avec de longs poils blanchätres sur la membrane interfémorale, sur les doigts des pieds ct sur les articulations brachiales. Elle se distingue de la précédente avec laquelle on peut la confondre par sa taille, ses dents plus robustes et les stries pi- leuses de la membrane interfémorale. LE VESPERTILION DE KUHL. Vespertilio Kuhlii (?). Ce vespertilion est long d’un pouce huit lignes sur huit pouces huit lignes d'envergure. Sa tête est large, épaisse ; ses oreilles très simples, presque trian- gulaires et sans replis, ont leur oreillon large et ob- tus, et taillé en demi-cercle recourbé en dedans. Le pelage, composé de poils longs, doux, laineux, est d’un brun rouge-clair en dessus et entièrement fauve en dessous. La première moitié de la mem- brane interfémorale est très velue. Il habite Trieste. ER — 2 — LE VESPERTILION DE DAUBENTON. Vespertilio Daubentonti (°). Cette espèce a quelques rapports avec le Mysta - cinus, dont elle diffère, suivant M. Gloger. Sa lon- gueur est d’un pouce onze lignes sur neuf pouces et demi d'envergure. Sa tête est petité son front très velu est séparé du museau qui est renflé par une dé- ()Boié, Isis, 1825, p. 1200. V. mystacinus, ejusd., Isis, 1823, p. 965; Fisher, Synop., p. 106. (2) Nalterer, Desm., Mamm., 212. (3) Leisler, Kuhl, pl, 25, f. 2; Desm., 213; Gloger, Isis, t, XX, p. 420. DES MAMMIFERES. pression. Des poils hérissent la lèvre supérieure, et - quelques verrues recouvrent la face. Ses oreilles sont petites, presque ovalaires, légèrement échancrées sur le bord extérieur, nues, et munies en dedans et en “bas d’un repli pileux. Les oreillons sont lancéolés, petits et minces. Le pelage gris-roux en dessus et blanchâtre en dessous. La femelle à la taille moin- dre et la coloration plus claire Ce vespertilion aime à raser la terre ou les eaux stagnantes quandil vole, sans doute pour mieux saisir les moucherons dont il se nourrit. On le trouve dans le midi de l’Alle- magne, et très communément à Hanau en Wété- ravie. LE VESPERTILION A COLLIER. Vespertilio collaris (1). Long de deux pouces et demi sur sept pouces d'envergure. Ce vespertilion a les oreilles lancéolées- acuminées à oreillon en fer de lance, les poils doux, la tête fauve, la face fort velue, un collier très mar- qué jaune blanchâtre, s’effacant sous le menton, les parties supérieures jaune fauve et le dessous du corps cendré. Il a été observé sur le mont Blanc. LE VESPERTILION MALAIS. Vespertilio malayanus (?). A la tête des murinoïdes, l’oreille en entonnoir et l’oreillon en pétale. Toutes les parties du corps sont d’un fauve clair ; les supérieures un peu plus foncées que les infé- rieures ; les membranes sont d’an brun clair, et des moustaches garnissent les côtés du museau. Pouc. Lignes. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . . . . 14 5 idea queue PCM TO T1 7 AR CNE 2 SOPRANO 8 » On doit cette espèce aux recherches de feu Alfred Duvaucel. LE VESPERTILION DE FRÉDÉRIC. Vespertilio Frederici (?). Un peu plus petit que la noctule d'Europe, mais tout-à-fait semblable. (© Meisner; Schinz ; Fisher, Syn., p. 406. (*) Er. Cuvier, Nouv. Ann. du Must 1, pr20; F)Noctule de Sumatra, Fr. Cuvy., Nouv. Ann. du Mus., 11; p.20: Ile 315 Pouce. Ligues, Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . . . . . 2 ———— de la queue. . D He ice: UE nm CNE AUTO NC MCE I ON) Cest feu Alfred Duvaucel qui a découvert cette espèce. ——— LE VESPERTILION JAVANAIS. Vespertilio javanus (1). A la tête des noctuloïdes, les oreilles échancrées et les oreillons en couteau. Toutes les parties supé- rieures du corps d’un brun uniforme; les parties inférieures blanchâtres. Les poils n’ont ces couleurs qu’à leur pointe, ils sont noirs dans le reste de leur longueur. Pouc, Lignes, Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . , . . 1 = —— QE GG à 4 4 8% 5 8 4 4 ne COVELOUTE A M. Busseuil, chirurgien-major de la frégate la Thétis, commandée par M. de Bougainville fils, a rapporté cette espèce de Java. LE VESPERTILION IMBRIQUÉ. Vespertilio imbricatus (?). Est le lowo-lesser des Javanais. Sa tête et son mu- seau sont remarquables par leur brièveté. Lesoreilles sont larges, obtuses. L’oreillon est court, semi-lu- naire. Le pelage est d’un brun luisant à reflet fauve, et les poils du front se dressent pour cacher la base des oreilles. Sa longueur est de trois pouces sur dix pouces d'envergure. La membrane interfémorale est sillonnée de veines transversales d’où a été tiré le nom spécifique. EE ———_—_——_—_—_— me LE VESPERTILION INORDINAIRE. Vespertilio tralatitius (?). A la tête cunciforme, les oreilles larges, planes, obtuses en leurs bords, à oreillon court, linéaire, droitet obtus. Le pelage est très doux, fuligineux sur le corps, blanchâtre en dessous. La face n’a que () Er. Cuv., Nouv. Ann. du Mus,, t. I, p. 21. (2) Horsf., Zool. Research. (3) Horsf., loc. cit. 40 314 quelques poils, et la membrane interfémorale est légèrement ponctuée. Ses dimensions sont identiques avec celles de l'espèce précédente. Les habitants de Java, sa patrie, lui donnent le nom de lowo-manir. LE VESPERTILION D'HARDWICKE. Vespertilio Hardwiclir (1). A la face déprimée, les oreilles larges à lobe ar- rondi, entourant par deux prolongements concaves, carenés en arrière, l’oreillon qui est linéaire, lancéolé, dressé et allongé. Le pelage est laineux, mollet, formé de poils très longs, soyeux à leur base, d’un blanc fauve plus sale en dessous. Des sillons transverses sur la membrane interfémorale. Le corps est long de trois pouces. Il habite Java. Son nom est celui d’un général anglais très zélé collecteur et descrip- teur d’objets d'histoire naturelle. LE VESPERTILION ADVERSE. Vespertilio adversus (?). À son museau large, la tête forte et élevée, les oreilles droites, obtuses, à oreillon linéaire, droit. Le pelàge est comme laineux , composé de longs poils fauve brillant en dessus, gris blanchâtre en dessous. Ses dimensions sont de trois pouces trois lignes de longueur sur dix pouces d'envergure. La membrane interfémorale est légèrement ridée et marquée de quelques points peu visibles. Java est sa patrie. LE VESPERTILION DE COROMANDEL. Vespertilio coromandelicus (). A la tête des noctuloïdes. Les oreilles échancrées, les oreillons en couteau. Les parties supérieures du corps sont d’un brun gris jaunâtre, et les parties inférieures blanchâtres. Les poils noirs dans les trois quarts de leur longueur sont d’un biond jaunâtre à leur extrémité. Pouc. Lignes, Longueur du corps, du bout du museau à l’origine de la queue. . . . . 1 4 2 Adertarqueus. VE à 4 + , SR A 1 st. (eRVErgurés & à + «à à « + « 6 6 M. Leschenault a trouvé cette espèce à Pondi- chéry. () Horsf., loc. cit. (2) Ibid. (G) Fr. Cuv., Nouv. Ann. du Mus., t, 1, p. 21. HISTOIRE NATURELLE LE VESPERTILION NOCTULINE. Vespertilio noctulina(t). A le dessus de la tête et du corps fauve roussâtre, le dessous fauve très clair. Les oreilles triangulaires, arrondies à leurs bords , à oreillons étroits et allon- gés. Le corps est long de deux pouces, la queue d’un, et l’envergure mesure huit pouces six lignes. Habite le Bengale. LE VESPERTILION DE BOURBON. | Vespertilio borbonicus (?). Se rapproche de la sérotine, dont il diffère par une taille plus forte, des oreilles ovales triangu- laires de moitié plus courtes que la tête, ayant un oreillon allongé, taillé en demi-cœur. Le pelage est roux en dessus, blanchâtre en dessous, composé de poils doux et luisants. Le corps a deux pouces onze lignes de longueur totale. Cette espèce habite Pile de Bourbon. LE VESPERTILION DU CAP. Vespertilio capensis (). Ce vespertilion se rapproche singulièrement du Nyctyceus Temminckii, bien que différent par la taille et peut-être par le système dentaire. Le corps est long d’un pouce neuf lignes sur neuf pouces d'envergure. Sa tête est courte , et les tempes ainsi que le museau sont noirs et sans poils. La commis- sure des lèvres est garnie de poils fauves très courts. Le pelage en dessus est fauve jaunâtre, passant en dessous au jaune blanchâtre. Les oreilles, aiguës à leur sommet, ont leur bord entier et un oreillon linéaire légèrement falciforme. On le rencontre dans l'intérieur de l’Afrique méridionale et dans l’île de Pâques. LE VESPERTILION DE TEMMINCK. Vespertilio Temminckü ({). Ce petit vespertilion, long d’un pouce dix lignes sur sept pouces d'envergure, a les oreilles arrondies, () Isid. Geoff., Zool du Voy. aux Indes or., p. 92. (2) Geoff., Ann. du Mus., t. VIE, p. 201, pl. 47 : Desm., 246. (3) Smith, Zool. journ., t. IV. () Cretzehmar in Ruppell zoo! , pl. 6. V. Corpore su- prà ex cinereo fuscato, infrà albo. DES MAMMIFÈRES. velues en devant, nues en arrière, à oreillon foliolé, plus large à son sommet qui est arrondi. La mem- brane interfémorale est très villeuse. Le pelage est fauve, cendré en dessus, blanc en dessous. Les jeunes ne diffèrent point des adul'es. M. Ruppell a décou- vert celte espèce dans les forêts et les vergers du Dongola, en Afrique. LE VESPERTILION MARGINÉ. Veipertilio marginatus (!). Ce vespertilion , que M. Ruppell a découvert en Arabie, est remarquable par la bordure jaune qui se dessine sur les extrémités supérieures et inférieu- : res des membranes alaires et interfémorales. Le pe- lage est brun de suie en dessus, passant au rougeà- tre cendré en dessous. Le co:ps est long d’un pouce quatrelignes sur six pouces dix lignes d’envergure. On le trouve en Arabie. LE VESPERTILION GRIFFON. Vespertilio gryphus (?). A la tête des murinoïdes et deux fausses molaires anomales fort petites de chaque côté des deux mâ- choires. L’oreille est échancrée , et l’oreillon en cou- teau. Toutes les parties supérieures du corps sont d’un blond jaunâtre, les parties inférieures sont gri- ses, mais les poils des unes et des autres sont noirs à leur extrémité inférieure. Les parties nues sont violâtres. Des moustaches garnissent les côtés de la lèvre supérieure et le dessous de l’extrémité de la mâchoire inférieure. Pouc. Lignes. Longueur du corps de l'extrémité du mu- seau à l’origine de la queue. . . 1 9 mm de la QUEUE. us SA 2 ———— eNnVerEure. … . - M NA TD Ce vespertilion habite les environs de New-York, d’où l’a rapporté M. Milbert. EEE——————_—_———— LE VESPERTILION DE SAULNIER. Vespertilio Salarii (3). A la tête des murinoïdes et deux fausses molaires de chaque côté des deux mâchoires. L'oreille est (*) Cretzchmar, in Rupp. zool., pl. 29, f. A. )Fr. Cuv., Nouv. App. du Mus.,t.1, p. 15, 3) Ibid. 519 échancrée, et l’oreillon disposé en couteau. Toutes les parties supérieures du corps sont d’un brun marron grisâtre, et les régions inférieures g is blan- châtre. Aux parties brunes les poils sont plus foncés à leur moitié inférieure qu’à le. r supérieure; ils sont noirs dans celle inférieure aux portions grises. Les parties nues sont brunes. Des moustaches garnis- sent les côtés de la lèvre supérieure et le dessous de l’extrémité de la mâchoire inférieure. Pouc. Lignes. Longueur du corps, du bout du museau à Morigme dégarqueue, CN T0 p de NANQUELC NE ET DENT ———— ENVETBUTE,. « « + + + + + + À Cette espèce est, comme la précédente, des envi- rons de New-York, et comme elle on en doit la connoissance à M. Milbert. LE VESPERTILION DE GÉORGIE. Vespertilio georgianus (1). A la tête des murinoïdes. L’oreille est échancrée, et l’oreillon en alène. Toutes les parties supérieures du corps sont colorées par un mélange de noir et de blond jaunâtre. Le noir paroît, parce que da pointe qui est blonde ne recouvre pas, à cause de sa briè- veté, le reste de la longueur de ces poils qui sont noirs. Les parties inférieures sont grises, mais mé- langées de noir, par la même cause qui fait domi- ner cette couleur aux parties supérieures. Des moustaches garnissent les côtés de la lèvre supé- rieure, et le dessous de l’extrémité de la mâchoire inférieure. Pouc. Lignes. Longueur du corps, du bout du museau à l’origine de la queue. . . . A6 rdenatquenc. RL 0 CNYETRUrRC US CNE RIT 7 Découvert par M. Le Conte, aux États-Unis, dans la Géorgie. LE VESPERTILION BLONDIN. Vespertilio subflavus (?). A la tête des murinoïdes ; l'oreille est échancrée, et l’oreillon en demi-cœur. Les parties supérieures du corps sont d’un blond gris clair, légèrement on- dulées de brunâtre ; les parties inférieures d’un blanc jaunâtre. Les poils des parties supérieures sont noirs () Fr. Cuv., Nouv. Ann. du Mus., {. I, p. 16. (2) Fr. Cuy,, Nouv, Ann. du Mus., t. 1, p. 17. 316 à leur base, blanchâtres dans la plus grande partie de leur longueur, et brunâtres à leur pointe ; ceux des parties inférieures sont noirs à leur moitié in- férieure, et d’un blanc jaunâtre à leur autre moitié. Des moustaches garnissent les côtés de la lèvre su- périeure et le dessous de l’extrémité de la mâchoire inférieure. Pouce, Lignes. Longueur du corps, du bout du museau à l'origine de la queue. . . . . 1 .————! de la queue. . . . . . .« . 1 3 ———— envergure. 7 . . . . . . . . De la Géorgie. ——_—_— LE VESPERTILION CRECKS.' Vespertilio Crecks (1). A la tête des serotinoïdes, point de fausses mo- laires anomales à la mâchoire supérieure, et une seule à l’inférieure. L’oreille est échancrée, et l’o- reillon en couteau. Les parties supérieures sont d’un brun jaunûtre, les parties inférieures d’un gris sale ; les poils de toutes ces parties sont noirs à leur base. Des moustaches garnissent les côtés du museau et le dessous de l’extrémité de la mâchoire inférieure. Pouc. Lignes, Longueur da corps, du bout du museau à l’origine de Ja queue. . . . . 2 » dexlaqueue creme ACTE pl 6 pAyergure: LL M Net OU Habite la Géorgie. EE..." LE VESPERTILION ÉPAIS. Vespertilio crassus (?). A la tête des murinoïdes, deux fausses molaires anomales de chaque côté des deux mâchoires ; l’u- reille obtuse et l’oreillon en couteau. Toutes les parties supérieures du corps sont d’un brun marron grisâtre, et les parties inférieures blondes ; les poils à leur origine sont plus foncés qu’à leur extrémité. Des moustaches garnissent le côté de la lèvre supé- rieure et l'extrémité de la mâchoire inférieure. : Pouc. Lignes, Longueur du corps, du bout du museau à Lorisineïdellalqueue-u.".2.1 "102 » ———— dela queue «+ + «+ . .,. . 1 8 = ———— eNVergUure. + + + + + + + + 8 8 Cette espèce a été découverte par M. Lesueur, aux environs de New-York. () Fr. Cuv., Nouv. Ann. du Mus., t. 1, p. 18. (2) Fr. Cuv., Nouv. Ann, du Mus., {. FI, p. 18. HISTOIRE NATURELLE LE VESPERTILION DE LA CAROLINE. Vespertilio carolinensis (1). Est long de trois pouces trois lignes sur neuf pouces sept lignes d'envergure. Les oreilles sont oblongues, entières ou sans replis, de la grandeur de la tête, en partie velues, et munies d’un oreillon faconné en moitié de cœur. Son pelage est brun- marron en dessus, jaune en dessous. Il vit aux environs de Charlestown, dans la Caroline du sud. LE VESPERTILION SUBULÉ. Vespertilio subulatus (?). Ses oreilles dépassent un peu la tête et sont de forme allongée, et munies d’oreillons subulés et grèles. Le pelage est brunâtre, à teinte cendrée, et la membrane interfémorale se trouve être velue dans sa première moitié. Le ventre est blanc jaunâtre. Ses dimensions sont de quatre pouces deux lignes, la queue comprise; celle-ci est un peu libre à sa terminaison. Habite les rives du fleuve d’Arkansa, dans le nord de l'Amérique. LE VESPERTILION ÉPERONNÉ. Vespertilio calcaratus (3). Long de quatre pouces sur douze d'envergure, et muni d’une sorte d’éperon à la partie interne de la première phalange ; son pelage est brun noirâtre en dessus, fauve foncé en dessous ; ses ailes sont noires; les doigts des mains sont rosés et ceux des pieds noirs. Habite le nord des États-Unis. LE VESPERTILION MOINE. Vespertilio monachus (). De la taille du précédent. Oreilles petites, entiè- rement cachées par des poils très longs ; pelage fauve-rouge foncé en dessus, fauve en dessous ; mem- brane des ailes gris foncé ; nez et doigts rosés. Des Etats-Unis. (:) Geoffroy, Ann. du Mus., t. VIE, p. 193, pl. 47 et 48. (2) Say, in Major Long's, exp. to the rocky mountains, t. 1, p. 107; Godman, Am. Hist. nat., t. I, p. 71 : Sabine, Zool., p. 3. (6) Rafinesq., Desm., p. 132, note. (6) Zbid., loc. cit. DES MAMMIFÈRES. LE VESPERTILION A FACE NOIRE. Vespertilio phaïops (1). * Long de quatre pouces et demi sur treize pouces d’envergure. Son pelage est brun bai obscur en des- sus, plus pâle en dessous. Sa face, ses oreilles et les membranes alaires sont noires. Du nord des Etats- Unis. LE VESPERTILION A DOS NOIR. Vespertilio melanotus (?). À quatre pouces et demi de longueur sur douze pouces et demi d'envergure. Les oreillons sont ar- rondis ; le corps est noirâtre en dessus, blanchâtre en dessous ; les membranes d’un gris foncé, et les doigts noi.:s. Du nord des Etats-Unis (5). LE VESPERTILION A QUEUE VELUE. Vespertilio lasiurus (f). A les oreilles ovalaires plus courtes que la tête, à oreillon étroit et en demi-cœur. Le pelage varié de gris jaunâtre et de roux vif; la membrane interfé- morale est très velue en dessus. Il a un pouce dix lignes de longueur.On dit ce vespertilion de Cayenne, nous le croyons des Etats-Unis. ns LE VESPERTILION TRÈS VELU. Vespertilio villosissimus (5). À les oreilles aiguës, munies d’un oreillon en lame d’épée ; les poils brunâtres et la membrane in- terfémorale très velue. Le corps a quatre pouces quatre lignes, la queue deux pouces, et l’envergure onze et demi. Son pelage est doux et formé de poils fort longs. D'Azara a observé cette espèce et la sui- vante au Paraguay. (r) Rafinesq., Desm., p. 139, note. (2) Ibid., Loc. cit. (Nous ne connoissons pas les descriptions des deux chauves-souris des États-Unis, nomméesvespertilio noc- tevagans el lucifugus par le major Lecomte. (#) L. Geoff., Ann., t. VIE, pl. 47 : Desm., 215; Screb., pl. 62, B. Encycl., 31, f. 4. (5) Geoff., ibid , p 204% ; Desm., 219. Chauve-souris 7°, d'Azara, Parag., t. II, p. 284. | 317 LE VESPERTILION ROUGE. Vespertilio ruber (1). À Je corps long de trois pouces une ligne, la queue de treize lignes, et neuf pouces deux lignes d'envergure. Le poil est court, de couleur cannelle eu dessus, de rose en dessous. L’oreille est aiguë, ainsi que l’oreillon qui est en forme de poinçon. Est peut-être une nycticée ? Habite le Paraguay. EE ————————_—_—_—_—— LE VESPERTILION POUDRÉ. Vespertilio albescens (2). Est long de trois pouces six lignes sur huit pouces dix lignes d'envergure. Son pelage est noir, piqueté de blanc en dessus et obseur en des-ous. Les orcilles sont aiguës, à oreillons étroits et pointus. Habite le Paraguay. Il en existe une variété tirant au blan- châtre. LE VESPERTILION DU BRÉSIL. Vespertilio Brasiliensis (3). À les oreilles médiocres, allongées ; onze à douze pouces d'envergure, un pelage doux et soyeux, brun obscur lavé de marron. Cette espèce a été rapportée du Brésil par M. Auguste Saint-Hilaire, - = = LE VESPERTILION DE SAINT-HILAIRE. Vespertilio Hilairii (3). A les oreilles petites, triangulaires, presque aussi larges que longues, à peine échancrées à leur bord externe; la membrane interfémorale dénudée, ainsi que les côtés de la face. Est long de deux pouces cinq lignes. Son pelage est fauve noirâtre passant au fauve marron. Habite la province des Missions, au Brésil. () Chauve-souris 14e, ou cannelle, Azara, Parag., t. Il, p.292. V. Ruber, Geoff., Ann., t. VIII, p 204. (2) Geoff, Ann. t. VIII, p. 204, pl. 18; Azara, Parag., LIL,p 294. (3) Desm., esp. 222, : : (*) Isid. Geoff., Ann. Sc. nat., t. I, p. 440, et Études zool., pl. 2. LE VESPERTILION POLYTRICE. Vespertilio polytriæ (1). A les oreilles plus longues que larges, échancrées en dehors; la face presque complétement velue ; le pelage brun marron passant au blanchâtre. Est long de trois pouces cinq lignes, et a quelques rapports avec la pipistrelle. Habite les provinces de Rio- Grande et des Mines, au Brésil. LE VESPERTILION LISSE. Vespertilio levis (?). Les oreilles sont longues, son pelage brun mar- ron, sa taille de deux pouces dix lignes. IL vit au Brésil. EEEEEEE——…—…—…—…—…—…—…—…—… LE VESPERTILION DE SPIX. Vespertilio Spixii (3). À de longueur quatre pouces sur dix d'envergure. Son corps est grêle, noir, avec les ailes bleuâtres. Les oreilles sont longues, lancéolées, élargies à leur base, roulées, à oreillon entier, lancéolé, de la lon- gueur de la conque auriculaire ; des verrues tuber- culifères sur le menton. Habite le Brésil. LE VESPERTILION CHIEN. Ves,ertilio caninus (i). A la mächoire supérieure qui s’avance, légère- ment retroussée, et le chanfrein fendu. Sa queue brève est complétement enveloppée dans la mem- brane interfémorale: ses oreilles coniques ont un oreillon court, aigu à la base, et muni d’un ap- pendice ample et long de plus de six lignes. Le corps est long de deux pouces, la queue de huit li- gnes sur dix pouces huit lignes d'envergure. La face est nue, et le pelage est d’un fauve noirâtre foncé. Il habite les édifices au Brésil. (:) Ibid., loc. cit. (2) Ibid., loc. cit. (3) Fisher, Synop., p. 3. V. Brasiliensis ; Spix, vesp. bras., pl. 36, fig. 8. (# Wied Neuvwied, Beit., 11, p. 262. HISTOIRE NATURELLE LE VESPERTILION A VENTRE BLANC. Vespertilio leucogaster (1). Son museau est court, ses oreilles sont à bords droits et à oreillon lancéolé ; le pelage est noir brun, pointillé de jaunâtre en dessus, et blanc grisâtre en dessous ; est long de deux pouces dix lignes sur onze pouces et demi d'envergure. Fréquente les forêts qui bordent le fleuve Mucuri, au Brésil. LE VESPERTILION NOIRATRE. Vespertilio nigricans (?). Long de trois pouces neuf lignes sur huit pouces huit lignes d'envergure; a les oreilles médiocres, échancrées à leur bord, munies d’un oreillon subli- néaire. Le museau est court, séparé par un sillon, et les poils sont d’un noir fuligineux. Fréquente les rives de l’Iritiba, au Brésil. LE VESPERTILION DE MAXIMILIEN. Vespertilio Maximiliani (3) A le museau pointu, le pelage brun rougeàtre, deux pouces trois lignes de longueur sur onze pouces trois lignes d'envergure. L’oreillon est court et obtus. Habite la partie orientale du Brésil, les rochers et les vieux arbres des forêts vierges des rives du Mucuri. LES PROBOSCIDES. Proboscidea ({). Les proboscides sont des vespertilions dont le nez s’allonge en forme de trompe en dépassant la mâ- choire supérieure. Le système dentaire présente par- fois de six à huit incisives à la mâchoire inférieure ; les deux seules espèces connues ont été découvertes au Brésil. La première est la proboscide des roches (Proboscidea saxatilis (5), longue de trois pouces (") Ibid , loc. cit. (2) Ibid., loc. cit. () Fisher, Synop., p. 37 : vespertilio calcaratus, Wied, loc. cit. (4) Spix, Vesp. bras. : emballonura, Kuhl, Ms., fide Temminck. (5) Spix, tbid., pl. 35, t. VIIL: vespertilio naso, Wied Neuwied, 11, p. 274, fig. o. DES MAMMIFERES. onze lignes sur huit pouces neuf lignes d’enver- gure, ayant des oreilles très étroites, lancéolées, échancrées à leur bord externe, marquées de sil- Jons en dedans, ayant un oreillon très court. Cette chauve-souris est commune dans les forêts du Brésil, surtout sur les rives du Mucuri. La deuxième espèce est la proboscide des rivages (P. Rivalis (1), de taille plus petite que la précédente, à pelage brun- fauve en dessus, brun pâle en dessous, et remar- quable en ce que les ailes dépassent notablement la tête. On la rencontre vivant en essaims dans les arbres qui croissent snr les ‘bords du fleuve des Amazones. a ————_—_—_—_—_—_—_—__—_—_—_— LES OREILLARDS. Plecotus (?). Ont la plupart des caractères des vespertilions, à l'exception du nombre des incisives de la mâchoire supérieure qui est réduit à deux au lieu de quatre. De plus, leurs oreilles sont d’une hauteur démesu- rée, relativement aux proportions de la tête, et sont soudées sur le milieu du front par un prolongement de leur bord interne. Le trou auditif présente un opercule et un oreillon lancéolé. Leurs habitudes comme leur distribution sur la surface du globe ne diffèrent point de celles des ves- pertilions. Buffon n’a décrit dans ce genre que deux espè- ces : l’Oreillard (Vespertilio auritus, L.), et la Bar- bastelle ( V. barbastellus, L.); toutes les deux de France. L'OREILLARD CORNU. Plecotus cornutus (?). Se rapproche de lespèce ordinaire, dont il dif- fère toutefois par les oreilles bien plus grandes, ses poils plus fournis, plus iongs, et aussi par leur co- loration, car le pelage est en dessus noir lavé de bru- nâtre, et noir bleuâtre tacheté de grisâtre en dessous. Les oreilles, aussi longues que le corps, sont étroites à leur sommet et réunies à la base par une large membrane velue et échancrée à sa moitié. Les oreil- lons atteignent le milieu des oreilles et se dirigent parallèlement, de manière à simuler deux cornes. Les oreilles ont dix-neuf lignes de longueur. Cet oreillard a été découvert dans un château du (:) Spix, Loc. cit., 62. (2) Geoffroy Saint-Hilaire , Hist. nat. de l'Egypte. (6) Vespertilio cornutus, Faber, Isis, 1826, p. 515, 319 Jutland, près de la ville d'Horsens ; il est très vo- race , et se nourrit principalement de mouches et d'insectes ailés dont il lui faut soixante à soixante- dix pour son repas. Il mâche aussi vite qu’il digère, et son vol aussi bien que sa marche sont d’une grande légèreté. Ses oreilles sont très mobiles, dé- jetées en arrière dans le repos, dressées au moindre bruit, et dirigées en avant lorsque l’animal écoute. Sa voix est fine et sifflante, et l'odeur qu’il exhale très fétide. L'OREILLARD BRÉVIMANE. Piecotus brevimanus (1). A le pelage d’un roux fauve en dessus, blanchâtre en dessous. Ses oreilles sont oblongues, de la lon- gueur de la tête ou du double plus longues. L’oreil- lon estovalaire lancéolé ; la queue aiguë à sa pointe, égalant en longueur lavant-bras, se rapproche, par les autres caractères, de l’oreillard commun. Cette espèce a été trouvée en juillet dans un vieux saule de l’île d'Ely en Angleterre. L'OREILLARD DE PÉRON. Plecotus Peronii (?). Cette espèce a toutes les apparences de l’oreillard vulgaire, la taille comme la forme générale. Mais les oreillons de ce dernier sont de moitié moins grands que ceux de l’oreillard de Péron; enfin, ce- lui-ci a la coloration du pelage plus claire, surtout dans la région inférieure qui est presque blanche. On ignore la patrie de cette chauve-souris, qui a été rapportée par Péron de son voyage aux Terres Aus- trales. . L'OREILLARD VOILÉ. Plecotus velatus (3). A le pelage brun ou marron foncé, plus ou moins lavé de roussâtre sous le corps, et cette teinte passe même parfois au gris cendré. Ses poils sont lustrés, moelleux , abondants et assez longs. Les oreilles sont longues et très larges à leur base. L’oreillon est en languette triangulaire simple et très aiguë. La queue est fortement allongée et complétement ()Jenyns, Linn. Trans., XVIe vol., re, p, 53; part., Bull. Féruss., t. XXIV, p. 190. (2) Isid. Geoff., Etudes 7001. pl. 3. (3) Ibid., loc. cit., pl, 2. 320 enveloppée par la membrane irterfémorale. La lon- gueur du corps est de deux pouces neuf lignes, celle de la queue deux pouces sur onze pouces six lignes d'envergure. Cette chauve-souris a été découverte dans le district de Curityba, au Brésil. : L'OREILLARD LEUCOMÈLE. e Plecotus leucomelas (). Longue d’un pouce neuf lignes sur sept pouces d'envergure, cette espèce a les oreilles grandes et soudées par leur base sur le milieu du front. Une scissure profonde sépare les deux côtés des narines. Le pelage est noir en dessus et varié de noir et de blanc en dessous. Elle habite l'Arabie. L'OREILLARD DE RAFINESQUE. Plecotus Rafinesquit (?). Long de quatre pouces sur douze d'envergure, coloré en gris foncé en dessus, et en gris clair en dessous, Les oreillons sont de même longueur que les oreilles qui sont très grandes. Du nord des Etats-Unis. L'OREILLARD DE MAUGÉ. Plecotus Maugei(s. A les oreilles très larges, échancrées sur leur bord externe et arrondies à leur pointe. Le pelage est d’un brun noirâtre ‘en dessus, passant au brun clair en dessous. Les parties postérieures du corps sont blanches, les membranes grises. Les oreillons sont pointus et médiocres. A été découvert à Porto- Rico, par Maugé. L'OREILLARD DE TIMOR. Plecotus timoriensis(), A le museau assez pointu, les oreilles marquées d’un repli à leur bord interne, et à oreillon en de- (*) Vespertilio leucomelas, Cretzchmar, in Ruppel, z001., pl. 28, fig. B. (2) Vespertilio macrotis, Rafineq., Desm., note p.133. V. Macrotis, major Lecomte. @) Vespertilio NMaugei, Desm., esp. 225. (4) Vespertilio timoriensis, Geoff., Ann. du Mus., t. VII, pl. 47. HISTOIRE NATURELTE mi-cœur ; le pelage brun noirâtre en dessus, brun cendré en dessous. Le corps a deux pouces sept li- gnes, la queue un pouce cinq lignes, et l’envergure dix pouces. Il a été rapporté de l'ile de Timor par Péronet Lesueur. LES FURIES. Furia (1). Ont le système dentaire des vespertilions, c’est-à- dire quatre incisives à la mâchoire supérieure, mais elles en diffèrent par plusieurs autres caractères im- portants. M. Fr. Cuvier a donné à l'espèce, type de ce nouveau genre, le nom de Furia, par rapport à sa figure étrange. Ainsi s'exprime ce savant : « Cette chauve-souris, de petite taille, frappe d’a- bord la vue par son museau camus et hérissé de poils roides, parmi lesqnels se montrent des yeux saillants qui ajoutent encore à l'expression bizarre de sa physionomie. » Ses dents incisives supérieures sont au nombre de quatre, de même grandeur et pointues, et les ex- ternes n’ont aucun rapport avec les canines infé- rieures. Chez la sérotine, la noctule, etc., au con- traire, les incisives moyennes sont beaucoup plus grandes que les latérales, et celles-ci sont échancrées par leur opposition avec les canines d’en bas. Les incisives inférieures, placées régulièrement sur un arc de cercle, sont à trois dentelures, et en cela différent de celles de plusieurs autres vespertilions, qui ne sont que bifides, et de celles des espèces nommées plus haut, lesquelles sont comprises entre les canines et placées les unes devant les autres. Les canines supérieures, beaucoup plus épaisses que les inférieures, sont à trois points ; une entière et une postérieure petite, et la moyenne forte, grande et conique. Les canines inférieures, de forme cylindri- que, ont aussi une pointe antérieure et une posté- rieure ; et ces dents, aux deux mächoires de forme tout-à-fait anomales, ont plus de rapport avec des fausses molaires qu'avec des canines, caractère au reste qui leur est commun avec celles de beaucoup d’autres insectivores. La mâchoire d’en haut a deux fausses molaires de chaque côté et trois vraies, et la mâchoire opposée n’en diffère sous ce rapport qu’en ce qu’elle a une fausse molaire de plus. Ces dents n’ont rien qui leur soit particulier ; elles ont tous les caractères des dentsanalogues des autres chauves- souris, qui, comme on sait, n’ont montré jusqu’à présent aucune différence ni dans le nombre ni dans la forme de leurs vraies molaires. (Fr. Cuv.,Mém, du Mus., t. XVI, p. 150, pl. 9. DES MAMMIFÈRES. » Les organes du mouvement ne présentent rien de très particulier. Le pouce ne se montre hors de la membrane des ailes que par son angle; le pre- mier doigt vient se terminer à la naissance de la troisième et derrière phalange du second. Lorsque les ailes ne sont point étendues , les ligaments ra- mènent en dedans la dernière phalange du second doigt, qui se replie ainsi sur lui-même par son ex- trémité. La queue diminue insensiblement d’épais- seur, et les vertèbres dont elle se compose finissent d’être distinctes dès le milieu de la membrane in- terfémorale ; mais elie paroit se continuer en un simple ligament jusqu’à l'extrémité de cette mem- brane fort étendue, et qui se termine en un angle dont le sommet dépasse de beaucoup-les pieds, et elle se replie en dessous comme ceux-ci, lorsque l’animal est en repos. » Les yeux sont saillants et remarquables par une grandeur qui ne s’observe point d'ordinaire chez les vespertilions. Les narines terminent le museau et ne sont séparées l’une de l’autre que par un bourrelet qui les environne et qui forme une échancrure à leur partie supérieure. Les lèvres sont entières, la langue est douce et la bouche sans abajoues ; mais on voit sur les côtés de la lèvre supérieure quatre ou cinq verrues ou tubercules nus, disposés très ré- gulièrement, et il en est de même de huit tuber- cules semblables qui garnissent le dessous de la mâchoire inférieure, et qui apparoissent par leur blancheur au milieu des poils noirs. Les oreilles sont grandes, à peu près aussi larges que longues, sim- ples de structure et pourvues d’un oreillon d’une forme particulière; il est à trois pointes disposées en croix. Le pelage est doux, épais, excepté sur le museau où il est plus long, plus roide et plus hé- rissé que sur les autres parties du corps. » L’individu observé étoit mâle, et sesorganes gé- nitaux ne présentoient aucune modification notable ; ils ne différoient point de ce qui existe chez les ves- pertilions. » À joutant maintenant à ces caractères zoologiques quelques considérations tirées des caractères anato- miques , on trouvera de nouvelles raisons pour jus- tifier l'établissement du genre Furia. Les formes de la tête, la disposition des diverses parties qui la composent, rendent raison de la singulière physio- nomie de cet animal : les frontaux et jes pariétaux se relèvent presque à angle droit au-dessus du nez, et toutes les parties postérieures ayant suivi ce mou- vement, les os de l'oreille sont fort au-dessus de la partie antérieure de l’arcade zygomatique qui, au lieu d’être ho izontale, forme un arc dont l’extré- mité postérieure est très relevée au-dessus de l’an- térieure. La hauteur du maxillaire supérieur est presque nulle, comparativement à celle des espèces qu'on peut considérer comme de véritables vesper- 1 321 tilions. La branche montante de la mâchoire infé- rieure est remarquablement grande, et les os du nez, relevés sur leur bord externe dans toute la longueur du museau, laissent entre eux une dépres- sion sensible, quoiqu’elle ne s’apercoive pas sur la tête non dépouillée. » En comparant à cette tête celle de la noctule, par exemple, on peut apprécier du premier coup d'œil à quel point cette chauve-souris diffère par celte partie essentielle de l’organisation des vesper- tilions proprement dits. On voit en effet que la tête de la noctule a les os du nez postérieurement, ses frontaux, ses pariétaux et son occipital sur une même ligne droite oblique: que lParcade zygomatique est horizontale, et que par là les os de l'oreille se trou- vent au niveau de sa partie antérieure ; que le maxil- laire supérieur à une grande hauteur, et que celui de la branche montante de la mâchoire inférieure l’est d'autant moins , que ia cavité glénoïde n’est pas plus relevée que l’arcade zygomatique. » Ces seuls traits généraux suffisent pour montrer que la tête de la furie est formée d’une tout autre manière que celle de la noctule, et que la réunion dans un même genre, d'animaux qui présentent de telles différences, est impossible. » Le crâne du kirivoula (vespertilio pictus) est celui qui se rapproche le plus de la furie par Ja disposition des diverses parties de la tête, bien qu'il ait de nombreuses différences; mais en comparant cette tête à celle de la noctule, on a une nouvelle preuve de la nécessité de faire une étude des espèces qui sont réunies aujourd’hui dans les catalogues mé- thodiques , sous le nom de Vespertilions. » L'espèce type du genre furie a reçu le nom spé- cifique de hérissée ( Fu'ia horrens \; sa taille est petite; sa longueur, depuis le bout du museau à l’origine de la queue, est d’un pouce et demi, et son envergure est de six pouces; sa couleur est d’un brun noir uniforme. Elle a été découverte à la Mana, dans la Guyane, par feu Leschenault. » LES NYCTICÉES. Nycticeus (1). Les nycticées ont été séparées avec juste raison des vespertilions, et réunies en un petit groupe par Rafinesque (?). Plus tard cet auteur abandonna ses premières idées et classa ses deux nycticées parmi (1) Rafinesq., Journ. de Physiq., t. LXXX VII, p. 417; F. Cuvier, Dict. Sc. nat., t. LIX, p. #16: vespertilio, Auct, (5; 1bid., loc. cit., vespertilio humeralis, Rafinesq., Am.,Montl. mag. 322 les vespertilions. Cependant les nycticées diffèrent des vespertilions, parce qu’elles n’ont que deux in- cisives à la mâchoire supérieure, et que ces deux dents, écartées l’une de l’autre, se rapprochent des canines. Les six incisives inférieures sont lobées, et à chaque mandibule on remarque deux fausses mo- laires anomales. L'oreille, courte et éloignée, se termine en devant en une languette horizontale, et l'oreillon s'étend à l'intérieur en un appendice taillé en croissant ou prolongé en alène. LA NYCTICÉE HUMÉRALE. Nycticeus humeralis (1). A ses oreilles ovalaires , plus longues que la tête, noires ainsi que le museau. La queue est longue, mucronée. Le pelage est brun foncé en dessus, gris en dessous, avec les épaules maculées de noir. Lon- gueur trois pouces six lignes. Habite le Kentucky. Ro — LA NYCTICÉE MARQUETÉE. Nycticeus tesselatus (?). Pelage bai en dessus, fauve en dessous, avec un étroit collier jaunätre, et les aisselles blanches. Ailes réticulées et pointillées de roux. Queue de la lon- gueur du corps et verruqueuse au sommet. Lon- gueur, quatre pouces. Le nez bilobé; les oreilles courtes, arrondies. Habite le Kentucky, dans l’Amé- rique du nord. ©. — " —_—_ — —— LA NYCTICÉE DE TEMMINCK. Nycticeus Temminchii (5). Cette espèce a les oreilles plus courtes que la tête, et de forme oblongue arrondie, échancrées sur leur bord externe , et munies d’un oreillon allongé et re- courbé en faux. Le pelage est soyeux, formé de poils courts, fauves en dessus, jaunâtres sales en dessous. Les côtés de la tête et du corps sont d’un roux brillant. Elle a de longueur totale quatre pou- ces six lignes sur douze pouces d'envergure. Ses for- mes sont robustes et épaisses, et sa membrane in- terfémorale est marquée de quelques veinures au milieu. Habite Java. () Rafinesq., loc. cit. (2) Ibid, loc. cit. (3) Vespertilio Temminczii, Horsf, Zoo! Research. HISTOIRE NATÜRELEE LA NYCTICÉE DE BÉLANGER. Nycticeus Belangeri ('). A le corps, la tête et le haut du bras fauves en dessus comme en dessous. Chez l’adulte, cette colo- ration tire au marron nuaucé d’olivâtre. Les poils du dos, longs et moelleux, sont jaune brunâtre à leur racine , marron à leur pointe, et fauve sur le ventre. Les oreilles sont petites, triangulaires, et très écartées l’une de l’autre, à oreillons étroits et allongés. Les joues, le museau, le bas-ventre et les fesses sont dénudés. Longue de cinq pouces cinq li- gnes, celte espèce a treize pouces d'envergure. C’est le terinj li des habitants de Pondichéry, dont elle fréquente les maisons. Les jeunes sont brunâtres en dessus, jaune clair en dessous. LA NYCTICÉE DE SAY. Nycticeus Sayii (?). A les oreilles un peu plus courtes que la tête, et découpées en arrière en deux petits lobes grêles, et à oreillons arqués et obtus à leur sommet. La mem- brane interfémorale est nue. Elle a de longueur to- tale six pouces six lignes sur une envergure de treize pouces. Elle a été découverte sur les bords du Missouri. LA NYCTICÉE AUX AILES BLEUES. Nycticeus cyanopterus (à). A trois pouces de longueur sur dix d'envergure. Ses oreilles dépassent la tête ; le corps est gris foncé en dessus, et gris bleuâtre en dessous ; les ailessont bleuâtre foncé , et les doigts sout noirs. Habite le nord des Etats-Uuis. LA NYCTICÉE PRUINEUSE. Nycliceus pruinosus (i). À ses oreilles plus courtes que la tête, à oreillons arqués et obtus à leur sommet. Le pelage sur le dos {‘) Vespertilio Belangeri, Isid. Geoff., Zool du Voy. aux Indes Or., p. 87. (2) Vespcrtilio arcuatus, Say, in major Longs exp., t. 1, p. 21; Godman, t. [, p. 70. () Vespertilio cyanopterus, Rafinesq. (4) Say, in major Long’s exp., t, 1, p,. 167; Sabine, Zool., p. 1. DES MAMMIFÈRES. d'un fauve noirâtre pointillé deblane, mais d'un rouge ferrugineux sur lesépaules, et la gorge blanc jaunâtre. La meml rane interfémorale à demi velue. Longueur totale, quatre pouces et demi. Cette espèce a de l’analogie avec le V. nove'o-ucensis; elle est commune sur les. rives du Missouri. LA NYCTICÉE DE RAFINESQUE. Nycliceus Rafinesquii (1). A deux dents à la mâchoire supérieure, et par conséquent le genre atalapha, créé pour la rece- voir, est erroné. Les oreilles sont courtes, larges, arrondies ; la queue est entièrement enveloppée par la membrane interfémorale. Le pelage est fauve en dessus, plus clair en dessous, et marqué d’une tache blanche à l’attache de chaque aile. Le corps est long de deux pouces et demi, la queue d’un pouce quatre lignes, le nez est bifide. Elle habite les Etats-Unis. LA NYCTICÉE SICILIENNE. Nycticeus siculus (?). Cette espèce, qui demande à être étudiée de nou- veau, h bite la Sicile. Une verrue s'élève sur la lèvre infériewe; ses oreilles sont aussi longues que la tête; la queue dépasse la membrane interfémorale par une pointe obtuse ; le pelage est roux brunâtre en.dessus , et roux cendré en dessous; les ailes et le museau sont noirâtres. LA NYCTICÉE A MOUSTACHES. Nycticeus mystax (?). Les hypexodons, que M. Rafinesque avoit créés pour recevoir celle espèce, auroient le museau nu, les narines rondes et saillantes , les incisives supé- rieures manquant , les canines marquées d’un épe- ron à leur base . et la queue entièrement enveloppée dans la membrane interfémorale ; mais ce gen e est plus que douteux, et sans doute que les deux inci- sives ctoient tombées sur l'individu étudié par cet auteur. L'espèce décrite a les oreilles plus longues (:) Atalapha americana, Rafinesq., Somiol. ; Desm., Mamm., 227 : vespertilio noveboracensis, Pennant, pl. 31, fig. 2 ; Encycl., pl. 34, f. 5; Harlan, Fauve am., p, 20. ) Atalapha sicula, Rafinesq., Somiol.; Desm., Mamm., 2928. 6) Hyperodon mystax, Rafinesq., Somioi. ; Desm., p. 133. 323 que ia tête, brunes ; le pelage fauve, tirant au noi- râtre sur le crâne ; de longues moustaches et les ailes noires. Elle vitau Kentucky. EE LA NYCTICÉE DE BUÉNOS-AYRES. Nycticeus bonariensis (1). Cette espèce de chauve-souris, remarquable par les nuances agréables de son pelage, paroïît avoir été inconnue à d’Azara, qui a décrit les animaux du Paraguay, et qui ne la mentionne point. Elle est privée de deux dents incisives à la mâchoire supé- rieure, et se rapproche, par ce caractère, du F.ni- grita de Gmelin. La tête a six lignes de longueur totale, sur quatre d'épaisseur, du crâne au bord postérieur du maxil- laire inférieur. Les deux incisives supérieures sont terminées en pointe et séparées l’une de l’autre ; les six inférieures sont très peu apparentes et serrées, et ont leur sommet bilobé. Les canines sont aiguës, recourbées et proéminentes ; les mo!aires antérieu- res sont coniques, les suivantes ont leur couronne hérissée de pointes acérées, sinuées sur la partie extérieure, et disposées intérieurement comme en biseau. Lignes, Mètres Longueur totale, de la naissance de la . queue au bout du museau. . . . . 920 de QUeUC M el ————— des oreilles . . , , . . 3 ————— de latête, . . . . . , . 6 — de l’avant-bras. . . . . . 16 du pouce, dont la phalange estianlalres +5 40 0 0 ————— des membres postérieurs, . 10 0© 0 045 0 034 0 007 0 014 0 036 007 023 BANETEUFO MU CT Se ee Le museau est court, conique. I a houche est fen- due et les lèvres sont simples. La face est revêtue de poils ras; les oreilles sont minces, arrondies, nues, éloignées l’une de l'autre. Des poils soyeux et serrés recouvrent la tête et le corps, et sont plus fournis sur le ventre et le dos. Dans la flexion de l'aile, ie carpe est plus élevé que le museau. Les membranes en dedans et à leur bord postérieur sont nues, striées et comme réticulées, de couleur brune rougeâtre, entièrement lissesen dehors. Les parties internes contre le corps sont très velues, et des poils fauves et abondants se continuent sur le bras et l’avant-bras. La queue est complétement engagée dans la membrane interfémorale : celle-ci part de l'articulation tibio-tarsienne, et setermine en pointe () Vespertilio bonariensis, Less., Zool., Coq., pl, 3 fig. 1. V. Blossevillii, Bull. Féruss., t, VILL, p. 95. 324 à son sommet, ayant de chaque côté une nervure apparente sur les deux tiers de sa longueur totale ; sa surface interne est nue, striée ou comme rélicu- lée, tandis que la face dorsale est entièrement recou- verte de poils épais. La couleur du pelage de la nycticée de Buénos- Ayres est d’un rouge aurore sur le museau, d’un fauve clair ou jaune sur le dos; chaque poil étant terminé par du noir surmonté d’un peu de blane, ce qui leur donne un aspect pruineux, assez semblable à celui de quelques petites phalènes. Les poils du dessus de la membrane interfémorale, moins doux et moins soyeux que les précédents, sont d’un rouge noir foncé qui tranche avec la teinte répandue sur le dos. La gorge, la poitrine et l’abdomen sont d'un fauve clair mêlé de brunâtre. Notre espèce a de g'ands rapports avec le vesper- tilio lasiurus , elle en diffère toutefois par les par- ticularités suivantes. Dans le nycticeus bonarien- sis, les dimensions sont plus fortes, l’envergure plus prononcée, les membres plus développés par rapport au corps, la queue de moitié plus longue proportionnellement. Dans le V. lasiurus, les mem- branes sont moins réticulées, les couleurs du corps sont plus uniformes, et partout d’un rouge brun vif, tandis que l’ensemble des autres caractères est parfaitement analogue dans les deux espèces. Ces chauves-souris vivent à une égale distance de l'équateur, dans les zones tempérées des deux hé- misphères du continent américain. Celle de Buénos- Ayres nous fut remise par M. de Blosseville, qui la prit sur un vaisseau mouillé dans la rivière de la Plata. Sa patrie est donc par les 55° de lat. S. dans l'Amérique méridionale, tandis que le V. lasiurus Ja remplace par les mêmes latitudes dans l'Améri- que septentrionale. LA NYCTICÉE DE POEPING. Nycticeus Pæpingii (1). Cette chauve-souris a des oreilles très petites, ova- laires, arrondies à leur sommet, à oreillon falciforme etobtus. La membrane interfémorale est nue dans sa partie antérieure, et très pileuse au contraire en dessus. Le pelage est sur le dos ferrugineux et de nature soyeuse; un collier jaunâtre entoure le cou, et une teinte brunâtre ondée de fuligineux recouvre la poitrine et l'abdomen. Cette nycticée est remarquable par le prolonge- ment de son museau qui est obtus, marqué d’un sillon et qui semble devoir être mobile. Ses narines &) Nycticeus prima speries, Pœning, Floriep's, notizen , no 586, 1830 ; Bull. Féruss. , t, XXHI, p. 113. HISTOIRE NATURELLE sont tubuleuses, ses veux et ses oreilles noirs; sa queue est sétiforme. verruqueuse, libre à son extré- mité. Elle habite le Chili, et se rapproche par la coloration des vespertilions velu et rouge, mais elle est suffisamment distincte par divers autres carac- tères. ee LA NYCTICÉE DU CHILI. Nycticeus chilensis (1). Cette espèce , dont on ignore les mœurs, habite le Chili méridional, dans les rochers subalpins d’An- taco, où l’a découverte M. Pæping. Ce qui la carac- térise sont à la fois ses oreilles ovalaires, sillonnées en travers de rugosités trois fois plus longues que la tête, ayant leur oreillon taillé en lame d’épée ; une membrane interfémorale complétement nue sur ses deux faces, et un pelage en entier d’un gris de souris uniforme, aussi bien sur le corps qu’en- dessous. Sa langue obtuse est couverte de papilles, et sa queue très courte, verruqueuse, est mobile et libre. Le docteur Horsfield a décrit une espèce décou- verte aux environs de Calcutta, sous le nom de Nyc- TICÉE DE HEATH (?), bien plus grande que celle qui vit dans l’ile de Java. Sa taille, la queue comprise, est de six pouces sur dix-huit d'envergure. Sa tête est médiocre, à chanfrein piane , comprimée sur les côtés. Les lèvres sont recouvertes de quelques poils. L'oreillon est droit, arrondi, nu, terminé par un lobe très petit, et le tragus est falciforme. Son pelage est ras, très doux et soyeux, composé de poils couchés sur le derme, d’un brun tirant sur la couleur du tan en dessus, fauve, tirant au gris en dessous. Les membranes alaires sont brunâtres. LA NYCTICÉE ALECTO. Nycticeus alecto (3). Se trouve à la Manille. Son pelage est noirâtre passant au brun sur la face inférieure, et aa grisi- tre sur le museau. Sa tête est épaisse et déprimée. {r) NN. secunda, Ibid. loc. cit. Peut-être est-ce un Oreillard ? (à) Nycticejus Heath, capite cuneato supra late- ribusque planis, auriculis capite brevioribus , oblon- qis, rotundatis margine exteriore, parum eæxcisis trajo elungato faleato, vellere pilis sericatis brevis- simis, notæo fusco, gastræo fulro (Procud. «f the Zoo!l. soc. part. 4, p. 115). (3) Gervais, fav., p. 7. DES MAMMIFÈRES. ! leur bord postérieur. La queue est rudimentaire ou LES SCOTOPHILES. Scotophilus (1). Les chauves-souris de ce genre sont caractéristes plus pa ticulièrement par leur système dentaire, quiest composé ainsi qu’il suit : incisives À, cani- nes + et molaires ?. Les incisives supérieures sont inégales , aiguës. Les deux moyennes simples, sont plus longues que les latérales, qui sont également bifides. Les inférieures sont à trois divisions peu marquées. Les canines d’en haut sont très longues, et muiies en arrière d’un prolongement qui au con- traire occupe le bord antérieur des canines d’en bas. Les molaires sont hérissonées comme à l'ordi- naire ; les membres antérieurs ont une seule articu- lation à l'index, trois aux autres doigts. Les doigts des pieds sont médiocres, égaux, armés d’ongles comprimés et recourbés. La queue à cinq osselets est complétement enveloppée par la membrane in- terfémorale qui est acuminée à son sommet. Les oreilles sont séparées, à oreillons petits. On ne con- noit qu’une seule espèce de stocophile dédiée au doc- teur Kuil (2), et dont on ignore la patrie. Son pe- lage est ferrugineux , et le museau de même que les oreilles , et les ailes sont brunâtres, LES CELOENOS. Ceiæno {(). Sont des vespertilions dont le système dentaire présente la formule qui suit : incisives 5, canines et molaires <. Les incisives supérieures sont entiè- res et acuminées, celles d’en bas sont égales entre elles, et formées en apparence de quatre prismesan- nexés. Les canines supérieures sont très dévelop- pées. Les deux molaires antérieures de l’une et l’autre mâchoire sont aiguës, entières, tandis que les trois autres sont munies d’éminences acérées. Aux mains, l'index n’a qu'une articulation, le mé- dius et le quatrième doigt trois, et le cinquième deux. Les doigts des pieds sont allongés, presque égaux, armés d'ongles comprimés , recourhés, plus larges à leur base. Les membranes alaires dé- bordent légèrement les doigts ; les oreilles, aiguës et séparées, n’ont que des oreillons très petits. Elles sont arrondies en avant et coupées en ligue droite à () Leach , the Transactionsof the Linnean society, t. XII, p. 69. () Scotophilus Kuxlii, Leach, loc. cit. Ferrugineus, auribus , naso alisque fucescentibus. (3) Ibid, loc. eit., p. T0, 325 remplacée par un linéament cartilagineux, occu- pant le milieu de la membrane interfémorale. On ignore où vit la seule espèce connue actuellement et que le docteur Leach a nommée celæuo de Brooks (!), qui a le dos ferrugineux, le ventre et les épaules d’un jaune ocreux , les membranes noires. LES AELLOS. Aëllo (?). Leur formule dentaire est la suivante : incisives =, canines * et molaires +. Les incisives supérieu- res sont comprimées, larges, bifides , et leurs divi- sions arrondies. Les inférieures sont égales, à trois divisions. Les canines supérieures, très longues, très acérées, sont munies à leur base, en avant comme en arrière, d’un éperon, tandis que les inférieures sont gradueilement atténuées, très grêles et com- plétement simples. Les molaires supérieures ont les deux antérieures à trois pointes, la deuxième plus élevée, la troisième bifide à son bord extérieur, la quatrième trifide du même côté. Les inférieures présentent les trois premières aiguës, simples, et la deuxième est plus courte. Les trois dernières sont échancrées à leur bord externe. La queue , formée de cinq articulations, est libre à son sommet. Les oreilles sont rapprochées, courtes, mais en revan- che très élargies et sans oreillons. Les doigts des mains ont une articulation à l'index, quatre au mé- dius et trois aux quatrième et cinquième doigts ; ceux des pieds sont égaux, munis d’ongles recour- béset comprimés. La seule espèce connue est l’aëllo de Cuvier (3), de couleur isabelle, et dont on ignore la patrie. LES DICLIDURUS. Diclidurus ({). Ces chauves-souris ont des caractères génériques assez complexes. Leur formule dentaire est : inci- sives 2? canines À, molaires ©. Les incisives infé- rieures sont petites, à tranchant présentant trois crénelures. Les canines supérieures sont un peu comprimées et éperonnées à leur partie postérieure. (1) Celæno Brooksiana, Leach, loc. cit. (2) Leach, loc. cit. @) Aello Cuvieri, color isabellino-ferrugineus; alæ fuscescente-brunneæ, aures ad apices excavato trun- catæ. Leach, loc. cit., p. 71. {:) Wied Neuw., Isis, 1819, p. 1629. 326 Les inférieures sont droites avec une ligne en res- saut en avant. La première molaire d'en haut est très petite et séparée des suivantes par un inter- valle. Ceiles-ci sont munies de pointes acérées ro- bustes. Les os du coccyx, au lieu de former un pro- longement extérieur caudal, présentent plusieurs articulations qui se terminent par deux pièces cor- nées adhérentes à la peau, formant un appareil à deux valves ou capsules(!). La valve supérieure est semi-lunaire disciforme et creusée en cupule. L’in- férieure plus petite est pointue, triangulaire et adap- tée dans le sens horizontal sur la précédente. Ces deux pièces se recouvrent, sont mobiles ,,s’écartent ou restent collées, et sont tenues à leur insertion par un repli membraneux mince qui les isole du corps. Le coccyx se trouve logé dans la capsule su- -périeure, tandis que le bord postérieur de la mem- brane interfémorale se trouve tendu sous Ja valve caudale proprement dite, Outre ce singulier appareil, les dicludures se font encore remarquer par l’organisation peu ordinaire de leur crâne. Celui-ci présente en effet, entre les orbites, une dépression elliptique, profonde, qui fait saillir les os de la face, tandis que le vertex et les frontaux sont boursouflés par d’amples cavités cel- luleuses. Cette curieuse petite tribu ne renferme qu’une espèce, dédiée par le prince Maximilien de Wied Neuwied au naturaliste Freyreiss (?}, puis nommée par lui le diclidure blanc. Cette chauve-souris, lon- gue de deux pouces dix lignes, a les oreilles larges, insérées au-dessus des yeux. Le pelage se compose de poils très fournis, longs etblanchâtres. Les mains sont très robustes, tandis q''eles jambes sont grêles et longues. L’éperon est prononcé. Elle à été dé- couverte par le voyagenr botaniste Freyreiss, à l'embouchure du Rio Parda au Brésil, près de Carnavieras , se tenant cachée dans les spathes des cocoliers. EE _——."—"—_—"—"——"———"————————— LES TAPHIENS. OU LES SACCOPTERYX (5). Tapho:ous, GEorr. S.-HiL. Leur formule dentaire est la suivante : incisives 2, canines ?, molaires anomales + Vraies molai- 1" res ©. Les incisives inférieures sont de même lon- &) D'où le nom de diclidurus. 6) Diclidurus Freyreissi, Isis. p. 1629. D. albus, ejusd. Beil. LI, p. 242. (B) De œuxxos, SiC, el rrevvë , aile, Illiger, Prodro- mus ,p. 11. (Le Taphien filet a les meimbraies repliées au coude en forme de poche.) } HISTOIRE NATURELLE gueur et divisées chacune en trois lobes. Les cani- nes sont rétrécies à leur base. Le museau des taphiens est conique, et les na- rines qui s'ouvrent à son extrémité sont petites et rapprochées, en dessinant un très mince mufle dans l'épaisseur de la lèvre supérieure. Leur langue, munie de lames rigides à son extrémité, est papil- leuse sur le reste de sa surface. La bouche est grande, sans abajoues ; deux éminences mamelon- nées, séparées par un étroit sillon, marquent la lèvre inférieure, en correspondant à un mamelon de même nature qui termine la lèvre supérieure. L’œil est médiocre et occupe le point qui sépare la commissure de la bouche de la conque auriculaire. L'oreille externe est très grande ; elle s'attache au chanfrein sur le rebord de la cavité qui creuse cette partie, et vient se terminer par un bord libre en arrière et au-dessous de la mâchoire inférieure. Les mâles ont sur la gorge une cavité dénudée à orifice musculeux transversal plissé. Les ailes sont médio- cres. La queue n’est engagée dans la membrane in- terfémorale que par sa moitié supérieure, l'autre portion reste libre. Les taphiens ont toutes les habitudes des vesper- tilions. Leur distribution géographique n’a encore rien de précis dans l’état actuel de nos connoissan- ces, bien qu’on doive les supposer tous de l’ancien monde. LE TAPHIEN A VENTRE NU. Taphozous nudiventris (1). A été découvert en Égypte eten Nubie par le voyageur allemand Ruppel! , et se rapproche du ta- phien perforé de M. Geoffroy Saint-Hilaire. Il en diffère par sa taille plus forte, quatre pouces trois lignes, et par son envergure de seize pouces et plus. Ses oreilles sont élevées, à oreillon court et conique ; son museau se projette avant etson corps est mince et fluet. LE TAPHIEN PERFORÉ. Taphozous perforaius (?). Cette espèce est beaucoup plus trapue que la pré cédente, son corps est plus épais, plus large, son museau beaucoup plus obtus. Sa queue paroît être @) Cretzm. in Ruppel pl. 27, fiz. B. T. Facie usque ad regionem opthalmicam sumine , inçuinibus, prymna et uropygio nudis ; corporis colore suprà ex fucescente griseo , infrà albido (1.1, p. 70). {a Geoff. St.-Hil., Egypte , pl. 8, fig. À, et pl, 4, fig. 4. DES MAMMIFÈRES. 327 aussi un peu plus courte; enfin on remarque moins de nu sur la face , les bras et le bas-ventre. Son pe- lage est gris-roux en dessus, p:ssant au cendré en dessous, et son oreilion est taillé en fer de hache. Son corps a trois pouces sur neuf d'envergure. Elle aélé découverte en Egypte, dans les anciens tom- beaux d’Ombos et de Thèbes. On a fait une espèce (1) d’une variété à peine dis- tinete qui vit au Sénégal, où elie fut découverte par Adanson, et que Daubenton, le premier, déerivit (2) sous le nom de lérot volant. Cette variété, longue de deux pouces neuf lignes, a le pelage brun en dessus, passant au brun cendré en dessous. EE — © 2 2 — LE TAPHIEN FILET. Taphozous lepturus (3). Est remarquable par sa longue queue grêle , fili- forme, entièrement libre, ou du moins ne tenant à la membrane interfémorale qu’à la base. Ses oreil- les sont larges, pointues au sommet, à oreillon court et recourbé. Son museau est assez large, garni de soies très fines. Ses poils sont gris, à teinte affoi- blie sous le corps. On a rapporté ce taphien de Suri- nam. Il est probable qu’il y aura été importé de la côte d'Afrique. "| LE TAPHIEN DE L'ILE MAURICE. Taphozcus Maurilianus (1). Long de trois pouces six lignes, sur près de neuf pouces six lignes d'envergure. Il se rapproche du taphien perforé, dont il se distingue par un museau plus aigu, par l'oreillon qui est lobalé à son atta- che, par ses oreilles courtes et arrondies. Son pe- lage est marron en dessus, roussâtre en dessous. El vità l’ile Maurice, ou du moins il a été envoyé de cette ile par M. Matthieu. LE TAPHIEN AUX LONGUES MAINS. Taph ous long manus (5). Est long de quatre pouces huit lignes sur treize pouces six lignes d'envergure. Sa tête est déprimée (‘) Taphozous Senegalensis, Geoff., Egypte, L. Il p. 127 ; Desru., Marmm., esp. 435. (21 Mémoires Ac des Sc., 1759, p. 386. @) Taphozous lepturus, Geoif, Egypte, pl. 1 , fig ds el pl. 4, is. 6 : Vespertilio lepturus, Screb ADLO ZE VF. Marupialis, Müller; Saccopterys lepturuxæ, Illig., Prod () Geoff. Egypte, t. Ii, p. 427 ; Desm., 496c. (5) Hardwicke, Descript. of a new sp. Of tailed bat: (Linp. Trans, t. 1%, p. 525, pl. 27 ). ? éntre les oreilles et brusquement atténuce vers le museau. Les oreilles sont droites, de forme ovalaire, et garnies de plis en dedans, avec un oreillon oblong. La queue à un pouce de longueur. Le corps est par- tout vêtu de poils très mous et très denses, roux- brunâtre chez les adultes, noirs chez les jeunes , et plus clairs en dessous. Les bras et les doigts sont -très longs. Il fréquente les habitations de Calcutta, surtout le soir, attiré qu’il est par la lumière. Il se nourrit d'insectes. Le docteur Harlan pense qu'on doit regarder comme une espèce du genre taphien, la chauve- souris rouge de Pensylvanie (!), décrite et figurée par Wilson dans son Ornithologie ( pl. 55, fig. 4}, et qui vit dans le nord de l'Amérique. Nous igno- rons quels peuvent être les Taphozous saccolaimus de Temminck, et T. brachmanus de Griflith. a | | LES MYOPTÈRES. Myopteris (?). Ont le nez simple, le chanfrein lisse, court et obtus ; les oreilles amples et latérales, munies d’un petit oreïllon. La membrane interfémorale est moyenne, et engage à sa base la queue qui est lon- gue et libre dans le reste de son étendue. Le système dentaire est formé d’incisives ©, les inférieures bi- lobées, tandis que les supérieures sont pointues et contiguës , de canines ; et de molaires =, celles-ci à trois pointe:. Cette petite coupe générique repose sur une seule espèce que personne n’a revue depuis Daubenton, qui la décrivit sous le nom de raf-volant (?), et que les naturalistes appellent myoptère de Daubenton, Myopteris Daubentonii (f). Ce chéiroptère a trois pouces de longueur, la queue non comprise. Ses oreilles sont larges, ses membranes teintées de blanc et degris, et son pelage brun en dessus, blanc sale teinté de fauve en dessous. On ignore où il vit. LES DINOPES. | Din ps (). Sont des molosces et des nyctinomes ayant deux incisives supérieures et six à la michoire inférieure, {) Warden, Descripl. des Etats-Unis, L V, p. 608. (Vesp rufus). Rubro oanus ; dentibus primoribus infra sex (2) Geolf., St.-Hil, (5) Mém. Ac. roy. des Sc. 1759, p. 386. (4) Ceoff, Egypte, Lexte, t. IH, p. 113 ; Desm.,Mamm., esp. 199. (S) Savi, Nuov. gior. di lett., no 21; Bull, Férus., 328 car la formule dentaire est celle-ci : incisives ?, ca- nines +, et molaire ©, total 52. Leurs orcilles sont réunies et étendues sur le front, la lèvre supé- rieure est pendante et plissée; leur queue, libre dans sa dernière moitié, est enveloppée dans la membrane interfémorale dans la première. M.'Tem- minck suppose que le Dinope n’est pas autre qu’un molosse n'ayant point encore ses quatre incisives supérieures. La seule espèce connue de ce genre à été rencontrée à Pise, où elle vit dans les maisons sans y être commune. C’est la dinope consacrée au naturaliste Cestoni de Livourne (1), dont le pelage est formé de poils épais, doux, gris-brun, teinté de jaunâtre partout , le dos excepté, où la nuance bruuâtre domine. Le museau les oreilles, sont noirs ; ces dernières, grandes et arrondies, sont lé- gèrement échancrées au bord externe, et recou- vrent presque en totalité le front. LES NYCTINOMES. Nyctinomus (?). Sont par tous leurs caractères des molosses, ex- cepté par la formule dentaire qui présente, incisives 2, canines ; et molaires =’. Les incisives inférieu- res sont, les mitovennes lohées et les deux latérales simples. Leur museau est camus, et presque con- fondu avec la lèvre supérieure, qui est fendue et ri- dée. Les oreilles sont grandes, couchées sur la face, ayant ui oreillon extérieur. Leur queue est longue, à moitié enveloppée à sa naissance par la membrane interfémorale. * Les espèces connues vivent exclusivement entre les tropiques, dans les deux continents. M. Tem- minck ne les sépare point des molosses. LE Nycri- NOME GRËLE (Nyctinomus tenuis) (3). Adulte, cette chauve-souris a trois pouces neuf lignes de longueur, la queue uu pouce six lignes. Son pelage est brun- noirâtre , les membranes des doigts longues et min- ces; la queue grêle et libre dans plus de la moitié de son étendue, engagée dans la membrane interfé- morale garnie de plissures musculeuses. Ses lèvres sont épaisses et larges, la supérieure marquée de plis verticaux, tandis que l’inférieure est verruqueuse. Les adultes n’ont que deux incisives inférieures. On la rencontre dans les cavernes des rochers de Java, où elle est nommée lowo-churut. LE NYCTINOME pi- 1826, t. VI, p. 386; Temm., Monog., p. 262 (Dinops, qui truciest vultu ). {) Dinops Cestoni, Savi, loc. cit ; Molossus Ces- toni, Fisher, Sp., p. 91. (2) Geoff, () Horsfield, Zool. resear. ; Dinops lenuis, Temm., pl. 19 bis. HISTOIRE NATURELLE LATE (Nyctinomus dilalatus) (1), A le pelage brun- noirâtre plus clair sous le corps, les membranes di- latées sur les flancs, la queue en partie libre. Cette espèce, comme la précédente, habite l’ile de Java. LE NYCTINOMÉ DE BourBon (Nyctinomus arel1bu- losus) (?). Ayant dix pouces d'envergure, a été trouvé par Commerson dans l'ile Bourbon. Son pelage est brun-noir, et la membrane interfémorale enveloppe les deux tiers de la queue. LE NYCTINOME pu BENGALE (Nyctinomus Benyalensis) (3), ou le chamchéeka des Indous, a une taille un peu plus forte que le précé- dent. Sa queue est assez grosse, enveloppée dans sa moitié supérieure par la membrane interfémorale, qui est pourvue de brides musculeuses apparentes. Les membranes alaires présentent un liseré marginal de poils. Il a été découvert dans le Bengale par le docteur Buchanan. LE NYCTINOME D’EcyrrTe (Nycli- nonmus Ægyptiacus) (*). Long de trois pouces, à le pelage roux en dessus, passant au brunâtre sous le corps, ayant une queue grêle enveloppée à moitié seulement par la membrane interfémorale qui n’a point de bride. Les membranes alaires près des flancs sont liserées de poils. Ce nyctinome habite les tom- beaux et les souterrains des grands édifices ruinés de l'Egypte. LE NYCTINOME PETIT. Nyctinomus pusilus (5). A le pelage brun noirâtre sombre en dessus , les ailes brunes, la queue allongée, forte, à demi en- gagée dans la membrane interfémorale. Sa face et ses oreilles sont d’un noir mat. Celles-ci sont amples, concaves, dressées et presque accolées. Le corps a vingt-une lignes, la queue dix, et l’envergure est de six pouces six lignes. Cette espèce a été trouvée à Massauach. LE NYCTINOME DE RUPPELL. Nyctinomus Ruppeilii (6). À les orcilles excessivement développées, recou- vrant la face et Les yeux par un repli interne. L’oreil- {) Horsf., loc. cit. (2) Geoff., Egypte, t. If, p. 1430 : Vespertilio aceta- bulosus , Herm., Obs. Zoo! , pl. 19; Desm , 163. (6) Geoff., Egypte, t. I, p. 130; Vespertilio plicatus, Buchanan. (+) Geoff., Eaypte, pl. 2, fig. 2 : Dysopes Geoffroyü; Temm., pl. 23, fig. 9. (5) Dysopes pumilus , Cretschm. in Ruppell, pl. 27, fig. A. (6) Dysopes Ruppellii, Temm ,Monog., pl. 18, p. 224. DES MAMMIFÈRES. lon externe est lenticulaire. La queue est déprimée et a plus de sa moitié enveloppée par la membrane interfémorale. Son pelage est abondant, fin, serré el lisse; deux rangées de poils bordent les membranes des ailes. Le museau est couvert de poils noirs, rares et divergents. Les lèvres sont larges, pendantes et plissées. Le dessus est d’un gris de souris très unifor- me, passant au gris clair en dessous. Sa longueur totale est de cinq pouces deux à six lignes, la queue pre- nant deux pouces, sur quatorze pouces six lignes d'envergure. Ce nyctinome habite Les souterrains des édifices en Egypte. Peut-être devra-t-on séparer des espèces précé- dentes : LE NYCTINOME NASON ( Nycltinomus nisu- tus) (!), dont le mufle, ainsi que l'indique son nom, se »rclonge en avant? Le corps est brun noir en des- sus, brun ou cendré en dessous. Sa queue est à demi libre; ses oreilles sont grandes et arrondies. Sa lon- gueur totale, la queue comprise, est de cinq pouces six lignes sur dix pouces huit lignes d'envergure. Les jeunes ont deux incisives supérieures, dix infé- rieures. Les poils de son pelage sont doux, ser- rés, moclleux. Cette espèce n’est pas rare au Brésil. LES THYROPTÈRES. Thyroptera (?), Sont des nyctinomes assez mal caractérisés par le docteur Spix, qui n’en a décrit qu’une espèce sous le nom de Thyroptère tricolore (Thyrop'era trico- lor) (3). Suivant cet auteur, leur nez est simple, et le pouce de la main se trouve muni d’une sorte d’é- cuslle subconcave. Le corps est mince, grêle, petit ; la queue est longue, en grande partie soudée à la membrane interfémorale, qui n’en jaisse guère de libre que le tiers. Les membranes alaires sont fort étroites, et les doigts des pieds égaux sont grêles, serrés et tous onguiculés. L'espèce type a deux pou- ces de longueur totale, la queue comprise, sur neuf pouces quatre lignes d'envergure. Le pelage est en dessus d’un brun fauve, passant au blanchâtre en dessous. Les ailes et les pieds sont noirs. Cette ves- pertilionide a été rencontrée à l’embouchure du fleuve des Amazones. (°) Dysopes nasutus, Temm., Spix, Vesp., pl. 65, fig. 7 ; Nyctinomus Brasiliensis , Isid. Geoff. Ann. Sc. nat. LE, p. 337, pl. 22, fig, 1 à 4. (2) Spix, Vesp. Bras. () 1bid., pl. 36, fig. 9. FE LES CHEIROMÈLES. Cheirometes (1). Les chauves-souris de ce genre ont leur système dentaire ainsi disposé : incisives ?, canines 2 et mo- laires . Les incisives supérieures sont grandes, co- niques, très rapprochées ; celles d'en bas sont très petites. Le museau s’avance en cône sillonné, et pré- sente trois rangées de verrues supportant des poils. Les oreilles sont distantes, ouvertes, présentant un oreiilon court et obtus, taillé en demi-cœur. La membrane des ailes est ample et se prolonge sur les flancs jusqu'aux genoux seulemeut. La membrane interfémorale est étroite et retient la queue dans son tiers supérieur. Celle-ci est conique, annelée. Les pieds sont robustes, courts, et terminés par des doigts grêles, qui présentent la singularité d'avoir des pe- tites touffes de poils à l’insertion de l'ongle, tandis que le pouce se termine par un faisceau de poils très prolongés au-delà de l’ongle. La seule espèce ad- mise par l’auteur de ce genre (Cheëromeles, de yes, main, et de pslo:s, membrane) est le c!eiromèle à collier (Cheëromel:s torqualtus) (?) long de cinq pou - ces et demi, sur une envergure de près de vingt- deux pouces. À les oreilles simples et orbiculaires. La lèvre supérieure sans plis, bordée d’une rangée de petits poils. Le pelage est plus long, plus épais sur le cou, et manque sur le corps, excepté sur ie ventre, où apparoît une bourre peu abondante. Le dos est done nu et ponctué. Cette espèce a été découverte par le docteur Finlayson, à Penang et à Sincapore, dans l'archipel de la Malaisie. LES MOLOSSES. Molossus (3). Sont des chauves-souris très reconnoissables à leur large museau, élevé au-dessus de la bouche, et à leur lèvre supérieure épaisse, d’où leur vient le nom de molossus, chien. Leurs oreilles très lirges sont cou- chées en avant et se terminent au même point sur le chanfrein , après avoir pris attache à la commissure des lèvres. Elles ont un tragus épais et lenticulaire , et un rudiment d’oreillon semblable à un petit pé- dicule implanté en avant du trou auditif. Leur inté- () Horsf., Zool. research. (@) Zbid., loc- cit. pl.; Dysopes cheiropus, Temm., Monog. pl. 17. (3) Geoff. St-Hil.; Dysopes, Illiger, Prod. 4811; Temm.,Monog. Ge. 42 330 rieur enfin se partage en deux portions inégales par un pli profond, faisant saillie. La ièvre supérieure se trouve garnie de poils anomaux. dilatés à leur som- met et recourbés de bas en haut. Quelques espèces ont une poche gutturale sillonnée en travers, et des poils insérés à la naissance des ongles, aux doigts des pieds. Leur formule dentaire, variable suivant les âges, présente À incisives, ? canines et -* molaires. Les in- cisives supérieures sont aiguës, à deux lobes à leur base, convergentes et contiguës : les inférieures sont rudimentaires, bilohées et situées en avant des ca- nines. Celles-ci, robustes, ont un fort talon à leur base. Leur langue est lisse et douce, Les jeunes ont quatre incisives en bas. Les molosses ont des ailes médiocres, une mem- brane interfémorale embrassant la moitié de la queue. On les rencontre presque exclusivement dans les con- trées intertropicales de l'Amérique, bien que quel- ques uns s’avancent dans le'sud de cette contrée, jusque dans le Paraguay. Buffon n’a connu qu'une seule espèce de ce genre (1). LE MOLOSSE DOGUIN. Ml ssus rufus (?). Ce molosse, ainsi que son nom de doguin semble l'indiquer, a ie museau gros et court, ayant quelque ressemblance avec celui d’un chien dogue. Sa bouche est très fendue. Son pelage est en dessus d’un mar- ron foncé, à teinte plus claire en dessous. Ses mem- branes sont brun roussâtre. Il est long de cinq pouces quatre lignes sur quatorze à quinze pouces d'envergure On le suppose de Surinam. LE MOLOSSE ALECTO. Molossus alecto (3). A la tête courte, surmontée d’une crête coronale fort élevée et descendant sur le chanfrein. Ses ailes sont disproportionnées relativement au volume de son corps, et leur forme étroite présente de nom- breuses découpures. Les oreilles, plus larges que hautes se réunissent sur le front , et se continuent sur les narines en forme de ruban décurrent. Quel- ques longues soies sont implantées dans le croupion, et tout le reste du pelage imite un tissu de velours {) Chauve -souris de la Guyane, Baff. ( Molossus amplexicaudatus; Geoff., Ercycl., pl. 34, fig. 2), (2) Geoff. Ann. du Mur. , t. VI, p. 155. (3) Temm., Monog. pl. 20. BISTOIRE NATURELLE soyeux , fin et lustré. La coloration de sa vestiture est d’un beau noir luisant, « Sa physionomie hideuse, » dit M. Temminck, ses membres postérieurs très » courts, le peu de largeur des ailes relativement à » la grosseur du corps et du cou, son pelage noir, » tout contribue enfin à rendre le nom d’alecto très » convenable à cette espèce nouvelle. » Ce molosse a cinq pouces six lignes de longueur sur douze pou- ces d'envergure, Il vit dans les provinces intérieures du Brésil. LE MOLOSSE A POILS RAS. Molossus abrasus (1). Ce chéiroptère a le pelage très ras, très serré, . d’un marron vif et lustré, en dessus plus clair, et comme terni en dessous, la tête courte et obtuse, les formes comme les principaux traits d’arganisation de l’aleclo et du doguin. Le corps a de longueur quatre pouces trois lignes, la queue un pouce une ligne , et l’envergure neuf pouces sept lignes. On le rencontre dans les mêmes lieux que le précédent. LE MOLOSSE VÉLOCE. Molossus velox (?). : Les oreilles de ce molosse sont réunies sur le front sans présenter un ruban de peau sur le chanfrein , et une petite poche glanduleuse occupe le devant du cou. Le pelage est court et lisse, sa coloration est d’un brun marron très foncé, et lustré en dessus, à teinte plus claire et mate en dessous. Les poiis sont d’une seule couleur. Le corps a de longueur trois pouces trois lignes, la queue un pouce deux lignes, et l’envergure dix pouces. Cette espèce, comme la précédente, ne présente que six lignes de l’extrémité de la queue qui soit libre : elle à été découverte au Brésil par le voyageur Natterer, et rencontrée à Cuba par M Mac-Leay. Elle paroît s'être répandue dans toutes les îles du golfe du Mexique. LE MOLOSSE OBSCUR. Molossus obscurus (?). A de longueur totale trois pouces trois lignes, en y comprenant la queue pour treize lignes sur neuf () Temm., Monog., pl. 21. (2 Abid., loc. cit., pl. 22, fig. 4; Zool. journ., t. INT, p.237. (3) Geoff.; Temm., Monog., pl. 22, fig. 2; Molossus fumarius, Spix. DES MAMMIFÈRES. pouces d'envergure. Les poils qui le recouvrent sont ! de deux couleurs, blanc à leur naissance, puis brun noirätre sur le dos, puis blanc et ensuite brun cen- dré sur le ventre. Les lèvres sont revêtues de soies lisses. Cette espèce vit aussi bien à la Guyane qu’au Brésil. LE MOLOSSE NOIR. Molossus ater (1). A le museau effilé, le pelage noir lustré, seule ment en dessus; le corps long de deux pouces sept lignes , la queue d’un pouce six lignes. Il se rap- proche singulièrement du molosse doguin.Sa patrie esl inconnue. LE MOLOSSE D’AZARA. Molossus A:ara (?). A l'oreille arrondie, fort large , striée en dedans, et dont l’extrémité touche presque à celle du côté opposé. Son poil est court, très doux, brun obseur en dessus, brun en dessous. La lèvre supé.ieure est marquée par quelques plis verticaux; sa longueur est de trois pouces dix lignes sur onze pouces neuf lignes ; la queue a dix-huit lignes. Ce molosse ha- bite les villes au Paraguay. LE MOLOSSE A LONGUE QUEUE. Mulossus longicaudatus (°). À un pouce six lignes de longueur, sans y com- prendre la queue qui a quatorze lignes. Le pelage est cendré fauve, composé de poils très fournis et feutrés. Sur le museau se prolonge, du front au bout du museau, un ruban étroit à arête vive, formé par la peau qui se relève. Sa patrice est in- connue ({). Le second mulot volant de Daubenton (?) , et le molossus fusciventer des naturalistes (6). () Geoff., Mus.,t. VI, p. 55. (2) Petite chauve-souris obscure ou C.-S. 9e, Azara, Parag.t. Il, p.288, 6, Geoff, Mus., L. VE, p.155: Vespertilio Molossus, L. , Screb., pl. 59. (:) Ceile espèce diffère sans contredit du mulot vo- tant, décril par Daubenton, et qui vil à la Martinique. Buffon ,t.X, pl. 19,fi; 2) 6) Buffon, t. X, pi. 19, fig. 3. (5) Geoff., Mus., t. VI, p. 155. 331 LE MOLOSSE CHATAIN. Molossus castuneus (1). Dont le poil est serré, doux, peu long, châtain sur le corps, blanchâtre en dessous; les ailes sont noires; long de quaire pouces neuf lignes sur treize pouces neuf lignes d'envergure, la queue de un pouce onze lignes. Les oreilles sont très larges, ar- rondies vers leur bord supérieur. El vitau Paraguay. LE MOLOSSE À LARGE QUEUE. Molossus laticaudatus (?). Ce molosse, brun obscur en dessus, à teinte blan: châtre sous le corps. a quatre pouces de largeur sur douze pouces d’euvergure ; la queue a dix-sept ou dix-huit lignes ; la membrane interfémorale naît au tarse el se termine au milieu de la queue, qui, dans sa portion libre, se trouve bordée de chaque côté par un repli de membrane rudimentaire. L’oreille, étendue horizontalement, est large, arrondie, et se trouve munie en dessous d’un oreillon vertical. Des rides nombreuses marquent la lèvre supérieure dans le sens vertical ; la langue est doublée par une du- plicature de la muqueuse, qui simule une deuxième langue. Cette espèce vit au Paraguay. LE MOLOSSE A GROSSE QUEUE. Molossus crassicaudatus (?). À le museau aigu et fendu; les oreilles médiocres, ayant un oreillon épais, lenti ulaire, dirigé vers l’œil. La membrane interfémorale enveloppe plus de la moitié de la queue, et prolonge sa partie libre jusqu’à la pointe par deux replis latéraux. Le poil est court, d’une extrême douceur, brun-cannelleen dessus, à teinte plus faible en dessous. Le corps a trois pouces six lignes, la queue seize lignes, et l'eavergure dix pouces neuf lign?s. Est comme les espèces précédentes du Paraguay. RE LE MOLOSSE À QUEUE POINTUE. Molossus acuticaudatus (1). À la queue iongue, presque entièrement envelop- pée dans la membrane interfémorale qui dessine un 1e} Geoff., Mus., t. VE, p. 455 : chauve-souris châtaine ou Ge ‘Azara, parag.t. HE, p. 282. 2) Geoff, Mus:,t, VI, p. 156 ; chauve-souris 8e, ou obscure; Azara.,.Par,, t. II, p. 286. (G) Geoff. , loc cit. : chauve-souris brun-cannelle ou 10e; Azara, Par.,t. if, ». 290, (4 Desm., Famin.,p, 416 ,e:p 160, 292 angle très aigu. Son pelage est brun-noir , lavé de fuligineux ; ses ailes sont très étroites ; ses oreilles grandes , peu relevées, à oreillon arrondi ; le poil est doux, long; le corps a dix-huit lignes, la queue autant ; les ailes sont très longues. Cette espèce à été découverte au Brésil par M. Auguste de Saint- Hilaire , et peut-être est-ce le jeune âge du molosse à poils ras ? | LE MOLOSSE PEROTIS. Molossus perotis (1). À quelques rapports avec le molosse roux. $es oreilles, grandes et très larges, sont partagées en deux poches; sa queue est robuste, nue, enveloppée dans sa moitié à peu près. Les poils qui recouvrent le corps sont épais, gris rougeitre foncé et brun en dessus, plus clair en dessous. Une glande d’où suinte un liquide fétide s'ouvre sur la poitrine. La face est nue; le corps est long de quatre pouces trois lignes, la queue de vingtlignes, et l'envergure de vingt-un pouces. Ce molosse a été observé par le prince de Wied Neuwied, dans le village de San- Salvador-dos-Campos , sur les rives du Parahiba. —————_—_— — — … … LE MOLOSSE OURSIN. Molossus ursinus (?). Est entièrement noir; son corps et ses membres sont épais et robustes ; les orcilles se réunissent sur le front. Ses dimensions sont de trois pouces six li- gnes pour le corps, un pouce trois lignes pour la queue, etun pied trois pouces six lignes d’enver- gure. Les narines sont triangulaires ; les oreilles ar- rondies. échancrées à leur bord, munies d’un oreil- lon externe, petit et subglobuieux. Le docteur Spix a rencontré celte chauve-souris dans la province du Para. Peut-être ne diffère-t-elle point de lalecto ? Quelques naturalistes placent parmi le: molosses le vespertilio auripendulus de Shaw (), dont le museau est camus , les oreilles simples, acumirées et pendantes. Le pelage est d’un châtain foncé en dessus , à teinte plus claire sur le ventre et cendrée sur les flancs. Sa taille est de trois pouces quatre lignes sur quinze pouces d'envergure; sa queue al- longée est à demi enfermée dans la membrane in- terfémorale, etse termine par un onglet. On le dit de Ja Guyane. () Dysopes perotis, Wied Neuw.,It., t. If, p. 227. (2) Spix, Vesp. bras., pl. 35, fig. 4. (G) Gener., Zoo!., t, 1, p. 437 ; Pennant, Quad, , {. IH, p. 313. HISTOIRE NATURELLE M.F. Cuvier paroit avoir adopté le nom de dy- sopes d’Illiger, tout en lui assignant de nouveaux caractères ; car on lit dans l’ouvrage sur les dents, de cet auteur, que son dysopes meops de l'Inde à deux incisives supérieures, quatre inférieures, deux canines à chaque mâchoire, quatre fausses molaires, quatre normales de chaque côté en haut, quatre fausses et six vraies en bas. Dans ses écrits posté- rieurs, M. Cuvier ne parle plus de ce genre. LES STÉNODERMES. Stenoderma (1). Ont vingt-huit dents, c'est-à-dire incisives ‘, ca- nines {, et molaires ‘, sans fausses mâchelières. Leur nez est simple; leurs oreilles, moyennes, sont distantes et placées sur les côtés de la tête, munies en dedans d’un oreillon. La queue est nulle, et la membrane interfémorale rudimentaire borde les jambes. La seule espèce connue est le STÉNODERME ROUX (Ste:ode ma rufa (?). A pelage roux-châtain uniforme, ayant lesoreillesovales, un peu échancrées au bord externe. Le corps est long de trois pouces sur dix d'envergure. On ignore le pays où elle vit. LES NOCTILIONS. Noctilio. Les chauve-souris, qu’on a nommées noctilions et aussi bec-de-lièvre, fontle passage des chauves-sou- ris à face simple à celles où cette partie est couverte de divers appendices. Leur museau, court et très renflé, est fendu verticalement et est garni de ver- rues et de tubercules charnus. Le nez, aussi dé- primé que les lèvres, n’a point de crêtes, de feuilles membraneuses ou de sillon. Les narines sont cha- cune entourées d'un bourrelet assez saillant. Une saillie triangulaire forme la partie mo\enne de la lèvre supérieure et descend sur les dents, et se trouve séparée des parties voisines par deux sillons profonds. La langue, large, charnue, est couverte de papilles molles. L'oreille est étroite, longue, poin- tue, ayant un tragus ouvert en une sorte de poche au dehors, et un petit oreillon dentelé et supporté par un court pédicelle. Le scrotum cest couvert d’é- pines ; les ailes sont très développées, et la mem- brane interfémorale, plus étendue que la queue, laisse celle-ci libre dans le quart à peu près de son étendue. Leurs dents sont au nombre de vingt-six, (:) Geoff., Egypte, Hist. nat.,t IT. () Jbid., loc, cit. ; Vespertilio, L.; Pteropus, Erxl. DES MAMMIFERES. 2 c'est-à-dire incisives {, canines + et molaires :. Les incisives supérieures varient, Îles deux moyennes étant larges et les deux latérales rudimentaires, tan- dis que les deux inférieures sônt lobées , et placées à côté l'une de l’autre. Les canines d’en haut sont plus longues que les deux qui leur sont opposées. Les espèces de noctilion sont encoretrès mal con- nues et n’ont été rencontrées que dans l'Amérique méridionale. Le NOGTILION D'AMERIQUE (noctilio Amrricanus (1) paroit avoir été décrit sous plusieurs noms suivant les divers états où les observateurs ont pu le rencontrer. De la taille du rat ordinaire de France, ce chéiroptère a les membranes des ailes d’un brun assez clair et le pelage d’un fauve-rous- sâtre uniforme. Les oreilles sont nues. On en con- noit une variété (?) ou un âge différent, de même taille , ayant seize pouces d'envergure sur quatre pouces et demi de longueur, à pelage fauve-jaunà- tre, traversé sur le dos par une bande longitudi- nale blanchâtre. Enfin dans son jeune âge (*) sa taille est moindre et son pelage varie du roussètre au brunâtre en dessus, et du blanc au cendré-clair en dessous. Ces noctilions ont été rencontrés au Brésil, au Paraguay, au Pérou, dans les forêts qui bordent les fleuves où même dans les édifices; mais il se pourroit, comme ces individus ont été assez mal étudiés, qu’on confondit sous un même nom plu- sieurs espèces réellement distinctes. Le docteur Spix a figuré sous le nom de noctilion à ventre blanc une chauve-souris (#) qui semble en- core appartenir à l’espèce précédente. Le corps est en dessus d’un fauve brunâtre, passant au blanchà- tre en dessous. Le dos est parcouru par une bande- lette longitudinale blanchâtre. Le corps a trois pou- ces et demi, la queue cinq lignes, l’envergure qualorze pouces. 1 É— ——_— _ _ LES NYCTÈRES. Nycteris (5). Se distinguent sufisamment des autres chauves- souris par le singulier appareil de leur nez. Une (‘) Linné, 19e édit., p. 88, vespertiho leporinus; Gm., peruvian bat, Penn.,p. 365 : chauve-souris de la vallée d'Ylo , Feuillée Obs., LE, p. 623 : vesp. cato simlis americanus, Séba, Mus,, t. 1, pl. 55, fig. 1 : Vesp. americanus rufus, Briss., 227 : noctilio uni- color, Geoff., Desm., esp. 165 : noctilio rufus, Spix, Vesp., pl. 35. fig. {. (2) Noctilio dorsatus, Geoff., Desm., 166 ; pteropus leporinus, Erxl.; chauve-souris rougeâtre, Azara, t. I, p. 280 : A. vittatus, Wied. (@) Noctilio albiventer, Geoff., peruvian bat, Penn, yar. B. (&) Vesp. bras., pl. 35, fig. 2, 3. {5) Geoff, St.-Hil., Vespertilio, auct. 399 fosse est creusée tout le long du chanfrein en ligne droite, et sur ses bords s’avancent deux replis de la peau de la face auxquels s’attachent deux lames ar- rondies recouvrant la partie moyenne de ce même sillon. Les narines s'ouvrent à l'extrémité de celui- ci sans avoir aucun organe foliacé ou compliqué. Les oreilles sont remarquables par leur ampleur, et leurs bords entiers et rapprochés se réunissent sur le front. Une sorte de bride les partage en deux ca- vités, et leur oreillon est très court. La lèvre supé- rieure est entière et simple, tandis que l’inférieure présente trois mamelons dénudés. La langue subar- rondie est recouverte de papilles aiguës très fines. La queue, terminée par un cartilage bifurqué, se trouve complétement enveloppée par la membrane interfémorale. Les dents sont au nombre de trente, c’est-à-dire < incisives, : canines et molaires. Les incisives su- périeures sont lobées et séparées en deux paires, tandis que les inférieures, également lobées, sont disposées en cercle. Ces chauves-souris se retirent dans les cavernes et ont leur peau peu adhérente aux muscles ; on ne les rencontre que dans l’ancien monde, surtout en Afrique, et une espèce dans les iles de la Sonde. Buffon n’a connu qu’un animal de ce genre, son autre chauve-souris elsa chauve-souris étrangère (1) est celle que Daubenton à décrite sous le nom de Campagnol volant(*?), et qui est la nyctère de Dau- benton () des auteurs systématiques. Les autres nyctères sont, 1° LE NICTÈRE DE Java (nycteris Javanicus ) (f), ayant deux pouces six li- gnes de longueur, un pelage roux vif sur les parties supérieures du corps, passant au roussâtre en des- sous, et que l’on dit être de Java. Mais il se pour- roit qu’il fût de la côte de Coromandel. 2° LE nyc- TÈRE Du Cap (nycteris Capensis) (5), n'ayant que deux pouces de longueur sur dix pouces d’enver- gure, l’occiput et le dos d’un fauve noir, les côtés du cou d’un blanc sale, le dessous du corps cendré, les membranes alaires rougeûtres, le sommet du uagus semi-arrondi, vêtu d’une toufle de poils blancs. Cette espèce vit dans l’intérieur de l'Afrique méridionale et dans l’île de Pâques. 5° LE NYCTÉRE APPROCHANT (nycteris affinis ) (5), qui vit égale- ment au Cap, et dont la longueur ne dépasse pas deux pouces. Ses oreilles sont plus larges qu’au pré- cédent ; son tragus court est semi-arrondi au som- met, la queue est profondément fourchue. L’occiput GT. X, p.88, pl. 20), fig. 1,2. () Acad., 1759, p. 387. () Nycteris Daubentoni , Geoff., Desm., esp. 191 ; vespertilio hispidus, L. (+, Geoff. , Egypte, t. 11, p. 123 ; Desm. 192. (5) Smith, Zool. Journ., t. IV, p. 433. {5) 1bid., loc, cit. 334 et le dos sont rouge fauve; les côtés du cou rouge blanchâtre; une tache rousse derrière l'oreille, une teinte fauve blanchätre sous le corps, et des mem- branes noir brunâtre. 4° La dernière espèce et la mieux connue est le NICTÈRE DE LA FHÉBAIDE (nyc- teris Thebaïus ) (*), très bien figuré dans les belles planches du grand ouvrage de la commission d’É- gypte. Le corps a vingt-deux lisnes, la queue vingt- trois lignes sur neuf pouces d'envergure, Une tête grosse , un museau renflé, une boucle très fendue, une lvr: inférieure offrant deux bourrelets épais et dénudés, de très longues oreilles, donnent à ce nyctère une phy ionomie remarquable. Ses brassont courts el proportionneliement larges, mais en re- vanche la membrane interfémorale longue dépasse notablement les pieds, etest régulièrement échan- crée sur les côtés de son bord libre. Son pelage est gris-brun en dessus, teinté de gris-clair en dessous. Se rencontre en Egypte , au Sénégal. EE —— LES RHINOPOMES. Rhinopoma (?). Les caractères de ces chéiroptères sont, un chan- frein creusé en gouttière ; des oreilles aussi larges que hautes, ayant un oreillon lancéolé, et toutes les deux réunies sur le front. Les narines , en fentes obliques, sont entourées par une sorte de sphync- ter qui les ferme avec élasticité, et s’ouvrent à l’ex- trémité d’un petit groin détaché du museau par en haut et à angle droit. La lèvre supérieure ne descend point au-delà de la partie inférieure du groin, et l'inférieure se termine par deux mamelons séparés par un léger sillon. Les ailes sont longues, la mem- brane interfémorale est en revanche très étroite, et laisse libre la queue dans sa longueur. Leurs dents sont au nombre de vingt huit, c’est-à-dire, incisives 2, petites, coniques, écartées l’une de l’autre en haut, et les quatre d’en bas trilobées, irrégulière- ment placées, canines ; et molaires ©, les deux an- térieures de la mâchoire inférieure fausses. Les rhinopomes ne diffèrent point par leur ma- nière de vivre des vespertilions. On n’en connoît que deux espèces , l’une de l’ancien monde, et l’au- tre que l’on croit de la Caroline du sud. Ce sont : LE RHINOPOME MICROPHYLLE (rh nopoma micro- 3 hy um ) (3) qu'on a eru à tort être l'espèce figurée par Belon ( Ois., Liv. IF, p. 147), sous les noms de () Geoff., Egypte, pl. 4, fig. 1 et 2. N. Geoffroyi, Desm., 190. (2) Geoff, 6; Ibid., Desm.,esp. 493: Vespertilio microphyllus, Brunn, Copenh., pl. 6, liv. 4 à 4. HISTOIRE NATURELLE nycleris, souris chiuve, rattepenade, etc. Car il s’agit d’uu oieilard dans le Lvre du père de l’Orni- thologie franco se. Le rhinopome microphyile ou à pelite foliole nasale, a le pelage cendié, la queue très longue et très grêle, deux pouces dans les di- mensions du corps , vingt deux lignes pour laqueue, sur une envergure de sept pouces quatre lignes. Les poils sont longs et touffus. Il vit dans les souterrains des pyramides d’Eg; pte. Son naturel est irritable, et il a la singulière habitude d'ouvrir et de fermer fréquemment ses naseaux. LE RHINOPOME DE LA Ca- ROLINE ( rhinopoma Carolinense) (1), qui n’est pas de cette partie du monde très probablement , et qui n’a été nommé ainsi que parce que M. Brongniart croyoit l’avoir reçu de la Caroline du sud, est carac- térisé par des oreilles triangulaires de médiocre di- mension, un pelage : run, une queue assez robuste engagée dans la membrane interfémorale dans sa premiere moitié. Son corps a deux pouces, la queue dix-huit lignes sur huit pouces d’envergure. LES MORMOOPS. Mormoops (?). Les chauves-souris ainsi nommées par le docteur Lcach se distinguent des phyllostomes par leur système dentaire et aussi par quelques autres carac- tères. Ainsi on compte“ incisives, 5 canines, +? mo- laires : total 54%. Les incisives supérieures sont in- égales , les deux moyennes profondément entaillées à leur milieu. Les deux latérales sont remarquables par leur petitesse, leur disposition aiguë et leur forme obliquement acuminée. Celles de la mâchoire inférieure sont toutes quatre assez régulièrement tri- fides, bien que chaque pointe soit arrondie à son sommet. Les canines supérieures sont du double plus grandes que les incisives, ellesse trouven être subeomprimées, creusées en gouttière en devant, et dilatées en dedans et à la base. Les inférieures sont moins hautes, et munies d’un renflement in- terne au point d’adhérence avec l’alvéole. Les mo- laires varient. en haut ; la première est petite, aiguë, élargie à sa base, en arrière et en dehors. Les troi- sième, quatrième et cinquième ont un fort tuber- cule à leur partie basale interne ; les troisième et quatrième marquées de trois mamelons externes, et de deux dents excavées internes, tandis que la cin- quième 1,’a qu’un mamelon sur le bord interne. Les trois premières molaires inférieures sont aiguës, (1) Geoff., Desm., esp. 194. (>) The caracters of seven genera ofbats with folia- ceous appendages to the nose, by Wülliam Elford LEAC& ( Trans, soc.linn,, Lond,, t, XIII, p.73). DES MAMMIFÈRES. comprimées, dilatées ; les quatrième, cinquième et sixième, plus longues, ont en dessus cinq festons. La seule espèce connue est une chauve-souris de la Jamaïque, découverte par M. Lewis : c’est le MORMOOPS DE BLAINVILLE, (1) ayant une feuille droite sur lenez etadhérente avec les conques auriculaires. La queue est comme bifurquée à son sommet , et se trouve être entièrement engagée dans la membrane interfémorale qui la déborde de beaucoup, excepté une dernière vertébre quise trouve libre et flottante, bien que peu discernable. Le front est brusquement élevé, en laissant entre lui et les maxillaires une profonde dépression. La lévre supérieure est lobée, légèrement crénelée , tandis que l’inférieure s'étend en une membrane à trois festons, ayant au milieu un appendice charnu disposé en une sorte de dia- dème. De chaque côté du menton part un feston membraneux qui va se souder avec le pavillon de l'oreille. La langue es: hérissée de papilles recour- bées, bilides en avant, et multifides et plus dévelop- pées en arrière. Le palais, transversalement élevé, se trouve ondulé dé sillons,le crâne paroit brusque- ment séparé de la face. Cette chauve-souris a de larges oreilles à deux lobes par le haut, et le nez recouvert de tubercules irréguliers. Sa face est des plus bizarres ; son pelage est composé de poils longs, droits, peu épais. LES MONOPHYLLES. Monophyilus (?). Les monophylles ont ‘ incisives, ? canines et = molaires; les incisives supérieures sont inégales, ayant les deux moyennes les plus longues, bifides, les latéralesétroites, tronquées à leur bordexterne, dilatées à leur base. Les canines d’en haut sont très renfiées en avant et en arrière ; c Iles d’en bas sont bordées en dedans et à leur base, n’ayant de dilaté que le bord postérieur. Les molairessupérieures sont distantes et bifides pour les deux premières, tuber- culeuses pour les autres. La feuille nasale est sim- ple, droite ; la queue est courte. La face est allon- gée, et le crâne est un peu plus élargi que la face. La seule espèce connue habite la Jamaïque : c’est le MONOPHYLLE DE REDMANX ($), ayant le menton couvert de longs poils, les orcilles arrondies , et la feuille nasale aiguë, blanchâtre et velue, () Mormoops Blainvill'i, Leach, Loc. cit., pl VI. () Leach, Trans soc, linn , Lond, ,t. XUL pl. 75. ) Monophyllus Redmani, Leach, color supra fus- 339 LES NYCTOPHILLES. Nyctophillus (1). Ont deux feuilles droites, dont la postérieure est Ja plus longue. L’extrémité de la queue, formée de cinq vertèbres, dépasse le rebord de la membrane interfémorale, et présente une pointe acuminée. Les oreilles sont larges, médiocrement élevées. Le système dentaire est formé de 2 incisives, 2 canines el: molaires; total 28. En haut, les deux incisives sont allongées, coniques, aiguës ; les canines sont de même forme, mais simples ; la première molaire est aiguë, munie en arrière d’un tubereule. La deuxième et la troisième sont quadrituberculées , la quatrième n’en a que trois. En bas, les incisives sont égales, trifides, à lobes arrondis ; les canines armées en arrière d’un appendice aigu ; les molaires sont, la première simple, conique, aiguë; les deuxième, troisième et quatrième, tuberculeuses. La seule espèce de ce genre est le nyctophille de Geoffroy (2), fauve jaunâtre en dessus, blanchâtre en dessous, dont la patrie est ignorée. LES ARTIBÉES. Artibeus (3). Sont des phyllostomes par leurs incisives supé- rieures moyennes bilides, et par l’ensemble de leurs caractères, mais s’en distinguent par leurs incisives inférieures entières. Les artibées ont donc < incisi- ves, ; canines et -— molaires. Ils ont deux feuilles nasales, une horizontale ondulée, et l’autre verticale et acuminée ; la queue nulle. La membrane interfé- morale échancrée jusqu’auprès de sa base. La face esto'tuse. marquée de deux sillons. Le crâne est ample, bien qu’à peine plus large que le museau. Les incisi\es supérieures sont : les deux moyennes bifides, les latérales courtes et obtuses. Les infé- rieures sont tronquées , présentant les deux moyen- nes allongées , el creusées d'une gouttièreen devant. Les canines d’en haut sont les plus fortes ; elles sont étranglées en dedans, dilatées en arrière. Les mo- laires du maxillaire supérieur sontenfléesen dedans, la première petite, la troisième la plus volumineuse. Celies du maxillaire inférieure sont, les première () Leach, Loc. cit , p 78. (2) Nyctophillus Geoffroyi, Lerch; dorsum lutes- cente-fuscum. Fenter pectus et qula sordidé albidæ ; Cus, sublus murinus. Membrane omnes, aures el | membranæ fuscescentæ nigræ rhinophyllus fusci. (3) Leach, Traus. soc. linn., Lond.,t. XIHI, p. 79. Phyllostoma , Spix ; Horslf, 936 et deuxième , acuminées ; la deuxième la plus lon- gue, Les troisième et quatrième les plus larges, toutes tuberculeuses en dedans ; la cinquième est la plus petite. Le docteur Leach n’a brièvement mentionné qu’une espèce de ce genre nommée par lui ARTIBÉE DE LA JAMAÏQUE (1), que plus tard Horsfield a décrite avec d’amples détails sous le nom de phyllostome de la Jamaïque (?). Cette espèce de chauve-souris a un corps robuste couvert partout de longues soies mol- les; la couleur du dos, du dessus de la tête, est un gris tirant sur le brun, mais sans aucune nuance de jaune ou de rouge ; en dessous, elle est plus pâle et bleuâtre ; chaque poil du dessus se trouve être plus foncé à l’extrémité, de sorte que la fourrure paroit ou plus sombre ou plus claire suivant la po- sition ; sur le ventre, elle cest satinée et a l'éclat de l'argent. Les ailes, la membrane interfémorale et les ap- pendices du nez sont presque noirs. Les oreilles très étroites, arrondies, sont tant soit peu allongées. Le nez est couvert sur les côtés d’un duvet moelleux, parmi lequel quelques soies rudes sont éparpillées. Des quatre incisives supérieures, les deux latérales sont les plus petites; les incisives inférieures sont de même longueur et disposées régulièrement. La membrane interfémorale est profondément échan- crée. Les doigts sont semblables en longueur et en forme, et sont tous dans une même direction. Les griffes sont partiellement couvertes de poils rudes. Les lèvres sont bordées par une série régulière de verrues, et la bouche est pourvue intérieurement d’une membrane étroite et frangée. Son envergure est de quinze pouces sur quatre pouces dix lignes de longueur. À ce genre appartient encore le phyllostoma planirostrum de Spix (figurée pl. 56), qui se dis- tingue de l'espèce de la Jamaïque par la structure et l'adhésion de la portion inférieure de la mem- brane nasale, par l’absence des verrues sur les côtés du nez, ainsi que par d’autres particularités. Li vit au Brésil. LES PHYLLOSTOMES. Phyllostoma (3). Les phyllostomes ont été ainsi nommés de l’appa- () Artibeus Jamaïicensis. (2) Phyllostoma Jamaicense, WHorsf., Zool. journ., t.IL,p. 236, pl. suppl. 21. Capite sub compresso, maso ad latera pilis brevibus vestito : veæillo nasali inferiore anticè abbreviato, adnato , lobo marginali utrinque sulco solitario exarato ; corpore robusto, supra canescente fusco, subtus pallidiore, pilis sub- elongatis, molissimis. () Geoff., Cuv., Hlig., Desm , vespertilio, L. HISTOIRE NATURELLE reil compliqué qui semble être une dépendance de l’organe de l’odorat, environnant ou surmontant les narines, tantôt disposé en feuille, tantôt formant un bourrelet diversiforme. Le système dentaire est composé de trente-deux ou trente dents : {ou * incisives, ? canines et = mo- laires. Les incisives inférieures sont lobtes et dispo- sées régulièrement en arc de cercle, tandis que les supérieures sont, les latérales petites et rudimen- taires, les moyennes bilobées. La membrane nasaie, arrondie à son attache, se dresse en se rétrécissant pour finir en pointe obtuse. Elle est côtoyée par deux sillons profonds qui se ter- minent aux parines, et qui la partagent en deux por- tions ; l’inférieure assez semblable à un fer à cheval, et la supérieure qui imite un fer de lance. Enfin la partie moyenne de la feuille est plus épaisse et plus charnue que les latérales, qui sont fort rétrécies in- férieurement par les sillons des narines, ce qui fait que la portion lancéolée s’atténue à ses deux extré- mités. Cetie membrane n’adhère aux téguments de la face que sur le rebord des narines. Les oreilles sont larges, élevées, échancrées sur leur bord postérieur, puis terminées en bas par un petit lobule, ayant un orcillon pectiniforme. La bouche est assez largement ouverte, et les lèvres ont leur rebord mamelonné, et la partie moyenne de l’inférieure offre une mamelon environné de tu- bercules plus petits disposés à angle ouvert. Des pa- pilles cornées recouvrent la langue. Les ailes sont amples, ayant le doigt du milieu avec une phalange de plus. La queue varie en longueur ou manque complétement, et la membrane interfémorale est courte. Les phyllostomes vivent dans l'Amérique méri- dionale, et surtout à la Guiane, au Brésil et au Paraguay.Ce sont des chauves-souris nocturnes qui peuvent entamer la peau des animaux endormis, et sucer le sang qui s'échappe des plaies, à la manière des vampires. Buffon a connu dans ce genre le Phyllostoma hastatum, qu’il a décrit sous le nom de Chauve- souris-fer-de-lance (*), et le Phyllostoma perspi- cillatum, qui est son grand-fer-de-lance de la Guyane (?). L Les autres espèces sont, 4° LE PHYLLOSTOME CRÉ- NÉLE (Phyllostoma crenulatum) (3), à museau court, épais et obtus, ayant des oreilles larges et ovalaires; une feuille nasale taillée en triangle et dentelée sur ses bords, ne se détachant pas du fer à cheval qui la supporte. Le bout de la queue est libre. Sa len- gueur est de trois pouces deux lignes sur douze = 4 (9) T. xt, pl. 33. Vespertilio hastatus, L. @; T. vu, pl. 74. Encycel., pl. 32, fig. 4. (3) Geoff., Ann. Mus,, 15, 483, pl. 40; Desm. , 119. DES MAMMIFÉRES. pouces d'envergure. Sa patrie est inconnue. 2° LE PHYLLOSTOME A FEUILLE ALLONGÉE (Phyllostoma elonga‘um) (:), dont on ignore également la patrie. Ses oreilles sont larges, striées et étroites vers le bout, ayant leur orcillon dentelé. Le museau est court et gros. La membrane interfémorale est cou- pée carrément, et le bout de la queue se trouve libre sur elle. La feuille nasale, très allongée et très aiguë à la pointe, et lisse à ses bords, repose à son attache sur un bourrelet sinueux soudé en avarit au fer-à-cheval qui est très étroit. Il a de longueur quatre pouces trois lignes sur quinze pouces d’en vergure. 5° LE PHYLLOSTOME RAYÉ ( Phyllostoma linea- tum) (?). Est long de trois pouces sur treize pouces d'envergure. Son pelage à teinte brunâtre en dessus, plus clair en dessous, est marqué d’une raie blanche qui va de l’occiput au coccyx, en suivant la ligne dor- sale. Qnatre raies blanches se dessinent sur la face et s'arrêtent aux oreilles, également blanches, droi- tes, à oreillon pointu. Le museau est obtus, la feuille très acérée, et le fer-à-cheval arrondi. On le trouve au Paraguay. 4° LE PHYLLOSTOME A FEUILLE ARRONDIE (Phyll. rolundum) (3). A le museau plutôt aigu que plat, la feuille nasale arrondie à son sommet, parfaitement entière ; le pelage brun rougeâtre ; deux pouces neuf lignes de longueur sur quinze pouces neuf lignes d'envergure. Cette espèce est commune au Para- guay, où elle court sur le sol avec prestesse, en se jetant sur les volailles, sur les animaux domes- tiques, et même sur l’homme, pour er sucer le sang. 5° LE PHYLLOSTOME FLEUR DE LYS ( Phyll. li- lium) (*). À ses mâchoires allongées, les oreilles droites, une feuille nasale entière aussi haute que large, étroite à son attache. D’Azara assure que cha- que maxillaire ne présente que deux incisives. Le museau est obtus, peu fendu. Le pelage est brun rougeâtre, lirant au blanchâtre en dessous. Comme le précédent, ce phyllostome vit au Paraguay. Ces trois dernières espèces n’ont pas de queue, ainsi que les trois suivantes. 6° LE PHYLLOSTOME A AILES COURTES ( Phyll. bra- chyotum) (5). A le corps épais, des orcilles couttes et larges, à tragus petit et arrondi, une feuille nasale aiguë, un pelage couleur de suie en dessus, plus clair en dessous. Il vit dans les forêts du Brésil, et s'approche des habitations au crépuscule. Le sys- () Ibid., loc. cit , pl. 9. (2) Geoff., Ann. du Mus.,t. XV, p. 180. Ch.-souris rouge ou brune rayée , Azara, Par., 2,271. () Tbid., p. 181. Azara, t. IE, p. 273. (4) 1bid. et Azara ,t. IH, p. 277. Chauve-couris, #°, (5) Wied Neuwied, Mamm. du Lrésil, L 337 tème dentaire est ; incisives, ? canines et 22 mo- laires. 7° LE PHYLLOSTOME OBSCUR (Phyll. obscurum) (2). A ses oreilles ovales, la mâchoire inférieure pro- éminente, la feuille nasale étroite et ovalaire, poin- tue, le pelage noirâtre, fuligineux, passant au gris cendré sur l’abdomen. Cette espèce a été observée à Villa-Viciosa, sur les rives du Paraiba, au Brésil. Ses dents sont ainsi disposées : ‘incisives, £ canines et -“- molaires. 50 LE PHYLLOSTOME A SOURCILS (Phyllostoma su- percilialum) (?). A son tragus court, pointu, blanc, un peu robuste; le pelage brun foncé, avec une bande blanche s'étendant de la feuille nasale jusqu’à l'oreille. Il habite les bois de la Lagoa de Ponta- Negra, Sago, Arema, sur le pourtour des lacs, au Brésil. 9° LE PHYLLOSTOME A COURTE QUEUE (Phyll. bre- vicaudalum) (3). À une queue fort courte, n’excé- dant que peu la longueur de la feuille nasale. Ses oreilles sont larges, à tragus court, étroit, lancéolé. Le pelage est gris rougeâtre, tirant au brun sur les parties supérieures, et au cendré clair. Cette espèce, voisine du phyllostome allongé de Geoffroy, vit dans les grandes forêts du Rio-del-Espiritu-Santo, au Brésil. LES VAMPIRES, Vampyrus (‘). Ne différent des phyllostomes que par leur sys- tème dentaire, qui est composé de incisives, ca- nineset,; molaires. Les incisives supérieures ont les deux moyennes plus longues, tronquées au bord externe ; les latérales obtuses sont très courtes. Les inférieures sont toutes égales. Les canines sont très robustes. Les oreilles sont aussi plus grandes que celles des phyllostomes. La lèvre inférieure n’a en- core que deux mamelons, et leur museau rétréci est sensiblement allongé. Le type de ce genre est le vampire de Buffon (°), de la Nouvelle-Espagne et de la Guyane ( Phyllo- stoma spectrum, Geoff.), le canis volans maxima aurita de Séba (pl. 56, t. 1), célèbre par son habi- tude de sucer le sang des animaux pendant leur sommeil. Beaucoup d’auteurs s'accordent à nier cette faculté, mais M. d'Orbigny, qui a long-temps sé- journé dans le Paraguay, affirme ce fait : « L’avi- () Ibid., loc. cit. (2) Wied Neuwied, Loc. cit. (°) Ibid., loc. cit. (*) Geoffroy. (5) Tom. XX, page 49. } 4 dd Ç1 338 dité de ces animaux pour le sang est telle, dit ce voyageur, que les naturels sont obligés, pour s’y soustraire, de passer les nuits sous des mousti- quaires, et de renfermer soigneusement leurs poules et leurs animaux domestiques. Le vampire choisit en général la nuque, le cou et le dos de sa victime, afin qu’elle ne puisse que diflicilement se débar- rasser de lui, ce qu’elle fait cependant en se rou- lant sur le dos. » Cette p rticularité de mœurs pa- roitroit propre d’ailleurs aux phyllostomes et aux glossophages. On doit regarder sans doute comme un vampire, le grand phyl!ostome décrit par le princede Wied (1), ne différant de l’espèce la plus anciennement connue que par des caractères peu tranchés, bien que suf- fisants. Le prince de Wied dit qu’on le nomme au Brésil, sa patrie, guandir a ou jandira, ce qui por- teroit à croire que c’est le vrai andira quacu de Pison (2). Son corps en dessus est gris brun foncé, tirant parfois au rougeâtre, à teintes beaucoup plus claires en dessous. Sa longueur est de cinq pouces sur vingt-deux pouces dix lignes d'envergure. La queue déborde très peu la membrane interfémo- rale. Les Botocudos l’appellent nianghenut. Quel- ques auteurs pensent que cette espèce est le phyl- lostoma hastatum de Geoffroy, la chauve - souris fer-de-lance de Bufon, ce qui est douteux. Il se pourroit que les vampires découverts par Spix (?) au Brésil soient des phyllostomes. LES MADATEÉES. Madatæus (i). N'ont point de queue ; deux appendices sur le nez, l'un , feuille nasale s’élevant verticalement, autre horizontale semi-lunaire. Les pieds sont munis de deux suspenseurs très courts. Ils ont des doigts égaux et des ongles petits et comprimés. Les lèvres sont frangées de papilles molles et déprimées. La Jangue est recouverte antérieurement de filaments minces et bifides, plus grands vers son extrémité ; à son milieu se font remarquer des tubercules bi ou quinquéfides dirigés en avant; à sa base deux tu- bercules ovalaires sont situés dans une fossette. Le palais est en devant marqué d’une saillie longitudi- nale, et muni sur les côtés en arrière de tubercules dirigés en avant. La formule dentaire se compose de trente dents, &) Phyllostoma macrophyllum , itin. trad. franc., t.lL, p. 204. (2) Brazil, p.290. 6) Vampyrus cirrhosus, pl. 36, fig. 3: F.bidens, pl. 36, fig. 5 ; el V. soricinus, pl. 36 , fig. 2 el G. (#) Leach, Trans, soc, Linn., t, XIIX , p. 81. HISTOIRE NATURELLE + incisives, = canines et -“ molaires. Les incisives supérieures sont inégales, car les deux médianes sont les plus longues, bifides, à festons obtus, tan- dis que les latérales sont les plus courtes et obtu- ses. Les inférieures sont simples, égales entre elles et de forme acérée. Les canines d’en haut sont plus robustes et plus larges que celles d’en bas. A la mâchoire supérieure, les molaires présentent les particularités suivantes : la première est petite, aiguë, déclive sur son bord postérieur, dilatée à sa base en dedans ; la deuxième, plus large et aiguë, est armée d'un appendice obtus; les troisième et quatrième soat bifides en dehors, à divisions ob- tuses, fortement renflées à leur base et en dedans où se dessinent deux tubercules ; la quatrième, plus courte que la troisième, a une échancrure moins marquée au rebord postérieur. Les molaires du maxillaire inférieur sont : la première acuminée; la deuxième, plus grande, creusée d’un sillon en dedans, et renflée à la base en arrière ; la troisième a quatre lobes obtus sur chaque côté; la quatrième en a trois en dedans; et la cinquième, la plus petite, n’a que trois tubercules. La seule espèce connue de ce genre, la MADŸTHÉE DE Lewis (1), qui vit à la Jamaïque, a le pelage noi- râtre, la membrane interfémorale légèrement échan- crée, une envergure de dix-sept pouces et les dents striées en travers. EE —…—…—… …"…"…"…"…"”"”"…"—…—…"…"—…_—_—_—_—_—…—’…—…—… . ….… …….…—— LES BRACHYPHYLLES. Brachyphylla (2). Ont les plus grands rapports avec les glossopha- ges, mais s’en distinguent par divers caractères. Leur museau est tronqué, et le nez est séparé de la face par un profond sillon. La feuille nasale, très courte, est large et plane. La lèvre inférieure est échancrée, recouverte de verrues. La langue est al- longée et très verruqueuse ; la queue est rudimen- taire; la membrane interfémorale est ample, échan- crée, renfermant deux brides tendineuses. La for- mule dentaire est : incisives :, les moyennes d’en haut fortes, coniques, rapprorhées, et les latérales très petites; canines :, molaires ;%. La seule espèce de ce genre est le brach'phylle des cavernes (Ÿ), qui se tient dans les souterrains de () Madatœus Lewisii, ibid., p. 82. Rhinophyllus verticalis acuminatus , marginibus abrupté attenua- tis, integris ad apicem non attingentibus, hinc, has- tiformis ; aures acuminatæ , mediocres. (2) Gray, Proceedings of the Zool. Soc. of Lond., 1833 (26 nov.). C) Brachyphylla cavernarum, Gray, loc. cil.; V. Cavernarum Guilding , MS. B. Suprà badia , pilorum apicibus saturatioribus , DES MAMMIFÈRES. Saint-Vincent, une des îles du golfe du Mexique. C’est une chauve-souris longue de quatre pouces et demi sur une envergure de seize pouces. Sa feuille nasale est oblongue, le tragus est allongé, irrégulier, trilobé ; quelques poils rudes recouvrent la face. Le mäle est de couleur bai en dessus, chaque poil ayant son extrémité plus foncée, et le dessous tirant au jaunâtre. La femelle a le cou et les ailes plus pâles. Ce brachyphylle diffère des glossophages par la forme et la coupe de la feuille, la structure üe la lèvre inférieure et ses dents. Par ses incisives supé- rieures, il se rapproche du vampyrus soricinus de Spix, et par les brides tendineuses de sa mem- brane interfémorale, il a de l’analogie avec le V. spectrum. LES GLOSSOPHAGES. Glossophaga (1). Sont des phyllostomes dont le museau est allongé et étroit, et q i ont une langue disposée en bande- lette fort longue, mais peu large en revanche, que recouvrent en avant des poils nombreux, tandis qu’elle est creusée à son milieu par un sillon longi- tudinal. Cette langue est roulée, extensible, ayant ses bords saillants ou relevés en bourrelet, ce qui forme un puissant organe de suce on. Le nez est sur- monté d’une feuille taillée en fer de lance. La queue est tantôt nulle, tantôt longue. Quant à la membrane interfémorale, elle est presque nulle ou rudimentaire. Leurs dents sont au nombre de vingt- quatre, à savoir : < incisives, ? canines et £ molaires. Les incisives sont rapprochées ou rangées par paires ; ‘les canines sont médiocres, et les molaires de même forme que celles des phyllostomes. Ce sont des chauves-souris de l'Amérique méri- dionale, qui aiment sucer le sang des animaux, ce que leur rend facile la conformation de leur langue. La première est le GLOSSOPHAGE DE PA£LAS (?), qui vit à Surinam et à Cayenne, et que Buffon a dé- crite sous le nom de chauve-souris musaraigne (3). Les autres glossophages ont été inconnus à Buf- fon ; ce sont : 1° LE GLOSSOPIIAGE À QUEUE ENVELGP- PÉE (*) du Brésil, ayant la membrane interfémorale infra pallidè flavescenti badia. fæœm. pallidior. (7) Geoff. St.-Hilaire , mém. Mus , t. IV. (2) Glossophäga soricira , Geoff., mem. Mus.,t. IV, p. #18 : vespertilio soricinus , Pallas, Spieil. 3, pl. 3 et 4; la Feuille, Vicq d’Azyr, anat.1, 3°: Phyllostoma soricinum, Geolf, Mus., &. XV, pl. 11 : Encycl., pl. 32, fig 5; Desm., p. 122. BE) TXX, pitnl 177, fig. 2. (1) Glossophaga amplezicaudata, Geoff., Mus., t. IV, p. 4185:pl:18,.A. 339 large, une queue courte et terminée par une nodosité; le pelage brun noirâtre, plus clair en dessous qu’en dessus. 2° LE GLOSSOPHAGE CAUDATAIRE (1), aussi des environs de Rio de Janeiro, ayant une mem- brane interfémorale très courte, débordée par la queue, le pelage brun noirâtre. 5° LE GLOSSOPHAGE SANS QUEUE (2), à membrane interfémorale rudimen- taire, le corps brun obscur. Des environs de Rio comme les deux précédents. uen] LES DIPHYLLES. Diphylla (5). Sont des glossophages dont le nombre des dents est de vingt-huit : { incisives, ; canines et ; mo- laires, et qui ont deux appendices sur le nez, tron- qués, ne se prolongeant point sur les côtés, et tous les deux peu saillants. Les oreilles sont oblongues, Jancéolées, courtes, à oreillon entier et en fer de lance. La seule espèce de ce genre est la diphylle sans queue ({), qui vit au Brésil. Elle est longue de trois pouces neuf lignes sur dix pouces trois lignes d’en- vergure. Le pelage, villeux et ai ondant, est fauve brunâtre sur le dos; brun gris sur la tête et le ventre. Les ailes sont noirâtres, et la membrane interfémorale et la queue manquent compléte- ment. Er LES MÉGADERMES. Megaderma (). N’ont point d’incisives à la mâchoire supérieure, mais quatre à l'inférieure, les canines comme à l’or- dinaire. Quant au nombre, huit molaires en haut et dix en bas. Les incisives inférieures sont réguliè- rement rangées et sillonnées sur leur tranche. Les canines sont épaissies à leur base et munies d’un fort crochet en arrière. La feuille nasale est dispo- sée comme celle des phyllostomes, seulement elle est à triplicature, de sorte que la b se s’épanouit pour remplir es fonctions d’opercule aux narines, et l’autre extrémité est variable quant à sa forme. Les mégadermes ont un dernier caractère bien tranché, c’est de joindre à l'appareil compliqué du (‘) Glossophaga caudifer, ibid. loc. cit., pl. 17. (2) Glossophaga ecaudata, ibid., pl.18,B. G) Spix, Vesp. Bras., pl. 36, fig. 7. (:) Diphylla ecaudata, Spix, loc. cit. (5) Geoff., Cuv.; vespertilio, L.; phyllostomus, Illig. glis , Séba. 340 chanfrein les grandes oreilles des chauves-souris oreillards. Ces oreilles sont soudées sur le front par Je bord antérieur, et leur oreillon est grand et lan- céolé, Le troisième doigt des mains n’a que deux phalanges et le rudiment d’une troisième. La queue manque complétement, et la membrane interfémo- rale est coupée carrément. Leur langue est courte et lisse Les mégadermes vivent exclusivement en Afrique et dans l’Inde continentale, soit dans les forêts, soit dans les édifices ruinés. L'espèce la plus anciennement connue a été dé- couverte au Sénégal, par Adanson; c’est le méga- derme feuille (!), que Daubenton a décrit sous le nom de chauve-souris feuille dans les OŒEuvres de Buffon. Les autres mégadermes sont: 4° LA LYRE (?), que les habitants de la côte de Coromandel nomment vaval , où elle se tient dans les maisons inhabitées. Sa longueur est de quatre pouces sur douze pouces six lignes d'envergure. La feuille nasale est comme rectangulaire, coupée carrément à son sommet dans l’état ordinaire, mais paroissant avoir trois pointes lorsqu'elle est déplissée. La crête nasale à la figure d’une lyre; l’oreillon est formé de deux lobes en demi-cœur; la membrane interfémorale est pourvue dans son épaisseur de trois tendons qui partent du coccyx, et se dirigent l’un en ligne droite, et les deux autres obliquement aux tarses, tous pour plis- ser et replier la membrane sur elle-même. Le dessus du corps est d’un gris lavé de roux, parce que tous les poils sont d’un gris foncé avec la pointe rousse. Le ventre est vêtu de poils presque entièrement noirs, mais blancs à leur pointe, d’où résulte une teinte générale d’un gris très clair ou blanc grisâtre. La tête est gris clair; des poils blancs etroux clair-semés revêtent la mâchoire inférieure ; les portions membraneuses sont à teinte moins fon- cée que chez les autres chauves-souris. 2° LE SPASME (3), qui habite l'ile Ternate, long de quatre pouces neuf lignes. La feuille qui sur- monte le nez est taillée en cœur, de même que {sa portion ovalaire ou operculaire. L’oreillon est bi- lobé , et le lobe extérieur est aigu, tandis que l’in- terne est ovalaire. Le front est roux clair, et le reste du pelage roussâtre. 5° Le TR£FLE (f), que les habitants de Java, sa patrie, nomment Lovo, mot générique qui paroît être consacré à toutes les chauves-souris javanaises, () Megaderna frons, Geoff. (2) Megaderma lyra, Geoff., Ann. Mus., t. XV, pl. 12 : Isid. Geoff.it. Bél., Zool., p. 86. G) Megaderma spasma, Geoff.. Mus., t. XV, pl. 12 : Vespertilio spasma , L. Sereb., pl. 48 ; glis volans ter- matensis, Séba, t.1, pl. 56, fig. 1. _() Megaderma trifolium, Geoff., Mus., t. XV, pl. 12, HISTOIRE NATURELLE a été confondu à tort avec le spasme dont il se dis- tingue par son oreillon en trèfle ou à trois branches, et sa feuille nasale ovalaire, supportée par un fer à cheval plus ample. Le corps est long de quatre pouces sur dix pouces d'envergure. Son pelage est doux et de couleur gris de souris. LES DESMODES. Desmodus (1). Sont des rhinolophes dont la tête est petite, très courte, brièveté due surtout au raccourcissement des mâchoires, bien que l’inférieure vienne débor- der légèrement la supérieure. Les membranes sont robustes, le pouce est composé de deux articula- tions seulement. La queue manque ; la formule den- taire est celle-ci : £ incisives, = canines, < molaires. Les incisives supérieures sont coniques, recourbées, comprimées, pointues et fort élargies à leur base. Celles d’en bas sont dirigées en avant et bilobées, chaque lobe cylindracé est arrondi. Les canines sont grandes, pointues , coniques, et celles d’en bas af- fectent surtout une disposition pyramidale. On ignore absolument le nombre et la forme des molaires su- périeures. Les inférieures sont la première et la deuxième à une seule pointe, recourbées en arrière, et sont exactement adossées l’une à l’autre. La deuxième est à deux pointes. Le nez est sillonné par divers replis de la peau, couverts de poils, offrant surtout trois saillies en bourrelets légèrement aigus. Les oreilles sont pour- vues d’un tragus, mais Ja langue n’a point été exa- minée. La seule espèce de ce genre a été découverte par le prince de Wied Neuwied, dans les vieilles con- structions de la Fazenda de Muribeca sur les rives de l’Itabapuana au Brésil. C’est le Desmode roux (?), long de trois pouces neuf lignes sur quinze pouces d'envergure environ. Ses oreilles sont médiocres, plus allongées qu’arrondies, à tragus étroit, simple, acuminé au sommet et légèrement falciforme. Les narines sont obliques, entourées d’un bourrelet élevé. Les poils qui recouvreni le corps sont longs, mous, assez denses, d’un jaune clair à la base, roux ou d’un rouge cannelle au sommet, ce qui donne au pelage une teinte ferrugineuse. Ï.es parties in- férieures sont plus claires, d’un fauve jaunätre, à reflets dorés. La membrane interfémorale est brunâtre, avec des poils fauves tirant sur le jaune de soufre. («) Wied Neuwied, Beits. 11, p. 223. fig. (2) Desmodus rufus, ibid., loc. cit ; Rhinolophus ecaudatus , Schinz. 1, 168. DES MAMMIFÉÈRES. LES RHINOLOPHES. Rhinolophus (1. Les chauves-souris auxquelles on a donné le nom de Rhinolophes, ont , comme les phyllostomes, la membrane nasale très étendue, mais toutefois bien plus compliquée dans sa structure et dans son action directe sur l’odorat. Le nezen eflet est situé au fond d’une cavité assez large, sorte de réceptacle pour les effluves odorants, entouré d’une crête en forme de fer à cheval en devant, et surmonté d’une feuille. Les oreilles sont développées, mais privées d’oreil- lon. Ce dernier est remplacé par un lobe large et arrondi qui termine la conque dans sa partie infé- rieure. L'œil est situé proche l'oreille. Les levres ‘sont entières, ayant chacune à leur partie moyenne deux éminences mamelonnées. La langue est large, épaisse, et couverte de papilles molles très fines. La membrane interfémorale est ample, et la queue, diversement longue, estle plus souvent compléte- ment enveloppée. Sur la poitrine s'élèvent deux mamelles, et l’on remarque sur le ventre deux verrues pubiennes simulant des mamelles, mais privées de glandes lactifères. Leur formule dentaire est la suivante : trente dents, dont * incisives, £ canines, = molaires. Les incisives supérieures sont petites, coniques, écar- tées l’une de l’autre, et sortant à peine des genci- ves. Les inférieures sont trilobées. Les molaires ont des pointes aiguës à leur couronne. Les rhinolphes habitent exclusivement dans l’an- cien continent, soit en Europe, en Afrique, on dans les iles asiatiques de la Malaisie. Ce sont des chauves-souris vivant d’insectes nocturnes ou crépus- culaires qu’elles saisissent au vol. Dans le jour elles se retirent dans les cavernes profondes. Les espèces d'Europe passent l’hiver engourdies et suspendues par les pieds aux voûtes des souterrains. Les types de ce genre se trouvent être les petit et grand fer-à-cheval (?) de Buffon, l’une et l’autre de la France et d’une grande partie de l’Europe. Les espèces étrangères sont : 1° LE RIHINOLOPHE TRIDÉNT (*). A feuille nasale simple , laminaire, ter- minée par trois dents. Les oreilles sont en partie attachées au museau par un repli du tégument, et fortement échancrées à leur sommet en dehors. La queue est courte, débordant la membrane inter- fémorale, qui est peu large et coupée carrément. Le corps est long de deux pouces dix lignes, la queue (:) Geoff., Vespertilio, L. (>) Rhinolophus unihastatus et bihastatus, Geoff., ou Rh. ferrum equinum et hipposideros , Leach. () Rhinolophus tridens, Geoff., Egypte, pl 2, fig, 1. 341 comprise, sur huit pouces dix lignes d'envergure. Cette chauve-souris habite les cavernes et les tom- beaux de l'Egypte. ; 20 LE RmINOLOPHE pu Car (1), dont l'existence dans ce genre est douteuse. San corps est fuligineux, passant au blanchâtre en dessous; long de trois pouces six lignes, sans y comprendre la queue, qui a un pouce, sur une envergure de douze pouces. On le mentionne au cap de Bonne-Espérance. 5° LE RHINOLOPHE DE GEOFFROY (?), qui vit dans le même endroit du globe que le précédent. Sa feuille nasale est acuminée au sommet. Le corps est en dessus d’un fauve couleur de bois, passant au rouge feu en dessous. Les membranes sont noires, et l’interfémorale est sillonnée transversalement de veinules, et à peine débordée par l'extrémité libre de la queue. Le corps a trois pouces, la membrane interfémorale un pouce, sur treize pouces d’enver- gure. Le bord externe de l'oreille paroit être pro- fondément échancré. 4° LE RHINOLOPHÉ MAMELONXÉ ($). Découvert par le voyageur Ruppell au milieu des rochers qui en- tourent la ville de Mobila, en Afrique, et que caractérisent les tubereulcs qui recouvrent l’appa- reil olfactif. Le corps est long de deux pouces six lignes sur dix pouces d'envergure. Les poils qui composent le pelage sont mous, laineux et gris. Les oreilles sont profondément échancrées, ct fauves ainsi que les membranes. 5° LE RHINOLOPHE DE COMMERSON (f). Ainsi nommé par M. Gcoffroy en l'honneur du savant Commerson , qui le découvrit à Madagascar, et qui en a laissé un dessin et une description sous le nom de chauve-souris du fort Dauphin, du lieu où il l’observa. Cet animal ressemble assez au Rh. dia- dème de Timor, bien que sa taille soit plus petite. Sa feuille nasale est simple, à extrémité arrondie, sans aucune bourse. sur le front. La queue est très courte, et la membrane interfémorale finit par un angle rentrant. 6° LE RHINOLOPHE AFFINIS (°). À le pelage brun jaunâtre en dessus, fauve en dessous, bien qu’à teinte plus foncée sur la gorge et la poitrine. La (:) Rhinolophus capensis, Lichst. (2) Rhinolophus Geoffroyii, Smith, Zool. Journ.,t.Iv, p. 433. (G) Rhinolophus clivosus, Creltzsch, Rupp. Zool., pl. 18 : Apparatu olfactorio externo clivis gradatim ela- tis non dissimili; scypho parvulo fosæ nasali ferro equino membranaceo circumdatæ interposito, se- quente membranä transversali concavatà, antrorsüm eminenti, culmine obtusäâ tunc membranä rectà, conjungente posteriorem transversarie posilam , has- tatam ; corporis colore ex fusco cinerascente. () Rhinolophus Commersonit, Geoff., Mus., XX, pl. 5. (5) Rh. affinis, Horsf., Zool. Java ; texte, 342 queue est plus courte que les pieds, La membrane interfémorale est lancéolée, plissée sur les bords. La cloison du nez est droite et uncinée, et Îles oreilles ont à leur bord externe sinueux un large lobe accessoire. Cette espèce habite l’ile de Java. 7° LE RHINOLOPHE PETIT (!). Estde couleur plom- bée en dessus, teintée de f.uve brillant et passant au blanchâtre en dessous. La membrane nasale est dilatée , et la division supérieure est droite, lan- céolée, ayant sur ses bords et à sa base un large repli membraneux. La queue est plus courte que les pieds. Ses oreilles sont grandes, droites, échan- crées au bord externe, et munies d’un lobe acces- soire très grand. Son envergure est de neuf pouces anglois. El habite l'ile de Java. 8° LE RHINOLOPHE NOBLE (?), que les Javanais connoissent sous le nom de febblék, et qui est re- marquable par son pelage pruineux, comme saupou- dré de blanc. Sa longueur est de quatre pouces sur dix-huit pouces six lignes d'envergure. Les poils qui les recouvrent sont longs, soyeux , un peu lai- neux à leur base, grisâtres en dessus, plus clairs en dessous. ayant sur les côtés du cou etde l’abdo- men une tache axillaire d’un blanc pur ; queue com- plétement engagée dans la membrane interfémorale, qui est anguleuse. Ses oreilles, larges à leur atta- che , ont leur sommet aigu. Cette espèce est assez rare à Java, Elle se nourrit d'insectes. 99 LE RHINOLOPHE DÉGUISÉ (3), que les Javanais nomment Lowo-sumbo, est brun jaunâtre en-des- sus, avec des teintes plus foncées en arrière, et d’un fauve blanchâtre en dessous. Sa queue, plus courte que les jambes, dépasse de la pointe seulement la membrane interfémorale, qui est échancrée. Ses oreilles sont simples, amples, aiguës, droites, rap- prochées et à base large. Sa longueur totale est de quatre pouces sur quatorze pouces d'envergure. Cette espèce de Java, comme les suivantes, y est très rare. 40 LE RHINOLOPHE VULGAIRE (#). Est brun en dessus, blanchâtre en dessous. La queue est un peu plus longue que les jambes. La feuille nasale est simple à la base ; les oreilles sont ouvertes , échan- crées en dehors, munies à leur attache d’un lobule velu. Son envergure est de douze pouces six lignes. Il paroît être l’espèce la plus répandue dans l'ile de Java. 440 LE RHINOLOPHE DÉFORME (5). Brun en dessus, blanchâtre en dessous. Les membranes nasales sont comprimées. La face est allongée et plane. La queue (2) Rh. nobilis, ibid. () Rh. lavatus, Borsf. res. Zool. in Java. 4) Rh vulgaris, Horsf. loc. cit. (9) Rhinolophus minor, Horsf, loc. cit. ) (+) (5) Rh. deformis, Horsf, loc. cit. HISTOIRE NATURELLE est courte, Les oreilles sont larges et droites, un peu rapprochées. Son envergure est de douze pouces anglois. El se trouve é:alement à Java. 4120 LE RHINOLOPHE DIADÈME (1). A yant une feuille nasale simple, à bord terminal arrondi, trois fois plus large que haute, enroulée sur elle-même de dehors en dedans : analogue par sa forme au fer à cheval qui la borde en devant, et formant avec lui une espèce de diadème ou de couronne qui entoure les narines. Le bourrelet de la base de la feuille est très saillant. Les oreilles sont moins échancrées que dans l’espèce qui suit. La membrane interfémorale -e termine par un angle saillant. Son pelage est d’un roux vif et comme doré, très luisant. Cette espèce a été découverte dans l'ile de Timor par Péron et Lesueur. 45° LE RHINOLOPHE CRUMÉNIFÉRE (?). Diffère des autres espèces par sa feuille nasale simple ; ayant son bord arrondi , une cavité sans issue placée sur le front , en arrière de la feuille, ayant ses parois an- térieures nues, et son bourrelet s’ouvrant par le moyen d’un sphyncter. Sur les côtés du fer à che- val se dessinent trois replis du derme. Le pelage est d’un gris tirant sur un roux assez foncé. Son envergure est de treize pouces et demi. Ce rhinolophe habite l'ile de Timor et celle de Java, et sans aucun doute plusieurs des îles malai- siennes intermédiaires. 440 LE RHINOLOPHE DU DECCAN (3).A de grands rap- ports avec là cruménifère ; mais il est plus petit, a les oreilles proportionnellement plus arrondies et plus larges, et son pelage est uniformément gris de souris en dessus. Son envergure est de dix pouces. M. Temminck, dans ses Monographies, paroît avoir étudié ces animaux sur de nombreux échan- tillons. Il en admet dix-sept espèces, et regarde les rhinolophes de Commerson et larvatus d’'Horsfield comme douteux. Ce travail ne nous est connu que par une courte analyse insérée dans le Bulletin z00- logique de M. Guérin (pag. 12 et suiv.). On sait que les rhinolphes vivent exclusivement dans l’Ancien Monde, etque c’est à tort que M. Temmincek dit qu'on n’en à jamais rencontré dans la Nouvelle - Hol- lande. L'auteur néerlandois divise les espèces qu’il a exa- (:) Rhinolophus diadema, Geoff., Mus., t. XX, pl. 5 el 6. (2) Vespertilio speoris, Scb. in Screb. ; Rhinolophus crumeniferus, Pér. et Les., it. Terres aust., pl. 65. Rh. marsapialis, Geoff, gal, de Paris; Rhinolophus insi- gnis, Horsf. Zool. Research. () Rh. Duihunensis, Sykes (Proceed. of the Zoo. Soc., part. 4, p. 99). R. suprà murinus , infrà albido brunneus; auribus capite longioribus, antibrachio corpus longitudine æquante. DES MAMMIFÈRES. 343 minées en deux groupes : dans le premier, la mem- brane nasale est simple avec un bord uni, tandis que, dans le second , elle est composée, c’est-à-dire que la portion antérieure est surmontée par une sorte de fer de lance. Ainsi il range dans ces catégories les rhinolophes de la manière qui suit: A. MEMBRANE NASALE SIMPLE. 40 Rhinolophus nobilis, de Java et de Timor; es- pèce 8 de ce \olume, p. 542. 2° —— diadema, de Timor. 5° —— insignis, de Java; esp. 15, p.542. 4 —— speoris , de Timor et d’'Amboine; esp. 15, p. 542. (Cette espèce ne nous paroît pas différer de l’insignis.) 50 _—— bicolor, de Java et d’'Amboine.S.N. 6° —— tridens, d'Egypte et de Nubie;. esp. 1, p. 541. 70 —— tricuspidatus, d’'Amboine. S. N. 8° —— Commersontit, de Madagascar, es- pèce 5, p. 541. Ye —— larvatu:, de Java; esp. 9, p. 542. B. MEMBRANE NASALE DOUBLE. 40° —— luctus, de Java. S. N. 410 —— euryolis, d'Amboine. S. N. 42° —— trifolialus, de Java. S. N. 450 —— unihastatus, d'Europe, d'Afrique et de Syrie, décrite par Buflon. 44 —— affinis, de Java et de Sumatra; esp. 6, p. 541. 15° —— clivosus, d'Egypte et du cap de Bonne-Espérance ; esp. 4, p.541. 460 —— bihastatus, d'Europe, décrite par Buffon. 470 —— minor, de Java et de Sumatra; es- pèce 7, p. 542. 180 —— pusillus, de Java. S. N. 499 —— cornulus, du Japon. S. N. A ces dix-neuf rhinolophes, il faut joindre l’es- pèce du deccan, décrite dans ce volume, page 542, d'apres M.Sykes, et la nouvelle espèce découverte par M. Bennett, à la Nouvelle-Hollande, et nom- mée rhino'ophus megaphyllus. Or, nous allons, par suite de ce tableau, donner les descriptions des huit espèces nouvelles qui com- plèteront l’histoire de celles mentionnées ci-dessus. Le RHINOLOPHE BICOLORE ( R'énolophus bicolor, Temm.). A été découvert par MM. Kubl et Van- Hassel. (1), dans l’île d'Amboine et à Java. Sa feuille nasale est petite, transversale, et remarquable par (") Tijdse. voor nat.,1,p.1, pl I; Bull. de Guérin, p.12: Temm., Monog. , in-#o, Leyde, 1835, avec fig. l’excroissance qui occupe l'intervalle qui la sépare au fer à cheval. La lèvre inférieure est couverte de verrues : ses oreilles sont plus longues que larges ; leur forme est arrondie, et elles possèdent un petit lobale. Leur queue est plus longue que les deux tiers de Pavant-bras. Le pelage est formé de poils longs, unis également de deux couleurs partout, c’est-à- dire blancs au sommet, avec la pointe brun châtain, et ceux du dessous blanchâtres avec les pointes bru- nâtres. Le RHINOLOPHE A TROIS POINTES (Rh. {ricuspida= tus,Temm.). Vit à Java, où l’ont découveri MM. Boié et Macklott. C’est une chauve-souris dont la feuille nasale est étendue et se termine par trois digitations inégales, dont celle du milieu se relève en fer de lance. Ses oreilles sont petites, étroites et pointues. La membrane interfémorale est coupée carrément. L’extrémité de la queue est libre, les poils sont fins et unis, teintés de brun roussâtre en dessus, brun obseur en arrière, d’un brun sale en dessous. Le corps est long de deux pouces deux lignes, et la queue a seule dix lignes, sur une envergure de sept pouces et demi. Le RHINOLOPHE LUCTUS (Temm.). A été découvert à Java par M. Boié. C’est une chauve-souris remar- quable par l’ampleur de ses ailes, l’allongement ex- cessif des oreilles, et la forme des appendices du nez. Sa queue, de la longueur du tibia et des doigts, se trouve libre à son extrémité. Le fer à cheval re- couvre la lèvre, et le fer de lance est formé par trois replis membraneux superposés, dont la base s’appuie dans l'intervalle des narines, en se soudant à quatre feuillets disposés en croix de Malte. Deux fortes ver- rues s'élèvent à la région inférieure des joues. Le pelage est partout laineux et épais, de teinte obscure. Ses dimensions sont les suivantes : longueur totale de la pointe des oreilles à l'extrémité de la queue, cinq pouces, la queue comprise pour vingt lignes, sur une envergure de quatorze pouces deux lignes. Le RHINOLOPHE DEUIL (1) à pré enté une variété à pelage roussâtre, qui vit à Manille où l’a rencontrée M. Lydoux. Le RHINOLOPHE EURYOTIS (Femm.). À ses oreilles très grandes, munies de lobules arrondis. Sa queue est courte, ne dépassant pas le tiers du tibia. Le fer de lance est allongé ct part de la base de la mem- brane, qui est simple et droite, et dont les bords sont arrondis. Les naïines sont rebordées par un repli membraneux, et sur la partie inférieure des joues se dessinent quatre verrues. Le pelage se compose de poils épais, laineux, à teinte blanchâtre à la pointe, et roux brun foncé dans le reste de leur étendue. La face, ainsi que les côtés du cou, sont brunâtres, la (:) Rhinolophus luctus ; var, rufu, Gervais, favorite, p. 9. 344 poitrine est blanchätre, les flancs sont brun obscur et le milieu du ventre brun pâle. La femelle a moins de roux que le mâle. Sa longueur est de qua're pouces onze lignes sur onze pouces six lignes d'envergure. Cette espèce vit à Amboiue. Le RHINOLOPHE A TROIS FEUILLES (R", trifo'iatus, Temm.). A sa feuille nasale double, et la première affecte une disposition transversale, en s’unissant au fer de lance par un appendice membraneux. Ce dernier est formé lui-même par deux membranes d’entre lesquelles naît le support commun, divisé en trois festons taillés en forme de trèfle. Les oreilles af- fectent une disposition élargie, et la queue se trouve être de la longueur du tibia. Le dessus du corps est d’un cendré roussätre; la tête et le cou sont blanc roussätre , et la poitrine et le ventre d’un brun cen- dré, tandis que les membranes alaires sont jaunâtres. Cette chauve-souris, de Java, a trois pouces de lon- gueur totale sur douze pouces d'envergure. Le rmINOLOPHE PETIT (Rh. pussillus, Temm.). A sa feuille nasale élevée en fer de lance et poilue, de même que le tubercule qui se renfle à sa base. Sur la partie antérieure de celle-ci se dessine une feuille minée, se rencontrant en pointe en avant. Le pelage, dans les deux sexes, affecte deux couleurs sur le corps et une seule en dessous. Sa longueur est de deux pouces deux ou trois lignes, sur une envergure de huit pouces trois à quatre lignes. IL vit à Java. Le RHINOLOPHE CORNU (Ra. cornutus, Temm.). Est une espèce récemment découverte au Japon, par M. Burger. Sa feuille nasale est composée, poilue et Jancéolée, munie d’un repli membraneux en fer de lance. Ses oreilles sont grandes et découpées, et sa HISTOIRE NATURELLE queue égale en longueur les proportions du tiria. Ses poils sont longs et partout bicolores, et ses mem- brañes sont partoutégalement noires. Le corps a deux pouces deux lignes de longueur totale, en y compre- nant la queue pour neuf lignes, sur une envergure de sept pouces deux lignes. A ces espèces, nous ajouterons la suivante : Le RHINOLOPHE À GRANDE FEUILLE (Rh.megaphyl- lus, Grayÿ)(!), découvert à la Nouvelle-Hollande par M. Bennett, et qui habite les cavernes avoisinant la rivière Moorumbidjee. Sa feuille nasale postérieure est courte, ovale, lancéolée. Un sillon assez profond sépare les narines, et la feuille frontale se termine en une pointe membraneuse libre. La tête est allon- gée, la face déprimée, le nez arrondi. Les oreilles sont larges, et assez longues pour dépasser l’extré- mité du museau. Le pelage est doux, teinté d’un gris de souris clair. Les membranes sont nues et d'un noir mat, et recouvertes de quelques poils blancs seulement sur les côtés du corps. Ce rhinolophe à les plus grands rapports avec ceux qui vivent en Eu- rope, par la disposition des appendices compliqués qui surmontent le nez, mais avec cette différence que ces appendices sont beaucoup plus élargis; et M. Gray propose d’en faire une petite tribu distincte décorée du nom d’hypposiderus. {:) Rh. prosthemate posteriore ovato-lanceolato, faciem latitudine subæquante ; pallidè murinus ; pa- tagis subnudiis pilis sparcis albis subltus prope cor- pus instructis. Long. humeri, 12:/ lin. ; ulnæ 22'/,; pollicis cum ungue 4; tibiæ 9; pedis 5; calcaris 5 ; caudæ, 12. (Gray, Proceed., t. IV, p. 52.) —————————————— a ——————————— LIVRE VE LES MAMMIFÈRES INSECTIVORES. LES MACROSCELIDES. Macroscelides (1). Les macroscélides, dont on ne connoît qu’une espèce figurée par Petiver, mais que les natura- listes regardèrent jusqu’à ce jour comme le produit d’un caprice du dessinateur, ont été découverts au cap de Bonne-Espérance par M. Andrew Smith, et () Smith, Zoolog. Journ., Bo XVI, D. 436 ; Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Annal. des Se. natur., octobre 1829 ; Lesson, Cent Zoolog , pl. 12. \ décrits presque en même temps, d’abord par ce na- turaliste , et puis par M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Après avoir offert littéralement à nos lecteurs la traduction du texte anglois, nous reproduirons celui de M. Is. Geoffroy, qui ne laissera rien à désirer pour la connoissance complète de l’intéressant et fantasque petit animal qui forme le type de ce nou- veau genre. Les macroscélides, dit M. Smith (1), ont les dents () Contributions to the Natural History of south Africa, etc. Zool. Journ., n° xvr, p. 433, DES MAMMIFÈRES. incisives, au nombre de deux en haut et deux en bas, un peu éloignées : les supérieures verticales, comprimées et aiguës ; les inférieures couchées, et taillées en biseau à leur sommet : les canines sont au nombre de seize (!)!.. plus courtes que les in- cisives en haut, comprimées sur les côtés, et plus ou moins aiguës à leur sommet, et distantes ; les inférieures sont rapprochées ; la plus antérieure est terminée par trois pointes, tandis que les deuxième, troisième et quatrième n’en ont que deux : les mo- laires, au nombre de vingt, c’est-à-dire dix à cha- que mâchoire et cinq de chaque côté, présentent quelques différences dans la manière dont leur cou- ronne se hérisse de pointes; ainsi la mâchelière an- térieure d’en haut est quinquecuspidée; la troisième et la quatrième ont quatre pointes, la cinquième n’en à que trois; les molaires inférieures sont, les deux premières comprimées sur les côtés, et à trois pointes ; les quatrième et cinquième, à quatre poin- tes : ce qui porte à quarante le nombre total de l'appareil dentaire, dont vingt à chaque os maxil- laire. Leur museau est étroit et se termine en une sorte de trompe longue et cylindrique, à l'extrémité de laquelle s'ouvrent les narines ; les yeux sont mé- diocres, les oreilles grandes et arrondies; le corps est abondamment recouvert de poils ; la queue, qui le termine, est longue, recouverte de squamelles annelées d’où sortent quelques poils rares; les pieds, plantigrades, pentadactyles, et terminés par des on- gles falciformes : les membres postérieurs sont beau- coup plus longs que ceux de devant ( d’où découle le nom générique de macro-scelides). C’est près des musaraignes que notre nouveau genre doit prendre place, dit M. Smith. Il nomme macroscelides lypus une espèce découverte par lui dans les plaines de l’intérieur du Cap, en lui ap- pliquant pour phrase spécifique, ces mots : suprà fuscus nitore fulvo, infra subalbus. Cet animal est en eflet d’un brun rougeûtre en dessus, ce qui est dû au mélange des teintes tannée et brune; le dessous du corps est blanchâtre, et l'extrémité des membres est garnie de petits poils blanchâtres ex- trêmement courts; les oreilles sont à peu près nues, ou du moins très légèrement garnies de quelques poils blanchâtres; quelques poils noirs et roides apparoissent çà et là sur la queue; les moustaches sont noires et blanches, et se trouvent placées près de la naissance du museau allongé; les ongles sont courts, noirs, comprimés et aigus à leur pointe. Le macroscélide, mesuré des narines jusqu’à la base de la queue, est de quatre pouces neuf lignes, mesure angloise, et la queue a environ trois pouces () Dans ce nombre M. Smith compte les fausses mo- laires, petites dents anomales que montrent plusieurs carnassiers. (L.) 1. 345 neuf lignes. Il sort dans le jour, et se tient de pré- férence au bas des buissons ou des petites fourrées, d’où, aussitôt qu’il se croit découvert, il s'élance dans les terriers qu’il se creuse. Tels sont les détails publiés par M. Andrew Smith dans le tome IV du Zoological Journal. Cetouvrage n’étoit point encore parvenu en France, que M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire établissoit de son côté le genre euméère pour le même animal, nom qu’il dut supprimer dans le Mémoire qu’il publia, en octobre 4829, dans les Annales des Sciences na- turelles, pour adopter celui de M. Smith, ayant la priorité sur le sien. Voici textuellement la descrip- tion complète de cet animal , telle que la rédigée M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire (1). « Lorsqu'on lit les ouvrages des anciens auteurs, on est frappé de la confiance aveugle avec laquelle ils s’'empressoient d'adopter sans examen et de mettre au rang des faits positifs toutes les fables de leur époque ; ils semblent ne pas même s’être doutés qu’un voyageur püt ajouter quelques ornements à ses récits, ou demander à son imagination ce qu’il ne trouve plus dans sa mémoire. C’est là une source d'erreurs graves, contre lesquelles les naturalistes ont dès long-temps senti la nécessité de se tenir en garde ; mais peut-être, en voulant éviter un écueil, sont-ils tombés dans un autre, à la vérité beaucoup moins dangereux. On semble croire que, parce que nous savons beaucoup plus que les auteurs des siècles précédents, nous ne devons rien ignorer de ce qu'ils ont su : on veut retrouver, parmi les ani- maux que nous connoissons, tous ceux qu’ils ont décrits; et lorsque leur description contredit le rap- prochement que lon veut établir, on n’hésite pas à la déclarer mal faite et erronée. Je puis citer comme exemple le genre remarquable qui fait l’objet de cette description. » Petiver, dans ses Opera Historiam naturalem spectentia (?), avoit figuré, sous le nom de Sorex araneus, maximus, capensis, un mammifère très remarquable par la bizarrerie de ses formes. Des jambes postérieures beaucoup plus longues que les antérieures, des oreilles très amples, une queue aussi longue que le corps; et avec ces caractères, qui auroient pu le fatre prendre pour une gerbille, des dents d’insectivore, et une trompe aussi longue que celle d’un desman; tels sont les traits qui le signalent, au premier aspect, comme un être tout- à-fait singulier , et véritablement sui generis. Ce- pendant tous les auteurs modernes se sont accordés à ne voir dans la figure, à la vérité assez impar- faite, de Petiver qu’une sorte de caricature gros- sière d’une musaraigne du Cap; et c’est en eflet ce () Annal. des Sc. natur., octobre 1829. (2) Planche xx, fig. 9, — EST 346 qu’on trouve, non pas indiqué avec doute, mais établi comme incontestable dans tous les ouvrages récents. » Ceite synonymie est cependant fausse , et l’es- pèce qui a véritablement servi de t\pe à la figure de Petiver vient de nous a river avec ces formes et ces p'oportions que l’on avoit prises pour un produit bizarie de l'imagination du dessinateur. Décrite avec soin par M. Smith, elle vient aussi d’être re- trouvée au cap de Bonne-Espérance, par M. Jules Verreaux, auquel la science est déjà redevable d’un grand nombre d’acquisitions importantes, et qui marche avec distinction dans une carrière où s’est déjà illustré son oncle, le célèbre Delalande. » M. Smith a donné au singulier geure d’insec- tivores qu’il vient de rendre à la science le nom de macroscélide, macroscelides, qui rappelle l’ex- trême développement des membres postérieurs. Ce caractère , tout nouveau dans la famille des in- sectivores, el par conséquent très remarquable, suffit, avec l’excessive longueur du nez, pour dis- tinguer les macroscélides de tous les autres mam- mifères. Ces insectivores ont d’ailleurs en propre un grand nombre d’autres caractères, comme le montrera la description suivante, faite d’après deux individus. » Le système dentaire des macroscélides les place dans cette famille d’insectivores dont les genres scalops, mygale, sorex, et cladobates ou tupaia, sont les types principaux ; mais, malgré quelques rapports remarquables, il sufliroit seul pour mo:i- ver leur séparation générique. Les mocroscélides ont dix dents de chaque côlé et à chaque mâchoire, et ces dents présentent dans leur forme et leur dispo- sition, aussi bien que dans leur nombre, des carac- tères importants. » En procédant d’arrière en avant, on trouve de chaque côté, à la mâchoire supérieure, cinq mâ- chelières, dont la pénultième et l’antépénultième sont les plus grosses, et la dernière la plus petite; la dernière est de forme triangulaire, et n’a que trois pointes, dont deux sont antérieures, et une postérieure : les quatre autres sont de forme qua- drangulaire, et ont quatre pointes. En avant de ces cinq mâchelières se trouvent quatre fausses molaires, très comprimées, dont la postérieure a deux pointes , placées l’une à la suite de l’autre; et les trois antérieures, une pointe un peu recourbée en arrière, et un petit tubercule obtus. La troi- sième fausse molaire, la plus grande de toutes, est séparée des deux antérieures par un espace à peu près égal à la longueur d’une dent. Enfin, tout en avant, se trouve une dent p'us longue que les fausses molaires, conique, arrondie à son extré- mité, séparée de celle du côté opposé par un inter- valle vide, assez étendu, et qui, d’après l’analogie, HISTOIRE NATURELLE doit être considérée comme une canine. À la mâ- choire inférieure on trouve de chaque côté, d’ar- rière en avant, deux mâchelières de forme qua- drangulaire, et à quatre pointes, très semllables à la pénultième et à l’antépénultième supérieures ; puis une très longue dent, séparée, par un sillon profond , en deux portions, l’une postérieure, trian- gulaire, à deux pointes, l'autre antérieure, triangu- laire, à trois pointes. Viennent ersuite deux autres mâchelières de forme comprimée, ayant trois pointes placées à la suite l’une de l’autre, et dont l’intermé- diaire est la plus grande; puis quatre autres dents très comprimées, paraissant être des fausses mo- laires; enfin une dent plus longue, moins large que les précédentes, tournée en avant, se trouvant en contact avec celle du côté opposé, et qui paroît être une canine. » Les macroscélides auroient done à chaque mâ- choire, et de chaque côté, cinq mâchelières, qua- tre fausses molaires, une canine et point d’incisive. Il me suflit de donner ce résultat, et d’avoir décrit les dents des macroscélides, sans traiter avec détail du problème très compliqué de leur détermination. En effet je me suis occupé ailleurs (1), avec le déve- loppement nécessaire, de la solution de cette ques- tion, en ce qui concerne les musaraignes, el presque tout ce que j'ai dit de ce genre peut être appliqué aux macroscélides. » Les tanrecs sont, avec les macroscélides, les seulsinsectivores chez lesquels on trouve vingt dents à chaque mâchoire: leur système dentaire est d’ail- leurs très différent, puisqu'ils ont, comme chacun sait, des canines et des incisives disposées à peu près comme chez les carnivores. » Les membres antérieurs des macroscélides sont assez longs, et terminés par cinq doigts, dont l’in- terne et l’externe sont beaucoup plus courts que les trois intermédiaires; le médius est le plus long de tous. Les membres postérieurs sont presque dou- bles en longueur des antérieurs, la jambe étant beaucoup plus longue que lavant-bras, et le pied étant plus que doub'e de la main. De même que les antérieurs , ils sont pentadactyles; mais leurs doigts sont combinés d’une manière bien différente. Le pouce est, comme chez les chiens, peu libre, et beaucoup plus court que les quat:e doigts externes, son ongle étant placé à l’union du tiers antérieur du pied avec les deux tiers postérieurs. La paume des mains et la plante des pieds sont entièrement nues; les ongles sont comprimés, erochus, acérés : ceux des pieds sont un peu plus longs que ceux des mains; la queue, à peu près de même longueur que le corps, est couverte de poils rudes, très couchés () «Voyez les articles MUSARAIGNE et RONGEUR du Dictionnaire d'Histoire naturelle. » DES MAMMIFÈRES. et assez longs, surtout à l'extrémité, où ils forment un petit pinceau. » Il est à ajouter que les doigts sont séparés sur toute leur longueur, soit antérieurement, soit pos- térieurement, On ne voit entre eux aucune trace de palmature, différence très importante entre les ma- croscélides et les desmans. » Une autre différence non moins remarquable entre ces deux genres, d’ailleurs semblables à plu- sieurs égards, c’est que les yeux des macroscélides sont d’une grosseur moyenne, et que leurs oreilles, presque entièrement nues, membraneuses, et ar- rondies comme chez les musaraignes, sont très dé- veloppées. Néanmoins, et malgré ces différences re- marquables, nul autre animal ne se rapproche plus des desmans par sa physionomie que les macroscé- lides, à cause de l’extrême développement de leur nez, prolongé en une trompe grêle, de forme cy- lindrique, et d’une longueur considérable Cette trompe est terminée par un petit mufle, divisé, par un sillon médian, en deux parties, qui entourent les deux narines Dans le reste de son étendue la trompe est couverte de poils très courts et peu abondants, surtout à sa face inférieure; les jambes, les pieds, les avant-bras et les mains sont également couverts de poils ras, peu abondants, et de plus assez rudes : ceux du reste du corps Sont au con- traire fins, longs, moelleux, très doux au toucher, les moustaches sonttrès longues, et disposées comme chez les musaraignes. » Le squelette de ce genre remarquable d’insec- tivoré ne m'est pas connu ; je n’ai eu sous les yeux qu'un crâne incomplet, et j’ai seulement pu con- stater que sa forme générale le rapproche beaucoup plus de celui des cladobates que de celui des mu- saraignes. Son caractère le‘plus remarquable consiste dans la rectitude de la ligne du chanfrein. » En résumé, le genre macroscélide peut être caractérisé de la manière suivante : vingt dents à chaque mâchoire; membres pentadactyles, non pal- més, les inférieurs étant beaucoup plus longs que les supérieurs; pouce postérieur très court, queue longue, oreilles très amples, yeux de grandeur or- dinaire; nez extrêmement allongé, et formant une petite trompe grêle, cylindrique, que termine un petit mufle; pelage composé de poils longs et doux au toucher. LE MACROSCÉLIDE TYPE. Macroscelides typus. Suvrn. » L'espèce d'après laquelle je viens de tracer les caractères du genre paroît être celle qu'a décrite 347 M. Smith, et à laquelle il a donné le nom spéci- fique de typus. La partie supérieure du corps est re- vêtue de poils d’un gris noiràtre dans la plus grande portion de leur longueur, puis noirs, et enfin d’un fauves à leur pointe, et paroît, dans son ensemble, fauve roussätre varié de brun, couleur qui diffère peu de celle du lièvre commun ; les poils de là face concave des oreilles sont blanchâtres; ceux, moins nombreux encore, de la face convexe sont d’un fauve roussâtre ; le dessous du corps, dont les poils sont noirs à la racine, blancs à la pointe, la face interne des avant-bras et des jambes, entin les mains et les pieds sont blancs; la aueue, variée de roux brunâtre et de blanchâtre à son origine, est noire dans le reste de son étendue. » Voici les dimensions des principales parties : elles sont prises sur le plus grand des individus que j'ai examinés. Pouces. Lignes, Longueurtotale. 4. Lune = UUCONDS NEC CE ————— de la queue, , , . , . . ————— de la tête, y compris la CÉOM PEL IS NS MORE NE ————— des membres antérieurs. . ————— des membres postérieurs. , ————— de la main. . . . . HUIT REC RCE ————— des oreilles. . . . = y N à NN & or © eye de » » Le genre macroscélide devra être placé près des desmans et des musaraignes; il formera pour la science une acquisition précieuse, non seule- ment à cause de ses proportions singulières et de l'erreur à laquelle il avoit donné lieu, mais aussi à cause des rapports nouveaux qu'il établit entre les carnassiers insectivores et deux autres groupes, les marsupiaux insectivores et les rongeurs. En effet les macroscélides répètent presque à tous égards, en petit, les péramèles, et ils se rapprochent d’une manière évidente, par leurs organes du mouvement, des gerboises, des gerbilles et des hélamys. Ces derniers rapports me semblent sur- tous intéressants, et méritent d’être exposés avec quelque détail. » Sous le point de vue de leurs organes du mou- vement, les rongeurs peuvent être rapportés à cinq types, 4° les marcheurs, comme les rats, les cam- pagnols; 2° les fouisseurs, comme les rats-taupe*, les pores épics; 5° les nageurs, comme les castors, les ondatras ; 4’ les grimpeurs, comme les écureuils, les loirs; 5° les sauteurs, comme les gerboises, les hélamys (1). (:) « Ces cinq groupes se trouvent également repré- sentés parmi les marsupiaux; savoir, les marcheurs par les dasyures et le thylacine. les fouisseurs par le phas- 348 » L'établissement du genre macroscélide prouve que ces cinq combinaisons des organes du mouve- ment peuvent se présenter avec le système dentaire des insectivores comme avec celui des rongeurs. Ainsi les marcheurs se trouvent dès long-temps re- présentés, parmi les premiers, par les musaraignes, les fouisseurs par les taupes et les hérissons, les nageurs par les desmans. Le genre tupaia ou clado- bate (1), établi depuis quelques années, représente parmi eux le type des grimpeurs ; et le $enre ma- croscélide vient compléter cet ensemble, en repré- sentant celui des sauteurs. » LE MACROSCÉLIDE DE ROZET. Macroscelides Rozeli, DUVERNOY (?). Nous avons donné page 547 de ce volume l’his- toire d’un petit animal des plus intéressants décou- vert au Cap par M. Smith, et qu'il a nommé Macroscélide type. Dans ses recherches sur Île territoire d'Afrique, le laborieux géologue Rozet à rencontré une seconde espèce de ce petit genre anomal , si curieux par ses formes transitoires et ses points de contact avec divers rongeurs. La descrip- tion qu’en a donnée M. Duvernoy, dans les Mémoires de Ja Société d'Histoire naturelle de Strasbourg, ne 0 colome , les nageurs par le chironecte, les grimpeurs par les phalangers et les didelphes, enfin les sauteurs parles kanguroos, les potoroos, et les péraméles. » () «La découverte de ce genre remarquable a élé attribuée tantôt à M. Diard, tantôt à sir Raffles. Le fait est qu'elle n'appartient ni à l'un ni à l’autre de ces voyageurs, mais à Leschenault de La Tour, qui avoit envoyé dés 4807, au Muséum royal de Paris, un indi- vidu de l’espéce que l’on a depuis appelée tupaia java- mica. » (2) Mémoire de la Soc. d’hist. nat. de Strasbourg, t.1, deuxième livr. (1833), pl. 1 et 2. Caractéres du genre Macrocelides , Smith, rectifiés par M. Duvernoy. Formule dentaire. IN CISIVES CT. Maxil. sup. Canines. . . . Fausses molair. Molaires. : Anormales. . . Normales, . . . | Maxil. inf..Incisives. . . . Canines. . . . Faasses molair. Molaires. . . Anormales. . . ou 1—1 Normales. +. . ou 3—3 Rostrum in proboscidem desinens, orificiis narium in apice parum oblique perforatis. Oculi mediocres, orbiti rotundi; auriculæ magnæ; pedes plantigradi ; 20 Dents. dr es D QG & © © à =) 5 2 29 HISTOIRE NATURELLE laisse rien à désirer, et nous la reproduirons dans la majeure partie de ses détails. Les distinctions spécifiques à établir entre les deux (!) macroscélides ne sont pas très tranchées : elles suffisent cependant pour le zoologiste. Ainsi, le macroscélide type de M. Smitha les oreilles plus étroites et plus oblongues que ne le sont celles du macroscélide de Rozet, de M. Duvernoy. Le premier diffère encore du second par un pelage plus clair et plus nuancé de roux, par une large tache de jaune arrondie placée derrière chaque oreille, par une raie noire longitudinale qui occupe le milieu du museau, et enfin par un plus grand allongement de ce dernier organe. On croit même qu’il en existe une troisième espèce au musée de Paris, reconnois- sable à ses oreilles beaucoup plus larges et tout-à- fait rondes, etqui pourroit bien être celle qu’auroit figurée Petiver. Quelques autres distinctions, tirées de la disposi- tion des dentset des proportions des membres, sont relatées ainsi qu'il suit par M. Duvernoy : À la mâchoire inférieure, les deux incisives anteriores posterioribus multo breviores ; omnes pen- tadactyli; ungues semi retracli. : k ( Dents incisives. 6/, 4° Macroscelides typus,Smitr. (Faussesmolair. 0 —0 Anormales, . . . ——— 4 — 1 3 — à Normales. . . . ——— 3 — 3 Suprà luteo falvus , albus infra; auriculis oblongis. Macula lutea post eas. Rostrum aculum, longius. Den- tibus primoribus irtermediis approximalis in mandi- bula; ejusdem tribus primoribus imbricatis. Hab. in Africa meridionali propé Cap de Bonne-Espérance. 2 Macroscelides Rozeti, Duvernoy. Dents incisives. 6/, Fausses molaires. 0 — 0 : Anormales. * + + ——— \ 323 2 — 2 (Re se e ——— 2 —92 5 —5 Molaires vraies. +. — 3 — 3 Suprà fasceus, infrà subalbus, auriculis rotundatis; ros- trum brevius, dentibus primoribus discrelis in mandi- bula. Hab. in Africa septentrionali propé Oran. () M. Smith écrit le 8 septembre 1830 (Proceed. of the Zool. Soc., t.[, part. 4, page 11), qu'il a découvert une nouvelle espèce qu'il nomme Macroscelides rupes- tris, et qui vit dans les montagnes placées à l'embou- chure dela riviére d'Orange, principalement dansles rochers. Ce genre de vie etla coloration de son pelage le distinguent suffisamment du typus; il n’a pas comme ce dernier la large tache arrondie placée der- riére l'oreille à sa base. DES MAMMIFÈRES. 349 moyennes ne sont séparées que par un très pelit intervalle, à peine marqué, tandis qu’elles sont très écartées dans l’espèce d'Oran dédiée à M. Rozet. La deuxième incisive touche la première. La pre- mière fausse molaire s’avance derrière Ja deuxième incisive , et pourroit tout aussi bien passer pour une troisième incisive, étant semblable à la seconde, Ces deux dents diffèrent beaucoup dans l'espèce d'Oran. La deuxième fausse molaire abnormale est aussi en forme de hache etlobée. LL y a ensuite une fausse molaire normale ou à deux racines, ayant une pe- tite pointe au milieu, et une petite surface tritu- rante en arrière; puis, deux autres plus grandes avec une pointe saillante au milieu , une moins sail- lante en avant, et un creux en arrière. Les trois molaires sont analogues à celles du haut, mais plus étroites et moins épaisses, ayant leur bord externe plus court que l’interne. Les trois incisives supérieures sont à égale dis- tance. Il y à un intervalle très marqué entre Ja troi- sième et la première fausse molaire. Lescinq vraies molaires ont toutes quatre pointes, sauf la cinquième qui n’en à que trois. Leur bord interne est aussi le moins saillant; leur couronne moins large et plus hérissée, et ne présente pas ce creux très prononcé et dénué d’émail que nous avons signalé dans le macroscélide de Rozet. Cette différence, qui tient sans doute à divers degrés d'usure, et qui ôte pour ainsi dire aux vraies mo- Jaires de cette dernière espèce le caractère des in- sectivores, estun indice, dit M. Duvernoy, qu'elle se nourrit aussi de substances végétales (1). {) «Le macroscélide de Rozet, ou rat à trempe de la province d'Oran , ne se trouve ni à Alger, ni à Bougie, ni à Bone. Une personne en avait à Oran deux individus qui ont vécu une quinzaine de jours. Ils firent beaucoup de bruit la première nuit qu’ils passèrent ensemble , et l'on s'aperçut le lendemain que l'un des deux avait mangé la queue de l’autre. On les nourrissoit d'orge, de riz, de lentilles et d’autres semences dont ils ne laissoient que l'enveloppe. Ils aimoient beaucoup les mouches qu’ils avalaient avec une rapidité remarqua- ble. Quand on les appeloit en leur présentant un de ces insecles, ils accouroient tout de suite pour les prendre. » On doit espérer que la ménagerie du Muséum ne tardera pas à posséder des macroscélides vivants.» (Hermés, 29 mai 1836, p.95.) Tableau des dimensions relatives du macroscélide type de Smith, et du macroscélide de Rozet, de Duvernoy. MACROCÉLI- | MACROSCÉLIDE DE de TYPUS. ROZET. a | —, pouc |ligne.!pouc.| lignes. = — | Longueur totale, , 9 0 9  Id. du corps. 5 o 4 8 Id. de la queue . 4 o 4 3 Id. de la tète, y compris. la trompe: 2 2 1 10 Id. des membres antérieurs. I 6 J 7 Id. des membres postérieurs. . 2 3 2 9 Id. delamain. . . 0 6 o 5 Id. dau pied. 1 3 1 2 Id. des orcilles = o 8 (e) o Hauteur depuis l'occiput a su Pointe) - » » o II Longueur de la HD dés les pre- mières dents. . » » o 5 3/2 Distance du bord anté rieur de l orbite à l'extrémité de la trompe. » » o J Id. Au bord antérieur de l'oreille au bord postérieur de l'orbite. . . » » o 4 Diameétre Jongitudinal de l'orbite et VELÉICAL UT EE EAN DES) » o 3 1/2 Dimensions prises sur le squelette. Fongueur Üerlnétète, 2 mu . » » I 4 Id. du bord dentaire supérieur. . . » » o 8 1/4 Id. du bord dentaire inférieur. . . » » o 8 1/2 Plus grande longueur de l’omoplate, depuis son angle postérieur à l’extre. mite de l’apophyse coraceide. . . . » » 0 9 Longueur de Ja clavicule. . , , . . » » o 4 3° Id. des bras, y compris l'olécrane. , » » o 12 2/3 Id. _ de la main, jusqu’au bout des plus lonssidoists le en er » » 0 5 Id) du fémur, depuis le grand tro- chanter à l’un de conasis: » » (] 11 1/4 OR ET) E dde leo St:6 ct » » 0 17 Id. du pied. . . » » 0] 1 Id. des vertèbres ‘cylindriques de la queue, qui manquent d’ PRARNTEES épineuses et transverses, , , » » 4 6 Id. des autres vertebres de la queue. » » o 4 ld. des vertébres sacrées. , . . o » » o 4 Id. des vertébres lombaires. . . . » » o IL Id. des vertébres dorsales , LEO) » o 10 1/2 Id. des vertèbres cervicales. . . . » » o 3 2/3 Id. du bassin, depuis l'extrémité de l’iléon à celle de l'ischion. . , . » » 0 11 Le macroscélide de Rozet est remarquable par sa tête, qui se prolonge en un museau disposé en forme de trompe arrondie couvert de poils-jaunâtres, roux à son extrémité, complétement nu en dessous, où se dessine un sillon longitudinal, résultat de la séparation de la lèvre supérieure en deux replis. Les narines, de forme ovalaire, se trouvent être per- cées à l’extrémité du nez, et séparées par un petit sillon vertical. La bouche, assez fendue, laisse voir, quand elle est ouverte, une partie des vraies molai- res. Les joues sont larges et forment comme une poche , au fond de laquelle sont les dernières vraies molaires. Les oreilles sont longues, ovales, ayant le bord antérieur un peu replié en arrière, depuis la base jusqu’à la moitié, et même près des deux tiers de la hauteur ; il est simple : le bord postérieur forme un bourrelet épais dès la base qui se bifurque à deux lignes de hauteur. Cette bifurcation en porte une autre, dont la fourche antérieure, plus longue, va se confondre versle haut avec le bord de l'oreille, et dont l’autre, beaucoup plus courte, moins sail- lante, moins épaisse, se perd de suite en dedans de ce même bord postérieur, Dans la conque même, 390 mais en avant, est un petit lobe de forme arrondie, libre dans sa partie supérieure, tenant par sa base au fond de la conque. Les yeux sont ronds, de grandeur médiocre. Leurs paupières, peu développées, ont paru manquer de cartilage : on diroit qu’elles ne sont formées que d’un repli circulaire de la peau. Le corps a une forme ramassée, épaisse et courte. Quoique les extrémités postérieures soient beau- coup plus longues que les antérieures, on ne peut pas dire que cette différence se rapporte, comme dans les gerboises et les kanguroos, à un dévelop- pement proportionnel beaucoup plus considérable de la partie postérieure du corps. Celui-ci se termine par une longue queue. L'ouverture de l’anus , placte sous l’origine de la queue , est garnie de petites glandes. Sous elle et en avant, est une large poche formée par deux replis transverses de la peau, qui vont d'une fesse à l’autre, et interceptent une cavité peu profonde, au fond de laquelle est proprement _ l'orifice de la vulve. Toutes les parties des extrémités antérieures sont plus courtes que celles des postérieures, comme on peut le voir dans la table des longueurs qui a été donnée précédemment ; mais cette disproportion est surtout remarquable dans les pieds de derrière, comparativement à ceux de devant. Les quatre extrémités sont terminées par cinq doigtsbien distincts, bien séparés, armés de grands .onglestranchants en faucille , qui sont emboïtés sur un unguical de même forme, de manière à rester relevés dans la marche, et à ne pas s’user par Île frottement. Il y a sous l'articulation de la deuxième phalange avec la troisième , une callosité saillante, comprimée et arrondie. Aux pieds de devant, le pouce est reculé et n’at- teint pas la base du second doigt. Le quatrième est le plus long, et le cinquième le plus court après le pouce. Aux pieds de derrière, le pouce ne s’avance guère plus qu’à la première moitié de la longueur du bord interne, y compris le second orteil. Les quatre au- tres doigts ont à peu près les mêmes proportions relatives qu'aux pieds de devant. Le fond de tout le pelage du corps, de la tête, des cuisses , des bras, est gris de souris, plus foncé en dessus qu’en dessous, parce que la première partie), sans conque externe aux oreilles, à épines cendrées et jaunâtres, et qui est dit vivre à la Guyane. D’Azara à supposé qu’il s’agissoit d’un coëndou; et la longueur du corps, qui est de huit pouces, semble le prouver (f). (9) Linné: Séba, Thes. t. I, pl. 31, fig. 1 ; Brisson, p.183. Hystrix brochyura, Gmelin. 3) Brisson , Rég. an., p. 182. Acanthion echinatus, Klein. (2) Linné; Séba,t.I, pl. 49, fig. 3. (4) M. de Blainville (*) vient de publicr sur les animaux insectivores des rapprochements intéressants. 11 classe avec les trois genres anciennement connus, taupe, masaraigne et hérisson, plusieurs formes nouvelles découvertes dans ces derniers temps. M. de Blainville a cherché, comme il a entrepris de le faire pour toute la série animale, à déterminer la position de cette fa- mille, ainsi que la disposition et la distribution des gen- res et des espèces qui la composent. Pour leur position, il aadopté la marière de voir de Storr et de Pallas, qui en font un groupe, les chauves- souris ou chéiroptéres, et précédant les carnassiers plantigrades. Quant à la disposition, quoique Ics musaraignes {soreæ) soient peut-être plus rapprochées des chéirop- téres par la forme générale, M. de Blainville croit néan- moins commencer la série des inseclivores par les tau- pes, qui sont pour ainsi dire des insectivores disposés pour voler dans un milieu plus ou moins meuble, comme les chauves-souris le font dans l’atmosphère, qui est un milieu au contraire d’une si faible densité. Il termine parles hérissons dont les dernières espèces ont le sys- tème dentaire normal des carnassiers, et surtout des carnassiers didelphes; intermédiairement se placent dans les sorex qui , en effet, passent aux taupes par les desmans, aux hérissons par les gymnures. La distribution des espéces est une conséquence de leur disposition.M. de Blainville les réunit sous les trois dénominations génériques talpa, sorex, erinaceris, et prenant en considération l’ensemble de leur organisa- tion ,et surtout la forme générale du corps et de ses appendices ; le système dentaire étant trop variable pour que toutes ces différences puissent être regardées comme génériques, la valeur de ces différences est beaucoup plutôt spécifique, et, ainsi envisagée, elle est d'une certitude vraiment remarquabie. 1° Les taupes, talpa, sont définies par la forme de leur corps sacciforme plus large en avant qu'en arriére, par le grand développement proportionnel de leurs membres antérieurs, par la petitesse de leur queue, de leurs yeux et de leurs oreilles; elles se partagent en sec- (‘) Hermés, no 84, p. 122, 1837. 357 LES TENRECS. Centenes (1). Le tenrec (?) et le tendrac (5) ont été décrits par Buffon. Il en est de même du tenrec rayé que Son- nerat a figuré dans son Foyage aux Indes, mais que Buflon (f) regardoit à tort comme un jeune tenrec. tions caractérisées par diverses particularités de détail du système dentaire et de la queue, qui est de moins en moins courte, Chrysochora, talpa-svrex, condylurus. 2 Les musaraignes, sorex, définies par la forme du corps la plus normale, les membres dans les proportions babituelles, et la queue allongée, sont groupées d'aprés la considération de leur degré de rapprochement ou d'é- loignementavec les taupes, ce qui permet de distinguer parmi elles les mygales ou musaraignes à queue compri- mée, espèces tout-à-fait aquatiques; les solenodons ou musoraignes à queue de rat, et dont l'espèce unique re- présente scule jusqu'ici les musaraigres dans l'Amérique méridionale; les sorex proprement dites, partagées con- venablement par MM.Wagler et Duvernoy en trois grou- pes , que le second de ces naturalistes appelle hydro- sorexæ, soreæ ( crocidura Wagl.) et amphisoreæ. A côté de ces animaux se place le macroscélide d'Afrique, qui est pour ainsi dire le dipus des sorex, et les cladobates qui en sont les sciuziens, et pour lesquels on ne sauroit trouver de nom meilleur que celui de Glisoreæ Musa- raigne-Loir ou Reureuil) que leur avoit donné M. Diard. 3° Les hérissons, erinaceus, sont caractérisés par leur corps plus ou moins globuleux , plus gros, mais en général à museau pointu, leur queue variable ou nulle, leur doigts forts à ongles fouisseurs, et surtout les pi- quants plus ou moins abondants dont leur peau est ar- mée, ainsi que par leur systéme dentaire de plus en plus semblable à celui des vrais carnassiers. M de Blainville les dispose d'après la considération de ce dernier Sys- tème,-ainsi que d'aprés l'étendue de la queue, d'abord longue et écailleuse comme dans les gymnures que l’on a quelquefois, mais à tort, placés parmi les carnassiers digitigrades; puis très courte comme dans les héris- sons qui sont aussi pourvus d’une arcade zygomatique, ou tout-à-fait nulle comme dans les tanrecs , subdivi- bles en fandrecs et en tanrecs, d'aprés la considéra- lion de leurs incisives au nombre de de chaque côté dans les premiers, et de 2 oui même dans le jeune âge chezles seconds, comme c’est le cas du tanrec or- dinaire de Madagascar, de l’île de France et de Bourbon, et du centener variegalus ou semi-spinosus , dont on ne connoiît encore que le jeune âge. M. de Blainville retire de la famille des inseclivores pour la placer parmi les digitigrades à côté des van- sires , l'intéressante cespêce des carnassiers dont M. Doyére a fait le genre eupleres. Il à de plus rétabli la signification de différentes parties du système den- taire des insectivores; mais il seroit trop long et trop difficile d'en donner la démonstration sans figures. (:) Iliger, Prod. Setiger, Cuvier. 2) Centenes spinosus, Desm. ; Erinaceus ecauda- tus , L. (3) Centenes Setosus, Desm. ; Érinaceus setosus, L. (4) Suppl, t HF, pl. 37. 358 C’est bien évidemment une espèce distincte couverte de soies mêlées aux piquants, rayée de jaune et de noir ; ses mächoires ont six incisives, et des canines grêles et crochues ; sa taille est au plus celle de la taupe. Tous les tenrecs sont originaires de Madagas- car, et naturalisés à l’île Maurice. M. Dujardin (1) à publié sur le tendrac une note qui renferme quelques détails intéressants. Les jeunes, à quelques mois, n’ont au plus que quatre pouces de longueur ; et les bandes jaunâtres qui se dessinent sur le fond brun de leur pelage, disparoissent en vieillissant, et font place à une teinte fauve uniforme. Les nègres sont tellement friands de leur chair, qu'ils les font griller pour les manger aussitôt qu’ils les prennent. Les créoles de Maurice leur donnent le nom de tandk ou tandka. Les femelles mettent bas de quinze à dix- huit petits pour une portée. Un fait neuf de leur his- toire est leur habitude de se retirer dans les terriers souterrains à l’ile Maurice, depuis juin jusqu’en no- vembre, et ils n’en sortent guère qu’en décembre. Le pelage d’une variété est remarquable par le rouge de sang qui colore et les poils et les piquants (?). {) Ann. des sc. nat ,t. XX, p. 479. (‘) M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a lu à l'Académie des Sciences une notice sur les mammifères épineux de Madagascar, ayant pour sujet la description d'une espèce nouvelle de tanrec, et l'établissement d'un troisième genre d’insectivores épineux, habitant comme les Lan- recs l'île de Madagascar, et exactement intermédiaires par ses rapports naturels entre ceux-ci et les hérissons. Les caractères des tanrecs sont les uns communs avec les hérissons, les autres différentiels. Parmi ces derniers on peut citer, quoique n'étant qu'un carac- tére de sccond ordre, la disposition relative des poils et des piquants chez les hérissons; la tête est couverte de poils en dessus comme en dessous jusqu'à la nuque, point à partir duquel toute la partie supérieure est cou- verte de piquants sensiblement de même longueur. Chez les véritables tanrees, le museau, aprés un espace nu assez élendu qui estun prolongement ‘du mufle, offre des poils dont la longueur et la grosseur vonten augmentant insensiblement d'avant en arriére, jusqu’à ce qu'au niveau des yeux ce soient déjà de véritables piquants , suivis eux- mêmes d'autres plus grands et plus forts; le passage des poils aux piquants est aussi insensible sur les flancs; vers la croupe, les piquants, sans diminuer de longueur, deviennent plus grèles et finissent par n'être que des soies; enfin, du milieu des piquants et des soies naissent de distance en distance de longs poils comparables à ceux des mous- taches. Les pieds des tanrecs offrent au train de derriére et à celui de devant même disposition des ongies et même longueur respective des doigts; chez les hérissons cette similitude est loin d'être aussi complète. Un caractère plus important des tanrecs consiste dans l’allongement considérable du museau, sorte de groin trés certainement mobile, et qui se lie aux carac- têres de premier ordre que fournit le systéme dentaire. Les dents consistent pour chaque côté et à chaque mà- choire en cinq mâcheliéres, une fausse molaire séparée HISTOIRE NATURELLE RSS ER LES GYMNURES. Gymnura. Les premières notions que les naturalistes aient eues des gymnures sont dues à sir Raffles, et consi- gnées à la fin du Catalogue des collections faites par cet Anglois zélé et instruit, inséré dans le tome XIII des Transactions de la Société linnéenne de Londres. Sir Raflles, toutefois, confondit l’animal-type avec les viverres, et lui appliqua avec doute, il est vrai, le nom de viverra gymnura. Mais sa description est si précise, qu’elle nous porta, en mai 1827, à créer dans notre Manuel de Mammalogie, p. 471, le genre gymnure, gymaura, en donnant à l'espèce le nom même de sir Raffles. Dans le dixième cahier du Zoo- logical Journal, d'avril à septembre 1827 inclus, et qui n’a pu paroître que dans le mois d’octobre sui- vant, MM. Vigors et Horsfield fournissent une nou- velle description du gymnure, en l’appelant égale- ment comme nous gymnura Rafflesii. La figure par un petit intervalle de la première mâchelière, et par un très grand intervalle d’une très longue canine comprimée, pointue, très semblable à son analogue chez la plupart des carnivores; enfin, de même que chez ceux-ci, il existe entre les canines des incisives trés petites de forme assez simple, mais sur le nombre desquelles les auteurs ne sont pas d'accord. D'aprésles recherches de M. I. Geoffroy, leur véritable nombre est, dans la jeunesse, de six en haut et de six en bas; dans l’âge adulte, les deux plus externes de la mâchoire su- périeure manquent. M. Geoffroy a fixé la synonymie et la description des espèces anciennement connues , le tanrec de Buffon et le tanrec demi-épineux; puis il en fait connoître une nouvelle espèce, le tanrec armé dont le seul individu connu aélé donné au Muséum avec d'autres animaux d'Afrique, par M. le capitaine d'artillerie Sganzin qui les avoit pris sur les lieux. Quant au tendrac de Buffon, l’auteur du mémoire a été conduit à le retirer du tan- rec pour le comprendre dans le nouveau genre qu'il établit sous le nom d'Ericule. Buffon savoit hien que tous les mammifères épineux de Madagascar ne pouvoient être rangés parmi les tan- recs.« Dans les mêmes endroits, dit-il, où ces derniers animaux se trouvent, on rencontre aussi des hérissons de la même espèce que les nôtres qui ne portent pas le nom de tanrec, mais qui s'appellent Sora.» Mais au lieu d'être un vrai hérisson, le sora doit devenir le type d'un genre distinct entre les hérissons et les tanrecs, et c'est dans ce genre établi sous le nom d'Ericule (nom qui rappelle l’analogie de ces animaux avec le hérisson, et indique leur petite taille, que doit venir se placer le Lendrac de Buffon , jusqu'à présent associé à tort aux lanrecs. M. le capitaine Sganzin, auquel est due la connoissance du tanrec armé, est aussi le pre- mier qui ait fourni à lascience les éléments nécessaires à l'établissement du nouveau genre éricule. Un sora en trés bon état se trouvoit dans la collection dontil a fait don au Muséum ; et, depuis, d’autres individus de DES MAMMIFÈRES. 359 qu’ils en ont publiée paroit exacte, et nous l’avons reproduite planche 22 de notre Atlas. Telles sont les données historiques que nous possédons sur ces mammifères : on voit qu’elles ne sont ni anciennes ni nomhreuses. Sir Raflles s’est exprimé, relativement à ces ani- maux, en ces termes : « Depuis que j’ai rédigé mon Catalogue, on m'a apporté un animal nouveau et sin- gulier ; il appartient aux viverres par le nombre de dents, mais il s’en distingue par leurs formes et par leurs proportions : sa queue est dénudée comme celle d’un rat; si on lui conserve le nom de viverra, on devra lui adjoindre comme désignation spécifique le mot de gymnura (queue nue). Cet animal à plus d’un pied de longueur du nez à l’origine de la queue, qui a elle-même plus de dix pouces. Le corps, les jambes, et la première moitié de la queue, sont d’un noir intense, tandis que la tête, le cou jusqu'aux épaules, sont blancs; les yeux sont surmontés par un demi- cercle brun, et des poils blancs se trouvent mélangés aux noi:s sur l’occiput; la queue, que revêtent des écailles nues, est noire dans sa première moitié, et blanche dans le reste de son étendie; le pelage se la même espèce ont été envoyés en France par M. Gou- dot, voyageur du Muséum, avec des notes pleines de détails intére:sants Examinant les caractères du genre éricule dans le même ordre qu'il a suivi pour le genre précédent, M. I. Geoffroy remarque que le pelage chez ces animaux est bien différent de celui des lanrecs, et, comme dans les hérissons, composé de trois sortes de poils : en pre- mier lieu de poils ordinaires, mais en petit nombre, mais couvrant la tête jusqu’à la nuque, les membres et toutes les parties inférieures du corps; en secondlieu de quelques longs poils ou moustaches qui naissent sur les parties latérales du museau, et se dirigent en arriére ; enfin en troisiéme lieu, de piquants trés résis- tants, soit en avant et au milieu du dos, soit en arriére. Mais une différence notable entre les téguments des éricules et des tanrecs, c'est que les longues soies, qui chez ceux-ci s'élèvent du milieu des piquants, man- quent Lolalemernt chez les premiers. Les pieds, dans la forme de leurs ongles et celle de leurs doigts, offrent des différences assez sensibles avec les Lanrecs. La queue, plus courte encore que chez les hérissons, est complétement couverte par les pi- quants de la croupe. La tête, plus longue que dans les hérissons, plus courte que dansles tanrecs, indique également par sa forme que ces animaux appartiennent à un genre inter- médiaire. Les éricules ressemblent aux derniers par la forme de la région moyenne de la tête, et notamment par le caractère qui rend si remarquable le crâne des tanrecs par l'absence de l’arcade zygomatique. Les mêmes caractères mixtes se montrent, et plus clairement encore, dans le système dentaire. En effet, quoique les molaires soient en même nombre, et à peu près de même forme que chez les tanrecs, il y a dans les autres des différences bien marquées. Ainsi, 1° ces grandes canines qui distinguent si bien les tan- compose de deux sortes de poils, l’un épais, très fourni, très soyeux, formant une bourre dense au- tour du corps, que traversent de longues soies ; le museau très allongé se termine par un mufle qui dé- passe d'environ un pouce la mâchoire inférieure; les narines sont en saillie, et leurs bords se trouvent être roulés ; la langue est ample , et douce sur sa sur- face ; les yeux sont petits ; les oreilles arrondies, dres- sées et dénudées ; des moustaches composées de longs poils noirs et blancs sont implantées sur le museau ; des poils ras et courts couvrent les jambes et les pieds, que terminent cinq doigts armés d'ongles ai- gus, comprimés et recourlés; une forte odeur de musc s’exhaloit de son corps. » Sir Raflles ajoute à ces détails quelques particularités sur les dents : ainsi il compta six incisives à la mâchoire supérieure ; les deux moyennes grandes et espacées, les deux ex- ternes très petites ; deux canines de la taille des in- cisives, et six molaires de chaque côté ; la première des mâchelières est petite, et a deux pointes sur sa couronne ; la seconde, plus ample, n’en a qu’une ; la quatrième et la cinquième, les plus grandes, ont quatre tubercules, et la sixième seulement trois. A recs, en Ce que seuls entre les insectivores ils offrent celte disposition propre aux mammiféres carnivores : ne se présenlenl point chez les éricules dont les ca- nines seroient aisément confondues avec les premières molaires. 2 Les incisives qui, chez les tanrces sont essentiel- lement ?, ou aprés la chute ‘, sont chez les éricules au nombre de { seulement. 30 La canine très séparée de la fausse molaire chez les Lanrecs, y est presque contiguë chez les éricules. 4 Enfin , chez ces derniers les mâcheliéres, quoiqu'à peu prés de même forme que chez les tanrecs, ont transversalement plus d'étendue à leur couronne ; les fausses molaires sont aussi comparativement beaucoup plus petites. Les noles remises par M. Goudot donrent sur les mœurs du sora les renseignements suivants : L'animal habite l'intérieur des vastes forêts qui cou: vrent les montagnes du pays des Ambanivoulers. Dans le jour, lorsqu'on est au milieu de ces bois, on voit fré- quemment un sora sortir de sa retraite, et chercher en furetant sa nourriture ; il saute et court avec beaucoup d'agililé; lorsqu'on s'approche de lui, il hérisse aussi- tôt en diadéme la huppe épineuse qu'il porte ordinai- rement rabatlué sur le cou; on l'entend alors souffler trés dislinctement, et il saute par intervalle en héris- sant de plus en plus ses piquants. Les derniers détaiis, dit M. L. Geoffroy, sembleraient indiquer que les éricules , de même que les tanrecs , ne se mellent pas en boule à la maniére des hérissons. Je suis cependant porté, jusqu'à preave du contraire, à croire, en raison de la similitude si compléle qui existe dans la nature et dans la d'sposition du légument des hérissons et des éricules , que ces deux genres doi- vent offrir une grande analogie dans leur mode de dé- fense. 360 Ja mâchoire inférieure on a trouvé six incisives à peu près semblables à celles d'en haut, les deux canines et les molaires ne différant point par leur nombre et par leur forme de celles du maxiilaire supé- rieur. Enfin sir Raffles pensoit que l’animal envoyé au major Farquhar de l’intérieur de Malaca, sous le nom de tikus cinbang bulan, n’étoit autre que le gymnurc. MM. Horsfield et Vigors ont pu examiner dans Ja collection de la Société de zoologie deux individus intacts du gymnure de Raflles : l’un étoit évidem- ment encore jeune, et l'autre, conservé dans des li- queurs spiritueuses, étoit adulte et dans un état par- fait de conservation. Dans leur Mémoire ils penchent à placer ces animaux à côté des {upaia, bien qu'ils leur assignent de grands rapports avec quelques es- pèces de didelphes de la grande famiile des marsu- piaux ou mammifères à bourse (1). Les mœurs des gymnures. sont inconnues, et la seule espèce authentique est des îles indiennes de l'Est. Ces mammifères sont évidemment les représen- () D'après ces naturalistes, le genre gymnura a Îles caractéres suivants (Zool. Journ., n° x, p. 247 et248 ): « Jncisores suprà 2, remoli, maximi, subevlindrici, » apice rotundato; infrà 6, quatuor intermedii approxi- « mali, breviuseuli, proclives, compressi, paginà ante- » riori convexà, inleriori plan, scalpro rotundalo, duo » laterales abbreviati, aculi. Laniarii supra ulrinsecus » 2, abincisoribus remotiillisque breviores, conici, an- » tici majores; infrà utrinsecus 4,maximus,;conicus, sub- » arcuatus iutrorsum spectans. Holares suprà utrin- » secus 8, a laniariis remoli, tres antici unicuspides, » primus elongatus sectorius, secundus ctterlius abbre- » viati, quartus cuspide conicà elongalâ, ad basim » gradu postico et exteriori abbreviato, quintus cus- » pideexteriori longissimà inleriori abbreviala ; sextus » et septimus maximi, multicuspides, cuspidibus sub- » abbreviatis, rotundalis, octavus minor subtritorius, » cuspidibus obtusioribus; infrà 7, tres antici unicuspi- » des, compressi, primus et secundus breviores, terlius » subelongatus, quartus cuspide elongatà, gradu ante- » riori alteroque posteriori abbrevialis, quintus, sextus » et septimus maximi, mullicuspides cuspidibus elatio- » ribus, acutioribus. Caput elongatum acuminatum, » anguslatum, lateribus compressum, suprà planiuscu- » lum. Rostrum oblusum, eclongatum, protensum, » maxillam inferiorem longiludine magnoperé supe- » rans ; nares laterales, prominentes, marginibus con- » volutis. Lingua glabriuscula, grandis. Auriculæ ro- tundatæ , prominulæ, nudæ; oculi parvi. Vibrissæ » elongatæ. Corpus subrohustum; cordario molli pilis » raris erectis , subelongatis , asperis. Cauda longius- » cula, teres, attenuata, Buda , squamosa, pilis rarissi- » mis injuventute obsila. Pedes mediocres, plantigradi, » pentadactyli, anteriores pollice breviusculo, digitis » tribus intermediis longioribus subæqualibus, exte- » riori abbreviato; posteriores pollice brevissimo, » digitis tribus intermediis valdè elongatis, exteriori » mediocri. Ungues mediocres, angusli, arcuali, com- pressi, acutissimi, retracliles, » % 4 > HISTOIRE NATURELLE tants en Asie des sarigues de l'Amérique et des péramèles de l’Australie. C’est peut-être parmi les marsupiaux qu’on devra les classer, lorsque leur or- ganisation interne aura été soigneusement étudiée. LE GYMNURE DE RAFFLES. Gymnura Rafflesii (1). Cet animal, qui rappelle aux amis des sciences paturelles le nom recommandable de sir Stamford Raflles, est remarquable par ses caractères généri- ques, et par les particularités d'organisation que nous avons signalées dans les considérations générales qui précèdent. Nous nous bornerons à dire que son pe- lage sur le corps, les pieds, la moitié de la queue, est d’un noir mat, et qu’une ligne de cette nuance surmonte l'œil; la tête, le cou et l'extrémité de la queue sont au contraire de couleur blanche, et les poils sont moins fournis sur la région dorsale. Les dimensions de l'adulte sont les suivantes : Pouc. Ligues. Longueur du corps et de la tête, du museau à l'extrémité de laiqueue in ere AR ES ————— GA UEECONOMONENOMEN TITRE (UNE "(Er ————— delatête . . . . . . » 4 3 du mUSeAU. MEN M NDS Largeur entre lesyeux. . «+ . . . » 1 6 Intervalle entre les oreilles. . . . » 4 » Elévalion aux épaules. . . . + . » © » — ——)auMtbassin-Me Mer NE PNG Longueur des tarses de devant, y compris les doigts. . . » 1% 9 ————— desmembres postérieurs » % » Le gymnure de Raffles n’a point encore été envoyé au Muséum d'histoire naturelle de Paris. C’est une découverte tout angloise, et c’est d’après les natu- ralistes de cette nation que nous en avons tracé la description et reproduit la figure. LES CLADOBATES, OU LES TUPAIAS. Cladobates (?). Les cladobates sont des mammifères récemment découverts dans les grandes îles de la Sonde et dans () Lesson, Manuel de Alammalogie (mai 1827), p 171; Vigors et Horsfield, Zoo!. Journ., no 10 ( sep- tembre 14827 ),p 248,et pl 8 : viverragymnura, sir Ralfles, Cat. Trans. Soc. linn., t. XII (1823). (2) Fr. Cuvier; Tupaia, sir Raffles, Horsfield.: Sorex- glis, Diard; Glisorex, Desm.; Hytogale, Temminck. Remarques sur les dents des Cladobates, par Huschke, Isis, t. XX, 1827, pl, 10. PAP D 7 74407 uv d 277,7 ë ) ‘ A + 4 S » > ÿ UPUL “CfT MS2THU VmuurAs) ‘ ea A7 ? 2227779 mA = —. 1 A a — fe = SS TL ù , ur Tate e v L : 7 : ne AZ L'arecrirtg È 2 t AR A LA DATICHME Luble par Pourrat F,a Faris DES MAMMIFÉRES. le Pégou ; ils ont reçu des Malais le nom de tupaïa, bien que ce terme soit chez ces peuples générique pour désigner une foule depetits animaux grimpants. Ils sont un lien de transition entre les hérissons, les desmans, les taupes insectivores et les écureuils rongeurs, auxquels ils demeurent affiliés par leurs formes et par la prestesse avec laquelle ils gravissent à la cime des arbres jes plus élevés. Leur corps, leur longue queue couverte de poils, les feroient prendre, de prime abord, pour des Guerlinguets, si leurs oreilles nues et leur museau taillé en boutoir ne leur prêtoient une physionomie distinetive. La pre- mière mention qui ait été faite des tupaïas paroit être due à Valentin, qui mentionna sous le nom de faupe un petit animal de ce genre. Pais sir Rafles décrivit deux espèces que M. F. Cuvier, de son côté, faisoit connoitre en France, à peu près à la même époque, sous le nom générique de cladobates. Horsfield, dans ses Recherches sur Java, ajouta une troisième espèce; et M. Bélanger une quatrième, originaire du Pégou. Toutefois, il se pourroit que les trois pre- miers ne fussent que des âges différents d’une seule race. Les cladobates, suivant sir Raffles, présentent les caractères suivants : leur museau est allongé ; les dents incisives sont an nombre de quatre en haut et de six en bas, penchées en avant et celles du milieu écartées. Les canines sont distantes, les molaires au nombre de six à chaque mandibule, et les pieds di- visés en cinq doigts. À ces caractères incomplets il ajoute, habitudes et mœurs des écureuils. Leur for- mule dentaire est la suivante : incisives :, fausses molaires ——, vraies molaires =—. Les incisives supérieures sont petites, coniques, obtuses et cro- chues; les inférieures longues, conchées en avant, aplaties et elliptiques. Leurs yeux sont grands, leurs orcilles peu élevées, arrondies, nues et larges: leur bouche est ample avec une langue douce; le museau présente un mufle, sur le côté duquel s’ouvrent les narines ; leur pelage dense et moelleux; et les cinq doigts des extrémités sont armés d’ongles aigus, rétractiles et non usés par la marche. Ils vivent d’in- sectes et de fruits. Le PRESS, fupaïa ferruginea (!), ou, comme le nomment les Malais de Sumatra, tupaïa press, ha- bite les forêts de Singapore et de Bencoolen . où il se nourrit des fruits du kayo gadis. Il est d'humeur vive et gaie, et n’a point les habitudes nocturnes, malgré la grosseur de ses yeux larges et brillants : son pelage est d’un marron rouille sur le dos et les côtés du corps, blanchâtre sur le ventre. Les poils de la queue sont teints de brun grisätre, avec un mé- lange de noir et de blanc Sa taille varie entre six ou huit pouces, la queue non comprise ; et celle-ci a en- (2 Sir Raffles, Cat ; Cladobates ferruginea , Fr, Cuv. L. 361 viron cinq ou six pouces. Sa forme est arrondie et abondamment recouverte de poils. Le press est do- cile, facile à soumettre à la domesticité ; il ne pro- fite de la liberté qu'on lui laisse que pour s’ébattre, car il se rend avec ponctualité aux heures des repas de celui qu’il affectionne pour en obtenir des fruits ou du lait. Le TuPAÏA TANA (1), tupaïia tana, habite également l'ile de Sumatra, et sa taille est plus forte que celle du press; il a de neuf à dix pouces de longueur, sans ajouter les sept pouces de la queue. Il ressemble au press par les teintes brunes de son pelage, excepté les parties inférieures du corps qui sont d’un rouge ferrugineux. La queue est aussi plus aplatie, assez analogue à celle de l’écureuil, et rou - geètre. Son museau est surtout allongé d’une manière remarquable. Les babitants rapportèrentà sir Raffles que les habitudes de cette espèce ja tenoient fixée sur le sol, ou à une faible distance au-dessus ; de là le nom de {upaïatana ou de terre, que lai donnentles naturels. Le TUPAÏA BANGSRING ou SINSRING, lupaïa javanira (?), vit exclusivement, ainsi que l'indique son nom, dans l’ile de Java. Son museau est mé- diocre, et sa queue très longue. Son pelage brun est tiqueté de jaunâtre en dessus, passant au blan- châtre sale en dessous, et une étroite bandelette blanche naît au cou et vient de chaque côté se ter- miner au milieu de l'épaule. Le corps a six pouces et demi de Jongueur, et la queue neuf. C’est dans les forêts du district de Blambangan qu’il semble plus exclusivement habiter, au dire de M. Horsfied, et qu’il y vit de fruits, de noix et de quelques autres matières végétales, Le Tupaïa pu PÉGOU, tupaïa Peguaxus (3), a son pelage roux tiqueté de noir en dessus, imitant les nuances du lièvre; la face externe et le devant des membres, le dessus de la tête, sont de ce même roux piqueté, tandis que les parties inférieures sont fau- ves; sur l’épaule apparoît une petite tache irrégu- lière fauve clair. Les poils de la queue, distiques, forment une touffe noirâtre à sa terminaison : elle est longue de sept pouces ct demi, tandis que le corps n’a que sept pouces. Ce tupaïa, assez commun dans les bois épais et humides de Siriam au Pégou, a les plus grands rapports avec le {ana ou le bangs ring. LES MUSARAIGNES. Sorex. Les espèces nombreuses de ce genre n’ont été bien étudiées que dans ces dernières années , car () Sir Raffles ; Horsf.; Cladobates tana, Fr. Cuvier. (2) Horsf., Resear. in Java.; Cladobates Javania, Fr. Cuvier, 35e liv. (3) sid. Geoff., Zool, de Bélanger, pl. 4. 46 362 Buffon n’a connu que trois espèces : la musaraigne commune ou musette, le mus araneus de Pline, la musaraigne d’eau, découverte par Daubenton, sorex Daubentoni d'Erxleben, et la musaraigne de Sonnerat figurée dans le septième volume des Sup- pléments, sous le nom de rat musqué de l'Inde. Quant à la musaraigne du Brésil de Buffon, c’est très probablement un sarigue, le touan (didelphis tricolor). Les musaraignes sont reconnoissables à leur mu- seau allongé, terminé par un mufle, à leurs yeux petits et peu apparents, à leurs oreilles courtes et arrondies, à leur aspect de souris. Leur pelage est épais et doux; mais sur chaque flanc existe, sous les poils ordinaires, une bandelette mince de soies rigides, entre lesquelles suinte au temps des amours un liquide d’odeur musquée fragrante, sécrété par un appareil glanduleux. Les pieds sont terminés par cinq doigts, dont la plante est calleuse, et six ma- melles saillent sur le thorax et sur le ventre. Leurs dents à couronnes cuspidées les rendent essentiel- lement entomophages. Ces animaux sont très diffi- ciles à distinguer les uns des autres; aussi pour rendre leur description plus facile à saisir, les ca- ractériserons-nous par les traits les plus essentiels, en les groupant par régions. Les musaraignes européennes terrestres sont les suivantes : 4° La MUSARAIGNE PYGMÉE (s0rer pyj- meus) (1), décrite par Pallas, et qui habite les rives des fleuves de la Sibérie , de la Silésie et le Meklen- bourg. Cest de tous les mammifères le plus petit, car sa longueur est, du bout du museau à l'anus, de vingt lignes, et sa pesanteur de trente-trois à qua- rante grains. Son pelage est fauve; sa queue, grêle et étranglée à la base, cet annelée de soie. La variété de la Silésie est, suivant Gloger, d’un cendré fauve à reflets dorés, passant au cendré sur le corps, et au blanc pur au menton. 2 La MUSARAIGNE d'E- TRURIE (sorex etruscus ) (2), tout aussi fluette dans ses proportions que l’espèce précédente, car elle n’a que vingt-deux lignes de longueur; un pelage gris cendré, tirant sur le blanchâtre en dessous ; des oreilles arrondies, la queue médiocre et comme quadrangulaire; elle répand une forte odeur mus- quée, et se tient dans les trous des arbres et sous leurs racines dans la Toscane. 5° La MUSARAIGNE LEUCODE (sorex leucodon) (5), a le corps long de deux pouces dix lignes, la queue de seize lignes. Le pelage est fauve sur le dos, tandis que le ventre et les flancs sont blancs; la queue est quadrangulaire. Commune aux environs de Strasbourg. On la ren- ("} Pallas. Laxmann: Sorexz minutus, L.; Soreæ mi- mutissimus, Zimmerm. (2) Savi, Mem., pl. 5. (3) Hermann ; Screber, pl. 159. HISTOIRE NATURELLE contre encore dans plusieurs lieux de la France et de l'Allemagne. On en distingue une variété dé- crite par Pallas (t), qui a les oreilles petites, la queue grêle et nue, le pelage à peu près fauve. Peut-être doit-on rapporter à la leucode deux autres espèces décrites par Pallas. La première, très commune dans les jardins et dans les forêts du Caucase, porte le nom de sorexæ suaveolens. Son pelage est fauve cendré; sa queue grêle est couverte de poils courts entremélés à des poils plus longs. La deuxième, du même pays, est la sorer Gmnelini, roussâtre, à orcilles cachées, à queue unicolore vêtue de poils sétacés. 40 La MUSARAIGNE PLARON (sorex conslric- tus) (?), longue de quatre pouces, et qui vit dans les p'airies de la France ; a ses oreilles velues , très pe- tites , entièrement cachées par les poils de la tête. Son pelage est noir cendré, sa queue est aplatie à la base et à la pointe, ronde dans sa partie moyenne. A cette espèce se rapportent probablement comme variétés : la sorer eremita de Bechstein, à pelage noir ; la sorexæ cunicularius ou leucurus, fauve en dessus, blanchâtre en dessous, à queue courte ter- minée de blanc; la sorex unicolor, cendré fauve, à queue anguleuse à sa naissance. Le plaron se re- trouve en Allemagne, et se reconnoit à son museau velu et épais . à ses incisives jaunes , et à l'épaisseur relative de sa queue. 5° La MUSARAIGNE CARRELET (sorex tetragonurus) (?), de même que le plaron, pourroient bien n’être que des variétés d'âge de la musaraigne d’ean ou de Daubenton. Sa taille varie de trois pouces trois à cinq lignes, la queue com- prise. Les incisives sont fauves, les oreilles courtes; les poils qui la recouvrent sont, sur le dos, noi- râtres, et fauve cendré sur le ventre. Sa queue, brus- quement acuminée, est régulièrement quadrilatère ; on la rencontre en France et en Allemagne. 6° La MUSARAIGNE MUSETTE (sorex araneus), si commune dans les campagnes et dans les prés de presque toute l’Europe, a été décrite par Buffon, et la sorex vulyaris de Linné et d'Hermann ne paraît point en différer. 7° La MUSARAIGNE COURONNÉE (s0rex COro- natus) (#), est longue de deux pouces dix lignes, et la queue a vingt lignes; toutes les parties supé- ricures sont d’un brun roux foncé, avec une sorte de masque à teinte plus prononcée, qui enveloppe le devant de la tête à partir du bout du museau jus- qu'à l’occiput , et qu’encadre une ligne minee, cen- drée. Sa queue est tétragone , la gorge blanchâtre, les flancs gris roussâtre, et toutes les dents teintées de rouge à leur pointe. Cette musaraigne à museau très eflilé est assez rare à Blou, sa patrie, dans () Sorex Güldenstadti. (:) Herm.; Encycl., pl. 4, fig. 6. (3) Herm. 48. (:) Millet, Faune de Maine-et-Loire , t, 1, p. 18, pl. 1, CURE fi: DES MAMMIFÈRES. l’ouest de la France, et se tient dans les lieux secs et sablonneux. Les musaraignes européennes aquatiques, où qui fréquentent le bord des eaux, comprennent dans leur tribu un assez grand nombre d’espèces. Elles ont des poils droits et roides, plus où moins longs, mobiles et érectiles, garnissant les côtés des tarses et des orteils, et qui servent à la natation. 4° La plus anciennement connue est la MUSARAIGNE D'EAU ou de DAuBENTON ( sorex fodiens ) (1), décrite par Vicq-d’Azyr sous le nom de greber, commune sur le bord des rivières et des fontaines de la plupart des contrées de l’Europe. Breh:n (?) en admet trois espèces qui s’en rapprochent beaucoup. 2° La nu- SARAIGNE AMPHIBIE ( sorex ainphibius ), se distin- gue de toutes ses congénères par la brièveté de ses soies natatrices, de sa queue qui n’a que les deux tiers de la longueur du corps. Son pelage est uni- formément d’un cendré noirâtre, passant en dessous au roux blanchâtre sale. Ses mains sont autant ter- restres qu'aquatiques, €t sa nourriture principale consiste en insectes, et même en viande. Elle fré- quente l’Allemagne principalement l’hiver , car l'été elle disparoît ou devient rare.5° La MUSARAIGNE A QUEUE EN RAME (sorex natans, Brehm ), ayant sa queue munie de poils serrés, disposés en rames, et ses dents supérieures gris blanchâtre. Sa taille est plus forte que celle des précédentes. Elle est rare sur le bord des eaux, qu’elle ne quitte guère dans l'automne en Allemagne. 4° La MUSARAIGNE À DENTS BLANCHES (sorex stajnalilis, Brehm ), qui res- semble singulièrement aux précédentes, mais qui s’en distingue par la blancheur de ses dents et la forme toute spéciale des incisives inférieures et des canines. Elles paroït être très commune dans les étangs de la forêt montagneuse de Thuringe. 4° M. Geoffroy Saint-Hilaire distingue comme es- pèce, la MUSARAIGNS A LIGNES ( sorex lincatus) (3), à queue grêle, arrondie, fortement carénée en des- sous, à pelage brun noirâtre plus pâle sous le corps, à gorge cendrée, mais distinguée par une tache sur chaque oreille et une ligne blanche sur le chanfrein. Sa taille est de trois pouces six lignes de longueur totale. Son museau est grêle et eflilé, elle vit aux environs de Paris. 5° La MUSARAIGNE PORTE-RAME (sorex ramifer ), décrite par le même naturaliste, a la queue quadrilatère à la base, comprimée à la pointe; son pelage brun noirâtre foncé en dessus, brun cendré en dessous, ct la gorge d’un cendré clair. Elle fréquente le bord des eaux aux environs d'Abbeville. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en () Gmelin : Sorex Daubentonii, 8lumenb. et Erxl Sorex carinatus , Herinann; Sorex fodiens, Becht. (2, Ornis , 2e cah. 1826. 6) Geoff., Ann. du Muséum, t, XVII, p. 181. 363 signale une variété assez caractérisée par son pelage noir cendré en dessus, la gorge d’un gris net, et les soies des pieds et de la queue d’un beau noir. Son museau est très prolongé, et sa queue, garnie de squa- melles, est légèrement villeuse. 6° La MUSARAIGNE A COLLIER ( sorex collaris) (!), est totalement noire avec un collier blanc. On la rencontre communé- ment dans les petites iles placées à embouchure de l’Escaut et sur les rives de la Meuse. L'Asie possède plusieurs musaraignes assez dis- tinctes. La Sibérie en à deux : 4° la MUSARAIGNE 4 QUEUE DE RAT (sorer myosurus, Pallas ), dont la queue est arrondie, épaisse, presque nue ; le mu- seau renflé, le pelage blanc ou brunâtre chez le mâle ; et 2° la MUSARAIGNE GRÈLE (sorex exilis, Pal- las), à queue ronde ; les formes massives, mais la taille très petite. 3° Eversmann a rencontré dans les déserts sablonneux, entre Orembourg et Bukhara, la MUSARAIGNE GRACIEUSE ( sorex pulchellus, Lich- steinstein), une des plus petites de la famille, à pe- lage gris foncé sur le dos, gris clair sur le sommet de la tête, ayant les flancs blancs de neige, les oreil- les gris ardoisé, et une tache blanche sur la nuque Ses moustaches sont aussi d’un blanc éclatant. Elle place son nid au milieu des roseaux. L'Inde offre plusieurs espèces à dents blanches, que les voyageurs ont long-temps confondues sous un même nom, tant leurs rapports sont intimes : ce sont les plus grandes que l’on connoisse : 4° la MUSARAI- GNE SONNERAT (so:eæ Sonneralit) (?). A son pelage cendré, lavé de roussâtre en dessus et de gris clair en dessous ; une queue épaisse et arrondie, et le corps long de quatre pouces. Elle habite l'Inde, surtout le territoire de Pondichéry. On la trouve à Pile de France. C’est probablement de cette espèce que parle sir Raffles dans son Catalogue, sous le nom de soreæ cœrulescens, comme existant au Bengale, et n'ayant qu’une seule glande de chaque côté du corps, sécrétant le fluide d’odeur musquée qui a valu dans toutes les colonies le nom de rats-musqués appliqué aux animaux de ce genre. 2° La MUSARAIGNE GÉANTE (sorex giganteus) (*). À son pelage généralement fauve, bien que les poils soient cendrés à leur ori- gine et fauves à leur pointe. Ses oreilles sont assez grandes, non cachées par les poils des joues. La lon- gueur totale du corps est de cinq pouces et demi; et la queue, épaisse et arrondie, n’a que le tiers de cette dimension. Cet animal vit au Bengale, et, suivant le dire de M. Bélanger, aux environs de Pon- dichéry, où sa trop rapide multiplication apporte de © (1) Geoffroy Saint-Hilaire. (2) Isid. Geoff. Saint-Hilaire, Mém, du Mus , 1827: Zool. de Bélanger, p. 109 : Etudes zoologiques, 13. Figurée par Buffon dans ses Suppléments, est la Sorex indicus, auct, @) 1bidem. 364 grands dégâts dans les magasins de riz. 5° La musa- RAIGNE SERPENTAIRE OU MONDJOUROU (Surex £erpen- tarius (1). Vit également dans l'Inde, et s’est na- turalisée à l’ile Maurice. Peut-être est-ce la même espèce qu'on rencontre sur l'ile de l’Ascension , où des navires l’auront transportée ? On a cru que son odeur pouvait chasser les serpents des habitations. M. Leschenault de La Tour s'exprime ainsi : « Les » musaraignes sont communes dans les maisons de » Pondichéry, où elles deviennent incommodes par » l'odeur musquée qu’elles exhalent. Cette odeur » est si pénétrante, que si elles passent sur une » gargoulette, elles la communiquent à l’eau con- » tenue dans le vase; et l’on prétend que les ser- » pents les fuient et s’éloignent des lieux où elles se » trouvent. Elles font fréquemment entendre dans » leurs courses un petit cri aigu que l’on rend à peu » près par la syllabe kouik. » Nous-même, dans nos voyages, nous avons vérifié la justesse de ces remar- ques ; et dans les caves les vins ou les bouchons s’im- prègnent tellement de ces eflluves, qu’il devient impossible de s’en servir. 4° La MUSARAIGNE MURINE (sorex murinus, Linn.). Vit dans l'ile Java. Son pelage est généralement d’un brun foncé, avec le dessus du corps, la gorge et la face interne des membres d’un gris brunâtre. Sa queue est carrée, Jongue de vingt lignes, tandis que le corps et la tête n’ont guère plus de deux pouces quatre lignes. Ses oreilles sont grandes, sa queue écailleuse, et pres- que entièrement couverte de poils courts et fins, d’entre lesquels se détachent quelques longues soies. Les musaraignes d'Afrique comptent quelques es- pèces intéressantes. 4° La plus curieuse est, sans con- tredit, la MUSARAIGNE SACRÉE (sorex religiosus) (?), sans doute éteinte depuis des siècles, et qu’on ne rencontre plus que dans les catacombes à l’état de momie. Olivier, le premier (5), découvrit les débris de la grande musaraigne dans un des puits des oi- seaux sacrés d’Aauisir, près de Memphis, et en fit graver une figure dans la relation de ses voyages ; long-temps après, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire la retrouva dans les collections de M. Passalacqua, car ce voyageur avoit recueilli, dans la Nécropolis de Thèbes, vingt-sept individus embaumés appartenant à plusieurs espèces distinctes. La musaraigne sacrée se distingue de ses congénères par sa très pelite taille. à peu près égale à celle de la sorex «truscus; par sa queue fort longue, et dont l’extrémité pourroit atteindre et dépasser l’occiput. Ses orei les sont très développées, et son pouce surtout est remarquable- ment court. Sa queue est régulièrement carrée comme (1) Isidore Geoff, Saint.-Hil., Voy. de Bélanger, p.119. (2) Ibid. Mém. du Muséum, 1827. &) Sorex Olivieri, Desm., Mamm,., note, f, 193, L = HISTOIRE NATURELLE celle de la tetragonurus. Son pelage, débarrassé par l'alcool des résines qui lui servoient de langes, a paru être un gris de souris uniforme. 2° La MUSARAI- GNE A QUEUE ÉPAISSE (sorex crassicaudus) (!). Est, suivant le naturaliste prussien Lichsteinstein, celle dont M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a figuré une dépouille embaumée dans les Annales du Muséum , en la rapportant à la sorex giganteus Le type vivant habite toute l'Egypte inférieure, etse fait reconnoître à son pelage gris argenté, à sa quéue tétraédrique, munie de longs poils elair-semés. Sa taille est de cinq pouces et demi, et la queue à deux pouces neuf li- gnes ; et, sous ces rapports, il y a conformité entre la musaraigne à queue épaisse et la géante. 5° La mu- SARAIGNE CANNELLE (sorex cinnamomeus, Lichst.). A le dessus du corps de couleur cannelle, et le des- sous gris. Sa queue est cylindrique, couverte de poi's serrés. Ses dimensions sont de cinq pouces pour le corps et de vingt-une lignes pour la queue. Elle vit dans le midi de l'Afrique. 4° La MUSARAIGNE BLONDE {sorex flavescens, Isid. Geo.) (?). A été découverte au cap de Bonne-Espérance, par M. Deialande. Elle habite plus particulièrement la Cafrerie et le pays des Hottentots. Adulte, elle a quatre pouces six li- gnes de longueur, tandis que la queue ne compte que dix-huit lignes. Le dessus du corps est un blond roussâtre de teinte fraiche et satinée, tandis que le dedans des membres, le ventre, sont d’un blanc lavé de cendré. Sur le chanfrein et sur le nez se dessine une ligne longitudinale brunâtre qui tranche avec les couleurs claires des parties-voisines. La queue pré- sente quelques longues soies dirigées en arrière. Le museau esttrès eflilé. Les poils des jeunes sujets sont bien plus fortement colorés que ceux des adultes. Les oreilles, blanches à leur base, sont brunes au sommet. 5° La MUSARAIGNE DES CHEMINS (S0rex va- rèus) (3). À le pelage roux grisètre en dessus, cendré clair en dessous ; les oreilles grandes, non cachées dans les poils. Sa queuc, un peu comprimée dans sa première portion, est arrondie à son extrémité, et garnie de longues soies clair-semées, dirigées en ar- rière. Elle à trois pouces de longueur, et la queue deux. Celte musaraigne, découverte au Sénégal par M. Perrottet, se trouve le plus ordinairement sur les chemins, le long des haies, ou cachée sous les ra- cines des arbres, et ne se rencontre qu’accidentelle- ment dans les habitations. 6° La MUSARAIGNE pu Car (soreæ Capeïsis). N'est regardée par plusieurs zoo- logistes que comme un d'uble emploi de la musa- raigne de Sonnerat, ou sorex Indicus. M. Lichstein- stein cependant la croit distincte, bien que l’ensemble de leurs caractères soit identique. Celle du Cap ne (”) Ebremberg et Hemprich;Lichsteinstein, Mém. sur les Musaraignes d'Afrique et d’Asie , 1829. (2) Etudes zoo!., pl. 13. (5) Isidor. Geoff., Vos. de Bélang., Zoo!., p. 127, DES MAMMIFÉRES. différeroit de l’espèce indienne que par la couleur de la queue, qui est rousse, et par la plus grande longueur de cette partie, et encore par une taille moindre. L'Amérique compte aussi quelques musaraignes, et plusieurs se trouvent avoir été décrites dans ces derniers temps. La première est la MUSARAIGNE DE SurINAM )sorexz Surinamensis, Shaw, Screber, pag. 575, 6), qui a été observée dans la partie de la Guyane dont elle porte le nom. Son pelage est à teinte cannelle en dessus, jaune cendré en dessous. Son museau est blanc et assez court; ses oreilles sont amples, arrondies et nues; la queue, blanche en dessous , est longue de dix-huit lignes, et le corps a trois pouces. 20 La MUSARAIGNE MASQUÉE (S.rex per- sonalus) |). Est, par sa taille, une des plus petites espèces du genre; elle vit aux Etats-Unis, où elle a été découverte par M. Milbert. Sa couleur est en dessus brun roux, passant au cendré clair en dessous. Le bout du museau est brun noirâtre; les dents se trouvent être colorées à leur extrémité ; les oreilles, petites, sont entièrement cachées par les poils. La queue est carrée, ne formant que le tiers des propor- tio sdu corps, qui a au plus deux pouces de longueur. 5° La MUSARAIGNE NAINE (sorex parvus, Say) (?). Pa- roit être bien distincte de la précédente. Son pelage est brun cendré en dessus, gris cendré en dessous, sa queue est courte et ses dents sont noirâtres ; sa taille est de deux pouces trois lignes, et la queuc n’a que neuf lignes. Son museau est eflilé, et les pieds sont d’une teinte blanchâtre. Elle a été rencontrée près Council-Bluffs, sur les rives du Missouri. Ri- chardson en décrit une variété qui a une queue plus longue, et qui vit au détroit de Pehring. 4° La mu- SARAIGNE DES MARAIS (sorex palustris)(3), A trois pouces six lignes de loigueur, la queue deux pouces sept ligues. fes oreilles sontabondamment couvertes de poils doux; le corps est noir cendré sur le dos, et cendré sur le ventre. Elle fréquente les bords des Jacs de la baie d'Hudson. ° La MUSARAIGNE DE Fors- TER (sorex Forsteri) (*). À la queue tétragone, de la longueur du corps ; les oreilles poilies et brèves ; son pelage gris brun en dessus et brun jaunâtre en des- sous. Un petit pinceau de poils termine la queue, qui est longue de quinze lignes, lorsque le corps a deux pouces trois lignes. Forster décrivit le premier cette espèce, qui vit par des températures rigoureuses au nord de l’Amérique, dans le tome LXII, page 581, des Transactions philosophiques de Londres. 6° La MUSARAIGNE A COURTE QUEUE (sorex brericaudatus, () 1sid Geoff., Etudes, pl. 14, () Long’s Exped.,t.1, p. 163, () Richardson, Faun. am. bor., p. 5. de Ibidem, p. 6; Gapper, Zool. journ., no 18, p.201, pL 7, 309 Say) (!). À trois pouces neuf lignes, et la queuc un pouce. Son pelage est noir plombé en dessus, et à teinte plus claire sur les parties inférieures. Ses dents sont noirâtres, et sa queue courte et trapue. Elle vit dans le Missouri. M. Godman a nommé musaraigne de Peale, 5 b ee DES MAMMIFÈRES. est à un seul tubercule. Les pieds de derrière sont plantigrades, c’est-à-dire que la plante des pieds est dénudée jusqu’au talon. La queue amincie est assez longue. La seule espèce de ce petit genre encore mal connu, cest. le paguma larvata (1), à pelage gris, ayant un bandeau blanc sur le front, puis une ban- delette de même couleur, s'étendant longitudinale- ment sur le museau du nez à la région frontale. Le bout de la queue est noir. Le paguma a été rapporté de Chine par M. Reeves. Peut-être est-ce à ce genre qu’on devra joindre le GLOUTON FERRUGINEUX (gluo ferrugineus) (?), dont la patrie est inconnue. Ses formes corporelles sont allongées, grêles, vermiformes comme celles des martes, tandis que les membres sont robustes. Son pelage est long, rude, mélangé de fauve et de mar- ron que relève la teinte noire de la queue. Les pieds sont fauves, et la tête élargie paroît fortement dépri- mée. Cet animal, imparfaitement déterminé, est long de quatre pieds, dans lesquels la queue entre pour les deux tiers. LES MYDAUS. Mydaus (). Les mydaüs, par la forme de leurs dents, la di- vision des pieds, et les couleurs du pelage, sont de vraies moufettes ; mais ce qui les distingue sont un museau tronqué imitant un groin, une queue courte et tronçconnée. La seule espèce connue est le télagu des Malais, suivant sir Raîflles; nom travesti par erreur typographique en Pélagon par M. F. Cuvier. Les habitants de Sumatra , au dire de Marsden, écri- vent téleggo ; les Javanais, dans le district de Sche- ribon, prononcent feledu: et enfin les montagnards de Scheribon, jusqu’à Bantam, l’appellent sexg- guny. Le MYDAUS A TÉTE DE BLAIREAU, Mydaus me- léceps (#), avoit été décrit par M. Desmarest, d’a- près un individu découvert par Leschenault de La Tour, sous le nom de mouf}ette de Java (), nom adopté par sir Raffles (6). Voici ce qu’en dit ce dernier auteur : (} Gray, Proceed.; Paradoæurus larvatus, Gray, Pro- ceed., 1832, 63; Viverra larvata, Gray, spicil. Zool., p. 9; Gulo larvatus, Hamilt.-Smith, Griff.,t. EH, p.281, avec figure. Gulo larvatus, Temm. (2) Hamilton-Smithin Griff., V, 338, ou Gulo casta- neus du même, avec figure. () Fr. Cuvier, Mammif., t. 1; Horsfield, Zool. Re- search. (4) Fr. Cüvier, Mammif. ; Horsfield, Loc. cit. (5) Mephitis Javanensis, p. 187. (6) Cat., Linn. Trans., t. XI, p. 2514 (Atlas pl. 12). Meplhitis meliceps Griff., Reg. an,, V, 359-2, L 377 « Cet animal est très voisin de la mouffette d’A- » mérique, mais il en diffère par sa queue très courte, » qui n’excède pas un pouce de longueur, puis en ce » qu’il y a une ligne blanche le long du dos qui cou- » vre le sommet de la tête, et devient plus étroite » en descendant vers la queue qui est blanche aussi. » Le reste du corps est d’une couleur brune foncée. » Le museau est long et pointu. La direction des » pois sur le devant du corps est particulière ; ils » sont dirigés vers le bas dessous la gorge ; et en haut » et en avant sur le dos, la tête et le cou. Les cinq » orteils des pieds de devant sont garnis de longues » griffes propres à creuser. El a six incisives, deux » canines et cinq molaires à chaque mâchoire, dont » les cinq premières ne sont pas tuberculées. » Lorsqu'il est irrité ou en danger, il s'échappe » du reetum un fluide de la plus insupportable puan- » teur, » Le rydaüs habite les îles de Java et de Sumatra, et a un pied deux pouces de longueur. LS LS SZ y LES MOUFFETTES. Mephitis, Cuvier. Le conépate ou mouffette d'Amérique, le chinche et la mouffette du Chili sont les trois seules es- pèces que Buffon paroît avoir connues de cette petite tribu de carnassiers digitigrades, car son coase pa- roit être une espèce fictive établie sur une peau de coati défigurée. Les moufettes sont très mal déterminées; et bien que nos catalogues aient été enrichis de quelques es- pèces dans ces dernières années, il est fort difficile de préciser chacune d’elles, et d’en tracer des des- criptions satisfaisantes. Ce sont des animaux qui sé- crètent par des glandes anales une odeur tellement fétide, qu’on leur a donné les noms de bétes puantes, d’enfan!s du diable, etc., etque l’on n’a jusqu’à pré- sent rencontrés qu’en Amérique. 4° Le MAPUrRITO (1) de la Nouvelle-Grenade a, suivant Mutis et de Hum- boldt, un pelage touffa noir foncé, marqué sur le dos d’une raie blane e; la queue noire terminée d’un flocon blanc. Ses oreilles sont peu apparentes. 11 se creuse des terriers, et se nourrit de vers et de larves d'insectes. 2° La MOUFFETTE pu CHILI (?), rapportée par le célèbre voyageur Dombey, ne paroît être à M. G. Cuvier qu’une variété du chinche répandue à la Plata, au Mexique, au Brésil, à la Louisiane, et même dans le nord des Etats-Unis. Il est de fait que chez ces animaux les nuances blanches paroissent éprouver dans leur arrangement de grands change- (:) Viverra mapurito, Gm. a) Mephitis chiliensis, Geoff, 48 378 ments. 5° L’aToKx &u le ZoRrA DE Quiro (!), dont le corps noir est marqué de deux bandelettes blanches longitudinales. Ses oreilles sont petites, noires et poilues ; sa queue, très touffue, d’un tiers moins lon- gue que le corps, est noire et blanche. 4° La mMour- FETTE INTERROMPUE (?) habite la Louisiane. Son pelage présente deux raies courtes dirigées parallè- lement sur les côtés de la tête, quatre longitudinales sur le dos coupées par quatre transversales, toutes d’un blanc pur sur un fond brun. 5° La MOUFFETTE DE LA CALIFORNIE (°) paroit être bien distincte des autres espèces, principalement par la forme de son nez, dont le mufle est très saillant. Ses proportions sont trapues; son pelage, très épais, composé de poils allongés, sétacés et rigides, est noir, relevé par une simple bandelette blanche qui part des sourcils pour se développer le long de la ligne médiane du dos en s’élargissant, et gagnant la queue qu'elle parcourt dans toute son étendue. Un caractère assez remarquable de cette espèce est la dénudation com- plète de la plante des pieds. Sa longueur totale est de seize pouces, tandis que la queue n’a que neuf pouces et demi, le pinceau de poils qui la termine compris. Richardson, dans sa Faune du nord de l’Améri- que, ouvrage plein de documents intéressants et de figures gracieuses, décrit une variété de la mour- FETTE AMÉRICAINE ou chinche (#), connue des Indiens Creks sous le nom de sicawk, et qui s'étend jusque par les cinquante-six ou cinquante-sept degrés de latitude nord. Cet animal se tient dans les rochers et les bois, bien qu’il soit plus ordinaire de le ren- contrer dans les bouquets d’arbres des plaines sa- blonneuses de Saskatchewan. I vit de souris, et dans l'été on l’a vu pêcher des grenouilles. Le fluide qui chez lui répand tant de puanteur est jaune, placé à la naissance de la queue dans une petite poche, d’où il s'échappe lorsque l'animal veut se dérober à la poursuite de ses ennemis; ce fluide est tellement persistant, que les peaux séchées de cette mouffette en restent imprégnées pendant un long espace de temps. Sagard Théodat, dans son Histoire du Ca- nada (°), en parlant du fiskat!'a où chinche de Buf- fon, dit : « Les enfants du diable, que les Hurons » appellent scangaresse, et le commun des Monta- » gnais, babougi manitou où ouinesque, est une » bête, fort puante, de la grandeur d’un chat; mais » elle a la tête un peu moins aiguë et la peau cou- » verte d’n gros poil rude et enfumé, et sa grosse » queue retroussée de même, et se cache en hiver () Mephitis quitensis, Humb. () Mephitis interrupta, Rafinesq. (6) Mephitis nasuta, Bennett, Proceed., 1833, p. 39. (4) Mephitis Americana, var. Hudsonica, Fauna, HISTOIRE NATURELLE » sous la neige et ne sort point qu’au commencement » de la lune du mois de mars, laquelle les Monta- » gnais nomment ouiniscou pismi, qui signifie la » lune de la ouinesque. Cet animal, outre qu’il est » de fort mauvaise odeur, est très malicieux et d’un » laid regard. » LES MÉLOGALES. Melogale (1). Les mélogales ont trente-huit dents comme les mouflettes, c’est-à-dire incisives ?, canines 2 faus- ses molaires ©—;, carnassières ?-° et tuberculeu- ses 1, Leurs membres sont assez courts, mais assez épais etrobustes parce que le corps est allongé ; tous sont terminés par cinq doigts. Leur paume est en partie dénudée, ce qui dénote des habitudes semi-plantigrades, et comme les ongles de devant sont longs, arqués et très forts, on doit en conclure qu’ils servent à fouir comme ceux des mouffettes et des mydaüs. Le museau est terminé par un mufle qui dénote une grande perfection dans l'o- dorat. La nature du pelage est de deux sortes, des poils laineux cachés par d’abondants poils soyeux, en général rudes et grossiers. La queue longue et touffue. Leur tête est conique, prolongée, ayant un museau fin non terminé en groin ; l’espèce type est la MÉLOGALE MASQUÉE, melogale personata (?), à pelage sur le corps brun lavé de roux clair, mais relevé entre les yeux par une grande plaque blan- che, irrégulièrement triangulaire et encadrée de brunâtre. Les lèvres, les joues, l'oreille et le pour- tour des yeux sont d’un blanc pur, ainsi que la gorge et le dessous de la tête. Une bandelette blanche part de la nuque jusqu’à la partie postérieure du dos. Les membres sont d’un gris roussâtre. De longs poils flottants recouvrent la queue. Ils sont en dessus de Ja teinte de ceux du dos et blanes en dessous. Le mufle et les orcilles paroissent couleur de chair, et les moustaches sont brun roux. La longueur du corps est de treize pouces, et celle de la queue doit dépasser huit pouces. La mélogale vit au Pégou, dans les environs de Rangoun, où M. Bélanger s’en est procuré un individu vivant qu’on lui à dit pro- venir des bois : son humeur paroit être irritable, et l’animal hérisse son poil à la moindre contrariété. Sa nourriture principale en captivité consiste en riz, de sorte que la mélogale sauvage peut indifférem- ment rechercher les matières animales ou végétales. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire nomme MÉLOGALE ()1sid. Geoff. St-Hil., Zool. voy. de Bélanger, pl. 5, p. 129. (a) Ibid, (AUas pl. 17.) AT cou 11 fs — D CRE // ; Ve Lgate LR Car Aaclirt FD na Ci 274 2e ns Puble par Pourral Fa Paris DES MAMMIFÈRES. BRUNE (1), l’animal de Java que M. Horsfield à décrit sous le nom de glouton oriental (voyez page 285 ). Ce seroit donc une deuxième espèce de ce genre. Il est de fait que ce gulo orientalis ressemble singu- lièrement à l'espèce type, dont il se distingue par son pelage qui est généralement brun, excepté quel- ques parties blanches, telles que l'extrémité de la queue, le dessus de la tête, une ligne médiane sur le dos, les joues, les sourcils, les parties inférieures de la gorge, du thorax et le ventre. Les ongles sont blanchâtres et les poils sont de deux sortes, les uns soyeux, longs, rudes au toucher et brillants, les autres laineux et duveteux. Sa taille est de treize pouces, la tête ayant trois pouces neuf lignes, et la queue six. LES MARTES. Mustela, L. Buffon a décrit les martes putois, furet, pérouasca, belette, hermine, zorille commune, fouine, zibe- line, vison et pekan. Les écrivains modernes ajoutent à ce genre quelques autres espèces : 41° le PUTOIS DE SIBÉRIE (mustela Siberica)(?), le chorok des Russes, le nonno des Tongouses, le kulou des Tatars, se rapproche du putois de Pologne ou pérouasea, bien que son pelage soit d’un fauve uniforme et clair, marqué de brun sur le nez et autour des yeux, tan- dis que le bout du museau et le dessous de la mâ- choire inférieure sont blancs. On le rencontre l'été dans les profondes forêts des montagnes de la Si- bérie. 2° Le FURET DE JAvA (mustela nudipes) (3), à pelage fauve doré brillant, excepté la tête et l’ex- trémité de la queue qui sont blancs. La plante des pieds est complétement dénudée, ce qui annonce une allure en partie plantigrade. Il habite la grande ile de Java. 5° La BELETTE D'AFRIQUE (muste!a Afri- cana) (*), brune roussâtre sur le corps qui est blanc jaunâtre en dessous, marquée sur le ventre par une bande longitudinale rousse. On ignore de quel point de l'Afrique elle provient. 4° La BELETTE RAYÉE DE Mapacascar (pulorius striatus, Cuv.), qui est de la taille de la belette d'Europe ; mais marquée de cinq raies longitudinales blanchâtres sur un fond brun roussâtre, et le dessous du corps et presque toute la queue blanchâtres. 5° Le MINK (mustela lu- treola ) (5) aussi nommé nocrz ou norck ou putois des rivières, a été confondu par Buffon avec le () Melogale fusca, Mag. de Zool., pl. 16. (2) Pallas, Spicil. XIV, 4, p. 2. 6) Fr. Cuv., Mamm., 32e liv. (4 Desm., Mamm., 276. (6) Pallas, Spicil. XE, 4; Lech., Stock. 1739, pl. 11 ; Screber, pl, 127. 379 vison. Ce minque a les doigts des pieds légèrement palmés, un pelage brun roussâtre ; le tour des lèvres et le dessous du maxillaire inférieur blancs. Par la forme de ses dents et la disposition arrondie de sa queue, le mink appartient aux putois, mais il tient des loutres par la longueur et la finesse de sa four- rure. Il fréquente le bord des eaux, dans le nord cemme dans l’est de l’Europe, depuis la mer Gla- ciale jusqu’à la mer Noire. Sa nourriture consiste en grenouilles et en écrevisses. Le vison ou putois des rivières de l'Amérique septentrionale a aussi les pieds demi-palmés, mais le bout du menton est seu- lement marqué de blanc, et parfois une ligne de celte couleur règne sur la gorge. Ge La MARTE RENARD ( mustela vulpina ) (1) est fauve, marquée de trois grandes taches jaunâtres sur la gorge, la poitrine et l’abdomen. Les joues sont blanches, ainsi que le dedans des oreilles et une tache sur la nuque. Le tiers terminal de la queue est également blanc, ses pieds sont noirâtres, maisles doigts sont blancs. Cette marte est longue de dix- huit pouces sans y comprendre la queue qui a neuf pouces. Des brosses de poils serrés recouvrent les doigts. Ses ongles sont blancs et sa queue fort touffue. Cette marte habite les rives du Missouri. On doit regarder comme un jeune âge de cette espèce la marte aux pieds blancs ( mustela leucopus) (2) qui vit au Canada; sa taille est de quinze pouces et demi, la queue a un peu moins de neuf pouces, les pieds et leurs ongles sont blancs, son pelage est d’un brun roussâtre plus päle en dessous. Le de- vant du cou passe du jaune roussàtre à une teinte blanchâtre. Les oreilles fauves en dehors sont blan- ches en dedans. 7° La MARTE PÉCHEUSE ( mustela piscaloria) (3), est noire, excepté les flancs qui sont fauves, la face qui est cendrée et sur laquelle tranche le noir profond du nez, longue de vingt-huit pouces ( la queue en à dix-sept); ses oreilles sont larges, arrGndies, percées et bordées d’un liseré blane ; elle vit dans le nord de l'Amérique. 8° La MARTE pE Gopuax (M. Godmani) (), dont parle Hearne sous le nom de Wejack, est jaunâtre passant au brun marron sur la tête. La poitrine est brune avec quel- ques poils blancs ; le ventre et les cuisses sont d’un brun noir, et la queue d’un noir luisant est grise à son extrémité. Cette espèce habite la Pensylva- nie sur les bords du grand lac des Esclaves. 9° La MarTe Huro (A. Huro) 6), est uniformément jau- nâtre; plus claire en dessous, ses pieds et le sommet (r) Rafinesque, Sillim. journ. , 4, p. 82. (2) KuBl, Beit. 74. (3) Viverra piscator, Shaw, Zool.1, 414; Mustela Pennantii, Erxl. 470 ; M. melanorhyncha, Bodd, Elench. 88. (t) Fustela Pennuntii, Godman, Mast., 203. 5) Fr, Cuvier, dict. Sc. nat., 29, 256. 350 de sa queue sont fauves ; ses ongles sont enveloppés par des poils abondants; elle a été découverte dans le haut Canada par M. Milbert; sa taille est celle de la fouine commune. 40° Le Cuya (M. C: ya, Molina) du Chili est noir, et à pelage épais ; sa queue aussi longue que le corps.est très touffue. Cette marte se nourrit de rats, et n’est que très mal connue. Il en est de même, 44° du Quiqui (7. Quiqui) (1), qui se rapproche de la beleite commune, et dont le pe- lage est brun, la tête aplatie, terminée en un mu- seau en forme de groin. Une taché blanche occupe le milieu du nez, ses oreilles sont courtes et arrondies; elle se creuse des terriers et vit de petits animaux au Chili sa patrie. 4%° Le Zonra (M. Sinuensis) (?), qui vit à la Nouvelle-Grenade, a son pelage unifor- mément gris noirâtre, le ventre blanc, la queue de la longueur de la moitié du corps, les oreilles droites, aiguës et blanches en dedans, la tête d’un renard. 45° La MARTE MARRON (H. Rufa), (3) longue de dix-neuf pouces, à pelage roux marron plus foncé en dessus, formé de poils annelés de brun marron et de jaunâtre; la queue est terminée de brun, on ignore sa patrie. 44° La MARTE GRISE (M. Polocepha) (*) remarquable par les longs poils de sa fourrure, plus longs sur la nuque où ils dessi- nent une sorte de collerette, et par la teinte noirà- tre du corps, la couleur grise de la tête et du cou, la plaque jaune encadrée de noir de jais qui occupe Ja gorge. Cette espèce habite les forêts de Démérary à Ja Guyane. La zorille de Buffon présente deux variétés assez distinctes : l’une du Cap (5) avec d’étroites taches blanches et celle du Sénégal (6) à taches blanches larges, confluentes, à queue annelée de noir et de blanc, que Bodwich a mentionnée le premier. Quelques auteurs regardent comme une variété du putois d'Europe, l'animal (7) que M. Lichsteinsten a décrit dans la relation du Voyage d’Eversmann à Orenbourg et à Bukkara. Sa coloration est un jaune clair; les poils des lombes sont fauves au sommet; la poitrine et les membres sont fauves. Le corps a dix pouces et la queue six; celle-ci est noire. M. Gebler a mentionné un putois des Alpes (8), jaune soufre, fauve en dessus, à menton blane, qui a le port du putois, mais avec une taille plus grêle, la tête moins allongée et plus atténuée ; il vit sur les monts Altai, autour des mines d'argent de Rid- (5) M. Capensis. (6) M. Senegalensis. (7) Mustela Eversmanni. M. Putorius, Licht. (8) Mustela alpinus, mém. Soc. de Moscou, VI, p. 213. HISTOIRE N ATURELLE dersk, où il se blottit sous terre et dans les crevasses des rochers. AT. Harlan dans sa Faune américaine décrit sous le nom de MARTE A TETE DE LOUTRE (M. Lutreoce- phala) üne espèce qu’on avoit confondue avec le vison, dont elle diffère par la coloration et par la taille, car elle est d’un blanc sale plus foncé en bru- näire sur le corps. Sa queue est d’un brun ferrugi- neux; ses doigts sont à demi palmés, et ses formes, analogues à celles d’une marte, ont la tête et les oreilles d’une loutre. Elle vit dans le Maryland. On regarde comme une marte distincte l’animal figuré par Séba (!) sous le nom de mustela java- nica (?), rousse en dessus, jaune clair en dessousavec la queue noire à l’extrémité. Sa taille est d'environ huit pouces; elle ressemble davantage à la belette qu'à l'hermine. Sa patrie est l’île de Java, s’il faut s’en rapporter aux indications le plus souvent fau- tives de Séba, cette marte a la plus grande ressem- blance avec celle décrite par Sevastianoff (3) sous le nom de mustela brasiliensis, dont le corps, d’un roux clair à teinte verdâtre, passe au jaune en des- sous. La queue longue est noire à son extrémité, une tache presque quadrilatère blanche se dessine entre les yeux. Ses dimensions sont, pour le corps, onze pouces, et pour la queue sept pouces et demi. Ses formes sont celles de l’hermine, dont on doit la distinguer par ses proportions plus fortes, sa queue plus longue, les poils jaunes du thorax. L'auteur russe lui donne pour patrie le Brésil, et aussi les îles de Java et de Bornéo, deux sortes de localités qui s'excluent formellement et qui ne doivent reposer que sur des indications fautives. La muslela boccamela de Bechstein (4), décrite par Cetti sous le nom de ROCCAMNÈLE, est une martle de Sardaigne fort mal caractérisée, dont la queue est, dit-on, médiocre et noire à l’extrémité, et dont ‘le dos est rayé par une bande longitudinale égale- ment noire, sur un fond roux, tandis que le dessous du corps est blanc de neige. Nous connoissons très mal la BELETTE PALMÉE (M. palmata), qui vit en Egypte et en Arabie, et qui ressemble, dit-on, à l’hermine par les couleurs de son pelage brun marron pâle, mais qui s’en dis- tingue par les membranes natatoires dont ses doigts sont munis, de sorte qu’elle est le lien qui rapproche les martes des loutres. M. Richardson indique, dans sa Faune américaine boréale, cinq martes comme très répandues dans Île continent américain; ce sont : les martes vulgaire, hermine, vison, marte proprement dite, du Canada, et sa variété albine, toutes bien connues. (:) Thes.f, pl. 48, fig. 4. 2) Viverra javanica, Brisson, rêg. an. 245. 3) Mém. de l'Ac. de Pétersb., t. IV, p. 56, pl. #. ( (° (4) Nat. deut., p. 819. DES MAMMIFERES. M. Horsfield a figuré, sous le nom de mustela Hardwicki (), une marte indienne de la taille de Ja fouine, dont elle a les habitudes et les formes. Longue de deux pieds deux pouces, cette marte a la queue cylindrique, mesurant dix-neuf pouces. Son corps est allongé, mince, assez élevé et assez ro- buste au train de derrière. La tête, le cou en dessus, les extrémités et la queue sont d’un noir intense, tandis que le corps et le cou sont d’un jaune clair sale, et que la gorge est blanchâtre. Assez répandu dans les forêts ‘des montagnes du Népaul, cet ani- mal vorace, grand destructeur d'oiseaux et de petits mammifères, est connu des indigènes sous le nom de mull.-samprah, et n’est sans aucun doute qu'une variété de la MARTE A GORGE DORÉE (mustela flavi- gula) (?), à laquelle elle ressemble par certaines dis- positions de la masse des couleurs qui caractérisent son pelage. Ainsi, la marte à gorge dorée a le cou jaunâtre cendré, passant au jaune pur sur la gorge, tandis que la tête, les membres et la queue sont noirs, les joues et le menton blanes. Le corps a dix-huit pouces de longueur, et la queue autant.'Le capitaine Shore (3) a donné des renseignements récents sur cette marte jusqu'alors connue par une description incomplète de Boddaert qui la croyoit d'Afrique, tandis qu’elle vit dans les hautes chaines de l'Hima- Jaya, dans les provinces de Kumoun, Gurhouall et Sirmour. On la rencontre aussi dans le Népaul. Elle se tient de préférence dans les chaudes vallées, bien qu’elle apparoisse dans des localités assez analogues par leur température au midi de la France. Son sé- jour de prédilection est dans les rochers ou les ar- bres, où elle guete les oiseaux, les rats, les souris, les lièvres et les jeunes faons du *ahur, sorte de petit daim à peine haut de vingt pouces. Cette marte, au dire du capitaine Shore, varie beaucoup en couleurs, puisque plusieurs individus tués par lui présentoient les parties supérieures de la tête, du dos, les mem- bres et la queue d’un brun noir, passant au noir profond chez d’autres ; le menton et les joues d’un blanc de neige, la poitrine chez lesuns d’un jaune bri- queté, orangé chez d’autres, ou enfin de couleur tan- née chez quelques uns. Ces changements paroîtroient tenir, non à l'influence des saisons, mais à des mo- difications purement individuelles. Les indigènes nomment celte marte, ceux de Gushoual et de Ku- moun Zooturalæ, et ceux de Sirmour Æosean ou Kousiar. Tout nous autorise donc à penser que Ja marte d’Hardwicke, décrite plus haut, ne peut être admise comme espèce. Peut-être doit-on encore ne pas distinguer de la marte à gorge dorée celle que (") Zool. journ., t, IV, pl. 8, p. 239. (>) Boddaert, Elench. 88; Mustela quadricolor, Shaw, Zool.1, 429. (3) Zool. journ., no 18, p. 271, 381 MM. Temminck et Hamilton Smith ont nommée mustela leucotis (1), d’un riche fauve, à oreilles blanches, longues de vingt pouces, et dont Ja patrie est ignorée. La cicocxiart provient de Mexico et nous est in- connue. Elle est décrite sous le nom de muslela ci- cogniari par le prince de Musignano. LES EUPLÈRES. Eupleres. Ont été publiés par M. Doyère dans le cahier de novembre 1835 des Annales iles sciences nalu:clles, et nous nous bornerons à recueillir les faits qui con- cernent la scule espèce connue. L'EUPLÈRE DE GOUDOT. Eupleres Goudotii (2). M. Goudot, voyageur-collecteur, reçut des habi- tants de Tamatave, dans l’ile de Madagascar, ce petit quadrupède, qu’ils lui dirent vivre dans les sables, où il se creusoit des terriers, bien que ses ongles, peu robustes, n’indiquassent pas chez lui des habi- tudes fouisseuses constantes. Les naturels le nom- moient falanouc. Or, M. Doyère n’a retrouvé ce nom que dans Flaccourt, qui dit (chap. 58, p. 154: « Falanouc, c’est la vraye ciuette, il y en à grande » quantité. Les habitants de Manatengha ; San- » drauinangha et de Mananbondro les mangent. » M. Doyère ajoute que la vraie civette n’a été indi- quée à Madagascar que sur cette note de Flaccourt, et que par conséquent on devra à M. Goudot d’avoir fait disparoître cette erreur de nos livres d'histoire naturelle. Mais nous avons vu des dépouilles de fos- sane (viverra fossa) provenant de la grande île de Madagascar, où M. Sganzin se les étoit procurées, et nul doute que Flaccourt n'ait voulu indiquer la fossane comme étant à ses yeux la vraie civette, bien qu’il mentionne (p.512), sous le nom de « fussa, un animal semblable au blaireau de France, qui mange les poules, et d'aussi bon goût que le levraut quand il est jeune. » Les noms des animaux varient à Ma- dagascar suivant les districts, et l’on sait que cette grande île est peuplée d'hommes appartenant à di- verses races distinctes, parlant plusieurs langues. Les euplères (eupleres) ont donc les caractères zo0- logiques suivants : six incisives à la mâchoire supé- rieure , petites et parfaitement rangées ; deux ca- nines ; six fausses molaires séparées par de larges 6) Griff, an. kingd. V, 357-9. (>) Ann, Sc. Nat. 2e série, t. IV, p. 270 et pl. 8. 382 intervalles ; quatre ou peut-être six molaires vraies à cinq pointes ; huit incisives à la mâchoire inférieure ; deux canines à double racine, se logeant en arrière des canines d’en haut comme chez la taupe; quatre fausses molaires ; au moins six molaires vraies, hé- rissées de pointes aiguës : ce genre nouveau est pour quelques zoologistes le type de la famille des eu- plériens dans la tribu des mammifères ensectivores digiligrades. Le museau est effilé, et terminé par un petit mufle; les yeux sont grands, les oreilles amples et trian- gulaires ; le corps est vermiforme. Les jambes sont moyennes, et leurs tarses sont allongés et garnis de poils sous la face plantaire. Toutes les extrémités ont cinq doigts bien séparés et garnis en dessous de poils ras. Le pouce est beaucoup plus court que les autres doigts, et notamment aux membres postérieurs, car il touche à peine à terre. Les ongles sont déprimés, aigus et semi-rétractiles, de moitié plus longs aux doigts de devant. Le corps est revêlu d’une épaisse fourrure composée de poils soyeux, garnis à leur base d’un duvet court et serré. L’euplère de Goudot, dans son jeune âge, a sur le corps des poils de deux sortes: les uns soyeux, d’un brun très foncé, et les autres en duvet fauve à la base, d’où résulte un pelage fauve nuancé de brun, devenu plus foncé aux régions supérieures. Le corps sur ses parties inférieures est d’une teinte beaucoup plus claire, notamment sur la gorge, qui est blanc-cendré. Une raie noire transversale passe au-dessus des épaules. M. Doyère donne à l’euplère les proportions sui- vanles : Longueur Le crâne pris absolue. pour unilé. Du bout du museau à l'extrémité AelaqUEUC RS ENT oise 410 will. 5,7 Éa queue seule. D. 2.1 150 2,1 Tête osseuse ( du sommet de lé- minerce occipitale au bout du muscau)atin &! août Mauss rire 72 1,9 La plus grande largeur des 0s HERRDOHAUXe =. se. ons. 30 0,42 Ligne des arcades zygomaliques. 27 0,58 Cavilé crânienne (de l’éminence occipitale à l'origine des os MASTER De eut. ee EU 51 0,71 Sa plus grande hauteur. . . . 24 0,33 Distance des orbites. . . . . 0,18 Largeur du museau jusqu'à la 2e fausse molaire. . .,. . . 7 0/; 0,10 Ligne :des secondes molaires (d'un bord à l'autre). . . . 19 0,26 Le pied (Larse compris). « . . 65 0,90 Quant aux caractères organiques que présente l’eu- plère, nous transcrirons textuellement les obser- vations que M. Doyère a été à même de faire sur les os soumis à son étude. Ainsi s'exprime cet auteur, HISTOIRE NATURELLE en parlant de la féle osseuse : « Tous ceux qui ont pu suivre le développement progressif des mammifères dans les diverses périodes de leur vie, ont pu se convaincre que, de toutes les régions du corps, la tête est celle qui subit les modifications les plus con- sidérables , lesquelles consistent surtout dans la di- minution de la capacité cérébrale, et dans l’agran- dissement correspondant de la région faciale. Aussi appuierons-nous peu, dans le cas actuel, sur l’ex- trême développement du cerveau et de la fosse cé- rébelleuse, sur l’état du trou occipital, tellement grand et rejeté en dessous, qu’on ne peut le comparer qu’au même passage dans la tête d’un quadrumane, si les observations et les mesures précédentes ne devoient servir un jour à constater les changements qu’amène l’à:e, afin de compléter par des faits nou- veaux ceux que l’on possède sur cette partie. » Le museau est grêle et acuminé ; les mâchoires et l’arcade zygomatique sont d’une foiblesse remar- quable, même après qu’on a fait la part de l’âge, et cette dernière, infléchie du dehors en dedans sur le milieu de son trajet, ne laisse qu’un passage étroit pour le musele crotaphyte. La fosse temporale existe à peine et n’est nullement séparée de la fosse orbi- taire; il n'existe même aucune trace d’apophyses post-orbitaires, ni sur le jugal, ni sur le coronal. Les deux pariétaux sont réunis par une simple su- ture sans trace d'une crête sagittale ; mais la crête occipito-pariétale paroit devoir prendre un certain accroissement. Le plan du trou oecipital se confond presque avec celui qui forme la base du crâne en continuant le plancher supérieur de la bouche. » Tous les organes des sens sont bien développés; les caisses auditives rappellent ce qu’on observe chez les carnivores, dont l’audition est la plus délicate, Les yeux sont grands, presque jusqu’à rappeler ceux des animaux nocturnes. Le palais et les narines re- gagnent en longueur ce qu’il perdent par Pétroi- tesse du museau. En dernière analyse, ce qui paroit le plus digne d'attention dans l’animal type, est une réunion de.caractères empruntés à divers genres fort éloignés en apparence. De là le nom d’eu-plérés, bien complet, qui lui a été appliqué : ce genre doit donc terminer l’ordre des insectivores, et le lier aux carnivores. » Le système dentaire offre des particularités remar- quables. M. Doyère le décrit ainsi : « À la mâc'oire supérieure. Chaque os insicisif perte trois dents tran- chantes ct aiguës. Celle du milieu est contiguë, bord à bord, avec son analogue de l’autre côté, mais elle est séparée de la seconde par un intervalle sensible, et celle-ci l'est de la troisième par un autre encore plus grand. » La quatrième est de même à quelque distance de la troisième. Sa plus grande hauteur, sa forme crochue, terminée en pointe régulièrement conique, « DES MAMMIFERES. sa position tangentielle à la suture des os incisif et maxillaire, l’indiquent assez comme la canine su- périeure. » Elle est suivie presque immédiatement d’une dent de moitié plus petite, mais présentant avec elle une ressemblance frappante. Cette double circon- stance, jointe à l’absence de tout rapport avec celles qui la suivent, et dont elle est séparée par un large espace vide, jointe encore à la manière dont se su- perposent ces deux dents avec celle qu’on est con- duit à désigner comme la canine inférieure, devroit peut-être la faire regarder comme une seconde ca- nine, bien que l’usage recu semble ne pas consacrer une telle dénomination. Ce sera done une première fausse molaire, ne paroissant avoir au reste qu'une racine unique. » La deuxième est séparée de la première, ainsi que de la troisième, par un large espace vide, et ne lui ressemble en rien. Elle est simple dans son épais- seur, mince et remarquablement tranchante, avec une pointe très aiguë, précédée en avant d’un tu- bercule peu marqué, et suivie en arrière d’un autre très saillant. Elle est portée sur deux racines. » La troisième ressemble en tout à la seconde ; seu- lement elle est du double plus grande, et ses racines sont au nombre de trois. » La suivante est une molaire vraie. Sa forme est celle d’un prisme triangulaire, sensiblement incliné vers l’intérieur de la bouche, et présentant, à sa surface supérieure, cinq pointes, réunies entre elles par des arêtes tranchantes, l’une intérieure, formant le sommet du triangle; deux moyennes, très sail- lantes et aiguës ; deux extérieures formant la base, mais très obtuses et réduites à l’état de simples tu- bercules. » Enfin, la dernière dent, qui est la neuvième, n'est pas encore sortie entièrement. Elle reproduit la précédente, à cela près qu’elle est plus grosse, que le talon intérieur surtout est beaucoup plus dé- veloppé, et séparé des autres par une entaille plus profonde. Cette seconde molaire s’étend presque jus- qu’à l'extrémité postérieure du maxillaire. Mais l'examen d’un individu adulte pourra seul faire con- noître les changements qui doivent survenir dans cette portion du système dentaire, la plus suscep- tible d’être modifiée par l’âge. » Ces trois dernières dents sont contiguës bord à bord ; mais par une conséquence de leur forme en prisme triangulaire , elles laissent entre elles, en de- dans de la bouche, deux espaces angulaires de la gran- deur des dents elles-mêmes, et destinés à loger en grande partie celles qui leur correspondent en bas. » À la mâchoire inférieure. On observe d’abord, en avant, quatre incisives de chaque côté fort tran- chantes, et dont les trois premières sont contiguës bord à bord, et un peu séparées de la quatrième. 383 Celle-ci se fait distinguer en outre par une pointe aiguë qui la surmonte, en lui donnant une forme voi- sine de celle d’une canine : mais c’est à la cinquième dent que ce dernier nom doit être donné, à en juger par sa forme et ses proportions relatives. Cependant, dans le mouvement réciproque des maxillaires, au lieu d’opposer sa face postérieure à celle antérieure de la canine d’en haut, comme cela a lieu générale- ment, elle se place au contraire en arrière et dans l'intervalle vide qui existe entre cette canine et la première fausse molaire. C’est un rapport de plus que l’euplère possède avec les taupes; et cette par- ticularité se fait aussi remarquer chez les makis, in- dris, loris et galagos, d’après les déterminations de M. F. Cuvier, bien que ce zoologiste refuse, à la cinquième dent inférieure de la taupe, le nom de ca- nine, moins peut-être à cause de sa position, que parce qu’elle est munie de deux racines. On deit ob- server toutefois que celle d'en haut possède égale- ment deux racines. » La première fausse molaire, isolée par deux es- paces vides , est fort aiguë, et sa pointe se dirige un peu en arrière. La seconde est du double plus grande, simple dans son épaisseur, et à trois pointes, dont celle du milieu est haute et tranchante, et les deux autres sont rudimentaires. Les deux molaires vraies qui suivent n’en différent que par des proportions qui augmentent jusqu’à la dernière, et par des pointes plus hautes et mieux séparées, et l’existence à la face interne et à la base de la pointe moyenne d’une qua- trième pointe plus petite et fort aiguë. » Ces deux molaires se logent presque en totalité dans les espaces angulaires que nous avons signalés à la mâchoire supérieure, à la manière des dents des carnivores les plus complets, et de telle façon que le talon postérieur de chaque molaire d'en bas s’ap- plique seul sur le tubercule interne de celle qui lui correspond en haut. Du reste, les mâchoires s'em- boitent avec une remarquable précision; et, à partir de la canine d’en bas, et de la première fausse mo- laire d’en haut, chaque dent inférieure glisse bord à bord, et un peu en avant de celle qui lui corres- pond, comme le feroient deux lames de ciseaux. » Tels sont les principaux caractères de Purganisa- tion des euplères, et nous ne suivrons par M. Doyère dans les comparaisons qu’il établit entre eux et les autres ordres de mammifères, Nous nous bornerons à dire que l’euplère forme un genre de transition ; qu'il a les dents et le museau aminci des musarai- gnes, des tenrecs, des tupayas, et surtout des tau- pes. Quant au rétrécissement du museau, il a la plus grande analogie avee ce que présentent le mélogale, et même les coatis. Par les formes grêles, onduleuses et souples de son corps, l’euplère, bas sur jambes, ayant des membres naturellement fléchis et ramenés en dessous, possède une allure flexible et rampante, 384 qui le place à côté des carnassiers vermiformes, ou vrais digitigrades, là où viennent encore le classer ses tarses garnis de poils en dessous, la paume de la main exceptée, qui est nue et charnue. Cette par- ticularité fait des euplères des animaux, zoologique- ment parlant, autant plantigrades que digitigrades. Chaque membre toutefois a cinq doigts bien armés d'ongles assez longs, d’une finesse et d’une, acuité remarquables, et qui, sans être complétement ré- tractiles, ne posent pourtant point à terre dans la marche. Comme chez le macroscelide, et quelques autres insectivores, le pouce à chaque pied est beau- coup plus court que les autres doigts, et surtout aux pieds de derrière, où à peine il touche le sol. Quant à la queue longue et bien fournie, elle rappelle celle des tupayas, et surtout des pandas et des ratons. LES LOUTRES. Lulra (!). Le nombre des loutres reconnues comme espèces s’est de beaucoup accru par les travaux des natura- listes modernes, bien qu’on puisse désirer des ren- seignements plus complets pour les distinguer entre elles ; leur ressemblance commune fait régner une incertitude désespérante dans leur histoire. Aussi Buffon a-t-il très mal circonserit les traits distinctifs des espèces qu’il nomme loutre, saricovienne, lou- tre du Canada et loutre marine; car il a entaché ses descriptions de renseignements qui appartiennent à des êtres types qu'il n’avoit pu reconnoitre, tant étoient et sont encore incomplètes les données ras- semblées sur eux. Les loutres forment donc un genre très naturel, dont les espèces ne peuvent être distinguées les unes des autres que par des nuances difliciles à saisir, à la suite d’un examen minutieux et comparatif de leurs dépouilles. Leur corps très allongé est supporté par des membres raccourcis dont les cinq doigts sont réunis par une membrane natatrice. Leur queue puissante et fort longue est aplatie horizontale- ment comme une rame dont elle doit faire loflice. D'épaisses moustaches, des oreilles très courtes, de grands yeux et une tête arrondie , mais déprimée, leur donnent quelque ressemblance avec les pho- ques. Comme ces derniers elles vivent de poisson, et habitent le bord des eaux douces ou de la mer. Leurs mâchoires sont armées de trente-six dents, et leur langue est rugueuse. Leur fourrure est l’objet d'un commerce actifet d’armements importants. Des vaisseaux expédiés d'Europe vont les recueillir à la côte N. - O. d'Amérique pour les transporter en () Brisson , Cuvier. HISTOIRE NATURELLE | Chine où elles sont très prisées par les riches habi- tants. Franklin rapporte que plus de 7,500 peaux furent importées aux Etats-Unis dans la seule an- née 1821. La loutre d'Europe (!) est l’espèce la plus ancien- nement connue (?). Brune en dessus, elle est blan- châtre sous le corps, autour des lèvres et sur les joues. Quelques individus sont mouchetés, quelques autres atteints d’albinisme. Diverses loutres étran- gères se rapprochent singulièrement de celle-ci de - venue type. En diffèrent-elles réellement par une individualité propre et fondamentale ? On doit le supposer, bien que des nuances ne puissent suffire à résoudre cette question, car ces nuances peuvent être aussi le résultat de la climature. La première de ces variétés de la loutre d'Europe est celle dite du Caxapa (5), connue seulement par une tête osseuse dont la ligne du profil est bien plus inclinée que dans le crâne de la loutre d'Europe, en même temps qu'ii se présente en outre quelques autres différen- ces dans la disposition des pièces osseuses. 2° La LOUTRE DE LA GUYANE (f) est longue de deux pieds et la queue a dix-huit pouces. Son pelage est bai-clair en dessus, plus pâle en dessous, la gorge et les côtés de la face jusqu'aux oreilles sont blancs. Son cräne diffère aussi de la forme de ceux des deux es- pèces précédentes. 3° LA LOUTRE DE LA CAROLINE (5) a les poils de sa fourrure longs et touffus, les soyeux recouvrant les laineux qui sont épais et doux. Leur couleur est un brun foncé noirâtre, plus clair sur les parties inférieures du corps. Les joues, les tempes, le tour des lèvres, le menton et la gorge sont d’un gris brunâtre pâle, tandis que la partie inférieure du cou passe au brunâtre. Sa taille est de deux pieds neuf pouces, et la queue a un pied cinq pouces. Le jeune âge est remarquable par la rareté des poils soyeux, et sa coloration est un brun foncé. Cette loutre habite la Caroline du Sud, où elle a été observée par M. L’Herminier. 4e LA LOUTRE DE LA TRINITÉ (6) a des poils courts, très lisses et presque ras, composés de soyeux qui () Lutra vulgaris, Erxl. ; mustela lutra, L. (2) M. Ogilby a décrit {*), sous le nom de lutra Roen- sis, en l'honneur de miss Anna Moody de Roe Mills qui l'a découverte, une loutre d'Irlande que ce savant croit distincte de la loutre commune. Elle vit presque exclu- sivement le long des rivages du comté d’Antrim, dans des trous ou des cavernes formées dans les crevasses des coulées basalliques de cette partie des côtes d'Ir- landes, Elle se uourrit principalement de saumons, aussi sa tête est-elle mise à prix. G) Lutra Canadensis,F.Cuv., Dict.sc. nat.,t. XX VI, p. 242. (4) Lutraenudris, Fr. Cuv., loc. cit. (5) Lutra lataxima, Fr. Cuv., loc. cit. (6) Lutra insularis, Fr. Cuv., loc, cit. ) L'Institut, ne 101, p. 123. DES MAMMIFERES. recouvrent entièrement les laineux, courts, très touffus et très doux. La couleur du pelage est un brun châtain clair, plus pâle sur les flancs, et pas- sant au blanc jaunâtre sur le dessous du corps et les côtés de la tête, avec une nuance plus sale au pour- tour des lèvres, au menton, sur la gorge, le des- sous du cou et sur la poitrine. Sa taille est de deux à trois pouces, et la queue a un pied six pouces. 5° La SARICOVIENNE (1) de Buffon paroit être l'animal décrit par Maregrave sous les noms d’iiya et de carigue- bequ. Mais tout porte à croire que la description tracée par les auteurs de la loutre de la Guyane renferme deux espèces fort distinctes l’une de l’au- tre. 6° La LOUTRE pu Kamscnacuska (?) est la véri: table loutre de mer, figurée par Screber (5) et décrite par Buffon. Sir Stamford Raffles, dans son catalogue, (#) dit : « [l y a deux espèces de loutres à Sumatra, ap- » pelées communément anjin} ayer, ou chien des » eaux. La plus grande est distinguée par le nom » de simung, et la plus petite par celui de barang » barang où ambrang. » La dernière paroît très voisne de la {utra » tutreola (mustela lulreola, Lixx. ); elle a envi- » ron un pied et demi de long ; est d’une belle eou- » leur brune luisante, la gorge et la bouche blanches. » Les pieds sont couverts de poils, mais les doigts » ne sont pas d’égale longueur. La queue est plus » courte que le corps, très poilue, épaisse à sa base » et terminée en pointe. » Or cette pelite espèce est LA LOUTRE BARANG (5), à pelage dur et hérissé, à poils soyeux très longs et recouvrant les laineux. Elle est d’un brun de terre sombre et grisâtre, plus pâle sous le corps, tandis que les tempes, la gorge, le dessous et le bas des côtés du cou sont d’une teinte gris brunâtre qui se fond insensiblement avec le brun cendré du reste du pelage. Les poils laineux sont d’un gris brun sale, et les soyeux, générale- ment bruns, prennent une coloration blanchâtre à leur pointe sur le dessous du cou. Sa taille est de vingt pouces pour le corps et huit pouces pour la queue. M. F. Cuvier parle d’un jeune individu qu’il sup- pose appartenir à cette grande espèce, remarquable par ses poils brun foncé, prenant une teinte rous- sâtre sous le corps et la queue. Le tour des yeux, les côtés de la tête, le rebord de la lèvre supérieure, les côtés et le dessous du cou sont d’un blanc fauve jau-: nâtre, le menton est blanc. M. Horsfield a nommé (; Lutra brasiliensis, Geoff.; mustelu Brasiliensis, Gm. (2) Lutra lutris, Cuv.; mustela lutris, L, (3) PI, 128. G) Trans. of the Linn. Soc., t, XIE, (5) Lutra barang, Fr. Cuy., loc. cit, }, 389 cette grande espèce ({) LOUTRE AUX PETITS ONGLES (?), bien qu’elle paroisse avoir été déjà signalée par Il- liger () : on la rencontre sur les bords des rivières, aussi bien à Java qu'à Sumatra; dans la première contrée elle porte le nom de overlingsang ou de owargul; elle à deux pieds un pouce anglois de longueur; la queue mesure un pied. Sa voracité passe pour très grande. L'Inde continentale produit une espèce de loutre que M. Leschenault à rencontrée aux environs de Pondichéry, où elle porte le nom de nir-nayie, c’est la LOUTRE NIR-NAYER () des naturalistes mo- dernes. Son pelage se compose de poils assez doux et peu longs, colorés et châtain foncé, plus päle sur les côtés, passant au blanc roussâtre en dessous. Les joues et les parties latérales du cou, le rebord des lèvres, le menton, la gorge et le dessous du cou sont d’un blanc roussâtre clair assez pur. Le bout du museau est roussâtre, et l’on remarque au-dessus comme au-dessous de Fæil une tache d’un brun fauve roussâtre clair. Les moustaches sont blanches. Les jeunes ont leur fourrure plus douce, à poils plus longs, colorés moins vivement; le menton et la gorge en entier d’un blanc paillé. Les adultes ont deux pieds quatre pouces, et la queue à un pied cinq pouces. Molina a mentionné sous le nom araucan de CHINCHIMEN un animal que Shaw a introduit dans le geure loutre (5), bien que la description de ce moine italien soit fort incomplète. On lui donne vingt pouces de longueur, la queue non comp:ise, qui en a dix, et les mers qui baignent le Chili pour patrie. Nous avons rangé dans un genre distinct (6) Ja LOUTRE DU Cap (7), dont on doit la connoissance à feu Delalande, un des marchands d'histoire natu- relle du Muséum. L'animal type est une loutre par la forme générale du corps, la coupe des oreilles, les contours du muffle, mais ses extrémités grosses et courtes sont à peine palmées en arrière et nulle- ment en devant. De plus, les deuxième et troisième doigts, bien plus longs que les autres, sont soudés ensemble jusqu’à la troisième articulation, et toutes () Zutra leptonyx, Zool. Research. Fusca nitore fulvo ; qulà sordide flavescente ; cauda corpore dimi- dio breviore ; unquibus brevibus obtusis sub lamina- ribus. (2) C’est la lutra barang de Temminck. @) Lutra cinerea, Illiger; L. perspicillata, Isid. Geoff. St.-Hilaire ; Diet. classiq., t. IX. (4) Lutranair, Fr. Cuv., loc. cit. (5) Lutra felina , Shaw ; cauda corporis dimidii lon- gitudine ; dentes molares ;—* primores =, ungues fal- culares ; palama pilosa , feroxæ, rugit. (6) Aonyz, Less , Man. (:) Lutra inunguis, Fr, Cuy.;5 Aonyx Delalandi, Less., Man., p. 197. 49 386 les extrémités des phalanges sont dépourvues d’on- gles, les deuxième et troisième doigts de l'arrière exceptés. Ceux-ci présentent une lame cornée demi- circulaire, au milieu de laquelle s’élève un tuber- cule épais et arrondi. Cette anomalie paroit con- stante et s'être présentée sur tous les sujets examinés par M. Delalande, aussi bon observateur que col- lecteur infatigable. Le pelage de cette loutre du Cap est doux, épais, d’un brun châtain plus foncé sur la croupe, les membres et la queue, plus clair sur les flancs, et gris brunâtre sur la tête, puis blanc presque pur sur le ventre. La taille est pour le corps de deux pieds dix pouces, pour la queue. d'un pied huit pouces : elle habite les étangs salés non loin de la mer, au Cap même, et se nourrit de crustacés et de poissons. Sa retraite habituelle se trouve être les joncs et les broussailles qui gar- nissent les bords des marécages. La LOUTRE DE MER (1) est le type d’une petite tribu nommée ENYDRIS par le docteur Fleming. On en distingue la loutre grêle (?) de Pennant, bien que l'une et l’autre nous paraissent appartenir à une seule espèce (#) décrite et figurée par Cook, et dont la description dans Buffon se trouve mêlée avec l’histoire de la saricovienne , être mixte, reposant ainsi sur ce que nous a laissé Steller de la loutre de mer, et sur ce que dit Maregrave de la loutre du Brésil ou cariguebeya. La loutre de mer est deux lois plus grande que l’espèce commune. Sa queue p’a que le quart de la longueur totale du corps qui est fort allongé. Les pieds de derrière sont courts, son pelage noirâtre à éclat de velours, et la tête est assez habituellement blanchâtre. La mâchoire in- féricure n’a que quatre incisives. Cette loutre est singulièrement estimée par la beauté de sa fourrure, sa valeur, et la recherche qu’en font les Européens qui vont sur la côte N.-0. d'Amérique en faire la traite. Ces fourrures sont vendues ensuite chez les Asiatiques du nord, tels que les Chinois et les Ja- ponais; car elles sont chez eux l’objet d’un goût universel en parures de luxe pour les hommes et les femmes. LES CHIENS. Canis, L. Les nombreuses races de chiens répandues sur toute la surface de la terre, et qui comptent un grand nombre d'espèces qui se rattachent à l’homme par les liens d’une véritable amitié, se sont beau- () Enydris stelleri, nigra, capite cano ; qulä albà; auriculis erectis pilosis. (2) Lutra gracilis, Shaw; Flender oiter, Pennant, 4) Mustela lutris, L. HISTOIRE NATURELLE coup enrichies par les découvertes des voyageurs, principalement dans les vingt années qui viennent de s’écouler. M. Seringe, professeur à Lyon, a présenté à la Société linnéenne de cette ville un mémoire sur le résultat de l’accouplement d’un chien et d’un cha- cal. Comme les cas reconnus d’hybridité, parmi les animaux, sont rares, il nous à paru intéressant de rapporter les observations de cet auteur (!). « Le chacal, aussi nommé loup doré, chien doré (canis aureus, L.), semble établir le passage des chiens aux renards. Il habite plusieurs contrées chaudes du globe. Quoique cet animal ne soit que de la taille du renard , avec lequel il a plus d’affi- nité qu'avec le chien, principalement par la force de sa tête , l’aspect et la position de sa queue, par son cri, ses mœurs etc., il n’en est pas moins à craindre par ses goûts carnassiers. Il joint à la férocité du loup l’astuce du renard. Sa voix consiste en une es- pèce de hurlement mêlé de gémissement. Il est sus- ceptible de se familiariser jusqu’à un certain degré. Les rapports d’organisation et de mœurs ont fait penser à quelques naturalistes que le chacal étoit un chien sauvage qui, par la servitude, avoit produit ce nombre considérable de races et de variétés que nous connoissons. Ce qui sembleroit légitimer cette manière de voir, ce seroit que les chiens échappés à la servitude n’aboient plus, et que ceux que nous élevons ont cette faculté d'autant plus développée, qu’ils sont plus impressionnés de domesticité. » Un soldat, venant d'Alger, avoit apporté à Lyon une jeune chacale qui n’avoit qu’un mois et demi. Un serrurier du faubourg de Bresse l’acheta, et la laissa d’abord libre dans sa boutique. Avec l’âge cet animal se fit craindre, non seulement de l’homme, mais encore des chiens du voisinage. Ils la fuyoient, quoiqu’ils fussent bien plus forts et plus gros qu’elle. Elle mordit diverses personnes ; et le propriétaire, ayant éprouvé plusieurs désagréments de ce genre, se vit forcé de l’enchainer. » Cet animal, méchant même avec son maître, a cependant été en partie dompté par lui, au point d’être devenu presque aussi obéissant qu’un chien : il lui donne la patte; se roule à terre, et joue très fa- milièrement avec lui; cependant il reste toujours enchainé, et le serrurier est souvent contraint à se servir de la menace. Les ouvriers de la boutique ont toujours grand soin de passer assez loin de lui, dans la crainte d’en être atteints. Cet animal, toujours inquiet, répand uue très forte odeur. » Ce fut avec surprise que, la troisième année, l’on vit un petit chien-loup blanc s’accoupler avec cette chacale. Ils présentèrent dans leur accouple- (:) Bibliothèque universelle de Genève, août 1835, p. 438, DES MAMMIFERES, ment absolument les mêmes circonstances que les chiens entre eux. Soixante jours après , elle mit bas trois petits qui ressembloient assez aux très jeunes chiens : leur queue, courte, se termine insensible- ment en pointe, sans offrir de poils longs et écartés; ils présentoient un mois après leur naissance, comme leur mère, deux espèces de poils : les uns courts, nombreux, fins, mous; les autres beaucoup plus longs, roides et divergents. Leur regard a quel- que chose de faux; l’un est mâle, complétement noir, avec les maxillairessupérieurs un peu saillants; il offre les deux espèces de poils peu distinctes. Le second étoit une femelle; elle avoit le museau pointu, le pelage roux, composé des deux espèces de poils déjà indiquées. Elle avoit été donnée à M. Gasparin , mais elle est morte accidentellement. Le troisième enfin, que la mère allaitoit encore, ressembloit assez au précédent; cependant il étoit plus foncé, d’un brun noirâtre; son museau étoit plus pointu. » Ces jeunes animaux étoient très vifs; leur cri approchoit de celui de leur mère, plutôt que de ce- Jui du chien ; leurs pattes étoient étroites, souples et non larges comme celles des chiens; leurs ongles ont aussi paru moins forts; d’ailleurs ils badinoient à la manière des jeunes chiens. » Un seul des trois jeunes métis de chacale et de chien-loup qui existoient, reste actuellement. M; Joanon-Navier, maire de Cuire, le possède. Quoique petit, il est craint de tous les chiens du voisinage : il a des goûts très voraces. M. Joanon s’est vu forcé de le tenir à l’attache, car il tuoit tous les canards et poulets du voisinage; il ne les mange pas à la manière des chiens, il les avale tout entiers s'ils ne sont pas trop gros. D'ailleurs, il est cares- sant pour ses maîtres, mais de mauvaise garde. Il aboie fort rarement, et gratte la terre à la manière des bêtes sauvages. Il est d’une grande agilité, saute le long des murs à une grande élévation. Le second de ses frères est mort de cette manière. En juillet 4855, M. Joanon tenoit constamment à la chaîne ce jeune métis, qui avoit été mordu par un chien que l’on supposoit être enragé. Cette gêne con- tinuelle le rendoit sombre. » Cet animal change fréquemment de pelage; il avoit dernièrement des poils ras assez courts; ceux des cuisses étoient très longs, tachetés en travers, ce qui leur donne un aspect ondulé. Sa queue est lon- gue et à poils assez étalés ; ses oreilles ressemblent beaucoup à celles du chien-loup, elles ont la con- que fortement dressée, ferme et dirigée en avant. Le museau est garni de moustaches noires, formées de poils assez nombreux et roides ; ses soureils sont proéminents; ses yeux dénotent la méfiance et la férocité. » Les variétés que l’on peut regarder comme appar- t 387 tenant au chien domestique sont : le bINGO ( canis austra'asiæ, Desm.) à pelage fauve , à queue touf- fue , et qui suit, aux alentours du port Jackson, les misérables tribus de nègres de l'Australie. LE CHIEN DE L'HYMALAYA, ayant deux taches noirâtres aux oreilles, que les Boteaniens nomment wha, par analogie avec son cri. Le chien sauvage de SumaTRA (canis Sumatrensis ) (1), roux ferrugineux ; sir Raflles le décrit en ces termes : « J'amenai au Ben- gale, en 1818, un de ces animaux vivant; il mou- rut bientôt après, et sa dépouille, conservée, fut envoyée à M. Henry Colebrooke, en Angleterre, et se trouve déposée dans le cabinet du docteur Wallich. Il est très commun dans les forêts de l’in- térieur, où l’on dit qu’il se réunit en troupes pour chasser. » Il est d’une petite taille, de couleur rouge bru- nâtre, plus claire en dessous, sa queue ressemblant assez à celle du renard; sa tête est allongée, son corps est mince, ses oreilles courtes et droites; il est sauvage et indomptable, et paroît ressembler beau- coup au chien d’Australasie ou dingo. » Le Qquao (C. quo, Hardw.), voisin du précédent, mais qu’on ne rencontre que dans les montagnes de Ramglur sur le continent indien. LE CHIEN de la Nouvelle-Irlande (canis Novæ Hyberniæ) (?), que les naturels nomment poull, a le pelage brun fauve ras, et les membres grêles, et les oréilles droites. Sa chair est estimée des peuplades noires dont il est le commensal, bien qu’il se nourrisse de crâbes, de mollusques et de débris de toutes sortes rejetés par les flots. Le chien de Java (5), fauve, à dos, jambes et queue noirs, est très peu connu, et semble se rap- procher da loup. M. Sykes (4) a fait connoître trois espèces de canis du pays des Mahrates. La première, LE KOLSUN(canis dukunensis, Syk.) est roux, à teinte plus claire sous le corps; il diffère du quao de Sumatra, d’où il se rapproche toutefois. La deuxième, LE LANDGAH (ca- nis pallipes, Syk.) est d’un roux blanchâtre sale, tacheté sur le dos de noir et de ferrugineux. Les pieds sont de cette dernière couleur. C’est le repré- sentant de notre loup dans l'Inde. La troisième est LE KOKRÉE (C. kokrt, Syk.) gris roussâtre en dessus, blanc sale en dessous, et qui rappelle par son aspect le renard d'Europe, ou le corsac, dont elle a les formes extérieures. M. Hodgson parle d’une sorte de renard intermé- diare au jackal et au renard indien, qu’il nomme canis primævus (°) et que les habitants du Nepaul (‘) Hardwiche, Wild dog of Sumatra, Trans, soc, Linn., &. XII, p. 235. (2) Lesson, Zool. delaCoq,t.I,p. 123. () Canis javanicus, Fr. Cuv, Dict. tt. VIT, p. 557. (4 Procced,,t. 1, p. 100 (1831), (5) Ibid., 1833, t. LI, p. 3. 388 appellent bucnsu. Ses creilles sont droites, son pe- Jage roux en dessus, jaunâtre en dessous, et sa queue est tiès touffue. C’est un animal qui chasse pendant la nuit, et qui, pris jeune, n'est pas insen- sible aux caresses. LE RENARD DE L’'HIMALAYA (1). Cet animal, dont M. Ogilby a pu recueillir trois peaux, dont deux avec fourrure d'été, appartenant à la Société zoologique de Londres, et l’autre, avec la fourrure d'hiver, envoyée de Mussouri par M. Royle, paroît être rare dans le Nepal, puisque M. Hodgson n’a jamais pu parvenir à s’en procurer un individu. 1 n’est pas cependant inconnu dans le Doun, à Ku- maon ct dans les parties orientales et élevées de ces montagnes, où il est appelé renard de montagne par les Européens ; l’éclat et la variété des couleurs de sa robe le font très rechercher. Sa longueur to- tale, jusqu’à l’origine de la queue, est de deux pieds six pouces; celle de la queue, d’un pied six pouces ; celle des oreilles, de quatre pouces; et sa hauteur, d’un pied quatre à cinq pouces. Il se rapproche des renards européens par les taches noires qu’il porte sur la partie interne et convexe des oreilles, et en avant des jambes antérieures et postérieures, la peau est couverte d’une longue et riche fourrure aussi fine que celle des plus bélles variétés d'Amérique, mais infiniment plus riche et plus brillante; elle se com- pose de deux sortes de poils; l’un, intérieur, d’une texture cotonneuse très fine; l’autre, extérieur, de rature longue, soyeuse, très flexible, semblable à la fourrure de la marte, douce et moelleuse dans toutes les directions; la fourrure intérieure est d un bleu enfumé et de couleur brune, le long du dos; il en est de même de la fourrure soyeuse extérieure qui, jusqu’à la queue, est de la même texture douce et cotonneuse que la fourrure intérieure : là, elle prend un caractère soyeux un peu plus dur; elle est entourée d’un large anneau jaune blancaâtre, et se termine par une longue pointe d’an bai foncé. La surface de la tête, du cou, du dos, est d’un rouge foncé, brillant et sans mélange. Sur les parties la- térales du cou, sur la gorge, les côtés et les flancs, la nuance bleue devient légèrement enfumée sur les dernières parties; le poil extérieur des hancues et des cuisses est teint de gris au lieu de rouge, couleur qui prédomine sur toutes les parties supérieures des deux individus appartenant à la Société, dans les- quels la fourrure est, en outre, plus courte, plus dure, et à couleurs moins brillantes et moins variées (:) Ggilby, Revue brilannique, no 20, p, 369, août 1837. HISTOIRE NATURELLE que dans la variété de M. Royle. Les couleurs exté- rieures de ces renards sont done le bai brillant sur le dos, le rouge jaunâtre sur les côtés du corps, le blanc sur la gorge, l'estomac et le ventre; les oreilles sont assez grandes et elliptiques, leur surface ex- terne est blanche; une bande de la même couleur descend sur la partie extérieure des jambes anté- rieures et postérieures; la plante des pieds est re- couverte d’un poil dense d’un brun jaunâtre, à l’ex- ception des tubercules qui sont nus; le pinceau de la queue est bien fourni et régulier; il conserve la même couleur que celle du corps sur la plus grande partie de sa longueur, etilest terminé par une grande pointe blanche: Eschschol(z (!) a figuré un loup de la Californie, nommé CAJOTE par les habitants (lupus ochropus), d’un fauve ocreux, à poils du corps fauves à leur base, ferrugineux à leur milieu, noirs au sommet ; les pieds de devant d’un jaune ocreux franc, marqués d’une ligne noire. Ce loup, voisin des C. latrans, nubilus et mexicanus, en est bien distinct suivant notre auteur. Le loup du Mexique (lupus Merica- nus, L.), anciennement connu, est gris-roussâtre avec du noirâtre, a le tour du museau, le dessous du corps et les pieds blanchâtres. Le cajote n’en est probablement qu’une variété. On en distingue tou- tefois l’AGOURAGTAZOU ou loup rouge d'Amérique (canis jubatus , Cuv.), d’un roux cannelle brillant, ayant une courte crinière noire le long de l’épine dorsale , et qui vit dans les pampas de la république argentine. L’AcouarACHAY ou renard gris du Paraguay est le cachorro do malo où raposa des Brésiliens (?). IL habite les forêts de la Plata et du Brésil, où il chasse aux lapins. Son pelage est jaune cendré, ayant du noirâtre sur les parties supérieures, et une bande noire sur les pieds de devant. La queue est terminée par un flocon blanc. M. F. Cuvier distingue du chacal (canis aureus, L.), que Buffon a décrit sous trois types en parlant du c'aral, de l’adive et du petit chacal, un animal très voisin qui vit au Sénégal , et qu’il nomme canis anthus (2). Son pelage est gris, avec quelques macu- latures jaunâtres en dessus, blanchâtres en dessous ; la queue fauve, marquée d’une ligne noire longitu- dinale à sa base, et terminée de noir. Erxleben avoit déjà distingué le chacal du Cap (canis meso- melas), à flancs roux, à poitrine et ventre blancs, ayant le dos marqué d’une plaque triangulaire gris- noirâtre. Le karagan (canis karagan) de Pallas, dont les marchands d'Orembourg apportent les fourrures en Russie, est fort peu connu. (") Zool. atlas, 1829, pl. 11. 2) Canis brasiliensis, Schinz ; canis azaræ, Wied. (} Ruppell, Mammif., pl. 17. DES MAMMIFÈRES. Richardson (i) a donné de précieux détails sur les espèces de loups, de chiens et de renards du nord du continent américain. Il rapproche de notre loup d'Europe l’animal qu’il décrit sous le nom de canis lupus occidentalis (?), et il en distingue comme va- riétés : l’AMAROK des Esquimaux, qu’il nomme :u- pus griseus, couvert de longs poils gris et noirs; le loup blanc ({upus albus) en pelage d’hiver ; le lupus slicte des rives de la Mackensie; le c :nis nu- bilus de Say, qui exhale une odeur forte et dés- agréable, et dont le pelage est pommelé; le loup noir {lupus ater) décris par M. Harlan sous le nom de canis lycaon. Toutes ses variétés se rencontrent dans les plaines du Missouri, et au pied des mon- tagnes rocheuses. Une espèce indélébile décrite par Say est le loup de prairie (canis la‘rans); son pelage est gris cen- dré, varié de noir et de fauve. Il vit en troupes dans les plaines de Missouri, chassant les daims, et ne dédaignant pas même les fruits quand il est pressé par la faim. Les Indiens l'appellent ineesteh-chag- goneesk. Les variétés du chien domestique qui vivent dans les régions arctiques boréales, et mentionnées par M. Richarson, sont : le chien des Esquimaux (-œnts fan: liaris borea'is, Desm.)(3). La figure donnée sous ce nom par M. K. Cuvier paroît avoir été faite sur un métis sorti d’un vrai chien des Esquimaux et d’une chienne de Terre-Neuve. Le ‘agopus, élevé par domesticité par les Indiens qui fréquentent les rives de la Makensie et les bords du lac du Grand- Ours; le chien du Canada (canis ranadensés), le com- pagnon des diverses peuplades américaines, paroi être la race la plus étendue sur les terres septen- trionales du Nouveau Monde. Les sauvages Creks lappellent altim, les Slouaccousses oualts, les In diens des Chutes hudther, les Sarcis hey, ls Alzon- quins animous , les Stones shong . les Pieds-Noirs ametou, et les Chippewais thing. M. Richardson en sépare le chien de la Nouvelle-Calédonie (canès, var. Noræ Caletoniæ), dont les poils sont tachetés. Parmi les renards, le même auteur distingue le canis (vulpes) lagopus de Linné, le peszi des Russes, le terienniak des Groenlendais, et le ferriani-ariou des Esquimaux de la presqu’ile Melville. Son pelage d'hiver est d’un blanc pur, et ce qui le sépare des autres renards, entre autres du renard rouge, est Ja brièveté de ses oreilles, dont la coupe est arrondie. Une des variétés les plus remarquables du renard arc- tique est le renard bleu (canis fuliginosus, Shaw), à pelage noir ou brunâtre dans toutes les saisons. On distingue encore le renard rouge des plaines (ca- (*) Fauna Boreala-amer., p. 60 et suiv. ) Wilson, Ilust. of Zool., pl. 29. (3 Zool. Jour, t. NH, pl. 4. (Bonne figure.) a , oo, 389 nis fulrus, Desm.) des régions boisées de l’Améri- que, qui se rapproche singulièrement de l'espèce d'Europe; le belodusrhli des Russes (canis decussa- tus, Geoff.), ou le renard barré ou tsinantontonque, décrit par Sagard Théodat, dans son Histoire du Canada (!). Le renard argenté (canis fulvux, argen- tatus, Desm.), ou le tschernoburi des Russes, à pelage d’été noir, à pelage d'hiver blane de neige. Le renard gris (?) (canis virgnianus. Gm.) a les poils d’une teinte grisâtre, et ses caractères sont peu tranchés. Enfin, MM. Say et Harlan (3) décrivent un renard véloce (canis veloxæ, Sas), qui diffère du corsac par sa tête brune ferrugineuse, mélangée de grisàtre, et son pelage fauve, et qui, comme lui, vit dans les terriers souterrains qu’il se creuse dans les prairies dégarnies. On se rappel'e que Christophe Colomb, dans une lettre au docteur Chanca (2° Voyage), s’exprimait ainsi : « On n’a jamais vu dans ces iles de aquadru- » pèdes, excepté quelqnes chiens de toutes couleurs, » comme dans votre patrie. Leur espèce ressemble » à celle de nos gros carlins. » Or, ce passage formel et peu connu ne permet plus de croire que Colomb n'ait eu en vue que des carlins, et nous ignorons quel degré d’exactitude on doit reconnoître à la figure du chien sauvage d'Amérique, gravée dans l'Encyclo- pédie (pl. 144, fig. 1), ou à celle qu'on trouve dans un neptune de 1:65, avec ces mots : canis lepora- rius ex Indis occidentalibus (Gades, 1364), et représentant une sorte de lévrier. De toutes les contrées, l'Afrique semble être la plus riche en renards. Au corsac ou adive, au mé- somêl- du Cap, viennent s’adjoindre plusieurs es- pèces distinctes, rapportées par les voyageurs Rup- peil et Delalande, de la Nubie, de l’Abyssinie et du cap de Bonne Espérance. La preraière est l’abuhos- sein de Nubie(), ayant les plus grands rapports avec le corsac (5), dont elle ne semble être qu’une légère modification de localité. La deuxième, le sa- bora des Arabes, ou renard d'Egypte (©), à lèvres blanches, fauve en dessus, gris en dessous, la queue terminée par un flocon blanc. La troisième est le re- nard tacheté 7), à queue médiocre, à pelage fauve tacheté de noir, et qu’on rencontre en Nubie aussi bien qu’en Egypte. Nous ignorons quels sont les canis riparius et pygmæus que MM. Hemprick et Ebremberg disent être voisins du zerdo ou zerda. Mais c'est à l’Afrique qu'appartient exclusivement la petite tribu des renards à grandes oreilles : les me- () P. 745. (2) Canis cinereo argenteus, Say, Longs exp,, I, 340. (3) Fauna am. , p. 91. (£) Canis pallidus, Cretzm., pl. 2, p. 33. (5) Canis corsac, Gm. (6) Canis niloticus, Geoff., Ruppell, pl. 45, p 41. / (7) Canis variegatus , Crelzm., pl. 10, p. 31. 390 galotis d’Illiger, remarquables, en effet, par la lon- gueur peu ordinaire de leurs conques auriculaires, et la rigidité des soies qui forment leurs moustaches. L'espèce typique (!) a été rapportée du cap de Bonne- Espérance par le voyageur Delalande. C’est un ani- mal moins fort de taille que notre renard, mais plus haut sur jambes, gris jaunâtre en dessus, blanchä- tre en dessous, ayant une ligne noire sur la queue qui est fort touffue. La seconde est le famel(?) jaune grisâtre en des- sus, jaune blanchâtre en dessous, avec une ligne marron sur le dos et la tête, couleur d’ocre, que le voyageur Ruppell a découverte dans le Kordofan. La troisième, et la plus célèbre de toutes, est le zerdo ou zerda de Sparmann, le fennec de Bruce, et l'animal a:onyme de Buffon, sur laquelle tant de divigations ont été écrites dans ces derniers temps (*). M. Leuckart, dans l’Isis, publia le premier une des- cription du fennec, suflisante pour faire apprécier cet animal ; et Cretzmar, dans le Voyage de Ruppell, et Vigors, dans celui de Denham, en firent graver de nouveaux portraits. Le fennec est donc aujour- d’hui dénué des prestiges dont de vagues et incom- plètes notions l’entourèrent pendant long-temps. C'est tout simplement un renard en miniature, re- marquable par ses longs poils laineux, abondants, blond pâle et blanc satiné, passant au jaune paille ; ses membres grêles, son museau eflilé : il se creuse des terriers dans les sables de la Nubie(‘). Le genre fennecus des auteurs doit ainsi disparoitre de nos ca- talogues systématiques. Sir William Yarrel a fourni sur son ostéologie de bons détails. Ainsi s'exprime ce savant : « Dans la description du fennec, qui a paru der- nièrement dans l’appendice du Voyage en Afrique du colonel Denham, nous avons eu à regretter que l’on n'ait pu décider de l’aflinité immédiate de cet ani- mal avec les chiens, par suite de l'impossibilité où l’on se trouve d'étudier la dentition d’un individu adulte. Nous étions loin de nous imaginer, à celte époque, que nous pourrions aussitôt lever les incer- titudes à ce sujet. Un bel individu de cet animal ayant été dernièrement présenté à la Société zoolo- gique immédiatement après sa mort, lon en retira (") Canis megalotis, Desm.; megalotis palandii , Smith. () Canis famelicus , Ruppell, pl. 5. () Bruce, pl. 28; Buffon, supp., pl. 19 ; Encycl., pl. 108 , fig. (mauvaises figures, Loutes copiées de celle de Bruce ); Ruppell, pl. 2 (médiocre figure); Derham, atlas, pl. 10, trad. franç. (figure pas assez exacte et reproduite dans notre atlas, pl. 15 ). (5) Vulpes minimus saarensis,Skiold., 1777 ; serda, Sparm. ; viverra aurita, Blumenb.; megalotis zerdo, 1llig.; Observations sur l’ostéologie du fennec, par W. Jarrell, Zool. journ., t, HE , pl, 401 et 453. HISTOIRE NATURELLE un squelette complet et une peau en fort bon état. Le squelette étudié par M. Yarrel ne laisse pas le moindre doute sur la place que le fennec doit avoir parmi les chiens, et tous les naturalistes sont au- jourd’hui unanimement d’accord à ce sujet. » Les dents du fennec s'accordent en tout point avec les caractères des dents des espèces du genre canis. L'animal étant jeune, les pointes sont plus saillantes et plus aiguës ; le sinus frontal est un peu moindre que la proportion générale observée dans cette famille, et le sommet de la tête n’a aucune apparence du sillon central pour l'insertion du bord supérieur du muscle temporal, si remarquable dans les canis lupus et lycaon, vulpes et lagapus. IL y aun plus grand développement des portions laté- rales des os pariétaux, ce qui forme un plus grand volume de cerveau; l’are zygomatique est plus com- primé, et la portion post-orbitaire des os formant l’arcade est beaucoup plus foible. » La tête, comparée à celles des plus parfaites races angloises de chiens, se rapproche beaucoup plus de celle du terrier, canis brilannicus des au- teurs, que d'aucune autre ; mais le museau est plus pointu dans le fennec. La forme de la mâchoire in- férieure et ses condyles s'accordent aussi compléte- ment avec les mêmes parties dans le chien. » La têt- du fennec présente cependant une autre particularité qu’il ne faut pas omettre ; les méats au- ditifs, dans ce petit animal, sont plus grands que ces mêmes parties dans notre renard commun, quoique le fennec soit de deux tiers moins grand que le re- nard. La conque extérieure est aussi plus grande en proportion que ces méats, et, jegeant par analogie, il est probable que le fennec possède le sens de l’ouïe d’une manière bien plus étendue que la plupart des autres quadrupèdes. » Pour rendre ceci plus évident, quelque expli- cation peut encore être nécessaire. Les organes les plus parfaits de l’ouïe doivent être considérés comme composés de trois portions , et chacune d'elles con- tient plusieurs parties séparées. » La première, extérieure, consiste dans la con- que, le canal et la membrane du tympan; la troi- sième, intérieure, contient le vestibule, les canaux semi-cireulaires, le limacon , etc. La seconde partie, intermédiaire par sa place, et réunissant la première et la troisième portion, consiste dans les os auditifs, série de quatre os très petits et d’une belle forme, qui, par leur puissance de communication, trans- mettent l'impression extérieure reçue sur la mem- brane du tympan aux labyrinthes intérieurs occupés par les portions des nerfs auditifs. | » En général, dans les quadrupèdes, les cellules auditives sont agrandies quand la conque extérieure est petite, ef vice versä, ainsi que le montre le crâne de la belette, comparé à ceux des lièvres et des la- “SUD D TJ JPAINO 7274 01414] { 5 1) ‘vpdoZ SIUV) JOUUS |] É 2 NS NN à DES MAMMIFÈRES. pins. Les os auditifs sont beaucoup plus grands et plus parfaitement déterminés dans leurs formes dans notre écureuil commun (sciurus vulqgaiis), que dans le lièvre (leyus timidus), nonobstant la dispropor- tion de taille de ces deux animaux. La faculté de re- cueillir les sons ou les vibrations sonores, dépendant de la forme et de l'amplitude de la conque, semble expliquer cette circonstance d’une manière satisfai- sante : cette petite portion extérieure dans l’écureuil demandant une construction interne et une commu- nication plus parfaite. » Ayant établi que les cellules auditives, dans le fennec, sont plus grandes que celles de notre renard commun, les os auditifs aussi grands en proportion et également parfaits dans leur forme, et la conque -extérieure d’une grande dimension, telle qu’on peut _ Ja voir dans l'échantillon de cet animal, déposé au musée de la Société zoologique, et qui a été soumis à mon examen, on peut conclure que son ouïe est extrêmement étendue, par le développement extra- ordinaire de chaque organe en particulier. » Le squelette du fennec ressemble si exactement à celui du chien, qu’il est inutile d’en faire la des- cription; et il y à aussi ce point de ressemblance : c’est que la pupille de l’œil est circulaire. » Près des chiens vient se placer un nouveau genre, celui des CYNHYOENES (1), destiné à recevoir l’animal décrit pour la première fois par M. Temminck, et qu’il nomma hyène peinte (?), très bien figuré depuis par Ruppell, sous le nom de chien peint ($). Ce chien-hyène , ainsi que l’indique son nom, contracté du grec, a le système dentaire des chiens : quatre doigts seulement à chaque pied au lieu de cinq qu'ont ceux-ci, et le pelage bizarré des hyènes. Sa taille est celle du loup, mais ses formes sont plus élancées, et son pelage est marbré par larges plaques de noir, de fauve, de blanc pur et de gris. Sa queue, d’abord fauve, puis noire, est à moitié terminée de blanc neiseux. Il vit par grandes troupes qui dévastent les alentours de la ville du Cap, et il s’avance jusqu’en Arabie, où il est nommé simir. C’est la hyène chas- seresse de Burchell (#). Les cynicris forment un nouveau genre établi par M. Ogilby (5), qui vient se placer sur la limite des chiens, des civettes et des mangoustes, ainsi que l’in- dique son nom de cynictis, etqui présente des formes de transition intéressantes. Ses incisives sont au nom- brede:, ses canines, et ses molaires :*. Ses pieds ont (") Cinhyæna, Fr. Cuv., Dict. Sc. nat., t. LIX, p. 454. (2) Hyæna picta; Ann. des Sc. phys., 1820, t. HI, p- 54, pl. 35. (3) Canis pictus, Cretzm., pl. 42. (4) Hyæna venatica. (5) Proceed. of Zool. Soc., 4833 ,p. 49: mém.,t.1, premiére partie, p. 29, pl. 3: Ann. Sc. nat., 1834, p. 374. 391 cinq doigts en avant, quatre en arrière, {ous munis d'ongles fouisseurs recourbés et robustes; la queue est fort touffue et très allongée. L'espèce type a l’as- pect d’un petit renard, tant par la coloration que par les formes, et paroit avoir été indiquée par Spar- mann, sous le nom de meer-kat. Ce cynictis, dédié à M. Steedman (!), qui l’a découvert dans les envi- rons d’Uitenhage, sur la limite du pays de Cafres, où il se cache dans des terriers, a un pied six pouces de longueur corporelle, un pied à la queue, et le pelage roux, plus foncé sur le dos; les joues, les flancs et la queue mélangés de roux et de gris ; cette dernière partie terminée de blanc sale. Le CYNICTIS A QUEUE NOIRE (?) a été découvert à Sierra-Leone par le capitaine Strachan. Il diffère du cynictis de Steedman, et M. Ogilby suppose que c’est le kokeboe du vieux voyageur Bosman. Cet ani- mal à le pelage roux ponctué de noir, plus clair sur les flancs. La gorge est d’un brun jaunâtre sale, tandis que le dedans des membres'et le ventre sont d’un roux jaunâtre. La queue, qui est floconneuse à son sommet, est grandement terminée de brun. Sa taille est de onze pouces. LES VIVERRES. Viverra. L. Les viverres ($) forment une famille très naturelle divisée en plusieurs petites coupes génériques par les naturalistes modernes, dont les espèces sont fort difficiles à caractériser, tant les nuances de leur pe- (1) Cynictis Stecdmanni, Ogilhy. (2) Cynictis melanurus, Marlin, Proc., VI, 55. (3) M. Isidore Geofiroy Saint-Hilaire a lu à l'Académie des Sciences un mémoire sur l'établissemeut de deux nouveaux genres de mammifères carnassiers de la fa- miile des Viverriens, qu'il nomme Jchneumie el Ga- lidie. Le genre viverra de Linné revu par Cuvier et par M. Geoffroy étoit devenu parfaitement naturel, et sa coordination sembloit ne plus rien laisser à désirer, lors- qu'il y a quelques années il se composoit de quatre gen- res :civette, genette, mangousteet suricatte. Ces genres, en même lemps que faciles à distinguer, formoient un groupe parfaitement défini à l'égard des ursiens qniles précédent et des mustelliens qui les suivent, et, de plus, ils offraient cet avantage de former une série linéaire parfaite. Cependant des genres nouveaux ont élé établis; les uns, tels que les paradoxures, les ailures, et surtout les ictides, semblent combler peu à peu l'intervalle qui , Séparoit les viverriens des ursiens; les autres, tels que les genres crossarque el athylace (Vansire } de M. Fr. Cuvier; cryptocropte de Bennett, cynictis et mongo d'Ogilby, et tout récemment encore l'amblyodon, de M. Jourdan, s’intercalent entre les quatre genres an- ciennement connus, et opérent entre eux des transi- 392 lage ont d’analogie et leurs formes de similitude. Leurs membres sont tous terminés par cinq doigts munis d'ongles plus où moins rétractiles ; leur lan- gue est couverte de papilles cornées , et près de l’a- nus sont des glandes et une poche qui sécrètent des fluidés odorants. Leurs habitudes sont carnassières. LA première tribu à poche anale est celle des cr- vETTES (viverra, Cuv.), dont les deux principales espèces, la vraie civette et le zibeth (1), ont été dé- crites par Buffon. On doit à M. Horstield la con- noissance d’une espèce regardée comme une genetle par quelques auteurs , et fort voisine du zibeth, c'est la viverra rasse (?), grise teintée de fauve, à oreilles courtes, ayant huit raies très noires sur ie dos, trois lignes interrompues sur les flancs, et que l’on dis- tingue de la viverra indica(3), parce que celle-ci est gris-i-abelle, à oreilles longues, huit bandes noirä- tres sur le dos, et celles des flancs continues. La première habiteles forêts des Ghauts à l'occident, et la seconde les plateaux à l’est des mêmes montagnes. Pallas, Zimmermann, Screber,Shaw et Gmelin ont admis une &tverra hermuphrodila (f), originaire de tions plus ou moins intimes, en même temps qu'ils dé- truisent la possibilité d'une classification de lous les viverra en série linéaire. M.Is. Geoffroy en ajoute deux autres qui formerent de nouvelles transitions : l'un, galidie, sert à lier avec les mustellieus, les mongos, les genelles, el par elles tout le groupe des viverriens déjà lié par d'autres groupes avec les féliens , et surtout par d'autres encore avec les ur- siens ; l’autre , ichneumie, lie les mangoustes au genre des cyuiclis Le genre galidie comprend trois espêces de Madagascar, dont une imparfailement connue et deux entiérement nouvelles. Le genre ichneumie comple de méme trois espêéces, dont deux connues et l’autre inédite. (Hermès, no 94, p. 464.) (‘) Sir Raffles parle en ces termes du zibeth, que les Malais nomment fangalung à Sumalra : « Cet animal » est élevé par les naturels dans le but d'obtenir le par- » fum célévre qu'ils appellent jibet ou dedes, contenu » dans un double sac sous l'anus. Le zibeth a plus de » deux pieds de long, la queue est plus courte que le » corps et annelée. Une bande noire court le long du » corps. Il a piusieurs raies longitudinales derrière le » cou, et une large bande entoure la partie inférieure » de la gorge. Les flancs sont tachetés, et les taches » deviennent ondulées sur les membres.Le poilest court » etépais Les naturels en distinguent une variété plus » petite sous le nom de tan-galung padi.» (2) Hors. Zooi. Research.; Sykes, proc, IT, 23 ; et v. Hamilt. (3) Geoff, St.-Hil. () Cette viverre hermaphrodile a été pour le docteur Otto l'objet d'un mémoire lu à l’Académie impériale Léopoldine-Caroline des curieux de la nature. Les diffé- rences que présente cel animal avec les vraies viverres. sont assez tranchées, bien qu'il soit trés voisin des ic- tides par ses attributs les plus extérieurs ; il doit, sui- vant le zoologiste aliemand, être rangé à part dans un sous-genre qu'il appelle platyschista , en dédiant l'es- péce à Pallas, et la pommauyt platyschista Pallasii, HISTOIRE NATURELLE Borbarie, et très voisine du zibeth, à pelage noir cendré, moins foncé sur les parties inférieures, n'ayant sur le dos que trois raeis noires. M. Gray (!) y ajoute les viveira undulata, tangalunga et pa'- lida, qui nous sont inconnues. Il regarde comme une civette la vèverra linsang (?) d'Hardwicke, ou Felis gracilis d Horsfield. La seconde tribu est celle des GENETTES à simple () Spic. Zocl., pl. 8. \) M Jourdan, directeur du Musée de Lyon, a pre- senté à l’Académie des Sciences la figure el la descrip- tion de deux espèces nouvelles de mammiières de l’Inde, qu'il désigne, l’une sous le nam d'hémigale zébré, l'autre sous celui d amblyodon doré, et qui se rappro- chent beaucoup des paradoxures, L'hémigale zébré lie les genvttes aux paradoxures par les pieds semi-plantigrades, son museau effilé , 5e fausses molaires minces, tranchantes et dentelées; les vraies molaires formant presque un carré allongé, et couronnées cependant de petits tubercules aigus. L'amblycdon doré se rapproche des ictides par le développement considérable des organes de l'olfaction, et des blaireaux par ses incisives et ses canines. I est plus plantigrade que les paradoxures dont il a d'ailleurs la plupart des caractères. L'amblyodon est un carnassier omnivorc, l’hémi- gale est à la fois insectivore et fragivore. Celui-ci a la tête cffilée, le museau fendu, les orcilles droites. Ja queue non susceplible de se lordre comme celle des paradoxures ; les orteils sont entourés de poils à leur base, les ongles demi-rétractiles; la plante des picds postérieurs est nue. Le poil est assez court, lisse, et rappelle celui des grands félis; le fond de la robe est blanc fauve: les zébrures sont formées par de larges bandes brunâtres disposées longiludinalement sur le cou et transversalement sur le corps. La longueur de l'anima!, depuis la pointe du museaujusqu'à la naissance de la queue, est de 50 centimétres ; celle de la queue, de 36 centimètres. L'amblyodon doré a des formes encore plus lourdes que celles des paradoxures : la tête est moins effilée ; les oreilles sont plus courtes; les poils sont anrelés et assez longs.Les parties supérieures dutronc,ses côtés, les régions externes des membres et l'origine de la queue sont d’un roux doré teinté de bran, et d'autant plus qu’on s'approche davantage dela ligne moyenne da dos. La poitrine et l'abdomen sont d’un blanc fauve terreux; les pattes sont brunes; le dessus du museau et le front sont d'un blanc brusâtre; les côtés du museau et le pourtour des yeux bruns; les joues, la mâchoire et le devant du cou d’un jaunc terreux; l'occiput et le haut du cou noirâtres, ainsi que la plus grande partie de la queue, qui cependant se termine par unfloconblanc.Sa longueur, de la pointe dumuseau à l’extrémitédela queue, est de 4 métre 15 centimétres, dont la queue forme prés de la moilié, ayant à elle seule 51 centimétres. M. Jourdan pense qu'on pourroit réunir aux deux genres hémigale et amblyodon, les civettes, les ge- pvettes et les paradoxures, pour en faire une petite famille qui auroit plusieurs caractères communs, entre autres celui des angles à demi rétractiles, Elle offriroit ces genres dans l'ordre suivant: civelte, genelte, hémigale, paradoxures, amblyodon, EE ANS 7 Ge nelle sang, Viverra lisané Horde. _ PARC à TP. , « . ( ae 0 hien daut'age de umatra , Cams Sumatrensis, c luble par l’ourratÆ à laru ; ; DES MAMMIFERES. 1 à fente périnéale( g netta , Cuv.) (1), et on doit y rap- porter les animaux décrits par Buffon sous le nom de genette (?), genette du cap de Bonne-E pérance, Bizaam, pour la genette commune, cé etterore dont la civette de France est une espèce différente de type, aujourd'hui du genre paradoxure(#), la fossane et le putois rayé de l'Inde (fj. La civette de Malaca de Sonnerat est pour Thanberg la viverra felina(5), comme le chat bizaum de Vosmaer est la civerra ligrina de Screber. Cette viverre féiine (6) se tient de préfésencesur les plages du cap de Bonne- Espérance. Une ligne noire suit la ligne longitudi- nale du dos. Sous les veux règne une tache blanche, mais la tête et la gorge sont d’un noir grisâtre, tan- dis que les autres parties sont noires. Or, ces deux espèces nous paroissent être é idemment des genet- tes communes. Quelques espèces ont été admises ou décrites sous divers noms; ce sont : 4° la genette du Sénéyal (viverra senegalensis, F. Cuv.), à pelige bianc légèrement lavé de jaunätre , la queue blanche au bout, avant de dix à douze anneaux noirs ; 2° la (j M. Jourdan avoit présenté un mémoire deseriplif sur deux mammiféres carnassiers voisins des viverra plantigrades, dont il faisoit deux genres nouveaux sous les soms d'Amblyodon et de Hémigale. M de Blain- ville a fait sur ce mémoire ur rapport trés savant dans lequel , Lout en reconnoissant que ces deux animaux présentent des caractéres distinels et assez intéres- sauts, il pense que ces caractères ne sont pas suffisants pour déterminer l'établissement de deux genres séparés des viverra plartigrades ou paradoxurus. M. de Blainville cite à ce sujet le dasyure de Harris, et pense, comme cet auteur, que le but des divisions systématiques dans la science étant d'aider l'esprit à distinguer les êtres innombrables de la création, on doit, d'une part, établir un assez grand nombre de divi- sions principales, mais d’autre part on doiléviter que la multitude des sous-divisiors ne ramène le désordre et la confasion, surtout si on établit des divisions sur des distinctions stériles, et qui ne peuvent influer en rien sur l’ensemble et les détails de la science. Les deux espèces, d'ailleurs. sont bien distinctes de toutes celles qu'on connoissoit dans les collections curopéennes, et devroient, sielles étoient laissées dans le genre paradoxurus, oceuper, l’une la têle, et l'autre la fin de ce genre. Celle que M. Jourdan nomme l'emblyodon doré offre la disposition dentaire la plus omnivore, et rappelle le mieux ce qui a lieu dans les ratons; celle qu'il appelle l'hémigale zébré se rapproche au contraire des ge- nettes et des fossanes par son systéme dentaire. (2) Sir Stamford Raffles rapporte à la viverra genetta de Linné un animal de Sumatra nommé musang sapu- lit, de couleur gris foncé, avec des raies et des taches noires, la queue mélangée de gris et de noir, mais non terminée de blane comme à la musanga. (5) Voyez page 393 de ce vol. (1) Viverra striata, Desm. ; viverra fasciata, L. (3) Viverra malaccensis, Gm. (6) Viverra felina, Thunb. Kya handl., pl 7. Smuls, Cap , p. 18. k, 393 GURete à bandeau {véverra fasciata, Desm.), jaune air avec des taches fauves disposées par rangées tt avec un bandeau blanc en travers de la face ; on ignore sa patrie; 5° la geneite de Cey- lan (viverra zeylanica, Pallas ), dont le genre est douteux , et qui est peut-être une marte {1), à pelage cendré mélangé de fauve en dessus, bla::châtre en dessous ; 4° la genette hyénoïde de M. Fr. Cuvier, qui a été depuis étudiée par M. isidore Geoffroy Saint- Hilaire, et forme le genre protèle (?) ; :° la genette de Berbarie () ou la shib-beardou des Maures, grise, à plaque noire par rangées régulières, à museau blane relevé par le noir des joues ; 6° la genette du Cap (f) grise tachetée de noir; 7° la genette panthé- rine ( genetla par: ina ) 5), qui vit dans l’intérieur au Sénégal, distincte de toutes les autres espèces par la vive coloration ce ses taches qui sont roux vif encadrées de noir et disposées par rangées sur les flanes, tandis qu’ Iles sont pleines et sans encadre- ment sur les membres. Sa queue est annelée de noir et de blanc, et les anneaux noirs sont les plus rends. L’individu type a vécu à la ménagerie du Muséum : douce et recherchant les caresses quand elle fut donnée à l’établissement , cette genette ne tarda pas à reprendre ses habitudes sauvages. La troisième tribu, à plante de pieds dénudée, est celle des PARADOXURES. LES PARADOXURES. Paradoxurus (Fr. Cuv.). M. Fr. Cuvier, en proposant ce genre, n’y placa d’abord qu’un seul carnassier connu depuis long- temps, il est vrai, mais dont l’histoire étoit obseur- cie par de graves erreurs. Cet animal, nommé tour à tour genetle de France, martle des palmier:, pougounié, recut le nom de paradoxurus typus. Cette espèce est la seule qui soit bien au‘hentique. Desmarest en décrivit une seconde que nous croyons nominale, le paradoæurus prehensilis (viverra ne de Blainville ), et M. Fr. Cuvier y ran- gea aussi la viverra musangua de sir Raffles. Quant au paradoxurus aureus (Fr.Cuv.), il a été reconnu appartenir au nouveau genre arcliciis de M. Tem minck, ou ictides de Valenciennes, ainsi que le beinturony que, dans son Mémoire lu à la Société philomatique en :822,M. Fr. Cuvier plaçoit encore dans son genre paradoxure. Ainsi les paradoxures 1) Martes philippinensis, Camell., Ac. angl. 2) Décril page 404 de ce volume. 2} Genetta afra, Fr. Cu. ; Shaw, It., t 1, p. 218. () Genette mâle, Fr. Cuv., Mammif. (5) Esid. Geoff., fascic, 2e, pl. 8. ( ( ( 50 394 comprendront deux espèces certaines et deux dou- teuses ; car c’est à tort que M. Temminck dit qu’on en connoit six bien déterminées. Le genre paradoxure, dont le nom tiré du grec signifie queue anomale (parce que chez l’animal type celte partie, non prenante, s’enroule jusqu’à sa base de dessus en dessous), appartient à la classe des carnassiers et à la grande famille des civettes. Par l’organisation qui lui est propre, il est le lien inter- médiaire entre les plantigrades, dont il a la marche, et les digitigrades dont il a les ongles rétractiles. M. Fr.Cuvier le place après les mangoustes etavant les surikates (Dents, pag. 252), et M. Temminck dans son quatrième ordre et sa seconde tribu des car- nassiers proprement dits (Tableau méthodique des Mammifères). Le genre paradoxure a le système dentaire des civettes, des mangoustes et des genettes. Les mà- choires sont armées de quarante dents, six incisives, deux canines et douze molaires à chaque maxillaire. Le nombre des fausses molaires et celui des tuber- culeuses varient seulement, Ces derniéres sont au nombre de quatre en haut et deux en bas; la face interne de la première tuberculeuse diffère toutefois dans le paradoxure de celle des civettes, des genettes et des mangoustes, parce qu’elle est aussi large que la face externe et qu’elle s’est transformée en une crête qui a la forme d’une portion de cercle. Quel- ques légères petites différences se remarquent aussi dans la première tuberculeuse supérieure. Les caractères généraux des genelles conviennent parfaitement au genre paradoxure, qui a pour ca- ractères spéciaux les suivants : corps ramassé, trapu ; pieds plantigrades, pentadactyles, armés d'ongles crochus, minces, très aigus et rétractiles, munis à leur base d’un bourrelet musculaire ; doigts réunis jusqu’à la dernière phalan:e par une membrane lâche et pouvant s’élargir; plante des pieds et des mains garnie de quatre tubereules charnus, revêtus d’un épiderme lisse; queue s’enroulant de dessus en dessous, non prenante, tordue sur elle-même à son extrémité; pupille verticale; œil offrant une troi- sième paupière susceptible de le recouvrir ; narines entourées d’un mufle séparé en deux par un sillon profond ; oreille externe arrondie, profondément échancrée à son bord postérieur, et à conque recou- verte par un large lobe libre; poches près de l'anus manquant complétement. On doit encore à M. Fr. Cuvier des détails inté- ressants d'anatomie ; mais comme ce savant n’a exa- miné que la civette noîre où paradoxure type, il s'ensuit qu'ils ne sont applicables qu’à cette espèce. « La langue est longue, étroite, mince, et couverte de papilles cornées , globuleuses à leur base, et ter- minées par une pointe crochue et grêle : entre elles se trouvent des tubercules arrondis, recouverts d’une HISTOIRE NATURELLE peau très douce, et sa partie postérieure est garnie de cinq glandes à calice. Toute Ja région interne de l'oreille est hérissée de tubercules très compliqués dans leurs formes, et l’orifice du canal est recouvert d’une sorte de valvule. Les organes génitaux du mâle se composent d’un scrotum libre et volumineux, et d’une verge dirigée en avant dans un fourreau at- taché à l'abdomen. Un organe glanduleux, laissant suinter un liquide lubrifiant , en occupe les parois latérales ; la verge est comprimée et recouverte de papilles cornées, déjetées en arrière ; l’orifice de l'urètre est surmonté d’une sorte de gland arrondi, lisse, et long de trois lignes ; les mamelles sont au nombre de trois de chaque côté. Il y en a une pec- torale et deux abdominales. » Les paradoxures doivent avoir les mœurs et les habitudes des civettes de la section des genettes; leur pupille verticale annonce qu’ils sont nocturnes, et qu’ils doivent chasser leur proie principalement pendant la nuit; leur pelage est composé de poils soyeux et de poils laineux, et de longues moustaches recouvrent la lèvre supérieure. LE PARADOXURE TYPE. Paradoxurus typus (1). Buffon décrivit dans le tome III de ses Supplé- ments, page 257, comme une légère variété de la genette de France, un animal qu’on montroit vivant, en 1772, à la foire Saint-Germain, et qu’on nour- rissoit avec de la viande seulement. La patrie de cet animal étoit inconnue; et c’est par erreur que Buf- fon le regardoit comme identique avec la genette de France. M. Cuvier le premier reconnut que cet ani- mal étoit la genctte pougouné des Indes Orientales : et un individu vivant que son frère eut occasion d’é- tudier vint fournir à ce dernier les traits distinetifs qui la séparent non seulement de l’espèce de genette européenne, mais même encore du genre viverra. La description de Buffon donne au pougouné les ca- ractères suivants : tête effilée et mince, museau al- longé, œil grand, pupille étroite, oreilles rondes, corps moucheté, queue longue et velue. Cet animal avoit vingt pouces de longueur, et sept pouces et demi de hauteur. Son pelaze étoit long, plus fourni sur le cou; les moustaches noires, longues de deux pouces sept lignes, couchées sur les joues; les na- () Fr. Cuvier, Mammifères, janvier 1821 : viverra nigra , Desmarest, Mammalogie, sp. 316 : genctte de France , Buffon, Histoire naturelle , tt, WE, Supplém., p. 236, fig. 47 : genette du cap de Bonne-Espérance, Buffon, Supplément, t. VIT, pl. 58? le pougouné, la marte des palmiers, Leschenault : viverra genetta, musang sapulut, Raffles, Cat., p. 252? DES MAMMIFÈRES. rines très arquées, le nez brun : une raie noire bor- dée de deux raies blanchâtres occupoit le dessus des yeux; une tache blanche se dessinoit au-dessus des paupières; les oreilles, noires, étoient allongées ; les poils du corps d’un blanc gris mêlé de grands poils bruns à reflets ondés de noir ; le dessus du dos rayé et moucheté de noir ; le dessous du ventre blanc, les jambes et les cuisses sombres, les ongles blancs et crochus ; la queue longue de seize pouces, grosse de deux pouces à l’origine, noire dans les deux tiers de sa longueur. L'espèce décrite par M. Fr. Cuvier avoit un pied sept pouces de longueur, la queue un pied sept pou- ces, et huit à neuf pouces de hauteur. Ea couleur du pelage étoit un noir jaunâtre, ayant trois rangées de taches noirâtres sur les côtés et des taches éparses sur les cuisses et les épaules, tantôt isolées, tantôt formant des sortes de lignes ; la conque de l'oreille étoit liserée de blane à son bord externe. Tous les autres caractères étoient identiques avec ceux dé'à donnés par Buflon. Les habitudes et les mœurs du paradoxure pou- gouné sont encore inconnues; celui que Buffon ob- serva en caplivité étoit sans cesse en mouvement et fort vif. On doit penser, d’après le nom de marte des palmiers qu’on a aussi donné à cet animal, qu’il aime à grimper sur les végétaux pour y atteindre les petits oiseaux ou les œufs dont il doit être friand. fl habite la presqu’ile de Malaca, lile de Java, et très probablement une partie de la côte de Coromandel et du Malabar ; peut-être aussi la plupart des iles de la Sonde. M. Leschenault l’a envoyé de Pondichéry. La deuxième espèce qui doit être admise dans le genre paradoæure, quoique avec doute, est le mus- ang-bulan, décrit par sir Raffles dans son Catalogue descriptif de la Collection faite à Sumatra (Trans. Soc. linn. de Lond., t. XILE, p. 252). LA VIVERRE MUSANGA. Viverra musangua. RAFFLES (1). Le musang a été figuré par Marsden dans l'édition originale de son Histoire de Sumatra. La traduction françoise ne le nomme qu’une fois. C’est un animal de la grosseur d’un chat ordinaire, à pelage d’un fauve foncé mélangé de noir ; la queue est de cette couleur, mais excepté à deux pouces de son extré- mité, où elle est d’un blanc pur ; sa longueur est à peu près celle du corps : l’espace qui existe entre les oreilles et les yeux est blanc; quelques longues soies occupent le devant et le dessous de chaque æil; (‘) Le musang-bulan des Malais, Horsfield, Research. in Java, fase, 1. 395 le nez est proéminent, et profondément sillonné entre les narines ; le museau est long et pointu ; les pieds sont pentadact; les. Tels sont les détails fournis par sir Raffles sur cet animal qui habite Sumatra, et qui a, comme on peut le voir, la plus grande partie des traits caractéristiques du pougouné. N’en seroit- ce qu’une variété? nous serions fort tenté de le croire; cependant l'extrémité de la queue est noire dans le pougouné, et blanche dans le musang-bulan. Nous ne savons rien de plus sur ce dernier animal. Tout porte à croire qu’on doit joindre aux para- doxures une espèce de civette qu'Hardwicke ne place qu'avec doute dans le genre viverra, et que M. Horsfield range parmi les chats. a — — LA CIVETTE GRÊLE, Viverra gracilis (1), M. Horsfield placa cette civette dans le genre chat, et en forma une section sous le nom de prio- nodonte. La figure qu’en a publiée le général Hard- wicke ne représente nullement les formes d’un chat, et la description qu’il en a tracée l’en éloigne encore plus. Voici textuellement ce qu’il en dit: La tête est petite, ovale, très pointue, légèrement conique; 1- mâchoire supérieure est plus longue que l'infé rieure; les moustaches sont fournies, sétacées, plus longues que la tête, dirigées obliquement en ar- rière; les yeux petits, arrondis; les oreilles ovales, médiocres; queue presque aussi longue que le corps, cylindrique ; pieds analogues à ceux des chats (M. Hardwicke entend ici des ongles digitigrades), pentadactyles ; ongles petits, rétractiles, et cachés dans le poil ; pelage de couleur blanc jaunûtre , avec des bandes longitudinales noires et des taches con- fluentes et allongées de la même couleur; les taches des cuisses et des jambes plus nettement circon- scrites ; queue offrant six anneaux blanc jaunâtre et six noirs; les parties inférieures du ventre, du cou, d’un blanc jaunûtre ; le nez noir ; un trait noir par- tant de l’angle externe de l’œil, et se rendant sur les côtés du cou. Cet animal habite Java. Le linsang nous paroît être identique avec la ci- velte préhensile (viverra prehensilis de Blainv.) que M. Desmarest a décrite (sp. 515 de sa Mammalogie) d’après un dessin fait dans le Bengale, et qui nous paroit être celui qu’a fait graver le général Hard- wicke, et communiqué par le major Farquhar qui le premier jut un Mémoire sur cet animal à la So- (1) Horsfield, Research. in Java, fasc. 1 ; Desmarest, ep. 834? : viverra linsang, Hardw., Trans. Soc. linn, Lord., t. XEE, p. 236, fig. : viverra prehensilis, Blain- ville, Desmarest, sp, 35 ; le belundung des Javanois. 390 ciété asiatique de Calcutta. La description de la v:- verra prelensilis, telle qu’elle est tracée, ofire la plus grande analogie avec celle de la viverra gra- cilis, Horsfield, ou vév-rra linsany, Hardwicke, et doit faire retrancher des catalogues celte premiere espèce qui est purement nominale. La viverra lin- sang pourra ainsi rentrer provisoirement dans le genre paradoxure, en conservant le nom spécifique, qui la distingue. LE PARADOXURE A PIEDS BLANCS. Paradoæurus leucopus. OciLey ('). Cette espèce de paradoxure ne nous est connue que par la description qu’en à publiée M, Ogüby dans le quinzième numéro du Zoo ojical Journal. Cet animal vivoit à Londres dans l'année 4827 ; et bien que ses formes ne différassent point de celles de toutes les autres espèces du genre, le corps étoit cependant plus arrondi et plus épais. Les oreilles du paradoxure aux pieds blancs sont nues, demi-cireulaires, d’une couleur foncée, et très découpées ; sa queuc est parfaitement cylindri- que, épaisse à la base, et diminue de grosseur à son extrémité : un petit mufle noir termine le museau, au-dessous duquel s'ouvrent des narines de même forme que celles des civeties ou des chiens; les ex- trémités des membres sont accommodées pour une locomotion semi- plantigrade, aussi la plante des pieds est-elle blanche et dénudée jusqu’à six lignes du taion : ce dernier est recouvert de poils, et ne porte pas sur le sol pendant la marche. Chaque ex- trémité est terminée par cinq doigts de même lon- gueur, réunis comme ceux du chat, presque jus- qu'aux ongles, qui sont blancs et très rétractiles. Son pelage se compose de poils longs et très four- nis sur le corps, qui se raccourcissent et deviennent dars sur la tête et sur les membres; les moustaches sont composées de soies longues, roides et noires, et cette dernière teinte est encore répandue sur les joues, le nez et la figure, excepté autour des veux, où se dessine un cercle cendré ; la fourrure du cou, des épaules, du croupion et de la queue, est d’un brun clair sur lequel apparoissent des poils d’une autre sorte, imitant des soies roides et longues, de couleur grise, et terminés de noir : ces soies sont plus abondantes sur les épaules que partout ail- leurs, et leur teinte grisâtre contribue à donner à celte partie une coioration beaucoup plus claire : une () Paradozurus nigro-bruneus ; pedibus, .cingulo tumborum lato , ventre , membris internê , caudæque apice, albis ; cruribus facieque nigris ; hkac circa in- terque oculos cinerea, Ugilby, Zoo!. Journ., no xv, p. 300 et suiv. ; planches supplémentaires, n° 30, HISTOIRE NATURELLE écharpe d’un blanc pur forme un large chevrou sur les reins, et c’est encore cette dernière couleur qui règne sur le ventre, en dedans des membres, et qui teint l'extrémité de la queue ; les pattes sont d’un noir de jais, que relève le blanc de neige du dessous des pieds. Comme les espèces du même genre, ce paradoxure enroule sa queue; comme elles aussi il recherche le pain, les fruits, et autres substances végétales. L’in- dividu que M. Ogilby eut occasion d'étudier n’avoit environ que seize pouces de longueur, du bout du nez à la naissance de la queue, tandis que la queue pouvoit en avoir environ quatorze et cinq ou six li- gnes. Il étoit bas sur ses jambes, mais très vif et très agile dans ses mouvements. Ce paradoxure, d'un naturel méchant, dormoit assez ordinairement le jour, en formant autour du corps un cercle avec sa queue. Le soir, au contraire, il perdoit de sa tor- peur diurne, et paroissoit se ranimer : lorsqu'on le tourmentoit, il poussoit un pelit sifflement sourd, assez anaïogue au grognement des chats lorsqu'ils sont en colère. On rapporta à M. Cgilb: que sous la queue ex stoit une rainure d’où suintoit, en petite quantité toutefois, une humeur sébacée de la nature du musc; mais il ne put vérifier ce fait. On ignore la patrie de cet animal, bien qu’on le suppose des Indes Orientales. LE PARADOXURE A MOUSTACHES BLANCHES. Est'pour M. Owen le type d’un genre qu’il nomme CYNOCALE DE BENNETT (!), et qui est le lien inter- médiaire des paradoxures et des ictides. Il diffère des uns et des autres par la longueur du museau, la forme comprimée des fausses canines, et la petitcsse de la première molaire carnassière qui est trian- gulaire. Depuis, M. Gray a donné une révision de ce genre, qu’il a enrichi de plusieurs espèces nouvelles; leurs yeux ont une pupille verticale, et toutes vivent ex- clusivement sur le continent de l’Inde ou dans les iles de la Malaisie. 1° Le paradoxure type, la ge- nette de France de Buffon, décrite. 2’ Le paradoxure de Pennant (2), brun cendré, à bandes obscures sur les flancs, à pourtour des yeux blanc, est du Ben- gale. 5° Le bon“ar (°) où chat musqué du Bengale, la viverra bondar de Blain ille, a le pelage fauve marqué d’une bande dorsale noire, les quatre pieds et le bout de la queue noirs. 4° La viverre préhen- () Cynogale Bennetit, Owen, Proc. vr, 88. &) Paradoxæurus Pennantii, Gray, proceed, 14832, p.66. 3) P, bondar, ibid. . L DES MAMMIFÈRES. sile (*), déjà décrite. 5° Le musanga (2). 6° Le para- doxure douteux (5) qui semble être le jeune âge du précédent. Son pelage est d'un cendré jaunâtre clair, tirant au blanc jaunätre en dessous; de Java. 7° Le paradoxure hermaphrodite de Pallas, indiqué pré- cédemment parmi les vraies civeltes. 8° Le para- doxure de Pallas (‘), gris noir, varié de noir et de blanc, mais de teinte plus claire en dessous, la face noire, tachelée de blanc neigeux : de l'Inde. 9° Le paradoxure de Cross (5), noirâtre en dessus, jauntre en dessous et au front. Un individu vivant est con- servé dans la ménagerie de Londres. 10° Le para- doxure aux pieds blanes(6), déjà décrit, 41° Le pa radoxure d’Hamilton (7), gris cendré avec six ou sept rangées de taches noires, un bandeau de cette dernière couleur sur les veux. 42’ Le paradoxure décrit par M. Hamilton Smith, sous le nom de qulo larvatus, est le type du genre paguma de Gray. 45° Le paradoxure à trois lignes (), gris noirâtre, passant au gris clair en dessous, à trois raies brunes sur le dos; des Moluques. 14° Le pararoxurus bi- notalus (*), peut être aussi des Moluques, ayant deux bandes seulement. 15° Le paradoxure de Fin- layson (1), d’un brun pâle, avec une bande brune sur la face, une deuxième sur les yeux, et une lon- gitudinale sur le dos; provient de Siam. La quatrième tribu est celle des MaNGoOuSTES (her- prstes, Ellig.) (11), à formes allongées, à queue très vo- lumineuse à son attache, ayant des membres courts terminés par des doigts à demi palmés, et qui habi- tent exclusivement les contrées les plus chaudes de l'Afrique et de l’Asie. Buffon en à décrit quatre es- pêces : lamangoust, la grandema. gousie, le neipse ou nems, et le mun:1o. Tous les détails relatifs aux mœurs des mangous- tes, au rôle qu'elles ont joué dans la croyance des peuples, sont consignés dans l’histoire de l’ichneu- mon des Egypliens, et du mungos des Indiens. Ce genre ne s’est donc enrichi dans ces derniers temps que de quelques descriptions minulieuses des varié- tés que présentent les dépouilles d'espèces regardées par M. G. Cuvier comme distinctes de celles que {) Viverra prehensilis, Blainv.. fg., pl. 16, f. 1 de notre atlas. G) V. fasciata, Desm.; V. musanga, HBorsf., Zool. Research, G) P. dubius, ibid. (4, P. Pailasii, Gray. loc. cit.; P. albifrons, Lister, 1831. , (5) Paradozurus Grosii, Gray, loc. cit, (6) P. leucopus , Ogilby- (:) P. Hamiltonïii, Gray, loc cit. (8) P. trivirgatus Gray: viverra trivirgata, ReinW., Leyde. (o) V. binotata, Reinw. (ro) P. Finlaysonnii, Gray. … (1) Mangusta, Olivier; Ichnewmon, Geoff. 397 nous venons de nommer. 4° La mangouste de Java (he pestes javanieus) (!) est brune roussâtre, les joues marron roux, et la gorge nuancéc de fauve ; 2° la mangouste du Sénégal (H. albicaudus) (2), grise, à queue entièrement blanche; 5° la mangouste des marécages (17. paludosus), de grande taille, et qui vit au Cap: son pelage est roux bran uniforme, ti- rant au noirâtre, et plus pâle sur le menton; 4° Ja mangousle à pinceau (H. penicillatus) (3), gris fauve, ayant le bout de la queue blanc. Cette der- nière à été décrite par M. Smith {# sous le nom de mangouste de Levaillant (£. Lerai lantii). Le corps a dix-sept pouces de longueur, la queue dix, les yeux brun rougeâtre, à pupilles transverses, le pe- lage fauve rougeâtre en dessus, mélangé de poils variés de fauve et de noirâtre, passant au fauve en dessous. L’extrémité blanche de la queue est ca- ractéristique. Elle est répandue dans tout le sud de l'Afrique, où elle habite les plaines arides. Peut-être une cinquième espèce, décrite par M. Smith, fait- elle double emploi avec la mangouste des maré- cages; c'est celle -que cet auteur nomme mangus!'a urinatlrix, à pelage à peu près noirâtre ou teinté de fauve; les poils du dos, de la queue, de la tête, variés de rougeâtre et de blanchâtre. Sa queue se termine en pointe aiguë. lle habite les lieux maré- cageux et les bords des petites rivières de toute l’ex- trémité australe de l'Afrique, vivant de grenouilles et de crabes. Elle va à l’eau, et peut y séjourner quelque temps. On ignore la patrie de la maugouste rouge (I. ruber), à pelage ferruyineux lustré (). La cinquième tribu est celle des SURIKATES. LES SURIKATES. Ryzæena. ILLic. Buffon nommoit surikate un animal que la plu- part des auteurs, à l'exemple de Linnæus, ne dis- tinguoient point des viverres, viverra. Illiger le pre- mier l'en sépara, en proposant le nom de ryzœna. Le genre surikate n’a qu’une espèce, qui appartient à la classe des animaux carnivores et à l’ordre des digitigrades, et que M. Geoffroy Saint-Hilaire a pla- cée, dans son Catalogue imprimé, parmi les man- goustes (ichueuinon). Les caractères génériques du (:) Geoff. SL.-Hil. () Cette mangouste est le type du genre Lasiope La- siopus ( Esidore Geoff.) qui a les pieds velus, mais seu- lement quatre doigts à chaque extrémité. () Celle espéce est le type du genre cynope, Cynopus, créé par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, parce que les tarses sont velus et queles pieds de derrière manquent de pouce. (*) Zaol. journ., 3, 437 ; Féruss., Bul!, 18, 275, (5) Ibid. 398 surikate, d’après Illiger, sont les suivants : six inci- sives, la deuxième externe de la mâchoire inférieure plus épaisse à la base; canines coniques et aiguës; les molaires comme chez les viverres ; museau aigu, terminé par un nez allongé et obtus; langue termi- née en pointe; oreilles petites, arrondies; corps assez vêtu de poils allongés ; queue longue ; deux mamelles ; deux follicules glanduleux à Panus; pieds digitigrades, tétradactyles, à plante velue; ongles recourbés, très aigus, plus longs aux extrémités an- térieures. A ces caractères on peut ajouter que les dents sont au nombre de trente-six, c’est-à-dire dix-huit à chaque maxillaire ; savoir, six incisives, deux ca- nines et dix molaires. M. Fr. Cuvier les décrit ainsi (Dents, p. 405): à la mâchoire supérieure, les in- cisives et les canines présentent le nombre et les formes de celles des civetes. Il n’y a que deux faus- ses molaires, toutes deux avec les formes normales, et la première un peu plus petite que la seconde. La carnassière ne diffère point de celle des man- goustes. A la mâchoire inférieure, la troisième fausse molaire, la carnassière et la tuberculeuse ont cela de remarquable qu’elles ont évidemment été faites sur le même plan, quoiqu’elles présentent quelques différences; la fausse molaire est identique avec celle du paradoxure, ayant une pointe principale en avant et un talon divisé en plus petits tubercules. La carnassière antérieure a un gros tubercule divisé en trois petits mamelons, un moyen, le plus petit de tous en avant, un à la face externe, l’autre à la face interne de la dent ; elle a en arrière un talon séparé en trois ou quatre petits tubercules. Enfin la tuberculeuse a la plus grande ressemblance avec la carnassière pour les formes et les dimensions; seu- lement son tubereule antérieur n’est divisé qu’en deux mamelons. Desmarest dans sa Mammalogie remplace le nom d'Hlliger, ryzæna, par celui de suricata Les carac- tères qu’il adopte sont les suivants : museau pointu, oreilles petites et arrondies, langue couverte de pa- pilles cornées; pieds antérieurs et postérieurs, à quatre doigts armés d'ongles arqués et robustes; une poche semblable à celle des mangoustes près de l'anus; queue assez longue et pointue; pelage com- posé de poils annelés de différentes teintes. Le genre surikate ne renferme qu’une espèce du cap de Bonne-Espérance, que Linnæus a surnom- mée viverra tetradactyla, et Buffon surikate. Son- nerat en publiant sa figure sous le nom de zenick (Voyage aux Indes, pl. 92) donna lieu à Gmelin de créer nominalement dans la douzième édition du Systema Naturæ son viverra zenick, qui est le su- rikate ordinaire, habitué à se creuser des terriers et à vivre de petits animaux, d'œufs, et de tout ce qu'il peut attraper, Son urine exhale une odeur fétide. HISTOIRE NATURELLE EE" "1 LE SURIKATE DU CAP. Ryzæna capensis (1). Cet animal, qüe Buffon avoit indiqué à tort comme de l’Amériqu : méridionale, a le museau allongé en forme de boutoir mobile ; son pelage est mêlé de brun, de blanc, de jaunâtre et de noir ; le corps en dessous et les quatre membres sont jaunâtres ; la queue est moins longue que le corps, et noire à son extrémité ; le nez, le tour des yeux et des oreilles, ainsi que le chanfrein, sont de couleur brune. Le surikate a de longueur totale, y compris la queue, trois pieds dix pouces. On le trouve aux environs du cap de Bonne-Espérance. La sixième tribu est celle des MANGUES (crossas- chus, F. Cuv.), qui joignent au système dentaire, au museau, à la poche, aux allures du surikate, les organes générateurs des mangoustes. Leur tête est globuleuse, la pupille ronde, le museau érectile, la queue aplatie; la poche anale sécrète une matière onctueuse horriblement puante. La seule espèce con- nue est a mangue (“rossaschus obscurus, F. Cuv.), à pelage gris-brun uniforme, plus clair sur la tête, et qui habite le territoire de Sierra-Leone. C’est un animal qui se nourrit de viande, doué d'intelligence, très doux et très propre. La septième tribu est celle des ATILAx (atilax , F.Cuv.), qui sont très voisins des mangoustes, mais qui s’en distinguent par deux fausses molaires de moins, des doigts entièrement libres, et en ce qu’ils sont privés de poche anale. Leur crâne est très large, et leur museau est camus. La seule espèce connue est l’atilax vansire (?), décrit deux fois par Buffon sous les noms de vansire et de pelite fouine de Na- dagascar. La huitième et dernière tribu est celle des crYP- TOPROCTA (Bennet) (3), dont la seule espèce a recu le nom trivial de ferox. Ces animaux ont les plus grands rapports avec les paradoxures, dont ils ont la marche presque plantigrade, les ongles rétractiles bien qu’ils tiennent des chats par quelques rapports d'organisation viscérale. Le corps est plus ramassé que celui des paradoxures, et la queue est plus ar- rondie et plus grêle, également couverte de poils sur tous les points de sa surface. Ils ont une poche anale et un pelage uniformément coloré. Le cryptoprocta féroce habite l’ile de Madagascar. M. Bennet ajoute, d’après des documents que (") Suricata capensis, Desmarest, sp. 330 : ichneu- mon tetradactylus , Geoffroy, Cat. ; Miller, pl. 20 ; Screb., ul. 1417. 4 ) Le Vansire,Buff. () Proceed, 3, p. 46, 4 * DES MAMMIFÈRES. lui a fournis M. Bojer, les détails suivants : « Cet animal, irrité, et à la vue d’un morceau de chair, devient furieux, et exhale alors une odeur aussi fé- tide que celle des mouffettes; mais lorsqu'on n’excite point sa voracilé, en même temps qu'on n’aigrit point son caractère, il est doux, très privé, et ba- dine même avec les enfants, sans chercher à leur faire le moindre mal. 11 rôde autour du logis sans s'éloigner, mangeant tout ce qui lui tombe sous la dent. Ïl aime dans l’état de liberté se rouler en boule; mais lorsqu'il sommeille en captivité, il se couche sur le côté ou sur le dos, tenant les barreaux de sa cage avec ses pattes de devant. L’individu décrit mourut par suite d'attaques d’épilepsie, qui le tour- mentèrent l’espace de trois mois, et qui prirent de plus en plus de force et de vivacité. M. Bojer l’avoit conservé vingt-cinq mois à l'ile Maurice, et note que, malgré ce laps de temps, son système dentaire n’avoit point encore parcouru toutes les évolutions propres aux os qui le composent. LES HYÈNES, Hyæna, STorRr. Buffon, dans son histoire de la hyène, n’a eu en vue que l’espèce d'Orient ( hyæna vu'garis, Cuv., ou canis hyæna, L.), qui habite depuis l'Inde jus- qu’en Abyssinie, la Perse, jusqu’en Barbarie et au Sénégal. Cette hyène, connue de toute antiquité, mentionnée par Aristote et par Appien, a été ce- pendant confondue avec deux autres vraiment dis- tinctes. La première est LA HYÈNE BRUNE ( hyœ@na brunnea , Thunberg ) (1), que M. Smith a décrite comme nouvelle (?) sous le nom de hyæna villosa, et M. G. Cuvier sous celui d’hyæna rufa, et M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire sous celui d’hyæna fusea (3). Cette hyène a les poils qui la recouvrenttrès longs, très touffus, de couleur gris brun foncé uni- forme, les membres exceptés, où l’on remarque des rayures rapprochées. C’est le loup des rivages des _colons du cap de Bonne-Espérance. … M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire vient de publier une description assez complète , accompagnée d’un portrait de cet animal qu’il nomme hyœrna fusca, dans le cinquième numéro du Magasin de zoologie pour l’année 4835, et Pindividu qu’il à fait connoi- tre avoit été tué jeune et envoyé du cap de Bonne- Espérance par MM. Verreaux. Ces voyageurs s’en procurèrent également un individu complétement () Actes de Stokh., 1820, part. 1, pl. 2. () Trans. Soc. Linn,, t. XV, 2e part., p. 461, pl. 19 ; Zool. journ., r HT, p. 589; Bull, Féruss , t, 18, p. 442. =) Dict, classiq. d’hist, nat, L4 » du 399 adulte, de sorte que les données physiques de cette espèce, qui vit dans l’intérieur de l'Afrique australe, laissent peu à désirer aujourd’hui. Ainsi s'exprime M. Isidore Geoffroy à son sujet : « En jetant les yeux sur la figure de cette jeune hyène, on pour- roit la prendre, au premier aspect, aussi bien pour le jeune âge de la hyène rayée que pour celui de la hyène brune, car elle se trouve dans les conditions exactement intermédiaires entre celles de ces deux espèces. Le bout de la queue, les poils de la ligne dorsale ,: tous très allongés; deux larges bandes transversales mal limitées et irrégulières, placées sur les flancs; plusieurs autres places sur les épau- les et sur les cuisses, et disposées aussi transversa- lement par rapport à l'axe des membres, beaucoup d’autres petites raies transversales placées au devant des jambes et des pieds de derrière, et surtout de devant , enfin le museau tout entier, sont noirs ou noirâtres. Le fond du pelage est d’un fauve sale, les poils sont loin d’être aussi longs que chez la hyène brune comp'étement adulte, mais ils le sont déjà ‘ plus que chez la hyène rayée. Les ongles sont gri- sâtres. » La taille de cet individu est la suivante : Pieds, Pouces, Longueur totale du bout du museau à l'origine de la queue. . , . , 2 11 della queues 90 AULUS 01 06n ; Dj Hauteur du train de devant. , . . . . 1 ———— du train de derrière. , . . . . 1 Et «I © © » On voit, dit M. Geoffroy, que cet individu, loin d’être un très jeune sujet, étoit déjà parvenu au moins aux deux tiers de son accroissement, et il ”y a nul doute que les raies transversales de li- vrée, bien qu’encore très manifestes chez lui, n’aient déjà beaucoup perdu de leur netteté première. » La deuxième espèce , plus anciennement décrite, StLA HYÈNE TACHETÉE (hyæna crocu'a, L.)(1), dont parle le voyageur Kolbe, qui l'appelle loup-tisre, à pelage en entier d’un jaune roux, avec des bandes longitudinales sur le corps formées de taches brunes indécises. Elle paroît répandue dans tout le midi de l'Afrique, et s'étendre même jusqu’en Barbarie, Dans les dépôts d’ossements fossiles on rencontre souvent des débris de hyènes, notamment de la HA, fossilis de Goldfuss, assez abondants dans les ca- vernes de la Franconie, de Baumann ( Doubs), de Montmartre, de Kirckab, de Sundwige et de Gai- lenreuth. A Saint-Macaire, proche Bordeaux, on a trouvé les os de la hyène maculée. () Screber, pl 96, fig. B; hyœna capensis, Desm, 400 HISTOIRE EE LES PROTÈLES. Proteles. Is. Grorr. Saixt-His. (1). M. Delalande envoya au Muséum un mammifère carnassier digitigrade du cap de Bonnc-Espérance, que M. Cuvier nomma civette ou genette hyénoïde. Cet animal, comme ce nom l'indique, a de grands rapports avec les civettes et les hyènes, et ressem- ble aussi, sous plusieurs points de vue, aux renards, il frappe d’abord par sa grande ressemblance exté- ricure avec les hyènes (?), et surtout avec la hyène d'Orient : c’est 1: même fond de co'oration, le même système de rayures transversales; enfin une sem- blable crinière et une grande brièveté apparente des membres postérieurs viennent encore ajouter à cette similitude vraiment remarquable. Cette circon tance organique de la brièveté des membres postérieurs est d’une importance très grande par l’aspect particulier qu’elle donne à l’animal, la gêne qu'elle lui impose dans sa démar- che, et par suite la grande influence qu’elle a sur ses habitudes. Sans doute beaucoup des fables accréditées dans l'antiquité au sujet de la hyène ont eu leur source dans cette disproportion des par- ties, d’où résultent un aspect, une allure, qui la si- gnalent à l'œil le moins observateur comme un être anomal et extraordinaire. Un animal qui reproduit un caractère si bizarre, si dominent, est bien digne d’attention ; aussi, quoi- que arrivé en France depuis peu de temps, at il déjà occupé plusieurs zoologistes. MM. G. et Fr. Cuvier et M. Desmarest, dans leurs ouvrages (?), mon père, dans ses cours, en ont déjà donné les principaux caracteres. M. Cuvier à reconnu que, malgré tous ses rapports de ressemblance avec la (‘) Ge Mémoire, rédigé avec le plus grand soin ,estle seul travail complet que nous possédions sur les proté- les: M.lsidore Geoffroy, son auteur, a bien voulu nous permettre d'en enrichir notre Supplément. fl est extrait des Mémoires du Huséum. (2) M. Isidore Geoffroy a fait connoîlre à l'Académie des Sciences de nouveaux détails sur le prolèle, mam- mifére carnässier de l'Afrique méridionale, qui res- semble singuliérement à l'hyéne par sa forme el par ses couleurs, mais qui s’en distingue entiérement par son systéme dentaire et par ses habitudes. fl paroîtroit en ef- fet que cet animal se nourriroit principalement, non de proie vivante, mais de ces queues si lourdes et si grasses que portentles moutons d'Afrique, et que même en Perse, au rapport du voyageur Chardin, on est obligé de soutenir sur un petit chariot. (L'Hermês, no 94, pe 164.) (3) Voyez G. Cuvier, dnent fossiles, t. IV; Fr Cuvier, Dictionn. des Sc. natur. (Levrault), & XXIF, au mot nyëxr;et Desmarcst, Mammalogie de l'En- eyclopédie, Supplément. NATORELEE hyène, l’animal découvert par M. Deialande n’est point une hyène, mais qu’il doit former un genre nouveau. £ Je me propose, dans ce travail, d'établir le nou- veau genre que je désignerai sous le nom de pro- leles (1) (protèle ): ce nom rappellera que les pieds antérieurs du nouvel animal sont compiets, quant au nombre des doigts, par opposition avec ceux de la hyène, qui ne sont que tétradactyles. Tiré, il est vrai, d'un caractère qui est loin d’avoir une impor- tance majeure, il a du moins l’avantage d'indiquer une distinction extérieure très nette et très facile entre deux animaux qui se ressemblent autant à l'extérieur. Je vais donner les rapports principaux du pro- tèle avec les genres les plus voisins, ceux des ci- veltes, des hyènes et des chiens. Malheureasement les individus que possède le Muséum sont tous jeu- nes, ce qui me privera sans doute de quelques con- sidérations intéressantes : j'aurai soin, à cause de celte circonstance, de comparer le protèle, autant que Pt, non seulement aux adultes, mais aussi aux jeunes des genres voisins. : Les grandes ressemblances extérieures que je viens d'indiquer entre la hyène et le protèle portent sur le tronc et spécialement sur les extrémités, qui diffèrent beaucoup de celles de la hyène, sur- tout par leurs dimensions proportionnelles ; néan- moins, malgré {ous ces rapports de ressemblance extérieure, un coup d'œil suffit pour distinguer les deux animaux. En effet un museau obtus et comme tronqué , terminant une tête ramassée, ca- ractérise les hyènes; un museau assez fin et al- longé, terminant une tête à proportions élégantes, caractérise au contraire le protèle : de sorte que sa tête se rapproche davantage de celle de la civette ou du renard, par sa forme générale. Ce rapport, donné par l'inspection i"mé'iate des parties extérieures, l'est pa cillemeni par l'étude du crâne. En général, le système osseux de la tête présente bien toutes ee conditions du jeune âge; les os, peu denses, peu épais, sont séparés par des sutures très prononcées pertout, si ce n’est à locciput où déjà se remarquent d’assez fortes crêtes. Une tête de jeune hyène, d’un quart moins longue que celle de l'adulte, a les sutures et les crêtes à peu près dans le même état, mais l'épaisseur et la densité de ses os sont même, proportion gardée, beaucoup plus considérables. L'arcade zygomatique diffère beaucoup de celle de la hyène, en ce qu’elle offre de plus important; mais par s2s détails secondaires elle lui ressemble (") De +po, devant, et de zekner , parfait, compiet. Je prends ici ce Aer mot comme P. nt de penta- dactyle. Mon pére l’a déjà employé das Len E sens, (Isid, Geoff, St.-Hilaire,) Ty * pe “ # RE RE TR Er Er a Protele de Lalande, Proteles Lalandu : QU Fi PASS ANA Hu DES MAMMIFÉRES. d’une manière remarquable, s’éloignant au con- traire beaucoup de celle de la civette. Chez ce car- nassier elle est longue, mince et parallèle à l’axe de la tête ; le jugal est étroit et grêle; son apophyse or- bitaire ainsi que celle du frontal n'existent pas (!) : au contraire chez le protèle, comme chez la hyène, les arcades zygomatiques sont fortes, épaisses, plus écartées vers le temporal que vers l'orbite ; le jugal est très large, et les apophyses orbitaires sont très prononcées. La différence consiste en ce que, chez le protèle, l’arcade est moins rejetée en arrière et surtout beaucoup moins écartée, l’apophyse zygo- matique du temporal étant beaucoup plus courte, et le jugel ne pouvant plus s’articuler avec elle qu’en se rapprochant beauconp du crâne. Ces con- ditions organiques font que le protèle passe de_la forme élargie de la tête dis hyènes à la forme allon- gée de celle des renards ; que la boîte cérébrale’est plus étendue, la masse encéphalique plus considé- rable, la totalité des muscles moteurs de [a mâchoire inférieure diminuant au contraire. Les ouvertures des arrière - narines sont larges, et très rejetées en arrière; le palais à aussi beau: coup de largeur. Les deux rangées de molaires sont sensiblement parallèles, ce qui se voit aussi chez les ours, tandis que le parallélisme n’a lieu que pour les deux ou trois dernières molaires chez les hyènes, les chiens, les civettes et les autres car- nassiers. Cette disposition fait que le museau, d’ail- leurs beaucoup plus court que celui du renard, est beaucoup plus large à son extrémité. Les os propres du nez, s’allongeant avec le museau, et diminuant avec lui, sont aussi beaucoup plus court$ que chez le renard; mais ils sont plus longs que chez la hyène. La largeur du museau doune aux cavités olf«ctives une assez grande capacité. On ne remar- que point de gouttière le :ong de la suture des os propres du nez, comme cela se voitchez les renards, la civette et les hyènes. Le jeune protèle ayant, comme la jeune hyène, les crêtes de l’occiput déjà très prononcées , il est à croire qu’elles sont très saillantes chez le protèle adulte comme chez la hyène adulte. La mâchoire inférieure, courte et assez semblable à celle de la hyène, présente néanmoins quelques modifications remarquables. Les deux branches du maxillaire sont à peine obliques l’une sur l’autre dans toute l'étendue où doivent s'implanter les mo- laires ; puis les deux bords dentaires se rapprochent en se contournant, d’où résulte une sorte d’échan- ( Cette remarque estapplicable à la civette propre- ment dite, et à plusieurs aufres animaux du même genre, mais non à Lous : chez quelques uns méme les apophyses orbitaires existent si prononcées, que l'œil est entouré d’un cercle osseux complet. (Isid, Geoftroy D j y 17 401 crure qui répond aux canines supérieures, et sépare les moluires inférieures des canines et des incisives inférieures. Cette disposition fait que, malgré le parallélisme des deux rangées de molaires de la mà- choire supérieure, les molaires inférieures sont, comme chez tous les carnassiers, reçues entre les supérieures, et sont alternes à leur égard, tandis que les incisives supérieures et inférieures sont op- posées. Cette disposition se retrouve chez les ours, qui ont aussi, comme je l’ai remarqué, les bords du maxillaire supérieur parallèles. Le maxillaire inférieur du protéle est d’ailleurs beauconp moins fort que celui de la hyène ; son con dyle, et suriout son apophyse coronoïde, sont peu développées. C'est ici surtout que la connoissance de l'adulte est à regretter, tous les individus que j'ai examinés n'ayant encore que de très petites dents de lait. M. Fr. Cuvier, celui de tous nos zoologistes qui a porté le plus d'attention sur les dents considérées comme caraclères zoologiques, ayant examiné les dents du protèle, je ne puis mieux faire que de renvoyer à son travail. Je dirai seulement qw’il v a de e:aque côté, à la mâchoire supérieure, trois in- cisives, une canine, quatre molaires; et à l’inférieure, une molaire de moius. Les molaires de la mâchoire inférieure sont séparées des autres dents par un vidé assez considérable ; celles de la mâchoire supé- rieure sont écartées les unes des autres. Toutes ces dents sont très petites; les incisives supérieures sont en biseau : chez l’un des deux individus que j'ai examinés elles sont larges et divisées par un sillon longitudinal, visible particulièrement sur la face antérieure, de sorte qu'elles présentent deux petits sommets, chez un autre individu elles sont beaucoup plus étroites, et le sillon est à peine sen- sible; dans un troisième el'es sont larges, et le sil- lon estencore moins marqué. Les incisives inférieu- res ont deux sommeis plus distincts; les canines supérieures et inférieures sont peu saillantes. Les dents du protèle sont dans un état complet d'anomalie. C’est, dit M. G. Cuvier, que les dents persistantes ont été retardées, comme il arrive assez souvent aux genettes. El pense d’ailleurs que, dans leur état nornial, elles doivent ressembler à celles des civettes et des genettes; et c’est ce qui l’avoit déterminé à donner au nouveau quadrupède le nom de civette hyénoïde, que, du reste, il ne regardoit lui-même que comme une désignation provisoire. Cependant les mâchoires du protèle sont courtes : la portion de la mâchoire inférieure, où doivent s'implanter les molaires, est, proportion gardée, d’un quart au moins plus p:tite chez le protèle que chez la civette. C'est avec la hyène que le protèle a le plus de rapports, quant aux os du tronc. Par le nombre 51 402 des côtes, il tient le milieu entre la hyène et la civette ; il en a quatorze; elles sont aplaties et assez longues : les huit premières sont les seules qui s’ar- ticulent avec le sternum. Cet os ne présente rien de bien remarquable, et ne fait en avant des côtes qu’une saillie peu considérable. Les vertèbres cer- vicales sont très fortes; toutes leurs apophyses sont très élargies. Les vertèbres lombaires sont au nombre de six, les sacrées au nombre de deux : ce qui fait vingt-neuf vertèbres, sans compter les cau- dales qui sont au nombre de vingt et une ou vingt- deux. La série des apophyses épineuses présente une disposition remarquable : Patlas et l’axis sont comme chez les autres carnivores; dans les cinq dernières cervicales, les apophyses épineuses sont élargies, mais peu saillantes : à la région dorsale, elles deviennent tout-à-coup des tiges très allon: gées. Cette disposition est particulière au protèle et aux hyènes, surtout à la hyène tachetée ; car chez les civettes, les chats et les autres carnivores, les apophyses épineuses des dernières cervicales ont déjà pris la forme allongée de celles des dorsales. Vers la fin du dos, et dans la région lombaire, ces apophyses deviennent plus larges et moins sail- lantes ; enfin, à la région sacrée, elles sont minces et allongées comme à la région dorsale, mais plus petites. Les quatorze ou quinze dernières vertébres cau- dales ne sont plus que des cycléaux grêles et allon- gés: les autres ont des apophyses dont quelques unes sont même très saillantes. Le bassin est, comme chez la hyène, moins oblique sur la culonne vertébrale qu’il ne l’est or- dinairement : l’iléum est plus étroit et plus allongé que chez ce carnassier ; la cavité cotyloïde a peu de largeur : elle résulte de l’union de l’iléum, de l’is- chium, du pubis et d’un quatrième os découvert, il y a quelques années, dans l’homme et les mam- mifères, par notre célèbre anatomiste M. Serres, qui le regarde comme l’analogue de l’os marsupial des animaux à bourse. (Voyez Analyse des travaux de l’Académie royale des Sciences pour 1819, page 40.) L’os pénial des chiens n’est aussi, suivant mon père, que le même os soudé à son congénère, et ne formant avec lui qu'une seule pièce placée sur la ligne méd ane.(Voicz tome IX des Mémoires du Muséum, pige 559.) Ainsi ce quatrième os existeroit dans la cavité cotiloide chez tous les mammifères, excepté ceux qui ont ou l'os pénial ou l’os marsupial : il est, chez le protèle comme chez la hyène, placé entre lischium, le pubis et l'iléum. Le protèle, de même que la hyène, n’a done pas d'os pénial. On saisit, à la simple inspection des membres du protèle, quelques uus de ses rapports avec la hyène et la civette. Le membre antérieur du pro- HISTOIRE NATURELLE tèle, par ses proportions, ressemble à celui de la hyène, et diffère de celui de la civette; par le nom- bre dés daigts, au contraire, il ressemble à celui de la civette, et diffère de celui de la hyène, qui manque de pouce, ou du moins qui n'a qu’un pouce rudimentaire. Quant au membre postérieur, sous ces deux rapports également, il ressemble à celui de la hyène, et diffère de celui de la civette. Ainsi, à la simple inspection, les membres du protèle paroissent avoir plus de rapports de res- semblance avec ceux de la hyène qu'avec ceux de la civette. Unexamen détaillé des parties nous don- nera ce même résultat. L'extrémité antérieure même ressemble plus à celle de la hyène qu’à celle de la civette. L'omoplate a peu de largeur, mais il est très allongé; cet os est remarquab'e par cette forme allongée, et surtout par son épine très peu obli- que sur les bords de l'os. Cette même disposition, qui n'existe ni chez le renard ni chez la civette, se retrouve chez la hyèae. Je n’ai point vu la clavi- cule; elle manquoit au squelette que j'ai examiné : il est probable qu’elle est petite, et suspendue dans les chairs. L'humérus est arqué, très fort, surtout vers l’ex- trémité scapulaire ; la tête, les tubérosités, tout le tiers supérieur de l'os, remarquable par sa largeur : déprimé dans une partie de sa longueur, comprimé dans l’autre, il est arrondi vers sa moitié; les os de l’avant-bras sont, dans toute leur longueur, appli- qués l’un contre l’autre, et même si intimement qu'ils se reçoivent dans de légères facettes dont ils sont creusés à leur partie supérieure; tous deux, et le radins surtout, sont larges et aplatis. Le cubi- tus, moins large, a plus d'épaisseur; sa portion carpienne, arrondie et assez semblable à une pha- lange, n’est pas encore réunie au corps de los £a portion inférieure du radius est au contraire soudée à la supérieure; mais on voit une suture très pro- noncée, indice de la séparation primitive des deux parties de l'os. La première rangée du carpe est formée de trois os, dont l’interne , plus grand, est reçu dans la fa- cette articulaire du radius; lexterne plus petit, dans celle du cubitus le troisième os est placé au- dessous, et forme une sorte de talon extrèmement saillant ; il y a de plus un petit osselet lenticnlaire placé dans la ligne du pouce; la seconde rangée est formée de quatre os : à la partie inférieure de l'in- terne est placé un petit osselet, suivi de trois autres osselets plus ou moins allongés; c’est le pouce. Le même os et le suivant soutiennent le métacarpien du second doigt ; le suivant porte celui du troisième; enfin sur Pexterne s'appuient les deux derniers mé- tacarpiens. Tel est le carpe du protele, remarquable par _ DES MAMMIFÈRES. une grande analogie de composition avec le tarse. Il est très différent de celui de la civette, moins de celui de la hyène. Ainsi, par le nombre des doigts semblable à la civette, et différent de la hyène , le protèle est cependant, par son carpe, plus sembla- ble à cette cernière. Le pied offre encore une considération plus im- portante, qui le rapproche pareillement de celle-ci. Les carnassiers ont ordina‘rement le picd de de- vant plus court que celui de derrière ; et particuliè- rement, car c’est sur eux que porte la diflérence (1), les métacarpiens plus courts que les métatarsiens. La hyène fait exception : chez elle le métacarpe ne le cède en rien pour la longueur au mét tarse. I! en est de même chez le protèle, qui se rapproche ainsi de la hyène jusque dans ses anomalies. Le pouce est formé de trois os : le premier est aussi long que les phalanges métacarpiennes des autres doigts ; le second est court ; le dernier, qui est la phalange unguéale, est encore beaucoup plus court : cette petite phalange porte un ongle pointu, placé vers le Las du métacarpe. Les quatre grands doigts ne présentent rien de remarquable; les deux métacarpiens externes sont beaucoup plus courts que les internes : aussi les doigts auxquels ceux-ci appartiennent sont-ils plus allongés que les autres, et les ongles du deuxième et du cin- quième doigt placés beaucoup plus en arrière que ceux du troisième et du quatrième. Aux pieds de derrière les métatarsiens internes sont les plus allcn- gés, comme le sont les métacarpiens internes aux pieds de devant : par suite, aux pieds de derrière comme aux pieds de devant, les ongles externes sont rejetés en arrière. On remarque, à la partie postérieure de chaque articulation métacarpo-phalangienne, deux os entre lesquels glisse, dans la flexion, l’extrémité supé- _rieure de la phalange correspondante. Ces deux os se retrouvent dans les chats, les hyènes, etc., où ils finissent par se souder ensemble. Ceite soudure a sans doute pareillement lieu chez le protèle. Enfin il ya en devant, dans les ligaments de la même articulation, de petits osselets qui ressemblent tout- à-fait à la rotule par leur position et par leur forme. Tous ces os, placés derrière les articulations méta- carpo- phalangieunes, et ces osselets sésamoïdes, () Fe pourrois dire presque tous les mammiféres. Les chauves-souris, plusieurs édentés , elc., font cependant exceplion. Dans les marsupiaux , qui manquert de pouce au pied de derrière, l'allongement de ce pied ne vient pas uniquement de l'allongement des métatar- siens ,il porte en grande parlie sur les phalanges digi- tales. C'est qu'il y a ici un excés de développement dû à des condilions organiques propres aux marsupiaux. Mon père a donné l'explication de ce fait dans l'article MARSUPIAUX du Dictionn. des Sc. natur. {de Levraull}, t. XXIX. (Isid. Geoff. Saint-Hilaire. ) 403 placés au devant, se retrouvent aux parties corress pondantes du membre postérieur, à l’examen du- quel je vais maintenant passer, Le fémur et la rotule du protèle ressemblent beaucoup à ceux de la civette et de la hyène ; la tête du fémur est cependant plus saillante qe chez la hyène. Le péroné n’est encore qu’une tige aplatie, un peu renflée et arrondie à ses extrémites : contigu au tibia dans sa moitié inférieure, il s’en écarte dans la supérieure. Cette disposition produit une cour- bure dont la concavité est tou née vers l'extérieur. Sans doute dans les vieux individus les deux os de la jambe sont soudés dans une grande partie de leur longueur. Dans les civettes comme dans les chats, au contraire, les deux os ne se réunissent qu’à leurs extrémiiés, et sont toujours écartés l’un de l’autre dans le reste de leur longue r. Au-dessous du pé- roné est une épiphyse qui se soude plus tard avec le péroné, dont elle doit faire partie, et avec le tibia; à l'extrémité supérieure du péroné sont deux autres épiphyses, dont l’inférieure sert aussi de point de réunion pour les os de la jambe : il y a de plus un petit osselet placé au côté externe. Le péroné de la hyène ressemble à celui du protèle; il est même encore plus étroit chez elle, proportion gardée. Les chiens ont aussi les os de la jambe disposés de la même manière, et soudés pareillement dans leur moitié inférieure ; ils se réunissent même quelque- fois dans la portion de leur longueur où ils sont écar- tés, au moyen d’une lame osseuse qui va d’un os à l’au re comme feroit un ligament interosseux. Je parle de cette disposition , que je n’ai observée que chez les chiens, parce qu’elle doit se rencontrer pa- reillement chez les vieux protèles. Le tarse ne diffère que très peu de celui des au- tres carnassiers, et particulièrement de la civette : analogie remarquable entre les pieds de deux ani- maux dont l’un est pentadactyle, et l’autre privé de pouce. Au reste, comme on sait, un élément orga- nique de plus ou de moins dans une série de parties analogues n’est pas un caractère d’une importance majeure : c'est ainsi que varie fréquemment dans le même genre, quelquefois dans la même espèce ,: le nombre des doigts, des côtes, des vertèbres, des d nts, etc. Il y a toutefois une légère modification chez la civette : les cunéiformes portent les trois méta'ar- siens internes ; le cuboïde soutient le suivant, et ne s'articule à l’externe que dans une très petite por- tion. Telle est aussi, à peu près, la disposition de ces os chez l’homme. Dans le protèle le tarse est aussi large ; mais l'absence d’un métatar-ien rend le mé- tatarse plus étroit, ce qui fait que les quatre méta- tarsiens qui restent sont moins gênés, et s’arliculent avec le tarse d'une manière plus pleine et plus en- tière. {1 est à remarquer au reste que le pouce joue 401 chez la civette un rôle très peu important; en cflet le métatarsien de ce doist est placé hors de rang, s'articule avec son cunéiforme presque tout entier au-dessous du métatarsien du second doigt, et reste caché sous lui dans une grande par ic de sa lon- gueur : il est d’ailleurs extrêmement grêle. Les phalanges métatarsiennes et digitales du pro- tèle sont très semb ables à celles de la civeite sur- tout quant aux trois doigts externes : car l’interne, grêle chez la civette, est très fort chez le protèle. C’est à l'absence du pouce qu'il faut attribuer le vo- lume remarquable de cet os, nourri chez le protèle de tout le sang qui, dars le cas normal, se seroit porté au pouce. Telles sont les principales particularités que nous présente le squelette du protè e. J'ai montré que cet animal est très voisin des hyènes ; qu’il l’est plus même que ne semblent l’avoir pensé les naturalistes qui se sont occupés de lui avant moi. En effet, si nous omettons les caractères extérieurs, qui ne sont pa- eux mêmes sans importince, pour nous baser uniquement sur les considérations que présente le squelette, que trouvons-nous? L'ensemble de la co- lon::e vertébrale, le bassin, le membre postérieur tout entier, l'épaule, les os de la jambe, du carpe, les quatre doigts externes, qui sont les plus impor- tants dans ces famiiles, nous rappellent entiè:ement et p esque uniquement la hyène. Les côtes, le ster- num. ressemblent autant aux os correspondants de la hyène qu'à ceux de tout autre animal. Le protèle a.un doigt de plus; mais ce n’est pas là une diffé- rence bien importante : ce doigtest petit, grêle, sans usage, comme surnuméraire ; et d'ailleurs on trouve des rudiments de pouce chez la hyène. La forme de la tête est différente ; l’arcade zygo- matique est beaucoup plus écartée chez la hyène : l’arcade z\gomatique qui, étant pour le naturaliste comme l'indice du vo'ume de la masse encéphalique et de la force des muscles mot:urs de la mâchoire, renferme en elle un caractère d'importance majeure. Nous sommes enfin ici sur une différence fondamen- tale, et qui ne permet pas de laisser le nouvel ani- mal parmi les hyènes; mais n'est-il pas remarqua- ble de trouver encore, jusque dans les points où la dissemblince est la plus grande, des rapnorts de ressemblance dans les détails secondaires ? Que conclure de tout ceci? C’est que le nouveau mammifère doit être regardé comme le type d’un genre nouveau, selon l'opinion de M. Cuvier; et que ce genre, qui se rapprocle, à certains égards, des civeties et des renards, a des rapports très nom- breux avec les hyènes. J'achèverai de faire connoître l'animal qui fait le type du nouveau genre , en disant quelques mots des couleurs de son pelage et de ses pertics exté- rieures. HISTOIRE NATURELLE L'aspect général est, comme je l’ai dit, celui des hyènes. Ses jambes de derrière sont en apparence très courtes, ce qui vient de la flexion continuelle où il en tient les diverses parties, et non de leur brièveté réelle ; car, malgré l'allongement du carpe dont j'ai fait mention, les membres postérieurs sont aussi longs que les antérieurs. Les oreilles sont :llongées et couvertes d'un poil très court et peu abondant : clles rappelient celles de la hyène d'Orient. Les narines font une saillie prononcée au delà du museau, qui est noir et peu fourni de poils ; on y remarque de longues mousta- ches. Les poils de la crinière et ceux de toute la queue sont de longs poils rudes au toucher et an- nelés de noir et de blanchätre ; ce qui fait que la cri- ‘nière et la queue sont aussi dans leur ensemble annelées des mêmes couleurs. La crinière s’étend de la nuque à l’origine de la queue ; les poils qui la composent sont plus rares, et plus courts vers le i eut du cou et vers la queue. Le reste du corps est presque en entier couvert d’un poil laineux, entre- mêlé de quelques poils plus longs et plus rudes. Le _fond du pelage est blanc-roussâtre ; mais il est va- rié sur les côtés et la poitrine de lignes noires trans- versales, inégalement prononcées et espacées. Les tarses sont noirs; le reste de la jambe, de même couleur que le corps, est varié aus i de bandes noires transversales dont les supérieures se continuent avec celles du tronc. Il paroit qu’il y avoit un sillon sous l’anus, comme l'a remarqué M. Cuvier. Ici se termine tout ce que pouvoit apprendre l'inspection du nouvel animal. M. Jules Verreaux, neveu de M. Delalande, et qui l’a accompagné dans son mémorable voyage au Cap, a bien voulu com- pléter mon travail en me communiquant ce qu’il a pu savoir des habitudes du nouvel animal Les protèles sont nocturnes : ils ont une grande facilité pour fouiller la terre, et se creusent des ter- riers à la manière des renards. [!s ont toujours soin de se ménager plusieurs issues. Lorsqu'ils sont ex- cités, leur criaière se dres €, et leurs poils sont hé- rissés depuis la nuque jusqu’à la queue. Ces ani- maux paroissent assez prompts à la course{t). Les trois individus que M. Delalande a tués habi- toient ensemb'e; ils sont sortis de leur terrier par (‘) Je ne puis m'empécher de remarquer que les ha- bitedes da protéle ressemblent sous plusieurs rapports à celles des hyènes : ainsi les hyènes sont nocturnes comme le protéle; comme lui, elles ont pour fouiller la terre une facilité dont elles font usage non pas, il est vrai, pour se creuser des terriers, mais seulement pour exhumer les cadavres dont elles veulent se repat- tre. Cette ressemblance entre les habitudes des deux animaux est à Ja fois et la suite nécessaire et la preuve de celie qui existe entre leurs organes. (Isid. Geoff, Saint-Hilaire.) DES MAMMIFÉÈRES. diverses issues, pour éviter un chien qui s’y étoit introduit Ils fuyoient avec une grande vitesse, les crinières hérissées , le corps très oblique sur le sol, les. oreilles et la queue baissées. L’un d'eux se voyant en danger, se mit à fouiller le sol, comme pour se creuser un nouveau lerrier (!). ; C'est au fond de la Cafrerie que M. Delalande a tié les protèles. J'ai consu té les relations des prin- cipaux voyages faits dans ces contrées encore pres que inconnues, et dans toute l’Afrique mé idionale. Je n'ai tiouvé ces animaux indiqués dans aucun : ce qu'expliqueroient au besoin très facilement le petit nombre de voyageurs qui ont pénétré dans ces contrées, et ! habitude qu'ont ees carnassiers de ne sortir que la nuit. Mais il est une circonstance qui l'explique encore mieux : c’est leur très gratide ra- reté. Les protèles sont en effet si rares qu'ils étoient inconnus même aux naturels du pays, Cest une raison de plus pour nous d’attacher un grand prix à la découverte de M. Delalande, puisque sans lui le protèle nous seroit sans doute inconnu pour long- temps encore. fs Je proposerai d'appeler le nouvel animai Gu nom du voyageur auquel vous en devons la connoissance proleles Lalandii (protèle Delalande). Qu'il me soit ainsi permis de rattacher son nom à sa décou- verte, et de ramener l'attention et le souvenir re- connoissant des naturalistes sur le plus infatigable et le plus intrépide de nos voyageurs : foible hom- mage. bien dù sans doute à l’un des hommes qui ont rendu le plus de services à la zoologie ; qui a véeu pour elle, et qui même a péri à la fleur de l’âge, au retour du plus glorieux et du plus beiu de ses voyages, victime de son ardeur, de son zèle et de son dévouement pour les sciences. LES FÉLIS. Felis, L. Malgré les travaux consciencieux d’un grand nom- bre de naturalistes de l’Europe et de l'Amérique, {:) Voyez notre planche. —« La découverte du pro- tèle étoit, aux yeux de M. Delalande, d'un grand inté- rét : aussi, à peine de retour du Cap, s'est-il empressé de le faire peindre sous ses yeux par l'habile peintre M. de Wailly Une pelleterie préparée ne pouvoil doi - rer qu'une idée insuffisante et peu exacte du nouvel animal : cependant M. Delalande, doué d’un grand ta- leut d'observation, et suppléant à ce qui manquoit par les nombreux souvenirs de son voyage, a fait ce que lui seul pouvoit faire, il a obtenu une bonne figure. 11 à fait représenter l'animal tel qu'il l’a vu, c’est-à-dire sortant de son terrier. C'est ce précieux dessin que j'ai fait graver, et qui accompagne mon Mémoire. L'original fait partie de la riche collection des vélins du Muséum, » (sid, Geoff, Saint-Hilaire.) 405 l’histoire des animaux du genre félis est encoré un dédale où lon se perd quand on veut séparer par des distinctions précises une foule d’espèces entre elles. La partie poétique de leur histoire a été moins négligée, quoique tracée d'après des idées purement conventionnelles ; car, qui n’a retenu quelques lon- gues tirades sur la magnanimité du lion, ce roi des animaux, sur la férocité du sanguinaire tigre, la du- plicité et la perfidie des chats, etc., ete. ? Il n’en est plus de même lorsqu'il s'agit de distinguer les gran- dés espèces à pelage couvert de rosaces diverses. Des erreurs accumulées par les anciens écrivains viennent à chaque pas embarrasser la distinction que l’on ce erche à établir entre elles. Nous essaie- rens donc de retracer le plus brièvement possible les idées les plus communément reçues sur l’ensem- ble de celte grande famille, que nous diviserons en petites tribus naturelles. La première section est celle des lions, ou des félis à pelage ras et uniforme dans-sa coloration , à longue queue terminée par un flocon de poils. Le lion en est le tvpe. Les trois principales variétés de pays sont: le lion 'u Sénégal, à pelage jaunûtre, à crinière peu fournie, le lion d'Arabie, à pelage Isabelle et à épaisse crinière, et enfin le lion du Cap, jaune et brunâtre. Le capitaine Smce en dis- tingue le ontiah baug ou chameau-tigre des In- diens de Guzarate, qu'il appelle felis les, varietas _goojratensis (1), qui paroît être inoffensif- pour l’homme. Dans ces dernières années, M. Des: aies (?) a retrouvé à la queue du lion de Barbarie l’ongle ou aiguillon implanté dans la ernière vertèbre caudele qu’lle termine au milieu de la touffe de poils, et qu'Homère avoit ind quée. Ce fait étoit demeuré inaperçu pendant une longue s‘rie de siècles. * A cette tribu nous ajoutons le PUMA, nommé aussi le lion d'Amé ique, décrit par Buffon sous le nom de couquar (felis discolor, L.), et qui vit dans toutes les régions chaudes et tempérées de l’Amé- rique méridionale. C’est évidemment le goua- zouara de d’Azara et le fig e rouge des Péruviens. Doit-on en distinguer le félis unicolore (felis uni- color, Trail.) des profondes forêts de Démérary, dans la Guyane hollandoise, de taille moindre de moitié que le puma, à pelage fauve bruaâtre sans taches, les orcilles sans bordure noire et la tête beaucoup plus pointue que celle du couguar ? On regarde comme une espèce fort mal décrite le ja- guerété de Pison, dont Buffon à fait son CotGuar NOIR (felis disrolor, Screb.), que l’on dit habiter Cayenne et le Brésil, mais que personne n’a revu parmi les dépouilles qui proviennent journellement de ces contrées. (x) Proceed., t. Ti, p. 140. Jub& maris cervicalibrevi, erectà; cauda flocco apicali maximo nigro. (2; Ann, sç. nat,,t, XVIL p, 79. 406 La deuxième tribu est celle des ricres. Les poils du pelage sont ras, la tête ronde, leur coloration fauve doré avec de grandes rayures no‘res et pleines dirigées daus le sens vertical. Leur queue n’est pas terminée en toufle. LE TIGRE ROYAL (felis tigris, L.) est répandu sur une vaste étendue de pays. Dans les iles Malaises, on en rencontre une variété qui est l’arimaou bessar des habitants, ou le madjangedé des Javanais. Sir Raffles mentionne le tigre à Su- matra, et ajoule : « Deux seules espèces de ce genre sont dans la » collection, le tigre royal et une espèce de chat- » tigre. Le dernier est précisément le même que le » felis bengalensis, le chat-tigre du Bengale décrit » par Pennant, et est appelé par les Malais Rimeau » bulu. Les tigres sont très nombreux à Sumatra, »el sont très dangereux sur la côte occidentale. » Les naturels en distinguent plusieurs variétés, » telles que le rimau kunbang ou tigre noir; le » rimceau samplat, et autres » On doit regarder comme une variété du tigre royal ou du Bengale le tigre de la Russie asiatique, qui vit dans un climat plus froid que l'Allemagne du Nord, car on le rencontre entre les quarante- cinquième et les cinquante troisième degrés de la- titude nord dans la Mongolie, la Dzoungarie et la Boukarie. Cette variété s'éloigne par quelques diffé- rences de taille du tigre du Bengale, et s’en dis- tingüe surtout par un pelage plus fourni et beau - coup plus long. Elie est très commune dans l’Er- tysch, les steppes des Kirghises, et sur les bords du lac Baïkal (!). La troisième tribu est celle des CHATS-PANTHÉ- RINS. Leur taille est forte et puissante. Leur pelage est fauve ou blanc, avec des taches noires en forme de roses creuses ou pleines, ou des maculatures noires ; la queue, à sa pointe, se recourbe vers en haut: leur coloration a de la tendance à passer à un état opposé à l’albinisme, puisque le fauve devient noir luisant, et constitue un véritable mélanisme chez plusieurs espèces Les chats-panthérins sont: 4° LA PANTHÉRE D AFRIQUE (felis pardus, L.), connue des anciens qui l’appelaient pardalis, et que les Arabes nomment faahd (?); elle a un large fanon sur la gorge, et paroït être répandue en Afrique, en Asie et même dans larchipel des Indes, dans les parties équatoriales. Le felis me- las, que Péron à observé le premier à Java, et dont nous avons vu un individu vivant à Soura- baya, ne paroît être qu’une variété atteinte de mé- lanisme: sa fourrure très noire laisse apercevoir des rosettes plus noires encore et lustrées. On le () Obs. sur le tigre du Nord, Ehrenb., Ann. sc. nat., t. XXI, p. 387; Féruss. Bull., t. XXV, p. 207. @) Le léopard de M. Temminck (felis leopardus\, HISTOIRE NATURELLE rencontre surtout dans Île district de Blambangan. 2° La PANTHÈRE DES INDIS ORIENTALES (felis par- dus, Temm.) (!), plus basse sur jambes que le léo- pard, ayant la queue de la longueur de la tête et du corps, eL les taches noires du pelage plus nom- breuses et plus petites que celles de la panthère. Elle habite exclusivement le Bengale. 5° Le LEo- PARD, (felis lcopardus, L.), assez semblable à la panthère d'Afrique, a cependant dix rangées de taches beaucoup plus petites (?). Ces trois espèces sont confondues par les fourreurs. 4° La PANTHÈRE pu Nonrp (felis rbis, Muller) (#), méconnue jus- qu’à ce jour, est remarquable surtout par le grand allongement de sa queue et par ses poils longs et blanchâtres, crêpés et laineux à leur base. Elle à été figurée par plusieurs auteurs sous le nom D'ONCE (felis uncia, L.), notamment par Buffon, planches coloriées, n° 195, et par Griffith dans la traduction angloise du règne animal. L’'individu que M. de Humboldt s’est procuré à Semipalatna appartenoit au sexe féminin. Sa taille étoit de trois pieds huit pouces, tandis que la queue avoit trois pieds. Les poils du ventre n’avoient pas moins de trois pou- ces de longueur. La coloration générale étoit un gris blanc, avec des roses noires, marqué sur le milieu du dos d’une large raie d’un gris plus foncé. Cette panthère vit dans les contrées montagneuses et boisées de la Sibérie orientale, sur les rives du Jenisei, de l’Olenk et de l'Amour, et surtout sur les bords du lac Buïkal. Pallas rapporte qu’elle monte sur les arbres comme le lynx, et qu’elle se rencontre en Perse. Le Nouveau Monde a aussi une panthère(f), re- marquable par sa forte taille et ses goûts carnas- siers. C’est le JAGUAR outi:re d'Amérique, la grande panthère des fourreurs (fel s uncia, L.), très bien figurée par M. Fr.Cuvier. Fauve vif en dessus, mar- quée le Jong des flancs de quatre rangées de taches noires en anneaux ponctués de noir à leur centre; blanc en dessous avec des raies noires. Le jaguar est parfois atteint de mélanisme, et c’est alors le jaguar noir ( felis nigra, d'Erxleb.). Cet animal se rencontre au Paraguay, au Brésil, à la Guñane, généralement dans les forêts des Savanes des 1é- gions américaineséquatoriales. Le jaguar de la Nou- velle-Espigne de Buffon ne paroît pas différer de l'espèce type. () Felis chalybeata, Herm.; Screb., pl. 101. () On en connoît une variété atteinte de mélanisme. (3) Observ., etc; Ann. sc. nat., L XXI, p. 387; Bull, t XXV.p. 210 Cauda longiore; corpore albido macu- larum nigricantium annulis orellatis matimis irre- gularibus obtecto, villoso (Shremberg). (4) Le jaguar est le type de la description que Buffon donne de sa panthère, car Buffon n’a point connu la vraie panthére d'Afrique ni celle des Indes, DES MAMMIFÈRES. La quatrième tribu est celle des CHATS-OCELOÏDES. Leurs jambes sont fortes et courtes. de manière à ce que Île corps est bas. Leur queue est robuste, assez longue, tout d’une venue, c’est-à-dire qu’elle est encore forte à sa terminaison. Le pelage, assez court, est généralement roux doré, avec des taches noires, vides au ceutre, allongées el disposées par bandes régulières ou interrompues. La queue est an- pelée, les oreilles sont courtes et arrondies. Ce sont en un motdes panthères en miniatur , et qui vivent exclusivement dans l'Amérique chaude. t° Le type de cette tribu est l’ocecor (felis parr'alis, L.) ayant de grandes bandes fauves bordées de noir, dis- posées obliquement sur les flancs, dont le fond est gris. C’est le maracaya des Brésiliens, au dire du prince de Neuwied , et le chibigquaz u de d’Azara, suivant M. Temminck. L’ocelot vit dans l'Amérique méridionale, depuis la Plata jusqu'au Mexique. 2 Le FÉLIS OCELOÏDE ( felès m'croura,) Wied. (1) se rapproche de l’ocelot. Il est fauve, gris roussâtre en dessus, blanchâtie en dessous. Cinq bandes lon- gitudinales obscures se dessinent sur ie cou, et le corps est couvert de taches gris brun ou noir. El vit dans les grandes forêts primitives des bords du Pa- rahyba , du Mucuri, où il est nommé par les Brési- liens crévles gattos pintados. 5° Le cuaATE (felis maitis, F. Cuv.). fauve, avec quatre rang'es de taches noires non liées, les oreilles noires avec une grande tache blanche. On le dit de mœurs douces. I vitau Paraguay. 4° Le marGay (felis tigrina, L.)oule baracaya de d’Azara, fauve, avec des taches d’un brun noir allongéeset formant cinq ban- des longitudinales. El vit au Brésil et à la Guyane. de Le caat pu Brésil (felis brasilivnsis, F.Cuv., Mamm.,t.2,) gris fauve, avec des cercles noirs irréguliers encadrant des taches fauves; la queue largement annelée de blane et de noir. Il est du Brésil. G° Le CHAT A COLLIER (fe'is armillatus, Fr. Cuv., 65° liv. }, fauve, avec de larges bandes bru- nes, quelques unes fauves encadrées de noir, le ven- tre blanc ponctué de noir. L'individu décrit par M. Cuvier avoit vécu à la ménagerie du Muséum; on ignoroit sa patrie. 7° Enfin, la dernière espèce des chats-oceloïdes est celle que nous avons décrite sous le nom de cuar ÉLÉGANT /felis elerans, Les- son , Cent. zool., pl. 21). Ce chat, long de dix-huit pouces, la queue avant douze pouces et «emi, a les müx liaires armés de dents peu puissantes. La supé- rieure a six petites incisives régulières, les quatre du milieu un peu déberdées par les deux plus exter- nes. Les canines sont longues, fortes, aiguës ; elles sont suivies d’une molaire, petite, à peine apparente, Les molaires suivantes sont robustes , tranchantes, tricuspides. La mâchoire inférieure présente la même .() Wied, Braz., pl, 11,Zool. journ., t.H, p. 531—533, 407 furme de dent, excepté que l’espace qni isole la ca- nine et la première forte molaire est sans doute la petite mâc elière rudimentaire qu’on remarque dans celle d'en haut. Ce chat a le pelage épais, court, très fourni, très doux. Sa couleur sur les parties supérieures est d’un roux fort vif, avec des taches d’un noir ‘intense, tandis que les flancs et le dessous du corps sont d’un blanc tacheté de brun foncé. Les membres, roux en dehors etblances en dedans, sont mourhetés de brun, et la queue est annelée de brun, sur un fond roux en dessus et blanchâtre en dessous. Mis en reprenant chaque partie en détail, nous trouverons les particularités suivantes : La tête, d’un roux doié vif cn dessus, présente un cercle noir autour des Yeux , et deux raivs, qui partent du milieu de la paupière, montent parallè- lement sur le c âne et se continuent sur le cou. L’es- pace qui les sépare est rempli de taches brunes for- mant des sortes de lignes iuterrompues sur l’occi- put. Les côtés de la tête, le dessous et le rebord de la lèvre supéiteure sont blancs. Deux lignes brunes partent de chaque côté, l’une de devant l'œil, lau- tre du bord postérieur de la paupière en descendant sur le cou, pour Punir à une large tache brune qui règne sur la gorge et y former uue sorte de croissant irrégulier, Les moustaches, longues de trois pouces et demi, sont blanches dans toute leur étendue. Les oreilles, médiocres et garnies de poils roux et fauves en dedans, sont d’un noir intense à leur basecn dehors, d'un gris blanc à leur bord externe et à leur extrémité. Le conest d’un roux doré en dessus et blane en des- sous Deux raies d’un noir profondet plein se dessinent longitudinalement en dessus et sur les côtés, et deux taches brunes se joignent presque en dessous et à la base. Tout le dessus du corps est roux doré; mais de nombreuses raies , interrompues de taches arrondies d'un noir profond, en occupent toute la surface. Vers la ligne médiane les taches noires sont pleines et allongces, sur lescôtés elles s’arrondissent en roses, dont le centre est fauve vif et le pourtour cerclé de noir; mais ces cercles arrondis sont rarement très distinets; ils s'allongent, se confondent avec leur voi- sin, el simulent des sortes de bandelettes sinueuses, interrompues ou continues, qui n’ont rien de régu- lier. Les flancs sont blanchâtres, mêlés de fauve clair, lachetés de noirâtre et de brun clair. Tout le dessous du corps est blanc, tacheté de brun peu in- tense. Les membres antérieurs, roux en dessus, sont mouchetés irrégulièrement de noir, dont l'intensité décroil en avançant vers les doigts. Es sont blanchà- tres en dessous, tachetés de brun. Seulement les poils de la surface plantaire des pieds sont fuligi- peux. Il en est de même desextrémités postérieures ; seulement tout le derrière du tarse , depuis le talon, 408 est d’un brun fuligincux uniforme. Les ongles de cette espèce sont petils, peu aigus, et entièrement cachés dans le feutre poilu qui enveloppe les doigts. La queue est rousse en dessus, annelée de cercles bruns larges, irréguliers, formant une dizaine d'an- peaux , qui sontinterrompus et peu marqués en des- sous, sur un fond blanchâtre. Ce chat vit au Brésil. A cette tribu appartiennent encore divers chats distingués par M. Hamilton Smith, et figurés dans l'édition angloise du Règne animal donné par Grif- fith. C'est ainsi que cet auteur place près du chat : le cmiBiGuazu de d’Azara, dont le pelage est rou- geûtre , avec le nez, la face, le cou, les épaules fauves , les rosettes c'euses et noires. On en distin- gue probablement à tortle FELIS D'HAMILTON (felès Hamiltoni)(1:, blanc roussätre, ayant le nez, le museau , le cou et les épaules fanves comme le pré- cédent , et quelques variantes dans la disposition des bandes noires et des rosaces. Le CHAT DE GRIFFITH (felis Griffithir), plu, petit que le précédent, est d’un cendré ocreux en dessus et blanchâtre en des- sous , et la queue est terminée par une touffe blan- che. Ce deruier est de Mexico, et les deux précé- dents, ainsi que le‘suivant, sont de l'Amérique mé- ridionale. Cette qnatrième espèce est le felis cate- sata (Hamilt. Sm.), roux jaunâtre, à région tem- porale de couleur d’ocre. La cinquième tribu est celle des rIMAOES où chats malaisiens , qui remplicent les tigres dans les gran- des iles de l'archipel Indien. Leur queue est longue, leur pelage ras, marqué de larges plaques irégu- lières encadrées de noir. Les premières notions sur ces grands ligres sont dues à sir Raflles qui, dans son catalogue des animaux qui vivent dans l'ile de Sumatra, s'exprime ainsi : « De deux espèces de » chats, le premier, appelé rimau mangin dans les » districts du Nord, est, dit-on, aussi grand que le » tigre, plus dangereux et plus destructeur que lui; » il attaque d’une maniéredifférente , ne se tapit pas » et ne s’élance pas d’une tanière, mais court avec » force et fureur, et même se fraie un chemin dans » les maisons et dans les villages. Il 3 une crinière » de longs poils sur sa lêteet sur son cou; une toufle » à l'extrémité de saqueue ; sa couleur est plus uni- » forme et plus sombre, et sa tête plus large et plus » longue que celle du tigre. Toutes ces particularités » de forme et de mœurs montrent qu'il est une es- » pêece de lion. On l’a vu en différentes parties du » pays, mais il est rare. » Le rimau dahan est presque de la taille du léo- » pard, mais sa couleur est plus sombre et moins » irrégulièrement tachetée El vitprincipalement sur » les arbres , poursuivant les oiseaux , et s’en nour- {‘) Fisher, suppl. synops., 368, HISTOIRE NATURELLE » rissant. Les naturels disent qu’il dort habituetle- » ment étendu sur l’enfourchure des grosses bran- » ches. » Ce rinmau mingin ne peut être animal figuré par Griflith sous le nom r'e the clouded tiger (f ls ne- bulosa ), fauve brun sur le dos, à larges macula- tures fauve doré encadrées de noir profond, que la plupart des auteurs rapportent au rimau “ahan, etque M. Horsfield à décrit sous le nom de felis macros: lis (1). Or des comparaisons de ce ratura- liste résulte une identité parfaite entre le chat nébn- leux et le macroscelis. Le pelage de ce dernier est gris. avec des taches noires, transversales et gran- des sur ies épaules, obliques sur les flancs et par plaques anguleuses ou arrondies, unies ou séparées, rarement ocellées (?). Ce félis vità Sumatra et à Bor- néo, et aussi, dit-on, à Siam. Le CHAT MARBRÉ (5) rappelle le rimau dañan en miniature. A1 vit dans les iles de Java et de Sumatra. M. Jardine est le seul naturaliste qui en ait fait mention, en la confondant avec le felis diarui de Cuvicr, espèce avec laquelle il a quelque analogie, surtout sous le rapport de la distribution et de la couleur de sa fourrure. Le chat dont il est ici ques- tion à les dimensions suivantes : Pieds. Pouce. angl. OO LR TOM 1 11 Tête du bout du museau à l'occiput en suivant la courbure du cräne. . » 5 '/2 OUEUC NET MEME ERONENR 1 3 '/? Hauleural’énau'ers à ne » 40 '/2 Lopsueur iôlale CRE Nr tr 3 2 '/a2 Ce chatest encore adulte, comme on a pu le con- stater par sa dentition. La teinte du fond est un gris rougeâtre où le roux domine au sommet de la tête, descendant sur le milieu du dos, sur les joues, la poitrine , les épaules, les membres antérieurs et les cuisses ; sur la tête on découvre des marques lon- giludinales noires, renfermant un espace entrecoupé par de peUts anneanx irréguliers ou des traits noirs, el à l'extérieur de ceux-ci commencent deux lignes noires, bien tranchées, qui prennent chacune nais- sance au dessus des yeux, s’élargissant sur l’occiput et sur la partie supérieure de la nuque et du cou où elles convergent, mais sans s'approcher jusqu’au contact ; alors elles s’abaissent sur les épaules pour se confondre avec les autres marques que porte la fourrure. Les oreilles sont courtes el un peu arron- dies, noires à l'extrémité, grises au centre et noires à leur base; la fourrure est modérément épaisse ct (‘) Zooi. Journ , t. L p.542, pl. 21. Sir Raffles, Trans. linn. Soc., tt. XIE, p. 259. Felis Diardi, G. Cuy., Oss. f0Ss-, LUN p.391: { A las, pl. 19, d'aprés Horsfeld. 5, Helis marmoratu, Marlin, procced. VI, 1407. "D y Do uod 919117 2277 "SIpoogovtu SIP] ‘ 1ODUL LA? TEA P) z ) (ae AA DES MAMMIFÉRES l'sse autour du corps; sur la queue elle devient plus touffue. M. Martin propose d'appeler cette belle espèce de chat f lis marmorata. à cause de la dis- position et des accidents de sa couleur. La sixième tribu est celle des GuÉPAaRS ou tigres chasseurs. Les félis de ceite section se distinguent de toutes les autres par leur tête courte et très arron- die, une sorte de crinière sur le cou, et par leurs ongles qui ne sont pas rétractiles. La seule espèce connue est le cuéPpanr (felis jubata e! felis gultata, Screber ) (:}, qui vit en Afrique et dans l'Inde jus- qu'à Sumatra. C’est le purdalis d'Appien, et le youïze des Persans. Sa taille est c:lie du léopard, mais ses formes sont plus élancées et ses jambes plus élevées. Son pelage est fauve, semé de petites taches noires uniformes, Son naturel est doux, et cet ani- mal n’a rien de la sauvagerie des grands félis, car il s’apprivoise avec facilité et peut être dressé pour la chasse. Il est irès commun au Sénégal. Le f.lis venilica d'Hamilton Smith n’est que le félis à gouttelettes de Screber. La septième tribu est celle des CHATS-SERVALS. Leur taille est petite, leur queue moyenne, leurs oreilles longues, droites et aiguës Leur corps est proportion ellement assez élevé. 115 sont tous des parties chaudes de l’ancien continent. i° Le SERYAL { felis serval L.) est jaunâtre , à taches irrégulières no‘res. Il vit au Sénégal. :° L'espèce qui s’en rap- proche le plus est celle que nous avons nommée CHAT DU SÉXÉCAL (felis Sencgalensis (?), Less : Iilust. de z0ol., pl. 61 ). Nous décrirons compléte. ment celte espèce encore inédite. Cette jolie espèce de chat, entièrement nouvelle, et que nous avons eue vivante, provient du Sénégal, où l’espèce paroïît être commune et très répandue sur les bords des fleuves. Elle se rapproche du felis v:rerrinus décrit par M. Bennett, et qui vit au Ben- gale: mais elle s’en distingue suflisimment. L'individu que nous avons sous les yeux est de la taille du chat domestique, mais ses membres assez robustes annoncent qu’il doit acquérir une taille plus considérable. Son pelage est entier, d’un roux gri- sâtre uniforme, plus elair en dessous, et couvert de taches d’un noir profond, disposées par lignes sur le dos, et plus irrégulièrement semées sur les pattes. Deux landes d’un noir profond, encadrant une bande blanche, rendent ses orcilles très remarquables, et () PI. 105 et 105 bis. ) Felis rufo-fulvoque griseus, subtus rufescenti- albidus. Auriculis latis intus albidis, suprà nigerrimis cum vitta lata nivea Dorso et lateribus tribus vittis nigris, necnon lineis formatis numerosissimis maculis atris; caudä longä, rufescenti grisea, niyro anellata Z'ecie rufa duabus lineis et nasa aterrimis; rostro albo : pedibus rufo-grims punctatis. Hab. -iculos flu- minis Senegalensis, (Lesson, l'Institut, 1834.) I, 409 son museau blanc, ainsi que le menton, sont bordés par le noir profond du nez, qui s'étend jusqu'aux veux, en formant un chevron de cette couleur. La tête est donc arrondie et surmontée de deux oreilles amples, élevées, à bords lisses, très poilues en dedaws, et rappelant celles des servals. Les yeux brillent de l'éclat le plus suave de l’émeraude. Ses moustarhes sont courtes et blanches, peu fournies. Le front est d’un roussâtre gris. Quelques petites lignes noires se dessinent sur le sommet de la tête. Deux rebords blanchâtres indiquent les parois laté- rales du rez, et sont, sur le sourcilier. marqués par deux taches noires. Le nez et les ailes sont noir profond Le peurtour des lévres et le menton sont blanc pur. La gorge est blanchâtre, marquée de quel- ques points noirs. Ses dents sont peu robustes, et les muquetises ont une teinte noirâtre. Tous le corps sur le dos et les flancs est d’un roussâtre brunâtre, plus foncé sur les flancs Sur ie milieu du dos se des- sine une raie noire uniforme, qui s'étend longitudi- nalement jusqu'à la queue, bordée par deux autres moins annelées à leur naissance surtout. Des ran- g es de points noirs un peu oblongs sont rapprochés et semés avec assez de réguiarité sur les flancs, les épaules et les cuisses. Les taches des épaules sont pe- tites et nombreuses, de même que celles des pattes. Quelques bandes brunes recouvrent les membres en dedans et en haut. Les doigts sont forts, épais et armés d’ongies assez robustes, très rétractiles, et qui sont blancs. Le dessous dau corps est blanchätre et sans taches. La queue est allongée, pointue, rous- sâtre, terminée de noir et marquée de sept à huit anneaux noirs incomplets. Le pelage est assez épais, très fourni; ce chat ha- bite les bords du fieave Sénégal , dans nos établisse- ments d'Afrique. L’individu décrit vit dans l'hôpital de la marine à Rochefort. 5° Le FELIS VIVERRIN (felis viverrinus) (!), rem- place le serval sur le continent de l’Inde. Sun pe- lage est fauve cendré avec des bandelettes noires ou des meculatures sur les flaucs, le ventre et les membres. La huitième tribu est celle des vrais CHATS, dont la taille est médiocre ou petite, les oreilles nues, arrondies aux bords, les membres proportionnés, le pelage épais et soyeux , diversement couvert de barres et de taches. On peut les diviser en petites seclions : Les VRAIS GHATS SERVALINS de l’ancien continent sont : 1° Le cHar DE LA CaFrerIE (felis Cafra, F. Cuv., 62° liv.). Gris brua jaunätre sale, avec des (5) Bennett, Proceed., t. I, p. 68. Fu/vo-cinereus, subis albescens; capite, nuchä, dorso, genis, qulâque nigro vitlatis; latsribus, ventre, pedibusque nigro maculatis, 2 HE 410 bandes brunätres circulaires, et la queue terminée ; de noir. Sa taille est celle du chat sauvage, et ses formes sont élancées. Il a été rapporté de la Cafrerie par M. Delalande. 2° Le CHAT GANTÉ (felis mani- culata, Cretzschm, pl. 1). Voisin du précédent, gris brun en dessus, à teintes claires et ocreuses en des- sous, les membres annelés de brun et des zones jaunes sur la poitrine. Découvert dans le Kordofan par M. Ruppell. 5° Le CHAT A TACHES DE ROUILLE (felis rub'ginosa, Isid. Geoff.)('). A pelage gris rougeâtre tiqueté de blanc, et varié de taches rousses, passant au noir intense sur le ventre. Ce chat habite les bois de lataniers sur les coteaux aux alentours de Pondichéry. Il est de la taille du chat domestique. 4° Le cuar pu Népauc (felis torquata, F.Cuv.) (2) et du BEXGALE. De la taille du chat ordinaire, gris fauve en dessus, blanc en dessous, le front marqué de quatre lignes brunes, deux sur les joues, un double collier, et des taches brunes sur le dos, le ventre et les pieds. Il vit au Bengale et au Népaul. 5° Le CHAT NOIR pu Cap (felis obscura, Desm.) (3). Brun noir foncé avec des bandes transversales noi- res. 6° Le CHAT DE MOORMES (felis moormensis, Hogson) (f). Fauve en dessus, plus pâle en dessous , ayant le sommet des oreilles et de la queue noir, le menton blanc, les raies de la face jaunes bordées de noir. Sa taille est plus forte que celle des chats ordinaires, et il est très élevé sur ses membres. Cet animal paroît être rare dans les montagnes du Né- paul, sa patrie. Les vrais chats sont répanlus dans l’Ancien Monde et dans le Nouveau. Déjà sir Rafles, en par- lant de ceux de Sumatra, a dt: « Il est à propos de mentionner aussi la variété » de chats domestiques particulière à l’archipel Ma- » Jais, remarquables par leur queue tortillée ou ter- » minée en houppe, en quoi ils ressemblent à ceux » de Madagascar. Quelquefois ils n’ont pas de queue » du tout. Cette coïncidence avec la variété de Ma- » dagascar est encore plus frappante, ainsi que la » ressemblance entre le langage et les coutumes des » habitants de Madagascar et ceux des iles malaises, » qui ont souvent été un sujet d'observation. » Outre ces espèces, les naturels ont parlé de deux » autres qui existent à Sumatra, le chiqau ou jigau, » et le rimau dahan. » Les chats de l’ancien continent sont : Le CHAT commun (felis calus, L.), originaire des forêts de l'Europe, dont le minul de Pallas, qui vit dans la Tartarie mongole ne seroit qu’une variété. Brisson en a distingué la race domestique (felis domestica, (:) Zool de Bélanger, pl. 6, p.140. (2) Felis Bengalensis, Desm , suppl, p.540: felis Ne- palensis, Horsf. et Vigors, Zool.journ.. IV, 382, 6, Felis capensis, Forster, Griff, (:) Proceed, t. II, p. 10, HISTOIRE NATURELLE Brisson), et ses nombreuses variétés, décrites par Buffon, celles de Chine et du Japon exceptées, la première à longs poils laineux blancs, à oreilles pendintes, et la seconde tachetée de blanc, de noir et de jaune, à queue cour'e. Les chats ondés, de Java et de Sumatra, parois- sent ne former qu’une espèce. Le premier (felis un- dala, Desm )(1), a le pelage gris sale, tacheté de noirâtre. Il +st de la taille du chat doméstique. Le second (fe'is javanensis, Horsf., Zool. research. ), nommé par les Javanais kuwuk, est gris fauve, avec quatre raies fuligineuses interrompues sur le dos, des taches oblongues sur les flancs, une seule ban- delette sur le museau et deux au cou de teinte de suie. Le troisième (felis sumatrana, Horsf., Zool. research.), est d’un gris ferrugineux nuancé de jau- nâtre, avec des raies confluentes d’un noir fauve sur le dos, et des taches irrégulièrement anguleuses sur les flancs; c’est le rimaou-boulou des Malais. Le CHAT AUX PIEDS NOIRS (félis nigrippes, Burchell) (?), de couleur ocreuse, plus clair en dessous, avec des tacies oblongues noires, qu’on trouve dans la Ca- frerie, ne diflère peut-être pas du felis cafra men- tionué plus haut. Nous pensons que c’est ici que doivent être placés deux chats de Sumatra, décrits par MM. Vigors et Horsfield (3), qu'ils nomment : le premier (fel:s pla- niceps), brun roux, les poils des flancs blancs à leur pointe, le dos plus foncé en couleur, la tête rousse, deux lignes entre les yeux allant jusqu’à l’occiput, les joues, la poitrine et le bas-ventre blancs. La queue est très courte, et ce qui caractérise cet ani- mal est une dépression qui va de la racine du nez jusqu’au bout du museau. Le second (felis Tem- minclii), est roux, ayant sur le front deux bande- lettes blanches alternant avec trois noires, les oreilles blanches en dedans, noires en dehors, le menton, le thorax et le ventre blancs. Sa taille est celle du chat domestique. Sa queue a douze pouces de lon- gueur, le corps en mesure dix-neuf. Les vrais chats américains ont des formes plus ramassées, la tête plus arrondie, les couleurs plus tranchées. On peut distinguer : 1° Le JAGUARONDI (felis ja uarundi, Desm.) de d’Azara. En entier d’un brun noirâtre, piqueté de blanc sale, et qui vit dans les bois du Chili, les plaines du Paraguay, où il chasse aux oiseaux. 2° Le CHAT A VENTRE TA- GHETE (felis ce‘idogaster, Temm.) Gris de souris, avec des taches pleines brun chocolat, cinq on six. bandes brunes sur la poitrine, et qui vit au Chili ou au Pérou. 5° Le CO1.0c0L0 (felis colocolo, Mo- () Felis minuta, Memm. (2) Travels, 11. G) Zool. Journ.,t, I, p 449; Bu'l. Féruss., t. XIX » p. 105. DES MAMMIFERES. lina) (t). Blanc, transversalement rayé de noir et de jaune, du Chili et de Surinam. 4° Le GurGxaA (feli guigna, Molina) (?). Fauve, tacheté de noir, égale- ment du Chili. 5° Le CHAT DE LA CAROLINE ( felis caro inensis, Desm.). Fauve clair, le dos strié de noir, des taches brunes sur le ventre, indiqué par Collinson, à la Caroline. 6° Le PAJEROS où CHAT papa (felis pajeros, Desm.), du Paraguay. A poils longs et mous, d’un fauve blanchâtre er dessus, marqué sur la gorge et le ventre de bandes trans- versales rousses. 7° L’Evra (felis eyra, Desm.), de d'Azara. D'un roux clair, tacheté de blanc sur les côtés du »ez, à queue touffue. 8° Le CHAT MEXICAIN (felis mexicana, Desm.) (3), que Buffon a figuré sous le nom de chat sauvage de la Nôuvelle-Espagne, à pelage unicolore, blanc bleuâtre, ondé de noirûtre. Toutefois, la plupart de ces espèces exigeroient un nouvel examen. La neuvième et dernière tribu est celle des LYNX ou des LOUPS-CERVIERS, dont le pelage est formé de longs poils, la queue assez courte, les oreilles gran- des, dressées et terminées par un fort bouquet de poils. Ces animaux vivent aussi bien dans le nord des deux continents que dans les parties chaudes de l'Ancien Monde. On doit y classer : 4° Le CARACAL (fe is caracal, L.). À pelage roux vineux, presque unicolore, et qui vit en Perse eten Turquie. Cet ani- mal paroit être le {ynx des anciens, rendu si célèbre par la bonté de sa vue. On en distingue le caracal d'Alger, à pelage roussätre, avec des raies longitu- dinales en croix ; le caracal de Nubie, ayant des taches fauves sous le corps; et le caracal du Ben- gale, ayant une très longue queue ({). 2° Le cHaus (felis chaus) (5), ou le Iynx des marais. Gris brun jaunâtre, ayant une queue qui touche les jarrets, et qui est annelée de noir au bout. El habite les ma- récages du Caucase, de la Perse et de l'Egypte, et chasse aux oiseaux d’eau. On en distingue : 5° Le LYNX BOTTE (felès caligata, Temm.) (6). Un peu plus petit, à oreilles rousses en dehors. El se trouve en Afrique, depuis l'Egypte jusqu’au cap de Bonne- Espérance , et aussi dans le midi de l’Asie. 4° Le CHAT-CERVIER DES FOURREURS ( felès ruf 1, Guld.) (?). Fauve roussâtre ou grisâtre, ou moucheté de bru- nâtre , ayant des ondes brunes sur les cuisses la queue annelée de brun ou de noir. 8° Le LYNX DE Mexico (8) (felis maculata) (?). Roux grisâtre, plus (") F. Cuvier, Mammif. @) Poeping , Bull. Féruss., t. XIX, p. 99. 6) Fels Nove Hispaniæ , Schinz. (&) Buffon, pl enl., no 292. (5) Guldensletdt; Screber, pl. 110; Ruppell, p. # (6 Temm., Monog., p. 121. Le liux botlé, Bruce, 2e voy., L IX, p. 296, pl. 30. (7) Screber, pl. 169, B. (8) Lyon, ms. (9) Horsf, et Vigors, Zool. Journ, IV, pl. 43, j. 381. 411 foncé sur le dos; les flancs et les membres maculés de brun du côté externe, la gorge, le dessous du corps et le dedans des membres blanes, largement tachetés de brun.6° Sous le nom de LOUPS-CERVIERS, les pelletiers confondent plusieurs animaux distincts comme espèces. C’est ainsi que la Suède nourrit trois Lynx, décrits sous le nom de felis lynæx par Linné (1). 1° La première de ces espèces est le feiis lupulinus de Thumberg, le vrai feiis {ynæx de Linné, ayant des taches ferru:ineuses parsemées de taches noires ; c’est le varg-lo des Suédois, ou lynx-loup. 8° La seconde de ces espèces de la Scandinavie est le katt- lo ou lynx-chat des chasseurs, le felis lorealis de Thumberg, à pelage blanchâtre, maculé de stries noires petites (?). Et 9° la troisième est le raf-lo ou lynzx-renard, le felis-vulpinus de Thumberg, à pe- lage roux, avec des taches noires peu nombreuses. Pontoppidan a mentionné cette dernière espèce sous le nom de raf-goupe; elle est très rare en Suède, et l'académie d'Upsal n’en possède qu’un seul individu tué aux environs de la ville. On doit distinguer des lynx de la Suède les sui- vants : 10° Le LYNx D’ASIE (felis cervaria, Temm.), gris-roussâtre , avec des mouchetures noires bril- lantes. Cet animal est de la taille du loup, et pro- vient du nord de l’Asie par la voie de Moscou. 11° Le LYNX Du CANADA (felis borealis, Temm.), qui nous paroit différer de la même espèce de Suède, à pe- lage épais, touflu, gris cendré, sans aucune tache distincte, seulement ondé de brun, et qui est ré- pandu dans toutes les contrées boréales de l’Amé- rique. 12° Le Lynx de l’Europe tempérée (felis lynx, Temm.), roux, tacheté de roux brun, et se ren- contre dans les Pyrénées, les Apennins, et aussi, dit-on, en Afrique. 15° Le LYNx du midi de l’Europe (felis pardina, Oken), plus petit et moins velu que le précédent, roux, moucheté de noir, ayant des mouchetures même sur la queue, et qu’on rencontre en Portugal, en Sardaigne, en Sicile et en Turquie. Cet animal paroît être le loup-cerrier décrit par Perrault, dans les Mémoires de l’Académie (t. LIT, p-195, pl. 17}. Rafinesque a décrit quelques lynx de l'Amérique du nord qui sont très mal caractérisés, et qu’on ne doit, par conséquent, admettre qu’avec doute. 1° Le LYNX A BANDES (lynæx fasciatus, Raf.) (3). A pelage épais, roux fauve, raÿéel ponctué de noir, la queue blanche, terminée de noir. De la côte nord-ouest d’A- mérique, où le rencontrèrent Lewis et Clark. 2° Le Lynx pu Mississipr ({ynx montanus, Raf.). A pelage grisâtre, sans laches en dessus, blanchâtre en des- sous , tacheté de fauve. Des monts Alleghanys, du () Thumberg, Deuk. Schr.,t. IX, p. 187. (2) Ibid, Oct. de Stoc., 1815. @) Amer, month. Mag, 1817, pl. 46. 412 Pérou, de New-York. 5° Le LYNX DE LA FLORIDE, lynx floridanus, Raf.). A pelage blanchâtre, ta- cheté sur les flancs de fauve jaunâtre et de bande- lettes noires ondulées. FI habite la Floride, la Géor- gie et la Louisiane. 4° Le LYNX DORE (lynx aureus, Rafinesq.). À pelage d’un jaune clair, parsemé de taches noires et blanches . brillantes. Le ventre d’un jaune pâle. sans taches. Habite les rives de Yellow- Stone, dans le Missouri. Paroit être le chat sauvage indiqué dans le voyage de Charles Le Raye. Oa doit regarder comme un caracal le FEL'S DORE (felis chrysothrix, Temm.), bien que ses orcilles soient à peine garnies d'un pinceau de poils. Plus grand que le caracal, son pelage, court et lusiré, est rouge bai très vif, sans tache sur le corps. Ses pattes sont courtes, d’un roux doré, brillant On ignore la patrie de cet animal. LES PHOQUES. Phoca. Sous ce nom générique Linnæus, Erxleben, Illi- ger, MM. Cuvicr, Geoffroy Saint-Hilaire, de Blain- ville, et la plupart des auteurs qui les ont suivis, comprennent une grande famille naturelle de mam- mifères carnivores et amphibies dont les pi-ds sont enveloppés dans la peau et disposés en forme de pageoires. Cette organisation gène leur marche sur Ja terre, où ils ne font guère que ramper sur les ri- vages, tandis que dans l’eau ils nagent avec facilité. Les carnivores amphibies ne comprennent que les deux genres anciens , ho: a el triche hus, et forment ainsi un groupe très naturel que l’on à nommé phocacés. M. Cuvier le place : avant les marsupiaux et après les carnassiers digitigrades; M. Doméril au contraire le rejette à la fin de sa classe des mam- miières, dans son avant-dernière famille, qui pré- cède seulement les cétacés. M Eatreille, dans ses familles naturelles du règne animal, a établi un ciu- quième ordre, celui des amphibies, et sa première famille est celle des cynomorphes , et comprend les genres phoque el otarie, ce dernier n’élant qu'un démembrement du premier. M. Temminck a suivi à peu près la même règle de classification que M. Cuvier. Les phoques ont dans ces derniers temps été l’objet de travaux estimables dout nous présen- terons une analyse détaillée; mais nous devons avouer cependant qu’il n’est pas d'êtres dont l’his- toire soit plus incomplète, plus fautive, plus sur- chargée d'erreurs : aussi leur étude est-elle encore dans l'enfance. Comment en effet pouvoir grouper les renseignements épars, souvent inrohérents, des voyageurs, les seuls qui nous en aient fourni de nombreux, mais dont l'abondance ne compense | HISTOIRE NATURELLE pas la bonté, et qui sont on ne peut plus embarras- sants à mettre en ordre et à consulter avec fruit? Ces animaux d’ailleurs varient suivant les âges, les sexes, les saisons et les climats. La plupart n'existent point dans nos musées, et ne sont établis que sur des descriptions souvent incomplètes ou sur des figures dessinées avec plus ou moins d’exactitude. Les movens de comparaison manquent donc pour établir leurs caractères, et par conséquent la ma- jeure partie des espèces se trouve reposer sur des êtres équivoques. Il n’en est pas de même de-celles étudiées par les naturalistes modernes; leurs des- criptions les isolent nettement de loutes les autres, el ce sont ces espèces-là que nous citerons de pré- férence. D'un autre côté, l'intérêt que présente l’histoire des phoques sous le rapport de l’organi- salion, des mœurs, de l'habitation; les ressources qu’ils fournissent à l’économie politique ; les arme- ments que nécessite leur c'asse; les traits divers qui se rapportent à chacun d'eux, nous forceront à nous étendre un peu sur ces divers points, à outre- passer les bornes habituelles de nos descriptions. Les phoques ont été connus des anciens, qui sou- vent les mentionnent dans leurs écrits sous le nom de phoca adopté par les modernes; les poëtes les nommoient les troupeaux du vieux Protée. Tous les auteurs de l’époque de la régénération des lettres les décrivent également sous une foule de noms qu’il seroit sans utilité de reproduire; quelques uns, tels que Gelsins, Olaus Worm, Aldrovandi, Gessner, en dounèrent des figures plus ou moins grossières. Mais nous ne remonserons pas plus haut que les écrits de Linnæus, et même que la douzième édition du Systema Nalu:æ donnée par Gmeiin. Les pho- ques, phoca, commencent la troisième classe, les ma, malia firæ de Linnæus, et le nombre des es- pèces est borné à dix ; cependant ces êtres venoient d’être mieux étudiés. Steller avoit fait cornoître ceux du pôle boréal ; Eggède et Crantz y ajoutérent quelques espèces, et Molina les phoques porc, urigne et éléphant, de la mer du Sud. Erxleben (Sy:t., 1717) n'a décrit que neuf espèces, et paroît avoir donué tous ses soins à la synonymie, qui n’en est pas moins souvent erronée. Buffon et les natu- ralistes qui le suivirent n’ajoutèrent que des faits partiels à ce que l’on savoit sur ces animaux; mais déjà la multiplication des espèces ne permettoit guère de les présenter avec ordie et netteté. Péron le premier, guidé par Buffon, eut l’idée heureuse de diviser le genre phoque en deux, suivant que ces animaux ont une conque extérieure apparente ou nulle. Les prem'ers reçurent le nom d'otarie, o' ra; et les seconds conservèrent le nom de pho- que proprement dit, phoca. Cette division fut géné- ralement admise, et elleest d'autant plus commode pour la pratique qu’elle est fondée sur un caractère DES MAMMIFERES. facile à saisir et à distingner. Tout récemment M. Fr. Cuvier, portant un examen attentif sur des crânes qui existent dans le Cabinet d'anatomie, fut autorisé à former sept genres fondés sur la forme des dents; etenfia Nylsson en ajouta un huitième, également établi sur ces organes. Mais M. de Blainville avoit déjà cherché à séparer en coupes plus nombreuses, et en se servant de caractères tirés des dents incisives, des phoques dont il püt étudier les dépouilles, mais sans leur donner de noms distinctifs. Linnæus caractérisa les phoques ainsi qu’il suit : incisives supérieures aiguës, parallèles, au nombre de six: les extérieures plus grandes que les inté- rieures ; les inférieures au nombre de quatre, égales, régulières, obtuses : canines plus longues que les incisives du double, aiguës, robustes; moluires, cinq ou six de chaque côté, tricuspides; auricules nulles ; pieds postérieurs réunis. Erxleben adopta l'exposition des caractères donnés par Linnæus, et en modifia seulement quelques points. C’est ainsi qu'après la phrase erronée d’auricules nulles, il ajouta chez la p'upart, et qu'après celle de pieds postérieurs réunis, il plaça le mot pentadactyles. Nous passons sous silence les caractères génériques présentés par divers auteurs moins connus, et in- termédiaires à Linnæus et à M. Cuvier. Ce dernier, dont le nom est d’un si grand poids en zoologie, définit ainsi les phoques : « Ce sont des animaux qui ont quatre ou six incisives en haut, quatre en bas; des canines pointues et des molaires au nom- bre de vingt, vingt-deux ou vingt-quatre, toutes tranchantes ou coniques, sens aucune partie tuber- culeuse ; à tous les pieds cinq doigts, dont ceux de devant vont en décroissant du pouce au petit doigt, tandis qu'aux pieds de derrière le pouce et le petit doigt sont les plus longs, et les intermédiaires les pl s courts; les pieds de devant sont enveloppés dans la peau du corps jusqu’au poignet; ceux de derrière presque jusqu’au talon : entre ceux-ci est une très courte queue. » M. Fr. Cuvier, dans un travail fort remarquable, basé sur une connoissance rigoureuse des espè- ces, divisa les phoques existant dans les collec- tions en sept genres qu'il nomma : Calocéphale, sténorhyn ue, pélage ) Phocamajor, Parsons; Tr, phil., t. XLVIE, p, 124; 424 six pieds et plusieurs pouces; il à trente-quatre dents, six incisives supérieures et quatre inférieures; sa tête est longue, le museau très élargi, et les lè- vres lâches ; les soies des moustaches sont longues, nombreuses, cornées, flexibles, subulées et com- primées, glabres et pellucides ; les oreilles sont plus ouvertes que dans les autres espèces, mais sans au- ricule extérieure; yeux grands, à pupille arrondie et noire (les deux espèces précédentes ont la pupille verticale); le doigt du milieu des membres anté- rieurs très long ; corps robuste, allongé ; dos élevé, peau épaisse ; pelage des jeunes fourni de poils mous, peu laineux en dessous, plus rares et caduques chez les adultes, et tombant presque complétement chez les vieux, qui ont la peau presque nue. Sa couleur varie suivant l’âge : de grisètre sale et blanc en des- sous chez les jeunes, il passe à une teinte noire fon- cée dans un àge plus avancé. Ce phoque habite la haute mer du pôle boréal ; il se rend à terre au prin- temps, et les femelles mettent bas un seul fœtus vers le mois de mars, et sur les glaces flottantes : il est timide et sans prévoyance. Les Groënlandois esti- ment comme un aliment délicat sa chair, sa graisse, ses intestins, et font avec sa peau des ajustements et divers ustensiles. Thienemann, qui a récemment donné de très bons détails sur cette espèce, remarque qu’elle à quatre mamelles , tandis que les précédentes n’en ont que deux. EEE ——"————…—…—…———— LE PHOQUE DE THIENEMANN. Phoca Thienemanniti. Less. (!). Nous ne connoissons les espèces de phoques dé- crites , à ce qu’il paroît, avec soin, et très bien figu- rées, par Thienemann, autrement que par de courtes indications. Il est noir sur le dos, vert sous le ven- tre ; les flancs sont de cette dernière couleur, marbrée de noir près du dos et de gris près du ventre. L’ani- mal adulte a six pieds de longueur, et vit sur les côtes d'Islande. LE PHOQUE LEUCOPLE. Phoca leucopla (?). Cette espèce est entièrement verdâtre, teintée de grisâtre sur le dos. Des mers de l'Islande. phoca barbata , Müller, p. 8; Fabricius, sp. 9; Desma- rest, 378; Thien., Voy., pl. 1 à 4: grand phoque, Buffon, supplément, 1. VI. fig, 45 :urksuk, Crantz., 465 : gramselur , Olafs., 532 : calocephalus barbatus, Fr. Cuvier : l'urksuk takkamugak des Groënlandois, qui nomment terkigluk le jeune âge. () Phoca scopulicola, Thienemann, Voy. en 1sl., 18224, pl. 5 (mâle adulte). () Thienemann, Voy en Isl., pl. 13. HISTOIRE NATURELLE LE PHOQUE DE LINNÆUS. Phoca Linnæwi. Less. (!) . ‘ Ce phoque, commun sur nos côtes, a environ trois pieds de longueur. Sa couleur est d'un gris jaunà- tre, couvert de taches irrégulières noirâtres. Suivant Fr. Cuvier, dont nous empruntons la description parce qu’elle le distingue de plusieurs espèces voi- sines, son pelage change de teinte suivant qu’il est sec ou mouillé. Lorsque le phoque commun sort de l’eau , tout le corps en dessus est d’un gris d’ardoise et couvert sur les côtés de nombreuses petites taches rondes sur un fond un peu plus pâle ou jaunâtre ; les parties inférieures sont de cette dernière teinte. Lorsque le pelage est sec, le gris ne paroît que sur la ligne moyenne, et tout le reste du corps paroît jaunâtre. En vicillissant, les poils blanchissent. 11 habite les mers du Nord et les côtes de l'Europe. On peut regarder provisoirement comme une variété de cette espèce le kassigiak (phoca maculata, Bod- daert; phoca vitulina, Fabr.), dont le pelage est noir en dessus et blanc en dessous chez les jeunes, puis d’un gris livide parsemé de taches, et enfin, dans l’âge adulte, varié de noir, ou de blanc ou ti- gré : la chair rouge. Le phoque de Linnæus s’ap- parie en séptembre dans le Nord, et met bas un seul fœtus en juin. Il est très défiant, soupconneux et très timide. LE PHOQUE DE LEPÉCHIN. Phoca Lepechenri. Less. (?). Ce phoque a six pieds et six pouces environ, quatre incisives à chaque mâchoire. Il ressemble par les formes de la tête au phoque de Linnæus. Les poils des moustaches sont épais et forts, placés sur quinze rangs. Les bras sont assez foibles, les mains petites, serrées, comme coupées ; la membane des doizts est égale, la queue courte et épaisse. Son pe- lage est composé de poils longs, peu serrés, non cuu- chés sur le corps, d’un jaune pâle assez uniforme, excepté sur le cou, où règne une bande transversale noire. Les jeunes sont gris roirâtre, couverts sur le dos de petites taches noirâtres. F. Cuvier a observé @) Linnæus, Syst. Natur.,t.1, p. 56; Müller, pr. 3; Fabricius, sp. 8; Desmarets, sp. 375 : phoque, Buffon, t VIE, pl. 45 : Aassigiak des Groënlandais : phoque commun, Fr. Cuvier, #1+ livrais. : calocephalus vituli- nus, ejusd. Dictionn., t. XXXIX, p. 544. () Phoca leporina, Lepéchin, Act., Acad. Pétersb,, t. I, pl. 8 et 9 ; Desmarest, sp. 374; Bodd., Shaw : calo- cephalus leporinus, Fr. Cuvier, t. XIX, p. 545: pho- que commun, ejusd. Mamimif., 9e livraison. D AU GS RATER à SUEUUPrE E FI At. 0 { À 4 HA LA DUT A0 Te 2227/9/4 2249772 < ELSLAOU 220 ud 24 RE re AA fie il DES MAMMIFERIS. 4 vivant un phoque de cette espèce qui mangeoit sous l’eau, souflloit comme les chats lorsqu'on linquié- toit, et cherchoit, non à mordre, mais à égratigner avec ses ongles. Les mers boréales, la Baltique, les côtes d'Europe, sont les lieux qu’habite le phoque- lièvre. Sa peau est employée dans l’art du sellier. EE LE PHOQUE DE FRÉDÉRIC. Phoca Frederici. LESS. (1). Cette espèce nouvelle a été observée vivante par F. Cuvier. Sa taille est celle du phoque commun. Le fond de son pelage est d’un gris très foncé, veiné de lignes blanchâtres, irrégulières, qui forment, principalement sur le dos et les flancs, une sorte de marbrare. Des côtes de France. Son nom spécifique est celui de F. Cuvier. C’est peut-être le phoque lit- toral de Thienemann ? LE PHOQUE DE LA PILAYE. Phoca Pilayana. Less. (?). Cette espèce a trois pieds trois pouces de longueur totale; du moins telles étoient les dimensions d’un individu apporté au Muséum par M. de La Pilaye, qui se l’est procuré à Terre-Neuve. Le corps est d’un cendré argenté en dessus avec quelques tacses épar- ses d’un brun noirâtre, les flancs et le dessous sont d'un cendré presque blanc. Les ongles sont forts et noirs ; les moustaches médiocres, en partie noirâtres et en partie blanchâtres , et gaufrées à peu près comine celles du phoque commun. LE PHOQUE DE DESMAREST, Phoca Desmarestii. Less. (?). Suivant M. Desmarest, cette espèce a les formes du phoque commun, le pelage gris de fer, s’éclair- cissant sur les côtés, et blanchâtre sous îe ventre. Quelques petites taches noirâtres, irrégalières, oc- cupent le dos et les flancs. Le museau est blane en dessus ; les moustaches sont médiocres et noires; la queue est assez longue, mince, d’un beau blanc; (" Calocephalus discolor, Fr. Cuvier, Dictionn., t. XXIX ,p. 545 : phoque commun, ejusd. Nammif., Qc livraison. (2) Phoca lagurus, Cuvier, Css. foss., t. V, p. 206 : calocephalus lagurus, Fr. Cuvier, Dictionn., t. XXIX, p. 206. (*) Phoca albiciuda, Desmarest, Mammalogie Sup- plém., sp. 839. I, 35 les ongles des pieds de devant sont longs, robustes, comprimés, peu arqués et noirs. Sa longueur totale est de trois pieds et demi environ. Sa patrie est in- connue, et l’espèce dont ce phoque se rapproche le plus est ie Lepéchin (phoca le; orina). K seroit fort possible que cette espèce fût la même que le phoque La Pilaye, le phoca laqurus de M. G. Cuvier. —————.—._"…—."—.——…"—— — —_———.. ———.". — ——— —" ——…— —————— — —.—+—…——h LE PHOQUE D'HERMANN. Phoca Hermannii. Less. (1). Il a de sept à huit pieds et même dix de longueur. Il est entièrement noir en dessus, et d’un blanc gris jaunâtre en dessous. Il a trente-deux dents, quatre incisives en haut et en bas. Les poils sont ras, longs de quatre lignes , très serrés, et comme collés sur le corps. La femelle a quatre mamelles. Ce phoque est très intelligent et très docile : il apprend aisément à obéir à l'homme. Il séjourne long-temps au fond de l’eau sans avoir besoin de respirer. Sa voix est une sorte d’aboiement sourd et précipité. On ne l’a, jus- qu’à ce jour, rencontré communément que dans la mer Adriatique. Cependant de La Marmora (Voyage en Strrdaigne, p. 173) le mentionne comme habi- tant les côtes de Sardaigne. C’est très probablement le phoca d’Aristote et de Pline. La figure qu’en a donnée Buffon est excellente. B. Phoques de l'océan Pacifique boréal. LE PHOQUE DE CHORIS. Phoca Chorisii. LEss. (?). Ce phoque du détroit de Behring est blanc, cou- vert de petites taches noires nombreuses; une va- riété des îles Aléoutiennes est d’un blanc sale sans taches ; une variété des Kouriles est noire maculée de blanc. Sa taille est de quatre pieds et demi; le museau est conique, le corps gros, le pelage ras et régulier, les moustaches très fournies : les ongles des membres antérieurs sont robustes ; ceux des pieds de derrière, également au nombre de cinq, sont placés, les trois du milieu au bord de la membrane interdigitale; et les deux plus extérieurs, l'interne () Phoca monachus, Hermann, Mémoires de Berlin, t.1V, fig. 12 et13; Desmarest, sp. 372 : phoque moine, Fr. Cuvier, Mémoires du Huséum, L. XX, p. 387 : pe- lagius monachus, Fr. Cuvier, Dictionn., t. XXXIX, p. 550 : phoque à ventre blanc, Buffon, Supplém., t. VE, fig. 44 : phoca bicolor, Shaw, Gen. Zool., pl. 70: phoca albiventer, Bood.: phoca luucogaster, Péron; Ranzani, 102. {@) Chien de mer du détroit de Behring, Choris, Voyage pittoresque autour du monde, pl. 8. à ES 426 et l’externe, un peu en dedans. La queue est courte; le ventre jaunâtre. Nous supposons que cette espèce est la même qu'a décrite Krakenninikow, et qu’il dit grosse comme un bœuf d’un an, variable dans ses couleurs, mais marquée de taches ronde: sur le dos, et le ventre d’un blanc jaunâtre ; ses petits sont blancs comme la neige. Elle habite les côtes du Kamtschatka. LE PHOQUE DE BYRON. Phoca Byronii. Brain. (1). " Cette espèce ne repose que sur un crâne examiné à Londres par M. de Blainville, dans la collection d’Hunter, et étiqueté sea lion from the Island of Tinian by commodore Byron. Elle présente six in- cisives supérieures, dont la seconde est plus grosse que les autres, et ressemble à une canine; les crêtes occipitale et sagittale sont très saillantes , ainsi que l’apophyse mastoïde. Des côtes des îles Mariannes. C. Phoques de l'hémisphère austral. LE PHOQUE DE HOME. Phoca Homei. Less. (?). Cette espèce est remarquable par de très petits ongles, surtout aux pieds de derrière ; et c’est de cette particularité que lui vient le nom de leptonyx. Le seul individu qu’on en connoisse a sept pieds de longueur. Tout le dessus du corps est gris noirâtre, et les côtés deviennent jaunâtres par degrés, à cause des petites taches de sette couleur qui s’y mêlent ; les flancs. le dessous du corps, les pieds et le des- sus des yeux, sont entièrement d’un jaune gris pâle. Ses moustaches sont simples et courtes. Ce phoque habite, dit-on, les côtes des îles Malouines et de la Géorgie du Sud. Nous avons plus d’un motif de rapporter à cette espèce la suivante : cependant M. Ja- mieso, ayant examiné le crâne du phoque de Wed- dell, a trouvé des différences qui doivent, suivant lui, l'en distinguer. I! est très probable aussi que les phoca lepionix et Weï*dellii soient des otaries à conques rudimeitaires, conques qui ne sont pas visibles sur des peaux racornies. (") Desmarest, sp. 370. (:) Phoca leptonyx, Blainville, Journal de Physique; Desmarest, sp. 379 : stenorhyncus leptenyx, Fr. Cu- vier, t. XXXIX, p. 549; Éverard Home, Trans. Soc. de Lond., part. [ (1822), pl. 29. HISTOIRE NATURELLE LE PHOQUE DE WEDDELL. Phoca Weddellii. Less. (1). Ce phoque à beaucoup de ressemblance avec l’es- pèce précédente, que sir Everard Home a figurée pl. 29 des Transactions philosophiques de 41822. Toutefois il en diffère suivant le docteur Jamieson, qui en a examiné des dépouilles et le système den- taire. La description de Weddell est trop incom- plète pour être satisfaisante, et le dessin lui-même laisse beaucoup à désirer. Les auricules ne sont point apparentes, et ont été peut-être oubliées ; car les formes du corps sont entièrement celles des otaries. Cette espèce est arrondie, à corps épais, à cou très long s’amincissant jusqu’à la tête. Celle-ci est très petite et à museau proéminent. Les mem- bres antérieurs sont courts et éloignés de la tête ; les postérieurs très rapprochés l’un de l’autre, et ter- minés par cinq lobes membraneux peu amples. Le pelage est ras, lustré, d’un gris pâle , parsemé d’un grand nombre de taches arrondies blanchâtres en dessus et jaunâtres en dessous. Ce phoque n’habite que les hautes latitudes des Orcades australes, par 60 degrés. Il vit sur la glace : on ne sait rien de ses mœurs. M. Lesquin de Roscoff, dans la relation du nau- frage de la goëlette L'Aventure ( Lycée armoricain, Xe vol., 55° liv., p. 55), s’exprime ainsi en parlant d’un phoque qui paroît être celui qui nous occupe : Page 56. — « Le léopard marin est plus long que l'éléphant, mais ilest bien plus agile. Il a une gueule énorme, garnie de dents aiguës, et de très longues nageoires. Sa peau est bigarrée comme celle du léo- pard terrestre. Cet amphibie ne paroît aux iles Crozet que dans les mois d'août et de septembre, et semble être le mortel ennemi de l'éléphant, qu’il n’attaque cependant jamais à terre; mais il enlève très souvent ses petits, lorsqu'ils se trouvent près du bord de la mer. » Page 46. — « La variété de sa peau nous fit lui donner le nom de léopard marin. Il a huit pieds de long, sa tête est longue et plate; les mâchoires sont garnies de deux rangées de dents très aiguës, et il se remuoit comme l'éléphant marin; mais il avoit ses nageoires infiniment plus longues. Le goût de sa chair est détestable. » (:) Olaria Weddellii, Bulletin des Sciences naturel- les : stenorhyncus Weddellii, Lesson, Manuel, Mamm., sp 541 : sea leopard of south Orkneys, Weddell. Foy. to south pole, p. 22, avec figure mé- diocre : phoque à long cou, long necked seal, Parsons, Transact. philosoph., t. XLVIK, pl. 6; phoca longicol- lis, Shaw, Gen, Zool.? TUE NZ 34 £ CI que à loire Phoca proboseidea ACID. DES MAMMIFERES. LE PHOQUE A TROMPE. Phoca proboscidea (1). Ce phoque est long de vingt, vingt-cinq ou trente pieds, sur quinze à dix-huit de circonférence : il est grisâtre où d’un gris bleuâtre, plus rarement d’un brun noirûtre ; les canines inférieures sont longues, fortes, arquées et saillantes ; les soies des mousta- ches sont dures, rudes , très longues, tordues comme une espèce de vis; les yeux sont très volu- mineux et proéminents; les membres antérieurs sont robustes, et présentent à leur extrémité, tout près du bord postérieur, cinq petits ongles noirà- tres; la queue est très courte, peu apparente entre les membres postérieurs, qui sont horizontalement aplatis. Ce qui caractérise l’éléphant marin est, à l’époque des amours, le prolongement du nez, for- mant, dans l’état d’érection , une trompe molle et élastique, longue quelquefois d’un pied; cette trompe érectile manque à la femelle, et paroit s’effacer peu à peu lorsque la saison du rut est passée : c’est le tissu cellulaire du nez, qui semble ainsi se gorger de sang et s’allonger à l’instar des panicules charnus de quelques oiseaux gallinacés lors de la reproduc- tion ; le pelage des deux sexes est ras et très gros- sier. L’éléphant marin paroît habiter toutes les iles désertes de l’hémisphère austral; Péron dit qu’il n'existe pas sur les côtes de la Nouvelle-Hollande et de la Terre de Diémen, ce qui est peu probable. On le trouve en nombreuses tribus sur la Terre de Kerguelin, la Nouvelle-Géorgie , la Terre-des-Etats, les îles Malouines et Shetland, l’île de Juan-Fernan- dez, l'archipel de Chiloé, les côtes de Chili. Péron dit qu’il émigre chaque année, suivant les saisons, et que, redoutant les trop grandes chaleurs comme les froids trop vifs, il va dans l’hiver du sud un peu plus au nord, et dans l’été il quitte les côtes nord, ses limites, pour retourner au sud. Le système mus- culaire est enveloppé d’une couche huileuse, qui a jusqu’à neuf pouces d'épaisseur; sa nourriture principale consiste en céphalopodes ; et ce sont les plages sablonneuses qu’il fréquente de préférence, et les lits épais de laminaria gigantea sur lesquels (:) Péron, Voyage aux Terres-Australes, t. WU, p. 55, et Atlas, pl. 62:lion marin, Dampier, Voyages,t.I, p. 118 :lion marin, Anson, Voyage, p. 101 : loup ma- rin, Pernetty, Mal.,t.I, p.38 : phoca leonina, Lin- pæus : phoque à museau ridé, Forster; Buffon, t. VI: phoca elephantina, lame, Molina, Chili, p. 260 : phoca proboscidea, Desmarest, sp. 368 : phoca Ansonii, Desmarest, 369 : macrorhinus proboscideus, Fr. Cu- vier, Dictionnaire, t. XXIX, p. 552 :miourong des Négres australiens du port Jackson, Péron, t. HI, p. 61; Forster, t. IL; second Voyage de Cook, t, IV, p, 85; Dampier, Voyage, 1715,t.1,p, 118. 427 il aime à se reposer. Dans les quatre premiers mois de l’année il se tient à la mer, dans les autres il vient alternativement à terre; il est d'humeur douce, paisible, indolente, et se laisse approcher par l’homme : ce qui permet aux chasseurs de le frapper au cœur avec une longue lance. Un mâle a toujours plusieurs femelles : il se bat à outrance avec ses rivaux, pour leur possession; le vainqueur choisit en octobre, et compose à son gré son sérail : la jouissance émoussant ses sens, il abandonne en- suite à ceux qu’il a vaincus la possession des fe- melles qu’il ne peut plus féconder. Chacune d'elles a deux petits, quelques auteurs disent un seul, qui tettent deux ou trois mois, et qui naissent en juillet et août. L’éléphant marin se réunit par troupes de cent cinquante à deux cents individus, et chacun peut fournir environ deux mille livres en poids de chair : tel étoit celui qui servit à l'équipage de la corvette l’Uranie, naufragée sur les Malouines, et qui venoit probablement expirer sur le rivage, près du camp qu’avoit établi le capitaine de vaisseau de Freycinet. Ce qui fait rechercher cette espèce est abondance d’huile qu’elle fournit. « L’éléphant de mer, dit M. Lesquin de Roscoff, a quinze ou seize pieds de longueur sur quatre pieds de tour; il se sert, pour se trainer à terre, de ses nageoires, ar- mées de fortes griffes. Depuis septembre jusqu’en mars les grèves et les vallées des îles Crozet sont couvertes de ces phoques : ils ne sont pas dange- reux, parce qu'ils se meuvent lentement. Les fe- melles ne quittent jamais leurs petits tant qu’elles sont à terre, etc. » L'éléphant marin est parfaitement décrit par An- son ( Voyage autour du monde, page 101), mais assez mal figuré quant aux membres antérieurs et postérieurs. Ce qu’il en dit est exact, et analogue à ce que nous avons présenté dans ce qui précède. Molina, sous le nom chilien de lame, et puis sous celui de phoca elephantina, ne s'éloigne pas trop des détails admis ; cependant il dit que la femelle a un rudiment de trompe, ce qui n’est pas : mais on voit qu’il a mis à profit la description d’Anson. Per- netty (Voyage aux îles Malouines, tome IT, pag. 58 et suiv., pl. IX) a simplement copié la mauvaise figure d’Anson, et n’a pas manqué de reproduire sa queue élégamment retroussée en chapiteau co- rinthien, garni de ses feuilles d’acanthe : les détails qu’il en donne, sous le nom de loup marin, sont assez exacts pour la manière d’écrire l’histoire na- turelle de cet abbé. M. Desmarest a décrit, sous le nom de phoque d’Anson, phoca Ansonii, sp. 369, une espèce qui n’est autre que l'éléphant marin; mais la tête osseuse, qu’il caractérise d’après M. de Blainville, appartient évidemment à une autre es- pèce, dont les formes corporelles sont encore in- connues : celle-ci resteroit alors, dans nos species, 428 sous le nom de phoque d’Anson. Cette tête osseuse appartient à la collection de Hunter; elle y étoitéti- quetée sous le nom de sea lion des îles Malouines, et elle présente de notables différences avce les crä- nes de l'éléphant marin. (Voyez Desmarest, Encyrl. mamin., p. 210.) Peut-être est-ce encore à l'éléphant marin qu'il faut rapporter cette grande espèce sans trompe érec- tile, vue par Mortimer et Cox (Obs. and rem. made during a voy. to the ist. of Amsterdam, ete., 1791, p. 11) sur les iles d'Amsterdam et Saint-Paul, et que M. Desmarest à décrite sous le nom de ph'ca Coæii (Nouv. Dict.d’Hist. nat., deuxième édition) : c’est peut-être l’éléphant de mer avant l'époque du rut. Péron l’avoit nommé phoca resima (IL. t. FI, p. 415, deuxième édition), et c’est indubitablement le phoque urigne, phoca lupina de Molina (Histoire naturelle du Chili, p. 255), et très probabiement celui mentionné par Aubert di Petit - Tiouars (p.12) dans sa description de l'ile de Tristan d’A- cugna. LES OTARIES 7). Otaria. PÉRON, Licusr. Une conque auditive extérieure enroulée, et re- couvrant l’orifice de l’oreille ; les pieds postérieurs rapprochés, garnis d'ongles très étroits, dépassés de beaucoup par une membrane natatoire lobée : les pieds antérieurs en nageoires, sans aucune trace d'ongles, et placés au milieu de la Jongueur du corps ; incisives supérieures à deux tranchants, les molaires espacées el coniques. } a ———— A. Otaries de l'Océan Atlantique bortal. L'OTARIE DE FABRICIUS. Otaria Fabricii. Less. (?). Sous ce nom Fabricius a décrit une espèce qui ne peut être l’ours de mer de Steiler ui celui de Kors- ter : il lui donne pour unique caractère d’avoir des oreilles. Les Groënlandois le nomment auvekeæjak, et emploient ses dents en amulettes contre les ul- {) Quelques auteurs font d'otarie un nom substantif féminin : nous préférons le faire masculin malgré l'é- tymologie radicale : car phoque el otarie formeroicnt par leur orthographe ou masculine ou féminine une disparate qui établiroit une ligne de démarcation im- mense entre les animaux des deux genres, démarcalion qui est bien loin d'exister essentiellement. Ge) Phoca ursina, Fabricius, Fauna groenlandica, b.6. HISTOIRE NATURELLE cères; il paroit rare dans le sud du Groënland. Le phoca ursina du Systema Naturæ , auquel Fabri- cius rapporte son espèce; ne peut être identique avec cet otarie. Cette espèce est donc à revoir, et nous avouerons que nous sommes assez porté à pen- ser que les otaries ne se trouvent que dans l'Océan Pacifique , soit au nord, soit au sud. B. Olaries de l'Océan Pacifique boréal. L'OTARIE DE STELLER. Olaria Stellerii. Less. (1). Nous ne répéterons pas ce que nous avons déjà dit, que cetle espèce doit avoir élé confondue par tous les auteurs avec le lion marin des mers aus- trales. On donne au lion marin des côtes du Kamt- schatka et aussi des îles Kuriles le nom de cheval marin. Son cou est nu, mais garni d’une petite cri- nière dont le poil est rude et frisé (expression de la description originale), le pelage est brun; la tête est de médiocre grosseur; les oreilles sont courtes; le museau conique ct relevé comme celui d’un doguin ; nageoires peu longues : il se tient sur les rochers des rivages, grimpe à une grande hauteur ; ses mu- gissements sont affreux, mais ses mœurs sont timi- des; sa c'air passe pour délicate aux yeux des Aléoutes et des Kamtschadales. Les mâles ont deux ou trois femelles, et s’accouplent en août et septem- bre; la femelle porte neuf mois. Il exhale une forte odeur, moins désagréable que celle de l'ours marin, Cette espèce est commune dans le détroit de Bebring, mais paroit ne pas dépasser le cinquante sixième degré de latitude sud, Peut-être l’otarie de Steller est-il identique avec l’otarie de Choris. -L'OTARIE DE LA CALIFORNIE. Otaria californiana. Less. (?). Cette espèce, d’après la figure de Choris, a le pe- Jage ras, uniformément fauve brunâtre, les mous- taches peu fournies ; le museau est assez pointu ; les membres antérieurs sont réguliers, plus grands que les postérieurs. Cinq rudiments d'ongles occupent l'extrémité des phalanges, et sont débordés par une large bande de Ja membrane. Les pieds postérieurs sont minces, ayant trois ongles au milieu et deux rudiments d’ongles interne et externe ; cinq festons {) Leo marinus, Steller , de Bestiis marinis, Mém. acad. de Pétersbourg; Krakenninikow, Description du Kamtschatka, p. 428. () Jeune lion marin de la Californie, Choris, Foyage pittoresque, pl. 11. DES MAMMIFÉRES. lancéolés et étroits dépassent de cinq à six pouces les ongles; la queue est très courte. Des côtes de la Californie. L'OTARIE DE KRAKENNINIKOW. Otaria Krakenninikowte. Less. (1). . La taille de cet otarie est plus petite que celle de l'espèce précédente, et d'environ huit à neuf pieds chez les plus grands individus ; le museau est plus long et les dents plus fortes; pelage noirâtre, taché de gris, court et cassant; celui des jeunes est d’un noir bleuâtre ; dans la vieillesse la pointe des poils, devenant grise, donne une teinte brunâtre à la masse du pelage; les pieds nus et noirs. Cet otarie est de passage dans les diverses îles qui forment une ceinture à l’océan Pacifique du Nord, entre l'Asie et l'Amérique, et paroit changer de côtes suivant le temps; il aime à fréquenter l’embouchure des ri- vières : les pêcheurs en détruisent beaucoup, et recherchent surtout les fœtus, jusque dans la ma- trice, parce que leur fourrure est d’un beau noir, et est très recherchée : les femelles, qui n’ont que deux mamelles abdominales, allaitent leurs petits pendant deux mois; il est rare qu’elles en aient plus d’un à chaque portée : ils naissent les yeux ouverts et avec trente-deux dents, et leur pelage est d’un bleu noirâtre fort beau. Les femelles deviennent grises en vieillissant, et sont beaucoup plus petites que les mâles : elles portent à leurs enfants le plus vif attachement. Chaque mâle à de huit à quinze femelles, et quelquefois plus, et témoigne la plus grande jalousie pour son sérail ; les vieux seuls vi- vent solitaires, et repoussés des grandes commu- nautés où leurs infirmités ne leur permettroient plus de lutter avec les jeunes. Cette espèce de phoque exhale une odeur extrêmement fétide : ils sont bel- liqueux et acharnés dans le combat ; rien ne peut leur faire lâcher prise. Pour plus de détails, on doit consulter Krakenninikow , qui a transcrit les ob- servations nombreuses de Steller sur les habitudes de cette espèce. C. Olaries de l'hémisphère austral. L'OTARIE DE PERNETTY. Otaria Pernettii. Less. (?). Ce phoque acquiert une taille considérable sui- vant Pernetty, puisqu'il dit que des individus ont (*) Ursus marinus, Steller, loc. cit.: chat marin, Krakenuinikow. (} Otaria jubata, Desmarest, sp. 380, non Linnæus, non Erxleben : platyrhyncus leoninus, Fr. Curvier, 429 jusqu'à vingt-cinq pieds de longueur, et dix-neuf à vingt pieds de circonférence ; ce qui le caractérise est le poil de Ja partie supérieure du corps, notam- ment celui qui revêt la tête, le cou et les épaules, et qui est aussi long que celui d’une chèvre. Mais Forster, plus croyable en cela, ne donne au lion marin du Sud qu’une douzaine de pieds au plus, et sept à huit pour les femelles. Voici la description qu’en trace cet habile compagnon de-Cook { second Voyage, t. IV, p.71, iu-#) : « Le corps est gros, cy- lindrique, très gras; la tête assez petite, assez sem- blable à celle d’un gros dogue ; le nez un peu relevé et comme tronqué à son extrémité ; la lèvre supé- rieure déborde Pinférieure, et est garnie de cinq rangs de soies rigides en forme de moustaches : ces soies sont longues, dures et noires, et blanches dans la vieillesse : les oreilles sont coniques, longues de six à sept lignes seulement ; leur cartilage est ferme et roide ; les yeux sont grands et proéminents, l'iris vert: trente-six dents; les pieds antérieurs noirs, formant une large bande plate, nue, offrant sur les doigts des vestiges d’angles seulement, les pieds postérieurs ayant les doigts terminés par cinq très petits ongles que dépassent notablement cinq fes- tons membraneux minces : queue conique et courte. Le mâle seul à sur la partie supérieure du corps son pelage composé de poils rudes, grossiers et longs de deux à trois pouces, de couleur tannée, tandis que sur toutes les parties postérieures le poil est court, serré et d’égale longueur; les poils de la fe- melle sont uniformément ras partout et de couleur fauve. » Pernetty (14, t. IE, p. 49) décrit ainsi les mœurs de son lion marin : « Il n’est point méchant, et fuit plutôt que de chercher à attaquer; il vit de poisson, d'oiseaux d’eau qu'il attrape par surprise, et d’herbe : les femelles font leurs petits et les allaitent dans les glaïeuls (herbes littorales du genre festuca). où elles se rendent chaque soir. La chair de cet animal peut se manger sans dégoût, et son huile est d’une grande ressource ; sa peau est très propre aux ouvrages de sellerie. » EE ——— L'OTARIE DE FORSTER. Ofaria Forsteri. Less. (1). Ce phoque est long de quatre à six pieds ; le corps est mince, la tête ronde, la bouche peu fendue, les Dictionnaire, t. XXIX, p. 555 : otaria leonina, Pé- ron, Zt.,t. I, p.113 ,in-8o: lion marin, Pernetty, It, LOU, p.47, pl. 10; Forster, second Voyage de Cook, t. IV, p.71 ; Buffon, Supplément, t. VI, pl. 48. () Otaria ursina, Desmarest, sp. 381 : arctocepha- lus ursinus, Fr, Cuvier, Dictionnaire, 1, XXIX, p, 554; 430 moustaches très longues, les yeux proéminents, les oreilles pointues et coniques, les pieds antérieurs sont dégagés, à membrane des doigts nue, lisse su- périeurement, ridée inféricurement; le pouce est le plus long des doigts, qui diminuent de longueur successivement ; le pelage se compose de deux sortes de poils, l’un ras la peau, et analogue à un feutre court, très doux, satiné brun roux, et analo- gue à celui d’une loutre ; l’autre se compose de poils plus longs, assez fournis, brunâtres et tachetés de gris foncé. Forster rapporta cet otarie à l'ours marin de Stel- ler; mais Forster, quoique doué d’un vaste savoir, avoit un coup d'œil trop peu sûr en zoologie pour affirmer de prime abord, d’après la courte et plus qu’incomplète description de Steller, que ces deux animaux étoient identiques. On pourroit à peine pro- noncer sur deux figures exactes, à plus forte raison ne peut-on pas le faire d’après des caractères peu précis, tracés à une époque où les espèces étoient volontiers confondues quand elles n’offroient pas de trop grandes dissemblances. L'otarie de Forster, ou l’ours marin, est le phoque à fourrure des pêcheurs européens ou américains. Il habite les hautes latitudes, fréquente toutes les cites morcelées de l'extrémité australe de l’Améri- que, le cap Horn, la Terre-des-Etats, les iles Maloui- nes, l'archipel de Pierre-le-Grand, et ‘aussi les îles Macquarie, pénantipodes, les parties méridionales de la Nouvelle-Hollande, de la Nouvelle-Zélande et de la Terre de Diémen. Du Petit-Thouars le men- tionne à l'ile de Tristan d’Acugna (p. 15). Ce phoque est très recherché dans le commerce, et sa fourrure est très estimée. La couleur la plus ordinaire de cette fourrure est le brun ; mais lorsque l'animal est parvenu à toute sa croissance, elle tire sur le rouge. Sa qualité ne diffère de celle des cas- tors que parce que les poils ou le feutre soyeux qui la composent sont plus courts; mais cependant cette fourrure est grossière sur le dos et sur le cou ; et ce n'est que sous le corps, et notamment sur le ventre, qu’elle prend cette finesse et ce moelleux qui la font echercher. Les crins qui couvrent le corps et qui dépassent le feutre sont toujours arrachés : pour ce, on chauffe doucement la peau, et on la ratisse for- tement avec un large couteau de bois façonné à cet effet ; débarrassée des longs poils, la fourrure ac- quiert alors toute sa beauté, et se vend en Chine deux dollars (42 francs), et jusqu’à cinq ou six en An- gleterre, en y comprenant la prime. On en fait des chapeaux superfins, des garnitures de robes, des manteaux, etc. Des chasseurs nous ont dit que cette phoca ursina, Linnæus et Erxleben : ours marin, Fors- ter; second Voyage de Cook, t. 1, p. 174; Buffon, t. VI, p. 336, pl. 47. HISTOIRE NATURELLE espèce d’otarie, si précieuse à leurs yeux, ne se trouvoit jamais que sur les côtes les plus battues par les vagues, dans les lieux les plus âpres des rivages de fer qui enveloppent beaucoup des îles de la mer du Sud, et que jamais on ne les voyoit se reposer dans les criques bordées de longues plages sablon- neuses déclives où la mer roule paisiblement ses eaux pendant la marée montante. Ses mœurs sont, dit-on, très sauvages, et son odorat très subtil ; de loin il a la conscience, par son moyen, des approches de l’homme, et il s’'empresse de gagner la mer, et de fuir un ennemi qu’il a appris à redouter. Au reste, si nous en croyons des renseignements qu’on nous a donnés comme positifs, on devra trouver un jour dans l’otarie de Forster, ou ours de mer, plus d’une espèce à distinguer. E———— —…—…….…….…—…" "—…"….…"…"….…"…—_.…_……—… L'OTARIE MOLOSSE, Otaria molossina (1). Ce phoque a les formes élancées , régulières, la tête petite, arrondie, comme tronquée en avant, et présentant assez exactement le museau d’un chien dogue. Le nez est peu proéminent , et séparé par une rainure ; la lèvre supérieure déborde l’inférieure, et toutes les deux sont garnies sur leur rebord de poils courts et serrés : les moustaches qui couvrent la face sont disposées sur quatre à six rangs; elles se com- posent de poils d’autant plus allongés qu'ils sont plus extérieurs, et dont la plus grande longueur est de quatre pouces : ces poils sont lisses, très rudes, aplatis transversalement, et de couleur fauve clair. L'œil, à iris verdâtre, est placé à deux pouces de la commissure de la bouche; les oreilles sont très petites, épaisses, pointues et roulées sur elles-mé- mes : elles sont revêtues d’un poil ras et se:ré; leur face inférieure est nue. Les paupières sont longues d'un pouce, entourées de poils roux et courts; les membres antérieurs sont aplatis en nageoires que ter- mine une membrane épaisse, sinueuse en son bord, d’un noir vif et complétement lisse. Les phalanges sont empâtées dans cet'e portion membraneuse, et sont indiquées par trois stries principales et profon- des ; sur leurs parties moyennes, on observe quatre rudiments d’ongles. Les membres postérieurs sont rapprochés, aplatis, terminés par des phalanges d’égale longueur. Les trois doigts du milieu sont mu- nis chacun d’un ongle fort, noir, long d’un pouce, arrondi, convexe supérieurement , aplati inférieure- ment, et terminé par un rebord taillé obliquement (°) Lesson et Garnot, Zoologie de la Coguille, pl. 3, p. 440 : otarie Guérin, Quoy et Gaimard, Zoologie de l'Uranie, note de la page 71 ? lion marin de la petite espèce, Pernetty, Zf,, t. II, p. 48? DES MAMMIFÉRES. à la partie externe de la phalange externe et au bord interne des deux phalanges internes. On remarque seulement deux rudiments d'ongles aux doigts ex- terne et interne ; la membrane qui unit les doigts est large, et les engage jusqu’à un pouce au-delà des ongles en formant un rebord. Cette portion, garnie de nervures tendineuses qui partent de la dernière phalange, se divise en cinq festons étroits, arrondis à leur sommet, où ils sont plus larges qu’à leur base, et d'autant plus développés qu’ils sont plus exté- rieurs. La surface externe des membres est couverte, comme toutes les autres parties du corps, d’un poil abondant, court et serré, tandis que les aisselles, les aines et le dessous des membres sont compléte- ment nus. Les membranes n’ont aucune trace de poils, et sont d’un noir vif; la queue est courte, aplatie et pointue à son extrémité. La longueur des poils ne dépasse pas quatre lignes, et leur couleur est d’un roux brun, comme satiné, lorsque l'animal est en vie. Cet otarie a trente-six dents : les incisives supérieures, aplaties transversalement, sont séparées en deux lobes par un sillon profond. Nous en tuâmes un individu au fond du Port-Louis, dans la baie françoise des îles Malouines. Ces amphibies étoient peu communs dans les premiers temps de notre sé- jour sur ces îles australes, en novembre; mais à l’époque de notre départ, vers la fin de décembre, ils s’approchoient chaque jour du rivage. Notre otarie molosse est sans doute identique avec l’otarie-Gué- rin, décrit brièvement par MM. Quoy et Gaimard, page 71 du texte de leur Zoologie, et qu’ils trouvè- rent également aux îles Malouines. C’est très probablement de ce phoque que parle M. Lesquin de Roscoff aux pages 36 et 57 de la re- lation de son naufrage : « Le loup marin est très agile, et saute de roche en roche avec une souplesse sans égale. Il est quel- quefois terrible, quand on l’attaque ; mais le moindre coup sur le nez l’étourdit sur-le-champ. Il monte à terre en novembre, et se retire vers avril. La fe- melle vient ordinairement allaiter son petit à la nuit, et le laisse le jour à la garde du mâle. » Les loups marins aux îles Crozet sont couverts d'un poil gris, sous lequel se trouve un superbe duvet très ressemblant à celui de la loutre. Les peaux ser- vent à la chapellerie. Ils se nourrissent de poissons et d'insectes marins, mais ne mangent rien à terre. Ils se remplissent la panse de sable, sans doute pour mieux nager. » A — L'OTARIE DE PAGÈS. Otaria Pagesii (1). Cette espèce, dans ses plus fortes dimensions, a, () Otaria Perom, Desmarest, p. 382 : phoca pu: 431 suivant Pagès, quatre pieds de longueur sur deux de circonférence ; mais la taille du plus grand nombre n’est que de deux pieds et demi ou trois, sur un et demi de circonférence. La tête est ronde, un peu déprimée ; le museau fort court. Elle a six incisives supérieures, dont les deux externes en forme de canines, et les quatre intermédiaires sillonnées trans- versalement, et quatre incisives inférieures. Les moustaches sont assez longues ; les oreilles étroites, et longues de dix-huit lignes. Le cou est gros, ainsi que la poitrine; le doigt interne des membres anté- rieurs est le plus long ; les ongles sont presque im- perceptibles, et cachés sous le poil, et si petits qu’à peine, suivant l’expression de Pagès, méritent-ils le nom d'ongles. Les pieds de devant sont velus en dessus et nus en dessous : ceux de derrière ont trois ongles très marqués aux phalanges du milieu, et les phalanges interne et externe ont des rudiments d'ongles à peine visibles. La membrane qui unit les cinq doigts dépasse ceux-ci, et forme en se décou- pant cinq festons d’autant plus longs qu’ils sont plus internes. Le pelage est doux et luisant, et d’un brun tirant sur le gris de fer, avec la tête plus foncée et le dessous beaucoup plus clair, surtout sur la poi- trine, suivant M. Desmarest ; chaque poil est d’un fauve très clair dans la plus grande partie de son étendue, puis d’un brun minime plus abondant en dessus qu’en dessous, et terminé, sur le dos, de gris clair, et sur le ventre de blanchâtre; la queue est longue de deux pouces. Le pelage des jeunes indi- vidus, suivant Pagès, est noirâtre. Cet otarie a été décrit par Daubenton et par Buffon, mais surtout longuement par Pagès dans son Voyage autour du monde. I! paroîit qu’il est très commun dans les en- virons du cap de Bonne-Espérance, et notamment dans Symon’s Bay, où il se réunit par grandes trou- pes. Son intelligence est très perfectionnée, ses ha- bitudes timides et douces. Il se tient sur les rochers. Nul doute que l’espèce décrite sous le nom d’otarie de Delalande (Oss. foss., t. V, p. 220) ne soit l’es- pèce que nous venons de décrire. M. Cuvier spécifie ainsi l’otarie de Delalande, rapporté du Cap par le voyageur-naturaliste de ce nom : « Cet animal a trois pieds six pouces de longueur ; son pelage est fourré, doux, laineux à sa base; sa pointe, annelée de gris et de noirâtre, donne une teinte généralement d’un gris brun roussâtre ; le ventre est plus pâle, et les pattes sont noirâtres. Les moustaches sont noires, fortes et simples. Peut-être faudra-t-il adjoindre à l'otarie de Pagès l’otarie de Milbert, qui est, dit- on, du Sud, et dont la taille est de trois pieds huit pouces, et les couleurs du pelage beaucoup plus silla, Linnæus : phoca parva, Bodd.: petit phoque, Buf- fon, t. XIII, pl. 53 : otaria Delalande, Fr. Cuvier, Dic- tionn.des Scienc. natur., t. XXIX, p. 558 : loup marin; . Pagés, JE, t. II, p. 32 et suiv. 432 blanches que celles des otaries blanchâtres et de De- Jlalande. » L'OTARIE DE BLAINVILLE. Olaria Blainvillii (1). Cette espèce a été observée par M. de Blainville dans la collection de Bullok en Angleterre. Voici la description qu’en donne, d’après lui, M. Besmarest dans sa Mammalogie : « Longaeur totale, environ un pied six pouces ; pelage généralement d’un noir luisant, parsemé de taches irrégulières jaunes : tête également noire, mais avec une bande d’un jaune doré sur le crâne, et une autre de la même couleur -et assez allongée sur le museau ; bouche très fendue ; membres antérieurs assez avancés, courts, et ter- minés par de larges mains dont les cinq doigts sont presque égaux , palmés et armés d’ongles très forts, arqués et aigus; les pieds postérieurs tout-à-fait en éventail, et sensiblement plus grands que les mains, dirigés en arrière, aussi à cinq doigts onguiculés, mais dépassés par des pointes membrancuses : queue longue d’un pouce environ, On ignore sa patrie. » L'OTARIE CENDRÉ. Olaria cinerea (?). Cette espèce est loin d’être connue; on lui donne neuf à dix pieds de longueur, ct un pelage dur, gros- sier, de couleur grise cendrée. Péron en rencontra des individus sur les côtes méridionales de la Nou- velle - Hollande, à l'ile Decrès. Son cuir es! très épais et l'huile qu’on en retire est aussi bonne qu’a- bondante. IL faut rapporter très probablement à l’otarie cendré une belle cspèce envoyée au Muséum par MM. Quoy et Gaimard, et qui provient du port du Roi-Georges sur la côte S.-0. de la Nouvelle-Hol- lande. Son pelage, rude et grossier, est un peu plus long et un peu plus touffu sur le cou et sur les épau- les, quoique dépassant de peu celui des parties in- férieures. Cela peut tenir à l’âge ou à l’époque de la vie de l’animal, qui peut avoir dix pieds de lon- gueur. Sa couleur est d’un brun fauve sale, et les nageoires sont noires. MM. Quaoy et Gaimard ont aussi envoyé plusieurs phocacés de la même relâche qui tous appartiennent au genre otarie ; et par eux nous posséderons enfin des détails précis sur les es- (‘, Otaria coronata, Desmarest,sp. 383 : phoca coro- nata, Blainville. (* Péron et Lesueur, Voyage aux Terres Australes, t. 1, p. 133; Desmarest, Mammalogie, sp. 384. HISTOTRE NATURELLE - pèces qui vivent dans les mers antarcliques, et parmi lesquelles ils nous en signaleront indubitablement de nouvelles. L'OTARIE ALBICOL. Otaria albicollis (1). Cette espèce est encore mal connue. Péron ne donne sur elle que fort peu de détails. Sa longueur totale seroit de huit à neuf pieds ; son pelage est mar- qué d’une grande tache blanche à la partie moyenne et supérieure du cou. Les membres antérieurs sont situés très en arrière. Elle abonde sur les plages de l'ile Eugène dans le sud de la Nouvelle-Hollande. L'OTARIE JAUNATRE. Ofaria flavescens (?). M. Desmarest a donné la description suivante de cette espèce : « Longueur totale, un pied dix pouces ; tête petite; nez un peu aigu ; les oreilles très étroites, pointues, en forme de feuille, longues d’un pouce ; moustaches longues et blanches; pieds de devant sans aucun ongle apparent; ceux de derrière forte- ment palmés, avec de véritables ongles longs et dis- tincts, les trois intermédiaires plus larges que les au- tres; pelage jaune pâle uniforme, ou de couleur de crème foncée sans mélange. On le dit du détroit de Magellan, et il en existe ua individu à Londres. » L'OTARIE DE SHAW. Olaria Shawii. Less. (3). Espèce encore peu connue, décrite ainsi par Des- marest : « Longueur totale, environ quatre picds ; nez court; lèvre supérieure munie de moustaches noires ; oreilles courtes, velues et pointues; incisives supérieures marquées d’un sillon transversal; les inférieures ayant aussi un sillon, mais dans un sens opposé; molaires très fortes, avec un petit appendice de chaque côté, près de leur base ; pieds de devant sans ongles, avec le bout de la nageoire terminé en palmures , qui s'étendent au-delà des extrémités des doigts ; pieds de derrière n'ayant que quatre doigts, | pourvus d'ongles longs et aigus, enveloppés par la (:) Péron et Lesueur, 1t.; Desmarest, 385, (2) Desmarest, sp. 386 : phoca flavescens, Shaw, t.1, p. 260, pl. 73. (2) Otaria falklandica, Desmarest, Mammalogie, Sp. 387: phoca falklandica, Shaw, Gen. Zool., t.1, p. 256, Penrart, p 279. DES MAMMIFERES. membrane ; pelage gris cendré , nuancé de blanc terne : habite lesiles Malouines, nommées îles Falk- land par les Anglois; espèce certainement en dou- ble emploi, mais trop incomplétement décrite pour qu’on puisse l’isoler ou la rapporter à telle ou telle espèce. » L'OTARIE D'HAUVILLE. Otaria Hauvillii (1). Longueur, quatre pieds deux pouces ; pelage d’un cendré foncé en dessus, blanchâtre aux flancs et sous la poitrine; une bande d’un brun roux règne longitudinalement sous le ventre. Une bande noi- râtre va transversälement d’une nageoire à l’autre. Des îles Malouines. eee L'OTARIE DE MOLINA. Otaria Molinaii. Less. (?). Cette espèce n’est connue que par la description très incomplète de Molina, qui s'exprime en ces ler- mes : « Le cochon marin ressemble à l’urigne, pour la figure, le poil et la manière de vivre. Il en dif- fère cependant par le muscau, qui est plus allongé, et qui ressemble au groin du cochon : il a encore les oreilles plus relevées ; les pattes de devant divisées en cinq doigts bien distinets, quoique couverts par une membrane. Il ne se rencontre que rarement sur la côte du Chili. » Telles sont les espèces de phoques les plus au- thentiques et les mieux caractérisées. Les auteurs systématiques en ajoutent plusieurs autres dont la détermination est si peu précise, que nous ne balan- cons pas à les omettre. Ainsi se rangent dans cette catégorie les rHoca Coxii, Desm.; lupina, Molina; longicollis, Shaw, testudinea, Shaw; fasciala, Shaw ; punctata, Encycl. angl. ; maculata, Encycl. angl. des Kouriles, comme l’espèce précédente ; n2- gra, Encycl. angl.; lakhtak de Krakenniniow ; ()G. Guvier, Ossem. foss., t. V, p. 220 : otarie de Pé- ron, de Blainville, Journal de Physique, t. XCI, p. 295. () Phoca porcina, Molina, Histoire naturelle, p.260. 433. tigré , du même ; et grum-selur des Islandois et d’O- lafsen. Nous supprimerons aussi une foule de détails que nous avions extraits des anciens auteurs, et sur- tout des navigateurs, parce qu’ils eussent allongé, sans profit pour le lecteur, un article déjà très long, et où, au lieu des faits les plus avérés dans l’état actuel des choses, auroient pu se glisser, au milieu d’un vain étalage d’érudition, un grand nombre d'erreurs. On pourra d’ailleurs se faire une idée du dédale dans lequel s'engagent les compilateurs non naturalistes, en prenant connoissance des observa- tions du savant Fleurieu, tome IT du Voyage au- tour du monde de Marchand. On y verra que ces noms de veau, de loup, de lion, de renard, de chat, de bœuf et d’ours, en y ajoutant l’adjectif marin, ont plus contribué à embrouiller l’histoire des phoques que toutes les descriptions plus ou moins erronées qu’on en à données. Aussi avons-nous cherché à faire disparoître en partie cet inconvénient, en leur appliquant les noms de ceux qui les premiers les firent connoitre. 40 L’OTARIE JAUNATRE (ofaria flavescens , Desm.) (1), qui fréquente les côtes du Chili, où on Ja nomme {abo de mar. {1 se rend sur le rivage desiîles de la Motcha, où les chasseurs en éteindront Ja race déjà bien diminuée. Son pelage est fauve cannelle , plus clair en dessous. Ses nageoires sont brunes , et les trois doigts intermédiaires de celles de l'arrière sont seuls munis d'ongles; tous les doigts sont débordés par des festons membraneux. Sa longueur varie de six à sept pieds. Ce phoque nous paroit être identique avec notre otariemolosse. 20 L’OTARIE CENDRE (otaria cinerea, Péron) (?), fi- gurée planches 12, 45 et 15 de l’atlas de MM. Quoy et Gaimard, dans le voyage de l’Astrolabe (3). 5° L’OTARIE AUSTRALE (otaria australis, Quoy et Gaim.) (f), a le corps gris, avec des reflets jaunâtres. Ses moustaches sont blanches, et les poils du corps, même ceux du cou, sont courts et serrés. Ce phoque habite le port du Roi-Georges, à la Nouvelle-Hol- lande. (‘) Poeping, Bull. Féruss., t. XIX, p, 100. () Voyage aux terres australes, t. Il, p. 54. () Otaria tota cinerea; membris nigricantibus ; pilis capitis et colli rudibus et longis, sub coactis, fulvis. (+) Otaria, corpore suprà griseo, subtus vulvo ; collo crasso; artubus infrà nigricantibus. [rs CS PSS HISTOIRE NATURELLE LIVRE VII LES MARSUPIAUX, OÙ AN IMAUX À BOURSES Les animaux de cette famille ont vu s’accroitre singulièrement leur nombre depuis quarante an- nées, notamment depuis l'établissement des An- glois à la Nouvelle-Galles du Sud , et par suite des explorations dirigées sur les côtes de la Nouvelle- Hollande. Avant 1789 on ne connoissoit que les didelphes ou filandres de l'Amérique, mentionnés par Marcgrave et Pison, et le phalanger des Molu- ques, décrit par Valentin, et figuré par Séba. Buffon lui-même n’a connu que six didelphes : le sarigue des Illinois ou à longs poils, le crabier, l'opos-um, le cayapollin ou le filandre de Surinam, la mar- mose et le toan, un chironecte, la petite loutre de la Guyane, et deux phalangers ou couscous, le pha- langer mâle, et le couscous roux que cet auteur prenoit pour la femelle de son phalanger. Aujour- d’hui les naturalistes connaissent un grand nombre d'espèces renfe:mées dans douze genres nettement circonscrits. Aucune famille de mammifères n’a donné lieu à plus d’éerits que celle des marsupiaux. La plupart des idées extravagantes émises sur son mode de gé- nération sont déjà oubliées ; mais ce qu’on peut ad- mettre de plus positif dans la double nutrition des petits, dans l’acte dit de la marsupialité, est que cet acte s'opère à l’aide d’une duplicature de la peau lu ventre qui renferme les organes de la lactation, 2t qu'après la fécondation les embryons contenus dans la matrice, ayant pris un certain accroissement, se trouvent expulsés de l'utérus, et soumis à un au- tre mode de vitalité parementexterne. Cesembryons, encore peu développés, sont alors collés aux tétines renfermées dans la poche marsupiale qui les protège et les garantit des influences extérieures, tandis que les mamelons s’allongent et les abreuvent d’un lait nourricier. Puis, à une époque plus avancée, les pe- tits, plus robustes, peuvent abandonner le sein qui les allaite, se familiariser avec Pair extérieur, déve- lopper leurs facultés instinctives, et se blottir au moindre signe de danger dans cette poche protec- trice que leur mère referme sur eux, en usant, pour sauver elle et sa famille, des voies de prudence que Ja nature lui a départies. On ignore &u juste com- ment les embryons abandonnent la matrice pour être portés dans la poche marsupiale, bien que M. Owen, par exemple, admette des canaux péri- tonéaux, à travers lesquels s'opère le déplacement, et qu'il a découverts en disséquant un kangourou femelle (1). Des os particuliers, dits marsupiaux , servent d'appui aux parois de cette poche, bien qu’ils existent également chez les mâles, et ceux-ci présentent la singularité d’avoir le scrotum pendant en avant de la verge. Les marsupiaux se ressemblent par des formes gé- nérales telles, qu'il seroit fort difficile de les séparer, sans les dissemblances profondes fournies par les dents, le tube digestif, et par suite le genre de vie, et par les pieds. On trouve donc parmi eux de vrais insectivores, des carnassiers, des rongeurs, des her- bivores, des édentés. Les vrais sarigues sont du Nouveau Monde, les phalangers des grandes iles malaisiennes, les péramèles de la Papuasie et de la Nouvelle Hollande ; puis tous les autres genres ap- partiennent exclusivement au continent justement nommé Australie. Ainsi, par leurs incisives petites et rudimentaires, leurs longues canines , leurs arrière-molaires héris- sées de pointes, les sariques, les chironerctes et les phascogales sont insectivores ; les thylacines et les dasyures sont carnivores ; les péramèles ont des on- gles fouisseurs. Les incisives larges et tranchantes, les canines d'en bas rudimentaires font des phalangers et des petaurus des animaux plus phytophages qu’entomo- phages. Les potorous sont frugivores, et manquent de ca- nines à la mâchoire inférieure ; les kangourous sont complétement herbivores et n’ont pas de canines du tout, et de même que le potourous ils rappellent les gerboises par l’extrême allongement de leurs mem- bres postérieurs, et par le développement de leur queue. Enfin les koalas et les phascolomes vivent d'herbes et sont de véritables rongeurs sous plusieurs rapports. (:) Proceed, of the zool, soc. 1, p. 159. DES MAMMIFÈRES. LES DIDELPHÉS (). Didelphis, L. (?). Forment un genre très naturel dont les espèces sont répandues dans toute l'Amérique intertropicale , et dans les zones tempérées aussi bien au nord qu’ausud. Ce sont des animaux nocturnes, répandant une odeur fétide, se tenant sur les arbres où ils poursuiventles oiseaux, se nourrissant d'œufs, de fruits et d'insectes. Quelques sarigues ont en place de poche marsupiale un repli longitudinal de la peau sur chaque côté du ventre. Les espèces inconnues, à Buflon sont les suivantes : 4° Le saRIGUE D’Azara {D. Azare, Screb.) (5) ou GAMBA , qui se trouve au Paraguay et au Brésil , et qui diffère du sarigue opossum ( D. virginiana, Shaw), par la teinte noire intense de son museau et de ses oreilles, et par sa longue queue. 2° Le pr- DELPHE DE LA CALIFORNIE ( D. californica, Benn.), à pelage laineux, la pointe de chaque poil noire, tandis que les longues soies sont blanches, la face d’un pâle brun noirâtre ; le pourtour des yeux foncé, les lèvres et les joues blanches. Sa taille est de douze pouces, la queue longue également de seize pouces. Habite la Californie. 5° Le quica (D. quica, Natt.), qui vit au Brésil. Le mâle est gris en des- sus, blanc en dessous, la femelle est fauve noirâtre, passant au roux sous le corps. La queue aussi lon- gue que le corps et blanche à son extrémité. 4 Le DIDELPHE MYOSURE ( D. nudicaudata, Geoff.) (4), à très grandes oreilles, à pelage doux, serré, très (1) M. Isidore Geoffroy Saint-Hillaire a récemment élabli, aux dépens des didelphes, les genres hémiure et micouré, le premier à queue courte, et le second à sim- ples replis existant au lieu de poche. (2) Philander, Briss.; sipalus, Fisher : sarigue vient de cariqueia, nom que donnent à ces animaux les Brési- liens, suivant Marcgrave. Au Paraguay on les nomme micouré, manicou dans les îles Caraïbes, opossum aux États-Unis, thlaquatzin au Mexique, d'après Fernandez. Les anciens Mexicains leur donnoient le nom de cAou- chouacha et les adoroient, ainsi que semble le prouver ce passage d'un voyage à Mexico : « Sur un autel placé en face de la porte orientale, de «maniére à recevoir les premiers rayons du soleil le- « vant, s’élevoit une idole représentant un chouchoua « cha. Cet animal, de la grosseur d'un cochon de lait, a « le poil dublaireau, la queue du rat, les pattes du singe: «la femelle porte sous le ventre une poche où elle «nourrit ses pelits. A droile de l'image du chouchoua- » cha étoit la figure d’un serpent à sonnettes, à gauche » un marmouset grossièrement sculpté. » ,Temm., p. 30; Micouré premier, d'Azara, Par. ; didelphis aurita, Wied, It.; fig. Dict. classiq. d'hist. nat. 4) D. myosuros, Temm. 38 ; Wied, 435 court, brun roussätre en dessus, blanc roussâtre en dessous. Sa queue ressemble à celle du rat ordinaire par sa nudité, Cet animal est rare à la Guyane et commun au Brésil. 5° Le pIn£ELPHE Gris (D. grisea, Desm.) (!), qui diffère peu du cayopollin. Son pe- lage est gris en dessus, blanchâtre en dessous, le pourtour des yeux cerclé de nor et de blanc, la queue très longue. Cette espèce se tient dans les creux des arbres au Paraguay. 6° Le DIDELPHE A TÊTE COURTE (D. breviceps, Benn.) (?), à pelage laineux, à museau brun noirâtre clair, une bande oculaire noire allant du nez aux orcilles. La queue, aussi longue que le corps, a douze pouces. Habite la Californie. Parmi les espèces qui n’ont que des plis sur le ventre, il faut ranger: 4° Le DIDELPHE CENDRÉ (D. cinerea, Wied) (3), de la taille du rat ordinaire, et ayant comme lui une grande partie de la queue nue, un pelaze court et épais, gris cendré clair en dessus, blanchâtre en dessous, roussâtre sur la poi- trine, Cet animal a été découvert au Brésil par le prince Maximilien de Wied Neuwied. 2 Le sa- RIGUE DORSAL (didelphis dorsigera, L., Temm., p.48), de la taille d’un rat, à queue grêle, brune dans sa partie dénudée. Les yeux enveleppés par une lache marron. Son pelage est fin, court, peu fourni, gris brun. Le front est blanc jaunâtre ainsi que les joues. De Surinam. 5° Le didelplie de Cu- vier (D. Cuvieri), est une espèce fort voisine de la marmose, et dont on rencontre les débris dans les carrières à plâtre de Montmartre. 4° La musaraigne du Brésil de Buffon est pour les naturalistes mo- dernes le didelphis tristriata (Kubhl), long de sept | pouces, la queue y étant comprise pour deux, son pelage roux brunâtre plus clair en dessous, et mar- qué en dessus de trois bandes noires. 5° Le TOUAN de Buffon paroiît être le D. tricolor (Geoff ) distinct du D. brachyura de Screber, qui vit à Monte- Video, à pelage gris fauve en dessus, le ventre et les pieds blanes. La queue n’atteint que la moitié du corps. 6° Le DIDELPHE LANIGÈRE (D. lanigera, Desm.) (4) à pelage laineux, couleur de tabac d’Es - pagne en dessus, blane en dessous, ayant la queus triangulaire à la naissance, beaucoup plus longue que le corps, et qui vitau Paraguay. 7° Enfin le DIDELPHE NAIN ( D. pusilla, Desm.) (5), gris de sou- ris en dessus, blanchâtre sous le corps, ayant une queue grêle, nue et blanchâtre. El vit également dans le Paraguay. t) Le Micouré 4e d'Azara, Par. (2) Proceed.,t. It, p. 40. (3) Temm., Monog., p.46 (+) Micouré laineux, Azara. (5) Micouré nain, Azara. LES CHIRONECTES. Chironectes, ILLIG. Forment le deuxième genre de la famille des marsupiaux. On n’en connoît qu'une espèce d’Amé- rique, décrite sous le nom de didelphis palmata par M. Geoffroy, et sous celui de petite loutre de la Guyane par Buflon. Le mot chironectes indique la palmure des mains qui servent en effet à la na- tation. a LES THYLACINES. Thylacinus. TE. Sont les plus grands animaux carnassiers de la Nouvelle-Hollande, où ils semblent remplacer no- tre loup. Lorsque les expéditions européennes visitèrent pour la première fois le continent austral, des orni- thorhynques, des échidnés, des kangourous, se pré- sentèrent à leurs regards, et les étonnèrent par la bizarrerie de leurs formes. Rien sur ce sol singu lier ne rappeloit les animaux des autres parties du monde ; toutefois, après quelque temps de coloni- sation, plusieurs Anglois parlèrent dans leurs rela- tions de loups qui vivoient sur la terre de Diémen ; mais l’existence de ces carnassiers austraux resla douteuse, jusqu’à ce que M. Harris en ait publié une description accompagnée de figures qu’on trouve insérée dans’ le neuvième volume (pl. 49) des Frans- actions de la Société linnéenne de Londres. M. Des- marest reproduisit le dessin gravé en noir de M. Har- ris dans la planche n° 7 feuille 5, de ses figures supplémentaires pour l'Encyclopédie. L'intérêt, dont est pour la science l’animal qui nous occupe , nous à engagé à en donner une repré- sentation coloriée, d’après le bel individu qui orne les galeries du Muséum. LE THYLACINE DE HARRIS. Thylacinus Harrisii, TEemm.(t). A été séparé du genre dasyure, dasyurus, Gcoff., par M. Temminck. Ce nom vient du grec Sôdayos, qui veut dire bourse, et il convient à tous (r) Monog., t. I, p. 63 ; didelphis cynocephala, Harris, Trans.soc. linn.,t. IX; dasyurus cynocephalus, Geoff.; Desm., esp. 401; Cuv., Règ. an., LI, p. 178; thylacinus - Harrisii, Lesson, Cent, zool., pl. 2. (Atlas, pl, 26.) HISTOIRE NATURELLE les marsupiaux. Déjà M Harris avoit entrevu quel- ques uns des points de rapprochement qui unis- sent cet animal avec les espèces du genre canis, en lui donnant le nom spécifique de cynocephalus, tout en lui appliquant abusivement le nom géné- rique de didelphis, à cause de sa poche abdomi- vale, quoique les didelphes soient tous de l'Amé- rique. Le thylacine a quarante-six dents, c’est-à-dire huit incisives, deux canines, quatorze molaires à la mâchoire supérieure et six incisives; deux canines et quatorze molaires au maxillaire inférieur. Les incisives supérieures occupent une sorte de demi- cercle, et sont séparées sur la ligne médiane par un petit intervalle libre. Les canines et les dernières molaires sont assez semblables à celles des chiens et des chats ; mais les premières mâchelières sont puis- santes et hérissées sur leur couronne de trois tuber- cules. Les extrémités sont terminées en devant par cinq doigts, et en arrière par quatre seulement, et tous sont armés d'ongles forts, puissants, presque droits et un peu obtus à leur sommet. Le museau est assez pointu, terminé par un mufle assez analogue à celui des chiers, et divisé au milieu. Les narines sont latérales et très ouvertes. La queue est pointue, garnie de poils courts, et comme comprimée à l’ex- trémité. Le thylacine de Harris est grand comme un loup de médiocre taille, mais son corps est proportion- nellement plus long et aussi plus bas sur jambes. Ïl marche sur les doigts à la manière des digitigra- des, en appliquant parfois le talon sur le sol comme les plantigrades. La verge du mâle, dont le gland est bifurqué, est placée en arrière du scrotum, et celui-ci semble se cacher dans un repli sacciforme de la peau placé entre les cuisses : il est couvert de poils courts, serrés, rougeâtres en dessus et nu en dessous. Le museau est allongé, un peu resserré sur les côtés, et terminé par une bouche très fen- due. Ses oreilles sont larges à la base et arrondies à leur sommet, et les yeux sont dirigés presque de face au lieu d’être latéraux. Le pelage de cet animal se compose de poils lisses, très rudes, courts, un peu plus longs sur le cou, plus serrés sur le dos, et de nature plus mollette sur le ventre. Il est de couleur gris brun jaunâtre, pointillé de noirûâtre, passant au jaune sur les joues. Mais ce qui rend re- marquable le thylacine, sont douze ou seize larges bandes d’un noir profond qui occupent régulière- ment la partie postérieure du corps, depuis le dos jusqu’à la naissance de la queue, et qui descendent sur les cuisses. Une bande longitudinale noire suit l'épine dorsale et recoit toutes les autres bandes noires qui la traversent. Le dessous du corps et le dedans des membres est d’un gris clair, que relève . Ty LEpItIt , , lhylacinus Harrisu a Harsis , de laciie / 2/47 curl, af Piblepar (2 PRIOR 2 Le #4 WT Je | os AE LAN MT N Fe, « DES MAMMIFÈRES. le rouge des parties dénudées des organes de la gé- nération. La queue, moins longue que le corps, est . d’abord arrondie, puis s’aplatit vers son extrémité que termine une légère touffe de poils : et cette . forme a fait penser à M. Geoffroy Saint-Hilaire que le thylacine étoit un quadrupède nageur. Les dimensions d’un thylacine ordinaire, mesuré par M. Temminck , ont otfert : Pieds. Pouc. Lignes. Longueur totale. . . . . . . « D 2 5 —— = denlalqueue tree HR OA LÉ te ON A) ————— du nezàl'œil. . . . . #4 6 » Hautennédestoreilles. ne -netee NO EC) _————— du corps aux épaules. . 14 4 7 ————— àlacroupe. . . . à o« 14 5 7 Le thylacine de Harris vit exclusivement à la terre de Diémen ou Tasmanie, sur les bords de la mer. Il ne quitte guère les rivages dont les rochers lui servent de retraite, et se nourrit de cétacés échoués, de phoques qu’il poursuit et aussi de kangourous, de poissons et de crabes laissés sur les grèves. Ses mœurs et ses habitudes sont inconnues, et on doit désirer que quelque naturaliste établi à Hobart- Fown veuille bien s’en occuper. M. Cuvier a présenté à l’institut des os de thyla- cine, en tout semblables à ceux de l'espèce qui ha- bite nos antipodes, découverts à l’état fossile dans les carrières à plâtre dé Montmartre. LES MYRMECOPES (). Forment un nouveau genre de mammifères mar- supiaux, découvert tout récemment à la Nouvelle- Hollande. Les peaux seulement ont été rapportées, un peu mutilées, par M. Dale, de Liverpool, qui se les est procurées pendant une exploration faite dans l’in- térieur, à quatre-vingt-dix milles (quarante lieues) au sud-est de l’embouchure de la rivière des Cy- gnes. Ce n’est donc que par conjecture qu’on peut placer cet animal dans l’ordre des marsupiaux. Deux individus seulement ont été vus; ils se réfu- gièrent dans des arbres creux; et l’un d’eux fut malheureusement brûlé en partie pendant qu’on l'enfumoit pour le déloger de sa retraite. Le pays abonde en arbres morts et en fourmilières. C’est d’après cela et d’après quelques particularités de la structure de cet animal que M. Waterhouse a pensé qu'il vit principalement, sinon complétement, de fourmis, et lui a donné un nom (myrmecobius) qui exprime cette manière de vivre. (") Myrmecobius, Walerhouse ; Proced, VI, 69, Her- més, no 52, p. 232. La dentition est exprimée ainsi : incisives À, canines :—", fausses molaires —°, molaires ==", c’est-à-dire qu'il a quarante-huit dents en tout, vingt- quatre en haut et vingt-quatre en bas, mais dispo- sées différemment, puisqu'il y a deux incisives et deux fausses moloires de plus en haut, et au con- traire deux canines et deux vraies molaires de plus en bas. Les pieds antérieurs ont cinq doigts, dont les trois intermédiaires plus longs; les postérieurs ont quatre doigts, dont les deux du milieu surpassent l’interne, et dont l’externe est très court; les ongles sont longs, aigus, presque en faucille ; les jambes sont plus longues en avant. La tête est allongée, avec le museau prolongé et les oreilles médiocres, aiguës; le corps est grêle, la queue médiocre. Quand cet animal fut tué, il laissa sortir sa lan- gue de deux pouces au-delà de l’extrémité du mu- seau, Cette circonstance et le peu de largeur de cette langue, en même temps que sa dentition, font bien penser, en effet, qu’il devoit vivre de fourmis. Quoi- que la peau ait été trop gâtée pour qu’on puisse afirmer qu’ilexistât une poche, cependant on aper- coit une trace de celte poche et deux mamelles. M. Waterhouse pense que le myrmecobius, mieux connu, sera placé dans la classification contre le genre phascogale. Il a aussi quelques points de ressemblance avec le {upaia, de même qu'avec les écureuils de terre ou le genre famias des auteurs modernes. Cette espèce, que M. Waterhouse nomme myr- mecobius fasciatus, est longue de dix pouces (me- sure anglaise) du bout du nez à la racine de la queue; la tête est longue de un pouce et six huitièmes ; la queue a six pouces et un quart. Il esten dessus d’une couleur d’ocre rougeâtre mêlée de poils blancs ; la moitié postérieure du corps est ornée de bandes transverses noires et blanches, disposées à peu près comme celles du thylacinus cynocephalus. Le des- sous du corps est blanc jaunätre; les poils de la queue sont mêlées de noir, de blanc et de couleur d’ocre rougeûtre. LE MYRMECOBE DE LA TERRE DE DIÉMEN(). Diffère du précédent qui vit à la Nouvelle-Galles du Sud, par sa coloration brune noire du dos moins fon- cée. Les rayures, au lieu d’être blanches, sont d’un jaune clair, et diffèrent dans leur nombre comme dans leur arrangement. De plus, enlin , cette espèce a de chaque côté quatre molaires et plus, ce qui porte à cinquante-deux ou vingt-six à chaque maxil- (1) Myrmecobius, Waterhous., Proc., VI, 131. 438 laire, les os de l’appareil dentaire. 11 vit d'insectes, et se tient caché dans les racines des arbres. LES PHASCOGALES. Phascogale. TE. Ont encore été séparés des dasyures pour y placer primitivement un petit animal décrit sous le nom de dasyurus penicillatus. Les caractères que M. Fem-. minck donne à ce nouveau genre sont pris de l’or- ganisation ou des formes du système dentaire, qui présente deux incisives miloyennes, dont les deux supérieures sont saillantes, épaisses, arrondies, pointues au bout, convergentes à la pointe, et sé- parées des incisives latérales par un espace vide. Les inférieures sont un peu couchées en avant, et sont du double plus grandes que les latérales. Les incisives latérales sont au nombre de trois en haut et de cuaque côté, et de deux en bas : elles sont petites, égales et bien rangées. Le nombre total des incisives est donc de huit en haut et de six en bas. Les canines sont de moyenne grandeur, celles d’en bas sont les moins fortes. Les molaires sont au nombre de sept de chaque côté, dont trois fausses molaires, coniques , très pointues et cannelées in- térieurement ; les quatre vraies molaires sont trian- gulaires, plus hérissées et moins égales entre elles que dans les sarigues. Le nombre total des dents du genre phascogale est donc de quarante-six. Tem- minck, jugeant du genre de nourriture par la forme dentaire, pense que les phascoga'es doivent être insectivores, et que l’arrangement des incisives donne à ces animaux une apparence de boutoir comme dans le; sarigues, dont i!s doivent être les représentants dans l’Australie. Ils diffèrent des dasyures, suivant lui, 1° par le nombre des molaires, les phascogales en ayant sept, tandis que les dasyu- res n’eu ont que six, et par les incisives, qui chez les premiers sont inégales et de deux sortes, tandis que chez les seconds elles sont disposées sur une seule rangée. Les dasyures vrais n’ont point de boutoir et leurs oreilles sont couvertes de poils. Les deux espèces connues sont : 4° Le PHASCO- GALE A PINCEAU ( phascoga'e penicillata, Femm. ), un peu plus gros qu’un surmulot à queue très touf- fue, à pelage uniforme cendré, court, laineux, épais, plus e air en dessous. Il se tient sur les arbres à la Nouvelle - Hollande. 2° Le PHASCOGALE NAIN (Ph. minima, Temm.); plus petit que le lérot d’'Eu- rope, à pelage cotonneux, d nse, et d’un roux uni- forme. Il hibite la pointe méridionale de la Fasma- nie ou terre de Van-Diémen. HISTOIRE NATURELLE LES DASYURES. Dasyurus, GEOFr. Nom tiré dugrec, 3:55, et 09%, signifiant queue ve- lue,ont deux incisives et quatre molaires de moinsque les sarigues à chaque mâchoire, ce qui porte le nom- be de leurs dents à quarante-deux. Leur tête esttrès conique, pointue ; leur: oreilles sont médioces, cou- verte; de poils ; leurs pieds de derrière ont le pouce rédui: à un simple tubercule qui manque même par- fois; leur queue garnie de longs poils n’est pas pre- nante. En un mot, par leur facies général, ce sont des renards, etils semblent remplacer ces animaux sur le continent de la Nouveille-Hollande. Es vivent d’in- sectes, de cadavres, et s’insinuent dans les maisons des colcns, où leur voracité les fait redouter. Les espèces que l'on doit admettre sont : 1° Le spotted martin de Phillipp, ou DASYURE TACHETÉ de Pé- ron (1) dasyurus macrurus, Geoff.), grand comme un chat, brun tacheté de blanc, se tenant sur les bords de la mer, aux alentours du port Jackson, et il dépèce les animaux morts rejetés sur les rivages par les flots. M. Owen a disséqué un individu fe- melle de cette espèce, et a publié les observations ci-jointes; cette femelle pesait trois livres huit onces” et demie ( mesure anglaise). Sa longueur, depuis l'extrémité du museau jusqu'à l’extrémité de la queue , étoit d’un pied quatre pouces; la tête avoit quatre pouces et la queue un pied deux pouces et demi. Le pancréas s’offroit sous forme d’un corps glanduleux , aplati, divisé, envoyant un prolonge- ment au côté de la rate, et dessinant un T romain. La rate occupe la portion gauche et dorsale de la région épigastrique : sa forme est comprimée et trièdre, à peu près comme dans les kangourous, mais avec moins d’ampleur. 2 L’oursix ( D. ursinus, Geoff.) (?), dont le pe- lage se compose de lon::3 poils grossiers, noirs, avec quelque; taches bianches ; la queue de moitié plus courte que le corps, presque nue en dessous. Il vit sur le bord de la mer à la terre de Diémen ; s1 taille est celle du biaireau. M. Fr. Cuvier fait de cet ani- mal le type de son genre sarcophile. 5° Le MAUGE (dasyurus Maugei, Geoff.) (;, de la taille du pu- tois, olivâtre en dessus, cendré en dessous, mou- cheté de blanc; la queue unicolore. Sa voracité est très grande, il chasse la nuit aux environs du port Jackson. 4 Le viverriN (D. viverrinus, Geoff.) (4, (r) Atlas, pl, 33; Screb., pl. 1452, B. a. (2) Didelphis ursina, Harris, Trans. Soc. linn., t. IX, pl. 19, f. 2: Encycl., pl. 7, fig. 6, suppl; sarcophilus ursinus, F. Cuv., 70e livr. (3) Quoy et Gaim., Ur. pl. 4, p. 54. (1) Spotted opossum, Philipp. It: atlas, pl.25. Dasvurus Viverrinus , CC Ttttt, 4 ! lublie par lourrat La larrs / s / j 2 ; L'asipure ze. Hauge PR TERRE LENS ; Lanrgetrett LR DL DUC Publie par l'ourrat F.a Paris MAI NO PAIN] sd pq € » AWAtU(t2 a VAL LA JDD, Do 4 = CHJAUVONOG SOPUVIOT | DES MAMMIFÈRES. brun noir, moucheté de blanc, du port Jackson. 5° Le Tara ( D. tafa, Geoffroy }, ou {opoa-tafa de J. Wiite, qui diffère à peine du précédent, et qui pourroit bien n’en être qu’une variété d’âge. Soi pelage est brun, non moucheté, et sa taille est plus mince que celle du viverrin. Il habite également le pourtour boisé et rocailleux du vaste port Jackson, à la Nouvelle-Galles du Sud. LES PÉRAMÉLES. d Perameles. GEOrr. Ce sont des mammifères carnassiers de la grande famille des marsupiaux, ou animaux à bourse, éta- blie par M. Geoffroy Saint-Hilaire, et dont l’étymo- logie dérive de meies, blaireau, et de pera, poche ou bourse. Illiger, qui aimoit , souvent sans néces- sité, à changer les noms déjà donnés , appliqua à ce genre la déñomination de thylacis, du grec, bourse, qu’il ne faut pas confondre avec le nouveau genre thylacine, thylacynus, proposé tout récemment par M. Temminck aux dépens des dasyures. Les péra- mèles sont rangés par M. Duméril dans sa sixième famille des pédimanesou marsupiaux , et par M. La- treille (Fam. du Rè ;neanim., p.55) dans son sixième ordre, et dans sa première famille, des entomo- phages, avec les sarigues, les chironectes et les dasyures. M. Fr. Cuvier (des Dents) a placé les péramèles dans un ordre différent de celui adopté par ses prédécesseurs. C’est ainsi qu’il les rapproche des hérissons, des tenrecs , des dasyures, et des sa- rigues , au milieu desquels il les range dans ses qua- drumunes insectivores, tandis qu’il res reint les marsupiaux aux phalangers, aux pétauristes, au koala, au wombat, et aux kangourous. M. Geoffroy Saint-Hilaire, qui s’est beaucoup occupé des ani- maux de cette grande famille (et on remarquera comme un fait très intéressant que la Nouvelle- Hollande, à trois espèces près, n’a jusqu’à ce jour offert aux voyageurs que des mammifères marsu- piaux ), créa d'abord deux genres pour les deux pé- ramèles alors connus. Le premier avoit pour type le perameles nasuta, Geoffroy ; et le second, nommé isoodon, renfermoit l'espèce nommée par Shaw di- delphis obesula, et qui est le perameles obesula de Geoffroy. Le genre isoodon , qui n’est point demeuré dans la science , avoit pour principal caractère des différences dans son système de dentition. En effet, il présente cinquante dents : dix incisives, deux ca- nines , et seize molaires, dont huit fausses molaires et huit molaires à la mâchoire supérieure; et huit incisives , deux canines, et douze molaires, dont six fausses et six vraies à la mâchoire inférieure. Récem- ment M. Say, naturaliste américain, a appliqué ce 439 nom d’isoodon au genre que presque immédiate- ment M. Desmarest décrivoit sous le nom de cap'omys. Les caractères des péramèles, tirés premièrement du système dentaire, sont : quarante-huit dents: dix incisives, deux canines, six fausses molaires, huit vraies molaires, à la mâchoire supérieure; six incisives, deux canines, six fausses molaires, huit vraies molaires, à la mâchoire inférieure. Les incisi- ves d’en haut ; d’après M. Fr. Cuvier, sont disposées à extrémité d’une ellipse très allongée, dont la con- vexité est en dehors: elles sont au nombre de cinq de chaque côté; la première est petite, tranchante, et couchée en dedans; les trois suivantes, semblables lune à l'autre, et un peu plus grandes que la pre- mière, sont aussi coupantes, mais leur tranchant est un peu oblique d’arrière en avant; ces quatre dents se touchent, et après elles existe un espace vide qui les sépare de la cinquième incisive qui est petite, poin- tue, comprimée de dedans en dehors, et un peu cro- chue ; un espace vide sépare cette dernière de Ja canine , dont la forme est très pointue, très crochue, comprimée de dedans en dehors, mais à bords ar- rondis. Les deux premières fausses molaires se res- semblent, et ne different point de la formedes vraies molaires ; celles-ci ont l’aspect de celles des des- mans, et sont composées de deux prismes posés sur une base qui s'étend en portion de cercle dans l’in- térieur de la mâchoire; la dernière des molaires est tronquée obliquement à sa partie postérieure; les dents de la mâchoire inférieure, en suivant toujours les idées de M. Fr. Cuvier, présentent les moditica- tions suivantes : les trois incisives de chaque côté sont couchées, disposées sur une ligne oblique par rapport à celles du côté opposé ; les deux premières sont simples, petites et tranchantes; la troisième, un peu plus grande, est bilobée; la canine est dé- jetée en dehors, plus épaisse et pluscourte, quoique de même forme que celle d’en haut ; les molairesin- férieures ressemblent aux supérieures. Dans les vieux individus, les prismes des molaires s’usenten grande partie. Les autres caractères du genre, tirés de l’en- semble des formes extérieures ou zoologiques et anatomiques, sont : une tête longue, un museau pointu, des oreilles médiocres; des membres à cinq doigts robustes, garnis d’ongles grands, presque droits, bien séparés aux pieds de devant ; le pouce et le petit doigt rudimentaires , ou sous forme de sim- ples tubercules ; les pieds de derrière sont une fois plus longs que ceux de devant, à quatre doigts seu- lement , dont les deux plus internes sont t ès petits, réunis et enveloppés par la peau jusqu'aux ongles; le troisième est robuste, et le quatrième externe est très petit. La queue est non prenante, mais velue et lâche , peu épaisse à sa base, médiccrement lon- gue, pointue, et un peu dégarnie de poils en des- 410 sous. Les femelles ont une poche abdominale. Le pelage est composé de deux sortes de poils. Suivant M. Geoffroy Saint-Hilaire ( Annales du Muséum, t. IV, p- 59 et suiv.), les péramèles sont des mammifères voisins des sarigues par leurs for- mes extérieures, mais dont ils diffèrent par leurs mœurs. Leur nez allongé indique que le sens de l’o- dorat est très développé, et qu’ils doivent habiter des galeries souterrainesqu’ils se creusent avec leurs ongles robustes, et qu’ils y vivent de chairs mortes, de reptiles, ou plutôt d'insectes. Ils poussent un petit cri aigu , analogue à celui du rat, quand ils sont in- quiétés. MM. Quoy et Gaimard observèreut dans les dunes de l'ile Dirck-Hatichs des trous qu'ils sont disposés à regarder comme faits par les péramèles, ce qui légitimeroit l’idée de M. Gcofiroy Saint- Hilaire. Nous devons dire aussi que les colons an- glois, quiles nomment bandicoot, nous assurèrent qu'ils habitoient des terriers. C’est surtout près de Liverpool, dans la Nouvelle-Galles du Sud, qu'ils sont le plus communs. La forme des pieds rapproche évidemment les péramèles des kangourous, cepen- dant ces derniers n’offrent point l’espèce de pouce qu'ont les premiers. Cette disposition doit donner quelque analogie à leur manière de marcher, et MM. Quoy et Gaimard rapportent qu’ils courent en sautillant. Les jambes postérieures, plus longues que les antérieures, doivent aussi leur permettre de s’é- lancer facilement par bonds, ou de se tenir sur leur derrièie. Leur queue, d'un autre côté, ne peut guère leur être d’une grandeulilité dans cette circonstance, tandis qu'on sait que les kangourous s’en servent comme d’un appui avantageux. Les appareils géné- rateurs et des sens n’ont point encore été étudiés : leurs habitudes sont aussi entièrement inconnues. Ils paroissent habiter de préférence le littoral de la Nouvelle-Hollande et les cantons sablonneux et plats. On les a observés à la Terre d'Endracht et à la Nouvelle-Galles du Sud seulement. LE PÉRAMÈLE NEZ POINTU. l'erameles nasuta (1). Cette espèce a pour diagnose les caractères spé- cifiques suivants : une têle très longue, un museau effilé, un nez prolongé au-delà de la mächoire, et six incisives inférieures. Le corps a de longueur un pied quatre pouces, et la queue environ six pouces. Ses oreilles, suivant M. Geoffroy Saint-Hilaire, sont courtes et oblongues , ses yeux très pelits. Son poil () Geoffroy, Annal. du Hus.,t.1V,p. 62, pl. 44; G. Cuvier, Règne animal, &. 1, p. 177; Desmarcest, Mammalogie, sp. 409 ;F. Cuvier, Dictionn. des Scienc. natur., t, XXXVUE, p. 416. HISTOIRE NATURELLE est médiocrement fourni, plus abondant ct plus roide sur le garrot, mélangé d’un peu de feutre et de beau- coup de soie, cendré à son origine, et fauve ou noir à la pointe; la teinte générale est en dessus d’un brun clair ; tout le dessous du corpsest blanc, et les ongles sont jaunâtres. La queue est d’une teinte plus déci- dée, brune, tirant sur le marron en dessus, et chà- tain en dessous. Le péramèle nez pointu a été rap- porté de la Nouvelle-Hollande par Péron, mais on ne sait pas au juste de quelle partie. = LE PÉRAMÈLE DE BOUGAINVILLE. Peraineles Bougainvillii (1). L'individu décrit par les naturalistes de l’expé- dition autour du monde du capitaine de Freycinet est un jeune non adulte. M. Temminck , dans son Analyse de Mammalogie , le regarde comme le pre- mier âge du péramèle nez pointu ; mais il suflit de l'examen de ses caractères les plus apparents pour s'assurer positivement du contraire. Le bougain- vêlle, plus élancé dans ses formes, est aussi beau- coup plus petit quelenasuta, mais ses oreilles sont considérablement plus développées proportionnel- lement. Le péramèle Bougainville est remarquable, suivant MM. Quoy et Gaimard, par son corps al- longé, plus large en arrière qu’en avant; par son nez effilé dépassant les mâchoires, ses moustaches longues et bien fournies, ses yeux médiocres, ses oreilles de forme oblongue et longues d’un pouce. Son poil, médiocrement dru, plus abondant sur le garrot, mêlé d’ur peu de feutre, est cendré à l’o- rigine, et roux ou brun à la pointe. Le pelage, dans toutes les parties supérieures, à une teinte rousse assez vive ; un cendré légèrement mélangé de roux se remarque en dedans des membres et au dessous du corps ; la queue est d’un roux brun en dessus et roux cendré en dessous ; les ongles sont jaunâtres ; quelques poils isolés très longs se font remarquer sur les membres antérieurs, près des articulations. La longueur du corps est de six pouces, celle de la queue de deux pouces et demi; des membres anté- rieurs, un pouce quatre lignes ; des membres pos- térieurs, deux pouces et demi, Les dents canines sont petites, peu fortes, et ne dépassent pas le niveau des premières molaires, tandis que dans le péramèle museau pointu elles ont une longueur au moins dou- ble. De plus, l’espace interdentaire, qui sépare la dernière incisive de la canine supérieure, est plus grand dans le bougainville que dans le nasuta, d'où il résulte une longueur encore plus considérable du () Quey ct Gaimard, Zoologie de l'Uranie, p. 66, pl. 5. 1 DES MAMMIFÈRES. museau. La troisième incisive inférieure est bilobée ; les molaires tranchantes sont un peu écartées les unes des autres : la dernière de ces dents est très petite, et comme rudimentaire sur l’une et l’autre mâchoire. Les dents du fond de la bouche ne pa- roissent offrir aucune trace d’usure : ellessont à base large et à couronne hérissée de plusieurs petites pointes, dont le nombre varie de cinq à huit. De cette disposition, disent MM. Quoy et Gaimard, jointe à des pieds fouisseurs et au prolongement du nez, on doit admettre comme très probable aue c’est un animal principalement insectivore. Ce pé- ramèle, dédié à la mémoire du navigateur de Bou- gainville, a été tué sous des touffes de mimosa, au bas des dunes de la presqu’ile Péron, à la baie des Chiens-Marins. MM. Quoy et Gaimard mentionnent sous le nom de PÉRAMÈLE-LAwSON ( Zoologie, p. 57 et 7114) une grande espèce, récemment découverte , et qui leur fut donnée à Bathurst, au-delà desmontagnes Bleues. Elle pouvoit avoir deux de. l'extrémité de la tête à la queue. Son pelage étoit roux brun en des- sus, et comme fauve en dessous. Ils la perdirent dans le naufrage de l’Uranie, aux îles Malouines. Nous serions fort tenté de regarder comme un péramèle un animal que nous avions découvert dans l'ile de Waïigiou, et que notre collègue Garnot per- dit dans son naufrage au cap de Bonne-Espérance. La seule note que nous ayons sur ce petit mammi- fère, nommé Æalubu par les naturels de l'ile de Waigiou, est celle-ci : le kalubu est de la famille des marsupiaux. Son pelage est d’un gris fauve ; la queue est presque nue, longue de dix-huit lignes; le corps est de la grosseur d’un mulot ( arvicola ). Il a cinq doigts aux pieds antérieurs , dont les deux externes sont très courts, tandis que les autres sont très allongés et munis d’ongles forts. Les pieds de derrière ont également cinq doigts, dont un pouce petit et sans ongle. Les doigts du milieu sont réunis comme dans les phalangers, et l’externe est très long ; la poche marsupiale est peu apparente. LE PÉRAMÈLE OBÉSULE. Parameles obesula (1). Cette espèce ne diffère des péramèles, suivant M. de Blainville, que par le système de dentition. Elle a été primitivement établie par M. Geoffroy Saint-Hilaire, d’après des renseignements obtenus (") Geoffroy, Annal. du Mus., t. IV, p. 6%, pl. 45; Desmarest, Mammalogie, sp. 410 : isoodon, Geoffroy : isoodon obesula, Fr. Cuvier, Dictionn. des Scienc. natur., L XXXVII, p. 416 : didelphis obesula, Shaw, Mise., n° 96, pl. 298. 1, A4 des naturalistes anglois sur le didelphis obesula de Shaw, conservé dans la collection d'Hunter. Il en résulte que sa tête est assez courte, son chanfrein arqué; qu’il à huit incisives à la mâchoire inférieure, Sa taille est celle du surmulot; ses formes sont plus ramassées, plus courtes, que dans les deux précé- dentes, toutes proportions gardées Les oreilles sont assez larges, arrondies; le pelage tirant générale- ment sur le jaune roussâtre , entremêélé de soies noi- râtres à leur extrémité; le ventre est blanc. On ne connoît rien de ses habitudes ni de ses mœurs. La Nouvelle-Hollande estsa patrie. M. Geoffroy Saint- Hilaire rapporte avec doute à cette espèce un indi- vidu du Muséum, qui est incomplet, mais dont la taille est du double de celle de l’obesula, auquel il ressemb e toutefois par les oreilles, le museau, et les couleurs, quoique plus brunes, du pelage. Il y a aussi quelques modifications dans l’appareil masticatoire. LE PÉRAMÈLE LAGOTIS (1. À été découvert à la terre de Diémen et paroît exister sur les côtes occidentales de la Nouvelle-Hol- lande. Son nom indigène est Dalgheit, tandis que les colons le prennent pour un lapin. Son pelage est gris, mais la tête, la nuque et le dos, sont lavés de marron. Les joues, les côtés du cou, les épaules, les flancs, la partie externe des cuisses et la base de la queue sont aussi d’un marron clair. Le menton, la gorge, les parties inférieures du corps et internes des membres sont blanchâtres. Ce péramèle a son pelage formé de poils mous et longs, tandis que ceux qui revêtent la queue sont durs. Ses moustaches sont très fournies, ses oreilles sont larges, ovalaires, nues en dedans, garnies de poils bruns et ras en dehors, plombés à la base. Sa taille est de cinq pouces trois lignes. ( Mes. angl.) Cet animal a été rencontré dans la partie élevée de la rivière des Cygnes, dans le district d’York à la Nouvelle-Hollande, Nous ajouterons aux espèces australiennes, jus- qu’à ce jour les seules connues, le kaloubou (pera- meles doreyanus) (?) de la Nouvelle-Guinée. Nous avons signalé ce kalubu ou kaloubou dans l’ile de Waigiou, et nous l’avons décrit dans la partie z00- logique du Voyage de la Coquille (tom. E, part. 1, p. 425) d’après des notes, ayant perdu, dans le naufrage de M. le docteur Garnot, sur la côte du cap de Bonne-Espérance, la seule dépouille que nous avions pa nous procurer. Ce péramèle a la queue nue, le corps épais, brun en dessus, fauve en des- (°) Perameles lagotis, Reid., proceed , VI, 129. () Quoy et Gaim., Astrol, zool., t,#, p. 100, pl. 16, fig. 14 à 5. 26 442 sous, les oreilles Targes et arrondies, les poils planes, rugueux, lancéolés. Adulte, ses dimensions vont jus- qu'à dix-huit pouces, tandis que sa queue n’a que trois pouces. ME. Quoy et Guaimard trouvèrent cet animal sur les bords du havre de Dorey (1). LES PHALANGERS, Phalangista. Cux. Les mammifères connus des naturalistes par le nom de phalangers appartiennent à l’ordre des car- nassiers , et à la famille des marsupiaux qu'ont éta- blie MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Cuvier. Hliger nomme phalangista les pétauristes ou phalangers volants, et balantia les phalangers qui nous occu- pent. Ce nom de bulan ia, du grec bourse, n’est guère heureux, car il est applicable à tous les mar- supiaux, sans aucune distinction. Les plus grandes erreurs ont long-temps obseurei l'histoire de ces mammifères. La principale découloit de la fausse idée que l’Amérique seule produisoit des didelphes, et qu’il étoit très douteux qu’il en vint des Indes orientales. Aussi l'animal le plus anciennement dé- crit par Daubenton, et auquel il imposa le nom de phalanger, adopté par Buffon, fut long-temps connu sous le nom erroné de rat de Surinam. Ce pha- langer, le «idelp'is orientalis de Linnæus, resta en effet, jusqu’à ce jour, la seule espèce du genre pha- Janger qu'on mentionnât. Si cet animal ne fut pas plus tôt reconnu appartenir à une famille distincte, on doit l’attribuer à l’esprit de système qui obseurcit souvent les idées les plus claires. Clusius en effet avoit cité assez longuement, en 4605, sous le nom de cusa, le phalanger d’Amboine. Valentyn (Hist. des Moluqurs, t. III, p. 272, F. D. 1726) vint en- suite, et le décrivit de nouveau sous le nom malais de coëscoës; mais comme il entremèéla les traits de son histoire avec ceux de son philander, qui est le &angourou des anciens, Less. ( Xangurus brunii, L.), Séba, qui figuroit et décrivoit sans soin tout ce qui lui tomboit sous la main, s’'empara de ce nom de philander, qui désignoit un animal marsupial, et le donna à des sarigues du Brésil. De là est découlé un amas inextricable d'erreurs de synonymie, que les modernes seuls ont pu débrouiiler : car Buffon a dit formellement qu’il ne voyoit aucune différence entre le philandre d’Amboine et son sarigue ; et dans le tome XIII (Sup L.) de son Histoire naturelle il re- garde comime les deux sexes de son phalanger de Surinam les phalangers tachetés de blanc, que des différences majeures d'organisation auroient dû lui () Shaw a figuré le P, obesula, t. VII, p. 298 de ses Misc. HISTOIRE NATURELLE faire distinguer dès la première vue. Séba avoit ce- pendant donné sous le nom de mus ou sorex ameri- canus major une figure reconnoissable de phalanger (th. TE, p. 59, tab. 51, f. 8); mais il est vrai qu'il lui donna, comme Buffon, l'Amérique pour patrie. Lin- næus n’a connu que le didelphis orientalis, ou sari- gue oriental. El en est de même de Pallas, qui le laisse parmi les sarigues, dans ses Miscellanea, page 59, ainsi qu'Erxleben, page 79. Müller le nommoit di- delphis indica. Les voyages de Cook, de Péron , de Quoy et Gaimard, et le nôtre, ont multiplié les es- pèces dans les collections, et aujourd’hui ces mam- mifères sont beaucoup mieux connus, quoiqu’ils soient en général très difficiles à caractériser par les variétés nombreuses qu’ils présentent, soit par leur taille, soit par les couleurs du pelage, Les phalangers sont des animaux essentiellement propres aux iles d'Asie, à la Nouvelle- Hollande, à la Tasmanie. Daubenton leur à donné le nom qu’ils portent d’après les caractères que lui a offerts le di- delphis orientalis, d’avoir le premier et le second doigts des pieds 1e derrié soudés jusqu’à la dernière phalarnge. Mais ce caractère s’est reproduit chez plu- sieurs animaux de l'Australie qu’on avoit rangés d’abord parmi eux , et qu’on en a séparés ensuite, et à juste raison, tels que les pétauristes. Les phalan- gers des auteurs modernes devroient encore être sé- parés en deux tribus; quelques traits d'organisation, les habitudes, les mœurs, et surtout les limites géo- graphiques, l’exigent impérieusement. Ainsi les sa- riques seroient les représentants dans les deux A mé- riques des phalangers ou des couscous des îles des Indes orientales que nous avons nommées Malaisie, et des phalangers ou des trichosurus (que nous nom- mons ainsi, queue velue, par opposition avec la queue nue des couscous) de la Nouvelle-Hollande et de la Terre de Diémen. Lacépède avoit d’ailleurs, en 1799, adopté le genre couscous, qu’il nomma tel que Valentyn l’avoit écrit en hollandois , coëscoës, mais dont le nom malais et euphonique est couscous, mot plus doux à prononcer et plus en rapport avec notre nomenclature. Temminek (Monog., p. 10 , en note) dit qu’il avoit eu l’idée de faire des couscous un genre sous le nom de ceonyx, mais que ces coupes nom- breuses lui paroïissent fort inutiles, souvent à charge à la mémoire, lorsqu'elles ne reposent pas sur des caractères faciles à saisir. Nous sommes de cet avis en un sens; mais nous dirons que le nom de ceonyæ auroit été inutile, puisque déjà on avoit appliqué un terme de pays suffisamment connu et de prononcia- tion facile, et qu’ensuite, lorsqu'on isole par des ca- ractères précis des êtres de pays différents, de mœurs non analogues, de formes légèrement dissemblables, on rend service à la science, on avance la géogra- phie zoologique, dont les circonscriptions deviennent plus faciles, sans embarrasser sa marche. N’est-il DES MAMMIFÉRES. pas avantageux et naturel de séparer les pétauristes et les trichosures de l’Avstralie, et les couscous de la Polynésie occidentale ? Cependant, pour satisfaire à l’exigence la plus difficile, nous regarderons dans cet article le genre phalanger comme seulement sec- tionué en deux sous-genies; et c’est aprés avoir présenté les caractères de ces derniers, que nous ajouterons les détails généraux qui se rapportent à chacun d’eux. Le système dentaire du genre phalanger, étudié par M. F. Cuvier dans plusieurs espèces, telles que les phalangers roux, tacheté, renard et sciurien (ce dernier appartient au genre pétauriste actuel), a pré- senté la même quantité de dents et les mêmes for- mes. Celles-ci sont au nombre de quarante, vingt- deux supérieureset dix-huit inférieures ; six incisives à chaque mâchoire, point de canines; douze molaires en haut, huit vraies et quatre fausses ; seize en bas, huit vraies et huit fausses. Le phalanger tacheté, cuscus maculalus, comp! A8 adulte, nous à offert le même nombre de dents : six incisives supé- rieures, deux canines ou incisives de chaque côté, dix molaires et deux fausses molaires ; en bas nous avons trouvé deux incisives seulement, point de ca- nines, douze molaires et six fausses molaires. Mais voici quelques particularités qui ne s’accordent point avec ce que dit M. F. Cuvier. La mâchoire supé- rieure présente les deux incisives antérieures beau - coup plus longues que les latérales, qui sont très courtes et tronquées au sommet. La première pseudo- canine de chaque côté est logée dans une alvéole à moitié creusée dans l’os incisif, et séparée par un espace libre de la seconde pseudo-canine, qui est plus petite. Elles sont toutes les deux recourbées, à pointe mousse, et aplaties transversalement. Entre la première et la dernière molaire existe un étroit espace libre où se fait remarquer une très petite dent placée à la base de la première molaire, et dont la couronne est aiguë et bifasciée. Les quatre dernières molaires sont égales, à couronne quadricuspide. La mâchoire inférieure n’a que deux incisives très lon- gues, très fortes, taillées en biseau; trois fausses molaires rudimentaires de chaque côté, à couronne arrondie : la première molaire et les quatre suivantes ne diffèrent point de celles de la mâchoire supérieure. M. Temminck dit que cette espèce, le phalanger ta- cheté, a seulement deux dents minimes, obtuses à la mâchoire inférieure dans l’adulte, et que les jeunes ont encore une très petite dent à chaque mâchoire, entre la canine et la première molaire, à la mâchoire supérieure, entre la seconde dent anomale et la pre- mière molaire inférieure, et que ces petites dents tombent, et que les alvéoles se ferment dans un âge plus avancé; propositions évidemment erronées, puisque l'individu que nous avons étudié est d’une taille bien supérieure à tous les phalangers décrits et 143 aux dimensions assignées par M. Temminck, Mais si le système dentaire ne peut toujours fournir des caractères rigoureux, c’est bien certainement dans ce genre. On peut en juger par la séparation pure- ment artificielle que M. F. Cuvier a été conduit à faire dans son article Paalanger du Dictionnaire des Sciences naturelles. Cet auteur admet en effet deux divisions, 4° des phala gers, 2° des petaurus. La première division comprend « des phalangers à queue prenante, B des phalangers volants. La seconde a aussi deux sections ; x des petaurus à queue prenante, et à des petaurus volants. Mais il est aisé de voir que les formes extérieures, les mœurs et les habitudes, en un mot les distinctions qui frappent nos sens, ne sont pas conservées dans uae division qui est entiè- rement anatomique, et qui ne repose que sur des parties non toujours identiques en nombre et en forme , etc. M. Temminek, dans sa première Mono- graphie, consacrée à l'histoire du genre phalangista, qu’il a enrichi de bons détails et d’espèces nouvelles Ë a trouvé dans son phalangisia cavifrons le même nombre et la même disposition dans les dents que nous; et ce nombre, différent de celui qui s’observe dans les autres espèces, d’après les auteurs modernes qui s’en sont occupés, varie assez pour qu’on ne lui donne qu'une attention secondaire dans l’établisse- ment d’un genre. Les caractères zoologiques des phalangers sont : une tête arrondie, à museau obtus, à chanfrein lé- gèrement arqué ; des oreilles variables, un peu lon- gues dans les trichosures, courtes et souvent peu apparentes dans les couscous ; les pieds sont penta- dactyies, isolés ; les antérieurs munis d'ongles forts et crochus ; les doigts internes des pieds postérieurs égaux, beaucoup plus courts que les quatrième et cinquième, et réunis par la peau jusqu’à la base des ongles; un pouce opposable, distinct, à ongle aplati et mince; queue nue au bout ou couverte de poils, enroulante, robuste, très longue ; une poche abdo- minale ample chez les femelles, un serotum pendant et velu chez les mâles. Daubenton nous a laissé la description anatomi- que des parties et des viscères du phalanger de Buf- fon, dans le tome XITF, page 94 de l'édition royale. M. Garnot ayant disséqué le couscous tacheté, et en ayant mis le résultat à la suite de notre descrip- tion de cet animal dans la Zoologie de la Coquille, tome [, page 455, nous nous servirons de ce travail pour résumer les traits les plus saillants de lorga- nisation de ce genre. Le squelette a treize vertèbres dorsales ; treize côles , sept vraies et six fausses ; le sternum est composé de sept pièces, six vertèbres lombaires et vingt-neuf dans la queue ; les os marsupiaux ont neuf lignes de longueur ; la langue est charnue, légère- ment rugueuse sur sa face supérieure, ayant un es- 444 pace quadrilatère noir à la base, long de sept lignes; le thorax est étroit en avant, s’élargissant inférieu- rement, de la forme d’un cône tronqué, ayant cinq pouces et demi dans sa plus grande dimension ; sa longueur, y compris l’appendice xiphoïde, est de trois pouces quatre lignes ; le sternum est étroit ; l'abdomen ample, plus large à sa partie moyenne qu’à ses deux extrémités : l’inférieure surtout est très rétrécie : l'estomac occupe toute la région épigastri- que, et s'étend un peu dans l’hypochondre gauche. Le foie est divisé en cinq lobes inégaux, dont deux sont beaucoup plus grands et échancrés; la vésicule du fiel est ample, très distendue, sacciforme, logée entre le grand lobe droit et le troisième , et cachée par eux; la rate est pelite, allongée, rétrécie à une de ses extrémités ; les intestins forment de nom- breuses circonvolutions ; le cœcum est long de dix- huit pouces, ample, et terminé par un appendice vermiforme ; les intestins grêles ont de cent douze à cent quinze pouces de longueur ; les reins sont peu volumineux, ils ont de quinze à seize lignes de di- mension; les uretères en ont cinq : la vessie est al- longée, piriforme ; la verge est placée derrière le scrotum, et le gland est surmonté d’un prépuce pointu. LES COUSCOUS. : Cuscus. Less. (1). © Queue entièrement nue, et papilleuse à son ticrs inférieur; oreilles toujours courtes, et souvent non apparentes ; tête arrondie, museau pointu, pupiile verticale ; animaux nocturnes, nourriture frugivore ; patrie , les îles des Moluques et Papoues : dans les arbres. Les couscous sont des animaux à tête arrondie, à museau conique, à oreilles très courtes ou cachées dans les poils; les yeux sont grands, très saillants, et à fleur de tête; leur pupille verticale annonce des habitudes nocturnes, et.leur donne dans le jour un air de profonde stupidité. Leur pelage se compose en entier d’un feutre très serré, très épais, lanugi- neux, d’où sortent, en plus ou moins grande abon- dance, des poils soyeux plus longs que le pelage Jaineux. Leurs mouvements décèlent une grande paresse, et ils ne s’animent que lorsqu'ils sont con- trariés ; ils grognent en siflant alors à la manière des chats, et cherchent à mordre. En général, même en captivité, ils sont très doux, ils préfèrent les re- coins les plus obscurs, et le grand jour paroit les affecier péniblement : ils se nourrissent de fruits, de moelle de sagou , boivent en lapant, se frottent sans 4) Coëscoës, Lacépède ; ccunyx, Temminck, p. 10. HISTOIRE NATURELLE cesse la face et les mains, et aiment à enrouler leur queue et se tenir sur le bassin et sur les deux pieds de derrière. En domesticité, deux couscous que nous cherchâämes à apporter en France mangeoient du pain et même de la visnde. Mais on ne peut rien conclure de ce dernier fait; car un kangourou que nous avions préféroit aussi, à toute autre substance, les chairs cuites qu’on lui présentoit. Les couscous laissent exhaler une odeur fragrante, très expan- sible, que sécrète un appareil glanduleux placé sur le pourtour de l’anus. Souvent dans les immenses forêts des Moluques et de la Nouvelle-Guinée nous avons été saisis par cette odeur fétide, qui nous aver- tissoit de la présence d'un de ces animaux, que nous déroboit à la vue un feuillage pressé et très touffu. Les naturels de ces terres en détruisent beaucoup ; et M. Cuvier a imprimé qu’on faisoit tomber les couscous des branches où ils se tiennent par leur queue enroulée, en les regardant long-temps. Ce fait est très probable car les Nègres du port Praslin, à la Nouvelle-Frlande, en apportoient un si grand nombre à bord de la coryette la Coquille, qu’ils ne devoient pas avoir beaucoup de peine pour s’en em- parer. {ls leur passoient toutefois un morceau de bois dans la bouche, afin sans doute de les empêcher de mordre. Ces peuples aiment singulièrement la chair grasse des couscous; ils la font rôtir sur des char- bons avec les poils, et ne rejettent que les intestins. Avec les dents ils forment des ceintures et autres ornements ; et leur abondance est telle, que j’ai vu beaucoup d'habitants avoir des cordons de plusieurs brasses de longueur, qui attestent la destruction qu’on en fait. La patrie des couscous est sous l’équateur, dans les profondes forêts humides des îles Moluques, Tidoriennes et Papoues. C’est surtout aux Célèbes, à Céram, à Waigiou, à la Nouvelle-Guinée et à Ja Nouvelle-Irlande, que ces animaux sont très com- muns. Il est probable qu’ils existent sur le système entier des archipels de la Polynésie occidentale, jus- qu'aux îles de Santa-Cruz et de la Louisiade. A. Couscous à oreilles très courtes, velues en dedans et en dehors. LE PHALANGER TACHETÉ. Phalangista maculata. GEorr, (1). Cette espèce a fort embarrassé les naturalistes qui ont essayé de présenter son histoire, tant sont va- (') Desmarest, 411; Temminck, Mon., p. 14; Quoy et Gaimard, AtL., pl. 7 : didelphis orientalis, Linnæus ; Gmelin, 9 : phalanger mâle, Buffon, t. XII, pl. xt, p. 92 et 9%: cuscus amboinensis, Lacépède: cuscus macu- latus, Lesson et Garnot, Zoologie, pl, 8. DES MAMMIFÉRES. riables les couleurs de son pelage aux époques di- verses de la vie. Il n°y a pas jusqu’au système dentaire qui ne présente des modifications dans le nombre des fausses mâchelières, et qui par conséquent ne peut qu’apporter des causes d'erreur dans la des- cription de ce phalanger. Certes, les différences qu’on remarque dans les histoires données par Buf- fon (jeune äge), Quoy et Gaimard {âge moyen), Tem- minck (jeune adult nous (adulte complet), sont assez frappantes pour laisser du doute sur le degré de certitude que présentent ces individus comme variétés d’une même espèce. Le couscous tacheté est très allongé, et de la taille d’un gros chat; la tête est arrondie, à chanfrein légèrement concave, et à museau conique et court ; les oreilles sont peu ap- parentes, très brèves, revêtues de poils en dehors comme en dedans ; les paupières sont épaisses, rou- geûtres, et forment un bourrelet autour de l’œil qui est très saillant et carné; la queue, nue dans plus de la moitié de sa longueur, est chargée de verrues rugueuses, d’un rouge carmin assez vif; les ongles sont robustes, aplatis transversalement, recourbés, terminés en pointe mousse; le pelage est lanugineux, très épais, traversé par quelques soies rares, d’un blanc légèrement jaunâtre sur lequel se dessinent nettement dans l’âge complétement adulte des taches arrondies, séparées, d’un noir foncé ; des taches plus confuses, d’un roux brun, recouvrent les parties ex- ternes des membres; le scrotum est long de dix-huit lignes et très velu ; la face et la partie antérieure du crâne sont d’un jaune assez vif; les parties nues des mains et des pieds sont rougeâtres, ainsi que les narines et les lèvres. L'espèce que nous décrivons, et dont nous avons donné dans l’Atlas zoologique de la Coquille une figure qui ne nous satisfait pas entièrement (tant il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de diriger les peintres comme on le désire), a plus de vingt-cinq pouces de longueur, et la queue vingt pouces, et vit sur l’île de Waigiou, où les na- turels la nomment schamscham. L'individu décrit par MM. Quoy et Gaimard a le dessus du cou et l’oc- ciput d’un gris roussâtre, et le dos et les flancs re- couverts de taches irrégulières dont la couleur varie du gris brun au gris roussâtre ; la surface externe des membres offre des taches d’un fauve plus ou moins clair; le dessous du corps est d’un blanc tirant sur le roux; la longueur du tronc, du bout du museau à l’origine de la queue, est de quatorze pouces, et celle de cette dernière est de douze pouces. Sa patrie est l’île de Waigiou. La description du couscous ta- cheté faite par M. Temminck repose sur plusieurs individus rapportés de Banda et d’Amboine. Le pe- Jlage qu’il indique est court, cotonneux et rude; es poils soyeux sont très clair-semés, et des taches ir- régulières blanches et brunes sc dessinent sur le corps ; les poils de la face sont ras, jaunâtres ou blan- . 445 châtres ; les parties inférieures du corps sont d’un blanc pur ; l'extrémité des membres est d’un rous- sâtre très clair; la longueur du corps est de deux pieds neuf ou dix pouces, et celle de la queue d’un pied trois ou quatre pouces. Cette description est applicable à l'espèce primitivement décrite, et n’en diffère que peu. 7 LE PHALANGER QUOY Phalangista Quoyi (1). Cette espèce se rapproche beaucoup de la précé- dente, dont elle ne seroit qu’une variété suivant M. Temminck, qui a très probablement raison en cette circonstance, mais qui a tort dars sa manière dure et tranchante de l’établir ; car ce qu’il dit à Ja fin de son article, relativement à MM. Quoy et Gai- mard, pourroit fort bien lui être rétorqué pour cent articles, mais surtout pour son genre aulacude. Quoi qu’il en soit, le phalanger Quoy seroit entiè- rement gris brunâtre, plus spécialement sur le dos où règne une ligne longitudinale de teinte plus foncée ; des taches de même couleur, et aussi plus foncées, occupent les flancs; le museau et le dessus de la tête sont d'un fauve vif; la gorge et la poitrine sont blanches, et la partie interne des membres à une teinte grisâtre ; les poignets sont traversés par une bandelette roux foncé, et les doigts sont re- couverts de poils noirâtres. La longueur du corps est d’un pied deux pouces, celle de la queue est d’un pied. Il est aussi de l’île de Waigiou. LE PHALANGER OURSIN. Phalangista ursina (?). On est redevable de la connoissance de cette es- pèce à M. Temminck, qui l’a reçue du voyageur néerlandois Reinwardt. Ce phalanger est très re- marquable et très distinct, et nous extrairons tout ce que nous en rApporterons de la Monographie du savant ornithologiste hollandois. Sa taille est à peu près celle de la civette; ses oreilles sont très courtes, cachées, poilues en dedans comme en dehors; la queue de la longueur du corps, noirâtre dans sa partie nue; la tête et le chanfrein à peu près d’une venue; le pelage est plus fourni et plus serré que ‘dans les autres couscous; il est plus rude et plus grossier sur le corps, ras sur la tête, long et frisé (‘) Phalangista Quoy, Quoy et Gaimard, Zoologie, pl. 6, p.58:phalangista päpuensis, Desmarest, Suppl., Mamm., sp. 840. @)Temminck, Honog., p. 10, 446 HISTOIRE sur les oreilles; sa couleur est noirâtre ou noir fauve; les poils soyeux sont noirs, ceux de la iête et du dessus du corps sont de cette dernière teinte; la face, le cou, la poitrine et les parties inférieures, sans distinction, sont d’un fauve roussâtre ; la touffe qui revêt les oreilles est d’un roux jaunâtre ; les parties nues de la face, de la queue, sont noires. Le pelage des jeunes sujets est plus clair; celui des adultes âgés est d’un noir parfait, sans tache ni raies. La longueur du corps est de trois pieds quatre à six pouces. Sa patrie est l'ile de Célèbes, où les habitants mangent sa Chair. a ——_—_—_—_—_—_—_—]—_———— LE PHALANGER A CROUPION DORÉ. Phalangista chrysorrhos (1). Cette espèce est encore due à M. Temminck, et comme la précédente elle a été découverte par M. Reinwardt dans les Moluques. Sa taille est celle du chat sauvage ; son museau est camus ; le front tout d’une venue ; les orei les très courtes et poilues; le pelage ras, serré, cotonneux et un peu frisé, est traversé par des poils soyeux, d’un gris cendré cl'ir sur la tête, blanchâtre sur les oreilles; d’un gris cendré plus ou moins noirâtre sur tout le corps en dessus , et sur les flancs et les membres; d’un jaune doré sur la croupe et sur le dessus de la queue; d’un blanc pur sur la face interne des membres et à la partie inférieure du cou ; une bande noire lon- gitudinale sépare le gris du dos du blanc de l’abdo- men sur les flancs des adultes; la région de la po- che, qui est ample, est de couleur rousse ; la partie dénudée de la queue est d’un jaune terne (sur les peaux desséchées sans doute, mais pas sur le vivant). Les plus grands individus ont à peu près trois pieds, et la queue a treize pouces. LE PHALANGER A GROSSE QUEUE. Plialangista macroura (?). Ce couscous n’a que douze pouces huit lignes du bout du museau à l’origine de la queue, et celle-ci a dix-sept pouces ; il est recouvert d’un feutre épais et grossier, d’où sortent abondamment des poils soyeux et noirs; les dents ne différent point de celles du phalanger tacheté, dont elles ont la forme, seulement les deux incisives supérieures sont plus rapprochées ; celles d’en bas, plus élargies, sont plus obliques en avant; au lieu de trois fausses molaires à la mâchoire inférieure, il n’y en a que deux; les oreilles sont un peu plus saillantes que dans le cous- () Temminck, Monog., p. 12. E) Cuscus macrourus, Lesson el Garnot, Zoologie, pl.6, p.156. NATURELLE cous tacheté ; le front, le chanfrein, sont tout d’une venue; le museau est pointu et eflilé, et a quelque chose de celui des makis ; le pourtour des yeux est brun ; les poils des oreilles sont blanes ainsi que la gorge et le dessous du cou; le corps est, en général, d’un gris cendré ondé de brunâtre; les poils de la queue sont cendrés, roussâtres, noirs à l'endroit où ils cessent ; le ventre et le dedans des cuisses sont blanchâtres ; les poils qui lent les do gts sont noirs; les ongles sont jaun ous n’avons {rouvé qu’un seul individu de cette espèce , sur les bords de la baie d’Offack, dans la grande île de Waigiou. B. Couscous à oreilles un peu saillantes, complétement nues en dedans. LE PHALANGER BLANC. Phalangista alba. GEoOrr. (1). La figure que Buffon a donnée de cette espèce est mauvaise, et nous n’en connoissions pas de bonne avant celle dont nous sommes redevable au pin- ceau de M. Prêtre. Le couscous blanc ( car celui que M. Geoffroy a nommé phalanger roux n’en est que la femelle) a le corps long de vingt pouces six lignes, et la queue de treize pouces six lignes. Son pelage est épais, cotonneux, garni de soies fines, longues et nombreuses. Le pelage (dans le mâle) est d’un blanc légèrement gris, teinté de fauve, et marqué d’une raie longitudinale plus foncée sur le dos; les doigts sont légèrement velus, les ongles sont noirs; la femelle est d’un roux assez vif, ayant aussi une raie rousse sur le dos : mais :es oreilles de ce cous- cous ont cela de remarquable, qu’elles sont assez apparentes, pointues et nues en dedans. Le pha- langer blanc, nommé kapoune par les Nègres de la Nouvelle-Irlande, est commun au port Praslin, et sa chair est très estimée des naturels. M. Temminck indique comme sa patrie les îles de Banda et d’Am- boine. LES TRICHOSURES. Trichosurus. Less. (?). Queue garnie de poils, ou n’ayant point de peau entièrement nue ; oreilles assez longues et droites ; face allongée, pupille ronde; animaux diurnes, nourriture animale ? dans des terriers? Patrie, les Terres Austraies. () Phalangista rufa, Desmarest, 412 : didelphis orientalis, Linnæus: phalanger femelle, Buffon, pl. 10: coëscoës, Valentin ? : phalangista cavifrons, Tem- minck, p. 17 : cuscus albus, Lesson et Garnot, Atl., pl. 7, p. 158. () Phalangista, 1° sect., Temminck, p. & nn , CI COCA LÉO 7 Lola ous achete luble par Pourrat Fréres à Paris 2 / voter rtl avr 2 rh Title ttys Publie par L'ourrat l'a l'arw DES MAMMIFÈRES. Les phalangers de la Nouvelle-Hollande et de la Terre de Diémen où Tasmanie (ainsi nommée avec raison pour la distinguer de la Terre de Diémen du nord de l'Australie, qui touche la Nouveile-Guinée et qui doit en avoir quelques unes des productions), sont encore aujourd’hui très peu connus. Leurs ha- bitudes, leurs mœurs, n’ont point été observées, et ilest vraiment étonnant que les Anglois, qui pos- sèdent à Sydney une colonie florissante, n’aient en- core rien éclairei sous ce rapport, et qu’ils n’aient pas présenté d’une manière précise les mœurs d’a- nimaux qui sont abondants autour d'eux. Le peu qu’on en sait est dû à Rollin, chirurgien des trans- ports de Convicts au port Jackson, qui rapporte que le phalanger renard habite des terriers, se nourrit de gibier, et chasse aux oiseaux. La connoissance des lieux légitime très po itivement ces données. On sait en effet que la Nouvelle-Hollande ne possède que des fruits secs et coriaces, et qu'aucun n'est bon à manger, à part la baie, maigre et rare, du leptomeria Billardieri.. Le sol d’ailleurs, meuble et arénacé, est très propre à se creuser en terriers. Enfin si les phalangers se tiennent dans les arbres, c’est sans doute pour y chasser plus commodémert les petits oiseaux. C’est à tort que Cook a supposé (p.159, Troisième Voyage) qu’ils y vivoient de baies; on ne connoit pas un végétal qui en produise, même pour les oiseaux. Les espèces de cette tribu paroissent être des ani- maux diurnes, ayant dans leurs formes générales quelque chose du facies du renard; leur tête est plus allongée, plus grosse, à museau moins déprimé ; leurs oreilles sont saillantes, nues en dedans et très apparentes ; leur queue est velue partout, et n’est nue que dans un étroit sillon inférieur. Dans deux espèces, les poils de l'extrémité sont plus courts et plus rares que dans le reste de la queue. Comme les coude. il paroït qu’ils aiment à s’accroupir sur le bassin, prendre leurs aliments avec les mem- bres antérieurs ; on dit même qu’ils sont omnivores : leur pelage est aussi très lanugineux. Ces phalangers habitent les côtes de la Nouvelle- Galles du Sud et de la Terre de Diémen. On ne sait pas s’ils répandent comme les couscous une odeur fétide diffasible. ls vivent sous des latitudes refroi- dies et tempêtueuses, tandis que les couscous habi- tent les contrées les plus chaudes de la terre. LE PHALANGER NAIN. Phalangista nana. Grorr. (1). On ne conuoïît qu’un individu de cette espèce, qui a été découverte par Péron sur l’île Maria, îlot (°) Desmarest, 415 ; Temminch, Monag., p. 9. 447 dépendant de la Terre de Diémen. Ce célèbre voya- geur l’a mentionné sous le nom de dasyure (t. KE, p. 162, Voyage aux Terres Australes, édition in-8°), et lobtint vivant d’un naturel qui se disposoit à s’en régaler. Ce phalanger est de la grosseur d’une souris ; il a de longueur totale cinq pouces, en y comprenant la queue qui a deux pouces six lignes. Son pelage est en dessus d’un gris légèrement teint de rous- sâtre ; la lèvre supérieure est garnie de poils blanes ; un cercle b un entoure les yeux; les orcilles sont courtes, arrondies, couvertes de poils ; les parties inférieures et le dedans des membres sont blancs; la queue est grêle, à poils plus longs à sa base qu’à l'extrémité où ils sont ras. Le système dentaire est à peu près le même que dans les phalangers blanc et tacheté. On ne possède aucun renseignement sur ses mœurs. Îl paraît que les naturels s’en nourris- sent, comme le font les Nègres du port Praslin et des îles environn:ntes pour les couscous. LE PHALANGER GLIRIFORME Phalangista gliriformis (1). Ce petit animal, décrit tout récemment par M. Thomas Bell, ressemble beaucoup au phalanger nain, dont il diffère toutefois par quelques carac- tères , tels que ceux entre autres d’avoir les oreilles complétement nues, et les parties inférieures du corps d’un blane pur. La description de M. Bell a été faite sur deux in- dividus femelles, apportés vivants à Londres. Leurs mamelles, occupant l’abdomen, étoient au nombre de quatre, et l'ouverture du rectum se trouvoit placée au tiers de la distance de la racine de la queue à la poche marsupiale. La description de ce gracieux animal est donc empruntée en entier au naturaliste anglois. Le phalanger gliriforme est de la taille du loir d'Europe, bien qu’il soit cependant un peu plus ample, plus large sur les côtés, et plus déprimé dans l’ensemble du corps. La tête est élargie près des oreilles, et diminue successivement jusqu’à l’extré- mité du museau qui affecte une forme pointue. Les narines sont étroites et à demi circulaires; la mâchoire supérieure, plus longue que Pinférieure, la déborde aussi sur les côtés ; des poils courts et doux, blanchâtres et duveteux, revêtent les lèvres ; les moustaches entièrement noires ou teintées de brun clair à la pointe des plus extérieures, sont dis- posées sur quatre rangs; larges et proéminents, les yeux brillent d’un viféclat, et l'iris est d'un noir in- (:) Thomas Bell, Trans., Soc. linn. Tond., t. XVI, pl. 1, p. 121, et pl. 13 et 14. 418 tense : les orcilles sont proportionnellement beau- coup plus développées que dans les autres espèces ; elles se redressent sur le sommet de la tête, et leur surface est complétement dénudée. Le système den - taire ne fut que très imparfaitement examiné sur ces animaux, pleins de vigueur et de vie; toutefois les incisives ne parurent point différer de celles des autres phalangers, et les molaires, très petites, étoient peu apparentes sous les gencives qui les ca- choient. Le corps du phalanger gliriforme cst assez massif et assez épais dans ses diverses proportions; il est recouvert d’une abondante fourrure, dont les poils sont serrés et d’une extrême douceur : la couleur de chacun d’eux est un gris terminé de brun rou- geâtre, ce qui donne au pelage une teinte générale grise fauve. Les poils qui revêtent les parties infé- rieures sont moins épais; leur teinte est le gris jau- nâtre affoibli, se fonçant en jaune sur les flancs, sur les côtés et sur la gorge ; la face est jaunâtre, et les parties supérieures et postérieures de la tête aflec- tent les nuances grises roussâtres du dos ; un cercle noirâtre encadre les yeux, et de pareils cercles aussi noirâtres se trouvent circonscrire à demi la base.des oreilles. Lorsque ce petit animal est dans un état complet de repos , les extrémités des membres disparoissent dans son épaisse fourrure. Sa queue est de la lon- gueur du corps; et sa racine acquiert une assez grande largeur, qui diminue graduellement jusqu’à l'extrémité; elle est abondamment recouverte de poils, surtout à la base, et principalement en des- sus ; en dessous se dessine une étroite bandelette lon- gue d'environ six lignes et entièrement nue : cet espace dénudé contribue principalement à assurer la faculté préhensile dont jouit celte partie à son extrémité. Les doigts peuvent saisir les corps avec une grande facilité : le pouce. comme chez les autres phalangers, n'a point d'ongle, ni aux mains ni aux picds; les ongles des autres doigts, au contraire, sont très étroits et très fortement recourbés : les doigts sont très poi- lus en dessus, et complétement nus en dessous. Le genre de vie de ce petit phalanger est assez analogue à celui du loir, aimant les noix et les ali- ments de même nature qu’il saisit avec les mains. Ses habitudes sont nocturnes; il restoit plongé dans un état de torpeur pendant le jour, tandis qu’aux approches du soir sa vivacité se réveilloit pour faire place alors à des mouvements pleins de brusquerie. Parfois, en grimpant sur des branches d’arbre, sa queue s’enrouloit autour ; parfois aussi il Ja rouloit soigneusement entre ses jambes pour se préserver du froid. Les individus captifs étudiés par M. Bell étoient devenus assez familiers pour se laisser cares ser sans éprouver de frayeur ; mais il ne parurent HISTOIRE NATURELLE jamais susceptibles du moindre attachement, soit envers les personnes qui les soignoient , soit même entre eux. Les dimensions que présentèrent leurs diverses parties sont les suivantes : Pouc. Lignes, Longueur totale (mesüre angloise). . . .« 7 6 ———— dela tête, . . . . . . z a ——— OU COTES. ee Melle lee ee 2 010 ———— ‘de la queue." 2.7, 0 36 Largeur de la tête entre les yeux. . . . » 9 ———— des oreilles complètement déve- lOBDÉES. reitle &-AE ea cie 0) 0 Longueur desoreilles. . . FUN, D Hauteur du corps. . . . ERRONÉE. SA TASER Se de tele eue ie ee ON ————— de la queue à son origine. . , » 6 De la même à un poute de sa base. . . . » 3 Epaisseur de la queue à son origine. . . » 3 Parsceurade la imain 0. 1. Di a AN DICIà à: 18 eee PEN Longueur des doigts de devant. . . . . » 2'A — — des deux doigls externes de la MANU RIRE PRIS RENNIS ———— des deux doigts soudés de la { mails Sols ste alé pie ———— des pouces. . +, «+ + + + « D» 2 LE PHALANGER DE COOK. Trichosurus Cookii. Less. (1). Le phalanger de Cook est une des espèces les plus gracieuses du genre phalangista des auteurs; et quoique ce petitanimal , de l’ordre des marsupiaux , ait été soigneusement décrit par MM. Cuvier, Des- marest, Temminck, dans des ouvrages récents de mammalogie, nous avons cru devoir en publier une figure qui diffère notablement de celle qu'on trouve dans la quarante-cinquième livraison des Mammi- fères de M. Fr. Cuvier, et bien préférable à la gra- vure de Cook (pl. 8 de son Troisième Voyage), qui est peu susceptible, ainsi que la fig. 5 de la pl. 8 de l'Atlas supplémentaire de l'Encyclopédie, de don- ner une idée satisfaisante de ce mammifère. La première mention qui soit faite du phalange de Cook est consignée dans le Voyage de ce cèlèbre navigateur ( Troisième Voyage, t. 1, p. 159), en ces termes : « Le seul animal quadrupède que nous ayons pris est un 0possum. à peu près aussi gros (:) Annales des Sciences naturelles (mars 1829), avec planche étiquetée par erreur pétauriste de Péron : Desmarest, Nouveau Dictionnaire d'Histoire natu- relle, t. XXV, p. 476 ; Mammalogie, no 268, pl. 8 (Sup- plém.); Fr. Cuvier, Dents, Mammifères, 54: livrais. : petaurus Cookii, Fr.Cuvier, Diclionnuaire des Scienc. natur., &. XXXIX, p. 417; Temminck, Monog., 1, 1, p. 8; Lesson, Dictionn classiq., t. XUK, p. 334. À Thalinges 74 EE, Phalangista Cookii Publie Par l'ourrat F à lurir DES MAMMIFERES. qu’un rat; c'est vraisemblablement le mâle de l’es- pêce rencontrée sur les bords de la rivière Endea- vour, dont parle Binks dans le Premier Voyage. X est noirâtre dans la partie supérieure du corps, avec des teintes brunes ou couleur de rouille, et il est blanc dans la partie inférieure ; le tiers de la queue, du côté de la pointe, est blanc, et dégarni de poils en dessous : il grimpe ou s'accroche sur les bran- ches d'arbres parce qu’il vit de baies, et il est pro- bable que cette nudité d’une partie de la queue est une suite de ses habitudes. » Le phalanger de Cook à de longueur totale deux pieds deux à six pouces, et la queue entre pour moi- tié dans ces dimensions ; mais s taille varie beau- coup, car la figure que nous publions a été fuite en proportion naturelle sur un jeune individu parfai- tement conformé et de la taille à peine d’un écureuil : Ja tête de cette espèce est très déprimée et très poin- tue. Le système dentaire présente la plus grande ana- logie avec celui des petaurus ; aussi M. Fr. Cuvier a-t-il distrait ce petit animal du genre phalangiste pour le placer dans celui des pétauristes. Il se com- pose de trente-huit dents réparties de la manière sui- vante : en haut, quatre incisives, deux canines, Puit fausses molaires, et huit molaires ; en bas, deux incisives, point de canines , six fausses molaires, et huit vraies mâcl'elières. Les incisives supérieures et externes sont cannelées ainsi que les dents canines, ou plutôt les dents anomales et fausses qui en tien- nent lieu. La couronne des mâchelières est hérissée de tubercules aigus disposés sur deux rangées ; les incisives inférieures sont longues, minces, et diri- gées en avant. Les dents anomales quiexistententre elles et les vraies molaires ont été appelées diverse- ment par les auteurs , et sont remarquables par leur petitesse. Le phalanger de Cook est partout abondamment recouvert d’un pelage épais, serré, composé de deux sortes de poils, les uns soyeux plus longs, lesautres Janugineux, formant sur le corps une bourre épaisse et dense; le dessus du corps est gris brun, passant au roux vifsur les flancs, tandis que toutes les par- ties inférieures sont d’un blanc plus ou moins teint de jaunâtre; un cercle roux entoure les yeux; le front est brun, les mains sont grises, la queue est brune en dessus, terminée à son extrémité par du blanc pur. Le nu ne forme qu’un étroit et léger ruban en dessous. Les individus complétement adul- tes diffèrent par leurs couleurs : c’est ainsi que le gris cendré domine chez quelques uns, tandis que chez d’autres c’est le roux plus ou moins vif. Deux petits faisceaux de moustaches rigides, noires, par- tent des côtés du museau dont l’extrémité est cou- leur de chair. Les ongles sont foibles et cornés ; les oreilles sont nu‘s en dedans, marquées à leur base par une touffe de poils très blancs. ù I. 449 Le phalanger de Cook, comme ses congénères, est doué de mœurs douces et paisibles ; il vit de racines, et en captivité il se contente de pain, de lait, de fruits et d'œufs ; il se roule en boule pour dormir, et se défend avec courage lorsqu'il est attaqué : alors il souffle avec force, à la manière des chats. Ses habitudes doivent être crépusculaires, ainsi que le semble prouver l’ensemble de son organi- sation. La femelle ne diffère presque point du mâle, et l'ouverture de sa poche abdominale est abondam- ment recouverte de poils parfois teints de roux. Le Muséum possède deux de ces animaux adultes rapportés de la Terre de Diémen et de la Nouvelle- Galles du Sud par les expéditions d’Entrecasteaux et Baudin, et recueillis par MM. La Biilardière et Péron. L’individu que nôus avons figuré, et qui est un très jeune individu , a été conservé vivant à bord de l’Urantie par M. Gaimard. Cet animal est donc un pétauriste pour M. Fr. Cuvier, et un phalanger, p'alangisia, pour MM.G. Cuvicr, Desmarest et Temminek. Nous l’avons con- sidéré comme un sous-genre très distinct des pha- langisla, qui comprennent, suivant nous, les cous- cous, ou phalangers des Moluques, et les tricho- sures,ou phalangers des Terres Australes : ce seroit donc pour nous le {richosurus Cookii. LE PHALANGER RENARD. Phalangista Vuipina. Cux. (1). Phillipp et White sont les premiers qui nous aient fait connoître le phalanger renard, et on en doit à ce dernier une excellente figure. Les formes qui le caractérisent sont beaucoup plus dégagées que dans les autres espèces. Ses oreilles sont plus lon- gues, et sa queue plus grosse et plus touffue. La couleur générale du corps est le gris brun ar- doisé ; une sorte de collier fauve vif entoure le cou: le ventre est fauve roux clair cannelle; les oreilles sont triangulaires, pointues, nues en dedans, et re- couvertes de poils ras en dehors, de la couleur du dos; un trait noir contourne le bout du museau ; deux cercles bruns entourent les yeux. La queue est longue d’un pied cinq pouces, forte, très touf- fue, garnie de longs poils d’un gris brun ardoisé à son origine , et d’un noir profond dans tout le reste de son étendue. Le corps d’un adulte a deux pieds de longueur sur dix pouces de hauteur, et la taille (") Desmarest, Mammalogie, 413: didelphis vulpina et lemurina, Shaw: wha-tapoua-r00, White,1t.,p 278 (figure trés bonne): le bruno, Vicq d’Azyr, Anat.: vulpine opossum, Phillipp, Et, fig. #, y. 450; Tem- minck, Monog., p. 9. 27 450 et le port sont à peu près, au dire de White, ceux d’un raton; une bandelette nue occupe le dessous de la queue dans le sens de sa longueur, et est gra- nuleuse. L'individu décrit par Püilipp n’avoit que vingt-six pouces de dimension depuis le bout du nez jusqu’à l’origine de la queue, qui avoit quinze pou- ces; mais il n’est pas rare de rencontrer des indivi- dus de taille variable. Les femelles ne diffèrent point des mâles; leur pelage est de nature coton- veuse, parsemé de soies plus longues et plusdéliées, mais rares. Les jeunes ne présentent à la mâchoire supérieure que deux petites fausses molaires, et trois à celle d’en bas. Leur pelage offre ausi des nuances différentes ; les teintes sont plus claires que dans les adultes, elles passeat du cendrié gris au brun clair, et quelquefois au gris clair. Les adul- tes n’ont que trente-huit dents. Le phalanger renard est commun à la Nouvelle- Hollande, d’où la rapporté Péron. C’est bien gra- tüitement que M. Temminek dit qu'on le trouve à Sumatra. Deux localités aussi opposées, aussi dis- tantes, aussi di parates, dérouteroient quiconque voudroit tenter une distribution géographique des animaux : celte indication demande donc une con- firmation authentique. N’avons-nous pas vu le même auteur faire venir le phalanger de Cook de Rawack dans les Moluques? En dernière analyse, six espèces de couscous sont connues aujourd’hui, ou du moins cinq, et tou- tes ont seulement été rencontrées dans les Moluques. D’autres phalangers à queue velue occupent notre deuxième section, et sont propres à ce que les géo- graphes nomment Australie. Que d’espèces vien- dront encoreenrichir ce genre, et quede détails nous devons désirer pour compléter leur histoire ! Nous ajouterons deux espèces nouvelles, décrites par M. Ogil: y (1), et qui viennent prendre place à côté du phalanger oursia : l’une (phalangista fuli- ginosa ) a le pelage crépu , en entier brun de suie, une queue longue, couverte de poils et d’une seule couleur dans toute son étendue ; l’autre ( Ph. æan- thopus ), a son pelage très touffu, d’un gris de cen- dre blanchâtre en dessus, passant au blanc sale en dessous. Les pieds sont jaune roux. La queue est terminée de blane. On ignore de quel point de PAus- tralie ces deux animaux proviennent. M. Fr. Cu- vier a également enrichi ce genre du PHALANGER DE BoucaxviLLe (Ph. Bougainvillii, Règ an.), grand comme un écureuil, cendré dessus, blane dessous, ayant la moitié terminale de la queue noire, et l'oreille à moitié blanche. (*) Proceed, 1, p. 133. « HISTOIRE NATURELLE LE PHALANGER VIVERRIN (1). Habite la Terre de Diémen, et a les plus grands rapports avec celui de Cook. El n’a pas cependant sa coloration , et est privé de pouce opposable. LES PÉTAURISTES OÙ PHALANGERS VOLANTS. Petaurus, Shaw ; phalangista, WMig. Les pétauristes rappelant dans les marsupiaux, par suite de l’extension de la peau des flancs entre les membres, les pelatouches de l’ordre des rongeurs, furent d’abord rangés par Shaw parmi les didelphes ; ils reçurent ensuite le nom de phalangers volants, et furent distingués des vrais phalangers par le nom générique de petaurus, adopté par M. Cuvier. Illiger, dans son Prodrome, proposa le nom de phalangista, et M. Desmarest, dans sa Mammalogie, celui de pelaurisla; le genre phalanger rapprochoit donc ainsi des animaux dis- tincts les uns des aut.es, et dont le principal carac- tère éloit celui de la double génération ou de la marsupialité. Mais des limites géographiques pré- cises et une ressemblance fondamentale dans chaque groupe permettent, pour éviter toute confusion, de former de ce genre trois tribus bien distinctes, qui seroient celles des couscous, phalangers nocturnes à queue nue, essentiellement propres aux Molu- ques ; balantia, où phalangers diurnes à quete poi- lue; et petaurus, ou phalangers volants : ces deux derniers genres sont exclusivement de la Tasmanie et de l’Australie ou Nouvelle-Hollande. Les pétau- ristes appartiennent à la famille des marsupiaux ou animaux à bourse, quatrième division de l’ordre des carnivores du règne animal ; M. Duméril les con- fond avec les phalangers dans sa sixième famille ou celle des pédimanes. M. Latreille (Règne animal, p.55), dont les marsupiaux forment le sixième or- dre de sa méthode, place le genre petaurus dans sa troisième famille ou celle des phyllophages. M. Tem- minck observe à peu près la même classification, et les pétauristes composent le huitième genre de son cinquième ordre. M. Geoffroy Saint-ilaire, qui s’est beaucoup occupé de la classe des animaux mar- supiaux , a laissé les pétauristes dans le genre pha- langer ; et M. Fr. Cuvier, dans son article h laun- ger (tome XXXIX du Dictionnaire des Sciences naturelles), n’a point débrouillé l’histoire de ces animaux, et a peut-être accru encore l’irrésolution qu’on doit éprouver à les isoler les uns des autres. C’est ainsi qu'il sépare le genre phalanger en deux {) Phalangista viverrine, Ogilby. DES MAMMIFÉRES. sections : la 1", phalanger ; la n°, petaurus; puis les phalangers sont divisés suivant qu’ils ont la queue prenante, ou qu'ils ont la peau des flancs étendue entre les membres; enfin il y a aussi des pelaurus à queue prenante et des petaurus volants. Pe sorte que le genre pétauriste, tel que nous allons le considérer, renferme des animaux des deux sec- tions de M. Fr. Cuvier, c’est-à-dire ses phalangers volants et ses petaurus volants. À l’article Phaian- ger, pages 126 et suivantes de son Traité des Dents, cet auteur regarde le caractère de la peau des flancs étendue entre les membres comme trop peu impor- tant pour séparer les pétauristes des phalangers. Cependant c’est à peu près la seule nuance qui isole les écureuils des polatouches ; et les dents elles- mêmes sont trop souvent variables de leur nature, pour fournir, dans tous les cas, des distinctions ri- goureusement exactes. Les pétauristes, vivant dans . les arbres de la Nouvelle-Hollande, doivent différer par leurs mœurs des phalangers à queue d.oite qui habitent dans les broussailles sablonneuses des par- ties maritimes de la Nouvelle- Hollande et de la Terre de Diémen, et des couscous ou phalangers à queue nue, qui sont nocturnes, et qui recherchent les fruits dans les Moluques. Au reste nous nous ef- forcerons d’éclai cir cette question lorsque nous dé- erirons les phalangers. Le genre pétauriste a été divisé lui-même par M. Desmarest en deux sous-genres : le premier, dont le principal caractère est d’avoir la queue ronde, est le pétauriste proprement dit; et le second, ca- ractérisé par une queue dont les poils sont distiques comme dans certains écureuils, est celui nommé voltigeur, acrobata( Desmarest), et qui ne renferme qu’une espèce, le phalanger pygmée. Les caractères des pelaurus sont donc les sui- rants ; formule dentaire : mâchoire supé ieure, six incisives ; canines nulles; seize molaires, y compris les fausses molaires qui sont au nombre de huit ; mâchoire inférieure, deux incisives ; canines nulles, quato!ze molaires ; au total, trente-huit. « Les os incisifs (Fr. Cuvier, Dents, p. 129) de la mâchoire supéiieure forment entre eux un angle plus ou moins aigu, et les incisives sont elles-mêmes disposées de la sorte : la première est forte et tran- chante ; la seconde, également coupante, à sa cou- ronne plus large que sa racine ; la troisième, plus petite, est obtuse. Entre les incisives et les fausses molaires existe un espace vide : la première fausse molaire est rudimentaire, la seconde estencore plus petite que la première, la troisième plus grande ap- proche de la forme des vraies molaires ; la quatrième a plus de grandeur et d'épaisseur, elle touche Ja iroisième , tandis que toutes les autres dents sont isolées ; les trois premières molaires ne diffèrent 451 chacun de leurs angles d’une pointe triangulaire, et sur les côtés d’une pointe plus petite; deux petits tubercules anguleux occupent aussi leur face ex- terne ; la dernière molaire n’a que trois pointes principales : deux en avant et une en arrière. Ces tubercules et ces pointes donnent aux dents des petaurus une forme compliquée et difficile à carac- tériser. » À la mâchoire inférieure les deux incisives sont longues, presque horizontales, arrondies en avant, aplaties à leur face interne, minces et pointues à leur sommet ; les deux premières fausses molaires pe sont que deux points rudimentaires, et c’est aussi ce qu'on o'serve fréquemment chez les couscous ; la troisième fausse molaire se rapproche de la forme de la première vraie molaire, mais elle est plus épaisse à sa moilié postérieure qu’à sa moitié anté- rieure. Les quatre vraies molaires se ressemblent entièrement et se composent de quatre pointes trian- gulaires, disposées deux par deux en avant et en arrière. » Tels sout les principaux faits dont nous sommes redevables à M. Fr. Cuvier, et qui lui ont été fournis par l’étude des petaurus taguanoïde, di- delphoïde et macroure. Il est remarquable que le phalanger de Cook a aussi présenté les mêmes par. ticularités dans sa dentition. Les caractères extérieurs ou Zzoologiques sont : ane tête médiocrem nt allongée, des oreilles moyen- nes dressées ; des pieds pentadactyles, à ongles com- primés, recourbés, robuste, excepté au pouce qui est sans ongle et opposable ; les deux premiers doigts sont beaucoup plus courts que les autres; la peau des flancs étendue entre les membres anté- rieurs et postérieurs peut servir de parachute (dis- position qui se retrouve chez les galéopithèques et les sciuroptères ou polatouches): une poche sur l’ahdomen ; la queue très longue, garnie de pois, tantôt épars, tantôt distiques. Les habitudes des pétauristes ne sont point con- nues; ce sont des animaux probablement noctur- nes, qui vivent dans les eucalypt: s de la Nouvelle- Hoilande, où ils sautent de branche en branche en s’aidant de leurs parachutes pour soutenir leur élan ; leur genre de nourriture doit principalement con- sister en insectes ou en feuilles, car on sait que la Nouvelle-Hollande ne produit aucun fruit édule. Ils sont très communs, et les naturels de celle partie du monde en font un grand dégât, car ils recher- chent leur chair en même temps qu’ils se font avec leur peau de petits manteaux employés par les fem- mes pour voiler leurs parties naturelles, ou pour couvrir les épaules. Leur fourrure est tellement belle, qu’elle pourroit être utilisée dans les arts, et former une branche avant geuse de commerce. Les pétauristes n’ont été jusqu’à ce jour rencon- point entre elles ; elles sont quadrilatères, munies à | trés que dans les grandes forêts des montognes 452 Bleues, et dans la petite île de Norfolk, placée non Join des côtes du port Jackson. On en connoît cinq espèces. LE PÉTAURISTE TAGUANOIDE. Petaurus taguanoïdes (1). Le taguanoïde est la plus grande des espèces de ce genre : la longueur du corps est communément de dix-huit pouces, et la queue a elle seule près de vingt pouces; la tête est petite, le museau triangu- laire et très aigu ; les oreilles sont assez grandes et élevées ; les doigts des pieds sont entièrement gar- nis de poils; la queue est arrondie, très touffue : le pelage du taguanoïde est d'une finesse et d’une douceur extrêmes ; il est très épais, très long, prin- cipalement sur le dos. Var. «. Pelage d'un brun chocolat foncé et lui- sant en dessus, et d’un blanc sale en dessous ; la queue complétement brune. Var. B. Pelage nuancé de fauve clair, mélangé de brun, ayant une raie plus foncée sur le dos; les flancs d’un gris cendré; deux taches oblongues et fauves sur les flancs, le dessous blanchâtre. Var. ». Pelage entièrement blanc ; d’un blanc pur en dessous, d’un blanc jaunâtre sur le dos. Le taguanoïde est l’espèce la plus commune aux alentours de Sydney et dans les montagnes Bleues. LE PÉTAURISTE A GRANDE QUEUE. Petaurus macrourus (?). Cette espèce est, dit-on, de la taille du surmulot ; son pelage est d’un gris brunâtre en dessus, et blan- châtre en dessous ; une bande brunâtre foncée s’é- tend du vertex au bout du museau; les oreilles sont assez larges, arrondies et blanchâtres ; la queue est ronde et touffue, d’un marron uniforme, qui se dégrade légèrement ; les pattes antérieures sont blanches à leur extrémité. Cet animal habite la Nouvelle-Galles du Sud. Sans doute on ne peut considérer que comme une variété le pétauriste à ventre jaune, pelaurista flaviventer (Geoffroy, Desmarest, 418), qui a la taille du pétauriste à grande queue, mais dont le pelage est gris teinté de fauve en dessus, ayant une ligne dorsale brun marron, et le bord des flancs et (1) Shaw, Gen. Zool., pl. 112 : petaurista taguanoi- des, Desmarest, Mammalogie, sp. 416 : Hepoona roo, White, 1t., édit. orig , p. 288 : black flying opossum, Phillipp, 2€, édit. orig., p.279, fig. 5. (2) Desmarest, Dictionn. d'Hist. natur., t. XXV: didelphis macroura, Shaw, Gen, Zool., pl. 113, A HISTOIRE NATURELTE des membres de cette couleur, et tout le dessous du corps d’un fauve blanchâtre ; la queue est aussi d’un brun marron uniforme. Il est du même pays. LE PÉTAURISTE DE PÉRON. Petaurus Peronii (1). Cette espèce, que M. Desmarest a le premier fait connoître, à pour principal caractère d’avoir sa membrane des flancs terminée au coude, tandis qu'elle va jusqu’au poignet dans le taguanoïde, et jusqu’au doigt extérieur dans le sciurien. Sa taille est celle de l’écureuil d'Europe. Son pe- lage est généralement brun en dessus et blanc en dessous ; la queue est plus longue que le corps, mais terminée à son extrémité par un demi-pouce de blanc jaunâtre bien tranché; la membrane des flancs est d’un brun varié de gris ; le dehors des cuisses et les pattes de derrière sont d'un brun foncé. Il paroît avoir été rapporté de la Nouvelle- Hollande par Péron. LE PÉTAURISTE SCIURIEN. Petaurus sciureus (?). Ce pétauriste a près de neuf pouces de longueur, sans y comprendre la queue qui en a à peu près dix ; les oreilles sont très courtes ; sa taille est celle de l’écureuil commun; son pelage est gris en dessus, blanc en dessous; une raie noire foncée s'étend du bout du nez jusqu’à l’extrémité de la queue; deux traits noirs partant des narines règnent sur les yeux ; la membrane des flancs est noire, bordée de blanc ; la queue est cendrée, plus päle que le reste du corps, ronde et garnie de poils très fournis partout, Il habite la Nouvelle-Hollande et l’ile déserte de Norfolk. Cet animal est surtout très commun au pied des montagnes Bleues, dans les arbres d’E- miou-plains ; il niche dans les trous d'arbres, et fait huit petits à chaque portée. LE PÉTAURISTE PYGMÉE. Petaurus pygmaæus (°). M. Desmarest a fait de cette espèce un sous-genre, qu’il a nommé acrobata; elle se distingue de prime () Desmarest, Mammalogie, sp. 420. (2) Desmarest, Mammalogie, sp 419 : didelphis sciu- rea, Shaw, pl. 11, Zoo!. New-Holt : Norfolk island flying squirel, Philipp, édit. orig., p. 151 et 193, trad. franc.; Pennant, Histoire des Quadrupèdes. (3) Desmarest, Dictionnaire d'Hist. natur., 2e édit. : DES MAMMIFÈRES, abord de la précédente par les poils de sa queue, qui sont parfaitement distiques ; sa taille est celle de la souris ; le corps a trois pouces deux lignes de longueur, et la queue a deux pouces six lignes. Son pelage est en dessus d’un gris fauve, et blanc pur en dessous ; les poils de la queue sont gris roussà- tres, et rangés avec la plus grande symétrie de cha- que côté de la queue ; la membrane des flancs est très dilatée, et se termine au coude comme dans le pétauriste de Péron. Le pygmée habite la Nouvelle- Hollande ; et ses habitudes, comme celles des autres espèces, sont entièrement inconnues. LE PÉTAURISTE A JOUES BLANCHES (1). Est une grande espèce à robe grise cendrée et à joues blanches, qui vit au Japon, où l’a rencontré le voyageur Vansiebold. LES POTOUROUS. Hypsyprymnus. Les potourous appartiennent à l’ordre des marsu- piaux , et furent décrits par Vicq d’Azyr et Cuvier sous le nom de kangurvo-rat, classés parmi les kan- gourous ou macropus par Shaw, dont filiger a formé son genre hypsyprymnus, et que M. Desmarest à nommé polourous en latinisant le nom de potoroo que l'espèce primitivement connue porte chez les naturels de la Nouvelle-Galles du Sud, au rapport de White. Le mot hypsyprymnos signifie qui est élevé de la partie postérieure. Les potourous ont les plus grands rapports avec les kangourous ; et, par la forme et l’organisation de leurs dents, ils font le passage des phalangers à ces derniers. Ce qui les distingue surtout est l’appa- reil dentaire. Voici ce que nous apprend à ce sujet M. Fr. Cuvier ( Dents, p. 155) : trente dents; mä- choire supérieure, six incisives, deux canines, deux fausses molaires et huit vraies ; mâchoire inférieure, deux incisives, canines nulles, deux fausses molaires, et huit vraies. A la mâchoire supérieure, la première incisive est forte, plus longue que les autres, à trois faces, arrondies en avant, et droites sur ses deux autres côtés ; elle est en outre enracinée profondément, et la capsule dentaire reste libre : la seconde est une petite dent semblable à l’analogue des petaurus et didelphis pygmæa, Shaw, pl. 114, Gen. Zool : petau- rista pygmæa , Geoffroy, Cat., Desmarest, Mammalo- gie, sp. 421. (9 Petaurista leucogenys, Temm., Disc, faune, p, 12. 453 des phalangers : la troisième, un peu plus grande que la précédente, est tranchante, et se rapproche de la forme normale des dents de son ordre. Après un intervalle vide vient une petite dent mince, com- primée et crochue, servant de canine, et qui, comme lanalogue des phalangers, dépend presque autant de l'os incisif que du maxillaire. Un large vide suit, et la première mâchelière est une fausse molaire re- marquable par sa forme singulière, mais dans la- quelle on trouve modifiée l’analogue des phalangers; elle est longue, mince, en forme de coin, striée sur ses deux faces, et dentelée sur son bord. Les quatre molaires qui viennent immédiatement après ont de l’analogie entre elles, si ce n’est que la dernière est plus petite que les autres; et toutes possèdent les formes des molaires des phalangers. A la mâchoire inférieure, les incisives ressemblent à celles des deux genres précédents, et les fausses molaires sont, comme les molaires, sans aucune exception, sem- blables à leurs analogues de la mâchoire opposée. Dans leur action réciproque, ces dents n’offrent rien de particulier, si ce n'est que la fice externe de la fausse molaire inférieure correspond à la face interne de la fausse molaire supérieure. Ce système de den- tition, dit M. Fr. Cuvier, nous est donné par quatre têtes qui appartiennent certainement à trois ou qua- tre espèces, l’une est celle du kanguroo-rat (hypsy- prymnus Whilei): les espèces auxquelles les autres appartiennent ne nous sont point connues; il est alors inutile de leur donner des noms. Les caractères extérieurs des potourous sont prin- cipalement les suivants : leurs jambes de derrière sont beaucoup plus grandes à proportion que celles de devant, dont les pieds manquent de pouce, et ont les deux premiers doigts réunis jusqu’à l’ongle, en sorte, dit M. Cuvier, qu’on croit d’abord n’y voir que trois doigts, dont l’interne auroit deux ongles. Leur queue est longue et robuste. La poche abdo- minale est complète, et renferme deux mamelles. Leur estomac est grand, divisé en deux cavités mu- nies de plusieurs boursouflures. Le cœcum est mé- diocre et arrondi. Les potourous ne vivent que d'herbes qu’ils pais- sent avec leurs longues incisives coupantes. Ils se tiennent dans les broussailles et dans les buissons, où ils poussent de petits cris assez analogues à ceux des rats. Ils sautent avec force. Bien qu’on ne con- noisse qu’une espèce de ce genre, on a acquis la certitude qu’il y en a un bien plus grand nombre; et déjà, dans un envoi de MM. Quoy et Gaimard, adressé de la baie du Roi-Georges au Muséum, nous avons reconnu une belle espèce de potourou que ces naturalistes auront à décrire. Ces animaux sont très mullipliés dans les cantons rocailleux de la Nouvelle-Galles du Sud, et notamment aux envi- rons de Port-Jackson. Ils se sont aussi présentés aux 454 navigateurs sur toutes les côtes occidentales et mé- ridionales de la Nouvelle-Hollande. LE POTOUROU DE WHITE. Hypsyprymnus Wlilei (1). Ce potourou a la tête triangulaire, large et un peu aplatie par derrière, pointue en avant; le mufle et les narines sont placés à l'extrémité du museau, et sont séparés dans leur milieu par un sillon longitu- dinal; les moustaches sont d’une médiocre longueur; la bouche est petite, et la mâchoire supérieure s’avance un peu plus que l’inférieure; quelques poils noirs surmontent l'œil; les oreilles sont courtes, très larges, et velues à leur partie posté- rieure. La grosseur du cou donne à cette espèce quel- que ressemblance avec les rats, disent MM. Quoy et Gaimard. Leurs pattes antérieures sont petites, pourvues d'ongles blanchâtres, longs, grêles et ar- qués; l’onzle du milieu est plus saillant. Les mem- bres postérieurs sont proportionnellement plus longs et plus déliés que dans les kangourous. La queue est à peu près aussi longue que le corps : elle est grêle , écailleuse, presque nue, flexible, et porte à terre; son extrémité est terminée par un bouquet de poils. La couleur du pelage de cet animal est uni- formément d’un gris roux; la gorge, la poitrine, le ventre et l’intérieur des membres, sont d’un blanc sale ; le dessus de la tête, le dos, une partie des flancs et des cuisses, sont d’un gris brun : le bout de la queue est brun. Les poils sont de deux sortes : les plus profonds sont courts, doux, moelleux et un peu floconneux; ils présentent une teinte gris de souris lorsqu'on les écarte : les extérieurs sont plus: longs, roides et plus rares. Les tarses sont recouverts de poils longs, rudes et fauves , dirigés d’arrière en avant, et s'étendant ju-qu’à l’extrémité des ongles : ceux des paltes antérieures, plus doux, recouvrent les doigts. Tels sont les renseignements dont nous sommes redevables à 11 description soignée que MM. Quoy et Gaimard ont publiée d’après un indi- vidu bien conservé, et qui avoit les dimensions sui- vantes : longueur du corps, du bout du musrau à l'origine de la queue, un pied cinq lignes; de la queue, un pied; de la tête, du bout du museau à l’occiput, trois pouces; des membres antérieurs, trois pouces six lignes; des membres postérieurs, huit pouces dix lignes. En général, la taille du po- tourou e$t celle d’un petit lapin. (") Quoy et Gaimard, Zoologie de l'Uranie, pl. 10: potorous murinus et kanqurus Gaimardi, Besmarest, Mammalogie, sp 422 et 842: kanquroo-rat, Phillip., It, pl 47; White, 1t., pl. 60: kanguroo rat, Cuvier, Règ. anim.; 1.1, p. 181 : macropus minor, Shaw, Gen. Zool., pl. 126. HISTOIRE NATURELLE Les potourous ont des meurs très douces, et moins timides que celles des kankourous fls sont très agiles, et fuient en faisant des bonds considé- rables lorsqu'on les inquiète. MM. Quoy et Gaimard rapportent qiu'un de ces animaux vint enlever fa- milièrement des restes d'aliments, au milieu d’une cabane bâtie pour les abriter dans une excursion dans les montagnes Bleues, et qu’il s’enfuit par un trou à la manière des rats. Nous les avons souvent vus, au milieu des rocailles de la Werra-Gambia, courir sous les petits buissons qui couvrent cette partie de la Nouvelle-Hollande. MM. Quoy et Gaimard ont rapporté de l’île Birck-Hatichs plusieurs têtes de potourous, qui ont à peu près les mêmes dimensions que le potourou de White : elles en diffèrent toutefois par l'étendue plus considérable de la cavité tympanique, par la lar- geur des arcades z\gomatiques, ce qui Îes rappro- che de celle du kangourou élégant, et par la briè- velé de la voûte palatine. Ces têtes appartiennent à une espèce nouvelle pour laquelle ils proposent le nom de, potourou de Lesueur, kypsyprymnus Le- sueur. Péron a déposé au Muséum d'histoire naturelle un squelette de potourou dont la tête, longue de deux pouces onze lignes, est plus mince, plus pointue et plus allongée en cône que les précédentes; les inci- sives supérieures miloyennes et les canines ont plus de longueur; la caisse du tympan est moins éveloppée; les arcades zygomatiques sont plus étroites et moins convexes; l’extrémité des os du nez dépasse le niveau des dents incisives supé- rieures. Sans doute ce squelette est celui qu’a mer- tiouné M. Fr. Cuvier. MM. Quoy et Gaimard, après lavoir comparé avec le potourou de White, propo- sent de le nommer potoroo de Péron, hypsyprym- nus Pé on. LE POTOUROU OURSON (1). Découvert à la Nouvelle-Guinée. I est plus bas sur jambes que les autres espèces; son pelage est formé de gros poils brun marron; ses oreilles sont arrondies, très velues, et sa queue fort longue et partout couverte de poils. Le jeune âge a sa livrée gris brun lavé de jaunûtre. M. Ogilby a fait connoître une nouvelle espèce (H. setosus) (?), qui a été découverte sur les bords de la rivière des Cygnes-Noirs, sur la côte occiden- tale de la Nouvelle-Hollande. Les habitants de Sidney l’appellent beftang kanguroo : son pelage ( Hypsyprymaus ursinus, Temm., Faune Jap., 2. 6, note 2. (2) Ogilby, Proceed., 1, 149, SUP, DJ IPN OZ vd CTP 2 FE CA cypo cy DJ PHIAAI LAIT D 7 #3 MATALALAL. / p a l'arts par Leur rat F lulle 2? | # Fr CUS OM CUT Maeropus lamioer P d = € C Publ .P +. ubdie par l'ourrat sf, ai art, ART? Hurt 7 gant (Halmalurus elegans ‘ l'ublie par l'ourrat Fa l'arrs DES MAMMIFÉRES. fauve cendré tire sous le corps au blanchäâtre. Ses oreilles sont amples, nues et noires. Sa queue, mé- diocrement longue, est grê'e, squameuse, et lé- gèrement recouverte de poils courts et rigides. LES KANGÜROOS OÙ MIEUX KANGOUROUS. Macropus, Shaw (!). Sont des marsupiaux dont une seule espèce vit à la Nouvelle-Guinée, tandis que toutes les autres sont propres aux terres australes; ils sont complé- tement privés de dents canines, et représentent, à la Nouvelle-Hollande, les gerboises de l’ancien continent, et nous devons dire que la première es- pèce de kangourou, que Cook figura en 1778, fut classée avec les yerbua, par l'extrême allongement du train de derrière, ce qui lui valut, de Shaw, le nom de macropus, qu'Illiger changea plus tard en halmaturus. L'inégalité dans les proportions des membres rend donc la progression à quatre pattes fort difficile, tandis qu'elle facilite l’action de sau- ter. Les pieds de derrière possèdent une puissance musculaire des plus énergiques, et les kangourous s’en servent, pour frapper leurs ennemis, avec une force dont on ne les croiroit pas susceptibles. Les kangourous sont méchants par nécessité, doux par caractère, entièrement herbivores, et s’apprivoisent au point d'être de la plus grande familiarité. Leur pelage éprouve des variations telles, qu'il est fort difficile d’en tirer de bons caractères pour la dis- linction des espèces (?). Buffon n’a connu qu’une espèce de ce genre, le kangourou géant (*), et cependant Valentin ({) et le voyageur Lebruyn (5) avoient sous le nom de filan- der, de péiandoc d’Aroë, ou de lapin des îles d’A- rou des Malais, décrit assez nettement une espèce que Gmelin nommoit didelphis Brunnii, et que Screber figura pl. 155 de ses portraits d'animaux. () Halmaturus, Hiliger (queue propre à sauter ); kançurus, Lacép.; Geoffroy Saint-Hil., sur la gestation des kangourous, Ann. sc. pal., L IX, p 341 : Férussac, Boll., t. XXHE, p. 265; sur les glandes maminaires, Bull, t. XXI, p. 266. () M. Coste, pendant son séjour en Angleterre, a pu, g'âce à l'obligeance de M. Owen, disséquer un œuf de ka :guroo Au lieu de trouver seulement, comme cet ha- bile anatomiste, une seule vésieule sortant du ventre de l'embryon, ils en ont trouvé deux; or, la premiére ayant élé bien reconuue pour l’allantoïde, l’autre ne pouvoit être que ia vésicule ombilicale. (L'Hermès, no 95, p. 169 ) (©) Didelphis gigantea, Gm.; macropus major, Shaw. {#} Amboina, £. Eli, p. 272. (5) Voy. aux Indes, t. 1, p. 347, fig, 213. 459 Nous appelâmes les premiers Patteïtion sur ce mammifère, que nous retrouvèmes à la Nouvelle- Guinée, où les Papous le nomment podin (1), et que viennent de représenter MM. Quoy et Gaimard dans la partie zoologique du Voyage de l’Astro- labe (?). Son peiage est gris brun en dessus, gris fauve en dessous. Son museau est largement rosé. Il a vingt-deux pouces de longueur, et la queue a douze pouces. Il habite les Moluques, l'ile de Wai- giou et la terre des Papous. Les naturels nous don- nèrent ce mot podin pour nom indigène, et kopenn à MM, Quoy et Gaimard. Les vrais kangourous des terres australes sont : 4° Le GÉANT (macropus giganteus, Shaw) (3), ou kangourou à moustaches, qui est le plus grand des mammifères que nourrit la Nouvelle-Hollande, car il atteint jusqu’à six pieds de hauteur. Les colons le recherchent pour sa chair, b'en qu’elle soit uv peu coriace. Son pelage est gris clair, moins foncé en dessous ; ses extrémités sont noires. Il vit en trou- pes. que l’on dit être conduites par de vieux mäles, et fait des bonds énormes quand il veut fuir. El s’est éloigné des environs de Sydney, au fur et à mesure que les colons abattoient les forêts, et se trouve re- légué aujourd’hui au-delà des plaines de Bathurst et des montagnes Bleues. 2 Le KANGOUROU PORTE- LAINE (ME. laniger) (4), à pelage laineux, frisoté, entièrement d’un beau roux cannelle; des alentours du port Macquarie. 5° L’ENFuMÉ (M. fuligino- sus), d’un brun fuligineux uniforme, le sommet de la queue excepté, qui est roux. 4° Le BANKSIEN (M. banksianus), encore peu connu, d’un roux vif, ayant des taches fauves sur la tête, et que les nègres des montagnes Bleues nomment waring. 5° Le RUFICOL (4. ruficollis), blanciäâtre sur le Corps et les flancs, le cou en arrière, d’un roux vif: de l’île King. 6° Le ROUx-GRIS (ML. rufo-griseus), roussâtre en dessus, plus clair en dessous, les pieds et le bout de la queue fauves ; de la Nouvelle-Hollande , sans indication précise de localité. T° L'EUGENE (M. Eugenii), blanc fauve, roux en devant, blan- châtre en dessous . de l’ile d'Eugène, où il vit par troupes. 8° L’ouALABAT (M. ualalabus) 5), ou han- gourou de buisson des colons de Sydney. Nous conservons à cet animal (f) le nom qu’il porte () Zoo!. de la Cogq.,t.1, p. 1463; macropus veterum, Less. Man. 1827, p. 227 ; Fisher, Syn:p., 1. 283. (2) AUas, pi. 20, LU I, p, 116. Æ., capite longo, obtuso; Corpore suprà fusco griseo, infrà griseo fulvo; mem- bris robustis ; auribus minimis. (3) Misc., 1290, LE, pl. 33 (4, Quoy et Gaim., Ur., pl. 9, p. 65. (5) Lesson Zool. Coq., pl. 7, p. 461. (6, Kangurus bicolor, Vélins du Muséum, el Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle, premiére édition : kanguroo d’Aroé, kangurus Brunii, Desmarest, Mam- malogie, sp, #29 : non le didelphis Brunii de Gmelin 456 chez les naturels de la Nouvelle-Galles du Sud. On en trouve dans les Vélins du Muséum (tom. IV, n° 18) une figure inédite, peinte d’après une peau en mauvais état, qui provient du cabinet du Sta- thouder. Mais nous pensons que c’est par erreur qu'on lui a donné, dans plusieurs ouvrages francois, le nom de kangourou d’Aroë, en lui appliquant à tort les courtes descriptions du flander de Valentyn (Amb., t. IT, p.272 ), etde Lebruyn ( Voyage aux Indes . Le kangourou d’Aroë, habitant des climats placés sous l'équateur, diffère notablement du kan- gourou-oualabat, qui est très commun dans le dis- trict de Cumberland , à la Nouvelle-Galles du Sud, et par des latitudes assez éloignées du tropique du Capricorne. Chaque jour on observe cette espèce en abondance au marché de Sydney, où elle est connue sous le nom de kangourou de buisson que lui don- nent les colons anglois. Le kangourou-oualabat est à peine de la moitié de la taille du Æ. labiatus ou macropus major de Shaw. Il a le même aspect et les mêmes formes que les autres kangourous de l’Australie. Cependant son mufle est moins prononcé que dans les grandes es- pèces : ses extrémités antérieures sont minces; les oreilles sont allongées , le museau est plus effilé, les membres postérieurs sont robustes, et la queue est forte et longue. Les poils du museau en dessus sont courts et noirs, ceux du front sont gris ; des poils plus fins et plus longs bordent la lèvre supérieure et le des- sous de l’inférieure. Les joues sont assez velues, gri- ses, ainsi que la gorge. Les oreilles sont ovalaires, pointues, nues en dedans, garnies extérieurement d’un poilres, de couleur noire au sommet, et d’un roux vif à la base. Les deux dents incisives supé- rieures sont un peu plus longues que les latérales : celles d’en bas, courhées en avant et séparées l’une de l’autre, se terminent en pointe mousse. L’occi- put est légèrement fauve. Les membres et le dessus du corps sont revêtus de poils longs, droits, mous, gris à leur racine, blancs jaunâtres à leur pointe, et comme annelés de noir et de blanc. La teinte des flancs est claire, tandis que celle des lombes et du dessus de la queue est d’un brun foncé. Cette der- nière partie est abondamment recouverte de poils très noirs et plus fournis en dessus et à son extré- mité, où ils forment une touffe de couleur roussà- tre. Deux taches d’un gris brun uniforme occupent le dessous des épaules. Tout l’abdomen, la poi- trine et la gorge sont recouverts d’un poil plusépais, plus grossier, tirant sur le jaune roux. Le feutre est et de Valentyn: la phrase spécifique du Systema Na- ture est: Caud& brevi, calva, pedibus posticis longio- tribus tridactylis : oualahat des naturels des environs de Sydney, HISTOIRE NATURELLE d’un gris cendré ; les poils des mains et des pieds, ainsi que les ongles, sont d’un noir intense. Les dimensions de l'individu figuré sont les sui- vantes : Pieds. Pouc. Lig. Longueur totale, du bout du museau à l'origine de la queue. . . . 2 3 6 = UB IHIQUEUC: 2) 2: Le 0 PES ———— de la tête. . . : à: . . »E 4" 6 —————\des, oreilles: MI LUS RUE ————— du bout des ongles jusqu'au CONTES Ras is SR US CNE EN ————— de la cuisse jusqu'autalon. . » 9 » — du talon à l'extrémité de l'on- gle:du; milieu.05: ME SN ETAT 6 ————— des ongles dela main, . . . » » 7 —— des ongles du doigt du milieu dupe, MST RC TER Tels sont ies caractères spécifiques du kangourou- oualabat, qui est parfaitement décrit dans la Mam- malogie de M. Desmarest sous le nom de kanguroo d'Aroë (n° 429; ett. XVII, p. 42, Nouveau Dic- tionnaire d'Histoire naturelle# 2° édition); mais comme il est extraordinairement abondant aux alen- tours du port Jackson, et par conséquent dans une zone assez froide de la Nouvelle - Hollande , on conçoit qu’il ne peut être le pélandoc (1) ou lapin d’Aroé, propre au climat brûlant des Moluques et du nord de la terre des Papous. C’est très probable- ment ce dernier, encore inédit, que notre commis aux revues, M. Gabert, se procura, pendant notre relàche , à la Nouvelle-Guinée. Cet animal, que cet officier acheta à des Papouas, fut conservé en vie pendant quelques semaines à bord de notre navire, et disparut un jour sans que personne püt savoir ce qu'il étoit devenu ; probablement il tomba à la mer. Il eût été d’un haut intérêt à faire connoître , et eût levé tous les doutes sur la véritable espèce décrite par Valentya et par Lebruyn, comme le représen- tant naturel et le premier type, sous l’équateur et dans les iles Moluques, d’un genre nombreux en espèces sur les terres de la Nouvelle-Hollande. Ainsi donc l'animal que nous nommons provisoi- rement kangourou d’Aroé ( kangurus velerum, Less.) est appelé podin par les Papouas du havre de Doréry à la Nouvelle-Guinée. IL présente tous les caractères extérieurs des kangourous australiens, quoiqu'il en diffère par les dimensions des mem- bres. Sa taille est celle du lièvre commun : ses oreil- (") Le nom de pélandor est une faute typographique copiée par tous les naturalistes successivement. Valen- tyn dit: « Le filander est nommé pélandoc-Aroëé par les Malais, chat d'Arou par les Hollandoïs, et aijir par les naturels d’Arou. » Quant au nom de chat d'Arou, ilest à présumer que Valentyn ici confond le phalanger avec le filander. ( Valentyn, Amboine, t. II. p.272.) DES MAMMIFÉRES. les sont proportionnellement plus courtes que dans les autres espèces connues. Sa tête est arrondie , à museau plus conique et moins rétréci que dans l’oua- labat. Le cou est moins grêle. Les membres anté- rieurs sont plus allongés, plus forts, et plus robus- tes ; ceux de derrière sont moins longs et plus gros. La queue est d’un tiers plus courte. Son pelage est uniformément brun sur les parties supérieures du corps, passant au gris sur les parties inférieures. Le caractère de l'individu qui vécut à bordétoit très doux ettrès paisible. fl aimoit la viande, quoique ce genre de nourriture ne füt pas approprié à son organisation. 11 flairoit les aliments qu’on lui présentoit, à la manière des autres kangourous, et, comme eux, il les saisissoit avec ses deux mains. Nous éprouvons le regret de ne pouvoir fournir de plus complets renseignements sur une espèce inconnue des z00- logistes, et qu’il eût été si intéressant d'ajouter à nos collections. Nul doute que Valentyn, en parlant d’un animal de Banda et des iles d’Arou, placées presque sur les côtes de la Nouvelle-Guinée, n’ait eu en vue le kangourou dont nous parlons ici; et que c’est à tort qu’on a pris pour lui le Æ. oualabat , qui vit exclu- sivement dans des latitudes plus élevées. Quant au filander décrit par Lebruyn (1) (t. 1, p. 547, fig. 215), et dont ce voyageur donne une assez médiocre figure, il seroit possible que ce fût encore le pélandoc; et voici textuellement ce qu’il en dit : « Etant à la maison de campagne de notre géné- ral (ilede Bantam) , je vis un certain animal , qu’on nomme filander, lequel a quelque chose de fort sin- gulier. Il y en avoit plusieurs qui couroient en toute liberté avec des lapins, et qui avoient leurs . tanières sous une petite colline entourée d’une ba- lusirade. Les jambes de derrière sont beaucoup plus longues que celles de devant; et cet animal est à peu près de la grandeur et du poil d’un gros lièvre, et a la tête approchant celle d’un renard, et la queue pointue. Mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est qu’il a une ouverture sous le ventre, en forme de sac, dans laquelle ses petits entrent et ressortent, même lorsqu'ils sont assez gros. On leur voit assez souvent la tête et le cou hors de ce sac ; mais lors- que la mère court, ils ne paroissent pas, et se tien- nent au fond, parce qu’elle s’élance fort en courant. » 9° Le K. De LABILLARDIÈRE ( M. Billardieri), à oreilles courtes, à pelage blanchâtre, lavé de fauve, tirant au roussâtre en dessous, de la Terre de Van Diémen. 40° Le bagari des nègres australiens, le silver où brush kanguroo des colonistes ( M. ele- gans, Lamb.) (?), médiocre, à pelage satiné, les (‘) Voyages de Corneille Le Brun (Lebruyn)}), par la Mo:covie, en Perse et aux Indes orientales ; 1718,in-#4. () Linn, Trans., t. VU, pl. 16, p. 318, Le 457 oreilles obtuses, et les pieds de devant pentadacty- les. 11 est excessivement rare , et vit solitaire. 44° Le KANGOUROU À COURTE QUEUE (M. brachiurus) (1), brun, tacheté de noir, roux sur le ventre, ayant des poils longs et droits, de petites oreilles arron- dies, et une queue très courte. Il habite le port du Roi-George:. Il n’a guère que vingt-cinq pouces de longueur, et la queue n’a que sept pouceset demi (2). Le capitaine Parry a offert à la Société zoologique de Londres un kangourou à queue en pinceau (ma- cropus penicillatus, Gray), chez lequel la queue très mince à sa naissance et très touffue dans le reste de son étendue, indique , suivant M. Bennett, la nécessité de former un nouveau sous-genre parmi les animaux rangés dans les macropus. I est de fait que, chez les vrais kangourous, la queue est ro- buste, assez puissante pour former un levier qui tient lieu de cinquième membre locomoteur à ces sin- guliers mammifères australiens. M. Bennett indique encore une légère modification de forme à la dent incisive latérale, qui est bilobée. Ce nouveau kan- gourou paroit très rare, et a été observé pour la première fois dans les plaines de Liverpool, de Ja Nouvelle-Galles du Sud, par M. Hall. Ilsembleaimer par préférence les terrains montueux, ou il se creuse des tanières dans lesquelles il se réfugie quand il est poursuivi. Ses mœurs sont d’une grande sauva- gerie. Il se pourroit que cette espèce fût le gunar des Australiens, que les peuplades noires de cette partie du monde dirent à M. Bennett exister vers Peran-Plains, et ne différer des autres kangourous que par sa tête imitant celle du lièvre, et sa queue garnie de crins floconneux et abondants. A cette section des macropus à queue en pinceau viendroit s’adjoindre ja nouvelle espèce nommée par M. Bennett le KANGOUROU DE Parry ( macropus Parryii) (*), ayant de longueur totale cinq pieds (") Quoy et Gaim., Astrol., pl. 19, p. 114. () M. Jourdan, de Lyon, vient de faire connoître trois nouveaux mammifères du Brésil, des Philippines et de la Nouvelle -Hollande, qu'il considère comme types d'autant de genres : le genre heteropus, appartenant à la famille des kanguroos;le genre acerodon, faisant partie de la famille des roussettes; le genre nelomys, genre des rongeurs, démembré de celui des échymis. Le genre heleropus se distingue des kanguroos vrais et des halmaturus par les caractères suivants : les jam- bes postérieures sont courtes et trapues; l'ongle da troisième doigt en dépasse à peine la partie charnue; ilest pelit, émoussé, et assez semblable 4 un ongle de chien. L'espèce qui sert de type à ce genre, l'heteropus à gorge blanche, provient des montagnes siluées au sud est de Sydney, Nouvelle-Holiande. D’après le rap- port des habitants, il vit dans les montagnes arides, peu boisées, marchant plutôt qu’il ne saute. (Hermés, Do 92, p. 156.) (6) Macropus rhinario lato ; auriculis elongatis me- diusculis ; caudà corpore sublongiore, pilis rigidis )8 158 quatre pouces, la queue entrant dans ces dimen- sions pour deux pieds six ponees. Le pelage de cet animal est généralement d’un gris ardoisé elair ; ses oreilles sont presque rues, sou museau lui-même a une portion dénudée beaucoup plus large que chez les autres espèces , el ses joues sont traversées par une large bande blanche. Les naturels du port Siephens (situé par 32 degrés sud) le connoissent sous le nom de wall :rou. M s'apprivoise aisément, et bien que mis en liberté pour aller dans les buis- sons paitre chaque nuit , l’individu observé ne man- quoit jamais de se rendre à deux heures du matin dans le lieu qu’on lui avoit consacré comme habita- tion. 11 mangeoit, au reste, de la viande, du pain et des végétaux, et cela avec la même eppétence. M. Owen, en disséquant cet animal, qui mourut à son arrivée à Londres, et comparant son organisa- lion viscérale avec celle du grand kangourou, a trouvé quelques difiérences dans les replis mem- braneux du tube digestif et de plus a signalé les points d’asalogie qu'a l'estomac avec celui des ru- minants. M. Fr. Cuvier réserve le nom d'halmalurus aux kangourous, dont la queue est dénudée, et qui ont de chaque côté cinq molaires. Cette petite tribu ne renferme que deux espèces : 40 LekaxGocrnOU À BANDES (K. fasciatus, Péron) (1), d’un roux grisâtre , rayé en travers sur le dos de bandes rousses et fauves, la queue terminée de noir. EL vitsur l’ile Bernier > Le K. ruéris(H. thetidis, Fr. Cuvier } 2), roux cendré, plus clair en dessous, les flanes blanc jaunâtre , les côtés du cou rouges, la queue noire, écailleuse. Le corps mesure vingt- cinq pouces, et la queue vingt. Hi est de la Nouvelle- Galles du Sud. LES KOALA, COALA OÙ KOLOK. Lipurus, GoLpr. (5). Ont le corps trapu, les j:mhes courtes, nul ves- tige de queue, cinq doigts aux extrémités antérieures, se partageant en deux groupes pour saisir le pouce et l'index d’un côté, les trois autres doigts de l’autre. Le pouce manque aux pieds de derrière, et les deux premiers doigts sont réunis comme chez les phalan- gers et les kangourous. Les ongles sont forts et très brevibus incumbentibusvestitä:notæo grisco; jastræo pallido ; fascià genarum, caudûâque pro marimä par- te, albis, hâc ad apicem nigra Procecd. #, 151. (:, Péron et Less., Voy. pl. 27. (Atlas, pl. 35—1 G) Buffeuil, Voyage de 12 Thélis, avec figure peinte par Bessa, (3) Phascolarctos, de Blainv.: koala, G, Cuv.; mero- dactylus, Cuy,; wombatus, Knox, HISTOIRE NATURELLE propres à fouir. La seule espèce eennue, dont AL. Crifhith a donné une figure que nous avons re: produite (1), est le KOALA wOMBAT DE FLINDERS (lipurus cinereus, Gold.) (), cendré, le museau noir. La mère porte son petit sur son cou, se tient dans les arbres ou dans les terriers qu’elle se ereuse, sur la côte méridionale de la Nouvelle- Hollande. LES PHASCOLOMES. Phoscolomys. GEOFFr. Sous ce nom, tiré du grec, et qui signifie rat muni d’une poche, M. Geoffroy Saint-Hilaire a créé un genre de la famille des marsupi:ux pour rece- voir un animal apporté de la Nouvelle-Hollande par Péron, et qu’il nommoit » ombat. Bass, chirur- £gien de l’expédition de Flinders, décrivit aussi sous ce nom de wombat un animal qui, aux formes du phascolome joignoit des différences notables dans le système dentaire, dont M. Cuwier a fait son koala { Règne animal, t. X, p. 184); et M. de Blainville son phascolarctos. Iliger 1 emier avoit toute- fois, dans son Prodrome, proposé, sur la simple et incomplète indication de Bass, le nom générique d’amblotis. Enfin récemment M. Knox, discutant d'une manière diffuse tout ce qui avoit été fait par ses devanciers , adopta le nom générique de wom- batus, et rangea comme deux espèces de ce genre ainsi constitué le phascolarctos ou koala et le phas- colome. Cette opinion n'est pas basée assez solide- ment pour faire loi; et M. de Blainville s’est pro- noncé trop formellement pour l'existence du koala, pour qu’on puisse douter de sa séparation du genre phascolome. Ce dernier possède les dents et les intestins des rongeurs, quelques caractères des carnassiers, et l’organisation ma: supiale des didelphes. Il est done un de ces nombreux exemples des lois d'exception que présente la Nouvelle-Hollande pour les animaux qu’elle produit. La seule espèce décrite de phascolome avoit été rangée par Shaw, qui le premier Îa fit connoître, dans le genre didelphis, où eet auteur entassoit pêle- mêle et sans ordre tous les animaux , quels qu'ils fussent, pourvu qu’ils eussent uné double poche. M. Geoffroy Saint-Hilaire établit les prineipaux ca- ractères du genre dans le tome IT des Annales du Muséum (1853). Les dents du phascolome sont au nombre de vingt- quatre. Chaque maxillaire offre deux incisives, point de canines, et dix molaires. Suivant M. Fr. Cuvier (6) Atlas, pl. 31. (2) Phascolarctos fuscus, Desm,; Screb,, pl, 55, A, JTTAAAN tt Le FU d'après 2 27/L ( Phascolarctos fuscus, Les ) ublée par Pourrat F à Farë cl Aedttri, Phasco omvs Vormoat, t Prblepes l'ourret ÆE a farte DES MAMMIFERES. { Dents, p. 139), à la mächoire supérieure les inci- sives sont très fortes, et paroissent être de vérita- bles défenses : elle: sont arquées, de forme elliptique et à couronne plate. Après un grand intervalle vide vient la première molaire, qui, comme toutes les autres, est une dent sans racines, c’est-à-dire à la base de laquelle la capsule dentaire reste libre : elle est simple, et de forme à peu prèsellipuique. Toutes les autres, de même grandeur, sont composées de deux parties semblables à la première, réunies au bord externe ; de sorte que vers leur côté interne elles sont séparées par une profonde échancrure, tandis qu’un | ger sillon seulement les isole vers le côté opposé. La partie postérieure de la dernière est moins grande que l’intérieure, et à peu près circu- laire. La surface de leur couronne est lisse, et pré- sente dans chaque partie un milieu entouré d’émail et formant une crête relevée. À la mâchoire infé- rieure , les incisives et les molaires sont semblables à celles d’en haut; seulement la dernière molaire est composée de deux parties égales, et la grande échancrure de ces dents est vers leur côté externe. Toutes les dents sont opposées couronne à couronne, de sorte que, dans la mastication, elles paroissent agir toutes également. Les caractères zoologiques du genre sont : un corps épais, raccourci, à formes lourdes ; une tête grosse, aplatie; des oreilles courtes; des yeux mé- diocrement ouverts, très écartés; des pieds à cinq doigts, les antérieurs armés d’ongles c ochus et ro- bustes, propres à fouir ; le pouce des pieds de der- rière très petit et sans ongle ; les trois doigts inter- médiaires à demi engagés par les téguments com- muns; le doigt externe tout-à-fait libre ; une poche abdominale chez les femelles ; la queue très courte, à peine apparente. Les membres antérieurs sont claviculés : le cœ- cum, muni d’un appendice vermiforme, est très petit et très g êle, suivant M. Geoffroy; robuste et très gros, suivant M.C :vier. Le mâle a des os mar- supiaux : la verge est située derrière les testicules, et sort de la partie antérieure de la commissure de l'anus ; elle n’est pas bifurquée, mais le gland est terminé par deux tubérosités. Les os de l’avant-bras et ceux de la jambe ne sont pas soudés ensemble, ce qui permet à ces membres d'exécuter avec aisance les mouvements de pronation et de supination. La marche des phascolomes est plantigrade; et leur encolure a la plus grande analogie, en petit, avec celle de l’ours. Les wombats sont des animaux très lourds, se ramassant en boule, doués d’une grande douceur de caractère, se creusant des terriers où ils se re- tirent pour dormir pendant le jour, tandis qu'ils paroissent ne rechercher leurs aliments que pendant la nuit, Ils vivent exclusivement d'herbes à leur 459 état de liberté, tandis qu’en domesticité ils ne dédai- gnent ni le pain, ni les fruits, les racines, les her- bages,et même le lait. La femelle fait trois ou quatre petits par portée, et en a le plus grand soin. Péron rapporte que les pêcheurs de phoques vivent de la chair de phascolome, qui est fort bonne; aussi M. Cuvier a:t-il exprimé plusieurs fois le désir de voir naturaliser en France un animal aussi utile, et qui fourniroit à nos basses cours un quadrupède d'autant plus précieux qu’il seroit peu difficile à acclimater et à nourrir. On n’a, jusqu’à ce jour, trouvé le wombat que sur les îles du détroit de Bass et sur les côtes-sud de la Nouvelle-Hollande, où il devient de jour en jour plus rare. Encore quelques années, et le wombat privé de tout moyen de dé- fense, n’existera plus que sur les listes zoologiques dressées par les naturalistes. Une seule espèce ap- parlient à ce genre. LE PHASCOLOME WOMBAT. Phascolomys wombat (1). Dans l’âge adulte cet anin:al attei t la taille du blaireau ; son prlage est très fourni, d’un brun plus ou moirs jaunâtre ou plus ou moin foncé en bru- nâtre, et sa nature est grossière; chaque poil est d’un brun clair à la base ensuite marqué d’un petit anneau roussâtre, puis l’un large anneau blanc sale, surmonté d’un cerele brun roux étroit, et la pointe est brune. Les teintes de la poitrine sout plus fon- cées que celles du reste du cerps. Péron et Lesueur , en représentant dans la plan- che 58 de leur Atlas deux phascolomes, ont donné aux quatre petits qui y sont figurés, ainsi qu'à la femeile, une teinte fauve assez claire, tandis que le mâle est d’un brun ardoisé uniforme. La meil- leure figure que nous puissions citer des animaux de ce genre est celle de Maréchal, qui fait partie des belles gravures publiées d’après les Vélins du Muséum. Le wombat trouvé par Péron dans l’île King pa- roit : xister sur la plupart des petites îles semées dans le détroit de Bass. 1) Péron et Lesueur, Voyage aux Terres Austraics, pl! 58; Desmarest, Mammalogie, sp. 431 : phascolo- mys, Geoffroy, Annal. du Mus., t. I, p. 36#: womba- tus fossor, Geoffroy, Catalogue: phascolome brun, Desmarest, Dictionn. d’Hist. nat., 1. XXV : phascolo- mys Bassii, Lessor, Manuel, Manu , Sp- 613: didel- phis ursina, Shaw: Wombat, Cuvier, Kégne animal, t.1, p. 185. 460 LES MONOTRÈMES OU LES PARADOXAUX. Les monotrêmes (!) sont de tous les mammifères ceux qui présentent l’organisation la plus paradoxale ou la moins normale. Des volumes entiers ont déjà été écrits à leur sujet, et les plus vives controverses ont été émises sur leur organisation et sur les fonc- tions qui en découlent. C’est surtout leur mode de reproduction qui à fait naître le plus de doutes. Quant à leur classification, les idées sont loin d’avoir arrêté la place qu’ils doivent occuper dans la série animale. M. Cuvier place les monotrêmes à la suite des édentés de Blainville (?), dans une sous-classe des didelphes anomaux, à la fin de la serie des mammifères. M. Latreille les rejette dans sa seconde classe, en les séparant en deux ordres : les macro- glosses, l’échidné et les pinnipèdes, l’orxitho- rhynque. Enlin, quelques auteurs les placent sur les confins des oiseaux et des reptiles, comme un lien intermédiaire qui les unit aux animaux à ma- melles. Les monotrêmes n’ont donc qu’un cloaque et une ouverture extérieure pour la semence, l'urine et la défécation. Ils n’ont pas de poche abdominale, mais la présence des os marsupiaux atteste l'état rudi- mentaire ou l’ébauche de cette poche. L’urètre s'ouvre dans le cloaque, et dans le repos la verge enveloppée d’un fourreau peut sortir par une ou- verture qui en occupe le fond. Deux canaux tien- nent lieu de trompes et de matrice, et s'ouvrent chacun par un double orifice dans le canal urétral, qui est largement ouvert dans le cloaque. Leur gé- nération est ovivipare, et l'enveloppe de l'œuf, membraneuse, se déchire pour laisser sortir le fœtus. On ignore comment peuts’opérer la lactation. Meckel indique comme glandes mammaires des corps glan- doleux, occupant les côtés du corps, et que M. Geof- froy (3) regarde comme l’analogue de l’appareil que présentent les musaraignes, les desmans; glandes qui sécrètent un liquide odorant, et probablement huileux, destiné à rendre la peau des animaux qui vont dans l’eau peu impressionnable à de longues immersions (4). Enfin, les mêmes anomalies que présentent les parties molles se reproduisent dans (r) « Monotrémes, nom d’un ordre d'animaux qui > lient autant des marmmifères que des oiseaux ; cet or- » dre ou classe est composé des genres ornitaorhynque » et échidné. » (Geoff. Saiot-Hil., Phil. anat ,t.….) ( Dissertation sur la place que la famille des ornitho- rhynques et des échidnés doil occuper dans les séries raturelles, thèse in-4o, 1812. (8)Mém. lu à l'Ac. des Sc., 3 janvier 14827. (:) Ann. sc. nat., t, If, p. 79. HISTOIRE NATURELLE le squelette, et une clavicule commune aux deux épaules est tout-à-fait l'équivalent de l’os de la four- chette chez les oiseaux. De plus, les mâles ont aux pieds de derrière un ergot particulier percé d’un tube, et qui aboutit par des canaux à une glande oc- cupant la région interne de la cuisse. On a supposé que cette glande sécrétoit un fluide vénéneux, bien qu'on n'ait aucun exemple d’accidents survenus par suite de blessures (1). Tout est done anomal dans les monotrêmes ; leurs mâchoires sont sans dents, à moins qu’on ne prenne pour des dents, chez les ornithorhynques, deux tubercules fibreux, aplatis et quadrilatères, n’ayant ni matière osseuse, ni émail dans leur texture. Leurs pieds sont tous terminés par cinq doigts, leurs mem- bres courts. [ls vivent exclusivement à la Nouvelle- Hollande. —_—_—_——_——_——_—————Z2 mé LES ÉCHIDNÉS. Echidna, Cuv.; tachyglossus, ILL1G. Ont leur museau allongé et mince, terminé par une bouche très petite, à travers laquelle passe une langue très extensible, à la manière de celle des fourmiliers ; aussi leur a-t-on donné le nom de fourmiliers épineux. Leur corps est ramassé, re- couvert de forts piquants, parfois entremélés de poils, comme celui des hérissons. Leur palais est garni de quelques petites épines qui remplacent les dents dont sont privées les mâchoires. Leurs pieds courts sont terminés par cinq ongles fouisseurs très robustes. Leur queue est à peine apparente, et leur verge présente à son sommet quatre tubercules. Ce sont des animaux nommés hedges-hogs, cochons de buissons ou hérissons par les Anglois colonistes de la Nouvelle-Galles du Sud ct de la Terre de Diémen, seules contrées où l’on ait rencontré ces animaux. C’est principalement dans les montagnes Bleues que se tiennent les échidnés qui vivent d'insectes, et surtout de fourmis qu'ils saisissent avec leur lon- gue langue gluante. Ils se tiennent cachés sous terre lors des sécheresses, ne sortent qu'au temps des pluies, et peuvent supporter sans inconvénients de longs engourdissements. Ils se roulent en boule, à ce que l’on assure, au moment du danger. Les deux espèces admises dans ce genre ne sont regar- dées, par beaucoup de zoologistes, que comme des variétés d'âge, de sexe ou de localité d’une unique espèce. Shaw en donne la première figure (?) sous le «) M. Benrett affirme, dans une lettre écrite à M. Owen, avoir tué une femelle dont la glande mam- maire trés développée sécrétoit du lait. (Proceed., 1, p. 82:) (2) Atlas, pl. 52: Myrmecophaga aculeata, Shaw, Nal. misc., t. I, pl. 109. AUD D If JDAINO] AD 1]0Y ee FF CISUNZ VUPIU9", 2271 , 6 D NTM COPIE 2772, HE DES MAMMIFERES. ñom de fourmilier épineux; sir Éverard Home le distingua par l’épithète d’'ornithorhynque héris- son (!). C’est l’echidna histrix de Cuvier, recouvert en entier par de gros piquants. On en a distingué, sous le nom d’echidna selosa , une variété ou une espèce dont les piquants sont entremélés et à moitié cachés par des poils épais, nombreux et de couleur marron (?). Les mœurs de l’échidné ont été étudiées par M. Garnot; le lieutenant Meton (Proceeill. 4,25) dit en avoir conservé un individu que le froid fit mourir lorsque le vaisseau qui le portoit doubla le cap de Horn. Il avoit été pris dans les montagnes Bleues, où l’espèce devient de jour en jour plusrare. Avant son embarquement, cet échidné fut nourri avec des œufs de fourmi et du lait, et à bord du vaisseau , avec des œufs broyés avec un peu de foie ou de viande. Il buvoit beaucoup d’eau, et sa ma- nière de prendre les aliments avoit cela de remar- quable , qu’elle rappeloit celle du caméléon, c’est- à-dire qu’il tiroit la langue en Ja déjetant sur le côté, et s’en servant pour tirer les aliments dans sa bou- che. Cette langue est comme revêtue d’une matière tenace qui englue les substances dont l’animal se nourrit. M. Meton donne les moyens qui lui sem- blent les plus convenables pour préserver cet inté- ressant et rare animal des accidents de la naviga- tion , et pour l’amener vivant en Europe. Il paroit que ses déjections exhalent une odeur des plus fétides. LES ORNITHORHYNQUES. Ornilhorhyncus, BLux (3). Sont remarquables par l’étrangeté de leur museau élargi, aplati, et ayant sur ses bords des lamelles transverses comme le bec de certains canards. Des tubes fibreux remplacent les dents au fond de la bouche. Leur corps bas, couvert de poils serrés, aplatis, leur queue déprimée en rame, leurs pieds de devant débordés par une large membrane nata- toire, membrane qui ne dépasse pas la racine des ongles aux pieds de derrière, en font des animaux essentiellement aquatiques. Leur langue semble être double, par un repli qui (" Ornithorhynchus aculeatus. (* Consultez pour l’anatomie de l’échidné Quoy et Gaim., Zool. de l’Astrol., t. I, p. 118,et pl. 21 : Owen, Proceed., t. II, p. 179 : sur ses mœurs, Garnot, Ann. sc. pat., t. VI, p. 504. () Mag. de Voigt, 1800. Le nom d'ornithorhynque a prévalu, bien que Shaw, six mois avant Blumenbach, lui ait consacré le nom de platypus (Atlas, pl. 53); der- mipus, Wiedem. 161 occupe les mandibules et que recouvrent de nom- breuses villosités, tandis qu’un second repli, situé à la base du premier, présente en avant deux petits prolongements charnus. On ne sait rien des habi- tudes et du genre de vie de ces singuliers animaux, quise tiennent dans les rivières de la Nouvelle-Galles du Sud, notamment sur les bords de la Nepean, de Fish-River, de la Maquarie et de la Campbell, au pied comme au-delà des montagnes Bleues. On dit cependant qu’ils se creusent de profonds terriers où ils se nichent et se tiennent cachés, et que bien que les ouvertures de ces souterrains soient sous l’eau, les galeries intérieures se trouvent être élevées au- dessus de la ligne des plus grandes eaux, où l’animal n’a rien à craindre des inondations. La femelle fait un nid en jonc. Le nom de water-mole ou taupes d’eau des colons est assez bien appliqué quant à l’as- pect et aux mœurs; les naturels les nomment mon- [lengorg où mullingong. La première figure qu’on a eue de l’ornithorhyn- que est celle de Shaw (1). Celle de Blumenbach, qui parut six mois après, est remarquable par son exac- titude. C’est à cet auteur que cet animal dut une ra- pide célébrité. Les noms qu’il donna y contribuérent puissamment (?). « Cette créature très extraordinaire, » dit-il, se distingue de tous les mammifères connus » jusqu’à présent par la conformation singulière de » son museau, etc., Cte. (%). » Deux espèces avoient été admises par Péron et Lesueur. Les ORNITHO- RHYNQUES ROUX (D. rufus) et FAUvE (0. fuscus) : le premier d’un roux pâle, avec les ongles antérieurs aigus, et le second à museau et pieds noirs, avec les ongles de devant étroits et obtus, le pelage hrunâtre. M. Geoffroy (#) n’admet qu’uype seule espèce, l'orNi- THORHYNQUE PARADOXAL, et en cela il a suivi l’opi- nion de Meckel, Vander-Howen, et plusieurs au- tres anatomistes. M. Macgillivray a décrit, dans les Mémoires de la Société wernérienne (t. V, p.575), un ornithorhynque à poils crépus (ornith. crispus), qui ne paroît différer du précédent que par le friso- tement des poils immergés dans un liquide conser- vateur. M. Ogilby vient, dans ces derniers temps (”), de distinguer spécifiquement l'ORNITHORHYNQUE A MUSEAU COURT (0. brevirostris), à pelage très épais, fauve vineux, métallisé en dessus, blanc argenté en dessous, et dont les mandibules sont très courtes. Sa taille est de douze pouces anglois; la queue a trois pouces et demi, et le museau seulement dix- huit lignes en longueur et en largeur. Cette espèce (1) Platypus anatinus, Misce., t. X, pl. 385 et 386. (2) Ornithorynchus, bec d'oiseau, et paradoxus, pa- radoxal. (8) Manuel, t.1, p. 165 de la trad. franc. () Sur l'identité des deux espéces nominales d'orni- thorhynques, Ann. sc. pat., 1826, t. I, p.151. (5) Procced., t. IL, p. 150 (1851 }. 462 provenoit de Port-Jackson, sans aucune autre indi- cation de localité. L’ornithorhynque habite donc principalement les bords des rivières dans les endroits où l'eau est pro- fonde, et sur les rives ombragées par des arbres. L'entrée des canaux qu’il se creuse est étroite, et à quelque distance, Le principal siilon se bifurque en deux souterrains qui vont en demi-cercle, et qui se joignent à l'endroit où est établi le gite de la famille, placé dans une sorte de c.ambre couverte de mous- ses et de feuilles, et distante quelquefois de plus de vingt loises de l’eau, et à au moins deux pieds au- dessus de son niveau. Le capitaine Maule rapporte avoir rencontré une vielile femelle avec deux peuts, qu'il put garder vivanie près de deux semaines en la nourrissaut de vers, dé lait et de pain, et en lui douuaut abondamment de l’eau. Elle mourut par suile d’accideut (1). Nous donnons, comme complément de lhistoire de l'ORNITHORHYNQUE PARADOXAL, des détails four- nis sur les habitudes de ce singulier animal, par des témoins oculaires. Ainsi s'exprime M. Patrick Hill, chirurgien de la marine, dans une lettre datée de Sydney, capitale de la Nouvelle Galles du Sud , et adressée au secré- taire de la Société zoologique de Londres : « Vous serez satisfait d'apprendre que je suis par- venu à conlirmer les assertions du docteur John Jamieson sur l'éperon de l’ornithorhyncus para- doxus, Voici un extrait de mes notes : dimanche, 4°" octobre 4529. — Sur les bords de la rivière Camp- bell, en examinant, aussitôt après l'avoir tué, un or- nithorhynque mâle, j'obser vai à l'extrémité, du côté convexe de l’éperon , une pelite tache semblable à l'orifice d’un canal, et en cherchant à passer un erin dans cette tache, trois gouttes successives d’un fluide limpide en sortireni. Je remarquai la même chose à Pautre éperon. Après avoir disséqué le pied de l’ani- mal, je trouvai sur le côté inférieur de la racine de l’éperon, immédiutement au-dessus de l’articulation, un pelis Conduit que Je coupali; il ne conteuoit alors aucun fluide, mais je passai facilement à travers un erin jusqu'à l'éperon. Je vous ai euvoyé celle prépa- ralion, ainsi que la vésicule desséchée. » J ai été assez heureux pour prendre une femelle pleine de cet animal intéressant. Je vous donne un autre extrait de mes notes : Bathurst, 45 octobre. Après déjeuner, j'allai examiner avec M. Scott un trou où l’on nous avoit dit qu’un ornithorhynque blessé s’étoit réfugié, et que nous espérions être la demeure de lanimal; mais en creusant nous vimes (1) Proceed., (. I, p.145. Consultez Knox, Zool.journ , t. ILE, p. 598; Ann. sc. nat., L. X, p. 193; 1. XVII, p.157; t. XVI, p. #61 ; Vander-Hoeven, Act. ces. leop. cur., t. XIE, part. 2, 1825 ; Geoff, Saint.-Hil., Mém, du Mus,, t. XX, p. 4, elc., elc. HISTOIRE NATURELLE que c’étoit celle d’un rat. En revenant nous apprimes qu’une ornithorhyÿnque femelle avoit été apportée vi- vante après avoir été prise dans son nid, près des lagunes de la rivière Campbell, par M. Rawley, qui fut obligé de déchirer le nid par morceaux avant de pouvoir en tirer l'animal. Ce nid étoit formé de ro- seaux et de jones, avec un long tube lui servant d'entrée, hors duquel le bec de l'animal étoit seul visible. On plaça cet ornithorh; nque dans un baguet plein d’eau, et il sembla s’y plaire pend :nt quelque temps, plongeant parfois son dos dans l’eau pour se gratter la tête avec ses pieds de derrière. Ses veux sont pelits et proéminents, d’une couleur brun terne, avec la pupille bleue, et sont placés immédiatement à la base du bec. Au bout de peu d'instots il parut vouloir sortir de l’eau, on l’en retira, on attacha une corde autour de sa jambe et on le laissa aller sur le gazon , où il se traina avec assez de difficulté; il pa- rut se plaire à ce qu’on li grattàt la tête, car il me le laissa faire sans bouger. 14 octobre. — Je trouvai l’ornithorhynque presque mort, et j'examinai sa struc- ture. Le rectum, le vagin et la vessie ont un orifice commun; en ouvrant l’abdomen je trouvai dans l’o- vaire gauche un œuf rond et jaune, de la grosseur d’un petit pois. Il y en avoit deux autres plus petits, et une immense quantité de petiles vésicules, à peine apercevables à l'œil, mais faciles à voir au mi- croscope. El n’y avoit point d’utérus ni aucun corps qui y ressemblàt, mais seulement un tube condui- sant au cloaque, qui se divisoit en deux conduits allant aux ovaires, semblables par leur situation aux trompes des animaux vivipares, mais beaucoup plus grands et plus larges. [1 n’y avoit aucune apparence d’imprégnation daus l'ovaire droit; j’enlevai toutes les parties intérieures de la génération, la vessie urinale, une portion du rectum, et les mis dans l'alcool. Cette préparation est maintenant en la possession de M. Scott, qui doit l'emporter en An- gleterre. » Cookoogong, un des naturels, chef de la tribu | de Boorah-Boorah, dit qu’ils savent tous que cet ani- mal dépose deux œufs, à peu près de la forme, de la grosseur et de la couleur de ceux d’une poule; que la femelle couve fort loeng-temps ses œufs dans un nid que l’on trouve toujours au milieu des roseaux sur la surface de l’eau; que cet animal peut courir sur le gazon, et qu'on le trouve parfois à une dis- tance considérable de l’eau; qu’il sait aussi qu’une blessure de l’éperon du mâle est suivie d’enflure et de grandes douleurs, mais que, quoiqu'il ait vu piu- sieurs de ces accidents, il n’y en a jamais eu de mor- tels ; que la chair de cet animal ne se mange jamais, et que son nom de pays est mullingong. » A ces détails nous ajouterons, d'après M. Ben- nett, que l’ornithorhynque habite les eaux tran- quilles et les retraites les plus cachées. Sa capture Q DU ee 7 2412 ‘ CCI €, 7 1 AUAOUYIU I) 7 ? SNXOPYUY saou pi | - , VA 4 ea / : DES MAMMIFÉRES. est difficile, ear il est doué d’une prudence excessive que desservent des sens vigilants et très impres- sionnables. Il est difficil> de le tuer, car le plomb glisse sur les poils de son corps, et sa tête est le seul point vulnérable. Lorsqu'il est atteint par un coup de feu, il plonge et cherche à gagner son trou, ou bien il se cache au milieu des herbes aquatiques. Sa défiance est telle, qu'il disparoït au plus léger bruit lorsqu'il vient respirer à la surface de l’eau, et même ilest rarement paisible, et plonge fréquemment. Le meilleur moment pour le tirer est celui où il se forme un iéger remoux sur l’eau, indice certain qu’il va apparoître, et qu’il devient nécessaire de saisir ce seul moment opportun, puisque sa tête va s'élever au dessus du liquide. Il faut alors être en joue, et avoir le doigt aussi prompt pour faire partir l’arme que le coup d'œil qui perçoit l’image de ce fantasque quadrupède. 465 M. Owen (!) a pu étudier de très jeunes ornitho- rhynques, que M. Weatherhead s’étoit proeuré à la Nouvelie-Hollande , et qui méritèrent son attention par Pabsence totale des poils, la mollesse du bec, et la brièveté de cette partie relativement à sa lar- geur, et au développement qu’elle présente chez les adultes. La langue surtout a cela de remarquable, qu’elle paroît être le seul organe convenable de pré- hension pour les aliments. Sur le milieu de la man- dibule supérieure, et un peu en avant des narines, on remarque une petite éminence charnue, cartila- gineuse à ses bords, etqui manque chez les adultes. Elle semble l’analogue de la pointe accessoire avec Hhaquelle les jeunes oiseaux brisent les enveloppes de l'œuf au moment où ils éclosent. Il croit avoir rencontré des traces de globules de lait dans les pa- rois de l'estomac. (") Proceed., 1834, p. 43. LIVRE EX. LES RONGEURS. Gires. L. Forment une grande famille naturelle, dont tous les genres s’enchainent par uue filiation non inter- rompue. Linnæus donnoit pour caractères généraux à ses glires, deux dents incisives en haut et en bas; de manquer de molaires ; d’avoir les picds onguiculés, et propres à sauter ; de vivre en rongean les écorces, les racines et autres matières végétales. Ce nom de glires répondoit au LOIR, le glires des anciens est le type de l'ordre. Illiger proposa le nom de prensiculantia, inventé par Buttmann, parce que les animaux de cctte fa- mille se servent des pattes antérieures, à la manière des quadrumanes. Les rongeurs peuvent être caractérisés de la ma- nière suivante : les pieds sont onguiculés ; le corps est d’une forme ovale; les membres sont courts et le plus ordinairement disproportionnés, c’est-à-dire que les antérieurs sont plus courts que les inférieurs, de sorte qu’ils sautent plus qu'ils ne marchent; leurs intestins sout forts longs ; le cœcum est souvent plus volumineux que l'estomac, qui est simple; les par- ties de la génération sont trop développées ; le cer- veau est lisse et sans circonvolution ; les orbites et la fosse temporale n’ont point de lignes de démarcation. Les yeux sont toujours latéraux. Mais ce qui caractérise plus particulièrement les rongeurs sont : la forme et l’organisation des dents. Les incisives n’ont d’émail que sur leur face anté- rieure; elles n’ont point de racines, et &’est ce qui leur permet de croître sans cesse ; leur nombre est, le plus ordinairement, de deux à chaque mâchoire, excepté chez les lièvres et les lagomys, où elles sont au nombie de quatre en haut. Les dents molaires se composent parfois de racines distinctes de la cou- ronne, et appa tiennent aux rongeurs omnivores : d’autres fois, au contraire, les dents sont réduites à une seule couronne qui est propre aux rongeurs fru- givores, La nature des dents molaires varie: les unes sont composées de matière osseuse et d'émail, et les autres ont, de plus que les deux matières de ces premières , la substance corticale. La surface des couronnes est hérissée de collines et de sillens qui prennent diverses formes, suivant les degrés d’usure, et beaucoup de genres ne reposent que sur ces ca- ractères fugaces. Ces animaux vivent dans tous les climats, et se nourrissent de fruits, de graines, de feuiles et d'herbes. I!s sautent beaucoup plus qu'ils ne mar- chent. La plupart se creusent des terriers, vivent en troupes nombreuses. Un grand nombre ont peu d’instinet et très peu d’attachement pour leurs pe- 464 tits; d’autres , au contraire. sont remarquables par leur intelligence et leur industrie. Ona diviséles rongeurs en deux grandessections, suivant qu’ils ont les clavicules complètes ou seule- ment rudimentaires ; et nous allons successivement passer en revue les genres qui entrent dans cette grande famille. LES ÉCUREUILS. Sciuri. L. Forment le premier genre de rongeurs qui doive nous occuper. Buffon n’en à décrit que treize, c’est- à-dire sept écureuils, deux guerlinguets, un tamia el trois polatouches; mais ce nombre s’est singuliè- rement accru dans ces dernières années, et il devient nécessaire, pour établir un peu d'ordre dans l’étude des soixante-quinze à quatre-vingts espèces de ce genre, que nous adoptions quelques distinctions gé- nérales. La première tribu, entièrement indienne et ma- décasse, sera celle des FUNAMBULES (funambulus) ; elle comprend les écureuils dont la tête est bombée, les oreilles sans pinceaux, courtes et arrondies, les formes corporelles trapues , les membres assez min- ces, la queue très longue , arrondie et garnie de poils sur toute sa surface , le serotum très développé ; le type de cette tribu est L’ÉCUREUIL DE MADAGASCAR (1), décrit par Buffon. La deuxième espèce est le GRAND ÉCUREUIL DE LA CÔTE MALABar (?), de Scnnerat, le rasou des montagnards indiens, et qui se trouve dans plusieurs contrées des Indes, sur le continent, à Java et à Ceylan. Son pelage est noir, tandis que les flancs et l’occiput sont d’un beau marron vif; la tête et le dedans des membres sont jaune pâle. Il setient sur les palmiers, et recherche le lait émulsif des noix de coco. ‘5° Le LaRY (*) de Sumatra, que les Javanois nomment bokiol, fauve, varié de gris en dessus, blanc en dessous, marqué de trois bandes noires longitudinales, et de bandelettes ferrugineuses sur les côtés du cou et des flancs. 4° L’AFFINIS (f) de sir Raflles. A son sujet nous lisons dans le catalogue des animaux qui vivent à Sumatra : « Qu'on le trouve abondamment dans les bois de Singapore ; il a un ongle plat sur le pouce des mains, qui est très court, cendré ou brunâtre sur la partie supérieure de la tête. du corps et de la queue et à l'extérieur des membres, et presque blanc en dessous et aux (*) Buffon , suppl., pl. 63, sciurus madagascariensis, Shaw, Gen. zool. (2, Sc. maximus, Screber ; Horsf. Zool. research ; Sc. macrourus, Forster. (G) Sc. insignis, Fr.Cuv., 34eliv., Horsf.Zool. research. (#) Sc. affinis, Raffles, Cat. HISTOIRE NATURELLE parties intérieures. [l a à peu près la taille du sciu- rus bicotor. La séparation des couleurs sur le corps n’est pas aussi brusque que dans cette espèce, une raie brune rougeâtre marque la transition. Le gris domine sur les parties supérieures; mais il paroît varier considérablement en différentes saisons (peut- être au temps du rut), changeant en brun clair et même en jaune foncé. Les premiers individus que l’on se procura en février éloient de cette dernière couleur ; cinq mois après on les trouva gris. L'un d'eux, que j'ai possédé dix mois et qui vit encore, n’a pas changé visiblement de couleur dans cetemps. Cet animal est très doux, et est un compagnon très assidu et très divertissant au déjeuner. » On n’a pas examiné un assez grand nombre des sciurus maximus et bicolor pour décider s’ils sont sujets aux mêmes variations de couleurs. Un jeune des derniers, venu du détroit de la Sonde, avoit toute la queue de couleur fauve comme son ventre, tandis que chez les adultes elle est entièrement noire, ainsi que la partie supérieure du corps. Ces faits prouvent combien il faut apporter d’attention pour ne pas multiplier le nombre des espèces dans ce genre sur la simple variété de couleurs, parce que des variétés intermédiaires seront souvent trou- vées unir des espèces en apparence assez éloignées. » 5° Le Turaï(!), que sir Rafil-s décrit en ces ter- mes : « Cette espèce, qui paroît voisine du sciurus ginginianus, est plus petite que le S.affinis. On la trouve fréguemment dans les bois de Bencoolen, vivant principalement sur les palmiers. Cet animal fait un trou dans les noix de coco dans le dessein de boire le lait qui y est contenu. On l’y appelle chez les Malais {upaï, ce qui paroît être le nom généri- que des écureuils. Il a environ huit pouces de long, et la queue à peu près autant. Les oreilles sont ron- des , assez semblables aux oreilles de l’homme pour la forme, et non velues. La couleur de la partie su- périeure du corps et de la queue est grise jaune mélangée, chaque poil étant deux fois annelé de noir et de fauve. Les parties inférieures sont rouge brunâtre ou fauve. Sur les côtés, depuis l'épaule jusqu’à la jambe de derrière, est une raie blanche, séparée des parties fauves par une raie noire. La queue est ronde, les poils en sont uniformément dis- posés, en s’étendant de chaque côté, par quoi il ressemble au $. guerlingus (mioæus queilingus, Pennant ). Il la porte élevée comme les autres écu- reuils, et elle est de la même couleur que le corps, à l'exception de l'extrémité qui est garnie de quel- ques poils fauves. Le scrotum est très grand et pen- dant. Les yeux sont entourés par un cercle fauve. Les moustaches sont noires. (:) Sciurus vittatus, sir Raffles; Sc. bivittatus, Fr. Cuv., 34e liv. MLD LE 04 (LE Z ñ ANT cu CC cureut cecolere., Saurus bicolor : Jhar 77 x Pourrat F. à Parir luble y TU en El TR UE Le fe au ï t'a NP vi de u) 1: " v" 4) + 2 LT Re T AN PNA f » / PA DA / h Ê ee LM re CLP Cd 0 repré Titi” Puble par lourratÆ, a Parce. DES MAMMIFÈRES. » Il y a une autre espèce très rapprochée de la précédente. mais beaucoup plus petite, n'ayant que cinq pouces de long; elle a des caractères identi- ques : les oreilles arrondies, la queue ronde, et un grand scrotum; mais elle diffère en n’ayant pas la raie blanche sur les côtés ; en ce que les parties in- férieures sont d’un blanc grisâtre et non pas fauve; en ce que la queue manque de poils fauves à son extrémité , eten ayant les couleurs claires et foncées plus distinctes et tant soit peu annelées. Pour tout le reste et pour la couleur du dos il ressemble exac- tement au premier, et n’en est peut-être qu'une variété. » 6° Le PALMISTE (1), brun roussâtre , avec trois bandes dorsales blanchâtres, très commun dans les palmiers des alentours de Pondichéry et dans les jardins du Dukheu, où les hahitants le nomment khurry. 7° Le BANANISTE (?), gris en dessus, jaunà- tre en dessous, avec une ligne blanche sur chaque flanc, est le plantan squirrel de Pennant, qui vit dans l’ile de Java. 8° L’ECUREUIL A VENTRE DORÉ ($), est de la taille du grand écureuil de la côte du Ma- labar. Sa queue est excessivement allongée , et dé- passe de beaucoup le corps. Les poils sont partout en dessus jaune clair, passant au jaune safrané en dessous. Le bout du museau est blanc. El vit à Java. 9° L’ÉCUREUIL A CROUPION ROUX (4), roux brun en dessus, roux cannelle en dessous. Des forêts de Syriam au Pégou 10° L’ÈCUREUIL DE KERAUDREN (°), découvert par M. Reynaud dans l’empire des Bir- mans, où il est nommé sin-nti, d’un roux brun foncé, le bout de la queue seul est blanc, et les ex- trémités noires. 44° L’ECUREUIL A QUEUE DE CHE- vaL (6), ayant de longs poils noirs à la queue, la tête et les fesses brunes le dos roux, le dessous du corps orangé vif. De l’ile de Java. 42° L’ECUREUIL A VENTRE GRIS (7), aussi de Java, à queue annelée, brun fauve sur le dos, gris sur le ventre. 15° L’ÉCu- REUIL AUX MAINS JAUNES (#), brun tiqueté de rous- sâtre en dessus, roux marron sous le corps et sur les membres, mais ayant le museau et le devant des membres antérieurs fauves, et la queue entièrement annelée. Habite Ceylan et la Cochinèhine. A toutes ces espèces nous ajouterons les suivantes : 440 L’E- CUREUIL DE BRAAM (°), que l’on dit vivre aux Indes () Sciurus palmarum, Briss., Buff., enl. 121. (>) Sciurus plantani, Horsf., Zool, research. (3) Sciurus auriventer, Isid. Geoff, Saint-Hil., Etudes, pl. 5, p. 15. ( Sciurus pygerythrus, Isid.Geoff. Zool. de Bélanger, pl. 7, p. 145. (5) Sciurus Keraudrenii, Regn. in cent, zool., pl. 1; sciurus ferrugineus, F. Cuvier, 59e liv. (6) Sciurus hippurus, Isid. Geoff., Etudes, pl 6. (7) Sciurus griseiventer, Isid. Geoff., Etudes. (8) Sciurus flavimanus, Isid., Etudes. (o) Sciurus redimitus, Van Der Boon Mesch, Amst., 4829 ; Bull., t. XXIV, p.76. LI, orientales, où l’auroît découvert le : Braam , est fauve sur les parties supé res que toutes les parties inférieures et le dedans des membres sont d’un roux pâle : une raïe blanche lon- gitudinale parcourt les flancs. 15° L’ÉCUREUIL D»'E- PHINSTON (1), qui vit dans le pays des Mahrattes, où les habitants le nomment shekrou. Il à la taille du sciurus maximus, et vit exclusivement dans les forêts des Ghants occidentales. Son pelage est d’un beau marron luisant , passant au roux blanchâtre sous le corps, tandis que la moitié de sa queue est d’un roussâtre pâle.Peut-être devroit-on placer cette espèce parmi les vrais écureuils. 46° L’ÉCUREUIL DE Prevosr (), noir en dessus, jaune sur les flancs, marron en dessous, la queue brune. Habite l’Inde, 17° Peut-être ne doit-on pas distinguer du précédent l'ÉCUREUIL DE RAFFLES (3), noir en dessus, roux en dessous, ayant une bande latérale allant de l’humé- rus à la cuisse blanche, ainsi qu’une tache de cette couleur derrière la bouche, et les joues grises. Habite l’ile de Sumatra. 48° L’ÉCUREUIL DE LEs- CHENAUTT (4), découvert dans l’ile de Java par le voyageur Leschenault de la Tour, a parfois son pelage brun foncé ; mais le plus ordinairement brun clair, excepté la tête, la gorge, le ventre et le dedans des membres qui sont d’un blanc jaunûtre. 49° Le BICOLORE (5), brun foncé noirâtre en dessus, fauve vif en dessous, les yeux cerclés de noir. Habite Java. 20° L’ÉCUREUIL RAYE DE NOIR (5), voi- sin par ses rapports de l'espèce nommée le bana- niste. Cet animal , également de l’île de Java, est varié de fauve, de gris et de brunâtre , à teintes plus claires sur les flancs et autour des yeux, et blanc sous le corps. Une raie noire se dessine sur les flancs, et la queue, fort longue, est annelée de noir. 21° Le FINLAYSON (7), que Buffon paroît avoir connu sous le nom d’éeureuil blanc de Siam (5), a son pelage blanc de neige nuancé de jaune sur le dos, les yeux, les moustaches et la plante des pieds très noirs, La queue n’a que quelques poils noirs clair-semés. Le docteur Finlayson a rencontré cetécureuil dans l’ile Sichang, dans le golfe de Siam. 22° L’ÉCUREUIL FLUET (°), rapporté de Sincapore par M. Finlayson, a le pelage fauve intense, nuancé finement de brun, les flancs jaunâtres, et le dessous du corps cendré jaunâtre, la queue brune annelée de noir. 25° Le royageur Van () Sciurus Ephinstonii, Sykes Proceed., t. I, p. 103. () Sciurus Prevostii, Desm., 537. (3) Sciurus Rafflesii, Horsf. et Vig., Zool. journ., t. IV p. 143, pl. #. (4) Sciurus Leschenaultii, Desm.; sciurus albiceps, Geoff, (5) Sciurus bicolor, Sparmann, Desm., 539, (6) Sciurus nigrovittatus, Horsf., Zool. research, (7) Sciurus Finlaisonii, Horsf., Zool. research. (5) Hist. nat, t. VILLE, p. 256. (9) Sc, tenuis, Horsf., Zool, research, 59 466 TUPAÏ JINJANG Ou TANRRAWA (1), des Malais, très commun d es iles de Java et de Sumatra. Sa coloration est remarquable par sa teinte cannelle, brunâtre sur les flancs, blanc sur les côtés de la tête. La queue, plus longue que le corps, est jau- nâtre à sa pointe. C’est une grande espèce voisine du S. bicolor, ayant quatorze pouces de longueur, et la queue en a quatorze à seize. 24° L’ÉCUREUIL ANNELE (?), dont la patrie est ignorée, nous paroit devoir être rapporté à ce groupe, car nous le sup- posons originaire de l’Inde. D’un blanchâtre teint d’olive en dessus, blanc en dessous. Sa queue, plus longue que le corps, est grêle, et annelée de cercles noirs blancs alternatifs. 25° L’ECUREUIL GIinxGy (5), vient clore la série d’écureuils à oreilles arrondies. Son pelage est roux cannelle, marqué de chaque côté d’une raie neigeuse , tandis que le dessous du corps et le dedans des membres sont blancs. Sa queue est annelée de noir et de blanc. Ses ongles sont fort al- longés. On en distingue une première variété, grise roussâtre, à l’extrémité de la queue noire ({); une deuxième, qui est l’écureuil de yingi de Sonnerat (5), varie de noir roux ocreux en dessus, blane en des- sous. Cette espèce habite les Indes orientales, Java et la presqu’ile de Malacca. Deux espèces originaires de l’Inde sont encore mal connues. Ce sont : 4° L’ÉCUREUIL ROUGE (°), mé- langé sur le corps de jaune et de brunätre, tandis qu’il est en dessous d’un fauve sanguin. Les oreilles sont ciliées : ce qui en feroit un véritahle écureuil. On le dit des Indes orientales. 2° L’'ÉCUREUIL JAUNE (7), dont les oreilles sont arrondies, le pelage jaune, la queue grêle et poilue. On a dit eet écureuil d’Amé- rique. Pennant le signale comme indigène de Guzu- rate, et de quelques autres points des Indes orien- tales. Nous croyons que celle espèce est identique avec le sciurus auriventer de M. Geoffroy Saint- Hilaire fils. © La seconde tribu, exclusivement africaine, est celle des SPERMOSCIURES (spermosciuri) , caractérisée par le grand allongement du corps, le renflement du dos, les membres antérieurs plus longs et plus grêles que ceux des vrais écureuils, des oreilles courtes, nues, arrondies, ne dépassant pas la tête, qui est longue, uniformément déprimée, un serotum très développé, une queue touffue, couverte de poils là- ches ou serrés, tous les poiis rudes ou cassanis. Leurs mouvements sout ients, et n’ont rien de la pétulauce () Sir Raffles; seiurus hypoleucus, Horsf,, Zool, re- search. (2) Sc annulatus, Desm., 546 () Sc. albovittatus, Desm. Horsfield, Zool. research, {#) Desm., DicL. hist nat ,X, 110. (5) Sc. dschinschinus, L.; Sc gingianus, Shaw. (6) Sc. crythrœus, Pallas, Horsf. {r) Sc. flavus, L, _ HISTOIRE NATURELLE de ceux des écureuils ordinaires. Le type de cette tribu sera : 4° Le SCHILLU D’ABYSSINIE (1), fauve, ti- queté de blanc et de noir en dessus, blanc en des- sous, la queue touflue, fauve sur sa face dorsale, ayant d’épaisses moustaches. Habite le Kordofan et le Sennaar. 2° L’aguimp des Hottentots (?), roux ocreux, noirâtre en dessus, blanc en dessous, à poils rigides, spinescents. Du Cap. 5° Le NAMAQuOIS (3), noir en dessus, brun en dessous, ayant une ligne blanche latérale. Du pays des Namaquois, dans l’in- térieur du Cap. 4° Le rossoyeur ({), entièrement fauve, plus ou moins brua verdätre. La teinte ver- dâtre est plus pure sur les flanes et les cuisses. Les membres sont fauves en dehors. Tout le dessous du corps est blanc pur. Sous l'oreille existe une tache blanche, et une bandelette transversale neigeuse part du bas, et va gagner la naissance de la cuisse. La queue fort touffue est olivâtre, rousse, et variée de brun par sortes d’anneaux incomplets. IL vit au Sénégal et au Bornou. Le nom de fossoyeur lui a été donné par M. Geoffroy Saint-Hilaire, d’après un in- dividu qui avoit vécu en captivité, et qui avoit des ongles tres développés , ce qui faisoit supposer qu’il éloit fouisseur, et ce qui est au reste fort probable. à° L’ÉCUREUIL AUX PIEDS ROUX (©) habite la côte de Sierra-Leone en Afrique, et plus exclusivement la petite île de Fernando-Po. Entièrement olive foncé ou verdâtre en dessus, blanc en dessous. Cette es- pèce se distingue par l'orangé vif de ses joues, de ses fesses et de ses quatre extrémités. De plus, une ban- delette blanche se dirige longitudinalement sur les côtés du corps Sa queue est variée de roux olivâtre brun, et a des poils longs et distiques. 6° Le BRA- CHYOTE (6), qui vit en Abyssinie, où il a été décou- vert par MM. Ehremberg et Hemprich, a le corps et les flancs tiquetés de gris, de noir et de roux, le devant des membres et le dessous du corps d’un blanc sale, la queue touffue et comme annelée de roux et de brunâtre, disposition due à ce que les poils sont annelés de roux et de brunâtre. Doit-on ajouter à _cette petite famille les espèces suivantes ? 7° L’ÉCu- REUIL OCULAIRE (7), qui a le dessus du corps d’un bleu blanchätre, passant au blanc pur en dessous. Le museau en dessus et une tache derrière les oreilles sont blancs. Une bandelette noire traverse les joues. Le seul individu observé par M. Smith a été trouvé (:) Sciurus rutilis, Ruppell, pl. 24. (>) Sciurus setosus, Forster; Sc. capensis, Thunb.; Sc. Levallantii, Kuhl. (3) Sciurus namaquensis, Lichst., cat. 16. (4) Sciurus crythropus, Geoff. Saint-Hil.; Fréd. Cuv., 62e liv.; sciurus dschinschicus, Voyage de Denham, t. IL, p. 232. (5) Sc. pyrropus, Fr. Cuv., 66e liv. (6) Sc. brachyotus, Hemp et Ehremb., déc. I, pl. 9. (+) Sc. ocularis, Smith, Zool, journ,; t, IV, p. 439; Bull., t. XVII, p. 276. DES MAMMIFÈRES. ë dans un arbre creux près de la baie de Slettenberg, au cap de Bonne-Espérance. 8° L'ÉCUREUIL D’ABYs- SINIE (1), noir, ferrugineux en dessus, gris en des- sous trois fois plus grand que notre éeureuil. 9° L’£- QUREUIL DU GONGO (?), varié en dessus de noir et d’olivâtre, ayant deux bandes blanches longitudi- nales , bordées d’un liseré noir à leur bord inférieur, les flancs blanc lavé de jaunâtre, la queue variée de noir et de jaune, les oreilles petites, privées de pin- ceau de poils, Du Congo. 10° L'ÉCUREUIL DE PER- SE (3), à teinte obscure , les flancs blancs, le dessous du corps jaunâtre, les oreilles sans pinceaux, la queue annelée de brun cendré et de blane. Le pour- tour des yeux est noir, les parties nues des pieds et des mains sont rouge vif. Il habite la province de Gilan en Perse. 41° L’ÉCUREUIL ANOMAL (#) est encore très mal connu. Guldensteldt le dit de la Géorgie, et Kubhl assure qu’il vit dans l’Inde. Il est fauve en dessus , avec du cerdré sur les côtés, et tacheté de noir et de roux, ce qui tient à ce que les poils sont cendrés à leur base, puis jaune roux et brun noir, et puis jaune roussâtre à leur sommet. Les noirs sont les plus longs. La queue est grande, touffue, d’un roux vif en dessous et fauve en dessus. 42° Enfin, V'ÉGUREUIL BARBARESQUE (5), remarquable par ses quatre bandes longitudinales blanches sur le dos, et qui vit en Afrique, pourroit appartenir à la seconde section. Mais nous allons décrire comme de vrais spermo- seiures, trois espèces inédites du Sénégal qui ont les plus grands rapports de formes avec le schillu d’Abyssinie. La première, que nous nommons ÉCu- REUIL MARABOU (6), a de onze à quatorze pouces de longueur, et la queue longue de sept à dix pouces. Ses oreilles sont nues et légèrement échancrées au bord externe de la conque. Sa tête est remarquable- ment allongée. Son pelage est fauve brunâtre tiqueté de roux vif en dessus, tandis que le tour des yeux, les joues, la gorge, la poitrine et le bas du ventre sont blancs. Les côtés du corps sont au contraire blanc sale, et une bande longitudinale, allant des bras aux lombes, est de teinte neigeuse. Les poils de la queue sont épais, très abondants, longs, roux vifs à leur moitié. puis blanes, et ensuite noirs, en enfin terminés de blanc. La deuxième espèce est l’Écu- REUIL MODESTE (7), long de dix pouces, la queue ne mesurant que huit, tiqueté de gris, de fauve et de brun en dessus, blanchâtre en dessous. La queue est gris fauve, comme annelée de brun. La troisième (:) Gmelin, Thevenot, Voy., t. V, p. 54. (2) Sc. congicus, Kuhl., Beitr,, 66. (3) Sc. persicus, Gm. (4) Sc. anomalus, Guld. in Screber, pl. 215. (5) Sc. getulus, L., Briss., pl. 27. (6) Se. marabutus, N, (7) Sc, simplex, N. 467 espèce est l’ÉCURFUIL GRIOT (t), de petite taille, celle de natre écurenil commun. et à pelage roux bru- nâtre, tiqueté de noir. Une bande!ette blanche lon- gitudinale va de l'épaule jusqu'aux lombes. Le tour des yeux, le devant du cou, le dedans des membres sont blanes. Sa queue est médiocre atténuée et poin. tue, parfaitement ronde, et garnie de poils assez courts, blanchâtres. Tous les poils sont secs, rudes et cassants. LES GUERLINGUETS ), Sont des écureuils de l'Amérique intertropieale, à formes assez robustes, à membres courts, à mu- seau garni d’épaisses moustaches. Les oreilles sont pointues, mais privées de pinceaux de poils. Leur queue, beaucoup plus longue que le corps, est mince, arrondie et garnie de poils courts. On en connoît deux. de la Guyane et du Brésil, le grand (5) et le petit (%) guerlinguet, décrits et figurés par Buffon. Ils forment une troisième tribu naturelle. La quatrième tribu sera celle des VRAIS ÉCU- REUILS (5), reconnoissables à leur taille plus réduite, à leurs membres proportionnés, à la queue de la lon- gueur du corps, touffue et à poils souvent distiques, à leur tête courte et bombée, à leurs oreilles aiguës, saillantes, poilues ou parfois terminées par des pin- ceaux de poils. Leurs mouvements sont agiles, leurs ongles peu forts ; leurs habitudes les retiennent ex- elu ivement sur les arbres des forêts. Leurs poils, abondants et soyeux, changent suivant les saisons ; car ce sont des animaux des régions glaciales et tem- pérées de l’Ancien et du Nouveau Monde, et qui n’habitent que les zones refroidies entre les trepi- ques, en ne quittant pas alors les hautes montagnes. La première espèce est l’'ÉCUREUIL VULGAIRE (6) qui garde dans nos elimats son pelage rouge marron, et qui dans le Nord prend, l'hiver, un pelage gris bleu tendre (7); on dit même que dans le nord de l’Asie il devient brun noir ; mais il est presque certain que cette livrée appartient à l'espèce suivante. F'écureuil est donc répandu dans toute l'Europe tempérée et boréale.puis il s’est propagé dans l'Asie et même dans le nord de l'Amérique. 2° On distingue du précédent l'ÉCUREUIL DES PYRÉNÉES (8), dont le pelage est un {:) Sc. prestigiator, N. (2) Macroæus, Pars.; Fr. Cuv.; myoæus, Shaw, (3) Sc. æstuans, L. (4) Sc. pusillus, Geoff. (5) Sciurus. (6) Sc. vulgaris, L, (7) C'est alors le pefit gris du commerce, quand on prend seulement le dos, et le vair quand on choisit le blanc satiné du dessous du corps. (8) Sc, alpinus, Fr, Cuy., Mammif,, t, L, F” à. 468 brun assez foncé, tiqueté de blanc jaunâtre sur toutes les parties supérieures du corps, et d’un blanc pur en dessous. Les lèvres sont marquées par un rebord blanc. Il habite les chaînes montagneuses de presque toute l’Europe. Le mont Liban possède un véritable écureuil , le sciurus syriacus, figure 9, planche 8 des Décades de MM. Hemprich et Ehremberg, dont les oreilles sont saillantes, mais non terminées par un pinceau de poils. Il est brun noir en dessus, tiqueté de blanc ; la tête, les flancs et le dessous du corps d’un roux couleur de buffle. Sa queue est d’un roux vif, mé- langé de noir et de blanchâtre. L'Amérique est, sans contredit, la patrie d’adop- tion des écureuils, tous privés de pinceaux de poils aux oreilles. Nulle part ils ne se présentent en aussi grand nombre que dans sa portion boréale, bien que d’autres contrées de ce vaste continent nourrissent quelques espèces distinctes. Le Chili a le degu, connu par une courte indication de Molina (!), et type d’un nouveau genre, intermédiaire aux rats et aux écu- reuils. Le Brésil, que l’on supposoit n'avoir qu’un guerlinguet, possède aussi sur ses montagnes un vé- ritable ÉCUREUIL, depuis long-temps indiqué par Marcgrave (?}, et décrit par M. F. Cuvier ($), comme ayant la taille de l'espèce vulgaire d'Europe, le pe- lage brun, tiqueté de fauve sur le dos, à nuances fauves sur les membres et la queue, fauve vif sous celte dernière partie, tandis que le ventre et la gorge sont d’un blanc grisàtre, que tranche une ligne fauve qui va de la poitrine au scrotum. La Colombie a donné, dans ces derniers temps, un seul ÉCUREUIL, que M. Isidore Geoffroy a nommé sciurus variabilis (Etudes, pl. 4), fauve jaunâtre en dessus, tirant au marron vif sur les flancs et la croupe, blanc pur en dessous. La queue longue, variée de roux, de noir et de jaune ocreux. La Californie possède trois espèces, qui sont: 4° L’AURÉAUGASTRE (4) gris glacé, le dessous du corps et les membres exceptés, où les poils sont ferrugi- neux. La queue, ample et touffue et grise en dessus, blanche sur les côtés, rousse en dessous. Il habite la Chine, entre Mexico, la Vera-Crux et la Californie. 20 Celui que nous avons nommé ÉCUREUIL DE BOTTA (S. Bottæ, Less., Cent. zool., pl. 76). Cet écureuil, rapporté de la Californie par le docteur Botta, a de longueur totale seize pouces, et, dans ces dimen- sions, la tête entre pour deux pouces, et la queue pour six pouces six lignes. Les membres ont deux pouces et demi de hauteur, et les postérieurs trois et demi. Cette espèce a la queue arrondie, à poils mé- (") Sc. degus, Gm. (2) Hist. bras., p. 230. (3) Sc. brasiliensis, Fr. Cuvier, suppl. t. 1, p. 307. (+) Sc. aureogaster, Fr. Guvier, 99e liv. HISTOIRE NATURELLE diocrement distiques, et sa forme est légèrement pointue à l’extrémité, par l’amincissement successif, depuis sa base, des vertèbres jusqu’à leur terminai- son. Les moustaches sont composées de poils fins, grêles, assez nombreux et noirs. Les oreilles sont pointues, garnies en dedans de poils très courts, qui s'allongent au sommet en un petit pinceau grêle et mince. Tous les doigts sont revêtus, jusqu’aux ongles, en dessus et sur les côtés de poils ras et serrés. Le ded:ns des mains et des pieds est nu à partir des sur- faces palmaire et plantaire. Le pouce de la main est complétement rudimentaire. Celui du pied est assez robuste, bien que plus court que le doigt extrême. Les trois doigts moyens sont au pied à peu près de même longueur. Le pelage de cet écureuil est partout médiocre, serré, assez dense et un peu rude. Les poils s’allongent sur les lombes et sur les fesses, et principalement sur la queue. Chaque poil est coloré par portions presque égales de blanc, de brun, de blanc fauve et de roux. Il en résulte une teinte gé- nérale, fauve, ondée de roux, et surtout de noir sur toutes les parties supérieures et externes. Le dessous du corps, au contraire, est en entier, à partir du menton jusqu’à l’anus, d’un fauve clair tirant au blanchâtre. Ainsi, le sommet de la tête paroît roux; les joues et les côtés du cou sont gris, le milieu du dos et les flancs, le haut des membres en dehors, sont d’un roux fauve clair varié de noir. La queue est de cette nuance fauve et brune, chaque poil se trouvant terminé de fauve très clair. Les pieds et les mains en dessus sont fauve clair, les ongles sont bor- nés, petits, peu robustes et assez aigus. Les parties nues sont couleur de chair vive. Les oreilles de cet écureuil sont remarquables en dessus par le noir qui les colore, et qui s’affoiblit sur le bord postérieur en prenant de l’intensité au sommet. 5° L’ÉCUREUIL DE BENNETT (1), à pelage noir, varié de blanc sale à teintes claires en dessous, grisâtres ; on remarque derrière les oreilles une tache blanche, et la queue est annelée de blanc et de noir ; des montagnes qui séparent la Californie du Mexico. Le Mexique et ses hauts plateaux montagneux possèdent en propre les espèces suivantes : 4° Le coztiocotequallin d'Hernandez (?), ou sciurus hip- popyrrhus (?), à longue queue noire variée de fauve grisâtre. La tête et les pieds noirs sont ondés de jaune grisâtre. Les oreilles et le nez sont noirs, tan- dis que les parties inférieures sont ferrugineuses. Il se cache l’hiver dans les trous et les cavernes qu’il approvisionne en graines de maïs, et où il élève ses petits. 2° L'ÉCUREUIL NOIR ou le quauhtechalost thilltic d'Hernandez, le sciurus mexicanus, ou (") Sc. nigrescens, Benn., Proceed. IE, #1, (2) Thes., p. 8, cap. 26. () Wagler, Isis, no 5, p. 510 (1831). DES MAMMIFÈRES. niger des auteurs (t), pourroit bien être le pelage complet de l’espèce précédente. Il est en entier brun fuligineux intense, et sans doute que le COQUALLIN de Buffon (sciurus varie ;ata d'Erxleben), aussi du Mexique, n’en est qu’une variété. Le Haut-Canada a le sciurus leucolis (?) teinté sur le corps de noir , de blanc et d’ocre, blanc grisâtre dessous, les oreilles blanches et la queue liserée de cette dernière couleur. Long de douze pouces an- glois; la queue en mesure treize. Il paroit être rare. M. Gapper signale encore dans cette partie de l’A- mérique les scèurus Lysteri, hudsonius et niger, qui y sont plus communs. Mais ce sont principalement les montagnes Ro- cheuses , les bassins qu’elles forment en serpentant entre les États-Unis, la Nouvelle-Géorgie, la Nou- velle-Bretagne, jusqu’au nouveau Cornouäilles, dans ces vastes terrains vagues qu’arrose le Missouri, qu’on rencontre le plus d’écureuils en compagnie de tamias. L'espèce la plus répandue est le chicka- ree des habitants des États-Unis, où ÉCUREUIL DE LA BAIE D'Hupson (). L’aroussen des Hurons, le siksik des Esquimaux, plus petit que notre écureuil dont il rappelle les formes, remarquable par l’oli- vâtre de son dos, le roussâtre de sa face, le blanc pur du dessous du corps, le marron de ses quatre pattes, le noir qui borde ses oreilles et ses flancs. Sa queue touffue est variée de brunâtre ou de roux vif. M. Fr. Cuvier en a figuré une variété albine, 2 Le PETIT-GRIS de Buffon, qui n’est point l’animal qui fournit le petit-gris du commerce, décrit sous le nom de capistrate par Bosc (4). Cet écureuil est cen- dré, la tête exceptée, qui est noire, avec le nezet les oreilles d’un blanc pur. C’est alors l’'ÉCUREUIL A MASQUE de M. Cuvier. C’est au contraire l’ÉCUREUIL Gris de M. Fr. Cuvier (5), lorsque sa livrée est en- tièrement d’un gris de perle tiqueté de brunâtre, Enfin , il arrive que les poils deviennent compléte- ment noirs, ceux des pieds exceptés qui restent blancs (6), ou bien que, blanc sur le corps, cet ani- mal reste noirâtre sous le ventre, et c’est alors le sciurus nigriventer. Enfin, varié de roux et de noir en dessus, roux orangé en dessous, c’est le coyual- lin de Buffon, figuré pl. 218 de ses Enluminures de quadrupèdes. Ce capistrate , très commun dans la Caroline du Sud, paroit répandu sur une vaste éten- due de l'Amérique septentrionale. 5° L’ÉCUREUIL DE (5) Fr. Cuv., Mammif., t. IL, (2) Gapper, Zool. journ.. n° 18, p. 206, pl. XI; Ball. Féruss., t. XXII, p. 264. (3) Sc. hudsonius, Pennant., Fr. Cuv., t. Het 65e liv. () Sc. capistratus, Bose.; Sc. cinereus, Screb., pl.213, f.B: Sc. bicolor, Forst.; Sc. vulpinus, Gm. (EC (6) Sc, niger, Brown, Illust., pl, 47. 469 Lewis (!), découvert dans les plaines du Missouri par les voyageurs Lewis et Clark, paroît être d’un cendré ocreux en dessus. tirant au jaune d’ocre franc en dessous et aux quatre extrémités. Sa queue est très fournie, marquée de sept anneaux noirs et de six blancs. Ses oreilles sont petites et arrondies, et ses lèvres sont bordées d’un liseré blanc. 4° Le ca- PISTRATE A LONGUE QUEUE (?), très commun dans les bois qui bordent le Missouri, est très remarquable par sa forte taille, puisqu'il a quinze pouces de lon- gueur, sans y comprendre la queue qui en a dix-huit, et qui, de plus, est amplement couverte de longs poils jaunes, gris seulement à leur sommet. Les poils qui recouvrent le corps sont annelés de noir, de blanc et de jaune, de sorte que les teintes varient suivant que ces couleurs diminuent. Ainsi la tête est poire sur lecrâne, grise brune sur les joues, blanche aux oreilles, au museau et sur la gorge. Le dos et les flancs sont olivâtres, le dessous est blanc, et une sorte d’écharpe jaune traverse les épaules. Quelques espèces bien moins connues habitent les mêmes contrées que les précédentes. Ce sont : 3° L’ÉCUREUIL ROUGE (3), rouge dessus, blanc dessous. Du Missouri. 6° Le VENTRE ROUGE (4), ayant le corps fauve blanchâtre, le ventre roux, la queue fauve au sommet. 7° Le LOUISIANAIS (5), blanchâtre en dessus, brun roussâtre en dessous , avec une forte queue. Des rives du fleuve Rouge. Le LATÉRAL (6) de Say est un Spermophile. La cinquième tribu est celle des Tamras (7), bien distincte des précédentes, parce qu’elle comprend des écureuils ayant des abajoues ou munis de po- ches dilatables aux joues, qu’ils peuvent remplir d'aliments tenus en réserve. Leurs habitudes les rendent fouisseurs, et les poils de leur queue $ont distiques. Tous sont du nord de PAmérique, et vi- vent dans les terriers qu’ils se creusent dans les vastes plaines nues du Missouri. Les tamias les mieux connus sont : 4e le Lackee (8) des Angio-Amé- ricains, le ohihoin des Hurons, l’écureuil suisse du père Charlevoix, gris brun sur le dos, ayant une ligne d’un noir foncé qui suit longitudinalement la colonne épinière, et qu’accompagnent sur les côtés deux bandelettes blanches bordées d’un petit ruban noir. Les parties inférieures sont blanches, et la (1) Se. Lewisii, Griff,, t, IE, p. 1490 ; Fisher, Synops., suppl. 401 (2) Sc. macroura, Say, Long’s exp. t. 1, p. 115; Sc. magnicaudatus, Harlan; Fr, Cuvier, t. HIT. (3) Sc. ruber, Hafinesq. (2) Sc.rufiventer, Geoff.; Sc. fulviventris, Herm., Obs. zool., 65. (5) Se ludovicianus, Curtis, (6) Sc. lateralis, Say. (7) Hlig. (8) Sc. (tamias), Lysteri, Ray; Richards, p. 181, pl. 15. 470 queue, qui est droite, est de médiocre longueur. Ce petit animal est très commun sur les bords du lac Huron et du lac Supérieur, et paroit ne pas aller au delà du cinquantième degré de latitude nord, Quoi- que très sauvage, il aime les lieux fréquentés par l'homme, et trouve, surtout dans les lieux cultivés, des chances plus favorables de multiplication, 2° Le SASSACKA-WAPPISCOOS des Indiens Creeks (1), ayant sur le corps cinq raies longitudinales noires, alter- nant avec quatre blanches, les flancs couleur de rouille, le ventre cendré, la queue longue et grêle, fuligineuse et ocreuse, Ce tamias vit retiré dans les cavernes et les crevasses des montagnes Rocheuses, aux sou ces de l’Akensa et de la Platte, dans les endroits hoisés du grand lac des Esclaves, aux sources de la rivière de la Paix. Il commence à pa- roître dès le einquantième degré de latitude nord. 5° Le ramias DE KuuzL (?), qui a sur le dos deux raies blanches et trois noires. La tête cendrée, et le train de l'arrière roux vif, le devant du eou blanc, le ventre roussâtre, la queue grêle , rousse, variée de noir et de blanc. On ignore de quel point de l'Amérique septentrionale il provient. 4 Le TLA- MOTOLLI du Mexique ($), cendré brunâtre, m:rqué de cinq à sept bandes blanches longitudinales. 3° Le GRAMMURE ({), qui est cendré, marbré de fer- rugineux, blanc au pourtour des yeux et à la nuque, les poils durs et plats, et creusés en gouttières des- sus , la queue blanche, marquée de trois raies bru- nes. Celte espèce, que M. Harlan croit à tort être uue variété de l’écureuil d'Hudson, habite les lis- sures des rochers sur les rives du Canada. L’écu- reuil rouge de M. Warden (5) est aussi regardé par l’auteur de la Faune américaine comme une variété de l’Hudsonien. On le dit blanc! âtre sur les flancs, blanc en dessous, ayant le dos traversé par une ban- delete longitudinale rouge. La sixième tribu est celle des raGuaxs 5), bien on ts des écureuils , en ce qu’ils ont la peau des étendue entre 1e jambes de devant et celles de derrière, comme une sorte de parachute, qui leur donne la facilité de se soutenir en l’air et de franchir en sautant d'assez grands espaces. Ce caractère leur est commun avec les polatouches ou sciuroptères ; mais les taguans ont une autre coupe dans la texture de leur museau obtus ; leur membrane fait un angle () Sc. (famias) quadrivittatus, Say. in Long's exp., t.H,p. 349; Richards., p. 184, pl. 46; Bull.,t. XVIII, p- 103. () Tamias americana, Kuhl, Beit. 69. (ce nom spé- cifique est mauvais, puisque tous les tamias sont d’A- mérique.) (3) Sc. mexicanus, Erxl. () Se. grammurus, Say, Long's exp. IN, 72. (5, Sc. rubrolineatus, Desm. . (6) Pteromys, G: Guv. (rat ailé }; petauristus, Fisher. HISTOIRE NATURELLE très aigu derrière le poignet; ils ont des habitudes nocturnes, et vivent exclusivement dans les contrées les plus chaudes de l'Asie. Leur régime est pure- ment frugivore. 4° Le faguan (? de Buffon est le type de cette tribu. On le trouve à Sincapore, aux iles Philippines, et dans les îles de la Sonde. Sui- vant le major Farquhar, le taguan est très commun à Malacca, où il est nommé chin krawa. 2 On en distingue le PTÉROMYS ÉCLATANT (), brun marron foncé en dessus, roux brillant en dessous, qui vit à Java. 53° Une espèce plus petite, le SAGETTE (3), est brune foncée en dessus, blanche en dessous , de la taille de l’écureuil d'Europe, et vit dans l'ile de Java. Sir Raffles en indique une variété qu’on lui adressa de Sincapore, dont la membrane étoit fort agréablement frangée, et dont la queue, aplatie et garnie de poils distiques, avoit une forme oblongue et lancéolée. Son scrotum étoit très développé. 4° M. Temminck se borne à mentionner nominale- ment un pteromys leucogenys, qu'il dit provenir du Japon. 5e M Horsfield (i) a figuré deux taguans, qui vivent aussi à Java. 6° L'un est le kechubu (5) des indigènes. Son pelage est blanchâtre, passant au blane pur sous le corps; k ligne médiane du dos est brunâtre. Ses moustaches épaisses et dures sont fasciculées. Il est rare , et habite les forêts de Pugar, dans le district le plus sauvage de la côte orientale de Java. 7° L'autre est le LÉPIDE (6), brun noirâtre en dessus, blanc en dessous, la tête et le manteau blanehâtres, la queue plate et distique. Il se tient de préférence dans les fourrés les plus épais et les plus touffus. La septième et dernière tribu est celle des POLA- TOUCHES OU SCIUROPTÈRES (7), nommés aussi ÉCU- REUILS VOLANTS, parce qu’ils ont comme les ta- guants un repli de la peau des flancs étendu et dilaté entre les membres. Ils ont la tête plus effilée, la membrane entière et droite à son bord libre, des habitudes diurnes. Ils ne se rencontrent que dansle nord de l’Europe, de l’Asie et de l'Amérique. Le type de cette tribu est bien connu, c’est le POLATOU- ce (8) de Buffon, commun dans les bois de bou- leaux de la Sibérie, et plus rare en Pologne, en Lithuanie et en Laponie. La seconde est l’ASsA- pan (°), si commun aux Etats-Unis , e décrit aussi sous le nom de polatouche par Buffon. Enfin, la () Sc. petaurista, L.; pteromys petaurista, Pallas, Desm. () Pt. nitidus, Geoff. () Sc. sagitta, L.; pteromys'sagitta, Geoff. () Zool. resear. in Java. (5) Pteromys genibarbis, Horsf. (6) Pteromys lepidus, Horsf, (7) Sciuropterus, Fr. Cuv. (8) Sc. volans, L, (9) Sc, volucella, Pallas. b «0174 + DES MAMMIFÈRES. troisième est l’'ÉCUREUIL VOLANT d'Hupsox (!), brun rougeâtre sur le corps, la queue aplatie, de la cou- leur dudos Cetanimal ne dépasse pas les cinquante- deux degrés de latitude boréale et la rivière Severn, sur les bords de laquelle il est commun. Il avait été confondu par Forster avec le polatouche du lac Huron, à l'embouchure de la baie de James, etc. Il est remplacé dans les montagnes Rocheuses par une variété alpine que M. Richardson nomme pfe- romys sabrinus, alpinus, à pelage brun jaunâtre en dessus, à queue aplatie, plus longue que le corps. Cette variété est suriout commune le long de la rivière des Élans et de la Mackensie, Quant au pte- romys cucullatus de la Virginie, c’est indubitable- ment une espèce fictive. LE POLATOUCHE ÉLÉGANT (). Est d’un tiers moins grand que le nitudus, mais sa robe est peinte de vives couleurs. Le dos a de grandes mèches d’un blanc ou plutôt d’un gris ar- gentin, sur un fond noir profond. Les membranes sont en dessus d’un marron vif, et la queue de la longueur du corps est d’un noir parfait. Cet animal a été découvert dans l'ile de Nusa-Kambang, petite île située non loin de Java. Le nouveau genre dendrobius de M. Meyen ap- partient à la tribu des écureuils, et établit le passage de ce genre à celui des rats. Les ineisives supérieu- rés sont plus courtes que les inférieures, qui sont très longues , aplaties en dedans, et un peu arron- dies en avant. Les moiaires sont au nombre de qua- tre partout. Les supérieures sont presque triangu- laires, tandis que lesinférieuressontquadrangulaires, et un peu échancrées en dedans et en dehors. La queue est écailleuse, annelée et terminée par un bou- quet de poils. L'espèce signalée par M. Mayen est son dendrobius degus, déjà connue par une des- cription de Molina, qui la nomme sciurus degus. Son pelage est jaune brunâtre, avec une bande noire sur la nuque, et des taches noires sur le dos. Il a cinq pouces et demi de longueur sans y comprendre la queue. C’est un animal qui habite le Chili, où il vit en grandes troupes, en se creusant des galeries souterraines, bien qu’il sache grimper sur les arbres avec la plus grande aisance. On assure qu’il se nour- rit d'œufs et de pelits oiseaux, aussi bien que de matières végétales, et lorsqu'il mange il se redresse sur ses pattes de derrière et sur sa queue. Il occa- sionne de grands dégâts en rongeant les racines des arbres fruitiers. (:) Sc hudsonius, L.; pteromys sabrinus, Shaw, Rich. 193 () Pteromys elegans, Temm., faune Jap., dise, 471 LES CHIROMYS (!). Ne renferment qu’une espèce décrite par Buffon, d’après Sonnerat, sous le nom d’aye-aye (?), et qui fait le passage des lémuriens aux rongeurs. C’est un animal nocturne, indolent et entomophage. LES CYNOMIS() OU CHIENS -RATS. Forment un petit genre qui tient des écureuils et des spermophiles. Il appartiendroit à ces derniets si on vient à retrouver les abajoues que Lewis et Clerk seuls lui accordent, mais que n’ont pas indiqués plusieurs auteurs qui en ont parlé après les deux voyageurs. Les dents sont semblables à celles des écureuils; toutes les extrémités ont cinq doigts armés d’ongies puissants, et leur queue est couverte de poils distiques. Rafinesque en décrit deux espèces des plaines du Missouri; la première, peu con- nue (), est grise en entier, la seconde est célèbre sous le nom d’ÉCUREUIL JAPPANT (5), ( parce que sa voix imite, à s’y méprendre, l’aboiement d’un petit chien , ou de chien de prairie, et se trouve fréquem- ment cité dans les écrits des Anglo-Américains.Cet animal vit par troupes considérables dans les plai- ves du Missouri, où il se creuse de vastes terriers que les chasseurs appellent des villages ( prairie's dog villa.es), où il entasse les racines et les herbes qui forment sa nourriture. Son pelage est rouge de brique en dessus, gris ou blanchâtre en dessous. Les mœurs de ces animaux concourroient à prêter aux vastes solitudes du Missouri un de ces aspects pi- quants devenus célèbres dans les écrits de Cooper et de Washington Irving. Nous emprunterons à ce dernier l’un des chapi- tres de son Voyaje dins les prairies à l'ouest des Étais-Unis , où il rapporte comme témoin oculaire une foule de détails curieux sur les républiques du CYNOMIS SOCIAL ( cynomis socialis), lout en rappe- lant à nos lecteurs qu’ils doivent faire la part de l’exagération poetique de l’homme de lettres. Ainsi s'exprime Washington Irving dans son 52e chapitre, intitulé : Une république de chiens de prairie : « J'appris qu’on avoit découvert à un » mille du camp, sur le plateau d’une colline, un {:) G. Cuv.; Daubentonia, Geoff. (2) Sc. madayascariensis, L, (3) Rafinesque. (t) Cynom s griseus. (5) Cynomis socialis, Rafinesq.; spermophilus ludo- vicianus, Ord., Richards, p. 154; arctomis ludovicia- nus, Say : À. latrans, Harlan. “ L 472 » terrier, ou, comme on les appelle , un grand vil- » lage de chiens de prairie. De bonne heure, dans » après-midi, je m'acheminai pour aller visiter ce » curieux établissement. Le chien de prairie est un » petit quadrupéde de la famille des lapins et de la » grosseur du lapin commun. fl est vif, étourdi, » sensible et un peu pétulant. C’est un animal très » social, vivant en nombreuses communautés qui » occupent quelquefois plusieurs acres détendue, et » où les traces foulées et refoulées que l’on remar- » que sur le sol, prouvent l’extrême mobilité des » habitants. Ils sont, en effet, dans un mouvement » perpétuel , tantôt se livrant à des jeux, tantôt à » leurs affaires publiques ou privées, et on les voit » aller et venir d’un trou à l’autre comme s'ils se » rendaient des visites. Souvent ils se réunissent en » plein air, pour gambader et courir ensemble à la » fraicheur du soir, après les pluies d’été. D'autres » fois ils passent la moitié de la nuit à se diverür, » en aboyant, ou plutôt en jappant d’une voix basse » et foible, assez semblable à celle de très jeunes » chiens. Mais à la moindre alarme , tous se retireut » dans leurs cellules, et les villages restent dépeu- » plés et silencieux. Quand ils sont surpris, et qu’ils » n'ont aucun moyen d'échapper, ils prennent un » certain air d’audace, et la plus singulière expres- » sion de défi ou de colère impuissante. » Cependant les chiens de prairie ne sont pas les » seuls habitants de ces villages. Des hiboux, des » serpents à sonnettes y établissent aussi leur domi- » cile ; mais reste à savoir si ce sont des hôtes bien » accueillis ou des étrangers introduits sans la par- » ticipation des véritables propriétaires. Les hiboux » qui se logent dans ces terriers ont un regard vif, _ »un vol rapide, des pattes plus grandes que celles onde nos hiboux communs, et de plus ils sortent en » plein jour {strixæ cunicularia). Des voyageurs as- » surent qu'ils nes ‘étabiissent dans les demeures des iens de prairie que lorsque ces derniers les ont andonnées par suite de la mort de quelques » membres de leur famille , car la sensibilité de ces » singuliers petits quadrupèdes les porte à fuir l’en- » droit où ils ont perdu un des objets de leur atta- » chement. Diverses personnes prétendent même » que le hibou est une sorte d'intendant ou de con- » cierge pour le chien de prairie, et l’on prétend » encore, vu la ressemblance de leur cri que l’oi- » seau apprend à japper aux jeunes cynomis, et qu'il » est ainsi le précepteur de la famille, » À l'égard du serpent à sonnettes, on n’a rien » découvert de satisfaisant sur le rôle qu’il joue dans » l’économie domestique de cette intéressante com- » munauté. Quelques personnes insinuent que cet » animal rusé s’introduit comme un vrai sycophante » dans l’asile de l’honnête et crédule chien de prai- » rie, qu’il trompe indignement, Il est certain qu’on » HISTOIRE NATURELLE » l'a surpris parfois mangeant quelques uns des » petits de ses hôtes, et qu’on peut inférer de là » qu'il se permet en secret des dédommagements » au-dessus de ceux qui sont ordinairement accor- » dés aux parasites. » Tout ce que j’avois entendu dire sur ces petits » animaux sociaux et politiques me faisoit appro- » cher de leur village avec un grand intérêt : mal- » heureusement, dans le courant de la journée, il » avoit été visité par quelques chasseurs qui avoient » tué deux ou trois des citoyens. Toute la république » étoit donc outragée et irritée. Des sentinelles » avoient été posées, et, à notre approche, nous en- » tendimes cette garde avancée décamper pour don- » ner l’alarme. Les citoyens qui se tenoient prudem- » ment assis à l'entrée de leurs trous respectifs, » après un bref jappement, s’enfoncèrent sous terre, » leurs talons s’agitant en Pair comme s’ils eussent » battu des entrechats. » Nous traversèmes le village, qui couvroit un » espace de trente acres; pas un seul habitant ne s’y » montroit. On y voyoit d'innombrables trous, et » chacun d’eux avoit à côté de lui un monticule de »terre formé par le petit animal en creusant ses » galeries souterraines. Tous ces trous étoient vides » aussi loin que nous pûmes les sonder avec les ba- » gueltes de nos fusils, et nous ne dénichâmes ni » chien, ni hibou, ni serpent à sonnettes. Nous nous » retiràämes à petit bruit, et nous asseyant à terre nou » loin du terrier, nous reslämes assez long-temps et en silence, les yeux fixés sur le vil- » lage abandonné. Par degrés nous vimes de vieux » bourgeois expérimentés qui, se trouvant logés » aux limites du village , passoient prudemment le » bout de leur nez, puis se retiroient aussitôt. D’au- » tres plus éloignés sortoient tout-à-fait, mais en » nous apercevant ils faisoient leur eculbute ordi- » naire, et se plongeoient brusquement dans leur » trou. Enfin, quelques habitants du côté opposé, » encouragés par le maintien de la tranquillité, se » glissèrent hors de leurs gîtes, et se hâtèrent de » courir à un trou situé à une ass z grande distance, » comme s'ils alloient chez un ami ou un compère, » juger et comparer leurs mutuelles observations sur » les derniers événements. D'autres encore, plus » hardis, formoient de petits groupes dans les rues » et dans les places publiques, et s’occupoient évi- » demment des outrages récents faits à la république, » et du meurtre barbare de leurs concitoyens. Nous » nous levâmes pour tâcher de les voir d: plus près; » mais biouf! biouf! biouf! fut le son poussé de » toutes les bouches, et il y eut une disparition uni- » verselle. De tous côtés on ne voyoit que pieds de » derrière tricotants, et dans un clin d’œil tout dis- » parut sous le sol. » La nuit mit fin à nos observations ; mais long- » immobiles k Ed » temps après notre retour au camp, nous enten- » dimes une foible clameur s'élever du village; on » eût dit que ses habitants déploroient en commun » Ja perte de quelque grand personnage. » DES MAMMIFÈRES. LES SPERMOPHILES (). Spermophilus. Sont intermédiaires aux écureuils et aux mar- mottes. Ils joignent à la disposition du système den- taire de ces dernières les abajoues et la queue droite des tamias. Ils se creusent des terriers, aussi les a- t-on nommés écureuils de terre, et vivent exclusi- vement dans la portion boréale de l'Amérique. Ces animaux font le passage des marmottes aux tamia ou écureuils de terre, et se distinguent des premières par des formes plus élancées et plus grê- les, par des pieds plus longs et plus étroits, par leurs doigts presque entièrement libres, avec un seul tubercule à la base de chacun, et dépouillés de poils. Les dents présentent entre autres particularités d’être plus étroites que celles des marmottes, et les différences les plus fondamentales se trouvent éga- lement établies dans les modifications qu'éprouve la boîte osseuse cränienne. On peut donc caractériser ce genre ainsi qu’il suit : un hélix bordant l'oreille ; une pupille ovale, de grandes abajoues, les doigts des pieds étroits et libres ; le talon couvert de poils, tandis que les doigts des pieds de derrière sont nus : vingt-deux dents; quatre incisives et dix molaires en haut, et huit en bas. Le type des spermophiles est un rongeur anciennement connu, à a ———— — — — — — … …—…—… … … … …"….… …… … _ —_———— ____ _—_—_—__—_—_ _—_—_—_— — LÀ dé » LE SOUSLICK. _ Spermophilus citillus (?). Ce spermophile est d’un gris brun en dessus, ondé ou tacheté de blanc par gouttelettes, blanc en dessous. On en connoît plusieurs variétés : l’une, tachetée (Sp. guttata ) ; l’autre, ondulée ( Sp. undu- lata) ou le =izel; enfin, une troisième, d’un brun jaunâtre uniforme, ou la marmotte de Sibérie. Cet animal vit isolé dans des terriers au nord de l’Europe et de l'Asie, ainsi que dans la Perse, l'Inde et la Tartarie : il se nourrit de semences. Lisez son histoire dans Buffon, sous les noms de gisel et de souslick. A ce genre il faut joindre, sans aucun doute, les animaux suivants : () Spermophilus, Fr GCuvier. () Le zizel et le souslicx, Buffon, pl. 31 : arctomys citillus, Pallas, pl. 5 et 6 : le jevraschka, ou la mar- motte de Sibérie, var., Buflon. L 473 LE SPERMOPHILE DE PARRY. Spermophilus Parryti (1). Cette espèce est un peu plus développée que le spermophile de Franklin, et un peu moins forte de taille que la marmotte de Québec de Pennant. Sa longueur totale, du bout du museau à la base de la queue, varie de douze à quatorze pouces. La queue, jusqu’au bout des poils, a cinq pouces et demi. Le corps est large et aplati ; les jambes épaisses ; le nez tronqué et couvert de poils courts, bruns et serrés ; le bord de la bouche blanc; les yeux grands et de couleur foncée; l’orifice du conduit auditif large; les oreilles très courtes, consistant simplement en une conque semi ovalaire et plate de la longueur de deux lignes : Les abajoues amples, s’ouvrant dans la bouche en avant des dents mâchelières ; les in- cisives blanches avec les bords dentelés, usées, et souvent cannelées intérieurement ; celles de la mâ- choire supérieure courtes et tant soit peu tronquées ; celles du bas plus longues d’un tiers, plus étroites, et terminées au dehors par une ligne semi -circu- laire ; cinq molaires en haut , quatre en bas, les pos- térieures les plus larges : quelques adultes n’en ont que quatre à la mâchoire supérieure ; leurs cou- ronnes sont terminées par une plaque d’émail cour- bée et irrégulière, traversée par deux raies transver- sales de hauteur inégale présentant quelques pointes obtuses. Le dos est vêtu d’une fourrure douce, con- sistant en un duvet d’un gris de fumée sombre à l’origine, d’un gris pâle et frais au milieu, et d’un gris jaune à l'extrémité: cet arrangement produit un ensemble confus de taches blanchâtres, irrégu- lières et nombreuses, bordées et séparées par du noir et du gris jaune ; ces taches se trouvent placées transversalement sur la partie postérieure du dos. la gorge et tout le dessous sont rouge or jaune brunâtre, ou plutôt d’une teinte intermédiaire ; les couleurs du dos et du ventre tirent entre les deux. La queue est aplatie et distique : l'animal peut en étaler les poils comme sur une plume ; en cet état la queue est brune le long de sa tige, terminée et bordée aux deux tiers de sa longueur par du noir. Les pieds ont des ongles courts, déprimés, larges, noirâtres, légèrement arqués et sillonnés en dessous; sur le côté intérieur des pieds de devant, et assez haut, se trouve un petit pouce armé d’un ongle court; les paumes nues, ayant des protubérances (1) Ground-squirrel, Hearne; Voy., n. 141 : Quebec's marmot, Forster, Trans. phil., t. LXXIE, p. 378 : arcto, mys alpina, Parry, deuxième Voyage, p.61 : aretomys Parryii, Richardsou, App. au Voyage de Franklin; Harlan, Faun, amer., p, 170. 60 474 calleuses, trois à la base des doigts, le pouce inséré dans la plus large. Ce rongeur vit dans le nord de l'Amérique. LE SPERMOPHILE RAYÉ. Spermophilus tridecemlineatus (1). Cet animal a environ sept pouces et demi de lon- gueur, du bout du nez à l'insertion de la queue. Le sommet de la tête est large et aplati, varié obscuré- ment de taches d’un brun foncé et d’un blanc sale, Les oreilles sont très courtes et pelites; les joues et la gorge sont revêtues de poils grisâtres; les moustaches sont longues rigides et implantées dans l'intervalle qui sépare le nez et les yeux. Les inci- sives sont courtes et épaisses, les inférieures sont beaucoup plus longues et plus étroites. Toute la par- tie supérieure du corps est marquée Jongitudinale- ment de raies alternantes d’un brun foncé et d’un blanc sale : les raies brunes sont du double plus larges que celles qui sont claires, et dans leur mi- lieu elles sont remplies de nombreuses petites ta ches blanchâtres sordides. Sur le rachis se dessine une raie noire beaucoup plus étroite que les précé- dentes, qui sont au nombre de trois de chaque côté ; mais la plus inférieure, sur les flancs, est irrégulière- ment marquée, et les taches qui y apparoissent sont beaucoup moins nettes. Le ventre et l’ensemble des parties inférieures sont d’un blanc sale . légèrement teint de fauve. La queue n’a que deux pouces de lon- gueur, et est alternativement zonée de brun foncé et de blanchâtre : cette dernière couleur la termine, Les pieds de devant sont courts et grêles, vêtus de poils elair-sewués ; le doigt externe et son ongle sont petits et placés très en arrière : les trois doigts du ilieu sont les plus longs. En dedans on remarque aussi un rudiment de doigt, avec un petit ongle co- 5. mais beaucoup moins visible que dans le _ spermophile de Richardson. Les ongles sont d’une couleur de corne brune, et petits; ceux de devant sont les plus longs, Cette espèce habite le nord de l'Amérique sep- tentrionale. LE SPERMOPHILE DE RICH \RDSON, Spermophilus Ric'ardsonii (?). Cette espèce est à peu près de la taille de la pré- (r) Sciurus tridecemlineatus, Mitchill, Med. reposit., t. VI 14821 ; Say, Long's Exp., Lt. U, p. ÀT2 Serctômus, Harlan, É ., p. 16%: arctomys Hoodii, Sabine, Trans., Soc. linn Lonud., t. XI, p. 590, pl. 29; Fr. Cuvier, Mammifères, 46e livraison. E) Arctomys Richardsonii, Sabine, Trans., Soc. linn, "7 HISTOIRE NATURELLE cédente, mais elle est seulement plus grêle dans ses formes. Le sommet de la tête est recouvert de poils courts, foncés en couleur à leur naissance et plus clairs à leur sommet. Le museau est étroit, et se termine par un nez pointu ou finit en pointe ai- guë : il est revêtu de poils qui s’unissent à ceux du sommet de la tête. Les oreilles sont ovalaires et brèves. Les joues sont velues, couvertes de poils ras d’un brun clair. Les moustaches sont peu dévelop- pées, et se trouvent implantées dans les joues et au- dessous des yeux. La gorge est d'un blane sale. Toutes les parties supérieures du corps sont cou- vertes de poils ras, mous, foncés à leur base, et d’un fauve uniforme à leur extrémité. Sur l’échine se dessine une rangée de poils roides, analogues à ceux qui recouvrent le sommet de la tête, mais de teinte plus claire : les poils des flancs sont plus longs, et paroissent noirs à leur base lorsqu'on les soulève; ils sont d’un blanc enfumé à leur pointe : ceux du ventre et des parties inférieures sont de la même teinte, à laquelle se mêle une couleur ferrugineuse. La queue a trois pouces et demi de longueur jus- qu'au bout des poils les plus longs, qui la dépas- sent : elle est grêle, recouverte de poils allongés, clair-semés, de la couleur de ceux du corps à leur base, mais présentant en dessous trois nuances dis tinctes, qui sont le noir, le brun, et enfin une teinte claire au sommet. Les jambes sont assez longues et grêles, proportionnellement. Les pieds sont minces. Les ongles, de couleur de corne, sont recourbés et étroits. Les pieds antérieurs ont à leur côté interne un petit doigt placé en arrière et terminé par un ongle obtus, et différent, par cette particularité, des caractères génériques de toutes les autres espèces. Les doigts des pieds de derrière ont les trois du mi- lieu égaux, et les deux latéraux beaucoup plus courts et placés plus en arrière. Ce spermophile fut tué à Carlstonchipnee, dans l'Amérique du Nord, et rappelle le nom du docteur Richardson, compagnon du eapitaine Franklin. LE SPERMOPHILE DE FRANKLIN. Spermophilus Franklinii (1). Ce spermophile a la taille d’un fort rat, et a de longueur, depuis le museau jusqu’à la racine de la queue, sept pouces environ. Son chanfrein est large, couvert de poils roides, grisâtres, c’est-à-dire noirs et blancs ; le nez est nu et obtus; les oreilles sont Lond , t. XUE, p. 589, pl. 28; Lesson, Complèm. Buff., pl. 40, fig. 1. () Arctomys Franklinit, Sabine, Trans., Soc, linn. | Lond.,t, XL, p. 587, pl. 27. ermohhil de e Honor ; Aretomis Franklin: nee nl sf = EE EEE ) LE , 1. eMarmell nÉ Lt fard 2, Arctomis Richardsonn lline / larmetll 7 ea D / Arctomis Hoodi, 4 falin LR et TL EN N 2 A SAR DES MAMMIFEÉRES. larges, revêtues de poils ras ; les poils des mousta- ches sont noirs et courts, el çà et là sous les yeux et au-dessus il y en à quelques uns d’implantés. La gorge est d’un blanc pur. Les incisives sont inégales : les supérieures sont d’un Jaune rougeâtre, et les in- férieures sont beaucoup plus pâles. Les poils qui re- couvrent la partie supérieure du corps sont courts, d’un bruw foncé à leur base, blancs à leur milieu, annelés de noir, puis de blanc. de jaunâtre, et enfin terminés de noir, ce qui donne à l’ensemble du pe- Jage une couleur grise-jaunâtre variée de noirâtre. Les poils des flancs ont plus de longueur que ceux du dos; ils ont moins de noir, et n’ont aucune teinte de jaune : ceux du ventre sont noirâtres à leur nais- sance, et d’un blanc sale à leur pointe. La queue est longue de cinq pouces, et est garnie de poils touffus, variés de tlane et de noir par zones assez larges. Les pieds sont élargis ; les doigts sont min- ces, velus et grisâtres: les trois du milieu égaux, les deux externes plus courts. Les ongles sont de cou- leur de corne , et les antérieurs sont plus longs que les postérieu s. Ce spermophile est voisin de l’arctomys pruinosa des auteurs, suivant le capitaine Sabine, bien qu’il en diffère. Son nom rappelle l’intrépide chef de l’ex- pédition angloise destinée à se rendre par terre au pôle, pour rejoindre les vaisseaux de Parry. On le trouve dans le nord de l’Amérique. EE" LE SPERMOPHILE POUDRE. Spermophilus pruinosus (!). Cette espèce a jusqu’à ce jour été assez mal dé- crite, et même elle sembleroit être l’arctomys Fran- klinii de Sabine. On la dit de la taille d’un lapin, ayant la pointe du nez noire, les oreilles courtes et ovalaires , les joues blanchâtres ; les poils longs et rigides, cendrés à leur base, noirs à leur centre et blancs à leur sommet. La queue est noire, variée de couleur de rouille. Les pieds sont noirs et les on- gles brunâtres. Ce spermophile a été décrit ainsi par Pennant d’après un individu conservé au Muséum de Lever, et que l’on supposoit du nord de l'Amérique. Il nous reste à signaler quelques espèces nouvelles. Ce sont: 1° Le SPERMOPHILE DE DoucLas (?), des rives de la Colombia, à pelage pruineux, marqué d’une ligne noire entre les épaules, tirant sur les lom- bes au brunâtre, mélangé de fuligineux. Le ventre (‘) Arctomys pruinosa, Gmelin : koary-marmot, Pen- pant; Shaw, Gen. Zool.,t. I, p 121; Sab'ne, Trans., Soc. linn. Lond., 1, XUH, p. 586; Harlao, Faun: amer., p. 169. C) Sp.? Douglasii, Rich., 172, 475 est blanc, et la queue annelée de brun et de blan- châtre. 2° Le SPERMOPHILE DE Say (1), brun cendré, ayant sur le côté du dos deux bandes blanches bor- dées de bandelettes noires ou ferrugineuses, Il habite les montagnes Rocheuses par cinquante-sept degrés de latitude septentrionale. 5° Le SPEUMOPHILE pu MEXIQUE (?), découvert en 1826 à Toluca, où on le nomme wrion, par M. Deppe, est roux, émaillé de taches blanches. Sa queue est annelée de blanc et de brun. Les parties inférieures sont gris cendré ou blancliâtres. Cette espèce est bien voisine, si elle n’est pas identique, avec la suivante. 4° Le spErMo- PHILE DE BEECHEY (3) a le port du sciurus bicolor de Sparmann, et paroît être le quauhtecallotiqua- pachili et le costiocoteguallin d'Hernandez(‘), qui vit, au dire de cet auteur, dans les crevasses souter- raines, les cavernes closes, où il élève en paix sa pro- géniture. Il recherche principalement le maïs qu’il vole dans les champs, et avec lequel il forme des greniers d'hiver. Ses mœurs sont farouches , et ne peuvent se plier à l'éducation. Il porte sa queue droite ; elle est très longue, de couleur noire, bien que les poils soient, à leur pointe, d'un brun grisâtre. La tête, le corps, les extrémités, sont, en dessus, noir plaqué çà et là de fauve ou de jaune grisâtre. Les oreilles, le nez, les parties dénudées des mains et des pieds, de même que les moustaches, sont noirs. Les côtés internes des pieds et du ventre sont mar- _qués de ferrugineux. Ses dimensions sont les suivantes : Pouc, Lignes Longueur totale; >: «+ +; + + : : 93 9 ————— du corps, du bout du nez à la naissance de la queue. . 12 » ————— dela queue. . . . . . . . 11 9 ————— dela tête. . . . . . . , 2 4 Hauteur des oreilles "000 FT ODL AL La queue est presque aussi longue que le corps, la tête comprise. Les oreilles sont médiocrement dé- veloppées, obovales sans bouquet à leur sommet, mais vêtues sur leurs bords de poils courts et rares. Les incisives sont jaunes. Les ongles, recourbés, cor- nés, sont plus clairs à leur pointe, et la queue très velue est comme distique. M. Bennett a fait connoître deux spermophiles, découverts à la Californie par M. Sykes. Ce sont : 5° Le sousLick de la Californie (5), brun roux, ponc- tué finement de noir et de blanc; les lèvres, le men- (') Sp. lateralis, Rich., 17%, pl. 13; Sc. lateralis, saq. (2) Citillus mexicanus, Lichse. () Sc. hypopyrrhus, Isis, n° 5, 1831, p. 510 ? Sper- mophylus Beecheyi, Richardson, Fauna boreali ame- ricana, Lond., 1829. (4) Thesau., p. 8, caput 26 ?? (5) Sp. spilosoma, Benn., Proceed., t. II, p. 40. 476 ton et le tour des yeux blancs; le ventre et les cuisses jaunâtres ; la queue terminée de noir et de blanc. 6° Le Sp. À GROSSE QUEUE (1), noir, ponctué de blanc par rayures ; la tête noire, avec quelques poils blancs ; les sourcils neigeux ; les lèvres et le menton ferru- gineux ; le ventre ocreux , varié de noir ; la queue fort longue, variée de noir et de blanc. Cette espèce est voisine du Sp. de Frankiin et de Beechey. Le spermophilus concolor est regardé, par M. Lich- steinsten, comme une espèce distincte du zizel, bien que Pallas ne l’en ait pas séparée. C'est le jevras- chkat ou la marmotte de Sibérie. LES CITILLUS. Lichst., Saüget. 1827. Sont pour nous les représentants, dans le nord de l'Ancien Monde, des spermophiles qui vivent dans le Nouveau. La principale espèce est le soreslick ou le zizel, qui habite le nord de l’Europe et de l’Asie, depuis la Pologne jusqu’en Sibérie. Les deux autres espèces ont été découvertes en Bukkarie par le doc- teur Eversmann, et ont été figurées dans Ja Mono- graphie de Lichsteinsten. La première, le citillus leptodactylus (?), est jaune paille, à teintes claires en dessous ; la queue moyenne, terminée de noir vif et de blanc pur. La seconde est le cètillus mugora- rirus(3), à queue grêle, à pelage en entier brun fu- ligineux. LES LIPURES (. Ne comprennent qu’une espèce du pourtour de la baie d'Hudson, fort mal connue, dont le museau est aigu, la queue nulle, les pieds terminés par quatre doigts armés d’ongles fouisseurs. L’espèce type est le daman hudsonien (5), de la taille d’une marmotte, à pelage brun cendré, chaque poil terminé de blanc, que personne n’a revu depuis Pennant. né u LES MARMOTTES (. r Elles renferment plusieurs espèces des montagnes d'Europe, de la Perse et de la Bukkarie, ou du nord Amérique. Buffon a décrit la marmotte des Al- ga! () Sp. macrourus, ibid. (2) PI. 32, fig. 1. 6) PI. 32, fig. 2. ( Lipura, illiger, Prod. (Lipura, qui n’a pas de queue.) L (5) Hyrax hudsonius, Screber, pl. 240; fig. G; arcto- mys hudsonius de Turton. (6) Arctomys, Gm, (rat-ours). HISTOIRE NATURELLE pes (1), la boback (?) de la Pologne et de l’Asie sep- tentrionale, la monar() des parties méridionales des Etats-Unis. On doit ajouter à ces espèces la sui- vante : Le GuNp1 (f) des Arabes, d’un roux testacé uniforme, des chaînes de l’Atlas, proche Massufin. Nous n’en pouvons distinguer le spermophile con- colore de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, décrit et figuré dans le Voyage de Bélanger (5), et qui a un pelage jaune fauve , la queue marquée par deux an- neaux noirs. Cet animal habite la province d’Azer- baidjan en Perse, et surtout la vaste plaine de Sul- tanieh, où il élève des petites huttes en terre, qu’il remplit de grains. La brune (5), à pelage luisant, jaune brunâtre, très voisin du boback. IL habite Ja Bukkarie. La monazx n’est pas la seule marmotte que nour- rissent les Etats-Unis. 7° L’albe de Quebec (arto- mys empetra, Screb.) (7), ou le siffleur des Canadiens francois, le weenush des Indiens Creeks, est une espèce très répandue. Son pelage est gris, c'est-à- dire mélangé de nuances fauves, brunes et blanches. Les joues sont blanches, et sa queue, dépassant à peine la moitié du corps, est noirâtre à son extré- mité. Cette marmotte habite donc le Canada et les soixante à soixante-deux degrés de latitude nord. Les Indiens la recherchent pour la délicatesse de sa chair et pour sa fourrure. 8° La MARMOTTE BRA- CHYURE ($), gris brun teinté de rouge en dessus, les parties inférieures d’un rouge de brique. La queue déprimée, marquée d’une tache elliptique brune, bordée de blanc, et grise sur sa partie inférieure. Habite les plaines de la Colombie. 9° Enfin, M. Es- chscholt a décrit une marmotte qui paroît être le tar- bogan des trafiquants russes des îles Kodiack, et qu’il nomme arctomys caligata (?), à pelage gris, teinté de ferrugineux sur la tête et la queue. mais remarquable par le pourtour de la bouche qui est blanc et les quatre pieds qui sont noirs. Elle habite les alentours de la baie de Bristol sur la côte nord- ouesf. LES APLODONTES (‘). Sont intermédiaires aux marmottes et aux lièvres. (*) Arctomys marmotta, L. (2) À. baba, L. (3) A. Monaz, L. (4) Mus qundi, Roth.; gundi marmot, Penn. (5) Sp. concolor, Isid. Geoff., Bél., pl. 8,p 151. (6) Arctomys fulvus, Lichst. Eversm., Il., 119. (5) Richards., p. 147, pl. 9. (8) Arctomys brachyurus, Harlan, Rich., p. 151 ; ani- sonyx brachyura, Rafinesque. (9) Atlas 1, pl. 6, 2e liv. (ro) Aplodontia, Richards.,Zool. journ., IV, 333; Bull., XVII, 445; Faune, p. 240, pl. 18 ; anisonyx, Rafinesq. DÉS MAMMIFÉÈRES. Ce sont des animaux à museau élargi, obtus, sans abajoues, ayant de courtes oreilles arrondies, pres- que nues, ou à peine garnies de quelques poils. Le corps est court et ramassé, couvert d’une épaisse fourrure. Les membres sont robustes, terminés tous par cinq doigts. Le pouce des pieds de devant est très court : tous ont des’ ongles solides, recourbés, très comprimés. La queue est rudimentaire, cachée par une touffe de poils. On compte six mamelles, les deux inférieures sur la poitrine. Les dents sont au nombre de vingt-deux, et les molaires sont remar- quables par un fort talon saillant sur un de leurs bords. Ce sont des rongeurs qui vivent en société dans des galeries , et qui se nourrissent de matières végétales. La seule espèce connue est le SEWELLEL des Anglo- Américains (aplodontia leporina, Rich.), la mar- motte rousse d’Harlan(t), qui habite les vastes plaines de la Colombia. Ses poils, longs et soyeux, sont brun rougeâtre. LES LOIRS (. Ceux connus de Buffon sont le loir proprement dit, le lérot et le muscardin. On doit leur adjoindre quelques espèces nouvelles. 4° Le LOIR Du SENE- GAL (5), gris clair teinté de jaunâtre, à ventre blanc, et qui vit au Sénégal. 2° Le DRYADE () des forêts de Ja Russie et de la Géorgie, peu distinct du loir com- mun. Il est gris fauve en dessus, blanc sale en des- sous, avec une bordure noire à l’œil. 5° Le LOIR DE SIGIRE (5) n’est pas très bien décrit, et n’est peut- être pas un loir. On le dit roux brunätre, ayec des oreilles nues et arrondies, une queue cylindrique et brune. Il vit de fruits, niche sur les arbres, et sa chair a bon goût. 4° Le LOIR À GORGE ROUGE (6) ha- bite les forêts du cap de Bonne-Espérance. El est gris brun sur le dos, roussâtre sur les flancs, cendré sur le dos. Tout le devant du corps est d’un beau rouge ferrugineux. Ses moustaches sont longues et épais- ses, et sa queue touffue. 5° Le nonedsumi des Jap o- nois (myoæus iinealus) de M. Siebold, remar quable par les cinq raies noires qui se dessinent dans le sens longitudinal du dos. Il est long de six pouces; la queue en a quatre. On le trouve dans l'ile d'Yesso. (") Arctomis rufa, Harlan: anisonix ? rufa, Rafinesq,. e) Myoxus, Gm. () Myoxus africanus, Shaw; M. Coupei, F. Cur., 87e liv. (:) M. dryas, Screb. (5) M. siculæ ; musculus frugivorus, Rafinesq. (6) Myoxus crythrabronchus, Smith, Zool. journ., IV, 438 : Bull., XVIII, 275. 477 LES DENDROMYS (!). Sont des rongeurs du cap de Bonne-Espérance, à museau aigu, dont les oreilles sont oblongues et nues, muuies en dedans d’une cloison membraneuse à double repli, et dont le trou auditif est fermé par la duplicature inférieure. Leur queue est longue, composée d’anneaux garnis de peu de poils. Les pieds antérieurs ont trois doigts et un pouce rudimentaire, sous forme de verrue; les postérieurs sont pentadac- tyles et ont des ongles falciformes. Les incisives sont sillonnées en avant. Les molaires tuberculeuses. La seule espèce est le dendromys typus, brun ou ferru- gineux sur le corps, blanc lavé de rose en dessous, à queue allongée, une ligne noire disposée longitu- dinalement sur le dos. El vit sur les arbres, où il se construit un nid dans lequel il élève ses petits. LES GRAPHIURES (). Ont la forme générale du lérot, et se rapprochent des loirs et des dendromys. Ils sontremarquables par des membres courts et minces, les antérieurs termi- nés par quatre doigts plus un ongle plat, qu’on ob- serve sur le gros tubercule interne de la paume et qui remplace le pouce; les postérieurs sont penta- dactyles, et sont munis d'ongles pointus, comprimés, arqués et forts. La queue est courte, très charnue, épaisse à sa racine, et finit en pointe. L’oreille est grande et simple, susceptible de se ployer longitudi- nalement sur elle-même. Le pelage est épais, formé de poils laineux et doux, et de poils soyeux en petit nombre, excepté sur la queue où ils forment un pin- ceau La seule espèce connue habite le cap de Bonne- Espérance (3). C’est un joli petit animal gris brun sur le corps, à joues, devant du cou et parties inférieures de même que les pattes gris de perle. Un trait noir va de l’œil à l’oreille qui est carnée. La queue est à moitié noire, puis terminée de blanc. LES PITHÉCHEIRS (). Forment un genre singulier, voisin à la fois %:; rats et des sarigues, et qu’il est fort dillicile de placer (:) Rat d'arbre, Smith, Zool. journ. IV, 438 ; Bull., # Il1, 276 ) Graphiurus, Fr. Cuv., queue en pinceau. : G. capensis, Fr. Cuv., t. HN; et Nouv. Ann. du Mus., 1, p.441 ; mioæus Cattoirii, Fr. Cuv., Dict., t, XXVIL, p. 124. dr ) Fr. Cuv., 66e liv., 4833, 478 convenablement dans l’état actuel de nos connois- sances. Le PITHÉCHEIR MÉLANURE, dont la décou- verte est due à M. Duvaucel, provient de l'Inde, sans qu’on puisse dire si c’est du Bengale, de Malacca ou de Sumatra. C’est un animal probablement de la taille d’un rat, à pelage jaune doré, à queue noire, longue, pointue et nue. Ses oreilles dénudées sont de couleur de chair, et ses extrémités privées de poils ont quatre doigts munis de fort petits ongles; mais ce qui le rend remarquable est un pouce recouvert d’un ongle aplati, rudimentaire aux mains, et oppo- sable aux pieds. LES NÉOTOMES (1). Sont des campagnols pour beaucoup d'auteurs. Pour nous, ce sont des rongeurs frugivores qui vi- vent sur les arbres à la manière des loirs. Ils ont seize dents. et l'émail des molaires est remarquable par la disposition de ses rainures, Par l’ensemble du système dentaire, ils s’éloignent peu des campagnols. Leur museau est pointu, leurs oreilles sont grandes, vêtues de poils si fins, qu’elles paroissent nues. La queue est longue, couverte de poils ras. Les mains ont quatre doigts, avec un rudiment de pouce; les pieds sont tétradactyles, tous munis d'ongles aigus. D'épaisses moustaches recouvrent les lèvres qui out entières. Le pelage est d’une grande finesse. Ou con- noît aujourd’hui deux espèces de ce gen’e, toutes les deux de l’Amérique Septentrionale. 1° La pre- mière est le NÉOTOME DE LA FLORIDE (2), plombé en dessus avec quelques poils jaunes et noirs, couleur de buffle en dessous ; des pinceaux de poils blancs sur la racine des ongles. Habite la Floride orientale, les plantations abandonnées. 2° Le NEOTOME DE Druümmons (8), que Lewis et Clark observèrent dans les montagnes Rocheuses (3), brun jaunâtre, le ventre blanc, les poils de la queue plus longs et en touffe à l'extrémité de cet organe. Il se tient.par les cin quante-sept degrés de latitude, où il niche dans les crevasses des rochers, et sa voracité le rend très des- tructeur. Il se nourrit de jeunes branches de sapins, de racines, etc. EE D 2 LES OTOMYS (. LE _ Tiennent de près aux campagnols, car ils ont (5) Neotoma, Say et Ord., Journ. of ac. Philad., t, IV, p. 345, pl 21 et 22. (2) Neotoma floridana, ibid.; mus floridanus, Desm , 492 ; Zool. journ., 11, 294. (3, Neotoma Drummondi, Rich , Fauna, p. 137, pl. 8; myoxus Drummondii, ibid., Zool. journ., IV, 317. () Rat vf the rocky mountains, IL. t. LIL, p. 41. (5) Otomys, Fr. Cuy. HISTOIRE NATURELLE comme eux trois molaires, formées de lames arquées, et leurs incisives sont creusées d’un sillon longitu- dinal. Leurs oreilles sont grandes et velues, leur queue est grêle, mais couverte de poils. Leurs doigts sont comme chez les rats. Les deux seules espèces connues ont été découvertes au cap de Bonne-Espé- rance par Delalande : 4° l’une, l’oromys cAFFrR£E (1), de la taille d’un rat, est variée de noir et de fauve. La deuxième, l’oromys NamaAQuoIs (?), est d’un brun foncé, passant au gris clair sous le corps. | LES ÉCHIMYS OU LES LONCHÈRES (1). Illiger. Ceux que Zimmermann plaçoit parmi les loirs, el Screber parmi les porcs-épics, sont des rongeurs couverts de poils rudes, entremêlés d’épines apla- lies ou de piquants faits en lames d'épée. Ils ont qua- tre molaires formées, les supérieures de deux lames ployéesen V, les inférieures d’une seule. Les oreil- les sont courtes, arrondies, nues, les membres antérieurs terminés par quatre doigts avec un rudi- ment de pouce; les pieds sont pentadactiles, Leur queue est assez longue, squameuse et couverte de poils. Leurs mœurs sont celles des loirs, et toutes les espèces connues sont de l'Amérique Méridionale : 19 Le plus anciennement décrit est le LÉROT À QUEUE DORÉE ®) de Buffon, qui vit à Surinam. 2° Onen dis- tingue ECHIMY s HUPPÉ (6”,brun ocreux,ayant des ban- (") Otomis capensis, Fr. Cuv. (2) OL. bisulcatus, Fr, Cuv., 61e liv., 1829. (3) Geoff (4) On a jusqu’à présent, dit M. Jourdan, de Lyon, réuni sous le nom d'échimys des animaux qui n'ont pour caractères communs que d'avoir des poils dispersés en piquants. Cependant ces rongeurs forment deux groupes bien distincts. Les animaux du premier ont de grandes oreilles, une queue écailleuse et nue, des tarses allon- gés, uue forme générale élancée: tel e:t le type du genre échimys, l’échimys de Cayenne de M. Geoffroy- Saint-Hilaire Les animaux du second groupe, au con- traire, se font remarquer par des oreilles arrondies peu développées, une queue velue, des tarses courts, des membres trapus et une forme générale assez lourde: tel est l’échimys huppé, echimys cristatus de Desma- rets. Les deux groupes ne sont pas moins distinets par la forme de leurs dents, et il semble couvenable de ne pas les confondre. M Jourdan propose, en conséquence, de laisser au premier le nom d'échimys, et de désigner le second par celui de nelomys C’est à ce dernier groupe qu'appartient la nouvelle espèce décrite par l'auteur sous lenom de nelomys Blainvillii, et qui vient d’une petite île des côtes du Brésil, voisine de Bahia (L’Her- mes, no 92, p. 156.) () Hystrix chrysurus, Screber, pl 170. (*) Echimys clistatus, Desm.; loncheres paleacea, If. "TL + «2 DES MAMMIFÈRES. delettes blanches sur la tête, et le museau et le bout de la queue blancs. Il habite le Para. 3° L’rcHImYS pACTYLINA (!), brun, mélangé de blanc et de jaune, les flanes roux les deux doigts médians des mains plus longs que les autres. Les poils de son pelage sont rigides et cassants. 4° L’ECHIMYS ROUX OÙ RAT ÉPINEUX de d’Azara (?). gris :oussâtre , etde la taille d'un rat. Il vit au Brésil, à la Guyane, au Para- guay, où il se creuse sous terre de longs canaux. Dans re dernier pays, les habitants le nomment angoya-y-bigoui. 5° L’ECHIMYS HISPIDE ($), brun roux , la tête rousse, les poils épineux , très rigides, larges, leintés de roux au sommet, 6° Le DIDEL- PHE (4), brun sur le dos, plus clair sur les flanes. le dessous jaune , et une partie de la queue dénudée. 7° Le CAYENNAIS (5), roux, teint de brunâtre sur le milieu du dos, le ventre blanc. 8° L’ECHIMYS A SOIES (6), qui n’a que peu d’épines parmi les poils de son pelage, l’extrémité des pieds blanche. ————_—_—— LES CERCOMYS(). Sont des échimys par le système dentaire, qui rappellent les rats par la couleur de leur pelage, la forme des membres et de la queue, bien qu’ils s’en éloignent par quelques modifications importantes de l'organisme. Leurs mains n’ont que quatre doigts avec un rudiment de pouce recouvert d’un petit ongle plat. Les pieds sont pentadactyles. La queue est très longue , écailleuse et nue. Le pelage se com- pose de poils longs, fermes, droits et clair-semés, et de poils épais, fins et soyeux , mais sans traces d’é- pines. La seule espèce connue a été découverte au Brésil par M. Auguste de Saint-Hilaire, dans la capitainerie des mines, et a recu le nom de cerco- mys cunicularius. Cet animal est brun foncé en des- sus, blanchâtre en dessous, LES SIGMODONS (). Sont des campagnols pour quelques naturalistes, Ils en ont la formeet le système dentaire, quant aux principales dispositions. Cependant leurs dents ont des racines, et leur couronne a de profondes rainu- (") Desm. () Loncheres rufa, Lichst.; echimys spinosus, Geoff, () E. hispidus, Geoff. () E. didelphoides, Geoff, (5) E. cayennensis, Geoff, (6) E. setosus, Geoff. (7) Fr. Cuv., Nouv. Ann,, t. 1, p. 441, et Mammif., Gie liv. (8) Say et Ord., Zool. journ., t. II, p. 296. € 479 res alternes disposées en sigma ; leurs oreilles sont grandes et pileuses , la queue est allongée et velue. Les pieds de devant ont quatre doigts et un rudiment de pouce onguiculé.et les pieds ont cinq doigts. Les deux espèces connues vivent exclusivement aux Etats-Unis : 4° L'une, tvpe du genre, est le sig- modon hispidum (!), jaune d’ocre pâle, mélangé de noir sur la tête, cendré sur le ventre. Les yeux sont grands. Le noir domine dans la livrée des jeunes, et c'est le jaune dans celle des adultes Le sigmo- don veluest très commun dans les plantations aban- données le ‘ong de la rivière Saint-Jean dans la Flo- ride orientale, plus particulièrement dans les jardins ; il se creuse des terriers, et est très nuisi- ble dans les cultures qu’il dévaste. 2° La seconde espèce est le SIGMODON DE HaRLax (?); son corps est épais, long de sept pouces, sans y comprendre la queue qui en a quatre. Son pelage est brun ferru- gineux en dessus, blanchâtre en dessous. Les mem- bres antérieurs courts et grêles, les pieds gris et tachés de blanc en devant ; les ongles sont noirs, comprimés et très aigus. Ce siemodon, fort voisin du précédent, se tient dans les troncs d'arbres ex- clusivement dans les plantations de cotonniers, aussi les colons le nomment-ils white-bel ied-cot- tonrat. Il porte ses petits sur son dos, et grimpe sur les arbres comme un écureuil. On le trouve sur les bords du Mississipi, dans le pays des Natchez, LES HÉTÉROMYS (6). Tiennent des échimys par les piquants aplatis qui sont implantés sur le corps ; par leurs formes géné- rales et leur queue ce sont des rats, par leurs aba- joues ils se rapprochent des hamsters. Les pieds sont pentadactyles, le pouce des mains est rudimentaire. L'espèce type habite l’île caraïbe de la Trinité : c’est V’'HETEROMYS DE THOMPSON (i), gros comme un rat, brun marron en dessus, blancen dessous ; la queue écaillense, revêtue de quelque poils épars, de poils doux entremêlés d’épines sur le dos. La deuxième habite la province de Bahia au Brésil C’est le lon- cheres myosurus (5), fuligineux sur le dos, roux sur les flancs, blanc sur le thorax , des épines aplaties, (:) Say et Ord. ; arvicola hortensis, Harlan. (2) Sigmodon Harlani, N ; arvicola ferrugineus, Harlan, Silliman’s journ., p. 285; arvicola gossypina, Lecomte. (3) Lesson, Man , 263, (&) Mus anomalus, Thomps:: cricetus anomalus, Desm., 507. (5) Lichst.; mus leptosoma, ibid, ; loncheres anomala, Kubhl. 480 très longues, fortes, mélangées aux poils. Les pieds blancs ; la queue nue, noire dessus, blanche dessous, LES MYNOMES (). Diffèrent peu des campagnols : ils n’ont que qua- tre doigts à chaque extrémité et un rudiment de cinauième. Leur queue est velue, aplatie, etécail- leuse comme celle des ondatras. Le MYNOME DES PRAIRIES (?) e-t fauve brunâtre, à ventre blanc gri- sâtre. Il habite le bord des rivièrés, vit de bulbes de liliacées , et notammeut de ceux de l'ail, aux Etats- Unis. LES CTÉNOMES (). Ont le corps allongé, déprime, fort velu terminé par une queue médiocre couverte de quelques poils rares. La tête est ovalaire, les oreilles petites, et les extrémités ont toutes cinq doigts pourvus d’on- gles fouisseurs très longs, arqués et pointusen avant, plus courts, plus larges et excavés en arrière. Ils sont recouverts à leur racine de poils durs, roides, disposés en peigne. Le créNOouE pu BrésiL ({) est de la taille du rat d’eau d'Europe. -on pelage est doux, fin, court et de teinte grise ardoisée à sa base, puis brun roussâtre luisant, passant au blanc roussätre sous le corps. C’est le ratto de las minas des Brési- liens. Le CTÉNOME A COLLIER (5}, roux brun sur le dos, les oreilles, les joues , le dessous du corps, un collier et les pattes blanches. De la province d’Uru- gay au Brésil. LE CTÉNOME MAGELLANIQUE (5) Diffère du précédent par la couleur de son pelage. C’est un petit rongeur fort timide, qui se nourrit d'herbes, et que les Patagons recherchent pour le manger. Il habite des terriers et paroît très mul- tiplié, à en juger par le grand nombre des individus, 0 Rafinesque. 6 ME) Raf.; arvicola pennsylvatica, Ord. et Harlan ?? (Æ) Ctenomys, de Blainv., Nouv. Bull. Soc. phil.; et Ann. sc.nat.,t.1IX, p. 97. (h Ctenomys brasiliensis, ibid., fig., avril 1826, 62. © (5) Ctenomys torquatus, Lichst., pl. 31, fig. 1 (sous le nom de georychus à la planche). (6) Ctenomys magellanicus, King, the philos. mag., juin 1536. HISTOIRE NATURELLE a | LES HYDROMYS0). Sont des échimys par leur aspect, mais leurs pieds de derrière ont les doigts aux deux tiers palmés, et les molaires, au nombre de deux, ont leur couronne divisée en lobes obliquement quadrangulaires , dont les sommets sont creusés en cuiller. Leurs habi- tudes sont aquatiques. On n en connoît que deux de la Nouvelle-Hollande, ayant nn museau aigu, de petites oreilles arrondies, des extrémités pentadac- tyles, à pouce des mains rudimentaire; la queue garnie de quelques poils rares : l’hydromis chry- sogr<'er (2), marron en dessus , orangé en dessous, qui vit dans une île du détroit de d’Entrecasteaux : l'hydromys leucagaster, brun en dessus, blanc en dessous (3). De l’ile de Maria. LES CAPROMYS, UTIAS OU ISODONS (1). Forment un genre de rongeurs très intéressant, et dont les espèces vivent exclusivement dans l’île de Cuba. Leur museau est obtus, leurs narines sont obliques, leurs oreilles médiocres, nues et arron- dies ; le corps est épais, massif; les mains à quatre doigts, avec une verrue pour pouce. les pieds plan- tigrades et pentadactyles. Tous les doigts longs, armés d’ongles recourbés. On compte quatre ma- melles, deux ventrales et deux pectorales. Leur queue est médiocre, épaisse, squameuse, nue. Ils habitent les forêts, et vivent de fruits. La première espèce est le chemi d’Oviédo, l’agutia congo des - créoles espagnols, ou le cAPROMYS DE FOURNIER de M. Desmarest, l’isodon pilorides de Say (5), de la taille d’un lapin, le pelage grossier, noirâtre, lavé de fauve obscur sur le dos , de roux sur la croupe. La seconde espèce, l’agutia carabalii des créoles de Cuba, l’utia d'Oviédo, à pelage épais, ferrugineux, mêlé de gris, la tête, les pattes et les ongles blancs, est le capromys prehensilis de Poepping (6), rare dans le: districts méridionaux de lus Piedras et de Masmariges de la Havane. Ils sont avidement re- cherchés par les nègres, qui, dans quelques cantons (1) Geoff. (2) Ibid. (3, Ibid. (4) Isodon, Say, Journ. of the ac. phil ; capromys, Desm , Mém. hist. nat. Paris, t, 15; Zool. journ ,1, 230; IV, 269, no 18, 179 ; Bull., XXIV, 75; Proceed., II, 68. (5) Mus, Brown, Jam. 484; Atlas, pl. 45. (5) Journ. of. ac. phil,, t. IV, p. 1; Zool. journ., £. IE, p. 410. P'ASQUE LE j d'u P. À PO LL; ST 204 CL) * Ë ( D, ( PA IE ne Le faire #10, ( apromys Furnier: Le hor d'apres Pesmarest } Pable par Pourrat £a fari DES MAMMIFÈRES. 481 où ils sont très multipliés, n’ont pas d’autre viande | les oreilles. Le dessous de la gorge est blanc, et fraiche pour leur nourriture. ÉHJIYIIYIFIFYVSYSYYVYF | ZOO LE CAPROMYS DE POEY. Capromys Poeyi. GUERIN (1). Les capromys de Fournier et à queue prenante, ont été décrits dans le tome [, p. 480 de ce sup- plément. Depuis, M. Guérin a publié une notice sur une troisième espèce que lui envoya de Cuba le na- turaliste Poey, et nousemprunterons à la description qu’il en a donnée les renseignements dont elle se compose. Le capromys de Poey a des rapportsévidents avec les deux espèces connues, tout en se faisant distin- guer de l’une et de l’autre. Son pelage est mou, flexi- ble, de couleur marron, mais .piqueté de ferrugi- neux et de jaune. Ces teintes sont dues à ce que les poils sont ou marron foncé à leur base, ou ferrugi- neux, ou jaunâtres à l'extrémité. Le nez est brunà- tre, le front et les joues sont d’un jaune ocreux pâle, tandis que la gorge et le ventre sont blancs. Les moustaches sont brun marron et blanches à la base. Des poils roides sont implantés sur les extrémités teintes de marron clair. La queue, un peu moins longue que le corps, est entièrement couverte de longs poils ferrugineux, sans qu’on puisse remar- quer d’espace nu sous sa partie inférieure. Ainsi cette espèce diffère du capromys de Fournier par sa coloration et par les proportions de sa queue. Elle s'éloigne encore du capromys préliensile ou de Pœp- ping, par sa queue également couverte de poils sur tous les points, et par une différence de teintes aux moustaches, aux poils des extrémités et au front. L'individu que possède le Muséum a deux pieds un pouce depuis l'extrémité de la queue jusqu’au bout du nez. La queue seule entre dans ces proportions pour un pied. Le corps est abondamment enveloppé d’une épaisse fourrure, formée de poils assez mous. La tête et le front sont bombés : les oreilles ne font qu’une mince saillie, et décrivent dans leurs con- tours une moilié d’ovale dont la surface interne est nue, et l’externe velue de couleur fuligineuse. Les yeux sont de forme oblongue, entourés d’un rebord brunâtre. Le nez, compiétement nu, est garni de poils marron clair qui lui servent de bordure, et dont la coloration s’efface en remontant vers le front lavé de fauve jaunâtre , passant sur la tête et sur les joues au ferrugineux franc. Cependant les nuances de la tête sont beaucoup plus claires que celles du corps. Des longs poils implantés sur les joues y for- ment des sortes de favoris qui se prolongent derrière () Iconog. du rêgne animal, Mammif., pl. 25, fig. 2, et Mag. de zoologie, classe 1, pl. 15, #e année. I. ? s cette couleur est interrompue par un collier brunâ- tre incomplet en avant des épaules. Les moustaches, d’abord marron, sont ensuite, dans les deux tiers -de leur longueur, d’un blanc satiné. Le dessous du corps est blanc pur ; les pattes présentent un rebord de cette dernière teinte avec une coloration marron. Leurs ongles sont de la teinte de la corne. Ce capromys habite les lieux écartés et sauvages, principalement les districts occupés par les nègres caravalli, à mœurs farouches , dans l’île de Cuba. Le nouveau genre que M. Gray propose pour recevoir le mus sumatrensis ou le rat de bambous des Anglois établis aux Indes, a été changé par M. Temminck, dans le deuxième volume de ses Monographies de Mammalogie, et a été figuré(pl. 55) dans les Hlustrations de la zoologie indienne du général Hardwicke, sous le nouveau nom de Nico- LEPTE DEKAN (nicoleptes dekan). C’est entre les ca- promys et les muriens qu’il le classe, en lui don- nant les caractères suivants. Les incisives sont au nombre de ©, et les molaires +, assez semblables à celles des spalax. Les supérieures sont dirigées en arrière et marquées de deux sillons. Les inférieures, au contraire, vont en avant, et la dernière est plus étroite de ce côté. Les pieds de devant ont quatre doigts à peu près égaux, et le pouce est à l’état rudimentaire, car son ongle est seul visible. Les pieds de l'arrière ont cinq doigts. Le crâne, très raccourci, présente sur les joues de fortes et larges apophyses zygomatiques. Les oreilles sont rondes et très courtes. Les individus connus du dekan, ainsi que le nomment les Malais, proviennent tous de la presqu’ile de Malacca. LES EURYOTIS (!). Qui font sans doute un double emploi avec l’oto- mys namaquois de M. Fr. Cuvier, auroient pour principal caractère d’avoir un profond sillon sur les incisives dans le sens de leur longueur. Les molai- res à couronne sillonnée notablement en travers et à côtes élevées. L’euryotis irrorata de Brants, figuré par M. Lichsteinstein, est brun roussâtre , plus clair sous le ventre, de la taille d’une souris ; a été découvert dans le sud de l'Afrique par le voya- geur von L. Krebs. ( Voyez otomys.) LES RHIZOMYS (). Tiennent aux spalax par leurs dents et leur forme générale ; mais ils s’en éloignent par la texture de () Brants, Lichst., pl. 30 ; ofomys, Fr. Cu. (2) Gray, Procced., t. 1, p. 95 (1831), 61 482 leurs molaires, leur queue, leurs oreilles. Tis ont trois mâchelières à couronne transversalement et parallèlement entamée. Leur tête est forte, leurs yeux très petits, leurs oreilles dénudées , leur corps épais, cylindrique, à membres courts, mais robus- tes, ayant tous cinq doigts. La queue est moyenne, épaisse, entièrement dénudée. Les deux espèces sont de l'Asie: la première est le RHIZOMYS DE LA Cane (1), d’un cendrépâleuniforme, etladeuxième, le RHIZOMYS DE SUMATRA (?), le bamboo-rat des Européens établis dans l'Inde, et le dekan des Malais, que sir Raflles décrit en ces termes : « Le corps a environ dix-sept pouces de long , dix » pouces de circonférence, et sa hauteur à l’épaule » est d'environ cinq pouces. La queue a six pouces » de long, conique et émoussée à sa pointe, nue et » écailleuse, Le corps est couvert de poils roides, » grisâtres, brunâtres sur le dos. La tête ronde et » légèrement colorée. Les incisives grandes ; deux » à chaque mâchoire. Les yeux petits. Les oreilles » nues. » Cet animal se tient de préférence dans les haies de bambous à Malacca et dans l'ile de Java. LES STÉNODACTYLES(). Sont des rongeurs de l’Afrique, voisins des lem- mings par leurs formes extérieures, excepté qu’ils ont les doigts à chaque pied avec un rudiment de cinquième. Les deux doigts du milieu sont les plus longs. Les ongles à leur naissance sont recouverts par trois petites brosses de poils. La tête est large, les oreilles sont disposées en tube, et les molaires ne se ressemblent pas, suivant qu’elles sont placées en haut ou en bas. La seule espèce connue est le c{eno- dactylus Massonit, qui vit au cap de Bonne-Espé- rance. M. Yarrel a pensé que cet animal étoit iden- tique avec le mus gundi de la côte de Barbarie, si imparfaitement décrit par Rothmann, et dont Gme- lin a fait une marmotte, avec juste raison suivant nous, et que même nous avons confondu avec le sper- mophile concolore de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire. (') R. sinensis, Reeves. (2) Mus sumatrensis, Raffles, Trans. XINT, 258 : spalax javanus, Cuv.: Pallidè fuscus pilis raris albidis in- terspersis ; corporis lateribus pedibusque saturatiori- bus; genis pallidioribus, occipîte nigrescenti lineä longitudinali albä, pectore albido.(Reeves.) (5) Ctenodactylus, Gray, Sp. zool.; Yarrell, Proceed., I, 48 ” y HISTOIRE NATURELLE , LES PSAMMOMYS 0). Ont seize dents, et la couronne des trois molaires de chaque côté est creusée en trois losanges rebor- dés. Le museau est aigu, comprimé en avant, à lè- vres entières. Les oreilles sont médiocres, arrondies ; le corps est couvert de poils très mous, et la queue est garnie de poils sur toute sa surface ; ceux de son extrémité forment même une sorte de touffe. Les mains ont quatre doigts avec une verrue pour pouce ; les pieds ont cinq doigts recouverts d’ongles falci- formes. L'espèce unique de ce genre est le psammo- mys obesus (?), à pelage isabelle en dessus, jaunâtre en dessous, la queue terminée de noir et fasciculée, nommé far en Arabie, sa patrie. LES PINEMYS (): Ont cinq dents, les molaires lamelleuses, le mu- seau court et obtus, les narines latérales, les yeux peu fendus, les oreilles petites, cachées par les poils. La queue courte, grêle, couverte de poils, les ma- melles ventrales, les extrémités pentadactyles. Le pouce des mains est court, tous les ongles sont falci- formes. La seule espèce connue est le ground-mousse des Anglo-Américains (f), qui vit dans les forêts de pins dans la Géorgie, en se creusant des terriers. Sa nourriture consiste en racines de patates et autres. Ses poils sont courts, bruns dessus, cendrés des- sous, avec une teinte rouge aux pieds. Le corps est long de trois pouces sept lignes, et la queue a neuf lignes. L'akodon est un nouveau genre de rongeurs de la tribu des rats, créé par M. Meyen, pour une espèce offrant la plus grande analogie avec la souris de France, dont elle à aussi la formule dentaire, mais avec cette particularité que les replis internes de l’é- mail sont différents, et que les oreilles, très courtes, sont presque cachées sous les poils. L’akodon boli- viense (Act. de Bonn., t. XVI, 2e partie, pl. 45, fig. 4) est long de trois pouces, la queue comprise pour quatorze lignes. Son corps est couvert de poils gris jaunâtres qui dépassent d’autres poils noirs. La queue, écailleuse, est annelée et couverte de petits poils fins. Les oreilles sont velues à la partie interne de leur pavillon. La plante des pieds est noire. Ce rongeur habite le Haut-Pérou. (‘) Ruppel, Mamm., 1, 56 (4826). (2) Id., pl. 22 et 23. (3) Psammomys, Jules Lecomte, Ann. of the Iyc, nat. hist. of New-York, t. IL, p. 132 et fig. (:) Ps. pinetorum, Lecomte, Loc. cit. DES MAMMIFÈRES. LES PSEUDOMYS (). Ont une forte tête, de grandes oreilles dénudées, les membres égaux, pentadact;les, à doigts libres, bien fendus, ayant de petits ongles recourbés, une queue filiforme, annelée, garnie de quelques soies rares. Ces animaux représentent les rats d’eau à la Nouvelle-Hollande sur la côte orientale en dehors des tropiques. La seule espèce connue a été décou- verte par M. Cunningham dans les sables maréca- geux des plaines de Liverpool. C’est le pseudomys australis, brun noir, mélangé de cendré en dessus, roux gris en dessous, le cou et le thorax cendré pur. LES OCTODONS (). ” Ont les habitudes des campagnols, les formes du rat, certains caractères des lajomys, et la chair sa- voureuse des lapins. Les membres sont égaux, tous pentadactyles, à doigts libres, munis d’ongles falci- formes aigus. Leur queue est médiocre, couverte de poils et floconneuse à son extrémité. On compte qua- tre molaires de chaque côté à plissures prononcées et diversiformes, se rapprochant assez de celle qu’on remarque chez les helamys. L'espèce type est l’oc- TODON DE CUMING (5) qui vit au Chili, Sa coloration est sur le corps un gris brun tacheté de noir, à teintes plus claires sur le ventre et sur les pieds. La queue est uniformément noirâtre, elle est distinc- tement annelée et couverte de petits poils courts. L’octodon se nourrit de végétaux , et paroît commun aux alentours de Valparaiso et sur les bords de la route qui conduit à San-Yago, où il sert à la subsis- tance d’une espèce de hibou du pays. C’est un ani- mal essentiellement herbivore. LES POEPHAGOMYS (1. Se rapprochent des gerbilles et des mérions par la forme de leur tête, des oryctères par la manière dont sont creusées les couronnes de leurs molaires, et par leur genre de vie herbivore : c'est près des Japins qu'ils doivent être classés, quoique par leurs formes ils rappellent les campagnols. Le porpna- GOMYS NOIR (°) est la seule espèce de ce genre. El a () Gray, Proceed., II, 39, () Octodon, Bennett, Proceed., If, 46. (3) Oct. Cumingii, ibid. (9 Fr. Cuvier, Ann, sc. nat., juin 183%, p. 321(t.1, 2e série), pl. 13. (5) P, ater, ibid. 483 été découvert au Chili, proche Coquimbo. Son pe- lage est entièrement noir; sa taille est celle du rat d’eau. Il a quatre pouces trois lignes de longueur, et la queue dix-sept lignes. Ses membres sont propor- tionnellement forts, larges, terminés par cinq doigts Jibres armés d'ongles longs, minces et crochus, ex- cepté le pouce des mains qui est beaucoup plus court que les autres doigts, et qui a un ongle plat. La queue est vêtue de poils sur toute sa surface. L'œil est assez grand, et les oreilles sont médiocres. De fortes moustaches garnissent les côtés du museau, Les poils sont de nature douce et soyeuse. —— LES AULACODES (. Semblent conduire des rats aux erethizon. Ils en ont en effet le système dentaire. Les extrémités sont toutes terminées par quatre doigts. Leurs oreilles sont grandes, ayant des replis intérieurs au pavillon. Leur queue est couverte de poils, La seule espèce connue est l’'AULACODE SWINDERIEN (?) à pelage formé de soies comme spinescentes et aplaties, dont le som- met est seul flexible, et qui sont longues de dix-huit lignes. Le noir qui teint ces soies reflète un éclat mé- tallisé changeant, et passant, suivant les reflets de la lumière, du bleu d’acier au rouge de cuivre bril- lant. Cet animal a dix-sept pouces de longueur, et la queue neuf. Il habite la côte de Sierra-Leone, où les Anglois le nomment ground-pig, cochon de terre ou hérisson, ou ground-rat. I] est avide des gousses souterraines de cassada ou d’arachis hypogea, et recherche aussi les patates. M. Bennett suppose que c’est le wield-rat mentionné par le voyageur Bosman. LES ELIGMODONTES. Eligmodontia. F. Cuv. Récemment découverts dans le sud de l'Améri- que, ils ont été l’objet d’un intéressant mémoire de M. Frédéric Cuvier, le savant le plus laborieux et le plus modeste des temps actuels. Ainsi s'exprime l’auteur : « Une des difficultés qui s'opposent le plus à la formation des familles, dans l’ordre des rongeurs, paroît consister dans le petit nombre d’animaux de cet ordre qui sont connus, en comparaison de ceux (:) Aulacodus, Temm.,Monog. 7e; Boyle, Bennett, Philos. mag. and ann. of Phil., no 59, 1831, p. 389; Bull., XX VIF, 91. (2) V. swinderanus, Temm., loc, cit., Zool. journ., HE, 467 ; Proceed., HI, 111. PTE 484 qui probablement existent. En effet, rien n’est plus commun que de trouver, dans les espèces qu’on dé- couvre, des modifications organiques nouvelles qui viennent s’interposer dans les vides nombreux que laissent encore entre elles les modifications des es- pèces déjà connues et classées ; et ce n’est point sortir, des bornes d’une légitime induction que de supposer que les espèces qui restent à découvrir achèveroient de combler ces larges vides, dont il faut sans doute moins accuser la nature que la lenteur de nos pro- grès dans la connoissance de ces animaux. Tout nous invite donc à nous occuper de la recherche des ron- geurs. De nombreux genres, et des genres fort na- turels composent cet ordre; mais lorsqu'on veut les rapprocher en groupes plus généraux, les faits man- quent ; et si l’on persiste dans ces rapprochements que réclame la science, on arrive d’un autre côté à des classifications artificielles qu’elle repousse. » La famille des rats, qu’on a désignée par le nom de murins, est une de celles où s’est introduit le plus de confusion; il semble qu’on ait voulu repro- duire celle que Linnæus et Pallas avoient faite en composant d’une manière si hétérogène leur genre mus; mais ce qui alors pouvoit paroître un perfec- tionnement ne sauroit aujourd’hui se comprendre. » Nous regardons donc comme heureuse la circon- stance qui nous à procuré une nouvelle espèce de rongeurs, Où nous trouvons , avec des caractères gé- nériques nouveaux, tous ceux qui la rapprochent véritablement des rats et la font rentrer dans la fa- mille dont ceux-ci présentent le type. » L’éligmodonte a deux pouces et demi de longueur du bout du museau à l’origine de la queue; celle-ci est longue de trois pouces quatre lignes. Les pieds de derrière sont proportionnellement beaucoup plus longs que ceux de devant; les premiers ont neuf li- gnes, tandis que les seconds n’en ont que trois, ce qui diffère sensiblement des proportions de ces par- ties chez les rats, où les pieds de devant ne font pas le tiers, mais la moitié de ceux de derrière; et, re- lativement à la longueur du corps, le tarse chez l’é- ligmodonte en égale le tiers, et chez les rats le quart seulement. Les doigts, minces en général, sont plus longs aux pieds de derrière qu’à ceux de devant et au nombre de cinq aux uns comme aux autres, gar- nis d'ongles falciformes. Le pouce des membres pos- térieurs est sensiblement plus court que les autres doigts, les trois moyens sont à peu près égaux et plus longs que l’externe. Aux membres antérieurs il n’y a que quatre doigts entiers; le pouce est rudimen- taire, et ne se montre en dehors que par l’ongle plat et obtus qui le revêt. Sous le tarse , au lieu de six ou sept tubercules nus, comme chez les rats, il n’y en a qu’un en forme de trèfle, entièrement recouvert de poils rudes ; et il en est de même pour les tubercules du carpe. La queue fort longue est entièrement revêtue ! HISTOIRE NATURELLE de poils courts, sous lesquels se montrent les verti- cilles d’écailles caractéristiques de la queué des rats. Les yeux sont d’une grandeur moyenne; les oreilles, minces, ovales et larges, ont les trois quarts de la longueur de la tête et égalent celles d’un rat long de plus de quatre pouces. Le nez consiste en deux très petites narines environnées d’un mufle fort étroit, et la langue est épaisse et douce. De très fortes mousta- ches garnissent les côtés du museau, et quelquesunes se montrent au-dessus des yeux. Les poils du corps, tous soyeux, sont doux, lisses et de médiocre lon- gueur ; ceux de la queue sont aplatis. La couleur du pelage est d’un brun grisâtre en dessous, qui passe au fauve sur les flancs et les cuisses. Toutes les par ties inférieures du corps et le dessus des extrémités sont blanches. La queue est uniformément blonde. » La tête, osseuse, a dans son ensemble et dans ses parties, à peu de chose près, la proportion et les formes de celle du mulét. Sa portion crânienne est peut-être un peu plus ramassée par plus de brièveté dans la région basilaire et moins d’étendue dans la caisse. Or ces différences sont de celles qu’on retrou- veroit entre les espèces d’un même genre, et qui existent en eflet entre celles du genre rat. Ce qui constitue la différence essentielle entre les rats et l’éligmodonte, c’est la forme des dents molaires, qui chez le second est tout-à-fait nouvelle et diffère es- sentiellement de celle des rats. » Ces dents molaires sont au nombre de trois de chaque côté des deux mâchoires, et elles sont pour- vues de racines distinctes de la couronne. Toutes trois présentent de chaque côté des échancrures alterna- tives, de manière à former des zigzags, circonstance qui nous a déterminé à donner à ce genre le nom a’éligmodonde. La première de ces dents, qui est la plus grande, a deux échancrures de chaque côté; la seconde en a deux du côté externe et une du côté interne, et la troisième, très petit tubercule arrondi, en à une de chaque côté. » Les dents des deux mâchoires sont semblables, seulement elles sont renversées dans l’une par rap- port à l’autre, c’est-à-dire que le côté interné des molaires supérieures fait le côté externe des infé- rieures, et réciproquement. Les incisives sont unies et jaunes aux deux mâchoires. » Le canal intestinal, comparé à celui des rats, présente cette différence que le cœcum a une capa- cité plus grande que l’estomac; que la portion droite de celui-ci, beaucoup plus grande que la gauche, a un étranglement qui la partage en deux portions à peu près égales, et que le cardia est très rapproché du pylore. Du reste, les gros et les petits intestins ne diffèrent point de diamètre, et les premiers, de quinze lignes de longueur, sont d’un peu plus de moitié moins longs que les seconds qui en ont trente- deux. Le cœcum, de forme allongée, en a treize, et © DES MAMMIFÈRES. il est déprimé ‘par des brides ligamenteuses dispo- sées en spirales. » Ce petit rongeur est originaire des environs de Buenos-A yres, et je l'ai désigné spécifiquement par le nom de ce pays pour rappeler que c’est dans cette contrée qu'a été faite la découverte de la première espèce du genre. » Je n'ai obtenu aucun renseignement sur ses mœurs, sa manière de vivre. La longueur de ses tarses, les poils qui revêtent le tubercule du méta- tarse, la nudité des tubercules terminaux des doigts, donnent lieu de penser que, n’appuyant que l’extré- mité des doigts en marchant, il pourroit bien n’a- vancer, lorsqu'il veut le faire promptement, qu’en sautant à la manière des gerbilles. La grande étendue de ses oreilles annonce un animal timide, vivant dans une grande retraite, et peut-être dans des ter- riers que ses ongles, semblables à ceux des mulots, Jui permettroient de fouir dans les terrains meubles. Il se nourrit, sans donte, de fruits et de racines. » LES RATS OÙ MUS(). Forment un genre riche en espèces. Buffon n’a bien connu que le rat noir (mus rattus, L.), le sur- mulot (M, decumanus), la souris (M. musculus), et le mulot (M. sylvaticus). Nous aurons donc à faire connoître par de brèves indications un grand nombre de ces animaux, et nous suivrons un ordre purement géographique. Dans l’Europe tempérée habitent les espèces sui- vantes : 4° Le MULOT NAIX ou mulot des bois de Dau- benton (?), gris ardoisé en dessus, blanc en dessous, ayant la queue plus longue que le corps. 11 se tient dans les champs, proche des villages, en France. 2° Le RAT A MUSEAU PROLONGÉ (3), gris jaunâtre, blanchätre sur le ventre, à oreilles orbiculaires et velues. La queue de la longueur du corps. Son mu- seau pointu le distingue du rat des moissons. On le trouve aux environs de Strasbourg. 5° Le RAT DES MOISSONS (#), gris de souris teinté de jaunâtre, le corps blanc en dessous. Il habite les endroits rocailleux et les champs cultivés en Angleterre et en France. 4 Le PARVULE (5), brun cendré en dessus, blanc en dessous, vivant en Alsace. La Sicile a la souris que M. Rafinesque a nommée musculus dichrurus (6), brunâtre, fauve sur Les cô- (") Linné et auct. () Mus campestris, Fr. Cuv., Dict. se. nat.,t, XLIV, p. 477. (3) Mus soricinus, Herm., p. 57. (+) Aus messorius, Shaw, Desm. 479; Fr. Cuv. 64e liv. ; (5) Mus parvulus, Herm., 62. (6) Mus dichrurus, Rafin.; Desm., 305, note, 485 tés, la tête marquée d’une bandelette noirâtre. La queue quadrangulaire, annelée et ciliée. Sa taille est de huit pouces. Elle habite les champs. L'Allemagne possède le RAT A BANDE NOIRE (!), jau- nâtre, avec une bande brune et une longue queue squameuse. On le rencontre en Prusse, dans le Holstein, le long du Danube, en Russie jusqu’en Sibérie. La Russie et la Sibérie ont encore le mus m'nutus (Pallas), ferrugineux en dessus, à ventre blanc, long au plus de deux pouces trois lignes ; la queue mesurantun pouce neuf lignes. IL vit en Rus- sie, en Sibérie, dans les bois de houleaux, entre les fleuves Obi et Jenisea. L'Islande a une espèce qui lui est propre, c’est le mus Islandicus de Thiene- mann, remarquable par son pelage brun gris ou blan- châtre en dessus, mélangé de poils blancs et bruns. Les parties inférieures sont blanches. La queue est à peu près nue, à squames verticillées, brune en dessus, blanche en dessous. Il est intermédiaire au mulot et à la souris, L'Afrique a les espèces suivantes : 1° Le RAT DE BARBARIE (2), plus petit que la souris commune, à pelage brun rayé longitudinalement de blanchâtre, les raies au nombre de dix. Linnée a imprimé que ses mains n’avoient que trois doigts; mais M. Ger- vais, qui à eu occasion de l’étudier à Oran, où il est commun, s’est assuré que les mains avoient quatre doigts et un tuberbule onguiculé au côté interne. La première molaire a sept tubercules, et la seconde en a cinq. Il-habite toute la côte de Barbarie. 2° Le RAT D'ALEXANDRIE (3), gris roussâtre, à ventre cen- dré, la queue d’un quart plus longue que le corps, ayant sur le dos de longs poils aplatis ou fusiformes, striés sur une de leurs faces. Il habite l'Egypte, principalement Alexandrie et Sakkara. 5° Le mus prætextus (*), brunâtre clair en dessus, blanc en dessous ; de grandes oreilles, nues et plissées. Les doigts sont blancs. Les jeunes ont une teinte blan- châtre. Ce rat vit en Syrie et en Arabie. 4° Le mus flaviventris (5), a le dos d’un roux brun clair, les flanes blanchâtres, le dessous du corps jaune, les pieds blancs ; la queue de la longueur du corps. Quel- ques poils sont aplatis. Cet animal habite l'Arabie. 5° Le mus gentilis (6), brun cendré sur le dos, blanc sur le ventre ; n'ayant que de petites oreilles, une queue médiocre, des poils mous et laineux. Il habite l'Egypte et la Nubie. 6° Le mus varieqatus (7), gris ponctué de noir et de blanc. Une ligne dorsale noire, () Mus agrarius, Pallas, Glires, pl. 24, a. (2) Mus barbarus, L. () Mus alexandrinus, Geoff., Desm. 475. Egypte, pl. 5, fig. 1. (4) Brants et Lichst (5) Ibid. (6) Zbid. (7) Brants, Muizen,102 ; Aypudœus variegatus, Lichst. 486 les oreilles velues et la queue garnie de poils rigides. Il se rencontre dans les champs en Egypte, en Ara- bie et en Nubie. 7° Le mus orientalis (1), dont les oreilles sont amples, le pelage brun fauve en dessus, le ventre jaune, et les quatre membres de couleur tannée claire ou couleur de chair. Plus petit que la souris, ayant deux pouces deux lignes et la queue deux pouces neuf lignes. Se trouve à Massaua dans le nord de l'Afrique. Le cap de Bonne-Espérance a plusieurs mus, qui sont : 4° Le pumilio (?), jaune brunâtre cendré, mar- qué de quatre raies noires; ses oreilles sont velues. On en distingue une variété plus forte. Sparmann, qui a le premier décrit cet animal, l’a rencontré dans la forêt de Sitsikama, dans l’ouest du Cap. 2° Le RAT A DOS RAYÉ (3), que M. Fr. Cuvier ne distingue pas du pumilio, est fauve, brun cendré sur le dos que sillonnent trois bandes longitudinales claires, lise- rées de noir ; la queue mince et pointue; les oreilles arrondies et rousses. 5° Le MESOMÈLE (4), ou le zon- dags-rivier des colons du Cap, est roux brun sur le dos, avec une raie moyenne noire, le devant blanc, et les canines de devant sillonnées; le corps a trois pouces huit lignes, la queue deux pouces dix lignes. 4 Le coLox (5), blanchâtre, tirant légèrement au brun en dessus, blanc sur le ventre ; à pelage com- posé de poils mollets. L’Asie n’a guère que huit espèces de rats, répar- ties ainsi. Dans la Mongolie et la Bukkarie se rencon- trent : 4° Le mus caraco de Pallas (5); le characho, le jike-cholgonach des Mongols, long de six pouces, voisin du surmulot ; il est gris, avec les doigts lé- gèrement palmés. On le rencontre dans la Sibérie orientale , jusqu’en Chine. 2 le mus lineatus (°), cendré , avec une raie noire sur l’épine dorsale, les oreilles velues, blanches, avec une tache brune; il est long de trois pouces six lignes. On le trouve sur les bords du fleuve Uruburta, dans la Bukkarie. 5 Le mus subtilis de Pallas ($), le dshilkio-sitskan des Tartares, cendré ou brunâtre, rayé de noir sur le dos, et les oreilles plissées ; le corps a deux pouces et demi. On n’en distingue pas le rat vagabond, qui est cendré et de taille plus forte; ni le M. betuli- nus, qui est brun et plus petit. Il vit dans les dé- () Ruppell, 1, pl. 30, fig. a. (2) Sparmann, act. de Stock., 1784, pl. 6; arvicola pumilio, Desm. (G; Lineated mouse , Shaw, Gen. z00l., pl. 133. Mus Donavani, Less., Man.; Donavan, Nat. misc., 26e liv. Mus lineatus, Fr. Cuv., 61e liv.?? (:) Mus mesomelas, Lichst. (5) Mus colonus, ibid. {5) Glires, pl. 23. (7) Lichst. It. d'Eversm. 123. (8) Mus vagans et subtilis, Pallas, le rat vagabond, Vicq-d’Azyr. HISTOIRE NATURELIE serts de la Sibérie, sur les rives de l'Oby, du Jaina et de l’Irtisch. L'Inde continentale n’a que trois rats qui lui ap- partiennent en propre. 4° Le mus indicus (!), de la taille du surmulot; il est gris roussâtre sur le dos, grisâtre sur le ventre; ses oreilles sont grandes et presque nues. Il habite la ville de Pondichéry. 2° Le STRIÉ (?), gris roux, avec une douzaine de lignes lon- gitudinales et de petites taches blanches, de taille plus petite qu’une souris. On le dit des Indes orien- tales, mais on ignore au juste de quelle contrée. 5° Le mus oleraceus (°), de Dukhun, découvert par le colonel Sykes , remarquable par une très longue queue (quatre pouces et demi), tandis que le corps n’a que deux pouces trois lignes ; ses oreilles sont grandes et arrondies, son pelage en dessus d’un riche marron, tandis que le pourtour de la bouche, la poi- trine et les pieds sont d’un jaune blanchâtre. Il se tient dans les champs, où il se bâtit un nid avec des feuilles de graminées qu'il place sous des touffes de plantes potagères. La grande ile de Java en possède deux espèces. L'une, que l’on n’a point rencontrée ailleurs, est le mus javarus (+), de la taille du surmulot, brun roux, ayant les quatre pieds blancs : la queue plus courte que le corps, et assez poilue. La seconde, qui est très répandue, puisqu'elle existe sur la côte du Malabar, au Bengale, au Mysore, au Coromandel , à Calcutta, et même jusqu’à la terre de Van-Diémen; c’est le RAT GÉANT (°), long de plus d’un pied, sans y com- prendre la queue qui a aussi douze pouces. Il est brun obscur sur le dos, gris sous le ventre, et les extrémités sont noires. Il se creuse de grands trous dans les jardins. L'Amérique produit un grand nombre de rats. La partie septentrionale de ce continent compte les es- pèces suivantes : d’abord les trois mus d'Europe, qui semblent être cosmopolites et s'être établis en colonie réglée partout où l’homme a été former des établissements; le rat, le surmulot et la souris. Mais elle possède en propre l’american field mouse, ou le MULOT AUX PIEDS BLANCS(S), que les Indiens Creeks nomment appecooseesh. Ses oreilles sont grandes, sa queue velue, son dos gris jaunâtre, son ventre d’un blanc pur, ainsi que les membres. On le ren- contre depuis la baie d'Hudson jusqu’à l’embou- (‘) Geoff., Desm. 474. (>) Mus striatus, L.; striated mouse, Shaw, Misc., t. II, p.73. Mus orientalis, Seba. (2) Bennett, Proceed., t. IE, p. 121. (#) Desm. 471 ; Besm., p. 63. (5) Mus giganteus, Hardw.; Trans., VIII, 306; ban- dicot rat, mus bandicota, Pennant ; mus malabaricus, Shaw. (5) Mus leucopus, Rafinesq., Ann. monthl. mag.'TIr, 444 (1818). Mus agrarius, Godman, II, 88. Mus syl- vaticus, Forster, Trans, 62, 380 ; Richards., 142, DES MAMMIFÉRES. chure de la Colombia. Le mus nigricans (!) ou le wood rat des Anglo-Américains, long de six pouces, noirâtre sur le dos, blanchâtre sur le ventre; la queue noire et plus longue que le corps. On le ren- contre dans les provinces de l’ouest des Etats-Unis, et il n’est peut-être qu’une variété légère du rat commun. Les Antilles ont le pILOr1 (2) mentionné par Du- tertre, Rochefort et Labat, et que les auteurs sys- tématiques modernes avoient confondu avec l’agouti. Ce rat est bien reconnoissable à son pelage d’un noir foncé , à reflets bruns sur les parties supérieures , et blanc sous le corps. Le nez, les oreilles et les pieds sont de couleur tannée ; le corps n’a pas moins de dix pouces et demi. Il vit en troupes, se creuse des terriers, et s'établit près des habitations, et entre même dans celles-ci en attestant sa présence par une forte odeur de musc. Le Brésil nourrit cinq espèces : 4° Le mus vul- pinus (3), roux vif, jaune sur les flancs, le poitrine blanche, le pelage formé de poils mollets, les oreil- les velues. Son corps a neuf pouces cinq lignes, et la queue six pouces et demi. 2° Le mus squami- ceps (?), brun cendré, blanc sur le ventre; les oreil- les courtes et velues; des squamelles sur la partie dénudée des pieds. 5° Le mus physodes (5), roux vif, à ventre neigeux, les mains tridactyles. 4° Le mus brasiliensis($), ressemble au rat commun; mais sa tête est plus courte et ses oreilles sont moins longues; son pelage est ras et doux, brun fauve sur le dos, fauve sur les flancs, gris sur le ventre. Sa queue est un peu plus lsngue que le corps. 5° Le RAT DES CATINGAS (7), de Ja taille d’un lérot, à longue queue, gris brunâtre sale, les oreil- les grandes et presque nues ; les cuisses et l’attache de la queue rouge brun. Il habite les forêts du Ser- tong de Bahia, et s'empare souvent des nids de fau- vette pour s’y loger. Les rats du Paraguay ont été décrits par d’Azara : on en admet huit : 4° Le mus rufus (8; ou l’hoci- cudo de d’Azara, brun, à ventre roussâtre, à museau très aigu, et les oreilles plissées. On le trouve aussi au Brésil sur la limite du Paraguay. 20 Le RAT A GROSSE TÊTE (*), ou colaignal al cuerpo, à tête très forte, à museau court, brun sur le corps, plus clair sur les flancs, blanc tirant au buffle en dessous. Long de quatre pouces. Il fréquente les jar- () Desm. (2) Mus pilorides, Desm.; Fr. Cuv., 63e liv. () (+) Ibid. {5} (6) Desm., Dict. sc. nat., XLIV, 483. (7) Mus pyrrorhinus, Wied-Neuw. (8) Desm, (2) Mus cephalotes, Desm. 487 dins de la ville de Saint-Ignace. 5° Le RAT OrEIL- LARD (1) ou l’orejo de d’Azara, brun cendré, les côtés roussätres. On le rencontre dans les champs situés au sud de Buénos-A yres. 4° Le RAT AUX PIEDS NOIRS (?) ou le COLILARGO de d’Azara, à grosse tête, jaune cen- dré sur le corps, blanc sur le ventre, les oreillesnues, les pieds très noirs. 5° Le LAUCHA (5), à petite tête, à museau pointu ; plombé sur le dos, blanchâtre sur le ventre, les oreilles grandes et nues. Il vit aux alentours de Buénos-Ayres. 6° L’ANcouyA (#), brun fauve , plus clair sur la tête, le ventre blanchâtre, la poitrine brun foncé. Les oreilles arrondies et mé- diocres. Les lieux montueux du Paraguay. 7° Le RAT AGRESTE (5), qui n’est peut-être pas un rat. Brun foncé sur le corps avec un mélange de roux, il est blanchâtre en dessous. Ses oreilles sont brèves, ar- rondies, poilues; la queue, plus courte que le corps, est à peu près nue. 8° Le rato blanco de laxo ($) n’est peut-être pas un rat. Son pelage est brun foncé, varié de roux et de blanchäâtre sur le corps, tirant au blanchâtre sur le ventre. Ses oreil- les sont médiocres, ovales et nues. Sa queue fort courte ; est blanche : ses poils sont doux, son corps massif. Le Chili a fourni à nos catalogues, dans ces der- niers temps, une seule espèce : la SOURIS A LONGUE QUEUE (7), qui se construit un nid fait avec des gra- mens et qu’elle place dans les arbres. Sa queue est remarquablement longue , puisqu’elle a cinq pouces et demi lorsque le corps n’a que trois pouces. Le pelage est brun pâle varié de noir en dessus, blanc en dessous et sur les pieds. LES PERCHALS, OU RATS ÉPINEUX. Forment une tribu qui joint aux caractères fonda- mentaux des rats la particularité d’avoir des poils très rigides, faits en forme de fuseaux aplatis et creu- sés en gouttière sur l’une de leurs faces. Ils ont des oreillesamples et nues. Ils sont tous de l’ancien con- tinent. 4° Le PErRCHAL (5), le type de ce groupe, a été décrit par Buffon, et vit dans l’Inde, à Pondi- chéry.2° Le riKkus wIROK des Javanais, ou mus setifer d'Horsfield (°,, a le corps couvert de soies brunes noi- râtres en dessus ; le ventre est blanc. IL vit à Java. () Mus auritus, Desm.; mus pyrrhogaster, Natter. (2) Mus nigripes, Desm. ; mus eliurus, Nallerer. (3) Mus laucha, Desm. () Mus angouyia. Desm.; mus brasiliensis, Geoff. (5) Mus azareæ, Brants. (6) Mus dubius, Fish. 39. (7) Mus longicaudatus, Cuming, Proceed., I, 2. (8) Mus perchal, L.; Fr, Cuv., 61° liv. (2) Zool. research. 488 5° Le mus platythrix(!), du Dukun dans l’Inde, est long de trois pouces et demi, et la queue est aussi longue que le corps. Ses oreilles sont nues, arrondies ; son pelage est brun passant au gris blanc, tandis que les parties inférieures et les pieds sont jaune blanchâtre. Les soies spinescentes sont plates et transparentes. 4° Le RAT ÉPINÉUX D'EGYPTE (?) est blanc cendré, à teinte plus foncée sur le corps. La queue égale en longueur le corps et la tête. Rup- pell en décrit une variété grise fauve. Ce rat est très commun dans toute l'Egypte, et surtout au Caire, à Syène, dans le Fayüm. 5° Le mus hixpidus (3) est blanc jaunâtre, avec une teinte ardoisée foncée sur le dos: le ventre est blanc jaunâtre. Il viten Arabie. M. Cretzschmar ({) en a figuré une variété, décou- verte par M Ruppell en Nubie et dans les rochers du mont Sinaï, sous le nom de mus dimidiatus.Son pelage est jaune roussätre en dessus, blanc en des- sous, une tache blanche occupe la base des oreilles ; ses moustaches sont longues, noires et blanches, LES CAMPAGNOIS, OU ARVICOLA (5). Ontune grosse tête, un large museau, des formes massives, quatre doigts avec un rudiment de pouce aux mains; les pieds ont cinq doigts, tous libres, armés d’ongles longs et crochus. Leurs molaires sont au nombre de trois de chaque côté, leurs bords sont en zigzags enchevêtrés. La lèvre supérieure est fendue. Les femelles ont six mamelles. Ils vivent dans tou- tes les parties du monde. Buffon a décrit le campa- gnol rat d’eau (f), le scherman (*) et le campagnol vulgaire (8). Nous aurons à en signaler beaucoup d’autres espèces. Le rat d’eau paroïit s’être propagé en Europe, en Asie, dans l'Amérique Septentrio- nale ; on en a distingué comme variétés, lemus palu- dosus de Linné, noir, à pieds blancs, etle mus ma- culatus de Pallas, quiest jaunâtre. L'Europe, outre le rat d’eau , le campagnol et le scherman, répandu dans presque toute l’Allemagne jusqu’en Suède, possède quelques autres campagnols. Ce sont : 4° L’arvicola fulva (Desm.), fauve rougeûtre, à ven- tre et pieds jaunes, qui vit en France. 2° La FEGOULE de Vicq-d’Azyr, arvicola æconomus (Desm.), brun () Bennett, Proceed., IT, 121. e) Mus cahirinus, Geoff.:echymys d'Egypte, Egypte, pl. 5, fig. 2, et Ruppell, pl. 13, fig. B. () Lichtenst. Brants, 154, 65. (&) Ruppell, pl. 13, fig. A. (5) Arvicola, Lacèp.; hypudeæus, Illig. (6) À. amphilius, Lacép. (7) À. argentoratensis, Lacép., ou À. terrestris. (8) À, vulgaris, Lacép. HISTOIRE NATURELLE sur le dos, jaune sur les flancs, blanc sous le corps, nommé encore campagnol des prés, qui se trouve en France , en Allemagne, mais bien plus rarement que dans les vallées arrosées de la Sibérie, depuis l’Irtisch jusqu’à la mer Polaire. 5° L’arvicola gla- reolus (Screber, pl. 490 ; B.), cannelle, plus foncé sur le milieu du dos, le ventre blanchâtre, se te- nant caché sous les touffes de l’élyme des sables dans l'ile de Laland. 4° L’agreste ( 4. agrestis, Yar- rell) (1), voisin de l’arvicolaripariades États-Unis, mais en différant par sa teinte rousse brunâtre, pas- sant au cendré sur le ventre; ses oreilles à peine ap- parentes , sa queue égalant à peine le tiers de la lon- gueur du corps. Il à été découvert en Angleterre, où il vit dans les prairies fraiches et herbeuses , où il fait son nid avec des herbes choisies On ignore de quel lieu provient une espèce inscrite dans les catalogues sous le nom d’arvicola albicaudatus ( Desm. ), brune, à pieds et dessus de la queue blancs. M. Van Beneden a découvert dans le Hai- naut un Campagnol qu’il nomme le BELGE, qui a la taille de la musaraigne naine de Toscane, a le corps brun roussâtre en dessus, cendré clair en dessous; les oreilles très petites ct velues, la queue longue du quart des proportions du corps. La Sibérie a plusieurs campagnols. 4° L’A. saxa- tilis (Desm.) brun mélangé de blanchâtre, les flancs d’un blanc pur, le dessous cendré blanchâtre, Il ha- bite au-delà du lac Baikal, dans les rochers de la Sibérie orientale. 2 L’A. alliarius (?), l’alliaire de Vicq-d’Azyr, cendré brun” jaunâtre, blanc en des- sous, gris sur les flancs. Les oreilles longues, larges et dénudées. Il habite la Sibérie proche Jenisa, Kan et Angora. 5° Le roux de Vicq-d’Azyr ( 4.rutilus, Desm. ), brun en dessus, avec une bande foncée, blanc en dessous, les flancs jaunes, la queueépaisse et très velue. On le retrouve en Allemagne, aux environs de Leipsick ; maissa vraie patrie est la Si- bérie, Cazan et Simbirsh. 4° Le compacnox de Vicq-d’Azyr ( mus sociale, Pallas, gl. pl. 15, B. ), remarquable par le blanc qui teint ses oreilles, ses membres et le dessous du corps. Ses oreilles sont arrondies et nues. Il est très commun dans les sables des déserts , entre le Volga et le Jaik. 5° Le GREGARI de Vicq-d’Azyr (mus gregalis, Pallas) , ou rat du Baïkal, est blanchâtre sur le dos, avec quelques longs poils noirs. Lesflancsont une teinte plus claire, le ventre est blanc. Il se tient dans les lieux mon tueux de la Sibérie orientale. 6° Le RAT d’ASTRA- CAN ( À. astrachanensis, Desm.), jaune sur le dos, cendré sur le ventre, les pattes et la queue gris. Des environs d’Astracan. La Perse a le campagnol à courte queue (mus MS es 1 2 &. TR () Procced, IF, 409. () Pallas, Glires. pl. 14, fig, 6. DES MAMMIFÈRES. microrus, Erxl.), cendré clair en dessus, blanc sale en dessous, les oreilles velues. On le rencontre dans la province de Masanderan. La Syrie a l’hy- pudæus syriacus ( Lichst. ), muni de très longues moustaches, le dos jaune grisâtre, les flancs jaunà- tres (1), a la poitrine et les pieds blanchâtres. L'Égypte nous présente le campagnol du Nil (A. niloticus, Desm. ) (?), brun fauve, à ventre blanc jaunâtre; les oreilles grandes, nues et brunes. La queue garnie de quelques poilsrares. Habitelesrives des fleuves en Egypte. L'Amérique n’a que cinq campagnols. Le Brésil possède le rato bubo des créoles ( hypudœus dasy- trichos, Wied.)(?), à pelage épais brun noir, teinté de fauve. La queue est plus courte que le corps, et est annelée de squamelles, d’entre lesquelles par- tent quelques poils. Très communs aux embouchu- res des fleuves de presque tout le Brésil. Les Etats- Unis proprement dits ont : 1° le campagnol riverain (arvicola riparius, Ord.) (*); cendré brun sur le corps, plombé en dessous; la queue de moitié plus courte que le corps, les oreilles pileuses sur leurs bords. La femelle a, dit-on, huit mamelles, quatre pectorales et quatre ventrales. Il est commun dans les marais et sur les rives des fleuves de l'Amérique Septentrionale, et il recherche pour sa nourriture les racines de la zizanie aquatique. 2 L’arvicola æanthognathus(5) à dos brun noir, à ventre gris ar- genté, les joues d’un orangé vif, les pieds bruns. Ce campagnol se creuse des canaux souterrains sur les bords des lacs et des rivières, même dans les bois, dans le voisinage du fort Franklin, dans les montagnes Rocheuses, sur les bords de la baie d'Hud- son. L’arvicola pensylvaticus ($), ou le représentant aux Etats-Unis de notre campagnol vulgaire, est brun, à ventre gris. Son museau est obtus; ses oreil- les sont cachées sous la fourrure, et sa queue, toute poilue , égale à peine la longueur de la tête seule- ment. Assez commun dans le nord de l’Amérique. 4 L’arvicola noveboracensis (7) a son museau très effilé, ses oreilles apparentes, sa queue squame- leuse , nue, dépassant en longueur celle de la tête. Son pelage est en dessus brun obscur, gris de souris sale en dessous. Il se trouve dans les montagnes Rocheuses. M. Gapper a découvert dans le Haut-Canada (8) (") Brants, Muiz, 92, 26. 2) Geoff., Egypte. (3) Beit., IN, 425. (4) Journ. of th. ac. of nat. sc. phil., IV, 2, 305. Jarell proceed., II, 109 ; Sabine, Zool. journ., III, 260 ; Rich., 120. (5) Leach, Zool. mise., t. [, pl. 26. (6) Ord. Harlan. (7) Lemmus, Rafinesq.; Rich. 126, (s) Zool. journ., n° 18, p. 204. Ï, 489 un campagnol (À. Gapperi, Vig.), à oreilles cour- tes et arrondies, le dos et la tête châtains, les flancs brun jaunâtre, le ventre blanc jaunûtre, la gorge et le menton cendrés. Il est commun dans les bois, dans les falaises et sur les rives des fleuves. LES LEMMINGS, LES HIPUDÆUS OU LES GEORYCHUS. Lemmus. Cu. Ont les mains pentadactyles, armées d'ongles fouisseurs robustes. Leurs oreilles sont rudimen- taires et leur queue est très courte. Par les autres caractères, ce sont des campagnols. Buffon n’a connu que le lemming de Norwége et de Laponie ( L. norwegicus, Geoff.), le mus lemmus de Pallas. On en admet aujourd’hui huit autres espèces, toutes habitant les terres du cercle polaire boréal. Ce sont : 4° Le PESTRUSCHLA des Russes ( L. migratorius ), que l’on distingue du lemming de Norwége par son pelage jaune , sa nuque noire, sa gorge blanche; ses dents incisives sillonnées. Il vit plus particulière- ment dans la Laponie russe. 2° Le COLLIER de Vicq- d'Azyr ( L. torquatus )(1), ferrugineux varié de brun, marqué d’un collier blanc, ayant une ligne noire sur le dos, des membres courts, des oreilles cachées par la fourrure. On le trouve dans la partie boréale des monts Ourals et dans les marais du pourtour de la mer Glaciale. %° Le Dshithis- Tsitskhan des Tartares ( L. lagurus, Thien. ) (?), cendré, avec une ligne noire. Ses membres sont courts, et les mains n’ont que quatre doigts avec un rudiment de pouce. Il est commun dans les sables des déserts de la Sibérie, entre les fleuves Jaïk, Je- nisa et Frtisch. L'Amérique Septentrionale offre cinq espèces de ce genre. Ce sont : 4° Le lemming de la baie d'Hud- son ou rat du Labrador (L. hudsonius, Desm. ), cendré lavé de brun, les flancs ferrugineux , le ven- tre blanc, les mains à quatre doigts avec un rudi- ment de pouce. Commun sur le pourtour de la baie d'Hudson (3) et à la presqu'ile de Melville. 2 L'awINNAK (arvicola borealis) ({),qui a les oreil- les cachées sous la fourrure, la queue de la longueur de la tête, le pelage épais , noir et jaune en dessus, cendré en dessous. Très commun sur les bords du lac du Grand-Ours. 5° Le georychus helvolus (*), qui a latête noire et tannée, le corps d’un rouge () Mus torquatus, Pallas, gl. pl. 11, fig. B. (2) Mus lagurus, Pallas, pl. 13, fig. a. G) Richards, p. 132. (4) Ibid., p. 127. (5) Richards., p. 128, 490 orangé fort vif, à teintes plus claires en dessous. M. Drummond l’a rencontré dans les marais subal- pins par les 56 degrés de latitude nord. Les ongles sont en tout point semblables à ceux du lemming de Norwèëge. 4 Le georychus trimucronatus (1), dont les oreilles sont cachées sous la fourrure, qui est marron obscur sur le corps, ferrugineux sur les flancs, cendré sur le ventre. Ses ongles de devant sont recourbés et lancéolés, et celui du pouce a trois pointes. IL a été rencontré dans la première expédi- tion du capitaine Franklin, par les 65 degrés de latitude nord , et à Igloolik par 69 dans la deuxième expédition du capitaine Parry. 5° L’hypudœus albo- vittatus, de Rafinesque, que l’on dit être brun avec cinq bandes longitudinales blanches, est une espèce douteuse des États-Unis, qui n'appartient peut-être pas à ee genre (?). C’est le nursing-mouse des Anglo- Américains. LES HAMSTERS. Cricetus. Cuv. Ont le système dentaire des rats, une queue courte, couverte de poils ; mais déjà nous voyons apparoître chez eux cette ampliation des joues qui se dilatent comme des sacoches, et qu’on nomme abajoues. Ces poches, qu'ont certains singes, servent à ces ron- geurs à transporter les graines qu'ils vont marauder, et qu'ils entassent dans des greniers souterrains. Buf- fon n’a décrit que le hamster commun (cricetus vul- garis, Cuv.), ou la marmotte d'Allemagne. Pallas en a fait counoître plusieurs espèces de la Sibérie, M. Rafinesque une du Kentucky, et M. Gapper une du Canada. Ce sont: 1° Le hagri de Vicq-d’Azyr (cricetus migratorius, Desm.), gris cendré en des- sus, le ventre et les pieds blancs. De la Sibérie. 90 Le saBLe (Vicq-d’Azyr) (3), cendré blanchâtre, à ventre très blanc, les oreilles pubescentes. Sa queue est un peu plus allongée que chez les autres espèces. Il se nourrit de graines d’astragales dans les sables de la Sibérie. 5° Le pné (cricetus phœus, Desm.), cendré brunâtre sur le dos, blanc sur le ventre, les oreilles larges et presque nues. IL vit de graines cé- réales dans les déserts d’Astracan et dans le nord de la Perse. 4° Le soNGaRr (cricelus songarus, Desm.), cendré sur le dos avec une ligne dorsale noire, les flancs variés de brun et de blanc. Le corps est trapu, et la queue est très courte. Il vit, dans les parties les plus désertes de la Sibérie, de graines, de plantes légumineuses qui le rendent très gras. 5° L’oRoZ0 (mus furoncuius, Pallas), à corps allongé, à mu- () Rich., p. 130, arvicola Parry, app. 2e voy., 309. * (2) New month magaz., oct. 1818. () Cricetus arenarius, Desm.; musarenarius, Pallas. RISTOIRE NATURELLE seau pointu, à oreilles larges et nues. Le pelage est gris jaunâtre en dessus avec une ligne dorsale noire. Le ventre et les pieds sont blancs. On le trouve en Daourie. Rafinesque décrit un HAMSTER À BANDES (cricelus fasciatus) des plaines du Kentucky aux Etats-Unis, roux sur le dos, avec dix raies transversales noires. Ses abajoues sont pendantes. Mais une espèce qui paroît plus certaine, est le cricetus myoïdes (1), dé- couverte dans le Haut-Canada, entre York et Sim- coé, par le docteur Gapper. Son pelage est sur le corps brun noirâtre, mêlé d’un peu de roux ou de jaunâtre, et blanc pur sur le ventre. Ses yeux sont bien fendus, ses oreilles amples. Ce hamster niche dans les haies, dans les granges. Il grimpe avec faci- lité dans les arbres,entasse des provisions de réserve, et suit les troupeaux pour ramasser les graines non digérées qui se trouvent dans le fumier. LES GÉOMYS. Décrits par Rafinesque-Smaltz, ils ont été dans ces derniers temps reproduits sous divers noms, tels que ceux d’ascomys (Lichsteinstein) (?), pseudo- stoma (Say), saccomys (Fr. Cuvier), et saccophorus (Kuhl.). Ce sont des rongeurs singuliers dont le mu- seau est comprimé, les yeux médiocres, les oreilles très courtes et arrondies, les abajoues amples, et parfois déjetées en dehors. M. Fr. Cuvier donne à son saccomys quatre doigts et un pouce rudimen- taire aux mains. M. Say dit que le pseudostoma a cinq doigts à toutes les extrémités, et c’est aussi ce nombre que M. Lichsteinstein accorde à ses asco- mys. Les géomys (3) ont les oreilles arrondies, très courtes, et une queue médiocre, nue ou converte de quelques poils. Les ongles, surtout les trois mitoyens de devant, sont très longs, crochus et tranchants. Leurs membres sont courts et les font paroître bas sur le sol. Ce sont des animaux fouisseurs exclusive- ment répandus dans l'Amérique du Nord, et vivant de racines. Leurs molaires, au nombre de quatre, sont en prismes comprimés, la première double, les trois autres simples. Les incisives sont creusées d’un double sillon en devant. Ces rongeurs portent le nom de sand-rat aux Etats-Unis. L'espèce type est le GEOMYS CENDRÉ (geomys ci- nereus, Rafinesq.), que Shaw décrivit sous le nom de canada-rat (Zoolog., t. IT, p.100), et puis sous celui de mus bursarius (Trans. soc., Linn., t. V, p.227, pl. 8); c’estle mus saccatus de Mitchill,et un () Zool. journ., no 18, p. 204; Bull., XXIIL, 264. ) Berlin, 4825, pl. 2, fig, 1 et 2; Bull., XHIL. 114; Ri- chard., pl. 18, fig. 1 à 6. (5) Rats de terre. DES MAMMIFERES. hamster (cricetus bursareus) pour MM. G. Cuvier, Desmarest et Oken. C’est encore le saccophorus bursarius de Kubhl, le pseudostoma bursarius de Say, le geomys bursarius de Richardson (Fauna, p. 205), et l’ascomys canadensis de Lichsteinstein. Enfin quelques auteurs pensent même que le {ucan de Fernandez ne diffère pas de cet animal si riche- ment doté en noms divers. Quoi qu’il en soit, le géo- mys à le pelage court, très fin et gris. La plante des pieds pose en entier sur le sol. On le trouve au Ca- nada suivant Shaw, sur les bords du lac Supérieur suivant Mitchill. Une espèce voisine de la précédente est le Sacco- PHORE DE BOTTA (saccophorus Bottæ, Fav., pl. 21, fig. 4), longue de huit pouces, et qui vit à la Cali- fornie. Son pelage est fauve roussâtre, plus clair à la gorge et sous les ahajoues, tandis que les cuisses et. les jambes sont fauves comme le corps, et que les quatre extrémités sont blanc sale. La troisième espèce est le GEOMYS DE DOUGLAS (geomys Douglasii, Richards., pl.18, C. fig. 4 à 6), le colombia sand-rat des Anglois, fuligineux sur le corps, plus clair sur les parties inférieures. Cette es- pèce est commune dans le voisinage du fort Vancou- ver, où il se tient sur les pentes des collines, dans le sable pur; il se nourrit de grains, de noisettes du corylus rostrata et de gramens. La quatrième espèce est le geomys umbrinus de Richardson, couleur de terre d'ombre sur le corps, gris en dessous, avec la gorge et les pieds blancs ; la queue grise, poilue, de la longueur de la tête. El vit dans la partie sud-ouesi de la Louisiane, aux envi- rons de la ville de Cadadaguios. Une cinquième espèce est l’ASCOMYS MEXICAIN (Lichst. et Bandt.), qu'Hernandez paroit avoir décrit sous le nom de fucan. Ses dents incisives supérieures présentent un seul sillon submédian, les deuxième et troisième molaires sont ovalaires et transverses. Ce rongeur, long d’un pied, vit au Mexique. Son pelage est brun ou roux marron. LE SACCOMYS MANGEUR DE FLEURS. Ca S. Antopilus. Fr. Cuv. (1). Ainsi nommé, parce que les abajoues de la peau, examinée par cet auteur, étoient remplies par des fleurs sèches de coronilla securidaca. 1 est de la taille d'une souris ; sa queue est longue et nue, ses pieds sont tous pentadactyles, et son pelage est uni- (:) Nous paroît être le gopher décrit par M. School- craft (journ. 365), et trouvé aux chutes de Saint-An- toine du Mississipi. Fr, Cuv., Mém. du Mus., no X, p. 419, pl. 26. AY forme. Est-ce une sixième espèce ? Ce saccomys pro- venoit des Etats-Unis. LES DIPLOSTOMES. Diplostoma (1). Les Anglo-Américains les nomment camas-rat, et les François du Canada les appellent gaufres; ils ont le corps déprimé, bas sur jambes, une tête forte, des incisives à trois côtés convexes, des abajoues en forme de sacs très dilatables, communiquant avec l'intérieur de la bouche par un sphincter. Les yeux sont petits, en partie cachés par les poils de la face ; la conque auditive est médiocre, et on n’apercçoit au- cune trace d'oreilles extérieures. Les poils sont épais, serrés et doux ; la queue est courte, arrondie et poi- lue. On en connoît trois espèces de l'Amérique du Nord : 1e Le diplostome brun (diplostoma fusca , Rafinesy.), long de onze pouces, entièrement brun; il vit sous terre de racines dans les plaines de Mis- souri. 2° Le diplostome blanc (D. alba, Rafinesq.), long de cinq pouces et demi, à pelage entièrement blanc ; des mêmes contrées. 5° Le diplostome man- geur d’ognons (D. bulbivorum, Richards., 206), qui recherche avec avidité les ognons de camnas ou qua- mash (scilla esculenta), gris de plomb, passant sur le dos au marron et au brun jaunâtre, à teinte plus claire sur la tête; le ventre est brun mélangé de gris. Il est commun dans les plaines arrosées par la rivière Multomah. 4° Le mole, shaped sand-rat des Anglo-Américains (?), ou geomys talpoïdes de Ri- chardson, l’ootaw-chee-gæshees des Indiens Creeks, est noir cendré en dessus, avec le menton et la queue biancs ; les pieds semblent n’avoir que quatre doigts. Du pourtour de la baie d'Hudson. LES RATS-TAUPES (6). | Spalaz , GuLv.; Aspalaxæ, OLiv. Ils sont bas sur jambes et ont cinq doigts à toutes les extrémités, les ongles plats et menus; leur queue manque complétement. Leurs oreilles sont cachées par la fourrure ; les yeux sont voilés par la peau ; leurs dents, surtout les molaires, sont à peu près de même forme et en même nombre que chez les rats. Ce sont des rongeurs informes, qui vivent cachés () Rafinesq. (1817): Desm.; Richards. 206, pl. 18, B, (Les caractères de Rafinesque sont fautifs.) (a) Sabine, Bull., X VIII, 103 ; Richards. 204, Cricetus, talpoïides, Zool.journ.. IN, 518. (3) Talpoïides, Lacép.; Siphneus, Brants. 492 comme les taupes en élevant la terre, et qui s’ali- mentent exclusivement de racines. L'espèce type est répandue dans le Nord et en Orient, la deuxième se trouve dans l’ile de Java. Le ZEMNI, slepez, ou RAT- TAUPE AVEUGLE (mus typhlus, Pallas, gl., pl. 8) (1), qui paroit être l’aspalax d’Aristote , et que Buffon à décrit sous le nom de zemni. Ce rongeur a une va- riété tachetée de blanc. Il est répandu dans les cul- tures de la Syrie, de la Mésopotamie, de la Perse, de la Russie méridionale, de la Pologne et de la Hon- grie. M. Fr. Cuvier mentionne un rat-taupe aussi grand qu’un lapin, gris foncé , avec une raie blanche longitudinale sur la tête, et qui vit dans les îles de la Sonde. Il le nomme spalax javanus. LES ZOKORS, OÙ SIPHNEUS. BRANTS. Ont les trois molaires des spalax, les yeux très petits, les ongles des mains comprimés et tranchants, très propres à fouir ; une courte queue. On n’en con- noît bien qu’une espèce, le monon zokor des habi- tants de la Daourie, le semlanaja-medwedka des Russes. C’est le mus aspalax de Pallas (?) qui est gris roussâtre, et qui vit sous terre à la manière des taupes ; il se nourrit de bulbes de liliacées, et se trouve communément en Daourie, entre les fleuves Ingoda et Argun. Il est plus rare à Abakan, au-delà de l’Irtisch. La deuxième espèce seroit le suker- kan (3) (mus talpinus, Pallas) ou le semlereia des Russes, brun noir sur le corps, cendré en dessous ; le menton blanc. Il vit de racines et de tubercules dans les galeries souterraines qu’il se creuse, et ne sort que la nuit. Il est commun dans les déserts d’As- tracan et dans les plaines de la Russie tempérée ; on le retrouve en Bukkarie et en Tartarie. LES BATHYERGUES, OU ORYCTÈRES. Bathyergus. LL. ({). Ont quatre molaires à chaque maxillaire , ayant, avant d’être usées , une échancrure au bord externe, () Spalax typhlus, Ilig.; aspalax typhlus, Desm. (2) Siphneus aspalax, Brants ; mus myospaler, Laxm. Georychus, G. Cuv. G) Spalax talpinus, Tienem.; georychus talpinus, Illig. (4) Oryctères, Fr. Cuv. ; observations sur les rongeurs lu cap de Bonne-Espérance classés dans les genres Fathyergus, Oryctères, Georichus, etc.; Anp. sc, nat,, vril 4834, 1, 193. HISTOIRE NATURELLE et une circonférence uniforme par suite d'usure. Leur corps est bas sur jambes ; les yeux extrême- ment petits, les ongles fouisseurs et la queue courte. Les bathyergues sont : 4° Le RAT-TAUPE DES DUNES (mus maritimus, L.) (1); le kauw-howba des Hot- tentots; la taupe du Cap du voyageur Lacaille, cen- dré roux sur le corps, blanc sur le ventre. Les inci- sives sont sillonnées en devant. On en connoît une variété toute blanche. Il vit dans les sables mari- times du cap de Bonne-Espérance. 2° La PETITE TAUPE DU Cap (B. Buffonii, Fr.Cuv.), à pelage brun ou gris clair, marqué de blanc à l'oreille, à l'œil, au bout du nez et sur la tête. Elle vit dans les dunes du Cap, et surtout dans le pays des Caffres. 3° Le RAT- TAUPE HOTTENTOT (bathyergus hottentotus, Less.)(?\, a été reproduit sous deux noms différents. C’est le bathyergus cæcutiens de Lichsteinstein (3), et le B. Ludwigii de M. Smith (f), qui vit également au Cap. Les oryctères ou rats-taupes, dont on ne connois- soit que deux espèces (les bathyergqus maritimus, Desmarest, 519, et bathyergus capensis, Mamma- logie, 520), n’ont été observés, jusqu’à ce jour, qu’à l'extrémité australe de l’Afrique, où ils vivent dans les dunes des environs de la ville du Cap. C’est dans la même contrée que M. le docteur Garnot, après son naufrage, rencontra la troisième espèce que nous décrivons ici, et qui se distingue des deux précédentes par sa petite taille et par la teinte uni- forme et sombre de son pelage. Elle sembleroit être une variété minor georychus d'Illiger, ou bathyer- gus capensis ; mais les dimensions plus foibles de toutes ses parties, et sa couleur, doivent autoriser à la considérer comme formant une espèce assez distincte. L'oryctère hottentot a quatre pouces six lignes de longueur totale, depuis la naissance de la queue jus- qu’au bout du museau. La tête a quatorze lignes ; la queue a cinq lignes, sans y comprendre les poils qui la dépassent de six lignes. Les bras et l’avant-bras n’ont de longueur que six lignes : la main, de la face palmaire au bout des ongles, a six lignes; les doigts du milieu en ont trois, et les ongles ont moins d’une ligne. La face plantaire a neuf lignes ; les doigts du milieu, trois lignes : sa circonférence dans la partie la plus large est de quatre pouces. Le corps est cylindrique ; la tête est courte, ar- rondie, conique , à museau obtus et comme tron- qué. Les yeux sont extrémement petits et très peu visibles. On ne peut apercevoir aucune trace d’o- () Mus suillus, Screb., pl. 204, fig. B. Bathyergus maritimus, Brants. Orycterus maritimus, Fr. Cuv. (2) Less. et Garn., Zool. de la Coq. pl. 2, fig. 2, p. 166 (1826). (3) Brants, Muiz. () Zool. journ., Elf, 439 ; Bull, XVIII , 276. DES MAMMIFÉRES. reilles extérieures. Les membres sont courts et grê- les. Les deux doigts du milieu sont réunis jusqu’à près de la moitié de leur longueur. Le pouce et l’in- dex sont les plus courts, et d’égale dimension à peu près ; les ongles sont très petits et très foibles ; la queue est aplatie, brève, et comme ciliée par des poils peu fournis, allongés, qui partent des bords et ” de son extrémité ; le bout du museau est nu, et de couleur de chair, garni de barbes fines à la mâchoire supérieure. L’oryctère hottentot est recouvert de poils très fournis, très courts et très soyeux. Toutes les parties supérieures du corps sont d’une teinte gris brun uniforme, et comme lustrée , se fondant sur les côtés avec la couleur grisâtre des parties in- férieures et des mains et des pieds. Cette espèce n’a aucune tache blanche, ni près de Poreille, ni près de l'œil ou sur le vertex , comme on en voit sur ces parties chez l’oryetère-cricet (bathyerqus capensis : mus capensis de Pallas, Gmel.). Le pelage est gé- néralement de couleur brune à la naissance de chaque poil, et ce n’est qu’à sa pointe qu’il prend las- pect ou gris brun ou grisâtre que nous avons in- diqué. Ce petit rongeur, par la foiblesse de ses ongles, doit principalement se servir de son museau pour se creuser des galeries dans le sable. Celui que nous décrivons a été tué à vingt lieues de la ville du Cap, près le village de la Pearl, non loin des montagnes de Drackenstein. C’est indubitablement de cette es- pèce qu'Allamand (Suppléments à l'Histoire des Quadrupèdes de Buffon) veut parler lorsqu'il dit: « M. Gordon a vu, fort avant dans l’intérieur du pays, une espèce beaucoup plus petite, et de couleur d’acier ; aussi lui en donne-t-on le nom au Cap. » (Buffon, t. XX, p. 185.) 4° Enfin, M. Fr. Cuvier mentionne le squelette d’une quatrième espèce dont on ne connoît pas les parties molles, et qui diffère des trois précé- dentes. LES GÉORIQUES. Georychus. Se distingueroient des bathyergues, en ce qu’ils n'ont que trois molaires de chaque côté de la mà- choire. La seule espèce connue est le mus capensis de Pallas (gl., pl. 7), ou georychus capensis d'Hli- ger, à pelage entièrement brun foncé et sans tache blanche sur la tête. Cette espèce vit dans les dunes et les lieux cultivés du cap de Bonne-Espérance. 493 LES HÉLAMYS, OU LIÈVRES SAUTEURS. Pedetes. Tiuic. Gnt la tête large, de gros yeux, une longue queue, des membres postérieurs considérablement plus forts que ceux de devant. Ce qui les caractérise plus par- ticulièrement sont quatre molaires formées de deux lames, les cinq doigts des mains terminés par des ongles longs et pointus, les quatre doigts des pieds, lisses et munis d'ongles larges et disposés en forme de sabots. Les incisives inférieures sont tronquées. On n’en connoît qu’une seule espèce qui vit dans les lieux montueux du cap de Bonne-Éspérance, c’est le GERBO {peuetes capensis, Desm. ; helamys capen- sis, Fr. Cuv.), ou le yerbua de Forster, la grande gerboise de Buffon (1). > LES GERBOISES. Dipus. ScREs. Joignent aux dents des rats les cinq doigts des mains des hélamys. Leurs pieds n’ont que trois doigts, parfois avec un ou deux petits doigts rudi- mentaires surmontés. Leurs membres antérieurs sont très courts, les postérieurs sont robustes et gran- dement développés. Il en résulte que ces animaux ne peuvent que sauter. De là le nom de rats à deux pieds que leur donnoient les anciens , ou de rats de Lybie, ainsi qu’on le lit dans Ælien. Leur tête est large, leurs yeux sont grands, leur queue surtout est trés longue et très touffue. Ce sont des rongeurs organisés pour les déserts, vivant en troupes, qui se creusent des terriers dans les sables où ils tom- bent dans une profonde léthargie pendant lhiver, Les Tartares leur donnent le nom commun de jou ou rats jaunes. [ls pensent qu’ils se transforment en cailles, ce qui est dû à ce que ces animaux rentrent dans leurs tanières quand les cailles arrivent. et en sortent quand elles émigrent. Toutes les gerboises vivent dans les régions chaudes et tempérées de l’an- cien continent, et leurs espèces sont nombreuses. Ce sont : 1° Le gerbo ou gerboise de Buffon, la jer- boa des Arabes ou le djarbua des Egyptiens (dipus sagitta, Zimmerm.) (?), fauve, avec un croissant bianc sur chaque fesse. Sa nourriture consiste en bulbes de plantes ; on le trouve en Barbarie, en Sy- rie, en Egypte et en Arabie. Bruce en a décrit une @) Dipus cafer, Gm.; mus cafer, Pallas. (@) Mus sagitta, Pallas; mus jaculus, L., Fr. Cuv., 63e liv.; mus saliens, Shaw, IL, 38. 494 variété peu distincte qui a été nommée dipus Brucii, et qui vit dans les déserts de Barca. 2° Le dypus ægyptius (Hemp. et Ehr. ; Lichs. 22), voisin du pré- cédent , à oreilles médiocres , la queue noire au bout et terminée de blanc(1). De l'Egypte. 5° Dipus telum (Lichst., pl. 25) des steppes des Kirguis, et sur les bords du lac Aral, roux jaunâtre, queue jaune, oreilles petites, flancs et ventre blancs. 4° Dipus tetradactylus (Lichs., pl. 25), qui paroit être le ger- boa de la cyrénaïique de Bruce (?), à longues oreilles gris fauve. La queue floconneuse terminée de noir et de blanc. De la Lybie. 5° Dipus hirtipes (Lichst., pl. 24), à longue queue terminée d’un flocon blanc. Les pieds très velus. De la Nubie. 6° Dipus lagopus (Lich., pl. 24), à petites oreilles, queue terminée de blanc, peu touffue. Des steppes du lac Aral. 7° Dipus decumanus (Lich., pl. 25), à oreilles pointues, roux vif sur le dos, la queue très longue, rousse, puis noire, et terminée de blanc. De l’Oural. 8° Dipus spiculum (Lich., pl. 26), roux vif ondé de noir. La queue terminée par une forte touffe, noire et blan- che. Deux petits ergots surmontant les trois doigts des pieds. De la Sibérie, des monts Altaï. 9° Dipus pygmeæus (lig., Lich., pl. 26), gris blond, la queue grêle. Des steppes des Kirguis (#). 10° Dipus elater (Lich., pl. 27), jaune en dessus. De la Sibérie. 14° Di- pus platyurus (Lich., pl. 27), est le seul qui ait la queue garnie de poils distiques sur toute son éten- due. Il habite les bords du lac Aral. Les espèces les plus anciennement connues après la gerboise ou jerbo sont : 12° Le dipus jaculus ou l’alak-daagha des Mongoles, le morin-jalma des Kalmouks, décrit par Buffon sous le nom d’alag- taga, et qui vit sur les rives du Tanaïs, de l’Irtisch et du Volga. 15° Le dipus brachyurus(de Blainv.), brun varié de fauve, qui paroit être le choën-jalma des Kalmouks, voisin de l'espèce précédente, à la- quelle l’avoit réuni Gmelin. LES GERBILLES. Gerbillus, Des, ; Meriones, ÎLirG, Ont les extrémités antérieures courtes et penta- dactyles, les postérieures assez longues, terminées par cinq doigts presque égaux. Leur queue est lon- gue et velue. Leurs dents ne diffèrent de celles des rats qu’en ce qu’en s’usant apparoissent des collines transversales. Les incisives supérieures sont creusées (") D. bipes, Lichst.; Fisher, esp. 3, p. 334, e) Et le dipus ubyssinicus de Meyer. (5) C’est aussi le dipus minutus de Blainv.,et le mus jaculus, var. minor de Pallas. ou son dipus acontion. (Zoog. russe, I, 1482.) HISTOIRE NATURELLE d’un sillon. Les gerbilles vivent dans les contrées chaudes et sablonneuses de l’ancien continent. L'Inde a les gerbilles suivantes : 4° L’heereena- moos des Indiens, ou l’hérine (Fr. Cuvier)(!), brune, linéolée de noirâtre, avec une longue queue termi- née par une touffe de poils bruns. Elle habite les Indes Orientales, entre Benarès et Hurdwan. 2° L’a- picalis (?), à corps brun lustré en dessus, jaune blan- châtre en dessous ; la queue est garnie de poils ri- gides, denses et pressés. Les Indes Orientales, sans désignation de localité. Le Æordofan a la gerbille robuste ($), brun mé- langé de gris et d’ocre, à teintes plus claires sur les flanes. Les pieds sont velus, et la queue est épaisse. La Nubie a fourni au voyageur Ruppell une espèce voisine (£) au mus longipes, à pelage isabelle , tirant au roux vif, ayant deux taches blanches, l’une au- dessus des veux, l’autre derrière les oreilles. Les poils de la queue semblent être distiques. On retrouve cette espèce en Egypte avec les suivantes. La GER- BILLE DES PYRAMIDES (°), jaune rougeûtre, ayant deux lignes blanches au-dessus des yeux; les pieds à quatre doigts seulement, et la queue terminée par un flocon jaune. Elle vit proche des pyramides d’E- gypte. La {amarisque ou gerboise à queue annelce, en est un peu distincte (6); elle est jaunâtre sur le dos, blanche sur le ventre ; mais elle a cinq doigts aux pieds , le pouce et le petit très remontés, il est vrai. La Lybie nourrit dans ses déserts une gerbille (7) à museau effilé, à oreilles courtes, à queue très flocon- neuse au bout. C’est dans les sables qui environnent la mer Caspienne, entre le Volga et l’Oural, que se tient le amp de Vicq-d’Azyr $), brun clair sur le dos, avec une ligne brun fauve sur le dos; le ventre blanc. Le Sénégal a une gerbille roux vif sur le dos, et blanc sur le ventre ; et le cap de Bonne-Espérance en à une autre plus grande, roussâtre. LA GERBILLE DE BURTON (°) Habite le Dahrfour, où l’a découverte M. Burton à qui M. Fr. Cuvier l’a dédiée. Cette gerbille est plus petite que le surmulot. Sa coloration est un jaunâtre vif plus foncé sur les parties externes et plus clair sur le ventre. () Dipus indicus , Hardw., Trans. lion., VIN, pl. 7, p. 279 (2) Meriones apicalis, mus. de Berlin, Fisher, p. 337. (3) Meriones robustus, Cretzm.,pl. 29, fig. B. (:) Meriones gerbillus, Cretzm., pl. 30, fig. B. (5) Gerbillus pyramidum, Geoff. (6) Meriones tamaricinus, Kuhl. (1) Meriones lybicus, Lichst. (8) Dipus longipes, Screb.; mus longipes, L.; ger- billus meridianus, Desm. (9) Gerbillus Burtoni, Fr. Cuv., 70e liv. > 11 Fr f } Ne) ef Er à, Ÿ LA LES / c 72 J24CHte ET Ve : ? DES MAMMIFÈRES. a —— LES MÉRIONS. Meriones. Fr. CUv. Sont exclusivement de l'Amérique. Elles ont les incisives sillonnées des gerbilles, une petite molaire devant les trois grosses, comme les gerboises ; toutes les extrémités pentadactyles, mais la queue longue, pointue et dénudée des rats. Leurs membres de der- rière sont longs et ceux de devant courts. Leur facies les éloigne de prime-abord des gerbilles. 4° L'espèce la plus anciennement connue est la ME- RIONE DU CANADA (1), jaunâtre en dessus, à ventre blanc, de la taille d’une souris. Elle passe l'hiver dans un sommeil léthargique, et s’enferme sous terre dans le Canada, sa patrie. 2° La MÉRIONE DU LABRA- por (2), le katzès des Indiens Chippewais, et le la- brador Iumping-mouse des Anglo - Américains, qui est très commune sur le pourtour du grand lac des Esclaves. Son pelage, en dessus d’un brun noir mélangé de jaune brunâtre, passe sur les flancs au jaune brun; tout le dessous du corps est blanc. La fourrure est épaisse et grossière. Est-ce à ce petit groupe que doit appartenir le meriones musculus décrit par Kuhl, comme prove- nant du Brésil? De la taille d’un rat, blanc grisà- tre en dessous, roux jaunâtre en dessus, avec des oreilles assez amples et la queue floconneuse ? ? Tout porte à croire que ce rongeur appartient à un tout autre genre. M. Rafinesque a décrit sous le nom de gerbille de la baie d'Hudson (G. hudsonius), la mérione du Canada, mentionnée plus haut, et de plus une espèce de l'Amérique du Nord (G. soricinus), gris brun, ayant une ligne rousse sur les flancs, les oreilles presque nues. Nous ne savons de quelle espèce veut parler Mitchill sous le nom de gerbillus sylvaticus. Ilen est de même du gerbillus leonurus de Rafi- nesque , du Kentucky. a LES ONDATRAS. Fiber. Forment un petit groupe qui ne comprend qu’une espèce de l’A mérique Septentrionale, le rat musqué du Canada (mus zibethicus), l'ondatra des Canadiens, (5 Meriones canadensis, Less. Man.; dipus america- nus, Barton; dipus canadensis, Shaw, gen, z0ol. 2, pl. 16. Meriones nemoralis, Isid. Geoff., pl. du Dict. class. (2) Meriones labradorius, Rich. pl. 7 ; le labrador rat de Pennant; gerbillus hudsonius de Rafinesque ; mus labradorius, Sabine ; gerbillus labradorius, Harlan, 495 décrit par Buffon sous ce nom. Richardson, dans sa Faune de l'Amérique Septentrionale (page 445), en distingue trois variétés, l’une noire, l’autre tachetée et la troisième blanche. Les Anglo-Américains nom- ment ce rongeur musquasch. LES COUIA, OU MYOPOTAMES (1. D’Azara les a mentionnés sous les noms de quyia, et Damasio de Larranhaga sous celui de potamys(?); ce sont des rongeurs à tête large, à museau obtus, dont les oreilles sont petites et rondes , les pieds pentadactyles ; le pouce des mains fort court, les quatre autres doigts libres, tandis que tous les doigts des pieds sont palmés; la queue est longue, coni- que, forte, écailleuse et parsemée de quelques gros poils. Les quatre molaires de chaque côté ressem- blent à celles du castor, elles ont une échancerure sur une face et trois du côté opposé. La seule espèce de cette tribu est le coypou (#), brun marron sur le dos, roux sur les flancs, brun clair sur le ventre. On en connoît trois variétés, une rousse, une brune avec une ligne dorsale fauve , et une troisième tachetée de blanc. Cet animal est commun au Chili, à la Plata, dans le Tucuman. Il est rare à Montevideo et dans le Paraguay. Il viten petites familles sur le bord des eaux, où il se creuse des terriers. Son poil, em- ployé dans la fabrication des chapeaux de castor, est connu dans le commerce des pelleteries sous le nom de racoonda. LES CASTORS. Castor. L. Dont on ne connoît bien qu’une espèce, le castor fiber, et dont il se pourroit que la variété d'Europe se distinguât comme type séparé, ne se sont enri- chis, depuis les travaux de Buffon, que de quelques détails (4). {) Myopotamus, Commerson ; kydromys, Geoff. (2) Nouv. Bull. Soc. phil., 1823, p. 85. G) Myopotamus bonariensis, Commers.; potamys coypus, Desm.; mus coypus, Molina, Chili, p. 268; Geoff., Ann. du Mus., t. VI, pl. 35 ; mus castorides, Bur- row, Trans. soc. Linn., t. XI, p. 168. (Atlas, pl. 43, fig. 2.) () Sur les mœurs du castor, Ann. sc. nat, {. J, p. 266; Richardson, Faupa, p. 105 et suiv. 496 LES PORCS ÉPICS. Hystrix. L. Forment un grand genre, divisé aujourd’hui en plusieurs sous-genres. Le premier, celui des PoRCs- ÉPICS proprement dit, comprend le porc-épic de Buffon ( hystrix cristata, L.), et celui des Indes, qui forme évidemment une espèce distincte. Le deuxième genre comprend les ATHÉRURES (Fr.Cuv.), qui n’a qu’une espèce, le porc-épic à queue en pin- ceau, de Buffon ( . fasciculata, L. ), qui vit dans l'Inde (!). Le troisième genre est celui des ursoxS (eretison, Fr. Cuv. ), dont on ne connoît que l’ur- son de Buffon ( Aystrix dorsata, L. ) (2), de l'Amé- rique septentrionale. Enfin le quatrième genre est le COExDOU ( sinetheres, Fr. Cuv.), dont Buffon a décrit deux espèces. L’une, son coendou , est un urson défiguré par l’empaillage. L'autre, le coendou à longue queue (hystrix prehensilis, L.), est encore le hoitztlaquatzind’'Hernandez et le cuendu de Marcgrave. On le trouve au Brésil , au Mexique et au Paraguay. Buffon paroît avoir mal connu le couiy de d’Azara (hystrix insidiosa, Lichst.), qui vit également au Brésil, et qui a ses piquants roux ou jaunes, cachés une partie de l’année par un long feutre gris brun. Nous ne connoissons dans le genre PORC-ÉPIC pro- prement dit qu’une espèce donnée comme nouvelle, c'est l’hystrix leucurus(?) de.Sykes, qui se trouve dans le pays des Mahrattes, où elle est appelée sayal. Elle est fort voisine du porc-épic d'Italie, seu- lement sa queue est d’un blanc pur, et elle est pri vée de poils capillacés. LES LIÈVRES ET LES LAPINS. Lepus. . Se sont accrus de plusieurs espèces dans ces der- (‘) Nous citons le passage de ‘sir Stamford Raffles sur les pores-épics de Sumatra : « Il y en a deux espèces, une » à longue queue, l’hystrix fasciculata, l’autre, le Lan- » dax, figurée par M. Marsden ‘dans son Histoire de » Sumatra, sous le nom d’Aystrix longicauda. Cette fi- » gure est bonue et exacte, excepté que l’on a dessiné » les pieds de devant avec cinq doigts, tandis qu'ils n’en » ont réellement que quatre, la place du pouce étant » garnie d’un tubercule. Le nom de longicauda peut » être combattu . parce que la queue de cette espéce est » plus courte que celle de l’hystrix fasciculata. On doit » examiner si l'hystrixæ macroura de Séba diffère vrai- » ment de l'hystrix fasciculata, et si ces deux espèces » ne sont pas confondues sous un seul nom. » () Pour l’urson , consultez Richardson, Faun., p, 214. (6) Proceed., t,1, p, 103. HISTOIRE NATURELLE nières années. Buffon n’a parlé avec lucidité que du lièvre et du lapin ordinaires, avec leurs varié- tés domestiques, du TOLAÏ (lepus tolai, Pallas ) et du TaprTi (lepus brasiliensis, L. ) (1). Nous y ajouterons les suivantes : l’Europe, dans sa partie boréale, et sur les hautes montagnes, a : 4° le LIÈVRE VARIABLE (lepus variabilis, Pallas), un peu plus grand que le lièvre de nos plaines de France, ayant ses oreilles et sa queue plus courtes. Son pelage est gris en été, blanc en hiver, mais la queue reste blanche en toutes saisons. Sa chair est, dit-on , insipide. 2° On nomme REKALEK , au Groën- land , où il est commun, un lièvre qui paroît habi- ter tout autour du cercle polaire arctique. Le lepus glacialis de Leach ©), brun grisâtre, puis entière- ment blanc , à oreilles plus longues que la tête, les lèvres noires, les ongles larges et déprimés. Il est aussi très multiplié sur l'ile Melville, dans les fa- laises des bords de la mer. Les Esquimaux lappel- lent ookalik , les Indiens des mines de cuivre kaw- cg0q. Fabricius paroît l'avoir décrit sous le nom de lepus timidus (3). Le lepus hybridus de Pallas n’est point authentique. Cet auteur regardoit le lièvre désigné ainsi comme le produit du lièvre commun et du lièvre variable. Il le distinguoit de ce dernier, parce que le pelage ne blanchit qu’incomplétement, c’est-à-dire qu’il conserve toute l’année du gris, en même temps que la queue reste noire. On le ren- contre dans quelques provinces de la Russie, mais surtout dans la Sibérie. L'Amérique du Nord a deux espèces de ce genre qui lui sontexclusivement propres. La première est le 4ah des Chippewais ou le warwpous des Indiens Creeks, le lepus americanus d’Erxleben (4), de la tille d’un médiocre lapin, à pelage roux brun ti- queté de gris, le cou et le ventre blancs, les oreilles noires, la queue grisâtre en dessus , blanche en des- sous. Cet animal ne se creuse pas des terriers, mais se tient dans les plaines boisées de tout le nord des Etats-Unis. La deuxième est le lièvre des prairies (prairie hare ) des chasseurs Anglo-Américains, le lepus virginianus de M. Harlan (5), le waring- hare des voyageurs Lewis et Clark. Il est gris brun en été, blanc en hiver, avec un cercle roussâtre qui persiste autour des yeux. Sa queue est très courte. Une variété est de couleur plombée sur le dos.Cette espèce ne paroit pas dépasser les 56 degrés de lati- tude nord. Elle est fort commune dans les prairies du Missouri et de la Colombia. Elle ne se creuse pas de terriers, mais se réfugie dans les bouquets de bois , et se cache entre les rejets des arbres. {r) Atlas, pl. #44, fig. 2. (2) Richards., Fauna, p. 221. (3) Fauna groenlandica, p. 25 (4) Lepus hudsonius, Pallas, gl. 30. (5) Fauna amer., p. 196 et 310; Rich. 224, DES MAMMIFÈRES. Les îles Malouines, placées à l'extrémité sud du continent américain}, ont le lapin de Magellanie (1). LE LAPIN DE MAGELLANIE. Lepus magellanicus. LEss. La nature, en créant les animaux , a donné à plu- sienrs d’entre eux des caractères généraux , qui nous permettent d'en former des genres, et des caractè- res particuliers, qui servent à isoler les espèces entre elles. Mais les nuances qui peuvent servir à distinguer ces espèces dans quelques familles sont si peu précises, et sontsi évasives , qu’il est presque impossible de les rendre sensibles par une descrip- tion. Soumettant ensuite à la domesticité plusieurs des animaux utiles, l’homme est venu apporter parmi eux des causes nombreuses de variations qu’on ne remarque point chez les individus sauvages ; et c’est ainsi que des croisements de races, ou l’édu- cation, ou l'influence du climat, ont donné à la même espèce des couleurs différentes ou une livrée étrangère. Si, par exemple, des caractères zoologi- ques nets et précis manquent pour isoler le lièvre de nos contrées d’avec le lapin, on conçoit combien il est plus diflicile encore de tracer la différence de ce dernier avec les espèces qui vivent sur divers points du globe , où elles sembleroient, en émigrant avec l’homme, avoir subi de profondes altérations. Quoi qu’il en soit, il se peut que le lapin des ter- res magellaniques, que nous décrivons, ne soit qu’une variété du lepus cuniculus de Linnæus, portée sur les îles Malouines par les Francois qui y tentèrent un établissementen février 1764, et qui y déposèrent des chevaux et des bêtes à cornes prises à Monte- Video, et qui y vivent encore. Mais cependant, après un examen attentif, et fort surtout de l’opinion du baren Cuvier, nous ne balancons pas à la regar- der comme une espèce distincte, dont la souche provientindubitablementde la Patagonie. Lesanciens navigateurs nous apprennent, d’ailleurs, que les lapins sont très abondants sur les bords du détroit de Magellan , et il n’est pas improbable que l’espèce qu’ils indiquent ne soit celle que nous décrivons(?). Le lapin magellanique est de la taille du lapin sauvage de France, et a les mêmes formes. Son pe- (:) Zool. de la Coq., p. 168. (2) Magellan, le premier Européen qui ait abordé dans la partie sud de l'Amérique en 1520, en décrivant les animaux du port Saint-Julien, sur les bords du détroit qui porte son nom, dit formellement : «On y trouve des autruches (nandou), des renards (chiens antarctiques), et des lapins plus petits que les nôtres. »(Desbrosses, t. I, p.133.) Ce même fait est consigné page 38 de la Traduction françoise du Journal de Pigafetta (1 vol. in-8°, Paris, an 1x.) I. 497 lage est très fourni, soyeux, et entremêlé de poils bruns formant un épais duvet lanugineux en dessous. Destiné à vivre dans les hautes latitudes australes, la nature a pourvu à le préserver de ces climats froids et tempêtueux. Il estentièrement , sur tout le corps sans exception , de couleur noire, mêlée de violâtre, et parsemée d’un grand nombre de poils blancs. Quatre taches blanches, arrondies , qui se dessinent nettement sur le fond noir de la robe de l’animal, occapent le milieu de la poitrine, la moitié de la lèvre inférieure, l’extrémité du nez, et le sommet de la tête. Les jambes sont assez courtes et minces; les doigts sont munis d’ongles forts et robustes , cachés dans des poils abondants, grossiers, d’un noir rous- sâtre foncé , garnissant les mains et la plante des pieds. La tête est un peu obtuse, arrondie, à front convexe : les oreilles sont plus courtes que la tête, caractère opposé à toutes les variétés domestiques du lapin, chez lesquelles ces parties se développent considérablement. La queue , également noire, est courte et recourbée en haut; les oreilles sont brunes rougeâtres. Pouce, Ligues, Longueur du corps entier, du bout du mu- seau à l'anus. :. ... . 1416 8 Hauteur du train de devant. . . . ... 6 6 ———— du train de derrière. . . . . . 10 » Longueur de la lête, du nez à l'occiput. . 4 6 dESROTENLES RER Ne te » du tronçon de la queue. . . . » 18 de l’avant-bras , depuis le coude jusqu'aupoigne(: 1.0.1. 00 42 6 depuis le poignet jusqu'au bout dés obpeles EU AE Lo 12 de la jambe, depuis le genou jus- —— =) — QU'AURIAON Eee CG ———— du pied,depuis le talon jusqu’au boutdes“ongles.U LI 0) NON We Le lapin des terres magellaniques vit, par petites troupes, dans les terriers qu’il se creuse dans les val- lons rétrécis ou dans les dunes des bords de la baie Françoise aux iles Malouines, près l’anse Chabot, et aux alentours du camp de l’Uranie. Il s'établit près des ruisseaux et sous les bouquets du seul et frêle arbrisseau de ces climats, le chiliotrichum amelloides, Cass., au milieu d’an grand nombre de lapins, dont le pelage est, au premier coup d'œil, celui de lespèce sauvage européenne. Il ne nous a paru différer en rien, par ses habitudes , autant que nous avons pu l’observer dans nos diverses excur- sions, des lapins qu’on trouve en France. Le Brésil et le Paraguay ont le tapéti, décrit par Buffon , et la Californie et le Mexique lespèce nou- velle découverte par M. Sykes, et nommée lepus nigricaudalus (1), à pelage épais et doux, mêlé de (" Proceed.ft. It; p: #1: 498 quelques longues soies, varié de noir et de jaune sur le dos, tandis que le coccyx et le ventre sont blancs. La nuque et la partie supérieure de la queue sont d’un noir prononcé, la gorge est jaunûtre, les pieds roux, les oreilles blanches à leur naissance. Son facies est c°lui d’un lapin. M. Bennett pense qu'il a été décrit par Hernandez sous le nom de tlacoyotl. Le Mexique a encore, suivant M. Wa- gler (1), le LIÈVRE ciTLi (?) | lepus callotis, Wagl.), décrit par Hernandez comme semblable au lièvre d'Europe par ses formes, les oreilles exceptées, qui sont très longues relativement aux autres propor- tions du corps, et qui surtout sont d’une grande largeur. Les Mexicains étoient dans l’usage de se servir de sa peau pour en confectionner des vête- ments, et surtout des manteaux très doux, très chauds, et qu'ils ornoient avec des plumes vivement colorées. L'Afrique nourrit plusieurs espèces de lepus. Le LIÈVRE D'EGypTe (L. ægyptiacus, Gecff.) (3) rappelle par ses formes notre espèce de France, mais il est plus petit. Il est roux grisâtre en dessus, la gorge et le menton blanc lavé de fauve; une bandelette neigeuse au-dessus des yeux, et la queue brun noir sur Ja moitié dorsale. Ses oreilles sont remarquable- ment longues. On le trouve en Egypte. L’Abyssinie, et notamment les déserts auS. O. d’Ambukol, pos- sèdent le lièvre isabelle (lepus isabellinus) (), dont les oreilles sont très longues, le pelage de teinte joli isabelle , les parties inférieures blanches. Le cap de Bonne-Espérance a diverses espèces qui ont été étudiées, dans ces dernières années, en France et en Angleterre, de manière à laisser quel- ques doutes sur leur identité. 4° Le LIÈVRE Du Cap (lepus capensis, L.), le plus anciennement décrit, et de taille plus forte que le lièvre d'Egypte, dont il a les teintes grises rousses sur le corps, et blan- ches sur le ventre. Les jambes et la poitrine sont d’un roux uniforme. La queue est mi-partie noire et blanche. C’est le mountan-hare des colons du Cap. Il est rare dans les dunes, qu’il ne quitte guère.2° Le LIÈVRE DES ROCHERS (lepussaxatilis)(5), gris roux , tiqueté sur la tête, plus foncé sur le dos, plus clair et plus gris sur les flancs, avec un trait gris sur l'œil. L’oreille est bordée en arrière de blanc, de roux en avant, et est terminée de noir. Le dessous du cou est gris brun, les membres gris roux uniforme. Cette espèce est de la grandeur d’un lapin, et habite les montagnes du Cap. 5° Le LIÈVRE DES SABLES (lepus arenarius) est une des plus pe- () Isis, no 5,p 510 (1834). () Thesaur., p. 2, tract. 1, de citli seulepore, (3) Egypte, pl. 6, fig. 2; Bull., XIX, 339. (*) Cretzm. in Zool. de Ruppell, pl. 20; Zool. journ., HI, 338. (Atlas, pl. 44, fig. 1.) (5) Fr. Cuv., Dict. sc, nat., t. XXVI, p. 309. HISTOIRE NATURELLE tites espèces du genre ({). Son pelage est gris cendré tiqueté, avec les membres, la gorge, les flancs, le tour des yeux roux. Le ventre est blanc. Il vit dans les sables du pays des Hottentots. 4° Le LIÈVRE A GROSSE QUEUE (lepus crassicaudatus ) (2?) paroît être intermédiaire aux lièvres et aux lapins; il est gris roux en dessus, blanc en dessous, et remar- quable par sa queue arrondie, couverte de longs poils frisés, roux brunâtre ou brun foncé. Il habite l’Afrique australe, principalement aux environs de Port-Natal, dans les lieux montueux et rocail- leux. 5° Le LIÈVRE À NUQUE ROUSSE (lepus rufinu- cha) ($) est très voisin du saxatilis, et pourroit bien être identique avec lui. Les colons le connoiïssent sous le nom de Æleine-klip-haas. I à quatorze pouces de longueur, un pelage gris fauve tiqueté de noir, les parties inférieures blanches, la nuque d’un roux vif, la queue mi-partie noire et blanche. Il se tient dans les endroits montagneux et rocailleux du cap de Bonne-Espérance. L’Asie n’est pas sans avoir quelques lièvres : le MUSSEL des Malabares, et le sussuk des Mahrates, si commun dans les collines stériles du Dukhun , est le lepus nigricollis de M. Fréd. Cuvier (‘), découvert dans l’Inde par MM. Leschenault de La Tour, Diard et Duvaucel, et qu’on dit aussi exister à Java. Sa tête est fauve roux tiqueté, et les joues grises; une bande grisâtre va du museau à l'oreille en passant sur l'œil ; la nuque d’un beau noir, le dos en rouge fauve, les flancs et les cuisses gris de perle, les parties infé- rieures blancs de neige. La deuxième espèce , ou le lepus ruficaudatus (5), habite le Bengale. Il res- semble au lièvre de France par ses formes, ses pro- portions et sa couleur; mais ce qui le distingue sont, et la maculature noire de ses oreilles, et le roux vif du dessus de la queue, qui, dans les autres es- pèces , est brun. LE LIÈVRE A NUQUE NOIRE (5. Plus petit que le lièvre d'Europe, et d’une même coloration, la nuque exceptée, qui, au lieu d’être rousse , est noire. Il vit au Japon. (9 Tsid. Geoff. Saint-Hil., Etudes, pl. 40; Dict. class. d'hist. nat. (2) fbid., Etudes, pl. 9. @) Smith, Zooï. journ., t. IV, p. 440 ; Bull., XVHE, 276. (&) Dict. se. nat.,t. XX VI. (5) Isid. Geoff., Voy. de Bélanger, p. 156. (6) Lepus melanauchen, Temm., faun., Jap., p. 18. de DES MAMMIFÈRES. © LES LAGOMYS (). Diffèrent des lièvres, principalement par quelques traits de leur organisation fondamentale ; car ils en ont le facies, bien que leurs oreilles soient médiocres, leurs jambes presque égales, et qu’ils n’aient pas de queue. Buffon n’a point connu ces animaux qui vivent exclusivement en Sibérie et dans le nord de l'Amérique ,'de manière à ne pas s'éloigner de la zone polaire arctique. M. G. Cuvier rapporte, dans son ouvrage sur les Ossements fossiles, que des os d’un lagomys inconnu se trouvent fossilisés dans des” concrétions ou brèches de l'ile de Corse. Les lago- mys, qui vivent comme les lièvres, sont pentadac- tyles en devant et tétradactyles en arrière; les fe- melles ont quatre à six mamelles toutes ventrales. On en connoiît aujourd’hui quatre espèces : 4° Le NAIN (lepus pusillus (?), le sulgan ou l’ittsiskan des Tartares, le semlianoi saël!schik des Russes. Son pelage est gris brun, et sa taille est celle d’un rat. Il vit dans des terriers qu’il se creuse dans les pays fertiles, dans les lieux montueux, aux sources de l’Oural ; sa nourriture consiste en fruits et en bour- geons. 2° Le LAGOMYS GRIS (lepus ogotonna) (:), ou l'ogotonna des Mongoles, que les Russes appellent kamenoï-krot, est d’un gris très pâle que relève la teinte jaunâtre des pieds ; il est un peu plus grand que le précédent. Il niche dans des tas de pierres, dans les crevasses des rochers, où il amasse du foin pour l’hiver. On le rencontre au-delà du lac Baïkal, dans les déserts de la Mongolie et dans la Tartarie chinoise. 5° Le pica (lepus alpinus) (i), que les Tar- tares nomment schadak ou sadajak, et les Russes pistschucha sjenostawez, est de la taille d’un co- chon d'Inde; son pelage est roux jaunâtre. Il habite les sommets les plus élevés des montagnes, où il passe l'été à choisir et à sécher les herbes qui doi- vent former sa provision d'hiver. Les tas de foin deviennent une des ressources les plus précieuses pour les chevaux des chasseurs de zibelines ; il ha- bite donc les rochers des Alpes sibériennes, le Kam- schatka suivant Pallas, et les îles aléoutiennes sui- vant Pennant. 4° Le little chief hare de Richardson, où le lagomys princeps (5), habite les montagnes rocheuses; cette barrière boréale des vastes plaines du Missouri, depuis le cinquante-deuxième degré de latitude jusqu’au soixantième. C'est principale- meut aux sources de la Mackensie et de la rivière () Lagomys, rat-lièvre, G. Cuvier, (2) Pallas, gl., pl. 4. (5) Pallas, gl, pl. 3 ; Screber, pl. 238. (4) Ibid., pl. 2. (5) Richardson, Fauna, pl. 19; p, 227; Zoo!l. journ.; t. ILE, p, 920 ; Bull; t; XXIV;, 74, 499 de l'Élan qu'il est le plus commun; il niche dans les fentes des rochers, et à l'approche de l’homme il pousse un foible cri. Les Indiens l’appellent buc- krathræ kahyawzæ, ce qu’on peut traduire par les mots lièvre-petit-chef. X ressemble au pika; mais la tête est courte, les oreilles sont arrondies; il est brun en dessus, gris sur le ventre. LES CHINCHILLIDÉES, OÙ LA FAMILLE DES CHINCHILEAS. Forment un groupe naturel qui n’est connu que depuis fort peu d'années, bien qu’on trouve men- tionnés dans beaucoup de vieux récits de voyageurs les animaux qui le composent. Cette famille suit immédiatemént celle des lièvres, et appartient comme eux à la tribu des herbivores, dont les mo- laires sont privées de racines. M. Bennett la carac- térise ainsi (1): les dents incisives d'en haut simples; les molairés <<, à couronne formée de lamelles d’émail en deux ou trois rangées parallèles, entou- rées d’un rebord de la matière vitrée. Animaux vi- vant en troupes dans le sud de l'Amérique, dans les terriers qu'ils se creusent. Leurs mœurs sont douces, leurs membres postérieurs du double plus longs que les añtérieurs; leur queue est principale- ment garnie de poils touffus en dessus et à l’extré- mité. Or, trois genres se trouveraient aujourd’hui composer seuls cette famille des chischillas, assez convenablement caractérisée, dans l’état actuel de nos connaissances, par les quelques lignes que nous venons de citer. Ces trois genres comprennent les lagostomes, les éryomis, callomys ou chinchillas, et enfin les lagotis. LES LAGOSTOMES. Lagostomus. BROOKkES (?). Ne comprennent qu’une espèce célèbre sous les noms de vVISCACHE (lagostomus trichodactylus), et que nous avons décrite dans nos Illustrations de zoologie. Dobrizhoffer, Jolis, Proctor, Head, Mers et Haigh sont les voyageurs qui ont parlé sous le nom de viscache d'un animal que d’Azara décrivit avec () Proceed., t. IT, p. 58. e) Zool. journ., t. IV, 13%. 489, 501 : Harmot-diana, pl., Griffith ; Lesson, Illust. de zool., pl. 8. Z. pilis den- sis, mollioribus insuper gilvis, niveis infra. Mystaci- bus albis et atris, mans digito medio scopula intecto. Hab.; Reipublicæ Argentinæ Agri, (AUas, pl. #2, fig. 4.) 500 une rare exactitude dans ses Quadrupèdes du Pa- raguay. M. Desmarest, dans sa Mammalogie, n’a point admis ce rongeur dans les genres établis, et ce n’est qu’en note qu’il cite les détails qui le con- cernent ( Mamm., p. 560); mais il donne une des- cription très exacte de la viscache, que M. de Blain- ville avait rédigée à Londres, d’après un individu vivant sous le nom de dipus maximus (esp. 508 de la Mammalogie et Nouveau Dictionnaire d'His- toire naturelle, t. XAIE, p. 417). M. J. Brookes a établi le genre lagostomus pour cette même viscache, qu’il figura dans Je tome XIV, p. 95, des Transactions de la Société Linnéenne de Londres. Le chinchilla, autre rongeur alors très peu connu, fut, sur ces entrefaites, figuré par Lichsteinstein, sous le nom d’eriomys chinchilla, et l'objet d’un mémoire de M. Van-der-Hoeven; en- fin, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ( Ann. des Sc. nat.), ayant reçu le chinchilla et la viscache du voyageur Dessalines d'Orbigny, réunit ces deux animaux dans un même genre, qu’il nomma callo- mys (beau rat), à cause de la belle fourrure du chin- chilla, qu’il appela callomys laniger, en ajoutant une troisième espèce, le callomys aureus. Un lagostome nous a été communiqué par M. Ca- nivet, qui l’avoit reçu de Buenos-Ayres. D'après M. d'Orbigny, il paroît que les peuplades améri- caines l’appellent les Bocobis, ararouca; les Pam- pas, trui, et que les Espagnols seuls le connoissent sous le nom de biscacha. La viscache est bien «is- tincte du chinchilla, C’est le vrai représentant, dans les Pampas de l'Amérique, des gerboises de l’Asie et de l’Afrique, en faisant le passage des d pus aux lepus et aux cavia; elle devra conserver le nom de lagostomus, proposé par M. Brookes, tandis que les deux espèces de chinchilla retiendront celui d’eriomys, donné par M. Lichsteinstein. La viscache, que nous avons sous les yeux, avoit les dimensions suivantes : Pieds. Pouc. Lignes. Longueur totale du bout du museau à la naissance de la queue. . 4 8 » ———— dela queue . . . + . + » 7 ———— delatéte .. . .. . + » 3 6 ———— des oreilles. . : . . . . » 41 6 ———— des membres antérieurs... . » 3 3 ———— desmembres postérieurs. . » #8 » ———— de la face palmaire. . . . » 1 % ———— dela face plantaire jusqu’au sommet de l’ongle. ‘. . » Æ 5» ———— del'ongle postérieur médian. » » 9 ———— dHCldtéles 0.1, . 2. . un 2 9 ———— des dents incisives, chacune. » » 92 ———— des moustaches(la pluslongue), » Æ » ———— * des poils du dos. . . . . . » 14 3 La viscache, de ja taille d’un lapin, en a les for- mes, Sa tête est grosse, bien renflée et très bombée HISTOIRE NATURELLE en devant, de manière que les maxillaires sont tout- à-coup rétrécis pour former une face étroite: le mufle est couvert de petits poils courts et ras, et les denx narines s’ouvrent en deux fentes qui se rapprochent par le bas. Les dents sont blanc jaunâtre. Les yeux sont grands, très séparés ; des poils noirs allongés surmontent les sourcils. Les oreilles, nues en de- dans, carnées, sont presque sans poils en dehors; ce n’est que sur leurs bords qu’apparoissent des pin- ceaux de poils très prononcés et très longs antérieu- rement. Les poils des joues sont longs, mélangés d’un feutre doux, mollet, et semblent former des favoris touffus sur la face. Les moustaches, compo- sées chacune de deux faisceaux, le supérieur plus long, noir, et l’inférieur plus court, blanc pur, sont rudes à leur naissance, puis très fines, et toutes di- rigées en dehors. Le pelage est partout abondant et épais. Il se compose d’un feutre soyeux, mollet, gris roux sur toutes les parties supérieures du corps et sur les faces externes des membres. Dans ce feutre sont éparpillés en plus ou moins grand nombre des poile noirs, lustrés, longs, et qui donnent à la four- rure un aspect roux ondé de noir. Ces poils sont plus denses principalement sur la ligne médiane du dos et sur les lombes. Toutes les parties inférieures et latérales du corps sont d’un blanc de neige, ainsi que le dedans des membres. Les poils de la queue, secs et roides, sont brun marron sale; mais deux ta- ches grises partent de sa naissance et se dirigent vers le milieu de la longueur de celle-ci sur les côtés seu- lement. La tête est colorée de la manière qui suit : du gris et du noir couvrent la partie bombée dû front ; le museau et la base des moustaches sont noirs, et ce noir passe au brun sous les narines. Les côtés de la tête sont blancs, mais une large écharpe brune roussâtre traverse le milieu de la joue derrière les moustaches. Les ongles sont jaunâtres. Les mamelles sont, dit-on, placées sur la poitrine. La viscache habite les plaines rases nommées pam- pas, qui constituent, au sud de l’Amérique, une vaste étendue de terrains situés entre les 29 et 59 degrés de latitude S. ; elle s’y abrite dans des terriers qu’elle creuse avec l’ongle puissant de ses pieds de derrière, et vit en familles réunies par les mêmes besoins et par les mêmes appétits, familles compo- sées de huit à dix individus dont les mœurs sont craintives, timides, car le moindre bruit les effraie. Ces animaux restent assis sur leur derrière, à la ma- nière des lapins, portent leurs aliments à la bouche, en se servant de leurs petites mains pour les enfon- cer. Leur marche s- compose de sauts réguliers, de devant en arrière, par le jeu simultané des deux membres, soit antérieurs, soit postérieurs. Leur nourriture consiste en herbes légumineuses et en graminées qu’ils broutent, principalement en une espèce de luzerne qui couvre les pampas. Les dégâts M El Lt ARE 2 GEI 74 1 Ce Chile 2 LÉchyrys AA Publie-par Pourrat Frères adarur . DES MAMMIFÈRES. occasionnés par les viscaches aux jardins portent les cultivateurs à leur faire une chasse active. L'accou plement a lieu dans la belle saison de l'hémisphère sud, c’est-à-dire en décembre, en janvier et en fé vrier. La femelle donne le jour à deux ou quatre pe- tits qu’elle porte pendant quatre ou cinq mois. La chair de ces animaux ne sert point à la nourriture. On les tue à cause des ravages qu’ils font dans les plantations, et pour retirer de leur pelage quelques services. On pourroit utiliser leurs poils dans la con- fection des chapeaux de feutre. En résumé, le lagostome habite exclusivement les pampas de la Plata et du Paraguay. Les caractères zoologiques des lagostomes sont les suivants : incisives quatre, molaires seize. Les inci- sives, très longues, accolées, triangulaires, sont lisses en devant, épaisses, taillées en biseau égal : les in- férieures sont un peu plus courtes que les supérieu- res ; les molaires, on les dit obliques , au nombre de quatre de chaque côté et à chaque mâchoire, à cou- ronne en lame simple ou en V ; la tête est courte, bombée, à front très élevé, à nez obtus, à narines en fentes étroites, en demi-cercle. Les soies sont lon- gues, rigides, partant toutes d’un même point en formant faisceau à leur base; les joues sont très ren- flées. Les oreilles médiocres, nues en dedans, poi- lues en dehors, triangulaires, dilatées à leur base, qui est bordée en arrière par un renflement. Les membres antérieurs sont courts, grêles, à face pal- maire nue, terminés par quatre doigts presque égaux, l’interne et l’externe un peu plus courts que les deux médians. Les ongles, courts, rudes, sont recouverts de poils mous à leur racine. Les membres postérieurs sont robustes, du double plus longs que les anté- rieurs, à tarses longs, dénudés à Particulation et à la naissance des doigts. Ceux-ci sont au nombre de trois, le moyen est plus long que les latéraux : tous ayant leur phalange terminale libre, renflée, dénu- dée. Les ongles, s’insérant au milieu de la phalange onguéable, sont énergiquement puissants, surtout celui du milieu , qui est très long ; ils sont droits, aigus, concaves en dessous, convexes en dessus. Le médian est recouvert par une brosse de poils très rudes, très serrés, égaux. La queue est longue, gar- nie à sa naissance de poils ras, et à son extrémité de poils longs, touffus, implantés sur le bord infé- rieur, tandis que ceux du bord supérieur sont ras, La nature et la couleur du pelage sont analogues à celles du lièvre ordinaire, et les poils, bien que gé- néralement mous, sont droits et de deux sortes , des longs et des poils duveteux. Le Muséum de Paris possède deux espèces de ce genre fort remarquables. La GRANDE VISCACHE, grise, avec de longues soies brunes, d’épaisses moustaches noires formant sur les joues deux bandes de favoris très prolongés, que surmontent deux raies blanches. 501 Sa queue est médiocre. La VISCACHE A CRINS, à pe- lage uniformément brun, mais remarquatle par sa queue longue , couverte de crins noirs épais, variés de noir et de blanchâtre. Ses oreilles sont aiguës et prolongées, et ses moustaches sont remarquable- ment longues. Comme le plus grand désordre règne dans les collections du Muséum, ces espèces n’ont aucune désignation de patrie, LES CHINCHILLAS. Eryomis. Licasr (1). Dont le pelage est remarquable par son excessive douceur, ont cinq doigts aux membres antérieurs et le pouce parfaitement développé. Ils n’en ont que quatre aux membres postérieurs, et les ongles sont petits, à peu près falciformes. Leurs oreilles sont comme celles des lièvres , amples et membraneuses ; de longues soies forment des moustaches touffues , leur queue est moyenne et couverte de poils abon- dants. Leurs doigts sont revêtus de poils cachant presque les ongles, qui ne rappellent en rien ceux des lagostomes. Les dents incisives ? sont aiguës, les molaires, +, ont trois lamelles obliques, et le crâne, assez brusquement tronqué, se trouve être déprimé sur la tête et renflé sur les régions tempo- rales. Les chinchillas habitent exclusivement les pla- teaux élevés du Chili et du Pérou. On n’en connoit que deux espèces. La première, le VRAI CHINCHIL- LA (?), célèbre par la précieuse fourrure qu'il donne au commerce, est l’eryomis, chinchilla des auteurs systématiques, que Molina avoit depuis long-temps décrit sous le nom de rat laineux (mus laniger), et dont M. Geoffroy Saint-Hilaire avoit fait un hamster et M. Tiedemann un lemming. Joseph Acosta est le premier voyageur qui, dès 1591, ait parlé de l’ani- mal qui nous occupe, que l’on retrouve dans la re- lation d’Awkins (1622), sous le nom de hardilla. Alonzo de Ovalle, écrivant sur le Chili, à Rome, en 1646, parle aussi de cet animal qu’il nomme ardas. Buffon , dans son histoire du chinche (qui est une mouffette, mephitis), emprunta ce nom à Acosta (:) Callomys, Isidore Geoff.; chinchilla, Bennett. (2) Eryomis chinchilla, Lichst., pl, 28; over de chin- chilla, door J. Vander-Hoeven, Overg. deel VI, no 1; callomys laniger, Isid.; note sur la viscache et le chin- chilla, Ann. se. nat., t. XXI, p. 282, nov. 1830: chin- chilla lanigera, Bennett, Proceed., t. IH, p. 59; dents, Zool. journ.,t. IV, p. 317; Anat., proceed., {. I, p. 31; mœurs, Rousseau, Ann. sc. nat., t. XXVI,p. 337; Bull., t. XXIV, p. 352; Ann. sc. nat., juin 14835, p. 379; le chinchilla, Fr. Cuv.. 64e liv.; Zool. menag., fig.; Gray, Spicilig. zool., pl. 7, p.11 ; Meyer Schmidt, Voy. au Chili, Lond., 1824; Molina, Hist. nat, du Chili, trad, franc., p. 283. (atlas, pl. #1, fig. 1.) 502 tout en l’appliquant à un autre animal. Molina seul réunit quelques bons détails de mœurs sur son rat laineux, qui n’est autre que le chinchilla ; mais ces détails incomplets laissèrent les naturalistes en sus- pens jusque vers 1825, où les fourreurs en reçurent quelques peaux entières qui permirent d’en mieux préciser les caractères. Enfin, quelques individus vivants furent observés dans les ménageries d’Eu- rope. N’est-il pas étonnant qu’un petit an mal, qui paroît extraordinairement multiplié dans le Chili et le Pérou, à en juger par la prodigieuse quantité de peaux que l’on retire de ces pays, soit resté jusqu’en ces derniers temps un objet de doutes et de contro- verses? Le chinchilla a son pelage d’un gris de perle, de nuance suave, ondulé de blanc sur toutes les par- ties supérieures du corps, et de gris clair sur les in- férieures. Son poil, d’une extrême finesse, est d'une grande douceur au toucher. Les moustäclies sont noires et blanches, la queue terminée de brun. Nous ferons remarquer qu’il existe d’assez notables diffé- rences entre les figures publiées par M. Fr. Cuvier et Lichsteinstein, Le portrait donné par le premier à les oreilles noires, arrondies; celui du savant Prus- sien les a blanches, grandement allongées et ova- laires , etc. « Les poils des chinchillas, disoit Acosta, sont » merveilleusement doux et lisses, et on porte leur » peau comme une chose exquise et salutaire pour » échauffer l’estomac et les parties qui ont besoin de » chaleur modérée, » Tout rappelle un lapin dans les formes des chinchillas ; i! en ont aussi les mœurs, car ils vivent en troupes dans des terriers. Es se nour- rissent principalement de plantes bulbeuses qu’ils mangent assis sur leur derrière la queue relevée, et se servent de leurs mains pour porter à la bouche ces aliments. La femelle met bas, chaque année, deux portées de cinq à six petits, et c’est à l’aide de chiens dressés à cette chasse et conduits par des en- fants qu’on s’en empare. C’est principalement dans les provinces de Co- piabo et de Valparaiso au Chili que vit le chinchilla, et c’est de là que leurs fourrures sont expédiées en Europe. La seconde espèce est le CHINCHILLA DORE (f), qui ne repose que sur des dépouilles envoyées du Pérou aux marchands de fourrures. Son pelage est d’un jaune nuancé de verdâtre et ondulé de noir sur le corps, passant au jaune doré brillant lavé de rous- sâtre sur les parties inférieures ; une ligne dorsale noire suit le rachis, et ses moustaches sont entière- ment brunes. Les poils de ce chinçhilla sont, comme ceux du précédent, d’une finesse et d’un moelleux extrêmes. (*) Callomys aureus, Isid. Geoff., loc. cit. HISTOIRE NATURELLE LES LAGOTIS ('). Ont tous les pieds tétradactyles, c’est-à-dire que le pouce manque complétement ; les doigts sont armés d'ongles foibles, bien que légèrement falci- formes. Leurs oreilles sont longues, et la queue elle- même se prolonge beaucoup. Les dents incisives sont aiguës ; les molaires, en même nombre que celles des chinchillas, ont sur leur couronne trois lamelles obliques et entières. La seule espèce connue, le LA- GoTIs DE CUVIER (?), a son pelage doux et mollet, et vit dans les parties montagneuses du Pérou. M. Ben- nett ne doute pas, et ses raisons nous paroissent pé- remptoires, que ce ne soit de cette espèce, confondue avec le lagostome sous le nom vulgaire de viscacia ou viscache, adopté par les créoles espagnols, que parlent Acosta, Garcilasso, de Laet, Nieremberg, Feuillée, Ulloa, Vidauré, Molina même, Schmidt- Meyer, Stevenson. En effet, le lagostome est un ani- mal des pampas de Buenos-Ayres et du Paraguay , et le lagotis semble confiné sur le penchant occi- dental des andes au Chili comme au Pérou. Ce lagotis de Cuvier a les proportions d’un lapin, et sa queue est aussi longue que le corps et la tête à la fois. Ses moustaches sont épaisses, d’un noir de jayet et fort longues, car les dix ou douze plus grandes mesurent jusqu’à sept pouces de longueur. Les oreilles ont la forme d’un parallélogramme, et sont arrondies au sommet, Elles mesurent trois pouces de hau'eur. Les ongles sont entièrement cachés dans l’épaisseur des poils qui recouvrent les doigts. Le pelage sé com- pose de poils très longs, d’une souplesse remarqua- ble, mélangés de longues soies noires, et de poils soyeux blancs à leur sommet et lavés de brun jau- nâtre, ce qui lui donne une coloration générale gris de cendre, à reflets satinés. Nous ne doutoris pas que l’animal figuré par M. Lichsteinstein ne soit évi- demment le lagotis et non le vrai chinchilla. Le genre LAGIpIuM ‘du docteur M.-F. Meyen ne renferme qu’une espèce, le lagidium peruanum , dont le système dentaire est celui des chinchilli- dées ; mais les mains ont quatre doigts et les pieds trois, avec un rudiment de quatrième au côté ex- terne. Ce genre est bien voisin, s’il n’est pas celui nommé tagolis. Mais les termes de comparaison nous manquent. A la suite des chinchillas vient se placer un petit genre fort voisin, celui des HapaLOrTIs (Lichst.), ayant quatre doigts petits et foibles aux mains, terminés par des ongles grêles, cinq doigts aux pieds, abon- damment velus en dessus. Les oreilles sont ovalai- (‘) Lagotis, Bennett, Proceed., t. HIT, p. 58. (2) Lagotis Cuvieri, ibid. DES MAMMIFERES. res, très grandes, droites et légèrement acuminées au sommet. La queue est longue, mais grêle, et cou- verte de poils ras. Les moustaches sont fort grandes, et le corps a le port et la tête du chinchilla. Seule- ment le train de derrière est moins disproportionné avec celui de devant. Malheureusement nous igno- rons quels sont les caractères assignés à ce genre par son auteur, n'ayant pu lire la description publiée en langue allemande. La seule espèce connue, l’hapa- lotis albipes (1), de la taille du surmalot, est brun enfumé, les mains et le ventre exceptés, qui sont blancs. I vit à la Nouvelle-Hollande; probablement dans les montagnes Bleues, où l’a découvert le voya- geur Sieber. LES CABTAÏIS. Hydrochærus. ErxL. (2). Dont on ne connoit qu’une espèce, le capybara, n’ont rien acquis dans leur histoire depuis la mort de Buffon. C’est un animal qui fréquente les bords de tous les grands fleuves d'Amérique, où il vit en troupes qui sortent principalement la nuit. Capy- bara est son nom brésilien , que les Botocudos ont changé en niimpoon. C’est aussi l’irabubo de Gu- mila, le capivard du voyageur Froger. LES COBAYES OU COCHONS D'INDE. Cavia. IiLic. (i). Ceux connus jusqu’à ce jour étoient propres au Brésil et au Paraguay. L'espèce la plus répandue, et que l’on soupçonne issue de l’apéréa, est Le co- chon d’Inde de Buffon (cavia cobaya, Pallas; mus porcellus, L.). Récemment, M. Wagler en a décrit deux espèces comme propres au Mexique. La pre- mière, cavia Spixii (!), est d’un cendré brunâtre, marqueté de noirâtre, offrant sur chaque joue, en avant de l'oreille, une courte bandelette blanche ; le dessous du cou et le ventre sont blancs, de même que les soies inférieures , tandis que les ongles des doigts sont noirâtres. La seconde est le cavia ful- gida (), fauve brunâtre, marbré de noir par taches luisantes. Le cou et le tronc en dessous sont de cou- () Lichst., pl. 29. (Atlas, pl. 49, fig. 2.) (2) Hydrochærus, cochon d’eau; Voyage de Pesmar- chais, t. IT, p. 298. M. Wilson (Illust,, pl. XII jen a donné une trés bonne figure. (3) Anœma, sans force, Fr. Cu, (4) Isis, n° 5, p. 510 (14831). (5) Ibid. 503 leur ocreuse. Les moustaches les plus inférieures sont teintées de fauve, et les oreilles carnées ont leur rebord supérieur obscur. M. d'Orbigny a découvert dans la Patagonie une quatrième espèce, le cobaye austral (cavia austra'is) (1), qui a les formes et les proportions de lapéréa; mais il s’en distingue par ses ongles, qui sont plus longs et plus aigus, et d’un noir foncé. Le dessus du corps est d’un gris jaunä- tre tiqueté de noir, plus foncé en noir sur la ligne moyenne, les parties inférieures sont d’un blanc grisâtre. Cette espèce a besoin d’être comparée à l’apéréa pour pouvoir en être distinguée. Ses poils sont plus longs et plus doux. Sa taille ne dépasse pas huit pouces de longueur, Ce cobaye est très commun sur les bords du Rio Negro, vers le qua- rante-unième degré de latitude S. ; plus au nord la race disparoit. Il se creuse de profonds terriers qui communiquent au dehors par plusie rs ouvertures, et lesétablit principalement dans les endroits habités par l’homme, et rarement dans les lieux déserts. Il ne sort guère que la nuit, car il aime se tenir blotti dans son trou pendant le jour. Son naturel est vif, mais doux et craintif. Ses allures sont sautillantes. Lors même qu'il s'établit près de l’apéréa, Jamais les individus des deux espèces ne se mêlent ensem- ble. L'apéréa ne peut grimper aux arbres; il n’en est pas de même du cobaye austral, qui va cueillir lui-même les petits fruits qu’il aime, et dont il se nourrit en y joignant des jeunes pousses, des grai-= nes, etc. La femelle met bas, dans le courant du printemps et de l’été, plusieurs portées de deux petits chaque, qui, à trois mois, ont les proport ons des père et mère. | A nomment ce rongeur sahal, et les Patagons téreguin, noms qui sont ap- pliqués à quelques autres animaux. Les Espagnols créoles seuls le distinguent nettement par les mots tucu-lucu, qui rendent euphoniquement l’accentua- tion du cri qu’il fait entendre. LE COBAYE DE CUTHLER (. Se trouve en Patagonie : a les fortnes du cobaÿà, mais son pelage est en entier formé de longs poils lisses, brillants, noirs et finement rayés de brun. Ses oreilles sônt plus grandes, plus ouvertes, et garnies Ge poils plus longs que ceux des parties ad- jacentes. I n’est pas sans analogie avec le cavia de Péron. (*) Isid. Geoff., Etudes, pl. 12. (+) Cavia cuthleri, Bennett, the philos., mag., juin 1836. 904 LES MOCOS. Kerodon, Fr. Cuv. ‘ Sont du Brésil, où le prince Maximilien de Wied Neuwied découvrit la seule espèce qui forme ce genre, en ne la séparant pas des cobayes et la nom- mant cavia rupestris. Les molaires, plus simples que celles des .cavia, ont leur couronne formée par deux prismes triangulaires. Le moco 1), un peu plus gros que le cochon d’Inde, a son pelage gris olivâtre mélangé de jaune rougeâtre, teinté de noirâtre en dessus; les parties inférieures sont blanchâtres. Il se plaît dans les lieux rocailleux de l’intérieur du Brésil, proche le Rio-San-Francisco. LE MOKO DE KING (?). Diffère du précédent par sa coloration uniforme. Il habite la Patagonie. LES ACOUTIS (). Vivent dans les parties les plus chaudes de l’A- mérique méridionale, au Brésil et à la Guyane. L'a- gouti et l’acouchy ont été’ décrits par Buffon. Il n’en est pas de même de la troisième espèce nom- mée AGOUTI À CRÈTE ou cavèa huppé (), qu’on ne rencontre qu'à Surinam, dans la Guyane hollan- doise. Son pelage est noirâtre, piqueté de roux ; les poils de l’occiput sont allongés etforment une sorte ‘ de hure. Ceux de la croupe sont également très longs. Le ventre est brun , les oreilles et la queue sont courtes. Son caractère est revêche; sa taille est celle de l’agouti ordinaire. : Ona décrit sous le nom d’agouti un animal de Java et de Sumatra, qui doit appartenir à un tout autre genre. C’est le m:s leporinus de Linné, le cuni- culus javensis de Brisson. On dit cet animal sans queue, roux sur le corps, blanc en dessous. LES MARAS. Mara. Semblent distincts des cobayes et des agoutis, dont () Æerodon moco, Fr. Cuv.; Æ. sciureus, Isid., Dict. classiq. (2) Bennett, the philos. mag., juin 1836. (3) Dasyprocta, fesse velue, Illig.; chloromys, rat jaune, Fr. Cuv. (&) Dasyprocta cristata, Desm., 572 ; chloromis cris- tatus, Fr, Guy. f HISTOIRE NATURELLE ils n’ont point les formes extérieures. Leurs orcilles sont assez saillantes; les jambes sont élevées, grêles, d’égale longueur, n'ayant, comme les agoutis, que trois doigts aux pieds de derrière et quatre à ceux de devant. Les doigts antérieurs sont petits, courts, bien que les deux moyens dépassent les latéraux. Les trois postérieurs sont médiocres, et cependant celui du milieu déborde les externes. Les ongles ont une forme triquêtre. La queue est rudimentaire et nue. La seule espèce connue est le MARA MAGELLA- NIQUE (1), ou le lièvre pampa de d’Azara (?), qui vit dans les pampas de la Patagonie, et dans toute la partie australe de l'Amérique. Sa taille est celle du lièvre ordinaire. Son pelage est doux, soyeux, très fourni, de couleur brune sur le dos et sur la région externe des membres, tandis que les poils sont annelés de blanc et de roux clair sur les flancs, le cou, les joues et derrière les extrémités, ce qui donne une teinte jaune cannelle ou fauve. Les poils du dessous du corps et du dedans des membres sont blancs. La bourre n'existe point. Une tache d’un noir violâtre occupe toute la région lombaire à l’ex- trémité du dos, tandis qu’immédiatement au-des- sous la région sacrée est neigeuse. Les poils de ces parties sont beaucoup plus longs qu’ailleurs. La queue est représentée par un petit moignon. Des moustaches qui sont noires et très luisantes occu- pent la face. Les oreilles élargies et pointues sont bordées de poils, formant un léger pinceau à leur sommet. Les Puelches des rivages du détroit de Magellan nomment le petit animal qui nous occupe mara, et les zoologistes sont encore à désirer des renseigne- ments sur les mœurs, les habitudes de ce mammi- fère intéressant, tiès rare dans nos musées, et dont on ne possédoit aucune bonne figure. Celle que nous donnons dans ce supplément aux œuvres de Buffon ( Mammifères), laisse beaucoup à désirer. Tout porte à croire que les voyageurs françois qui expl rent l’Amérique Méridionale nous donne- ront des renseignements complets sur ce singulier et curieux animal, qu’on laisse parmi les agoutis, faute de détails suffisants pour l’en retirer, car il s’en éloigne par tous ses caractères extéri urs, bien que la forme et le nombre de ses molaires soient inconnus. Ce mara est le lièvre pampa des créoles de Buénos- Ayres, et notre description repose sur l’individu con- servé au Muséum et en mauvais état. (r) Lesson, cent. zool., pl. 42, p. 113; dasyprocta patagonica, Desm., Mamm.; Encycl., 574, cavia pata- gonica, Pennant, quad. pl. 39 ; Shaw, gen. zool., t. IH, pl. 465; Cuv., Règ. an., t.1, p. 221; note sur un mam- mifére peu connu de l’ordre des rongeurs, Desm., Jour- pal de physique, t. LXXX VIIL, p. 205 (1819). (2) Parag., €. I, p. 51. (Atlas, pl. 49.) 2 Coirt “ ‘ : } ; eAgcult 2 cHalager.s Dasvprocta nalachomiea , 2 DGA VE F [24 J'arc l’ourrat Z Pa l'ublie » DES MAMMIFÈRES. 505 En consultant les auteurs qui ont parlé du mara, on semble reconnoître qu’il est mentionné par John Narborough, Wood et Byron, dans les relations de leurs voyages; mais les notions fournies par ces na- vigateurs sont trop confuses pour éclairer son his- toire. D’Azara seul a publié d’utiles et importants documents dans le tome second ( {rad. franc.) de ses Essais sur l'Histoire naturelle des Quadru- pèdes de la province du Paraguay; tout ce que nous allons dire sera donc extrait de cet auteur. « Le lièvre pampa, dit d’Azara, n'existe point au » Paraguay; mais j'en ai pris beaucoup entre les » trente-quatrième et trente-cinquième degrés de » latitude sud dans les Pampas, au midi de Buénos- » Ayres. On l'appelle lièvre, mais il est plus charnu, » plus grand que celui d'Espagne, et très différent » par le goût de sa chair. » D’après le même au- teur, dont nous allons analyser les observations, le mâle et la femelle vivent réunis, et courent ensem- ble avec beaucoup de rapidité ; mais ils se fatiguent bientôt, et un chasseur à cheval peut alors les pren- dre avec le Jaço ou avec les boules. Cet animal à la voix élevée, incommode et très “iguë : ce eri, qu’on entend dans la nuit, peut se rendre par les syllabes 0, 0, 0, y; et lorsqu'on le prend en vie il le pousse avec force. Les Indiens mangent sa chair, bien qu’ils lui préfèrent celle des tatous. Le mara, pris jeune, s’apprivoise aisément, se laisse toucher avec la main, marge de tout, sort de la maison où il est privé, et y rentre volontiers. D’Azara donne au mara la proportion suivante : Pouc. Lignes, LORBUCUrIOtAIC MER Me ee CS OL) dellalquenc Wire 1 6 — dutarse de derriére, . , . , ZI0D » Elévation du train de devant. . . . . 16 6 — dutrain de derriére. . , . . 19 6 Circonférence vis-à-vis le thorax. , . . 15 6 Sa queue est sans poils, grosse, dure comme un morceau de bois; elle est sans mouvement, arron- die, tronquée et un peu recourbée à son extrémité. Le plus grand ongle des pieds de devant à six li- gnes : il est aigu, noir, fort et très propre à fouir. La plante du pied de devant a un cal pelé, mou et de la grosseur d’une noix, encore plus grand et plus développé aux pieds de derrière. Ses jambes sont menues et nerveuses, sa {ête est assez comprimée sur les côtés; des cils bordent les paupières, et de longues soies composent les moustaches, et quel- ques unes sont implantées au-dessus de l'œil. Une légère rainure isole les narines qui s’ouvrent sur le même plan du museau; l'oreille a trois pouces trois lignes de longueur et deux pouces de largeur ; elle est arrondie à l’extrémité, d’où part un faisceau de poils a longés L'’oreille est repliée à son bord anté- rieur vers le conduit auditif, et de la base jusqu’au milieu sur le rebord postérieur. Le mâle ne diffère point de la femelle; son scrotum n’est point visible au dehors, mais l’enveloppe du pénis est dense et grosse; seulement ce dernier forme une courbe, de manière à se diriger d'avant en arrière dans l’érec- tion. Les femelles paroissent faire deux petits, du moins d’Azara observa deux fœtus dans la matrice de l’une d'elles qu’il ouvrit dans le mois d’avril : deux mamelles inguinales occupent le milieu de l’abdomen, et deux autres sont placées à environ trois pouces plus en avant. On fait des tapis avec leur pelage, estimés par leur douceur et par les nuances de leur coloration. LES PACAS. Terminent l’ordre des rongeurs. Le paca fauve ( cœlogenys fulvus ), et le paca brun (C. subniger ) ont été décrits par Buffon sous le nom commun de paca. Nous ne dirons rien non plus du genre os- teopera de M. Harlan, qui a été fondé sur une tête osseuse de paca ordinaire. Le cœælogenys fuscus de M. Fr. Cuvier ne se distingue du paca brun que par son pelage fauve, marqué sur les flancs de quatre à cinq bandes longitudinales blanches; son crâne offre aussi quelques particularités distinctives. 506 HISTOIRE NATURELLE LIVRE X. LES MAMMIFÈRES ÉDENTÉS, PACHYDERMES ET RUMINANTS. LES ÉDENTÉS. Bruta. L. Forment un ordre de mammifères peu nombreux, et qui nes’est enrichi que d’un genre, il est vrai bien remarquable, depuis l’époque où la mort du Pline de la France arrêta son histoire des animaux. LES PARESSEUX. Bradypus. L. C'est-à-dire l’unau, le kouri et l’aë, décrits par Buffon, forment aujourd’hui deux genres pour M. Fr. Cuvier, les acheus qui ont trois ongles aux doigts de devant et une courte queue, et les bra- dypus(cholæpus, Hlig.), qui n’ont que deux ongles aux pieds de devant et point de queue. Les acheus ont pour type l’aï (bradypus tridactylus, L.), dont il faut distinguer 1° l’Aï À DOS BRULÉ, véritable espèce, quoi qu’en dise M. Témminek, qui suppose que la large tache noire entourée de fauve qu’on voit occuper l'intervalle des épaules puisse disparoitre par l'usure des longs poiis. Cet aï est plus petit, à pelage moins grossier et plus noir; 2° l’AÏ À COLLIER noiR (B. torquatus ; Wlig.) (!), qui diffère par sa taille et même par la conformation de son squelette. Son pelage est mélangé de gris et de rougeûtre. La tête est rousse, variée de blanchâtre. Sur la partie supérieure du cou se trouve -une grosse touffe de longs poils noirs. Il habite le Brésil. Les Botocudos le nomment({hogipa-heiou, tandis que l’aï ordinaire est leur :hocoudii. Près des paresseux viennent se placer des animaux dont les os fossiles sont ie type du genre megathe- rium de M. G. Cuvier, ou megalonyx de Jefferson. Ces races éteintes appartenoient à l'Amérique méri- dionale, et ont reçü les noms de MM. Cuvier et de Jefferson. Pander faisoit de la première son brady- pus giganteus (?). (:) Geoffroy, Ann. du Mus.; Screber, pl. 74, fig. A; Acheus torquatus, Wied., It. p. 419. (Trad. franc.) (2) Guv., Oss. fossiles, t. V, 1e part., p. 174. LES PANGOLINS. Manis. Les pangolins, que tous les auteurs ont réunis, sont voisins des tatous et des fourmiliers, et appar- tiennent à l’ordre des édentés ordinaires du Règne animal de M. Cuvier. Klein les placçoit parmi les tatous, et Brisson proposa pour eux le nom de pho- lidotus, que Knorr adopta. Le mot pangolin est d’origine javanaise, et se trouve employé pour la première fois par Valentyn (Amboyne) pour dési- gner le manis brachyura (Erxleben). Les pangolins sont encore nommés fourmiliers écailleux ; arma- dilles par Séba; quogelo par le voyageur Desmar- chais ; alunçu sur la côte de Coromandel; pangul- ling par les Javanais, et {chin-chian-kiapp par les Chinois. Les caractères du genre pangolin, manis, sont d’avoir le corps, les membres et la queue entière- ment revêtus d’écailles fortes, tranchantes, imbri- quées, et de forme triangulaire. Le corps est allongé, très bas sur jambes ; la tête mince, et le museau très prolongé; les maxillaires sont complétement éden- tés ; les yeux sont petits ; la bouche est transversale au sommet du museau ; la langue est grêle, très exten- sible, très longue, arrondie, et lumbrisciforme ; les pieds ont tous cinq doigts; la queue est longue, et fait suite au corps sans séparation nette; les mamel- les sont situées sur la poitrine, et au nombre de deux. M. Cuvier dit que les pangolins ont l’estomac légèrement divisé dans le milieu ; qu’ilsn’ont point de cæœcum; que les phalanges onguéales sont four- chues , et que les organes génitaux sont séparés de anus. On ne connoîit que trois espèces de ce genre, et leurs mœurs n’ont point encore été complétement étudiées. On sait qu’elles vivent à la manière des fourmiliers, en laissant trainer leur longue langue, et ramassant les fourmis blanches et autres insectes très communs dans les pays qu’elles habitent. Erxle- ben dit que les pangolins recherchent encore les petits lézards. Leur naturel est doux, leur cri très foible, ieur démarche lente, et ils ne sortent guère que la nuit. Lorsqu'ils sont effrayés, ils hérissent DES MAMMIFÈRES. leurs écailles et se roulent en boule de manière à être efficacement protégés par leur armure. Leur chair est très délicate, recherchée par les habitants, qui emploient aussi dans leur médecine populaire la graisse abondante et fluide qu’ils retirent de la queue. Ce genre habite seulement l'Ancien Monde. Il est donc le représentant du genre fourmilier, ex- clusivement propre à l'Amérique , et dont il ne dif- fère que parce que, au lieu de poils, le corps est revêtu d’écailles, quoique l’ensemble de l’organisa- tion, et même des habitudes, soit identique. Les pangolins se retirent dans les trous qu’ils creusent à l’aide de leurs ongles robustes. LE PANGOLIN DE L'INDE. Manis indicus (1). Le pangolin indien a jusqu’à deux pieds trois pou- ces de longueur, et la queue un pied six ou sept pou- ces. Cette partie, chez cet animal, est toujours plus courte que le corps, qui a, en dessus , onze ou treize rangées d’écailles, et qui est nu sur le ventre et en dedans des membres. Sa tête est petite, pointue, à museau allongé; les écailles sont de couleur blonde, obtuses, slabres, striées vers leur base, et garnies cà et là de quelques poils rudes, fauves, sortant de leurs interstices ; toutes les parties inférieures du corps et internes des membres sont nues ou revêtues de poils très rares ; les oreilles sont peu apparentes et à pavillon arrondi; les trois ongles du milieu des membres antérieurs sont plus longs que les deux latéraux, et leur couleur est jaunâtre. Le pangolin indien paroitroit être le badjarkita ou reptile de pierres de quelques relations de voya- geurs. C’est sans doute un individu mutilé de cette espèce qui a porté Pennant à faire d’un pangolin de Tranquebar son broad iailed manis ou pangolin à large queue. Il habite la côte de l’Inde, les îles de Formose et de Ceylan. LE PANGOLIN D'AFRIQUE. Manis africana (?). Le corps du phatagin a un pied deux pouces de longueur, et la queue un pied sept pouces. Son prin- () Manis pentadactyla, Linnæus, t. 1, p. 53 : manis brachyura, Erxleben, 98 : le pangolin à queue courte, Cuvier, t 1, p. 224: manis macroura, Desmarest, sp. 594: pangolin, Buffon, t. X, pl. 34: manis crassicau- data, Geoffroy, Catal.: armadillo, Séba, tab. 53, fig. 5, et tab. 54, fig. 1 : short-tailed manis, Pennant, 329 : tatu mustelinus, Klein, 47 : phattagen, Ælien ? (2) Desmarest, sp. 595 : manis tetradactyla, Lin- 507 cipal caractère, pour le différencier de l'espèce pré- cédente, est donc d’avoir la queue plus longue que le corps, et celui-ci couvert en dessus d&onz ran- gées d’écailles, et garni’ er dessous de poils ce: rt:, roides et bruns. La tête est petite, garnie d’écaiiles peu développées et s'étendant sur ie museau : celles du corps n’ontaucun poil dans leurs interstices ; elles sont brunâtres, carénées sur les deux rangées exter- nes et sur celles des cuisses : l’ongle du pouce du membre antérieur est peu apparent, c’est pourquoi Lionæus ne lui donnoit que quatre doigts en avant. La queue est atténuée et obtuse au sommet. Les ongles sont bruns. Le phatagin habite l’Afrique, et notamment le Sénégal et la Guinée. LE PANGOLIN DE JAVA. Manis javanicus (1). Cette espèce, décrite pour la première fois par M. Desmarest, dans sa Mammalogie, a été apportée de Java par M. Leschenault de La Tour. Elle à un pied quatre pouces de longueur, sans y comprendre la queue , qui à un pied un pouce. Les écailles for- ment sur le dos dix-sept rangées : elles sont brunes, et d’autant plus élargies qu’elles s’éloignent davan- tage de la nuque; celles des cuisses sont carénées : les parties inférieures et internes du corps et des membres sont nues, ou seulement garnies de quel- ques poils rares, durs , et blancs; les interstices des écailles sont revêtus aussi de quelques poils: les doigts des pieds de devant ont des ongles inégaux, celui du milieu est beaucoup plus fort que ceux qui l’avoisinent ; les deux plus externes sont très courts. Ce pangolin habite l'ile de Java. Illiger a rapproché du genre manis un animal indéchiffrable nommé par Bontius testudo squa- mala, et dont il a fait le genre panphractus, qui appartient plutôt aux reptiles qu'aux mammifères, et qui d’ailleurs est très douteux. Il paroïtroit aussi qu’une grande espèce de pangolin existoit autrefois, à en juger par une phalange onguéale bifurquée dé- crite par M. Cuvier dans son grand ouvrage sur les ossements fossiles. uæus, 54 : manis macroura, Erxleben, 101 : pangolin à longue queue, Cuvier, 224: manis longicaudata, Geoffroy Saint-Hilaire : pholidotus longicaudatus , Brisson : le lézard de Clusius, Perrault, t. ALL, p. 89 : scaly-lisard, Grew : lacertus peregrinus squamosus , Clus., 374, tab. : the long-tailed manis, Pennant, 328 : phatagin, Buffon, t. X, pl. 35. (‘) Desmarest, sp. 296. 508 MU ULES TATOUS. Dasypus. L. Ont été divisés en plusieurs petites tribus. Les CACHICAMES (Cuv.) ont pour type le tatu-peba de Marcgrave (dasypus novem cinctus, L.), décrit sous trois noms par Buffon, ceux de fatouète ou tatou à huit bandes, de cachicame ou tatoi à neuf bandes, et de {atou à longue queue; il vit à la Guyane, au Brésil et au Paraguay. On doit en distinguer le TaTOu MULET de d’Azara ( D. septemcinctus, L.)(1), qui n’a que sept bandes, une queue médiocre et une taille moindre que le précédent. LES APARS. Cuvier. Ont dix dents, et les quatre doigts aux pieds de devant des cachicames qui n’ont que sept dents. Ils comprennent l’apar de Buffon ou le mataco de d’A- zara (D. tricinctus, L.). LES ENCOUBERTS. Cuvier. Ont cinq doigts aux pieds de devant : des écailles en quinconce recouvrent leur queue. Les espèces sont : l’encoubert ou cirquinson de Buffon, le tatou poyou de d’Azara (D. sexinclus et octodecimcinc- tus, L.). On doit en distinguer le pichiy de d’A- zara (?), qui ressemble à l’encoubert, mais qui s’en distingue par la dentelure en scie de la partie posté- rieure de son bouclier, avec des poils plus longs et plus fournis sur les parties non écailleuses. Le {atou velu de d’Azara est encore une espèce voisine ({alu- sia villosa) (?), à poils abondants, bruus et très longs, ayant six à sept bandes dentelées au bord terminal. Il recherche les cadavres des chevaux et des autres animaux morts dans les pampas de la Plata. LES KABASSOUS. CUvIER. Ont aussi cinq doigts, mais disposés avec obli- quité. Le pouce et l'index sont très grêles ; ils ont (:) Screber, pl. 72. () Dasypus minutus, Desm. 6) Dasypus villosus, Desm. | HISTOIRE NATURELLE de huit à neuf dents de chaque côté et à chaque mâ: choire. Le type de ce groupe est le tatouay de d’Azara, ou le kabassou propre de Buffon (D. uni- cinctus, L.)(!). LES PRIODONTES. Pridontes. Cuv. Ont cinq doigts inégaux, des ongles très grands, et jusqu’à vingt-deux ou vingt-quatre petites dents de chaque côté, ou quatre-vingt-quatorze ou quatre- vingt-seize en tout. La seule espèce est le deuxième kabassou de Buffon, le grand tatou de d’Azara (da- sypus giganteus, G. Cuv.), qui vit dans les bois, fouille la terre aux alentours de l’Assomption, au Paraguay. Enfin, le genre le plus intéressant qu’on ait dé- couvert dans ces dernières années, est celui des CHLAMYPHORES (chlamyphorus, Harlan) (?). La ca- rapace est composée de bandes nombreuses, trans- versales et mobiles, s'étendant ile la tête à la queue, et non divisée en deux boucliers, pour les épaules, et pour les reins, comme chez les tatous. Ils ont six dents partout, cinq doigts à tous les pieds , et des ongles très grands, crochus, comprimés, taillés en cuvelte en devant. Le corps est comme tronqué car- rément en arrière, et la queue, accolée à cette tron- ‘cature, semble s'attacher sous le corps. Les dents sont au nombre de trente-deux, c’est-à-dire seize mo- laires en haut et seize en bas. La seule espèce de ce genre intéressant est le CHLAMYPHORE TRONQUÉ (ch'amyphorus trunratus, Harlan), le p'chiciago des Indiens du territoire de la ville de Mendoce, dans les Cordillières du Chili, et dans la province de Cayo, lieu où cet animal a été découvert, en dé- cembre 1824, par M. Williams Colesberry. Les squa- melles de la carapace, de consistance coriace, sont rhomboïdales , rangées par lignes transversales, gar- nies en dessous de poils blancs, soyeux. La longueur totale est de cinq pouces six lignes anglois ; sa tête a un pouce six lignes ; l’espace entre les yeux est de huit lignes. La hauteur de la troncature du corps est d'un pouce trois lignes; sa plus grande largeur de vingt lignes. La portion libre de la queue est de qua- torze lignes. Le test est de couleur cornée, et les poils sont satinés. (\ Armadillo africanus, Séba. () Ann. of New-York, tom. 1, 24 janv. 1825; Zool. journ., t. IL, p. 154; Ann Sc. nat.,t. V, p. 5; Ostéol, Bull., t. XVII, p. 267. (Atlas, pl. 50.) c Chloe nhore (Froni Le Chlamv >horus truncatus € Flan ÿ ET LYE , à l'arur, L’ublie ‘par l’ourrat THEN A | t L = se a — TRS ZE EEE SSSR RE a ÉD gr LE CIRE fre tour lephas Africanus _ 772 Ca 7 Fa : -CF s 121 nus , €/7. l l'ublie par lourrat-Fr. à Farér NID DJ 704107 bd 772072 4 Éd à CA Pt RE > A | 2 ‘(oaunjeu sordv (1) * D LS ri TON AA quid L ST EUR PART AT au cere HART Ge “ DES MAMMIFÉRES. CH DRE di D D 5 — LES ORYCTÉROPES. Orycteropus. GEOFF. N'ont que le cochon de terre de Buffon (orycte- ropus capensis, Cuv.); les PANGOLINS (manis, L.) qui ont été l’objet d’un article dans ce volume, page 506, et les deux fourmiliers (myrmecophaga , L.) qui ont été décrits par Buffon. M. biviltata et nigra ne sont guère distincts du {amandua ordi- naire, et le M. annulata ne repose que sur une fi- gure de l’atlas du voyage de Krusenstern. LES PACHYDERMES. Bellueæ. Forment un ordre de mammifères à la tête du- quel viennent se placer les ÉLÉPHANTS (elephas, L.). Bien que Buffon ait connu les deux espèces de ce genre, c’est-à-dire l’éléphant des Indes (elephas in- dicus, Cuv.)('), et celui d'Afrique (el phas africa- nus, Cuv.), nous avons cru devoir donner de ce dernier, dans l’âge parfaitement adulte, un portrait (atlas, pl. 54) fait d’après nature ; car la planche de Buffon ne reproduit qu’un jeune individu , et encore d’une manière imparfaite Nous n’ajouterons rien à ce qui concerne le mastodonte géant (mastodon gigan- teum, Cuv.), dont il est question dans la Théorie de la terre dans divers articles relatifs à des ossements décrits par Daubenton. Quant à l'éléphant fossile (elephas primogenius), M. Cuvier le caractérise ainsi : tête oblongue, avec le front concave, les al- véoles des défenses très grandes, les molaires très larges, marquées sur leur couronne de rubans émail- leux parallèles entre eux et très serrés. La mâchoire inférieure est très obtuse en avant. On se rappelle qu’un individu tiré des glaces, sur les côtes de la Si- bérie, par M. Adams, avoit des poils épais et de deux natures, ce qui porteroit à croire que cette espèce devoit vivre exclusivement dans les régions les plus refroidies (2). () Sir Raffles dit, en parlant des éléphants sauvages de l'île de Sumatra: «Ils sont trés mullipliés dars les » forêts, mais peu de tentatives ont été faites pour les » prendre et les soumettre à la domesticité. A Achem » seulement on les a habitués au service de l'homme, » et le sultan de ce pays m'en a offert un parfaitement » dressé. » (2) Voyez aussi la description du tetracolodon mas- todontoideum, de Godman, Trans, Philadelp., pl. 17, t. LL, p.478 et suiv. 509 a LES COCHONS OÙ SANGLIERS. Sus. L. N'ont point été l’objet de découvertes vraiment neuves depuis la mort de Buffon, à part le cocuon DES Papous (1), que nous avons rencontré à la Nou- velle-Guinée. Nous n’avons que de courtes indica- tions à donner sur quelques espèces connues depuis long-temps. Le baby-russa des Malais (sus baby- russa, L ) a été rapporté vivant par l'expédition de l’Astrolabe, et se trouve figuré dans l'atlas zoologi- que de la relation de cette campagne (pl. 22 et 25, texte, p. 125). Déjà nous-même avions décrit, dans la partie zoologique du voyage de la Coquille, les baby-russas mâle et femelle que nous avions observés vivants chez le résident de Sourabaya à Java (?). Ce cochon si remarquable passe pour avoir été connu dès la plus haute antiquité, car l’aper in Indiä, de Pline , se rapporte certainement à lui. Ælien (3) l’a connu également, bieu que ce ne soit pas, ainsi que le pensent quelques naturalistes, son tetrache- ros, qui n’est pas autre que le phacochære d'Afrique, que Calpuraius avoit également en vue quand il dit. vidi…. et non sine cornubus apros (Egl. 7). RE | LE SANGLIER A BANDES (i). À la taille d’un fort marcassin d'Europe. Sa tête est peu longue ; son museau est obtus, sans aucunes protubérances ni favoris. Ses yeux sont plus grands que ceux du sanglier à verrues. Son front est peu bombé, mais très étroit ; sa crinière est peu fournie. Son pelage est court, presque ras, semé à claire- voie, et d’une nuance brun terne. Une bande blan- che, plus ou moins bien dessinée. s'étend du nez aux joues. IL habite Java. LE SANGLIER A VERRUES ). Se trouve à Java; sa taille est puissante, et sa tête est très allongée, ayant sur les côtés des joues une protubérance calleuse fort saillante. Ses yeux sont petits, éloignés de plus du double du milieu de la longueur qui sépare le mufle des oreilles. Le front est excavé, et d’épais faisceaux de poils recouvrent () Sus papuensis, Less., Zool. de la Coquille, p. 171, pl. 8. (2) Zool. de la Coq.,t I, pl. 1, p. 124. (Atlas, pl. 57.) (@) Hist. an., lib. X VIT, cap. 10. (4) Sus vittatus, Temm., Faune Jap.. dise. 5) Sus verrucosus, Temm., Faune japonaise, dise, 210 les joues. Sa crinière est composée de poils longs et roides, tous trifurqués à leur extrémité. Le pelage est abondant, noirâtre, varié de jaunâtre en dessus, et d’une teinte jaune roussâtre en dessous. Le koiropotame (sus koiropolamus, Desm. ) à soies grossières, diffère du sanglier à masque (sus larvatus, Fr. Cuv.), parce qu’il n’a pas de tuber- cules sur les côtés du museau. Il habite l’ile de Ma- dagascar. LE COCHON DES PAPOUS. Sus papuensis. Less. (1). A l’examen des formes extérieures de ce cochon adulte , on seroit tenté de le rapprocher du cochon de Siam, dont il a le port et un peu la physiono- mie générale. Cependant, lorsqu'on descend dans les détails, il s'en éloigne trop par les caractères qui lui sont propres, pour ne pas constituer une es- pèce, fondée principalement sur la disposition des dents. La tête osseuse de cet animal est beaucoup moins longue que dans le cochon ordinaire, toutes pro- portions égales d’ailleurs. Les côtés du museau sont moins concaves, el sont sans enfoncement sur la mâchoire supérieure : ils sont droits; et le rebord des alvéoles destinés à loger les défenses est légère- ment élevé, mais non déjeté en dehors comme dans l'espèce commune. La formule dentaire est celle-ci : douze incisives, quatre canines, vingt molaires ; au total, trente-six dents (2). La longueur de la erête occipitale à l’os du bou- toir est de neuf pouces et demi; celle du frontal au rebord maxillaire inférieur est de quatre pouces trois lignes. Le maxillaire inférieur a six pouces de longueur et trois pouces d’écartement entre ses branches , dans l'endroit le plus large : il y a, de l’arcade zygomatique aux incisives de la mâchoire supérieure, quatre pouces et demi. Les deux inci- sives de devant de la mächoire supérieure sont rapprochées, épaisses et tronquées au sommet ; les deux extérieures sont plus courtes et dirigées obli- quement en avant. À quelques lignes des quatre incisives est placée, de chaque côté, une dent étroite, logée obliquement d'avant en arrière dans un al- () Zoologie de la Coquille, pl. 8 : béne dans la langue des Papous de Doréry. (2) Les parties osseuses présentent une ouverture en arrière de chaque derniére grosse molaire, des deux côlés et aux deux mâchoires; ce qui semble prouver que les germes d’une sixiéme molaire étoient encore ren- fermés dans ares et ce qui porteroit à quaranle le nombre des dents de cette espèce. TIISTOIRE NATURELLE . véole de l'os incisif, et qu e peut se dispenser de regarder comme une incisive, quoiqu’elle s’éloi- gne de la forme des quatre antérieures, et qu’elle ressemble à la canine : celle-ci, mince, peu appa- rente, se dirige d’arrière en avant, et occupe un es- pace vide de chaque côté de la mâchoire, Les mo- laires antérieures sont transverses, à pointe unique, tandis que les trois dernières présentent à leur cou- ronne quatre pointes mousses, séparées par des sillons profonds. Les dents de la mächoire infé- rieure sont à peu près d’égale longueur dans les quatre incisives projetées en avant. Les deux au- tres incisives externes, plus courtes, ont leur som- met à trois pointes peu apparentes et aplaties laté- ralement. La canine, de chaque côté, est mince, pyramidale , très étroite et peu élevée. Un léger in- tervalle la sépare de la première molaire, isolée elle-même des quatre autres. Les trois premières molaires sont donc aplaties transversalement et à pointe mousse. La quatrième a six pointes paral- lèles, séparées par deux sillons; et la dernière en a quatre régulières, et une cinquième plus petite en arrière, Nous avons observé à bord et à la Nouvelle-Gui- née un assez grand nombre de ces cochons parve- ous à l’âge adulte : tous à peu près nous présentè- rent les caractères que nous allons rapporter. La taille moyenne de cette espèce est élevée de dix-huit à vingt pouces au plus; et ses formes sont, en général, élancées et sveltes. La tête s’allonge en un groin effilé, et la mâchoire inférieure est un peu plus courte que la supérieure. Le chanfrein est droit, et non convexe comme dans quelques espèces. L’œil est petit; les oreilles sont très courtes proportion- nellement à la tête; elles sont droites, roides et minces sur le bord externe. Le corps est arrondi dans ses formes ; les membres sont courts et assez gros. Les pieds sont petits, à sabots peu prononcés et courts. La queue est grêle, terminée par une pe- tite touffe. Les poils de ce cochon sont médiocrement four- nis. Les soies sont assez roides, espacées, plus nom- breuses que gans le cochon de Siam et le babi-russa, mais moins que dans les espèces ordinaires. La peau est brune et rugueuse, nue et rougeâtre derrière les oreilles, sur les joues, et sur plusieurs endroits de l'abdomen. L’extrémité du museau est garnie de poils noirs, longs, plus abondants sur la mâchoire inférieure et autour des yeux. Deux bandes noires s’avancent sur les branches du maxillaire inférieur. Les soies, plus fournies plus denses et plus lon- gues sur le rachis, et particulièrement sur la nu- que, sont très noires. Les poils des oreilles sont ras à l'extérieur, allongés et blancs à l’intérieur : ceux des parties supérieures du corps et des flancs sont couchés, alternativement noirs et rougeâtres, et plus foncés en brun sur les membres, à leur portion ex- terne. Bes poils des joues, de la gorge, des flancs, et de dessous le ventre, sont blancs, mêlés de quel- ques poils noirs, ou blancs à leur naissance et ter- minés par du noir : ceux des côtés du cou sont courts, épais et roides ; et nulle part on n’en remar- que de frisés. Le tour des yeux est brun. On compte huit mamelles abdominales. Les marcassins, dans leur premier âge, ont une livrée comme les petits du sanglier. Leur pelage est communément d’un brun plus ou moins foncé, ayant sur le dos de deux à cinq raies longitudinales d’un fauve assez vif. Ce cochon, nommé béne par les Papous du havre de Doréry, est excessivement commun dans les fo- rêts de la Nouvelle-Guinée, où nous en rencontrà- mes fréquemment. Les Papous en conservent quel- ques uns en une sorte de domesticité, en attrapant les jeunes dans les bois, et lés renfermant dans des parcs au-dessous de leurs cabanes. Mais ils ne cher- chent point à apprivoiser cet animal, qui retient parmi eux Ja plupart de ses mœurs sauvages et fa- rouches. Ceux que nous conservâmes à bord se fai- soient remarquer par leur courage, et se disposoient souvent à résister lorsqu'on les agacoit ; et quoique bien plus petits que le cochon de Siam, ils le bat- toient avec un acharnement peu ordinaire. Au bout d’un certain temps, cependant, ils devinrent assez dociles. Les individus que nous observâämes étoient solitaires ; mais il paroît qu’à certaine époque ils vont par files nombreuses : c’est du moins ce qu’as- sure le navigateur Forrest, qui les représente ainsi dans les planches 2 et 5 de son ouvrage, et qui rap- porte que les Papous les chassent à coups de flèche. « Les cochons sauvages, nommés ben, dit Forrest » ( Voyage à la Nouvelle-Guinée), passent souvent » à la nage, en file, d’une île à une autre; le cochon » de derrière appuyant son groin sur la croupe de » celui qui le précède. » Les proportions des diverses parties de celui que nous représentons sont les suivantes : Pieds. Pouc, Lig. Longueur totale du corps, du bout du MUSÉE AURA ANUS eee iN ele den OL 0) Hauteur du train de devant. . , . . 4 6 6 ———— de celui de derrière, . , , 4 8 » Bongüeurrdelatélefoaus cts 2e 21401: » ———— des oreilles. ,. . . . . , » 0) a delid QUEUES Cd NE OZ ED) de l’avant-bras, depuis lecoud jusqu'au! poignet. . ? ._ » 5 6 du poignet jusqu’au bout des SAHOUS TETE CD SIM D pt» ———— dela jambe, depuis le genou jusqu'antalon a ne D pu5 06 depuis le talon jusqu’au bout ES SADUIS A NS MSN AUDIO TE Circonférence £e la tête, . 4 : . : » #4 » A. DES MAMMIFÈRES. 511 ———— delapoitrine, , . , . . 2 1 » ———— del'abdomen.. . . . . . 9 2 » Longueur des sabots postérieurs. , , » » 9 ———— des sabots antérieurs. , . » 41 3 La chair du cochon des Papous est très délicate. Cet animal se nourrit principalement des fruits abondants qui jonchent le sol des forêts de cette contrée, tels que l’é-vy, la muscade, la moelle des vieux sagoutiers, et les racines nutritives qu’on y rencontre à chaque pas. Cette espèce, par l’ensem- ble de ses formes, le manque de défenses, et sa queue réduite à un état presque rudimentaire, sem- ble former le passage du genre cochon à celui des pécaris ( DicOtifles, Cuv.) qui vivent dans les ré- gions chaudes et tempérées du continent d’Amé- rique. Les grandes îles nombreuses de la terre des Papous, si riches et si peu connues, fourniroient ainsi la nuance qui réunit ces deux genres ; mais nul organe analogue à la glande des pécaris n’existe sur notre espèce, qui n’exhale point d’odeur allia- cée ou fétide, dont la chair est savoureuse, et qui a quatre sabots à chaque pied. Le cochon ordinaire’ a douze mamelles, celui des Papous ne nous en a pré- -senté que huit, nombre qui le rapproche encore, par ce caractère, du pécari, car M. Fr. Cuvier n’a pu en trouver que deux chez l'individu qu’il à fi- guré. Plusieurs de ces animaux, que nous conser- vâmes à bord de notre corvette, se familiarisèrent à la longue, recherchoïent les caresses, et se mon- troient jaloux de celles que l’objet de leur amitié prodiguoit à d’autres ; et c’est principalement sur un jeune chien que se portoit toute leur sollicitude. Ils se couchoient à son approche, se laissoient agacer par lui, et chacun d’eux paroissoit mécontent lors- qu’il l’abandonnoit pour jouer avec quelque autre animal. LES PHACOCHÆRES. Phacochærus, Fr. Cuv. (1). Buffon a parlé de celui du Cap de Bonne-Espé- rance (?), sous le nom d’engallo , et du PHACOCHÆRE AFRICAIN (3), sous le nom de sanglier du cap Vert. M. Ruppell en distingue le PHACOCHÆRE d’ÆLIEN ({) qui vit en Abyssinie, nommé haruja à Massawabh, et halluf dans le Kordofan. Par son nom spécifique on doit croire que M. Ruppell suppose que c’est de cet animal que parle Ælien sous le nom de te- (:) Phaco-chærus, cochon portant une verrue. (2) Sus ethiopicus, Gm. (3) Phacochæres africanus, Fr. Cuv. (4) Phascochæres œliani, Cretzm., in Rupp.; pl 25 et 26, p. 61. 512 tracheros. Les deux incisives supérieures sont per- manentes à toutes les époques de la vie. Son crâne est déprimé, sinué seulement sur la face. La verrue calleuse des joues est placée au-dessus des défen- ses; la coloration générale est brun terreux, tandis que les erins qui hérissent la nuque et la ligne dor- sale forment une épaisse crinière touffue. Sa lon- gueur totale est de quatre pieds quatre pouces six lignes. LES PÉCARIS (). Comptent deux espèces, que Buffon n'a point dis- tinguées , tout en les décrivant sous le même nom, et ne les regardant que comme des variétés l’une de l’autre. L'une est le paATIRA (2), l’autre le tagni- cati taitelou ou tajassou (?), toutes les deux de la Guyane, du Brésil et du Paraguay. LES ANOPLOTHÉRIUMS(). Ne sont connus que par leurs débris fossiles, con- servés dans les carrières à plâtre de Montmartre. On leur a supposé des habitudes aquatiques, et M. Cuvier, le créateur du genre, en a reconnu deux espèces. Les xIPHODONS (5) sont dans le même cas, et l'espèce type devoit avoir les formes légères des gazel es, et par suite des mœurs timides et crain- tives. Les trois DICHOBRUKES (6) remplacoient sans doute les lièvres aux premières époques de la créa- tion, et l’aparis (7) de Montmartre, à taille d’un hérisson, formoit aussi un type éteint depuis des siècles. EEFZFZYZXYFYFYSYFSFVS.S.S.-----—O———.….….……_.….….….………… LES RHINOCÉROS. Rhinoceros. L. Les rhinocéros, pachydermes, appartiennent à la seconde division du Règne animal de M. Cuvier. Les espèces vivantes se trouvent seulement dans les contrées les plus chaudes de l’ancien monde, et les zones tempérées et glaciales n’en présentent que des débris. Ce sont des animaux de grande taille, variant entre eux par le nombre et par la (:) Dicotyles, Cuv. () Le pécari à collier, dicotyles torquatus, Cuv. (3) Dicotyles labiatus, Guy. () G. Cuv., Oss. foss. (5) Xiphodon, ibid. (6) Dichobrune, G. Cuv. (7) Adapis, ibid. HISTOIRE NATURELLE à © forme des dents, et range par une ou deux cornes solides, adhérentes à la peau, et placées sur les os nasaux. Ces cornes sont de nature fibreuse ou cornée, et semblent être une réunion de poils agglutinés. Linnæus placoit les rhinocéros dans sa classe des mammifères qu’il a nommée bruta, et il donnoit au genre les caractères suivants : corne so- lide, le plus souvent conique, implantée sur le nez et n’adhérant point aux os ; il n'en connoissoit que deux espèces. qu’il nommoit rhinoceros unicornis et bicornis. M. Geoffroy Saint-Hilaire, dans son Ca- talogue imprimé, mais non mis en circulation, n’ad- met que ces deux espèces sous les noms de rhinocé- r0s d'Asie et de rhinocéros d'Afrique, en leur don- nant pour caractères génériques d’avoir : deux ou point d’incisives, de cinq à sept molaires; des pieds tridactyles, à sabots très grands; une ou deux cornes solides, persistantes, coniques, placées sur le nez, n’adhérant point à l’os, mais n'étant qu’une conti- nuation de l’épiderme, et formées de poils aggluti- nés ; les jambes courtes, les yeux petits, les oreilles peu développées, la tête assez allongée, la peau tres épaisse, la queue courte; point de vésicule du fiel ? un colon considérable. M. Fr. Cuvier a spécifié quelques caractères tirés des dents, bien qu’on sache que le nombre des in- cisives varie dans chaque espèce. Les modifications que présente le système dentaire du rhinocéros de Java, par exemple, sont donc les suivantes : à la mâchoire supérieure, l’incisive occupe presque tout l’intermaxillaire : c’est une dent large, épaisse et obtuse. Il n’y a point de canine. La première mâ- chelière est très petite; la seconde, beaucoup plus grande, est un peu plus petite que la troisième, qui l’est elle-même plus que la quatrième. Celle-ci et les deux suivantes sont de même grandeur, et la dernière est plus petite qu’elles. Ces mâchelières se ressemblent par la forme, qui estencore la même que celle des tapirs et des damans ; elles se compo- sent de deux collines réunies par une crête à leur côté externe; cette crête se prolonge postérieure- ment, et la colline placée en arrière présente la pointe en forme de crochet qu’on observe sur les molaires des damans; la dernière paroît être moins complète; elle a la forme générale d’un triangle, au lieu d’être à peu près carrée, et semble différer des autres parce qu’elle auroit été privée de leur portion antéro-externe : on y voit encore la colline postérieure avec son crochet, mais l’antérieure ne s'aperçoit plus qu’en partie. À la mâchoire infé- rieure, l’incisive est une dent conique, droite, poin- tue, et de la nature des défenses, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de racines distinctes. La canine n’existe point. Les mâchelières vont en augmentant de grandeur de la première, qui est fort petite, à la dernière, et toutes deux sont composées, comme DES MAMMIFÈRES. celles des damans, de tx croissants dont la con- cavité est en dedans de la mâchoire, et réunis par une de leurs extrémités lorsque la dent est parve- nue à un certain degré d’usure, mais séparés par une échancrure avant cette époque. La première de ces dents n’est que rudimentaire, comparative- ment aux autres. L’incisive supérieure est en rap- port, par son côté externe, avec le côté interne de l’incisive inférieure, et les mâchelières sont alter- nes. Telles sont les particularités que M. Fr. Cuvier a remarquées sur les dents des rhinocéros, dont le nombre est réparti ainsi qu’il suit : quatre incisives, canines nulles, et vingt-huit molaires. Mais il pa- roit que ce naturaliste n’a pas tenu compte des pe- tites incisives externes supérieures et mitoyennes inférieures , que le sujet soumis à son examen avoit perdues par accident. Les caractères physiques du genre rhinoceros con- sistent en des formes lourdes et très massives; la peau est sèche, rugueuse, presque dépourvue de poils, et tellement épaisse qu’elle semble consti- tuer sur le corps une cuirasse; la tête est courte, triangulaire, à chanfrein un peu convexe; les yeux sont latéraux, très petits ; les oreilles ont la forme de cornets ; la lèvre supérieure est plus longue que l’inférieure, et se termine en une légère pointe; une ou deux cornes (d’où est venu le nom du genre des mots grecs nez et corne) occupent la ligne mé- diane du museau, et trois sabots à chaque pied in- diquent lenombre des doigts ; la queue est médiocre et grêle. Les rhinocéros ont deux mamelles inguinales, des intestins très longs, un estomac simple et vaste, un grand cœcum, point de vésicule du fiel; le gland de la verge du mâle fait en forme de fleur de lis. La colonne vertébrale se compose de dix-neuf ver- tébres dorsales, trois lombaires, gæinq sacrées et vingt-deux coceygiennes, Les côtes sont au nombre de neuf paires, dont quatre fausses. Ce sont des animaux de grande taille, à corps ample et épais, dont les sens sont lourds et grossiers, et le carac- tère sauvage. Ils habitent les lieux humides et ombragés, aiment à se vautrer dans la fange, et se nourrissent uniquement d’herbes et de jeunes branches d'arbres. Leur vue paroît mauvaise et ne point s'étendre à une grande distance, mais en re- vanche leur odorat est subtil. La force de ces ani- maux est extraordinaire, et lorsqu'ils sont en fu- reur, ils brisent tout ce qui tend à leur faire obstacle. Les espèces vivantes habitent aujourd’hui les con- trées les plus méridionales du globe, et on ne les trouve qu’en Afrique et en Asie, dans les continents ou dans les grandes îles qui en dépendent. Mais il paroit que le monde aritédiluvien étoit jadis peuplé d'animaux pachydermes non ruminants, dont on ne connoit maintenant que les débris, et que parmi L. °13 eux se trouvoient plusieurs espèces de rhinocéros organisées pour vivre dans les climats les plus froids du globe. Les cornes qui caractérisent les animaux du genre rhinocéros ont cela de particulier, de n’adhé- rer qu'au périoste ou aux téguments qui revêtent les os de la face , et d’être formées de fibres qui ne sont pas toujours très unies entre elles et qui sou- vent s’épluchent au sommet, comme les soies d’une brosse, dit Daubenton. Les Indiens attribuent à ces cornes des propriétés alexitères, et les recher- chent comme la substance la plus utile pour s’op- poser aux empoisonnements; vertus chimériques qui n’ont d'autre fondement que le caprice et la superstition. l Les rhinocéros sont estimés des habitants des pays où ils vivent par leur chair, qu’on dit être dé- licate, et par leur peau, qui fournit un cuir telle- ment dur, que le meilleur acier ne peut le couper qu’à la suite d’efforts prolongés. Au Cap on s’en sert pour faire des soupentes de voitures. Ils sont très difficiles à tuer, et leur chasse demande beaucoup de précautions. Long temps on a confondu sous le nom de rhino- céros deux espèces distinctes, qui vivent, l’une en Asie, l’autre en Afrique, et qui sont d’autant plus aisées à distinguer, que la première n’a qu’une corne nasale, et que l’autre en a deux. Buffon donnoit en- core, pour synonyme de son espèce, l'indication qu’on la trouvoit à Sumatra et à Java ; mais des re- cherches récentes ont tout-à-fait prouvé que ces deux îles avoient en propres des rhinocéros qu’on n’a observés jusqu’à ce jour dans aucun autre pays. Enfin des descriptions imparfaites semblent faire présumer qu’on doit encore distinguer quelques autres espèces vivant dans l'Afrique, mais dont on ne pourra apprécier les vrais caractères que lorsque quelque voyageur intrépide les aura fait parvenir dans les collections européennes, ou en aura donné une description très détaillée. A ——@ ro >, [SA CA Rlinocéros vivants. Deux cornes nasales. LE RHINOCÉROS D'AFRIQUE. Rhinoceros africanus. G Cuv. (1). Le rhinocéros d'Afrique n’a que peu de plis à la peau, les mâchoires n’ont point d’incisives non plus; cet animal auroit de onze à douze pieds, et suivant () Rhinoceros bicornis, Camper; Desmarest, 628 : le rhinocéros d'Afrique, Buffon, pl. 6 (Supplément) En :_ cyclopédie, pl, 41, fig. 2. 65 bi4 Sparmann, ilales yeux petits etenfoncés ; les cornes coniques , inclinées en arrière, la première longue de deux pieds; sa peau est presque complétement nue; quelques soies noires bordent les oreilles et terminent la queue; il vit dans les bois près des grandes rivières; il broute les branches des arbris- seaux, et notamment une espèce d’acacia dont il est friand. Les auteurs conservent des doutes sur plu- sieurs espèces africaines, décrites par les voyageurs : c’est ainsi que le rhinocéros de Bruce différeroïit de l'espèce décrite plus haut, par des replis à la peau et par l'extrême compression de sa corne extérieure; enfin, il sembleroit confiné dans l’intérieur de l’'A- byssinie ; la seconde est le rhinocéros de Gordon, qui a neuf pieds environ, deux cornes, vingt-quatre molaires en tout, deux incisives à chaque mâchoire, et qui pourroit bien être le rhinocéros de Burchell (rhinoceros simus), dont on trouve une figure pu- bliée pl. 42, fig. 5, du Supplément à l’Encyclo- pédie. Ce rhinocéros, encore mal connu, paroït ce- pendant assez authentique ; Burchell dit que sa taille est du double de celle du rhinocéros du Cap; que comme lui il a deux cornes, une peau sans poils et sans plis; mais qu’il en‘ diffère par ses lèvres et son nez, qui sont très élargis et comme tronqués. Ce rhi- nocéros habite les vastes plaines arides de l’intérieur du Cap; il aime à se vautrer dans la boue, et ne mange que l'herbe tendre. Il paroit que les anciens ont connu ce rhinocéros bicorne, et que c'est'le taureau d’Ethiopie de Pau- sanias ; on frappa, sous Domitien, des médailles ro- maines où l’on trouve son efligie. Quelques auteurs anciens ont aussi distingué cette espèce de celle d’A- sie; mais Buffon a béaucoup embrouillé son histoire, et n’en a point eu d'idée distincte. D’après M. Gor- don, les Hottentots lui donnent le nom de nabal. LE RHINOCÉROS DE SUMATRA. Rhinoceros sumatranus (1). Ce rhinocéros, qui vit dans la grande ile de Su- matra, est l’animal que Marsden mentionne sous le nom de buddah, nom qui dérive sans aucun ‘doute du mot abada, qui dans la plupart des langues in- diennes est donné au rhinocéros asiatique. Sir Raf- Îles, dans le Catalogue de la collection qu'il a faite (:) Sir Raffles et Horsfield ; Bell, Trans. philos., 1793; Horsfield, Zoo!. Research.; Pennant, Quadrumanes, &. 1, p. 152; Fr. Cuviér, Mammif. lithograph. (févriér 4825), 47e livrais.: rhinoceros sumatrencis, G. Cuvier, Ossem. foss., t. I, pl. 94; Shaw, Gen. Zool., t. I, p. 2: two-horned rhinoceros of Sumatra, rhinoceros suma- : tranus , sir Raffles, Trans. Soc. linn. Lond., t. XHE, p- 268 ; Desmarest, 629. HISTOIRE NATURELLE à Sumatra, décrit cette espèce assez longuement sous le nom malais de batals D dit que les naturels nomment ternu un animal qui vit dans l’intérieur de l'ile, et sur lequel on n’a point de détail, bien qu’il ressemble parfaitement par les formes au rhi- nocéros de Sumatra, excepté qu'il n’a qu’une corne comme le rhinocéros indien, tandis que celui de Su- matra en à deux. Ce nom de {ennu est appliqué par quelques peuples malais au tapir ; mais à Sumatra le tapir est nommé gindol ou babi alu; et tout porte à croire que les habitants ont une autre espèce de rhinocéros qui diffère par la taille et par les cornes fibreuses de celle aujourd’hui connue des matu- ralistes. Le rhinocéros de Sumatra a la peau qui le revêt beaucoup plus lisse, et moins profondément garnie de rides que les espèces précédentes. Sa couleur est d’un brun foncé. Une grande quantité de poils ca- che l’épiderme ; la queue est aplatie, et garnie de crins en dessus et en dessous seulement : les deux mâchoires présentent quatre incisives mais celles d’eñn haut ne se font remarquer que pendant le jeune âge, parce que les deux externes tombent à une cer- taine époque de la vie : les mâcheliéres ne différent en rien de celles des autres espèces. La taille d’un bel individu envoyé au Muséum par Duvaucel et Diard est d'environ cinq pieds et demi de longueur totale, sur environ quatre pieds de hauteur ; la queue a un pied huit pouces, longueur que présente aussi la tête ; des deux cornes qui surmontent le nez, la première est médiocrement longue, et la deuxième n’est que rudimentaire. Les femelles ont des cornes encore moins prononcées , et les plis de la peau sont presque entièrement effacés. LE RHINOCÉROS SANS CORNES OÙ GAINDAR ('). Rhinoceros inermis. Le gaïndar des Hindous du Bengale habite les Sundries, ou îles à demi submergées, couvertes de profondes forêts que baignent à la fois les eaux du Gange et la mer du golfe du Bengale. Ces îles mal- saines , où règnent des fièvres intermittentes graves, ne sont visitées que par les pirates malais, et sont peuplées de tigres, de gigantesques pythons, et d’une foule d'animaux nuisibles. M. Lamare-Picquot ra- conte avec détails les précautions qu’il dut prendre pour exécuter, dans l'intérêt de l’histoire naturelle, des chasses dans cette partie peu connue des Indes Orientales. Le gaïndar complétement adulte se dis- . (9 Lamare-Picquot, Réponse pour servir de réfuta- tion, etc., etc. Paris, 1835, brochure in:8c, DES MAMMIFÈRES. tingue des espèces de rhinocéros déjà connues par le manque total de corne ou même de plaque cornée sur le chanfrein. L’individu tué dans la chasse diri- gée par M. Picquot étoit femelle, et avoit onze pieds sept pouces de longueur sur cinq pieds trois pouces de hauteur, mesurée du garrot à la partie inférieure du sabot. Son euir présentoit une épaisseur de sept à huit lignes, et la dureté des écailles tuberculeuses de l’épiderme étoit extrême. Ces écailles ont une forme aplatie, et de huit à quinze lignes de diamètre, suivant les parties du corps. La région dorsale of- froit quelques poils courts, roides ; le tissu cellu- Jaire graisseux n’est pas abondant , et les mamelles, remplies d’un lait fort sucré et agréable au goût, ont deux mamelons allongés, en partie cachés par un profond sillon de la mamelle. La queue n’avoit qu’un pied environ de longueur, en affectant une forme aplatie, élargie au sommet, rétrécie à son attache, et garnie sur ses bords de poils noirs, épais et courts. L’œil, relativement aux autres organes, est très pe- tit: sa pupille est noire et parfaitement arrondie. La conque auriculaire est large, et à demi dressée. La lèvre supérieure, plus longue que l’inférieure, recouvre cette dernière. Les lèvres, bien que dures, jouissent d’une grande mobilité, d’une rare puis- sance de préhension, et de beaucoup d'adresse pour saisir les matières végétales qui doivent servir à l'alimentation. Le gandar ou gaïndar est farouche comme ses congénères, doué d’une force prodigieuse qui le rend redoutable. El vit dans la solitude, et ne recherche point la compagnie de ses semblables. C’est dans les parties les plus inaccessibles des forêts qu’il se retire, là où il trouve les feuilles et les jeu- nes pousses d'arbres qui entrent dans son régime. Comme les buffles, dit M. Lamare-Picquot, il aime se vautrer dans la fange des lieux inondés, et à l’é- poque du rut il va d’une île à une autre en traver- sant à la nage les bouches du Gange ou les bras de mer qui les séparent. Les Indiens assurent qu’il est toujours vainqueur dans les combats qu’il livre au tigre royal, au buffle et à l’éléphant, Sa chasse est d'autant plus dangereuse, qu’on ne peut avoir des chances de le tuer roide que lorsqu'on l'approche assez près, et en se servant de balles de fer ; et quand il n’est que blessé, il se précipite sur les chasseurs, brise tous les obstacles qui le séparent d’eux , et ma- feste sa puissance par des ravages et des beuglements effroyables. M. Lamare-Picquot estime à 5,400 li- vres environ le poids de l'individu dont il est ici question. Les Musulmans regardent comme un régal sa chair, qui ne déplaît pas non plus aux Européens. « Quant au foie, dit M. Picquot, il est d’une finesse de goût qui surpasse de beaucoup celle du meilleur foie de veau. » Les Brahmes font des amulettes, qu'ils vendent aux fidèles, avec la corne des ongles et certains os de ce grand quadrupède, et c’est avec {5 ces talismans que les Hindous croient éviter la lèpre; les tigres et le venin des serpents. Ce rhinocéros femelle avoit un petit, aussi de même sexe, que M. Lamare-Picquot parvint à faire tuer, et dont la dépouille, conjointement avec celle de sa mère , est en ce moment à Paris. Ce jeune ani- mal n’étoit âgé que de quatre mois environ, et pou- voit peser 500 livres. Du reste, il n’offroit aucune dissemblance. x VE ctennsnmemen] Une seule corne nasale. LE RHINOCÉROS DES INDES. Rhinoceros indicus (1). JL n’a qu’une seule corne sur le nez; la peau est marquée de sillons profonds en arrière des épaules et des cuisses ; chaque mâchoire a deux fortes inci- sives ; la tête est raccourcie et triangulaire ; les poils, qui sont en petit nombre, sont roides, grossiers et lisses, et couvrent la queue et les oreilles; les yeux sont fort petits, et la peau est très épaisse et à peu près nue et de couleur gris foncé violâtre ; sa taille est de neuf ou dix pieds de longueur ; ses formes sont massives, son caractère sauvage; sa yue est foible, mais son ouie est très fine ; la femelle ne fait qu’un petit et porte neuf mois : on est parvenu quelquefois à le conserver en domesticité, Le rhinocéros des Indes, quoique d’un naturel grossier et sauvage, peut s’apprivoiser et devenir familier ; et ceux qu’on a vus en Europe, bien qu’en petit nombre, étaient généralement doux lorsqu'on les avoit pris jeunes, mais d’une sauvagerie intrai- table et sans espérance d’adoucissement lorsqu'ils y ont été amenés dans un âge un peu ayancé. En cap- tivité cet animal mange avec plaisir du sucre, du riz, du pain; tandis qu’à l’état de liberté il ne reche- che guère que les herbes, les racines qu'il déterre, dit-on, avec sa trompe, et les pousses des jeunes arbrisseaux. Dans l'érection, le membre génital du rhinoctros se dirige en arrière, et n’a guère que huit pouces de longueur ; de manière que la copulation ne peut véritablement s’accomplir que la croupe de la fe- melle approchée de celle du mâle. Ce rhinocéros ne se trouve que dans les contrées intérieures de l’Inde, au-delà du Gange. La femelle ne produit qu’un petit à la fois, après une gestation de reuf mois, et ce n’est qu'à mesure qu’il vieillit que les cornes se développent. () Cuvier, Ménaq. du Mus., gravure de Miger (excel- lente figure): rhinoceros unicornis, Linnæus: rhino- ceros unicornu, Bodd. : rhinocéros, Buffoh, pl. T7; Desmarest, sp. 626. 516 LE RHINOCÉROS DE JAVA. Rhinoceros javanicus. G. Cuv. (1). M. Fr. Cuvier est le premier qui ait publié une figure du rhinocéros de Java, d’après un dessin d’Al- fred Duvaucel. La description qu'il en donne étant la plus authentique, nous nous bornerons à la rap- peler. « L'espèce de Java, dit ce naturaliste, paroît être une des moins grandes : sa longueur, de la base des oreilles jusqu’à l’origine de la queue, est de six pieds ; celle de sa tête, du bout du museau à la base des oreilles, de deux pieds, et sa hauteur moyenne dépasse quatre pieds ; sa queue a plus d’un pied ; elle p’a qu'une seule corne qui paroît située plus près des yeux que l’antérieure des rhinocéros bicornes, mais non pas entre les yeux, comme la postérieure de ces derniers. Dans l'individu qui est au Muséum cet organe est tout-à-fait usé, arrondi par le frotte- ment, et saillant à peine de douze à quinze lignes ; les incisives supérieures sont au nombre de quatre chez les jeunes, deux dans chaque intermaxillaire très rapprochées l’une de l’autre; alors elles sont pe- tites et presque cylindriques ; bientôt elles tombent, et ne sont remplacées chez les adultes que par deux dents, longues d’arrière en avant, minces de dehors en dedans , sortant à peine des gencives, dont le tranchant est mousse et arrondi, et qui sont oppo- sées à la partie antérieure des longues incisives in- férieures ; la peau est plissée sous le cou, au-dessus des jambes, en arrière des épaules et à la cuisse; le pli des épaules embrasse tout le corps, et les plis des jambes sont de toute la largeur de celles-ci ; les autres finissent insensiblement avant d’arriver à la limite du corps vers laquelle ils se dirigent ; mais son caractère le plus remarquable se trouve être les tu- hercules, pour la plupart pentagones, dont elle est en grande partie revêtue; on la diroit couverte de sortes d’écailles, bien que ces tubercules ne soient que des éminences épidermoïques qui laissent leur empreinte sur la couche générale de l’épiderme té- gumentaire. Les seuls poils qu’on apercoive sur le corps prennent naissance dans une dépression qui occupe le centre de ces mêmes tubercules ; et ces poils, de couleur noire, sont beaucoup plus fournis en deux endroits seulement, sur le bord des oreilles et dessus et dessous la queue qui est comprimée. » () Rhinoceros sondaïcus, Cuvier, Horsfield : rhino- céros unicorne de Java, Camper; Desmarest, sp. 627. HISTOIRE NATURELLE ER RAS RRRR ER NNET NRRRNRENN PAR $ IL. Rhinocéros fossiles. LE RHINOCÉROS A NARINES CLOISONNÉES. Rhinoceros tichorhinus. G. Cuv. (1). La taille de cet animal perdu étoit plus considé- rable que celle du rhinocéros d'Afrique : sa tête, très allongée, a dû supporter deux cornes très longues, à en juger par les disques, remplis d’inégalités, qui existent sur le crâne; les os du nez, rabattus en avant, forment une large voûte soutenue par une cloison verticaie moyenne qu’on n’observe point chez les espèces vivantes; un pelage abondant semble in:. diquer que ce rhinocéros vivoit dans les contrées les plus froides. On en a trouvé en 1774 dans les glaces de la Sibérie un cadavre presque entier, avec sa peau, ses poils et sa chair ; les ossements de cette espèce gisent en plusieurs lieux d'Europe, et notamment en France. LE RHINOCÉROS A NARINES SIMPLES. Rhinoceros leptorhinus. G. Cuv. (?). Cette espèce a deux cornes comme la précédente, et en diffère parce que ses narines ne sont pas cloi- sonnées et que ses proportions sont plus grêles ; les os du nez sont beaucoup plus minces: son port étoit élancé , ses formes moins massives, et elle devoit rappeler le rhinocéros d'Afrique. Cet animal éteint habitoit l’Europe tempérée, car on ne trouve ses ossements que dans l’Italie. LE RHINOCÉROS PETIT. Rhinoceros minutus. G. Cuv. (). Cette espèce étoit très petite : ce qui la distingue est d’avoir des incisives de même forme que celles du rhinocéros de Java : sa taille ne dépassoit pas celle du cochon, et ses ossements ont été trouvés à soixante pieds sous terre, enfouis avec des débris de crocodiles et de tortues, à Saint-Laurent près Moissac. (‘) Rhinoceros Pallasii, Desmarest, 630. (2) Rhinoceros Cuvierii, Desmarest, 631. (3) Rhinoceros minimus, Desmarest, 632. { SDYTULAVE SOIDIOULUN } VAL? 9p SOJDJO UN] 9] LEZ U// Les TE) 4 # y NE LEA 2 | Ÿ ù fe, à AS" ANS [l L af A LE Te me v< ue “Arr L , 21 ts AMOAL 227 PACE LT EN .t * nm LL ZA CASLR2 Dé Le Tapie Maiba ({ Tapirus Indicus } DES MAMMIFÈRES. LE RHINOCÉROS A INCISIVES. Rhinoceros incisivus. G. Cuv. Cette espèce, dont Camper a recueilli des dents . incisives en Allemagne , ne ressemble point au rhi- nocéros à narines cloisonnées de Pallas, ni au rhi- nocéros leptorhin de M. Cuvier, qui n’ont lPun et l’autre point d’os intermaxillaires susceptibles de lo- ger de telles incisives. LES DAMANS (). Ne sont pas même aujourd'hui bien distingués les uns des autres. Ce que Buffon a écrit à leur sujet est vague, car il mentionne sous les noms de marmotte du Cap, et daman, V'hyrax capensis (Cuv.), tandis que son daman-israel, dont le nom est emprunté à Prosper Alpin, est certainement l’askoko de Bruce, l’'uabr de Forkael, et l’hyrax syriacus de Screber, d’Hemprich et d'Ehremberg, qui le distinguent du premier. Ce daman de Syrie ou du mont Sinaï, ou l'agneau d’Israël des Arabes, est encore l’el vabr des Hébreux, le saphan des livres saints, bien que Bochart ait supposé que ce saphan devoit être le gerboa. Au reste, voici les caractères comparatifs des quatre espèces admises par MM. Hemprich, et Ehremberg (?). 4° Le pamaAnN pu Cap (hyrax capensis) (3) : poils mous, cendrés , avec une raie dorsale plus foncée ; la tache médiane noire intense ; le dessous du corps blanchâtre. La tête plus épaisse, à mâchoires hautes; on compte quarante huit à cinquante vertèbres, vingt et une à vingt-deux côtes, etc., etc. 2° Le DAMAN DESYRIE (hyrax syriacus, sinaiti- us) : poils rigides, brun jaunâtre en dessus, sans ligne dorsale, la tache médiane jaune livide. Le des- sous du corps blanchâtre; la tête grêle, à mâchoires étroites : quarante-six à quarante-sept vertèbres, vingt à vingt et une côtes, etc., etc. 5° Le DAMAN pu DONGOLA A TÊTE ROUSSE (H. ru- ficeps, Dongolanus)() à poils rigides, brun jaunâtre, sans ligne dorsale; le sommet de la tête des indivi- dus adultes d’un roux intense. La tache dorsale jaune ; le dessous du corps blanchâtre ; la tête est grêle, les mâchoires sont étroites, etc. Ce daman fut découvert par Hemprich aux sour- LI () Hyrax, Hermann. e) Hyraz syriacus, Hemp. et Ehrenb,, pl. 2, fig. 2, 3) Symbolæ, Decas I. ) ( () Hemp. et Ehr., pl. 2, fig. 1. Le 517 ces de Simrie, entre le Dongola et le Sennaar. C’est le kleidoms des Berbères et le Xceka des Arabes. 4° Le DAMAN D’ABYSSINIE (H. habessinicus) (1), à poils rigides, gris brun sur le corps, mélangés de noir avec une tache noire sur le dos. Le dessous du corps est blanchâtre ; la tête est mince, fortement - comprimée, et les mâchoires sont étroites. C’est le véritable aschkoko et le gihe des naturels suivant Bruce et Salt. C’est proche Arkiko et Eilet, dans les montagnes de l’Abyssinie que cette espèce a été rencontrée par MM. Hemprich et Ehremberg. Elle se tient dans les rochers. M. Andreew Smith (2) distingue du daman du Cap le boom-das ou blaireau des arbres des colons hol- landois, qu’il nomme DAMAN DES ARBRES (hyrax ar- boreus) G), et qui est d’une taille plus forte ; car il a vingt et un pouces de longueur sur sept de hau- teur. Son pelage est brun rougeâtre entremêlé de noir, et le dessous du corps est blane. Il a une tache blanche sur la partie moyenne du dos. Du reste, mêmes allures, mêmes formes, même aspect. LES TAPIRS. Tapirus (). Dont on ne connoissoit que le MAÏ-POURI (°), que l’on regardoit comme un type franchement améri- cain, se sont accrus dans ces derniers temps de deux espèces remarquables, l’une des contrées tropicales de l’Asie, dans les grandesiles de la Malais'e, l'autre de la chaîne des Andes de la Colombie. Le rarir de V'INDE (6) ou le maïBa (7), a été décrit par sir Rafiles ainsi qu’il suit : « La première fois que j'eus connoissance de l’existence de cet animal , fut en 4805. Un individu vivant fut envoyé à sir Georges Leith, lorsqu'il étoit lieutenant gouverneur de l'ile de Penang. Il fut ensuite observé par le major Farquhar dans les environs de Malaca. Un dessin et une description (r) Ibid. (2) Trans. of the Linn. Soc. of London, vol. XV, 2e part., p. 460 (1827); Zool. journ., t. HE, p. 580; Bull, t. XVII, p. 449. () Ibid. (4) Linn. et auct, (5, Tapirus americanus, Gm.; lanta ou tapir, Buf- fon ; tapurète, Marcgrave. (6) Farquhar, Mém. soc, asiat., janv. 1816, t. XIV, Mém. XE, avec figure ; Horsfield, Zool. research. in Java, avec fig. T'apirus malayanus, sir Raffles; Trans. Soc. linn., t. XII (dans le mémoire de sir Farquhar sont jointes des notes de MM. Seton et Diard sur le même anfmal ): Zool.journ., t. 1, p.543 et 582. (2) Fr. Cuv,, Mammif., Desm., 617. (Atlas, pl. 56.) 520 : du ling-yang (sorte d’antilope) qui puisse les enta- mer. Le même lexicographe, toujours enclin à ras- sembler des contes populaires, et les rédacteurs du Khang-hi Tseu-tian, qui l’ont suivi en cette occa- sion, ajoutent d’autres particularités fabuleuses, et un trait d'histoire qui n'offre pas plus de vraisem- blance. » Le Pen-thsao-kang-mou, ou Traité général d’'His- toire naturelle, va plus droit au but : Le me, dit- il, est semblable à un ours; il a la tête petite, et les jambes basses ; le poil, court et luisant , est tacheté de noir et de blanc (il y en a qui disent qu’il est d’un blanc jaunâtre, d’autres d’un blanc grisâtre) ; il a une trompe d'éléphant, des yeux de rhinocéros, la queue d’un bœuf, et les pieds d’un tigre; il est très robuste, et peut ronger le fer, le cuivre, les bambous, et dévorer les plus gros serpents ; ses ar- ticulations sont fortes , droites ; ses os épais, et pres- que sans moelle; ses excréments peuvent servir à _aiguiser les armes et à tailler le jaspe; son urine dissout le fer ; ses os et ses dents sont si durs, qu’ils résistent à l’action du fer et du feu; et il est arrivé: que des charlatans, qui s’en étoient procuré, les ont fait passer pour des reliques précieuses, comme les dents ou les os de Bouddha. » La peau du me sert à faire des matelas pour se coucher, et des couvertures ; elle garantit de lhu- midité, du mauvais air et des malélices ; la repré- sentation même de l’animal produit cet effet ; aussi, sous la dynastie de Thang, on avoit coutume de peindre sur les paravents des figures de me pour se préserver du mauvais air. » Suivant les géographies du Midi, le me est de la grandeur d’un âne, semblable à un ours, etc. » À travers les extravagances dont ces descriptions sont remplies, il est impossible de méconnoitre les traits caractéristiques du tapir : sa taille, la forme de ses membres, sa croupe plus longue que celle du tapir d'Amérique, et comparable à celle de l’élé- phant ; la solidité de ses os, naturelle dans un gros pachyderme ,‘y sont indiquées de-manière à ne s’y pouvoir tromper. La figure confirme aussi une par- ticularité remarquable, en ajoutant à tous ces signes un indice de plus, celui de la livrée que l’animal porte quand il est jeune, suivant l’observation de M. Farqubhar. L’indication de sa patrie, et les usages économiques auxquels onemploie sa peau, sont aussi deux circonstances assez remarquables, parce qu’el- les prouvent que le tapir habite dans les provinces occidentales de la Chine, et qu’il doit y être assez commun. » Les livres chinois soné remplis d'observations d'histoire naturelle très curieuses, et généralement assez exactes; il suflit de savoir les distinguer des fables qui y sont mêlées, et c'est ce qui n’est pas toujours fort difficile. La vue des figures que con- HISTOIRE NATURELLE . tiennent leurs traités de zoologie et de botanique permet souvent de distinguer des espèces nouvelles ou peu connues , et les descriptions qui y sont join- tes aident presque toujours à lever l'incertitude que peuvent laisser les figures. C’estune mine abondante que l’on ne doit pas négliger d’exploiter, et dont rien ne pourra remplacer les produits, tant que les Européens seront exclus de la Chine, c’est-à-dire pendant long-temps encore, si le gouvernement de ce pays entend ses véritables intérêts, et qu’il ne mette pas en oubli le soin de sa tranquillité. » Enfin M. G. Cuvier a décrit, dans son ouvrage sur les ossements fossiles , les débris trouvés dans les terrains meubles de plusieurs endroits de la France , d’un tapir nommé tapirus giganteus, car il avoit la taille des plus grands éléphants. LES CHEVAUX. Equus. L. Sont peu nombreux en espèces. Le cheval ordi- naire et ses variétés (!), l'âne (?), le dziggtai (3), le zèbre (4), et la couagya (), ont été décrits par Buf- fon. Quelques détails ont été donnés par M. Richard- son sur la variété du cheval qui vit dans le nord de l'Amérique (6), et M. Gray a proposé une division zoologique qui ne mérite point que nous nous en oc- cupions ei(7). Nous n'avons done à citer que Ja nouvelle espèce confondue avec les zèbres, nom- mées ONAGGA où DAUW ($), qui vit au cap de Boune- Espérance, dans les plaines de l’intérieur. Ce d.uw est blanc; la nuque et le dos sont rayés de bandes alternatives noires et fauves, dont les plus larges sont noires ; une bande brune bordée de blanc s'étend longitudinalement sur le dos. Le ventre, la queue et les fesses sont d’un blanc uni. La crinière est rayée de bandes noirâtres et blanches. Les sabots ontleurs bords plus tranchanis et plus creux que ceux du zèbre. M. Graya pu observer l’equus bisulcus de Molina, qui lui paroît être un véritable ruminant voisin des chevrotains. Il a la taille du cerf, et deux grands larmiers à la base des yeux, qui ne laissent aucun doute sur la place qu’il doit occuper. Les Chiliens (1) Equus caballus, L. (2) Equus asinus, L. () Equus hem'onus, Pallas. (4 Equus zebra, L. (5) Equus quagga, L. (6) Fauna, p. 231. (7) Zool. journ.,t.!, p. 264 et suiv. (8) Equus mentanus, Burchell. Voy. asinus Bur- chelli, Gray ; equus zebroides, Less.; Fr. Cuv., Mammif. (AUas , pl. 58.) & . ET AT PIAD JD *J JD 4107 JAN] snnb”] 7 A / AD 727. 2470 L PAU DT ACER SON EAN M de y EN ASE SMOGES PPT NT RS 7 » Vhs we LA 2 on (4 fe AL «ai RMC e FA, » AOC D | HN AGE SE DES MAMMIFÈRES. appellent ces trous ou larmiers respidatores.M.Gray suppose que cet animal est destiné à former un nou- veau genre. Il vit dans les Cordillières. ( Echo du monde savant, 49 juin 4855.) Sir Raffles dit que les chevaux de Sumatra sont petits, forts et hardis. Ceux du nord de l’île, prin- cipalement ceux d’Achem, sont les plus estimés. Les chevaux de Batta sont plus grands, très forts, mais ils ne sont pas beaux ; ils appartiennent d’ail- leurs à une race distincte de celle de Java et de Bima, bien qu'ayant la même taille, environ quatre pieds. L'HÉMIONE OU LE DZIGGTAL. L'animal ainsi nommé a été décrit par Buffon, et surtout par Pallas : depuis ces travaux , un mé- moire fort intéressant a été publié sur cet animal dans les Nouvelles Annales du Muséum, t. IV, p. 97 et suiv., et une gravure très bien exécutée accompagne ce travail sorti de la plume de M. Hsi- dore Geoffroy Saint-Hilaire. Nous lui emprunterons donc tous les faits qui peuvent intéresser nes lec- teurs, en leur rappelant que la description donnée par le professeur futur du Muséum, a été faite sur un individu femelle âgé de trois ans, et rapporté de l'Inde par le voyageur Dussumier. Des six espèces connues de chevaux, trois à pelage zébré sont propres à l’extrémité méridionale de l'Afrique : ce sont le zèbre , le dauw et le couagga ; et les trois autres sont nées sur les hauts plateaux de l'Asie: ce sont le cheval, l’âne et l’hémione. Ces trois derniers ont leur pelage uniformément coloré ou seulement marqué par une ligne dorsale. Depuis long-temps soumis à la domesticité, l'âne et le che- val sont très répandus en Europe, et ce dernier a produit des races aussi nombreuses que variées. Dans l’Inde, l’hémione lui-même a été plié au ser- vice de l’homme, et dans quelques can'ons de l’In- dostan on l’élève en domesticité poer les travaux agricoles ; mais il ne paroil pas avoir été jamaissorti de ces contrées, excepté comme animal rare et cu- rieux. Les trois espèces plus ou moins zébrées d’A- frique sont assez communément regardées comme incapables de se soumettre au frein. On n'en con- noit qu’un petit nombre d'individus, noùrris chez de riches particuliers, qui aient pu s’assouplir au joug des chariots, bien que cependant, au temps des Romains, on en ait vu assez fréquemment tirer des chars daus les arènes. Quoi qu'il en soit, l’hémione est une des espèces de solipèdes des pius intéressantes à naturaliser parmi nos races domestiques ; son histoire est toute moderne, bien qu’il ait été mentionné dans de vieux écrits, et qu’il aitété confondu le plus ordinairement I, 52 { avec l’onagre ou âne sauvage, nommé dshilketaei par les Mongols ; ce nom a été adopté par Pallas, et a été travesti par les François en dziggelai, bien que divers auteurs l’aient écrit en dshikketéi, dzig- tai, czighiai, cziggitai, et même crigithaï (1)! bien que Pallas lui-même adopta comme épithète spécifique le nom d’hemionus ou hemionos, c’est- à-dire demi-âne, désignation par laquelle les Grecs caractérisoient ce quadrupède, l’equus hemionus des naturalistes modernes. Le mulet sauvage d’A- ristote (2?) ou l’emionos, est certainement l’animal qui nous occupe, et c’est encore évidemment le mulet rouge, emionos pyros d’Ælien ($), que Pline se borne à indiquer vaguement (4). Pennant publia en 1795, dans son Histoire des Quadrupèdes (5), un extrait du mémoire de Pallas, et en 4825 M. Fr. Cuvier en donna une figure accompagnée de ren- seignements fournis par M. Alfred Duveucel. En 4851, un Anglois, M. Kerporter, donna également un portrait du wild ass, ou âne sauvage, ou gour des Persans, dans larelation de ses voyages (6), mais un portrait fait de mémoire et peu correct. La femelle décrite par M. Isidore Geoffroy Saint-, Hilaire étoit âgée de trois ans; elle provenoit du pays de Cutch au nord de Guzarate, et c’est par le Malabar que M. Dussumier avoit pu se la procurer. « Ses formes générales sont celles d’un âne de moyenne taille, que supporteroient des jambes éle- vées et très fines, ce qui indique des qualités pro- pres à la course. Lorsqu'on l’aperçoit de loin, dit l’auteur cité, on croit voir une antilope, sauf ses longues jambes, les nœuds des articulations exceptés qui sont grêles etsveltes. Il en estsurtout ainsi de ses canons vus par devantet par derrière, trèscemprimés, ils présentent en effet, lorsqu'on les regarde de profil, une surface assez étendue. Les jarrets sont ce qu’on appelle vulgairement secs et maigres. Aux membres postérieurs les tendons d'Achille, aux antérieurs aussi bien qu’aux postérieurs, les tendons des flé- chisseurs font assez fortement saillie. Les sabots sont petits, très bien faits, un peu comprimés. Leur coupe représente, non un demi-cercle, mais une demi-ellipse. Le tronc offre, dans ses parties anté- rieures, plus de rapports avec celui du eleval, dans les postérieures , beaucoup plus avec celui de l'âne. La croupe est un peu maigre et comprimée, et repro- duit presque exactement celle du mulet. Le train postérieur est sensiblement plus élevé que l’anté- rieur, mais celui-ci semble racheter cette différence (5) Tome LE, p. 4. (6) Travels in Georgia, Persia, Armœnia, ancient Babylonia, etc., tome 1, p. 460. 66 522 par un développement des muscles de l’épaule, bien supérieur à celui des museles de la région fessière. Le ventre de l'individu, conservé vivant à la ména- gerie du Muséum , est arrondi, très renflé, surtout dans sa partie inférieure. » La tête est de toutes les parties celle qui semble le mieux justifier le nom de l’espèce. Elle est, par ses dimensions proportionnellement exagérées, comparable à celle de l’âne ; mais ses formes, quant à la région cranienne particulièrement, reproduisent parfaitement celles du cheval. On peut en dire autant des oreilles, qui sont faites à peu près comme chez ce dernier, et qui sont arrondies d’une manière très sensible aux extrémités, bien que très longues. Ce seroit toutefois en exagérer beaucoup la longueur que de l’assimiler à celie des oreilles de l’âne domesti- que, ou même de l’onagre : il y a à cet égard une différence très grande et que l’on peut exprimer en disant que l’oreille, renversée directement en bas, atteindroit par sa pointe le bord inférieur de l’orbite chez l’hémione, etle dépasseroit chez l’âne d’un cin- quième , et peut-être même d’un quart de sa lon- ‘gueur. Enfin, un dernier trait caractéristique que fournissent les formes de l’hémione , est la dispo- sition des narines , qui sont très amples sans doute, mais qui dessinent un demi-cercle presque complet ou un croissant dont la convexilé est tournée en dehors. » Les couleurs de l’hémione varient selon les sai- sons, car son poil est gris pâle et plus long l’hiver que l'été, et même il est frisoté dans quelques pro- vinces froides. Dans l’été, son pelage se compose de poils courts, un peu roides, mais lisses et luisants, imitant parfaitement ceux de certaines antilopes afri- caines , telles que l’addax ou le dama. Les nuances qu’il affecte sont : pour la région inférieure de la tête, du cou et du corps, et pour la face externe des membres, le blanc; pour les parties supérieures et pour le dehors des membres, l’isabelle. Sous certai- nes inflexions de lumière, cette dernière couleur semble un peu lavée de cendré ; sous d’autres as- pects, elle montre une légère nuance rougeûtre, assez remarquable pour avoir légitimé le nom d’éne rouge indiqué dans Ælien. « Les deux couleurs dominantes de l’hémione sont donc le blanc et l’isabelle , se fondant l’une dans l’autre sur le ventre, vers sa portion inférieare, et sur le cou presqu’à égale distance de sa partie su- périeure ou de l’inférieure. Sur la tête, au contraire, le blanc n’occupe guère que le museau et la gorge, le couétant presque exelusivementisabelle.Les oreil- les sont de trois couleurs, la face concave, et la por- tion latérale et inférieure de la face convexe étant blanches , l'extrême pointe noire,-et le reste isa- belle. Sur les membres, contradictoirement à ce qui a lieu sur le corps, c’est le blanc qui domine. HISTOIRE NATURELLE L’épaule, blanche antérieurement ainsi que le haut de la jambe , est isabelle dans le reste de son éten- due. Mais la jambe, depuis son tiers supérieur jus- qu’au canon , a sa moitié antérieure et externe isa- belle, mais avec cette particularité que le fond d’une teinte isabelline très pâle est marqué de petites rayures transversales ou zébrures d’une couleur iden- tique mais plus foncée. Le système de coloration du membre postérieur est le même, avec cette diffé- rence que le blanc prédomine encore davantage que l’isabelle. La couleur blanche s’étend même supé- rieurement très loin, formant enavant de l'insertion du membre postérieur une sorte d’angle rentrant, et en arrière régnant sur toute la partie postérieure de la croupe. » Tout ce système de coloration est rehaussé, sur le corps, par une bande dorsale longitudinale, non pas noire comme on l’a dit, mais d’un brun légère- ment roussâtre. Cette bande dorsale, non senlement ne se confond pas par ses bords avec la couleur isa- belline des parties supérieures, mais elle est bordée sur presque toute sa longueur, principalement en arrière, de blanchâtre. Elle commence un peu en avant du garrot, s’élargit ensuite, au point d’avoir jusqu’à trois pouces sur le milieu du dos, et plus de quatre sur la partie antérieure de la croupe, puis se rétrécit ensuite, et se prolonge en devant, toujours de plus en plus étroite, jusque vers le milieu de la queue où elle finit en pointe. En devant, la bande dorsale est remplacée par la crinière. Celle-ci com- mence un peu en avant des oreilles par des poils roux, peu allongés et irrégulièrement disposés. A partir des oreilles, et jusqu’à l’origine de la bande dorsale , cette crinière est formée par des crins dres- sés, presque tous noirâtres, tandis que quelques autres , déjetés sur les côtés, sont blanchâtres. Ces crins ont, sur presque toute la longueur du cou, près de deux pouces de hauteur. Ils diminuent aussi bien à la naissance qu’à la terminaison de la cri- nière, de manière que proche la bande dorsale ils n’ont plus qu’un pouce. Après lapparition de cette bande, on remarque encore sur un espace de trois ou quatre pouces quelques poils bruns implantés sur son milieu , et y représentant encore la crinière ; plus loin il n’en existe plus aucune trace. La disposition de cette crinière rappelle très bien celle de l’âne; mais la bande dorsale de l’hémione diffère beaucoup de celle de l’âne par la grande largeur qu’elle pré- sente à la partie moyenne du tronc et vers le com- mencement de la croupe. En outre, l'individu vivant au Muséum n'offre aucune trace de la bande transversale qui, perpendiculaire à la première, forme la croix que chacun connaît sur le corps de l’âne, et qui paroît exister sur le dos des hémiones mâles. » La queue de l’hémione se raproche de celle du cheval. Nue dans une grande portion de sa lon- DES MAMMIFÉRES. gueur, et sur la partie qui regarde le corps, cette queue est revêtue sur la face opposée de crins blan- châtres très courts, et assez semblables aux poils du corps, excepté à son extrémité où ces crins for- ment. une touffe noirâtre et médiocrement fournie. .» Les yeux de l’hémione sont bruns rougeûtres. Les lèvres sont d’un noir bleuâtre. Les sabots sont grisâtres. Les membres postérieurs n’ont point les plaques cornées connues sous le nom de châtaignes, tandis qu’à ceux de devant il existe de ces plaques, fort grandes, allongées et irrégulièrement ovalaires, colorées en noirâtre. » Les proportions de l’individu décrit par M. Isidore Geoffroy, sont les suivantes : Pieds, Pouc. Lig. Longueur de la tête, prise latéralement en digne-droile. 74. . + « # 2% 6 dela tête, prise en devant en suivantla convexité du chan- réel IOUIRUEe. 2. suce - AD J du cou, ou distance de l'occi- pat'augarrot. Li CURAS: sage du tronc, ou distance du gar- rot à l’origine de la queue. 2 10 à. de la queue, y compris les KORES DOS be ler le nD ———— deloreille. . . . +. . . + » 8 9 AOLG QU D ATEDe + re À ee A one 0 D Distance de la ligne dorsale au haut de lajamheñt 22:65. 4@hr05 esbetls column Largeur du couenavant. . . . .. . » 8 6 du cou en arrière. ,...44,-..+ 2410,.43 Les mœurs et iles habitudes de l’hémione tien- nent de sa conformation et des analogies qu'il pré- sente avec les autres espèces du genre equus. Son extrême agilité, jointe à sa pétulance et à sa viva- cité, forme le fond de son caractère. Il trotte, et galope surtout avec une vigueur comparable à celle des meilleurs chevaux de course. Si on l’approche quand il galope, il s’arrête pour lancer des ruades qu’il multiplie, en s’élevant sur place, à une grande hauteur. Parfois il cherche à mordre lorsqu'il est excité. M. Isidore a remarqué que, si l’hémione femelle retenue captive dans la ménagerie du Muséum accueillait ainsi les étrangers, elle agissait parfois de même à l’égard du palefrenier chargé d'en prendresoin , bien qu’elle le reconnût à la voix, et qu’elle accouresouvent à son appel lui lécher les mains avec toute la familiarité du cheval le mieux dressé. De même que l’âne, cet animal aime se rou- ler, soit dans Ja litière de son écurie, soit dans la poussière de son parc. Les manifestations du rut sont analogues à celles des ânesses. Savoix est assez analogue au braire de l’âne, mais elle en dif- fère en ce qu’elle se compose d’une suite de sons moins graves, moins retentissants , et plutôt bizar- res que désagréables. 523 M. Dussumier a fourni sur l’hémione, dont on lui est redevable, les détails suivants : « Les hémiones ou dziggetais, que les Anglois » appellent encore mulets sauvages ou zèbres, » vivent en grandes troupes dans le pays de Cutch, » au nord de Guzarate. On les prend très d'fficile- » ment, à cause de la rapidité de leur course. Les » Anglois s'amusent quelquefois à les poursuivre » avec d’excellents chevaux arabes, et ne peuvent » les joindre. Aussi ne se les procure-t-on adultes » qu’en les surprenant dans des piéges. » On en a vu à Bombay recherchés comme des » montures fort agréables. On en a employé même » quelquefois comme attelages trainant de légères » voitures. Généralement leur vivacité est extrême, » ce qui rend leur domestication difficile. » Voici un exemple de leur instinct. Un Euro- » péen, habitant le pays de Cutch, avoit un hé- » mione qui le suivoit dans ses promenades à cheval. » Ayant un jour pris un étang pour but de la pro- » menade, le maître de l’hémione s’embarqua dans » un bateau : l’animal resta d’abord paisible sur le » rivage; mais, impatienté de voir que le bateau tar- » doit à revenir, il se mit à la nage, rejoignit le » bateau , et le suivit jusqu’à la fin de la promenade, » Notre hémione n’a jamais été dressé, soit qu’on » nait pas assez insisté, soit à cause de son naturel » propre. Au moment de l’embarquement il fallut » deux hommes pour le tenir ; mais, peu de jours » après son arrivée à bord, il devint très familier. IL » connoissoit très bien l’heure des repas. Il frappoit » avec son pied deux ou trois petits coups dans sa » loge de transport; après quoi, si l’on ne venoit » pas, il donnoit de violents coups de pied. » LES RUMINANTS. Pecora, L,. Cetie grande famille s’est enrichie de nombreuses espèces, surtout dans les genres cerf, antilope et mouton, mais d'aucun genre à caractères du pre- mier ordre, ou de quelque valeur. Nous ne signale- rons donc que les faits les plus remarquables des écrits qui les concernent. Vicq-d’Azyr proposa le nom de ruminants pour un ordre de mammifères éminemment naturel, que Linné nommoit pecora, et qu’Illiger appeloit bi- sulca. Les ruminants ont été presque constamment classés par les naturalistes méthodiques dans les mêmes rapports : leurs caractères généraux consis- tent, pour le système dentaire, en 6 ou 8 incisives seulement en bas, remplacées en haut par un bour- relet calleux (le chameau et le paca exceptés). L'espace qui sépare les incisives des molaires est 524 vide le plus ordinairement, et rempli dans quel- ques genres par des canines. Les molaires, commu- nément au nombre de douze à chaque maxillaire, ont la surface de leur couronne marquée de deux dou- bles croissants. Les pieds reposent sur deux doigts garnis chacun d’un sabot convexe en dehors et rap- prochés en dedans, en se touchant par une surface plane Les doigts latéraux sont réduits à des vestiges ongulés qui surmontent les sabots, et qu’on nomme onglons. Le métatarse et le tarse sont soudés en un seul os, qu’on nomme le canon. Le nom de rumi- nant a été donné aux animaux de cet ordre, parce que tous, par une disposition de leur organisme, peuvent mâcher et triturer leurs aliments après les avoir d’abord ingérés, et cette fonction , qui leur est spéciale, se nomme rumination. Cela tient à l’exis- tence de quatre poches stomacales, qu’on appelle panse, bonnet, feuillet et caillette, et que suit un tube intestinal formé d’un grand cœcum et d’une longue suite d’intestins grêles. Les formes corporelles des ruminants sont généra- lement lourdes dans certains genres , et sveltes pour le plus grand nombre. Leur tête est nue, garnie de cornes ou de bois. Leur pelage se compose de poils généralement ras, parfois soyeux ou laineux. La graisse qui remplit les mailles du tissu cellulaire prend, dans plusieurs genres, le nom de suif. Les ægagropiles ou amas en boules de poils et de duvet de chardon dans l'estomac, ne se trouvent que dans les ruminants. La nourriture de ces mammifères ne consiste qu’en herbes et en feuilles, en bourgeons et en lichens. Ils sont polygames et multiplient beau- coup, et vivent communément par grandes troupes. Les ruminants sont de tous les animaux ceux qui fournissent le plus de secours à l’homme. Leur chair, leur lait, le nourrissent ; leur suif, leurs peaux, leurs cornes, leur laine, sont l’objet des arts qui satisfont à ses premiers besoins. Ils vivent dans toutes les contrées, sous tous les climats, dans toutes les posi- tions ; on trouve des ruminants dans les plaines comme sur les montagnes, au milieu des herbages plantureux comme dans le vague des déserts, près des glaces du pôle comme sous les feux de l’équa- teur. Partout quelques unes de leurs espèces se sont pliées à la domesticité. LES LAMAS. Ÿ Auchenia, ILLic.; Lama, Cuv. Ont été mieux étudiés depuis quelques années, bien qu’on manque de bons renseignements sur les distinctions réelles à établir entre le guanaco ou la- ma (1) à l’état sauvage, dont l’alpaca (C. arucanus, () Observations on the structure of the Peruvyian la- ma ; by Robert Knox, Edimb,, 1831, HISTOIRE NATURELLE Molina), à longs poils laineux , ne seroit qu’une va- riété, au dire de plusieurs naturalistes (Atlas, pl. 39). Cet alpaca a sa laine fréquemment barriolée de mar- ron et de blanc, comme certains moutons de nos contrées, et nous en avons vu des individus entière- ment blancs. Une jeune vigogne (‘) que nous avogs été à même de voir vivante chez M. Delessert, et qui avoit été apportée du Pérou par le capitaine Hoff, nous a permis de tracer une description plus complète que celles qu’on possède. Cette vigogne mourut peu de temps après son arrivée (1829 ), et sa dépouille a été préparée pour les galeries du Muséum. La vigogne que possédoit M. Delessert étoit une femelle âgée de dix-huit mois. Délicate, très agile et bien proportionnée dans toutes ses parties, ses jambes surtout étoient fines et déliées. Elle avoit environ quatre pieds de hauteur totale. Ses oreilles éloient longues, droites et couvertes de poils ras; ses yeux gros, saillants et bruns ; la lèvre supérieure profondément fendue. Les deux doigts, enchâssés en deux ongles petits, triquêtres, carénés en des- sus, se trouvoient séparés l’un de l’autre par un sillon profond qui entamoit même le devant du tarse. Les deux sabots qui en résultoient étoient étendus, con- vexes, et formés par un épaississement de l’épider- me ; le dos étoit légèrement renflé. Elle avoit des châtaignes ou plaques cornées aux jambes, quatre mamelles inguinales, la queue épaisse, longue de huit pouces, pendante. Son pelage étoit médiocre- ment long, très fourni sur le dos, et composé de poils déliés, plus longs que la bourre fine, ténue et soyeuse qui étoit en dessous. Les poils des parties in- férieures et internes étoient courts, blancs, tandis que le dessus du corps paroissoit d’un fauve vif uni- forme, et ceux de la tête brunâtres. Les poils des jambes étoient ras et blancs; les sabots noirs. Cette femelle étoit très apprivoisée, et d’une ex- cessive douceur. Tous les auteurs s'accordent à re- garder les vigognes comme d’un naturel farouche, timide et incapable d’attachement. Il n’en est pas de même de celle-ci. Elle reconnoissoit parfaitement les personnes qui en avoient eu soin. Elle venoit, lorsqu'on l’appeloit, manger du su- cre, et surtout du papier. Cette habitude de manger du papier est propre à tous les ruminants qui sont transportés à bord des vaisseaux. Nous avons vu des moutons ne vivre en quelque sorte que de feuilles de vieilles gazettes, lorsque leur séjour prolongé en mer les avoit dégoûtés de toute autre nourriture plus substantielle. Cette matière leur rappelle-t-elle la saveur des feuilles des arbres, ou bien le bruit que les dents font en la déchirant fait-il illusion à leur {) Camelus vicunna, L.; Lesson, Bull. Férussac, t, XI, p. 119; Zool. journ., t. 1, p. 242. % À | face {d'apres Grihl AU Lama alpaca PAR l'uble par Pourrat EF à far, [4 ï ll . ( { LA « (axe Aya : F # à f i + 4 nl : 14 ‘ Le u + Lt / # À = | n at so 4 . 4 l DA [ | 4 3 + K } #’ À +4 h É He 2 ro lit Var , 2 lutile / Puble par Pourrat F. a Par ES 774 PTE DES MAMMIFÉRES. appétit ? Pendant son séjour à bord, la vigogne mon- troit la plus grande antipathie pour les chèvres, et lorsqu'elle étoit inquiétée , sa manière de se défendre consistoit à leur lancer sa salive, en leur crachant à la face. Cette femelle de vigogne commença à être en cha- leur le 42 août, ce qui annonceroit que dans leur hémisphère le rut a lieu pendant l’hiver. Mais une particularité singulière que cet animal nous offrit, étoit d’aller flairer, avec une sorte de vif plaisir, en plaçant son museau entre leurs jambes, les per- sonnes qui alloient le visiter, comme pour ne rien perdre de cette odeur que le bon Henri IV aimoit tant, et qu'on peut appeler effluve sexuel. L’odeur que cet animal exhale tient un peu de celle du bouc; elle est aussi désagréable, mais beaucoup moins ex- pansible. LES CHEVROTAINS. Moschus. L. Porte-musc (1), meminno (?), de Java () et pyg- mé (), se trouvent décrits dans l'Histoire des mam- mifères de Buffon ; nous n’aurons à faire connoitre que les trois espèces suivantes , toutes trois des îles Malaises et de Sumatra, où les habitants, au dire de sir Rafles, les distinguent par les noms de napu, de kanchall et de pélandok. 4° Le NaPu () est décrit par sir Raffles en ces termes : « C’est le plus grand des trois chevrotains. Il a environ vingt pouces de long et treize de haut. Il est beaucoup plus haut en arrière que sur les épaules. Sa couleur est ferrugi- neuse, mélangée sur le dos. grise variée de blanc sur les côtés et blanche en dessus et en dedans des cuisses. La queue à deux ou trois pouces de long ; elle est touffue et blanche en dessous et à l'extré- mité. Une raie blanche s’étend depuis la base de la mâchoire inférieure jusqu'aux deux côtés de l’angle postérieur. L'espace qui se trouve entre est aussi blanc, et donne naissance à trois raies blanches di- vergentes , qui vont des épaules au milieu de la poi- trine. Le sommet de la tête est très plat et de la cou- leur ferruginéuse du dos , mais cette couleur devient plus sombre derrière le cou. Une raie noire part de chaque œil et aboutit au nez. Une raie grise s’étend vers le milieu du ventre. Il a de petits éperons cornés. !) Moschus moschiferus , L. 2) Moschus meminna, Erxl. 3) Moschus javanicus, L. AN Pygmœus, L.; Shaw, misc., t. 1(1790), pl. 3. 6) Moschus napu, Fr. Cuv.; moschus javanicus, Raf- Îles, Cat. trans. Soc. linn, de di XI, p. 261, ( At- las, pl. 62, fig. 2.) ( ( ( 525 » Cette espèce fréquente les halliers près du rivage de la mer, et se nourrit des graines d’un ardisia. Si on la prend jeune on l’apprivoise facilement, et elle devient alors très familière. » 2 Le KANCHILL (1) est plus petit que le napur, il n’a que quinze pouces environ de longueur sur neuf ou dix de haut. Il lui ressemble beaucoup par sa forme, mais il est plus svelte et plus vif. Sa couleur est très différente, elle est d’un brun foncé rougeà- tre, qui s'approche du noir sur le dos et devient bai brillant snr les côtés. Le ventre et le dedans des jambes sont blancs. Il à trois raies blanches sur Ja poitrine, de même que le napu, mais disposées au- trement. La raie.de chaque côté de la mâchoire in- férieure est prolongée jusqu’à l’épaule, et devient plus étroite à mesure qu’elle s'éloigne. La raie du milieu est pius large en bas, et se rétrécit en pointe au-dessus : elle ne s’unit point aux raies latérales. Dans le napu, au contraire, les trois raies blanches partent d’un même point entre les maxillaires, et semblent être le commencement d’une autre paire ; puis toutes trois deviennent plus larges en arrière, La tête du kanchill n’est pas aussi plate et le museau est plus courbé en dessus. Les raies noires, des yeux au nez, manquent; mais une raie noire bien pronon- cée s'étend sur le derrière du cou, ce qui n'existe pas dans le napu. Une raie brune part d’entre les jambes de devant jusqu’au milieu du ventre. Cette espèce se distingue encore par ses dents canines su- périeures, qui sont longues et se recourbent en ar- rière, tandis que dans le napu elles sont courtes et droites. La queue est longue d’un pouce et demi à deux pouces, touffue, blanche en dessus et à l’ex- trémité, et, comme le premier, cet animal a des épe- rons cornés, « Ces différences sont constantes à tous les âges, et ils ne sont pas moins opposés par leurs habitudes et leurs manières. Ce ruminant se trouve dans la pro- fondeur des forêts, et se nourrit principalement du fruit du kayo briang (gmelina villosa, Roxb.). Il vivra privé de sa liberté, mais il ne deviendra ja- mais apprivoisé comme le napu. S'il parvient à s'é- chapper, il se sauvera dans les bois. La finesse et la vivacité de cet animal sont passées en proverbe chez les Malais, et lorsqu'ils veulent parler d’un grand coquin , ils disent : éfre rusé comme un kanchill. Les naturels racontent beaucoup de tours de cet animal. S'il est pris dans le piége qu’on lui a tendu, il res- tera sans mouvements, et simulera la mort lorsque le chasseur arrivera, et si celui-ci, trompé par cette manœuvre, le détache, le kanchall saisira cet instant pour se relever et disparoître. On cite un expédient plus singulier : lorsqu'il est poursuivi de près par des Pi : () Moschus kanchil, Raffles, Catal. t. XII, p. 262 ; , Trans. Soc. linn., Fr. Cuv., 02e Jiv.( AUS, pl. 63, fig. 2.) 526 chiens, il fera un bond élevé, se pendra aux bran- ches d’un arbre au moyen de ses défenses crochues, et restera suspendu jusqu’à ce que les chiens l’aient dépassé. Le pélandok et le napu sont privés de cette vivacité et de cette activité. C’est à cette différence de caractère que l’on attribue la hardiesse du kan- chill à fréquenter les forêts sans crainte des tigres et des bêtes féroces ; tandis que les deux autres espèces, plus timides, cherchent leur sûreté dans les bois plus rapprochés des habitations humaines, où ils sont moins exposés à rencontrer de tels ennemis. » 5° Le PÉLANDOK (!) est le moins élevé des trois, mais, à proportion, son corps est plus gros et plus lourd, son œil est aussi plus grand. On lui rapporte un individu du musée Leverian, blanchätre, avec trois stries blanches sur la gorge. Le CHEVROTAIN DE GRIFFITH (?), ferrugineux blanchâtre, avec trois lignes pectorales, les cuisses rousses, pourroit bien encore appartenir à celte espèce. 4° Le MUSC À VENTRE FAUVE (3) paroît avoir été dé- crit par Buffon comme le jeune âge du chevrotain. M. Gray le distingue spécifiquement du musc indien. Son pelage est brun varié de noirâtre, marqué sur la nuque d’une large raie noire. Le rebord du menton ettrois raies sur la poitrine sont blanches. Il se trouve dans les îles Malaises, et peut-être aussi dans la pres- qu’ile de Malacca. 5° Le musc DE STANLEY (#) que M. Gray admet comme espèce, est brun roussâtre, mais le sommet de chaque poil est noir. Le cou et le thorax sont d’un brun lustré. Le rebord du menton, les trois raies pectorales, le dedans des cuisses et le dessous de la queue sont blancs. Les rebords des oreilles et un trait sur chaque œil sont noirs. On ignore sa patrie. LES CERES. Cervus, L. Ont été l’objet de découvertes aussi neuves qu’in- téressantes : on les divise en plusieurs tribus (5. (:) Moschus pelandoc, Griff., anim. Kingd., V,769, 5. (>) Moschus Griffitchii, pigmy musk of Sumatra, an. Kiogd.IV, p.62 et fig. (3) Moschus fulviventer, Gray, Proc. VI, 65. (4) Moschus stanleyanus, Gray, Proceed., VI, 65. (5) M. Bravard a divisé les cerfs fossiles dont il a dé- crit les ossements trouvés dans le Puy-de-Dôme (in-#o) en deux sous-genres, ainsi qu’il suit : xer sous-genre. CATOGLOCHIS. Catoglochis, Bravard. (Du grec yhuyte, pointe, et xar&, en bas.) Maître andouiller des bois prenant naissance au-dessus des tubercules de la meule. #% 4. Cervus issiodorensis, Bravard, n. sp. : 2, Cervus perrieri, Bravard, n. sp. HISTOIRE NATURELLE - LES ÉLANS. Alces. Ont leurs bois palmés, largement digités sur le bord externe. Buffon a décrit l’ÉLAN ou l’ORIGNAL (cervus alces, L.) (1), qui vit en petites troupes dans les forêts marécageuses du nord desdeux continents. C’est le moose deer des Anglo - Américains, le moosoa des Indiens Algonquins et Creeks, le de- nyai des Chipewais, le sondareinta des Hurons. Le nom d’oriGnaL qu’il porte dans le Canada dérive de celui d’orIGNAC, que lui donnèrent les premiers navigateurs basques qui s’établirent dans le nord de l'Amérique. Demont, dans son Histoire de la Nou velle-France , appelle l’éian ellan, stagg où aptap- tou. Sagart-Théodat le nomme eslan ou orignat. On en distingue une espèce dite ÉLAN COURONNÉ (?), dont on ne possède que les bois. Ces parties . d’une origine inconnue, sont noirâtres, formées d’une seule empaumure disposée en lames minces, très unies, et un peu concaves, ayant cinq ou six den- telures profondes à leur face externe. L’ÉLAN 1s- LANDAIS (C. euryceros, His. ) est loin d’être bien caractérisé. LES RENNES. Rangifer. N'ont pas de mufle. Leurs bois sont sessiles, à andouiller aplati, et persistent dans les deux sexes. La seule espèce vivante est le RENNE ou le CarI- BOU (ÿ) qu'a décrit Buffon, animal répandu tout autour du pôle nord, aussi bien en Laponie qu’au Kamschatka, à Terre-Neuve et dans le Canada. M. Richardson en reconnoît deux variétés ({). Ca- ribou, nom qu’adoptèrent les Francois établis dans 3. Cervus etuerarium, Bravard, n. sp. 4. Cervus pardinensis, Bravard, n. sp. 5. Cervus arvernensis, Bravard, n. sp. Cervus elaphus, L. sp. 946. Cervus dama, L. sp. 943. Cervus hippelaphus, Guv., esp. foss. Ile sous-genre. ANOGLOCHIS, anoylochis, Bravard. (Du grec yloyte, pointe, et &yw, en haut.) Premier an- douiller du bois éloigné de la couronne. Cervus ardei, Bravard, n. sp. Cervus ramosus, Brayard, n. sp. (:) Richards., Faune am., p. 232. (2) Cervus coronarius. Geoff., Desm. 673. G) Cervus tarandus, L. () Cervus tarandus arctica-sylvestris, Rich.,p. 204, 250. DES MAMMIFÈRES. le Canada, est corrompu de celui de carré-bœuf, que lui donnèrent quelques Provençaux. C’est le touctou des Esquimaux, le tucta des Groënlandois, l’elthin des Indiens du Nord, et l’attecs des Creeks. On en distingue le RENNE DE GUETTARD (!) dont les dé- bris fossiles ont été trouvés proche la ville d’ Etampes, dans une vallée sablonneuse. Bien que de même forme, que le bois des rennes, l'armure de celui de Guettard est à proportion plus mince et plus grêle. L'animal ne devoit pas être plus grand que le che- vreuil ordinaire. M. Hamilton Smith en distingue le RENNE DE L'OUEST (C.occidentalis) ou mule deer des Américains. LES DAIMS. Dana. Ont des bois grêles, dont la partie supérieure est seule palmée dans le sens vertical ; ils n’ont pas de canines. Le DAIM ORDINAIRE (?) décrit par Buffon, est le type et la seule espèce vivante de cette tribu. C’est un animal répandu dans toute l'Europe, prin- cipalement dans les contrées septentrionales, et qu’on retrouve depuis la Norwége jusqu’en Perse eten Chine (3). On en distingue plusieurs espèces fossiles, qui sont : 10 le CERF ISLANDAIS (#) qui a de très grands bois, découvert en Islande; 2° CELUI D’ABBEVILLE (5) voisin du précédent, et découvert dans les sables de la vallée de la Somme, proche Abbeville ; 5° enfin, le DAIM FOSSILE de SCaNIE (6) à bois plus rameux et plus grands que ceux du daim , palmés à leur sommet, et qu’on a trouvé en Suède. LES VRAIS CERFS. Elaphus. Ont des bois étroits, ayant trois branches di- rigées en avant : bois rameux à leur sommet, et supportés à leur base par un andouiller mé- dian. Leur mufle est bien dessiné, et les mâles ont des dents canines. Le CERF ORDINAIRE (7), () Cervus Guettardi, Desm. (2) Cervus dama, L.; Cervus platyceros, Rai. (3) Une variété albine estle dama leucæthiops; et une variété brune à fesses noires est le dama maura, ou cervus mauricus de Fr. Cuvier. Cette derniére se ren- contre en Danemarck et en Norwège; elle est peut-être distincte de la race type. &) Cervus hibernus, Cuv.; Cervus giganteus, Goldf. (5) Cervus somonensis, G. Cu. (6) Cervus paleodama, G. Cuy, (7) Cervus elaphus, L,. 527 type de cette tribu, répandu dans les régions tem- pérées d'Europe et d’Asie, a été décrit par Buffon. On en reconnoît deux variétés. Le CERF DES AR- DEXNXES (1), l’hippelaphus de Jonston et de Gessner, plus grand, et à poils du cou plus prononcés; et le CERF de Corse (?) de Buffon, beaucoup plus petit que le vulgaire et à pelage brun. Les espèces étrangères sont : 40 Je Wapiri (3) des Américains de l’Union, une de ces belles espèces que Buffon n’a point connues; nommé e{Æ par Lewis et Clarck, red-deer, ou daim rouge par divers voyageurs, est encore le stag de Pennant (f), le wewashiss de Heazrne. Les Indiens Creeks appellent cet animal wawaskishou, awaskis et moustousk. Le Jardin des Plantes de Paris en à dû à M. Milbert un individu vivant bien portant et complétement adulte. Ce cerf, de taille assez analogue ou un peu plus forte que notre es- pèce commune , n’a qu’une très courte queue, un pelage fauve brunâtre, et une large tache d’un jaune très clair occupant les fesses et toute la région anale. Ses bois sont très rameux, fort grands, et sans empaumure. Le mufle est large, et les poils du dessus du cou sont plus allongés que les autres. La femelle, privée de bois, a aussi une coloration moins foncée. Le wapiti vit en famille et est monogame ; il devient très doux par les soins qu’on lui donne pour l’apprivoiser, car les Indiens s’en servent pour conduire leur traineaux. On le rencontre dans tout le Canada et dans les vallées du Missouri, bien qu’il paroisse ne pas dépasser 36 degrés de latitude bo- réale. Quelques personnes seroient disposées à en distinguer le red-deer de Warden , qui n’auroit pas la tache jaune de l'extrémité du corps; mais tout porte à croire que la description de M. Warden a été faite sur un sujet en mue ou d’une manière imparfaite ; 2° le cerr de WALLicu 5), qui vit au Népaul, est brun; gris jaunâtre, plus pâle sur les joues, le museau autour des yeux et sur le ventre. Sa queue est très courte et blanche, ainsi que l’extrémité de la croupe. Ses bois, écartés sur les côtés, se renversent en ar- rière après les premiers andouillers pour se diriger verticalement; 5° le CERF DE KuxL (6) est plus petit que le chevreuil d'Europe et de la taille du muntjak. Il à les bois grêles et divisés comme ceux du cerf axis, mais les andouillers supérieurs sont égaux. Il ne se trouve que sur les iles Bavian dans l'archipel {) Cervus hippelaphus ou Cervus germanicus de Brisson. (Atlas, pl. 64, fig. 2.) (2) Cervus corsicanus. (3) Cervus canadensis, Brisson; Cervus strongyloce- ros, Screber ; Cervus Wapiti, Mitchill (Atlas, pl. 64, fig. 2); Cervus major, Ord.; Richards., Faun., 251. (4) Artc. Zool.I, 27. (5) Cervus Wallichii, Fr. Cuv., 39e liv.; G. Cuv., Oss., t. IV, p. 504. (6) Cervus kuhlii, Temm., Faune Jap., p. 11. 528 de la Sonde ; 4 le cErF de DuvauceL (!), dont on ne connoit que les bois, qui ressemblent beaucoup à ceux «le notre cerf, excepté qu’ils ont une toute autre courbure, et une différence dans la distribu- tion des andouillers ; 5° le CERF AMÉRICAIN (?), dont on ne connoit que le crâne avec les bois fossiles, assez analogues à ceux du wapiti, et qui très probable- ment est le cervus maccrotis. Ces débris ont été rencontrés aux chutes de l’Ohio, nommées bigbone- lick, conjointement avec des os de mastodontes (?); Go Le CERF NIPPON (4) est d’un tiers moins grand que celui d'Europe, et ses bois sont aussi plus grêles. Il a la queue totalement blanche, et le bord posté- rieur des fesses de même que la région caudale sont garnis de poils blancs, I1 habite le Japon. DÉBRIS FOSSILES DE QUELQUES CERFS. En creusant l’ancien chenal de la Gardette, qui doit servir à amener les eaux du canal de Brouage aux fosses destinées à la conservation des bois de ta marine, que l’on creuse vis-à-vis l'avant-garde du port, on a trouvé à deux mètres de profondeur des ossements et deux bois de cerfs. L’un de ces bois, assez bien conservé, a été coupé en morceaux et em- porté par les ouvriers ; l’autre, plus voisin de l’état fossile, se compose d’un bois entier, moins le maître andouiller. La prairie de Rosne, où ces restes furent découverts, est formée par un terrain d’alluvion d’une grande étendue , au milieu duquel coule la Charente, et dont la surface est à peine au niveau à l’époque actuelle des plus grandes marées. Telle est en substance l'analyse d’une note insérée, sur l’in- dication de M. Matthieu, dans le n° 5 des Tablettes publiées le 16 janvier 1858 pour annoncer cette découverte fort intéressante, et les fragments qu’il indique, entre autres l’empaumure intacte, furent déposés au Musée d'histoire naturelle de l’Ecole de médecine. En examinant ces fragments, que je présentai à la Société d agriculture, sciences et arts de Roche- fort, je ne pus qu'être étonné de quelques particula- rités de formes qui sembloient éloigner ces débris de ceux des espèces vivantes, et je priai M. Matthieu, ingénieur en chef et directeur des travaux hydrau- liques, qui avoit le premier appelé l'attention sur ces restes, de vouloir bien faire continuer ses recherches (:) Cervus Duvaucelii, G.Cuv., Oss. foss., t. IV, p.505, pl. 39, fig. 6 à 8. () Cervus americanus, Harlan, Faune, p. 265, fossil elk des Etats-Unis. @) Cervus occidentalis, Ham. Smith, Griff., L, LE p. 777 ; Cervus auritus, Warden. 4) Cervus nippon, Temm., Faune Jap., p. 12. HISTOIRE NATURELLE en nous mettant à même d'obtenir les fragments que les ouvriers avoient emportés, et j’obtins ce qui man- quoit à l’empaumure, c’est-à-dire tout le reste du bois du côté droit, excepté le maître andouiller qui étoit brisé à la base : la cassure du merrain et de l’empaumure, faite de vieille date, s’ajustoit parfai- tement. De plus on retrouva la portion postérieure d’un crâne enfoui avec ces bois. Les cerfs et les daims étoient très abondants dans les forêts qui couvroient la Saintonge, l’'Angoumois, jusqu'aux bords de la mer, dans les premiers temps de notre ère. Les rois de race carlovingienne avoient des domaines où ils se rendoient fréquemment pour prendre le plaisir de la chasse, et l’ancien palais des ducs d'Aquitaine, près de Saint-Jean-d’Angély, fut . souvent habité par Pepin et Charlemagne. Saint Hu- bert, le patron des chasseurs, étoit très vénéré en Saintonge, où on l’a communément représenté, jus- qu’à la révolution, avec un cerf sur les enseignes des auberges de campagne. Le P. Mabillon (Ann., 1.59, 21) cite une charte de 1047, par laquelle Geoffroy Martel, comte de Saintonge, et son épouse, fondè- rent à Saintes un monastère de filles sous le nom de Notre-Dame (abbaye de Saintes) qu’ils dotèrent ri- chement. Il est à noter qu’outre la dime sur tous les cerfs et biches qu’on tueroit dans l’ile d’Oleron pour faire avec leur peau des couvertures de livres, il étoit en outre permis à l’abbesse de faire prendre vifs dans une forêt de l'ile tous les ans, un cerf et sa biche, un sanglier et sa laie, un chevreuil et sa femelle, deux daims et deux lièvres, pareillement mâles et femelles , pour servir d’amusement à ces dames. (44 recreandam femineam imbecillitatem.) Depuis long-temps les défrichements ont éteint dans nos pays la race de ces bêtes fauves, et le cerf lui-même, déjà rare en France, disparoitra bientôt d’une portion de l’Europe tempérée. Les dépouilles des diverses espèces du genre cer- vus sont en général fort difficiles à reconnoître par les modifications d’âge qu’elles présentent, et bien que très nombreuses dans les musées, et décrites dans une foule de mémoires particuliers, ce n’est que depuis la publication du grand ouvrage de G. Cu- vier sur les ossements fossiles, qu’on à pu établir avec quelque exactitude des distinctions parmi elles. La plus remarquable des espèces fossiles est le cerf à bois gigantesques (cervus giganteus, Goldf.), primitivement décrite dans les n°° 227, 594 et 444 des Transactions philosophiques de la Société royale de Londres. On trouve dans le n° 479 de la même collection pour 4746 une lettre de Thomas Knowl- ton, écrite à Marc Catesby sur deux bois extraor- dinaires de cerf, extraits de la terre en différents endroits de la province d’York. Cette lettre cest ac- compagnée d’un dessin (pl. 1 du n° 479, fig. 2 et 5). | La première de ces têtes a été tirée des sables de la DES MAMMIFÉRES. rivière de Rye qui se jette dans la Derwent, et la seconde a été déterrée d’un fond marécageux à Cow- throp en 1744. Jusqu'à ce jour tous ces bois n’avoient été rencontrés qu’en Irlande, et les derniers débris gisoient sous plusieurs couches de sable et de cail- loux de rivière. Mais je vais ici analyser l’article de M. Cuvier. Dès 1697, Thomas Molineux, dans le n° 227 du même recueil, avoit décrit un crâne avec ses cornes, déterré dans le comté de Meath, dans un verger, dont plus d’une trentainede crânes identiquesavoient été extraits dans un espace de vingt ans. M. Cuvier les a reproduits pl. 6, fig. 4. Jacques Kelly représenta dans le même recueil, n° 594, une perche isolée que M. Cuvier a repro- duite pl. 6, fig. 6. Puis M. Cuvier mentionne les recherches de Pen- nant (Cuv., pl. 6, fig. 4), de Parkinson, de Percy (Cuv., pl. 4, fig. 2), de Thomas Wright, de Gré- goire Razoumowsky (Cuv., pl. 6, fig. 5), et enfin la tête parfaitement conservée figurée pl. 7, fig. 1, 2, 5 et 4 des ossements fossiles. « Ce qui caractérise cette grande espèce d’élan éteinte, dit M. Cuvier (Osm., t. IV, p.75), est la forme de ses bois, portés sur un merrain cylindri- que, dirigé obliquement en dehors, et un peu en haut et en arrière, et qui s’aplatiten une grande palme qui varie pour la forme et le nombre des an- douillers, mais qui a toujours sa concavité dirigée en haut et légèrement en arrière, et de manière tou- tefois à regarder un peu celle de la perche opposée. La disposition assez générale de ces bois est une meule courte et grosse, ayant une couronne de prer- rures à la base, la portion cylindrique du merrain formant à peu près le quart de la longueur totale. Immédiatement au-dessus de la couronne naît un andouiller simple et pointu ; les autres sortent du bord de la palme, et sont au nombre de neuf, in- égaux en longueuret en courbure, en sorte qu’au total ce cerf a vingt cors. Ces bois, dit M. Cuvier, ont une forme très reconnoissable, très caractéristique, et la grandeur de cette espèce ne permettoit pas de cher- cher son analogue parmi les animaux vivants, autre- ment que chez l'élan. » Pallas, Camper, Buffon, attribuèrent ces dépouilles à l’élan et au renne, ce qui est erroné. Puis on les a rapprochés de quelques cerfs de l'Amérique du Nord, tels que le caribou, l’orignal et le cerf du Canada (dont les deux premiers sont le renne et l’é- lan), avec tout aussi peu de fondement. On doit en conclure que le cerf à bois gigantesques “est une espèce perdue, différant de toutes les espèces vivantes aussi bien par ses bois que par son sque- lette; car M. Cuvier en a gravé un individu entier (pl. 8), trouvé dans l’île de Man, à dix-huit pieds de profondeur, dans une marnière remplie de co- re 529 quilles d’eau douce. Ce cerf enfin tient plus au cerf proprement dit que de l'élan. Tous ces débris du cerf à bois gigantesques ont été trouvés : la tête décrite par Molineux à quatre ou cinq pieds de profondeur dans une espèce de marne recouverte de tourbe et de terre franche; les débris de Knowlton, dans des couches de diverses épais- seurs ; ceux de Kelly, dans des tourbes et un lit de gravier, où sont couchés des troncs d’arbres recou- verts de feuilles de chêne encore reconnoissables, de l'argile bleue avec eoquilles, et de marne remplie de coquilles fluviatiles. Les restes de ce cerf ont été aussi rencontrés en Irlande, en Angleterre, en Allemagne, en France eten Italie. Les individus d'Allemagne ontété observés à Oëls en Silésie (1729); dans le vieux Rhin près de Dour- lach (1664); à Vechelde, dans la tourbe; dans le Rhin près de Wornes (1771); à la naissance de l’Is- sel, au-dessous d’'Emmerich, dans le duché de Clè- ves ( 800); sur les bords de l’Ess, dans un terrain sablonneux (1860). Ceux de France, dans les fouilles du canal de POurcq, dans la forêt de Bondi, dans un terrain meuble à Villers-sur-Mer, département du Calvados. Ceux de l'Italie, en plusieurs lieux de la Lombardie, sur les bords du P6 et du Lambro, à Pavie et à Turin. M. Hibbert à récemment publié , dans le Journal scientifique d’Edimbourg (n° 5, p.15, 28; 4825), une notice sur la découverte de l’élan fossile de l’île de Man, trouvé dans un bassin de marne coquillière recouverte d’un banc de sables épais de trois pieds. On trouva le squelette entier. M. Hibbert conclut que cette espèce n’est point anté-diluvienne, mais qu’elle s’est éteinte dans des temps moins anciens. Dans un mémoire inséré dans le n° 5 du même recueil, M. Hibbert s’étaie de l'opinion des anciens paturalistes suédois, qui disent que l'élan du Nord ou de la Scandinavie vivoit dans les marais, pour at- tribuer la même manière de vivre à l’élan irlandois qu’il croit être le segh des anciens Bretons, le cervus palmatus de Julius Capitolinus, et l'euryceros d'Op- pien. Il pense enfin que ce cerf, dont la race est aujourd’hui éteinte, habitoit les marécages des îles Britanniques, et qu’il y remplacoit l’élan du Nord. Or, le travail de M. Hibbert n'offre rien de nou- veau. M. Cuvier avoit trop bien précisé que le cerf à bois gigantesques étoit intermédiaire au véritable cerf et à l'élan, en même temps qu’il formoit une espèce distincte. pour qu’on puisse discuter les doutes et l'opinion hypothétique de l'écrivain anglois. Après le cerf aux bois gigantesques, M. G. Cuvier décrit d’autres débris appartenant à diverses espèces du même genre. C’est ainsi qu’il place près des ren- nes un cerf fort voisin, dont les restes ont été dé- terrés proche d’'Etampes, et retrouvés dans la ca 67 530 verne de Breugne dans le département du Lot. Des bois d’un daim de grande taille gisoient dans la vallée de la Somme proche Abbeville, et en divers lieux d'Allemagne, et notamment en Scanie; un cerf fort voisin du chevreuil, qui semble en être distinct et dont la race seroit perdue, a été rencontré à Monta- busard dans le Loiret ; des bois de véritables che- vreuils se sont communément offerts dans les tour- bières des environs de Beauvais et dans les sables d’alluvion. M. Bravard a découvert au Puy-de-Dôme sept es- pèces de cerf nouvelles, et les restes de trois plus anciennement connues. Le bois de cerf qui nous occupe, et qui a été ren- contré dans le sol d’alluvion argilo-crayeux de la prairie de Rosne, se rapproche singulièrement des bois de l'espèce du cerf ordinaire (cervus elaphus, L.), bien qu’il semble être intermédiaire entre cette espèce, encore vivante aujourd’hui, et le cerf aux bois gigantesques ; car la forme du merrain, sa gros- seur, la concavité de l’empaumure, n’ont qu’une ana- logie fort éloignée avec ce qu’on observe aujour- d'hui chez les cerfs vivants. Faut-il admettre avec M. G. Cuvier que les cerfs qui vivoient à l’époque où les Gaules étoient presque couvertes de forêts (Oss., t. IV, p. 105) devoient avoir des formes plus ro- bustes? car ce savant dit : « Le bois fossile du cerf comman est plus grand même que celui du cerf du Canada de même âge; il en est de même pour la grosseur. Mais je n’attache pas une grande impor- tance à cette circonstance. Il étoit naturel que dans l'état sauvage, au milieu d’une nourriture abondante et non disputée, les bois des cerfs prissent un déve- loppement peu commun aujourd’hui. » Les débris des cerfs communs fossiles ont été ren- contrés, souvent en très grande abondance, dans les alluvions récente, les lits de sables, les tuffaux ; dans la caverne de Kirkdale remplie de débris d’a- nimaux d’espèces très différentes avec les dépôts d’ossements d’éléphants et de rhinocéros ; dans des glaisières, et surtout dans les tourbières. La vallée de la Somme est riche en débris de ce genre : les tour- bières de l'Oise en possèdent de nombreux restes, et ces ossements ou bois fossiles ont encore été ren- contrés dans le Dauphiné, la Provence, l’Orléanois et aux environs de Saint-Pétersbourg. Les tourbières des environs de Surgères, exploi- tées en grand par la distillation des vins depuis quel- ques années, ont présenté un grand nombre de dé- bris fossiles de cerfs, qui ont été dispersés, et que nous n'avons pu examiner. « Le caractère général des bois du cerf commun, » dit M. G.Cuüvier (Oss. foss., t. IV, p. 24), est d’être » ronds et arqués de manière que leur concavité re- » garde en dedans et un peu en arrière, et que leurs » andouillers se dirigent en avant et un peu en de- SL HISTOIRE NATURELLE » hors. Les vieux cerfs, à huit ans et au-dessus, ont » des bois plus gros, des sillons plus marqués, des » pierrures ou turbercules de leur soubassement » plus saillants, etc. Passé sept ans, des andouillers » croissent en nombre sans règle fixe; ils se multi- » plient davantage vers le sommet du bois, où ils se » groupent en une espèce de couronne ou d’empau- » mure, comme on le voit planche 5, aux figures 9, » 10, 41 et 12. Ordinairement les plus vieux bois » n’en ont en tout que dix ou douze, mais on en a » vu qui en avoient jusqu’à trente-trois. » Dans son Règne animal, M. Cuvier dit (tom. 1}, p- 262) : « Le bois du mâle est rond, et vient la se- » conde année, d’abord en forme de dagues, puis il » prend ensuite à sa face inférieure plus de branches » ou d’andouillers à mesure qu’il avance en âgé, et » se couronne d’une espèce d’empaumure de plu- » sieurs pelites pointes. » Desmarest, dans sa Mammalogie(t. IT, p. 434), donne pour caractères essentiels des bois du cerf commun d’être ronds, branchus , de s’écarter d’a- bord l’un de l’autre, puis de se rapprocher un peu vers l’extrémité; d’avoir trois andouillers tournés en avant ou un peu en dehors, et uñe enpaumure terminale ou couronne formée de deux à cinq dagues. Il ajoute pour dimensions les plus ordinaires que ces bois ont deux pieds. Or, par ces diagnoses, c’est aux bois du cerf or- dinaire que le bois fossile du cerf Rochefortin se rap- porte le plus : et cependant j'ai examiné avec soin les figures de ces bois données par Georges Cuvier (Oss. foss., t. IV, pl. 5, fig. 4 à 42); Buffon et Dau- benton (édit. de l'Impr. royale, et Buffon, Mammi- fères coloriés 2 v. in-4°), et surtout par ce dernier, décrivant sous les noms de bois de cerfs bizarres les nombreuses modifications que ces bois prennent avec l’âge; Frédérie Cuvier (Mammifères) et les planches de l'Encyclopédie, sans pouvoir me décider à rap- porter au cerfeommun le bois objet de notre examen. Le fossile Rochefortin est bien voisin sans doute de l'espèce commune, mais il se rapproche aussi du cerf à bois gigantesques, car, comme lui, il a la concavité de son empaumure dirigée vers le ciel, et la base de l’empaumure largement évasée. Une description minutieuse et une bonne figure rendront cette diffé- rence plus sensible. 2 S S v Le bois de cerf fossile Rochefortin que nous décri- vons appartenoit au côté gauche; il mesure : Pieds: Pouc. Lignes, Longueur totale de la pierrure au som- met de la derniére dague. . 2 6 9 du maître andouiller. (On ne possède qu’un fragment de cinq pouces et demi, ayantun diamètre de seize lignes.) du 2+ andouiller. . . : . » 8 5 DES MAMMIFÈRES. Epaisseur à la base du maître andouiller aluanmants, nimes ib «hommes le gi 40 6 Circonférence du merrain à la pierrure. » 8 » Longueur du 3e andouiller. . . , . » Circonférence du merrain au-dessus des deux premiers andouillers. » ————— au-dessus du 3e andouiller. » Largeur de l’évasement de ’empaumure. » Circonférence de cet évasement.. . . 1 Longueur du premier andouiller de la COURONDO ME Ter sh, 2 12 OUÉTERSIEMES D) HUAUTOISIÉEME Ne ee ee en) du qualrièeme nn D du cinquiéme.. . . . . + D deolatmeule:st o1 162) .0/:1n316% [= RRO À & ÿ D © & & À Or à ; Ce bois s’insère sur le crâne par une meule évasée, fortement pédiculée, et séparée de la couronne de pierrures par une longueur de deux pouces sept li- gnes à l’endroit de sa plus grande obliquité, et seu- lement d’un pouce en haut. La couronne de pier- rures est très rugueuse , mince et adhérente à la base du maître andouiller (celui coupé par les ouvriers terrassiers n’a pu être retrouvé). Le merrain est cy- lindrique, très compacte, très épais, profondément sillonné et raboteux à sa surface. Le second an- douiller naît au-dessus du premier et à le toucher ; il est arrondi, recourbé en segment mince, rugueux, et n'ayant que huit lignes de diamètre, ou trois pou- ces cinq lignes de circonférence extérieure. Le troi- sième andouiller est très long, recourbé, graduel- lement aminei, rugueux, et séparé du deuxième par un assez large intervalle, à partir de cet andouiller ; le merrain se déjette légèrement en dehors, s’épaissit et s’évase bientôt sur son axe d’ayant en arrière, de manière à présenter une surface convexe en de- hors et une concavité en dedans, et surtout en haut. Des rugosités sillonnent cette couronne, épaisse, mas- sive, divisée en cinq andouillers séparés par de pro- fondes échancrures, et disposés avec régularité. Ces andouillers sont coniques, arrondis, graduellement atténués. L’antérieur est libre, long de cinq pouces neuf lignes ; celui qui vient ensuile est plus court, presque droit. Le médian se dirige un peu en haut, il est assez pointu. Le quatrième est plus court, et assez intimement lié à la base du cinquième ou pos- térieur, qui est assez gros pour supporter en haut le rudiment d’un sixième andouiller, formant onglet à la base du cinquième qui n’a que trois pouces trois lignes, en partant du milieu de l'échancrure. Avec ces bois on a trouvé seulement la partie pos- térieure de la boîte crânienne de ce cerf, entourée d’une gangue de tuf calcaire lacustre. Toute la partie antérieure manquoit, Les sutures étoient vives et intactes, et les os d’une extrême dureté. L’épaisseur de l’occipital et des temporaux étoit démesurée ; cette épaisseur alloit jusqu’à onze lignes. Il est vrai 531 de dire que ces os sont très celluleux et sans presque de diploé. La partie postérieure da cerveau se trouve ainsi occuper une partie très rétrécie. Le diamètre de ce crâne, pris d’une fosse temporale à l’autre, avoit trois pouces dix lignes. La face occipitale ex- terne est, on le sait, comme tronquée, mais sa surface à peine oblique est rendue sinueuse par des ondu- lations et des sillons destinés à loger des muscles d’une grande puissance d'énergie. Les condyles sur- tout sont proportionnellement d’une grosseur nota- ble. Or, cette portion de crâne, comparée avec celle d’un élan de Terre-Neuve, la seule que nous ayons en notre possession, est plus forte en toutes ses par- ties, et garnie d’aspérités beaucoup plus considéra- bles sur sa face occipitale. Le cerf Rochefortin, tel que nous le concevons, devoit avoir les formes de l’élan, avec la tête longue, large, etles membres plus robustes du renne. Vivant dans les bois marécageux, son pelage devoit être composé de poils drus, courts, assez secs et cassants. Il fréquentoit les rives de la Charente que la mer baignoit alors jusqu’au Vergeroux, en s’élendant au pied du coteau de Surgères et jusqu’au-delà Anne- zai, en formant des presqu’iles de toutes ces terres hautes et crayeuses qui bordent aujourd’hui nos di- vers systèmes de marais. Le cerf géant et les autres cerfs ou daims, dont les races sont aujourd’hui étein- tes, occupo'ent alors les lisières des vastes forêts qui couvroient une grande partie des Gaules : ces forêts s’étendoient sur les rives de tous nos fleuves, et sur les rivages de la mer. Ces animaux trouvoient dans ces solitudes les éléments de leur existence ; mais successivement traqués par les chasses des Celtes et des Romains, puis mis à découvert par les défriche- ments et par le desséchement successif des marais dans les trois à quatre premiers siècles de notre ère, leur race a été anéantie, à mesure que la culture des terres et que la population s’acc'oissoient. Nul doute que les daims mentionnés par les auteurs latins dans l'île d'Oléron n'aient appartenu à notre espèce au- jourd’hui perdue, car les bois du cerf Rochefortin ne sont pas de vrais fossiles, dans l’acception ordi- naire du mot, mais des débris soigneusement con- servés dans des terrains d’alluvion d’une argile mar- neuse , mêlée de craie. a LES RUSA DES MATAÏTS, OU CERFS INDIENS. Rusa. Ne diffèrent presque point des vrais cerfs. Leurs bois sont trifurqués, à andouiller basilaire seulement, sans médian ; le museau est large, le larmier très 532 profond. Sous le cou, les poils s’allongentde manière à former une sorte de fanon, et la coloration de la plupart est franche et foncée. Buffon n’a connu au- . e + cune espèce de cette tribu. Ce sont : 4° l’HIPPÉLA- PHE (1), ou le barensing-ha des Indiens du Bengale, de la taille de notre cerf, mais à poils plus rudes, plus grossiers, d’un gris brun plus ou moins foncé, passant au brun doré en été, et au brun noir en hi- ver. La croupe est fauve pâle, la queue est brune, terminée de poils noirs assez longs Aristote donnoit le nom d’hippelaphus à un ruminant d'Arachosie ; 2 le CERF de MALACCA (?), bien voisin de l’hippélaphe; brun noirâtre, plus foncé en noir sur le dos et sur le cou, les fesses fauves, la queue brun noirûtre, habitant la presqu’ile de Malac; 5° le CERF UNICO- LORE (3) ou le gorrarusa de Daniells (scenery in Cey- lan ), à longues oreilles acuminées, à mufle large, et muni sous la gorge d’un fanon de longs poils : son pelage est brunâtre, et sa taille forte. Il vit dans les forêts les plus inaccessibles de l’ile du Ceylan ; #° le CERF D’ARISTOTE (4) ou l’elk venator des Anglais éta- blis aux Indes, et que les habitants du Ramguhr nomment saumer, est brun cendré jaunâtre. Sa queue est très courte de même que ses bois. Il porte au Bengale le nom de cal-orinn ou de cerf noir; 3° le CERF CABALLIN (°) ou le rusa-ilam de Malais, le méjangan banjoe ( cerf d’eau) des Javanais, le jamboe stag des Anglois colonistes, a le museau noir et le menton blanc, le pelage brun grisâtre, plus obscur sur le ventre, et même tirant au noir sur ces parties. Les poils de sa gorge sont rudes comme des soies, et sa taille est presque celle du cheval. Il habite l’île de Sumatra (6), où sir Rafles J'a observé et décrit en ces termes, sous le nom de cervus axis ou rusa : « Il est de grande taille et souvent de la hauteur d’un petit cheval ordinaire du pays, qui est d'environ quatre pieds. Ses cornes sont grandes, sillonnées et raboteuses, et à trois branches comme dans les autres espèces d’axis. Sa couleur est d’un brun grisâtre uniforme, plus foncé sur le ventre; les parties postérieures et la queue sont de nuance un peu ferrugineuse , et le dedans des mem- bres est blanchâtre. La tête est belle; le museau noir et doux à l’extrémité ; le menton est blanchâtre, les yeux ont le trou lacrymal ordinaire. La femelle n’a pas de cornes; dans le mâle elles sont grandes () Cervus hippelaphus, G. Guv., Oss., t. IV, p. 40. (2) Cervus malaccensis, Fr. Cuv., liv. 10; rusa of Ma- Zaca, Smith. ° (3) Cervus unicolor, Smith. Griff., t. V, p. 781. (4) Cervus Aristotelis, G. Cuv., Oss. foss., t. IV, p. 503. (5) Cervus equinus, G. Cuv., Oss. foss.,t. IV, p. 44: Raffles, Trans. Soc. linn., t. XIE, p. 263. (6) «II y a trois espéces du genre cerf três communes à Sumatra, dit sir Raffles, ce sont le rusa, le rusa ubi et le xijang.» HISTOIRE NATURELLE et souvent longues de plus de deux pieds, variant un peu dans le degré de divergence, et dans l’épais- seur et leurs proportions relatives. Leur couleur est plus ou moins noirâtre ou brune. La meule est tu- berculée à sa base. La branche la plus basse est dirigée en avant, et la supérieure, qui est la plus courte, s’étend en arrière. Les canines de la mâchoire supérieure sont assez longues chez les vieux indivi- dus... Les oreilles sont grandes, presque nues, douces et blänchâtres sur les bords, elles ont quelques pinceaux de longs poils aux bords inférieurs et en dedans. » Ce cerf est d’une forme élégante et d’un naturel doux et traitable. On le garde souvent apprivoisé. Il a été communément appelé, par les Européens de ces iles, du nom erroné de elg. Le couple que je possède m’a été offert par le roi d’Acheen. » Les naturels en connoissent une variété de cou- leur plus sombre ; elle est d’un brun foncé ou presque noire ; ils l’appellent rusa etam ou rusa kumbang. Elle est plus petite que l'espèce commune, mais ses cornes sont exactement les mêmes, et dans le fait elle ne paroît différer que par la couleur. » L’axis tacheté, rencontré dans ces îles, semble être le même que celui du Bengale, et en a proba- blement été apporté. » L’axis moyen de Pennant est probablement la petite espèce plus fréquente à Java, et dont on des- sèche les chairs, comme aliment, appelé dinding dans les iles orientales. On m’envoya de Macassar (île Célèbes) un individu blanc de cette espèce, qui vécut quelques années dans mon parc à Bui- tenzorg. » 6° Le CERF DE PÉRON (1), dont on ne connoît que les bois et le crâne rapportés de l’île de Timor par Péron ; 7° le CERF DE LESCHENAULT (?), autre espèce dont on ne possède que les bois, rapportés de la côte de Coromandel par M. Leschenault de La Tour; 8° le CERF NOIR (3) a la taille et les formes du cerf commun, le pelage d’un brun presque noir en des- sus, plus clair en dessous, tandis que les parties in- ternes des membres sont blanches. Les bois sont très simples, et n’ont qu’un andouiller. Cette espèce a été décrite d’après un dessin envoyé de l’Inde; 9° le CERF DES ILES MARIANNES (#), rapporté par MM. Quoy et Gaimard, est remarquable par ses bois à deux andouillers à une seule pointe terminale. Son pelage est gris brun. Les faons sont sans tache, d’un fauve uniforme. Ce cerf est très commun aux îles Mariannes, et sert à la nourriture des habitants ; (r) Cervus Peronii, G. Cuv., Oss. foss., t. IV, p. 46: Fr. Cuv., 65e liv. (2) Cervus Leschenaultii, ibid. (3) Cervus niger, de Blainv., Desm., 671. &) Cervus mariannus, Fr. Guv., 65e liv.; G, Guy., t, IV, p. 45 ; Desm., 669. DES MAMMIFÈRES. A0le cErF DES MOLUQUES ({) que nous avons ob- servé dans l’île de Bourou, et qui se trouve à Am- boine et dans d’autres Moluques, a des formes cour- tes et trapues , une tête fort grosse, un pelage rude et brun, le ventre et l’intérieur des cuisses fauves ; ses bois ont de fortes rugosités ; ils sont médiocres et divergents. Les jeunes individus sont d’un gris fauve foncé, et leurs dagues sont supportées par un pé- doncule velu. LES AXIS. Axis. l Ont les bois des rusa, bien qu’ils soient plus grêles; les mâles n’ont pas de canines; le larmier manque ou ne se manifeste que d’une manière pres- que indiscernable. Leur robe est généralement ta- chetée de blanc. On ne remarque point de poils formant un fanon sous la gorge. Leur taille est mé- diorre et même petite. Cette tribu a peu d’espèces. 4° L’axis (2, dont Buffon a parlé sous le nom de cerf du Gange. M. Hamilton Sraith en distingue deux races : l’une de Ceylan, à taches blanches plus petites et plus irrégulières; l’autre de l'Inde, plus petite de taille, et à taches plus régulières. L’axis habite les épaisses forêts du continent indien aussi bien que celles des îles de Ceylan, Java et Sumatra. 2 Le CERF- COCHON (3) a également été décrit par Buffon. Comme le précédent il vit dans l’Inde; 5° le PuMILI0 (#) ne repose que sur un crâne avec son armure, CONS#TVÉ dans le musée des chirurgiens de Londres, et que l’on suppose provenir de l’Inde. Ces fragments se rapprochent beaucoup des mêmes parties dans le cochon-cerf; 4° 1e CERF AUX PAUPIÈRES NUES (5), qui vit dans l’Inde comme tous les axis connus. Ses formes sont trapues ; sa coloration d’un brun foncé tirant au noir, particulièrement sur la tête, le cou et la ligne moyenne du dos, est tachetée d'une ma- nière indécise de blanchâtre, seulement sensible sous divers effets de lumière. Ses bois sont trifur- qués, et toute la région palpébrale est nue et noire, Le mufle est large et brun, et ses oreilles sont am- ples. 11 habite les rives du Gange. (9 Cervus moluccensis, Quoy et Gaim. Astrol., pl. 24 et25,t.1, p. 133. () Cervus axis, Erxl. syst. 312. (3) Cervus porcinus, Zimmer. (4) Cervus pumilio, Hamilt. Smith. (5) Cervus nudipalpebra, Bennett, Proceed., E, p. 27. 533 LES CHEVREUILS. Capreolus. N'ont point de canines ni de larmiers. Leurs bois sont sessiles, ramifiés avec un seul andouiller mé- dian. Buffon n’a décrit que le CcHEvREUIL (1), ré- pandu dans l’Europe et l’Asie tempérées. On en distingue l’AHU (2; ou le CHEVREUIL DE TARTAR E (5), plus grand que le daim, ayant un tubercule en place de queue, un pelage long et épais, gris-brun ; des bois médiocres, très rugueux et à deux andouil- lers, dont le postérieur forme une fourche; le ven- tre est jaunâtre , les fesses sont blanches. Il habite les parties boréales et tempérées de l’Asie, la Tar- tarie, mais surtout la Tartarie russe On regarde comme appartenant à cette tribu le CHEVREUIL DU Cuizr (%), de petite taille, bas sur jambes et épais de corps. Son mufle est large, tronqué ; son larmier peu marqué ; la queue est nulle; son pelage est complétement roux, tirant au noir en devant, et devenant plus clair sous le corps. Le capitaine King l’a rencontré dans la province de la Conception , et plus au sud de l'archipel de Chiloë, où il vit de pe- tites herbes qu’il broute. LES MAZAMES. Mazama. Ont leurs bois légèrement aplatis, recourbés de manière à ce que la ligne convexe se trouve êtreen dehors, à ramelet interne unique, les autres dirigés en arrière et verticalement. Leur queue est beau- coup plus longue que celle de tous les autres cerfs. Ils n’ont point de canines ; leur mufle est très mar- qué; les pores sus-orbitaires forment des fronçures à la peau. Toutes les espèces sont américaines. Buffon en a décrit deux : le CARIACOU ( cervus vir- ginianus. L. ), et la biche de Borallou ( C. paludo- sus), mais d’une manière fort incomplète. Lichs- teinstein, par de très bonnes figures des individus des deux sexes et des jeunes. a rendu la distinction de quelques espèces facile (5). Il figure les suivan- tes : 40 le GuaAzu-PuCu de d’Azara (5), et des Guara- () Cervus capreolus, Briss., Linn. (2) Cervus pygarqus, Pallas, Desm. 675. (3) G. Cuvier; wpnws, Oppian. (4) Cervus humilis, Bennett, Proceed. I, p. 27. (5) Saugethière, Berlin, 1827, in-4°, planches colo- riées. (6) Cervus paladosus, Desm, ; Lichst., pl, 17. (Atlas, pl. 61, fig. 1.) 534 nis, qui vit dans les lieux marécageux du Paraguay. Son museau est assez gros; ses bois ont trois ou cinq dagues ; son pelage est rouge bai, passant au lance sur le ventre et les cuisses; les orcilles ont des poils blancs, les quatre jambes sont noires: les poils sont longs et épais, et la queue est recouverte d’une ample touffe soyeuse, La femelle ressemble au mâle , les bois exceptés , dont elle est privée, 2 Le CERF DU MEXIQUE (!) ou l’ACULLIAME d’Hernandez, dont les bois ont été mentionnés par Daubenton sous le nom de chevreuil du Mexique. Ses bois sont très comprimés, larges, à trois ou quatre dagues, peu hautes. Tout le dessus du corps est brunâtre, tirant au clair en dessous et en dedans des membres. Le jeune a le pelage plus clair que les père et mère, mais sans livrée. Il habite les alentours de Mexico. 5° Le CERF DES Pampas (?) ou le GuazuTiI des Gua- ranis et de d’Azara, qui habite les plaines du Para- ‘ guay. Ses bois ont trois dagues et sont peu com- primés, mais robustes à leur base. Le pelage est brunâtre, lavé de fauve. Toutes les parties internes des cuisses, le dessous du corps, sont blanches. Le pourtour des yeux surtout est d’un blanc de neige. Les jeunes sont tachetés de blanchâtre, les femelles sont moins foncées en couleur que les mâles. 4° Le CERF AUX GRANDES OREILLES (?), que les Indiens Creeks appellent kinwaithoos ou cerf à longue queue, à les bois arrondis, amples, rugueux, à quatre dagues pointues, la face grise blanchâtre, le dessus du corps gris brun, le dessous blanc; une tache noire se dessine sur le cou, une autre à l’atta- che de la queue, qui est blanche, mais terminée de noir. M. Richardson en distingue une variété (4), que quelques naturalistes ont érigée en espèce, et qui n’est connue que par une courte description des voyageurs Lewis et Clarck, à moins qu’elle ne soit identique avec l'espèce suivante. Le macrotis vit dans les plaines du Missouri et dans les contrées de l'Amérique du Nord qu'arrose la Colombia. 3° Le CERF A GRANDE QUEUE ($), le jumping deer des trafiquants de la baie d'Hudson, que les Creeks nomment apisi-mongsous, et les Indiens à l’ouest des montagnes Rocheuses, mowitch. La tête et les jambes sont d’un cendré clair en hiver et brun rougeâtre en été. Le ventre, le dedans des membres et le dessus de la queue sont blanes ; les lèvres et le bout des oreilles sont noirs. Les jeunes sont ta- () Cervus mexicanus, Desm.; Lichst., pl. 18. (2) Cervus campestris, Cuv., Lickst., pl. 49. (3) Cervus macrotis, Say; Rich., pl. 20; le cerf mulet et le daim à queue noire, Desm ; notes, 443. () GC. M., var. B., colombiana (cervus macrourus, Griff.) ; Rich., Faune, p. 257. (@) Cervus macrurus, Rafinesg; cervus leucurus, Douglas Rich., p. 258 ; Zool. journ., t. IV, p. 330 ; Bull., XVII, p. 447. HISTOIRE NATURELLE chetés de blanc jusqu’au milieu” du premier hiver qu'ils prennent la livrée des adultes. Ce cerf est commun sur les bords de la Colum!'ia, Son séjour de prédilection est de ne pas sortir des taillis de coudriers , de ronces et d’amelanchiers sur le pen- chan! des collines. 6° Le cervus clavatus d'Hamil- ton Smith ne repose que sur la connoissance de bois conservés dans le musée de Brooks. Ces bois sont jaunes , robustes, granulés, comprimés , à deux branches, à trois dagues, dont une bifurquée. 7° Le CERF DES PALETUVIERS (1), que Buffon a indiqué sous le nom de chevreuil d'Amérique. Sa tête est subarrondie, marquée de taches blanches et noires sur le museau et aux côtés de la bouche. Le corps en dessus est jaune blanc cendré. La femelle ne diffère pas du mâle, quant à la couleur. Il habite dans l'Amérique chaude, à Surinam, le long du golfe du Mexique. LES DAGUETS. Subula. Sont faciles à reconnaître à leurs bois simples, sessiles , et faits en forme de dague. Ils sont de l'Amérique méridionale, et les deux espèces con- nues ont été décrites par Buffon, la première sous le nom de biche rousse ou des bois fourrés, le guazu-p la des Guaranis et de d’Azara (?), et la seconde, la biche des Savanes de Buffon, est le guazu-birà de d'Azara (5). —- LES CERVULES, Stylocerus. Ont les bois portés sur un pédicule osseux, mais petits, n’ayant qu’une frêle dague en avant; les mâles ont de longues canines , des larmiers creux et un petit mufle. Le type de cette tribu est le MUNTJAC ou le KIJANG des Javanais (cervus munt- jac, L.), que sir Raffles décrit en ces termes : « Le kijang est plus petit que les autres espèces de bêtes fauves, il a moins de quatre pieds de long, ét n'excède pas deux pieds de haut. Les cornes sont placées sur une base cylindrique élevée, ou pédicule couvert de peau et de poils. Le pédicule a environ trois pouces de long ; la corne près de quatre, à sil- (1) Cervus nemoralis, Hamilt. Smith; Griff., t. V, 798, 28 ; Cariacou, de Laborde, dans Buffon. (2) Cervus rufus, Illiger, Desm., 683; Lichst., pl. 20. (3) Cervus simplicicornis, Ulig., Lichst., pl. 21 ; cer- vus nemorivaqus, Fr. Cuv.; la tamemezame d'Her- nandez ? ? DES MAMMIFÈRES. lons profonds, avec une meule proéminente à sa base, au-dessus de laquelle elle se divise aussitôt en deux branches, une qui est courte et se dirige en de- dans, l’autre droite, courbée en dedans et en arrière à la pointe. Les pédicules sont un prolongement des os frontaux, et leurs racines sont poussées en avant au-dessus des yeux et du nez, formant deux cônes sur la face. Sur le front, dans cet espace, est un double pli longitudinal de la peau, formant en quel- que sorte une grosseur au milieu, beaucoup moins apparente que les deux latérales. La femelle n’a point de cornes, et les bosses de la tête sont moins sensibles. Le mâle a de longues canines dans la mâchoire supérieure, ressemblant à des défenses aiguës et recourbées en arrière. Cet animal est ex- trêmement élégant dans ses formes; les jambes sont déliées et gracieuses. Le corps est arrondi, bien fait, et un peu fort en proportion des jambes. La fourrure est très belle, serrée et brillante. La couleur est bai lustré ou trun rougeûtre, plus claire en dessous et mêlée de brun sur le cou. Le dessous des cuisses , la région du pubis et le dessous de la queue , sont d'un blanc pur. Le menton et la mâ- choire inférieure sont blanchâtres. Le museau est presque noir ; celte couleur s'étend le long de la bosse du milieu, et de là en une raie qui va joindre l'extrémité des deux pédicules. La place des cornes est marquée chez la femelle par une touffe de poils noirs. Les oreilles sont assez petites et légèrement couvertes de poils. Trou lacrymal comme à l’ordi- naire ; éperons cornés, petits et tronqués. » Cette espèce se trouve dans le voisinage de Bencoolen, et se trouve figurée dans l'Histoire de Sumatra, de M. Marsden. Ce dessin, cependant, doit avoir été fait d’après un jeune individu auquel les bois n’avoient pas encore pris toute leur crois- Sance, ou n’avoient pas encore poussé de bran- ches. Même la meule, qui par la suite devient si grosse, paroît avoir manqué. On la retrouve dans le pays des Mahrattes, où elle porte le nom de raiker. » Sir Raffles ne s’est pas procuré d’échantillon du rusa ubi, autrement rusa saput et rusa tunjuk ; mais les naturels le disent plus petit que le rusa, de couleur rougeâtre, et ayant des cornes non bran- chues, couvertes de poils jusqu’à une faible distance de la pointe. » Aucune de ces espèces ne paroît perdre ses bois annuellement comme celles d'Europe. Le premier bois est ordinairement petit et imparfait, et tombe de bonne heure; il est remplacé par celui qui reste parfait, permanent, et qui n’est jamais perdu que par accident lorsqu'il n’en est pas poussé de nou- veau. Cela est probablement commun à toutes les bêtes fauves des régions des tropiques. » On place encore dans ce petit groupe : 4° Le 535 CERF DE GUINÉE ({) , très mal connu, ét qui appar- tient peut-être au genre antilope ; on lui donne la Guinée pour patrie, bien que rien ne soit moins certain. L’individu, type de la description de Lin- næus, est conservé dans le musée de Suède. C’est un animal de la taille d’un chat, à pelage gris en des- sus, noirâtre en dessous. Il à entre les oreilles et au-dessus des yeux des taches noires. 2° Le CERF DES PHILIPPINES (?), à museau tronqué, marqué entre les yeux et sur le front d’un croissant cendré. Le pelage du corps est d’un brun cendré, plus intense qu'au montjac. Sa taille est moindre que celle du chevreuil. Sa queue grêle a trois pouces de longueur. IL vit aux îles Philippines, d’où l’a rapporté M. Dus- sumier. 3° Le CERF A PETITS BOIS ($) ne repose que sur un crâne observé à Londres par M. de Blain- ville. Son bois est très petit, à meule assez bien formée. Ses pédoncules sont médiocrement allon- gés. %° Le CERF DORÉ ({), qui paroît être l’ubt muntjack de sir Raflles, et qui a les proportions du montjac, a le pelage fauve-doré ; les oreilles larges, blanches en dedans ; la gorge, le ventre et le dedans des membres sont blancs, Deux raies de poils durs et en soie se dessinent au-dessus des yeux. La queue à quatre pouces de longueur et est terminéeen pinceau noir, [1 habite la presqu’ile de Malacca, à ce que l’on suppose. 5° Le musc (5), habite le Népaul. Il à deux pieds onze pouces de longueur sur deux pieds d’élévation. Ses bois sont grêles, simples, re- courbés ; portés sur de longs pédoncules. Ses poils, partout rudes et sétiformes , longs de deux pouces, sont bruns. Sa queue brune n’a pas moins de six pouces et demi. Ses canines sont très longues. a LES GIRAFES. Camelopardalis. L. Dont on ne connoît bien que l'espèce décrite par Buffon dans le tome VIT, pl. 81 de ses Supplé- menis, a été étudiée avec beaucoup plus d'exacti- tude dans ces dernières années, On possède mainté- nant d'excellentes figures de cet animal, dessinées par MM. Meunier (6), Prêtre, Prévost, etc., d’a- (") Cervus quineensis, L.; cervus minutus, de Blainv., Bull. soc. phil.. 1816, p. 6. (2) Cervus philippinus , Hamilt. Smith, anim. kingd. t. V, 803,33. (5) Cervus subcornutus, de Blainv.; Desm. 678. (4) Cervus aureus, Hamilt. Smith, Griff. an. kingd., t. V, 805. (5) Cervus moschus, Desm.; cervus moschatus, Ham. Smith : musx der of Nepaul, W. Ousley in or, coll. 1798, avec fig. (6) Atlas du Dict. des Sc. naturelles; Buffon de Ver- dière ; Fr, Cuv., Mammif. ; Ruppell, pl. 8 et 9. 536 près le bel individu donné à la France par le pacha d'Égypte en 1826. On vit sous Amurat, à la fête de la Circoncision, vers 1574 ou 1578, des girafes qui furent promenées dans l’hippodrome de Constan- tinople, et qui avaient jusqu’à dix-huit pieds de hauteur. Un ancien voyageur francois, Michel Bau- dier, présent à cette fête, les décrivit avecheaucoup d’exactitude pour le temps, et en laissa une figure assez nette. Bélon, dans ses Voyages (p. 118), a figuré aussi une girafe sous le nom de zumapa. Al- bert-le-Grand avoit déjà décrit, sous les noms de sesaph et d'anabula, des individus offerts à Fré- déric II, empereur d'Allemagne, par le prince de Damas. M. Geoffroy pense qu’il existe des diflé- rences spécifiques entre la girafe du Cap et celle du Sennaar (1). LES ANTILOPES. Antilope (?). L. Ne peuvent être vraiment distinguées des cerfs, que parce qu’elles ont des cornes formées d’un noyau et d’un étui élastique creux, cornes que les femelles ont aussi bien que les mâles, et qui sont contournées de bien des manières. Leur taille est le plus souvent svelte, parfois massive. Leur nez est poilu et terminé par un véritable mufle. Elles ont des larmiers, ou en manquent suivant les espèces : elles n’ont pas de barbe comme les chèvres, mais souvent elles ont leurs poignets garnis de brosses de poils durs. Leurs mamelles varient de deux à quatre. On les rencontre dans toutes les régions chaudes de l'Afrique, de l’Asie et de 1 Amérique. Le nombre des espèces s’est prodigieusement accru dans ces dernières années; aussi M. Hamilton Smith, qui s’est occupé avec une étude toute spé- ciale des animaux de ce genre, est-il arrivé à ad- mettre vingtet une tribus dispersées en trois familles répondant au geure antilope des anciens auteurs. Buflon n’en a bien connu qu'un petit nombre, vingt-quatre au plus; tandis qu’on en compte en ce moment près de quatre-vingts. Nous les diviserons ainsi qu’il suit : (:) Note lue à l'Institut le 2 juillet 4827 : Salze, obser- vations faites sur la girafe envoyée par le pacha d'É- gypte, et sortie du lazaret de Marseille le 44 novembre 4826 ; Mém. du Muséum, t. XIV, p. 68 : consultez Ann. Sc. nat.,t. XI, p. 210 ; Mongez, ibid., t. XI, p. 225, et add, t. XI, p. 444. (2) Antilope est un nom récent,corrompu d'antholops, employé par Eustathius, auteur contemporain de Con- stantin. Les Grecs appeloient la gazelle commune sui- vant Ælien dorcas de Lybie ; dorcas étoit le nom du chevreuil. Gazel est arabe. G. Guy. | HISTOIRE NATURELLE I. LES ANTILOCAPRES DE M. ORD. : Dicranocerus, H. S. Vivent exclusivement dans l’Amérique septen- trionale. Leurs cornes sont comprimées, scabresr, granulées , striées sur leur pourtour, ayant un pro- longement en avant, et sont recourbées à leur som- met. Elles manquent de larmiers, de pores ingui- naux et de mufle. Leur queue est courte; les poils qui les recouvrent sont rigides, rudes, frisés. Leur port est celui de cerfs. Le nombre de leurs mamelles est ignoré, et l’on suppose que les femelles n’ont pas de cornes. On n’en connoît que deux : 4° L’ax- TILOPE PORTE-CROIX (antilope furcifer) (1) qu'Her- nandez paroît avoir décrit sous le nom de teuthlal- macame, et que les Indiens Kluches appellent petit-élan (kistu-he). De la taille du chevreuil, cette antilope a le pelage roussâtre, et vit en grandes trou- pes dans les vastes plaines du centre et de l’ouest de l'Amérique septentrionale. 2° L’ANTILOPE PAL- MÉE (4. palmata, H. S.) à cornes comprimées, à pelage mollet et blanchâtre, à face et croupion blancs, de la taille du chamois, et n’est peut-être qu’une variété de la précédente. Ir. LES ÉGOCÈRES DE DESMAREST. Æ gocerus. Ont, les mâles et les femelles, de très grandes cornes pointues, simplement recourbées , annelées, s'élevant de dessus les yeux. Le mufñe est légère- ment dessiné ; mais elles n’ont point de pores lacry- matoires et inguinaux. Leur queue allongée atteint les jarrets. Une tache blanche occupe l'intervalle qui sépare les yeux ; sous le menton pend une petite barbe. Les mamelles sont au nombre de deux, et leurs proportions sont fortes. Les espèces connues habitent l’Afrique et l'Asie. Ce sont : 1° le TZEIRAN ou CHÈVRE BLEUE de Buffon ( À. leucophæa, Gm.), qui vivoit au cap de Bonne-Espérance, car il paroi- troit que la race y est éteinte ; 2° l’ANTILOPE CHE- VALINE (A. equina, Geoff.) (?), grande comme un cheval, ayant la tête brune, le pelage gris roussâ- tre, une tache blanche devant chaque œil, de très grandes cornes, une crinière sur le cou. Elle habite le sud de l'Afrique, sur les hauteurs d’où découlent () H. Smith, Trans. Soc. linn., XII, pl. 2 ; Desm., 733. Antilocapra americana, Ord.: Rich. pl. 21. Cervus hamatus, de Blainv.: cervus bifurcatus, Rafinesq; Fr. Cuv., 65e liv. (2) À. aurita, Burchell. d'à Anlilope _Lleucor, 7 AE Cerf ati «Motuques € Publee par L’'ourral F. à Pari 3 DES MAMMIFÈRES. 537 les sources du Gariep ; 3° l’ANTILOPE de STEEDMANN (A. ellipsiprymnus, Ogilby) (!) est une des belles acquisitions faites dans ces dernières années, et l’une des plus grandes espèces, puisque ses dimensions sont de sept pieds trois pouces sur trois pieds dix pouces de hauteur. Les cornes ont jusqu’à trente pou- ces de longueur ; elles sont recourbées, annelées. Le mufle est très large, et l’on remarque des pores aux aines. Sa queue est longue, terminée par un flocon de crins. Les poils qui recouvrent le corps sont ri- gides, floconneux, formant crinière sur le cou et sur le dos. Leur coloration est un roux brunûtre, varié de gris, sur lequel tranche le blanc pur d’une tache sur les yeux, des lèvres, de la gorge, et qui décrit une ellipse sur les fesses. Cette antilope a été découverte dans l’intérieur du cap de Bonne-Espé- rance, à trente-cinq jours de marche au nord de la rivière Orange, entre Latakou et les côtes occiden- tales ; 40 l’ANTILOPE A GRANDES CORNES (À. grandi- cornis, Herm.) (?), espèce qui ne repose que sur des bois achetés par Hermann fils à Lorient, et dont nous possédons le dessin original, avec la descrip- tion par Hermann père. Ces bois avoient deux pieds et demi de longueur, une surface annelée circulai- rement et leur sommet recourbé (3). M. Hamilton Smith lui donne pour synonyme l’empalanga, V'em- palunga de Purchass (#) et De Bry. Suivant ce der- nier, l'animal vivroit aux Indes orientales, bien que M. Smith établisse avec doute, et comme synony- mes, le kourouko des habitants du Bournou, lel- bucher et achmer des Maures, suivant les voya- geurs Denham et Clapperton. Cette antilope seroit donc de l’Afrique centrale; 5° l’ANTILOPE BARBUE (4. barbata, H. S.) (5), que Daniells, dans ses scè- nes d'Afrique (n° 24), a représenté sous le nom de takhaise, légèrement corrompu du mot fakhitse, cité par Truter et Somervilles dans les Éphéméri- des géographiques de 4807 ( p. 274). C'est encore le bouquetin à crinière de M. G. Cuvier. Sa taille est celle d’un petit cheval. Son pelage est bleu cen- dré , teinté de roux, que relève une raie noire pla- cée entre les yeux. Les cornes sont recourbées, à peu d’anneaux. Sous le menton pend une longue barbe, et des.crins forment une crinière brune. Long de six pieds ; les cornes ont de quinze à dix-huit pouces. JL habite l’intérieur de l’Afrique. (") Proceed., t. III, p. 47. (>) Obs. zool., p 87. () Cornubus erectis, apice recurvis, compressis , dorso rotundato, carinatis, rugosis ; patria ignota. Herm. () Pilgrims. (5) A. Truteri, Sish., Syn. 478 ; capra œthiopica, Schinz. TTL. LES ORYX DE BLAINVILLE, Oryx. Ont, les mâles et femelles, des cornes déjetées ho- rizontalement, très longues, acérées, tournées en spirale à leur base. Les oreilles sont longues, les larmiers nuls, le mufle velu. La queue tombe jus- qu'aux jarrets, et se termine par une touffe de crins. Les femelles ont deux mamelles; leur tailleest forte, et leur coloration est assez généralement rousse ou cendré vineux sur un fond blanc. M. Ruppell a découverten Abyssinie une antilope de la taille d’un cerf, nommée beisa, qu’il suppose être l’oryx des anciens. Ce sont : 4° la GAZELLE PASAN de Buffon (antilope oryx, Pallas), le gemsbok des colons du Cap, qui vit solitaire ou en petites troupes sur les montagnes du cap de Bonne-Espérance : ce ne peut être l’oryx dés anciens, et le nom de pasan lui a été donné par erreur par Buffon; 2° l’ANTILOPE BEISA ( À.beisa, Rupp., pl. 5) est voisine de l’oryx. Elle vit dans la Nubie, l’Abyssinie, et ses longues cornes droites dir gées en arrière la rendent remar- quable. Son pelage ras est gris fauve sur le corps, blanc sur les joues, les parties inférieures et les membres. Le flocon de la queue est noir : une pla que noire et deux brides de cette couleur occupent le chanfrein , les joues et le cou. Une écharpe noire sépare le roux des flancs du blanc du ventre. Les membres antérieurs ont deux plaques noires. La queue est de cette dernière couleur. 5° l’ALGAZEL (A. leucoryx, Pallas ) (!), qui semble être l’oryx représenté sur les bas-reliefs desanciensmonuments, et décrits par Oppian et Pline. C’est un animal à pelage blanchâtre, avec des nuances roussâtres à diverses parties. Les cornes sont courbées en demi- cercle, fort pointues, tournées en spirale à leur tiers antérieur. Elle vit dans l’Afrique sep entrio- nale, depuis la Nubie jusqu’au Sénégal; mais elle est surtout commune dans le Sennaar et le Kordo- fan, où les Arabes la nomment abu-larb. Il paroît que sa nourriture de prédilection consiste en feuil- les de l’acacia tortilis de Forskahl, et aracia Ehrimbergii de Hayn. Suivant M. Hamilton Smith, on la retrouve à Bahrein-Mekran, et dans les dé- serts de la Perse. Les habitants de cette partie du monde lui donnent le nom d’el walrush et buhrus , les Indiens l’appellent gauh-bahrein, les Arabes jachmur on yazmur ; 4° on regarde, comme une espèce distincte l’ANTILOPE TAO ( H. Smith), le {ao des Égyptiens et des Juifs, de grande taille, ayant des cornes longues de trois pieds quatre pouces et très () Lichst., pl. 4. Ehremb, 4er déc., pl. 3; gazella, L,; avswlwy, d'Eustath.; Egypte, pl. 18, fig. 9 et 10. 68 538 robustes, fortement contournées en spirale. Son cou est remarquable par sa longueur, et ses formes sont élégantes. Le pelage est varié de blane et de roux ; mais le mufle, les tempes, les joues, le cou et les membres ont une teinte cendrée Les yeux sont en- tourés d'un léger rebord noirâtre. La crinière et la houppe de la queue sont blanches. Cette espèce habite la Nubie et les contrées intérieures de l’Afri- que boréale ; 5° l’ANTILOPE À BÉZOAR (A. bexoar- tica, H.S$.), qui n’est peut-être qu’une variété de la leucoryx, a ses cornes grêles, recourbées, marquées de trente-six anneaux simples ; sa tête est allongée, et son cou est court; son corps est massif, mais sup- porté par des membres souples ; les yeux ont des larmiers, et la crinière cervicale se compose de poils courts et blanes. La tête est blanche, avec une tache obseure à la base des cornes et autour des yeux. Le pelage est généralement brun cendré. Elle habite les mêmes contrées que les précédentes; 5° l’ADDAX (A. adiax, Lichst. ) (!), de la taille d’un âne, à cornes contournées, pointues, annelées, à pelage blanc lavé de jaunâtre, ou brun roux en avant et blanc en arrière. La crinière frontale rousse; un croissant neigeux sur le front. Le jeune âge est blanc, et ses cornes sont droites. Les Arabes lui donnent le nom d'abu-akasch, akas, où adas. M. Lichsteinstein pense que cet animal est le véri- table a/dax ou stre siceros de Pline (lib. XE, c.57), qu’on voit figurer sur une foule de bas reliefs égyp- tiens. L’addax est commun dans le Sennaar et le Kordofan; 6° le cuinu (A. komas, H.S.) (?) du Népaul, a le pelage bleu grisâtre, passant au fauve roux sur le dos. Son poil est très fourni, long d’un pouce ; le ventre est blanc, etles jambes sont noires. Ses dimensions sont de cinq piedsquatre pouces. Ses formes sont élégantes, et ses mœurs sont douces. Elle est commune dans la vallée de Tingri-Maida dans les montagnes de l’Hymalaya; 7° l’ANTILOPE DEFASSA (4. defassa, Rupp. pl. 5), varie suivant les sexes. Le mâle a des cornes robustes, acuminées, recourbées, lisses à la pointe et annelées au milieu du bord externe. Le front est roussâtre. Son pelage est brun, avec du blanc aux fesses, au cou, au mufle. Les extrémités sont noires. Elle vit en Abys- sinie, et son nom indigène est defassa , tandis qu’on la nomme bura dans le Kordo'an. La femelle n'a pas de cornes ; 8’ l’ANTILOPE DECULA ( A. decula, Rupp., pl. 4), a les cornes à peine recourbées, triangulai- () PI. 2; Hemp. et Ebr., pl. 4 : Ruppell, pl. 7 ; Zool. Journ.,t. IT, p. 59, et t. IV, p. 264%. Addax, Fr. Cuw., Mammif. Antilope gibbosa, Savi, Memorie, Fiz., in-8° ; Ball.,t XX, p.163. ( Addax en pelage d'hiver) G) À. chiru, Less. man.; chirsu, Ann. of Phil., 40 et 59; antilope Hogsoni, Abel, Edimb. Journ., 1827, p.163 ; Proceed. zool. soc., I, 52; II, 44, et LIL, 410 ; Bull, t. XV, p. 141. HISTOIRE NATURELLE : res à la base, et recouvertes d’anneaux obsolets. Son pelage est bai brun, tirant au nord sur la ligne dor- sale et sous le ventre. Une ligne blanche, traversée par trois ou quatre raies de la même couleur, forme une sorte de carré sur le dos. La queue floconneuse au bout, est rousse terminée de noir, mais blanche en dessous. Elle vit en Abyssinie, où elle est nommée decula. IV. LES GAZELLES. Gazella. Ont les cornes des deux sexes inséréesau-dessus des yeux et presque verticalement, mais leur sommet est recourbé en avant,en même temps qu’elles se déjet- tent en lyre sur les côtés. Elles sont noires, annelées ou striées. Elles ont des larmiers et des pores ingui- naux, le mufle velu; la face de la plupart des espèces est foncée en couleur ou bariolée. Leurs yeux sonttrès grands, leur queue est courte, légèrement flocon- neuse au bout. Les femelles ont deux ou quatre ma- melles, elles vivent en troupes dans les plaines. 4° La PYGARGUE (A, pygarga, Pallas), le blassbok des colons du Cap, de la taille du chevreuil, à cor- nes rondes, noires, rugueuses, le pelage fauve clair, brun sur les flancs, blanc au front, sur le ven- tre et à la croupe. Elle vit en troupes au cap de Bonne-Espérance. Le jeune âge de cette antilope paroît avoir été décrit comme espèce sous le nom d’ANTILOPE MASQUÉE (!) par M. Wood. 2 La myTiI- LOPE ( À. mytilopes, S. H. ), de l’Afrique occiden- tale, ades cornes grêles , en lyre, à treize ou quatorze anneaux, et prenant naissance du milieu d’une grande tache rousse. La bande longitudinale est d’un blanc ocreux ; des marbrures blanches se dessinent entre les épaules et sur le dos. 5° La CHÈVRE SAu- TantTE de Buffon est l’antilope euchore de Forster (?) ou la gazelle à bourse, que les colons du Cap nom- ment springbock. Elle vit en grandes troupes dans le midi de l’Afrique. 4° La GAZELLE ( À. drcas, L. et Pallas )(#), décrite par Buffon, etreprésentée sur une foule de bas-reliefs égyptiens. Elle est répandue dans tout le nord de l’Afrique par troupes considé- rables, et les poëtes orientaux ont emprunté à sa physionomie un texte inépuisable de comparaisons gracieuses. 5° On en distingue la CORINNE ( À. corinna, Gm.), qui ne diffère que par des cornes plus grêles. Quelques auteurs supposent que la corinne n’est que la femelle de la gazelle. 6° Le KEVEL (À. kevella, Gm.), dont les cornes sont () À. personata, Wood, Proceed., II, 45; Zool. journ., II, 524, et V, 2. 2) À. euchore, Lichst., pl. 7. (3) Lichst., pl. 5. DES MAMMIFÈRES. compriméés à leur base avec des anneaux peu nom- breux, 7° L’ARABIQUE ( À, arabica, Hemp. et Ehr. ) (!) autre espèce fort voisine de la gazelle dor- cas, mais à cornes annelées jusque proche la pointe. 8° L’auu de Kæmpffer ( À. sulgutturosa, Gm.), la véritable fseyrain des Persans et des Turcs, qui ne se distingue que par une éminence légèrement goîtreuse sur le cou. 9% L’ANTILOPE DE BENNETT (A. Bennétii, Sykes ) (?) à cornes noires, à huit ou neuf anneaux, à pelage brun roussâtre en dessus, blanc en dessous, ayant sur les flancs une bande peu marquée, des bandelettes noires sur le milieu de la face, et s'étendant de l’œil à la commissure de la bouche. Sa queue est noire. Les Mabrattes la nom- ment kalsipi ou queue noire, et les Anglois goat antelupe ; elle vit dans les montagnes rocailleuses du Dukhun. 10° La cora ( A. cora, H. $S.) à cor- nes très grêles, à peine longues de cinq pouces, des provinces limitrophes du golfe Persique dans l’Ara- bie orientale. 11° L’ANTILOPE DE SOEMMERING ( À. Sœmmeringii) (), qui habite l’Abyssinie, remar- quable par son pelage soyeux isabelle et son chan- frein noir (‘). V. LES DAMÉES. Dane. Ont les cornes réfléchies , annelées, très recour- bées à leur sommet, qui est lisse. Leur cou est al- longé, et montre constamment en avant et à son milieu une tache blanche. Le type de cette petite tribu est le NANGUER de Buffon ( A. dama, Pailas), de Nubie et du Sénégal, que lon suppose être le dama de Pline (), et que M. Bennett se propose de nommer anlilope nanguer. La deuxième est l’ANTI- LOPE ADDRA (6) où LEDDRA, de la Nubie ou de la Haute- Egypte, décrite et figurée par M. Lichsteinstein (p'. 5 et 4), par M. Ruppell (pl. 14 et 16), et par MM. Hemprich et Ehremberg (pl. 6), sous le nom d’antilopedama. Enfin, on doit en distinguer encore 6) PI. 5,etLichst , pl. 6. (2) Proceed., I, 104. (5) À. nasomaculata, de Blaïnv. (5) Cretzm. in Ruppell, pl. 19: Corpore supra colore isabellino , pilis quasi sericatis, suturis undique im- plicatis nitescente; infra splendidé albo, facie, fronte, fuliginoso-nigris, tænia alba superciliari, basicornu ad rhinarium usque descendente ; cornubus annula- tis, reclinatis, apicibus levibus introrsum flectis ly- ratis. 6) Antilope supra fulva, infrà, prymna, clunibus- que totis albis. (Proceed., I, 2.) Antilope ruficollis , A.Sm. (6) A. colo dorsoque medio diluté fulvis ; infra, prymnä, dorso posteriore , lateribusque albis. { Pro- ceed, IT, 2.) 539 P’ANTILOPE MHOKS (1!) qui habite Mogadore, sur la côle de Barbarie. Ces trois espèces paroissent être taillées sur un même type, comme le sont la gazelle, la corinne et le kevel. Ni LES ANTILOPES. Antilope. N'’ont de cornes que chez les mâles, et leur dis- position ne simule point une lyre. Ces cornes s’in- sérent au-dessous de la crête frontale, et sont contournées en spire ou en forme de spirale. Les Jar- miers sont amples, les pores inguinaux marqués, un mufle dénudé très rétréci; deux mamelles chez les femelles , et le plus ordinairement des brosses. Les vraies antilopes vivent en famille et en grandes troupes dans les plaines. Buffon a décrit trois es- pèces de cette tribu : 4° le sarca ou le coLus de Strabon (?) (antilope saïga, Pallas), du midi des landes de la Pologne et de la Russie ; 2° le DSHEYRAN des Mongoles ou la chèvre jaune des Chinois ( A. gutturosa, Pallas ) (#) des plaines arides du milieu de l’Asie ; 5° enfin la gazelle antilope ou l’antilope des Indes (A. cervicapra, Pallas), commune dans le Dukhun, où les Mahrattes la connoissent sous le nom de bamunni-hun; 4° le cor (A. adenota, H. S.), répandu dans l’ouest et le centre de l’Afri- que, à pelage brun cannelle, la queue courte cou-- verte de crins noirs ; 5° l’ANTILOPE DE GAMBIE (A. forfeæ, H.S.), de l'Afrique occidentale et centrale, a le corps épais, le front large, et un long paquet de poils aux oreilles; son pelage est fauve brunâtre, blanc en dessous : on remarque une tache blanche encadrant chaque œil ; la queue est courte, terminée par un flocon noir. VLT LES NAGORS, OÙ LES CERVICHÈVRES DE BLAINVILLE. Redunca. N'ont de cornes que chez les mâles. Celles- ci sont situées au - dessus des yeux. Elle: sont proclives vers le sommet, noïres, annelées à leur base, lisses à la pointe, et de forme grêle et courte. Les oreilles sont longues, ovalaires et ouvertes, Les (9 À. obscurè badius ; facie albïda, vittis tribus gri- seis vel nigrescentibus ; prymnà, lincäque latà utrin- que inde antrorsum ductà, caudä, ventre, artubusque internè anticè posticèque albis; coloribus abruptis. (Proceed., ITE, 2.) (2) Screber, pl,276. (5) Screber, pl. 273. 540 larmiers sont incomplets; le mufle est petit; les pores inguinaux marqués ; les brosses manquent, la queue est en touffe médiocre; les poils sont longs, frisés. En général, leurs formes sont robustes, et les femelles ont quatre mamelles. La plupart des anti- Jopes de cette tribu vivent en troupes, exclusive- ment en Afrique. Le type est, 4° le xaAGoR (1) de Buf- fon (A. redunca, L. et Pallas), brun roussâtre , qui vit au Sénégal , et dont l’antilope Delalande (4. De- lalandii, Desm.), ne paroiît être qu’un jeune âge; 20 le RITBOK ‘À. eleotragus, Screb.) (?\, cendré blan- châtre , lavé d’ocre, ayant les poils de la gorge al- longés. L’antilope isabelle (3) n’en est qu’une variété légère, ayant sur le front une place triangulaire dé- nudée ; 5° l’ourÉBI (À. scoparia, Screb.) (#), qui vit dans la Cafrerie. Ses cornes sont petites, presque droites, marquées de six anneaux. Les genoux sont couverts de longs pinceaux. Une tache blanche existe sous les oreilles; des sourcils blancs encadrent les yeux, et le pelage est brun tanné; 4° l’antilope vil- leuse (4. villosa, H. S.), à cornes ayant treize an- neaux, une tache noire devant les yeux, un pelage mou, villeux ; 4° l’antilope montana de Ruppell (), se rapproche beaucoup de l’ourébi, dont elle n’est peut-être qu’une variété. VIIL. LES TRAGULES. Tragulus. N'ontde cornes que chezles mâles, insérées au-des- sus des yeux, et plus courtes que les oreilles. Elles sont noires, minces, droites, séparées , parallèles, le plus ordinairement sans anneaux ni stries. Leurs oreilles sont longues ; leurs formes corporelles sont sveltes et leurs membres grêles. Leur tête est ar. rondie, marquée d’une tache noire devant et autour des yeux. Les larmiers existent; le mufle est noir et petit; la queue est très courte, les pores ingui- naux sont apparents. Les brosses manquent, et les femelles ont deux mamelles. Toutes les espèces sont monogames, vivent isolées dans diverses loca- lités de l'Afrique. Le type de cette tribu est, 4° le steenbok(A.tragulus, Forst.) (6), à très grandesoreil- les, à queue courte, et qui vit au Cap. Son pelage est brun fauve : on réunit à cette espèce le grisbok (A. () Buffon, XII, pl. 46 ; Screb., pl. 265. (2) Lichst., pl. 9. 6) A. isabellina, Afzelius, Lichst., pl. 10. (4) Lichst., pl. 43. (5) Zool. journ.,t. IV, p. 390: Antilope corpore supra badio, infra albo; cornubus levibus erectis ; regione parotica macula nuda rotunda ; cauda brevi. Cretzm. in Ruppell, pl. 3. (6) Lichst,, pl. 14: antilope rupestris, H.S. HISTOIRE NATURELLE melanotis, Afzel. (1), et le vlackte steenbok des Hol- landois du Cap, qui est l’antilope rufescens du voyageur Burchel} ; 2° le KLIPPSPRINGER Ou RITBOK (4. oreotragus, Forst.) en est bien voisin. Ce dernier a été décrit par Buffon; 5° le BLEEKBOK de Forster (A. pediotragus, Afzel.) (?), qui se rapproche du me- lonotis (3), est roux pâle, passant au jaune blanchâtre. Il est rare dans la Cafrerie, sa patrie; 4° le REE- BOCK ( À. capreolus, Lichst., pl. VIII), à longues oreilles, à cornes prolongées, grêles, à pelage bleu cendré; il vit au Cap, dans les endroits marécageux. Il est rare. IX. LES RAPHICÈRES. Raphicerus. Vivent en Asie. Leur taille est petite, leur front étroit; leurs cornes sont rugueuses, sans stries ni anneaux. Elles sont noires, grêles, très acérées, presque droites ; on ne connoît point les animaux qui portent ces cornes, et les deux espèces distin- guées ne le sont que par leur armure. Ce sont : V'ANTILOPE ACUTICORNE (A. acuticornis, de Blainv.), et l’A. SUBULÉE (4. subulala, H. S.), toutes les deux des Indes orientales. D. LES TÉTRACÈRES. Tetracerus, LEACH. N'ont de cornes que chez les mâles, et ces cornes sont au nombre de quatre. Elles sont droites, pa- rallèles, séparées, sans rides, grêles, lisses, noires, acuminées. Les inférieures sont placées entre les orbites. Leur forme est conique, courte. Les lar- miers sont amples, leur queue est courte. Les deux espèces de cette tribu, décrites dans ces dernières années, sont monogames, et habitent exclusive- ment l’Asie. Ælien en a parlé (lib. XV, cap. 14) sous le nom d’oryx à quatre cornes. Ce sont : 1° le CHICKARA Ou TSCHICARA (À. chicarra, Hardw.) (i), de la taille d’un chevreuil, et généralement fauve. On le trouve dans les forêts de l’Indoustan ; 2° la QUADRICORNE (A. quadricornis, de Blainv.), bru- nâtre sur le corps, blanchâtre en dessous. Les cornes antérieures sont proportionnellement plus grandes que les postérieures. On la rencontre sur la rive orientale du fleuve Burampoutre, dans l’Inde, et peut-être dans le Népaul. (:) Antilope melanotis| :Lichst., pl. 12. À. pediotra- gus, Afzel. (2) Lichst., pl. 45. (3) À. grisea ; antilope melanotis, Afzelius. (:) Zool. journ., II, 267 ; Trans. Soc. linn., XIV, pl. 15; Fr, Cuvier, Mammif. / Un Clipie 4e DE rlope a Corne déformées : LA Lublie par Pourrat F. a Zarrs DES MAMMIFÈÉRES. XI. LES CÉPHALOPHES. Cephalophus. N'ont de cornes que chez les mâles : celles-ci sont petites, droites, penchées en arrière, implantées sur le haut du front, noires, légèrement rugueuses ou annelées. Le mufle est large; les poils du sinciput forment un épi plus ou moins allongé et noir. Un sac ouvert, et placé entre les orbites et les narines, accompagne souvent les larmiers. Le plus ordinai- rement les genoux n’ont point de brosses. Les fe- melles ont deux ou quatre mamelles. La queue est courte, floconneuse. Les teintes du pelage sont en général obscures, et leur taille est médiocre. Les espèces de cette tribu sont solitaires, et se plaisent dans les champs couverts de buissons ou dans les petits bois découverts. Ce sont: 1° Le BUSH-GOAT des colons de Sierra-Léone (A. syluicultrix, Afzel )(), fauve , avec une large tache isabelle sur le milieu du dos. Cette antilope vit solitaire sur les plateaux buissonneux des montagnes de Sierra-Léone. On doit très probablement lui réunir l’antilope platyotis d’'Hamilton Smith, qui n’en diffère que par son pe- lage brun jaune blanchâtre, passant au gris de cen- dres en dessous. On la rencontre dans les montagnes des districts occidentaux de la Cafrerie. 2° L’anti- lope quadriscopa (H. S.), des rivages de l’ouest de l'Afrique, brun jaunâtre cendré, blane sous le corps, avec des brosses obscures aux genoux. 53° L'ANTILOPE DE BURCHELL (A. Burchellii, H. S.), marquée de trois bandelettes sur ses oreilles qui sont amples et très longues. Une touffe de longs poils bruns recou- vre le front; le corps est brun rougeâtre en dessus, cendré en dessous. Elle habite la Cafrerie. 4° Le DUIKER (?) (A. mergens, de Blainv.), ou l’ANTiILOPE PLONGEANTE, brun fauve clair, ayant du blanc sous le menton, la queue et le ventre, le museau noir et le front roux. Son nom lui vient de la manière dont elle se précipite dans les fourrées quand on la pour- suit. Elle est commune dans la Cafrerie. 5° Le Prox (4. ptox, H.S.), ou l’antilope grimmia de Pal- las (3), brunâtre pâle, avec une bande longitudinale obscure. Elle vit dans le sud et l’ouest de l'Afrique, plus particulièrement dans la Guinée. 6° LaiGRIMME () (4. grimmia, Fr. Cuv.), gris fauve, à chanfrein noi- râtre, ayant aussi une petite touffe de poils sur la tête. De la côte de Guinée. 7° La MaxWELLE (4. {) Act. Ups., VII, 1238. @) Lichst., pl. 11. G) Misc., pl. 1, p. 1; Spicil.zool.I, 38. (4) Moschus grimmia. L.; capra grimmia, ibid.; tra- galus africanus, Briss.; la grimme, Buffon, pl. 41, fig. 2 et 3. 541 Maxwellii, H. S.), brunâtre, à thorax blanc, à queue noire, le chanfrein obscur, avec une tache noire sous l’œil. Habite Sierra-Léone, et ressemble beau- coup à la grimme. 8° Le blauw-bockjé de la Cafrerie (4. cærula, H. S.), figurée dans les scènes africai- nes de Daniells, est d’une couleur ardoisée passant au bleu violacé sur le corps, au blanc pur en des- sous. 9° L’antilope perpusilla (H. S.), brunûâtre tanné en dessus, blanc en dessous, avec des oreilles courtes et arrondies. De la Cafrerie, et peut-être une variété de la précédente. 10° Enfin, l'antilope philantomba (H. S.), brun cendré, plus foncé sur les cuisses, et qui pourroit bien être le guevei rajor des Ethiopiens. Elle provient de Sierra-Léone, XII. LES NÉOTRAGUES. ME 1 Neotragus. N'’ont point de cornes chez les femelles. Celles des mâles sont déjetées, grêles, foiblement annelées. Leur museau est pointu, leur mufle petit, leur queue courte ; les femelles ont deux mamelles, et les deux sexes n’ont qu’une petite taille. Les espèces connues de cette tribu sont d’Afrique. La première est le QuE- VEI Où l’ANTILOPE PYGMÉE (A. pygmæa, Pallas) (1), est cendrée, avec une ligne pâle de chaque côté du front qui est noirâtre. C’est le boschbokje des colons du Cap et le véritable ourebi des Hottentots (2). La deuxième est l’ANTILOPE MADOKA (A. madoka. H. S.) (3), bleu ardoisé, la tête et les joues roux vif, le bord des oreilles, le tour des yeux, blanc. Les flancs et le dessous du corps blanc de neige, les jambes roux doré maculé de blanc en avant. Toute la région anale est blanche. Elle habite l'Abyssinie où elle porte le nom de mado!a. La troisième espèce est l'ANTILOPE DE SALT (1. salliana, de Blainv.) (f), gris ardoisé clair, à front roux ferrugineux. Les mem- bres lavés de roussätre ainsi que les flancs. Elle ha- bite également l’Abyssinie. D. Q 1] D LES TRAGÉLAPHES. Tragelaphus. N'ont des cornes, à ce que l’on suppose, que chez ; les mâles ; elles décrivent des tours de spire carénés et anguleux; elles s’implantent sur les os du front (‘) Lichst., pl. 16, fig. 1. () Le nom d'ourebi a été transporté à l’A. scoparia. () Antilope saltiana ; Cretzschmar in Ruppell, pl. 21. &#) Lichst., pl. 16, fig. 2; Ehremb. et Hemp., 1er déc., pl. 7. 542. et sont déclives; le mufle est à peine réduit à une petite place dénudée. Les larmiers n’existent point. Les femelles ont quatre mamelles. Le pelage des mâles est agréablement bariolé, et leurs formes, bien que tirant sur celles des chèvres, ne sont pas sans élégance. Buffon en a connu deux espèces, le BOSC-BOCK (À. sylvalica, Sparm.) et le cuiB (A. scripta, Pallas). On doit ajouter à cette tribu l’an- tilope phalera'a (HE. S.) (1), roux, ayant une ligne dorsale noire, des bandelettes blanches sur les côtés et neuf raies perpendiculaires sur les flancs. Cette antilope habite les petits bois de l’ouest de 1 Afrique, sur les rives du Congo. XIV. LES NEMORHÉDES. Nemorhedus. Ont le facies des chèvres, des cornes, chez le mâle seul probablement, courtes, grêles, recourbées, annelées à la base ; leur mufle est petit, leurs poils sont rudes, à teinte obscure, leurs membres sont robustes. Les deux espèces connues vivent dans les forêts montagneuses de l’Asie et de la Malaisie; ce sont : 1° La GorAL ( À. goral, Hardw.) (?), figurée par M. Fr. Cuvier ($) sous le nom de bouquelin du Népaul, et qui vit sur les montagnes du Népaul et de l'Himalaya, où il porte le nom de goral. Ses cornes sont courtes, lisses, son pelage est gris cendré, plus pâle en dessous. Là bouche est bordée de blanc, la queue est courte, terminée par un flocon de poils. On dit sa chair très délicate. 2° La camBixG (4. su- matrensis, Penn., Desm.) (‘), sur laquelle sir Raffles a fourni les renseignements suivants : « La kambing-utan ou la chèvre sauvage de Su- matra a été figurée dans la dernière édition de l’His- toire de Sumatra de M. Marsden, et cette figure est exacte, bien qu’elle n’exprime pas entièrement le caractère d’esprit et de vivacité qui distingue le sujet vivant. J'en gardai une quelques mois, mais il fut impossible de l'apprivoiser, et elle finit par mourir de chagrin d’avoir perdu sa liberté. C’est un anima! très fort, etc. » Cette antilope a des formes trapues, un mufle assez grand , un pelage long, très fourni, d’un brun presque noir, n’ayant de blanc qu'aux épaules, au haut du cou et en dedans des oreilles. Ses cornes sont noires, rondes, courtes et aiguës au sommet, annelées et légèrement arquées en arrière. Elle ha- bite les montagnes de la grande ile de Sumatra. () Décrite sous le nom d’À. scripta par Desmarest. (1 Zool. journ., t. 11, p. 267; Trans. Soc. lino., L, 1#, p. 518, pl. 14. (8, Mammif., 44e liv. (+) Mammif, ( Atlas, pl. 62, fig. 1.) HISTOIRE NATURELLE Peut-être n’en doit-on pas distinguer l’antilope Du- vaucelii, cendrée blanchâtre, ayant les lèvres, le menton et la gorge blancs, une crinière courte et dressée, des cornes plus penchées et marquées de peu d’anneaux. 3° L’ANTILOPE CRÉPUE (!) est voisine du cambtan et du goral. Elle vit dans les iles du Japon. Son pe- lage est formé d’une laine grossière, longue et frisée, grise blanchâtre lavée de brun en hiver, puis d’un brun clair assez franc en été. Sa queue est courte. Ses cornes sont régulièrement courbées en arrière comme chez le cambtan de Sumatra. XV. LES CHAMOIS. Rupicapra. Ont aussi le port des chèvres; des cornes, dans les deux sexes, dressées, grêles, annelées à la base, brusquement recourbées à leur pointe. Leurs mem- bres sont forts ; les pores inguinaux sont apparents ; les femelles ont deux mamelles ; les poils sont de deux sortes, des soyeux et des laineux. Leur taille est médiocre. La seule espèce de cette tribu est lPYsarp des Pyrénées ou le cHAmoIs des Alpes (À. ru- picapra, L.), déerit par Buffon, animal de l'Europeët du nord de l’Asie. M. Hamilton Smith distingue une variété de Perse. XVI. LES APLOCÈRES. Aplocerus. Ont le port des moutons, des cornes courtes, brè+ ves, annelées et légèrement recourbées, mais point de larmiers ni de mufle, et une queue très courte. Ils vivent exclusivement sur les montagnes de l’A- mérique septentrionale. Ce sont (2,: 4° L’ANT.LOPE LAINEUSE (A. lanata, H. S.) (3), dont les cornes noires ont cinq pouces de longueur. Son pelage est blanc jaunâtre, très épais, composé de longs poils droits recouvrant des poils laineux et courts. Elle habite l’Amérique du Nord depuis l'océan Pacifique jusqu’au lac des Bois, près le lac Supérieur (#). 2 La MAZAME (A. mazama, H. S.) de taille moindre que {:) Antilope crispa, Temm., Faune Jap., p. 12. () Observations on sonre animals of América allied to the genus antilope by Charles Hamilton Smith, read may 4819. (Trans. Soc. linn., Lond., t. XHI, pl, #4, et p.33 et suiv.) (3) Ovis montana, Ord.; rupicapra americana, de Blain v. (Atlas, pl. 68 ): À. americana, Desm., 782. (4) Dans le voyage du capitaine Bonneville on trouve de curieux détails sur cette antilope laineuse, qu'il ap- PAD] DJ JDIINO 4Dd NU] 4 / frruu? * vveur] odopnuy 21")7 LA pr Se £ d / Mr 6 a Corne d f° urchueo f Anulope furcifer, c nil , A .ZLes cornes dans leur entier developpement , Puble par Pourrat F, a Paru , P DES MAMMIFÈRES. celle d'une chèvre domestique, à pelage brun pâle (1), -roussâtre en dessus, blanc jaunâtre sur le menton, la poitrine et le dedans des membres. Sa queue est épaisse et courte. Ses formes sont trapues. Elle ha- bite le Mexique. 5° La TÉMAMAZAME (A. lemama- pelle mouton laineuæ, et sur le mouflon américain, ou ahsahta. (Trad. franç., t. 1, p. 38 et suiv.) «Parmi les objets remarquables de ces régions pitto- resques, le capitaine Bonneville vit pour la premiére fois des troupeaux d’ahsahta, ou longues cornes, ani- mal qui fréquente en grand nombre ces rochers Il ca- dre parfaitement avec la nature du paysage, el ajoute beaucoup à son effet romantique Les cornes de ces ani- maux descendent en courbes multipliées plus bas que leurs museaux. Bondissant de roc en roc, comme des chèvres. on les voit souvent longer par troupesles hautes crêtes des montagnes, sous la conduite ‘de quelque vé- pérable patriarche ; et quelquefois perchés sur l’extré- mité d’un précipice à une si grande hauteur, qu'ils ne paroissent pas plus gros que des corbeaux. En effet, ce semble être pour eux un plaisir que de rechercher les lieux les plus escarpés et les plus effrayants, obéissant par là, sans doute, à un instinct de sécurité. » Cet animal est habituellement appelé le mouton des montagnes, el il arrive souvent de le confondre avec un autre, le mouton laineux, qu’on rencontre plus avant au nord, vers le pays des Têtes-Plates. Ce dernier habite également les rochers en élé, mais descend dans Îles vallées en hiver. Il a une laine blanche comme celle du mouton, mêlée à un poil rare et long; mais il a les jam- bes courtes, le ventre bas et une barbe comme la ché- vre. Ses cornes sont longues de cinq pouces, légère- ment recourbées vers la terre, noires comme du jais et d’un poli brillant. Ses sabots sont de la même couleur. Cet animal n’est pas, à beaucoup prés, aussi agile que la longue-corae; il bondit beaucoup moins, mais s’assied fréquemment sur les hanches, Il n'est pas non plus aussi abondant ; rarement on en voit plus de deux ou trois à la fois. Il n’a de commun avec le mouton que sa laine; il appartie:t plutôt au genre chèvre. On prétend que sa chair a un goût de moisi; il en est qui pensent que sa toison pourroit être précieuse, attendu qu'elle* est, dit-on, aussi fine que celle de la chèvre de cache- mire; maison ne peut se la procurer en quantité suffi- sante, » Au contraire, l’ahsahta-argali, ou longues-cornes, a le poil court comme celui du daim, et lui ressemble pour la forme, mais il a la tête et les cornes du bélier : on assure que la chair est du mouton délicieux ; les Indiens la considérent comme un morceau plus friand et plus délicat que toute autre espèce de venaison. Il abonde dans les montagnes Rocheuses, depuis le 50e degré de latitude nord jusqu'à la Californie, en général dans les plus hantes régions capables de végétation. Parfoisils se hasardent dans les vallées; mais, à la moindre alarme, ils regagnent leurs rochers et leurs précipices favoris, où le chasseur ne pourroit les suivre sans danger *,» () Mazama seu cervus cornutus, Seba, pl. 42, fig. 3. antelope of honduras? Anders. hist. ofhonduras, in-8o: * Dimensions d'un mâle de cette espèce : du nez à la naissance de la queue, cinq pieds. Longueur de la queue, quatre pouces. Circonférence du corps, quatre pieds. ny potes de om huit pouces. Les cornes, trois pieds cinq pou e long, sur une largeur se, d’ pied trois pouces. ci F CnaR.4 lé bas don \ 543 zama, H.S.)(1), a des formes assez déliées, des oreilles longues, étroites, un pelage fauve en des- sus, blanc en dessous, des cornes longues de cinq pouces et un peu courbées en arrière, Elle a été ob- servée près des sources de la rivière Rouge, dans l'Amérique du Nord. XVII. LES ANOA. Anoa (?). Ont un peu le port d’une vache. Leurs cornes sont situées sur le haut du front, leurs formes peu élégantes sont trapues ; leur queue est assez longue ; leur corps épais est bas. Le chanfrein décrit une ligne droite. La seule espèce connue habite l’île de Célèbes, où elle est nommée sapi-outang ou vache des bois des Malais. C’est l’antilope depressicornis d'Hamilton Smith (3). Par sa forme trapue elle res- semble à un jeune buflle; ses jambes ont peu de hauteur. La tête est grosse, le front large, le mufle peu saillant. Les cornes à peine divergentes sont courtes, droites, déprimées d’arrière en avant, et à la base qui est plus ou moins annelée. Elles se ré- trécissent assez brusquement vers les deux tiers su- périeurs internes. Elles sont très lisses, très poin- tues et d’un noir luisant. Le larmier n'existe pas. Le cou est gros et court, peu cambré. Les jambes, surtout celles de devant, sont légèrement torses comme celles des bœufs. La queue, courte et grosse à la base, est pourvue d’une touffe de poils noirs à l'extrémité, La femelle a quatre tétines. La couleur des individus diffère assez fortement. Un mâle avoit un pelage brun clair plus foncé sur le dos que sur le ventre où cette couleur s’éclaircissoit. Les mem- bres étoient d’un brun chocolat plus prononcé. Le poil étoit fin, rare, assez court, excepté sur les membres, où il étoit plus fourni. Un autre individu femelle, plus gros, plus trapu, à queue grêle et encore plus bas sur jambes, étoit tout noir, et avoit beaucoup plus de rapport avec un jeune buffle que le précédent. Un jeune étoit brun, un autre tiroit sur le fauve. Cet animal vit dans les bois; on le dit très sauvage et dangereux par les blessures qu'il peut faire avec ses cornes. IL est d’ailleurs peu agile. On le trouve principalement aux environs de Manado. (1) Cervus macatl chichiltic seu temamaxzame ? Seba; capra pudu, Molina ? ovis pudu, L.? (2) Loten, ms. (3) A. compressicornis, Leach, ms; antilopes à cor- nes déprimées, Quoy et Gaimard, Ann. se. nat., t. XVII, 4829, p. 423 et pl. 20; Bull., t, XIX, p. 408; Astrolabe, z001., 1.1, p. 136, pl. 26. (Atlas, pl. 65, fig. 2) 244 XVIII. LES IXALES. N'ont qu’une espèce; l’IXALE (1) qui a été décou- vert par le docteur Richardson qui le prenoit pour un individu femelle de l’antilope fuscifer. L'indi- vidu observé appartenoit au sexe mâle, long de quatre pieds dix pouces anglois. La tête n’a point de cornes, mais à la place de celle-ci deux petits “cônes écailleux et nus. Sa coloration est un brun rougeûtre clair, tandis que le thorax et le ventre sont gris blanc. Cet animal tient des cerfs et des an- tilopes, et forme le type d’une nouvelle section, que M. Ogilby nomme ixalus, en donnant à l’espèce le nom d’ixalus probator. LES DAMALIS. HS: … Forment un genre démembré des antilopes des auteurs, et divisé lui-même en plusieurs tribus. Leur système dentaire se compose d’incisives ;; de canines, 0 ; de molaires +. Les deux sexes ont des cornes implantées sur l’os frontal, diversement re- courbées. Leur tête est massive, allongée, leur cou est court, et le dos est élevé au niveau de la pre- mière vertèbre dorsale dont l’appendice fait saillie. Les reins sont abaissés, le corps est épais, les mem- bres sont robustes, la queue plus ou moins longue est pendante. Leur taille est toujours forte. On les divise en quatre tribus. EL. LES ACRONOTES D'AFRIQUE. Acronotus. Répondent aux ALCÉLAPHES de M. de Blainville, ou bubulides de Lichsteinstein. Leur cornes, rap- prochées à la base, ont une double courbure. Elles sont marquées par des anneaux en bas et sont lisses et recourbées à leur sommet. Leur tête est longue et étroite, n’ayant qu’un mufle à peine visible. Les larmiers sont petits, et elles sont dépourvues de pin- ceaux et munies de pores inguinaux. Les épaules sont très élevées et la croupe est abaissée. La queue est longue, terminée par un épais flocon. Les fe- melles ont deux ou quatre mamelles. 4° Le type de cette tribu est le BUBALE ( À. bubalis, Pallas) des anciens ou vache de Barbarie. 2° On en distingue V'ANTILOPE BUBALINE (A. thar, sive bubalina, Hog- 0 Antilope ixalus, Ogilby, Proc., VI, 119 et 135. HISTOIRE NATURELLE son) (1), que les habitants du Népaul appellent thar, et qu'ils estiment singulièrement comme venaison. 5° Le CAAMA ou cERF du Cap des colons hollandois (4. caama, G. Cuv.), a été décrit par Buffon. 4° Le KOBA ou petite vache brune de Buffon (A. senega- lensis: A. koba, Erx].) dont on ne connoît que les cornes, rapportées du Sénégal. 5° L’ANTILOPE à COLLETS (À. suturosa, Otto) (2;, à formes lourdes, à queue longue et floconneuse. Ses cornes sont al- longées, grandes, annelées, recourbées au sommet. Les poils sont secs, inégaux, très longs sur le dos et sur le cou, où ils forment trois bandes imitant de larges collets. Ils sont brun cendré. Le ventre, les pieds et la queue sont blancs. Une tache brune oc- cupe la région frontale, et trois taches blanches se dessinent sur les côtés de la tête. On ignore son pays natal. L’A. nasomaculata de Desmarest se rapproche beaucoup de notre animal. 6° La SASSAYBI de Daniells (african scenery ) paroît être l’antilope lunata d’'Hamilton Smith, et est remarquable par ses cornes robustes, insérées sur le sommet de l’os frontal, et décrivant deux demi-cercles. Elles sont marquées de douze anneaux. Le cou est court, le corps est épais, la tête large. Le pelage est en dessus d’un noir brun rougeâtre, passant au brun en dessous. Les oreilles ont jusqu’à six pouces et demi de lar- geur sur quatre pieds et demi de longueur que pré- sente cette antilope, qui vit dans les pays des Hot- tentots Bojisman.. 11. LES BOSÉLAPHES OU LES ORÉADES DE BLAINVILLE. Boselaphus. Ont des cornes fortes, puissantes, attachées au | sommet de l’os frontal, rugueuses transversalement, légèrement recourbées à leur poirte, de couleur brunâtre ou cendrée , décrivant une arête spirale. Le mufle est distinct ; les larmiers manquent, le cou est garni d'une crinière. Les femelles ont quatre mamelles. Leur taille est des plus fortes. Ils vivent en Afrique. Le type de cette tribu est l’élan du Cap des Hollandois (1. oreas, Pallas), décrit sous le faux nom de coudous par Buffon. On en distingue le canNa ou l’y-gann des Hottentots, qui est plus pe- tit de taille, plus grêle, à tête plus courte, à cornes sans carène spirale, plus rapprochées, longues de dix-sept pouces chez le mâle et de vingt-deux chez la (‘) Proceed., t. If, p. 12 : Cervice jubatä; cornubus brevibus, conicis, recurvis, sulcatis, annulatisque ; suprà nigra, ad latera saturatè fulvo intermixta ; ant. thar., Hodgson. (2) Mém. soc. curieux de la nat.,t. XI, p. 421 ; Zool. journ., t. IL, p. 251. # ES = Re 2 oibbosa — : 24072 gl dé Antilope DES MAMMIFÈRES. femelle. Une bandelette noire s'étend longitudina- lement sur le front. Le pelage sur le corps est cen- dré mélangé de brun; il est blanc sur la poitrine et noir sur les membres. Il habite l'Afrique australe, au-delà du fleuve Gariep. III. LES STREPSICEROS. Strepsiceros. Dont les mâles seuls ont des cornes, lisses, de couleur claire, mais plus foncée au sommet, contour- nées en spirale, recourbées, insérées sur le haut du frontal ; le mufle est large, humide; une longue crinière s'élève sur le cou , une touffe de poils pend sur le menton. L’œil est surmonté d’un trait blanc. Les oreilles sont larges, les épaules sont élevées, la queue est recouverte de longs poils. Leur taille est grande, et l'Afrique est leur patrie. La seule espèce connue est le cOuDOuS (A. strepsiceros, Pal- las ), décrit par Buffon sous le faux nom de con- doma, de la taille d’un cerf, et qui vit isolé au nord du Cap. TV. LES PORTAX. Portax. Ont des cornes attachées aux côtés de la crête frontale. Les femelles en sont privées. Elles sont robustes, courtes, anguleuses, sans anneaux; le imufle est ample; les larmiers sont profonds, les épaules sont élevées par opposition avec l’abaisse- ment du train de derrière. Le corps est court et épais, muni d’une forte crinière sur le cou. Les pieds et la queue simulent ces parties dans le tau- reau. Leur taille est grande. Ils vivent en Asie. La seule espèce connue est le DAMALIS RISIA (HE. S.), le ris’ya ou rishia en langue sanscrite chez les Indous, le nyl-ghau des Perses, le roice des Mahrattes (an- tilope picta, Pallas ) (1), décrit par Buffon sous le nom de nilgaut. LES CATOBLEPAS. H. S. (?). Forment encore un genre démembré des antilo- pes et distingué des damalis. Leur formule dentaire () À. trago camelus, Gm. (2) Connochaeti, Lichst.; Catoblepas, Pline, lib. 8, cap. 32; Ælien, lih.7, cap. 5. 4 CR] 545 se compose d'incisives ©; de canines, 0; de mo- laires, =. Leur tête est presque carrée; leurs cornes sont planes et larges à la base, attachées proche la crête frontale, et sont contournées vers le sommet. Leur mufle est large, leurs narines £reu- sées comme celles des bœufs , et munies en dedans d’une sorte de valvule élastique. Sur les genoux s'élèvent des tubercules glanduleux; le cou est muni d’une crinière, et la gorge est couverte d’une épaisse barbe ; les paupières et les lèvres sont cou- vertes de soies. Le corps et la queue ont les formes et l’aspect de ces parties dans le cheval. Ils vivent en troupes dans les déserts de l'Afrique. Le type de ce genre est le GNOU ou NIOU ( À. gnu, Zim- merm.) (1), qui vit dans les montagnes du nord du Cap. Il a été décrit par Buffon. La seconde espèce est le catoblepas taurina (Burchell), le kohong de Lichsteinstein, le koknu des géographes Trutter et Sommerville , figuré par Daniells dans ses African scenerys, et par Hamilton Smith. Le catoblepas taureau adulte a quatre pieds et demi de hauteur au niveau des épaules ; son bassin est déprimé sur cinq pieds de iongueur à partir du thorax jusqu’à l'anus ; la tête, le cou et les épauies sont des plus robustes, et la tête est à proportion plus courte que large. Les cornes sont plus élargies à leur base que celles du gnou ; elles sont noires et aussi plus sépa- rées et plus irrégulièrement rugueuses. La crinière est longue, flottante, et va jusqu’au milieu des épaules. On remarque sous chaque œil une glande arrondie et nue laissant découler une humeur gluante. Sous le menton pend une longue barbe soyeuse tombant jusqu’à la poitrine. Son pelage est d’un cendré blanchâtre, et la queue, longue de trois pieds trois pouces, est couverte de longs crins noirs. Il vit en troupessur le territoire des Hottentots Bel- januis, au cap de Bonne-Espérance. La troisième espèce est la bastard wild beest des Hollandois du Cap, catoblepas gorgon (H. S.), plus grand que le gnu, ayant comme lui des cornes blanches, mais plus rapprochées, grêles, recourbées en dehors, noires au sommet. Le museau est presque quadri- latère. Les oreilles sont courtes; la crinière longue et flottante dépasse les épaules ; le menton n’a point de poils en forme de barbe. La queue est courte et noire, le pelage brun sale, mélangé de roux cendré avec des raies transversales plus obscures, et quatre ou cinq raies noires entourent les bras. On dit que cet animal féroce et dangereux vit en troupes dans l'intérieur de l'Afrique australe. Enfin on connoiît des cornes d'un catoblepas différentes de celles des trois espèces précédentes, et que M. Hamilton Smith propose d'appeler C. Brooksii. Ces cornes, longues de treize pouces, sont noir luisant, presque () Les Hottentots prononcent tignu. 69 546 planes à leur base, triangulaires, très rugueuses, granuleuses, grêles à leur pointe et doublement recourbées. Elles sont conservées dans le cabinet de M. Brookes. Les antilopes gazella et lervia de Pallas sont douteuses, et nous ne connoissons pas l’antilope spinigera de Temminch, ni les A. tendal, chora et dammah de Ruppell. LES CHÈVRES. Capra. L. Se sont enrichies de quelques espèces inconnues à Buffon, qui n’a décrit que le bouquetin (capra îibex, L. ), le paseng (capra ægagrus, L.), ettrois variétés de la chèvre domestique, le bouc de Juida, les chèvres naine et d’Angora. M. Richardson, dans sa Faune de l'Amérique du Nord (‘),a figuré sous le nom de capra americana (?) ou de chèvre des mon- tagnes Rocheuses, l’animal que nous avons décrit, sous le nor d’antilope lanigère. D’après M. Hamil- ton Smith, Guldenstedt à nommé bouquetin du Caucase (capra caucasica) (3), le zach, remarqua- ble par ses grandes cornes triangulaires, obtuses et ñon carrées en avant, noueuses comme celles du bouquetin, à pelage brunâtre en dessus, blanchâtre en déssous. Il vitsur lessommets schisteux du Cau- case. M. F. Cuvier à représenté le bouquetin d’'E- thiopie (capra nubiana ) (#), commun en Arabie et en Nubie, et dont les formes sont sveltes. Ses cor- nes assez grêles ont deux pieds et demi de longueur. Elles sont noires, comprimées sur le bord interne, et munies d’une douzaine de renflements saillants. Son pelage est fauve grisâtre, mêlé de brun. Les épaules et les flancs sont bruns, ainsi que le devant des jambes, tandis que le derrière est blanc. Le dos est marqué par uné ligne longitudinale noire. LE BOUQUETIN WALIE,. Capra Walia, Rapp. pl. 6. Est remarquable par l'épaisseur de ses cornes, qui sont noueuses , rhomboïdales à leur base, à pro- tubérance frontale. Sa coloration est terre d'ombre (") Pagé 268, pl 22. (2) Antilope americana et rupicapra americana, de Blainv.; ovis montana, Ord.; capra columbiana, Desm. : capra montana, Harlan : mazama sericèa, Ra- finesq. (3) Act. Petrop:, 1779, pl. 146 et 17; Screber, pl. 281, B. (4) Fr. Cuv., Mammif., 50e liv.: capra arabica; Mus. de Vienne. HISTOIRE NATURELLE brunâtré, passant au blancliâtre en dessous. Les membres sont blañchâtres, tachés de brun en devant. Il habite l’Abyssinie. M. Hodson dans une lettre datée du Népaul du 4 mars 1854 (‘), décrit une nouvelle espèce de chè- vre, qu’il nomme, d’après les habitants du pays, capra jharal. Cette chèvre a quelque analogie avec l’œgagre et le capra jemlaica.L’individu décrit étoit un mâle adulte long de cinquante pouces sur trente- trois de hauteur. Sa tête, mince et gracieuse, étoit couverte de poils courts et drus, sans le moindre vestige de barbe. Sa ligne faciale étoit droite, ses oreilles, petites, étroites, relevées, étoient arrondies à leur sommet et striées. Les autres particularités de son organisation peuvent se résumer ainsi : œil vif, mufle muqueux, narines courtes et larges; jarret et sternum calleux ; queué courte , déprimée, entiè- rement nue par le bas; animal d’une forme com- pacte et puissante, avec un cou grêle, court, arqué, un tronc arrondi, des membres un peu longs, très forts, portés sur un paturon droit et des sabots éle- vés et compactes; eérgots coniques et amples ; atti- tude rämassée pendant le repos, avec la têté modé- rément élevée et le dos légèrement arqué; épaules sensiblement plus hautes que la croupe. Le devant du corps est entièrement enveloppé dans une cri- nière longue, flottante, droite, semblable à celle du lion et descendant jusqu'aux jarrets. Le train de derrière est petit, se rapprochant de celui des porcs avec abaissement de la croupe vers la queue, et la peau est tres resserrée entre les membres de der- rière. La toison est formée de deux sortes de poils. Les plus externes sont d’une dureté moyenne, ni roides, ni cassants, droits et appliqués sur la peau, susceptibles de se redresser par l'effet des sensa- tions, et d’une longueur et couleur inégales. Les interne. sont doux et laineux, aussi abondants, mais plus fins que ceux de la chèvre sauvage. Les cor- nes, longues de neuf pouces, sont obliquement insé- rées sur la crête des os frontaux, et se touchent à la base par leurs arêtes antérieures. Elles sont subcom- primées, subtriangulaires, et uniformément ridées ou sillonnées en travers, excepté près des extrémités où elles sont convexes et unies, carénées et tran- chantes vers les pointes, arrondies, obtuses par derrière. Elles divergent et se recourbent simple- ment en se dirigeant plutôt vers en haut qu’en bas. La couleur du jharal est un brun foncé, avec une teinte rouille aux quatre membres en arrière; le chanfrein et les joues sont brun foncé, et celles-ci sont traversées par une ligne roux pâle, et un trait de cette couleur se dessine en devant des yeux. Les lèvres et le menton sont gris. Une tache noire ar- rondie se dessine à l’angle de la bouche, Toutes les () L'institut, no 104, p. 122, d « DES MAMMIFÈRES. muqueuses du larynx sont noires. L’iris est brun rougeâtre foncé, et le mâle, à certaines époques, répand une odeur de bouc très flagrante. Cet animal vit à l’état sauvage dans les districts Kachar du Népaul par petites troupes, ou parfois solitairement. Il est robuste, capricieux, vagabond, hardi, éminemment grimpeur, très querelleur, mais facile à apprivoiser. Par la forme de ses cornes il ressemble beaucoup à l’œgagre des montagnes alpi- nes, et sous quelques autres rapports au capra iemlaica, dont il diffère par le manque de barbe, et par la compression beaucoup moindre de ses cor- nes. Le jharal peut s’accoupler avec les chèvres do- mestiques, et ressemble plus particulièrement aux types ordinaires des races en domesticité qu'aucune autre espèce sauvage connue. LES MOUTONS. Ovis. L. Avoient été assez mal étudiés jusqu’à ces derniè- res années. Leurs espèces n’avoient point été appré- ciées d’une manière convenable. Buffon ne s’est occupé que du mouton sauvage (ovis aries), sous le nom de mouflon, et de la race domestique avec les variétés suivantes : le bélier des Indes, de Gui- née et du Sénégal, le morvant de la Chine, le mou- ton de Barbarie, le bélier de Tunis, le mouton de Valachie, enfin le mouton d'Islande. Le nord de l'Amérique possède un mouton que les Anglo Américains appellent rocky-mountains shepp (1), et dont parle Cook sous le nom d’argali, Mackensie sous le nom de white buffalo, et Lewis et Clarck sous celui de big-horn. C’est l’ovis mon- tana de Desmarest(?), de la taille d’un cerf, haut sur jambes, et dont le corps est svelte. Son chan- frein est presque droit. Son poil est court, roide, grossier, comme desséché , brun marron, tandis que les fesses sont blanc pur. Il habite le Canada et toute la partie septentrionale des montagnes Rocheuses. M. Eschscholtz en distingue l’ovis nivicola () qu’on rencontre dans le Kamtschatka. La Californie possède l’ovis californicus de Dou- glas (£), long de cinq pieds dix pouces, sur deux (*) Ovis ammon, Harlan, Fauna, 259. (2, Ovis canadensis, Shaw, Misc., pl. 610, t. XV (1803- 1804), copiée de Geoff.; Encycl., pl. 14, fig. 4: Screber, pl. 214: Richardson, pl. 23. The argali, Godman, Hist. pat.,t. II, p. 329. (3) PI. 4 ; mas cornuius subtriquetris, post intervalla magna transversim incisis, latere externo planis; angulo externo prominulo ;'vellere hyemali longo, recto, rigido, flavo-griseo ; pedibus anticè ferrugi- meis (1829). 4) Bull., t. XVII, p. 447 ; Zool. journ,, t. IV, p. 332. 547 pieds huit pouces de hauteur. Le mâle a les cornes recourbées en croissant, en partie comprimées, jau- nâtres, et loigues de vingt-quatre à trente pouces, Celles de la femelle n’ont que sept pouces de lon- gueur, et sont recourbées en arrière avec la pointe tournée en dehors. La laine est courte , fine, blanc jaunâtre et entremêlée de poils bruns, plus longs, plus gros à lanuque, au dos, aux jambes età la queue. Il habite les contrées montueuses de la Californie , les environs de la grande cataracte de la Colombia, ainsi que les régions subalpines des monts Wood, Sainte-Hélène et Vancouver. L'Egypte a deux moutons fort remarquables fi- gurés dans les somptueuses planches du grand ou- vrage de la Commission. LE MOUFLON A MANCHETTES (1). Le mouflon à manchettes (ovis ornata),est uni-= formément d’un beau fauve roussâtre, et se rap- proche ainsi par sa couleur générale de notre mou- flon : néanmoins la nuance est plus éclaircie que chez l'espèce d'Europe, parce que les poils fauves ne sont pas mêlés de poils noirs, et que, tout au contraire, leur pointe est blanche; ce qui donne même au pelage un aspect tiqueté lorsqu'on le re- garde de près. La couleur que nous venons d’indi- quer est celle de la tête, du corps et des membres presque entiers ; cependa:t le devant des canons et la ligne dorsale ont une teinte brunâtre, et l’on re- marque entreles deux jambes, sur la ligne médiane, une tache noire longitudinale ; enfin , le dessous du corps et les régions internes et inférieures des mem- bres sont de couleur blanche, comme chez notre mouflon ; toutefois, avec cette différence, que la portion blanche du corps a beaucoup moins d’éten- due que chez celui-ci. Mais ce qui rend cette espèce très singulière, et qui lui a valu le nom de mouflon à manchettes, ce sont les longs poils qui garnissent les parties antérieures de son corps et de ses mem- bres. Des poils de six à sept pouces naissent depnis le tiers inférieur de la jambe jusqu’au canon, sur les faces antérieure, postérieure et externe de la jambe, et tombent jusqu’au milieu du canon, en formant ainsi une parure fortremarquable. En outre, vers l’angle de la mâchoire, il naît de chaque côté une touffe de poils longs de deux, trois ou quatre pouces ; et un peu au-dessous commence une bande de poils placés sur la ligne médiane, et qui se con- tinue jusqu’au tiers inférieur du cou, où elle se bi- furque en deux lignes qui vont se terminer vers l'articulation de la cuisse avec la jambe. Ces poils () Ovis ornata, Savigny, Egypte, pl. 7, fig. 2, t. XXHIL, p. 201 : ovis tragelaphus, Cuv. 548 ont un peu avant la bifureation jusqu’à un pied ou treize pouces de long; mais, vers le haut du cou et vers l'épaule, ils sont beaucoup plus courts et n'ont qu'un demi-pied environ. Leur couleur est généralement celle du corps : seulement ceux qui avoisinent la partie interne de la jambe et du canon sont brunâtres ; et on remarque aussi une ligne de cette couleur sur ceux dela partie antérieure du cou. Cetanimal, dont la taille est d’un cinquième plus considérable que celle de notre mouflon, a la queue longue’ de sept pouces et terminée par un pinceau de poils. Les cornes paroissent assez petites eu égard au volume de l’animal, et chez l’individu que possède le Muséum , elles ne sont pas plus grandes que cel- les du mouflon, quoiqu'il soit mâle et qu’il paraisse bien adulte. Elles présentent d’ailleurs des carac- tères particuliers : leur forme les rend très différen- tes de celles du mouflon, et leur baseest plutôt qua- drangulaire que triangulaire ; ellesn’ont aucune arête saillante, surtout vers la base, et l'extrémité, qui est di- rigée en dedans (au contraire de ce quia lieu chez les autresespèces ), n’a presque aucune largeur, et forme véritablement une pointe dans le sens que l’on atta- che ordinairement à ce mot. Les rides sont très peu prononcées, si ce n’est près de la barbe, et l’extré- mité est même presque entièrement lisse. Les deux sornes sont, comme chez les autres mouflons, très rapprochées sur le front, et il est même un point où elles sont presque contiguës : l'angle qu’elles com- prenvent entre elles est beaucoup plus aigu que chez notre mouflon, il n’est guère que de 60 degrés environ. Enfin elles sont aussi larges à la base que dans cette espèce; mais leur circonférence est plus grande à cause de l’augmentation de surface qui ré- sulte de leur forme quadrangulaire. Ce bel animal porte, dans quelques descriptions, le nom de mouflon d'Afrique; on ne sait pas encore avec certitude s’il doit être rapporté au mouton barbu de Pennant. La description donnée par cet auteur est trop incomplète pour qu’il soit possible de pro- noncer l'identité spécifique ; cependant MM. Euvier et Desmarest l’ont admise : ils ont réuni ces deux espèces sous le nom d’ovis tragelaplus. Le mouflon à manchettes de M. Geoffroy Saint- Hilaire a été tué près de la porte de la ville du Caire; mais il ne paroît pas qu’il se tienne habituellement dans cette partie de l'Egypte. R————————a————_—_— LE BÉLIER A LARGE QUEUE (1). Bien que connu depuis long-temps, a été mieux décrit dans ces dernières années. C’est d’ailleurs () Ovis laticauda, Gm.; Savigny, Egypte, pl. 7, fig. 1, 4. XXL, p. 199 : éd. in-8e, HISTOIRE NATURELLE avec difficulté et par des caractères de peu de valeur que les naturalistes sont venus à bout de distinguer les moutons des chèvres. Plusieurs auteurs qui croient cette distinction peu fondée, ne l’adoptent pas. Toutefois l'usage a prévalu, et le genre mou- ton est généralement admis et caractérisé de la ma- nière suivante : Les cornes anguleuses, ridées en travers, con- tournées latéralement en spirale, et se développant sur un axe osseux , celluleux, qui a la même direc- tion ; trente-deux dents en totalité, savoir : huitin- cisives inférieures formant un arc et se touchant toutes régulièrement par leurs bords, les deux in- termédiaires étant les plus larges, et les deux laté- rales les plus petites; six molaires à couronnes mar- quées de doubles croissants d’émail, dont trois fausses et trois vraies de chaque côté et à chaque mâchoire; les vraies molaires supérieures ayant la convexité des doubles croissants de leur couronne tournée en dedans, et les inférieures l’ayant en dessous. Le chanfrein arqué ; le museau terminé par des narines de forme allongée, obliques, sans mufle ; point de larmiers, point de barbe au menton ; les oreilles médiocres et pointues ; le corps de sta- ture moyenne, couvert de poils; les jambes assez grêles, sans brosses aux genoux; deux mamelles inguinales; point de pores inguinaux; la queue (du moins dans les espèces sauvages) plus ou moins courte , infléchie ou pendante. Le genre mouton est un de ceux qui fournissent le plus de variétés dans les espèces ; ce qui rend la distinction de ces trois dernières très difficile. L’in- dividu qu’on voit représenté sur cette planche est le mouton à large queue, ovis lati caudata, Ray, Gmelin, etc. : il doit être considéré comme une va- riété distincte, dont le caractère le plus tranché con- siste dans un allongement plus considérable de la queue, qui, dans les deux tiers supérieurs, dépasse le corpsen largeur. Cette variété se rapproche beau- coup de celles qui ont été figurées, sous le même nom, par MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier; seulement on remarquera qu'ici le poil est court et frisé. Les couleurs paroissent aussi offrir quelques différences, mais nous n’avons pu nous en assurer, l’individu dont on a donné la figure n’ayant pas été conservé dans les collections. Au reste, ce dernier caractère est trop variable pour avoir quel- que importance. L'ARGALI. Ovis ammon. ErxL. (1). Est de la taille du daim. Son pelage est d’un gris () Desm.. 740; ovis argali, Bodd.; ægoceros argali, Pallas, Tilésius; capra ammon, Cuy. DES MAMMIFÈRES. e — fauve en dessus, passant au rougeâtre clair en des- sous, nuancé de plus de roussâtre en hiver. Une ligne jaunâtre occupe le milieu du dos , ainsi qu’une large tache sur chaque fesse. Les cornes des mâles sont très grandes , très fortes, triangulaires, aplaties en devant, striées en travers. Celles de la femelle sont minces et presque lisses. L’argali vit dans les steppes de la Sibérie méridionale, au pied du grand plateau de la Tartarie. On le retrouve au Kamt- schatka, à moins qu’il n’ait été confondu avec l’ovis nivicola. . M. Hodgson, dans un catalogue des animaux ob- servés dans le Népaul (1), signale dans les montagnes de l'Himalaya deux espèces de mouton sauvage : le ban-bhera, littéralement le mouton sauvage, va- riété de l’ovis ammon ou argali, et l’autre le nayour ou na’hour, l’'ovis musmon (H. S.), ayant un fanon sous la gorge ; le pelage brun ou cendré rougeûtre, la face blanche, une raie sur l’échine, et le cou noirâtre. M. Moorcoff a trouvé en 1822 en pénétrant dans la Tartarie, par les possessions angloises de l'Inde, une espèce de mouton dont la possession seroit pré- cieuse pour les bergeries de l’Europe. Ce mouton vit dans un état de domesticité semblable à celui du chien, dans la cour ou sous le toit de son maitre, se nourrissant de tout, s’engraissant des restes de la cuisine, et mangeant jusqu'aux os qu’on lui jette. Il est de petite taille; mais les particularités remar- quables de sa vie, la bonté de sa chair, la finesse et le poids de sa toison, le placent au rang des races supérieures. 11 donne deux agneaux par an, et au- tant de tontes qui rapportent trois livres de laine chacune. Quelle est cette variété? C’est ce que nous ignorons encore. LES OVIBOS-: Ovibos. DE BLainv. Forment un genre démembré de celui des bœufs en ce qu’ils n'ont pas de mufle. Le chanfrein est busqué comme celui des moutons. Ils n’ont point de barbe, mais des membres robustes et une queue fort courte. Leurs cornes sont élargies et se touchent à la base, en s'appliquant ensuite sur les côtés de Ja tête. La seule espèce connue vit dans l'Amérique du Nord, où les Anglo-Américains lui donnent le nom de musk-oæ. C’est l’'oviBos MUSQUÉ (2) décrit par Buffon sous le nom de bœuf musqué, (1) Proceed., t. IE, p. 105; Journ. of the Asialic s0- ciety of Calcutta; l’Institut, no 101, p. 122. () Ovibus moschatus, de Blainv.; bos moschatus, Gm.; Richardson, Fauna, p. 275. 549 LES BOEUFS. Bos. Se sont enrichis de quelques espèces dans ces der- niers temps. Buffon a décrit le buffle du cap de Bonne-Espérance (bos cufer, L.), le buffle (B. buba- bus, L.), le bison d'Amérique (B. americanus, L.), la vache grognante ou yak (bos grunniens, L.), l’au- rochs, bonasus ou bœuf de Pœonie (B. urus, Cuv.), et le bœuf ordinaire (B. taurus, L.) avec sa variété à loupe graisseuse, le zé'u. L'arni des habitants de l'Indostan (bos arni, Shaw.) paroît être une variété fort remarquable du bufle, bubale ou bœuf sauvage d’Arachosie d’Aris- tote, originaire de l’fnde et transporté en Egypte, en Grèce, puis en Italie. Cet arni a des cornes dé- mesurément grandes puisqu'elles portent de huit à dix pieds d’envergure : elles sont ridées sur leur concavité et un peu aplaties en avant. L’animal est noir, sans bosses ni crinière, et vit principalement dans les montagnes du continent indien et des îles de la Malaisie. , Sir Raflles (1), en parlant des espèces du genre bœuf qui vivent à Sumatra, s'exprime en ces termes: «Il y a une très belle race de bétail particulière à Su- matra, que je vis en abondance dans le Menangkabu quand je visitai la capitale de ce pays en 1818. Ce sont des animaux petits, bien faits, sans bosse, et presque toujours de couleur fauve clair relevée de blanc. Les yeux sont grands et bordés de longues paupières noires. Les jambes sont délicates et jolies. Parmi ceux que je vis, je n’en aperçus aucun qui ne fût en fort bon état, ce en quoi ils font un contraste frappant avec le bétail que l’on rencontre généra- lement dans l’Inde. On s’en sert pour l’agriculture ; ce sont des animaux domestiques. Cette race est en- tièrement distincte du banting de Java et des îles plus orientales. » Quant au buffle (buffaln), la variété blanche se trouve être la plus commune à Bencolen. Elle ne diffère en rien de la noire que par la couleur, qui tire au blanc rougeûtre. » Le major général Hardwicke a donné quelques détails sur le GOuR (bos gour), bœuf de l’Inde. Nous transcrirons les renseignements que ce zélé voyageur a imprimés sur cet animal (?). « Dans le Journal philosophique d’'Edimbourg (octobre 1824), l’on trouve des détails intéressants du docteur Trail], sur cette nouvelle espèce de bœuf, et comme je n’ai pas connoissance qu’aucun dessin de cet animal ait été publié, je fais graver pour le () Trans. Soc. linn,Lond., t. XIII. {2) Zool. journ., t. HE, p. 231 ; Bull,, t. XIV, p, 292, 550 Journal zoologique la figure d’une paire de cornes du gour, tué dans la chasse décrite par le capitaine Rogers. » Par l’examen de ces cornes et par leur compa- raison avec celle du gayal, on doit voir que la dif- férence de structure est des plus tranchées, et tend à séparer et à prouver la non-aflinité d'espèces entre le gour et le gayal. » Il paroît y avoir plus d’une race du gayal (bos gaywus) de Colebrooke (R-cherch. asiat., t. VII). Les provinces de Chattgong et de Sylhet produisent le gayal sauvage, ou, comme l’appellent les natu- rels, le assel gayal (1), et le gayal domestique. Le premier est regardé comme un animal indomptable, extrêmement féroce. et que l’on ne peut prendre vivant. Il s'éloigne rarement des montagnes de la frontière sud-est, et ne se joint jamais au gobbah ou gayal de village des plaines; je suis parvenu à obtenir la peau et la tête du asseel gayal, qui sont déposées dans le Muséum de la compagnie des Indes, dont un dessin accompagne celui des cornes du gour. » Je dois parler d’une autre espèce de gayal, dont j'ai vu un mâle et une femelle dans le pare du gou- verneur-général, à Barrackpore. Cette espèce diffère en quelques points du gayal domestique ainsi que du asseel ou vrai gayal: premièrement par la taille, étant un plus grand animal que celui qui est privé; deuxièmement par la grandeur du fanon, qui est plus ample et plus ondulé que dans l'espèce sauvage ou dans l’espèce privée; et troisièmement dans les proportions et la forme des cornes. » Le gour ( bos gour) a, suivant le docteur Trailk, des cornes courtes , épaisses, recourbées en dehors; le front crépu, le dos renflé ou gibbeux, un poil court, lisse, noir brun. Les Indiens appellent le mäle gour, le veau purorah, la jeune vache pa- réeah. X1 vit en troupeaux considérables dans les fo- rêts montagneuses de Min-Pat dans la province de Sergojah. Le GyaLz ou bœuf des Jongles (bos frontalis, Lambert) (2) des Indiens, le bausinger des Javanois, a l’ensemble des caractères du bœuf domestique, mais ses cornes sont aplaties d'avant en arrière et sans arêtes anguleuses. Elles se dirigent sur le côté en haut et non pas en arrière. Son pelage est ras, noir luisant, excepté le front et une ligne le long du dos, qui sont gris ou fauves, et les jambes qui sont blanches. Le gyall où gyal est élevé en domesticité dans les provinces montagneuses du nord-est de (") Vrai gayal. Les naturels établissent une grande différence entre le gayal sauvage et le gayal privé. (2) Frans. Soc. linn.,t. VIH, pl. IV, p. 57 ; bos sylheta- nus, Fr. Cuv., 42% liv.; le GAYAL, Colebrooke; Asialic research., t. VII, p. 511, avec figures ?? bos bubalus, gauwera, Pennant, Quad. I, p. 27. Gauvera, Knox, Cey- lan, p. 21. HISTOIRE NATURELLE l’Inde. Peut-être est-il le résultat du croisement du buffle avec l’espèce commune, ainsi que le pense M. Fr. Cuvier, ou bien est-il la souche du bœuf do- mestique de l’Europe ? Le suraL (bos «arvœus, H. S.), le nunel des Bir- mans, est un bœuf très répandu dans l’Inde, re- marquable par ses cornes courtes et robustes, com- primées sur les côtés, et recourbées en avant. Sa tête est large et plane, son mufle est assez brusque- ment atténué à son extrémité. La touffe frontale se compose de poils blancs et crépus. Les yeux sont petits ; les oreilles sont longues et larges, le cou est grêle ; son poil est brun, mais les pieds sont blan-. châtres. Le GHauxour (dos pœphaqus, H.S.) ou le gaw- dashti des Persans, le soora goy des Indiens, le si-nym des Chinois, est un bœuf domestique d’Asie, voisin du bœuf de Tartarie, à pelage du cou et du dos laineux varié de noir et de blanc. Les poils de la queue sont excessivement allongés. Ses cornes sont minces, lisses, pointues, latérales et recourbées par en haut. MM. Quoy et Gaimard décrivent, sous le nom de BOEUF A FESSES BLANCHES (B. leucoprymnus) (1), une espèce de grande taille qu’ils se procurèrent dans l'île de Java, aux environs de Batavia. Son élévation est de cinq pieds neuf pouces sur cinq pieds de lon- gueur de la fesse à l’épaule. Sa tête est longue, élar- gie par le haut, à mufle peu gros; ses cornes sont médiocres, s’écartent et se rapprochent sur le haut de la tête de manière à ce que les pointes se regar- dent. Les oreilles sont grandes, bien détachées, comme pédiculées et pourvues de longs poils à leur bord interne. Le cou est court, mais un peu cam- bré comme dans les cerfs, et pourvu d’un fanon mince et peu pendant. Les premières apophyses épi- neuses des vertèbres sont élevées et arrondissent le corps dans cette partie qui n’a cependant point de bosse : le reste du dos présente une surface plane. Les jambes sont déliées, la queue est longue et mu- nie d’une petite crinière à l’extrémité. On remarque quatre tétines , dont les deux antérieures sont plus grosses et les deux autres plus rapprochées. Le pe- lage y est court, bien fourni, en général d’un brun tirant sur le noir, avec quelques nuances rougeâtres ou fauves. Les oreilles sont blanchâtres dans leur intérieur et sur le bord. La partie postérieure de cha- que fesse est marquée d’une large tache blanchâtre qui commence à l’anus. Les quatre pieds ont aussi, ‘au-dessus du sabot, de pareilles taches plus ou moins marquées suivant les individus. Les cornes sont noi- râtres, blondes en quelques endroits et rugueuses à la base. Leur axe est creux. Les côtes sont au nom- () Bos, corpore magno, fusco ; chunibus albis ; cor- nubus mediocribus ; capite elongato. Zool. de l’Astro- labe, part. I, p. 140 (1830). DES MAMMIFÈRES. bre de vingt-six, c’est-à-dire treize de chaque côté. Les narines sont ovalaires et creusées dans l’axe de la tête. Le mufle présente à l'extrémité une rainure assez profonde, et de chaque côté la muqueuse est comme parquetée. LE BUFFLE DES ÉTATS-UNIS (1). À été l’objet d’une étude assez intéressante par le capitaine Bonneville dans sa vie de trappeur, Nous reproduisons son récit, riche en détails de mœurs. « Tout ce qui se rapporte à l’histoire de cet étrange et intéressant animal, qu'un vieil auteur nous dit ressembler, «sous certains rapports, au lion, et sous d’autres au chameau, au cheval, au bœuf, au mou- ton ou à la chèvre (?), » doit être important à re- cueillir; car le nombre de ces animaux a diminué si rapidement depuis un siècle; leurs excursions se sont tellement restreintes, qu’il y a toute raison de croire qu’ils ne tarderont pas à disparoître de la sur- face de la terre. » Le buflle se trouvoit autrefois dans toute l’é- tendue du territoire des États-Unis, à l'exception de la partie située à l’est de la rivière d'Hudson et du lac Champlain , ainsi que dans une étroite lisière de côte sur l'Atlantique et lé golfe du Mexique, dont le terrain étoit marécageux et couvert d’épais taillis. Ce qui prouveroit qu’il n’y avoit pas de buffles à une proximité de quatre-vingts ou cent milles de la côte Atlantique, c’est que les premiers auteurs, dit M. Colhoun, et ils sont nombreux, ne mentionnent leur existence que beaucoup plus loin. Thomas Morton, l’un des premiers colons de la Nouvelle- Augleterre, dit que les Indiens « parlent aussi de vastes troupeaux de grands animaux qui vivent aux abords de ce lac ( l’Erocoise, maintenant lac Onta rio). Ils sont de la taille d’une vache; leur chair fournit une bonne nourriture, leur peau d’excellent cuir; leur toison est une espèce de laine presque aussi fine que celle du castor, dont les sauvages se font des vêtements. » Il ajoute : « Il ya dix ans que Ja relation de ces choses est venue aux oreilles des Anglois (3). » Nous avons fait cette citation en par- lie pour prouver que la finesse de la laine du buffle, qui en a fait, depuis quelques années , un objet de commerce , éloit connue du temps même de Morton. Il là compare à celle du castor, et non sans raison. On nous à montré, dans le voisinage de la rivière Rouge, des chapeaux qui nous ont paru d’une excel- (") Voyez Aventores,etc., par Washington Irwing, t. II, p.273 et suiv., de la trad. française. (2) Purchas, son pêlerinage; Londres, 14614, p. 778. , F) Le nouveau Canaan anglais, par Thomas Morton. Amsterdam, 1637, p. 98, . 551 lente qualité : ils avoient été fabriqués à Londres avec de la laine de buffle. On peut rapporter à près d’un siècle auparavant la connoissance de cet ani- mal de la part des Européens; car, en 1582, Guzman rencontra le bufile dans la province de Cinaloa (1). De Laet, parlant du buffle de Quivira, dit, sur le témoignage de Gomara, qu’il est presque noir, ra- rement tacheté de blanc (?). Dans son Histoire, écrite postérieurement à l’année 1684, Hubbard n’énumère pas cet animal au nombre de ceux de la Nouvelle-Angleterre. Purchäs nous apprend qu’en 4615 les aventuriers découvrirent en Virginie « une sorte de bétail de la grosseur d’une vache, excellent à manger (3) » Nous voyons dans Lawson qu’il y avoit une grande quantité de buflles, d’élans, etc., aux environs de la rivière du cap Terrible et de ses affluents (f); on sait aussi que quelques uns de ceux qui s’établirent les premiers, en 1756, dans le dis- trict d’Abbeville, Caroline du Sud, y trouvèrent le buffle. La caravane de Soto, qui de 1559 à 1545, traversa la Floride orientale, la Géorgie, l’Ala- bama, le Mississipi, le territoire de l’Arkansas et la Louisiane, n’y vit pas de buflles. On leur dit que cet animal étoit plus au nord; cependant ils eurent fréquemment l’occasion de voir des peaux de buffles, surtout à l’ouest du Mississipi. Du Pratz, qui écri- voiten 1758, nous apprend qu’à cette époque cet animal n’existoit pas dans la Basse-Louisiahe. Tou- te'ois nous avons lu un auteur, Bernard Romans, qui écrivoit en 1774, et qui parle du buflle comme un bienfait de la nature accordé à la Floride. On ne sauroit douter que cet animal n’approchât du golfe du Mexique , dans le voisinage de la baie de Saint-Bernard; car Alvar Nunez, vers l’année 1555, le vit non loin de la côte, et Joutel, cent cinquante ans plus tard, le vit à la baie de Saint-Bernard. Il est probable que cette baie est le point de latitude le plus bas auquel cet animal ait été rencontré à l’est des montagnes Rocheuses. Son existence à l’ouest de ces montagnes n’est point douteuse, quoique le père Venegas ne le compte point au nombre des animaux de la Californie, et qu’il n’ait point été vu, à l’ouest des montagnes, par Lewis et Clarke, ni mentionné par Harmon où Mackensie, comme existant dans la Nouvelle-Calédonie, contrée d’une étendue immense, comprise entre l’océan Pacifique, les montagnes Rocheuses, le territoire des Etats-Unis, et les possessions russes sur la Croix nord-ouest de l'Amérique. Néanmoins son existence actuelle sur la Colombie (‘) De Laet, Description des deux Amériques. Amster- dam, 1633, liv. 6, chap. 6. (@) De Laet, Description des deux Amériques, Amster- dam, 1633, liv. 6, chap. 17. (3) Purchas, p. 759. (:) Lawson, p. 48, 119, cic. 552 paroît constatée, et l’on nous assure que, quelque temps avant la visite de nos hardis explorateurs, d’effroyables incendies avoient ravagé les prairies et refoulé les buffles à l’est des montagnes. M. Doug- herty, l'agent capable et intelligent qui accompa- gna l'expédition aux montagnes Rocheuses et com- muniqua tant de renseignements précieux à M. Say, aflirmoit en avoir vu quelques uns dans les mon- tagnes, mais non à l’ouest. Il est très probable que le buflle se montroit sur le versant occidental des montagnes Rocheuses, à une latitude aussi basse que sur le versant oriental. De Laet dit, d’après le témoignage d’'Herrera, que le bufle paissoit vers le sud jusqu'aux bords de la rivière Yaquimi (); dans le même chapitre, cet auteur dit que Martin Pérez avoit, en 45)1, fixé la position de la province de Cinaloa, dans laquelle cette rivière coule, à trois cents lieues de la ville de Mexico; cette rivière est, dit-on, la même qui, sur la carte de l’Amérique du Nord, par M. Tanner (Philadelphie, 1822), est nom- mée Hiaqui , et placée entre le 27° et le 28° degré de latitude nord; peut-être aussi est-ce le Rio-Gila qui a son embouchure sous le 52° degré de latitude. Quoi- que nous ne puissions déterminer avec précision le zénith méridional du buflle à l’ouest des montignes, néanmoins le fait de son existence même dans cette région est amplement prouvé par le témoignage de Gomara, de Delaet, liv. VI, chap. XVI, etc., de Purchas, p.778. La Hmite au nord n’est pas plus facile à détermi- ner. Dans le Recueil d'Hakluyt, nous trouvons l'extrait d’une lettre de M. Anthonie Parkhurst, en 1578; on y lit : « Dans l’ile de Terre-Neuve, il y a de grands animaux de la taille du chameau et qui ont le pied fourchu; je les ai vus de loin, et n’ai pu les examiner avec précision ; mais j'ai pu juger, à leurs pas, qu’ils avoient les pieds fourchus et plus gros que ceux du chameau. Je pense que c est la même espèce que les buffles, que l’on dit exister dans les contrées voisines, et qui abondent sur le continent (2). » Dans le même recueil, p. (89, nous trouvons, dans le récit des Voyages de sir Hunfrey Gilbert, qui commencèrent en 1585, qu’on prétend qu'il existe à Terre-Neuve des « buttolfes , animal qui, à en juger par l'empreinte de ses pieds, doit être de la taille du bœuf. » Il est possible cependant que ce fût le bœuf à muse et non le buffle ou bison de nos prairies. Aucun témoignage ne nous autorise à croire que le buflle existoit au nord des lacs On- tario et Érié, etc., et à l’est du lac Winnepeck. D'après ce que nous connoissons du pays situé entre () Juxta yaquimi fluminis ripas, tauri vaccæqgye et prœgrandes cervi pascuntur. L. 6, ch. 6. (2) Navigations, Vovages et Découvertes principales de la nation anglaise, etc., par Richard Hakluys. Lon- dres, 1589, p. 676. HISTOIRE NATURELLE la rivière de Melson, la baie d'Hudson et les lacs inférieurs, en y comprenant la Nouvelle-Galles du Sud et le Canada supérieur, nous sommes porté à croire que le buflle n’y a jamais abordé, si même on l’a jamais trouvé aux bords des lacs; mais à l’ouest du Winnepeck, nous savons qu’on le trouve au nord jusqu’au 64° degré de latitude. Les gens du capitaine Franklin en tuèrent un sur la rivière Salée, vers le 67° degré. Peut-être se trouve-t-il dans toute l’étendue des prairies bordées, au nord, par uneligne, commençant au point où le 62e degré rencontre la base des montagnes Rocheuses, et cou- rant, dans une direction sud-est, jusqu’à l’extrémité sud du lac Winnepeck, un peu au nord du 50° degré. Sur le Saskatchawan, les buflles sont très abondants. Nous dirons en passant que le petit buffle blanc, dont Mackensie fait souvent mention, d’après le témoignage des Indiens, qui lui dirent qu’il vivoit dans les montagnes, n’est probablement pas le bison; car Lewis et Clarke nous apprennent que les In- diens désignoient sous ce nom le mouton sauvage (vol. IT, p.525). Il est probable qu’à l’ouest des nee Rocheuses le buflle ne pénètre pas au nord de la Colombie. A présent, c’est à peine si on le voit à l’est du Mississipi et au sud du Saint-Laurent. La caravane du gouverneur Cass trouva, en 1819, des buflles sur la rive orientale du Mississipi, au-dessus des cata- ractes de Saint-Antoine. Chaque année, les excur- sions de cet animal se restreignent dans un cercle plus limité. En 1822, elles s'étendoient en descen- dant le cours du Saint-Pierre jusqu’au grand lac du Cygne, près du Cap-Croissant. En 1825, les mem- bres de la compagnie des fourrures de la Colombie furent obligés de voyager cinq jours dans une direc- tion nord-ouest, à partir du lac Travers, avant de rencontrer des buflles; mais alors ils réussirent à en tuer soixante. Plus tard, les troupeaux s’avancèrent très près du lac Travers, et peut-être même descen- dirent le cours du Saint-Pierre. On ne sauroit douter que cette constante réduc- tion dans le cercle des excursions du bufile n’amène une diminution dans leur nombre, plus encore que la coutume de ne tuer que les génisses et de laisser les taureaux, coutume probablement très ancienne parmi les Indiens, et que nous ne pouvons, en con- séquence , considérer que comme la cause de cette grande diminution récente. La civilisation, dans sa marche incessante, détruit les grands animaux qui vivent en troupes, et refoule le chasseur lui-même, s’il ne modifie sa manière de vivre. Si le daim avoit des habitudes plus sociables, cet hôte intéressant de nos forêts eût été depuis long-temps repoussé vers l'asile du buffle, de l’élan et du castor. Tous les buffles que nous vimes étoient d’une couleur brune; on nous dit qu’on en voyoit quelquefois de blancs DES MAMMIFÈRES:. ou tachetés. On prétend'que l’âge de cet animal est indiqué par le nombre des lignes transversales tra- cées sur ses cornes ; M. Colhoun tua un buffle mâle qui, d’après ce calcul, devoit avoir vingt-six ans. Dans cette hypothèse, les quatre premières lignes comptent pour la première année. Si ce mode de calcul est correct, et on le suppose tel en général, le buffle atteint à un âge plus considérable que le bœuf domestique. Le buflle a aussi des proportions plus grandes, et quoique par devant ses formes aient quelque chose de peu gracieux, néanmoins les parties postérieures sont belles. On regarde la viande des génisses comme plus délicate que celle des taureaux, surtout pendant la saison du rut, où celle de ces derniers a un goût rance et fort. C’est ce qui avoit lieu à l’époque où notre caravane les vit; nous n’eûmes pas l’occasion de tuer des génis- ses; et comme les taureaux étoient maigres, nous ne mangions guère que 1a langue et le foie de ceux que nous avions tués. Ces parties, ainsi que la bosse, le cœur, l’aloyau et le rôti du ch:sseur (le filet près de l’omoplate), constituent les morceaux de choix : ce sont les seuls que l’on mange quand le buflle est en abondance. Au lac Travers, on estime que les génisses donnent de deux cent cinquante à trois cents livres d’excel- lente viande, sans y comprendre la tête et plusieurs autres parties de la bête. Il y a huit os réputés os à moelle : ce sont les quatre os des jambes et des cuis- ses. Il est diflicile d'évaluer la quantité de moelle qu'ils rendent, pris à part ou collectivement, mais la moelle d’un os suflit habituellement pour un repas. Pour l'obtenir, on jette l’os dans le feu, après en avoir enlevé la chair; après qu'il y est resté quel- ques minutes, on l'en retire, le brise, et la moelle que l’on extrait, à l’aide d’un morceau de bois eflilé, est mangée sans aucun assaisonnement. C’est un mets très succulent et très délicat, et qui, mis au four, a la couleur et la consistance du flan. Quelques per- sonnes préfèrent le manger cru, mais nous ne lui avons pas trouvé, en cet état, un goût aussi agréable. Quand on poursuit un troupeau de buffles, sur- tout s’il se compose de taureaux, il s’en exhale une forte odeur de musc, et leurs pieds font craquer l'herbe comme si elle étoit desséchée. Nous avons dit que les buffles mâles s’étoient fréquemment approchés très près de nos lignes, ce que quelques uns de nos compagnons de voyage attribuèrent à la vue imparfaite de l’animal, dont les yeux sont ca- chés par la grande quantité de poils qui couvrent sa face; c’est probablement une erreur; cette circon- stance provient de ce que les taureaux sont moins faciles à effaroucher dans la saison du rut ; ou peut- être de ce que, bien qu’ils puissent parfaitement distinguer l’homme, la simple vue ne suflit pas pour les instruire de sa nature, C’est l'odeur de l'homme & : 553 surtout qui les fait fuir. Nous avons vu souvent des taureaux s'approcher dans le plus grand calme au vent de notre ligne, et passer près de nous paisible- ment; mais dès qu’ils arrivoient sous le vent ,Vo- deur les faisoit fuir au grand galop. La promptitude de leur odorat est connue; quelquefois, quand le vent est fort, ils sont avertis de la présence de l’homme à deux ou trois milles de distance. Les buffles et les élans se rencontrent dans les mêmes prairies, et ne paroissent nullement affectés de leur présence réciproque; mais ils ne vont point ensem- ble ; ils ne s’associent qu'aux animaux de leur espèce. Outre l’élan, nous avons vu dans les prairies, avec le buffle, le loup ordinaire des prairies, qui paroït l’accompagner habituellement. En fait d'oiseaux, nous avons remarqué l’aigle chauve (falcoleucoce phalus) et la grue sauvage. On voit souvent le buffle se rouler et faire jaillir la poussière autour de lui on le prendroit alors de loin pour une baleine qui fait jouer ses évents. Cet animal est très difficile à tuer. M. Péale tira quatorze balles dans le poitrail d’un bufile avant de le tuer; et M. Scott, voulant s’assurer si une balle tirée dans la tête briserait l’os frontal, déchargea sa carabine à dix pas sur un buffle mort; la balle ne pénétra pas, mais s’embarrassa dans les poils où on la retrouva. Toutefois elle avoit frappé le front et y avoit laissé son empreinte avant de rebondir. Ce fait étoit conforme à l'opinion que M. Scott s’étoit for- mée sur ce sujet, ayant séjourné pendant près de dix ans dans un pays à buffles, et ayant eu de fré- quentes occasions de tirer sur eux dans toutes les directions. Son habileté et son adresse au tir sont proverbiales sur le Mississipi et le Missouri. Nous avons souvent été à même d’en être témoin, quoique la rareté de toute espèce de gibier, pendant la to- talité de l'expédition, excepté dans les prairies, aux sources de la rivière Rouge, ne lui donnât que de tares occasions de déployer son adresse en ce genre. Quand nous considérons la force, la taille, lagi- lité et la vélocité du buffle, nous regrettons qu’on n’ait point tenté encore avec succès d’apprivoiser ce noble animal, et de l’approprier aux besoins de l’homme. Au lieu de chercher à utiliser tant d’ani- maux précieux qui autrefois parcouraiert nos ré- gions , les colons paroiïssent s'être contentés d’im- porter ceux d'Europe. On ne sauroit douter que le bufle ne pût être apprivoisé, et ne remplaçät avec avantage le bœuf européen. Nous en avons vu un exemple. Une autre expérience qui seroit certaine- ment des plus intéressantes, ce seroit de constater si les deux races ne peuvent pas être croisées, et quel en seroit le résultat; c’est une épreuve digne d’être tentée. L'AUROCHS (1). A été l’objet d’un bon travail lu à l’Académie de Pétersbourg par M. Baer, travail fait sur les dé- pouilles d’un animal de cette espèce tué dans le Caucase. Le bœuf qu’on appelle auroch en France et en Allemagne, et zoubre en Russie, et que Cuvier à démontré être le même que celui que les anciens nommoient bison wisent (en Allemagne), a été, dans les temps reculés , répandu dans presque toute l'Europe. Beaucoup de noms de lieux (comme Wisantensteg et autres) ont conservé sa mémoire en Souabe. On chante sa chasse dans le Nibelun- genlied. Mais au temps de la renaissance des lettres, il n’yen avoit déjà plus en Allemagne. Il se maintint plus long-temps en Prusse et en diflérentes parties de la Pologne, où il a été observé et dessiné par Herberstain. Le dernier qu’on a tué en Prusse re- monte à 4755. Du temps de Forster fils, il ne s’en trouvoit plus en Pologne que dans la grande forêt de Bialowieza, où ii n’existe encore aujourd’hui que grâce aux soins avec lesquels le gouvernement russe veille à sa conservation. Cette localité étoit la seule où l’on croyoit que de nos jours s’étoit maintenu l'auroch. C’est donc une nouvelle intéressante pour la zoologie, que l’annonce de la présence de cet animal dans le Caucase, où l’on sait qu’il existe aussi un reste de tigres royaux et de panthères. M. Baer a comparé les dépouilles du zoubre adressé du Caucase, avec celles d’un zoubre prove- nant de la forêt de Bialowieza , que possède l’A ca- démie, Il a trouvé que, dans le premier, les cornes sont sensiblement plus grêles et plus courtes, et que la distance qui les sépare ou la largeur du front est moindre. Mais il pense que ces différences ne dé- pendent que du sexe, l’individu du Caucase étant une femelle. La couleur du pelage est aussi moins foncée et mêlée de gris; il est plus court dans la partie antérieure, et n’est crépu que sur le front et une partie de la nuque; mais M. Baer explique encore ces différences comme dépendant de la saison et de l’âge. Les sabots et les ergots sont beaucoup plus courts que dans l’individu de la Pologne, ce qui dépend sans doute de l’habitation sur les mon- tagnes. Il n’y à d’autres différences entre les deux aurochs, autant du moins qu’on peut en juger d'a- près une simple peau, qu'une courbure un peu différente des cornes et la présence d’un trait foncé qui règne sur le dos de l’un et manque sur celui de l’autre. Ces différences sont, comme on le voit, bien insuflisantes pour faire reconnoître si le bœuf sauvage du Caucase doit être regardé comme une espèce distincte du zoubre de la Lithuanie. Ce n’est (") Bos urus, Guy. ; Hesmés, no 95, p. 168. HISTOIRE NATURELLE que par l’examen des squelettes que cette question pourroit être éclaircie. | On a annoncé, il y a quelques années, l'existence d’un bœuf sauvage nommé gaour, dans l’intérieur de l’Inde, entre la côte de Coromandel et la baie de Caleutta. L'existence d’un zoubre du Caucase porte M. Baer à croire que ce bœuf est aussi un zoubre ; la description insuffisante, qui en a été donnée, se rapportant d’ailleurs assez bien à celle du soubre caucasien. M. Baer regarde encore comme probable que le même animal se trouve aussi au-delà du Gange. Il fonde cette présomption sur un récit;du capitaine Low dans le journal dela Société asiatique de Lordres. Enfin il ne doute point non plus de son habitation actuelle au milieu même de l'Asie centrale et vers la côte orientale. Il tient en effet de M. Schmidt que des écrits mongols font mention d’un bœuf sauvage vivant aux environs du lac Kokkonoor et dans la province chinoise de Khansi, qu'on a bien distingué cet animal du yak (bos grunniens), et que les dictionnaires mongols le dé- crivent ainsi : « Il ressemble au bœuf ordinaire ; la partie antérieure de son corps est haute, la partie postérieure inclinée et étroite. Le pelage est ar- doisé foncé, brun foncé ou noirâtre. » Le zoubre ou l’aurochs, dit-il en terminant, est donc encore aujourd’hui dispersé en quelques tri- bus bien éloignées les unes des autres. Dans la forêt de Bialowieza, il a pour voisin le glouton du Nord, et sur la côte de Tenasserim l'éléphant et le rhino- céros. Si maintenant nous rappelons l’idée de Pallas. qui, frappé de la ressemblance du bison d'Amérique et de l’aurochs d'Europe, et persuadé qu’il n’y avoit pas de zoubres en Asie, prétendoit que l’animal eu- ropéen pouvoit être arrivé de l’ouest, nous serons loin de croire fondée cette explication. Au sujet de ces mutations dans l'habitat de lqu- rochs, M. Baer fait, sur les variations qu’éprouve la distribution géographique des animaux, les ré- flexions suivantes : « Quelques animaux, dit-il, voyagent avec les plantes, d’autres avec l’homme; il y en a dont l’A- mérique a doté l'Europe, et en reyanche d’autres sont passés de l’ancien monde dans le nouveau. Parmi les mammifères, ce sont toujours les plus petits, appartenant aux rongeurs et aux insectivores, qui sont les plus conquérants. Le plus petit des mammifères, la musaraigne naine (sorex pygmæus, Pallas), que l’on n’avoit jamais vue'en Allemagne, a été observée, il y a quelques années, dans la Silésie et dans le Mecklembourg. Plusieurs espèces de sou- ris et de rats avancent continuellement de l’Asie en Europe. Il semble que le rat commun ait été inconnu dans les temps anciens, on l’a depuis long-temps dans toute l'Europe. Mais de nos jours ce rat gris noir (us rattus), n’est déjà plus le rat vulgaire; une autre espèce plus forte, si neuve, que Linné ne DES MAMMIFERES. la connoïssoit pas encore, et que Pallas désigne pour époque de son arrivée à Astr kan, l’an 1727, fait dispäroitre la première partout où le commerce s'établit : c’est le surmulot de Buffon, æwanderratte dés Allemands (mus recumanus, Pallas ); il a été transporté de nos jours par le Radejda au Kamts- chatka : c’est la véritable énseigne du commerce, et l’on peut dire qu’un lieu sans surmulots est un lieu sans commerce. Tout au contraire, les grands animaux se retirent et finissent par $e perdre, preuve que l'issue de la lutte entre l’homme et un animal, quels que soient sa force et son courage, est toujours à l'avantage du premier. C’est airisi que le lion, qui, selon Hérodote et Aristote, existoit de leurs temps encore en Ma- cédoine, après avoir long-temps occupé l’Asie-Mi- neure et la Syrie, est repoussé aujourd’hui hors des PE ms dés « res t Er M J9 frontières de la Perse et de l’Inde, dans quelques contrées désertes de l’Arabie, et n’est plus domi- nant qu'en Afrique. C’est ainsi que le crocodile n'existe plus dans la Basse-Egypte. C’est ainsi, en- fin, que l’hippopotame, la girafe et d’autres animaux colossaux se sont retirés dans l’intérieur de l'Afrique. Mais il y a aussi des espèces animales qui ont été anéanties dans les temps historiques. Ainsi l’urus des anciens, qui, du temps de César, étoit commun en Allemagne, n’existoit plus au seizième siècle, La vache-marine de la mer de Kamtschatka a une histoire beaucoup plus courte. En effet, ce n’est qu’au com- mencement du dix-huitième siècle qu’on en a eu connoissance. Steller en a donné une description détaillée en 1745 et en 1768, c’est-à-dire seulement vingt-cinq ans après que le dernier individu étoit détruit. à er LIVRE XL LES MAMMIFÈRES CÉTACES. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Le monde physique, déstiné à l'habitation de tous lés animaux, fie paroiît formé que de deux milieux : l’un, térrestre, se coinpose de la surface entière et Sblide du globe ; l’autre, aqueux et beaucoup plus considérable en étendue, couvre la plus grande par- tie dé notre planète. E’atmosphère, constituant une épaisse couche gazeuse qui les presse tous les deux, sért, quoique par des moyens différents, à entre- tenir dans chaque être le principe de la vie. Mais on concoit alors que, sans s’astreindre à des règles fixes , la puissance organisatrice de la matière donna à chacuñ des êtres destinés à passer leur vie dans l’un ou l’autre de ces milieux des formes accommo- dées aux mœurs qui leur furent départies. Tou efois, se jouant des lignes de démarcation que se trace la foiblésse de notre intelligence, elle brusqua quelque- fois les formes typiques, et essaya de présenter des cas qui, pour nous, sont exceptionnels, mais qui, aux yeux du véritable observateur, prouvent sa puissinée. Aussi, en confinant sur la terre le plus grand nombre de mammifères, la nature dénna à plusieurs dés habitudes et des formes tout aquati- ques; et, quoique destinant à ne point sortir du sein des mers la plupart des crustacés et des mollusques, elle voulut qu’il en existät de terrestres. Cependant une classe d'êtres, dont les individus affectent tou- tes les formes possibles, les poissons semblent avoir été façonnés pour vivre exclusivement au milieu du fluidé äquéux.Si les animaux térréstres, en effet, nous paroissent munis d'organes locomoteurs des- tinés à la marche, au vol, ou même à la natation, les poissons sont entièrenient disposés pour se mou- voir dans l’eau à l’aide de rames qui pressent ce liquide. On conçoit que leur forme, convenable pour cette sorte de séjour, à dû se retrouver plus ou moins complétement chez tous les animaux des- tinés à habiter les eaux, et les cétacés ne sont, en effet, que des mamfifères terrestres dont les or- ganes intérieurs sont cachés sous les formes aqua- tiques par excellence, ou celles des poissons. Les cétacés , par leur organisation mixte, portent à pen- ser que la nature, essayant ses forces après la créa- tion des poissons , combina des organes d’unenaturé plus complexe , et forma ainsi le vrai lien par lequel, dans l’échelle des êtres, on s'élève de ceux-ci aux mammifères. Les phoques d’ailleurs, à corps poilu, à membres empâtés par des membranes, ne se rap- prochent-ils pas des cétacés par les dugongs, qui semblent placés sur les limites des deux genres ? IL est de fait que toute ridicule qu’a paru aux yeux de beaucoup de savants l’opinion de Demaillet dans son Telliamed , qui regardoit l’eau comme lé centre de toute création, cette opinion, purement conjectu- rale , n’étoit pas dénuée de vraisemblance, en ne la considérant d’ailleurs que comme une hypothèse ingénieuse. Les cétacés ont donc les formes générales et ex- térieures des poissons : ils en ont aussi les habitudes, les mœurs, et même le genre de vie. Tous paroissent organisés sûr lé même plan ; ils ne diffèrent presque 556 point par l'enveloppe extérieure, et par le nombre des nageoires, ou du moins les différences sont peu importantes. Il n’enest pas de même des dimensions de leur taille; elles varient depuis les proportions colossales jusqu’à celles plus rapprochées des autres êtres. Leur peau est toujours nue, lisse; leurs or- ganes locomoteurs sont de larges et robustes nageoi- res qui assurent la rapidité de leur course. Destinés à vivre dans les immenses et vastes solitudes des mers, la plupart acquièrent une taille énorme. C’est en effet parmi les cétacés qu’on cite les plus grands, les plus gigantesques des animaux. A les voir orga- nisés en apparence comme des poissons, on est porté à hésiter sur leur identité d'organisation avec les mammifères : aussi tous les anciens auteurs, jusqu’à Bloch, ne les plaçoient point, dans leurs ouvrages, ailleurs que parmi les poissons, et les naturalistes modernes les rejettent à la fin de toutes les familles des vrais mammifères. Cependant une distinction assez importante qui les caractérise extérieurement est d’avoir une nageoire caudale toujours horizon- tale, tandis qu’elle est verticale chez les poissons. Les cétacés sont donc, pour les naturalistes, des mammifères à sang chaud, vivipares, respirant l'air en nature par les poumons , s'accouplant comme les animaux terrestres, et nourrissant leurs petits avec le lait de deux mamelles placées tantôt sur la poi- trine et tantôt sur l’abdomen. Mais comme leurs organes pulmonaires absorbent une grande quantité d’air atmosphérique, ils sont forcés de venir respirer fréquemment à la surface de l’eau, et de réparer sans cesse les quantités qui se consomment par l’acte respiratoire. Dans les poissons, au contraire , la fonc- tion de l’oxigénation du sang s’exécute à l’aide d’or- ganes particuliers nommés branchies , qui décompo- sent ou séparent l’air de l'eau. Les oreilles des cétacés, privées de conque, sont percées à l’extérieur par un étroit canal. Quant aux membres postérieurs, ils manquent complétement : ils sont remplacés par une large nageoire cartilagineuse, horizontale et aplatie. La tête n’est point distincte du tronc, ou, pour mieux dire, il n’y a pas de cou. Les os des extrémités antérieures sont raccourcis, disposés en nageoires que forment des enveloppes tendineuses épaisses. Ainsi donc les cétacés paroissent taillés sur le même modèle. Il n’y a pas chez eux comme chez les autres animaux de ces dissemblances frappantes. Leurs principales lois d'opposition sont prises dans le système dentaire; c’est en effet là que gisent les seuls caractères qui puissent servir à isoler les gen- res, car ceux qu’on emprunte à la présence ou à l'absence des nageoires du dos ne sont que très se- condaires, et sans doute peu importants dans les habitudes de l’animal. Il n’en est pas de même, disons-nous, des rangées de petits os qui meublent les mâchoires. De leur forme comme de leur dispo- = HISTOIRE NATURELLE sition dérivent de nombreuses différences dans le genre de vie et dans les mœurs. Certes il existe une distinction bien nette à établir entre les baleines à mâchoires garnies d’une matière fibreuse, formant ce qu’on nomme des fanons, et les cachalots à mâ- choire inférieure munie de dents très robustes, ou les dauphins dont les deux maxillaires sont hérissées de dents nombreuses et acérées. On pourra assurément dire des baleines que leurs mœurs sont douces, lour- des et stupides peut-être , que les cachalots sont cou- rageux et cruels, et que les dauphins sont voraces et toujours affamés. Pormi les cétacés se trouvent les plus grands ani- maux connus. Il est de fait que ces géants du règne animal, occupant les espaces immenses des mers, devoient être en rapport avec la vaste surface qu'ils sont appelés à animer. Ainsi les terres étendues et désertes de l’Afrique sont la patrie des plus grands quadrupèdes, tels que l’éléphant africain , le rhino- céros, la girafe, etc. Ainsi les plateaux de l’Asie nourrissent l'éléphant asiatique, le tigre; Bornéo, les grands orangs, etc. Tous les cétacés cependant n’acquièrent pas des proportions très fortes, et la plupart des dauphins ne diffèrent point par ia taille des grands squales. Les baleines et les cachalots sont donc les seuls genres où les individus prennent ces dimensions, qui, tout exagérées qu'on les a fai- tes, sont prodigieusement disproportionnées, tou- tefois, avec e que nous connoissons dans la nature animée. Mais le cercle de leur existence, quoique enveloppé d’une profonde obscurité , paroît s’écou- ler dans la répétition des mêmes actes. Les besoin# de la nourriture, se faisant sentir chaque jour, ra- mènent la même industrie, c’est-à-dire la chasse de la pâture. Les mœurs des grands cétacés sont stupides; ils ignorent les moyens d'attaquer, et ne se défendent qu’en employant les mouvements brusques et vigou- reux de leur lourde masse. Les dauphins seuls, et surtout quelques espèces, paroissent au contraire belliqueux et se plaire dans les combats qu’attestent les profondes blessures dont leurs corps sont sillon- nés. Des ennemis redoutables les assiégent fréquem- ment et les attaquent à outrance. Il est bien rare en effet que, malgré leur petite taille , les armes dan- gereuses dont ils sont munis neles fassent triompher d'animaux dont l'énorme corpulence n’est garantie de leurs atteintes que par une épaisse couche de graisse fluide. Ils habitent constamment dans l’eau ; mais si la plupart d’entre eux, et surtout les grands cétacés, ne se plaisent qu’au milieu des mers, et surtout dans les parages les plus tempêtueux , et dont les vagues sont les plus agitées des grands océans, plusieurs aussi affectionnent les rivages, ou bien recherchent les eaux douces qu’ils abandonnent rarement. Ces derniers sont peu nombreux , il est vrai, mais enfin DES MAMMIFERES. ilren existe au moins trois espèces qui présentent cette particularité dans leur genre de vie. Le mar- souin, au contraire, vivant d'habitude sur les côtes, fréquente souvent les fleuves et les rivières, attiré par les poissons qu’il poursuit; et c’est ainsi qu'on a vu un de ces cétacés remonter la Seine jusqu’à Paris. Mais ce qui est plus important pour le natu- raliste est de fixer les zones où chaque espèce sem- ble s’arrêter, de tracer en quelque sorte le cercle de son domaine, soit dans les mers qui baignent les pôles, soit dans celles qui sont situées sous l’équa- teur, dans les deux hémisphères. Ici, il faut l’avouer, règne encore une grande incertitude. Il est généralement admis en eflet que les grands cétacés les plus connus sont répandus dans toutes les mers du globe , et que la baleine ou le cachalot macrocé- phale des mers du Nord sontidentiques dans le Grand Océan , soit dans la partie qui baigne les côtes nord- ouest d'Amérique, soit dans les mers du cap Horn, ou du sud de la Nouvelle-Hollande. Ilest de fait que les capitaines baleiniers que nous avons consul- tés à ce sujet nous ont toujours aflirmé cette iden- tité, et que les baleines ou les cachalots que nous avons vus sous tous les paralièles possibles du nord au sud , ou sous l’équateur, dans la mer Pacilique comme dans l’océan Atlantique, nous ont paru ne différer en rien des mêmes célacés des mers du Nord tels qu’ils sent décrits (1). Mais nous savons qu’il n’en est pas de même pour les dauphins ; ils subis- sent les lois imposées à tous les animaux dans l’état de nature, ils ne sortent point de certaines limites. Dans celles-ci sont toutes les conditions qui sont ap- propriées à leur espèce: c’est là qu'ils trouvent le genre d’aliment qui leur convient, la nature et la () Cependant on connoît actuellement des cachalots et des baleinoptéres qui paroissent exclusivement pro- pres aux mers du pôle sud, et Péron ( Voyage aux Terres Australes, t. IH, p. 243) s’est formellement ex- primé sur la non-identité des cétacés du nord et du sud lorsqu'il dit : «Les voyageurs et les naturalistes ayant » confondu sous un même nom, pour ainsi dire à l'envi » les uns des autres, des animaux essentiellement diffé- » rents, il n’est aucune classe du rêgne animal qui, dans » l’état actuel des choses, ne compte plusieurs espêces » orbicoles..…. Ainsi on voit répéter chaque jour, dans » les ouvrages les plus estimables d’ailleurs, que la » grande baleine ( balæna mysticetus) se retrouve éga- » lement au milieu des frimas du Spitzberg et des glaces » du pôle antarctique, etc. Quand on ne consulteroit » que la raison et l’analogie, de telles assertions pour- » roient paroître douteuses ; en recourant à l'expérience, »elles se trouvent absolument fausses, etc.» Malgré celle opinion s itranchante de Péron, et que nous croyons trés vraie pour la presque totalité des animaux, et même pour la plupart des cétacés, nous persistons, jusqu'à de nouvelles et de meilleures observations, à croire que celte loi n’est pas entièrement applicable à des animaux marins tels que la baleine et les cachalots, qu’on trouve aussi bien au milieu des glaces que sous le soleil de l'équateur. 997 température des eaux auxquelles leurs organes sont habitués : c’est sous ces latitudes que sont renfer- mées toutes les nécessités de leur vie ; ainsi le sud a le delphinaptère de Péron, et son remplaçant dans le nord est le béluga; ainsi les dauphins des côtes d'Islande, ou même de l’Europe, ne sont nulle- ment ceux des mers antarctiques. Les armements considérables que les peuples ci- vilisés ont dirigés vers les grands cétacés ont na- turellement dû changer pour eux les limites de leur séjour. Sans cesse chassés des mers où ils trouvoient abondamment leur nourriture, ils se sont retirés vers les contrées qui leur présentoient momentané- ment un abri protecteur, et c’est ainsi qu’ils ont été refoulés vers le nord et vers le sud ; mais cependant il est diflicile de croire que des animaux dont les proportions sont considérables aient pu se contenter d’un espace étroit de mer où ils auroient bientôt épuisé les aliments qui leur sont appropriés, et comme leur taille surpasse celle de tous les autres êtres, de même l’étendue des mers a dû leur être concédée. L'eau d’ailleurs est un fluide dont la tem- pérature est beaucoup plus égale que celle de l'air, etpar conséquent l'habitation constante au milieu de ce fluide doit avoir sur les cétacés une influence bien moindre que les changements annuels de tempéra- ture de l’eté à l'hiver n’en ont pour les animaux des climats tempérés. On doit même supposer, à la grande masse de sang et à la chaleur énorme qui doit en résulter pour le phénomène de la circulation chez ces êtres, qu’ils éprouvent au moins arnuel- lement le besoin de vivre près des glaces dans des milieux où l’eau qui les entoure puisse leur enlever cet exeédant de chaleur, vers l’époque du rut sur- tout. On sait en effet que les phoques, dans la sai- son des amours, se réunissent sur les glaçons flot- tants, ou sur les côtes inhospitalières des îles les plus reculées dans le sud ou dans le nord , pour y satisfaire à ce premier besoin ie tous les animaux. La na’ation ou le mouvement locomoteur qui par- met aux cétacés de se transporter d’un lieu à un autre est extrêmement rapide; tout chez eux est or- ganisé pour accroitre la puissance de la marche; et si l’on peut se servir d’une comparaison assez juste, ce sont les oiseaux de la mer. Leur charpente os- seuse, solide, les muscles nombreux et puissants, la graisse huileuse qui leur sert d’atmosphère, et qui en grossissant le corps augmente sa légèreté(!) spécifique par rapport à la densité de l’eau qu’il déplace, de robustes et le plus souvent de larges () La graisse abondante des cétacés paroît devoir porter à l'extérieur ce que les poissons ont à l’intérieur. Ces derniers ont des chairs compactes et pesantes ; mais une vessie aérienne compense le trop de pesanteur avec le déplacement de l’eau. On remarque le contraire chez les cétacés, et l'enveloppe huileuse ballonnée qui empâte les chairs remplace la vessie aérienne, 08 nageoires, une forme en cône caréné, tout, en un mot, est disposé pour que la natation soit chez eux puissante, continue et facile. Ne falloit-il pas en effet cette disposition pour vaincre la résistance op- posée par des vagues que là tempête bouleverse, ou parcourir en tout sens d’assez grandes distances pour trouver la nourriture journalière ? Nous avons vu que les cétacés respiroient l'air en nature; mais comme leur tête est presque constam- ment plongée sous l’eau, et que lorsqu’ils viennent à la surface la partie supérieure de leur corps s'élève seule hors de ce liquide, ils ont dû recevoir une or- ganisation particulière, en un mot avoir sur le som- met de la tête des ouvertures préparées pour l'acte respiratoire, et qu’on nomme évents. M. le baron Cuvier est le premier qui ait bien décrit le méca- nisme par lequel l’eau qui entre dans le pharynx des cétacés, lorsqu'ils saisissent leur proie , est rejetée au dehors par ces évents, et aussi comment, par une sorte d'aspiration, l’air extérieur ÿ est introduit pour passer dans les poumons. Ces évents se com- posent de deux fortes poches musculaires munies de soupape et dont les parois sont très élastiques. L'eau qui s’introduit dans la bouche est forcée d'entrer dans ce canal par la contraction des muscles orbicu- laires du pharynx, et est rejetée de diverses ma- nières, tantôt en colonne très serrée comme chez les baleines, tantôt en gerbe comme chez les cachalots: Les dauphins au contraire, dont les tubes des évents sont presque entièrement osseux , n’ont pas la même puissance musculaire dans leurs parois supérieures ; et l’eau qui en sort n’en jaillit point, mais s’en écoule simplement en ruisselant sur les bords. Les évents qui s'ouvrent sur le sommet de la tête sont à la fois les canaux par lesquels est rejetée l’eau introduite dans la bouche, et les vraies narines des cétacés. Dans les poissons osseux au contraire, cette eau, refoulée de la bouche dans les branchies , est rejetée par les fentes des operculës, bien que Îles évents existent aussi chez quelques poissons chon- droptérygiens, tels que les raies et les squales. M. Cu- vier décrit ainsi les modifications qu'ont dû éprouver lés narines pour remplir à la fois les deux buts de la respiration et du rejet de l’eau avalée. « Si l'on » suit l'œsophage de bas en haut, on trouve qu’ar- » rivé à la hauteur du larynx, il semble se partager » en deux conduits dont l’un se continue dans la » bouche et l’autre remonte dans le nez; ce dernier » est entouré de glandes et de fibres charnues for- » mant plusieurs muscles.Les uns, longitudinaux, in- » sérés au pourtour de l’orifice postérieur des narines, » descendent jusqu’au pharynx ; les autres, annu- » laires, semblent être une continuation du muscle » propre du pharynx. Comme le larynx s'élève dans » ce conduit en obélisque ou en pyramide, il peut » être serré par les contractions de ces fibres annu- » laires. Toute cette partie est pourvue de follicules HISTOIRE NATURELLE » muqueux versant leur fluide par dés trous bien » visibles ; une fois arrivée au vomer, la membrarie » interne du coriduit, qui devient celle des narines » osseuses, prénd uñ tissu uni et sec. Les deux na- » rines, osseuses à leur orifice supérieur, sont munies » d’une valvule charnue en forme de deux demi- » cercles, attachée au bord antérieur de cet orifice » qu’elle ferme au moyen d’un muscle très fort 'cou- » ché sur les os inter-maxillaires ; pouf l’ouvrir il » faut un effort puissant de bas en haut. L’abaisse- » ment de la valvule intercepte toute communication » entre les närines et les cavités placées au -dessus: » Ces cavités sont deux grandes poches membra- » neuses formées d’une peau noirâtre et muqueuse, » très ridées quand elles sont vides, et ovales quand » elles sont distendues; elles sont situées entre là » peau et la surface osseuse, et circonscrivent l’ori- » fice antérieur des narines osseuses. Toutes deux » donnent dans une cavité intermédiaire placée im= » médiatement sur les narines, et communiquant aü » dehors par une fente étroite en forme d’arc. Des » fibres charnues très fortes forment une expansion » au-dessus de tout cet appareil ; elles convergétit » de tout le pourtour du crâne sur les deux bourses ‘ » qu’elles peuvent comprimer fortement. » On explique de cette manière le jeu des évents. La bouche se remplissant d’eau , la langüe et les mâ- choires se meuvent comme pour la déglutition ; mais le pharynx, en se fermant, fait refluer l’eau du con< duit œsophagien inférieur au larynx ; ce mouvement réfléchi est accéléré par les fibres annulaires au point de soulever la valvule, et l’eau parvient dans les deux poches supérieures. Là elle peut séjourner jus- qu’à ce que l’animal veuille la projéter : alors, fixant la valvule, pour empêcher Peau de redescendre il comprime les poches latérales au moyen des fibres sus-jacentes. Cette compression fait sortir l’eau par la fente extérieure avec une vitesse et une hauteur proportionnées à l’intensité de la force musculaire: Les évents des poissons au contraire paroissent avoir pour fonction de laisser introduire l’eau, mais non de l’expulser. Toutefois, le mécanisme de ces canaux efférents, quoique s’exerçant de la même manière chez tous les cétacés, est accommodé aux formes propres aux espèces de chaque famille ; le canal osseux dès évents des dauphins est unique, tandis que chez les baleines ilest double, ou plutôt divisé en deux canaux par un diaphragme osseux longitudinal; le supérieur sert au passage de l'air seul, et aboutit au siége de l’odorat, et l’autre, inférieur, est uniquement destiné à conduire l’eau. Quant à la place qu’occupe l’ouver- ture des évents, el'e varie dans chaque famille ; ainsi les dauphins l’ont sur le sommet de la tête perpen- diculairement à son axe, et en forme de croissant; les baleines ont d’abord leurs canaux osséüx obli- ques, puis ils se redressent pour s’ouvrir sur 1e $6m- DES MAMMIFÈRES. met de la tête aux deux tiers antérieurs de l’œil. Dans les cachalots au contraire l’évent semble placé sur le rebord de l’extrémité tronquée que présente la tête. Les cétacés herbivores, tels que les lamantins, les dugongs, ont des évents qui ne diffèrent presque point par la grandeur des narines des phoques, et c’est sans doute par inadvertance que M. Latreille, dans ses Familles du règne animal, a imprimé qu’ils en étoient privés. Les anciens auteurs considéroient ces ouvertures comme le siége principal du sens de l’odorat. Long-temps on avoit eru que les cétacés pouvoient respirer sous l’eau sans avoir besoin du contact de l'air atmosphérique, et que ce phénomène s’exécu- toit par un mécanisme particulier des organes de la circulation, et qu’ils conservoient toute leur vie le trou ovale, ouverture qui fait communiquer les deux oreillettes du cœur, et permet au sang veineux de se confondre avec le sang artériel, sans passer par les poumons. Ce trou ovale, qui existe tant que le fœtus est dans le sein de sa mère, se ferme lorsque le jeune animal apparoît à la lumiere, et que les pou- mons par le contact de l'air extérieur entrent en exercice. Mais cette idée erronée, combattue depuis long-temps, a été complétement démontrée fausse, et le trou de Botal, chez les cétacés, s’oblitère au moment de la naissance comme chez les autres ani- maux. Ce qui le prouve d’ailleurs d’une manière dé- cisive, c'est qu'aussitôt qu’un cétacé est pris dans quelque piége, et qu'il ne peut venir respirer à la surface de l’eau, il meurt asphyxié. Avant de considérer les animaux qui nous occu- pent sous le rapport général de leur organisation et de quelques unes des fonctions qu’ils sont appelés à remplir, peut-être devons-nous étudier la manière dont ils se mettent en rapport avec les corps qui les environnent, ou en d’autres termes, quelle est chez eux l’étendue des facultés des sens. Nous avouerons que l’ample dose de sensibilité dont on les 4 dotés n’est pas digne d’être citée, et que rien ne nous pa- roit moins sensible qu’une monstrueuse baleine, dont tous les sens sont émoussés sous des couches d’un tissu cellulaire épais, qu'animent à peine quelques filets nerveux, peu en rapport avec les surfaces dont ils doivent exciter vitalement les propriétés, et que parcourent très peu de vaisseaux. Pour s'emparer d’un cétacé quel qu'il soit, il faut toujours en effet frapper un viscère principal, et retenir l'animal qui emporte avec lui le harpon qui l’a blessé, en filant une corde dont la mollesse atteste la cessation des forces à la suite de la perte du sang, et c’est alors seulement qu'on la retire, et souvent encore il ar- rive que l'animal, se débattant, brise par un dernier effort, au moment où il va être sorti de l’eau, l'arme enfoncée profondément ; il meurt au loin, ou sou- vent il guérit de ses blessures lorsqu’elles n’intéres- 559 sent que les tissus adipeux et musculaire. Les sens sont en général trop obtus : aussi tous les cétacés semblent avoir bien moins d'intelligence et d’indus- trie que les poissons. Le tact doit être peu sensible, et probablement qu’il ne s’exerce bien que sur les aliments en se joignant au goût. Le tact paroitroit donc résider dans les cryptes qui existent sur le re- bord de la bouche, là où les nerfs du goût se joignent à ceux de l’odorat. Les nageoires et la peau, sur la surface du corps, ne semblent propres en effet qu’à rendre compte des chocs rudes et brusques, mais sont incapables d'apprécier les sensations qui ne sont pas de nature douloureuse. L’odorat par suite est aussi très restreint chez la plupart des cétacés. Les baleines seules reçoivent dans la lame criblée de leur ethmoïde assez de filets nerveux pour percevoir quel- ques odeurs. Les dauphins et les cachalots, chez les- quels cette lame est imperforée, n’ont aucune trace du nerf ethmoïdal. Aussi a-t-on cru que chez eux l’olfaction avoit son siége dans les larges cavités pté- rygo-palatines dont les crânes des baleines sont pri- vés. Mais on a trop oublié peut-être que l’odorat, dans les animaux destinés à vivre dans la mer, étoit confondu avec le goût, et que les effluves ou plutôt les odeurs ne leur étoient apportées que dissoutes, et que par conséquent elles ne pouvoient être per- cues qu'après que l’eau a frappé les parties sensibles de l’intérieur de Ja bouche; qu’ainsi les sensations produites par les corps, et ayant pour véhicule l’air, étoient des odeurs, et que celles que l’eau dissout sont des saveurs : les cétacés alors n’ont pas besoin d’odorat proprement dit. Quant au goût il doit être très borné. L'appareil de la mastication, en effet, annonce que chez tous les cétacés il est destiné plutôt à enlacer et à retenir la proie qu'a la triturer et la réduire en bol que la langue et les membranes environnantes doivent pré- senter à la luette ou sentinelle du goût. Chez tous les cétacés, la langue est plus ou moins enveloppée de graisse ; elle est immobile, sans muscles moteurs, privée de papilles, revêtue d’une peau très lisse de nature sèche, et plutôt épidermique, et ses fonctions doivent être très bornées. Les fanons des baleines sont d’ailleurs des sortes de tamis qui arrêtent tous les petits animaux qui forment sa nourriture. Chez les dauphins et les cachalots, les dents font plutôt l'office de crochets qu’elles ne servent à déchirer la proie. Dans le petit groupe des cétacés herbivores, on conçoit naturellement que le genre de vie a né- cessité une modification dans la forme de la couronne de chaque os des arcades dentaires. Il en résulte naturellement que l'estomac chez les cétacés est le principal et presque le seul agent de la digestion pro- prement dite, et que la proie y arrive entière et sans élaboration préalable. L’ouïe est renfermée dans un os qui ne fait point 560 partie de la boîte osseuse crânienne, ou qui n’y tient que par des ligaments ; de sorte que l'appareil de l'audition se trouve ainsi flottant au milieu d'un tissu cellulaire abondant. Il doit en résulter une percep- tion de sons très incomplète, et c’est aussi ce qui arrive ; car souvent un navire à la voile passe avec un rapide sillage près des grands cétacés sans que ceux-ci en aient connoissance que lorsqu'ils sont pro- ches, et encore lorsque la vue fixe leur attention. D'ailleurs l'appareil auditif, privé de conque pour rassembler les sons, ne les reçoit qu’à travers une fissure étroite, qui forme un canal sinueux ouvert derrière les yeux, et chez plusieurs cette fissure est même oblitérée (1). La voix est réduite à une sorte de mugissement. Nous pouvons aflirmer en effet que des dauphins, que très souvent nos matelots harponnèrent, et qu’on hissoit à bord du navire encore vivants , où on les dépecoit bien avant qu’ils eussent rendu le dernier soupir, ne faisoient entendre aucun bruit, et qu’ils bornoient l’expression de leur douleur à de violents mouvements musculaires. N’auroit-on pas pris pour des mugissements le bruit fort et aigu que produit l'air violemment refoulé dans les évents par un ani- mal en proie aux angoisses de la mort ? La vue s’exerce de différentes manières chez les cé- tacés, et les organes qui en sont le siége sont peu en rapport par leur petitesse avec le reste des autres appareils. Ainsi les yeux, entre eux, éprouvent un écartement immense chez la baleine et les cachalots, et ne peuvent servir qu'à la vision latérale, et ce gui doit le plus étonner, est le défaut de régularité par rapport à la ligne médiane qui existe entre eux dans quelques genres. Nous croyons que ce manque de régularité est accommodé à la natation de ces ani- (”) Les mammifères qui vivent dans l’eau, dit M. de Blainville ( Anatomie comparée, 1. 1, p. 481 ), offrent quelque analogie dans l'appareil de l'audition avec cer- tains animaux terrestres, c'est-à-dire que cette analogie pe se trouve pas dans le peu de développement du la- byrinthe qui est souvent remarquable par sa petitesse, mais seulement dans la disparition graduelie de la par- tie extérieure ou de recueillement. C’est ce que l’on voit, pour ce dernier point, en étudiant successivement les loutres, les phoques, les lamantins, et enfin les céta- cés. Les premiers ont encore la conque complète, quoi- que beaucoup plus petite que dans les autres carnas- siers vermiformes : les premières espèces de phoques ont aussi un petit rudiment de conque extérieure qui disparoît tout-à-fait dans les dernières. Chez les laman- tins et la plupart des dauphins, la conque n’est plus qu’un tube fort étroit qui s’ouvre encore à la peau par un orifice trés petit, et qu’on a souvent beaucoup de peine à apercevoir. Mais dans beaucoup d'espèces de ceux-ci, et dans les cachalots et les baleines, ce tube se réduit en une sorte de ligament qui va à peine jusqu’à la peau, el par conséquent l'oreille moyenne n’a pas d’ou- verture réellement extérieure; elle n’a que celle de la trompe dans l’arrière-bouche. » HISTOIRE NATURELLE maux : natation qui, lorsqu'elle est rapide, s’exerce toujours d’un côté sur l’autre, et rend le mécanisme de la vision subordonné à la position ou en haut ou en bas, que chaque côté occupe à son tour. Dans les autres cétacés , le type de la vision normale est ob- servé, et le peu d'écartement que les orbites ont entre eux permet qu’elle s'exécute comme chez les vrais mammifères. Au reste, on ne connoit que très peu la répartition des humeurs de l’œil ; seulement les formes du globe et celles du cristallin viennent confirmer cette loi, que plus un animal est destiné à vivre dans l’eau, plus la siccité et la convexité de ces parties est grande. Quantaux organes accessoires, ‘tels que la glande lacrymale et les cils, ils manquent complétement, et la mobilité des fibres du palpébral est presque nulle. Nous ajouterons aux détails précédents un aperçu sommaire sur la forme du squelette des cétacés , ré- servant pour l’histoire de chaque famille en parti- culier les traits caractéristiques d’organisation qu’il sera intéressant de faire connoître. La charpente os- seuse de ces animaux est dépourvue de membres postérieurs, et le bassin même se trouve réduit à un état rudimentaire , et ne se compose que de trois os- selets, dont celui du milieu est impair, et simule l’arcade pubienne. La colonne vertébrale aboutit à la queue, et le passage du tronc à cette partie se fait par une diminution successive d’ampleur. Les os qui forment les crânes des cétacés herbivores notam- ment n’acquièrent point de développement plus con- sidérable que chez les autres mammifères ; mais les os de la face des baleines et des cachalots prennent des dimensions énormes; les membres antérieurs sont très courts, aplatis, disposés en nageoires, et les phalanges sont empâtées au milieu de la membrane des ailerons sous forme de baguettes osseuses, roides et inflexibles. Ce qui caractérise surtout les vertèbres est l’amincissement extrême du corps des cervicales, et c’est à cette disposition qu'est due la nullité ap- parente du cou: car les vrais cétacés ne jouissent de mouvements de flexion de cette partie dans aucun sens Déjà cependant le cou est un peu plus prononcé chez les cétacés herbivores : aussi ces animaux ont- ils été long-temps placés à côté des morses, et font-ils naturel ement le passage des cétacés aux amphibies ou phocacées. Quant aux formes des dents, elles sont assez identiquement les mêmes pour,tous, ou du moins en en exceptant les baleines, qui n’ont la mâ- choire garnie que de lames cornées d’une nature par- ticulière. Ces dents sont toujours creusées en cônes à leur base, pyramidales et pointues à leur sommet ; et l'énorme défense du narwhal ne contrarie même pas cette règle : celles des cétacés herbivores sont à couronne plate; mais si les os de la face (1) ont recu () Les os des cétacés sont extrêmement celluleux dans DES MAMMIFÈRES. un développement aussi considérable , le crâne n’a point eu d’agrandissement dans sa capacité, et le cer- veau, qu’il est destiné à loger, est toujours très petit par rapport à l’ensemble de l’animal : autre cause pour que le jugement soit presque nul chez les cé- tacés. Les dauphins seuls ont une capacité cérébrale un peu plus en rapport avec leur taille : aussi leur attribue-t-on plus d'intelligence, bien qu’il y ait beaucoup à dire sur ce sujet. Dans l’accroissement considérable qu'ont reçu les os de la face, ce sont les maxillaires supérieurs qui ont été surtout très allon- gés ; mais les inter-maxillaires n’adhèrent au pour- tour du museau que par une pointe étroite : dans le dugong cependant, ces os inter-maxillaires suppor- tent des dents disposées en défenses qui sont propres à cet animal. La nature a enveloppé la masse des muscles, dont les fibres puissantes forment de nombreux plans sur les parties osseuses, par une épaisse couche de tissu cellulaire que recouvre un épiderme parcheminacé très lisse, qui, s’isolant très aisément par la dessic- cation, se fendille en tous sens et par plaques irré- gulières, comme nous en avons eu souvent la preuve en voulant conserver des peaux de dauphins. M. Sco- resby dit que le réseau muqueux d’une baleine a près de huit lignes d'épaisseur, et que les fibres qui le composent sont perpendiculaires à la peau. Il pa roit que l'enveloppe extérieure des cétacés se com- pose de trois couches qu’on reconnoit à cette partie de l’organisme des animaux terrestres. La couleur .générale de la peau n’a point d’autres teintes que le bleu noir, le gris et le blanc : quelques espèces seu- lement ont de légères taches jaunes ou rosées ; mais jamais on ne voit, chez les cétacés, ces reflets écla- tants qui se fondent ou se nuancent de mille ma- nières pour orner les poissons. La couleur blanche toutefois jouit d’un éclat satiné ou argentin qui, pen- dant la vie des dauphins, est très remarquable. Des considérations générales précédentes que de- vons-nous conclure ? Que les cétacés, vivant dans les grandes mers et encore peu étudiés, n’ont rien de ce qui est nécessaire pour fixer la curicsité, amu- ser l'esprit, ou distraire l’homme du monde. On ne trouve plus dans leur histoire ces détails piquants de mœurs, ces observations ingénieuses sur leur in- dustrie, leurs ruses, leurs jeux et leurs amours. Leur taille, le plus souvent gigantesque, étonne, mais ne parle point au cœur; la connoissance de leurs ha- bitudes est importante pour le commerce, mais ne présente rien qui intéresse, et dont la mémoire veuille conserver un doux souvenir. Tout est gros- leur intérieur, et par conséquent la couche lisse de phosphate de chaux quien revêt l'extérieur est beaucoup plus mince proportionnellement qu'elle ne l’est sur les os des mammiféres terrestres, Û I. 561 sier dans leurs formes comme dans leurs penchants, pour tout autre que le naturaliste philosophe. Ce dernier seul sait que la nature, en jetant sur la sur- face de notre monde les êtres qui le peuplent, a eu des intentions d’une sagesse infinie. Il se complait dans l’idée d’en dévoiler quelques secrets, et de pou- voir se rendre compte de quelques unes des lois qu’elle à imposées à la matière. Mais avant de passer à la description de chaque cétacé, nous croyons devoir jeter un dernier coup d'œil sur les habitudes, utilité, ou sur quelques au- tres phénomènes de leur vie. Les grandes espèces sont le plus ordinairement isolées; les petites nagent par couples solitaires, ou se réunissent à certaines époques par bandes nombreuses. Les lamantins, les dugongs, les stellères, vivent assez volontiers entre eux dans un état d’éloignement, et ne se réunissent qu’à l’époque où le besoin de l’union des sexes se fait sentir. La durée de leur existence est inconnue. Toutes les supputations qui ont été faites sur la vie de la baleine, par exemple, paroissent exagérées et sont incertaines : leur reproduction est le résultat d’un coïit qui s'exécute en s'appliquant à la renverse l’un contre l’autre. Leur sommeil paroît avoir lieu au sein des eaux et être toujours incomplet, c’est- à-dire qu'il semble ne consister qu’à une torpeur prudente que l'apparence du moindre danger fait cesser aussitôt. Nous avons vu des baleines dormir sur la surface de la mer, et ne s’y soutenir que par de légers mou- vements des nageoires, qui, répétés de temps à autre et nonchalamment, les maintenoient sur l’eau. Leur genre de nourriture varie : il consiste en herbes marines pour quelques espèces, en poissons, en mollusques pour le plus grand nombre. Quelques peuples ont vénéré des cétacés, ou les ont repré- sentés dans des allégories ingénieuses. L’utilité que les Européens en retirent est immense, et les arts se sont emparés de plusieurs de leurs parties : la mé- decine surtout a utilisé l’ambre dont l’art des cos- métiques fait un grand usag». L'huile et le blanc de baleine sont l’objet d’un commerce étendu. Les cétacés, ou du moins plusieurs d’entre eux, ont été connus dès la plus haute antiquité. Les écrits des anciens auteurs, d’Aristote, de Pline, d'Elien k les mentionnent sous Je nom de cetus ou de 10 {cete), qu’ils appliquoient aussi à de grands poissons du genre squale. C’est de là que découle le nom de célacés, que les modernes leur ont donné sans par- tage. Observés dès l’époque la plus reculée sur les rivages des nations celles, i's ont reçu d’elles le nom de whall, et ce mot, légèrement modifié par l’ortho- graphe, est répandu chez tous les peuples qui sont d’origine tudesque. Les Italiens et les Francois des côtes de l'Océan et de la Méditerranée, et premiè- rement les Basques, leur appliquèrent à tous le nom 71 4 562 - de souffleurs ou son équivalent, et c’est encore par cette dénomination que les habitants riverains de ces deux pays les désignent aujourd’hui. Aristote (Hist. nat. des Animaux, édit. de Camus. Paris, 2 vol. in-4°, 1785 ) n’a parlé que d’une seule espèce de baleine, et il en a cité de la taille de mille pieds, exagération qui prouve qu’il ne la connoissoit que par les rapports populaires; cependant le philosophe de Stagyre lui donne pour patrie la mer des Indes , et il est possible alors que ce soit réellement la baleine franche qu’il ait voulu indiquer. Dans le même passage, il dit aussi que le Gange produit des anguilles detrois cents pieds ; or, pour être conséquent, Aristote devoit naturellement donner mille pieds à une baleine. Le naturaliste grec cependant isoloit (liv. E, ch. vi, p. 7) les cé- tacés des autres animaux, et en formoit une sorte de genre, car son opinion à ce sujet est précise; « On peut, dit-il, établir le genre des oiseaux, celui des poissons, celui des cétacés, etc. ; » mais nulle part on ne voit qu'il ait eu une idée bien nette de ccs animaux. L'histoire du dauphin est beaucoup plus circonstanciée , et on ne peut douter qu’Aristote ne l’ait assez bien connu; mais après avoir rapporté quelques détails encore vrais aujourd’hui sur cet animal, il y entremêle aussitôt des fables, et surtout beaucoup de faits qui n’appartiennent qu’au requin. Le mysticetus , que les modernes regardent comme la baleine franche, pourroit bien cependant être tout autre chose, et il n’y a rien d’impossible que ce ne soit un chætodon ; car Aristote se borne à dire que le mysticetus a dans la bouche au lieu de dents des soies semblables à celles du porc. Pline ensuite est venu rendre méconnoissable cet animal en le défigu- rant par des contes puérils. Le marsouin est le pho- cena d’Aristote, au sentiment de la plupart des ichthyologistes du dernier siècle. Comment se fait- il cependant que cet auteur lui donne seulement pour patrie les mers du Pont-Euxin, et qu’il dise que sa taille soit plus petite que celle du dauphin ? Le marsouin de la Méditerranée paroîtroit être au con- traire, suivant le docte Scaliger, le tyrsio des Grecs , bien que quelques auteurs ne voient dans le tyrsio que le phoque commun. Si, après Aristote, nous consultons Pline { liv. IX ), nous n’en retire- rons pas de grandes lumières ; cependant on trouve dans son Histoire naturelle quelques espèces de cé- tacés sur lesquelles il a réuni des détails apparte- nant à plusieurs sortes d’animaux marins. Nous y acquérons la preuve toutefois de la bonhomie que Pline apportoit à recueillir les contes que les navi- gateurs de son temps ne manquoient pas de faire à leur retour. Ainsi, dit l’auteur romain, la mer des Indes produit de très grands animaux , comme des baleines de quatre arpents, des langoustes de quatre coudées !.…. Dans l'océan des Gaules vit le ph yseter HISTOIRE NATURELLE ou souflleur, et dans la mer de Cadix, Je poisson en forme d'arbre, dont les branches sont si larges qu’on croit qu’il n’a jamais pu passer dans le détroit de Gibraltar (1). Les baleines, dit encore Pline, fré- quentent nos mers, ainsi que les orques, leurs en- nemies les plus redoutables. Or, tous les naturalis- tes ont pensé que l’orque étoit le dauphin épaulard: cependant Pline donne à la tête de son orque féroce la forme de la proue d’un navire liburnique; cette forme, encore conservée dans la construction des petits navires de Gênes et de Livourne, est entière- ment celle que présente un espadon ; aussi trouve- t-on dans l’orque une réunion de caractères qui ap- partiennent à plusieurs animaux, et à la forme de la tête d’un espadon sont joints des détails de mœurs propres aux squalesrequin et scie, et les dimensions d’un cachalot. Elle devoit être de grande taille, cette orque que l’empereur Claude fit attaquer par les cohortes prétoriennes, et qui coula à fond, devant Pline, un navire avec son équipage, en le submer- geant sous une nappe d’eau qu'elle fit jaillir de ses évents ! Pline cependant connoissoit les fonctions et le but des évents, sans toutefois en expliquer le méca- nisme. Il ne dit que peu de chose des marsouins, qu’il caractérise assez bien d’avec les dauphins : quant à ceux-ci, ilse complaît à en tracer l’histoire, et rappelle, non seulement les contes d’Aristote , mais encore il en ajoute de nouveaux et de plus cir- constanciés. Imbu des idées populaires de son temps, il joint aux mœurs du dauphin , auquel il prête une rare intelligence dans son conte de Simon, plusieurs de celles du requin, telles que d’être forcé de se renverser pour saisir sa proie, d’avoir la bouche en dessous de la tête, etc. ; en parlant de sa nageoire dorsale, on voit évidemment qu'il avoit en vue un gros poisson du genre scare; mais on ‘ne sait, par exemple , sur quel fondement peut reposer ce qu’il raconte du dauphin remontant le Nil, et attaquant le crocodile. Il dit en effet que ce cétacé, connois- sant le côté vulnérable de son ennemi, plonge vive- ment au moment où il voit celui-ci se diriger vers lui pour l’attaquer, et qu’avec l’épine tranchante de sa nageoire dorsale il lui ouvreadroitement le ventre. Ces citations doivent suflire pour montrer que ce seroit en vain qu’on chercheroit à retrouver d’une manière positive les animaux dont les anciens ont parlé. Plus d’obscurité règne encore dans lesauteurs des derniers siècles : faut-il s'en étonner? Si les Romains et les Grecs, au temps de leur splendeur, ont adopté les histoires d’Aristote, de Pline, d’Elien, (") Ce dernier doit être le poulpe kraken, qui renverse les vaisseaux à trois ponts ayant cent vingt bouches à feu et douze cents hommes d'équipage, que Montfort, de mensongère mémoire, a décrit et figuré dans le Buf- fon de Sonnini!!! DES MAMMIFERES. les écrivains de la renaissance des lettres, après de longues années de ténèbres et d’avilissement, obli- gés de tout recréer, saisirent avidement ce qui leur fut raconté par leurs contemporains ; et plus on met- toit de merveilleux dans les histoires sans goût comme sans choix qu'on leur débitoit, plus elles avoient de vogue et de succès. Leurs ouvrages ren- ferment cependant de nombreuses et importantes observations ; mais comme l’ivraie est abondamment mêlée au bon grain, il en résulte qu’on ne peut en tirer tout le fruit désirable; aussi ne présenterons- nous qu’un résumé très court des opinions admises vers celte époque. On trouve dans le Museum Wormianum (1655)un extrait assez détaillé d’un vieilouvrage intitulé, Afi- soir royal, dont l’auteur étoit, dit-on, unetête cou- ronnée ; il présente une classification des cétacés en genres d'après leur taille. Cette division, qui n’a pas demandé un grand effort de sagacité, est, bien entendu , entremêlée de toutes les absurdités dont nos pères aimoient à se bercer ; nous en donnerons un léger échantillon. Genres : 4° Nyding, vingt aunes de longueur, point de dents, point de barbes ( c’est-à-dire point de fanons ). 2e Nisen, cinq aunes. Les dauphins. 3° Leipter, sept aunes. 4° Wagnhyalur ou Hualhund, douze aunes, des dents grandes et aiguës ( est sans doute le squale pèlerin). > Andhyal et Suinhual, vingt aunes, etc., etc. On peut ainsi prendre une idée de laméthode, sion peut donner ce nom à des démarcations aussi gros- sières, suivie dans le Speculum regale. Le dernier genre ou le vingt-deuxième, est le hafgufe ou cétacé dont la taille étoit plus grande qu’une île, et dont il n’existoit qu'un individu dans le monde; bien heureux sans doute que cet animal connu de nos. bons aïeux ait disparu de la surface du globe dont il eût épuisé les productions ! Rondelet ( Histoire entière des poissons. Lyon, petit in-4°, 1558), dans un ouvrage fort remarqua- ble pour l’époque, a joint à son Histoire des poissons des figures en bois de cétacés ; il décrit le marsouin, la baleine vulgaire, la vraie baleine, l’espaular, le mular ou senedette, la scolopendre cétacée; ces f- gures sont d’ailleurs imparfaites et grossières ; mais Rondelet, imbu des idées chimériques d’une époque d’ignorance et de ténèbres, a joint aux êtres réels des images fantastiques et absurdes, et son monstre léonin , son monstre marin en habit de moine, son monstre marin en habit d’évêque, prouvent com- bien on aimoit alors les animaux à formes surnatu- relles. Le mular ou sénedette, dont on a fait depuis un delphinaptère, ne peut être autre qu’un cacha- 563 lot, car ladescription qui sert d'explication à la figure semble le prouver. Conrad Gesner, né en 4516, mort en 4565, pu- blia dans un très gros in-folio tout ce que ses devan- ciers avoient dit sur les animaux, et il répète, au sujet des cétacés, ce qu’en avoient écrit Belon et Rondelet. Son livre VIII de Aquatilibus comprend, rangés par ordre alphabétique, tous les animaux marins connus de son temps ; ses figures de poissons sont en bois, et assez bonnes ; celles des cétacés ne valent rien; les espèces qu’il décrit sont : le dau- phin de Belon, pag. 589; le phocæna ou tyrsio de Belon, pag. 857; l’orca de Rondelet, pag. 748; le physétère, pag. 851, qui n’est autre que le séne- dette, ou mular de Rondelct. Plusieurs planches sont consacrées à ce que Gesner appelle la baleine, p. 459; mais l’imagination du peintre s’est exercée à loisir sur ce sujet : aussi voit-on de ces animaux, armés de longues défenses, submergeant des vais- seaux avec leurs évents, ou bien des navires jetant l'ancre sur eux comme sur un haut-fond , et des équi- pages campant sur leur dos comme sur un rivage!... Aldrovande( ist. nat. de Animalib,, libri sep- tem. Francfort. in-folio, 4625 ) a consacré un livre intitulé de Cetis. La plupart de ses descriptions sont prises des auteurs antérieurs, et les figures en bois qu’il donne des cétacés sont grossières et calquées des pourtraits au naïf du livre du maitre Rondelet. Jonston ( Histor. nat. de, Piscibus. Amst., in- folio, 1657), après avoir figuré avec beaucoup de soins pour l’époque des licornes de toutes les facons, représenta et décrivit quelques cétacés, et aussi, suivant l’opinion reçue alors, des sirènes et des hommes marins. Le livre V, p. 450, est consacré aux baleines, aux physétères , et aux dauphins, qui occupent plusieurs planches. La figure d’un cacha- lot (pl. 42) couché sur le flanc, copiée par labbé Bonnaterre, est très bonne; mais il n’en est pas de même de celles qui renferment des dauphins très difficiles à reconnoitre, et surtout sa scolupendre cétacée, être fantastique et chimérique. Jonston, dans son Histoire, a copié Rondelet, Aldrovande., et Belon, aussi bien que Pline et Aristote, toute- fois déjà avec une apparence de goût. Il donne, comme document assez utile, et d’après Gesner, la figure d’une médaille représentant deux dauphins avec la forme propre à ces animaux, et non celle que les Grecs leur attribuoient généralement, et sous laquelle ils les ont presque constamment figurés. Ces dauphin+ ont pour revers-une têle casquée. Telles étoient les connoissances sur les cétacés il ya deux siècles. De nombreux voyages entrepris dans l'intervalle qui nous sépare de l’époque où éeri- voient Rondelet, Belon, Aldrovande, Jonston et Gesner, jetèrent quelques lumières sur l’histoire 564 d’une classe d'animaux que le merveilleux a tou- jours défigurée de préférence à toute autre. Nous n’aurons à mentionner que queloues sources prin- cipales, malheureusement trop peu nombreuses : car tout ce que l’on dit des baleines, des dauphins, ou des cachalots, dans le plus grand nombre des voyages nautiques, est si vague, qu’on ne peut en tirer aucun fruit. Eggede, missionnaire au Groënland , dans la des- cription qu’il a publiée de l’histoire naturelle de cette contrée (4 vol. in-12. Copenhague, 1765), et qui parut pour la première fois en 14758, présenta des observations neuves et intéressantes sur les cé- tacés du Nord, et sur la manière dont les naturels se livrent à leur pêche. Un nommé Lapevyrère, qui est, dit-on, l’auteur d’une Relation du Groënland , imprimée, sous le voile de anonyme, à Paris, en 4665 (14 vol.in-12), décrivitavec quelque soin le narwhal, donna l'éty- mologie de son nom, et une figure assez médiocre ; mais il expliqua assez bien comment ce qu’on pre- noit alors pour des cornes de narwhal en étoient les dents. Ellis, dans son voyage à la baie d'Hudson exé- cuté en 4746 et 4747 (2 vol. in-12. Paris, 1749), mentionne quelque cétacés ; et plusieurs fois, sous le nom de baleine blanche , il indique le béluga. L'ouvrage le plus saillant, et qui est encore la source presque unique où l’on doive puiser des détails sur les cétacés, est celui d’Anderson, inti- tulé Histoire naturelle du Groënland, de l'Islande et du détroit de Davis (trad., 2 vol..in-42. Paris, 4754), publié pour la première fois en 4750. Cet ouvrage, résultat de renseignements demandés à tous les baleiniers, se ressent malheureusement de la manière dont il a été fait, et quoiqu'il soit riche en bons documents, il renferme beaucoup d’erreurs et des faits transposés. D'ailleurs , à l’époque d’An- derson on ne savoit pas peindre un animal quelcon- que avec des caractères précis ; aussi doit-on être très scrupuleux pour admettre les espèces qu’il décrit, et qu'il n’a pas très bien figurées. Nous serons donc forcé de recourir à ce que cet auteur indique ; mais nous ne le ferons qu'après des discussions raison- nées et une rigoureuse comparaison du texte avec les planches, ce qui n’a pas toujours eu lieu, comme il est facile de s’en convaincre pour le genre physale des auteurs modernes. Depuis Anderson jusqu’à l’époque actuelle, et par les livres d’Ellis, de Forskal, de Pagès , d'Has-. selquist, de Klein, d’Illiger, d'Olafsen et Povelsen, de Péron , de Duhamel , de Shaw, de Risso, etc., etc., l'histoire naturelle des cétacés s’estenrichie de quel- ques bonnes observations, bien cependant que ses progrès n’aient été nullement en rapport avec ceux des autres branches du règne animal. Les traités de HISTOIRE NATURELLE Bonnaterre et de Lacépède, les plus complets que nous possédions , laissent toutefois beaucoup à dé- sirer, et ne sont pas sans erreurs. De sorte qu’au- jourd’hui, où tant d'animaux nouveaux ont été décrits avec exactitude, nous ne possédons pas une bonne histoire de cette classe d’êtres. Cependant le livre précieux de Scoresby, sur les pêches du Nord; la Zoologie de Shaw ; la Mammalogie de M. Des- marest, et surtout le Règne animal du baron Cuvier, ainsi que l'ouvrage de ce célèbre naturaliste sur les ossements fossiles, viendront nous fournir des lu- mières plus nombreuses et plus certaines, et nous permettre de réunir sur les cétacés des faits nou- veaux et intéressants. Linné, dans l'édition que Gmelin a revue du Sys- Lema natur«æ, a formé , sous le nom de cele, sa classe septième ou dernière des animaux. L’illustre Sué- dois n’y admet que quatre genres, qui sont ceux nommés par lui, monodon, baleine, physétère, et dauphin ; et dans ces quatre genres il ne décrit que quinze espèces. Erxleben, dont l’ouvrage sur les mammifères fut publié en 4777, se trouve avoir rejeté à la fin des animaux les phoques, et les avoir fait suivre des cé- tacés. IT adopte les genres et les espèces proposés par Linné, à l'exception de deux. Othon Fabricius , dans sa Faune du Groënland, décrivitavec soin plusieurs espèces du Nord, et ren- dit, sous ce rapport, un véritable service à la science. L'abbé Bonnaterre, dans sa Cétologie(in-4°,1789), proposa seulement quatre familles, dans lesquelles furent compris huit espèces de baleines, deux mo- nodons, six cachalots, et neuf dauphins. L'histoire naturelle des cétacés du comte de La- cépède parut en 480% : cet ouvrage eut un grand succès, et resta classique jusqu’à ces derniers temps. Il fit connoître trente-quatre espèces distribuées dans dix genres, savoir : quatre baleines, quatre baleinoptères, trois narwhals, un anarnak, quatre cachalots, un physale, trois physélères, deux del- phinaptères, onze dauphins, etun hyperoodon. Plus tard il y ajouta les descriptions faites d’après des peintures chinoises de plusieurs cétacés des mers du Japon, tels que deux baleines, quatre baleinoptères, un physétère, et un dauphin. Depuis cette époque, de nombreux voyageurs ont publiédiverses espèces, notamment de la famille des dauphins, et plusieurs des cétacés décrits pri- mitivement, comparés avec plus d'attention, ont paru aux meilleurs esprits ne reposer que sur des figures fautives , ou sur de vagues observations, et ont été rejetés des catalogues. M. Desmarest, dans sa Mammalogie (4820-1822), porte encore cepen- dant leur nombre total à soixante-deux : sur ce nom- bre, vingt-neuf espèces sont indiquées comme mal constatées, et comme douteuses; ce qui réduit à DES MAMMIFÈRES. trente-trois celles sur lesquelles on possède des détails à peu près posilifs. Les cétacés connus aujourd’hui s'élèvent au nom- bre de quatre-vingts, en y joignant les espèces dou- teuses, ou seulement à celui de cinquante, en ne parlant que des espèces assez rigoureusement dé- terminces. Célacés des mers du Kamtschatka, publiés, d’après des figures sculptées en bois par les Aléoutes, par M. de Cramisso. M. de Chamisso, naturaliste français au service de la Russie, a fait le voyage autour du monde avec le capitaine de Kotzebuë sur le Rurick. Parmi les découvertes intéressantes de son voyage, on doit compter celles qui sont relatives à des cétacés du nord de l’océan Pacifique, dont il se procura des modèles sculptés avec beaucoup d'adresse par les naturels de ces contrées, et sur lesquels il publia un mémoire intéressant dans les Actes de la so- ciété de Bonne. Quoiqu’on ne doive pas ajouter une croyance complète aux espèces qui sont ainsi décrites, et qu'on ne puisse les rapporter ou Îles isoler des cétacés déjà connus, on ne peut cepen- dant se dispenser d’en signaler les principaux ca- ractères, parce que les renseignements qui les ac- compagnent sont curieux, et deviendront très utiles aux voyageurs futurs. D'ailleurs, le but principal de M. de Chamisso a été de retrouver, dans les noms aléoutes, la synonymie de ceux employés par le célèbre Pallas, qui a décrit, dans sa Zoographie du nord de la Russie, trois cachalots et six baleines des mers du Kamtschatka, et les figures qu’il a fait lithographier de ces animaux portent le cachet de l'exactitude, en même temps que des notes claires et précises indiquent l'utilité que retirent de ces cétacés les habitants riverains des mers où ils vivent. Les espèces figurées ct décrites par M. de Chamisso, et dont les représentations originales en bois sont déposées au Muséum de Berlin, sont au nombre de neuf. 1 LA BALEINE KULIOMOCK. Cette baleine paroît être l’espèce décrite par Pal- las sous le nom de culammach, et que les Russes nomment kulioma. Les Aléoutes, qui l’appellent kuliomoch dans l’âge adulte, donnent aux jeunes individus le nom de kuliomagadoch. C’est par er- reur que Pallas en distingue la baleine kamschalang : ce mot signifiant, dans la langue des naturels, vieil- lard ou ancien, et s'appliquant aux très vieux Æu- liomoch. 965 De toutes les espèces de baleines, celle-ci est la plus abondamment entourée d'huile, et les chairs, au dire des naturels , ne forment qu’une très petite partie de la masse totale du corps. Cette graisse huileuse est fluide et très odorante, et les Aléoutes la recherchent pour leurs aliments. Ces peuples mangent aussi les nageoires des jeunes individus, font des cordes et des lignes de pêche avec ses ten- dons et ses aponévroses, et emploient les os dans la construction de leurs cabanes, tandis qu'avec la peau ils feconnent leur chaussure. Le kuliomoch, la plus commune comme la plus grande espèce des mers du nord de l’océan Pacifi- que, se rapproche beaucoup de la baleine franche (balæna mysticetus). En effet, sa poitrine est lisse, mais marquée sur les côtés d’un large sillon con- tourné; ses fanons, au nombre de quatre à cinq cents, sont très grands, et de couleur noir bleuâtre; ses évents sont flexueux et placés au milieu de la tête; une éminence conique surmonte le bout du maseau dans la figure, et la bouche est arrondie et recourbée à sa commissure. La nageoire de la queue est échancrée dans son milieu, et les pecto- rales sont de forme ovalaire oblongue : leur cou- leur est blanche , ainsi que la poitrine. Le dos enfin offre une gibbosité assez semblable à une fausse nageoire, tandis que la forme du corps est cylin- drique. Souvent M. de Chamisso observa le kuliomoch nageant autour du Rurick, et une fois entre autres le brick russe, que poussoient des vents favorables, heurta deux de ces baleines qui jouoient, et dont le choc se fit ressentir sur le vaisseau. Cette espèce se rapporteroit parfaitement à la ba- leine franche des mers du Nord, sans bosse qui surmonte le dos, suivant M. de Chamisso ; et tous ses caractères, à cela près , s'accordent beaucoup plus qu'avec ceux qui distinguent les baleiries gib- beuses, ou les baleinoptères boops et à bec, décrites dans les auteurs. Toutefois quelques personnes ré- pugnent à croire que la baleine franche vive indif- féremment dans tous les océans, et que l’espèce des mers boréales atlantiques soit celle des mers bo- réales pacifiques. À cet égard, M. de Chamisso à recueilli quelques preuves qui paroissent assez dé- cisives. Henri Æamel, et Buseq, le premier en 1655 sur les rivages de la Corée, et le second en 1736 sur les côtes du Kamischatka, affirment avoir pé- ché des baleines franches sur le corps desquelles étoient enfoncés des harpons européens, dont la marque étoit celle des pêcheurs du Groënland. On sait d’ailleurs que la connaissance de ce fait avoit précédé les lumières de la géographie pour faire supposer un canal de jonction, sous le pôle, entre la mer Atlantique et l'océan Pacifique. Au reste, l quoique feu Péron ait eu l'opinion formellement 566 contraire, tout auforise à penser que certains grands cétacés vivent indifféremment dans toutes les mers. Cependant le kuliomoch, ayant une bosse sur le dos, ne peut être considéré comme la baleine fran- che, et c’est à la baleine noueuse (balæna nodosa) qu’il doit être rapporté. Le peu d’ailleurs qu’on sait dè cette dernière espèce, que le capitaine Col- nett a vue sur les côtes de la Californie, légitime notre rapprochement, et la phrase de M. de Lact- pède qui indique une seule bosse et des nageoires pectorales blanches à la baleine noueuse, ne per- met pas de penser que le kuliomoch en soit dis- tinct. Eofin, M. de Chamisso rapporte encore au kulio- moch, la baleine décrite par Steller après son nau- frage dans l’ile de Behring, qui avoit quarante-six pieds, et deux cent quaraute fanons, dont la Jon- gueur varioit de six pouces à cinq ou six pieds. II. LA BALEINE TSCHIKAGLUCH. Nommée ainsi par Pallas, cette baleine est le tschikagliok des Russes. C’est la plus petite des espèces décrites, dont elle se distingue par sa tête plus courte et plus conique, par le manque absolu de nagcoire dorsale, par des pectorales ovulaires, par un renflement en-dessous de la queue, et enfin par une large nageoire caudale presque rectiligne. Sa graisse est tellement abondante, que les chairs semblent manquer sous la couche qu’elle forme ; mais cette graisse, d’une saveur agréabie, est li- quéfiée et teinte en rouge. Ses fanons sont rejetés à cause de leur petitesse ; ses os, plus compactes et plus durs que dans les autres espèces, servent à faire des armes; sa poitrine est marqrée de deux larges taches argentées , et la face inférieure de la queue est blanche, ainsi que les nageoires pecto- rales. III. LA BALEINOPTÈRE ABUGULICH. Pallas a décrit cette espèce sous le nom d’umgul- lice, connue des Russes sous celui d’amgolia. Ses formes, dans la figure que M. de Chamisso en done, sont celles d’un cylindre assez régulier. Les deux mäâchoires sont d’égale longueur; une na- geoire dorsale est placée sur la partie supérieure du corps aux deux tiers postérieurs; les nageoires pectorales sont petites, ovalaires, et arrondies à leur sommet; des plis nombreux occupent les ré- gions du ventre et de la poitrine; la nageoire de la HISTOIRE NATURELLE queue est échancrée dans son milieu, et de même couleur que le corps. L’abugulich est considérée, par les Aléoutes ct par les Russes établis au Kamtschatka, comme la plus utile de toutes les baleines de leurs mers. Pailas lui accorde , d’après l'opinion des habitants, jusqu’à trois cent cinquante pieds anglais de lon- gueur; ses fanons sont petits et inusités ; sa graisse, peu abondante et concrète, a une saveur agréable, et se trouve pure sur le dos et les flancs, tandis que sur le ventre elle est unie aux fibres musculaires qui la traversent. Son ennemi le plus acharné est un dauphin qui l’attaque et la harcèle pour lui dé- chirer la langue ou dévorer sa graisse, dont il est friand. Souvent en effet on en trouve de mortes sur les rivages à la suite de blessures qui paroïissent dues à ce cétacé. Les Aléoutes, lorsqu'ils s'emparent d’un abugulich , ce qui est assez rare, détachent la membrane qui recouvre la langue pour en fabri- quer ces tuniques si minces et si transparentes, mais en même temps imperméables à la pluie, dont se revétent ces peuples, et qu’ils obtiennent aussi des intestins de phoques ou de baleines. Les os de la mâchoire sont employés à faire des armures de javelots, et ils retirent de la queue, pour en tisser des cordes, depuis cent vingt jusqu’à cent soixante livres de tendons. IVe LA BALEINOPTÈRE MANGIDACH. Le jeune âge de cette espèce est le mangidadach des Aléoutes; elle est connue des Russes sous le nom de magida , et décrite par Pallas sous celui de mangidal ou balæna musculus. Sa taille est un peu plus prononcée que celle de l'espèce suivante; elle se distingue de l’abugulicqg par un renflement plus considérable de la tête, par une nageoire dor- sale pointue et plus déjetée en arrière du corps, par des pectorales plus étroites et plus aiguës à leur sommet, enfin parce que le rebord de la naseoire caudale n’est pas échancré. Les fanons du mangi- dach n’ont que six pouces de longueur, et ne ser- vent que comme étoupes; sa graisse huileuse est également concrète, et a les mêmes usages que celle de l'espèce précédente. El en est de même des os et des tendons. Cependant on mange parfois la chair du ventre des jeunes individus, qui est tendre, tandis qu’elle durcit et devient trop coriace dans un âge plus avancé. Un individu, long de soixante-dix pieds anglais, fournit de quatre-vingts à cent vingt livres de tendons. DES MAMMIFÈRES. Ve LA BALEINOPTÈRE AGAMACHTSCHICH. Cette baleinoptère, connue sous Je même nom par les Russes et par Pallas, est un peu plus petite que la précédente, dont elle a les formes; elle est d’une couleur brunâtre , excepté sous le ventre qui est blanc, marqué de rides, et aplati. On recherche ses chairs pour la nourriture, et ses fanons, qui sont blancs et longs de deux pieds, ne sont pas uti- lisés. M. de Chamisso dit que sa taille ne dépasse pas vingt-huit pieds anglais, et Pallas lui en donne jusqu’à soixante-dix ; sa graisse est abondante, et les membranes des intestins servent aussi à faire des vêtements, mais moins solides que ceux de plusieurs autres baleines. VI. LA BALEINOPTÈRE ALIOMOCH. - L’aliomoch ou aliama des Aléoutes dans l’âge adulte , et l’aitamna gadach dans les premières an- nées, est l'aliamot des Russes, et l’alliamak de Pallss ; elle ressemble aux espèces précédentes. Ce- pendant, d’après la figure, le corps est plus ra- massé et plus épais, la mâchoire inférieure est plus courte que la supérieure, la nageoire dorsale est prolongée , mais peu haute et comme tronquée ; les pectorales au contraire sont très longues et rappro- chées des yeux, et la caudale forme un large crois- sant. La partie inférieure de celle-ci est blanche, et c’est également la couleur des pectorales ; sa taille ne dépasse guère trente-cinq pieds ; sa graisse hui- leuse est abondante et fluide, et ses fanons sont trop courts pour être employés. VU. LE CACHALOT AGIDAGICH. Ce cachalot est l’agidagich ou agdagjach des Aléoutes que Pallas écrit aggadacchgik, et qui paroît être le plavun des Russes ; sa grosse tête cubique, sa large nageoire caudale, l’étroitesse de la mâchoire inférieure , sa bosse dorsale, tout annonce que c’est le cachalot macrocéphale des auteurs. La longueur que lui donne M. de Chamisso est de cent sept pieds anglais environ, et il ne sera pas inutile de rappe- ler que le pied anglois n’a que onze pouces du pied de France. Les dents de la mâchoire inférieure ont huit pouces de longueur, et les branches osseuses de celle-ci sont employées à la confection des javelots ; Ja peau de ce cachalot est usitée par les Aléoutes pour faire des chaussures ; sa graisse huileuse, qu’on dit purgative, sert uniquement à l'éclairage des 567 yourtes, eton retire d’un animal de cinquante pieds jusqu’à quatre cents livres de tendons. Les évents dans la figure en bois, au lieu d’être placés sur le sommet de la tête, sont creusés en devant et comme des narines : ce qu’on doit attribuer probablement à une erreur de l'artiste. ; VIII. LE PHYSÉTÈRE ALUGNINICH. Cette espèce est rapportée par M. de Chamisso au genre ancylodon d’Illiger, et a pour synonymes les noms de fchieduk et d’agidagich; elle paroît se rapprocher du monodon spurius de Fabricius, ainsi que de l’hyperoodon de M. Lacépède, et du delphinus diodon de Hunter. Pallas décrit briève- ment l’alugninich, et ne lui donne que deux dents en avant de chacune des mâchoires; il dit que sa graisse est-purgative, et seulement employée à brü- ler. Le fschieduk, du même auteur, a soixante-dix pieds, deux dents longues de neuf pouces à chaque maxillaire, et une graisse également nuisible.Entfin, son tschumtschugagack peut avoir environ quatre- vingt-quatre pieds, suivant l’opinion des insulaires de Kadiak ; maisil a quatre dents à chaque mâchoire. Il est donc fort difficile de rapporter positivement l'espèce de M. de Chamisso à celles de Pallas. L'image aléoute représente toutefois à l'alugninich deux évents séparés, deux dents à l’un et l’autre maxillaires, et deux raies blanches entourant le corps très obliquement. M. de Chamisso possédoit trois figures de dau- / phins : deux ont été jugées trop imparfaites et trop grossières pour être publiées, et il s’est borné à une seule qui termine son mémoire. 1:06 LE MARSOUIN AGULUCH. M. de Chamisso regarde ce marsouin comme le dauphin orque ou lépaulard de M. Cuvier. Les Russes le connoissent sous le nom de 4ossatka, et Pallas l’a décrit sous celui d’agl'uk. Le dessin lui donne deux évents, ce qui est sans doute une erreur, une large nageoire dorsale, etune queue rectiligne. Une raie blanche latérale se dessine de la commis- sure de la bouche jusqu’au-delà de la pectorale, et une autre raie nait en avant de la dorsale, et se pro- longe obliquement jusqu’en dessous du corps près de l’origine de la queue. Suivant M. de Chamisso sa taille est de treize pieds, ses dents sont petites et nombreuses; il vit en grandes troupes, et attaque avec férocité les baleines dontil est l'ennemi acharné. Si cette espèce étoit exactement décrite, elle seroit nouvelle : car l’orque ne lui ressemble point, et 568 l'orque d’ailleurs ne peut se trouver dans les mêmes mers; car chaque espèce de la famille des dauphins quitte peu les zones qui lui ont été affectées. Description de quelques cétacés des mers du Japon, d'après des figures peintes en Chineet au Japon ; par le comte dE LACÉPEDE. Nous plaçons à la suite des cétacés des îles kou- riles et aléoutiennes, quelques espèces que M. le comte de Lacépède décrivit d’après des dessins je- ponois que lui avoit communiqués M. Abel de Re- musat, et dont il fit l’objet d’un mémoire spécial qu’il lut à l’Institut le 21 septembre 1818. Des es- pèces qui ne reposent que sur des peintures de ce genre , sans description aucune, ne peuvent en effet être rangées parmi celles admises dans les ouvrages comme réelles : car on sait que les peintres chinois se plaisent à enluminer leurs dessins avec des cou- leurs de fantaisie, et que rarement ils s’astreignent à peindre la nature telle qu’elle est. D'un autre côté, cependant, M. de Lacépède assure que les traits dis- tinctifs des diverses espèces sont présentés avec une grande netteté, et qu’ils portent tous les signes de l’authenticité et de l'exactitude que les zoologistes sont accoutumés à reconnoitre, de sorte qu'on est tenté de regarder ces figures comme les portraits exacts d'espèces vraiment nouvelles. ç Er. Les Baleines à dos sans bosse. ï. LA BALEINE JAPONAISE. Balæna japonica. LacÉr. Nous emprunterons textuellement, pour cette espèce comme pour les suivantes, la description qu’en à tracée M. de Lacépède. « L'évent est placé un pen au-devant des yeux; la nageoire caudale est grande ; on voit sur le mu- seau trois bosses garnies de tubérosités, et placées longitudinalement ; la couleur générale est noire; le ventre est d’un blanc éclatant, et cette grande place blanche est comme festonnée profondément dans son contour ; les mächoirés, les nageoires pectorales , et la caudale, sont bordées de blanc; des lignes cour- bes , noires et très fines, relèvent le blane qui est autour des yeux et à la base des pectorales : on dis- tingue des groupes de petites taches blanches sur Ja mâchoire inférieure, et d’autres petites taches de la même couleur sont répandues sur le museau. » HISTOIRE NATURELLE FI LA BALEINE LUNULÉE. Balæna ltunulata. Lacir. « L'évent de cette espèce est placé un peu en at- rière des yeux, et les deux mâchoires sont hérissées à l'extérieur de poils ou petits piquants noirs; la couleur générale est verdâtre, et on voit sur la tête, le corps et les nageoires, un grand nombre de petits croissants blancs. » 6 IL. Les Baleinoptères à plis longitudinaux sous la gorge et sous le ventre. IT. LA BALEINOPTÈRE MOUCHETÉE. Balænopiera punctulata. Lacér. La nagcoire dorsale est petite, et située à une dis- tance égale des pectorales et de la caudale ; cinq ou six bosses sont placées longitudinalement sur le museau; la tête, le corps, et les pectorales, sont mouchetés de blanc sur un fond noir, et les lèvres, les sillons longitudinaux , et le tour des yeux, sont blancs. TVA LA BALEINOPTÈRE NOIRE. Balænoptera nigra. Lacér. La mâchoire supérieure est étroite, et le contour de cette mâchoire se relève au-devant de l'œil, pres- que verticalement ; on voit sur le museau ou sur le front quatre bosses placées longitudinalement; la couleur générale est noire ; les nageoires et Ja mà- choire sont bordées de blanc. AE ss LA BALEINOPTÈRE BLEUATRE. Balænoptera cœrulesrens. Lacér. À la mâchoire supérieure conformée comme l’es- pèce précédente : sa dorsale est petite et plus rap- prochée de la caudale que de l’anus ; on voit plus de douze plis ou sillons inclinés de chaque côté de la mâchoire inférieure, et sa couleur est d’un gris bleuâtre. DES MAMMIFÈRES. 569 VE. LA BALEINOPTÈRE TACHETÉE. Bulwnoplera maculata. Later. Celle ci a la mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ; les orifices des évents sont un peu en arrière des yeux, quisont près de la commissure. La dorsale est à une distance presque égale des bras et de la nageoire de la queue : la couleur noirâtre règne sur la partie supérieure de l'animal ; le dessous de la tête et du corps est blanchâtre; quelques taches très blanches, presque rondes et inégales, sont pla- cées irrégulièrement sur les côtés de ce cétacé. 6 HIT. Les Cachalots à nageoires. VII. 7! LE PHYSÉTÈRE SILLONNÉ. +. Physeterus sulcatus. Lace. Ce cachalot a de chaque côté de la mâchoire in- férieure six plis ou sillons inclinés. La longueur de la tête égale le tiers de sa longueur totale ; l’évent est placé au dessus de l'extrémité de l'ouverture de Ja bouche : la nageoire dorsale, conique , recourbée en arrière, s'élève au-dessus des pectorales qu’elle égale presque en longueur ; des dents pointues et droites garnissent l’extrémité de la mächoire infé- rieure. La couleur générale est noire. Les mâchoires et les nageoires sont bordées de blanc. VIIT. LE DAUPHIN NOIR. Delphinus niger. Lacér. Ce dauphin a le museau très aplati et trèsallongé, et plus de douze dents de chaque côté des deux mà- choires. La dorsale, très petite, est plus voisine de la nageoire de la queue que des pectorales. Sa cou- leur générale est noire, etles commissures, ainsi que les pectorales, et une partie de la caudale, sont d’un blane plus ou moins éclatant. DES CÉTACÉS HERBIVORES, OU DES SIRÈNES. M. Cuvier, le premier, divisa l’ordre des cétacés en deux familles. Il rangea dans la première, sous le nom de célacés herbivores, les genres lamantin, £. dugong , et stellère ; et dans la seconde, sous lenom de cétacés proprement dits, furent compris tous les animaux connus jusqu’à ce jour, et d’une manière exclusive , sous ce nom seul, tels que les baleines, les cachalots, les narwhals et les dauphins. Les cétacés herbivores se distinguent des cétacés ordinaires par l’aplatissement des couronnes de leurs dents. Ce caractère, en effet, est la consé- quence naturelle de leur genre de vie : aussi les ani- maux de cette division tirent leur substance des matières végétales qu'ils paissent sous les caux à peu de profondeur sur les rivages ; ils allaitent leurs petits avec deux mamelies placées sur la poitrine ; des poils naissent sur le rebord de la lèvre supé- rieure , et leursévents , dont le canal osseux s'ouvre vers le haut du crâne, ne sont percés dans la peau que vers le bout du museau. Frois genres seulement sont compris dans les cé- tacés herbivores, et long-temps on les a rangés à côté des phoques. Leur histoire a été entremêlée de contes populaires ; et c’est ainsi qu’on les a figurés et décrits sous les noms d'hommes ou de femmes marines, de sirèues. Les Européens établis aux Indes croient encore à leurs rapports avec les tritons de la mythologie; et il est bien rare qu’à Batavia, par exemple, on ne mentionne pas annuellement, dans les gazettes, la capture de quelques uns de ces demi-hommes et demi-poissons , qui ne sont autres que des dugongs. Les cétocés herbivores paroissent habiter plus particulièrement entre les tropiques, et seulement sur les rivages, et jamais dans la haute mer. De trois espèces connues de lamantins, en effet, une vit aux Antilles, la seconde au Sénégal, et la troi- sième sur les côtes de la Floride. Le dugong n’a, jusqu’à ce jour, été trouvé que dans les mers chau- des qui séparent par d'innombrables canaux lesiles de la Malaisie. El s’avance sur les côtes de la Nou- velle-Hollande jusqu’au-delà du tropique du Capri- corne; et les naturalistes prussiens, Hemprich et Ehrenberg, assurent l’avoir observé dans la mer Rouge. Le stellère paroit confiné aux mers boréa- les de l’océan Pacifique, sur les côtes de la pres- qu’'üce du Kamtschatka, et au milieu des îlots in- nombrables de la côte nord-ouest d'Amérique. Le comte de Buffon ayant déjà décrit (tom. IX, et suppl. tom. VI )les lamantins et le dugong, nous nous bornerons à présenter un résumé de l’histoire de ces animaux , beaucoup plus exactement connus aujourd’hui. HHIIYIYTFTFYYTYTYVYVYV,VTVTVTVTVUV-vÙ_p_p__—_———————————— LES LAMANTINS OÙ MANATES. Long-temps rangés à côté des phoques et des morses, les lamantins ne furent regardés comme co is 970 de vrais cétacés que dans ces derniers temps. His étoient connus d'Hernandez, de Clusius et de Ron- delet, et ce dernier en a publié une figure dans son Traité des poissons; tous les auteurs qui se sont succédé s'accordent à les désigner sous le nom de manatus, d'où par corruption nous avons fait la- mantin, bien que quelques zoologistes, et Buffon entre autres, fassent dériver ce mot de celui de ma- nati, usité par les galibis de la Guyane ou les colons espagnols d'Amérique pour désigier un grand mam- mifère aquatique : mais cette dernière étymologie est peu admissible. Le nom de #nanatus ou de m«- naltes, signifiant animal à mains, indique que ces cétacés se servent de leurs nageoires pectorales pour soutenir leurs petits dans leurs bras à la manière de certains animaux terrestres. D’autres noms donnés. par le vulgaire ou par des voyageurs ignorants, rap- pellent les ressemblances plus ou moins grossières que des esprits prévenus ont cherché à établir avec les lamantins ; et c’est ainsi que les désignations les plus opposées de bœuf marin, de vache marine, de femme de mer, leur ont été appliquées dans plu- sieurs relations. Linné, en donnant au morse le nom générique et scientifique de trichechus, regardoit la seule espèce de lamantin connue de son temps comme présentant l’ensemble des caractères de cet animal; et ce rap- prochement erroné subsista jusqu’à l’époque où M. Cuvier fit paroître son ouvrage classique sur le règne animal. Les lamantins sont des animaux à corps oblong, sans cou distinct, et dont l'extrémité postérieure est arrondie, un peu déprimée, et à nageoire cau- dale oblongue, et très développée. Les rudiments intérieurs des membres postérieurs manquent com- plétement. Les nageoires antérieures sont formées par une membrane qui enveloppe les cinq doigts et leurs phalanges : et ceux-ci ne sont apparents au dehors que par quatre ongles plats qui sont atta- chés au rebord de la nagcoire. Les membres anté- rieurs ont toutefois les parties osseuses que présen- tent les squelettes des autres animaux. Les yeux sont très petits et occupent l'intervalle qui sépare le bout du museau des trous auditifs : ceux-ci sont très peu visibles. Les narines sont petites, semi-lu- naires et dirigées en avant. La langue est de forme ovalaire; la lèvre supérieure est fendue et garnie de soies ou moustaches courtes, mais de certaine gros- seur, et formant de chaque côté des lèvres deux faisceaux cornés résistants. La peau ou l’enveloppe générale du corps est épaisse, légèrement chagrinée et garnie de quelques poils rares. Le mâle a une verge dont le giand est élargi comme chez le chevai; cet élargissement est formé de deux bords frangés, embrassant une éminence conique, au milieu de la- quelle s'ouvre le canal de l’urètre. Les femelles ont HISTOIRE NATURELLE deux mamelles placées sur la poitrine et entre les deux nageoires. Le système dentaire, ou cet appareil avec lequel l'animal saisit et triture sa nourriture, a quelque chose de particulier chez les lamantins. El paroît que les fœtus viennent au monde avec deux incisives en devant à chaque mâchoire, et que ces dents tom- bent aussitôt qu’elles ont vu le jour, pour ne plus reparoitre ; car les individus adultes n’ont plus ni incisives ni canines, mais seulement neuf dents molaires de chaque côté et à l’une et l’autre mâ- choire. Ces denis, en sortant de l’alvéole, ont leur couronne hérissée de trois mamelons aigus qui s’usent par la mastication des aliments, et auxquels succèdent deux collines transversales, bordées en avant et en arriere de deux crêtes qui sont dente- lées. Les molaires inférieures ne diffèrent des pré- cédentes que par quelques légères dissemblances. Leur nombre total est de trente-six, mais il est sou- vent réduit à trente-deux, parce qu’à certaine épo- que de la vie, quatre d’entre elles tombent et ne repoussent plus. La charpente osseuse se compose principalement de six vertèbres cervicales et de seize paires de côtes très grosses et épaisses, dont les deux premières seules s'unissent au sternum. Le viscère stomacal est formé par deux poches où s'ouvrent trois petits tubes en forme de cœcum, et le vrai cœcum est court et divisé en deux branches. Le colon est dilaté et comme boursouflé. Tels sont les caractères succincts de l’organisation générale des lamantins. Ce sont des cétacés qui ne vivent que de matières végétales, et qui, s’assem- blant en troupes nombreuses et pacifiques, fréquen- tent les côtes intertropicales de l’océan Atlantique, et se plaisent à l'embouchure des grands fleuves, qu’ils remontent souvent à des distances considéra- bles, On a dit que parfois les lamantins sortoient de l’eau, et qu’ils pouvoientse trainer avec de pénibles efforts sur les rivages, à l’aide de leurs nageoires et même des poils de leurs moustaches; mais ce fait ne paroît pas hors de doute, et rien n’autorise à l’admetire, à moirs que de nouvelles observations ne viennent le sanctionner par un témoignage irré- çqusable. Leurs mœurs sont douces et innocentes , et si leurs formes ne séduisent point l’observateur, leur sociabilité et leur bon naturel l’intéressent du moins, et doivent leur mériter une part à sa bien- veillance. Les mâles, à ce qu’il paroît, sont en effet attentionnés et pleins de soins pour leurs femelles, et celles-ci chérissent tendrement leurs petits, et leur prodiguent les plus doux soins maternels; elles les soutiennent entre leurs nageoires et sur leur sein, et garantissent leur inexpérience des piéges où ellene manqueroit pas de tomber. | La durée de la gestation est d'environ une année, / LRU: frmerique, Manatus Americanus . 5) ( l'ugons DE Le hules. Halicore Indicus , L: L'esn J : fine 7 C Ladleny Fe Pijpines d'aprés Bu > l , { Puble par Pourrat Fa l'arur DES MAMMIFÈRES. et a pour résultat le plus ordinairement un seul petit, et rarement deux. Dans les contrées eù on trouve les lamantins, les habitants en recherchent la chair, et en emploient la peau à divers usages. Deux seules espèces vivantes paroissent être susceptibles d’être nettement distinguées ; l’une est d'Amérique et l’au- tre d'Afrique. Des débris fossiles de Jamantins ont été reconnus et décrits par M. G. Cuvier. Les plus intacts ont été trouvés dans un calcaire coquillier grossier dont se composent les coteaux qui bordent la petite rivière de Layon dans le département de Maine-et-Loire. Ces débris consistoient en os du crâne, des mem- bres antérieurs et des côtes, et tous étoient convertis en calcaire ferrugineux rougeûtre renfermant Cu fluate de chaux. Mais l’examen de ces fossiles à fait entrevoir qu’ils devoient appartenir à une espèce de lamantin totalement perdue et tout-à-fait difiérente de celles qui existent aujourd’hui, et que rendoient surtout très remarquable et sa grande taille et les formes de sa tête. D’autres ossements fossiles ont é.é découverts à Capian, à quinze lieues environ ce Bordeaux, mais ils étoient trop triturés pour être bien reconnoissables ; on en à observé aussi à Marly où ils éioient placés dans de l'argile plastique recou- yrant le terrain de craie des environs de Paris, et à l’ile d'Aix. Nous trouvons dans ce fait, dit M. Cu- vier, la preuve que les lamantins, aujourd’hui con- finés entre les tropiques, vivoient naguère dans les mers qui baignoient la France. Enfin, s’il faut s’en rapporter à une courte note publiée aux Etats-Unis par le docteur Harlan, on auroit rencontré, sur la côte occidentale du Maryland, des côtes et des ver- tèbres appartenant à un lamantin fossile de taille gigantesque ; car le diamètre vertical de la vertèbre atlas seroit de neuf pouces anglois, et le diamètre transversal de sept. Les limites géographiques des lamantins vivants sont donc renfermées aujourd’hui dans l'intervalle de 59 degrés, ou de 25 degrés au nord et au sud de l’équateur. Cependant nous trouvons dans les rela- tions de tous les anciens navigateurs, et notamment dans les voyages de Dampier, qu’il y est fait men- tion de lamantins existant par de plus hauts paral- lèles. Or il est ben probable que diverses espèces sont encore incennues des naturalistes, bien que sous ce nom de lamantin des voyageurs aient eu en vue peut-être des phoques, et souvent le dugong. Quant au lamantin des côtes du Pérou, il est presque certain qu’il diffère desespèces de l’océan Atlantique; mais on ne possède sur lui aucun renseignement particulier. o7 1 LE LAMANTIN D’AMÉRIQUE. Trichechus manatus. LiNXE. Le lamantin d'Amérique est l'espèce la plus an- ciennement connue. Clusiuset Aldrovande le-nom- moientmanati Indorum, d'après Hernandez, et c’est sous le nom de manati ou inanalus qu’il se trouve mentionné dans les ouvrages de Rondelet, de Ges- ner, de Laet, de Jonston, de Charlet, de Rai, de Dampier, de Sloane, de Klein, de Brisson et de Pennant, et sous celui de lamentin ou lamantin dans La Condamine, Brown et Buffon. Les Portugais, dont les flottes couvroient jadis les mers, parlent dans leurs plus anciennes relations du lamantin d'Amérique sous le nom de pezze muger ou pois- son-femme, et les Espagnols des bords de l’Oré- noque sous celui de pesce buey. C’est le se:kuh des Allemands, le manatee des Anglois, et le soë-koe des Banois. Buffon nomme cette espèce le grand laman- tin des Antilles, et la décrit et la figure dans le t. x1H, pl. 57, et pag. 577 et 455 de son Histoire des qua- drupèdes. La forme du corps est allongée et ovalaire, et rappelle celle d’une outre, terminée à la partie posté- rieure, après un léger étranglement, et s’aplatis- sant pour donner naissance à la queue. Celle-ci est oblongue, ovalaire, large et comme tronquée, et forme à peu près le quart de la longueur totale de lan mal. La tête est conique, sans point de dépres- sion à son union avec le corps. Le museau est gros et charnu, et représente en haut un demi-cercle où s'ouvrent les deux narines faites en croissant et dirigées en avant. La lèvre supérieure est renflée , et échancrée dans son milieu. Deux touffes de soies roides, d’un volame assez prononcé, en garnissent les côtés. La lèvre inférieure est plus courte et plus étroite que la supérieure, et la bouche est peu fendue. Les yeux sont petits et placés à une égale distance des narines et de la commissure des lèvres. Les oreilles ne consistent qu’en deux fissures étroites ouvertes dans la peau; les orifices des appareils de la génération et de la défécation sont très voisins, et ne sont séparés que par une mince cloison. Tels sont les principaux caractères du lamantin d'Amérique, dont le corps est recouvert d’une peau grise, légère- ment chagrinée, et sur laquelle paroïssent quelques poils rares, peu fournis, et un peu plus rapprochés près de l’angle de la bouche et sous les nageoires. Les mamelles, peu développées dans l’étatordinaire, se gonflent et s’rrondissent à l’époque de la fécon- dation, et sécrètent alors un lait onctueux et agréable au goût. Buffon avoit singulièrement embrouillé l’histoire naturelle de ce cétacé herbivore. Des quatre espic:s 572 qu’il admettoit, une seule doit subsister, et c’est celle qui nous occupe. Mais son lamantin des Grandes-Indes est évidemment le dugong ; son la- mantin du Kamtschatka, le stellère; et son petit lamantin des Antilles ne diffère en rien de celui d'Amérique. M. G.Cuvier, par des recherches sui- vies et complètes, est le premier naturaliste qui ait éclairci, d'une manière satisfaisante, les descrip- tions de ces animaux, qui cependant ne sont point encore aussi complétement connus qu’on devroit le désirer. Le lamantin d'Amérique atteint une assez grande taille ; elle est souvent de plus de vingt pieds. Son poids s'élève, dit-on, jusqu'à huit milliers. La graisse qui enveloppe les chairs est très abondante, et les jeunes sont fort recherchés pour leur délica- tesse. Toutefois, la nourriture que les Américains retirent des salaisons de lamantins est peu estimée des créoles, et elle ne sert guère qu'aux nègres plan- teurs. L'os de manali, vanté outre mesure dans des arcanes mis en vogue par la superstition la plus grossière, est l’os du rocher, flottant au milieu de l'appareil auditif, comme on le remarque chez tous les cétacés indistinctement. Le lamantin ne vit point dans les eaux profondes: il se tient sur les grèves des iles des Antilles où l’observèrent et Dutertre et le père Labat, ou bien dans les anses abritées des côtes de l'Amérique mé- ridionale, et notamment du Brésil et des deux Guyanes. C’est surtout aux embouchures des grands fleuves de l’Orénoque et des Amazones, au milieu du mélange de leurs eaux douces avec les eaux sa- lées de l'Atlantique, que ces cétacés se plaisent et qu'ils vivent en plus grand nombre. L’utilité de leur chair a engagé les colons établis dans le Nou- veau-Monde à leur faire la chasse, et les lamantins ont bientôt appris à fuir des lieux qui leur deve noient funestes ; ils se sont retirés sur les côtes les plus désertes et dans les fleuves les moins visités : partout où l’homme habite ils sont devenus rares et farouches. M. de Blainville a considéré les lamantins comme représentant, au milieu de leur genre de vie tout aquatique, les éléphants terrestres. Il compare ces animaux, au premier coup d’æil si disparates, dans la disposition et la manière dont se forment les dents, et surtout dans les poils durs et cornés qui revêtent les lèvres des lamantins aussi bien que celles des éléphants. D’autres analogies se découvrent aussi dans les pièces diverses du squelette. Les mœurs du lamantin d'Amérique sont plus particulièrement celles que nous avons indiquées, en parlant des espèces en général. Les voyageurs disent que lorsque l’un d'eux est attaqué, les autres individus, au licu de fuir, viennent à son secours, et cherchent à le protéger. On rapporte, et c’est HISTOIRE NATURELLE sans doute en parlant du stellère seul, qu’ils dor- ment dans l'eau le ventre en haut, ce qui suppose- roit que leurs évents restent au-dessus de la surface de la mer. L’accouplement se fait vers la chute du jour, et la femelle, pour son accomplissement, se renverse sur le dos et serre le mâle dans ses nageoi- res. Leurs sens sont inégalement développés : et c’est ainsi qu’on s’accorde à dire que leur vue est mauvaise, mais que l’ouïc , en revanche, epprécie avec une grande délicatesse le moindre bruit. Les pations qui habitent les côtes de l'Amérique les chassent avec des bateaux montés par des harpon- neurs habiles, et les percent le plus ordinairement avec des lances acérées. Nous avons peint le lamantin d'Amérique tel que l’a créé la nature. Nous n’avons point surchargé notre palette pour l’embellir par des couleurs que la vérité répudie : et cependant nous parlons d’un être sur lequel la mauvaise foi la plus insigne s’est exercée. L'homme en général aime à se faire illu- sion, et, en se trompant lui-même, il se plait à tromper ceux qui l'écoutent. Car quelle autre rai- son donner que toutes ces descriptions aflirmées avec une rare impudence, et dont on peut se faire une idée en ouvrant le Telliamed de Dumuillet, de ces hommes à barbes épaisses, de ces femmes marines portant des mamelles, tenant leur nour- risson sur leur sein , dont le corps est gracieux par le haut et terminé par une hideuse queue de poisson ? LE LAMANTIN A LARGE MUSEAU. Manatus latirostris. HARLAN. M. le docteur américain Harlan a publié récem- ment, dans le Journal de l’Académie des Sciences naturelles de Philadelphie (t. AIX. part. 2, p. 590; pl. 45, fig. 4, 2 et 3), la description d’un lamantin qu’il regarde comme différant spécifiquement de l'espèce précédente, et dont il n’a pu étudier que des crânes, qu’il trouva gisants en grand nombre sur les rives et à l'embouchure des rivières qui arrosent les Florides, et qui se perdent sous les 25 degrés de latitude. Ces crânes différoient d’une manière no- table de ceux qui sont propres aux lamantins d’A- mérique et du Sénégal, et le portèrent à créer no- minalement une nouvelle espèce, en attendant que des observations directes vinssent en faire connoître les différences extérieures. Cette espèce n’auroit que trente-deux dents. M. Harlan n'ayant pas jugé à propos de dire dans sa Faune des États-Unis, que nous avons sous les yeux, en quoi le crâne de son lamantin latirostre différoit de ceux des deux au- tres espèces , nous attendrons que celte découverte DES MAMMIFEÈRES. soit confirmée ‘par des observations un peu plus précises. Toutefois M. Harlan ajoute que les Indiens font la chasse à ce lamantin pendant les mois d'hiver; qu’ils le poursuivent avec des harpons, et que cha- cun d’eux en tue environ une dizaine par année : il dit aussi qu’il peut avoir neuf ou dix pieds anglois de longueur, et que sa taille approche de celle d’un } œuf. Enfin il pense que ce cétacé a été mentionné par le capitaine Henderson dans la relation qu’il a publiée en 1809 des établissements anglois à Hon- duras, bien que nous n’y ayons rien vu qui s’ap- plique plutôt à une espèce qu’à l’autre. M. Hen- derson n’a écrit en effet que cette courte note. « Le » mâle et la femelle vont d'ordinaire ensemble; et. » lorsqu'ils nagent à la surface des lagons, ils sont » frappés avec des harpons ou dards, que savent » lancer avec la plus grande adresse les esclaves de » l'établissement ou les Indiens mosquites. La chair » de ces animaux est très estimée et ressemble » beaucoup à celle du veau, et la queue, qui com- » pose la partie la plus considérable du corps d’un » manali, assaisonnée convenablement, fournit un » mets qui, mangé froid, jouit de la plus grande » faveur, et eût été estimé d’Apicius et d'Hélioga- » bale eux-mêmes. » LE LAMANTIN DU SÉNÉGAL. Manatus senegalensis. G. Cuv. Adançson est ie premier voyageur qui ait distingué le lamantin du Sénégal, que la plupart des auteurs ont confondu depuis lui avec l’espèce des côtes d’A- mérique. Ce n’est toutefois que par la comparaison du crâne, apporté de la Sénégambie par ce célèbre naturaliste, que M. G. Cuvier s’est assuré qu'il con- stituoit évidemment une espèce réelle et distincte. IL est fort probable que ce lamantin est celui que mentionnent Dapper et Lacaille dans leur voyage ; mais il est certain que c’est le lercou des nègres yo- loffs des bords du fleuve Sénégal, et le cojumero des naturels de la Guinée. Les détails fournis par Adanson sont peu étendus ; il se borne à dire en effet que les plus grands indi- vidus n’ont au plus que huit pieds de longueur, et pèsent environ huit cents livres. Puis il ajoute: Leur tête est conique et de médiocre grosseur ; les yeux sont ronds, leur iris est de couleur bleue foncée, et la prunelle noire. Les lèvres sont charnues et épais- ses: la langue est ovalaire; les quatre ongles de cha- que nageoire sont d’un rouge brun luisant : leur cuir, épais de six lignes sous le ventre, de neuf sur le dos et de dix-huit sur la tête, est à teinte cendrée noi- râtre. La graisse est blanche et la chair d’un rouge 573 pâle. Les femelles ont deux mamelles plutôt ellip- tiques que rondes, placées près de l’aisselle. Buffon et Shaw distinguoient ce lamantin de celui d'Amérique par des caractères qui n’existent point. M. G. Cuvier n’a trouvé de différences que dans la forme comparative des têtes osseuses ; ct il en ré- sulte en effet que le lamantin du Sénégal a les fosses nasales et temporales plus larges et moius longues, la tête plus courte et plus étendue dans le sens trans- versal; les orbites plus écartées, les apophyses de l'os temporal moins renflées, la partie inférieure de la mâchoire d’en bas recourbée, tandis que c’est l’op- posé chez le lamantin d'Amérique. Cette espèce est la plus anciennement connue, sans que pour cela nous possédions sur elle les moindres renseignements positifs. Les Portugais en eurent les premiers cénnoissance, et, les premiers aussi, ils lui donnèrent les noms de syrène ou de femme ma- rine, qu’on transporta ensuite à l’espèce d’Amé- rique lors de la découverte du Nouveau Monde. Ses habitudes n’ont point été étudiées : tout ce que l’on sait, c'est qu’elle fréquente les embouchures des grands fleuves, qui, tels que le Sénégal, le Zaïre, vont se perdre à la mer sur la côte occidentale d’A- frique. LES DÜUGONGS OÙ HALICORES. On ne connoît qu’une seule espèce de dugong, Cet animal n’a été nettement distingué des autres cétacés herbivores, et même des amphibies carni- vores, que dans ces derniers temps. Tous les anciens voyageurs, tous les auteurs systématiques du dix- huitième siècle, ne les séparoient pas des lamantins, dont il a en effet la plupart des caractères, ou du morse auquel il ne ressemble que par une analogie grossière, tirée de ce que l’un et l’autre possèdent des défenses. Cependant, s’il faut s’en rapporter à lopinion populaire des Malais, deux espèces de du- gongs fréquenteroient leurs rivages. On soupconne même que les os recueillis sur les côtes de la Nou- velle-Hollande diffèrent assez notablement de ceux du dugong des archipels des Indes orientales (1), et que lespèce découverte récemment dans la mer Rouge ne se rapporte point à aucune des précé- dentes. Cette dernière ne seroit-elle pas le lamantin femelle (the meermaid) décrit et figuré par Barbot dans son Voyage à la côte de Guinée ? Au reste, on ne possède de documents authentiques que sur le dugong indien. Leguat, protestant exilé par la révocation de l’édit : () Le trou mentonnier d’un maxillaire inféricur, ob« servé par MY. Quoy et Gaimard, est plus grand, 974 de Nantes, et voyageur auquel nous devons quel- ques descriptions d'histoire naturelle médiocres, est le premier, à notre connoissance, qui ait donné dès 4720, et sous le nom de lamantin des Indes, une figure et ure description du dugong (!) assez recon- noissables. Renard ensuite publia à Amsterdam, en 4754, un volume in-folio de figures de poissons des- sinées par des peintres indiens, et dans ce recueil, dont la véracité fut long-temps suspectée, parut un portrait du dugong (pl. 54, fig. 480) assez mal ca- ractérisè , imitant plutôt un squale, et que la plu- part des naturalistes rejetèrent comme faulif. Cet animal ne fut regardé par les uns que comme uu lamantin, et par les autres que comme un morse. Le célèbre anatomiste hollandois Camper reçut un dugong de Batavia; et, se livrant à quelques recher- 539 » dauphin du Gange. L’orbite est aussi large que » dans les dauphins ordinaires, et bornée de même »en dessous par une tige grêle donnée par le ju- » gal. Les pariétaux ne se montrent que très peu » dans la fosse temporale, qui elle-même est peu » étendue en hauteur. En dessous, le palais est un » peu en carène, ce qui pourroit indiquer un rap- » prochement avec les baleines. Il n’a point les sil- » Jons latéraux du dauphin vulgaire. Les ptérygoï- » diens occupent une très grande longueur aux » artrière-narines, et diminuent beaucoup la part » qu'y prennent en avant d’eux les palatins. L’occi- » put est plus haut que large. La mâchoire infé- » rieure n’a pas sa symphyse plus longue qu’aux » espèces ordinaires de dauphins. » Le squelette que M. Cuvier examina avoit tous » ses os épiphysés, bien qu'il fût long de vingt-un » pieds. On y comptoit sept vertèbres cervicales, » toutes soudées ensemble ; trente-huitautres verté- » bres, dont neuf portant des côtes. Les six os fur- » céaux commencent à la vingt-deuxième, de sorte » qu’on peut compter dix-sept vertèbres caudales : » les apophyses épineuses des vertèbres supérieures » cessent à la neuvième caudale. Les cinq premiè- » res côtes s’articulent seules au sternum, etil ya » quatre de ces dernières libres de chaque côté. Le » sternum est composé de trois os. L’omoplate a le » bord spinal plus étendu à proportion et plus rec- » liligne que dans les dauphins. L’angle antérieur » plus aigu, l’acromion un peu dirigé vers le bas, » et la pointe coracoïde un peu en sens contraire. » Les os du bras et de l’avant-bras sont un peu » moins raccourcis que dans les dauphins. La main est presque arrondie , mais il seroit possible que » les plialanges n’eussent pas été bien montées, » L'HYPEROODON DE HONFLEUR. {Delphinus bidentatus, Hunter ; delphinus buts= kopf, BonNxatTErRE, DESMAREST; hyperoodon butskopf, LACÉPÉDE.) L'hyperoodon que l’abbé Bonnaterre décrivit sous Je nom de dauphin butskopf, en puisant dans le Mémoire de Baussard tous les détails de son histoire, a été, jusqu’à ces derniers temps, le seul type du genre établi par M. de Lacépède, qui pensoit que le dauphin à deux dents de Hunter en étoit très distinct. Comme on pourra s’en apercevoir, ils se ressemblent parfaitement par tous les traits de leur organisation générale , et s’ils diffèrent, ce n’est que par un point en litige, résultat naturel de quelque observation incomplète, et sur lequel nous nous sommes appesantis. Nous avons cru devoir, dans cet embarras, rapporter le plus textuellement possible 590 l'histoire du butskopf et celle du dauphin à deux dents de Hunter. L'hyperoodon de Honfleur a, comme presque tous les cétacés de la grande famille des dauphins, le corps en forme de fuseau. Sa plus grande épaisseur est vis-à-vis l’insertion des nageoires pectorales , et il décroit ensuite, et d’une manière insensible , jus- que vers la queue. Sa tête a plus de hauteur que de largeur ; le front, qui est très renflé, se rétrécit su- bitement et finit en une espèce de bec plat ef ar- rondi à l'extrémité. L’évent est placé sur le sommet de la tête, au-dessus des yeux, et présente à son ouverture la forme d’un croissant dont les cornes sont dirigées du côté de la queue ; l’orifice de cet évent est incliné de manière à ce que l’eau qui en est refoulée jaillisse obliquement en avant; son dia- mètre est considérable; la langue, adhérente à la mâchoire inférieure, est rude, dentelée sur son pourtour. L’œil est situé sur la moitié de la hauteur dela tête et plusélevé que l'ouverture de la bouche. ILest convexe, bordé de sortes de paupières et en- touré d’un bourrelet glutineux d’un pouce et demi de diamètre. Les nageoires pectorales sont placées sur la partie inférieure de la poitrine, elles sont très petites relativement à la grosseur de l’animal ; la dorsale est beaucoup plus près de la queue que de la tête : elle est recourbée et peu développée. La queue est échancrée à son milieu, et divisée en deux lobes fort larges. La peau de l’hyperoodon est formée d’une graisse jaunâtre assez épaisse, sur laquelle est tendu un épiderme mince et lisse, qui recouvre une chair très rouge. Sa couleur générale est brune noirätre, se dégradant sur les flancs et passant au blanchâtre sur Je ventre. Ses dimensions les plus ordinaires sont de vingt à vingt-cinq pieds, et de ceux qu’observa Baussard, le jeune avoit douze pieds six pou- ces de longueur, et la mère vingt-trois pieds six pouces. Les deux individus qui s’échouèrent sur les riva- ges d’Honfleur, où ils furent portés par les vagues, se débattoient sur la grève lorsqu'ils furent aperçus par des pêcheurs. Le jeune venoit d’être jeté sur le sable, et sa mère cherchant à le tirer de cette po- sition malheureuse se vit elle-même dans l’impos- sibilité de gagner le large. Les pêcheurs tirèrent le jeune individu à terre et firent de profondes blessu- res à la mère, qui, bien que mutilée, parvint, malgré tous les efforts qu’on employa pour la rete- nir, à regagner la haute mer; toutefois le lendemain son cadavre fut trouvé gisant à trois lieues de Hon- fleur. L'huile qu’on en retira fut vendue cent vingt francs ; et M Baussard, dit-on, pendant qu’il dis- séquoit ce cétacé, eut la peau des mains corrodée par l’âcreté de l’huile dont les émanations lui occa- sionnèrent aussi des inflammations aux narines et à HISTOIRE NATURELLE la gorge, ce qu’on doit attribuer peut-être à une pu- tréfaction rapide de quelques viscères. L'hyperoodon a trois estomacs : l’un très grand et deux petits; les poumons sont allongés et termi- nés en pointe; le cœur a deux pieds et plus de lon- gueur et de largeur. Le cétacé qui nous occupe paroît être rare et vivre solitaire; il habiteroit les mers qui baignent le nord de la France et les îles britanniques. Proportions des deux hyperoodons décrits par Baussard. LE JEUNE: Pieds. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue. . . . 12 6 Circonférence du corps vis-à-vis les na- geoires Inférales, 0%..." Cu ÉD en Longueur du Lec ou museau. . . . . D 45 Distance del'éventäl'ertrémité du museau, LIT Distance de l'anus à l'extrémité de la na- geoire de la queue: 5°: 5,150 1p»n0% Distance de la nageoire du dos à l’extré- milé de la nageoire de la queue. . . . 3 6 Distance de la partie antérieure de cette rageoire à l'extrémité du museau. . .- 7 8 Longueur de la nageoiïire du dos. . . . 1 » Hauteur de celte même nageoire, , . «+ » 7 Longueur des nageoires latérales. . . . 41 » Largeur de ces nageoires. . . . « «+ + » 7 Largeur de la nageoire de la queue. . . 3 2 Pouces, L'INDIVIDU ADULTE : Longueur totale depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue. . . . 23 Circonférence du corps vis-à-vis les na- COBIECS AlOTAIGS, 73e elehie et 7 Dei En Distance de l’évent à l'extrémilé dumuseau. #4 Ecngueurde la télé: 120005 RER AR NA 8 1 » a Circouférence de la tête. . . . . . . Hauteur de la tête. + +, mn. Largeur de la tête. . . . RCE AS Distance de la nageoïire du dos à l’extré- MIE TIUSPAUS = sr le lee LE Longueur de la nageoire du dos. . . . 2 Hauteur de cette même nageoire. . . . » Longueur des nageoires latérales. . . . 2 » 4. 6 si ox @ À T4 & à I > Largeur de ces mêmes nageoires. . . . Largeur de la nagcoire de la queue. . . Longueur de la vulve. . . . . . . : 3 Distance de l'ouverture de l’anus,aux detx fentes qui renferment les mamelles. . » 8 Diamètre du mamelon. . . . . . . + » 1 Longueur du mamelon.. . . . . . . six lignes. Le diodon a été décrit dans la Cétologie de l'abbé Bonnaterre sous le nom de delphinus bidentatus (p.25). La description en est transcrite de Hunter, et pour éviter de la dénaturer nous préférons la co- pier textuellement. C’est le meilleur moyen de con- server les caractères originaux des espèces pour DES MAMMIFÈRES. l’histoire desquelles les auteurs modernes n’ont point à s'étayer d'observations plus récentes ou plus com- plètes. Le corps a la forme d’un cône, et présente à l’ex- trémité du dos une nagcoire lancéolée. « À juger de cet animal, dit Bonnaterre, par la » figure et par la courte description qu’en a donnée » M. Hunter, il a beaucoup de ressemblance avec le » nésarnack. I s’en éloigne cependant par plusieurs » caractères qui l'ont fait regarder avec raison comme » un animal très différent. Sa plus grande grosseur » est vis-à-vis les nageoires latérales, ensuite il s’a- » mincit, par degrés insensibles, jusqu’à l’extrémité » de la queue. Le front est convexe, arrondi ; la mà- » choire supérieure est aplatie et terminée par un » bec semblable à celui d’un canard ; mais on ne » trouve que deux dents pointues à l'extrémité an- » térieure de la mächoire d’en bas. Les nageoires » latérales sont situées vis-à-vis les angles de la bou- » che; elles sont petites relativement à la grandeur » du corps et d’une figure ovale. Celle du dos cor- » respond à l’origine de la queue; elle est conformée » en fer de lance, pointue et inclinée en arrière. Celle » de la queue est composée de deux lobes échancrés, » qui représentent un croissant par leur réunion. Le » dessus du corps est d’un brun noirâtre, et le ventre » un peu moins obscur. » L’'individu qui a servi de type à cette description avoit vingt-un pieds anglois de longueur, et c’est son squelette que M. Cuvier a fait connoître et dont nous avons rapporté la description dans nos généra- lités sur les hyperoodons. Il avoit été pris dans la Tamise en 1785, au-dessus du pont de Londres. Hunter possédoit encore dans son cabinet un crâne de la même espèce de cétacé, dont les dimensions, trois fois plus grandes que celles de l'individu pré- cédent, indiquoient que l’animal entier devoit avoir eu au moins de trente à quarante pieds de longueur. On ignore complétement au reste les mœurs, les habitudes des hyperoodons. Ils vivent dans nos mers et sur nos côtes, et n’ont jamais été observés ail- leurs que dans la Manche. LES ZIPHIUS. Tous les cétacés que nons avons décrits jusqu’à présent sont vivants dans la nature. Il n’en est pas de même des ziphius; on ne les a jamais rencontrés qu’à l’état fossile, et peut-être qu’ils sont éteints depuis des siècles, et que les ossements qu’on en possède dans les collections sont les seuls témoi- gnages que nous aurons jamais de leur existence. Les ziphius vivoient donc dans les mers, en même temps que des animaux singuliers, et aujourd’hui 591 perdus ; des reptiles bizarres formoient un monde zoologique bien différent de ce qu’il est en ce mo- ment. Nous ne connoissons les ziphius que par les dé- couvertes de M. Cuvier. Ce naturaliste, qui a tant enrichi histoire naturelle, eut à étudier des pièces osseuses fossiles de cétacés qu’il ne put rapporter aux espèces vivantes, et qu'après des comparaisons nombreuses il décrivit ( Fossiles, tom. V, part. 1, p. 539) sous les noms de ziphius cavirostre, pla- nirostre et longirostre. El appliqua à ce genre le nom de ziphius, que Gesner donnoit, conjointement avec la plupart des auteurs du moyen âge, à un cé- tacé d'espèce indéterminée. Lesziphius, par leurs têtes osseuses, ont de grands rapports avec les cachalots ; mais c’est surtout près des hyperoodons qu’ils doivent se placer, et dont ils ont plusieurs des caractères les plus saillants. Il paroît qu’ils n’avoient point de dents. Le ziphius à museau concave (ziphius caviros- tris, Cuv., Oss. foss., t. V, p. 552) repose sur une tête très pesante, et complétement pétrifiée en cal- caire , qui fut découverte en 1894, par M. Raymond Gorsse, dans le département des Bouches-du-Rhône. M. Cuvier, en la comparant avec des têtes de ca- chalot, d’hyperoodon et de dauphin du Gange, ca- ractérisa les divers traits de sa conformation de la manière suivante : « Les os intermaxillaires sont » intimement unis aux maxillaires, et remontent le » long des côtés des narines, et se recourbent en » avant pour former, avec les deux os du nez, qui » sont encastrés entre eux, une espèce d’auvent sur » le dessus de ces narines, dont les ouvertures se » trouvent presque verticales. Au pied, et en avant » des narines, ces mêmes intermaxillaires sont élar- » gis et concaves, et forment ainsi, sur la base du » museau, une très grande fosse, dont les bords un » peu saillants remontent et se continuent avec l’au- » vent, ou l’espèce de demi-cône placé au-dessus des » narines. Cette tête partage le défaut de symétrie, » commun à la plupart des cétacés. Vus distincte- » ment en dessus, les os du nez forment un lobe di- » rigé à gauche, et, dans cette partie supérieure, » c’est l'os intermaxillaire droit qui est le plus large ; » mais, dans la grande fosse, c’est le gauche qui re- » prend de la largeur, et qui rejette vers la droite » la suture qui le sépare de l’autre ; en revanche, il » avance moins sur la narine de son côté, en sorte » que cette narine est plus évasée à son ouverture » que celle du eôté droit. El n’y a qu’un seul trou » de chaque côté pour la communication du nerf » olfactif avec les cavités nasales. Le frontal s’élève » en dessus pour doubler les os intermaxillaires der- » rière les narines, et l’on voit, par les sillons de » sa face postérieure, qu’il devoit être doublé lui- » même en arrière par l’occipital, comme cela arrive J92 » dans le cachalot et l’hyperoodon. Ea tête du zi- » phius cavirostre ne diffère de celle de ce dernier » que parce que les maxillaires ne se redressent » point sur les côtés du museau en cloisons verti- » cales, et que l'espèce de mur de derrière les na- » rines ne se borne pas à s'élever verticalement, mais » qu’il se recourbe pour former un demi-dôme au- » dessus de ces cavités. » Le ziphius à museau aplati (ziphius planirostris, Cuv., Oss. foss., t. V, part. 1, p. 556) repose sur plusieurs têtes complétement pétriliées, et décou- vertes, en 4809, dans les fouilles nécessitées par le creusement des bassins d'Anvers, dont elles occu- poient le fond. Elles étoient placées à trente pieds au-dessous du sol moyen de la ville d'Anvers, et in- férieurement à des couches de diverses épaisseurs, de sable et de terre, renfermant un grand nombre de coquilles et de dents de squales. M. Cuvier a re- marqué de légères différences que ces divers mor- ceaux offrent entre eux, et les attribue à l'influence du sexe. La pièce osseuse la plus complète est celle qu'il a décrite de la manière qui suit : « La partie du » museau, formée comme à l'ordinaire par les maxil- » laires et les intermaxillaires, est une espèce de » cylindre ou de prisme quadrangulaire dont les an- » gles sont arrondis ; elle s’aiguise un peu en pointe » en avant, s’élargit et s’aplatit un peu en dessus vers la tête, en même temps qu’elle prend , en dessous, une forme de carène ou de toit renversé. Elle est un peu plus haute que large, et son ex- » trémité antérieure est percée d’un canal large de » quinze millimètres, qui renfermoit sans doute, » comme dans les dauphins, une substance ligamen- » teuse. Le long de chacun des angles latéraux est » un sillon où sont percés quelques trous pour les » nerfs palatins En dessus on voit des restes de su- » tures qui distinguent les maxillaires des intermaxil- » laires, et ceux-ci entre eux ; mais la dernière de » ces sutures s'efface dans le haut.” » Le crâne s’élevoit beaucoup sur l'arrière de la » face ; les narines étoient percées sur la face anté- » rieure, presque verticalement ; celle de droite est » sensiblement plus étroite. Les crêtes qui séparent » les fosses placées avant les narines des sillons laté- » raux, montent de chaque côté parallélement aux » bords des narines: les os du nez sont plus larges » que hauts, et celui de droite est le plus large. » Le ziphius à long museau (ziphius longiros!ris, Cuv., Oss. foss., t. V, p. 537) a pour type une pièce osseuse pétrifiée en calcaire très compacte, déposée dans les galeries du Muséum, mais dont le lieu du gisement est complétement, ignoré. Ce fragment possède l’ensemble des caractères qui distinguent les deux ziphius précédents , et n’en diffère que par quelques particularités spécifiques, et notamment par un plus grand allongement du museau, L'animal 2 A 2 > » LA HISTOIRE NATURELLE dont il provient, dit M. Cuvier, devoit être aux zi- phius, ee que le dauphin du Gange est au dauphin ordinaire et aux dauphins à museau large. RE — LES AODONS. La première connoissance qu'on ait eue des cé- tacés que nous nommons ainsi, parce qu’ils n’offrent aucun vestige de dents, paroît remonter jusqu’à Dale, qui, dans son Histoire des antiquités d'Har- wich et de Dovercourt, publiée à Londres en 1750, mentionne sous le nom de bottle nose, et aussi sous celui de fionders-head-whall, un cétacé qui a Îles plus grands rapports avec l’aodon, que Schreber semble avoir parfaitement indiqué sous le nom de dauphin sans dents, delphinus edextulus. Peut-être retrouveroit-on cet animal dans les baleines à bec, balwna rostrala, de plusieurs auteurs anciens, s l’on pouvoit dépouiller les descriptions qu’ils en ont données des détails qui ne peuvent apparteuir qu’à de véritables baleines. Toutefois le dauphin, figuré par l’Anglois Samuel Dale, fut considéré par M. Cu- vier comme ne différant point de l’hyperoodon, bien que Schreber, MM. de Blainville et Desmarest, en aient fait une espèce distincte sous le nom de delphi- nus edentulus. Les doutes qu’avoit fait naître la description de Dale ne seroient point encore dissipés, si un cétacé, qui en présente les formes et tous les caractères, n'étoit échoué, le 3 septembre 1825, sur la plage de Saint-Adresse, près le Havre, et si cet animal, ac- quis par lPadministration du Muséum d’aistoire na- turelle, n’avoit été étudié d’abord sur les lieux par le docteur Suriray, puis par M. de Blainville, et au même moment par le fils de M. Fr. Cuvier, qui trans- metloit à son père tous les renseignements qu’il s'étoit procurés. La description de M, de Blainville est insérée dans le nouveau Bulletin de la Société philomalique pour le mois de septembre 1825, page 159, et celle que M. Fr. Cuvier a publiée, et qu'accompagne une figure coloriée, se trouve dans la cinquante-troisième livraison de son grand ouvrage sur Les mammiféres, sous la date de février 4826. Nous emprunterons donc à ces deux naturalistes tous les détails qu’on va lire sur l’aoron, détails qui nous permettent de considérer ce cétacé comme un des mieux connus. Mais son analogie avec le dauphin de Dale ne doit pas toutefois être admise sans res- triction , et M. Fr. Cavier s'exprime à ce sujet de la manière suivante : « Excepté le très petit nombre » d'espèces de dauphins que les circonstances ont » souvent permis d'observer, dont les caractères sont » remarquables, et qui se présentent constamment » les mêmes, toutes les autres sont si peu connues, DES MAMMIFÈRES. » si imparfaitement caractérisées, que ce n’est jamais » sans beaucoup d'incertitude qu’on y rapporte les » rares individus qui ont avec elles quelques ressem- » blances, que le hasard fait parfois rencontrer au » milieu des mers, ou qui viennent de loin à loin » échouer sur nos rivages. » Le cétacé dont nous donnons aujourd’hui la » figure est dans ce cas. Nous n'avons aucune cer- » titude qu’il ait appartenu à l’espèce décrite, et » figurée par Dale, sous le nom de botile nosewhall » (Antig. of Harwich, p. 412,t. XIV ); et si nous » lui donnons le nom de cette espèce, c’est parce » qu’il l’a reçu de M. de Blainville, et queles prin- » cipes de la cétologie sontsi imparfaits, que les rai- » sons que nous aurions pour en faire le type d’une » espèce nouvelle ne seroient pas mieux fondées » que celles qui nous portent à le regarder comme » un individu d’une espèce déjà connue. » Si, pour établir les rapports naturels des céta- » cés, il étoit possible de se laisser conduire par les » analogies, qui sont devenues des guides si fidèles » dans toutes les autres branches de la mammalo- » gie, on seroit forcé de faire de ce dauphin le type » d’une espèce nouvelle, et même d’un genre nou- » veau; mais si nous savons quelles sont les modi- » fications de forme que les individus d’une même » espèce peuvent nous présenter par les différences » d'âge, de sexe, chez les autres mammifères, nous » l'ignorons presque complétement pour les dau- phins : tout ce que l’observation à pu faire con- » noître, c’est que les changements qu'ils éprouvent » sont considérables, comparés à ceux des autres » animaux de leur classe. Ainsi ces derniers con- servent toujours le même nombre de dents, tan- » dis qu’il paroit être extrêmement variable chez » les premiers. » La figure ct la description de ce nouveau dau- » phin de Dale ne doivent donc être considérées que » comme des faits isolés qui pourront aider quelque » jour à faire l’histoire raisonnée de ces animaux, » si peu observés et si dignes de l'être. » Les aodons, par leur aspect comme par l’orga- nisation de leur bouche, semblent être le passage des dauphins aux baleines, et leurs mœurs doivent beaucoup différer de celles des autres cétacés. A ce sujet nous sommes dans une obscurité absolue. La cétologie se compose de si peu de faits connus et avérés, qu'elle est encore dans l'enfance, et qu’à part d’imposants matériaux recueillis par quelques mains habiles, tout dans l’édifice est à rassembler et à coordonner. Les faits étant l’œuvre du temps et des circonstances, et ne se découvrant qu'avec lenteur, celte branche ne peut que se trainer péniblement vers l’ère nouvelle qui doit marquer sa place dans le système des connoissances naturelles et philoso- phiques. 1. S > S Ÿ 593 Nous assignerons aux aodons, comme caractères propres à les faire distinguer de tous les autres mam- mifères marins de leur classe, ceux qu’on peut tirer de l'inspection du crâne , dont les os du nez et les frontaux forment une saillie énorme à la naissance du front , et derrière laquelle existe une dépression profonde. Leurs mâchoires sont prolongées en forme de bec cylindrique, arrondi, et ne sont point sépa- rées de la tête par un sillon à la base du front, comme on l'observe dans la plupart des dauphins. Ces mâchoires, dont la supérieure est un peu plus courte et plus étroite que l’inférieure, offrent en dedans, tout le long du palais, une rigole latérale, dans laquelle pénètre le Bord gengival de la supé- rieure, tandis que le sien pénètre dans une rainure semblable de l’inférieure. Le palais n’a point de ru- gosités, et les maxillaires sont complétement privés de dents. Le corps a la forme générale des dauphins. Les cornes de l'ouverture de l’évent sont dirigées en avant. M. de Blainville n’a pu examiner que très rapi- dement le squelette etle crâne de l’aodon. Voici à ce sujet ce qu’il rapporte: « Le système osseux de la colonne vertébrale étoit,-comme dans toutes les es- pèces de ce groupe, très solidement établi. Les ver- tèbres, peu mobiles entre elles, et réunies par un üssu fibreux, court et serré, avec une petite quan- tité de matière comme graisseuse, mais réellement mucoso-gélatineuse au milieu, étoient au nombre de neuf au dos, quinze à vingt à la queue, et sept dis- posées, comme dans les dauphins, au cou. Les côtes n’étoient qu’au nombre de neuf, dont six ster- pales. Le crâne ressembloit presque complétement à celui des dauphins, avec cette différence cepen- dant qu’au-dessus de l'ouverture des narines les os du nez et les frontaux formoient une avance assez considérable, un peu pointue, et recourbée en avant, ce qui donnoit à la racine du front la forme bombée, et faitsupposer des poches olfactives considérables : en arrière de celte avance osseuse il y avoit une dépression assez sensible. Les trous des narines os- seuses n’étoient pas exactementsymétriques, comme cela arrive souvent dans ce genre : le gauche étoit plus grand et un peu dévié. Quant aux viscères, ils n'ont point été examinés, et le docteur Suriray, qui n’a fait qu'y jeter un coup d’œil, se borne à dire que Je tube digestif étoit long et grêe, et qu’il partoit des trois poches stomacales que possèdent la plu- part des dauphins. » L’aodon qui échoua au Havreavoit, dans l’épais- seur de la couche de graisse qui l’enveloppoit, une sorte de kyste, dans lequel étoit replié un ver vi- vant voisin des monostomes, se contractant sous des formes très variables, quelquefois globuleux, d’autres fois ovalaire, étranglé au milieu ou noué, avec des tubes en avant et une sorte de queue en 75 594 arrière. Ce kyste, à parois internes lisses, peu dis- tinct au deho:s, n’étoit point unique, et on en dé- couvrit plusieurs en divers autres endroits. » On ne connoit qu’une seule espèce de ce genre(!). » L'AODON DE DALE. Delphinus edentulus, Scres., DEsm.; dauphin de Dale, DE BLaiNviLeE. F. Cuvier. La taille de l’aodon que possède actuellement le Muséum et dont nous donnons un portrait gravé d’après nature, étoit d'environ quinze pieds de lon- gueur sur sept pieds et demi de circonférence. La tête, assez distincte par un rétrécissement du reste du corps, avoit deux pieds sept pouces de long, me- surée de l’extrémité du museau à Pocciput. La forme de l’aodon étoit celle d’un fuseau, ou, pour mieux dire, son corps étoit renflé au milieu, et atténué à ses extrémités. La ligne dorsale étoit plus relevée et plus bombée vers l’occiput et au mi- lieu du dos; et au-delà de la nageoire dorsale elle se relevoit pour former une carène, d’autant plus saillante qu’elle étoit plus voisine de la queue. Sur chaque côté de cette dernière partie s’élevoient des traces d’arêtes , bien moins longues et moins sensi- bles que celles du dos. Le ventre au contraire étoit (:) Est: ce à ce groupe qu’appartient l'espèce de cétacé que M. de Blainville a nommé dauphin à museau épais (delphinus densirostris, de BI., Desm., Nouv. Dict. d'Histoire nat., t. IX, p. 178;, et que ce naturaliste a établi sur un fragment de mâchoire fossile, long de neuf pouces, et haut de deux pouces et demi sur deux pouces de largeur dans la partie la plus épaisse? Ce fragment présente une forme droite et pyramidale, sa coupe est triangulaire, ses bords dentaires sont très peu déve- loppés,et soutiennent une légère crête saillante de cha- que côté, aux deux arêtes de la base; leur extrémité offre un léger sinus qui en forme la continualion, et s'étend jusqu’au bout de la màchoire quiest mousse; on p’aperçoit sur les bords aucune trace de dents, ni au- cune impression produite par une dent de la mâchoire opposée. Cette mâchoire, dit M. Desmarest, dont nous citons texluellement les paroles, ne peut être celle d’un anar- nak, puisque celui-ci a deux petites dents à l'extrémité de la sienne. Ce n’est sans doute pas celle du dauphin de Chemnitz, puisqu'elle n’a point de dents latérales; ce pe pourroit être tout au plus que celle d’un dauphin de l'espèce de Honfleur, ou d’un dauphin de Sowerby, mais dans ces animaux les os maxillaires sont plus dépri- més. Ce pourroit être une mâchoire d'aodon, mais il se peut que la mâchoire supérieure qui manque ait eu des dents. Le débris fossile sur lequel M, de Blainville a établi son dauphin densirostre, est d'une contexture fort serrée et d’une pesanteur spécifique trés remarquable. On ignore complétement d'où il provient. HISTOIRE NATURELLE doucement arrondi. Le front, par la maniere pro- noncée dont il est bombé à son origine nasale, se prolonge brusquement en un museau arrondi, al- longé, étroit, qui ressemble parfaitement à un bec d'oiseau. L'ouverture des deux mâchoires éloit con- sidérable , et son diamètre de deux pieds au moins. L'évent étoit placé à deux pieds trois pouces de l'extrémité du museau. Son ouverture extérieure n’avoit pas moins de trois pouces de largeur, et les cornes du croissant qu’elle affecte étoient dirigées en avant. L’œil avoit deux pouces de diamètre, et éloit re- couvert d’une paupière supérieure assez développée ; mais on ne distingua aucune trace d'oreille externe, nideconduit auditif. La langue ne fut point observée. Les nageoires pectorales étoient fort petites pro- portionnellement à la taille de l’animal, et n’avoient que dix-huit pouces de longüeur sur six pouces de largeur. Elles étoient de forme ovalaire, allongée, un peu taillées en biseau à leur bord postérieur, et placées à trois pieds quatre pouces del’extrémité des mâchoires. La dorsale étoit également très petite, surbaissée, triangulaire et recourbée à son extré- mité : elle commencoit à neuf pieds onze lignes de l'extrémité du rostre,etavoit onze pouces de hauteur. La nageoire caudale étoit large de plus de trois pieds , et formée de deux lobes arqués et pointus. La vulve, dont la longueur étoit de plus de-huit pouces, ne se présentoit que sous la forme d’une simple fente longitudinale, et n'étant distante de l’anus que d’un pouce ; de claque côté on apercevoit un pli dans lequel étoit logée une mamelle. L’épiderme de l’aodon offrit partout la structure lisse de celui des cétacés ; cependant le docteur Su- riray observa sur la gorge quatre fentes parallèles, longues de cinq à six pouces, et de trois à quatre lignes dans leur plus grande largeur. La couleur générale de la peau étoit d’un gris foncé en dessus , se dégradant au gris blanc! âtre en dessous; elle présentoit ce brillant et cette douceur de teinte qu’un enduit graisseux rend si remarqua- ble chez tous les mammifères de cette classe. Tels sont les renseignements dont nous sommes redevable à M. de Blainville. Les caractères de cet animal, dont on ne connoît non seulement qu’une espèce unique, mais même encore qu’un seul indi- vidu , sont donc suffisamment établis pour l’isoler de tous les autres cétacés sous le rapport physique : mais ce qu’il importe d'apprendre maintenant, sont les habitudes, les mœurs, legenre de vie de l’aodon qui paroît être extrêmement rare, bien qu’il vive dans nos mers. / + f He Le Dale F Aodon Dalei, 74 2 Celui Dr , dune ( De 7, lag lorcal. Belug'a œlacialis À Lefo : CO déesse de Gang , Dusu Platanista, Acfs ; z" > Publer par Pourrat Fa l'arur DES MAMMIFÉRES. LES DAUPHINS. Le nom de dauphin retrace à notre esprit les fic- tions gracieuses de l’Hellénie, et nous rappelle ces êtres marins que les poëtes grecs célébrèrent à l’envi dans leurs vers, en les dotant des plus rares qua- lités (1). Qui ne conserve le souvenir d’Arion attirant par les sons enchanteurs de sa Ivre des dauphins avides d'harmonie, et transportant sur leur dos le chantre qui avoit su les charmer, pour le soustraire à ses ennemis? Apollon n’a-t-il pas été surnommé Delphien, parce que sans doute le soleil est le régé- nérateur de la nature, comme le dauphin est l’em- blème de la mer ou de la reproduetion ? La peinture, la sculpture, figurèrent sur les bas-reliefs qui déco- rent la plupart des monuments publics et religieux de l’ancienne Grèce, l'espèce connue des naturalistes sous le nom de Dauphin vulgaire ; mais les artistes ne s’astreignirent point à copier la nature ; ils firent de cet animal un être chimérique qui ne seroit point reconnoissabie si l’on ne possédoit des médailles du temps qui en donnent des portraits assez ressem- blants par les formes aux dauphins qui vivent dans Ja Méditerranée. Héritiers du goût pour les arts que les Grecs pouséèrent si loin, les modernes sem- blent avoir consacré aux monuments d’utilité géné- rale destinés à fournir de l’eau, les figures transmises par la tradition des anciens dauphins, et ne voyons- nous pas sur presque toutes les fontaines qui déco- rent nos villes le dauphin des Grecs, jetant de l’eau par son énorme boucle, et dont le corps couvert de larges écailles, muni de nageoires hérissées de pi- quants robustes, se termine par une queue élégam- ment retroussée ? Que les poëtes attèlent des dau- phins au char de Cythérée, ou placent sur leursdos Mélantho et ses séduisantes compagnes, ces images empruntées à la mythologie, et qui sont le fruit d’une imagination riante, et embellie par le prestige des illusions, ne sortent point de leurs priviléges ; (‘) La constellation du Dauphin a pris son nom ou du dauphin d’Arien, qui négocia le mariage de Neptune et d’&mphitrite,ou d’an marinier que Bacchus changea en cet animal, bien que quelques mythologues n’y voient que le dauphin qu'Apollon donna pour conducteur à des Crétois qui alloient dans la Phocide. Le dauphin étoit consacré à Apollon; il est même admis par plu- sieurs auteurs que la ville de Delphes liroit son nom de la forme du dauphin, sous laquelle Apollon y avoit con- duit Castalius, qui bâtit cette ville, et non de Delphus, fils d'Apollon et de Celæno, alnsi que le pensent quel- ques autres (MILLIN). Sur les médailles, le dauphin placé à côté du trépied d’Apollon désigne le sacerdoce des décemvirs. Lorsqu'il estjoint à un trident ou à une ancre, il marque la li- berté du commerce et l'empire des mers; on s'en est servi aussi pour exprimer la tranquillité sur mer, parce qu'il ne se montre que quand elle est calme (NoeL). 595 mais le naturaliste qui examine la nature sans lais- ser endormir le témoignoge de ses sens, n’écoute qu’une froide réalité, et les dauphins, ces êtres si pleins d'intelligence, ces êtres qui sembloient les seuls dans l’univers susceptibles de conserver dans leur mémoire le souvenir des bienfaits recus, les daupbins ne sont plus pour lui que des cétacés gros- siers dans leurs formes, dans leurs appétits, et n'ayant qu’un instinct un peu supérieur aux grands animaux de leur classe. Ainsi déchus des attributs mensongers dont les décorèrent sans motif les poëtes des anciens temps, alors, comme ceux d’aujour- d’hui, peu jaloux de peindre la nature telle qu'elle est, les dauphins resteront pour le philosophe qui cherche à tout connoître sur la surface du globe, depuis le cèdre jusqu'à l'hysope, une famille com- posée d'espèces nombreuses et pour la plupart in- connues, mais digne d’un intérêt d'autant plus vif, que l’observateur a moins souvent occasion d’en étu- dier les mœurs, les habitudes, et même les attributs physiques. La famille des dauphins se compose d’un grand nombre d’espèces, décrites, pour la plupart, dans ces derniers temps. Mais le nombre de celles qui restent à découvrir est immense, et ce n’est qu'avec lenteur que nous avançons vers le moment où leur étude , dégagée des renseignements erronés donnés par les anciens auteurs, doit marcher d’un pas ferme et rapide. « Nous avons déjà eu, dit M. Cuvier dans » son Histoire des ossements fossiles, beaucoup d’oc- » casions de remarquer que c’est sur les grands ani- » maux qu'il règne le plus d'erreurs et de confusion, » par Ja raison qu’il n’est possible de connoître et » de distinguer que les espèces que l’on a pu voir de » près, et comparer soigneusement les unes avec » lesautres. Cette remarque s'applique spécialement » aux cétacés. [ls ont frappé tout le monde par l’im- » mensilé de leurs dimensions, et leur pêche a » donné lieu, depuis des siècles, à des efforts inouïs » d'activité et de courage ; mais, à moins d’un heu- » reux hasard qui en ait fait échouer sur une côte où » se trouvoit quelque homme instruit, ils n’ont » presque jamais été décrits avec exactitude, et en- » core moins comparés avec détails. » Des milliers de marins ont pris et dépecé des » baleines, qui pent-être n’en ont jamais contemplé » une dans son ensemble ; et cependant c’est d’après » leurs descriptions vagues, d’après les ligures gros- » sières qu’ils en ont tracées, que les naturalistes » ont cru pouvoir composer l’histoire de ces ani: » maux. La plupart n’ont pu même faire présider » Ja critique à leurs compilations, faute de faits » assez bien constatés pour servir de base à leurs » raisonnements. Voilà pourquoi cette histoire est » à Ja fois si pauvre et si remplie de contradictions » et de doubles emplois. 3 596 » Nous tâcherons de lui fournir quelques unes » des bases qui lui manquent, en décrivant avec » précision les faits observés par nous-mêmes, en » les comparant à ceux qu'ont publiés des observa- » teurs exacts, et en cherchant, d’après ces données, » à démêler ce que signifient les indications incom- » plètes des pêcheurs et des navigateurs, mais en » nous gardant bien d’accorder jamais assez d’im- » portance à ces indications pour établir sur elles » seules des espèces, et encore moins des genres et » des sous-genres, comme l'ont fait des naturalistes » plus bardis que nous ne le serons jamais. » Il nous seroit en effet bien facile, en profitant de figures grossières, faites d'imagination ou de » souvenir, et de descriptions confuses ou tronquées, » et en accumulant des synonymes qui ne sont que » des copies les uns des autres, de faire paroître » de longues listes d’espèces qui n’auroient aucune » réalité, et que le moindre souflle de la critique » renverseroit ou mettroit en désordre. Mais c’est » précisément la conduite contraire qu'il est, selon » nous, nécessaire de tenir, si l’on veut tirer l’his- » toire naturelle du chaos où elle est encore. » On ne peut donc qu’imiter la sage réserve énoncée avec tant de profondeur par l’un de nos savants les plus célèbres. La marche qu’il a suivie est la seule cer- taine, et c’est aussi l'unique moyen qu’on puisse employer pour tirer la cétologie de l’ornière où elle reste stationnaire. Les dauphins sont les plus petits de tous les vrais cétacés. Il ne faut cependant pas croire que leur taille soit suffisante pour les caractériser ; car si on connoît des espèces petites, on en connoît qui ont des proportions considérables : en général, leur taille varie beaucoup. Ce qui les distingue surtout est d'avoir des dents plus ou moins nombreuses aux deux mâchoires. Aux yeux des naturalistes, en effet, tout cétacé qui a la tête en proportion régu- lière avec le corps, les mâchoires garnies chacune d’une rangée de dents, doit être classé dans le genre dauphin, delyhinus. Lorsque l’on ne connoissoit que très pen d'espèces , que leurs caractères étoient mal déterminés, ce genre étoit suffisant pour lesrenfermer toutes; mais aujourd’hui qu’il y en à davantage de décrites, que leur organisation fondamentale à été mieux étudiée, il doit en résulter des coupes géné- riques plus nombreuses , et le mot dauphin ne peut plus être appliqué qu’à la famille entière. C’est déjà ce qu’avoit pressenti M. Cuvier dans son Règne animal, en séparant, non seulement, comme l’avoit fait M. de Lacépède, les delphinaptères, mais en- core en isolant les marsouins des dauphins propre- ment dits. M. de Blainville augmenta le nombre de ces coupes génériques, et créa celles des delphi- norhynques et des hétérodons, et adopta les oxyp- ières de M. Rafinesque. Si en effet les caractères LA IISTOIRE NATURELLE tirés de la forme des dents des mammifères terres- tres, ou du bec d’un oiseau, suflisent dans ces deux branches pour établir des genres, certes des dispa- rates aussi fortes que celles que présentent un grand nombre de dauphins dans les organes les plus im- portants et les plus fondamentaux, tels que sont ceux de la tête, considérés avec leurs rapports et leurs systèmes divers d'organisation , doivent forcer à admettre ce moyen artificiel, mais en même temps avantageux, de classification. L’extrême longueur du museau de quelques espèces, opposée au retrait absolu que montrent quelques autres, doit faire pré- sumer sans doute que les animaux qui offrent ces dissemhlances, bien que complétement analogues par toutes les formes extérieures, ont des mœurs, et peut-être des habitudes différentes. Aussi croyons- nous servir l’histoire des dauphins, en passant en revue leur tribu, dont nous distribucrons les es- pèces sous les noms, 4° de bélugas; 2° de delphinap- tères; 5° d'oxyptères; 4° de delphynorhynques ; 5° de platanistes ; 6° de dauphins; "° de marsouins, et 8° de globicéphales. Les deux premiers appar- tiendront à la division des dauphins sans nageoire dorsale, le troisième aux dauphins à doubles na- geoires sur Je dos, et les cinq autres aux dauphins à dorsale unique (1). Le corps des dauphins est allongé, plus épais au milieu, aminci graduellement vers la queue ; un épi- derme très lisse le recouvre; les évents n’ont qu’une ouverture unique sur le sommet de la tête; les na- geoires pectorales sont le plus souvent minces, aiguës et longues ; les mamelles sont inguinales, et placées au nombre de deux dans un repli de la peau près les organes de la génération; la verge des mâles a, dit-on, un os dans son intérieur, comme beaucoup de mammifères, et notamment les chiens; leur queue horizontale est le plus ordinairement bilobée, c’est-à-dire échancrée au milieu, et rarement en- tière et en croissant. La plupart des particularités anatomiques que nous avons rapportées dans notre début conviennent () L'existence des nageoires sur le dos des cétacés de la famille des dauphins doit être peu importante dans l'organisation de ces animaux; aussi observe-t-on qu’elles manquent naturellement dans beaucoup de genres, et que même très souvent elles sont mutilées, déchirées complétement chez plusieurs individus des espèces qui en sont munies; les nageoires dorsales des dauphins ne sont donc que des replis de la peau, rem- plis par du lissu cellulaire , et qui forment à leur partie antérieure un rebord un peu plus épais : la forme de ces nageoires est le plus ordinairement celle d'un triangle aigu plus ou moins recourhé et aminci vers le bord pos- térieur. Ces nageoires adipeuses dorsales s'abaissent même chez les cachalots pour être remplacées par des bosses graisseuses qui s’effacent tout-à-fait sur le dos des baleines et des delphinaptéres. DES MAMMIFÉRES. aux dauphins; aussi nous n'y reviendrons point : nous remarquerons, d’après M. de Blainville (Nouv. Dict. Hist. nat.,t. 19, p. 142, 2e édit.), qu'on n’observe aucune trace de poils proprement dits sur la peau de ces cétacés ; mais que les fibrilles sont réunies par couches perpendiculaires, et semblent être une certaine modification des poils et en tenir lieu. Tous les organes des sens spéciaux ont atteint lc plus grand degré de modification aquatique. Les poumons n'ont rien de remarquable, si ce n’est leur étendue et leur non-division Le système vas- culaire veineux est extraordinairement développé, surtout sous la peau et à la base de la tête. On y trouve de vastes sinus qui établissent de nombreuses communications entre toutes les veines de ces par- ties du corps, et la grande quantité de sang qu’on trouve dans les canaux veineux fait présumer, dit M. de Blainville, que la cause de la mort de ces animaux, lorsqu'on les tire de l’eau, est une véri- table apoplexie cutanée. De cet excès de sang vei- neux, presque noir, qui circule peut-être même dans le système artériel, résultent la couleur bleuâtre et très foncée des muscles, la grande abondance de graisse sous-cutanée, et peut-être quelque différence dans le degré de chaleur. C’est encore à la modifi- cation profonde qu'ont reçue ces animaux aquati- ques, qu’il faut attribuer leur accouplement ventre à ventre, quoique sur le côté, en s’entrelaçant par les nageoires pectorales, et le mode d'allaitement par lequel le fœtus qui naît déjà capable de nager, est disposé en sens inverse de la mère, ou de la tête à la queue. M. de Blainville combat en outre l'explication qui admet que les cétacés en saisissant leur proie rejettent l’eau qu'ils avalent par leurs évents. A ce sujet il dit : « L'opinion reçue jusqu'ici » est que c’est dans la déglutition des aliments » solides que cette eau est introduite dans la cavité » buccale, et que, pour que l'estomac n’en soit pas » gorgé, elle est successivement remontée le long » du canal aérien, accumulée dans les poches de » l’ouverture extérieure des narines, et enfin éja- » culée avec plus ou moins de force par l’action » des fibres musculaires qui entourent ces poches » et qui agissent sur elles. Mais tout cela paroît fort » difficile à admettre : d’abord, on sait que la pyra- » mide du larynx est fortement serrée par l’espèce » de sphincter que forment autour d’elle les muscles » du voile du palais, et que par conséquent il est » difficile, pour ne pas dire impossible, que l’eau » vienne par là ; secondement, dans la déglutition » de l’eau, animal ne peut tout au plus rendre que » la petite quantité de fluide qui se trouve remplir » dans sa bouche la place qu’occupe le bol alimen- » taire, et, en effet, on voit le phoque très bien » avaler sa proie dans l’eau sans être obligé de re- » jeter ce flnide ; troisièmement, il est bien certain ÿ 597 » que la membrane qui tapisse les poches nasales » n'indique nullement une disposition niune struc- » ture propre. à l’usage qu'on veut lui attribuer; et » enfin l’on sait, par des observations directes, que » c’est dans l’expiration que cette éjection de l’eau » a lieu, et que l’air qui sort avec elle est extrême- » ment infect, ce qui dénote qu’il a été long-temps » conservé dans l'organe pulmonaire, en sorte qu’on » pourroit penser que ce jet, qui paroît proportionné » à la quantité d’air contenu dans les poumons, est » formé dans l'expiration par l’eau qui se trouve au- » dessus de l’orilice des narines. » Nous sommes redevables à M. Cuvier d’une étude approfondie des parties osseuses des dauphins. Nous extrairons textuellement les passages de ce natura- liste, qui se lient directement à notre sujet : « Dans » les dauphins, le crâne est très élevé, très court, » très bombé en arrière ; la crête occipitale entoure » le haut de la tête , et descend de chaque côté sur » le milieu des crêtes temporales qui se portent » beaucoup plus en arrière qu’elle. Cette face occi- » pitale, si grande et si bombée, est formée par l'os » du même nom, par l’interpariétal et par les parié- » taux , qui s’unissent tous de très bonne heure en » une seule pièce. Les pariétaux descendent de cha- » que côté de la tempe entre le temporal et le frontal, » etils yatteignent au sphénoïde postérieur. Enavant » et en dessus, ces pariétaux se terminent derrière » Ja crête occipitale, et les maxillaires, s’en rap- » prochant beaucoup de leur côté, ce qui paroît du » frontal à l’extérieur ne représente qu’un bandeau » fort étroit qui traverse sur la tête de droite à » gauche, et paroît se dilater à chaque extrémité » pour former le plafond de chaque orbite; mais » quand on a enlevé le maxillaire, qui double en » dessus et ce plafond et presque toute la face an- » térieure du crâne, on voit que le frontal est en » réalité plus large qu’il ne paroît à l'extérieur. » Les deux os du nez sont deux tubercules ar- » rondis enchàâssés dans deux fosses du milieu du » frontal, et au devant desquels les narines s’en- » foncent verticalement. La face postérieure et ver- » ticale de ces narines est la lame cribleuse de » l’ethmoïde, mais qui a peu de trous : trois ou » quatre , mais quelquefois moins. Le reste du con- » tour intérieur des narines appartient aux maxil- » laires; leur cloison est le vomer, qui tient à » l’ethmoïde comme à l'ordinaire. Les maxillaires, » en effet, après avoir formé le long museau, ar- » rivés au voisinage des orbites, s’élargissent, cou- » vrent d’une lame large et dilatée le plafond que » le frontal donne à ces cavités et toute la face an- » térieure du frontal, excepté ce petit bandeau » qu'ils laissent paroître le long de la crête occipi- » tale. Ils viennent ainsi toucher aux os du nez. Les » deux intermaxillaires forment le bord externe et 598 » antérieur de l'ouverture nasale , et descendent sur » et entre les deux maxillaires jusqu’à la pointe du » museau, où ils se remontrent même en dessous ; » mais ls maxillaires s’y montrent un peu entre » eux, dans le haut, près des narines. Cependant » ce n’est pas le frontal qui forme en entier la face » inférieure du plafond de l'orbite; la partie anté- » rieure est faite par un os plat et irrégulier, recou- » vert en dessus, comme le frontal, par le maxil- » aire: cet os, qui est le jugal, donne de son angle » antérieur une apophyse grêle et longue qui se » dirige en arrière, et va s’articuler à l’apophyse » zygomatique du temporal; ce filet mince est la » seule limite osseuse de l’orbite en dessous. L’apo- » physe zygomatique du temporal s’unit à l'apo- » physe postorbitaire du frontal pour limiter l'orbite » en arrière, d’où il arrive que toute l’arcade zygo- » matique proprement dite appartient au temporal. » Ce dernier os est peu étendu dans la tempe, etse » termine à la crête temporale, en sorte qu’il ne pa- » roit point dans l’occiput. En dessous, l’occipital » latéral et le basilaire produisent des lames sail- » Jantes, qui, s’unissant à la continuation de l’aile » ptérygoïdienne et à une lame du temporal, com- » posent une sorte de voûte sous laquelle sont sus- » pendus, par des ligaments, le rocher et la caisse » qui se soudent ou s’engrènent promptement en » une seule pièce. Le pariétal, après avoir passé » derrière le temporal , vient prendre part à cette » voûte. Le temporal lui-même se trouve donc » presque étranger à la composition du crâne, ne » servant qu’à boucher quelques petits trous restés » au pariétal. C’est un commencement de la sépa- » ration qu’il éprouve dans les classes inférieures. » La partie de ces crêtes qui borde de chaque côté » la région basilaire fait ressembler cette région à un » large canal. Dans le fond de l’orbite on voit les » deux sphénoïdes placés comme à l'ordinaire. Le » postérieur touchant au temporal, au pariétal et au » frontal, l’antérieur au postérieur, au frontal, à » l’apophyse ptérygoïde interne; mais ce qui est » très particulier, c’est la forme et Ja composition » des bords des arrière-narines. Les maxillaires » étant prolongés en un museau aplati et les dents » finissant avant l’orbite, le maxillaire n’est pas au » plancher ni aux parois antérieures ou latérales de » celte cavité, mais à son plafond, comme y est aussi » le jugat ; il complète le bord interne de ce plafond. » De tout le contour postérieur de la face inférieure » ou palatine de ces maxillaires part une sorte de » pyramide quadrangulaire, dont la base est fra- » versée verticalement par les narines, et dont le » reste de l’espace est creux ou contenu entre deux » lames ouvertes en arrière. Ce sont des espèces de » doubles parois qui entourent l’ouverture posté- » rieure des narines. Elles sont composées des apo- Ÿ > Ÿ HISTOIRE NATURELLE physes ptérygoïdes internes et des palatins qui se replient pour former la base de cette double paroi, et le plafond en est complété par le maxillaire auquel il s'articule. » Quant à l’apophyse ptérygoïde interne, elle se recourbe seulement en S. Une de ses courbures s'articule extérieurement au palatin pour prolon- ger la paroi inférieure et externe; l’autre s’unit à l’autre arc du paialin , et se continue ensuite sur le sphénoïde antérieur, pour s’articuler au vomer et compléter ainsi la partie interne de cet entou- rage de l’arrière-narine ; d'où il résulte que le bord tont entier de l’arrière-narine, sauf le vomer, appartient, comme dans les fourmiliers, à l’os que nous avons toujours appelé apophyse ptéry- goïde interne. Ce que le dauphin a de particulier, c’est ce grand sinus intercepté entre les deux pa- rois de ce bord. Cet os ptérygoïde interne reste toujours distinct. Le sphénoïde postérieur se sonde au basilaire beaucoup plus tôt qu’au sphénoïde antérieur; je l’y trouve même soudé dans certains fœtus avant tous les autres os. Ce dérangement presque absolu de tous les os a beaucoup changé la direction des trous. Au lieu de trou incisif, il y a un long canal qui règne entre les deux maxil- laires et les intermaxillaires, depuis le bout du museau jusqu'aux norines , près desquelles il se bifurque. Il faut chercher le trou sous-orbitaire au plafond de l'orbite, où il représente une cavité ouverte en dessous, de laquelle partent, dans di- verses directions , des canaux qui vont s'ouvrir à la face supérieure des maxillaires et des inter- maxillaires, non pas au-dessous, mais en dessus et vis-à-vis de l'orbite. Je ne trouve ni os ni trou lacrymal. Tout-à-fait dans un creux, en avant de l'orbite, entre le maxillaire, le vomer, et une pointe du palatin, est un petit trou qui monte dans la narine, et qui présente le sphéno-palatin. Je re vois, pour répondre au plérygo-palatin, qu'un petit trou sur la jonction du palatin au maxillaire, dans le palais, lequel donne dans le sinus placé de chaque côté des narines postérieu- res. Le trou optique est médiocre, et dans le sphé- noïde antérieur comme à l'ordinaire. Le trou sphéno-orbilaire, entre les deux sphénoïdes, fait aussi l’office du trou rond. Il y a ensuite un trou ovale dans le sphénoïde postérieur , et plus inté- » rieurement dans le même os un trou pour un vaisseau. Une ouverture entre le temporal, loc- cipital latéral, le basilaire et le sphénoïde posté- rieur, laisse passer les nerfs de l'oreille pour se rendre au rocher. En avant d’elle, et fort près, est le trou carotidien. Dans le basilaire, et dans une échancrure des bords de cette voûte de l’o- reille dont nous avons parlé , est le trou condy- loïdien, fort petit. C’est le bord postérieur de cette DES MAMMIFÉRES. » espèce de voûte qui tient lieu de toute apophyse » mastoïde. A l’intérieur, la cavité cérébrale est _» bien remarquable, en ce que sa hauteur surpasse » sa longueur. Le plancher en est très serré. La selle » se marque peu. Les fosses cérébelleuses sont les » plus creuses ; il y a souvent une tente osseuse très » Saillante à son milieu ; la faux est toujours osseuse » en arrière; mais il n’y a point de crête de coq. et » à peine aperçoit-on quelques petits trous à la » lame cribleuse. Le rocher et la caisse, comme » nous l'avons déjà indiqué, ne se joignent au crâne » par aucune suture , et n’y sont pas même enchâs- » sés, mais seulement suspendus par des ligaments » sous l'espèce de voûte dont nous avons parlé. Ils » se réunissent de bonne heure en un seul os de » l'oreille. Les condyles occipitaux sont grands, » mais peu saillants. Le trou, dirigé tout-à-fait dans » l’alignement de la tête, est presque circulaire. Il » est à remarquer que l’on ne trouve jamais de sy- » métrie complète dans les têtes de dauphins; les » deux narines, les deux os du nez, et les parties » adjacentes, ne m'ont jamais semblé égales comme » dans les autres mammifères ; ce qui nous conduit » à l’extrême inégalité de ces parties, que nous ob- » serverons dans les cachalots. » Un dauphin du genre marsouin, dont nous exa- minâmes l’organisation, nous présenta les circon- stances suivantes : Le tissu cellulaire formoit une couche d’un pouce d'épaisseur autour de l'animal, dont la longueur totale étoit de huit pieds. Les chairs étoient noires, assez abondamment gorgées de sang. L’estomac se composoit de trois capacités, dont la première éloit de forme ovoïde, irrégulière et tapissée d’une n'embrane muqueuse très blan- che, mais garnie de froncures considérables et nom- breuses. La seconde cavité stomacale communi- quoit avec la précédente par une ouverture étroite. et ronde ; elle étoit également tapissée par une mu- queuse ridée , mais de couleur noirâtre très foncée. Le troisième estomac étoit lui-même renflé, long de huit pouces , et donnoit naissance aux intestins grê- les , tapissés par une muqueuse interne très char- gée de valvules , et dont l’ensemble formoit un tube étranglé de distance en distance, long de cinquante- six pieds, et s’élargissoit un peu pour aboutir au rectum. L'intérieur de l'estomac étoit rempli de débris d’aliments à demi décomposés , et qui tous consistoient en poulpes et en poissons volants. Des vers lombrics adhéroient fortement à ses parois. Les reins étoient composés de lobules cunéiformes, réu- nis lächement entre eux, entourés par un réseau membraneux. Le cœur étoit volumineux; les pi- liers de ses ventricules étoient d’une grande force. Les poumons n'étoient formés que de deux lo- bes volumineux, dont le droit envoyoit un mince repli vers celui de gauche, et sous lequel le cœur 999 étoit complétement caché. Le parenchyme de ces viscè es étoit assez compacte et de couleur rouge foncée. La verge, très grosse à sa base, se termi- noit en pointe aiguë ; elle étoit logée dans un sil- lon profond placé sous l’abdomen, d’où elle doit sortir dans l'érection. Si de l’organisation profonde nous passons à la surface du corps, nous verrons que l’enveloppe luisante qui en revêt les contours est partout également tendue, également brillante, et que tout en elle retrace le poli des métaux. Les couleurs qui sont propres aux dauphins sont gé- néralement le bleu noir et ses teintes dégradées, ou la couleur blanche, dont la pureté et l'aspect sont analogues à l’éclat du satin, ou rejettent la lu- mière comme l'argent travaillé et poli. Cette sua- vité de teinte est l’attribut de l’existence ; elle pa- roît entretenue par une couche huileuse de nature spéciale, qui lubrifie l’épiderme et le rend imper- méable à l’action prolongée de l’eau; car n'est-ce pas cette couche huileuse qui conserve chez Îles poissons cette fleur de vie si fugace qui colore leurs écailles de toutes les nuances du prisme, et que ne tarde pas à perdre l’animal sorti de l'élément hors duquel il ne peut plus vivre? En mourant, les dau- phins aussi perdent ces couleurs de velours ou d’ar- gent qui constituoient leur unique parure, et un jaune huileux , fonçant de plus en plus ses teintes, remplace l’éclat qui s’est évanoui pour toujours. Les femelles des dauphins reçoivent dans l’ac- couplement les mâles en les serrant entre leurs na- geoires. On dit que la gestation est de dix mois, et que la conception a lieu dans l'automne ; on assure aussi qu’elles ne font qu’un petit ou deux à cha- que portée, et que la mère surveille avec sollici- tudé leurs mouvements, les faconne ou les habitue à la natation , protége leur inexpérience , les guide jusqu’au moment où ils peuvent se conduire par eux-mêmes. Ce n’est qu’en se penchant sur le côté que les jeunes dauphins saisissent le mamelon du sein de leur nourrice, et qu’ils y puisent un lait onc- tueux , de couleur bleuâtre, maïs très nourrissant. On a supposé que ces cétacés pouvoient vivre de vingt à trente ans : sur quelles observations appuie- t-on cette opinion ? nous l’ignorons complétement. Il parait plus avéré que les dauphins choisissent pour théâtre de leurs amours, ou pour mettre au jour leurs petits, des havres isolés et abrités des vagues de la haute mer, des lieux enfin où l’eau est pais ble, la température plus convenable pour les nouveaux-nés , et les vivres faciles à se procurer. Les mœurs des dauphins n’ont rien de cette dou- ceur et de cette générosité qu’on leur accorde : ce sont les êtres les plus voraces, les plus gloutons, les plus belliqueux de tous les cétacés. Ils sont réu- nis presque constamment par troupes immenses, traversent de vastes espaces de mer, et poursuivent 600 les poissons parmi lesquels ils portent les ravages et Ja mort. Souvent aussi, s’avançant en ligne et de front, ils barrent l'embouchure de quelque rivière, remontent ses eaux, et saisissent au passage ceux qui descendent vers la mer et qu’entrainent les courants. La nourriture des cétacés dont nous par- lons consiste principalement en poissons et en mol- lusques, et surtout en céphalopodes ; quelques es- pèces attaquent la baleine avec fureur, et sont ses ennemis les plus acharnés et les plus redoutables ; d’autres s’accommodent de ptéropodes, d’ascidies, et fréquentent les parages où ces petits animaux se trouvent en même temps que les baleines qui s’en nourrissent également ; et c’est pour cela qu'on les regarde comme en étant les avant-coureurs. Le nombre des dauphins inconnus doit être très grand. Ceux qu’on à décrits dans ces dernières an- nées, joints à quatre ou cinq qui figurent dans nos anciens traités d'histoire naturelle, se réduisent à une vingtaine d'espèces à peu près certaines. Mais on sait toutefois que chacune d’elles ne quitte guère les parages qui lui sont propres, et que toutes dif- | férent suivant les degrés de latitude et les divers océans où on les trouve. Ainsi l'hémisphère austral possède des espèces différentes et que n’a point l'hé- misphère boréal, ainsi les dauphins de la mer du sud ne sont point ceux de l’océan Atlantique ou de la Méditerranée. Certaines espèces vivent exclusi- vement dans les eaux douces des fleuves, tandis que d’autres ne quittent pas les rivages ou se tien- nent dans les eaux moins profondes des détroits ; il en est enfin qui ne se plaisent que dans les espaces les plus isolés des grands océans, loin des terres et par de hautes latitudes. Les dauphins vont rarement par petites trou- pes ; ils aiment à se réunir au contraire par bandes nombreuses, jouer ou folâtrer lorsque la faim ne les aiguillonne point, et se livrer à mille jeux qui consolent le voyageur de l’ennui inséparable des longues navigations. À ce sujet nous rappellerons ce que nous avons écrit sur les dauphins dans la zoologie de notre voyage (!). Les navigateurs ont cha- que jour sous les yeux des troupes nombreuses de cétacés dont les rapides évolutions ne permettent point de considérer leurs formes à loisir ; et ce n’est jamais que d’une manière très rapide qu’ils peu- vent s'en former une idée. Cette famille seroit tou- tefois bien intéressante à étudier ; elle fourniroit un grand nombre d'individus à décrire, si des obstacles presque insurmontables ne s’y opposaient; mais pendant long-temps encore il faudra nous borner à des aperçus. Écrivant pour ceux qui nous suivront (") Zoologie du Voyage autour du Monde de la cor- vette de S. M. la Coquille, in-4°, p. 177 ct suiv., avec fig. coloriées in-fol. HISTOIRE NATURELLE un jour dans ces espaces immenses de mer où les tribus nombreuses de dauphins errent sous des la- titudes qui leur conviennent, nous rapporterons quelques unes des remarques que nous avons faites dans ces journées si longues où le voyageur, flot- tant entre le ciel et l’eau , n’a pour récréer ses re- gards qu’un horizon sans bornes , ou parfois la vue de quelques êtres qui viennent animer un instant ces vastes solitudes (1). {‘) Nous avons dit que les dauphins ne rejetoient ja- mais d’eau par ieurs évenis à une certaine hauteur, et que le liquide avalé ruisseloil seulement sur les bords de ces canaux. Cela tient au peu d'épaisseur qu'ont les plans musculaires qui surmontent le canal osseux; car nous avons examiné pendant des heures entières des espèces trés différentes de dauphins jouant autour de notre vaisseau, sans que jamais nous ayons aperçu la moindre colenne de vapeur ou d'eau jaillir de l'ouver- ture supérieure de l'évent. A ce sujet nous citerons le passage suivant de MM. Quoy et Gaimard. «Tous les cé- » tacés ne rejettent pas habituellement de l’eau par leurs » évents. On n’aperçoit que très rarement les dauphins » produire cet effet; nous allions dire jamais, parce que » nous ne l’avons point vu dans des centaines qui se » sont offerts à nos regards ; mais Spallanzani l’a remar- » qué, et de très prés, en allant de Lipari à Stromboli; » or, quand un observateur tel que l'illustre professeur » de Pavie avance un fait, il est interdit de n’y pas » croire. Ces animaux nous fourniront la preuve la plus » convaincante et la plus irréfragable à opposer à l’opi- » niôn de M. Scoresby* : car sans aucun doute, si le jet » visible étoit composé simplement d’air et de mucus » condensés, les marsouins qui, dans nos contrées, » viennent souvent respirer à la surface de la mer, émet- » troient cette vapeur sous une forme analogue, et pro- » portionnellement à leur grandeur; mais il n’en est » rien : les personnes qui habitent les bords de la mer » ou des grands fleuves à leur embouchure, et qui voient » très fréquemment des troupes de ces animaux, peu- » vent bien, lorsqu'elles sont assez prés, entendre le » bruit qu'ils font en respirant (ron/fler comme un mar- ‘» souin es! passé en proverbe parmi les matelots); mais » jamais elles n’ont remarqué qu’il s'échappät de vapeur » apparente de leur évent; bien plus, en hiver,temps où » cette émission doit étre naturellement sensible à la » vue, nous n'avons pu rien distinguer de semblable. » Et pourquoi, par exemple, si c’étoit à la respiration » seule que cet effet dût être attribué, ne l’eussions- » nous pas observé chez les dauphins dans les mêmes » parages où nous voyions de grands cétacés le pro- » duire? On ne peat pas nous objecter l’éloignement où » ces dauphins étoient de nous, car c’est sous la proue » que nous nous plaisions à les étudier. Le bruit qu'ils » font, quand ils viennent respirer à la surface, a du » rapport avec celui d’une fusée qui part. Jamais dans » ces circonstances nous n'avons vu la moindre appa- » rence de vapeur au-dessus de leur tête, ni le jet d'eau » observé une fois par Spallanzani dans la Méditerra- » née, et par M. de Humboldt, à l'égard des marsouins, » dans les eaux douces de l’Orénoque, à plus de trois » cents lieues de son embouchure. » Il faut donc admettre que ces agilesanimaux ne sont * Cette opinion étoit aussi celle d'Eggéde, DES MAMMIFÈRES. En général les dauphins , quelle que soit leur es- pèce, paroissent se plaire à lutter de vitesse avec les navires qu'ils rencontrent, lorsqu'un vent fa- vorable fait faire à ceux-ci un sillage rapide, et que l'étrave brise les vagues qui rejaillissent en nappes écumeuses, parfois étincelantes par une vive phos- phorescence; leurs prompts mouvements, leurs sauts hors de la mer, leur manière de nager en fen- dant l’eau avec la rapidité d’une flèche, contri- buent à former de leur existence un tableau auquel le matelot, même le plus grossier, n’est jamais in- différent. Après avoir suivi un instant le navire, avoir formé mille cercles à l’entour, il est rare que tous les dauphins ne disparoïissent point à la fois en prenant une autre direction. Les marins croient qu'ils sont les précurseurs des mauvais temps, et qu'ils ont pour habitude de se diriger du côté d’où soufle le vent. A ces détails sur les dauphins nous ajouterons les observations que MA. Quoy et Gaimard ont publiées dans la partie zoologique du Voyage autour du Monde de la corvette l'Uranie; l'amitié qui nous lie à ces deux voyageurs nous fait un devoir de con- server leurs propres expressions, « Tout le monde » connoît l'allure de ces animaux, lorsqu'ils chassent » à l'embouchure de nos fleuves. [ls vont de compa- » gnie en nageant plusieurs de front, ou par couple » à la queue les uns des autres. Mais ce qu’il y à de plus remarquable, ce sont les longues ondulations » qu'ils décrivent, semblables à celles d’une mer » qui cesse d’être agitée; de sorte que, lorsque la » partie supérieure de leur corps paroiît à la surface; » comme on n’aperçoit qu'une portion de la courbe » qu'il décrit, il semble vraiment que l'animal, en » s’enfonçant dans l’eau, tourne sur lui-même comme » une roue. Il n’en est plus ainsi lorsque, jouant au- » tour d’un vaisseau, qui cingle à pleines voiles, ils » veulent le dépasser ; alors ils filent droit, et font » même quelquefois des bonds en l'air. Dans ces di- » verses évolutions, M. Gaudichaud a remarqué que » deux dauphins, se tournant de côté, s’accoloient » par le ventre et nageoïent ainsi un court instant. » S'accouploient-ils? ou bien, ce qui seroit plus pro- » bable, sont-ce de simple préludes d’accouplement ? » c’est ce qu’on ne peut pas déterminer, Comme dans » ces violents exercices ils sont obligés de faire une » grande dépense de forces, et que leur sang circule Ë » point organisés pour renvoyer l’eau par les voies de la » respiration aussi souvent que le font d’autres cétacés. » Ces jets, il faut le dire aussi, sont bien éloignés de » l'idée qu’en donnent certaines gravures : ce sont uni- » quement de petites nuées d’air et d’eau retombant » en pluie fine, absolument comme quand on s’est rem- » pli à moitié la bouche de quelque fluide, qu'on y fait » arriver de l'air, et qu’on chasse le tout avec violence.» (Zoologie de l'Uranie, pag. 79 et 80.) I. 6of » avec beaucoup plus de vitesse, ils viennent fré- » quemment respirer à la surface. » Lorsque, parcourant l'Océan, ‘es dauphins aper- » çoivent un navire, il est presque certain qu'ils » viendront rôder autour un instant, et continueront » ensuite leur route. Ils disparoïitront très vite, si » un de leurs compagnons blessé teint la mer de son » sang (1). Mais il n’est pas vrai, comme on l’a » avancé, qu’ils recherchent l'ombre des vaisseaux » pour se soustraire à l’action des rayons du soleil, » et que, dans ce but, ils accompagnent les flottes » qui font alors, pour eux, l'effet d’une forêt. Ce sont » des histoires faites à plaisir, et que maintenant de » sévères observations ne permettent plus d’admet- » tre; huit fois au moins sur dix qu’on rencontrera » de ces animaux, le vent sera fort, le ciel couvert » de nuages, et l’on remarquera que c’est presque » toujours le matin et le soir, souvent même la nuit, » qu’ils se plaisent autour des navires. » Soit qu’on ait réellement reconnu qu’ils aiment » Ja musique, soit que les agréables fictions de la » Grèce exercent sur l’imagination des navigateurs » Ja même influence dans l’Gcéan que jadis dans la » Méditerranée, toujours est-il vrai que, dès que les » matelots apercoivent des dauphins, ils sifflent » pour les attirer. Très souvent nous les avons vus » employer ce moyen, sans avoir remarqué qu’il pro- » duisit quelque effet sur ces animaux. » Les dauphins vivent de poissons. Nous avons » pêché des muges qui, ayant échappé à leurs dents » aiguës, survivoient à de larges blessures avec » perte de substance. Els paroissent très friands de » sèches, dont ils ne mangent que la tête et les ten- » tacules (?). » Nous avons déjà dit que les dauphins se Jivroient de rudes combats. Comme tous les autres animaux, ils ressentent la haine et ses fureurs, et se disputent avec acharnement leurs proies, ou leurs femelles peut-être. Les blessures qu’ils se font sont profondes, {r) C’est aussi ce que nous avons toujours remar- qué. M. de Fleurieu affirme toutefois le contraire, et dit que lorsqu'un danphin, dangereusement blessé, brise le harpon et retombe à ja mer, ceux qui l'entourent se jetient sur lui et le mettent en piéces bien avant qu’il soit mort. Ce fait nous paroît mériter de nouvelles ob- servations. (2) Étant en 1813 sur le vaisseau Le Régulus, dans un endroit de la côte appelée le Pertuis de Maumusson, entre l'ile d'Olcron et la Tremblade, un courant venant de la haute mer nous apportloit chaque jour, dans les mois d'avril et de mai, des milliers de séches récem- ment privées de la tête et de leurs tentacules; ces sè- ches formoient des bancs si épais que les quatre cents hommes de l'équipage en desséchoient la chair et s’en nourrissoient. Les pêcheurs nous assurérent que les marsouins occasionnoient ce dégât parmi ces mollus- ques, et qu'ils rcjetoieut le corps à cause de l'axe cal- caire qu'il renferme, 76 602 mais elles guérissent rapidement, car souvent nous avons vu de vieux individus dont la peau étoit cou- verte de cicatrices qui attestoient leur humeur que- relleuse, et nous remarquâmes que très fréquem- ment leurs nageoires dorsales, surtout, éloient tronquées ou mutilées à la suite des morsures qu’ils avoient reçues. Nous ne nous appesantirons pas davantage sur les mœurs des dauphins. Ce que nous en savons est trop vague pour essayer d’en former un tableau suscep- tible d’attacher par un intérêt de détails. Le petit nombre de renseignements qui ont été publiés sur plusieurs espèces sera plus naturellement placé à la suite des descriptions de chacune d'elles. L’atilité que l'espèce humaine retire des dauphins n’est point à citer. Leur chair compacte, noire et indigeste, ne doit paroitre savoureuse qu'aux misé- rables peuplades qui vivent sur les limites du pôle, ou peut-être aux marins dont le palais est fatigué par les salaisons de bord, ou aux navigateurs que les tempêtes ont jetés sur les écueils de quelques terres abandonnées, ou sur les glaces flottantes du Labrador ou du Spitzberg. La quantité d'huile qu’on pourroit en retirer n’est pas assez considérable pour engager les Européens à se livrer à leur pêche. Les dauphins d’ailleurs, par leur agilité, le petit volume de leur corps, leur force musculaire, ne seroient point aisés à harponner ou à prendre dans les filets. C'est donc bien gratuitement que M. Noël n’avoit vu, dans les vieilles chartes qui régloient l’associa- tion des walmans, qu'un témoignage relatif à Ja pêche des marsouins : cette idée assez légèrement établie, par un homme d’aiileurs très instruit dans l’histoire des pêches chez les peuples anciens et mo- dernes, a été combattue par M. Cuvier avec d’autant plus de force, que M. Noël, versé dans les lingues du Nord, ne pouvoit ignorer que tous les peuples qui les parlent appeloient wat, ou se servoient des dérivés de ce mot pour désigner ce que les anciens et nous, en parlant des baleines et des dauphins en général, nommons cétacés. Les baleines d’ailleurs, et Rondelet affirme ce fait, alors comme aujour- d’hui, n’étoient pas rares sur nos côtes ; et si les dauphins étoient recherchés comme aliment, c'étoit plutôt à une époque où la délicatesse de la table n'avoit pas fait de grands progrès, et surtout parce qu’on pouvoit se mortifier et faire maigre, tout en mangeant leur chair. Nous ne croyons pas cepen- dant qu’on en ait jamais fait une grande consom- mation (1). (1) A cet égard nous nous appuierons du témoignage de Rondelet qui dit, pag. 350 : « Je me suis souvent es- » bahi qu'on servoit du dauphin aux tables des grands » seigneurs, veu la mauvaise odeur qui deveroit effacer » la bonté de la viande si aucune y en avoit. En Langue- » doc, à peine le menu peuple, voire les laboureurs, en HISTOIRE NATURELLE Ce que les dauphins fournissent de plus remar- quable , et dont la découverte, faite en 1817 et 1818, appartient à M. Chevreul, qui a tant éclairé la com- position des corps gras, est l'huile animale (‘) que ce savant chimiste a nommée phocénine, parce qu’il l'a positivement retirée du marsouin ou phocæna des naturalistes. La phocénine est liquide à la température ordi- naire, et ne diffère point par son aspect de l’oléine, dont elle s'éloigne toutefois par la propriété qu’elle a de donner naissance à des acides volatils odorants, quand on la saponifie ou lorsqu'on la traite par la- cide sulfurique, qu’on lexpose à l’action de l’oxi- gène, ou qu'on la distille. M. Chevreul a trouvé que la phocénine, qu’il a obtenue en traitant de l’huile de marsouin par l'alcool à plusieurs reprises, de manière à en séparer la portion la plus soluble dans le liquide alcoolique, contenoit, sur cent parties de phocénine saponiliée, einquante-six parties d'acide oléique mêlé d’acide margarique, douze de glycé- rine, trente-deux environ d’acide phocénique. L’acide phocénique, suivant le même chimiste, est un acide organique qui se trouve non seulement dans l’huile de marsouin, mais encore dans les baies du viburnum opulus. Uni aux bases salifiables, il donne naissance aux sels nommés phocénates. L’acide phocénique est, sous les deux états, hy- draté et sec. Il a pour caractères d’être incolore, li- quide à neuf degrés, de n’entrer en ébullition qu’à une température supérieure à celle de cent degrés. Son odeur est très forte; sa saveur, d’abord piquante, devient sucrée ; il mouille le verre et le papier à la manière des huiles volatiles, et il les imprègne d’une odeur qui rappelle celle des vieilles huiles de mar- souin ; il est soluble en toutes proportions dans l’al- cool, et sa solution a une odeur éthérée. 5,5 parties d'acide phocénique hydraté se dissolvent dans cent parties d’eau, à la température de trente degrés. Les phocénates sont des sels formés de 400 parties » veulent-ils manger. Le dauphin é les autres cétacés » ont la chair dure, de mauvais suc, excrementense, de » mauvaise digestion, qui esmeut à vomir. On la sale, »on la cuit avec oignons, persil é autres semblables; » aucuns la rotissent é la mangent ayec l'orange, ou » avec sauce faite avec sucre 6 espices ; les autres la » rostissent sur le gril: les plus friandes parties sont le » foie 6 la langue; le foie est tendre, mais il engendre » mauvaise nourriture.» () L'huile des delphinus globiceps et phocæna que M. Chevreul a examinée, a été extraite du tissu qui la renferme, à la chaleur du bain-marie; sa couleur est lé- gérement colorée en jaune citron. Exposée à trois de- grés sous zéro, elle se réduit en une substance cristalli- sée, brillante, ayant beaucoup d’analogie avec la cétine; et à quelques degrés au-dessus de zéro l'huile est liquide el semble plus particuliérement formée de phocénine, d'oiéine et d'un peu d'acide phocénique. ( Thénard, Traité de chimie, t. IV, p. 500. DES MAMMIFERES. d'acide neutralisant, 82,77 de baryte, 57,58 de strontiane , 52,42 de chaux, 55,57 de potasse, et 422,6 d'oxide de plomb, seules combinaisons que M. Chevreul ait étudiées. L’odeur des phocénates est celle de l'acide, et leur solubilité, dans l’état neutre, est très grande dans l’eau, en même temps qu'ils offrent la saveur de l'acide ou de la base. Les phocénates de baryte ne cristallisent que lors- que la solution est à l’état sirupeux. Ce n'est que par le moyen d’une haute température qu’on peut ob- tenir les cristaux isolés, dont la forme est difficile à caractériser, mais que M. Chevreul regarde comme étant voisin d’une octaèdre. Les phocénates de strontiane et de chaux cristal- lisent en prismes efflorescents. Le phocénate de potasse ne peut cristalliser à cause de son extrême déliquescence. Il en est de même du phocénate de chaux. = = \ Ier. LES BÉLUGAS. © On ne connoît qu’une seule espèce de béluga, que les auteurs ont décrite sous plusieurs noms, mais plus particulièrement sous celui de delphinaptère béluga. La forme qu’affectent les pièces osseuses ser- vira à établir des caractères génériques suflisants pour l’isoler des autres dauphins. Le crâne des bélugas (G. Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 298) diffère notablement de celui des vrais dau- phins par un profil presque rectiligne, par une sar- face uniforme et sans concavités profondes sur les côtés : il est plus long qu’il n’est large, et il se ré- trécit en arrière. Les tempes sont plus allongées et leurs crêtes sont moins saillantes ; le museau se ré- trécit uniformément. De cette conformation anatomique , il résulte que les bélugas ont un museau obtus, conique, et qui n’est point séparé de la tête par aucune dépression : ils se distinguent en outre des dauphins, parce qu’ils n'ont point de nageoires, et des delphinaptères, parce que le museau de ceux-ci est eflilé, pointu, et sous forme de bec aplati. LE BÉLUGA DES RÉGIONS ARCTIQUES(1). Delphinus leucas. L. Le pôle boréal, entouré d’une ceinture de glaces qui s'élèvent en montagnes énormes, ou qui se dé- (‘) Delphinapterus beluga, Lacép., et catodon can- dicans, Lacép., delphinus albicans, Othon Fabricius, Faune du Groenland. 603 tachent en îles flottantes, lorsque les rayons du soleil placés à notre tropique en ont désagrégé les masses ; le pôle où semblent expirer toutes les pro- ductions terrestres, est la patrie d’an grand nombre de cétacés. La plupart vivent ou vivroient dans nos ‘ régions tempérées, si l’homme ne les avoit classés vers ces mers glacées qui n’ont pu les soustraire à ses poursuites. Ei n’en est pas de même du béluga : c’est par choix, c'est en veriu de son genre de vie qu’il n’abandonne point les climats refroidis du sep- tentrion; et si parfois il s’égare dans les mers de l'Europe tempérée, ce n’est jamais qu’accidentelle- ment qu’on en voit quelques individus isolés venir s’échouer sur les rivages du nord de l'Allemagne et de l’Ecosse. Les baleiniers ne harponnent point le béluga : ils dédaignent ses chairs rouges, que recouvre un tissu cellulaire presque fluide, sans consistance, et telle- ment mou que le harpon y pénètre sans effort, et peut en être retiré sans résistance ; mais ils ont un préjugé qui leur fait regarder le béluga comme l’a- vant-coureur des baleines ; et la vue de ce cétacé est pour eux l’heureux signal du début de la pêche. Vivant dans les mêmes parages, il n’est pas étonnant que ces deux espèces se montrent ensemble, et pour ainsi dire comme de compagnie. Il ne faut pas croire cependant que le béluga ne puisse être utilisé par le commerce européen. Un observateur exact, Eggède ( Descrip. et Ilist. nat. du Groenland, p. 35), s'exprime sur la bonté de ce cétacé dans des termes non équivoques. « Le poisson » blanc, Avtid-fiske, est, dit-il, mis au nombre des » baleines, à qui il ressemble beaucoup. Il n’a point » de nageoires sur le dos; mais en dessous il en a » deux grandes, et sa queue est semblable à celle de » la baleine. Il a un trou par où il souffle, et par où » il respire et jette de l’eau, avec une bosse comme » la baleine. Sa couleur tire sur un jaune blanchà- » tre. Il a communément depuis douze jusqu'à seize » pieds de longueur, et il est extrêmement gras. On » tire de son lard une huile aussi belle que la plus » belle huile d'olives (!). Sa chair n’a pas mauvais » goût, non plus que son lard, qui, quand il a été » mariné dans le vinaigre et le sel, est aussi bon que » la chair de cochon; les nageoires et la queue sont » aussi d’un assez bon goût, et quand on a eu soin » de les mariner. Cette sorte de poisson n’est pas » timide, car on le voit souvent se rendre en foule » autour des vaisseaux qui naviguent sur la mer. Les » Groenlandois s'appliquent beaucoup à sa pêche, » parce qu’il leur est d’une grande utilité. » Le béluga est nommé weis-fisch par Martens et par Anderson (Histoërenaturelle de l'Islande , etce., (") Anderson dit qu'on en oblient un ou deux ton- peaux; mais cette quantité nous parcit exagérée. 604 t. 11, p.448), et la description que ce dernier en donne est assez exacte, bien que peu étendue. Les baleiniers anglois le désigrent ordinairement par l'épithète de cétacé blane, white whale. Un individu fut pris en 1815 dans le golfe d’Edim- bourg ; il avoit treize pieds quatre pouces anglois de longueur, et neuf pieds de circonférence dans la partie la plus large. C'est d’après un dessin que M. Syme en avoit tracé que M. Scoresby en a publié une figure que nous reproduisons. Très commun dans les mers de l'océan Atlantique boréal, notamment dans la baie d'Hudson et dans le détroit de Davis, le béluga, qui remonte très fré- quemment dans les rivières, se trouve aussi, à ce que l’on assure, sur les rivages de l'océan Pacitique boréal ; car Stelier le mentionne, en le nommant bieluga, sur les côtes du K snisehalka, Les plus grandes dimensions que ce célacé puisse atteindre sont de dix-huit à vingt pieds. Sa tête est peu développée et conique ; les nageoires pectorales sont larges, épaisses et de forme ovalaire ; l'œil est petit, à iris bleuâtre ; l’orifice des évents est percé au milieu d’un mamelon arrondi et saillant, et se dirige un peu eu arrière ; l'ouverture du canal au- riculaire est presque imperceptible ; la bouche est médiocrement fendue; les mâchoires sont garnies de chaque côté de neuf dents ; celles-ci sont courtes, émoussées, distantes, et tombent communément à une certaine époque de la vie de l'animal. De leur chute complète ou partielle résultent les fluctuations de genres qu’a éprouvées le béluga; ellectivement on en fait une baleine quand toutes les dents sont tombées, et un cachalot quand celles de la mâchoire supérieure, qui se détachent les premières, vien- nent à manquer. La langue, comme chez presque tous les cétacés, est arrondie, courte, et fortement atlacace à la mà- choire inférieure. La femelle ne met au jour qu'un seul petit. Elle le soigne avec la plus vive tendresse, et le nourrit fort long-temps. La couleur du béluga est d’un blanc jaunûâtre uni- forme. Ilest à remarquer que cette couleur semble propre aux animaux destinés à vivre essentielle- ment dans le Nord. Plusieurs cétacés grisnoirètre habitent bien, il est vrai, les mêmes parages, mais aucun d’eux ne semble être fixé d’une manière aussi permanente au milieu des mers glaciales que le béluga. Les jeunes individus ont leur peau mar- brée de taches brunâtres ou bleuâtres par zones ir- régulières, et que'quefuis leur coloration est assez uniformément d’un brunâtre ardoisé clair. M. Sco- resby affirme avoir vu des bélugas dont la cou'eur de la peau, au lieu d’être blanche, étoit d’un jaune vif assez voisin de la teinte orange. Les bélugas se réunissent communément par fa- HISTOIRE NATURELLE mille de six à dix individus au plus [ls sont vora- ces et détruisent une grande quantité de poissons, qu'ils poursuivent avec acharnement , et qu’ils dé- vorent avec avidité. 6 IL. LES DELPHINAPTÈRES. M. de Lacépède a créé ce nom générique pour isoler le béluga des vrais dauphins : ii signifie dau- phin sans nageuire dorsale. Mais nous conservons au béluga le nom sous lequel il est plus universel- lement connu, et nous réservons celui de delphi- naptère au dauphin de Péron. Ce cétacé , en effet, avoit déjà été reconnu pour appartenir au genre delphinaptlerus, par M. G. Cuvier ( Oss. fossiles, t. V, p.289); mais nous avons eu occasion de met- tre cette vérité hors de doute dans le cours de notre voyage. Les delphinaptères se distinguent donc des vrais dauphins, parce qu’ils n’ont pas de nageoire dor- sale, et des bélugas, parce que la tête est bombée, arrondie, puis terminée par un bec mince, aplati transversalement, séparé du crâne par un sillon assez profond. Les maxillaires sont garnis sur cha- que cêté, en haut et en bas, de dents nombreuses. L'omoplate est beaucoup plus large qu’à aucune autre espèce de dauphin. Les bélugas appartiennent aux hautes latitudes septentrionales , et les delphinaptères à celles de l'&émisphère austral. DELPHINAPTÈRE DE PÉRON. (Delphinapterus Peronii,Less.,Zool.delaCoquille, pl. 9, fig. 4; Delphinus Peronit, LACEP.) M. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, tome V, p. 288, mentionne une tête osseuse de l’espèce qui nous occupe, qu’avoit apportée le capitaine Baus- sard, et une peau qu’avoit conservée M. Dussu- mier, armateur de Bordeaux, très connu par ses nombreuses découvertes en histoire naturelle. Ces objets avoient, sans aucun doute, été recucillis par ces voyageurs en doublant le cap de Bonne-Espé- rance. M. Cuvier décrit airsi ce delphinaptère : « Son museau est obtus, mais déprimé au bout et » sur les bords, ce qui lui fait une sorte de com- » mencement de bec; ses pectorales sont taillées en » faux comme dans le dauphin commun et le mar- » souin ; sa caudale est grande, pointue aux deux » bouts, et échancrée au milieu; le dessus de son » corps est d’un noir bleuâtre foncé; le dessus de ÿ * 19 D v : fl | SN À: en re x} Ve 7 {a ie 5 (el he F "y ds DL PLE 7 n°! A V7 AU A fa UNE 4 mardis A IV là . À i sLy 0 SHARE | AS Ps5 NL D ARTS ANR fé CEE Le OMEANN LÉ RE à #' ae (ver 4" " " HAS UN, 7 TN AMEN û à v ñ 2 Lens j RE PE eu ae 1 tu 4 4 (y Fe > SL HR | MA: PA 4e Ha { , . he PART « à : , x û < ) } É | : | { $ LE vY di y à by | FN PO : 3 À j V4 AA t Led R 4 bû 0 ME ï | 10 ù . È LR É / LA , ae nt L A A, 74 ul ; . A LIL | ‘| Li LT , Ron LOL À FAP ne DES MAMMIFÉRES. » son museau , tout le dessous de son corps, et ses » pectorales, sont d’un blanc éclatant, excepté le » bord tranchant des pectorales qui est noir comme » le dos. Partout le noir et le blanc sont nettement » séparés l’un de l’autre. La tête osseuse est assez » semblable à celle du dauphin vulgaire, et encore » plus à celle du dubius, mais elle a le museau un » peu plus plat et plus large. Sa taille étoit de cinq » pieds et demi. » : A ces détails nous ajouterons ceux que nous avons publiés dans la partie zoologique du voyage autour du monde de la corvette la Coquille. « Les hautes latitudes du sud sont encore la patrie du dauphin de Péron, qui fréquente les attérages des iles Malouines, même jusqu’au fond de la baie de la Soledad. Le célèbre historien du voyage de Baudin le rencontra au sud de la terre de Diémen ; le docteur Quoy le vit par deux degrés de latitude, près de la Nouvelle-Guinée; et nous, nous l’obser- vâmes diverses fois par 52° de latitude sud, vis-à- vis le détroit de Magellan près du cap Pillars, et par 45°, lorsque nous contournâämes la Nouvelle- Hollande. Plusieurs centaines de ces dauphins en- tourèrent la corvette, le 42 janvier 1825, à notre entrée dans la mer du Sud. Nous ne pûmes en saisir ce jour-là : mais une autre fois nous y parvinmes ; et l'individu que nos matelots harponnèrent nous mettra à même de donner de cette espèce une idée autre que celle qu’on trouve consignée dans les au- teurs qui en ont parlé. Ce dauphin, mentionné dans le voyage du capitaine Kotzebue, sous le nom de dauphin du Chili, est décrit sous le nom de delphi- nus Peronii dans Lacépède et dans la Mammalogie de M. Desmarest(771-). C'est le delphinus leuroram- phus de Péron(Hist. voy. terres Australes, p. 217, édit. in-4°); mais comme ce cétacé n’a point de na- geoire dorsale, il doit appartenir au genre delphi- naptère, pour y prendre place à côté du béluga, dont il se distingue génériquement par son museau dis- posé en bec eflilé. Nous le désignerons sous le nom de delphinapterus Peronii (pl. 9, fig. 1). » Ce delphinaptère avoit trente-neuf dents de cha- que côté de la mâchoire supérieure, et un égal nom- bre de chaque côté de l’inférieure. Elles étoient grêles, pointues, et un peu recourbées au sommet. Il pesoit soixante-cinq kilogrammes. | Pieds. Poue, Lig. Pongueurtotale SMS ne D SD Circonférence du corps vis-à-vis l’appa- Telle CN tale EN M2 700 D de la tête en passant sur JSTOR ER LE 075) Loneuveur de lalqueue mn up 10 0) —— du bout du museau à la pec- LOCALE NERO) ———— de la sommissure de la bou- CC AIO RER ER ED SEE) Longueur de l'œil à la nagcoire pecto- PATES IE Ven er ra mea CUIR OTI ONG ———— de la nageoire pectorale. . » 11 6 ———— du bout du museau à la com- missure de la bouche. . . » 10 » ———— delaqueue. , . . . . . . » 5 6 ———— dela verge . . . . . . » 8 » mr—— del Œilus: 7e « ad. ME in ARS ———— de l'anus à l'extrémité de la DUT NE CT RD TOC ———— de l'ouverture de l'anus. . . » » $ L'évent est placé au milieu de la tête entre les yeux. » Arrondi dans ses contours, gracieux dans ses formes, lisse dans toutes ses parties, ce cétacé est d'autant plus remarquable, qu’il semble recouvert d’un camail noir. Son museau jusqu’à l’œil est d’un blanc soyeux ou argentin. Il en est de même des côtés du corps, des nageoires pectorales, du ventre el d’une partie de la queue. Un large scapulaire d’un bleu noir foncé, prenant naissance aux yeux où le blanc décrit un croissant, se.dessine et se recourbe sur les flancs, pour recouvrir seulement la partie su- périeure du dos. Le bord antérieur des nageoires pectorales et caudale est brun. Le museau est al- longé, séparé du crâne par un sillon profond. L'iris est d’un vert d’émeraude. » Quant au DELPHINAPTÈRE SENEDETTE (delphinap- terus senedelta) de M. de Lacépède, tout porte à croire que c’est un être fictif, dont la description, laissée par Rondelet, ne repose que sur de vagues renseignements, el sans doute sur une confusion de caractères, pris à la fois, suivant M. Cuvier, du bé- Juga, de l’épaulard, et surtout du cachalot. Rondelct (Hist. des Poissons, chap. x) donne à cette espèce les noms de peis mular, de capidolio, qui appar- tiennent au cachalot, et il lui applique même le nom de physeter, employé par les Grecs. La description de Rondelet et de M. de Lacépède s'accorde à don- ner au delphinaptère senedette une grande taille, une gueule vaste, des dents aiguës, au nombre de neuf de chaque côté de la mâchoire supérieure, et au moins de huit de chaque côté de celle d’en bas. L’orifice extérieur des évents est situé presque au- dessus des yeux, mais un peu plus près du museau, qui est allongé et pointu. Sa langue est grande et charnue. Le corps et la queue forment un cône très long : les nageoires pectorales sont très larges; la dorsale marque : on l’auroit vu dans l’Océan et la Méditerranée. Tout autorise à penser que la figure en bois de Rondelet représente un cachalot, et que l'artiste aura oublié la bosse adipeuse qui s'élève sur le dos, et placé des dents robustes à la mächoire supérieure. Les vieux auteurs ont bien d’ailleurs souvent figuré des défenses dans la bouche de Ja baleine ! M. Cuvier pense, et nous partageons son senti- ment, qu’on doit placer parmi les delphinaptères le 606 dauphin de Commerson (delphinus Commersonit , Lacép.), ou le jacobite (1). Ft Ce cétacé, que nous vimes plusieurs fois dans l’im- mense baie de la Soledad aux iles Malouines, est moins grand que le marsouin des mers d'Europe. Son museau est aplati et eflilé; sa couleur générale est d’un blanc d’argent, que relève encore le noir profond qu’on remarque sur l'extrémité du museau, sur le bord des nageoires pectorales et caudale. Nous emprunterons à M. de Lacépède un passage où il peint avec vérité, et d après les notes de Com- merson, les habitudes de ce cétacé. « C’est pendant » l'été de l'hémisphère austral, et un peu avant le » solstice, que Commerson a vu ces dauphins ar- » géntés, dont les brillantes couleurs ont fait dire à » ce grand observateur qu’il falloit distinguer ces » cétacés même parmi les plus beaux habitants des » mers. Ils jouoient autour du vaisseau de Commer- » son, et se faisoient considérer avec plaisir par leur » facilité à l'emporter de vitesse sur le bâtiment, » qu’ils dépassoient avec promptitude, et qu’ils en- » véloppoient avec célérité au milieu de leurs ma- » nœuvres et de leurs évolutions. » Cette espèce a été observée par Commerson, dans le voyage autour du monde de Bougainville, à l'ex- trémité méridionale de l'Amérique. Il paroît qu'elle se plait au milieu des orages du cap Horn, et dans les mers si souvent agitées qui baignent ou qui sé- parent la Terre-de-Feu, la Terre-des-Etats, et qui forment les détroits de Le Maire et de Magellan. Nous l’avons vue dans la baie Soledad aux iles Ma- louines, et il est probable que c’est ce cétacé que MM. Quey et Gaimard mentionnent dans la Zoo- loyie de l'erpédition de l'Uranie lorsqu'is parlent, page 57, d’un dauphin moitié blanc, moitié noir, à museau peu allongé, des îles Malouines , que M. Bé- rard tua , et qui coula à l’instant même si profondé- ment qu'ils ne purent lavoir. 6 I. LES DELPHINORHYNQUES. M. de Blainville à nommé delphinorhynques des dauphins qui se distinguent des autres espèces par un museau prolongé en un bec mince et fort long, et qui n’est point séparé du front par un sillon. La forme des mâchoires est linéaire, et leurs bords sont garnis de dents nombreuses et acérées. La na- geoire dorsale est petite et unique. Sa position est un peu en arrière du milieu du corps. M. Desma- () Tursio corpore argenteo, extremitatibus nigri- cantibus, Commers. Voyage autour du monde, obs. Ms. déposées au Muséum. HISTOIRE NATURELLE rest, en adoptant cette division, y range quatre es- pèces qui sont: les dauphins de Geoffroy, couronné, du Gange et de Pernetty; mais le dauphin du Gange nous paroît devoir former un genre distinct; et quant au dauphin de Pernetty, son existence comme espèce n’est point bien démontrée; et, dans tous les cas, ce n’est que parmi les dauphins à rostre aplati et déprimé qu’il pourroit d’ailleurs prendre place. Les deux premières espèces appartiennent donc seules à cette division que M. Cuvier n’a point reconnue, et à laquelle nous ajouterons les dauphins malais et tacheté, décrits par nous dans la Zoologie de l'expédition de la corvette la Coquille, et le dau- phin de Breda dont M. Cuvier nous a révélé l’exis- tence. Les delphinorhynques ne sont pas séparés des vrais dauphins par des caractères très précis. Leurs mœurs et leurs habitudes sont inconnues, et sans doute qu’elles ne différent point de celles des autres cétacés. Les limites géographiques dans lesquelles ils sont confinés ne permettent pas non plus d’éta- blir de rapprochement entre eux. LE DELPHINORHYNQUE DE GEOFFROY. Delphinus Geoffroyi. Des. (!). Ce dauphin dont la patrie est inconnue, mais qu’on suppose des mers du Brésil, a été rapporté du cabinet d'histoire naturelle de Lisbonne par le sa- vant professeur dont il rappelle le nom. La deserip- tion que M. Desmarest en a tracée dans son Traité de Mammalogie, diffère peu de ce que M. Cuvier en a dit; ainsi, suivant le premier de ces auteurs, le dauphin qui nous occupe a de longueur quatre pieds et demi; ses mâchoires sont étroites, linéaires et très allongées; le front est très bombé ; les mà- choires sont garnies de chaque côté de vingt-six grosses dents également espacées ; la nageoire est très basse ; le corps est cylindrique, et le museau imite assez celui d’un gavial ou crocodile du Gange; les deux maxillaires sont de même longueur et obtus à leur sommet ; les dents ont une forme co- nique , et leur pointe est légèrement obtuse ; elles sont rugueuses et marquées d’un collet à leur base. Les yeux sont placés un peu au-dessus de la com- missure des lèvres; les nageoires pectorales sont très développées et insérées très bas sur les côtés. Les deux brancl:es ou cornes desévents sont dirigées du côté de la queue. La couleur générale de ce cé- () Delphinus Geoffrensis, Blainv.; Desm., Nouv. Dict. d'hist. nat., tom. IX, p. 151; Dauphin à bec mince, Cuv.; Delphinus frontatus, G. Cuv., Oss, foss., | t. V, 278 et 296, non la pl. 21, fig. 7 el 8. L NOR 1% ÿ RDA 74 PARA EU LA f 2. e L , no ! ANETEN RCE PUS à sh Ÿ 1 FA "4, ; ) | 1 E axé a ape &, [LE i Ni ) Ÿ ë vo É Ad 4 Pi [u AE CT & PUS QC ‘ot il DEA RCA 1 PUTANUTY #. Ê se HS JL" Far lé AS IRE E bu DAS te l'A QE ps 1. à Ÿ RENE EE ( ñ ; RAT RE? 7/12 77 hynge courenne, Velphinus coronatus , de Jremrne. ( DE lauphin m ’ Der : Del} « ( s Jorvi — Les 1 , l'ublee par l'ourrat a l'arus DES MAMMIFÉRES. tacé est le gris de perle en dessus, et le blanc pur en dessous. Ce dauphin peu connu, dit M. Cuvier (!), est remarquable par la chute rapide de sa convexité frontale, par un bec plus prononcé et plus comprimé que chez les autres dauphins. Le nombre des dents examiné dans plusieurs crânes n’est, au plus, que de quatre- vingt-quatre à quatre - vingt - douze en tout, ou vingt-un, vingt-deux et vingt-trois, de chaque côté et à chaque mâchoire. Bien que ce nombre soit celui du tursio, les dents du delphino- rhynque de Geoffroy en diffèrent parce qu’elles ne sont point usées au bout, et que la forme du museau n’est pas la même. L'individu qui est au Muséum , et que M. Des- marest a décrit, a, dit M. Cuvier, vingt-cinq dents partout, une taille de sept pieds, en y comprenant le bec qui a huit ou dix pouces; il est peint de gris sur le dos, et de blanc sous le ventre et autour des yeux. On a donné aux nageoires une teinte d’un blanc roussâtre , afin d’imiter sans doute les couleurs de l'animal lorsqu'il étoit en vie. ESSSR———————————…"…”…"…"…"…—….… "…"…"…"…"—"_— _.". ——— _—— LE DELPHINORHYNQUE DE BREDA. Delphinus Bredanensis. Cu. En figurant le crâne de cette espèce, M. Cuvier l'avoit rapportée au delphinorhynque de Geoffroy ou delphinus frontatus (?). Ce savant, ayant reçu de M. Van Breda de Gand un dessin de l’espèce véri- table d'où provenoient les têtes qu’il avoit exami- nées , a été conduit à reconnoître l’existence d’un cétacé nouveau et authentique ( Oss. fss., tom. V, p. 400). Depuis on a aussi envoyé de Brest un dessin de dauphin qui se rapporte encore à ce delphino- rhynque. L'individu observé par M. Van Breda avoit huit pieds de longueur; une dorsale élevée et en demi- croissant, à peu près sur le milieu de la hauteur; des pectorales taillées en faux ; sa caudale faconnée en croissant et échancrée au milieu. Mais ce qui caractérise cette espèce est le profil du crâne qui se perd insensiblement dans celui du museau , tan- dis qu’on remarque le contraire dans celui qui pré- cède. è Sa tête osseuse (3) se distingue en effet par un museau plus comprimé vers le bout, un peu plus élargi vers son quart supérieur ; le lobe du devant de l’orbite plus marqué et séparé du museau par une (r) Oss. foss ,t. V, p. 278. E) Delphinus frontatus, G. Cuv., Oss. foss., t. V, pl. 21, fig. 7et8 (par erreur). Addit. importante, G, Cuv. t. V, p. 400. (3) G. Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 296. 607 plus grande échancrure; les os du nez sont plus larges, moins saillants et touchent aux intermaxil- laires. La crête accipitale est plus effacée ; la région temporale beaucoup plus grande, et l’occiput en conséquence plus étroit. Ce delphinorhynque sur lequel nous ne possédons que les renseignements qu’on vient de lire, habite les mers d'Europe. LE DELPHINORHYNQUE COURONNÉ. Delphinus coronatus, DE FRÉMINVILLE (1). Nous devons à M. de Fréminville, capitaine de frégate de la marine royale, les seuls détails que la science possède sur le dauphin qui nous occupe en ce moment. Nul observateur plus récent n’est venu sanctionner par les résultats de ses recherches les particularités que rapporte ce voyageur instruit, et pour témoignage de notre amour pour la vérité, nous nous bornerons à transcrire la description qu'il en a tracée en 1806. C’est le seul moyen de conserver aux sources où nous puisons leur pureté originel'e. Le delphinorhynque couronné a le corps allongé, et sesdimensions varient de trente à trente-six pieds, sur une circonférence de quinze pieds dans sa plus grande épaisseur. La tête est petite relativement au volume de l’animal, et le front est convexe et ob- tus. Les deux mâchoires se prolongent en un bee fort long et très aigu, et l’inférieure surtout dépasse la supérieure. Cette dernière est munie de quarante- huit dents, petites, aiguës et de forme conique, tan- dis que le maxillaire supérieur n’en présente que trente. La nagcoire dorsale recourbée est plus voi- sine de la queue que de la tête, et la caudale à la forme. d’un croissant entier. Les deux pectorales sont de médiocre grandeur. La couleur de ce dauphin est d’un noir uniforme tant en dessus qu’en dessous ; mais ce qui le carac- térise principalement, ce sont deux cercles jaunes concentriques placés sur le front, et formant une sorte de diadème, d’où est découlé son nom spéci- fique. Ce delphinorhynque est commun dans la mer Glaciale suivant M. de Fréminville, et on com- mence à le rencontrer vers les 74° degrés de latitude boréale. Mais ce n’est qu’au milieu des ilots du Spitzberg, vers le 80e degré, qu’on le voit se réunir par troupes considérables, dont la confiance est si grande, qu’elles viennent jouer à toucher les na- vires. Le nager de ces cétacés se compose de mou- () Nouv. Bull. des Sciences, par la Société philom. de Paris, t. HI, cinquième année, p. 71 ; Desm., Flamm., sp. 254; G, Cuvier, Oss, foss., t, V, p. 278. 608 vements de rotation, ou plutôt ils décrivent comme les marsouins des arcs de cercles continus. L'eau qu’ils lancent par leur évent est poussée avec bruit, et avec une telle force qu’elle n’a bientôt que l’ap- parence d’une légère vapeur, qui ne s'élève pas toutefois au-delà de six pieds. LE DELPHINORHYNQUE MALAIS. Delphinus malayanus. LESsON (!). Nous primes un individu de cette espèce entre Java et Bornéo, dans les canaux étroits où la mer a peu de profondeur, et où elle est généralement calme et réchauflée par les chaleurs du soleil équa- torial. Ce delphinorhynque, auquel nous avons im- posé le nom spécifique de malais, avoit cinq pieds onze pouces de longueur totale, et quinze pouces d'épaisseur vis-à-vis les nageoires pectorales. La : hauteur de la dorsale, placée au milieu du corps, et échancrée au sommet, éloit de huit pouces; la Jongueur de la pectorale, de treize pouces ; la tête étoit longue de seize pouces sur dix de largeur; la nageoire de la queue avoit vingt-trois pouces, et cinq de diamètre à sa base; une forte carène, comme celle de certains scombres, occupoit les parties la- térales et postérieures du corps; l’évent, en crois- sant, étoit placé un peu en arrière des yeux, qui étoient très petits; la tête grosse et arrondie, très convexe sur le front qui s’abaisse subitement, pré- sentoit à la base du museau une forte rainure ; celui- ci, mince et allongé, garni de dents nombreuses, offroit une plus grande longueur de la mâchoire in- férieure. La couleur de ce dauphin étoit uniformé- ment cendrée. Sa chair, qui fut mangée par les marins de la corvette la Coquille, étoit noire, hui- leuse et désagréable pour tout autre que pour des navigateurs avides de viande fraîche. La couche de graisse dense, qui leur sert d’enveloppe, éloit re- vêtue d’une peau parfaitement lisse, sur laquelle seulement paroissoient parfois quelques cicatrices d'anciennes plaies. ‘ © LE DELPHINORHYNQUE MACULÉ, Delphinus maculatus, Less.; Zool. de la Coquille, pag. 185. L'histoire de cette espèce de dauphin est loin de mériter une entière croyance. Nous ne l’avons tracée que d’après la vue de ces animaux qui nageoient avec rapidité autour de la corvette La Coquille, vo- (:) Zoologie de l'expédition de la Coquille, p. 184, et pl. 9, fig. 5. HISTOIRE NATURELLE guant sur le vas{e sein de la mer Pacifique, et que poussoient les brises rafraichies de l’est. Quelque incomplets que soient les détails dont se composera celte notice, ils serviront sans doute, pour un jour à venir, à rappeler l’attention sur ce dauphin, que nous placons parmi les delphinorhynques parce qu'il nous à paru avoir un long museau. Le 49 avril 1825, par 18 degrés de latitude sud, et 457 degrés de longitude occidentale, la veille du jour où nous dérouvrimes l'ile de Clermont- Tonnerre, au milieu des îles de corail de la mer Mauvaise, nous fûmes suivis par une nombreuse troupe de dauphins tachetés, que nous examinâmes fort long-temps sous la proue où ils passoient et repassoient sans cesse. Leur tête étoit eflilée, ter- minée par un long museau; leur corps étoit mince par rapport à sa longueur, qui sembloit être de six pieds. La nageoire de la queue étoit forte et pro- noncée; celle du dos, placée au milieu du corps, étoit presque chez tous bifurquée légèrement au sommet. Ce céticé paroissoit d’un vert clair dans l’eau; mais hors de ce liquide, la teinte du dos étoit glauque ou bleuâtre. Le ventre étoit de couleur grise, parsemé de taches blanches, arrondies, lé- gérement bordées de roussâtre. Les rebords des mâchoires, et surtout de la supérieure, étoient d’un blanc pur. L'évent occupoit l’espace intermé- diaire aux yeux, et ce dauphin souflloit souvent avec force ; bien que sa natation fût très rapide. nous n'en observämes pas moins avec attention le mécanisme. C'est parun mouvementrapide et alternatif dedroite et de gauche de la queue, mouvement analogue à celui qui s'opère lorsque les marins goudillent, que ces célacés, roulant ainsi tantôt sur un côté et tan- tôt sur l’autre, se poussent en ayant, et acquièrent une vélocité peu commune. 6 IV. LES SOUSOUS. Les sousous sont sans contredit les plus remar- quables des cétacés par la forme de leur museau. De tous les dauphins à bec, a dit M. Cuvier (Oss. foss.,t. V, p. 279), le plus extraordinaire, celui qui mérileroit peut-être le plus de faire un genre à part, c’est le dauphin du Gange ou sousou. En effet, le bec de la seule espèce que l’on connoisse est long, mince, comprimé sur les côtés, et renflé à son extrémité, de manière qu’il est plus gros à cette par- tie qu'à son milieu; il est aussi un peu recourbé dans sa longueur, et ne ressemble pas mal au prolonge- ment de la tête de certains insectes du genre des fulgores. Les sousous ne comprennent qu’une espèce qui DES MAMMIFÉRES. est décrite dans la plupart des ouvrages systémati- ques sous le nom de dauphin du Gange. Ce nom de sousou est celui qu’elle porte dans le Bengale où elle habite les bouches du Gange. On est redevable des détails circonstanciés que nous possédons aujour d'hui, et des deux beaux individus qui enrichissent notre Muséum, à MM. Diard ét Duvaucel, et M. Cuvier a complété, par ses recherches, l'utilité et l’importance des observations locales que lui adressèrent ces deux naturalistes. Ce savant pense même que le dauphin du Gange est très probable- ment le platanista de Pline, et qu’on doit le re- trouver dans ce passage du naturaliste romain. In Gange Indiæ platanistas vocanf, rostro delplini ct cauda, magniludine autem xV cubitorum (Pline, lib. IX, cap. xv.)» Mais ce qui rend les sousous encore plus distincts de tous les autres cétacés de la grande famille des dauphins, ne sont pas les enveloppes les plus su : perticielles, mais bien la partie la plus profonde et la plus caractéristique de l’organisation, celle qui ne varie point, la charpente osseuse enfin. Nous empruñterons au célèbre auteur des Oss'ments fo- siles les détails anatomiques les plus intéressants sur le système osseux de ces cétacés. « Le museau, très long, est extrêmement com- » primé par les côtés. Les intermaxillaires en occu- » pent la partie supérieure, et les maxillaires l’infé- » rieure. Les premiers remontent jusqu’aux côtés, » et même jusqu’au-dessus des narines, qui dans » cette espèce sont plus longues que larges. » Le caractère le plus frappant de la tête, c'est » que les maxillaires, après avoir recouvert comme » dans les autres dauphins les frontaux jusqu'aux » crêtes temporales, produisent cacun une grande » paroi osseuse qui se redresse et forme une vaste » voûte sur le dessus de l’appareil éjaculateur des » narines. À cet effet, l’une de ces productions os- » seuses se rapproche de l’autre , et paroît même la » toucher sur les deux tiers antérieurs; mais en » arrière elles s’écartent pour laisser passage à l’é- » vent. C'est la ligne de réunion de ces deux parois » osseuses qui soutient la carène que le front de cet » animal montre à l’extérieur. En dessous, ces pa- » rois offrent plusieurs cavités ou une espèce de ré- » seau formé par des branches osseuses très multi- pliées. Dans l'animal frais, la plus grande partie » de l’espace qu’elles couvrent est remplie d’une » substance fibreuse, serrée et assez dure. » Les fosses temporales sont très grandes; leurs crêtes supérieures cernent au haut de l’occiput un espace rectangulaire, des deux côtés duquel » part à angle droit le reste de la crête occipitale. » L'apophyse zygomatique est très longue et pro- » portionnée à la grandeur de la tempe, et forme » en s’unissant avéc l’apophyse orbitaire externe L v Ÿ 4 ? 4 609 » presque à elle seule l’arcade zygomatique. L’or- » bite est très petite; les palatins sont plus grands » que chez les autres dauphins, et ne touchent point » aux pariétaux. Les crêtes du basilaire et des occi » pitaux latéraux, qui bordent au côté interne la » voûte sous laquelle est l'oreille, sont très épaisses » et hérissées de petites pointes osseuses. L'espace » qu’elles laissent entre elles est rempli et fermé par » l'os de la caisse, qui est très grand et adhère au » rocher : celui-ci n’est pes simpiement suspendu, » il est enchâssé à demeure entre le temporal et les » parties voisines de l’occipital. » Parmi les autres particularités anatomiques que présente le dauphin du Gange, M. Cuvier mentionne encore la grande compression de la mâchoire infé- rieure qui rapproche les deux rangées de dents, et la longueur de la symph se, dont les branches acquiè- rent aussi une plus grande hauteur. Celte longue symphyse, dit M. Cuvier, ainsi que les crèles qui naissent du maxillaire, nous préparent à ce que nous observerons dans le cachalot. Le reste du squelette offre aussi des caractères qui sont propres à ce genre. Les vertèbres cervica- les sont très distinctes, fortes, mais courtes ; des apophyses transverses accessoires, plus longues que les véritables, partent du corps des quatrième, cin- quième et sixième. Les dorsales sont au nombre de onze ou douze. Il v a vingt-huit lombaires. L’omo- plate est plus large qu’aux dauphins proprement dits. ———_—_—_—_—_——a nn LE SOUSOU PLATANISTE, Delphinus gangeticus. LeBeck (1). C’est non loin de Calcutta et de Chandernagor que vit le sousou des Indous; il habite les innom- brables canaux qui serpentent dans le delta du Ben- gale, et qui se jettent à la mer au fond de cet im- mense golfe, quoique souvent il remonte les eaux sacrées du fleuve chéri de Brama à de grandes dis- tances dans l’intérieur. Dans quel but la nature a-t-elle donné à ce cétacé un long bec caréné, armé de dents aiguës? Les ani- maux destinés à vivre dans les eaux du Gange ont done besoin de ce museau prolongé pour fouiller dans les roseaux , dans le limon, peut-être, afin d’y atteindre plus sûrement leur proie; car si un cétacé () Delphinus qangeticus, Leb , Mém. de la Soc. nat. de Berlin, 1801, €. I, pl. 2, p. 280 ; Roxburgh, Mém. de la Suc. asiat., Calcutta, t. VIE, pl. 3, p. 170; Del- phinus rostratus, Shaw,Geu.zool.,t I, part. 2, p. 514; Delphinus shawensis, Blainv., Desm., Nouv. Dict. d'hist. nat., 2e édit., t. IX; Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 278, 298, 307, p). 22, 8; sir Everard Home, Trans. philosoph., 1818, p. 419, pl. 20; Desmoulins, Dict. classiq. d'hist. nat., t. V, p, 355, 77 610 armé de dents robustes, comme le sousou, présente une disposition aussi caractéristique dans la forme de son museau, n'est-il pas remarquable de la re- trouver dans un des sauriens les plus voraces des mêmes contrées, le gavial ? Le sousou a cent vingt dents, c'est-à-dire soixante enhauteten bas, et par conséquent trente de cha- que côté. Ces dents sont pointues, et de forme coni- que ; mais en vieillissant elles finissent par s’user au sommet. Leur racine est irrégulière, et souvent comprimée latéralement. Toutes sont implantées sur les bords des mâchoires, dont la forme allongée, grêle au centre, un peu renflée à l’extrémité, est souvent, dans l’âge adulte du moins, légèrement recourbée. Les dents antérieures sont beaucoup plus longues , plus acérées, plus serrées les unes contre les autres que les postérieures. Elles s’entre-croisent à l'extrémité du museau, tandis que sur les branches de chaque maxillaire , elles sont distantes, courtes, et comme usées à leur pointe. Le sousou varie dans sa taille ; celle qui lui est le plus ordinaire ne s’éloi- gne pas de six à sept pieds; sa langue est charnue, épaisse, et légèrement arrondie en cœur ; les yeux sont presque imperceptibles, et placés très près de la commissure de la bouche. L’évent n’est point en croissant comme on le remarque chez la plupart des cétacés de la grande famille des dauphins, mais bien en ligne droite et disposé longitudinalement. Les nagcoires pectorales sont larges et presque car- rées à leur bord. La dorsale est rudimentaire, et ne paroît que comme un léger repli dela peau s’élevant un peu en arrière du milieu du dos. La couleur générale de cette espèce est le gris de perle, le plus doux en dessus, passant au gris blan- châtre sous le corps, et qui, pendant la vie, brille de cet éclat satiné si rapidement éteint lorsque la mort a cessé d'animer l’organisme. On remarque plusieurs individus bien conservés de ce dauphin rare et curieux dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle. On en est redevable aux recherches assidues de MM. Duvaucel et Diard; et le premier surtout, qui promeltoit à la science un naturaliste plein d’ardeur, est mort sur les pla- ges où vit le dauphin qui nous occupe, peu de temps apres avoir enrichi sa patrie du bel individu dont nous avons fait graver la figure. Le plus grand sousou que l’on possède à Paris a sept pieds trois pouces. Son museau a quatorze pou- ces jusqu’à la chute du front, et dix-sept jusqu’à la commissure de la bouche ; la nageoire pectorale a un pied de longueur sur sept à huit pouces de largeur. Combien il seroit intéressant de connoitre les mœurs, les habitudes, les appétits du sousou! On dit qu’il nage avec lenteur, et qu’il vit en troupes nombreuses.Mais où se tient-ilau temps des amours? quel est le nombre de ses petits? de quelle proie se RISTOIRE NATURELLE nourrit-il plus particulièrement? quelle peut être enfin l’étendue de la sagacité qui lui a été départie? 6 V. LES DAUPHINS PROPREMENT DITS. Les vrais dauphins se distinguent des autres tri- bus de la grande famille par leur museau médiocre- ment allongé, élargi à la base, arrondi à l’extré- mité, et n’imitant pas mal un bec d’oie, d’où leur en est venu le nom vulgaire. Le museau, toujours un peu aplati transversalementet élargi dans sa par- tie postérieure, est garni de dents nombreuses et acérées. Il est séparé du front par un sillon distinct. La nageoire dorsale est toujours unique au milieu du corps. Les vrais dauphins habitent toutes les mers, et ne sont pas très distincts des delphinorhynques; mais des doutes nombreux obscurcissent l’histoire de la plupart des espèces qui sont encore très mal déterminées, et qui exigent des voyageurs à venir des observations plus complètes et plus précises que celles que la science possède en ce moment. LE DAUPHIN VULGAIRE. Delphinus delphis. L. (1). Le dauphin auquel les naturalistes ont donné Île nom de vulgaire, a été connu dès la plus haute an- tiquité ; car l'opinion généralement admise regarde ce cétacé comme l'être doué des qualités surnatu- relles, que les Grecs divinisèrent sous le nom de aogrs. Déjà nous avons eu occasion de dire que le duphin de la mythologie païenne étoit au moins un être tout aussi chimérique que le minotaure; et bien qu’Apollon n’ait pas dédaigné d’emprunter ses formes corporelles pour apparoître aux Crétois, le dieu du jour et des beaux-arts pouvoit sans contre- dit choisir un être organisé doué de plus d’intelli- gence et de mœurs moins grossières. Le hieros ichthys, ou poisson sacré des Grecs, dont la physio- uomie est formée de plusieurs traits appartenant à d’autres animaux, est done un dauphin, mais un dauphin auquel un peuple insulaire avoit dressé des (‘) Delphinus delphis, L. Bonnat., Cétol., p. 20 ; La- cép., Cét., pl. 13, fig. 1, p. 305 ; Cuvier, Rég. anim., t. 1, p. 277 ; Oss. foss., t. V, p. 275, pl. 21, fig. 9 et 10; Desm., Mamm., sp. 758; Fr Cuvier, Liv. mam. ; Hist. des Péches, t.1, pl. 9, Brisson, CI. 2, Cetacea, p. 233; Othon Fabricius, Faune groenl., p. 4; Muller, Faun. dan. prod., sp. 55; Anderson, Voyage en Islande et au Groent., (IE, p. 153. DES MAMMIFÈRES. autels dans un temps d’ignorance et de fables, et qu'il dut embellir de tous les prestiges de l'illusion, lorsque sa civilisation perfectionnée lui apprit à rougir des hommages qu’il adressoit aux idoles gros- sières de la primitive théogonie(t). Certes nous re- léguerions avec le Sphinx et Pégase le dauphin des Grecs, si des médailles fidèles et frappées dans les années où le goût s’étoit purifié par le vrai ne nous représentoient ce cétacé avec des formes assez exac- tement celles que nous connoissons au dauphin qui habite nosrivageset les archipels de la Méditerranée. Le dauphin vulgaire vil dans les mers de toute l’Europe; mais on le rencontre plus fréquemment dans les zones tempérées que dans celles du midi. Chaque nation maritime lui a donné un nom; et les peuples d’origine celtique l'ont indifféremment ap- pelé kuyser, hofrung, tummeler, nyssa, tandis que les méridionaux lui ont conservé son ancien nom de delphinus, modifié un peu par la corruption de la langue romane en celui de delfino et de daufin , usi- tés aujourd’hui en Italie (?). Moins susceptibles d’être émus par des idées de convention que les anciens Grecs, les habitants ri- verains de nos côtes n’ont point vu dans le dauphin un ami déclaréde l'homme ; mais son museau aplati leur à rappelé le bec d’un oiseau , et, dans leur lan- gage simple et naïf, ils lui ont consacré la dénomi- nation, caractéristique sous ce rapport, d’oye de mer ou de bec d’oye ( Rondelet, Belon). Le dauphin vulgaire est communément long de six ou sept pieds : quelquefois ses dimensions vont jusqu’à neuf ou dix. Son museau, à partir du front, égale en longueur le restede la tête; il en est séparé par un sillon. Les nageoires pectorales sont médio- cres , taillées en faux, tandis que la dorsale, placée un peu au-delà de la moitié du corps, est assez aiguë et un peuélevée. La queue est terminée par un crois- sant échancré au milieu, dont les cornes sont obtu- ses et assez courtes : elle est légèrement comprimée à son origine, et carénée en dessus et en dessous. La tête du dauphin vulgaire n’est point renflée sur le sommet comme celle du marsouin; elle s’a- baisse graduellement pour former un museau aplati, beaucoup plus large à sa naissance que vers son extrémité. Les deux mächoires sont égales : elles ont de chaque côté de quarante-deux à quarante- {) Tous les peuples encore dans l'enfance de la civi- lisation vénérent des animaux; les uns par crainte, et le plus grand nombre par les services qu'ils en retirent pour leur subsistance. Plusieurs peuples de la mer du Sud regardent comme un être surnaturel et puissant le requin, auquel ils paroissent adresser des sortes de prières. (2) Le nom de foninas, employé par les Portugais pour désigner des dauphins, se trouve cité dans le pre- mier livre de la Navigation de l'Inde orientale, im- primée en 1598, 611 sept dents grêles , arquées. pointues , arrondies, et placées à uneégale distance les unes des autres. Les dents du milieu sont un peu plus fortes que celles qui occupent les parties antérieures ou postérieures. Le nombre total decesos varie donc de cent soixante- huit à cent quatre-vingt-dix, et concourt à donner au dauphin des armes puissantes pour saisir et rete- nir sa proie. L'évent, situé sur le sommet de la tête vis-à-vis les yeux, forme un croissant dont les cornes sont dirigées du côté du museau. Les couleurs du dauphin n’ont rien d’attrayant. Ce ne sont pas ces teintes si pures et si éclatantes qui ornent la daurade, que les marins nommentaussi dauphin, qui ont pu lui attirer les hommages des anciens peuples de la Grèce et de l’Htalie, Ces avan- tages extérieurs lui ontété refusés aussi bien qu'aux autres cétacés, et le noir des parties supérieures du corps, passant au gris sur les côtés, et se dégradant au blanchâtre sur le ventre, sont les seules nuances qui le caractérisent, Il est vrai que ces couleurs ont un aspect satiné et luisant qui tient à la nature de Ja peau. Nous le répétons, le dauphin vulgaire vit dans les mers d'Europe, soit dans l’océan Atlantique, soit dans la Méditerranée (1) : il sillonne le seiu des eaux par troupes plus ou moins nombreuses, etses bonds vigoureux, son mode rapide de natation, observés journellement par nos peuples maritimes, l'ont depuis long-temps rendu célèbre. On lui a donné comme un attribut spécial des qualités dont jouis- sent la plus grande partie des dauphins, et ses mœurs sous ce rapport ne permettent point de l’ho- narer de distinctions particulières. Nager avec la rapidité d’un trait, se jouer autour des vaisseaux que poussent des vents favorables, s’élancer au-dessus des vagues, sont des habitudes que nous trouvons chez tous les petits cétacés qui vivent par essaims dans la haute mer. Long-temps on a cru que la musique avoit le pou- voir de captiver le dauphin, et cette opinion que nous a léguée l'antiquité est sans doute l’origine de l'habitude qu'ont encore aujourd’hui les marins, surtout les Provençaux, de siffler lorsqu'ils voient des troupes de ces animaux accourir près des navi- res. Mais l’austère raison nous force à avouer que le dauphin d’aujourd’hui ne se présente plus à nous avec les h: bitudes aimablesdontles anciens l’avoient doté, et que son vorace appétit, ses sens grossiers ou dirigés vers les moyens de saisir une proie que ses nombreuses dents dilacèrent et que son large (:) Nous ne partageons pas l'opinion de M. Fr. Cuvier, qui croit que le dauphin vulgaire a été trouvé dans tou- tes les mers, au pôle austral comme au pôle boréal, et dans la mer Pacifique comme dans l'Océan occidental. {Description du Dauphin, p. 2.) 612 gosier engloutit, sont loin de fixer dans notreesprit les prestiges que les beanx-arts nous retracent sans cesse. « Cet animal, dit le baron Cuvier, paroit avoir » été réellement le dauphin des anciens. Toute l’or- » ganisation de son cerveau annonce qu’il ne doit » pas être dépourvu de la docilité qu’ils lui attri- » buoient, » Pline a décrit le dauphin au chapitre vrtr du li- vre IX de son Histoire naturelle, et sa description se compose de faits appartenant à plusieurs animaux différents, et notamment au squale requin. Il peint sa natation rapide, ses bands hors de l’eau, l’orga- nisation de quelques parties, etc. Il dit que la fe- melle porte dix mois, parture en été, donne le jour à deux petits, qu’elle soigne avec la plus vive ten- dresse , et que la durée de leur vie est de trente ans. Son conte du dauphin du lac Lucrin est entièrement le fruit d'idées puériles et superstitieuses que Pline raconte avec une naïveté étrange, bien qu'émettant toutefois de légers doutes sur cette histoire. On se rappelle en effet qu’un dauphin nommé Simon, ché- rissant un jeune enfant qui lui donnoit du pain, et qui contournoit tous les jours le lac Lucrin pour aller à l’école de Baïa à Pouzzole, le prenoit sur son dos pour le transporter de l’autre côté du lac, et qu’il répondoit à sa voix. Cette intimité dura plusieurs années, et l'enfant étant venu à mourir, le sensible dauphin ne tarda pas lui-même à succomber à la douleur que cette perte lui causa. Les dauphins sont les animaux les plus carnas- siers de la famille : ils vivent de poulpes et de pois- sons, notamment de sardines et de harengs. Leur chair est médiocre et ne peut être admise dans un palais délicat qu'avec dégoût. Jadis on employoit le foie et quelques autres parties dans des affections morbides, et l’on supposoit que ces viscères jouis- soient de propriétés curalives efficaces. Le temps a fait justice de ces vieilles opinions d’une époque féconde en arcanes et en recettes miraculeuses. « La tête osseuse (1) du dauphin vulgaire présente » Un museau étroit, al ongé, un peu moins long que » la mâchoire inférieure, légèrement convexe en » dessus, plat en dessous; la partie au-devant des » parin:s est un peu concave. De chaque côté sur » le devant de lorbite est un lobe obtus, déprimé, » formé du jugal, recouvert du maxillaire, et sé- » paré du reste du museau par une échancrure peu » profonde. L’occiput est à peu près hémisphéri- » que; la tempe se porte en arrière par un angle » Saillant et arrondi. Les tubercules représentant » les os du nez sont un peu plus larges que longs. » Le dauphin vulgaire est aussi distinct des autres espèces par son palais, dontle milieu est occupé par une saillie longitudinale qui s'étend depuis la pyra- (1) G. Cuvier, Oss, foss., t. V, p. 295. HISTOIRE NATURELLE mide des arrière-narines jusqu’à sa pointe, saillie que côtoient deuxsillons ; le vomer est peu visible. Les vertèbres cervicales sont au nombre de sept : les six premières sont très minces, et la septième seule prend un peu d'épaisseur; on compte treize dorsales et cinquante-trois lombaires : il a treize pai- res de côtes. Les corps des vertèbres sont arrondis, plus comprimés et plus épais dans la région dorsale, plus courts dans la lombaire, où il prennent une forme carénée. Le sternum est composé de trois os; le premier est percé d’un trou : l’omoplate est ar- rondie en éventail, lhumérus est court et gros ; sa tête supporte en devant une très forte tubérosité ; les radius et cubitus sont courts et comprimés , les os du carpe sont plats etanguleux : un os pointu est le seui vestige de pouce qu’on observe à la main: le pre- mier doigt est composé de neuf articulations, le second de sept, le troisième de quatre, et le petit doigt d’un seul tubercule presque imperceptible. Les os en V ou furcéaux sont placés vis-à-vis la trente-huitième vertèbre. Les reins sont formés dans le dauphin comme chez tous les cétacés, par une réunion de petites glandes agglomérées. Le cerveau est volumineux, très développé et arrondi. Les yeux sont petits et garnis de paupières ; leur pupille a la forme d’un cœur, et la membrane ruyschienne brille de l'éclat doré le plus vif. L’oreille s'ouvre à l'extérieur par une petite ouverture; mais l’organe qui perçoit les sons est très développé et autorise à penser que le deuphin jouit d’une faculté auditive très prononcée : la langue est douce, frangée sur ses bords, et pré- sente à sa base des ouvertures dont les fonctions ne sont pointencore connues. Les femelles ont un vagin très simpleet quatre mamelles placées sur le ventre. Telles sont les particularités anatomiques que nous devons seulement indiquer, en y joignant quelques faits accessoires sur deux des appareils des sens. La vue paroît chez le dauphin être très étendue ; et bien que plusieurs auteurs lui aient refusé les organes sé- crétoires des larmes, M. Rapp décrit avec soin la glande Jacrymale que Hunter avoit indiquée. Cette glande est disposée sous forme d’anneauet enveloppe le globe de l’œil, qu’elle égale en grosseur : elle est composée de granulations nombreuses, consistantes et de couleur rougeâtre, réunies par du tissu cellu- laire : mais cet auteur n’a point trouvé de traces de canal ni de points lacrymaux. L'odorat doit être très borné; M. Rapp n’a point trouvé de vestiges de nerfs olfactifs, quoiqu'il ait disséqué un dauphin à l’état frais. La lame ethmoi- dale n’étoit percée que d’un seul trou, et ce trou avoit peut-être servi au passage de quelque vaisseau. Mais on sait que M. Baer a reconnu que les nerfs olfactifs étoient dans le marsouin à l’état rudimentaire, et que ses filets nerveux étoient blancs, distinctement DES MAMMIFÉRES. fibreux , et avoient au plus un sixième de ligne de diamètre. Nous ne répèterons point ce que nous avons déjà eu occasion de dire sur le goût, le toucher et les mouvements locomoteurs des dauphins, en parlant des cétacés en général, et il nous suflira quant à présent de nous borner à ce simple aperçu. RE — LE DAUPHIN DE PERNETTY. Delphinus Pernettyi. DEsx. (1). L'existence de ce dauphin est loin d’être recon- nue: Bonnaterre le regardoit comme une simple variété du dauphin ordinaire ; et M. Cuvier parlage aussi ce sentiment, car il dit (Oss. foss., t. V, p.277 ) : « Doit-on distinguer du dauphin vulgaire, » par exemple, celui de Pernetty, qui a été vu près » desiles du Cap-Vert, et dont le ventre paroit avoir » été tacheté? » Cependant, à moins que la figure de dom Per- netty n’ait été faite à plaisir, il est impossit le d’ad- mettre que le dauphin qu’elle retrace soit identique avec l’espèce précédente; et dans le doute, nous croyons devoir rapporter la description que ce reli- gieux en a donnée; rar nous avons eu souvent oCCa- sion de reconnoitre que les descriptions de Pernetty, bien que superiicielles, étoient cependant d'une exac- titude scrupuleuse en beaucoup de points. Le 50 octobre le navire de Bougainviile, où se trouvoit le père Pernetty, étant à peu de distance de Bona-Vista, une des îles du Cap-Vert, fut en- touré d’une centaine de dauphins qui s’en approche- rent de très près. Ils sembloient, dit Perneity, n'être venus que pour nous divertir ; ils faisoient des bonds singuliers hors de l’eau : plusieurs, dans ces cabrioles, sautoient au moins à trois ou quatre pieds de haut, et tournoient Jusqu'à trois fois en l’air. Un de ces dauphins que l’on prit pesoit cent livres; son bec étoit eflilé et revêtu d’une peau épaisse et grise. « Je pense, dit l’auteur bénédictin, qu’il » étoit de l’espèce de ceux que l’on nomme moines » de mer, car la partie antérieure de la tête se ter- » minoit en bourrelet près de la racine du museau, » et y formoit comme les bords d’un coqueluchon ; » il avoit le dos noirâtre et le ventre d’un gris de » perle, un peu jaunâtre, moucheté de taches noires » et d’autres gris de fer : les dents étoient aiguës, » blanches, ct de la forme de celles du brochez. » A ces caractères particuliers l’auteur en a ajouté qui conviennent à presque tous les dauphins des {‘) Delphinus pernettentis, de Blairv.; Belphinus del- phis, var. a, Cétologie, p. 21; Marsouin, Pernelly; Voyage aux îles Malouines, t. 1, p. 97, pl. 2, fiz 1, Desm., Hamm., Sp. 756. 613 grandes mers, tels que de vivre en troupes, de na- ger de front, de se diriger du côté d’où le vent doit s'élever, d’avoir une force et une énergie muscu- _laires considérables, d’exhaler une odeur si forte ct si tenace, que les corps qui s’en imprègnent la conservent plusieurs jours, quelque chose que l’on fasse pour les en débarrasser, ete. Pernetty par- tage d’ailleurs dans sa narration plusieurs des opi- nions populaires des marins au milieu desquels il vivoit. La figure du dauphin de Pernetty est assez bien faite; le bec est surtout plus long, toutes propor- üions égales, que celui du dauphin vulgaire; il est aussi moins haut et évidemment moins large. La mâchoire inférieure un peu recourbée est plus longne que la supérieure; dans l’espèce précédente elles sont égales : la nageoire dorsale est plus pointue, et placée plus en arrière; enfin les taches du ventre, clairement exprimées dans le texte, sont très mar- quées dans la figure ; et tout porte à croire à l’exis- tence de cette espèce, que les voyageurs rencontre- ront sans doute un jour, et sur laquelle ils fixeront alors l'opinion des naturalistes. LE DAUPHIN DOUTEUX. Delphinus dubius. Cuv. (1). Les formes générales de ce dauphin sont entière- ment inconnues ; mais on doit croire qu'elles ne dif- férent en rien de celles du dauphin vulgaire, avec lequel on l’a confondu jusqu’à ce jour. Son existence comme espèce distincte a été constatée par M. Cu- vier sur plusieurs têtes osseuses conservées au Mu- séum, e{ toutes remarquables par l’égale quantité de dents qu’eïles possèdent. Le dauphin vulgaire en effet a constamment de chaque côté, et à l’une et autre mâchoire, de quarante-deux à quarante-sept dents, tandis que le danphin douteux n’en a jamais que trente-sept ou trente-huit; la tê'e osseuse a d’ailleurs la plus grande ressemblance avec celle du dauphin vulgaire, bien qu’elle soit un peu plus petite, et que le museau soit plus effiléet plus pointu : la mâchoire supérieure aussi est légèrement conique, mais non renflée. Ce dauphin vit sur les côtes d Europe, et peut- être devons-nous le reconnoître dans le marsouin ouette des pêcheurs hoilandoiïis, mal décrit et médio- crement figuré dans la pl. VIII de l'Histoire des Péches dans les mers du Nord. La plupart des auteurs ont considéré comme une variété du dauphin vulgaire l'espèce qu'Osbeck a (°) Rapport sur les cétacés échoués à Paimpol, Mém. du Mus.; Desm., Mamm., sp. 760. 614 décrite dans son Voyage en Chine (1. T, p. 7), sous Je nom de delphinus chine sis (1). La description de ce dauphin de Chine, tracée suivant la méthode linnéenne, est trop incomplète pour que nous puissions l’admettre comme espèce distincte; cependant on ne peut douter que ce cé- tacé ne soit fort différent du dauphin vulgaire, et que l’analogie qu'on a remarquée entre eux ne soit le résultat d’un examen rapide et superficiel. Nous le répétons, chaque espèce de dauphin vit dans des parages beaucoup plus restreints qu’on ne le pense communément ; et chaque espèce, bien que voisine de ses congénères par la même organisa- tion de forme, s’en distingue nettement cependant par des différences caractéristiques, souvent lé- gères, mais qui n’en per-istent pas moins pour constituer, par la filiation, ce que nous sommes convenu d'appeler race ou type spécifique primitif. C’est donner trop d'extension aux variétés comme à la faculté de vivre dans des circonstances oppo- sées, que d'admettre cette homogénéité de formes dans le règne animal : elle n’existe que pour quel- ques êtres. Osbeck se borne à dire que son dauphin des mers de Chine est semblable au dauphin vulgaire, mais qu'il est partout d’un blanc Chlo“issant. Jl en est de même du dauphin blanc ou du Ca- nada (delphinus caradensis, de Blainv., Desm.) que Duhamel a figuré dans son Traité des èches (p. 2, pl. 10, fig. 4 }, et que M. Cuvier regarde comme identique ( Rène animal, t. Y, pag. 278), avec le dauphin à bec mince (delÿhinus rostratus. Shaw ), mais que MM. de Blainville et Desmarest en dis tinguent. En effet, tout porte à croire que le delphi- aus rostratus de Shaw est un individu du sousou du Gange mal décrit. L'espèce de Duhamel vit dans les mers du Canada; sa tête est très bombée, son front fort élevé, son museau très pointu et brus- quement séparé du front: il est généralement blanc À cela se bornent les détails qu’on possède sur cette espèce. M. de Blainville croit, avec juste raison, que le cétacé nommé dauphin de Bertin (?), figuré dans le Traité des Péches de Duhamel (3), est un cachalot. Au reste on n’a sur cet e espèce que des renseigne- ments très incomplets et qui se bornent à savoir que sa tête est très bombée; que son museau est gros; que les yeux sont situés au-dessus du niveau de la “bouche; que la mâchoire inférieure est seule «arnie de dents ; que les nageoires pectorales sont très éle- (1) Desm., lamm., sp. 759; Delph'nus delphis, var., C.; Bonnat., Cét., p. 21. (2) Delphinus Bertini, de Blainv.; Desm., Mamm., sp. 768. s (3) Deuxième partie, dixième section, pl. 10, fig. 3, p. 41. HISTOIRE NATURELLE vées et la dorsale très petite. On ne sait rien de ses dimensions et des mers qu’il fréquente, et par con- séquent une indication aussi incomplète doit le faire rejeter de la liste des espèces connues. EE LE DAUPHIN DE BORY. Delphinus Boryi. Des. (1). M. Desmarest a publié la description de cette espèce de dauphin d’après un dessin et d’après des notes que possédoit M. Bory de Saint-Vincent, qui, le premier, l’a observée dans les mers d'Afrique, non loin des îles de Madagascar, de Bourbon et de Maurice. Sa taille est d'environ huit pieds; son bec est long, déprimé et fort large près de la tête : celle- ci est peu haute ; la nageoire dorsale est médiocre- ment élevée, elle occupe assez exactement le milieu du corps; les nageoires pectorales sont petites et assez larges ; la caudale forme un croissant dont le bord , dans le dessin du moins, est presque recti- ligne. La couleur générale Ju corps de cette espèce est gris de souris, fort tendre en dessus, se dégradant en gris très clair en dessous. Cette dernière partie pré- sente un grand nombre de taches peu arrêtées, d’un gris bleuâtre fugace, et qui disparurent aus- sitôt après la mort de l'animal ; mais ce qui caracté- rise le dauphin de Bory, dès la première vue, est une bande d’un blanc pur qui occupe les côtés de la tête en traversant la région oculaire, et qui est nettement séparée du gris des parties supérieures. Le baron Milius remit à M. Bory de Saint-Vincent un dessin de la même espèce de dauphin qui n’en différoit que parce que ses couleurs affectoient une teinte capucin fort pâle. L’individu qu’il représen- toit avoit été pris non loin de la baie des Chiens marins, sur la côte occidentale de l'Australie. On ne connoît point les mœurs de ce dauphin, bien que M. Bory les suppose analogues à celles de l'espèce vulgaire. LE DAUPHIN A BEC MINCE. D'lphinus rostratus. Cuv (?). Cette espèce de la taille du dauphin vulgaire s’en rapproche beaucoup : elle ne repose que sur l’exa- men de quelques crânes. Le museau est grêle et () Mamm., sp. 757; Desmonl., Dict. class. d'hist. nat., t. V, p. 356, pl. de l’atlas, fig. 1. 12) Rapport sur les cétacés échoués à Paimpol, Ann. du Mus ,t. XIX, p. 9; Desm., Mamm,, sp. 764. le : : “1 1 Dauphin 4 nou vou Üancs, Delphinus supercihosus, lof. , ! , ; } 2 L'auphir CHuCuyCt , Delphinus CEUCI®CE , ( (49/ Pr Gaine © = É LL Pabbe par lourratf: a Paru. DES MAMMIFÈRES. long, et comprimé sur les côtés au lieu d’être dé- primé. Les dents sont grosses, Coniques, un peu courbées en arrière et en dedans ; leur base présente un collet, et leur surface est rugueuse et comme guillochée. Leur nombre varie : M. Georges Cuvier en a trouvé vingt six de chaque côté et à l’une et l’autre mâchoire ; et M. de Blainville, en examinant une tête très fraiche. et qui feroit supposer que ce dauphin vit dans nos mers, n’en a trouvé que vingt- deux. On ne possède aucun autre renseignement sur Île dauphin à bec mince. LE DAUPHIN CRUCIGÈRE. Delphinus cruciger, Quoy et Gaim.; Zool. de PUranie, p. 87, pl. 1, fig. 5 et 4. Ce dauphin a été observé par MM. Quoy et Gai- mard dans le vaste intervalle de mer qui existe entre la Nouvelle-Hollande et le cap Horn, et par 49 degrés de latitude sud. Il est remarquable par deux larges bandes blanches, coupées à angle droit par une noire, qui occupent chaque côté du corps, dans presque toute sa longueur, et qui forment une croix noire sur un fond blanc. La nageoirce dorsale étoit assez aiguë. , Cette espèce, n’ayant été qu’entrevue et ne re- posant, ainsi que là suivante, que sur des données fugitives, a besoin d’être observée de nouveau, et nous ne savons pas si elle doit appartenir aux dau- phins ou aux marsouins, bien que la figure autorise à la ranger avec les premiers. LE DAUPHIN ALBIGÈNE. Delphinus albigena, Quoy et Gaim.; Zoolog, de l'Uranie, p. 87, pl. 11, fig. 2. C'est encore dans les mers antarctiques que MM. Quoy et Gaimard observèrent cette espèce de dauphin, dont le corps étoit entièrement noir, et que rendoit remarquable une large bandelette blanche placée de chaque côté de la tête. Ces voya- geurs se demandent si ce n’est pas une variété de l'espèce qui précède, ou peut-être si ce caractère n’est pas le résultat de la jeunesse de l'individu. Il nous arriva plusieurs fois de voir, dans les mers du sud de la Nouvelle-Hollande, nager autour de notre vaisseau ce dauphin, et nous pensons qu’il est bien distinct du précédent , sans toutefois pou- voir compléter son histoire par des détails plus cir- constanciés. » LE DAUPHIN A BANDES. Delphinus bivitatus, LEss.; Zool. de la Coquille, pl. 1x, fig. 3. Dans les mers orageuses du cap Horn, en allant aux Malouines, à cent quarante lieues de ces îles, nous observämes un dauphin qui différoit notable- ment de ceux dont Commerson et le docteur Quoy ont fait mention. Le dauphin à bandes suivit quelque temps notre navire en grande troupe, quoique la mer fût très grosse. Il s'élancoit fréquemment au- dessus des houles, et sembloit jouir de la résistance qu’il trouvoit dans l’eau ainsi bouleversée. Sa taille est d’environ deux pieds et demi de lon- gueur sur dix pouces à peu près d'épaisseur. Il est court, mais svelte, dans l’ensemble de ses formes. La moitié supérieure du corps est d’un noir lustré et foncé: le ventre est blanc, ainsi que la mâchoire inférieure. Ce qu’il offre de remarquable est une large écharpe d’un blanc satiné, disposée longitudi- nalement sur chaque côté du corps, et interrompue au milieu vis-à-vis la nageoire dorsale, où les deux portions de cette bande ainsi séparée s’élargissent. Cette disposition lui donneroit quelque analogie avec le delphinus cruciger des docteurs Quoy et Gaimard, si ce dernier n’avoit pas le corps noir su- périearement et blanc inférieurement, avec une large ceinture noire sur le ventre. Le museau de cette espèce est court et conique ({); la nageoire dor- sale est médiccrement élevée, noire, placée au mi- lieu du corps; la caudale est écancrée au milieu, brune; les pectorales sont minces, blanc.es, noirà- tres seulement sur le bord antérieur. EE ——— LE DAUPHIN A SOURCILS BLANCS (:,. Delphinus supercitiosus. Less. C’est après avoir doublé le cap Horn, et par 45 et 45 degrés de latitude méridionale, que nous ob- servàmes ce dauphin, que nous primes d’abord pour l'espèce que MM. Quoy et Gaimard avoient men- tionnée sous le nom de dauphin albigène. Lorsque M. Garnot partit du port Jackson pour opérer son retour en France, sur le navire anglois le Castle- Forbes, on en tua un individu qu’il décrivit à peu près en ces termes : Sa longueur totale étoit de quatre pieds deux pouces; la mâchoire supérieure offroit de chaque (") Peut-être seroit-elle mieux placée avec les mar- souins. () Zoo. de la Coquille, par MM, Lesson et Garnot, p. 181, pl. 9, fig, 2, 616 côté trente dents, et l’inférieure vingt-neuf; le museau de médiocre longueur étoit séparé du front par une rainure profonde ; la dorsale étoit placée un peu au-delà du milieu du corps, elle finissoit en pointe assez aiguë: la caudale disposée en croissant étoit échancrée au milieu. Toutes les parties supé- rieures du corps présentoient une couleur noir bleu éclatant, et les inférieures ainsi que les flancs res- plendissoient d’un éclat argentin. Les nageoires pectorales étoient brunes , bien que placées au mi- lieu des teintes blanches du dessous du corps; mais ce qui caractérise particulièrement ce dauphin est un trait blanc élargi qui occupe le dessus de l'œil jusqu’au front, tandis qu’un autre trait blanc rubané est placé sur les côtés du corps, tout près de la queue. a —————_—_—_—_— LE DAUPHIN FUNENAS. Delphinus lunatus. Less. (1). L'immense baie de la Conception nourrit un grand nombre de dauphins, dont nous ne pümes tuer au- cun individu. Cette espèce, nommée funenas dans le pays, est ramassée dans ses formes, et longue de trois pieds au plus. Son museau est eflilé , sa na- geoire dorsale arrondie au sommet, la couleur de son dos d'un brun fauve clair, qui se fond insensi- blement avec le blanc de la partie inférieure, un croissant brun et nettement dessiné occupe le dos, vis-à-vis les nageoires pectorales, en avant de la dorsale. Ce petit dauphin détruit une grande quan- tité de poissons, et tous les matins au lever du soleil nous eûmes occasion d’en observer des trou- pes nombreuses qui plongeoient sans cesse et paroissoient très occupées à la pêche. Vers dix heures du matin, lorsque les funenas étoient repus, ils jouoient à l’envi les uns des autres, et sem- bloient se plaire à faire des bonds rapides hors de l’eau , et lutter à qui s’élanceroit à une plus grande hauteur. Nous n'avons point observé cette espèce ailleurs que dans la baie de Talcaguana, dans la province de la Conception, au Chili; mais elle y est extraor- dinairement commune. EEE ——_——_—_—_—_—_—"—"— — — ———"—"—"— LE PLUS PETIT DES DAUPHINS. Delphinus minimus, LEss.; Zool. de la Coguille, pag. 185. Dans les mers chaudes des îles fabuleuses de Salomon, au milieu de ces terres qui se rapprochent t) Zool. de la Coquille ( voyage autour du monde), pl. 9, Gg. 4, p. 163. HISTOIRE NATURELLE de la constitution des Moluques, nous fûmes en- tourés (2 et 10 août 1825) par des milliers de dau- phins à bec mince, dont la taille chez les plus grands ne dépassoit pas deux pieds. Leur couleur générale étoit brune, et on remarquoit une tache blanche seulement au bout du museau. Ils sautoient hors de l’eau à la manière des scombres, et suivoientune direction constante, tous formant deux lignes dispo- sées en échiquier. | LE DAUPHIN OUDRE. Delphinus tursio. BONNAT. (1). La synonymie de cette espèce de cétacé est fort embarrassante à débrouiller; car chaque auteur, en la décrivant, lui a souvent appliqué un nom, de sorte qu’il devient difficile de marc'er d’un pas ferme dans ce labyrinthe de nomenclatures. Les cé- tacés en effet, n’ont que bien rarement été décrits d'après des êtres mesurés, pour ainsi dire, avec le compas, et comparés surtout les uns aux autres, de manière que le plus souvent les descriptions que nous avons à mettre en œuvre se ressentent des négligences ou des principes fort opposés de ceux qui nous les ont transmises. Le nom d'oudre que porte ce dauphin se trouve mentionné, pour la première fois, par Belon, na- turaliste du seizième siècle. Il le confondoit toute- fois avec l’orca des Latins, ou le capidoglio des Italiens, qui paroit être évidemment le cachalot macrocéphale des auteurs modernes. La figure de l'oudre a été reproduite par Rondelet, Jonston, et Aldrovande, dans les divers portraits de dauphins qu'ils ont fait graver; mais il est probable que c’est de lui dont parle Artédi, lorsqu'il donne à sa orque un museau conformé comme celui du dauphin vul- gaire, bien qu’il ajoute à sa phrase : Des dents larges et crénelées sur leurs bords. Linné confondit sous les noms de delphinus orca, l'oudre, qui est un vrai dauphin, avec l’orca de Rondelet, qui est un marsouin, et consacra l'épi- thète de tursio à un physétère. Fabricius décrivit l’oudre sous le nom de nésar- nak, usité par les habitants du Groenland. L'abbé Bonnaterre compléta cette description par des détails {n Nésarnak, delphinus tursio, Bonnat. Cét., p.21, pl. 41, fig. 1; Dauptiin nésarnak, Delphinus nesarnak, Lacép., 2eédit., t. 1, p. 366; delphinus delphis ou bottle nose whale, Hunter, pl. 18, fig. 1 et 2, des Trans. phi- losoph. de 1787; Camper, pl. 35 et 36, 39 et 40; G. Cuv,, Oss foss., t. V, p. 277; Delphinus tursio, Oth. Fabricins, Faune Groen., p. 49; Desm,, sp. 761, 762 et 765: Risso, Nice, t. I, p. 21 ; orca rt oudre, Belon, Etranges poiss marins, pl. 33, p. 30, el de aquat., pl. 18, fig. 16 ; delphinus orca, L. Gmel. sp. 4, DES MAMMIFÈRES. pris sur un individu conservé à l'École vétérinaire d’Alfort. Plusieurs auteurs, toutefois, ne pensent point que le nésarnak de Fabricius soit identique avec le nésarnak de l’abké Bonnaterre ou l’oudre, et font deux espèces distinctes de ces cétacés. Nous devons dire que les détails donnés par Fabricius dif- fèrent un peu de ceux de l'abbé Bonnaterre, mais que la description du premier auteur est si incom- plète, et si peu caractéristique, qu’il est impossible de l’admettre sans restriction. L’oudre se présente quelquefois sur les côtes occi- dentales de la France, où les habitants riverains lui donnent le nom de grand souffleur, etsur les rivages de la Méditerranée, où il conserve la dénomination de souflur. À Nice, suivant M. Risso, il porte les noms de cau‘ues et de capidoglio; et suivant Du- hamel ( Péches, sect. 10, pag. 44), il s’appelleroit aussi coudin ou coudrieu. L’oudre est beaucoup plus grand que le dauphin vulgaire, auquel il ressemble par les formes corpo- relies. I] a communément dix pieds de longueur, bien qu’on en indique des individus de quinze et même de vingt-quatre pieds, s’il falloit s'en rappor- ter à des renseignements dont l’exactitude n’est pas démontrée. La nageoire dorsale est placée à peu près au miliea du corps : son sommet est arrondi et obtus, et elle se continue sur le dos par un prolon- gement adipeux. Les pectorales sont oblongues, pointues, longues de dix-huit pouces, et attachées à l'endroit le plus épais du corps, qui s’amincit in- sensiblement jusqu’à la queue, qui est large de vingt- trois pouces ; les deux lobes de celle-ci sont échan- crés, falciformes, et recourbés en arrière. La tête est légèrement arrondie à son sommet; elle est terminée par un museau moins large, beaucoup moins prolongé que celui du dauphin vulgaire, et séparé du front par un sillon profond (!). Le bec de l’oudre n’a guère, pour un animal long de neuf pieds, que cinq pouces de largeur à la base, sur quatre pouces et quelques lignes de longueur, à partir du sillon jusqu’à l'extrémité du museau. Les deux mâ- choires ne sont point égales ; l’inférieure dépasse un peu la supérieure, et affecte une légère convexité {‘) M. Cuvier (Oss. foss., t. V, p. 296, pl. 21, fig. 3 et 4), dit « que le tursio est au rostratus ce que le du- » bius est au delphis ; son museau est plus court, plus » large, plus déprimé, mais ses tempes ont la même » grandeur relative. Ses os du nez sont plus petitsetne » touchent pas aux intermaxillaires. Le vomer s’y mon- » tre à deux endroits de la face inférieure ; une fois sur » un trés petit espace rhomboïdal, entre les”maxillaires »etles palatins, et plus avant sur un espace longitudi- » nal, entre les maxillaires et les intermaxillaires ; les » verlébres cervicales sont minces et distinctes; il ya » treize dorsales ct trente-huit lombaires; le premier » os du steroum n’a pas de trou,et ses angles sont moins » aigus qu'au dauphin vulgaire. » L, 617 en dessous. Mais ce qui ne permet pas de confondre cette espèce avec aucun autre vrai dauphin est le nombre des dents; on en compte généralement vingt-trois, en haut et de chaque côté, et vingt-une en bas; ces quatre-vingt-huit dents présentent les mêmes formes, c’est-à-dire que toutes sont droites, cylindriques et émoussées à leur sommet. L'évent est placé au-dessus des yeux ; sa forme est celle d’un croissant, et ses cornes sont dirigées en avant: il a dix-huit lignes de diamètre lorsque l'animal présente neuf pieds de longueur. Les couleurs de l’oudre n’ont rien de remarqua- ble; les parties supérieures sont brunes, et le des- sous du corps est d’un blanchâtre sale. M. Risso rapporte que la prise de ce dauphin donne toujours lieu, aux pêcheurs de Nice, de faire des réjouissances, et qu’ils l’ornent de fleurs pour le promener en triomphe dans les principaux quar- tiers de la ville, en faisant retentir l’air de leur cri d’allégresse. Le cortége de ce cétacé s'arrête d’oabi- tude devant les demeures des gens riches, et les capteurs jouissent du privilége d’en obtenir quelque argent. Le grand souffleur à bec d’oie, de l'Histoire des pêches hollandoises (1) (t. I, p. 285), ou butz-kop, est évidemment l’aodon ; la figure qui accompagne le texte est assez exacte, et ne permet aucun doute à cet égard (pl. vint). Ce nom de butz-kop ou butz- kopf paroît avoir été donné à plusieurs grandes es- pèces de dauphins, dont la tête, suivant le sens littéral du mot, a une forme carénée (?). Eggède dé- crit sous ce nom le marsouin épaulard (Descript. du Groenlt., 56). L'oudre ou grand souffleur habite la haute mer. Il n’approche que très rarement les côtes, aussi n’a-t-on que difficilement les occasions de l’ob- server. [1 vit indifféremment dans l'Océan comme dans la Méditerrnée. On assure en avoir vu plu- sieurs fois des troupes de sept à huit individus se présenter à l'embouchure de la Seine. On ne sait rien de ses mœurs. Le nésarnak décrit par Fabricins a, suivant cet auteur, le museau comprimé comme le bec d’un eider (anas mollissima ); les dents, au nombre de quarante à quarante-six à chaque maxillaire, et qui sont grosses, fortes, très obtuses, et courhées obli- quemen! en haut, d'avant en arrière, et en bas, d'arrière en avant. Cette dernière particularité que G) Histoire des péches, des découvertes ct des éta- blissements des Hollandois dans la mer du Nord; traduit du hollandoiïs par Bernard de Reste, 3 vol. in-8o. Paris, an IX. (2) L'épaulard est le vrai buts-kop, ou buts kopper ; mais ce nom a été Gonné dans l'Histoire des pêches, à l'aodon. Les Hollandois du cap de Bonse-Espérance l'ont appliqué à une baleinoptère à ventre plissé, et: Baussard ct Bonralerre l'ont transporté à l'ayperoudon. 18 GIR Bonnaterre et aucun autre auteur ne mentionnent pour l’oudre seroit caractéristique. Mais quel degré d'importance doit-on lui donner dans une descrip- tion très concise ? Le nésarnak de Fabricius vit dans les mers du Groenland, loin des rivages, et se laisse difficilement approcher. La femelle donne le jour à un ou deux petits, au milieu de l'hiver. Les naturels estiment ses chairs, son lard, et se régalent de ses intestins. DD LE DAUPHIN DE BAYER. Delphinus Bayeri. Ris50 (1). Le cétacé qui nous cecupe en ce moment à pri- mitivement été décrit par Bayer, qui en publia une assez médiocre figure dans les Mémoires de La So- ciélé Léopoldine des curieux de la nature. M. Risso s'étant procuré un dessin, qu’il dit exact, d’un cé- tacé échoué sur les côtes de Nice en 1726, reconnut qu'il ne différoit point de l’espèce qu’avoit indiquée Bayer. M. Risso a toutefois balancé sur le genre auquel ce cétacé devroit appartenir; et bien qu'il ait quel- ques uns des caractères des physétères, c'est avec les dauphins qu’il s’est décidé à le placer. Le genre physétère d’ailleurs n’a dans l'état actuel de nos con- noissances aucun caractère précis; et comme il doit disparoître des méthodes, le cétacé de Bayer sera conservé parmi les vrais dauphins avec lesquels il a de grands rapports, surtout par la longueur de son museau, jusqu’à ce qu’uu examen plus exact vienne éclairer son histoire, ct mettre à même de discuter la place qu’il doit oceuper dans la cétologie. Le dauphin de Barer est remarquable par la grande longueur de sa tête, qui égale à peu près le tiers de celle de son corps entier. Son museau est très pro- longé, obtusément pointu, un peu relevé, et de même forme: que celui du dauphin vulgaire; Pou- verture de la bouche est très grande; les mâchoires sont égaies et armées de chaque côté de trente- quatre dents aplaties, pointues et tranchantes ; l'ori- lice extérieur de l’évent paroit être large et occuper le sommet de la tête; les nageoires pectorales sont, dit-on, développées, tandis que la dorsale est trian- . gulaire. Cet animal n’a pas moins de quarante-deux pieds de longueur ; son corps est d’un bleu obseur en dessus, et blanchâtre en dessous; il vit dans la Mé- diterrance. (1) Phycélère, physeter, Lacép.; Cuv., Rég. an., t. 1, p.284, en note; Bayer, Ac. méd. Ac. cæs. Eecop. eur. nat., (IN. p. 2, pl. 1, fig, 2; Risso, Fist. nat., Nice, LIN ,p 22. HISTOIRE NATURELLE LES INIAS. Inia. D'Orpieny (1). Les inias sont des cétacés d'autant plus remar- quables, qu’exelusivement fluviatiles, ils ne quittent point les affluents du Rio Mamoré qui va se jeter dans l’Amazone, à plus de sept cents lieues de la mer, car ils sont très communs dans toutes les ri- vières de la province de Moxos, dans l’intérieur de la république de Bolivia ou Haut-Pérou. Par leurs mâchoires allongées en un bec eflilé, séparé du front par une profonde dépression , ils se rapprochent des sousous qui vivent aussi dans les eaux douces du Gange, mais qu’on rencontre fréquemment à l’em- bouchure de ce fleuve, et qui, avec leur museau de gavial, ont des dents inégales et une lame osseuse pour protéger les évents. Dans les inias, les dents, d'abord incisives, finissent par prendre la forme de molaires sur les branches des maxiliaires, et ce.sys- tème dentaire conduit évidemment les cétacés pis- civores aux herbivores, car les inias font le passage des sousous aux lamentins, et ont comme ces der- niers le museau couvert de poils rudes, particularité que ne présentent point les vrais cétacés, excepté dans leur jeune âge. Les caractères zoologiques des inias sont donc, quant aux formes extérieures, ceux des dauphins, excepté que la nageoire dorsale s'élève sur le dos en une simple proéminence assez semblable à celle des cachalots. Leur museau s’allonge en uae sorte de tube cylindrique revêtu de poils fermes. Les dents antérieures sont incisives, grosses , aiguës, ou usées par Ja mastication ; elles passent successivement à la forme de molaires en s’élargissant et prenant un talon interne, Comme chez les cachalots et le sou- sou, la symphyse de la mâchoire inférieure est très prolongée. La fosse temporale est ample, la fosse orbitaire très petite, et la première se trouve bordée en dessus par une crête fronto-pariétale très élevée, qui nait du milieu de la crête occipitale. La seule espèce de ce genre est l’inia de Boli- vie (?). Son corps est gros et très court, comparative- ment à celui des dauphins ordinaires. Son museau imite assez un bec prolongé, très mince, presque cylindrique, et obtus à son extrémité. La bouche est fendue jusqu’au-dessous des yeux, et forme une ouverture linéaire, seulement arquée à sa partie pos- térieure. Le canal nasal est tellement oblique d’a- () Nouv. Ann. du Mus., t. II, p. 31. Le nom d'inia est celui que donnent à ces cétacés les Indiens Quarayos des rives du Rio de San-Miguel, entre les provinces de Chiquitos etMoxos, dans la république de Bolivia. (2) Inia boliviensis, d'Orbign., Loc. cit,, pl. 3. DES MAMMIFÈRES. vant en arrière, que son orifice est placé presque au-dessus des bras. Derrière l'œil s’ouvre le trou au- ditif externe, beaucoup plus apparent que chez les autres cétacés. Les nageoires antérieures sont larges, volumineuses, obtuses à leur sommet, tandis que la dorsale à peine saillante se trouve occuper à peu près le tiers postérieur de la longueur totale du corps. Celui-ci est légèrement comprimé en arrière, et terminé par une large rame caudale échancrée à son milieu. : Le crâne se trouve être déprimé. Le museau est long et muni de dents sur toute la longueur des maxil- laires. On en compte de 150 à 154, ou 66—68 en haut et 66—66 en bas. Ces dents sont rugueuses ou marquées de sillons profonds et interrompus. Les dents de la mâchoire supérieure ont les vingt-trois premières de chaque côté arquées et coniques, et celles qui suivent sont munies d’un talon qui élargit leur base au bord interne, talon qui s’accroit d’au- tant plus que les dents deviennent plus postérieures, de manière que celles-ci n’ont presque pas de pointe ou semblent être à couronne rectiligne. Les dix-neuf premières dents sur chaque bord de la mâchoire in- férieure sont seules arquées et coniques, les autres sont semblabies à celles d’en haut, Dans l’état de vie, la peau qui recouvre toutes les parties est lisse, ex- cepté sur le museau , où apparoissent quelques poils rares, gros et crépus chez les jeunes sujets, et très longs et très fermes chez les vieux. Par la dessicca- tion ces poils tombent aisément. L'individu décrit par M. d'Orbigny étoit du sexe féminin, de petite taille, et prêt à mettre bas. La vulve étoit turgescente et gonflée, et les mamelles, placées sur les côtés de la vulve, se trouvoient rem- plies de lait qu’on pouvoit faire jaillir par la pres- sion. Cette femelle mit au jour un petit fœtus venu à terme, ayant des poils sur le museau, un cordon ombilical gros et hérissé de tubercules élevés. Ses dimensions étoient celles-ci : mèl, cent, mil. Longueur totale du bout du museau à l'extrémité de la queue. +. 2 4% _———— du bout du museau à sa base, » 23 ———— du bout du muscauàl'œæil, . » 3% » ———— de l'œil. , . . . . . . » » 9 ———— du bout du museau à l'orifice HAS TEST 00) 267 ———— du bout du museau à l'orifice de l’ouïe. HR SEL AU 5 LEE) du boul du museau au bras, » 52 » du bout du museau à la na- geoiretdorsale. 414.11. 44 30), 2 du bout de la queue à sa base. » 2% » du bout de la queue ala vulve, » 60 » du bras ou nageoiïire. . . . » 42 » FArpeEUT/AUDrAS. TM SHC CPE CRIME OLIS — deaqueues métis ue Lun ra Hauteur deJa dorsale, ,. . :: + + :21 9 .» Circonférence du museau... . + . . » 20 » AUNEI VUE st Ci DE AGIT ON SOUSIES DRASS, . 2e er + 0) JON) AIT UOTPALE Se ee ie vie A ED Les mâles parviennent fréquemment à une lon- gueur de quatre mètres, mais les femelles restent toujours plus petites. La coloration générale de la peau varie, bien que celle qu’on remarque le plus ordinairement consiste en un bleuâtre uniforme sur les nageoires, à teinte pâie sur le dos, et se dégra- dant en nuance rosée sous le corps. Certains indi- vidus sont rougetres, d’autres à teinte noirâtre, enfin quelques uns sont tachetés ou rayés. Dans les grandes rivières, la coloration de la peau est toujours afoiblie, tandis que ceux qui vivent dans les lacs for- més par l’accumulation des eaux pluviales commu- piquant avec les rivières, et qui sont forcés d'y séjour ner pendant la saison des sécheresses, sont presque noirs, el ne perdent cette couleur qu'après un long séjour dans les eaux des rivières. M. d'Orbigny trouva ce dauphin fluviatile dans toutes les rivières qui traversent les immenses plai- nes de la province de Moxos, dans la république de Bolivia, et qui vont former les rivs Mamore et Gua- poré, qui cux-mêmes constituent plus loin la rivière de Madeiras, un des premiers bras des Amazones. L’inia remonte ainsi jusqu’au pied des dernières montagnes du versant est de la Cordilière orientale, à plus de sept cents lieues de distance de la mer, et M. d'Orbigny affirme qu’il paroit ceriain qu'il ne descend jamais jusqu’à l’Gcéan , et qu'il ne quitte point les fleuves désignés plus haut, HE seroit diffi- cile, ajoute ce voyageur, que cet animal, qui nage avec peu de vitesse, puisse d’ailleurs remonter les dix-neuf cascades du Rio de Ma‘eiras, qui se trou- vententre les 9 et 1üe degrés de latitude méridio- nale. Quelques négociants brésiliens, ayant à diverses reprises fait le voyage de Aato Grosso au Para, as- surérent que ces dauphins habitoient uniquement au-dessous des cascades, dans les rivières com prises entre les 10 et 17e degrés de latitude sud et les 64 à 70e degrés de longitude occidentale. C'est seulement au fort de Beira, sur la rivière de Guaporé, que les Brésiliens font des inias uns pêche réglée au temps des basses eaux, afin de se procurer de lhuile pour leur éclairage ; les paisibles habitants de la province de Moxos ne les poursui-. : vent jamais. Les femelles ne donnent le jour qu'à | un petit qu'elles affectionnent avec la plus vive ten- dresse, et qui les paie du plus tendre retour. On a vu des femelles suivre avec une opiniàtreté d'amour maternel les pirogues qui emportoient leur progéni- ture tuée par le harpon, et se livrer ainsi à la mort, Les jeunes inias restent long-temps sous la protection de leur mère, et ne l’abandonnent que lorsqu'ils sont déjà grands, 620 Lorsque ces célacés ne sont point inquiétés, ils viennent lentement, et bien plus fréquemment que les espèces marines, respirer à la surface de l’eau. Muis s'ils sont effrayés, ils accélèrent leur nager, bien qu'ii n'ait point la vitesse de celai des dauphins. Rarement ils vont isolés, mais au contraire ils se réunissent par trois ou quatre individus, presque ja- mais en plus grand nombre. Le sens de l’ouïe chez les inias paroît être d’une grande délicatesse, car ces animaux s'arrêtent au bruit des pagaies qui agitent l’eau, et viennent à plusieurs reprises, en soufflant, s'assurer de la cause du bruit qui les émeut. Ils poursuivent les pois- sons, qu’ils viennent mâcher à la surface de l’eau, ce qui dénote des mœurs plus terrestres que celles des dauphins. Le nom d'inia, donné par M. d’'Orbigny à ce genre de dauphin fluviatile, est emprunté à la langue des Guarayos. L'espèce porte le nom de bote chez les Brésiliens du fort del principe de Beira , et celui de bufeo chez les Espagnols. C’est encore le sisi des Chapacuras, V'ihui des Baures, le puchca des Ito- namas, le potohi des Cayuvava, le sata des Eten, le cachoïcana des Pacaguaras, le pathi des Movi- mas, le nituya des Canichanas, entin l’aïco des Moxos. LE RORQUAL MUSEAU - POINTU. Balænoptera acuto-rostra'a. Nous aurons quelques nouveaux renseignements à donner sur cette espèce de baleinoptère , que nous avons pu étudier sur un bel individu, parfaitement conservé et long de vingt-trois pieds dix pouces. Ce rorqual, battu par de fort mauvais temps dans le golfe de Gascogne, entra dans la Charente, et vint s’échouer à la marée basse au Vergeroux, le 26 août 1853. Là, les employés des douanes s’en rendi- rent maitres, et le préfet maritime, M. de Freyci- net, et le commissaire général, M. Jurrien, firent de la meilleure grâce les dépenses nécessaires pour que ce cétacé pût être conservé pour le cabinet d’his- toire naturelle de l'Ecole de médecine navale. En attendant que cette espèce soit l’objet d’un travail spécial, dont sont chargés MM. les docteurs Triaud, Souty et Duché, nous offrirons à nos lecteurs la des- cription suivante. Ce baleinoptère a l’épiderme épais, lisse, assez semblable à du taffctas d'Angleterre. La tête est peu longue, et se continue avec le corps tout d'une venue, et sans aucune élévation. La mâchoire su- périeure est très étroite, formant un angle aigu, tandis que l’inférieure la déborde bien qu’elle soit aiguë à son extrémité. La plus grande épaisseur du HISTOIRE NATURELLE corps est au niveau des rageoires pectorales, qui sont longues de deux pieds huit pouces. La dorsale a douze pouces de hauteur. Le dos est caréné, et s’'amincit à la queue, dontles deux lobes sont échan- crés à leur milieu. Les fanons n’ont que six pouces de hauteur. L’æœil, très petit, est sur le rebord du maxillaire supérieur que garnit une muqueuse sèche etnoire. La langue est oblongue, arrondie, molle, rougeûtre , lardacée. La gorge jusqu’au ventre est garnie de plissures régulières. Les évents s’ouvrent sur la nuque par deux fentes obliques, formant par leur position un accent circonflexe (‘). Le conduit auditif est percé par un trou ressemblant à un tube de plume à écrire. Il est traversé par une ligne blanche. Les couleurs du corps sont : un blond blanchâtre pour les fanons ; un noir luisant pour tout le dessus du corps et les côtés; un blanc satiné pour toutes les parties inférieures et pour les plis de la gorge. 6 VI. LES OXYPTÈRES. M. Rafinesque-Smaltz, dans son Précis de So- miologie (pag. 15), proposa de séparer des delphi- nus, sous le nom d’oxyptère (oxyplerus), son dau- phin de mongitore («elphinus mongilori), qui a deux nageoires dorsales sur la partie supérieure du corps. Cet auteur, alors établi en Sicile, n’a point jugé à propos de donner des renseignements suscep- tibles de nous mieux faire connoître ce dauphin à deux nagcoires qui vit dans la méditerranée. Nous eussions donc négligé de parler des oxyptères, si MM. Quoy et Gaimard, en décrivant dans la Zoo- logie de l’Uranie un cétacé remarquable par deux nageoires dorsales, ne nousavoient prouvé l'existence de ce sous-genre. L'OXYPTÈRE RHINOCÉROS. Delphinus rhinoceros, Quoyx et Gaim. ; Zool. de l'Uranie, pl. M, fig. 2, pag. 86. C’est en ces termes que MM. Quoy et Gaimard . décrivent cette espèce qu’ils n’ont fait qu’entrevoir : « Dans le mois d'octobre 1819, en allant des îles » Sandwich à la Nouvelle-Galles du Sud, nous vimes » par 5° 2ÿ' de latitude nord, beaucoup de dauphins » exécutant en troupes, autour du vaisseau, leurs » rapides évolutions : tout le monde à bord fut sur- » pris, comme nous, de leur voir sur le front une » COrne Ou nageoire recourbée en arrière, de même » que celle du dos; le volume de l’animal étoit à : “+ k NN TAN SRE AR TE v ê. è ) A Ÿ L 1ÿ ee CUT QUE ski À CO UAIE CCI It L VO CUCit C'diCil Delphinus phocana , 4 Delphinu s compre s sicauda ; 4 271 DES MAMMIFÈRES. » peu près double de celui du marsouin ordinaire, » et le dessus de son corps, jusqu’à la dorsale, étoit » tacheté de noir et de blanc. » Nous nous attachâmes à observer ces dauphins » pendant tout le temps qu’ils nous accompagnèrent ; » mais quoiqu'ils passassent souvent à toucher la » proue de notre corvelte, ayant le haut du corps » hors de l’eau, leur tête y étoit tellement enfoncée, » que ni M. Arago, ni nous, ne pûmes distinguer » sileur museau étoit court ou allongé; leur allure » ne put rien nous indiquer à cet égard ; car ils ne » s’élancoient point au-dessus des eaux comme les » autres espèces. D'après leur conformation toute » particulière, nous les avons nommés dauphins » rhinocéros (delphinus rhinoceros). » es eee 6 VII. LES MARSOUINS. Les cétacés susceptibles d’être classés sous ce nom commun se distinguent des dauphins, seulement par les formes de leur museau. Il est en effet court et uniformément bombé, et non terminé en bec aplati et allongé comme celui des vrais dauphins; leur tête s'éloigne en outre de celle des globicépha- les , en ce qu’elle n’est point brusquement tronquée, ni à demi globuleuse. Les marsouins ont donc le front et le museau tout d’une venue ou sans sillon distinct. Quelque- fois une légère dépression sert à marquer le passage de l’une à l’autre de ces parties. Par l’ensemble des formes du corps et la disposition des nageoires, ils ressembient parfaitement aux dauphins. Ce sous-genre renferme plusieurs espèces nomi- nales: on ne peut en admettre, d’après les auteurs, que trois véritablement authentiques, auxquelles nous en Joindrons une quatrième inédite. LE MARSOUIN COMMUN. Delphinus phocæna. L. (1). Le marsouin est de tous les cétacés celui que les peuples modernes connoissent le mieux; il viten (9) Delphinus phocæna, Artédi; L. Brisson; phocæna Rondeletii, Gesn.; phocæna, Rondelet, Klein, Jonston, Aldrov.; sus marinus, Nieremb.; marsouin, Belon. Poxxve, Aristote, Pline, Delphinus phocæna, Olh. Fabricius, sp. 29, p. 46; Bonnat, Cét p.18: G. Cuvier, Ménagerie du Muséum avec exc. figure: Lacép., Cétacés, p. 344, édit. Desma- rest; G.Cuvier, Régn. anim, t. 1, p. 279; Desmarest, Mamm., sp 770, G. Cuvier, Oss. foss., t. V, sp. 280; F. Cuvier, Histoire des Mammifères, liv. 53. 621 effet sur nos côtes, ne quitte presque point nos ri- vages, remonte dans les eaux douces des fleuves, et s’y présente toujours par troupes nombreuses. Sa taille est plus petite que celle du dauphin vul- gaire, avec lequel il a les plus grands rapports, par les formes corporelles comme par les couleurs; mais ce qui le distingue dès la première vue est sa tête arrondie, légèrement déprimée, et que ne ter- mine point un bec allongé et aplati; son museau présente done, à partir du front, une ligne douce- ment recourbée , et ses mâchoires acquièrent en lar- geur ce qui leur manque en longueur, en formant un demi-ellipsoïde. Le marsouin a rarement plus de quatre à cinq pieds de longueur, bien qu’on en indique des indi- vidus longs de six à huit pieds. Les jeunes, au moment de leur naissance, ont vingt pouces, à ce que rapporte Klein. Son poids varie suivant les di- mensions qui lui sont propres, et M. Cuvier dit qu'un M. Cardan prétend avoir vu, à Saint-Valery, un marsouin pesant mille livres. Les bords des maxillaires sont régulièrement gar- nis de dents ; toutes sont également aplaties et tran- chantes, droites, et arrondies au bout, au nombre de vingt-une, vingt-deux, et vingt-trois de chaque côté, en haut et en bas (!) ; quelquefois la surface de ces dents est striée, quoique le plus souvent elle soit lisse, ce qu’il est difficile d’expliquer, à moins que celte particularité ne tienne à l’âge, au sexe, ou peut- être à une différence spécifique. M. Cuvier a tracé une description rapide de ce cétacé , dans l’ouvragein-folio, et malheureusement non achevé, de la Ménagerie du Muséum qu’accom- pagnent les magnifiques gravures de Miger, d’après les vélins peints par Maréchal. « Le marsouin, dit- » il, est absolument dépourvu de poils ; il n’a pas » même de cils aux paupières. Sa peau est parfaite- » ment lisse, et son épiderme, très doux au toucher, » se détache facilement. Il n’a pas de lèvres propre- » ment dites; mais la peau, toujours lisse et noire, » se renfonce seulement un peu pour s'unir aux » gencives. L’œil est petit, fendu longitudinalement, » et situé presque dans l’alignement de l'ouverture » de la bouche. Les paupières sont molles et ont » peu de jeu; leur face interne est enduite de () M. Frédéric Cuvier (des Dents des mammifères considérées comme caractères zoologiques, p. 243) donne au marsouin la formule dentaire suivante : Dents, toutes mâchelières { se so de Fe HA Ces dents comprimées latéralement, plus larges à l’ex- trémité de leur couronne qu’à leur partie moyenne: elles se recourbent d'avant en arrière en s'introduisant dans l'alvéole, et l'extrémité de la racine est plus large que son collet. 622 » mucus ; mais il ne paroit point que ces animaux » répandent de larmes, et ils n’ont pas de points » Jacrymaux. L’iris de l'œil est jaunätre, et la pupiile » à la forme d’un V renversé. L'ouverture de l'oreille » n'est pas plus grosse qu’une pipüre d’épingle; » celle des narines est placée sur le sommet de la » tête, précisément entre les veux, et ressemble à » un croissant dont la concavité seroit dirigée en » avant. » La nagcoire dorsale et ceile de la queue n’ont » point de parties osseuses dans leur intérieur, et » ne sont pas susceptibles de mouvements particu- » liers : leur substance est un mélange de cartilages » et de fibres ligamenteuses croisées en différents » sens; celle du dos est presque toute composée de » graisse. » La nageoire dorsale occupe à peu près le milieu du corps : sa forme est assez régulièrement trian- gulaire. Les pectorales sont oblongues et obtuses à leur sommet. La caudale-est composée de deux lobes larges et échancrés à leur milieu. La surface du dos est arrondie avant la dorsale, et prend une disposi- tion légèrement carénée à mesure que le corps s’a- mincit en allant vers la queue. Les chairs sont noi- res, gorgées de sang, et recouvertes par un tissu cellulaire abondant, épais de plus d’un pouce, et d’une grande blancheur. Il se réduit presque en- tièrement par la chaleur en une huile semblable à celle de la baleine, mais plus fine et plus estimée. Le marsouin a le dessus du corps d’un beau noir bleuâtre, s’affaiblissant sur les côtés, et le ventre d’un blanc argentin. Les nageoires pectorales sont brunes, bien que naissant au milieu de Ja couleur blanche des flancs. L'opinion la plus générale fait provenir le nom françois de marsouin de l'allemand meer schwein, qui signifie cochon de mer, par analogie avec la graisse abondante qui enveloppe le corps de cet ani- mal; nous n’adoptons pas cette manière de voir. Marsouin découle , sans aucun doute, des deux mots usités dans la langue provençale, maretsuin, qu’on peut rendre littéralement par graisse ou cochon de ser ; ce mot suin servant encore dans beaucoup de mes provinces de l’ouest et du midi à désigner les corps gras. La plupart des peuples ont en effet donné le nom de cochon de mer (sus maris) au cétacé dont nous traçons l’histoire ; et tandis que les anciens dressoient des autels au dauphin , l’être qui s’en rap- proche le plus par les formes comme par les mœurs étoit relégué parmi les animaux immondes : telle est la justice des hommes! ils apprécient tout ce qui les entoure suivant leurs caprices ou leurs préjugés. Les noms divers que le marsouin a reçus sont mul- tipliés à l'infini; chaque contrée, chaque peuple, chaque auteur, a consacré les siens. Pour les Fran- sois, c’est le marsouin franc, le cochon de mer; c’est HISTOIRE NATURELLE le porpus et sea-pork des Anglois ; et remarquons en passant que ce nom de porus, qu’on trouveécrit dans beaucoup de voyages nautiques porpess, est d’origine espagnole ou portugaise, car por-pesse si- gnifie indubitablement p'isson-porc, dont on a fait ensuite pourpois dans le moyen âge, et aujourd’hui porpoisse , et pourcille en Sai tonge. Les Portugais cependant, lors de leurs premières navigations, men- tionnent les marsouins et les dauphins en général sous le nom de {orinas, que nous retrouvons dans la langue hollandoise, où il s’est glissé, et changé en tonyn ou funin. Les peuples du Nord appellent marswin où meer -schwein, que l'orthographe et les altérations de la langue celtique ont plus ou moins modifiés, notre mammifère marin qu’'Eggède désigne sous le nom de niser, et qu’on trouve écrit dans Othon Fabricius nisa ou nesa, d’après la pronqgn- ciation groenlardoise. C’est le brunskop(téle écrasée) des Danois; le bruin-fisch (poisson noir) de quel- ques Hol'andois; le spring-hwal (rélacé sautcur ), de plusieurs peuples maritimes; le suin-hual ou witingr des Islandois, suivant Martens, « Les deux sexes, dans le marsouin, varient trés » peu à l'extérieur, même par les organes de la gé- » pération (‘); la verge rentre entièrement sous la » peau , et l’on n’apercoit en dehors que l'extrémité » du gland. Celle du marsouin d’abord cylindrique, » aprés avoir fait un coude , se termine en cône assez » aigu; celle du dauphin ressemble plutôt à une lan- » gue aplatie. Les testicules sont cachés er dedans, » et portés par un ligament membraneux fourni par » le péri oiue, dans l'épaisseur duquel l’artère sper- » malique forme un plexus comme la veine. Le » canal déférent, comme celui de l'éléphant, est » replié sur lui-même jusqu’à son entrée dans l’urè- » tre. Il n’y a ni vés'cule séminale ni glande de Cow- » per; mais la prostate est énorme. La première » moitié de l’urètre fait, avec celle contenue dans » la verge, un angle de quarante degrés : les corps » caverneux et leurs muscles s’attachent aux petits » wsselets qui tiennent lieu de tout bassin. La fe- » melle n’a point de nymphes, mais un clitoris assez » notable. Son vagin est garni de rides transversa- » les, presque semblables à des valvules. Sa matrice » est partagée très près de son orifice. » La femelle porte six mois, d’après le témoignage d’Anderson. Le squelette du marsouin offre également, dans ia disposition des pièces osseuses, des caractères pré- cis et distincts. Comme nous l’avons vu, c’est, de tous les dauphins, celui qui a le museau le pluscourt et le plus large; et, bien que sa petitesse et la forme des dents le spécifient nettement, on doit y joindre (‘) Cuvier, Histoire du marsouin, Ménagerie du Mu- séum, in-folio. DES MAMMIFERES. Ja saillie que présentent les intermaxillaires au- devant des narires, qu’un large sillon sépare au- dessus de l'orbite; puis une autre saillie en pyra- mide tronquée , que l’occipital vient faire au-dessus dès naseaux, qui sont un peu concaves et plus hauts que larges ; au-devant des narines, sur le bord de Ja saillie des intermaxillaires, apparoit une petite rartie anguleuse des maxiilaires. Les intermaxil- laires ne remontent point du bord externe des nà- rines jusqu'aux naseaux. L’échancrure qui sépare le Jobe antérieur de l’orhite et le museau n’est pas pro- fonde. Le défaut de symétrie que présentent les têtes osseuses des célacés est beaucoup moins sensible dan; le marsouin ; les vertèbres cervicales sont min- ces et soudées; on compte treize paires de côtes dont sept s’articulent aux corps des vertèbres : il a sept vertèbres cervicales, quatorze dorsales et qua- rante-cinq lonbaires, sacrées et caudales : les der- nières sont petites, et en partie incrustées dans la nageoire de la queue. Le sternum est soudé de bonne heure; le premier os est percé d’un large trou, et n’est point anguleux sur ses bords. L'appareil digestif se compose de quatre estomacs ; Hunter en a compté jusqu’à sept : le premier est le plus volumineux; il ressemble à une large poche ovale, et s’unit au deuxième estomac par un renfle- ment que terminent deux portions étranglées qui l'ont souvent fait compter pour une véritable poche gas- trique ; le deuxième estomacest arrondi ; letroisième est disposé en tube recourbé; le-quatrième est tout- à-faitglobuleux. Une membrane veloutée et épaisse, froncée par des rides nombreuses, revêt les parois du premier estomac. Le p\lore est lui-même garni de rides tellement fortes et saillantes que nul corps volumineux ne pourroit le traverser. Les plissures du deuxième estomac sont entre-croisées en divers sens : ses parois sont formées d’une sorte de pulpe assez homogène ; et la muqueuse qui les tapisse est fine et lisse. Le troisième est simplement membra- neux : la muqueuse est couverte d’une infinité de petits pores. Enfin le quatrième ressemble beau- coup au premier. Tous les auteurs n'admettent point ces quatre es- tomacs indiqués et décrits par M. Cuvier ; M. Baer, entre autres, qui s’est beaucoup occupé de l’anato- mie du marsouin, pense que le réservoir principal de la nutrition ne se compose que de trois cavités digestives, et que le quatrième estomac de M. Cuvier n'est que le duodénum dilaté, facile à reconnoître par l'insertion du canal cholédoque , et par la distri- bution des vaisseaux : M. Arthur Jacob partage cette opinion, Ces nombreux estomaes ont pour but de faire subir aux substances alimentaires diverses élabora- tions successives; car de même que le gésier est pour les oiseaux le seul organe digesteur, de même 625 les quatre poches viscérales du marsouin sont desti- nées à agir immédiatement sur des corps que les dents n’ont point trilurés, et qui sont engloutis et lancés d’un seul jet dans le premier estomac. Le canal digestif diminue de diamètre jusqu'à l’anus, au point que le rectum est d’une minceur extraor- dinaire, et rien ne retrace les gros intestins et les cœcum ; sa longueur totale égale, dit-en, onze fois celle de l’animal entier. Le foie n'a que deux lobes, et point de vésicules du liel ; les rates sont au nombre de sept, et dimi- nuent de grosseur. Les reins, dépourvus de bassi- net, sont divisés en plusieurs lobes distincts ; cepen- dant M. Baer pense que les calices sont réunis en un canal ramifié, qui n’est autre qu’un bassinet de forme extraordinaire. La langue est molle, large, aplatie, et dentelée sur ses bords; la trachée-artère se compose d’an- neaux cartilagineux entiers ; le larynx s'ouvre par une fente dans les œsophages ; il n’y a point de liga- ment de la glotte ; l’épiglotte est rudimentaire. L'oreille interne du marsouin est, dit M. Cuvier, de même que celle des autres cétacés, creusée dans un os particulier, qui ne fait point partie du crâne comme dans les mammifères, mais qui n’y tient que par des ligaments. La trompe d’Eustache va s'ou- vrir assez haut dans le nez; c’est sans doute par là que l’animal entend ce qui résonne dans l’air. C'est avec el'e que communiquent les cavités auxquelies nous attribuons le siége de l'odorat; de sorte qu'on pourroit prétendre, jusqu'à un certain point, que le marsouin entend par le nezet sent par l'oreille. Le cerveau est large, convexe, formé de nom- breuses et profondes circonvolutions, et recouvre le cervelet en errière. On netrouve que chez l’homme et les singes cette disposition de l'organisme. 4 De nombreux travaux ont été publiées en ces der- niers temps sur la structure interne du cétacé qui nous oceupe; la plupart confirment ou détruisent les opinions admises jusqu'ici. [ls nous sont trop imparfaitement eonnus pour que nous cherchions à en présenter même une analyse, et, bien qu’im- portants d’ailleurs, ils nous entraineroient hors du cadre que nous avons dù nous tracer (!). | Le marsouin se trouve dans toutes les mers d’'Eu- rope, aussi bien dans l'océan Atlantique que dans (:) Quelques observations anatomiques sur un mar- souin peu avancé en âge, par le docteur E. Eichwald (Mém. de l'Acad. imp. de Pétersbourg, t. IX, p. 431); Anatomie du marsouin, par le professeur Baer de Kæ- nigsberg (sis, 1826, Se cab. 807 ; Sur le nez des céta- cés et principalement sur celui du marsouin, par le même {avec fig.,ibid., p. S811); Anatomie des Cétacés du genre dauphin, par M. A. Jacob : Mémoire accom- pagné de l'anatomie d'un marsouin, par Tyson (Dublin philos. journ., 1826, février, p. 45; mai, p. 192, 624 la Méditerranée. Il se réunit par troupes considé- rables, dont les individus nagent le plus souvent à la file les uns des autres, en ne montrant jamais à la surface de l’eau que la partie supérieure de leur corps, de sorte qu’ils ont l'air de faire un mouve- ment de rotation complet sur eux-mêmes. Ils ne paroissent point quitter les côtes, et jamais on n’en a rencontré dans la haute mer ; ils remontent les fleuves lorsqu'ils sont acharnés à la poursuite des poissons ; mais, en général, ils ne dépassent guère la ligne où finit le mélange des eaux salées avec les eaux douces. Très souvent nous avons vu des mar- souins nager contre le courant de la Charente, jus- qu’au-delà de Rochefort, à cinq lieues de l’embou- chure de cette rivière. Lorsque la surface de la mer n’est pas agitée, que les marsouins sont repus, on les voit s’élancer hors de l’eau, faire des bonds rapides, et s’exciter réci- proquement dans leurs jeux. C’est ce qui arrive sur- tout dans les beaux jours de l'été, au moment où les mâles veulent obtenir la possession des femelles ; c’est alors aussi qu’ils se disputent la jouissance de ces dernières, qu’ils se livrent des combats à outrance, et que leur passion brutale les aveugle au point que nul piége, nul danger, ne peut arrêter la fougue de leurs désirs impétueux. On dit même que, dans ce moment, leur jugement est tellement obscurei par l’amour qui les transporte, qu’ils se heurtent contre les navires, ou qu’ils vont se jeter sur les rivages. La femelle ne donne le jour qu’à un seul petit ; elle en prend le plus grand soin , et sur- veille pendant une année avec la plus tendre solli- citude le développement de ses forces. # Le marsouin émigreroit-il? tout porte à le croire, Les Islandois, qui ont déguisé son imprévoyance en admettant qu’il étoit aveugle, en font des pêches considérables au mois de juin ({). C'est principale- ment en été, suivant Othon Fabricius, qu’il est commun sur les côtes du Groenland; et ce n’est jamais que dans l'hiver et dans les premiers mois du printemps qu'on le rencontre abondamment sur les côtes de France : ce fait, d’ailleurs, avoit déjà été remarqué par Belon. Les pêcheurs hollandois croient que le marsouin monte à la surface de l'eau à l'approche d’une tem- pête, et que sa présence en est un sûr pronostic. Ils distinguent le marsouin franc, et une espèce beaucoup plus petite qu’ils nomment le marsouin ouette. Plusieurs peuplesrecherchent le marsouin à cause de son huile ; mais comme c’est un animal de petite (‘) Anderson a été jusqu’à dire que si les Islandois en prenoient un aussi grand nombre, cela lenoit à ce que cet animal, vers celte époque, devenoit aveugle par la formation d’une petite membrane qui voiloit ainsi le globe de l'œil. HISTOIRE NATURELLE taille et fort agile, sa pêche n’a jamais été qu’acci- dentelle et très bornée, et e’est bien gratuitement, sans doute,que M Noël de La Morinière a prétendu que la compagnie des Walmans , dont les anciennes chartes du moyen âge de la monarchie françoise nous révèlent l’existence , se bornoit à la pêche du mar- souin ; tout porte à croire que c’étoit alors , de même qu'aujourd'hui, celle de la baleine. Comme aliment, la chair de ce cétacé repousse, et par son odeur, et par sa saveur, le palais le moins diflicile; elle n’est cependant pas aussi mau- vaise qu’on le dit en plusieurs livres. II paroît qu’on en faisoit autrefois quelque consommation dans le carême, et qu'on s’occupoit alors plus particuliè- rement de la pêche du marsouin. Les marins denos jours, dont le goût obtus n’est point blasé par les délicatesses de la vie, ne dédaignent point cette chair; et bien qu’elle soit noire, compacte, hui- leuse, indigeste, et accompagnée d’une odeur fra- grante et sui generis , ils en font d'excellents repas. Ilen est de même des Groenlandois, au dire d’Othon Fabricius ; et ce fait n’a rien qui étonne, car on sait que les peuplades polaires, luttant sans cesse contre les besoins qui les assiègent sous d’âpres climats, trouvent dans la chair des cétacés un mets exquis, et dans l’huiie qu’elles en expriment, un breuvage au-dessus duquel leur sensualité ne connoiît rien de plus délicieux. LE MARSOUIN ORQUE OÙ L'ÉPAULARD (1). L'épaulard, que Rondelet a décrit sous ce nom usité dans la Saintonge, mais dont les habitants actuels ont complétement perdu la tradition, est le véritable butzkopf de la plupart des peuples du nord : c’est du moins sous ce nom qu’on le trouve décrit dans plusieurs relations de voyages, d’une manière si obscure, il est vrai, qu'il est bien difli- cile de débarrasser son histoire des contradictions que nous ont transmises Martens, Muller, Eggède, Anderson, Fabricius, et Hunter, lorsqu'ils nous parlent de leurs butzkopf, grampus, épée de mer, killærs, et orque. L'épaulard, que Rondelet écrivoit espaular, est le grampus (?) des Anglois, le sverd- (3 Delphinus orca, L. Briss.: Muller ; O(h. Fabricius; Bunter, Trans. philosoph., 1787 (dont on a fait del- phinus ventricosus ); Buts-Kopper, Egged.. p. 56: le Butz-Kopf., Anderson, Hist. nat. Groen.,t I, p. 150; Bonnaterre, Cét., p. 29, pl. 12, fig. 1 ; Lacépéde, Cêét, édit. in-8o, p. 356, pl. 18, fig. 1; Desm., Mamm., sp. 774, p. 517; G. Cuvier, Rég. an.,t.1, p.279 ; Oss.foss, t. V, p. 28, pl. 22, fig. 3 et 4. (2) M. Cuvier pense que ce nom de grampus est cor- rompu du françois grand poisson, ou gras poisson que les Normands prononcoient grapois, ou qu'il provient DES MAMMIFÈRES. 625 fisk des Danois, et l’ardlurksoak des Groenlandois. C’est un marsouin dont la taille acquiert de vingt à vingt-cinq pieds de longueur, sur dix ou douze de circonférence. Son corps est allongé, et son museau est court et arrondi sans quele crâne soit aussi con- vexe que celui du marsouin commun. La mâchoire inférieure est un peu renflée en dessous; elle est plus large et moins longue que la supérieure. Les maxillaires sont armés deonze dents de chaque côté, et sur chacun d’eux : celles-ci sont grosses, coniques, un peu crochues, et les plus éloignées sont aplaties sur les côtés. La nageoire dorsale occupe à peu près le milieu du corps : ellea ordinairement quatre pieds de haut ; les pectorales sont très développées, larges et pres- que ovalaires : la caudale est échancrée à son milieu. L'organe génital a jusqu’à trois pieds de longueur. La couleur de l’épaulard est noirâtre en dessus, s’affoiblissant sur les côtés du corps, dont les par- ties inférieures sont blanches. Souvent derrière l’œil se dessine un large sourcil blanc, ce qui a porté quelques naturalistes à voir dans cette espèce le dauphin bélier de mer, ou aries d’ Ælien et de Pline. Une tache noire dirigée en avant entre dans le blanc du corps à la base de la queue. Le crâne de cette espèce(!) est remarquable par son museau large et courtcomme celui du marsouin vulgaire; mais ce qui lui est particulier est d’avoir la région en avant des narines, concave, au lieu d’être renflée et séparée des plafonds des orbites par une crête un peu saillante. Le lobe antérieur de l'orbite est gros et bien isolé par une échancrure de la base «u museau. Les tempes profondes et conca- ves sont circonscrites à l’occiput par des crêtes plus saillantes même que la crête temporale. Les os du nez sont petits, et on ne voit pas de vomerau palais. De tous les dauphins l’épaulard est le plus belii- queux : armé de dents robustes, animé d’une vi- gueur qu'il tire de sa grande taille et de la puissance de ses muscles, il est l'ennemi de plusieurs espèces de sa propre famille, et surtout de la baleine, qui ne sait, pour se protéger de ses atteintes, que fuir ou battre l’eau de tout le poids de sa masse. On dit que l’épaulard, pour triompher plus aisément d’un animal qu’il hait par instinct plutôt que par esprit de vengeance, se réunit en troupes, et que tous se jettent sur l’innocente baleine, la harcèlent, lui ar- rachent des lambeaux de chair, et cherchent de pré- férence à lui déchirer la langue. C'est bien gratuitement que plusieurs auteurs ont peut-être de peis au lard{piscis ad lardum), dénomi- palion par laquelle tous les cétacés étoient souvent dé- signés dans le moyen âge, ( Oss. foss.. t. V, p. 281.) (') Cuvier, Oss, foss., t. V, p. 297, pl. 22, fig, 3 et 4. L 2 vu dans l’épaulard l’orque des anciens, qui est pro- bablement, comme nous avons déjà eu occasion de le dire, le cachalot macrocéphale. C’est encore le pôle nord qui sert de refuge à ce marsouin ; il se tient au milieu des glaces du détroit de Davis, sur les côtes du Spitzberg et du Groen- land; parfois il s’égare dans les mers plus tempé- rees, et c’est ainsi qu’on en prit, en 4772, un indi- vidu long de vingt-un pieds dans la Tamise , un deuxième, en 4793, ayant trente pieds, et un troi- sième, de dix-huit pieds, qui échoua à l'embouchure de la Loire. Il faut sans doute lui rapporter aussi l’espèce dorsale moins élevée, dont Hunter fit son deuxième grampus, d’après un individu trouvé éga- lement dans la Tamise en 1772, et dont l’abbé Bon- naterre et M. de Lacépède ont fait leur dauphin ventru. M. Cuvier soupçonne, avec juste raison, que ce dernier, qui ne diffère de l’épaulard que par un peu moins d’élévation de la nageoire dorsale, et par un développement énorme du ventre, auroit bien pu avoir perdu le sommet de la première partie, comme cela arrive à beaucoup de cétacés, et que quant au ballonnement du ventre, il a dû tenir à ce que le sujet examiné par Hunter étoit dans un état de corruption avancée, d'où il devoit s’ensuivre une distension de l’abdomen produite par des gaz. Tout porte à croire qu'Anderson avoit en vue l’épaulard lorsqu'il décrit son butzkopf(!) ; et la sy- nonymie qu’il lui donne le prouve d’ailleurs. I en est de même de son épée de mer, dont Bonnaterre et de Lacépède ont fait une espèce distincie, sous le nom de dauphin gladiateur (?). Le gladiateur ne diflèreroit de l’épaulard'en effet, que par moins de largeur de la dorsale, et par des formes corporelles plus ramassées ; mais tous les détails de mœurs, d’habitudes, sont identiques, et prouvent d’une manière assez positive que cet épée de mer, et les killærs des côtes des Etats-Unis, et de Terre-Neuve, ne sont pas distincts de l’épaulard. Les renseigne- ments fournis par M. de Pagès, dans son F'oyage au pôle nord, ne sont pas plus concluants. Voici ce qu’il rapporte (tom. Il, pag. 142): « Les poissons » sabres se voient aussi parmi ces glaces; mais ils » quittent plus rarement leurs climats gelés du » pôle. Ils ont vingt-trois ou vingt-ciny pieds de » longueur; leur couleur est noire, et ils portent » leur sabre perpendiculairement sur le dos. Ce » sabre a sa courbure en arrière de l’animal, et a » environ quatre pieds de longueur. Ils sont enne- » mis des baleines, vont en troupes de cinq ou six » pour la combattre, et ont un chef qui est plus » grand que les autres. J’ai vu des baleines fuir avec () Hist. nat. du Groenland, t. 1, p.150. (2) Delphinus gladiator, Bonn., Cé£., p. 23; Lacép., { pl. 18, fig. 2 ; Delphinus orca (var., B.). L. 79 626 » grande vitesse, et j'en ai vu d'autres pleines des » enlailles du sabre de ces poissons belliqueux. » Or la description erronée de Pagès, celle tout aussi peu satisfaisante d'Anderson , ne peuvent autoriser à séparer l’épée de mer, l’espadon ou gladiateur, de l’épaulard. Ce dernier est vorace; son appétit ne peut se sa- tisfaire qu’aux dépens d’un grand nombre de pois- sons; aussi diton qu’il se nourrit des plus gros; qu’il aime surtout les pleuronectes, et que, pressé par la faim, ilse jette sur tout ce qu’il rencontre, aussi bien sur des dauphins que sur des phoques. Lebuts-kopper d'Eggède est-il l’épaulard?Ondoit croire que, sous Ce nom, le missionnaire danois parle du de phinus deductor de Scoresby, ou globi- ceps de M. Cuvier. D ———_—_—_—————_— LE MARSOUIN DE PAIMPOL. Delphinus griseus. Cuv. (!) M. Cuvier a décrit cette espèce d’après plusieurs individus qui échouèrent sur les côtes occidentales de France; et bien qu’elle ait beaucoup d'analogie avec l’épaulard, elle en diffère cependant, et par sa taille, et par quelques autres particularités, Un individu fortâgé, dontM.Duméril envoyale squelette de Brest, étoit long de onze pieds, et n’a oit plus que quatre dents, fort usées, à la mâchoire infé- rieure. La taille de-trois autres de ces marsouins, jetés en 1822 sur la pointe de l’Aiguillon, près de Rockefort, étoit d'environ dix pieds; un quatrième n’en avoit que sept; ce dernier offroit huit dents entières à leur pointe. et placées seulementà la mâ- choire inférieure, tendis que les trois premiers n’en avoient plus que six ou sept, usées et cariées. Tous ces animaux étoient complétement édentés au maxillaire supérieur. Etudié par M. Cuvier, le crâne du marsouin de Paimpol présenta, indépendamment d’un plus grand développement, plus de largeur que celui du mar- souin commun. Les plafonds des orbites sont plus écartés ; leur lobe antérieur est renflé, et séparé du museau par une échancrure plus profonde. Les in- termaxillaires remontent jusqu'aux naseaux , et se renflent au-devant et aux côtés des narines, mais sans y former une élévation distincte par des sillons comme au marsouin. Le vomer n’est point apparent au palais. Les vertèbres cervicales sont rapidement soudées. je (1)G. Cuvier, Rapport sur les cétacés échouës à Paim- pol, Ann. du Muséum, t. XIX, p. 1 à 16, pl. 1,fig. 1; Desm., Mamm., sp. 775, p. 518. G. Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 284 et 297, pl. 22, fig. 1 et 2, Goldfuss., pl. 345. HISTOIRE NATURELLE Les dorsales sont au nombre de douze, et on en compte quarante-deux des autres. Il y a douze côtes, dont six articulées avec le corps des vertèbres. Le premier doigt a deux articulations , le second huit, le troisième sept, le quatrième deux, et le cinquième une seule. Le premier os du sternum n’a pas de trou ; mais le dernier est légèrement échancré. Tels sont les traits les plus saillants que présente la charpente solide du dauphin de Paimpol. Ce qui le caractérise, et le distingue à l'extérieur, sont à la fois, une tête mousse, obtuse, et bombée, ana- logue à celle du marsouin vulgaire; une nagcoire dorsale trés élevée, très pointue, ayant quinze pou- ces de largeur à son origine sur quatorze de hauteur, et qui souvent manque par suile de blessures; cette nageoire est placée à peu près au milieu du corps. Les pectorales sont énormément développées ; elles ont un pied de largeur à leur insertion, et jusqu’à trois pieds de longueur. Les parties supérieures du corps, aussi bien que les nageoires, sont d’un noir bleuâtre foncé, qui s'éteint à mesure qu’il descend sur les flancs, et qui fait place en dessous à la couleur blanchâtre. Le marsouin de Paimpol r'a point derrière l’œil la tache d’un blanc pur que présente l’épaulard, et M. Cuvier lui avoit d’abord donné le nom de dau- phin gris, parce que le dessin original, dont on trouve une copie gravée dansles Annales du Muséum, offroit cette teinte. Cette espèce vit dans nos mers, eta probable- ment été souvent confondue avec l’épaulard par les habitants de l’ouest de la France. Elle n’est jetée sur nos rivages que pendant les tourmentes des mois d'hiver, et lorsque, trop confiante, ou que surprise par ces tempêtes si redoutables du golfe de Gascogne et du cap Finistère, elle ne peut ré- sister aux vagues, et lutte en vain contre leur puissance. LE MARSOUIN CARÉNÉ. Delphinus compressicauda. LESSON. Cette espèce inédite, que nous représentons d’après une figure que nous avons retrouvée dans nos dessins , a été prise dans l’océan Atlantique, presque sous l’équateur, par 4 degrés de latitude sud, et 26 degrés de longitude occidentale; elle avoit huit pieds de longueur totale : une tête grosse, arrondie, très bombée, terminée par un museau court, obtus, dont la mâchoire inférieure étoit lé- gérement renflée et un peu plus courte que la supérieure. Les dimensions que nous avons trouvées à ses diverses parties sont les suivantes : DES MAMMIFÈRES. 627 Pieds, Pove. PODSHCULILOLAIE EU eu Cie le ee ee) du bout du museau à la nageoire dOrSAlGrREUERUE CUS ANNEE LEET 6 Ed leilhramsetidha net onan de l'ouverture de la bouche. . » 10 —————— ———— de chaque nageoire pectorale. 1 4 ———— de la caudale. . . . , + . .« 1 6 ———— dela fente génitale, , . . . 4 de l'anus à l'extrémité de la duent MEME rRURMrEe MN2AUXG Largeur de la tête vis-à-vis les yeux. . . 41 » ———— de l'extrémité du corps à la nais- sance dela Queue.) 19 Ce marsouin est done remarquable par sa nageoire dorsale triangulaire, placée à peu près au miiieu du corps, ou peut-être un peu plus dans le voisinage de la queue. Son élévation est médiocre et d’environ un pied ; les pectorales sont attachées très bas; leur forme est recourbée, étroite et terminée en pointe aiguë au sommet. La caudale a peu de largeur et se trouve échancrée au centre. L'organe générateur mâle, long de quatorze pouces, gros à la base, est terminé en pointe déliée. L’extrémité du corps s’a- mincit considérablement vers la caudale, et sur chaque côté s'élève une saillie longitudinale dispo- sée en forme de carène, qui se termine à la queue ; le corps est arrondi et très massif à sa partie antérieure. L’æil est très petit et placé un peu au-dessus de la commissure des lèvres. Les dents sont au nombre de quarante-quatre en haut et de quarante-six en bas, c’est-à-dire vingt-deux de chaque côté au maxillaire supérieur et vingt-trois à l’inférieur ; elles sont coniques, régulières, recourbées, et à demi crochues au sommet. La membrane qui tapisse l’in- térieur de la bouche est noirätre. Ce marsouin est en dessus d’une teinte bleuâtre claire, ou plutôt plombée, qui s’affoiblit sur les flancs ; le dessous du corps est blanc. De larges ci- catrices attestoient çà et là que celui que nous avions sous les yeux avoit livré plus d’un combat : son tissu cellulaire avoit partout de huit lignes à un pouce d'épaisseur : nous n’en vimes que deux ou trois individus qui vinrent rôder autour de ja cor- vette la Cuquille; et lun d’eux fut frappé par un harpon et hissé à bord, où ses chairs distribuées à l’équipage servirent à le régaler. Ce n’est pas im- punément toutefois que les estomacs les moins ro- bustes reçurent cet aliment indigeste et huileux ; et plus d’une ingurgitation, suivie de diarrhée, en fut le résultat. Les remarques que lautopsie nous permit de faire sur les divers organes intérieurs de cette espèce se trouvent rapportées à la page 599 de ce volume, lorsque nous avons parlé des dauphins en général. Le marsouin à queue carénée n’est pas sans quel= que analogie avec le dauphin férès (delphinus feres) de Bonnaterre (1); bien que ce cétacé , décrit d’après des individus échoués sur les côtes de Provence, soit très mal caractérisé et presque méconnoissable, on trouve cependant entre lui et notre espèce quel- ques traits de conformité, entre autres ceux-ci : « La » hauteur de la tête égale à peu près sa longueur; » elle est très renflée sur le sommet, et, s'amincis- » sant tout-à-coup vers la partie antérieure, elle se » termine par un museau court et arrondi comme » celui d’un veau : » mais il n’y a plus d’analogie en- suite lorsque l’abbé Bonnaterre donne à son férès vingt dents à chaque mâchoire : ces dents d’ailleurs ont pour caractère d’être inégales, c’est-à-üire indif= féremment grosses et petites, longues de quelques lignes sur un demi-pouce de large, arrondies au som3 met et comme divisées en deux lobes par une rai- nure qui règne sur toute leur longueur. El paroit qu’une troupe de ces férès fut observée le 22 juin 1787 sur la plage de Saint-Troppez, mais personne n’a ja- mais pu revoir cette espèce, et les naturalistes les plus instruits pensent qu’elle repose sur des obser- vations légèrement faites et qu’elle doit être rejetée du nombre des cétacés connus. a —— | $ VIII. LES GLOBICÉPHALES. Nous avons vu, en comparant l’ensemble des for mes extérieures des diverses tribus de la grande fa- mille des dauphins. que le museau effilé des sousous, ou celui aplati des vrais dauphins, se réduisoit pour les marsouins à des mâchoires disposées en cône plus ou moins déprimé, ou pius ou moins régulier. Dans les globicéphales, ce museau est complétement ef- facé ; la tête est presque entièrement globuleuse et termine le corps sous forme de casque antique, pour nous servir de l’expression de M. Cuvier. Le crâne du delphinrs globiceps, qui sert de type à cette division, ressemble à celui de l’épaulard (?) par la circonscription générale; mais ses intermaxil- laires sont beaucoup plus amples : ils ont presque les deux tiers de la largeur du museau, tandis que dans l’épaulard ils n’en prennent guère plus d’un tiers. Ils sont aussi un peu moins concaves en avant des narines, et remontent le long de Jeurs côtés jus- qu'aux os du nez, qui sont très proéminents et fort gros. Mais les tempes sont plus petites et leurs crêtes beaucoup moins saillantes, ce qui annonce, di M. Cuvicr, un animal à mâcloires moins robustes ; () Cétologie, p.27. (2) Cuvier, Oss, foss., t. V, p. 297, pl. 21, fig. 14 2 42'el45: 628 le vomer ne se montre pas au palais. « Les vertèbres cervicales se soudent assez vite; il n'y a que onze dorsales et autant de côtes : les six premières s’atta- chent au corps des vertèbres. Les lombaires et cau- dales sont au nombre de trente-sept. Le premier os du sternum est percé d’un grand trou qui, dans les jeunes individus, n’existe que sous forme d’échan- crure. L’omoplate est plus aiguë à son angle exté- rieur et a son acromion plus court et plus carré que le delphi us delphis. » Les globicéphales, que l’on reconnoîtra toujours à leur tête globuleuse, de manière que la bouche n'en occupe que la partie inférieure, n’ont été clai- rement décrits que dans ces derniers temps par le docteur Traill d’abord, puis, et de la manière la plus complète, par MM Cuvier, Scoresby et Risso. Bon- naterre (!) et M. de Lacépède ne paroissent pas avoir eu d’idée fixe à leur sujet, et le cachalut siwineval 2), ainsi que le genre physétère de ce dernier auteur, ne reposent certainement que sur une connoissance très imparfaite des globicéphales, qui perdent le plus ordinairement de très bonne heure les dents de leur mâchoire d’en haut. On n’a distingué positivement et bien que deux espèces susceptibles d’être placées dans cette divi- sion : l’une vit dans l’océan Atlantique et la Médi- terranée, et l’autre n’a encore élé rencontrée que dans cette dernière mer. LE GLOBICÉPHALE CONDUCTEUR. Delphinus globiceps, Cuv.; D. deductor, Scon. Avant d'entamer la description de ce globicé phale, nous croyons devoir présenter le résumé des Opinions ou des recherches dont il a été l’objet. Eggède (3), le premier, l’a évidemment mentionné sous le nom de buts-kopper lorsqu'il parle de « sa tête » grosse et obtuse par devant, et également épaisse » par derrière, » Duhamel en avoit donné une mau- vaise (f) figure d’après un individu pris au Havre , et celte figure fut reproduite sous le nom de marsouin à museau arrondi (5), dans l'Histoire des Péches, par Bernard de Reste. Quant aux détails insérés dans le texte, ils sont trop obscurs pour qu’on puisse en rien déduire, En 4806, M. P. Neill décrivit le globicéphale dans () Bonnaterre, Cétologie, pl. 6, fig. 2. (2) Lacèépède, Hist. nat. des Cétacés, pl. 9, fig. 2; Narwhal édenté, Camper, Cét., pl. 32, 33 et 34. (>) Description du Groenland, p. 56. &) Péches, seconde partie, section x, pl. 9, fig. 5, (5) Histoire des Pêches, etc., trad. par Bernard de Reste; 3 vol. in-8°. Paris, 14801, t. 1, p. 204, pl, 9, fig, 1. HISTOIRE NATURELLE son Voyage dans quelques unes des îles Orkncy et Shetland (), qui parut à Edimbourg, et trois ans plus tard (février 4809) le docteur Traill fut à même d'en examiner quatre-vingt-douze individus, jetés par une tempête dans la baie de Scalpa, et il en publia la description et une bonne figure, dans le tome X XIT (2) du journal de Nicholson, sous le nom de delphinus melas. Le 7 janvier 1812, soixante-dix de ces cétacés s’échouèrent près de Paimpol sur la côte de Bretagne. M. Lamàout en adressa une fi- gure (*) accompagnée de documents à M. Cuvier, et ce savant publia une description lumineuse et raison- née sur les caractères de cette espèce, qu’il nomma delphinus globiceps. En 1820, M. Scoresby repro- duisit (4) la figure dessinée d’après nature par James Watson, et qui ne s'éloigne pas beaucoup de celle qu’on trouve dans les Annales du Muséum; et il y ajouta, en le nommant delphinus deductor, une des- cription très circonstanciée (5) ; enfin M. Risso (6), en 1826, donna une nouvelle figure du globicéphale, qui diffère notablement des deux précédentes, et que nous croyons erronée en plusieurs points. Telles sont les sources (7) où l’on peut puiser les renseignements nécessaires pour écrire l'histoire du cétacé qui nous occupe. Le globicéphale, ainsi que l'indique son nom, a la tête très bombée, courte, arrondie, et le museau formé par une sorte de bourrelet qui lui donne une physionomie extraordinaire. La mâchoire supérieure est légèrement projetée sur l’inférieure ; son corps est épais. La nageoire dorsale qui en occupe le mi- lieu n’a guère que quinze pouces de hauteur sur une largeur, à sa base, du double; elle est recourbée, arrondie et terminée en biais en arrière. Les pecto- rales sont très longues, insérées presque sur les côtés du cou, étroites, minces et terminées en pointe obtuse. La caudale, échancrée à son milieu, est large, suivant le docteur Traill, de près de quatre pieds six pouces. La taille du globicéphale est communément de vingt à vingt-deux pieds, sur une circonférence de neuf à dix pieds; quelques individus n’en ont que seize à dix-huit ; les dents ne sortent de leurs alvéoles qu’à un âge assez avancé, et il paroît aussi qu’elles tombent de très bonne heure, car il n’est pas rare de {") Page 221. (2) Page 81. (G) Rapport sur les Cétacés échouëés à Paimpol; Ann. du Muséum, t. XIX, p. 1 à 16, pl. 1, fig. 2. (*) An Account of the Arctic Regions, etc. 2 vol. in-8 . Edimb., 1890, pl. 13, fig. 1. (5) Loco citato, t. I, p.486. (6, Hist. nat. des principales productions de l'Eu- rope méridionale et particulièrement de Nice. 5 vol. in-So, Paris, 18926, t. II!, p. 23, (7) Desm., lamm., sp. 777, p. 519. Goldfuss, pl. 345, fig. 2 ct 3. AUD] D 7 JUAINO “vd. 079] LA 0) PR EEE EU 77 P V7 ES) De. ” D) Sdoo1qo]s) Shundpo( 6 2471 up) nprnpu ) 7714 De / rencontrer de ces cétacés adultes qui sont complé- tement édentés, ou qui n’ont qu’un petit nombre de dents à la mâchoire inférieure. Dans l’état normal le nombre de celles-ci est de vingt à vingt-quatre dents à chaque maxillaire, quoique souvent certains individus n’en aient que dix et que d’autres n’en présentent que vingt-deux, et même vingt-six et vingt-huit; leur forme est conique, aiguë, et un peu recourbée au sommet. M. Watson compta, sur un de ces cétacés, vingt-huit dents en haut et vingt- quatre en bas. Les proportions des diverses parties d’un globicé- phale observé par M. Watson sont celles-ci : Pisds angl. Pouce PONCUeURATOLAlE MEN ES NT 419 6 GIRCONÉTENCE EN CN 0) » Longueur de la nageoiïire pectorale. . . 3 Largeur de la même. . 1 Hauteur de la dorsale, . . . . + 4 largeur dela MÉMeEMMCM TI UNE 2 D de lAICAUTAlE EME NUS + . « . « . . La couleur générale du corps est un noir bleuâtre foncé, ayant l'aspect lustré et brillant du satin en dessus, et quelquefois blanchâtre en dessous. Mais un ruban blanc naît par un élargissement disposé en cœur sous la gorge, et descend sur la poitrine et le ventre, jusqu’à la région anale. La couche de tissu cellulaire n’a pas moins de trois ou quatre pouces d'épaisseur. Le globicéphale paroît être le plus sociable de tous les dauphins; il se réunit par troupes considérables, composées quelquefois de plus de mille individus, sous la direction de quelques vieux chefs ; aussi M. Scoresby les compare-t-il à ces troupeaux de moutons qui suivent ceux que l'habitude ou l’expé- rience ont placés à la tête de la troupe. De cette par- ticularité dans leurs mœurs découle le nom de con- ducteur, que lui ontdonnéles Anglois des iles Orkney et Shetland, en l’exprimant par les mots de the ca’inq w hale ou lea ing whale. Les habitants de ces îles sauvages reculées dans le nord, et qui n’ont pour unique ressource que ce qu'ils retirent de la mer, connoissent si bien cette habitude des globicé- phales, que tous leurs efforts se bornent à diriger vers les baies étroites le conducteur de la bande, bien sûrs que le reste suivra stupidement, et donnera dans le piége (1). Le globicéphale conducteur se réunit donc presque constamment par essaims dont l’imprévoyance est bien remarquable, puisque M. Scoresby a dressé une liste qui prouve combien cette espèce est multi- pliée, mais en même temps combien elle a peu d’in- stinct pour se garantir du danger d’être brisée sur 4) Fait consigré dans le Yoyage de M. Neill, DES MAMMIFÈRES. 629 les rochers. En ne s’occupant que d’une bien petite partie du nord de l’Europe, telle que les côtes des iles Orcades, Shetland, Féroé et Islande, ce savant marin nous a fourni à ce sujet des détails pleins d’in- térêt. El paroit que dès 1676 un Danois nommé Lucas Jacobson Dcbes, publiant une description des îles Féroé (1), rapporta les procédés que suivoient les habitants pour prendre ce cétacé qu’ils nommoient griud-whae, et dont ils conduisoient les troupes dans de petits havres à l’aide de bateaux, et il affirme qu’on en tua mille en deux endroits seulement dans j’année 1662. « Dans l’année 1748, quarante globicéphales s’ap- » prochèrent de Torbav, et l’on ne put en tuer qu'un » seul long de dix-sept pieds. En 1799, environ deux » cents, de huit à vingt pieds de long, échouèrent » dans le détroit de Taesta, à Fetlar, une des îles » Shetland. Le 25 février 1805, cent quatre-vingt- » dix de la même espèce, de six à vingt pieds de » long, furent attirés dans le détroit d'Uyea à Unst, » et le 19 mars de la même année on en tna cent » vingt autres. En décembre 1806, échouèrent à » Scalpa-Bay, île Orkney, quatre-vingt-douze indi- » vidus ; ils avoient de cinq à vingt-un pieds de long. » On observa dans les trois dernières troupes un » grand nombre de femelles allaitant encore leurs » petits lorsqu'elles touchèrent au rivage , et dont le » lait jaillit de leurs mamelles tant qu’elles vécurent. » Dans les hivers de 1869 et 1819, onze cents de ces » cétacés approchèrent de la côte de Hvalford en » Islande, et furent capturés. Dans l’hiver de 1814, » cent cinquante furent conduits à Bulta-Sound , île » Shetland , où on les tua. Ce nombre est peu consi- » dérable si on le compare à l’immense destruction » qu’on en a faite dans ces derniers temps en di- » vers liéux de la Grande-Bretagne et autres îles du » Nord. » La troupe de soixante-dix individus qui échoua en 1812 sur les côtes de la Bretagne, en France, se composoit d’un grand nombre de femelles, et n’avoit que sept mâles et douze petits d'âge très différent. Tels sont les détails que la cétologie possède sur les globicéphales ; mais si leurs formes et leur orga- nisation sont bien décrites, il nous reste à désirer une connoissance moins imparfaite de leurs mœurs, de leurs habitudes, de leur genre de vie, de tout ce qui peut enfin nous en donner une idée autre qu’une simple description physique. Le globicéphale que M. Risso a décrit et figuré a bien tous les caractères généraux de l’animal dont nous venons de tracer l’histoire, mais cependant la figure n’est pas sans offrir quelques dissemblances, et le texte lui-même s'éloigne un peu de ce que nous () Færoæ et Feroa reserata, 1 vol, in-12 Londres, 1676. 630 HISTOIRE NATURELLE dd ont appris MM. Cuvier, Traill et Scoresby. Voici la ? de ces os ou à leur absence de l’un des maxillaires description de M. Risso. Le cauphi: à tête ronde, que les pêcheurs de Nice nomment souflur, visite annuellement cette partie de la Méditerranée en avril et mai surtout, et paroït émigrer après celte courte apparition. Il s’approche rarement des côtes. « Un individu récemment pris étoit long de seize » pieds. Son corps éloit très long, arrondi jusqu’à » Ja nageoire dorsale, et caréné ensuite jusqu’à la » queue. Sa peau étoit unie, d’un beau noir brillant, » avec une grande bande d’un gris sale qui s’étendoit » de chaque côté depuis la gorge jusqu’à l'anus. Sa » têle étoit grande, renflée, parfaitement ronde, très » large. Scs mâchoires étoient égales, l'inférieure » armée de vingt-deux dents, la supérieure de vingt » de chaque côté, rondes, coniques, courbées, jau- » nâtres, espacées ; les antérieures et les postérieu- » res étoient les plus petites. Chacune s’inséroit dans » une espèce d’alvéole ou de cavilé de la mâchoire » Opposée, quand la bouche étoit fermée; les yeux, » fort petits, avoient l'iris d’un blanc sale; les » évents (1), fort larges, étoient en forme de crois- » sants ; les nageoires paires étoient rapprochées de » la gorge, fort longues, coupées en queue d’hiron- » delle, et terminées en pointe obtuse. La nageoire » dôrsale avoit une forme triangulaire , et éloit rou- » chée et échancrée en arrière. La caudale, fort » large, étoit sinueuse et très profondément échan- » crée au milieu. Il avoit la chair rouge et le lard » très huileux. » LE GLOBICÉPHALE DE RISSO. Delphinus rissoanus. Cuv. (?). Aldrovande paroît être le premier auteur qui ait mentionné sous le nom de delphinus prior ce cé- tacé, dont on doit une connoissance plus exacte à M. Risso, naturaliste laborieux, auteur d’un ouvrage important sur l’histoire naturelle des environs de Nice. Dès 1814, M. Risso avoit adressé à Paris un dessin fait d’après un individu long de neuf pieds qu'on trouve gravé dans les Annales du Muséum , sous le nom de dauphin-bélier, parce qu’il supposoit que ce devoit être le bélier de mer, ou aries mari- nus d’Ælien et de Pline. Nous dirons, avant de tracer son histoire, que ce cétacé, ainsi que le globicéphale conducteur, perd aisément les Gents de ia mâchoire supérieure, et qu'on ne doit pas donner au nombre (:) Test unique: c’est une faute {ypographique. (2) Cuvier, Rapport sur les Cétacés échouès à& Païm- pol, Ann. du Muséum, t. XIX, p. 1 à 146: Desm.. sp. 778; Delphinus aries, Risso, Ann. Afus..t. XIX, pl. 1, fig. 3; G. Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 284; Delphinus risso., Risso, Hist. nat., Nice, t. HI, p. 23, pl. 1, fig. 2. une importance bien grande dans la détermination des espèces, ou lorsqu'on cherche à établir leur iden- tité. M. Risso étant le seul observateur moderne qui ait donné la description de cet animal, que M. Cu- vier a décoré de son nom, nous ne pouvons mieux faire que de rappeler textucllement ce qu'il en dit (1). « Des mœurs douces, comme la zone tempérée » qu’il habite, semblent être le partage de ce cétacé, » qui n’approche de nos côtes que dans le temps des » amours. Son corps est allongé, arrondi, renflé vers » sa partie antérieure, diminuant insensiblement de » grosseur vers la queue, qui est déprimée ; sa peau » est mince, de couleur grise, à nuances bleuâtres, » traversée par des traits irréguliers et des raies » inégales, droites ou ficxueuses, blanchâtres ; le » ventre est d’un blanc mat; la tête fort grande: le » museau arrondi, relevé en arc, obtus, percé vers » Ja nuque par l'ouverture des évents ; la bouche est » ample, arquée; la mâchoire supérieure, pourvue » d’alvéoles seulement, est plus avancée et couvre » l’inférieure, qui est garnie de chaque côté de cinq » grosses dents coniques, aiguës, un peu courbées , » distantes, fortement enchässées dans l’ossement » de la mâchoire; ces dents sont solides, presque » égales, d’un blanc jaunâtre, recouvertes d’un émail » fort luisant ; l’intérieur de la gueule est muni de » tubercules émoussés ; la langue est libre, unie sur » ses deux bords ; les yeux sont ovales, oblongs, très » petits, avec l'iris doré; la nageoire dorsale, haute, » élevée, à peu près en forme de triangle scalène, » est située presque au milieu du dos; les nageoires » paires sont grandes, épaisses, noirâtres ; la caudale » est forte, divisée en deux grands lobes par une » échancrüre assez profonde. » Le globicéphale de Risso est donc caractérisé par- ticulièrement par son dos arrondi, sa tête large et obtuse, sa mâchoire supérieure plus longue que l’in- férieure ; il a neuf pieds de longueur sur trois de lar- geur, et paroît à la surface de la mer du golfe de Nice dans la belle saison, surtout au printemps et dans l’automne. Rien en lui ne peut faire supposer que ce soit véritablement l’aries des anciens. Nous devons ajouter probablement à ce genre de dauphins deux espèces que nous n’avons fait qu’en- trevoir dans le cours de notre ee première fut observée près des archipels des Pomotous, dans la mer Mauvaise. Nous lavons indiquée dans la Zoologie de la Coquille(?), sous le nom de de!phinus leucocephalus, en disant que sa tête étoit courte, tronquée, et plus conique que celle du marsouin ordinaire. Ce cétacé dont nous vimes une douzaine d'individus pouvoit avoir six pieds de longueur en- (:) De Piscibus, p. 103. (:) Page 184, +4 viron. Sa nageoire dorsale étoit prononcée, très étroite et aiguë au sommet. Son corps éloit d’un gris foncé; mais la tête et le cou étoient d’un blanc pur, Il ne resta qu’un instant le long de notre navire. La seconde espèce, sur laquelle nous n’aurons qu peu de choses à dire est un cétacé d’un brun noir forme et dont la taille est du double de celle du marsouin commun. Sa tête complétement tronquée, sa haute nageoire dorsale faite en forme de faux, sont tout ce que nous en pümes distinguer. Nous le rencontràmes dans ce vaste espace de mer qui existe hors du tropique du Capricorne, entre les iles des Amis et la Nouvelle-Hollande. Un capitaine balei- nier anglois, dont le navire étoit occupé à la pêche des cachalots, et qui se trouvoit à bord de {a Coquille en ce moment, nous dit que les pêcheurs le connois- soient sous le nom de black-fish ou poisson noir, et que son agilité étoit remarquable, mais que cepen- dant on cherchoit à le prendre, parce que son crâne renfermoit une matière analogue au sperma-ceti. … Ici se termine la série des espèces de dauphins vivants existant réellement dans la nature. Nous n'avons pas craint de supprimer l'indication de plusieurs, parce que les renseignements qui ont servi à les établir sont trop obscurs et trop incom- plets pour mériter une entière croyance : il est temps enfin de faire justice de quelques vieilles err urs. M. Dussumier, #rmateur, qui suit les destina- tions lointaines de ses navires, etqui utilise ses relà- ches en recueillant tous les animaux rares et précieux des pays où ses relations commerciales l’appellent, a enrichi le Muséum de cinq ou six espèces entiè- rement nouvelles. Il nous en avoit promis les des- criplions, que nous nous fussions fait un devoir d'insérer textuellement; mais son départ et des causes que nous ne pouvons apprécier nous ont privé de compléter notre livre par ces intéressants documents. Il ne nous reste plus à mentionnner que les dau- phins dont les débris gisent en divers lieux de l'Europe, et dont l’ouvrage de M. Cuvier sur les ossements fossiles offre les caractères distinctifs et Jes descriptions détaillées. Mais nous ne devons pas oublier à classe de iecteurs cet ouvrage est principalement adressé , et il nous suffira de men- tionner quelques uns des faits les plus importants de ces dé ouvertes modernes. Quelle que soit en effet l'opinion qui admet un déluge universel, des cataclysmes partiels, ou des éruptions d'eau par vastes bassins, toujours est il qu’un grand nombre de vallées sont devenues célèbres par les ossements d'animaux qu’on y a découverts, et que beaucoup de ces êtres n'existent plus et ont complétement dis- paru de la surface du globe. D’autres, au contraire, viventencore, mais dans des régions où les influences DES MAMMIFERES. | | 631 des climats sont complétement changées Pour les dauphins, il est beaucoup plus dificile d’établirleurs rapports avec les espèces vivantes ; car celles-ci sont très mal déterminées pour la plupart: et il yen a tant d’inconnues , que les moyens de comparaison man- quent complétement. Un squelette de dauphin presque entier, voisin du globiceps et de l’épaulard, a été découvert en 1795 par M. Cortesi de Plaisance, dans une colline des Apenrnins, voisine du mont Pulgnasco. C'est au petit village de Sort, près de Dax, dans-le départe- ment des Landes, que fut trouvée la mâchoire in- férieure d’un cétacé nommé, à cause des particula- rités qu’elle présenta, dauphin à longue symphyse. Les falunières des Landes ont aussi donné un frag- ment qui a été rapporté à une espèce très voisine du dauphin vulgaire: Enfin dans le calcaire grossier du département de l'Orne on déterra un fragment dont la forme annonce évidemment une nouvelle espèce de dauphin à long museau. NOTES SUR QUELQUES AUTRES DAUPHINS. Le Zoological journal (1) a publié le phocæna IHomei, de M. Smith (?), long de six pieds, et qui vit dans les mers du Cap. M. Gray, dans ses Spici- legia (4°* fascicule), a décrit les grampus Leadivt- sit ($) et obscurus (4) des mers du cap de Bonne- Espérance. Une variété de ce dernier est figurée (pl. 2, fig. 2,5, 4 et 5) par MM. Quoy et Gaimard, dans la Zoologie de l’Astro'abe. Ces mêmes auteurs ont décrit un dauphin de la Nouvelle-Zélande (del- phinus Nove-Zelandiæ (5), qui est représenté dans leur planche n° 28. M. Harla (6) nomme de/phinus intermedius un marsouin dont le corps est d’un noir brillant, tandis 6) T.IV, p. 440, el Bull; t. XVII, p. 276. () Ph. suprà nigra pura, capitis corporisque lateri- bus nigricante et albo variegatis; dentibus suprà utrinque quadraginta, infrà sexes triginta ; postc- riori pinnæ dorsalis margine falcato. Smith, Zool. journ.,t.IV, p. 433. G; Corpore obeso; fronte obliquo ; pinnis brevibus, obtusis, dorsalitrianqulari; subtus fasciä lineis ma- culisque albis notatus; cæterum totus niger; denti- bus parvis conicis 25—25—26-26 utrinque. Bull, € XVII, p. 116. {:) Corpore lanceolato ; capite obliquo, acuto ; pin- nis mediocribus falcatis; collo ventreque albidis, fasciä nigrâ ab angulo oris usque ad pinnas pectora= les ; stri;@ obliqua laterdi alba postica ; cæterum to- tus niger ; dentibus parvis, conicis, utrinque 24—924 —26—26. Bull. L XVII, p.116. 51 D. corpore elongato, cylindracco, suprà nigri- cante ; infra albo ; lateribus sub flavis ; rostro longo ; oculis nigro cinctis ; dorsali pinna, pinnis pectorali- bus mediocribus recurvalis. Zool. Astrol., t. I, p. 149. (6, Sourn. of the ac. 6f nat, sc. of Phil.,t. VI, 2e cah., p. 91 (1827). 632 que les côtés du ventre et du cou sont d’un blanc qui se continue sur le ventre et sur la poitrine. La queue est comprimée et séparée par un fort étran- glement. Sa taille est de seize pieds et demi, sur une circonférence de dix pieds à l'endroit le plus épais du corps. Les nageoires pectorales ont trois pieds onze pouces. Il vit sur les côtes de la Nou- velle-Angleterre. Il est intermédiaire aux delphinus grampus et globiceps. M. Gray dans ses Spicile- gia ( 4°" fascicule), a décrit un delphinorhyn- que (‘) et un vrai dauphin (?) qu’il indique comme nouveau (). M. Fr. Cuvicr a donné, dans son bel ouvrage sur les mammifères , des portraits du dauphin de Risso (liv. 66), qui a été décrit par nous comme étant un globicéphale, et le dauphin à long bec (67° liv.) qui est un delphinorhynque, puis les dauphins plombé(f), véloce (5), bridé (6), douteux (7),de Dole (8), et le marsouin du Cap (°). Nous sommes forcé de distinguer comme espèce un cétacé à long museau qui fut pris sur les côtes de l'ile d'Aix, à l'embouchure de la Charente, et que nous dessinâämes sur nature. Ce sera notre delphi- norhyncus santonicus voisin du delphinus fronta- tus de feu G. Cuvier (Oss. fois., t. V, p. 278). Cet animal avoit cinq pieds huit pouces de longueur, le corps fusiforme, la dorsale recourbée, placée un peu au-delà du milieu du corps, l’œil situé à tou- cher la commissure de la bouche , le museau mince, arrondi, séparé du front qui s’élevoit en bosse pour se continuer avec la ligne du corps sans saccade. Toutes les parties supérieures étoient d’un noir in- tense, les inférieures d’un blanc satiné. Il avoit cent quarante-deux dents coniques, petites, régulières, symétriquement rangées, c’est-à-dire à la mâchoire supérieure et de chaque côté trente-trois, et à l’in- férieure, de chaque bord trente-huit. () Delphinus lengirostris, Gray ; Bull, t. XVI, p. 116. Osse palatino carinato, posticè convexo, rostro lon- gissimo attenuato, supra depresso, linea media ele- vata ; dentibus parvis utrinque 48—48—50—50. (2) Delphinus capensis, Gray, Spic.; Bull, t. XVI, p. 116. Corpore lanceolato; pinna dorsali elevata, falcata ; pinnis pectoralibus mediocribus, falcatis ; dorso, labiis, pinnisque nigrescentibus ; ventre albi- do; deutibus utrinque circiter 5—5—0—0. () Consultez, dauphin de Fréminville, Bull. Soc. phil, p. 71; cétacés échoués dans la rade de Paimpol, Bull. (1812—1813), p. 69.) (8) Delphinus plumbens, F. Cuv., t. IN, pl. ne 4 et 3. (5) D. velox, Dussumier, ibid. (6) D frænatus, ibid. (7) D. dubius, G. Cuy. (5) Aodon Dalei. {9 Ph. capensis, Duss.; Fr. Cuv.,Mammif. HISTOIRE NATURELLE . LES CACHALOTS. Les cétacés dont nous nous sommes occupé jus= qu’à présent ont leur tête en rapportavecles dimen- sions de leur taille, mais il n’en est pas de mê de ceux qu’on a nommés cachalots: cette partie, par un énorme développement des os de la face, devient tellement volumineuse, que souvent elle compose à elle seule un quart de la longueur totale de l'animal. Le nom de cachalot est tout moderne : on trouve dans Anderson (!) une citation des Éphémérides des Curieux de la Nature par laquelle on voit que le nom de cachalot ou ea halut est d’origine basque, et que les habitants de Bayonre, de Biariz, et de Saint-Jean-de-Luz, en introduisirent l’usage parmi les pêcheurs: car dans leur langue, cachau signifie une dent, suivant l'opinion reçue. L'histoire de ces gigantesques cétacés ne se com- pose que de documents suspects sur tous les points. Il semble qu’on se soit plu à accumuler les citations les plus disparates, afin de multiplier les espèces sur les prétextes les plus frivoies. Les naturalistes anciens ne paroissent point en avoir eu connoissance. On dit bien que l’orca d'Aristote et le physétère de Pline doivent être le cachalot ; mais on ne peut à ce sujet émettre que des soupçons : il suflira de citer sans doute les re- cherches de Théodore Hasæus , qui prétendoit que ce cétacé étoit le léviathan de Job ou la baleine de Jonas (?). Les Italiens ont toujours nommé capidoglio ce que les peuples parlant la langue d’oc nommoient pris mular, et qui est le cachalot macrocéphale; le senedette de Rondelet n’est pas autre que ce der- nier animal. Enfin le genre physale de M. Lacé- pède est encore le même cachalot, auquel un pêcheur, dans un eroquis grossièrement tracé, aura mis de mémoire l'ouverture de l'évent à l’ex- trémité postérieure de la tête au lieu de la placer en avant. Tous les peuples du Nord nomment les cachalots pol-fiske, pol-visch ou hump-ba qui équi- vaut à dos bossu. La plupart des ominations sous lesquelles ils sont connus rappellent plus ou moins cette particularité de leur organisme, d'avoir une gibbe élevée et saillante de nature graisseuse sur le dos. Linné, en coordonnant l’ensemble des êtres vi- () Hist. nat. de l'Islande et du Groenland, t. II, p.116 (en note}. (2) Disquisitio de Levianthan Jobi et ceto Jonæ ; par Théodore Hase, augmenté par Wernerus Kohne, 1723, p. 240. # % SIA D 7D4n07 vd UP À 4 pis t) DZ “À 427 sado xto d 109$ £ le 471 2704 C2) DES MAMMIFÈRES. vants, dans son Système de la nature, et séparant les cétacés en une classe, appliqua, le premier, aux cachalots le nom de physétére qu’on trouve dans les écrits de Pline. Avant Linné la plupart des auteurs anciens s’étoient bornés à les mentionner sous les noms de cetus et même de b1læna, en leur ajoutant une foule d’épithètes qu’il seroit très peu. intéres- sant de rappeler. Linné ne reconnut que trois es- pèces: le physeter macrocephalus, qui est le cacha- lot macrocéphale, et la seule espèce véritablement authentique; son mic:ops, qui nous paroît être un globicéphale ou le marsouin gris; et son {ursio, l’épaulard. Brisson conserva aux eachalots le nom générique de cetus, et son cetus albicans est le béluga ; son cetus Novæw-Angliæ, dont on a fait un cachalot {rumpo, ne diffère point de son premier cetus ou le macro- céphale ; et ses quatre dernières espèces sont certai- nement des épaulards et des globicéphaies. Des naturalistes systématiques, aussi universellement suivis dans les principes de leur classification que Linné et Brisson, sanctionnant en partie la manière de voir d'Anderson qui, en copiant un vieil auteur nommé Sibbald, avoit formé quatre espèces diffé- rentes de cachalots’(1), durent fire prévaloir dans tous les ouvrages l'opinion qu’il en existoit plu- sieurs, et tous les renseignements tronqués pris dans les relations de voyages, dans les rapports des marins employés aux pêches, furent mis à contri- bution pour étayer l’existence de ces prétendues espèces. Bonnaterre dans sa Célologie, et M. de Lacépède dans son Histoire naturelle, de même que plusieurs autres naturalistes, ne manqutrent point de reproduire ces êtres fic ifs, et d’accempa- gner leur histoire de longs détails, parmi lesquels il ne s’en trouve pas un seul de caractéristique : il nous paroît donc inutile de citer les synonymies d'Erxleberi, de Boddaert ct autres, et de reproduire les caractères des genres physétères et physales, qui nereposent que sur des descriptions très incomplètes et de peu de valeur (?). Les caractères généraux des cachalots (physeter, L.; catodon, Lacépède) sont particulièrement : une tête très grande et volumineuse, terminée en avant par un museau tronqué, ou qui semble coupé car- rément; une mâchoire supérieure très large, re- () Tome Il, p, 116 et suiv. 2) Dans un aperçu historique sur l'état de la science relativement aux cétacés mentionnés par les vieux au- teurs, M. Cuvier ( Css. foss., t. V, p. 828 ct suiv.)a dé- brouillé, avec l’érudition la plus vaste, les erreurs de synonymie! qui sarchargeoient les livres consacrés à l'histoire de ces animaux. Nous renvoyons le lecteur jaloux de se pénétrer des discussions scientifiques qui rétablissent les faits à l'ouvrage même de ce profond naturaliste. I, ” 633 couvrant l’inférieure, qui est très étroite, allongée, et faconnée de manière à s’emboîter dans un sillon de la supérieure ; la mâchoire inférieure est seule garnie de dents épaisses et robustes, dont est com- plétement privée celle d'en haut; ces dents sont reçues, lorsque l’animal ferme la bouche, dans les dépressions du bord gengival supérieur que revê- tent des gencives épaisses. L’orifice des évents est unique et ouvert sur l’extrémité du museau; les yeux sont fort petits et inégaux, et cette particula- rité anatomique n’avoit point échappé à Eggède (1); une bosse graisseuse surmonte le dos. Tels sont les cachalots considérés dans leur en- semble. Les dispositions, l’ordre et les particulari- tés qu’affecte la charpente osseuse, méritent aussi de fixer l’attention. A ce sujet nous présenterons un résumé des travaux les plus modernes. Le crâne (2?) a la plus grande analogie avec celui d’un dauphin dont les bords du museau seroient très élargis, et relevés de manière à en rendre la face supérieure concave. Les narines osseuses externes s'ouvrent aussi au fond d’une très grande concavité formée par une portion des maxillaires ; les parié- taux, à leur base, sont presque entièrement cachés par un développement considérable de la crête oc- cipitale; le museau, malgré son étendue, doit son énorme développement aux maxillaires et aux in- termaxillaires : ceux-ci remontent et se redressent, pour former des crêtes qui s'élèvent perpendicu- lairement tout autour de la tête; un demi-canal traverse le vomer; les narines sont très inégales. et celle du côté droit n’a pas le quart de l'ampleur de celle du côté gauche; les os du nez sont aussi irré- guliers ; le nasal du côté droit est plus large que celui du côté opposé. Cette direction du vomer, dit M. Cuvier, et cette ampleur de la narine gauche, indiquent une direction du canal membraneux des narines, et de tout l'appareil des jets d’eau vers le même côté, et expliquent ce fait observé par les marins, que les cachalots lancent toujours la co- lonne d’eau vers le côté gauche (3;. Le bord inférieur de l'orbite est formé par un os jugal, gros, et de forme cylindrique, dilaté à sa partie antérieure en une lame oblongue qui ferme à demi l'orbite en avant ; la fosse temporale est arrondie et profonde, mais aucune crête ne la sépare des côtés du crâne; l’arcade zygomatique est conique et courte, et n’est (r) CHI paroît n'avoir qu'un œil, quoiqu'il en ait deux; » mais le gauche est si pelit qu'on ne peut guére l'aper- » cevoir: ce qui fait que les Groenlandoïs peuvent aisé- » ment en venir aux prises avec lui, en l'attaquant du » côlé où il n’a presque point d'œil. »( Eygède, Groenl., page 55.) (2) Cuvier, Oss. foss., t. V, p. 342, pl. 24, fig. 1,2, 3, 4et5. (3) Swediaur, Journ. physiq., octobre 1784, 986. 50 634 Formée que par la partie écailleuse du temporal ; le trou occipital est à peu près au tiers inférieur de sa hauteur; le bord inférieur de l’occipital se divise de chaque côté par une échancrure en deux lobes, dont l'externe représente l’apophyse mastoïde; le basi- laire et le sphénoïde postérieur sont fort courts; le sphénoïde antérieur ne se montre en dessous que dans une échancrure du vomer; le bord postérieur du jugal est simple. On compte sept vertèbres cervicales, et l'atlas est la seule qui soit distincte ; les autres sont soudées entre elles. Il y a quatorze paires de côtes ; quatorze ou quinze vertèbres dorsales, et trente-huit lom- baires ou caudales. Les os en V sont placés vis-à- vis ls vingt unième vertèbre ; ils sont d’abord assez longs, puis ils se raccourcissent ensuite; les vertè- bres caudales restent fort grosses ju qu'aux six ou sept dernières, qui diminuent rapidement, de ma- nière que l’épine est généralement d’égale grosseur partout. L'omoplate est concave à l'extérieur, convexe du côté des côtes, et plus étroite qu'aux autres cétacés: son apophyse acromion est très développée ; l’hu- mérus est court et gros, et présente à son bord an- térieur une crête terminée par un crochet, et qui retrace la crête deltoïdale ; le cubitus se soude de bonne heure à l’humérus; avant même que lépi- physe de celui-ci soit réunie ; l’apophyse oléerà- nienne est très saillante, et se recourbe vers le poignet. Les dents qui occupent des alvéoles profondes de la mächoire inférieure sont au nombre de vingl- deux à vingt-cinq de chaque côté; on dit même que certains individus en offrent jusqu'à trente, Ces dents sont espaces entre elles, et plus fortes et plus grosses sur la partie antérieure de la mâchoire ; elles sont tris pointues, coniques, et recourbées à partir des gencives, cylindriques et massives dans leur corps, comprimées et creusées en cône à leur base; leur pointe, qui s'élève quelquefois jusqu’à trois pouces hors de la mâchoire et des matières fibreuses et denses qui tiennent lieu de gencives, s’use, et finit par s'aplatir à mesure que le cétacé vieillit. Nous en avons vu dont la couronne étoit presque complétement tronquée, et dans ce mo- ment nous avons sous les yeux une dent d’un jeune cachalot, pris dans la baie de la Conecption an Chili, et qui a les proportions suivantes : longueur totale cinq pouces, sur une circonférence d’à peu près quatre pouces; forme d’un cylindre assez régulier, jusqu'à vingt lignes de la pointe, où un collet indi- que Paitache de la gencive, et la base de la cou- ronne ; ceile-ei est conique, amincie, arrendie, et fortement recourbée; la dent entière, d’ailleurs, décrit une courbe beaucoup plus sensible en devant; HISTOIRE NATURELLE blanc jaunâtre, que leur dureté fait rechercher dans les arts. L'audition paroîit devoir être très obtuse chez les cachalots. On sait d’ailleurs, d’après les observations de Camper, que l'appareil auditif est en totalité beaucoup plus petit que celui des dauphins et des baleines. Les rampes du limaçon (1) sont séparées par une cloison osseuse continue ; la spire qu’elles forment a un peu plus de deux tours; la fin du li- maçon s’élargit en une espèce de petit vestibule particulier, séparé du grand par use écaille, et dans lequel on voit deux petites ouvertures appar- tenant probablement aux aquedues. La caisse est aussi tres petite, et sa forme est plus ouverte; le marteau, libre par sa tête, qui est globuleuse, est soudé par son apophyse externe avec le bord de la caisse. La vision ne paroît point devoir être étendue, si l’on en juge par la petitesse du g'obe de l'œil. A ce sujet M. de Lacépède dit « que l’œil du cachalot » macrocéphale est situé plus haut que dans plu- » sieurs grands cétacés, et qu’il est placé au sommet » d’une sorte d’éminence ou de bosse, peu sensible » à la vérité, mais qui s'élève cependant assez au- » dessus de la surface de la tête. pour que le museau » n'empêche pas cet organe de recevoir les rayons » Jumineux réfléchis par les objets placés devant le » cétacé, pourvu que ces objets soient un peu éloi- » gnés. Aussi le capitaine Colnett a-t-il imprimé, » dans Ja relation de son voyage, que le cachalot » poursuit sa proie sans être obligé d’incliner le » grand axe de sa tête et de son corps sur la ligne » le long de laquelle il s’avance. » Comment con- cilier toutefois l’explication de l'existence de ce fait avec celui que rapportent MM. Quoy et Gaimard en parlant de leur cachalot bosselé (2)? « Nous di- » rons avec le capitaine Hammat que, par la dis- » position de ses yeux placés dans un enfoncement, » il ne peut voir ni en avant de sa tête ni derrière » Jui; ce n’est que de côté et obliquement qu’il peut » distinguer les objets. » Or ces deux opinions sont diamétralement opposées, bien que nous r’igno- rions pas qu'on a positivement argué de cette cir- constance que le polycyphe différoit spécifiquement en cela du macrocéphale. Le cachalot bosselé (phy- seter polycyphus) que MM. Quoy et Gaimard ont fait figurer (3), d’après plusieurs croquis d’un capi- taine baleinier, dessin que nous avons reproduit dans l'atlas de cet ouvrage, et qu’on dit propre aux mers équatoriales des archipels . des Moiuques ct des îles Tidoriennes, n’est remarquable que par un grand nombre de bosselures qui règnent tout le long «) Principes de l'anatomie comparée, etc.; par de Blainville,t.[, p. 504. (2) Zoolo gie de l'Uranie, p. 77. livoire en est formée de fibres très compactes , d’un ÿ (5) Zool. de l'Uranie, p. 76, pl. 12. M ihe R os 1 D = » ui ÿ RAT a" te / Ca Hate Pa Cr' O4 hat . Physeter macrocephalus, et l'ublis par l'ourrat # à farus DES MAMMIFÉÈRES. du dos. Ce caractère pourroit fort bien dépendre de circonstances accidentelles, et même d’une pléthore du vaisseau dor-al renfermant la céline où sperma- ceii, qui laisseroit extravaser la matière adipoci- reuse. Peut-être encore ces bosses sont-elles dues à des engorgements du tissu cellulaire, car on a re- marqué que quelquefois cette circonstance se pro- duisoit chez les baleines et même chez le cachalot macroctphale. La figure du cachalot bosselé n’est accompagnée d’aucuns détails autres que ceux que nous avons cités , et nous n’ajouterons rien de plus sur ce célacé, que nous ne connoissons point encore, et pour lequel on doit désirer une description plus circonslanciée. LE CACHALOT MACROCÉPHALE. Plyseter macrocephalus. Bonx. Le cachalot mac'océphale et la baleine franche sont les géants du règne animal. Ea nature en les créant a voulu les mettre en rapport avec l'étendue de mer qu’ils sont destinés à animer, et cependant leur gigantesque masse n’apparoit que comme un point imperceptible sur la vaste surface des océans. Leurs os, semblables à des poutres , le poids énorme de leurs muscles, les torrents de sang qui circulent dans leurs vaisseaux , l’enveloppe épaisse qui jette une immense couverture de graisse huileuse sur cet assemblage informe; tout en eux dut porter l’éton- nement et glacer d’épouvante les anciens peuples sur les rivages desquels on les vit apparoître. De là naquirent ces fables que les traditions et la poésie ont conservées : car tout porte à croire que l’orque si terrible et si redoutable des Latins n’est pas autre que le cachalot macrocéphale ; mais, bientôt aguer- ris, les hommes, qui avoient su remplacer de frêles pirogues par des naviies, et sillonner en tous sens les mers attirés per le commerce, puissants d’ail- leurs par la possession d'armes formidables, ne virent plus dans ces grands cétacés qu'une proie assez facile à conquérir, et importante par les ressources qu’ils pouvoient en retirer. Le cachalot n’est cepen- dant pas doué de mœurs aussi innocentes que la baleine : celle-ci en effet n’a pour se garantir des atteintes de ses ennemis que les efforts impétueux d’une puissance musculaire immense , tandis que le cachalot, dont la bouche est armée de dents fortes et très robustes , plus carnassier dans ses habitudes, a recu par cette seule modification de la mâchoire inférieure un caractère plus sauvage, plus décidé et plus belliqueux. Mais on conçoit qu’un tel colosse n’est pas de ces animaux qu'on peut conserver dans un muséum : on est heureux lorsque quelques parties s’y trouvent | 635 pour en faciliter l'étude ; aussi tous les anciens au- teurs qui ont décrit des cachalots semblent avoir pris pour les peindre des verres de nature très variable, grossissant où rapetissant leurs proportions au gré du narrateur, et c’est dans de telles circonstances qu'ont été tracfes ces descriptions si diverses, si in- correctes, et si peu rationnelles, qui mettent à la torture les naturalistes jaloux de baser leur opinion sur des faits avérés : etcependant, si l’on avoit voulu s’appesantir sur ces faits, n’éloit-il pas démontré que partout Îles capitaines baleiniers donnoient au mäcrocéphale les mêmes caractères, à de légères exceptions près ; que partout, dans toutes les mers, sous tous les parallèles , sous l'équateur comme dans les deux zones lempérées, au pôle nord comme au pôle sud, l'espèce que l’on y rencontre présentoit le même signalement, si nous pouvons nous servir de cette expression ; que l’ambre gris, que l’on sait être produit par cet animal, se trouve sur tous les riva- ges, sur ceux de la mer Baltique comme sur les côtes des Moluques et des iles du grand Océan? Les distinctions qu’on à cherché à établir de plusieurs espèces peuvent-elles être sanctionnées à l'époque actueile, lorsqu'on sait qu’elles reposent sur des nuances aussi légères que celles qui résultent de la courbure des dents et de bosses adipeuses sur le dos? Ce dernier caractère est si peu important que plu- sieurs auteurs mentionnent quelques unes de ces loupes s’élevant accidentellement sur la région dor- sale des macrocéphales observés dans les mers d'Eu- rope. De tout cet échafaudage de distinetions spéci- fiques établies dans le genre cachalot, et qui s'eroule de lui-même, on ne peut véritsblement admettre qu'une seule espèce, le cachalot ma:rocép ale, ou à grosse lle. Ce cachalot a communément de cinquante à soixante pieds de longueur, et plus rarement soixante- dix et quatre-vingts : ce sont les proportions les plus avérées ; car celles de cent pieds, qu'on lui donne dans quelques relations, sont exagérécs, ou ne peu- vent tout au plus être propres qu’à quelques vieux individus atteignant le terme d’une croissance qui n’est point ordinaire. Le corps a la forme d’un im- mense cylindre, dont la tête, qu’une légère dépres- sion sépare du dos, constitue une grande portion , et qu’elle termine par une masse cubique, tronquée en avant pour former ua museau obtus, ou plutôt quadrilatère. L'orifice de l’évent s'ouvre à l’extré- mité antérieure de la tête, au milieu d’un mamelon arrondi et formé de fibres épaisses qui servent à son occlusion , tandis que le corps finit graduellement et s’'amineit jusque vers la queue pour s'épanouir en une immense rageoire composée de deux larges lobes, profondément échanerés à leur milieu, et n'ayant pas moins de quatorze picds de diamètre transversal. Les peciorales au contraire n'ont point 636 recu des proportions en rapport avec la puissance de la rame caudale ; elles sont comparativement pe- tites, oblongues, ovalaires, et placées non loin de la commissure de la bouche. La surface du dos, ar- rondie et lisse, est surmontée par ure fausse na- geoire, ou plutôt une bosse en‘ièrement formée de tissu cellulaire dans un repli épais de la peau, et qui est brusquement interrompue à sa partie postérieure. Cette loupe graisseuse n’est pas toujours unique ; et souvent on en compte jusqu'à trois, qui ondulent aiusi la région dorsale. Les yeux sont très petits, noirs, inégaux, et celui du côté droit est beaucoup plus grand que le gauche. On à même cru que ce dernier ne servoit point à la vision. Le canal de l'évent affecte aussi ce défaut de symétrie; il est simple et non double comme chez les baleines, et se dirige obliquement vers le côté gauche de la tête. La langue est très charnue, d’un rouge livide, peu mobile, et remplit la mâchoire inférieure dont elle a la forme; la bouche à peu d’ampleur; la conque auditive extérieure se réduit à une simple fissure très étroite; la ve:ge du mâle est renfermée dans une sorte de fourreau qui l’abrite des chocs exté- rieurs, tandis que les deux mamelles des femelles occupent deux profonds replis de la peau sur le ven- re. Les chairs ont une teinte de rouge noir, propre à la plupart des cétacés , et la couche de tissu grais- seux ou huileux qui les revêt est épaisse de plus de six pouces en dessus. La couleur générale du cachalot macrocéphale est un noir bleuâtre plus foncé sur le dos et s’éclair- cissant sur les côtés et sous le ventre. Parfois le des- sous du corps est blanchâtre, ainsi que le tour des yeux. L’épiderme est d’une nature si dense, si in- sensible, que communément de larges coquilles s’y attachent comme sur un rocher et y prennent leur complet accroissement. Ce sont ces coquilles, réu- nies quelquefois en un assez grand nombre, que l’on a prises pour des taches blanches. Le mollusque dont existence paroit siée à celle des grands céta- cés, et qui, semblable à certains crustacés , adhère sur leur peau en parasite, est le genre coronule (1). Nous observerons en passant que cette particularité, de voir des coquilles bivalves , du genre huitre, s’in- cruster sur la peau des cachalots, vers la tête et le dos , prouve que ce cétacé n’a point de mouvements brusques; et c’est aussi ce que nous avons eu très souvent occasion de remarquer. Le macrocéphale nage ordinairement avec lenteur, et ne fait paroître à la surface de l’eau que la large voûte de son dos et l’'éminence charnue qui entoure d’un épais bourrelet l’orifice extérieur de l’évent. () Coronule-diadéme, coronula diadema, Lamarck, . V,p. 387, et coronule rayonnée, coronula balæna- ris, Laomarck, Loco citato. HISTOIRE NATURELLE Souvent il reste paisible pendant quelques secondes, le corps élevé au niveau de la mer quand elle est calme, puis il replonge doucement et sans saccades pour reparoitre quelques minutes après. Il n’en est pas de même lorsque, réuni en troupe à l’époque des amours, l’ardeur qui l’anime le transporte : on le voit soulever à moitié sa tête massive etinforme, battre les flots de ses nageoires et plonger perpen- diculairement, de manière à déployer en immense éventail les lobes de sa queue, et se servir de cette partie, entièrement composée de tendons épais et énergiquement robustes, pour frapper l’eau avec bruit et la faire jaillir en gerbes à de grandes dis- tances, Ce spectacle imposant, dont nous avons été plusieurs fois témoin, n’a communément lieu que lorsque les cachalots se réunissent en troupes. C’est alors qu’ils s’agacent et se recherchent en témoi- gnant bruyemment les plaisirs de leurs sens lourds et épais; c’est alors aussi qu’on les voit se rendre vers les côtes, préférer les grandes baies paisibles, choisir leurs femelles, et une fois ce c' oix fait se séparer de la bande, et se diriger, toujours par cou- ples et au hasard , au milieu des grands océans. La science la plus utile que puisseacquérir un capitaine baleinier est donc d'étudier, par son expérience et par celle de ses devanciers, les lieux où à telle épo- que ces cétacés se rapprochent, se réunissent et vivent en troupes dans les divers parages : c’est ce que l’on nomme pour un pays la saison de la pêche. Toute la navigation se borne à ce résultat : elle doit être conduite de manière que le navire arrive dans les temps opportuns sur les côtes reconnues pour être les plus fréquentées. Dans les traversées intermé- diaires on ne chasse que les espèces nageant par pai- res, ct qui, isolées de quelque grand essaim , vien- nent s'offrir sur la route. Les cachelots ne rejettent point de l’eau par leur évent chaque fois qu’ils apparoissent, mais ce phé- nomèêne a lieu sans doute lorsque l’animal prend ses aliments, et a rempli le réservoir pneumo-nasal du liquide qu’il a dù avaler en saisissant sa proie. Ce n’est point un simple mucus uni à la vapeur, résul- tat de l'acte respiratoire et condensé par air exté- rieur, ainsi que le prétend M. Scoresby; car nous pouvons affirmer, pour l’avoir vu maintes fois à quel- ques pas de distance, qu’il sort de l’évent, s’ouvrant par une vive contraction et avec bruit, un jet d’eau qui s’élève à une foible hauteur en se répandantaus- sitôt en pluie fine, tandis que la colonne que lancent les baleines conserve long-temps l’aspect d’un jet droit qui monte haut avant de retomber en pluie. L'opinion qui admet que le cachalot macrocéphale est cosmopolite est vraiment la plus probable; et bien cependant que, de tous les cétacés , ce soit celui qui préfère la zone intertropicale et les régions tem- pérées , on le trouve également dans les mers boréa- DES MAMMIFÈRES. les et dans celles du pôle sud. On doit dire toutefois qu'il y est beaucoup plus rare, et qu'il ne s’y pré- sente qu’à certaines époques , et peut-être dans des circonstances dont on ne s’est point encore rendu compte. Onsait d’ailleurs que beaucoup de ces grands cétacés ont été parfois jetés sur nos côtes, mais on doit supposer aussi que, plus sauvages que les ba- lcines, le grand nombre des navires qui sillonnent l'étendue de notre portion d’océan Atlantique les ont chassés depuis long-temps, et qu’ils s’y présentent aujourd’hui beaucoup plus rarement. Dans les mers chaudes de Madagascar aussi bien que dans celles des Moluques, dans les parages tempêtueux de la Nouvelle-Zélande comme sur les côtes du Japon, où règnent les redoutables typhons , on rencontre des cachalots qui sont identiques par l'ensemble de leurs formes, car les capitaines baleiniers qui les poursuivent ne reconnoissent parmi eux que quel- ques nuances de taille, dues sans doute à l’âge , au sexe, ou à des circonstances que nous ne pouvons apprécier. Les parages Jes plus fréquentés par les cachalots sont done, dans le nord, le détroit de Davis ; les rivages de l’Europe tempérée ; les côtes de Patagonie, dans l'océan Atlantique ; les rivages de Madagascar et la côte occidentale de la Nouvelle- Hollande dans la mer des Indes ; les Moluques , les Carolines, les Marianes, dans l’océan Pacifique ; les Gallapagos sous l’équateur et non loin du Pérou, la Nouvelle-Zélande dans le grand océan Antarcti- que, et les archipels japonois dans le Grand-Océan boréal. Armé de dents robustes, le cachalot a dù avoir des mœurs plus cruelles que les baleines par exem- ple, dont la bouche est tapissée de lames cornées ; il a dû aussi recevoir un appétit plus carnassier, et par suite avoir des modifications dans les organes di- gestifi, qui ont dû se raccourcir, et concentrer l’é- nergie de leurs fibres: des muscles larges et que terminent des tendons de la grosseur de fortes cor- des, mettant en jeu une mâchoire inférieure étroite, mais longue , et que hérissent des dents recourbées, formées d’un ivoire compacte et implantées dans des branches osseuses , massives, constituent un appa- reil qui demande, pour être mis en jeu, des proies volumineuses, et prises parmi de grands animaux. D'un autre côté cependant l’étroitesse de l'ouverture de l'æsophage semble contrarier le plan primitif, et porter à penser que tout ce système buccal n’est qu’an luxe inutile, ou que les cachalots ne s’en servent que comme un moyen puissant de défense. Anderson dit en effet qu’on avoit trouvé dans l’estomac d’un cachalot des restes de requin et autres grands pois- sons, tandis que les baleiniers ne mentionnent que des débris de ce qu’ils appellent squid ; or nous savons que ces squid ne sont pas autre chose que les poulpes ou sèches que les marsouins dévorent avec 637 tant de plaisir. Il paroît cependant que ces animaux nese bornent point à ces seuls céphalopodes, et qu’ils ne dédaignent pas les clupées et autres poissons voi- sins, et même les mollusques. Othon Fabricius af- firme aussi qu’ils avalent des requins (squalus car- charias), etle cycloptère lump, et que les premiers surtout en ont une si grande frayeur, qu’il leur suf- fit de la vue d’un cachalot pour fuir jusque sur les rivages, et s’y échouer. Enfin il ajoute que cet ani- mal se repait des cadavres des autres cétacés, et même de ceux de sa propre espèce. Eggède(!) n’a décrit qu’un seul cachalot, qu’il nomme pot-fishe ou cachelotet ; et, dans la courte notice contenue dans son livre, on lit qu’il est brun sur le dos et blanc sur le ventre, long de cinquante à soixante-dix pieds, et qu’on retire de son crâne jusqu’à vingtet vingt-quatre tonnes de sperma-ceti. Anderson (?) lui donne les noms de pot-fisch et ca- ilot, usités en Hollande, et dit que quelques pé- cheurs appellent encore ce cétacé nord-caper : c’est le sperma-ceti whale où humpback des baleiniers anglois , et certainement, le trumpo des Bermudes, que l’on a cru devoir distinguer dans nos livres d’his- toire naturelle, bien qu’Anderson ne le sépare point de sa première espèce ou du macrocéphale. Quant à sa troisième espèce, ou cachalot à dents minces, courbes, et en forme de faucilles nous savons que les dents du jeune macrocéphale ont parfaitement cette forme, et qu’ils ne la perdent qu’en vieillissant et par usure. Le switt-fisch du même auteur n’est que le béluga pris pour type du cachalot blanc par M. de Lacépède , parce que les dents de la mâchoire supérieure tombent facilement. Des trois physeter de Fabricius(), le premier appartient seul à ce genre, et c’est le macrocéphale dont la description est exacte ; mais son catodon et son microps sont évidemment un marsouin et le globicéphale conduc- teur. Quant aux espèces des ouvrages plus modernes, la confusion qu’on y a introduite exigeroit de nom- breuses citations, etunesynonymie d’une utilité trop peu directe ÿ la plupart de nos lecteurs pour que nous cherchions à la transcrire. D’ailleurs les espè- ces de Bonnaterre et de M. de Lacépède, copiées par divers autres naturalistes, ne sont que les cacha- lots &’Anderson , d’Artedi, et par suite de Sibbald , décorés de noms nouveaux sans être accompagnés de renseignements modernes le moindrement au- thentiques. Quelles sont les mœurs du cachalot macrocéphale ? quelle est la durée de là gestation de la femelle, et combien produit-elle de petits ? Si cescétacés suivent la loi commune, ils ne doivent donner la vie qu'àun () Description du Groenland, p. 54, (2) Hist. nat. du Groenland, t. I, p. 116. () Fauna groenlandica, p.41. 638 seul individu. puisqu'on a remärqué que les animaux produisoien! d'autant plus, à la lois et à des époques plus rapprochées , qu’ils étoient plus petits, et que plus leur taille étoit considérable, moins leur piogé- niture étoit nombreuse. Nous ne connoissons rien de ce qui se rattache à la partie philosophique et à l’histoire morale du cachalot macrocéphale, et probablement nous serons long-temps encore dans une profonde ignorance à cesujet. Il n’en est pas de même des ressources qu'il accorde aux arts; les commerçants savent fort bien les bénéfices qu’ils doivent en retirer. C’est surtout vers la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci que la pêche du cachalot a été régularisée, et que des armements considérables ont été expédiés däns la mer du Sud pour le poursuivre et pour le harponner ; et bien que dés centaines de navires an- glois et américains rentrent chaque année üans les ports de l'empire britannique et des états de l’Union, nous en sommes encore à savoir si l’on ne doit posi- tivement reconnoître qu'un seul cachalot, ou bien si celui du nord diffère de celui du sud. Deux substances précieuses par leur abondar.ce ou par leur prix sont principalement extraites des cachalots; l’une est le blanc de baleine, si impro- prement nommé sperma-celi, et que nous décrirons sous la dénomination plus convenable de céline, et l’autre est l’ambre gris. Mais l’huile qu’on retire desontissuceliulaire, quoique beaucoup moins abon- dante que celle de la baleine, est également estimée : les Groenlandois se font des tuniques avec les intes- tins , et des cordes avec les tendons. Les dents sont employées à une foule d’usages domestiques : à ce sujet nous dirons qu'elles sont en singulière estime dans plusieursiles de la mer duSud,et notammentaux Fidjis et à Rotouma. Ces peuples, dont les idées so- ciales sont peu perfectionnées , ont aussi adopté ces distinctions qui, partout, sont nées de la vanité et de l’amour-propre, en offrant en hommage à leurs dieux, ou parant les épouses de leurs souverains avec des colliers de dents de cachalots : car cette matière est à leurs yeux le nec plus ultrà de la ra- reté et de la valeur. C’est avec cette monnoie que la plupart des capitaines baleiniers paient aujourd’hui, dans les îles où elle est prisée , les vivres frais qu’ils s’y procurent pour leurs équipages ; et lorsque nous communiquämes avec les habitants de la petite mais fortunée ile de Rotouma (1), ils nous donnèrent avec un abandon et une largesse qui devoient nous éton- ner leurs étoffes les plus fines et les plus précieu- ses pour une de ces dents, lors même qu’ils dédai- gnoient les instruments de fer les plus utiles, dont (5) Notice sur l'île de Rotouma, située dans le grand Océan austral, par R. P. Lesson; Nouv, Ann, des Voya- ges, Cahier de juillet 1825. HISTOIRE NATURELLE ils n’ignoroient point l’usage! Et, soit dit en pas- sant, l’homme n'est-il pas paitout le même, en préférant le superflu à l’utile ? Ces dents sont nommées {amboua aux Fidjis, et touboua à Rotouma; les habitants pensent que l'animal d'où elles proviennent est le roi de la mer, que tous les navires qui sillonnent le grand Océan ont pour but de se les procurer, et que l’huile que l'on retire du tissu cellulaire n’est destinée qu’à ser- vir en frictions : mais ces préjugés de peuplades simples et encore stationnaires dans l’enfance de la civilisation ne se bornent point à quelques ilots (on les retrouve à de grandes distances, aux iles Mar- quises (!), par exemple), et prouvent que la race humaine que nous avons nommée océanienne a con- servé partout, et plus ou moins pures, ses tradi- tions. La substance la plus recherchée dans les cacha- lots est une matière particulière utile dans les arts, qu’on a nommée sperma-cetli, blanc de baleine, et il y a quelques années adipocire. L’impropriété et le ridicule du premier nom en auroient dû faire faire justice depuis long-temps, si les erreurs que propage la routine n’étoient pas très difficiles à déraciner. Ce nom de sperma-celi, donné par des matelots gros- siers, est en effet plus connu que celui de blanc de baleine, peu convenable, mais qui au moins n’impli- que pas avéc lui une idée fausse. Quant au nom d’a- dipocire, que le célèbre Foureroy donnoit à cette matière, cela tenoit à l’analogie que ce professeur avoit cru trouver entre elle, le gras des cadavres, et la matière cristallisée des calculs biliaires humains, analogie que M. Chevreul le premier a prouvé ne pas exister. Ce chimiste a donc proposé le nom de cétine, pour succéder à ceux de sperma-ceti et de blanc de baleine; et sa brièveté, sa douceur et son étymologie radicale doivent le faire adopter avec empressement ; tandis que la substance des calculs est nommée cholestérine, et que le gras des cadavres conserve son nom primitif d’adipocire. La céline (?) ou sperma-ceti du commerce n'est point pure; elle retient une petite portion d’huile qui la jaunit, et que l’action de l'air fait rapidement rancir : pour la purifier, on la dissout dans de l’al- cool bouillant ; et lorsque la liqueur se refroidit, il se forme des cristaux qu’on laisse égoutter, et qu’on dissout dans de nouvel alcool. La cétine qu’on en obtient est à son état de pureté; elle s'offre sous forme de lames blanches, brillantes, comme na- (") Les habitants des îles Marquises de Mendoce esti- ment beaucoup les dents de cachalot, et les regardent comme le bien le plus précieux qu'ils puisse” t ambi- tionner: « À Good one s considered equal to the grea- » test property.» Schitlibeer, Briton’s Voyage, 1813. (2) Chevreul, article CHOLESTERINE Dict, des sc, nat., t. IX, p. 58. DES MAMMIFÈRES, crées, et ayant au toucher une douceur onctueuse et une grande translucidité; son odeur et sa sa- veur dans cet état sont nulles : elle se congèle à 49 degrés, tandis que celle du commerce, impure, se fige à 41. Les propriétés chimiques de la cétine sont : d'être insoluble dans l’eau; de se dissoudre dans les huiles fixes et volatiles, dans l’éther et dans l'alcool ; de ne point éprouver d’altération par la- cide nitrique ; de se saponifier très diflicilement, de se séparer dans cette circonstance en acide mar- garique uni à de la cétine restée libre. Ses éléments constitutifs sont pour 408 parties, suivant M. Bé- rard , carbone 81, hydrogène 45, et oxigène 6; et d’après de Saussure, carbone 73,574, hydrogène 12,795, oxigène 44,577, et azote 0,554, pour 469,000 parties. Telle est la cétine purifiée et obtenue du blanc de baleine que le commerce livre sous forme so- lide, d’un aspect blanc, d’une texture cassante et que le contact de l’air jaunit rapidement (!), en lui donnant dans ce cas une odeur de ranci désagréa- ble. Mais ce n’est point sous cette forme qu’on la retire du c'chalot, et à ce sujet nous devons entrer dans quelques détails. La cét ne liquide occupe l'immense cavité qui forme à elle seule la plus grande portion de la tête ; aussi les anciens auteurs ont-ils écrit que ce sperma- ceti étoit la partie la plus molle du cerveau, et le ce ebellum. Mais la nature s’est servie pour la sépa- ration de cette matière du véritable organe principal des sens, d’un appareil simple qui ne permet pas de supposer de corrélation eutre eux. On se rappelle que de larges crêtes s'élèvent horizontalement des maxillaires comme les bords d’une coquille, et se rendent jusqu’auprès des or- bites où elles se redressent brusquement pour at- teindre le nivear du bord supérieur de l’occipital sur la face antérieure duquel elles se contournent en formant le rebord d’une immense coupe oblon- gue, moins arrêtée en avant, et qui aussi est forte- ment inclinée de ce côté. Ces crêtes composent done les parois extérieures d’une concavité dont le fond repose sur la portion centrale, et déprimée de plusieurs pieds, des os maxillaires et intermaxil- Jaires, et qui surmonte toute la partie supérieure Gu crâne. Or le cerveau, très petit et refoulé, oc- cupe comme à l’ordinaire la cavité cranienne , due principalement à l’occipital en arrière et à l’eth- moïde en avant; ses dimensions n'ont offert à Camper, sur une tête de dix-huit pieds de lon- gueur, que sept pouces de profondeur, douze de largeur et neuf de longueur Cest done bien gra- tuitement que plusieurs écrivains ont prétendu (, Couleur que le charbon animal lui enléve. 639 qu'il y avoit des communications entre la hoîte crânienne et le vaste réservoir à demi osseux de la céline ; elle n’en occupe que la partie postérieure et inférieure, dont l’isolent des cloisons osseuses épaisses. La cétine est contenue, dans ce large et immense réservoir sus-crânien , dans deux étages, dit-on; le premier seroit ure cloison membrano - fibreuse, fixée solidement sur les bords des parois osseuses, et le second, ou le Elapmut: des pêcheurs du Nord, formeroit par dessus cette paroi intermédiaire une immense calotte fibro-cartilagineuse, très épaisse, très dense, et tellement serrée que le harpon a peine à y pénétrer. Le Alxpmutz n'est recouvert ex- térieurement que par six pouces environ de tissu cellulaire, et par la peau. Il est tapissé en dedans d’une membrane noire, sillonnée par des branches nerveuses volumineuses, et renferme la cétine la plus pure et la plus précieuse, tandis que l’étage inférieur est rempli par une cétine plus grossière, contenue dans des aréoles nombreuses. Ce blanc de baleine est fluide tant que l’animal esten vie, et ne se concrète qu'après la mort. Il est maintenu isolé par des cloisons minces, membraneuses, et formées de fibres entrelacées. On lit dans Anderson (!) que les pêcheurs lui rapportèrent que lorsqu'on vide la der- nière chambre ou le réservoir inférieur du sperma- celi, celui qui est épars dans le corps reflue vers la tête par un large canal qui paroît avoir pour fonc- tions de transporter cette matière en plusieurs points de l’organisme. Mais on ne conçoit pas bien l’exis- tence de ce vaisseau, qui doit être peu profond, pour être au niveau du pourtour osseux de la grande cavité, bien cependant qu’on sache que la cétine soit éparse en plusieurs parties, et notam- ment aux endroits marqués d’un carré, tels qu’on peut le voir dans le croquis ci-joint : ce croquis a été copié d’une figure de cachalct gravée en tête des instructions que tout capitaine baleinier doit avoir sur un tableau dans sa chambre, afin que chaque homme de l'équipage puisse en prendre connoissance. La tête d’un cachalot (?) pris dans les mers des Moluques , et long de soixante-quatre pieds fran- cois, a donné vingt-quatre barils de blanc de ba- leine, après qu’on a eu enlevé le lard par zores perpendiculaires, produisant soixante-dix , quatre- vingts (%) et quelquefois cent barils d'huile pure. Les femelles, acquérant une moins grande dimen- () Tom. If, p. 124. () Zootogie de L'Uranie, p. 81. (3) Le baril contient 31 gallons et demi; le gallon est de 4 pintes françoises environ; ce qui donne exacte- ment un total de 3075 pintes de blanc de baleine (28359 litres) et 42842 pintes d'huile (119143 litres), lorsqu'un de ces cétacés produit cent barils. 640 sion que les mâles, ne donnent pas au-delà de dix- huit à vingt barils de blanc de baleine, Ceiles des côtes de la Nouvelle-Zélande peuvent fournir vingt- cinq ou trente barils ; mais les mâles, plus grands à proportion, rendent beaucoup plus des deux sub- stances que ceux des archipels d’Asie (1), « On assure (?) qu’il n’y a maintenant à Londres » qu’un prix pour le blane de baleine et l’huile ; on » les vend 120 livres sterling les deux mille pounds; » ce qui n’avoit pas lieu, dit-on, il y a cinq ou six » ans; la première denrée valoit 12 à 15 livres ster- » ling de plus par tonneau que la dernière, Jadis » aussi on vendoit les deux productions séparément; » les fabricants les mélangeoient ensuite; à présent » on vend le tout ensemble. » Quelle est la destination de la cétine dans l’orga- nisation des cachalots? Qu’un fluide graisseux , ré- sultat d’un excès de vie, remplisse les mailles du tissu cellulaire et devienne huile, graisse ou suif, on conçoit les résultats d’une extra-nutrition, et ces matières semblent être la première réserve que les maladies ou le manque de nourriture doivent ab- sorber. La cétine a t-elle le même but? ou n’est-elle que le produit d’une sécrétion spéciale destinée à un ordre de nutrition directe que nous ne pouvons ex- pliquer ? Introduite dans le commerce, la éétine a d’abord été employée en médecine. On s’en est servi comme d’un cérat naturel fort doux pour toutes ces petites éruptions de la peau que la beauté et la coquetterie redoutent; mais l’art des cosmétiques a vainement varié ses formules; la rancidité, qui trop souvent s'empare de cette substance, en a fait rejeter l’em- ploi. C’est principalement dans la composition de la bougie que la cétine a été utilisée : on a obtenu des produits remarquables par leur pureté, et les masses qu’on à vues à l'exposition de 1827 prouvent que nos manufacturiers ont surpassé les Angiois dans l’art de la purifier. Des matières d’une valeur aussi grande que l’huile et la cétine ont servi d’appät aux armateurs. Des centaines de navires partent chaque année des ports de Londres pour une campagne dont la durée n’est jamais moindre que deux ans, et le plus long terme quatre années. Dans ce voyage, le capitaine et les harponneurs sont les plus intéressés, et Le resie de l'équipage est à la part. L’armement d’un navire baleinier se compose de vingt-cinq hommes d’équi- page, et de tous les ustensiles nécessaires pour fondre l’huile et la cétine ; ils sont aussi munis d’ob- (:) A ce sujet nous pensons que dans leurs premiéres années les cachalots préfèrent les régions intertropica- les, et qu’ils ne s’avancent dans les hautes latitudes que lorsqu'ils sont complétement adultes et peut être dans un état de pléthore. (2) Ce sont MM. Quoy et Gaimard qui parlent. HISTOIRE NATURELLE jets d'échange pour se procurer des vivres frais dans quelque iîle de la mer du Sud. Des tonneliers sont embarqués pour mettre en ordre les pièces qui sont rangées dans le vaisseau , et qui, d’abord remplies d’eau, ne servent ensuite, et à mesure que la pêche avance, qu'à recevoir lhuile. La plupart de ces équipages sont quelquefois neuf mois sans commu- niquer avec la terre. En 1824 et 4825 la route que suivoient généra lement les navires baleinicrs (1) étoit de doubler d’abord le cap de Bonne-Espérance, de croiser dans les parages de Madagascar, de séjourner dans les Moluques, de se ravitailler à la Nouvelle-Zélande, de traverser les archipels des Amis, des Naviga- teurs, et quelquefois ceux des Carolines et des Mul- graves, et de se rendre, dans la belle saison, sur les côtes du Japon, puis revenir par les Gallapagos, les Marquises, relâcher au Chili, croiser devant la Motcha, y terminer la pêche et effectuer le retour en Europe, en doublant le cap Horn, après avoir traversé dans tous les sens le grand Océan pen- dant trois années environ, et fait le tour du monde. D'autres au contraire se dirigent sur les côtes du 3résil, croisent sur le banc de Patagonie , doublent le cap Horn, s'arrêtent à Valdivia et à la Concep- tion, se rendent à Payta, font de l’eau à Salengo, sur la côte de Guyaquil, et commencent leur grande pêche aux Gallapagos, et suivent, pour opérer leur retour, un ordre inverse aux précédents. Les gains qui résultent d’une pêche rapidement faite, en deux ans par exemple, sont énormes, et trois voyages suflisent pour-assurer une fortune in- dépendante au capitaine. Les baleiniers de la mer du Sud harponnent les cachalots et les baleines de la même manière. Bien que les termes techniques dont nous devions nous servir soient peu propres à donner de l'agrément à ce sujet, son importance pour notre patrie nous engage à le présenier à nos lecteurs sans en rien retrancher. Lorsqu'on aperçoit à l’horizon un cétacé, l’homme placé en vigie sur le mât de l'avant ne manque point de signaler l'aire de vent où il s’est montré. Des embarcations solides . sveltes et légères, nom- mées baleinières, suspendues le long du navire, et constamment munies des armes destinées à la pé- che , sont lancées à la mer (?). Les canotiers nagent (‘) Ce mot baleinier est donné aux navires destinés à la pêche du cachalot aussi bien qu’à celle de la ba- leine. = {) Ce qu'on nomme l'armement d'une baleiniére se compose d’un gouvernail, de septavirons, de cinq har- pons, dont deux en bataille sur la fourche, et munis de leurs lignes; les trois autres sont dans leur étui le long du bord: trois lances, dont une en bataille, c’est-à-dire prête à étre lancée ; une hache; ur couteau; une bouée DES MAMMIFÉRES. de manière à prolonger l'animal de la queue à la tête. Le harponneur se tient sur l'avant ; lorsqu'il se croit en position favorable pour lancer son fer, il fait un signal; les rameurs cessent de nager; il fixe la place qu'il doit frapper, et dirige avec vi- gueur le harpon, qui quelquefois et du premier coup blesse à mort l’animal dont il intéresse les principaux viscères. Mais il n’en est pas toujours ainsi : l'arme acérée ne fait que pénétrer le plus sou- vent les plans musculaires et n’occasionne qu’une émotion suivie d’hésitation de la part du cétacé , et le harponneur doit alors saisir ce moment rapide comme l'éclair pour lancer son deuxième fer. A ces coups l’animal, que la douleur irrite, plonge ver- ticalement à de grandes profondeurs, et ce mouve- ment, que les pêcheurs appellent sonder, néces- site des précautions extrêmes pour que les cordes attachées au harpon puissent se dérouler vivement et sans entraves : car si elles s’engageoient, et qu’un matelot ne füt pas assez alerte pour les couper, la baleinière seroit indubitablement chavirée, et les homnies qui la montent en danger de périr. Ces lignes ont communément quatre cent quatre- vingts brasses de longueur. Souvent on est forcé de tout filer, parce que le cachalot, qui n’est que blessé, nage avec d’autant plus de force que la douleur Pai- guillonne. Les baleiniers alors n’ont pas d’autre ressource que d’attacher à leur extrémité une bouée en liége que surmonte un pavillon et qu'ils jettent à la mer. Cette bouée, que l’animal entraîne sur le sein de l’océan, est la boussole qui les guide pour aller reprendre le bout de la ligne lorsque les forces du cétacé s’affoiblissent et que ses mouvements sont ralentis par la perte du sang qui s'échappe de ses blessures. Mais cependant, lorsque les pêcheurs s’apercoivent que le cachalot plonge brusquement dès le premier coup de harpon, ils ont soin de fiter la corde avec résistance, et, comme ils disent, à retour , de manière que l'animal puisse éprouver Mn obstacle permanent, qu’il surmonte il est vrai, mais qui use d’autant l’énergie de ses mouvements. Leur habitude, qu'éclaire l’expérience, est telle- ment faconnée à cette guerre d’extermination de ce géant de la mer, qu’ils s’apercçoivent, à la diminu- tion de tension des lignes, que le cétacé a besoin de s'élever pour venir respirer dans l'air, ou que la douleur dompte son courage, et ils ne manquent point alors de tirer la corde à eux en s’approchant presque à le toucher, et là de le frapper de nouveau jusqu’à ce qu’il expire. Le sang qui jaillit de l’évent avec son signal ; une ou deux lignes de deux cent qua- rante brasses chacune de deux pouces à peu près de dia- mètre, et bien lovées ou arrangées régulièrement dans une baille ou petite cuve en bois. Cette embarcalion à toujours à bord et de plus un mät, une voile et une pro- vision d’eau douce. LE 641 avec des colonnes d’air bruyamment expirées est le signal de Ja victoire, et les capteurs spéculent dès lors sur les produits qu’ils vont en retirer. Le ca: chalot expirant n’agite plusses nageoires, son corps devient inerte et roule sur les flancs; on l’attache et on le conduit jusqu’au vaisseau qui a cessé de faire route dès le début de la chasse, et qui fixe le corps de l’animal sur une de ses hanches ({). Alors on procède au dépècement ainsi qu’il suit : des planches sont mises en échafaudage sur le corps du cétacé ; les découpeurs lèvent le tissu cellulaire, en se servant de couteaux faits exprès, par larges ban- des régulières mais en spirale ; des matelots, armés de fourchettes de fer longuement emmanchées, font passer à bord ces quartiers de lard huileux, que d’autres hommes coupent menu sur un chevalet; d’autres enfin prennent ces derniers et les jettent dans la chaudière où ils doivent laisser échapper Phuile qu'ils contiennent. Lorsque le uissu cellulaire est complétement exprimé, et qu’il est réduit aux mailles membraneuses qui forment son canevas, on l’emploie comme combustible, et il sert à entretenir le feu sous les chaudières (?). L'huile clarifiée est mise dans des pièces en bois d’une grande capacité, et le blanc de baleine, qu’on ne purifie que lorsque toute l'huile du cétacé a été obtenue, est mis en dé- pôt dans des caisses en cuivre étamé, qui sont pla- cées dans l’entre-pont, à côté du grand mût, et dont les ouvertures communiquentavec le pont supérieur. Plus tard cette matière est fondue à loisir et avec soin, et mise dans de petites caisses en cuivre, auxquelles on ne touche plus jusqu’à l’arrivée en Europe. IL nous reste encore à mentionner un produit des cachalots que la médecine et surtout la toilette ont (:) Cette opération se fait par le moyen de deux caliornes affalées du grand mât : à l'une d’elles est at- taché un croc que l'on fixe profondément dans un trou pratiqué près de l’œil du cétacé, et de dehors en dedans, c'est-à-dire que la caliorne passe en dehors du corps, et vient se crocher dans le {rou pratiqué sur le côté qui touche au navire: l’autre caliorne est suspendue à une élinque qui soutient le milieu du corps. () Ces chaudières sont au nombre de deux : elles sont en cuivre, et placées dans un fourneau en brique, qu repose lui-même sur un réservoir plein d'eau praliqu sur le pont. Deux vases quadrilatéres, en cuivre, occt pont les côtés du fourneau : ils sont destinés à recevo' l'huile, résultat de la fonte du tissu cellulaire, et qi s'écoule des chaudières par des ouvertures pratiquée à leur bord supérieur. La partie la plus pure de cette hule coule par uve grille fermée par un robinet extériur placé en haut et sur un côté de chaque réservoir, etest reçue dans des caisses en fonte, où elle est prise vec une grande cuiller el jetée dans une manche ea)eau pour être dirigée dans les barriques arrangées dans la cale, et d’où elle ne doit plus sortir que pour ciculer dans le commerce, 81 642 rendu célèbre ; nous vouions parler de l’ambre gris. Les opinions les plus bizarres ont été émises au sujet de ceite substance, et il seroit oiseux de les reproduire; car quel avantage obtiendroit-on de discussions relatives aux idées des vieux auteurs, qui ne voyoient dans l’ambre qu’un bitume, de la cire ou du miel concrété? N’est-il pas reconnu au- jourd’hui, par des faits directs, que l’ambre gris est recélé dans les intestins des cachalots sous forme de boules dont le volume varie, et que cette matière précieuse se trouve rarement dans les jeunes indi- vidus, mais seulement chez ceux qui ont atteint leur entier développement, et qui sont dans un état maladif dont elle est la cause ou du moins le résultat ? Swediaur, médecin anglois, est regardé comme le premier auteur qui ait cherché à prouver que l’ambre gris étoit ou un bézoard, ou des matières endurcies dans les intestins des cachalots ; Swediaur fondoit ses raisons sur ce que celte substance étoit mélangée d’arêtes de poissons, et de becs cornés et durs de sè- ches (squid des Anglois), débris non douteux d'une élaboration digestive; ii s’étayoit encore de faits bien connus, tels que l’odeur ambrée qu’exhalent à di- verses époques les excréments de plusieurs bestiaux et des fouines. Maïs bien long-temps avant Swediaur, Marco-Polo(!), ce vieux et véridique voyageur qu’on a long-temps regardé comme un conteur, n’a-t-il pas dit en parlart des cachalots, qui alors étoient très communs sur les côtes de Madagascar : « Ils ont » anbre asez, por ce qe en cel mer a balene en grant » abondance ; et encore hi a cap doille (huile de la » tête ou cétine), et porce qe il prenent de ceste ba- » lene e de cesti cap dol asez, ont de l’anbre en grant » quantité , et vos savès que ta balene fait l'an- » bre(?). » L’ambre gris est mou, sans saveur particulière, plus léger que l’eau, aussi a-t-il la propriété de sur- nager. Sa couleur est d’un gris cendré rayé de jaune brunâtre et de blanc; son odeur est d'autant plus douce et d'autant plus suave, qu’il a davantage vieilli et qu'il se dessèche. L'ambre n’est presque entièrement formé que une matière cristallisable, nommée ambréine (3), ui s'obtient sous formes de houppes blanches et dé- ges, en traitant l’ambre gris à chaud par de l'alcool, €en abandonnant la liqueur à elle-même après l’a- Vir filtrée. Cette ambréine se rapproche beaucoup dla cholestérine on matière cristalline des calculs biaires dont elle se distingue non seulement par ( Voyages de Marco-Polo, Ffémotres de la Société de \éographie de Paris, t.1, p.232. (Les Indiens d'ailleurs lui donnoient le nom de min- unbr, qui signifie ambre des poissons. (G) Mémoire de MM. Pelletier et Caventou, Journal de Prarmacic, 1820, p. 46. HISTOIRE NATURELLE ses propriétés physiques, mais encore par sa fusion qui a lieu à 50 degrés, et par un acide particu- lier auquel elle donne naissance, lorsqu'on l’unit à de l'acide nitrique bouillant. Cette analogie ne vien- droit-elle pas corroborer son origine, si tous les pêcheurs de cachalots ne savoient d’une manière formelle que c’est au milieu du tube digestif qu’ils doivent chercher ce corps si parfumé que l’animal rejette au milieu des matières ronges et infectes qui constituent ses déjections ? L’ambre, ainsi débarrassé par l’eau qui le baigne des impuretés qui le souil- loient, flotte sur la mer, et est poussé par les cou- rants sur les sables des rivages, où de toute part on apprécie sa rencontre comme une bonne fortune. Les choses les plus précieuses, pour l’homme factice de la civilisation, n’ont point une origine plus pure : et n'est-ce pas au milieu des organes de la génération et près de lanus qu’il va puiser le musc ou la ci- vette dont il parfume son visage: et l’eau de mille- fleurs, si chère aux femmes mondaines, n’est-elle pas le résultat d’une composition bien merveilleuse il est vrai, puisque après avoir été puisée au sein de mille fleurs de la prairie, elle est distillée dans l'estomac d’un ruminant, et sécrétée ensuite par les organes de l'appareil urinaire ? Pour en revenir à l’ambre gris, les chimistes l’ont trouvé composé : d’'ambréine, 85 parties; de ma- tière balsamique douce , acidule, soluble dans l’eau et l'alcool, et qui paroît contenir de l’acide benzoïque, 2,5, d’une matière soluble dans l’eau; d’acide ben- zoïque et d’hydrochlorate de soude, 1,5; perte 41. L’ambre gris n'existe que très rarement dans les cachalots. Les navigateurs baleiniers affirment que souvent ils font deux ou trois voyages et des car- gaisons complètes avant d’en trouver. MM. Quoy et Gaimard rapportent que le capitaine en second du navire l'Océan, de qui ils tiennent le fait, eut une fois le bonheur d’en recueillir cinquante livres dans un seul animal. L’once de l’ambre se vend à Lon- dres de 20 à 22 francs environ. | Tout porte à croire que l’ambre est le résultat d’un état maladif des intestins, dont les mouvements pé- ristaltiques n’agissent plus sur les matières alimen- taires qui leur sont soumises. Or, comme les cachalots font une grande consommation de céphalopodes, il n’est pas le moindrement douteux que leur chair lardacée, coriace, parfumée et ambrée({), ne se convertisse en boules ou agglomérations de formes variées, qui se moulent en concrétions comme les calculs divers qui s'organisent chez l’homme. Le dia- bête sucré, d’ailleurs, qui transforme la saveur âcre et ammoniacale de nos urines en sirop doux et su- (‘) L’encre de Chine, qui exbale l'odeur d’ambre, ne doit cette propriété qu’à la grande quantité de noir de . sèche qui sert à la former. DES MAMMIFÈRES. cré, n'est-il pas une dégénérescence bien plus éton- nante et bien plus inexplicable encore? Un voyageur a émis l’opinion que l’ambre n’étoit qu’une modifi- cation du blanc de baleine résorbé par les bouches absorbantes des tubes digestifs. Cette idée n’est guère admissible, de même que celle de Lemery et de Formey, qui ont soutenu que l’ambre n'étoit autre chose que du miel modifié par de l’acide for- mique (1). L’ambre se trouve abondamment sur les côtes des archipels des Indes orientales : les Malais en esti- ment singulièrement le parfum, ainsi que tous les Orientaux , et en réservent la jouissance exclusive à leurs rajahs. Les côtes de Formose, des Moluques, des îles de la Sonde, du Brésil, des Antilles, de Madagascar, entre les tropiques, sont les lieux plus particulièrement reconnus pour fournir de l’ambre. La Chine et le Japon dans la zone tempérée australe, la mer Baltique et les côtes d'Europe dans la zone tempérée boréale, en produisent aussi quoiqu’en moindre quantité. L'ambre brut varie en couleurs et en pureté; il est souvent mêlé à un grand nombre de substances étrangères, et la cupidité surtout le dénature fort souvent en le sophistiquant avec des résines et des baumes. Sous sa forme primitive la plus ordinaire, l’ambre gris forme des boules dont le diamètre, dit- on, va jusqu’à un pied , et qui pèsent communément depuis une livre jusqu’à vingt et plus. La médecine a négligé l’usage de l’ambre dont les propriétés odorantes ne sont plus mises à profit que pour les eaux de sen eur, et pour mitiger ce que le musc a de trop fragrant et de trop expansible. LES BALEINES. Tous les cétacés que nous avons passés en revue nous ont, jusqu’à présent, offert pour attribut géné- ral d’avoir des dents aux deux mâchoires, parfois à une seule, tandis que les grands animaux qui com- posent la famille des baleines ont leur palais supé- rieur seulement recouvert d’une matière cornée, disposée par lames nommées fanons. Une telle modi- fication a dû nécessairement imprimer à l’économie des particularités de mœurs et d’habitudes remar- quables ; aussi les baleines sont-elles des habitants des mers doux et inoffensifs, que leur énorme cor- pulence ne défend point efficacement des attaques d’un grand nombre d’ennemis. Ces masses animalisées et grossièrement dégrossies qu’on nomme baleines ont donc, pour être isolées () I nous suffira de dire que Dudley a établi sans preuve ( Transact. philos., t. XXII) que l'ambre étoit produit dans un sac particulier, placé au-dessus des testicules du cachalot. 643 des agiles dauphins ou des gigantesques cachalots, des caractères précis et qui ne permettent point de les confondre avec eux. Ces caractères sont : nulle trace de dents (1); la mâchoire supérieure disposée en toit renversé ou en carène , et garnie de lames de cornes transversales, ou fanons, disposées de cha- que côté et sous forme de feuillets minces, très ser- rés , et eflilés à leur extrémité; un évent, placé au milieu du sommet de la tête, où il s’ouvre par deux orifices séparés par une cloison. Les baleines sont susceptibles d’être divisées en deux sous-genres, suivant qu’elles ont une nagcoire dorsale, ou que le dos est parfaitement uni. Le pre- mier comprendra les baleines à nageoires ou ba- leinoptères (balænopteræ, Lacép.), et le second les baleines sans nageoire ou vraies baleines (ba- lænw, L.). Linné à réani dans un seul genre toutes les ba- leines connues de son temps, ou du moins celles que l'on croyoit conuoître, et les baluna, pour le père de l’ordre méthodique en histoire naturelle, se com- posoient de six espèces qu’il nommoit mysticelus, hysalus, boops, gibbosa, musculus et rostrata Jonnaterre, car nous croyons inutile de nous occuper de ceux qui ont copié ou à peine moditié quelques parties du Systema Naturæ, Bonnaterre, dans sa Cétologie, forma son premier genre des baleines, et comprit, 1° dans Ja division des espèces sans nageoi- res, la baleine franche (B. mysticetus, L. var. A.), le nord-caper (B. mysticetus, var. B. L.; B. glacia- lis. Klein) ; 2° parmi les espèces ayant une nageoire ou des bosses, le gibbar (B. physalus, L.), le tam- pon (B. nodosa, Klein), la baleine à bosses (B. gib- bosa, Klein) ; 5° dans les espèces à plis sur le ventre, la jubarte (B. boops, L.), le rorqual (2. musculus, L.), et la baleine à bec (B. rostrala, L.). M. Lacépède, mettant à profit les travaux de ses devanciers, reprenant en sous-œuvre les renseigne- ments incomplets, mutilés et hétérogènes de Sib- bald, d’Artédi, de Klein, d'Anderson, de Dudley, de Müller, de Crantz et d'Eggède, bâtit sur les fon- dements posés tant bien que mal par Bonnaterre, et divisa le genre balæna en deux sous-genres. Le pre- mier, caractérisé par le manque de bosse sur le dos, comprend les B. mysticetus el nord-caper, et le se- cond, particularisé par une ou plusieurs bosses, a pour types les B. nocosa et gibbosa. Mais M. de Lacépède distingua les baleines munies d’une na- geoire, auxquelles il appliqua, pour les distinguer des précédentes, le nom de baleinoptères (?), et il les () M. Geoffroy Saint-Hilaire a découvert, dans un fœ- tus de baleine. des germes de dents à la mâchoire infé- rieure, qui paroissent tomber de très bonue heure. (Ann. Muséum, t. X, p. 365.) (2) De balæna et pteron, aile ou nageoire, pour dire baleine à nageoïre, dorsale bien entendu. 644 subdivisa également en deux sous-genres. Le pre- mier, sans plis sous la gorge ni sur le ventre, à reçu le ibbar (balænoptera gib ar, Lacép.), et le second, ayant des plis longitudinaux sous la gorge et sur le ventre, a trois espèces, qui sont la jubarte, le ror- qual et le museau-pointu (balænopteræ jubartes, rorqual et acuto-rostrata, Lacép.). Depuis Linné, tous les méthodistes avoient donc augmenté le nombre des baleines connues, en éle- vaut successivement au rang d’espèce des variétés. Ces espèces n’éloient pourtant point ignorées de Linné, qui ne les avoit considérées que comme de simples variétés, et qui les avoit négligées parce que Klein, leur principal auteur, ne les avoit établies que sur des caractères confus et insaisissables. Brisson, qui étoit passionné pour les divisions, quelles qu’elles fussent, ne manqua point de les adopter, et son exemple fut imité par tous les naturalistes qui le suivirent. Et cependant Eggède n’a connu que trois baleines, l’une qu’il nomme poisson à fanons, c’est la baleine franche ; une seconde, qui a une nageoire, et que pour cela on appelle finne-fiske (le rorqual ) ; et la troisième, qu’il décrit en la désignant par l’é- pithète de nerd-kapper. Mais cette dernière ne re- pose que sur des oui-dire, et d’ailleurs ce nom de nord-kapper n’a-t-il pas été donné à des cétacés fort différents, et même au cachalot? Anderson, établi à Hambourg, et cherchant dans son cabinet à faire concorder les dépositions des capitaines baleiniers qu’il interrogeoit avec les descriptions des voyageurs et des naturalistes de son temps, n’est point une source qu'on ne puisse suspecter. 4i proposa dès 1754 la distinction de baleines à dos uni et de baleines à dos raboteux. Dans la première division il n’admet- toit que la baleine du Groenland (le nord-kapper), et dans la seconde, le finn-fisch (le gibbar), le pois- sou-Jupiter (la iubarle); et encore avoue Lil (1) qwil ne sait comment déterminer cette dernière. Son psiock-fisch est la balæna boops de Einné ; le knoten- fisch ou Enobbel-fisch et aussi srag-whale de Dud- les n’est établi que sur une phrase insignifiante du n° 587 des Transaclios philusophiques, bien qu'on en ait fait la balæna nodosa. Othon Fabricius, ce ministre protestant établi au Groenland (?), dont les descriptions sont en général faites d’après nature, mais dont la synonymie est presque constamment fautive, a déerit cinq especes de balæna: les mysticetus, physalus (rorqual), boops, musculus (nori-kapper, Eggède), et ros- trata. Mais on voit qu’il n’a vraiment vu que deux des espèces qu’il mentionne. Les renseignements les plus modernes et les plus circonstanciés que nous ayons sur les baleines sont (‘) Hist. nat du Groenland, t. If, p. 95. E) Fauna groënlandica, in-8o, Hafniæ, 1786, p. 32. HISTOIRE NATURETILE dus à Scoresby (1), Cet observateur exact, qui a donné la première bonne figure que l’on ait de Ja baleine franche, décrit donc les balæna mysticetus (Groen- land iwhale), la balænoptera gibbar (B. physalis, L. Razo:-back des baleiniers), la balænoptera ror- qual (B. musculus, L.; broad-nosed whale), la ju- barte (B. boops, L.; finner), et l’'acuto-rostrala de Lacépède (PB. rostrala, L.; beaked-whale). Mais M. Scoresby comme ses devanciers n’a encore men- tionné plusieurs de ces espèces que d’après des des- criptions écrites, et n’a vraiment vu que la baleine franche et la baleinop'ère museau pointu, dont il donne un assez bon portrait (?). Persoïne n’avoit donc jusqu’à ce jour osé porter un œil investigateur sur cet échafaudage d’espèces, ne reposant pour la plupart que sur des passages obscurs de vieux auteurs décorés de noms de pé- cheurs, qui doivent différer suivant chaque nation. M. Cuvier seul 5) entreprit de débrouiller ce chaos, de remonter aux autorités premières, et de soumettre au creuset de la discussion la valeur des prétendus caractères assignés à chacune de ces baleines. Il en est résulté des distinctions précises constantes pour deux d’entre elles; mais les autres, formées au gré des caprices des nomenclateurs, durent s’écrouler devant un examen approfondi et consciencieux Déjà nous avions pu nous apercevoir que deux espèces de baleinoptères à ventre plissé étoient purement no- minales, parce qu’en recevant la description d’un grand cétacé échoué sur les côtes d’Oleron nous avious eu la certitude que tous les caractères du ror- qual et de la jubarte lui convenoient à la fois. Quant à la balwnoptera rostrata de plusieurs auteurs, il n’est pas douteux que ce ne soit l’andon de Dale dé- crit page 594 de ce volume qui ait servi de type à son établissement. Le gibbar ou finn-fisch a primitivement été figuré par Martens, qui ne parle point dans sa description de plis sous la gorge, de sorte que beaucoup d’au- teurs croient à l'existence de cette grande baleinop- tère, et la séparent par conséquent des espèces à ventre plissé où rorquals. M. Scoresby lui-même décrit un rorqual sous ce nom de fina-fisch d’après des renseignements fournis par des pêcheurs, et non par conséquent d’après son propre témoignage. Il en résulte donc que Martens à fort bien pu ne pas voir ou oublier les fronçures qui couvrent la partie inférieure du corps ; et cette opinion, qu'a émise M. Cuvier, est d'autant plus probable que Martens ne parle point du rorqual, et que personne depuis ce vieux voyageur n’a décrit le gibbar. Ce nom d'’ail- leurs, qui signifie baleine bossue, lui a été donné (:) Account of the arctic Regions, t. I, p. #49. (2) Tome If, pl. 15. (>) Oss. foss., t. V, p. 359 et suiv. 4 ( ë € 1 squat . De Balacnoptera borealis = DES MAMMIFÈRES. 645 par rapport à sa nageoire dorsale, et on le trouve également appliqué au rorqual et même à la jubarte. Le nom «ie cette dernière ne paroit être également pour M. Cuvier qu’une corruption de gibbar. Quant à l’étymologie de l’épithète de poëss.n de Jupiter que lui ont consacrée divers pêcheurs du Nord, il seroit ridicule de s’y arrêter, car elle ne peut être que le résulat d’un caprice d’une classe d'hommes peu éclairés. Enfin le mot balæna, dans les anciens auteurs, doit, dans le plus grand nombre des cas, s'entendre par cétacés en général, comme Aual où whale dans le Nord est la traduction littérale du celus des Grecs. LES BALEINOPTÈRES. Balænop'ere. Lacrr. Les baleinoptères diffèrent non seulement des ba- leines, parce que leur corps moins massif, moins épais, plus allongé, est surmonté d’une nageoire dor- sale, mais aussi par des plis nombreux dont l’usage n’est pas encore connu, et par des modifications im- portantes dans la configuration de quelques parties du squelette. Ce nom de rorqual signifie, chez les Norvégiens, une baleine à tuyaux. Ecoutons ce que dit au sujet des espèces admises dans ce genre un profond zoologiste (1) : « Les no- » mernclateurs, en admettant trois espèces dans le » Nord, y paroissent autorisés par les indications de » quelques voyageurs; mais quand on vient à exa- » miner les figures et les descriptions sur lesquelles » ces espèces reposent, on ne trouve aucun moyen » d’en tirer des caractères distinetifs. Tous ces ani- » maux ont la tête aplatie horizontalement, un sque- » lette autrement fait que dans les baleines propre- » ment dites, la mâchoire inférieure un peu plus » longue que l’autre, la peau de la poitrine et de la » gorge sillonnée d’un grand nombre de plis longi- » tudinaux et susceptible de dilatation, les fanons » courts, durs, et s’effilant en soies £rosses ei cas- » santes ; une nageoire à l'arrière du corps, courte » et épaisse, et ressemblant à une bosse. Quand on » vient à examiner en détail les témoignages sur ces » prétendues trois espèces, on ne trouve personne » qui en ait vu plus d’une, je ne dis pas ensemble, » mais même successivement, et chaque auteur est » toujours obligé de s'en rapporter à des témoignages » étrangers. » Avec une telle autorité nous craignons moins de n’admettre que quatre espèces seulement Ge balei- noptères ; trois d’entre elles reposent sur un examen comparatif de la charpente osseuse, et méritent par () Cuvier, Oss, foss., t, V, p. 365. cela même une entière confiance : ce sont les ror- quals du Nvrd, de la Méditerranée, et austral; Ja quatrième espèce, beaucoup moins distincte, n’a pour type que la figure, au’on dit exacte, publiée dans l'ouvrage de M. Scoresby sous le nom de ba- leinoptére museau pointu. LE RORQUAL DU NORD. Balænoptera borealis. Less. (1). Dans la description de cette espèce comme pour les suivantes, il ne s’agit plus de résumer les ancien- nes opinions, de les confronter avec les témoignages des observateurs les plus dignes de confiance, mais bien de débuter par des faits positifs et irrécusables; c’est-à-dire que, loin de donner carrière à limagi- nation, notre rôle doit se borner à préciser avec sé- vérité les caractères de c'iacune des espèces que nous établissons , et on nous pardonnera par suite de nous étaver principalement de recherches anatomiques. Le crâne du rorqual du Nord diffère notablement de ceux des rorquals de la Méditerranée et de l’hé- misphère sud. n museau, dit M. Cuvier (2), est » plus large à proportion et sa partie inter-orbitaire » est plus étroite, en sorte que ces bords extérieurs » paroissent plus d’une venue, et ne forment point » une si forte. dilatation à la région inter-orbitaire. La » ligne postérieure de celte partie du frontal qui se » rend sur l'orbite n'est ni précisément transversale » comme dans le rorqual du Cap, ni dirigée en avant » comme dans celui de la Méditerranée, mais elle » se dirige obliquement en arrière. Les os du nez » sont aussi longs à proportion que dans le rorqual » du Cap, mais leur figüre est à peu près reclangu- » laire; la ligne externe, formée par Porbite et l’ar- » cade zygomatiq ue, est moins arrondie. Sa mâchoire » inférieure est aussi beaucoup moins arquée en de- » hors, et, au lieu d’être un peu convexe en dessous, » elle prend dans le sens vertical ane courbure con- » traire. A en juger (3) par les planches de MM. Al- »_bert et Rudolphi, l’omoplate du rorqual du Nord » seroit encore plus large d'avant en arrière que celui » de la Méditerranée ; son angle postérieur surtout » seroit plus saillant et plus aigu. Les mains parois- » sent y être aussi bien moins allongées que dans » celui du Cap. Le squelette conservé à Berlin a cin- » quante-quatre vertèbres. M. Rudolphi n’y compte » que cinq cervicales; mais il y en avoit sept dans » celui de J. Hunter, comme dans notre squelette » du Cap. Hunter et Albert ne trouvent que douze () Balæna boops, L. (2) Oss. foss., t. V, p. 373, pl. 26, fig. 6. (3; Cuvier, Oss, foss., t. V, p. 383. 646 » dorsales et douze paires de côtes : M. Rudolphi a » treize côtes, dont la première s'attache à deux ver- » tèbres ; ainsi il compte quatorze dorsales. Ce n’est » qu'après la quinzième lombaire que commencent » les os furcéaux : il y en à quatorze; les six der- » nières caudales manquent seules de ces os et de » vestiges d’apophyses épineuses. » Telles sont les particularités anatomiques qui dis- tinguent le rorqual du Nord des autres espèces. Nous serons assez heureux pour y joindre le résultat d’un travail inédit de M. Souty, chirurgien de la ma- rine, que le conseil de santé du port de Rochefort expédia à l'ile d’Oleron pour observer et décrire un de ces cétacés échoué sur le rivage. Ce jeune ofli- cier de santé nous a fait parvenir, avec ce mémoire, plusieurs dessins exacts, dont l’un représente le cé- tacé en entier, et les autres des détails d'ostéologie. Mais une esquisse du crâne nous à offert la plus grande analogie avec la figure de la pl 26, fig. 6, des Ossements fossiles ; aussi réunissons-nous sans aucun doute cette espèce à celle de M. Cuvier. Nous rapporterons les observations détaillées de M. Sou- ty, en élaguant quelques considérations générales inutiles. Le 10 mars 1827, à la suite ort coup Ce vent de N.-0. qui bouleversoit quinze jours Ja mer qui baigne les côtes de l’Aunis et de la Sain- tonge, le cadavre d’un rorqual du Nord fut jeté sur les sables de l’ile d'Oleron, et devint bientôt la proie d’une putréfaction rapide. Il avoit les dimensions suivantes : Pieds. Pouce, Lig. Longueur depuisie bout du museau jus- qu’à l'extrémité de la nageoire candale 2 ne Re OZ DS ———— jusqu'à la racine de la queue. 48 3 » ———— dela nageoire caudale, de sa racine à son éxtrémilé, . . 5 9 » — de sa racine à sabifurcation. 3 » » Hauteur du corps, mesurée de la vulve à la parlie correspondante du OS En pi ns su AS UE ———— à la naissance des nageoires PECIOIAIES <. sde Se D. à Largeur de la tête dans le diamètre ver- tical de l'œil... . Ch hab dun ue Li à Mlésd Ss Longueur de la mâchoire supérieure du bout du museau à la commis- sure des lèvres, . LT ———— de la mâchoireinférieure. . 12 6 » Largeur dela mâchoire supérieure, prise ; au niveau de l'extrémité anté- rieure dé l'orifice des évents. . 3 G » ———— de la mâchoire inférieure à sa partie moyenne. . . . ———— à la Commissure des lèvres. ———— à un pied de son extrémilé an- Lérieure MINES Diamètre longiludinal de l'œil. . ———— vertical de l'œil.. . © a 2 sut 1 » » “à » 9 » HISTOIRE NATURELLE Mesure de l’écartement des paupières en longueur. . » #% » ———— a vVentiCale Ent NUS Longueur des orifices aes évents. : . 4 2 » Mesure de leur écartement à leur ex- TÉLÉ NOSICRIEURC RON EL NE ————— antérieure . . . y» 14 9 Distance de l'extrémité antérieure de l'orifice desévents au bout du museau. 8 % » Distance de l'extrémité postérieure des évents à la commissure antérieure de CRE RER PEER MAT Largeur des orifices des évents à leur extrémilé postérieure, . , » » 10 antérieure. M0 M SZ ———— à leur partie moyenne. . . » » 6 Distance de l'œil à la commissure des lèvres. RC RE cad LRO D à la nageoire pectcrale. , , #4 G » Longueur de la nageoire pectorale. . 6 » » Largeur à la partie moyenne. , . . . 14 8 » Longueur (estimée) de la nageoïire dor- SAIC: 2 ee MEN cc RSR D) EE) de TA VUIVEs 5 PARENT L'MBeUr TEA NOIVES MS UE Diamètre de l'ouverture anale, . . . » Distance Ge l'anus à la racine de la queue eee oh ice le; siettié MORT ED) A LAIVULVES etude em dla 00 St Longueur du sillon de la mamelle, . . » 4 » Largeur moyenne des plisabdominaux. » 2 La forme générale du corps est celle d’un im- mense cylindre beaucoup plus gros vers la tête, et quis’amincit graduellement jusqu’à la queue. La na- geoire dorsale est peu développée, obtuse au sommet et placée vis-à-vis l'anus, presqu’aux quatre cinquiè- mes de la longueur totale. Les pectorales sont assez éloignées de la commissure de la bouche; elles sont minces, étroites et pointues au sommet. La tête est massive, sans dépression sensible avec le corps ; les évents ne sont point à la partie la plus élevée, mais assez en avant de l'œil; la mâchoire supérieure descend assez brusquement vers l’inférieure, et est beaucoup moins large et beaucoup moins longue qu’elle. L’œil est placé à la commissure et près de son bord. La mâchoire inférieure se relève consi- dérablement, au point d'être du double plus épaisse que la supérieure : des sillons nombreux la recou- vrent en entier et s'étendent jusqu’au baut du ven- tre ; la nageoire caué@ale, échancrée au milieu, a ses lobes presque triangulaires et à pointes obtuses. Ce cétacé , déjà altéré, n’offroit qu’une teinte grise ar- doisée assez uniforme. Telle est la description peinte à grands traits du rorqual du nord d’après la figure que nous devons à M. Souty. Si nous entrons avec lui dans des dé- tails plus circonstanciés, nous verrons que les plis longitudinaux du ventre commencent dès le bout du museau, et s'étendent jusque vers le milieu de l'abdomen. Ces plis ont jusqu’à trois pouces d’épais- DES MAMMIFÈRES. seur à leurs extrémités, maïs ils sont moins larges au centre et séparés par des intervalles peu profonds. La tête a été trouvée constituer presque le qaart de la longueur totale de l’animal : elle diminue promp- tement de largeur pour se terminer en pointe vers le museau : la mâchoire inférieure dépasse la supé- rieure de dix-huit pouces; elle est aussi un peu plus large. La vessie aérienne avoit huit pieds en- viron et formoit une poche oblongue et allongée. Les fanons n’existoient point, et avoient été proba- blement enlevés par les habitants de la côte : quel -- ques brins, semés çà et là, et de-couleur blanchà- tre, n’imitoient pas mal par leur aspect des erins de sanglier; leur longueur ne dépassoit pas quatre pouces. La langue étoit de consistance molle et spon- gieuse, formée d’un tissu rougeâtre à sa base, et blanc lardacé dans le reste de son étendue; l’épi- dermê qui revêt sa partie postérieure étoit lâche et plissé, couvert d'épaisses rides qu’on ne peut com- parer qu’à celles d’un scrotum. La commiseure de la bouche est arrondie, recourbée et froncée par quelques rides; l'œil est entouré de sortes de pau- pières épaisses et fermes, très peu mobiles et for- mées d’une peau graisseuse ; leur ouverture est très petite, de manière que la cornée est à peine visible dans toute son étendue. Le nerf optique à un pouce de diamètre ; le globe de l’œil est mû par des mus- cles épais, et ne roule point sur du tissu cellulaire graisseux remplissant le fond de l'orbite, comme cela se remarque chez les autres mammifères. Ce globe oculaire avoit dix pouces de circonférence, la cornée un pouce de diamètre, et la sclérotique un pouce d'épaisseur en arrière; elle s’amincil à me- sure qu’elle devient plus antérieure. L'orilice exté- rieur de l’orville n’étoit point perceptible : seule- ment une petite membrane, tendue äu niveau de la peau, est tout ce qui indique un organe de recueille- ment. M. Souty l’a trouvée placée à distance environ d’un pied derrière l'œil; l’os de l'oreille intérieure n’imite pas mal la coquille univalve nommée ovule : il est compacte, blanc et très dur ; un deuxième os allongé isolé s'adapte au premier, dont il paroit être la continuation ; dans sa première portion on remar- que des anfractuosités, et il prend un aspect ligneux, de blanc, de dur et de compacte qu’il était. Les ouvertures extérieures des deux évents ont quatorze pouces de long; elles sont distantes l’une de l’autre de deux pouces seulement en avant, et de neuf en arrière ; le bourrelet musculaire qui en- toure chacune d'elles est formé de fibres tendineu- ses, adhérant d’une manière tenace sur les parois osseuses, Les nageoires pectorales ont six pieds de lon- gueur et dix-huit pouces de large à leur milieu ; leur bord antérieur est épais, tandis que celui qui 647 dorsale avoit été déchirée; la caudale étoit formée de deux lobes, ayant chieun cinq pieds et demi de largeur ; la couche de graisse perd peu à peu de son épaisseur à mesure qu’on avance vers la queue, et devient à demi fibreuse ; des filets nerveux, de trois pouces de diamètre, et qui côtoient la colonne ver- tébrale, paroissent avoir pour fonction de mettre en jeu les larges blocs de la queue, L'ouverture anale étoit arrondie, et n’avoit pas moins de neuf pouces de circonférence; elle étoit placée à douze pieds de la nageoire caudale ; un muscle constricteur assez épais en maintient l’ou- verture fermée. Ce rorqual étoit un individu femelle; l'examen de ses parties naturelles montra que la fente exté- rieure de la vulve étoit longue d’un pied sur quatre pouces de large ; elle étoit entourée de sortes d'ap- pendices libres, longs de deux ou trois pouces, si- mulant des sortes de poils. Deux à trois pouces et plus. en avant sur la ligne médiane, M. Souty ob- serva un point proéminant qu’il fut tenté de consi- dérer comme la trace de l'ouverture ombilicale. De chaque côté de la vulve est placé un sillon au milieu duquel est logée la mamelle, que termine un mamelon gros comme une noix, percé d’un canal, dont l’orifice béant pourroit recevoir une plume à écrire. Les chairs étoient d’un rouge vif, et la couche graisseuse avoit de six à sept pouces d'épaisseur le long de la colonne vertébrale et à la nuque, tandis que sur le ventre elle n’étoit que de deux ou trois pouces. Le derme étoit partout rugueux et très épais. Le cœur, long de quatre pieds, étoit entièrement musculeux ; un péricarde blane et dur l’envelop- poit; la crosse de l’aorte avoit dix pouces de dia- mètre, et ses parois évidemment fibreuses cinq à six lignes d'épaisseur. Des cerceaux cartilagineux, lar- ges d'un pouce, séparés par une membrane fibreuse, formoient la trachée-artère, divisée au niveau de la crosse de l'aorte pour pénétrer dans les poumons ; le diaphragme, obliquement situé entre le thorax et l’abdomen, offroit des fibres rosées, dirigées longi- tudinalement etentrecoupées de distanceen distance de bandes aponévrotiques ; son épaisseur, dans sa partie moyenne, étoit de cinq pouces, Tous les viscères contenus dans l’abdomen étoient dans un tel état de putréfaction, que M. Souty ne put se livrer à leur examen. Seulement il reconnut que l'æsophage étoit long à peine de neuf pouces, et qu'il aboutissoit à une suite de cavités ou d’esto . macs qui lui parurent au nombre de cinq, et de grandeur différente. F1 compare le second, beaucoup plus développé que les suivants, et dont les parois épaisses sont recouvertes de froncures, au troisième Jui est opposé est d’une grande minceur ; la nageoire | estomac des ruminants ; et ce rapprochement, que 648 plusieurs auteurs ont déjà fait pour l'estomac des marsouins, prouve que par quelques particularités de leur squelette, comme par la structure intime de leurs viscères, les rorquals ne diffèrent point très notablement des dauphins; la vessie, de forme ovalaire et presque cartilagineuse à son bas-fond, offroit dix-iuit pouces de longueur; les organes sexuels étoient putréfiés ; les matières fécales avoient une odeur fragrante et très fétide ; elles étoient de consistance pâteuse, et divisées en boules de la grosseur du poing et colorées en rouge brun. Le crâne avoit treize pieds de longueur sur cinq de largeur à sa partie postérieure ; on comptoit trente côtes, dont les dimensions alloient en augmentant jusque vers le milieu du thorax pour diminuer en- suite; chaque côte est renfermée à l’état frais dans un périoste disposé en gaine membraneuse d’un blanc satiné intérieurement, et que lubrilie une es- pèce de synovie analogue à de la crème de lait. Le sternum est petit et plat; on comptoit quarante- six vertèbres complètes sans y réunir celles qui s'engagent dans la nageoire caudale, et qui sont au nombre de dix-sept. Les sept cervicales étoient pe- tites, isolées et séparées dans leur corps par des lames détachées, formées de de ques osseuses mobiles l’une sur l’autre au mo ‘une substance fibro-cartilagineuse intermédiaire très mince. Les os des nageoires pectorales ou des membres anté- rieurs étoient encore épiphysés. Une bande fibro- cartilagineuse entouroit les bords de l'omoplate. Il y avoit quinze os en V; toutes les pièces os- seuses étoient d’ailleurs complétement formées, dures et compactes, et épaisses à leur surface. Tels sont les détails dont nous sommes redeva- ble à M. Souty; et quoiqu’ils nous laissent encore beaucoup à désirer, ils sont, malgré tout, d’un haut intérêt, puisqu'ils fixent nos idées sur l’organisation d’un cétacé dont les formes extérieures ont été con- fondues avec d’autres espèces dans les descriptions des anciens auteurs. Le rorqual du nord échoué sur la côte d’Oleron étoit un jeune individu, et cependant il avoit cin- quante-quatre pieds. Il est donc susceptible d’ac- quérir des dimensions encore plus considérables, et sans doute d’atteindre soixante, soixante-dix et quatre-vingts pieds, taille que l’on donne au gibbar. Si nous examinons maintenant les descriptions données par les auteurs, nous verrons que la p'u- part des caractères qu’ils assignent à leurs diverses espèces sont incertains. Le gibbar(t) est le plus grand des cétacés, car on () Finnfisch, Martens, Spitzb., p. 425, pl. 2; gibbar, Rond., Bonnat.,, Cét. ; balæna physalus, L.; balænop- tera gibbar, Lacép.;rasor bach des baleinicrs, Scoreshy, 4. 1,p.478. HISTOIRE NATURELLE dit qu’il peut acquérir jusqu’à cent pieds de lon- gueur, sur une circonférence de trente à trente- cinq ; son corps n’est point c\lindrique, mais con- sidérablement comprimé sur les côtés, et anguleux sur le dos; il diffère de la baleine par une plus grande longueur du corps et par moins d’ampleur. Il fournit peu d’huile, et ses fanons ne dépassent pas quatre pieds dans leur plus grande dimension. : Sa couleur est un bleu noir ou bleu gris sombre as- sez analogue à celle de la baleine. Une petite pro- tubérance s'élève à l'extrémité du dos: le bruit que fait l'air chassé par les évents est très fort, et peut s'entendre à plus d’un mille. Ce cétacé est redouté des pêcheurs du nord, par ses mouvements brusques et violents. Il nage avec une extrême rapidité; et lorsque les barponneurs se trompent et le prennent pour l'espèce franche, il est rare qu’ils n'aient point à se repentir de leur méprise. M. Scoresby rapporte qu'il fit plusieurs tentatives pour s'emparer d’un gibbar, et que, mal- gré toutes les précautions dont il usa, il ne put réus- sir à accomplir ce dessein. Un de ces animaux qu’un baleinier avoit frappé plongea si brusquement, que quatre cent quatre-vingts brasses de cordes furent déroulées en une minute de temps ; tous échappè- rent, parce que leurs violentes saccades firent rom- pre les lignes attachées aux harpons. Le gibbar a une tête petite comparée à celle de la baleine franche, des nageoires pectorales longues et étroites, une queue large de douze pieds, et, dit M. Scoresby, la peau lisse, excepté sur les côtés de la poitrine, où on remarque des sillons(t). On le dit très commun dans les mers arctiques, le long des montagnes flottantes de glaces, entre l'ile Chérie et la Nouvelle-Zemble, et près aussi de l'ile de Jan-Mayen. Il se tient de préférence aux environs du Spitzberg, par 70 et 76 degrés, mais lorsque la mer est ouverte, dans les mois de juin, juillet et août , il s’avance jusque vers les 80 de- grés. M. Scoresby suppose que c’est une baleinop- tère de cette espèce, longue de cent un pieds, que l’on prit en septembre 1750 sur le banc de Humber. Othon Fabricius, dans sa Faune du Groenland, ne décrit sa balæna physalus que d’après les auteurs, et il lui donne pour synonymes les noms de finnfisk d'Eggède et de Crantz, de rorqual de Stroïn, de physceter de Jonston, et de Jupiter-fish d'Anderson. Cette espèce, dit-il, se nourrit de clupées, du sal- mone arctique, et d’autres poissons de petite taille. () M. de Lacépéde, au contraire, a fait son premier sous-genre des baleinoptères qui n'ont point de plis sous la gorge ni sous le ventre, et il y a placé le gibbar ; mais M. Scoresby entend ici, sans aucun doute, le phy- salus d'Olhon Fabricius, qui n’est point le gibbar, mais bien le rorqual de M. de Lacépéie. DES MAMMIFÈRES. 649 Mais il n’en est pas de même de sa balæna bcoys, et ben que certaines particularités ne conviennent point à notre rorqual du nord, tout porte à croire à l'identité de ces espèces. Comme le boops a été décrit par Fabricius (1), d’après l’examen d’un grand nombre d'individus, nous croyons devoir rappro- cher ce qu’il en dit, des faits que nous avons pré- sentés sur l'individu échoué sur les côtes de France. La baleine boops (?) a le corps arrondi, très épais vers les nageoires pectorales, et s’amincissant gra- duellement jusqu’au bout de la queue. Sa tête est oblongue, disposée en pente déclive et terminée par un museau large et obtus; les évents ont deux orifices qui s'ouvrent au centre d’un tubercule placé sur le milieu de la tête, e{ qui sont tellement rappro- chés l’un de l'autre, qu’ils semblent n'enfaire qu'un seul (3); trois rangées de p'otubérances disposées circulairement les précèdent; la mâchoire infé- rieure est un peu plus courte et plus étroite que la supérieure, et est oblique(#); les yeux sont noirs et placés derrière les évents et sur les côtés de la tête. Les ouvertures des oreilles forment deux trous presque imperceptibles derrière l'orbite. Les fanons qui garnissent la mâchoire supérieure sont noirs et ont à peine un pied de longueur ; le palais est blanc, la langue large, rugueuse, grasse, de couleur hépa- tique, donne naissance à une membrane lâche qui s'étend sur le gosier, et semble lui servir de voile; les nageoires pectorales soit grandes, ovalaires, ar- rondies et sinuolées en avant ; les deux lobes de la queue sont séparés par une échancrure, et terminés en croissant. De dessous le museau, jusqu’à la région anale, partent des sillons qui se réunissent par pai- res, et qui forment des angles aux deux extrémités ; les deux sillons extérieurs sont toujours les plus longs, et l’animal a la faculté de les dilater ou de les resserrer à volonté, Le dessus du corps est noir, et le dessous du museau ainsi que les nageoires pecto- rales sont blanchâtres ; les sillons sont rougeâtres (5), et le ventre est marbré de noir et de blanc. La na- geoire dorsale est très éloignée du corps; elle oc- cupe la partie postérieure du dos vis-à-vis l’anus ; () Othon Fabricins, Faune du Groenland, p. 36 à 39, (2 Balæna boops. L., Fab. ; pflok-fisch, Anders., t. II, p. 101 ; la juourte, Lacép.; Cét., Bonnat., p. 6; Sco- resby, t.1, p. 48%. () Les phrases imprimées en ilalique indiquent des caractères opposés à ceux que nous avons rapporlés en parlant du rorqual échoué en 14827 sur le rivage de l’île d’Oleron. (£) N'y auroit-il pas quelque transposition de mot ou une faute typographique? car si cette particularité existe réellement, nul doute que la jubarte ne soit dis- tincte du rorqual. (5) L'état de corruption qui s’étoit rapidement emparé du rorqual d'Oleron n'a pas permis de décrire les cou- leurs de la peau. 1. sa forme est comprimée, plus large à sa base et ai- guë à son sommet qui est légèrement reconrbé ; un peu avant cetle nageoire dorsale, commence à pa- roître une carène qui se continue jusqu’à la queue. La baleine boops atteint de cinquante à cinquante- quatre pieds ; sa chair est rouge, et son lard peu épais. Elle se tient communément vers les 61 à 65 degrés de latitude nord, et ne s'approche des attérages que dans la belle saison ; ce n’est guère que dans l’été qu’on la voit s'engager dans les baies du Groenland ; elle ne produit qu'un seul petit, qui ne quitte sa mère que lorsque ses forces sont assez développées pour ne plus réclamer ses secours. Sa nourriture se compose principalement de poissons, et surtout des saumons du nord, de l’ammonite to- biane et de l’argonaute arctique. Fabricius rapporte que la baleine boops dilate les nombreux sillons qui couvrent sa poitrine, lors- qu'elle veut avaler sa proie, et que le rouge de ces plis, par opposition avec les taches de deux couleurs du ventre, le noir de ses fanons et la blancheur de sa gorge, lui donnent une parure plus brillante en apparence que celle à teintes foncées et sans con- traste des autres espèces. Eile chasse avec moins d'énergie des colonnes d’eau par ses évents; elle est aussi peu de temps submergée. Souvent, dans les beaux jours, elle reste sans mouvement sur la sur- face de l’eau comme si elle dormoit. Ses mœurs sont timides. et elle redoute parmi ses ennemis une espèce de dauphin qui la harcèle et la poursuit sans cesse. Les moindres blessures qui l’atteignent sont mortelles, suivant Fabricius, parce que la gangrène s'en empare presque aussitôt; mais peut-être celte opinion n'est-elle que le résultat de faits parüculiers et non ordinaires. On fait usage, au Groenland, de ses chairs, de sa peau, de son lard, de ses tendons, et même de ses intestins. Son huile est principalement employée à l'éclairage des yourtes, et la peau membraneuse qui entoure Ja langue à sa base sert aux peuplides polaires à remplacer le verre aux fenêtres de leurs cabanes d'été. Or nous venons de voir sur quels principaux ca- ractères repose le gibbar que M. Scoreshy con- fond avec la balæna physalus de Linné, et boops d’Othon Fabricius, et quels sont les traits distinctifs qui séparent celte dernière du rorqual que Fabri- cius à cru être la balæna physalus, et à laquelle il a joint comme synonyme le Jupiter fisch d'An- derson , ou la jubarte(t). Pour nous tirer de ce dé- {‘) Ce nom de jubarte vient peut-être des noms de qu- bartes ou gibbartas, donnés au gibbar par les Basques. D'ailleurs Ro ndelet n’a-t-il pas dit: «Les pêcheurs sain » tongeois l’appellent gibbar, de la bosse élevée sur son » dos, qui est la nageoire ; cette baleine n’est pas plus 82 650 dale, nous allons mettre sous les veux de nos lec- teurs les phrases caractéristiques et linnéennes proposées par M.de Lacépède et par les naturalistes qui l'ont suivi. GENRE BALEINOPTÈRE , balænopteras, LACÉP. ler Sous-zenre : point de plis sous la gorge ni sous le ventre. 1. Baleinoptère gibbar, balænoptera yibbar, Lacép. ; mâchoires pointues et également avancées ; les fa- nons courts. Ile Sous-genre : des plis longitudinaur sous la gorgé . ct sous le ventre. 2, Baleinoptére jubarte, balænoptera jubartes, Lacép.; la nuque élevée et arrondie, le museau avancé, large ct un peu arrondi, des tubérosités presque derni-sphé- riques au-devant des évents; la dorsale courbée en arriére, 8. Baleinoplère rorqual, balænoptera rorqual, Lacép. ; la mâchoire inférieure arrondie, plus avancée et beau- coup plus large que celle d'en haut; la tête courte, à proportion du corps et de la queue. 4. Baleinoptère museau pointu, balænoptera acuto- rostrata, Lacép.; les deux mâchoires pointues, celle d'en haut plus courte et beaucoup plus étroite que celle d'en bas, En dernièré analyse le rorqual du nord vit dans les mers du pôle boréal et ne quitté guère les pa- rages glacés du Spitzberg, du Groenland, du détroit de Davis et de l’Islande. Ce n’est jamais que dans les tempêtes de notre hiver qu’on le voit fréquen- ter les mers de l’Europe tempérée, et que parfois sou cadavre est jelé sur nos rivages. M. Scoresby, en parlant du rorqual, qu’il dit être le broad nosed wl ale des baleiniérs, rapporte qu'on le voit parfois sur les côtes d’Ecosse, d'Irlande et de là Norwège, et qu’il recherche principalement les harengs pour sa nourriture ; il donne une liste des individus plus particulièrement cités pour avoir été jetés sur les ri- vages des Iles Britanniques, et que l’on doit regar- der comme appartenant vérit:blement à la baleinop- tère rorqual. Un de ces cétacés , long de cinquante- deux pieds, fut dépecé le 19 juin 4752 à Eyemoutkh ; un deuxième, long de soixanté-dix pieds, échoua le 18 juin 4797 dans le comté de Cornwall; plu- sieurs furent harponnés sur la côté d’irlande en 4562 et 4765 ; un ou deux ont été pris dans la Ta- mise. On en prit un en 1818, long de quatre-vingt- deux pieds, dont les fanons avoient trois pieds de longueur, et dont on ne Lira que cinq tonneaux d'huile d’une mauvaise qualité. Sous le aom de rorqual, M. de Lacépède a réuni deux baleinoptères, l’une du Nord, qui est le ror- qual que nous venons de décrire, et l’autre de la » pétile que les ordinaires, mais elle est moins épaisse » et moins grasse, ct à le bee plus long et plus pointu. » | HISTOIRE NATURELLE Méditerranée, à laquelle nous allons consacrer quelques lignes. LE RORQUAL DE LA MÉDITERRANÉE. Balænoptera rorqual. Lacrr. Ce rorqual n’est presque pas connu; son exis- tence repose sur quelques pièces osseuses et sur un crène qui se distinguent aisément , d’après les ob- servalions de M. Cuvier, des mêmes parties de l'espèce du Nord. M. de Lacépède ne l'avait point séparé de son rorqual proprement dit. La seule in- dication qu’on trouve dans son Histoire naturelle se borne aux renseignements suivants. « Le 20 mars 1758, un cétacé de suixante pieds » de longueur fut pris dans la Méditerranée sur la » côte occidentale de l’île Sainte-Marguerite, dans » le département du Var. Les marins le nommoient » souffleur. M. Quine en a fait un dessin que j'ai » fait graver, et bientôt après, les fanons, les os de » Ja tête et quelques autres os de cet animal ayant » été apportés à Paris, je reconnus aisément que » ce cétacé appartenoit à l'espèce du rorqual. » C’est à la même espèce, qui pénètre dans la » Méditerranée, qu’il faut rapporter une partie de » ce qu'Aristole et d'autres anciens naturalistes ont » dit de leur mysticetus et de leur baleine. K1 sem- » bleroit qu’à beaucoup d’égards le mystice'us et » la baleine des anciens auteurs sont des êtres » idéaux, formés par la réunion de plusieurs traits, » dont les uns appartiennent à notre baleine fran- » che, et les autres au gibbar, ou au rorqual, où à » notre cathalot macrocéphale. » Daléchamp, savant médecin et naturaliste, » mort à Lyon en 1588, parle, dans une de ses no- » tes sur Pline, d’un cétacé qu’il avoit vu et qui » avoit été jeté sur le rivage de la Méditerranée, » auprès de Montpellier ; il donne le nom d’orque » à ce cétacé, mais il paroît que c’est un rorqual » qu’il avoit observé. » Ces faits, vaguement exprimés, composent à peu près toute l’histoire du rorqual de là Méditerranée, et nous ne pourrions en tirer les moindres lumières pour le séparer des autres espèces, si les ossements envoyés de la Provence, et comparés par M. Cu- vier avec les crânes des rorquals du Sud et du Nord, n’avoient offert des caractères anatomiques telle- ment prononcés, qu’on ne peut regarder comme identiques des espèces aussi disparates dans les par- ties les plus uniformes comme les plus profondes de l’organisme. Les modifications qu’affecte l’ossature des ror- quals en général et de celui de la Méditerranée en particulier sont les suivantes : DES MAMMIFERES. « Les immenses maxillaires, dit M. Cuvier (1), » sont disposés en forme de toit renversé où d’une » carène, aux deux côtés de laquelle s’attachent les » fanons. Le vomer se montre en dessous, entre » eux , dans presque toute la ligne moyenne de la » carène. En dessus, les deux intermaxillaires, » placés parallèlement entre les deux maxillaires, » laissent entre eux un espace vide, qui se continue » dans le haut où plutôt en arrière avec la très large » ouverture des narines , laquelle est en forme d’un » Ovale allongé, et au contraire des autres cétacés , » conserve, ainsi que dans tout le genre des balei- » nes, une forme symétrique. Les os du nez courts, » mais échancrés ou festonnés en avant et non pas » en forme de tubercules, forment le bord de cette » ouverture; le maxillaire ne coupe pas le frontal, » si ce n’est par une apophyse étroite des deux cô- » tés des os du nez. Toute la partie du frontal qui » s'écarte de chaque côté pour former le dessus de » l'orbite se voit à nu; mais les pariétaux viennent » la recouvrir dans le haut de la fosse temporale » jusqu'aux côtés de l’apophyse du maxillaire qui » se montre entre le frontal et l’os du nez. L’'occi- » pital s’avance entre eux et recouvre le milieu du » frontal jusque près des os du nez, de sorte qu’à » la base du nez le frontal ne se montre presque » pas à l'extérieur. Il y a deux crêtes temporales » très saillantes en dehors, commencant aux côtés » du nez et entre lesquels le crâne est plane ou » même un peu concave et descend lentement vers » le trou occipital qui est tout près de la base des » OS du nez, traversant d’une crête temporale à » l’autre, Sur le milieu de cette face occipitale est » une arête longitudinale légèrement saillante. » Le jugal est courbé en portion de cerc'e et forme le bord inférieur de l'orbite, en se rendant » de lapophyse zygomatique du maxillaire qui abou- » lità l’angle antérieur jusqu’à celle du temporal qui » aboutit à l’angle postérieur. Le jugal ne se dilate » point à son extrémité antérieure comme dans le » dauphin. Le frontal toucl.e d’une part aux maxillai- » res, de l’autre un temporal, par ses apophyses » antérieures el post-orbitaires, et forme à lui seul » tout le plafond de l'orbite sans être doublé en » dessus par le maxillaire ; maisil l’est au contraire » en dessous de sa partie antérieure, de celle qui » est en ayant de l'orbite, et il y est de plus bordé » en avant par la lame latérale du maxillaire, la- » quelle se trouve ainsi, par rapport au frontal, » dans une position inverse de celle qu’elle obser- » voit dans les dauphins. » C’est par cette lame que le maxitlaire vient » aboutir à l’angle antérieur de l'orbite et s’articu- » Ier avec l’extrémité antérieure et élargie du ju- v Ÿ () Oss. foss., t. V, p. 370, pl. 26, fig. 5. Got gal ; mais ce qui est très remarquable, c’est qu’il » se trouve à cet endroit, entre le frontal et le maxil- » aire, et pour ainsi dire dans leur articulation » même, un 6s particulier en forme de lame, oc- » Cupäant à peu pres moitié de la longueur de cette su- » ture, et qui ne peut être que l’analogue du lacrymal, » Toute l’arcade zygomatique proprement dite, » qui est fort grosse, appartient au temporal. Le » cadre de l’orbite est clos de toutes parts ; son pla- » fond est très grand et concave en dessus. » Les palatins prolongent en dessous la carène des » maxillaires. Les narines postérieures sont très près » du trou occipital. Elles ont à chaque angle une » tubérosité formée par los ptérygoïdien, lequel a » peu d’étendue en longueur et n’entoure les narines » que par le côté externe et un peu en dessus et en » dessous, mais sans y former un sinus, ou double » rebord, comme dans les dauphins, La région ba- » silaire, qui est fort courte, est aussi creusée en » Canal comme dans le dauphin, et a, de chaque côté, » les os de l'oreille, lesquels sont fort petits à pro- » portion et de forme ovale, et également convexes » dans leur face inférieure. » En avant de los basilaire et entre les os ptéry- » goïdiens, on voit le corps du sphénoïde postérieur, » La face glénoïde du temporal est presque verticale » et regarde en avant; ce qui fait que la face arti- » culaire de la mâchoire inférieure est en quelque » sorte la troncature de l'extrémité de l'os. » Cette mâchoire est un are convexe en dehors, » comprimé , un peu tranchant en dessus et en des- » Sous. 1 y à une apophyse coronoïde en forme » d'angle obtus, et une tubérosité un peu plus en » arrière, » D'après la gravure publiée par M. de Lacépède, le rorqual de la Méditerranée a le corps très bembé sur le dos. Cette figure représente assez exactement en elfet deux pyramides réunies base à base; mais celte forme est évidemment le résultat de la COrrup- tion dont ce cétacé avoil été la proie, et la grande dépression de la tête ne dépend probablement que de la même cause. Dans le dessin qui nous est par- venu du rorqual du Nord échoué sur les côtes d’O- leron, la tête est extrêmement bombée, tandis que cette partie dans la figure publiée par M. de Lacé- pède est très dépiimée, et représente un long mu- seau aplati et pointu. Les autres particularités sont : la mâchoire supérieure plus courte que l’inférieure ; l'œil placé non loin de la commissure ; une nageoire dorsale petite et située environ aux quatre cinquiè- mes du corps et beaucoup plus loin que l'anus Les plis de l'abdomen s'étendent jusqu'à la région anale ; tout le dessus du corps est d’un noir bleuâtre s’af- foiblissant sur les flancs pour faire place en dessous à une couleur blanchâtre. D est fort important que les voyageurs futurs dans 652 les divers parages de la Méditerranée cherchent, par des comparaisons attentives, à lever nos doutes sur cette espèce, et à fournir les observations qui man- quent pour éclairer son histoire. EEE ——————————_—_—_——————.———— LE RORQUAL MUSEAU POINTU. Balænoptera acuto-rostrata (1). Ce n’est point de la baleinoptère museau pointu, de M. de Lacépède, qu'il sera question dans cette notice. Cette espèce, dite aussi baleine à bec, se trouve décrite dans plusieurs auteurs (?), bien que la plupart aient confondu sous ce nom des cétacés fort différents, et qu’ils aient pris pour elle tantôt l'aodon, tantôt l’hyperoodon, et presque constam- ment lerorqual du Nord. La baleinoptère à laquelle nous conservons ce nom de museau pointu ne re- pose que sur la description d’Othon Fabricius et une figure publiée par M. Scoresby ; mais comme cette figure a été faite d’après des mesures rigoureuses, et par un habile dessinateur, il est impossible de ne pas croire à son enlière exactitude, et les formes qu’elle retrace sont trop clairement arrêtées pour qu’on ne trouve point une distinction à étab'ir entre l'animal qu'elle représente et la baleine museau pointu figurée dans la Cetotogie de l'abbé Bonnaterre et l'Histoire naturelle de M. de Lacépède. Quel voile épais couvre la connoissance des céta- cés! Ce n’est qu'à tàtons qu'on peut marcher dans ce champ semé d’épines ; et lorsque, de toutes parts, les autres branches des sciences naturelles poussent avec vigueur des rameaux chargés de fleurs et de fruit:, la cétologie, réduite à des bourgeons rares et maigres, avortés pour la plupart, privés de sève, languit et attriste notre esprit. Ne semble-t-il pas en effet qu’à chaque animal que nous décrivons dans cette grande famille il nous faut protester de notre ignorance, et {racer avec quelques faits vagues une histoire sèche et aride dont la terminaison seroit constamment cette phrase désespérante : nous ne connissons ni les mœurs, ni les habitudes, ni méme d'une manière posilive l'orgarisation de cet animal ? Que les voyageurs favorisés des circon- stances, que les amis des sciences stationnés sur les bords des mers, n’oublient donc jamais de porter sur ceux que les vagues viendront déposer sur les rivages une investigation sévère et détaiilée. Mais revenons à notre baleinoptère museau pointu : ainsi s'exprime, à son sujet, M. Scoresby (°). « Cette baleinoptère est la plus petite espèce des (r) Scoresby, Acc. arct. Reg., !.1, p. 485, pl. 13. (2) Balæna rostrata, L, Muller, Pro. 48; Fabricius, p - 40. {* Tom, 1, p. 485. HISTOIRE NATURELLE » baleines connues. La figure que nous en donnons » est une représentation exacte de l'animal ; elle a » été faite d’après des mesures prises avec soin par » James Watson, établi aux iles Orcades. L’individu » qui a servi de type fut tué le 14 novembre 1808 » dans la baie de Scalpa. Il avoit dix-sept pieds six » pouces anglois de longueur sur une circonférence ». de vingt pieds, et quelques autres dimensions que » nous rapporterons ci-après : Pieds, Pouc. Longueur depuis le bout du museau jusqu'à la nagcoire dorsale. . . . . . 12 6 ———— du museau aux pectorales. . . 5 » ———— id à l'œil. , . . . . . 3. 6 ———— id aux évents. . . . . . . . 3 » ———— des nageoires peclorales. . . . 2 » Largeur des MÉMES dc he tre TO) ER Hautenr ide la DCCtOrAIE SON CR TER L'aArUEUrS Pa Rrirehlo me Movie Le Meteo oi DE) » La plus grande longueur des fanons étoit d’en- » viron cinq pouces. La couleur du dos étoit le noir » intense, tandis que le ventre étoit d’un blanc écla- » tant. Les plissures du ventre cffroient, au dire du » docteur Fraill, une teinte carnée. » On dit que ia balæn« rostrata habite principa- » lement les mers qui baignent la Norwége, et ac- » quiert au plus vingt-cinq pieds dans son plus grand » développement. On en tua une proche le Spitz- » berg, dont les fanons étoient fibreux, d’un blanc » jaunâtre, et à demi transparents, et à la manière » des lames de corne. Ils offroient une direction » courbée : et le bord convexe, ainsi que la pointe, » étoient garnis de barbes frangées blanches. Leur » Jongueur ne dépassoit pas neuf pouces sur deux » pouces trois lignes de largeur. » A ces faits bornëés, mais suffisants pour étayer notre manière de voir et la distinction que nous fai- sons de cette espèce, nous ajouterons quelques par- ticularités tirées de la comparaison de la figure. Il est bien évident que la baleinoptère museau pointu de M. de Lacépède, identique avec le même cétacé de l'abbé Bonnaterre, ne diffère point, excepté par l'indication de la taille, du rorqual du Nord; mais il est probable que la baleine à bec de Hunter à quel- ques traits d’analogie avec celle de M. Scoresby, qui se présente plus fréquemment sur les côtes boréales de l’Angleterre. Cette petite espèce n’atteint donc jamais les proportions des autres rorquals ; elle semb'e être le lien de transition qui unit les colosses de l’ordre aux espèces moins pwssantes et moins développées, mais plus courageuses, du reste de la famil.e. Le rorqual à bee ou baletroptère museau pointu diffère du grand rorqual par les caractères que nous allons énumérer successivement. La tête, au lieu d’être renflée et de former la partie la plus volumi- DÉS MAMMIFERES. fleuse de tout le corps, ou du moins celle qui présente le plus d’ampleur, comme on le remarque dans le rorqual du Nord, est beaucoup plus allongée pro- portionnellement et plus déprimée. Les deux mû- choires, d’égale épaisseur à peu près, diffèrent aussi en ce que, dans le rorqual du Nord, la mâchoire supérieure est beaucoup plus courte que l’inférieure, tandis que, dans cette espèce-ci, on ne remarque point cette disposition, car les deux mâchoires pa- roissent égales, et la supérieure est même un peu plus longue que celle d’en bas. L’œil est éloigné de la commissure ; et la nageoire dorsale, au lieu d’être très en arrière du dos, se trouve à peu près au tiers de la longueur totale du corps Les lobes de la queue sont aussi moins larges, plus longs et plus aigus que dans le rorqual du Nord : enfin le dos est noir et le ventre d’un blanc satiné, tandis que le grand ror- qual est brun bleuâtre et d’un blanchâtre plus ou moins sale sur le ventre. Entre les branches du maxillaire inférieur, et dans le gosier, apparoît, lorsque les gaz distendent les cadavres des baleinoptères gisants sur les pentes dé- clives des rivages, une grande poche membraneuse qui fait effort et finit par ouvrir la bouche; cette vessie paroit destinée, lorsqu'elle est gonflée, à di- later les téguments de la poitrine et du ventre que sillonnent les plis ou fronçures qu’on y remarque, mais on en ignore complétement le but et l’usage. S'il est permis d'émettre quelque conjecture , on doit supposer que cet appareil, préparé pour des habi- tudes qui sont encore ignorées, est destiné, lorsque le cétacé veut monter et se rapprocher de Ja surface de l’eau , à diminuer, par le déplacement d’eau qu’il occasionne, la pesanteur toujours considérable de sa têle; pesanteur telle qu’elle l’emporte de beau- coup sur le reste du corps. Le rorqual à bec, par les dimensions de sa bouche largement fendue, doit être plus carnassier que la baleine franche ; aussi toutes ies baleinoptères en gé- néral font-elles une grande consommation de harengs etautres poissons voyageurs, dont elles suivent par- fois les essaims jusque sur nos côtes. Othon Fabricius dit que sa balæna rostrata, ou le tikagulik des Groenlandois, est très commune au milieu des rochers, où elle se tient de préférence pendant l'été, mais qu’elle devient rare pendant l'hiver. Les peuplades polaires recherchent sa chair, qui est plus savoureuse et plus tendre que celle des autres espèces, quoiqu'il leur soit très difficile de s'en emparer, parce qu’elle nage avec une vigueur extraordinaire. 653 LE RORQUAL DU SUD. Balænoptera australis. LEss. Si les contrées glacées que recouvrent presque constamment les neiges et les frimas du Nord sont la patrie exclusive d'animaux terrestres et marins que des températures plus chaudes incommode- roient ; si les espaces resserrés de mer où se heurtent les montagnes de glaces détachées du pôle sont af- fectionnés par presque tous les grands cétacés de notre hémisphère, les parages souvent agités par les tempêtes du cup des Tourmentes ont aussi leurs es- pèces, et Le rorqual du Nord se trouve remplacé dans la zone australe par le rorqual du Sud. Ce cétacé, dont la découverte ne date que de quelques années, vient donc ouvrir un vaste champ aux spéculations, et, conjointement avec la baleine australe, rempla- çant la baleine frauche du Nord, nous prouver en- core combien est vraie, pour le plus grand nombre des cas, cette grande et belle loi de Buffon, que cha- que point du globe, suivant ses degrés de parallèles, a ses animaux propres: cette loi cependant est moins démontrée pour les êtres destinés à vivre au sein des caux, et nous avons constamment remarqué que le rayon de leur habitat ne se compte plus par bassins, mais bien par degrés de latitude, de manière que la zone intertropicale renferme assez volontiers sur touie la circonférence de notre planète les mêmes animaux , et qu’ensuite, à mesure qu’on s'élève des tropiques vers l’un ou l’autre pôle, chaque pirallèle a des productions propres dont l’irradiation dans le sens de la latitude s’arrête à des méridiens tracés par les bassins que forment les grandes masses de terre. Il n’est pas toutefois possible d’aflirmer que les grands cétacés, tels que le cachalot macrocéphale et la baleine franche, parcourent indifféremment toutes les mers, d’un pôle à l’autre; mais ce qui est positif est l'existence, dans l’hémisphère méridional, d’un rorqual et d’une vraie baleine. Peut-être s’assu- rera-t-on un jour que la baleine franche ne quitte point les quatre-vingt-cinq degrés navigables de la- titude qui coupent l'hémisphère nord, et qu’elle ne traverse point la ligne équinoxiale ; mais jusque là on peut admettre, avec de grandes probabilités, que dans un fluide dont la température est toujours assez uniforme elle ne doit avoir pour guide que ses be- soins physiques, ses appétits et l’aiguillon du plai- sir. S'il en étoit ainsi, les baleines du Nord seroient beaucoup moins favorisées que celles du Sud. Celles- ci en effet auroient eu en partage ces vastes océans que l’on croyoit jadis bornés par un continent aus- tral, ces océans sans limites qui, du pôle et de quel- ques terres de désolation éparses comme un point dans leur immensité, viennent dérouler leurs lon- 654 gues vagues sur l'extrémité avancée des deux grands continents, s'ouvrir devant le cap de Bonne-Espé- rance et ie cap Horn, ei trouver une digue le long de la côte méridionale de la Nouvelle Hollande. Les tempêtes fréquentes qui bouleversen! les flots dans le Sud, en étourdissant et en jetant dans leur choc les poulpes à la surface de la mer, permettent aux baleines qui y vivent de ne point chercher mi- nutieusement leur proie : celle-ci vient pour ainsi dire les trouver d'elle-même !1); maïs il arrive sou- vent que, trop confiantes dans leur force, elles sont surprises sur les attérages , et brisées sur les récifs qui en défendent les approches. Le rorqual du Sud a été observé au cap de Bonne- Espérance pir M. Delalande. C’est une des nom- breuses conquêtes de cet entreprenant et actif voya- geur, mort peu de temps après avoir revu sa patrie. Les Hollandois établis au Cap ont donné à ce ror- qual le nom de poeskop, parce que son oeciput est surmonté d’une bosse; mais ce qui distingue cette baleinoptère de toutes les espèces connues est une lonzue nageoire dorsale qui, au lieu d’être placée vers l'extrémité du corps, se trouve située directe- ment au-dessous des pectorales. Le corps est noir en dessus, et d’un blanc pur en dessous; les sil- lons de la gorge et de la poitrine sont teintés de rose assez vif. Les différences que les pièces osseuses du rorqual du Sud présentent en les comparant avec celles des rorquals du Nord et de la Méditerranée sont très caractéristiques. « La tête du rorquai du Cap, dit M. Cuvier (?), comparée à celle du rorqual de la Méditerranée, a une largeur beaucoup plus considérable entre les or- bites à proportion de la hauteur; cette portion du frontal a une dimension transversale beaucoup plus prononcée relativement à sa longueur ; le bord pos- térieur de cet os se dirige en arrière, tandis que dans la tête du rorqual de la Méditerranée il se dirige en avant; les os du nez sont légèrement festonnés à leur bord antérieur; le dessous du museau est mé diocrement convexe; l’atlas est distinct de l’axis; ce dernier se soude , par la partie supérieure de son an- neau qui n’a point d’apophyse épineuse, avec la partie correspondante de la troisième cervicale ; les quatre suivantes ne s'unissent point entre elles, et leur ï) Nous avons long-temps séjourné au milieu de ces parages féconds en tempêtes, où la mer sembloit con- stamment déchaînée; la hauteur et la violence des va- gues étoit telle, que, se brisant sur les flancs de notre navire, la bruine épaisse qui s'en élevoit entrainoit sur le pont de nombreux poulpes et des poissons vo- lants, ete. : c'est alors qu’on voit nager les cétacés avec le plus de vigueur, ct qu'ils paroissent le plus occupés de saisir les animaux dont ils se nourrissent. (23 Oss. foss., 1, V, p. 372, pl. 26, fig. 1, 2, 3 et #; 19, 20 et 21. HISTOIRE NATURELLE corps est assez épais; le reste de la colonne verté- brale est composé de quatorze dorsales d'où partent autant de paires de côtes, et de trente-une lombaires et caudaies ; le nombre total des vertèbres est donc de cinquante-deux. Les os en V commencent à la onzième lombaire ; le corps de celle-ci et des caudales est marqué d’une très légère carène ; le sternum est quadrilatère, bifurqué en arrière, et muni d’une pointe au milieu de son bord externe; l’omoplate est plus large que long ; il n’y a que quatre doigts pro- noncés, terminés chacun par une dilatation cartila- gineuse, composés d’un nombre variable d’articula- tions qui sont : deux à l’index, sept au médius et à l’annulaire, et trois au petit doigt. » - Le rorqual du Sud paroît ne s'approcher que très rarement sur les attérages du cap de Bonne-Espé- rance, puisqu'on assure qu'à peine on en voit deux ou trois chaque année. Personne ne s'occupe de la chasse de ce cétacé ; la vivacité qui le distinsue la rendroit très difficile et dangereuse; sa graisse d’ail- leurs ne pourroit guère servir d’appât, car elle ne contient qu’une très petite quantité d’huile qui ne dédommageroit nullement des fatigues et des efforts qu'il auroit fallu pour l'obtenir. M. Delalande a re- marqué que les excréments éloient d’un rouge vif; et cette couleur, comme nous avons eu occasion de le voir souvent, appartient à toutes les espèces. On a proposé de l’introduire en teinture, et nous igno- rons jusqu'à quel point il seroit possible de fixer la matière colorante qui lui donne cette nuance cra- moisie si éclatante. C'est très probablement au rorqual du Sud que nous devons rapporter l'espèce de baleinoptère dé- crite par MM. Quoy et Guimard dans fa partie z00- logique du Voyage autour ru monde d'la co vrtte l'Uranie(!).Voici cequ'en disent ces deux voyageurs. « Pendant notre séjour aux Malouines, une ba- leinoptère de l'espèce museau pointu vint s’'échouer sur les rochers de la baie Françoise. Ua chasseur , qui se trouvoit dans cet instant près de là, lui tira plusieurs coups de fusil à balles, qui probablement la blessèrent grièvement ; le soir elle étoit encore vivante : la marée basse lui avoit laissé une portion du dos et les évents à découvert. De temps en temps elle rejetoit de l’eau par ces ouvertures, en respirant avec bruit. Un canot fut expédié pour tâcher d’ame- ner ce cétacé plus près de notre camp, afin d'en tirer le meilleur parti possible. Ce fut en vain qu’on s’efforça de remuer cette lourde masse, qui d’ail- leurs encore animée, portoit presque sur tous les points : on se contenta d'envoyer sur son dos un homme qui, armé d’une hache, y fit un trou dans lequel il fixa un grapin d’embarcation auquel tenoit une chaine, puis une corde attachée à terre, pour () Pag. 81 elsuiv, DES MAMMIFÈRES. que la marée montante n’entraînât pas l’animal. Mais lorsqu’il se sentit entrainer par le flux, à l’aide d’une légère secousse il cassa la corde, et, par un mouve- ment plus fort, il se retira de dessus les rochers et gagna le large. Ce fut vainement qu’il chercha à s’en- fuir ; blessé à mort, nous le trouvàmes le lendemain sans vie sur le même enroit. » À l'instant où ce cétacé échoua, quoique ce fût un mâle, plusieurs petites baleinoptères qui étoient dans la rade rôdèrent long-temps autour de lui. La nageoire dorsale de ces jeunes, du double plus grande qu’au dauphin ordinaire, nous parut beaucoup plus considérable et pas autant reculée vers la queue que celle de l'individu adulte que nous aviens sous les yeux. Nous acquimes la preuve que ces animaux ne sont point à craindre, par ce qui arriva à un matelot qui, étant allé à la nage examiner de très près la ba- leine échouée, en fut tout-à-coup entouré. Saisi d’une frayeur extrême qu’il manifestoit par de grands cris, il se hâta de gagner la terre de toutes ses forces. Plusieurs personnes qui étoient sur le rivage crai- gnoient pour sa vie ; nous nous efforçämes de le ras- surer en lui criant qu’il n’avoit rien à redouter, per- suadé en effet que cette espèce de cétacé n'a jamais volontairement fait de mal à l’homme. » Cette baleinoptère museau pointu étoit placée sur le dos et inclinée du côté droit. Le lendemain de sa mort les mächoires étoient encore fermées : le jour d’après elles étoient entr'ouvertes par les efiorts de la vésicule aérienne propre à cet animal, qui faisoit une saillie considérable ; lorsque la pu- uéfaction commença, les gaz qui s’accumulèrent distendirent davantage celte vésicüle, et agrandi- rent de plus en plus l’ouverture de la gueule, ce qui donna la facilité de couper les fanons à coups de häche. » Les vautours et tous les oiseaux de mer eurent bientôt enlevé son épiderme excessivement mince et déchiquetérent sa peau. L'huile qui découloit de toutes ses blessures, répandue sur le rivage à deux cents pas à la ronde, rendoit les rochers très glissants : le capitaine baleinier Horn, qui survint dans ces entrefaites, en retira encore quelques bar- riques. » En général ces cétacés né sont pas très estimés à cause du peu d'épaisseur de leut lard et de l’ex- uême vivacité de leurs mouvements, qui fait que l’on ne peut pas facilement s’en rendre maître Voici les seuls détails anatomiques que notre fâcleuse position nous ait permis de recueillir sur cette ba- leinoptère. » Sa longueur, prise de l'extrémité de la mâchoire inférieure au bout de la queue, étoit de cinquante- trois pieds quatre pouces. Les mâchoires avoient, de l’extrémité à là commissure, neuf pieds six pou- ces : la supérieure, un peu plus avanéée que celle 655 d'en bas, portoit seule des fanons sur chaque côté de ses bords. Dans leur arrangement ils forment comme un V tronqué par la pointe : l'animal étant renversé, il représentoit assez bien le ber ou ber- ceau sur lequel est posé un vaisseau qu’on va lan- cer. La largeur et la longueur de ses fanons, vus en dehors de la gueule, alloient en décroissant à me- sure qu’ils se rapprochoient du gosier ; leurs franges étoient en dedans : les plus longs avoient deux pieds six pouces et neuf pouces de largeur à la base. » Le dessous du corps près de la queue étoit ca- réné ; le balenas sorti dans toute sa longueur, très pointu à son extrémité où étoit placé le méat uri- naire, avoit cinq pieds neuf pouces de long et un pied de diamètre à sa base. En le coupant, ilen sortit du sang et beaucoup d’air. » Les plis longitudinaux du ventre commencoient au bout de la mâchoire et s’étendoient jusqu’à trois ou quatre pieds du nombril : le plus grand nombre se prolongeoit par une ligne continue, pendant que d’autres se bifurquoient ; les bandelettes qu'ils for- moient peu saillantes, larges d’un pouce et demi à deux pouces, étoient noirâtres au milieu avec un petit cordon plus clair sur les bords ; les interstices offroient uné teinte rougeâtre. « La longueur des nageoires pectorales étoit de six pieds trois pouces; la largeur de celles de la queue éloit de treize pieds. La dorsale, située à l’opposé du balenas, n’a pu être mesurée; nous nous sommes aperçus qu’elle se dirigeoit en arrière en formant un peu le croissant. » L'œil, très peu apparent à l'extérieur placé à la commissure des mâchoires, étoit à peu près de la grosseur d’un boulet de six livres, et pesoit six hectogrammes, ou environ une livre et un cin- quième. Le globe avoit une forme aplatie de la par- tie antérieure à la postérieure; de sorte que son grand diamètre étoit à peu près dans le sens de la longueur du corps de l’animal : ce diamètre avoit quatre pouces six lignes; le vertical, quatre pouces seulement, et l’axe deux pouces heuf lignes. La 11/2121/4}23/4|3114 mg. des | pr en pieds. Quoique ce petit tableau de M. Scoresby s'éloigne peu des faits avérés, il doit parfois présenter quel- ques exceptions; car on a vu une baleine dont les fa- nons avoient deux pieds et demi donner jusqu’à dix tonneaux d'huile, tandis qu’une autre dont les lames cornées de la bouche avoient douze pieds de long n’en a fourni que neuf; mais ce sont des cas acci- dentels qui n’infirment point la règle générale. Une grande baleine de soixante pieds de long at- teint le poids énorme de soixante-dix tonneaux, et les rapports des diverses parties sont pour le tissu cellulaire graisseux trente tonneaux; neuf ou dix pour les os de la tête, les fanons, les nageoires pec- torales et la queue; et trente ou trente-deux pour le reste du squelette. La chair des jeunes baleines est rouge et ne res- semble pas mal, lorsqu'elle est cuite, à du bœuf grossier ; celle des vieux individus est noire et aussi mauvaise que possible. Une immense épaisseur de () Le tonneau d'huile est de 252 gallons anglois, ou 1008 litres de l’ancienne mesure de France, DES MAMMIFÈRES. muscles entoure le corps; la plupart sont destinés à mouvoir la rame puissante qui le termine et qui est mise en jeu par des masses de fibres tendineuses : celles-ci sont recherchées par les Hollandois, qui les emploient dans la fabrication de la colle forte. La plupart des pièces osseuses du squelette sont creusées à leur intérieur de grandes cavités remplies par un tissu médullaire qui donne une buile très fine; c’est à cause de cela que les os des mâchoires, longs de vingt à vingt-cinq pieds, sont très souvent conservés, parce que l'huile qui est renfermée dans leur intérieur parvient à se faire jour à leur surface 663 lorsque le navire baleinier quitte les parages froids pour entrer dans les zones tempérées. Lorsque toute l'huile en est exprimée, M. Scoresby assure que ces os, si compactes en apparence, surnagent et peuvent flotter alors sur la surface de la mer : celluleux dans leur intérieur, ils sont en général enveloppés par une couche de phosphate calcaire très lisse, mais épaisse. Sir Charles Giesecke, cité par M. Scoresby, ne compte aux parois osseuses du thorax que treize paires dé côtes. Les dimensions des diverses parties de la baleine franche sont, d'après M. Scoresby : Pieds. Poucès. FeiDiS2IONPSTANDNE 2. 2 le ercrers Longueur totale. . ...::.:.. LOUE — de la tête. .. — de la mâchoire inférieure. . .. .. ... — de l’extrémité de la lèvre à la nageoire. . — plus grande circonférence. . . . . . . . Girconférence du con. ..:....::.... Plus grande circonférence. . ......4:.. Circonférence du balénas. . . .... are — près de la queue. . . . .. CPE : Napeoire, JONBUEUL E- .eu-e e re - EN ON SR ct Mn OueterTongacunih 26 14 semer ueleic À a A REUTERS NN ete Pad Lèvres, longueur. ET ee PO OT Produit de lhuile (tonneaux). . . ...... SESER NE DR hens 99e Ven line SONO 6 » » » 11 3 3 à 19 © Nous venons de passer en revue les particularités d'organisation les plus saillantes de la baleine, et nous ne nous sommes pas écarté du récit circonstan- cié de M. Scoresby. Il en sera de même pour quel- ques unes des fonctions que cet observateur zélé et plein d'instruction a présentées avec cette simplicité de langage qui est le type de l’exactitude et le cachet de la vérité. L’ouie n'ayant point de pavillon de l'oreille ou d’organe de recueillement, ni même de canal audi- tif, il en résulte üne perception de sons très difficile ; aussi la baleine paroît n’avoir pas la moindre con- science de l'explosion d’une arme à feu, lors même qu'elle a lieu à la foible distance d’une longueur de navire. [l n’en est pas de même lorsque la mer, par un temps calme, est agitée par quelque cause que ce soit, la marche d’un navire entre autres ; la baleine s’en aperçoit aussitôt, s'en émeut, et fuit au plus vite le danger qu’elle croit reconnoître. Si l’audition est obtuse et incomplète, la vue en revanche est fort bonne, puisqu'on assure que les baleines s’aperçoi- vent à de grandes distances lorsque la mer est claire : mais cette observation est-elle bien positive? et n’est- elle pas contredite par le fait qu’à la surface de l’eau Pieds. Poutes, | Pieds, Pouces. | Pieds, Pouces. | Pieds. Pouces. | Pics Pouces. = | ——————— 11 58 19 12 DO vOy v OC Ee Gr: Over o U = elles ne voient presque pas, à moins qu’on ne puisse expliquer cette dernière circonstance par une trop grande abondance de rayons lumineux ? Ilest bien reconnu que tous les cétacés sont pri- vés de la voix : le bruit qu’ils font entendre dépend de la gêne de la respiration et de l'air violemment expulsé par les évents. M. Scoresby compare la va- peur pulmonaire, qui se dégage dans les grandes expirations, à des bouffées de fumée qui s'élèvent à plusieurs toises dans l'air. Lorsque les pêcheurs ont harponné une baleine, et que la blessure est pro- fonde, il est facile de le reconnoitre, parce que le sang se mêle à l'air expiré, ou jaillit à flots par les orifices extérieurs des évents. La respiration ne s'exé- cute que quatre ou cinq fois dans une minute. L'immense couche de graisse qui entoure le corps d’une baleine la rend beaucoup moins pesante que la masse d’eau qu’elle déplace, aussi peut-elle se tenir à la surface n'ayant en dehors de la ligne des eaux que les ouvertures extérieures des évents et la voûte de son large dos, sans avoir le moindrement besoin d’agiter ses nageoires; la partie que l’on en . découvre ainsi, lorsqu’en nageant elle vient à la sur- face de la mer, n’est peut-être pas le vingtième de 664 la masse totale ; mais lorsqu’à sa mort son cadavre est en proie à la putréfaction, il se distend outre mesure, au point que le tiers de l’animal surgit au- dessus de l’eau, et les gaz qui l’enflent font quelque- fois eflort pour se procurer une issue en brisant la peau qui les emprisonnoit. La queue est le levier puissant avec lequel la ba- leine, pressant dans les deux sens l’immense colonne d’eau qui la comprime, s’avance et imprime à sa natation une grande rapidité locomotrice ; mais son nager plus facile, ou lorsque le cétacé veut se détour- ner d’un côté ou d’un autre, s'obtient par des mou- vements latéraux de torsion plus simples et moins énergiques de sa caudale. Quant aux pectorales, pres- que constamment déployées dans le sens horizontal, leurs principales fonctions se réduisent à faire l’équi- libre du corps, et maintenir, en pressant le liquide, la partie la plus pesante, telles que la tête et le haut du tronc; car on a remarqué qu’aussitôt que ces organes ne remplissoient plus leurs fonctions, le corps alors tournoit sur le côté ou se renversoit com- plétement. Bien que la baleine paroisse en général lourde et massive , elle peut cependant, dans un court espace de cinq à six secondes, plonger rapidement à une grande profondeur ; sa natation est aussi aisée hori- zontalement que dans le sens vertical. M. Scoresby a remarqué qu’un de ces animaux atteint d’un har- pon est descendu à quatre cents brasses avec une vi- tesse qu’il estime être de sept à huit milles par heure : cependant ces cas sont exceptionnels, et la rapidité de sa marche n'excède point d'ordinaire quatre milles par heure; et lorsqu'elle va jusqu’à huit ou neuf, ce n'est que pendant quelques minutes et à la suite de blessures ou de vives frayeurs. Parfois, réunissant tous ses efforts, et jouant à l’époque des amours, la baleine franche s’élance en entier hors de l’eau , et saute ainsi au-dessus des vagues, à la manière d’un scombre. Un tel spectacle est imposant sans doute, dit M. Scoresby, lorsqu'on est à certaine distance, mais il n’est pas sans inspirer quelque terreur au pêcheur novice qui est à son début. Souvent les ba- leiniers expérimentés ne craignent point d’appro- cher la baleine dans des moments en apparence aussi inopportuns, et de la frapper de leurs harpons. Lors- qu’un cétacé, dont le corps a soixante pieds environ, avec une circonférence proportionnée, joue et cher- che à folâtrer, ces plaisirs devront être grossiers et bruyants, et ses mouvements des secousses qui bou- leverseront les vagues et en porteront au loin les agitations : c’est aussi ce qu’on à remarqué, et, par un temps calme, on entend, à une grande distance, la mer violemment agitée par les nageoires qui la frappent ; on voit l’eau qui s'élève dans les airs et retombe en pluie, et les vagues, nées de l’agitation, formant un large cerele qui va au loin détruire cette HISTOIRE NATURELLE uniformité de la surface des ondes. Le craquement qui interrompt fort souvent le calme des nuits arcti- ques n’est point le résultat d'un banc de glace qui se brise, ni celui d’un vaisseau dont les joints sont entr'ouverts par un fatigant roulis; il est souvent produit par de brusques saccades de la large rame caudale d’une baleine qui frappe l'air, et dont le bruit peut s'entendre à deux ou trois milles ( deux tiers, ou une lieue marine). La baleine qui nage paisiblement à la surface de la mer, et qui veut plonger, soulève sa tête pour la di- riger perpendiculairement, élève son dos comme le segment d’une sphère, déploie sa queue, s'enfonce et disparoit. Le temps que les baleines restent à la surface de la mer pour respirer ne dépasse guère deux minutes, . et dans cet intervalle elles font huit ou neuf expira- tions, après lesquelles elles plongent sous l’eau pour reparoitre cinq ou dix‘minutes après, et plus rare- ment au bout de quinze ou vingt minutes; c’est ce que les pêcheurs appellent manquer. Le milieu qu’elles affectionnent sous la couche d’eau est in- connu. On doit supposer cependant qu'il n’est pas à une grande profondeur, à en juger par leur retour prompt et périodique à la surface. Il n’en est pas de même lorsqu'elles sont blessées ; la ligne qui suit le barpon indique précisém nt Ja distance verticale à laquelle elles pénètrent ; et on peut l’évaluer, avec assez de certitude, à un mille ou un tiers de lieue marine. Mais la rapidité avec laquelle les baleines plongent est d'autant plus vive que la blessure est plus profonde et a porté de plus grands désordres dans leur organisme ; aussi a-t-on tiré parfois par la ligne attachée au harpon, et à sept ou huit cents toises, des baleines qui, en se précipitant comme une masse pesante sur les rochers du fond de la mer, où on les avoit frappées, présentoient leur crâne fracassé, ou leurs mâchoires brisées par la violence du choc. Il seroit fort difficile d'admettre Popinion de quelques pêcheurs, qui croient que la baleine peut rester plusieurs heures, lorsqu'elle est paisi- ble, sous les bancs de glace, ou au fond de la mer sans respirer : la grande consommation d’air atmo- sphérique qu’exigent ses volumineux poumons rend peu probable cette assertion. El est rare de la ren- contrer se livrant au sommeil ; cependant lorsque la mer est calme et unie, on la voit parfois au milieu des bancs de glaces, qui la protégent, en goûter les douceurs. Les aliments dont se nourrissent les baleines con- sistent, diton, en actinies, clios, sèches, méduses, cancers et petits mollusques marins. Mais c’est sur- tout le clio ‘orealis, ptéropode qui pullule par my- riades d’essaims dans les mers du pôle boréal, qu'on a jusqu’à ce jour regardé comme la matière alimen- taire presque exclusive de ces cétacés, et qu'Eggède DES MAMMIFÈRES. décrit et figure sous le nom de hual-fiske-aas (1) : cependant M. Scoresby dit n'avoir trouvé dans la capacité de l'estomac que de petits crustacés, tels que des chevrettes, peut-être que ces clios servent de pâture à un grand nombre de petits animaux ma- rins que les baleines recherchent, et que leur pré- sence simultanée dans les mêmes parages peut être expliquée de cette manière. En prenant sa nourriture la baleine nage avec ra- pidité: ses mâchoires sont ouvertes et font l'office d’un filet que traîneroit une embarcation : l’eau char- gée des êtres qui pullalent dans son sein s’engouffre dans son vaste gosier, en est repoussée par les parois fermées de toutes parts, et sort à travers les barbes effilées des fanons sans que le moindre petit insecte, füt-il gros comme un grain de millet, pût échapper à ce vaste lacis. Les caractères des baleines franches du Nord, dit M. Scoresby, ont trop d’analogie entre eux pour qu’on puisse en tirer des inductions sur des espèces différentes. Cependant les proportions des diverses parties du corps varient d’une manière fort remar- quable, et doivent peut-être autoriser à indiquer des variétés dans l'espèce prise en elle-même. Ainsi certaines baleines ont une tête qui fait les quatre dixièmes de leur longueur totale, dans d’autres elle n'excède point trois dixièmes. Il en est de même de la circonférence; elle varie de sept dixièmes de la plus grande longueur à six dixièmes : or ces dimen- sions sur un animal de soixante pieds par exemple annoncent des différences dans le squelette, dont il seroit fort important d'établir les caractères et qui probablement deviendroient spécifiques. Les baleines entrent en chaleur vers la fin de l'été; () Eggède, pag. 52, décrit en ces termes cette espèce de Clio : « On s’imagineroit qu'un si grand corps auroil » besoin pour sa nourriture d’un grand nombre d'au- » tres poissons ou animaux de mer; mais sa nourriture » consiste en une sorte d’insecte que l’on appelle kual- » fiske-aas, qui est d’une couleur brune,et muni de deux » petites nageoires, par le moyen desquelles il se remue » dans l’eau, silentement néanmoins qu’on peut le pren- » dre avec la main aussi bien qu'avec un seau: celle es- » pèce d’insecte est si mou que, quand on le frotte entre » les doigts, on croit tenir de la graisse ou de l'huile de » poisson. Il abonde de tous côtés dans les mers du » Groenland, et cette sorte de baleine lerecherche beau- » coup. Comme elle a le gosier extrêmement étroit, son » diamètre n'ayant pas plus de quatre pouces, que les » pelits fanons à l'extrémité de la langne semblent en- » trer dans son gosier, et qu’elle n’a point de dents pour » mâcher ou broyer, elle ne sauroit avaler quelque corps » gros ou dur; mais il est proportionné à ce petit pois- » son, et les sèvres d'une grandeur énorme en peuvent » recevoir et retenir une grande quantité lorsqu'elle les » ouvre comme un filet et qu’elle les ferme ensuite, La » nature a muni sa bouche de fanons si près les uns des » autres, que l’eau seule peut sortir, comme au travers » d’un tamis, tandis que sa proie demeure,» à LE 665 c’est principalement vers les beaux jours du prin- temps que les femelles sont accompagnées de leur nourrisson. Un baleinier prit vers la fin d'avril 481 un jeune qui avoit encore le cordon ombilical. La gestation est d'environ dix mois; et chaque femelle donne le jour, en février ou mars, à un seul petit, très rarement à deux, dont la longueur est de dix à quatorze pieds. La mère n’abandonne point son en- fant, au moins tant qu’il n’a pas pris de forces suf- fisantes, et: que ses fanons ne sont pas assez sortis des gencives pour le mettre à même de chercher sa nourriture et de se passer d’un secours étranger. Si la remarque faite précédemment, que les fanons in- diquent l’âge par les interstices qui en séparent les lames, est juste, on peut en tirer la conclusion, sui- vant M. Scoresby, que la baleine prend sa taille or- dinaire à douze ans, lorsque ses fanons ont six pieds, et qu’ainsi à vingt ou vingt-cinq ans elle a par- achevé sa croissance. Tout'porte à croire alors que son existence est longue et:se .compose d’une nom- breuse suite d’années ; d’ailleurs ‘à mesure qu’elle vieillit la peau change de couleur et devient de plus en plus grise, tandis que le blanc de la tête jaunit et que la couche de tissu cellulaire diminue. Les vieux individus en effet donnent beaucoup moins d'huile, ce qui est dû au ‘grand développement des parties membraneuses et de l’épiderme de l’enve- loppe cutanée. Tout animal en donnant le jour à celui qui le doit remplacer dans le système harmonique de notre pla- nète, pour continuer ainsi le cercle éternel de la vie, a reçu pour première loi instinetive la tendresse ou l'attachement de la paternité. Peu d’anima x ont éludé cette loi qu’ils ne vont point chercher dans un code écrit, mais qu’ils se transmettent comme une conséquence de leur organisation. La baleine en ap- parence si grossière, si stupide sous d’autres rap- ports, ressent vivement ce besoin d’attachement pour ses petits et leur en donne des preuves qu’elle paie souvent bien cher. L'isexpérience ou l’étour- derie des baleineaux (c’est ainsi qu’on nomme par- fois les très jeunes baleines) les jette sans précaution sous les coups des baleiniers, qui les harponnent non parce qu’ils espèrent en retirer le moindre pro- fit‘), mais parce que la mère inquiète, troublée par l'éloignement du fruit de ses amours, oublie sa timidité naturelle, le cherche avec une aveugle ou plutôt une courageuse confiance, et vient d’elle- même se livrer au fer qui la menace et qui met fin à ses inquiétudes et à sa vie. Mais heureuse lors- qu’elle a trompé l’avide espoir des baleiniers, on la voit pousser son petit à fuir, s'élever avec lui lors- qu’il vient respirer, le presser de sa nageoire, le protéger de son corps, bondir avec violence pour (‘} On n’en oblient qu'un tonneau d'huile médiocre : 84 666 exprimer sa fureur, et l’entraîner lors même qu’il est blessé à mort. A ce sujet M. Scoresby raconte qu’un de ses matelots harponna, en 1811, une jeune baleine dans l'espérance d'attirer la mère et de s’en emparer, mais que celle-ci s’éleva brusquement près du canot meurtrier, saisit son enfant et l’entraîna avec une force et une promptitude remarquables : toutefois on la vit bientôt s’élever à la surface de la mer, bondir, se jeter de côté et d’autre, et donner en un mot les signes les moins douteux du plus vio- lent désespoir ; elle sembloit dans cet état ne plus connoître de danger, aussi fut-elle entourée de ca- nots qui la massacrèrent ({) sans respect pour les an- goisses du malheureux animal qui montroit plus de sensibilité que l’équipage des baleinières n’en ac- corda jamais à aucun membre de sa famille. La destruction d’un animal qui témoigne tant d’at- tachement pour ses petits, dit M. Scoresby, inspire une grande tristesse; mais la valeur de la prise, la joie du triomphe, font taire tout sentiment de com- passion ! On ne peut pas dire que les baleines vivent en troupes, parce qu’on en rencontre un grand nombre de réunies sur plusieurs points. En général elles ne vont que deux ensemble, et sont le plus souvent isolées. Les mâles paroïissent être plus nombreux que les femelles; car M. Scoresby, sur cent vingt- quatre baleines prises sur les côtes du Spitzberg dans un laps de huit années, a compté soixante-dix mâles et seulement cinquante-quatre femelles, ce qui éta- blit un rapport de cinq à quatre. La baleine franche n’est nulle part plus abondante que dans les régions hyperborées du Groenland et du détroit de Davis, dans la baie de Baffin et dans celle d'Hudson. On la rencontre dans les mers si- tuées au nord du détroit de Behring, et le long des côtes septentrionales de l’Asie et peut-être de l’Amé- rique. On ne l’a jamais observée dans la mer d’Alle- magne, et rarement à moins de deux cents lieues des côtes d'Angleterre. Sans doute on ne doit pas la confondre avec la baleine du Sud, qui se présente périodiquement et en grande abondance sur les ri- vages de l’Afrique et de l'Amérique méridionale ; mais ce qui isole encore mieux ces deux espèces est un caractère qui n’est point à dédaigner : la baleine australe est souvent recouverte de coronules, tandis que la baleine du Nord n’en a jamais. Ne devons- {) «At lenght, one of the boats approached so near, »that a harpoon was hove at her, it hit, but dit not » attach it self. A second harpoon was struck; this also » failed to penetrate : but a third was more effectual, » and held. Still she did not attempt to escape : but al- » lowed other boats to approach; so that, in a few mi- » nutes, three more harpoons were fastened : and in »the course of an hour afterwards, she was Killed:» Scoresby’s Acc., p.472, t. I. HISTOIRE NATURELLE nous pas conclure de ce fait que la première habite presque constamment des parages plus échauffés, où la température permet à ces mollusques de vivre cramponnés sur sa peau ainsi que sur celle des ca- chalots, tandis que le rigoureux climat du Nord ne lui permet point de se développer et de vivre? Cer- taines baleines du Sud ne s’élèveroient donc jamais dans les hautes latitudes australes ? | La baleine, timide par caractère, inoffensive lors même qu’elle est tourmentée , a peur d’un oiseau qui vole au-dessus d’elle. Elle s'offre donc sans moyens de défense aux coups de ses ennemis, et ceux-ci sont nombreux ; à part l’homme, le plus in- dustrieux comme le plus dangereux de ses adversai- res, la baleine franehe est sans cesse harcelée, sui- vant l’opinion reçue, par les squales, les scies, les espadons , et surtout les narwhals. Quant à ces der- niers, M. Scoresby doute beaucoup qu’ils vivent en état d’hostilité avec la baleine, parce qu’il a observé que les bandes de narwhals se trouvoient constam- ment dans les lieux où les baleines sont plus nom- breuses, et que les uns et les autres paroissent dans la meilleure intelligence. Les pêcheurs s’applaudis- sent même, à leur entrée dans les mers du Groen- land , de la présence des licornes, qu’ils regardent comme le signe le plus favorable du voisinage des baleines franches. M. Scoresby n’a jamais vu non plus de combats entre le cétacé qui nous occupe et les espadons et les scies. Qui plus que lui cepen- dant, après un si long séjour au milieu des mers po- laires, pouvoit nous fournir à ce sujet des détails plus précis? On a donc beaucoup exagéré ces inimitiés. Les squales toutefois, sans être très redoutables, à cause de leur petite taille, s'efforcent de déchirer quelques lambeaux de chair, et l’on rencontre sou- vent des baleines dont la queue est couverte de ci- catrices qui proviennent de ces morsures. Vivantes elles doivent aisément triompher ou repousser un tel ennemi, et l’on doit croire qu’il ne se repaît que du cadavre de celles qui ont expiré. Si les Européens retirent de la baleine d'immenses produits, les peuplades qui vivent sous le ciel ri- goureux des régions arctiques lui empruntent la base de leur existence , et trouvent en elle les provisions nourricières qui leur font supporter gaiement dans leurs vourtes souterraines Ja rigueur de leurs hivers de six mois et des longues nuits que dissipent à peine les aurores boréales. Aussi la chair de baleine, dont tout Européen ne pourroit se nourrir sans un invincible dégoût, est considérée par tous les habi- tants des côtes septentrionales de l’Europe, de l’Asie et de l'Amérique, et par ceux qui vivent sur les bords du détroit de Davis et de la baie d'Hudson, comme une substance délicate et savoureuse. Les Esquimaux ne connoissent point d’aliment plus flat- teur, de mets plus exquis, que cette chair noire, e DES MAMMIFÉRES. huileuse et coriace; et l'huile, qu’ils boivent avec délices , leur paroit être ce que le ciel à fait de plus séduisant pour leur friandise. Ce breuvage est ren- fermé dans des vessies qu’ils portent avec eux, soit qu’ils aillent à la pêche, soit qu'ils aillent à ja chasse, et de temps à autre ils visitent ce vase avec le même plaisir qu’un buveur décidé d'Europe éprouve à vider sa bouteille. [ls aiment encore la peau de baleine crue, des vieux individus comme des jeunes, sur- tout lorsqu'elle présente des portions de tissu cellu- Jaire : ils la coupent par lanières ; et les femmes qui vont au travail donnent à leurs enfants attachés sur leur dos, suivant la coutume de ces tribus, pour les apaiser lorsqu'ils pleurent, et en place de sucre- ries, des morceaux de ces lanières que ceux-ci sucent et dévorent avec joie. M. Scoresbv rapporte que la chair de baleine est très mangeable lorsqu'elle est cuite avec dusel et du vinaigre ; que bouillie ou rôtie elle n’est point à rejeter : mais il n’a jamais goûté que celle des jeunes individus, qu’il dit être bien préférable. S'il falloit s’en rapporter à l'opinion émise par M. Noël de La Morinière dans son Mémoire sur l'antiquité de la péche de la baleine par les nations européennes, on auroit fait dans les X1I°, XIHHI°, XIV et xv° siècles une grande consommation de viande de baleine chez les Islandois, les Hollandois , les Fran- cois, les Espagnols, et probablement les Anglois. Il dit qu’au x1ue siècle on vendoit particulièrement la chair et surtout la langue de baleine dans les mar- chés de Bayonne et de Biariz, et qu’on les servoit sur les meilleures tables. Que les peuples du Nord, dont l’estomac est accoutumé aux substances rances et huileuses ; que les Islandois, qui font du pain avec l’écorce de sapin, aient mangé et mangent encore de la chair de baleine, nous le concevons sans peine; mais que l’on en ait fait un grandusage dans l’Europe tempérée, malgré la grossièreté du goût des habitants d'alors, c’est ce que nous ne pou- vons admettre. Il est probable que les dauphins et les marsouins ont servi d'aliments aux habitants riverains, dans ces siècles d’abrutissement du goût dans tous les genres : et Rondelet, cité dans cet ouvrage, nous offre son témoignage; mais quant à la baleine, il n’est pas probable qu’on en ait beau- coup mangé dans aucun temps. Ce n’est point sous l’unique rapport de la nour- riture que les peuplades de la race esquimau esti- ment la baleine , elle fournit encore à la plupart de leurs besoins : la membrane péritonéale, mince, transparente , sert à faire des vitres pour leurs hut- tes d'été; dans les parois des intestins ils taillent leurs tuniques, dont ils cousent les coutures avec des filaments tendineux tirés de la queue ; avec les os ils façconnent des harpons ou des lances pour la chasse des phoques et des grands oiseaux de mer, 667 et se servent des côtes pour les piquets ou les étaies de leurs demeures ; les tendons donnent des cordes et du fil; et les fanons, si précieux par leur force et leur souplesse, sont aussi utilisés. Les matières que le commerce et les arts euro- péens préfèrent dans les baleines sont donc les fanons et l'huile; on à aussi proposé d'employer en teinture les excréments, qui sont d’un rouge vif; mais nous ne savons passi on en a fait quelques essais un peu en grand à ce sujet, et jusqu’à quel point ce procédé pourroit être employé : tout ce que nous pouvons dire, c’est que la défécation de la baleine se fait par masses énormes, liquides, très fétides, et qui tei- gnent une vaste surface de mer en beau rouge. Les fanons, connus en Europe sous le nom de baleine, travaillés par les mains habiles d'ouvriers industrieux , servent à faire ces ombrelles, ces pa- rapluies si utiles par la variation du climat des con- trées tempérées ; par leur élasticité et le noir brillant qu’ils prennent, on s’en sert pour faire des cannes souples et en même temps solides ; des verges pour les sacristains et pour les massiers des facultés ; des corsets enfin, destinés par le caprice des modes à déformer et faner de bonne heure les charmes les plus séduisants de la femme. Ces fanons tirés du palais de la baleine demandent quelques prépara- tions , dont l'Histoire des pêches des Hollandoïis(1) donne la description et que nous rapporterons briè- vement. La matière gélatineuse qui soude entre elles les lames minces des fanons prend plus de consistance et de ténacité après la mort de l’animal ; de sorte que la réunion des fanons ne forme plus qu’une seule masse, que les baleiniers grattent et nettoient dans son état de fraicheur pour la débarrasser des gen- cives et des chairs qui pourroient y adhérer ; on la sépare par lames minces, au moyen d’un coin pro- pre à cette opération; on coupe les barbes eflilées avec une herminette, et on les fend en morceaux de grosseur convenable que l’on fait sécher isolément afin que l'air les débarrasse des mucosités et autres matières putrescibles qui les feroient se gâter ; ces morceaux, avant d’être placés à l’air, sont lavés, raclés, frottés avec une brosse, et ne sont renfermés dans un lieu sec qu'après avoir subi ces diverses pré- parations. Lorsqu’on les a mis en bottes sans les avoir préalablement débarrassés des chairs, il convient, au moment où on veut s’en occuper, de les ramollir dans l’eau tiède, et souvent avec de l'huile, pour leur redonner de la souplesse et les sécher ensuite comme il a été dit précédemment. L'huile de baleine , qui contient au milieu de ses principes constituants une assez forte proportion de cétine ou plutôt de phocénine, est de première né (') Page 134, tome. 668 ® cessité dans la plupart des arts. Ceux en effet qui ‘ emploient les corps gras huileux en font une con- - sommation énorme, et qui s’aceroit chaque jour Ce seroit outrepasser les bornes que nous devons nous imposer par la nature de cet ouvrage que de recher- cher les quantités de cette matière utilisées par les manufactures et par les arts, les gains qui en résul- tent pour les pêcheurs, déduction faite des frais d’ar- mement et des droits perçus par les gouverne- ments, etc., etc.; envisagée sous ce rapport, la pêche de la baleine n'appartient plus à l’histoire paturelle, c’est ‘une branche de i’économie politi- “que, une des ressources les plus fécondes de la puis- sance des Etats : c’est, en un mot, à la statistique commerciale à présenter le tableau des immenses avantages de cette industrie, malheureusement trop négligée en France. On a beaucoup discuté pour savoir quels peuples s’étoient livrés les premiers à la pêche de la baleine, dans l'océan Atlantique d'Europe et dans le Nord (!). L'opinion générale a, jusqu’à présent, reconnu les Basques pour les plus anciens des Européens qui aient pratiqué en grand cette pêche; et tous les do- cuments écrits confirment ce point d’histoire. Cer- tes, si l’on veut chercher philosophiquement à quelle époque, et par qui cette chasse a été faite, on sera forcé, par le manque de lumières, de s’en rapporter à des comparaisons, en concluant, par ce que l’on voit aujo:rd'hui, que les peuplades boréales, sur les rivages desquelles les baleines ont toujours été abondantes , ont les premières cherché à s'emparer des cétacés, et que les Islandois, les Norwégiens, de même que les anciens Normands, habitués à tirer de la mer leurs principales ressources, sont, dans le sens rigoureux du mot, les plus anciens baleinicrs, ou que du moins on doit le supposer; toujours est-il que les Basques maritimes, apparte- nant à une race d'hommes agile, adroite à tous les exercices du corps, courageuse jusqu’à la témérité , sont les premiers qui osèrent poursuivre le baleine d’une manière permanente, et en régulariser la pêche : du moins les plus anciennes chartes, les his- toires des pêches écrites même par des étrangers, s'expriment formellement en ce sens. Tout autorise à penser cependant que les Basques débutèrent d’abord par prendre dans des filets les marsouins abondant sur leurs côtes , et à harponner le rorqual, qui s’y présente fréquemment. Peut-être enfin les baleines franches , qu’on ne voit plus dans nos mers tempérées, y étoient-elles communes autrefois, et ne se sont-elles réfugiées dans le Nord qu’à la suite des chasses non interrompues dontelles ont été l’ob- jet. Cette explication est tellement probable que les () Consultez l'excellent mémoire de M. Noël de La Mo- tiniére, sur l'antiquité de la pêche de la baleine, HISTOIRE NATURELLE pêcheurs savent fort bien, par le récit de ceux qui parurent anciennement dans les mers arctiques, que, d’abord très communes au cap Nord et sur les côtes du Groenland méridional , elles se sont suc- cessivement enfoncées au milieu des îles flottantes de glace : cette habitude du harpon est d'ailleurs propre à tous les peuples qui vivent sur les bords de la mer, et qui, étrangers à l’agriculture, en tirent leur subsistance. La plupart des insulaires de la mer du Sud harponnent les poissons ; et leur adresse est telle et leur coup d'œil si sûr, que rarement ils man- quent l'animal qui nage à quelques pieds sous la surface de l’eau. Les Nègres de la Nouvelle-Guinée, ces Papous à chevelure ébouriffée , excellent surtout à cet exercice, que nous leur avons vu pratiquer mille fois. On ne doit donc pas trouver étonnant que, à une époque où l’adresse des mains rempla- coit la puissance que procurent les machines ingé- nieuses inventées depuis, on se soit servi du har- pon : cette arme a une forme primitive qui a dû se présenter dès les temps les plus reculés, bien que les Basques, suivant les documents historiques, soient censés en avoir introduit l’usage vers 1550. Cependant , dès 890, on trouve dans le voyage d’AI- fred-le-Grand (1), écrit par Ohthère, une description assez positive des pêcheries du Nord, où les Bas- ques ne se seroient avancés qu’en 1575 d’après les historiens. Langebek, auteur danois, affirme que des pêcheries existoient dans le Nord au 1x° siècle (?), et M. Noël a découvert dans quelques vieux ouvra- ges mystiques que des établissements de pêche exi- stoient sur les côtes de France vers 875. Les preu- ves historiques abondent pour prouver que l’on harponnoit les cétacés en 4145, 1519, etc. Le titre le plus ancien que les Anglois aient, pour prouver que leurs ancêtres s’étoient livrés à cette pêche, ne remonte point au-delà de 4524. Les Basques, long-temps réduits à ne poursuivre que le rorqual , entrainés petit à petit dans les mers plus septentrionales, s’adonnèrent bientôt à la pêche dela baleine franche (3), où ils furentlong-temps sans concurrents. À cette époque aussi l’huile étoit moins estimée, et les chairs étoient préférées. Mais, soit que les fanons du rorqual fussent trop courts, soit que ceux de la baleine franche fussent peu communs, toujours est-il qu’en 1202 on citoit comme une grande rareté le panache de fanons de baleine qui ombrageoit le casque du comte de Boulogne à la bataille de Bovines. (‘) Collection des voyages d'Hackluyt, t. I, p. 4. (2) Hist. med. rer. dan., t. H, p. 108. (3, Cenom de baleine a été aussi donné aux marsouins; une ordonnance de Louis dit le Hutin, en 1315, impose sept sous sur chaque cent de baleines transportées à Paris par la Scine : or, en bonne conscience, ce ne pou- voit être que des marsouins, et encore peut-être, et plus probablement des chiens de mer ou squales, DES MAMMIFÈRES. Les Hollandois débutèrent dans cette carrière lucrativeen 1612; le génie patient, économe, de ce peuple trafiquant par excellence . donna bientôt une rapide extension à cette branche de revenu : mais les Hollandois, froids et apathiques, ne s’improvi- sèrent point pêcheurs habiles ; et il leur fallut recou- rir aux Basques, qu’ils mirent d'abord à leur solde pour mieux apprendre à les expulser. Les Angl is s’éloient montrés dans ces mersarctiques dès 1608 (1) : ils vouloient chasser les Hollandois en pleine paix ; de ce qu’ils appeloient leurs possessions ; et l’on vit des peuples, rivaux de commerce, se rendre au pôle pour s’y entre-détruire : de là naquirent les hostili- tés de 1617. Cependant dès 1597, d’autres disent en 16i1,les Moscovites formèrent une compagnie pour la pêche de la baleine sur les côtes du Spitz- berg, et à la même époque les Espagnols parurent dans ces mers. Les profits retirés de la pêche de la baleine fixérent l’attention des peuples voisins. Cha- cun voulut y prendre part; et vers cette époque les pêcheurs se virent contraints par leur intérêt réci- proque de se partager cette mer et de s'imposer des limites. Plus défavorisée que les autres puissances, la France n’expédia qu’un petit nombre de navires baleiniers pour prendre part à cette riche mine d’or, encore leur fallut-il pendant long-temps payer aux Anglois un honteux tribut de neuf baleines afin de ne pas être privés du droit de pêcher dans les baies qu'ils s’étoiént appropriées. La Hollande , au milieu des débats et des vicissitudes que la rivalité amène parmi les nations maritimes , consolida sa puissance et bâtit la factorerie de Smeeremberg, qui subsista jusqu’au moment où le théâtre des pêches fut changé par suite de l'éloignement des cétacés au milieu des glaces, et dans umintervalle de dix années, de 1660 à 1670. Cette pêcherie futabandonnée de 4672 à 16914, par suite de la guerre avec les Anglois. L'année 1657 fut célèbre parmi les pêcheurs par la grande quantité de baleines qui y furent prises. Les mémoires du temps en font laépartition sui- vante: les Hollandois eurent en agun pa vi- res chargés de douze cent cinquante-deux baleines ; les Hambourgeois, cinquante-quatre bâtiments et cinq cent quinze cétacés ; cent dix-neuf à bord de quinz: Brêmois, Un seul bâtiment n’y eut point de succès. Cent quatre-vingt-onze navires ont donc détruit, dans une seule année, dix-huit cent quatre- vingt-huit baleines ! De 1715 à 4721 on a importé à Loudres seulement, et année commune, cent cin- quante tonneaux de fanons, dans le prix moyen de quatre cents livres le tonneau ; o1 estime la quantité qui est entrée dans les autres ports de l'empire bri- tannique à plus de cent tonneaux, dont la valeur peut être estimée à cent mille livres. Ce n’est guère () M, Scoresby dit 1594 et 1598, 669: qu’en 1719 que les balciniers s’avancèrent dans le détroit de Davis, et en 1721 on compta jusqu’à trois cent soixante-cinq voiles qui y complétèrent leur chargement. En 1756 cent quatre-vingt-onze navires hollandois y harponnèrent huit cent cinquante-sépt baleines; en 4771 cent vingt-un baleiniers de Ja même nation s’emparèérent de cinq cents baleines, qui produisirent quatorze mille trois cent vingt barils d’huile.En 1772on c ercha à introduire l'usage d’une arme à feu lançant un harpon ; mais quoique diverses modifications aient été apportées à cet instru- ment, on ne s’en est guère jamais servi que sous forme d’essai , et l’on n’a point discontinué l'usage du harpon primitif, dont on a perfectionné la forme... Enfin, pour avoir une idée de l’importance de la pêche de la baleine, il nous suflira de citer le bill présenté en 1786 à la chambre des communes, par lequel on avoit accordé, de 1755 à 4785, un million soixante-quatre mille deux cent soixante-douze livres dix-huit shellings à titre seul dx nCourage- ment : deux cent cinquante navires sortirent des ports d'Angleterre en 1788. A ces faits nous croyons devoir borner le simple aperçu que cet ouvrage comporte. L'histoire de la pêche de la baleine a d’ailleurs été traitée ex pro- fesse par des auteurs de diverses nations, et notam- ment d’une manière claire et succincte par M. Sco- resby dans le deuxième volume de sa Description des Régions arctiques. Par les mêmes motifs nous ne devons pas nous appesantir sur la nature des armements, l’approvi- sionnement des vaisseaux , les intérêts des armateurs et des équipages, et le résultat commercial des pro- duits : les procédés suivis pour harponner la baleine sont à peu près ceux que nous avons décrits en par- lant des cachalots ; nous les croyons suffisants pour donner une idée de la manière dont on poursuit et dépèce les b leines ; et nous dirons seulement que ces expédiuons ne différent de celles de la mer du Sud que parce que leur durée n'excède jamais une année, et que le lard est apporté en nature dans les ports d'armement pour y être fondu (1). La pêche de la baleine n’est pas sans danger : cet animal, en cherchant un abri au milieu des glaces flottantes qui se détachent du pôle et dans des cinaux étroits, a rendu périlleuse la navigation des vais- seaux qui le poursuivent. Peu d'années s’écoulent sans que des naufrages désastreux ne viennent trom- per l'espoir de quelques armateurs et porter la dé- solation au sein des familles des marins qui les mon- tent. Nos journaux ont retenti cent fois du récit de bâtiments perdus sur les glaces, dont les équipages (‘) Quinze mille huit cent neuf tonneaux d’huile fu- rent introduits en Angleterre en 1787; ils proyenoient de la pêche annuelle des nationaux seuls, 670 ont été abandonnés aux angoissés d’une situation horrible, sans nourriture , sans moyens de défense, et n’espérant pas se préserver d’une lente agonie ou de la dent cruelle du terrible ours polaire , l’animal le plus féroce et le plus redoutable de ces tristes régions. Parfois encore, lorsque les baleinieres se sont trop approchées du cétacé qu’elle veulent at- teindre, il arrive que l’animal, incertain dans sa fuite et battant la mer de sa large nageoire caudale, brise comme un verre la légère embarcation qui se trouve sous ses coups, et jette au loin les hommes qui la montoient. Nous venons de présenter à nos lecteurs le ta- bleau des ressources fournies à l'espèce humaine par l'animal le plus puissant de la mer (!); nous l’avons (‘) La baleine de la mer du Sud, nommée finner par les baleiniers, est le rorqual du sud ; mais nous ignorons complétement quelle peut être leur sulphur-bottom, aussi de l'hémisphère austral, à corps trés gréle, trés HISTOIRE NATURELLE DES MAMMIFÈRES. vu, objet de l’ardente soif du gain de la plupart des peuples maritimes, se réfugier aux dernières limites du pôle sans pouvoir y trouver un abri. Quelle étoit donc la quantité énorme de ces cétacés, pour pou- voir fournir à la consommation qui s’en fait depuis tant d'années? Quel spectacle la baleine doit offrir dans ces froides contrées, près des montagnes de glace qui reflètent au loin les rayons obliques du soleil, près des côtes nues du Groenland, sans cesse revêtues d’écharpes de neige, et au milieu des bancs de glace sur lesquels voyage l’ours polaire ou le loup affamé , tandis que de voraces oiseaux maritimes se disputent les moindres parcelles des cadavres des animaux qui ont été faconnés pour vivre dans ces âpres climats! long, et qui nage trés rapidement : son tissu cellulaire n’a guére que six pouces d'épaisseur ; les fanons n’ont jamais plus de dix-huit à vingt-quatre pouces de lon- gueur. k FIN DU TOME PREMIER. 4: TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME PREMIER, AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR , P. 1. LIVRE L.— CONSIDÉR ATIONS GÉNÉ- RALES sur les variétés de l'espèce humaine qui habitent l'Océanie, la Polynésie et l'Australie, 3. — Objet de ce livre, ibid.—Description phy- sique et circonscription du Grand- Océan, ibid. — Rameaux des races humaines qui en peuplent les di- verses iles, ibid. — Constitution géologique, 4. — Iles coralligènes, 5.— Végétation, 7, — Zoologie, 9. — Mammifères, ibid. — Reptiles, 40 — Oiseaux, 11.— Poissons, 12 — Mollusques, ibid.— Insectes, 143 RACES HUMAINES, 13.— Malais, 15. — Océaniens, 148 — Carolins ou Mongols-Pélagiens , 26.— Papouas ou Papous, 32. —Tasmaniens , 38. — Alfourous- Endamènes, 39. — Australiens, 4#0.— Détails anato- miques relatifs aux crânes de quel- ques uns des peuples dont il est question dans le livre précédent, 43.— Tableau comparatif des pro- portions que présentent ces crà- nes, #4.— Dimensions de quelques uns des naturels cités, ibid. LIVRE I. — MÉMOIRES DIVERS sur plusieurs variétés des races humai- nes , 45. $ I. Des Araucanos ou Arau- cans, ibid. $ I. Des Patagons, #48. $ II. Des Esquimaux, 51. $ IV. Des Péruviens , 53. $ V. Ds Pomotous , 55. $ VI. Des O-Taïtiens, 97. 75 VIT. Des Nouveaux-Zélandois , $ VIII. Des Rotoumaiens , 89. Ç IX. Des Carolins ou Mongols- Pélagiens , 93. — 1. Naturels de l'archipel Gilbert, 94.— 2. Naturels de l’île Sydenham , 95. — 3. Natu- rels de l'ile Henderville, ibid. — #. Naturels de l’île de Woodle , 96. — 5. Naturels de l’île d'Oualan, ibid. — 6. Naturels desiles Mac-Askill, 1406.— 7. Naturels des îles Dupe- ney, 1407. — 8. Naturels des îles Hogolous , 108. — 9. Naturels des îles Tamatan , ibid. — 10, Naturels de l’île Satahoual , 109. RACES NOIRES répandues sur les îles de la Polynésie et de l’Austra- lie, 409. $ I. Habitants de l'île de Wai- giou , 409.— Idées générales sur l'île Waigiou, 410. — Influence de “ l'atmosphère, ibid. — Géologie ,| ibid. — Végétation, 411.— Rèzne animal, ibid. — Mammifères, 1bid — Oiseaux, 412. — Reptiles, ibid. — Poissons, ibid — Mollusques, 1413.— Crustacés, ibid. — Races humaines, ibid. et suiv. SIL. Habitants du Port-Praslin de la Nouvelle-Irlande, 120.— Aperçu sur la position géographique du Port-Praslin, ibid.— Circonstances atmosphériques, 121. — Aspect du pays , ibid. — Végétation, 122. — Zoophytes, 123. — Mammifères , 1424 — Oiseaux , 125. — Reptiles, 126. — Poissons, ibid. — Crusla- cés,ibid.—Mollusques, ibid. —Z00- phytes (nouvelle indication des ), 1427.— Peuples qui vivent sur celte terre, ibid. — Naturels de l'ile d'York, 1436. — Naturels de l'île Bouca , ibid. $ HE. Habitants de la Nouvelle- Guinée, 137.— Idées générales sur la Nouvelle-Guinée , ibid. — Végé- tation, 138.— Productions usuelles du sol, 439. — Règne animal, 140. — Oiseaux , 4#1.— Poissons, ibid. — Des Papous ou Papouas, ibid. TABLEAU PHYSIQUE de la Nouvelle- Hollande, 149. LIVRE II. — CONSIDÉRATIONS GÉ- NÉRALES sur les mammifères ob- servés dans l'Océanie et la Polyné- sie, 497. LIVRE IV. — LES MAMMIFÈRES QUADRUMANES , 164. LES SINGES , 172. LES ORANGS , 472.— L'Orang chim- panzé, 176. — Le Chimpanzé à coc- eix blanc, 1481. — L'Orang-Outan, 182, LES GIBBONS, 202.— Le Gibbon Sia- mang, 204.—Le Gibbon aux mains blanches, 207.—Le Gibbon cendré, ou Moloch , 209 — Le Gibbon va- rié, 210.— Le Gibbon Ounko, 212. — Le Gibbon Holoch, 214. LES SEMNOPITHÈQUES , 216. — Le . Semnopithèque doux. 217. — Le|, Semnopithèque entelle, ibid. — Le Semnopithèque Cimepaye, ou Simpaï, 218.— Le Semnopithèque Croo, ou Lotang.219.— Le Semno- pithèque Pyrrhus , 220. — Le Sem- nopithéque Kræ, 221 — Le Semno- pithèque à eroupion blanc, ibid. — Le Semnopithèque maure, ou Thin- cou, 222, — Le Semnopithèque Kahau, ou Nasique, 223, — Le Sem- nopithèque aux mains jaunes, 224. — Le Semnopithéque à capuchon, 295.— Le Semnopithèque à four- rure , ibid. LES SEMNOPITHÈQUES NESTOR et BICOLORE , 226. LES COLOBES , ibid. — Le Colobe à camail, 227. — Le Colobe ferrugi- neux , ibid. LES GUENOYS, 298.—La Guenon Mone , 229. — La Guenon Diane, 9230.— La Guenon Hocheur, ibid, — La Guenon Ascägne, ou Blanc nez , 231. — La Guenon Moustac, 9392,— La Guenon Talapoin, ou Me- larhine, ibid. — La Guenon Calli- triche , ibid. — La Guenon grivet, 233. — La Guenon vervet, 234. — La Guenon Malbrouk , ibid. — La Guenon Patas, 235.— La Guenon Maogabey à collier, 236.— La Gue- non Mangabey, ibid. — Le Nisnas, 937.— La Guenon Atys, ibid. LES MACAQUES , 238. — Les Maca- ques Cérocèbes,239.— Le Macaque à face rouge , ibid. — Le Macaque bonnet chinois, 240. — Le Maca- que toque, ibid. — Le Macaque or- dinaire, 241.— Le Macaque à face noire, 24%. — Le Macaque roux do- ré ,ibid. — Le Macaque ursin, ibid, LES OUANDEROUS, 245.— Le Ma- caque ouanderou, ibid. LES RHÉSUS, ou MAIMONS , 246. — Le Macaque Rhésns, 247. — Le Ma- caque Raimon, 249. — Le Macaque libidineux, 250.— Le Macaque à face rouge, 251.— Le Macaque de l'Inde , ibid, — Le Gelada d’Abvssi- nie , 2592, LES MAGOTS , 252, — Le Macaque magot, ibid. LES CYNOCÉPHALES , 254.— Le Cy- nocéphale babouin, 255. — Le Cy- nocéphale anubis, ibid.— Le Cyno- céphale papion, 256.— Le Cynocé- phale porc, ou Chacma , ibid. — Le Cynocéphale tartarin, 257. — Le Mandrill, 258. — Le Drill , 259. — Le Cynocéphale de Wagler, 260. LES SAPAJOUS,, ou LES HÉLOPITHÉ- QUES , 260. $ L Sapajous à queue nue et cal- leuse , 261. LES HURLEURS, ou ALOUATES, 262. — L'Alouate, 264. — Le Hurleur à queue dorée, ibid.—L'Ourson, 265. — Le Hurleur brun, ibid — Le Hur- leur aux mains rousses , ibid. — Le Hurleur à queue noire et jaune, 266. — Le Hurleur noir, ibid, 672 LES ATÈLES. 266. — Le Coaita,268.| LES LÉMURIENS, 293. — L'Indri à — Le Chamek, 269. — Le Cayou, ibid. — L'A'éle à face encadrée, ibid. — Le Belzébuth , ibid. — L'A- tèle mélanochéire , ibid. — L’'Atête métis, ibid. — L'Atèle frontal, ibid. LES ERIODES , 270. — L'Eriode hé- midaetyle, 272.— L'Eriode à tu bercules, ibid. — L'Eriode arach- noïde , ibid. LES LAGOTHRICHES,, 272.— Le La- LES SAGOUINS, ou GÉOPITHÈQUES, gotriche de Humholdt,273 —Le Grison, ibid. — Le Lagolriche en- fumé , ibid. GIE Sapajous à queue entiérement velue, 273. — Les Saious on Sapa- jous proprement dits, ibid. — Le Sajou brun, 275.— Le Sajon ro- buste, ibid. — Le Sajou lascif, ibid. — Le Sajou cornu, ibid. — Le Sajou à toupet , ibid. — Le Sajou trem- bleur, 276. — Le Sajou coiffé, 1bid. — Le Sajou à capuchon, ibid — Le Sajou barbu, ibid. — Le Sajou né- gre, ibid. — Le Sajou maigre, ibid. — Le Sajou à grosse tête, ibid — Le Sajou lunulé, ibid. — Le Sajou à poitrine jaune, 277. — Le Sajou à tête fauve, ibid.— Le Sajou fauve, ibid.— Le Sajou à front blanc, ibid — Le Sajou varié, ibid. — Le Saï, ibid. — Le Sajuu à gorge blanche, RS — Le Sajou aux pieds dorés, ibld, 278. SI, Les Callitriches, 278. — Le Saïmiri, 279. — Le Sagouin ento- mophage, 280. — Le Sagouin à masque, ibid.— Le Sigouin veuve, ibid — Le Sagouin à fraise, ibid. — Le Sagouin à collier, ibid. — Le Sagouin moloch, 281. — Le Sa- gouin aux mains noires, ibid. — Le Sagouin des Bambous, ibid. — Le Sagouin mitré, ibid. SIL. Les Nyctipithèques, 281. — Le Nyctipithèque à face de chat, 982.— Le Nyctipithèque hurleur. ibid. — Le Douroucouli , ibid. S II. Les Sakis, 283. — Le Saki à ventre roux, ibid. — L'Yarqué, 984.— Le Saki moine, ibid. — Le Saki à tête jaune , ibid. — Le Saki à moustaches rouges, ibid. — Le Mi- riquouine , ibid. & IV. Les Brachyures, 928%. — Le Couxio, 285.— Le Capucin, ibid.— Le Cacajao, ibid. LES OUISTITIS, 286. — L'Ouistiti + vulgaire, 288. — L'Ouistili à pin- ceau, ibid. — L'Ouistiti à tête blanche, 289.—L'Ouistitioreillard, ibid. — L'Ouistiti à camail, ibid — L'Ouistitimélanure, ibid —L'Ouis- titi mico, 490.— Le Tamarin aux mains rouges, ou Tamarin ordi- paire, ibid. — Le Tamarin nègre, ibid. — Le Tamarin labié, 291. — Le Tamarin chrysomele, ibid. — Le Tamarin à front blanc, ibid. — Le Marikina, ibid. — Le Léoneito, 992, — Le Tamarin pinche, 293. — Le Tamarin aux fesses dorées , ibid. LES AVAHIS, 294. —Le Maki rouge, LES CHÉIROPTÈRES, 300. LES GALEOPITHÈQUES, ibid. LIVRE Y. — LES CHÉIROPTÈRES. L:S ROUSSETTES , ibid. — La Rous- LES ACÉRODONS, 307. LES PACHYSOMES, ibid. — Le Pa- LES CYNOPTÈRES , 308. LES MACROGLOSSES, ibid. LES HARPIES , 309. LES HYPODERMES , ou VRAIES TABLE courte queue, ibid. ibid. — Le Maki noir, 295. — Le Maki aux pieds blancs, ibid. — Le Maki à fraise, ibid. — Le Maki à front blanc. ibid. — Le Maki à frontnoir, 296.— Le Maki à front roux, ibid.—Le Nyclicèbe de Java, ibid. — Le Nycticébe de Ceylan, ibid.— Le Microcébe roux, 297. — Le Pérodicticus de Geoffroy, ibid. — Le Propithéque à diadème, 298. — Le grand Galago ou à queue touffue, ibid. — Le petit Galago ou Galago de Demidoff, ibid. — Le Galago du Sénégal, 299. LES TARSIERS. 299. — Le Tarsier aux mains brunes, ibid. — Le Tarsier de Pallas, ibid. 302. sette d'Edwards, ibid. — La Rou- chelte Leschenault, 303. — La Bousselte Dussumier, ibid. — La Roussette intermédiaire, ibid. — La Rousselte de Leach, ibid. — La Roussette de Geoffroy, 30%. — La Roussette de Bonin, ibid. — La Roussette à face noir, ibid. — La Roussette Kaloa , ibid. — La Rous- sette masquée, ibid.—La Rousselte pâle , ibid. — La Roussette gri-e, 305. — La Roussette paillée, ibid. — Roussette amplexicaude , ibid. __ La Rousselte Edule, ibid. — La Roussette de Keraudren, ibid. — La Roussetle de Tonga, ibid. — La Roussetle de Vanikoro, 306. — La Roussette de manille, ibid. — La Roussette laineuse, ibid — La Rousselte à tête cendrée, ibid.—La Roussette hottentote , ibid. chysome mélanocéphale, 307 — Le Pachysome mammifêre, ibid.— Le Pachysome de Diard, ibid. —Le Pachysome de Duvaucel, 368. — Le Pachysome à courie queue, ibid. CEPHALOTES, ibid. LES VESPERTILIONS, 310. — Le Vespertilior de Bechsten, ibid. — Le Vespertilion de Natterer, ibid. — Le Vespertilion roussâtre , ibid. —Le Vespertilion faux marin, ibid. — Le Vespertilion de Wied, 311.— Le Vespertilion d'Oken, ibid. — Le Vespertilion ferrugineux , ibid. — Le Vespertilion de Schinz ibid. — Le Vespertilion de Leisler, ihid. — Le Vespertilion de Sereber, ibid — Le Vespertilion discolore, ibid. — Le Vespertilion pygmée, 312. — Le Vespertilion échan- sw » Wa 4 * cré, ibid. — Le Vespertilion à moustaches, ibid. — Le Vesperti- lion Dasycnéme , ibid — Le Vespertilion de Kuhi, ibid. — Le Vespertilion de Daubenton, ibid.— Le Verpertilion à collier, 313 — Le Vespertilion malais, ibid. — Le Vespertilion de Frédérie, ibid. — Le Vespertilion javanais, ibid — Le Vespertilion imbriqué, ibid. — Le Vespertilion inordinaire, ibid.—Le Vespertilion d'Harwicke, 314%. — Le Vespertilion adverse, ibid. — Le Vespertilion de Coro- mandel, ibid. — Le Vespertilion poctuline, ibid. — Le Vespertilion de Bourbon ,ibid — Le Vesperti- lion du Cap, ibid. — Le Vesper- tilion de Temminck, ibid. — Le Vespertilion matrginé, 3145. — Le Vespertilion grilfon, ibid. — Le Vespertilion de Saulnier, ibid. — Le Vespertilion de Géorgie, ibid. — Le Vespertilion Blondin, ibid.— Le Vespertilion Crecks, 316. — Le Vespertilion épais, ibid — Le Ves- pertilion de la Caroline, ibid. — Le Vespertilion subulé, ibid. — Le Vespertilion éperonné , ibid. — Le Vespertilion moiné.ibid.— Le Ves- pertilion à face noire, 317. — Le Vespertilion à dos noir, ibid. —Le Vespertilion à queue velue, ibid. — Le Vespertilion trés velu, ibid. — Le Vespertilion rouge , ibid. — Le Vespertilion poudré, ibid. — Le Vespertilion du Brésil, ibid. — Le Vespertilion de Saint-Hilaire, ibid — Le Vespertilion Polytrice, 318. — Le Vespertilion lisse, ibid. — Le Vesperlilion de Spix, ibid. — Le Vespertilion chien, ibid. — Le Vespertilion à ventre blanc, ibid, — Le Vespertilion noirâtre, ibid. — Le Vespertilion Maximilien, ibid. LES PROBOSCIDES , 318. LES OREILLARDS, 319. — L'Oreil- lard cornu — L'Oreillard brévima- pe, ibid. — L'Orcillard de Péron, ibid.—L'Oreillard voilé, ibid.—L'O- reillard leocomèle, 320.— L'Oreil- lard de Rafinesque, ibid.— L'Oreil- lard de Maugé, ibid. — L'Oreillard de Timor, ibid. LES FURIES, 320. LES NYCTICÉES, 321.— La Nyclicée humérale, 322 — La Nyclicée marquetée, ibid. — La Nyclicée de Temminek , ibid. — La Niclicée de Bélanger, ibid. — La Nycticée de Say, ibid. — La Nyclicée aux ailes bleues, ibid. — La Nyc- ticée pruineuse , ibid. — La Nycti- cée de Rafinesque, 323. — La Nycticée sicilienne , ibid. — La Nyclicée à moustaches, ibid. — La Nyclicée de Buénos-Ayres, ibid — La Nycticée de Pæping, 324.—La Nycticée du Chili, ibid. — La Nyc- ticée Aluto , ibid. LES SCOTOPHILES , 325. LES CELOENOS, ibid. LES ÆLLOS, ibid. LES DIELIDURUS , ibid. " E TAPHIENS ou les SACCOPTE- RIX,326.—Le Taphien à ventre nu, ibid. — Le raghien perforé, ibid. _. — Le Taphien filet, 327. — Le Ta- phien de l’île Maurice, ibid. — Le Taphien aux longues mains, ibid. LES MYORTÈRES, 327. LES DINOPES , ibid. LES NYCTINOMES, 328. — Le nyc- tinome petit, ibid.—Le Nyctinome de Rupel, ibid. LES THYROPTÈRES. 329. LES CHEIROMÈLES, ibid LES MOLOSSES, ibid. — Le Molosse doguin , 330. Le Molosse Alecto , ibid. — Le Molosse à poil ras. ibid. — Le Molosse véloce, ibid.—Le Molosse obseur,ibid.—Le Molosse noir, 331. -— Le Molosse d’Azara, ibid. — Le Molosse à lon- gue queue, ibid. — Le Molosse chà- tain, ibid. — Le Molosse à large queue, ibid. — Le Molosse à grosse queue, ibid. — Le Molosse à queue pointue, ibid.—Le Molosse Pérolis, 332.— Le Molosse oursin, ibid. LES STENODERMES, 322. LES NOCTILIONS, ihid. LES NYCTÈRES, 333. — Le nyctère de Java, ibid. — Le Nyctère appro- chant, ibid. — Le Nyctére de la Thébaïde, 334. LES RHINOPOMES, 334. — Le Rhi- nopome mycrophylle, ibid. — Le Rhinopome de la Caroline, ibid. LES MORMOOPS, ibid. LES MONOPHYLLES, 335. LES NYCTOPBYLLES, ibid. LES ARTIBÉES, ibid.— L'Artibée de la Jamaïque, 336. —L’Artibée du Brésil, ibid. LES PHYLLOSTOMES,336.—Le Phyl- lostome crénelé,336.—Le Phyllos- tome rayé, 337.—Le Phyllostome à feuille arrondie, ibid — Le Phyl- lostome fleur de lys, ibid. — Le Phyllostome à aile courte, ibid. — Le Phyllostome obscur, ibid. — Le Phyllostome à sourcils, ibid. — Le Phyllostome à courte queue, ibid. LES VAMPIRES, 337. LES MADATÉES, 338. LES BRACHYPHYLLES, ibid. LES GLOSSUPHAGES, 339. LES DIPHYLLES, ibid. LES MÉGADERMES, ibid. LES DESMODES, 340. LES RHINOLOPHES, '341.— Le Tri- dent, 341.— Le Rhynolophe du Cap, ibid. — Le Rhynolophe de Geoffroy, ibid. — Le Rhynolophe mamelonné, ibid.—Le Rhinolophe de Commerson, ibid. — L'Offinis, ibid. — Le Petit, 342. — Le Noble, ibid. —Le Déguisé, ibid.— Le Vul- gaire,ibid.— Le Diadême, ibid, — Le Cruménifère , ibid. — Le Rhino- + Jlophe du Deccan, ihid.—Le Rhino- lophe tricolore, 343.—Le Rhino- lophe à trois pointes, ibid. —Le 1. DES MATIÈRES. Luctus,ibid.—LeRhinolophe deuil, ibid.— Le Hhinolophe Euryotis, ib. — Le Rhinolophe à trois feuilles, 344.— Le Rhinolophe petit, Ibid. — Le Rhinol-phe cornu, ibid. — Le Rbinolophe à grande feullle, ib. L : LIVRE VI. — LES MAMMIFERES INSECTIVORES , 344. LES MACROSCELIDES, 344. — Le Macroscélide Type, 347.— Le Ma- croscélide de Rozet, 348. LES HÉRISSONS, 356. LES TENRECS, 357. LES GYMNURES, 358:—Le Gymnure de Raffles, 369. LES CLADOBATES , ou les Tupaias, 360. — Le Press, 361.— Le Tara, ibid.—Le Bangtring, ibid.—Le Pe- gouan , ibid. LES MUSARAIGXES.— La Pygmée, 262. — L'Elrurienne, ibid. — La Leucode, ibid. — La Plaron, ibid. — La Carrelet, ibid.— La Musette, ibid. —La Couronnée, ibid. — La d'Aubenton, 363. — L'Amphibie, ibid.— La queue en rame.— La Mu- saraigne à dents blanches, ibid. — La Musaraigne à lignes, ibid. — La porte-rame, ibid.— La Musarai gne à collier, ibid.—La Musaraigne à queue de rat, ibid.— La Grêle, ib, — La Gracieuse, ibid. — La Sonne- rat, ibid.— La Géante, ibid. — La Serpentaire ou Mondjourou, 364 — La marine, ibid.— La sacrée, ib. — La queue épaisse,ibid.—E£a can- nelle, ibid. — La blonde, ibid, — La Musaraigne des chemins, ibid.— — La Capensienne, ibid.— La Suri- nam, 365.— La masquée, ibid, — La naine, ibid. — La marécageuse, ibid. — La Forstérienne, ibid. — La courte queue, ibid.— La Peale, ib. — La Talpoïde, ibid. LES DESMANS, 365. LES CONDYLURES, 366.— à longue queue, ibid.— à grosse queue, ibid. — à pelage vert, ibid. LES SCALOPES, 367.— Le Scalope du Canada, ibid. — de la Pensylva- nie, ibid, LES TAUPES, 367. LIVRE VII — LES MAMMIFERES CARNASSIERS , 367. LES OURS, 367. — L'Ours ordinaire, 368.— L'Ours des Asturies, ibid. — L'Ours de Norwége,ibid.— L'Ours du mont Liban, ibid.— L'Ours noir, ibid. — L'Ours aux grandes lévres, ibid. — L'Ours du Thibet, 369. — L'Ours isabelle, ibid. — L'Ours ma- lais, ibid — L'Ours de Bornéo, 370. — L'Ours blanc, ibid. — L'Ours du Chili, ibid. — L'Ours noir d'Améri- que, ibid. — L'Ours gulaire, ibid, — L'Ours d'Europe, variété améri- caine, ibid, — L'Ours gris ou terri- ble, 371. LE RATON D'HERNANDEZ, 371. LES BASSARIS, 372, 657 LES BENTURONYS, ou LES ICTI- DES , 372. LES PANDAS, 373. LES ARCTONYX, 374. LES RIRASOUS ou LES POTTO, 419. LES BLAIREAUX, 375.— Le Blaireau du Nord, ibid. — Le Blaireau in- dien , ibid. LES RATELS, 375. LES GLOUTONS , 376. LES HÉLICTIS, 376. — L'Hélictis musqué, ibid. — Le Glouton orien- tal, ibid. LES PAGUMA , 376. — Le Paguma larvé , 377. — Le Glouton ferrugi- neux , ibid. LES MYDAUS, 377. LES MOUFFETTES, 377. — Le Ma- purit, ibid.— La Mouffette du Chili, ibid. — L’Atok, 378. — La Mouffet- tes interrompue, ibid. — La Mouf- fette de Californie, ibid. — La Si- caw, ibid. LES MÉLOGALES, 378. — Le Mélo- gale masqué, ibid. — Le Mélogale brun, 379. LES MARTES , 379. — Le Putois de Sibérie, ibid. — Le Furet de Java, ibid. — La Belette d'Afrique, ibid. — La Belette rayée de Madagascar, ibid. — Le Mink, ibid. — La Marte renard, ibid. — La Marte pécheuse, ibid. — La Marte de Godman, ibid. — La Marte huro , ibid. — Le Cuya, 380.— Le Quiqui, ibid.— Le Zorra, ibid. — La Marte marron, ibid. — La Marte grise , ibid. — La Zorille, ibid.—La Marte d'Eversmann, ibid. — La Marie à lêle de loutre, ibid. — La Marte de Java, ibid. — La Marte du Brésil. ibid. — La Bocca- mêle, ibid. — La Belette palmée, ibid.— La Marte d'Hardwiche, 381. — La Marte à gorge dorée, ibid. — La Cigogniari, ibid. LES EUPLERES, 381. — L'Euplère de Goudot, ibid. LES LOUTRES , 384.— La Loutre du Canada, ibid. — La Loutre de la Guyane, ibid. — La Loutre de la Caroline, ibid. — La Loutre de la Trinité, ibid. — La Saricovienne ; 389.—La Loutre du Kamschatka , ibid. — La Loutre Barang, ibid. — La Loutre aux petits ongles, ibid. — La Loutre nir-nayer, ibid. — La Loutre du Cap, ibid. — La Loutre de mer, 386. LES CHIENS, 386.—Le Dingo, 387. — Le Chien de l'Hymalaya, ibid. — Le Chien de Sumatra, ibid. — Le quao , ibid. — Le Chien de la Nou- — velle-Irlande, ibid. — Le Chien de Java, ibid. — Le Æolsun, ibid. — Le Landgah, ibid — Le Kokrée, ibid — Le Buansu, 388. — Le Re- nard de l'Hymalaya, ibid. — Le Cajote, ibid. — Le Loup du Mexi- que, ibid. — L'Agouraguazou, ibid. — L'Agouarachay, ibid —L'Anthus, ibid. — Le Chacal du Cap, ibid, — 85 653 Le Karagan, ibid. — L'Amarok, 389.— Le Loup blanc, ibid. — Le Stiète, ibid. — Le Loup noir, ibid. — Le Loup de prairie, ibid. — Le Chien des Esquimaux , ibid. — Le Chien du Canada, ibid. — Le Chien de la Nouvelle-Calédonie. — Le Renard bleu, ibid, — Le Renard rouge des plaines , ibid. — Le Re- nard barré, ibid. — Le Renard argenté , ibid. — Le Renard gris, ibid. — Le Renard véloce, ibid. — Le Chien sauvage d'Amérique, ibid. — L’Aduhossein de Nubie, ibid. — Le Sabora des Arabes, ibid. — Le Renard tacheté , ibid. — Le Méga- lotis, 390. — Le Famel, ibid. — Le Zerdo, ibid. LES CYNHYOENES, 391. LES CYNICTIS, ibid. — Le Cyniclis à queue noire , ibid. LES VIVERNES , 391. LES CIVETTES, 392. LES GENETTES ibid. LES PARADOXURES , 393. — Le paradoxure type, 394.— La vivéne musanya, 395.— La Civette grêle, ÿbid. — Le Paradoxure à pieds blancs, 396.— Le Paradoxure à moustaches blanches, ibid. LES MANGOUSTES, 397.— La Mon- gouste de Java, ibid. — La Mon- gouste du Sénégal , ibid. — La Mongouste des marécages, ibid. — La Mongouste à pinceau, ibid. LES SURIKATES, 397.— Le Surikate du Cap, 398. LES HYÈNES, 399. — La Hyéne brune , ibid. — La Hyène tachetée, il) Du LES PROTÈLES, 400. LES FELIS. 405. LES LIONS, ibid. LES TIGRES , 406. LES CHATS-PANTHERES, ibid. LES CHATS-OCÉLOIDES, 407. LES UMAOUS, 408. LES GUEPARS, 409. LES CHATS SERVALS, 409. LES VRAIS CHATS , 409. LES LYNX, ou LOUPS CERVIERS, 411. LES PHOQUES, 412.— Le Phoque de Muller 423. — Le Phoque de Screber, ibid. — Le Phoque de Par- son , ibid. — Le Phoque de Thiene- man , 424. — Le Phoque leucople , ibid.—Le Phoque de Linnæus, ibid. — Le Phoque de Lepéchin, ibid. — Le Phoque de Frédéric , 425. — Le Phoque de la Pilaye, ibid.— Le Pho- que de Besmarest, ibid. — Le Pho- que d’Herman , ibid. PHOQUES de l'océan Pacifique bo- réal, 425. — Le Phoque de Choris, ibid. — Le Phoque de Byron, ibid. PHOQUES de l'hémisphère austral, 426, — Le Phoque de Home, ibid. — Le Phoque Werdell, ibid. — Le Phoque à trompe , 427. LES OTARIES, 428.— Otaries de l’o- céan Atlantique, ibid.— L'Otarie de Fabricius, ibid. TABLE |OTARIES de l'océan Pacifique boréal, 428.— L'Otarie de Steller, ibid. — L'Otarie de Californie, ibid. — L’O- tarie de Krakenninikow, 429. OTARIES de l'hémisphére austral, 429. — L'Otarie de Pernetty, ibid. — L'Otarie de Forster, ibid. — L'O- tarie molosse, 430. — L'Otarie de Pagés, 431.— L'Otarie de Blain- ville, 432. — L'Otarie cendré, ibid. — L'Otarie albicol, ibid. — L'Otarie jaunâtre, ibid. — L'Otarie de Shaw, ibid. — L'Otarie d'Hanville, 433. — L'Otarie de Molina, ibid. LIVRE VIII. — LES MARSUPIAUX, ou ANIMAUX A BOURSES , 434. LES DIDELPHES, 435. LES CHIRONECTES , 436. LES THYLACINES , 436.— Le Thyla- cine de Harris, ibid. LES MYRMECOBES , 437. — Le Myr- mecobe de la Terre de Diémen, ibid. LES PHOSCOGALES, 438. LES DASYURES , 438. LES PÉRAMÈLES , 439.— Le Péra- mêle nez pointu, ##0.—Le Péra- méle de Bougainville, ibid. — Le Péramèle obésule , 441.— Le Péra- mèle lagotis, ibid. LES PHALANGERS , 442. LES COUSCOUS , 444. — Couscous à oreilles très courtes, velues en de- dans et en dehors, ibid. — Le Pha- langer tacheté, ibid. — Le Phalan- ger Quoy , 445. — Le Phalanger oursin , ibid. — Le Phalanger à croupion doré, 446. — Le Phalan- ger à grosse queue , ibid. — Cous- cous à oreilles un peu saillantes complétementnues en dedans, ibid. — Le Phalanger blanc, ibid. LES TRICHOSURES , 446. — Le Pha- langer nain, 447. — Le Phalanger gliriforme, ibid. — Le Phalanger de Cook,448.— Le Phalanger renard, 449.— Le Phalanger viverrin, 450. LES PÉTAURISTES, ou PHALAN- GERS VOLANTS, 450.— Le Pétau- riste taguanoïde, #52. — Le Pétau- riste à grande queue, ibid. — Le Pétauriste de Peron, ibid. — Le Pé- tauriste scuirien, ibid. — Le Pétau- riste pygmée , ibid. — Le Pétauriste à joues blanches, 453. LES POTOUROUS, 453. — Le Potou- rou de‘ White, 45 4. LES KANGUROOS, ou mieux KAN- GOUROUS, 455. LES KOALA , ou COALA , ou KOLOK, 458. LES PHASCOLOMES, ibid.— Le Phas- colome Wombat, 459. LES MONOPTÈRES, ou les PARA- DOXAUX , 460. LES ÉCHIDNÉS, ibid. LES ORNITHORYNQUES, 461. LIVRE IX. —LES RONGEURS, 463. LES ÉCUREUILS, 464. — 1. Le Fu- | nambule, ibid. — 2. Le grand écu- Ÿe $ reuil de la côte de Malabar , ibid. — 3. Le Lary, ibid. — #. L’Affinis, ibid. — 5. Le Tupaï, ibid. — Le Talmiste, 465. — 7. Le Bananiste, ibid. — 8. Le Ventre doré, ibid. — 9. L’Ecureuil à croupion roux, ibid. — 10. L'Ecureuil de Kerau- dren, ibid. — 11. L’Ecureuil à queue de cheval, ibid, — 12. L'E- cureuil à ventre gris, ibid. — 13. L'Écureuil aux mains jaunes, ibid. 14.—L'Ecureuil de Braan, ibid. — 45. L'Ecureuil d'Ephniston, ibid. — 16. L'Ecureuvil de Prévost, ibid. — 17. L'Ecureuil de Raffles, ibid. — 18. L'Ecureuil de Lesche- nault, ibid. — 19. La Bicolore, ibid. — 20. L'Ecureuil rayé noir, ibid. — 21. Le Finlaison, ibid. — 29, — L'Ecureuil fluet, ibid. — 23. Le Tupaï jinjang ou Tankrawa, 466G 24. L'Ecureuil anrelé, ibid. — 25. L'Ecureuil Gingy, ibid. LES GUERLINGUETS, 467. — Le Polatouche élégant, 471. LES CHIROMYS , ibid. LES CYNOMIS, ou CHIENS-RAITS, ibid. LES SPERMOPHILES, 473, — Le Soulick, ibid. — Le Spermophile de Parry , ibid. — Le Spermophile rayé, 474. — Le Spermophile de Richardson, ibid. — Le Spermo- phile de Franklin, ibid. — Le Sper- mophile poudré, #75. LES CITILLUS , 476. LES LIPURES , ibid. LES MARMOTTES , ibid. LES APLADONTES , ibid. LES LORIS , 477. LES DENDROMYS , ibid. LES GRAPHIURES, ibid. LES PITHÉCHEIRS , ibid. LES NIOTOMES , 478. LES OTOMYS, ibid. LES ECHIMYS, ou les LONCHÈRES , ibid. LES CERCOMYS, 479. LES SIGMODONS, ibid, LES HÉTÉROMYS, ibid. LES MYNOMES , 480. LES CTÉNOMES, ibid.— Le Cténome magellanique, ibid. LES HYDROMYS, ibid. LES CAPROMYS , Utias ou Isodons, ibid: — Le Capromys de Poey, 481. LES EURYOTIS, ibid. LES RHIZOMYS , ibid. LES STENODACTYLES , 482. LES PSAMMOMYS, ibid. LES PINEMYS, ibid. LES PSEUDOMYS, 483. LES OCTODONS, ibid. LES PAPHAGOMYS, ibid. LES AULACODES, ibid. LES ÉLIGMODONTES, ibid. LES RATS ou MUS, 485. LES PERCHALS, ou RATS EPINEUX 487. LES CAMPAGNOLES , ou ARVICOLA, 488. LES LEMMINGS, les Hipudœus ou les Géorychus, 489. LES HAMSTERS, 490. LES GÉOMYS, ibid. — Le Saccomys mangeur de fleurs, 491. LES DIPLOSTOMES, ibid. LES RATS-TAUPES , ibid. LES ZOKORS, ou Siphnœus, 492. * LES BATHYERGNES, ou Oryctères, ibid. LES GÉGRIQUES , 493. LES HÉLAMYS , ou nièvres sauteurs, ibid, LES GERBOISES, ibid. LES GERBILLES, 494. — La Gerbille de Buffon, ibid. LES MÉRIONS , 495. LES ONDATROS, idid LES COUIA ou MYOPOTOME S, ibid. LES CASTORS, ibid. ES PORCS-EPICS, 496. LES LIÈVRES ET LES LAPINS, ibid. — Le Lièvre variable, ibid. — Le Rekalek, ibid. —Le Lapin de Magellanie , 497. — Le Citli, 498 — L' Egyptier, ibid. — Le Liévre du Cap, ibid.— Le Lièvre des rochers, ibid. — Le Lièvre des sables, ibid. — Le Liévre à grosse queue, ibid. — Le Lièvre à nuque rousse, ibid. — Le Lièvre à nuque noire, ibid. LES LAGOMYS, 499.— Le Nain, ibid. — Le Gris, ibid. — Le Pica, ibid. — Le Princeps, ibid. LES CHINCHILLIDÉES, ou la famille des Chinchillas, 499. LES LAGOSTOMES , 499. LES CHINCHILLAS, 501. — Le vrai Chinchilla, ibid. — Le Chinchilla doré, 502. LES LAGOTIS , 502. LES CABIAIS, 503. LES COBAYES ou Cochons d'Inde , 503.— Le Cobaye de Cuthler, ibid. LES MOCOS , 504. — Le Moko de King, ibid. LES ACOUTIS, 504. LES MARAS, 504. LES PACAS, 505. MAMMIFÈRES DERMES et RU- LIVRE X. — LES ÉDENTÉS, PACHYD MINANTS, 506. LES ÉDENTÉS, 506. LES PARESSEUX , 506. LES PANGOLINS , 506.— Le Pango- lin de l'Inde, 507. — Le Pangolin d'Afrique, ibid. — Le Pangolin de Java, ibid. — Les Tatous, 508. LES APARS, 308. LES ENCOUBERS , 508. LES KABASSOUS, 508 LES PRIODONTES , 208. LES ORYCTÉROPES , 509. LES PACHYDERMES , 509. LES COCHONS ou SANGLIERS , 509 — Le Sanglier à bandes , ibid. Le Sanglier à verrues. be — Le Co- chon des Papous, & LES PHACOCHÆRES LES PÉCARIS, 512 LES ANOPLOTHÉRIUNS , 512. LES RHINOCÉROS , 512, DES MATIÈRES. $ I. Rhinocéros vivants , 513. — Le Rhinocéros d'Afrique, ibid — Le Rhinocéros de Sumatra , 514 — Le Rhinocéros sans cornes, ibid. — Le Rhinocéros des Indes , 515 — Le Rhinocéros de Java , 516. $ IL. Rhinocéros fossiles, 546 — Le Rhinocéros à narines cloison- nées , ibid. — Le Rhinocéros à na- rines simples, ibid. — Le Rhinocèé- ros petit, ibid. — Le Rhinocèros à incisives, 517. LES DAMANS, 517. LES TAPIRS, 517.— Le Tapir des Andes ou Pinchaque, 518. — Le Mé des Chinois, LES CHEVAUX, 5 L'Hermione ou le Dzigglai, 521. LES RUMINANTS, 523. LES LAMAS, 524. LES CHE VROTAINS, 525. LES CERFS, 526. LES ELA NS, ibid. LES R ENNES. LES DAIMS , 527. LES VRAIS CERFS, ibid. — Débris fossiles de quelques Cerfs, ibid. — Les Rusa des Malais ou Cerfs in- diens, 531. LES AXIS, 533. LES CHE VREUISS, ibid, LES MAZAMES, ibid. LES DAGUETS , 534 LES CER VULES , ibid. LES GIRAFES , 935. LES ANTILOPES , 536.— Les Antilo- pes de M. Ord , ibid. — Les Égo- cères de Desmarest, ibid. — Les Oryx de Blainville, 537. — Les Gazelles, 538. — Les Damées, 539. — Les Antilopes, ibid. — Les Nagors,ibid.—Les Tragules, 540. Les Raphicères, ibid. — Les Tétra- cères, ibid. — Les Céphalophes, 341.— Les Néotragues, ibid.—Les — Tragélaphes, ibid. — Les Némo- rhèdes, 542. — Les Chamois, ibid. — Les Aplocères, ibid. — Les Anoa, 543. — Les Ixales, 944. LES DAMOLIS, ibid. — Les Acro- notes d'Afrique, ibid. — Les Bosé- laphes, ibid. — Les Strepsicéres, 545. — Les Portax, ibid. LES CATOBLÉPAS, ibid. LES CHEVRES, 546 —Le Bouquelia Wolie, ibid. — Les Moutons, 5#7. — Le Mouflon à manchettes, ibid. — Le Bélier à large queue, 548. — L'Argoli, ibid. — Les Ovibos, 549. LES BOEUFS , ibid. — Le Buffle des États-Unis, 951. 554. — L'Aurochs, LIVRE XI. — LES MAMMIFÈRES CÉTACÉS. 555. CONSIDÉRATIONS GENERALES, 099. CÉTACÉS des mers de Kamtschatka, publiés d’après des figures sculp- tées en bois par Les Aléoutes, par M. de Chamiss0, 569.— 1.La Baleine kuliomock, 565.— 2. La Baleine tschikagluck, 566.— 3. La Baleinoptére abugulich, ibid, — 4 — La Baleinoptèére mangidach, ibid, — 5. La Baleinoptère aga- 659 machtschich. 567. — 6. La Balei- noptère aliomoch , ibid. — 7. Le Cachalot agidagich, ibid. — 8. Le Physétère alugninich, ibid. — 9. Le Marsouin aguluch, ibid. DESCRIPTION de quelques cétacés des mers du Japon, d'aprés des figures peintes en Chine et au Ja- pon, par le comte de Lacépéde. 568. $ I. — Les Baleines à dos sans . bosse, 565.—La Baleine japonaise, ibid. — La Baleine lunulée, ibid. $ IL. — Les Baleinaptéres à plis longitudinaux sous la gorge et sous le ventre, 568.—La Baleinop- tère mouchetée , ibid. — La Balei- noptère noire, ibid.— La Baleinop- tère bleuâtre:, ibid. — La Balei- noplére tachetée, 569. S1II.—Les Cachalotsä nageoires, 569.— Le Physétére sillonné, ibid. — LeDauphin noir, ibid. DES CÉTACÉS HERBIVORES, ou des Sirènes, ibid. LES LAMANTINS, ou Manates, ibid. — Le Lamantin à long museau, es — Le Lamantin du Sénégal, 4 LES DUGONGS, ou Halicores, 573. — Le Dugong des Indes, 576. LES STELLERES, ou Rytines , 577. Le Stellère boréal, 578. LES CETACES piscivores, 580. LES HÉTÉRODONS, ibid. LES NARWALS, 581. — Le Narwhal- licorne, 582. LES 'ANARNAKS, 585,— L'Anarnak groenlandois, ibid. LES DIODONS, 586. de Sowerby, 587. LES HYPÉROODONS, ibid. — L'Hy- péroodon de Honfieur, 589. Proportions des deux Hypéroo- dons décrits par Baussard le jeune, 590.—L'individu adulte, ibid.—Les Ziphius, 591. LES AODONS, 592. — L'Aodon de Dale, 594. — Les Dauphins, 595. & I. — Les Bélugas, 603. — Le Béluga des régions arctiques, ibid. $ IL — Les Delphinaptéres, 604. — Delphinaptère de Péron, ibid. $ HE. — Les Delphinorhynques, 606. — Le Delphinorhynque de Geoffroy, ibid. — Le Delphino- rhynque de Breda, 607. — Le Del- phinorhynque couronné, ibid. — Le Delphinorhynque malais, 608. — Le Delphinorhynque maculé, ibid. LES SOUSOUS , 608. — Le Sousou plataniste, 609. LES DAUPHINS proprement dits, 610.— Le Dauphin vulgaire, ibid. —Le Dauphin de Pernetty ,613.— Le Dauphin douteux, ibid. — Le Dauphin de Bory, 614. — Le Dau- phin à becmince, ibid. — Le Dau- phin crucigère, 615.—Le Dauphin albigéne , ibid. — Le Dauphin à bandes. — ibid. — Le Dauphin à sourcils blancs, ibid.—Le Dauphin — Le Diodon + + 660 TABLE DES MATIERES. . funenas , 616. — Le plus petit des | souin commun, ibid. — Le Mar- | LES BALEINES, 643. F2 Dauphins, ibid. — Le Dauphin souin orque, ou l'épaulard , 624. | LES BALEINOPTÈRES, 645. — ne oudre, ibid. — Le Dauphin de | — Le Marsouin de Paimpol, 626.— | Rorqual du Nord, ibid. — Le Ror- Bayer, 618. Le Marsouin caréné, ibid. ‘ qual de la Méditerranée, 650. — LES INIAS, 618. — Le Rorqual Mu- | LES GLOBICÉPHAnES, 627. — Le | Le Rorqual à museau pointu, 652. seau pointu, 620. Globicéphale conducteur. 628. — | — Le Rorqual du Sud, 653. LES OXYPTÈRES, 620.— L'Oxyp- Le Globicéphale de Risso, 630. LES BALEINES , 656. — La Baleine tére rhinocéros, ibid. LES CACHALOTS, 632. — Le Cacha- du Sud, 658.—La Baleine du Nord, LES MARSOUINS, 621.— Le Mar- lot macrocéphale, 635. ibid. C2 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER. . + . CLASSEMENT DES 120 PLANCHES POUR LES COMPLÉMENTS DE BUFFON, PAR LESSON. L'Orang-Outang. Chimpanzé jeune. Semnopithèque pyrrhus. Semnopithèque à croupion blanc. L'Indri. Galago du Sénégal. Le Galéopithèque. Gymnure de Raffles. Tupaya Banxring. Ours malais. Ours aux grandes lèvres. Ours noir d'Amérique. Le Panda. Kincajou potot. Le Télagon. Le Mélogale musqué. Fennec. Genette Lisang, Protèle Delalande. Chat arimaou. : Phoque de Choris. Phoque à trompe. Thylacine de Harris. Dasyure viverrin. Dasyure de Maugé. Péramèle de Bougainville. Le Couscous blanc. Le Phalanger volant. Le Phalanger de Cook. Le Potouroo. Lamantin d'Amérique. Narwal licorne. Aodon de Dale Delphinaptèr ; Delphinorhynque couronné. Dauphin à sourcils blancs. 220 221 293 299 300 360 361 367 368 371 374 379 377 378 390 392 400 408 425 427 436 438 Le Kangourou oualabat. Le Kaugourou rouge. Le Kangourou élégant. Le Koala. Le Wombat. Echidné australien. Ornithorhynque paradoxal. Ecureuil bicolore. Ecureuil ferrugineux. Spermophile de Franklin Marmotte de Richardson. Le Capromys de Fournier. Mérione des bois. Lièvre d'Egypte. Le Chinchilla. Agouti des Patagons Chlamyphore tronqué. L’Eléphant. Le Cochon babi-russa. Le Rhinocéros. Le Tapier maïba. Zèbre L’Alpaco. Chevrotin napu. ib. | Antilope leucoryx. 439 | Antilope pygmé.M 446 | Antilope laneuse. 447 | Antilope à cornes fourchues. 448 | Atilope gibbeuse. 454 CÉTACÉS. 571 | Marsouin commun. 582 | Globicéphale conducteur. 594 | Cachalot bosselé. 604 | Cachalot macrocéphale. 607 | Rorqual du Nord. 615 | Baleine franche. 658 Aptérix austral. La Harpie. Uru-Taurana. Le Ketupu. Phasianus pucrasia. Le Rouloul de Malacca. Eudrome élégante. Chionis blanc Mégapode Duperrey. Mégapode à pieds rouges. Alecthélie Durville. Ménure lyre. Touraco Pauline. Musophage violet. Musophage géant. Le Gubernète du Brésil. Phonygame de Kéraudren Garrulax de Bellanger. Vanga écorché. Sparacte bec-de-fer. Drongo azuré. Enicure couronné. Céphaloptère orné. Rupicole vert. Eurycère de Prevost. Some Second. OISEAUX. 71 | Martinet à moustaches. 108 | Glaucope cendré. Epimaque royal. Epimaque promefil. Epimaque magnifique. 210. | Le Scytrops de la Nouvelle-Hollande acatoès de Banks. Cacatoès nasique. Microglosse noir. ib. | Ara hyacinthe. 257 | Arara de la Patagonie. 260 | Psittacule de Kuhl. 267 | La Perruche pygmée mâle. 268 | Couroucou pavonin. ib. | Malcoha à bec peint. 387 | Coucal atralbin. 403 | Le Coua Delalande. 405 | Coucou Guira Cantara. 406 | Coucou Dridric. 418 | Coucou cuivre. 423 | Drome ardéole. 425 | Le Sterne des Incas. 429 | Canard pie à pieds demi-palmés. 430 | Le petit Manchot de la Nouvelle-Zélande. À /7/ 7°! h4x 448 536 937 ib. 600 602 ib. 603 604 ib. 607 ib. 614 618 60 621 624 627 ib. 701 719 719 729 RAF sat ue (Ah DL 0 4 AU JR WU Ut { MEN VE PAU TND VAT PAM ENTEN QA' fi aTArr {! M AUS AE LU LA : 1 "HN { sl AA l À H| DA NUE GANT | tn CAN (LES LP AUR | QUE Au] UE rAVM Al AA TN fl REA EUROS à ne \e hi LLUNTATRCRL EE ÉRERTIINEIPMNITES RE 4 1618 tait