,^»-KOw:.-«>»^^i«--M^;^.'t«u».*^iei^i»r^^^^ ----- ASSOCIATION FRMMSï POUR L'AVANCEMEN tUtHMMnft&ÛRWksM nr Q v TUNIS 180 G ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES \ Une table des matières est jointe à chacun des volumes du Compte Rendu des travaux de l'Association Française en 1896. Une table analytique générale par ordre alphabétique termine la 2me partie ; dans cette table, les nombres qui sont placés après la lettre p se rapportent aux pages de la lre partie, ceux placés après l'astérisque * se rapportent aux pages de la 2me partie. IMPRIMERIE QHA1X, H(JK liKUGBRE, 20, TARIS. — 1 31 96-S-9G. ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES FUSIONNEE AVEC L'ASSOCIATION SCIENTIFIQUE DE FRANCE (Fondée par Le Verrier en 1864) Reconnues d'utilité publique COMPTE RENDU DE LA 25ME SESSION GARTHAGE (à Tunis) — 1896 — SECONDE PARTIE NOTES ET MÉMOIRES '-I8RARY *EW VORK UOTANICAL GaRDBN. PARIS AU SECRÉTARIAT DE L'ASSOCIATION 28, rue Serpente (Hôtel des Sociétés savantes) Et chez MM. G. MASSON et Ci0, Libraires de l'Académie de Médecine 120, boulevard Saint- Germain. 1897 ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES LIBRARY r NPW VOKK NOTES ET MEMOIRES QARDBN. M. le EéY. T.-C. SIMMONS Membre de la Société mathématique de Londres, à Grainthorpe, Grimsby. SUR LA PROBABILITÉ DES ÉVÉNEMENTS COMPOSÉS [J. 2 a] — Séance du 2 avril 1896 — Laplace dit, dans YEssai philosophique qui précède sa Théorie analytique des Probabilités (IIIe Principe) : « Un des points les plus importants de la théorie des probabilités, et celui qui prête le plus aux illusions, est la manière dont les probabilités augmentent ou diminuent par leurs combinaisons mutuelles. Si les événe- ments sont indépendants les uns des autres, la probabilité de leur ensemble est le produit de leurs probabilités particulières. » Il faut demander, que veut-on dire par événements indépendants les uns des autres? Nous citerons la définition de Moivre (Doctrine of Chances, 3e éd., Londres, 1756) (*). « Deux événements sont indépendants, quand ils n'influent pas l'un sur l'autre et que l'arrivée de l'un n'avance ni ne relarde l'arrivée de l'autre. Deux événements sont dépendants, quand ils (*) Two- events arc independent when they hâve no connexion one with the other, and tliat the happening ofone neither forwards nor obslructs the happening of the other. Two events are depen- .dejit, when they are so connected together as tbat the probability of either's happening is altered "Ly the happening of the other. \* 2 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE se rattachent tellement que la probabilité de l'arrivée de l'un est changée par l'arrivée de l'autre. » Ce principe et celle définition ont été acceptés, autant que je sache, avec confiance, jusqu'ici, par tous les mathématiciens. Par exemple, Liagre dit (Calcul des Probabilités, 2e éd., Bruxelles, 1879, p. 40) : « Le produit des probabilités de plusieurs événements indépendants les uns des autres exprime la probabilité de l'événement composé, résultant du concours de ces événements... Moivre (Doctrine of Chances) est le premier qui ait fait usage des probabilités composées d'une manière générale. » Et encore (p. 561) : « La probabilité composée [d'un événement] est le produit des probabilités simples. Ces dernières sont absolues, si les événements simples sont indépendants les uns des autres ; relatives, si l'un quelconque des événements dépend de l'arrivée des autres. » Je me propose de questionner l'exactitude de ces assertions et de mon- trer que la confiance que l'on y a reposée n'est pas toujours justifiée : au contraire, que si l'on accepte la définition de Moivre, le principe de Laplace peut donner naissance, dans certains cas, à de graves erreurs. Prenons des exemples : Exemple I. — Trois points sont pris au hasard sur une droite. Quelle est la probabilité pour que les deux derniers se trouvent sur un seul des deux segments déterminés par le premier? Soit PQ la droite ; A, le point premier ; B, C, les deux autres. La proba- bilité de l'incidence de B sur PA (il va sans dire que l'on n'a pas observé 1 la longueur de PA) ou de C sur PA est, dans chaque cas, -^- ; les deux événements, selon de Moivre, sont indépendants, car la position de B sur PQ n'influe aucunement sur la position de C sur PQ. Selon Laplace, la probabilité pour que B, C se trouvent tous les deux sur 111 PA =-% --j = -y, et la probabilité pour qu'ils se trouvent sur le même 1 1 segment de PQ = — . Mais cette dernière probabilité devrait èlre-^> a o comme on voit très facilement. Conséquemment, si l'on accepte la défi- nition de Moivre, le principe de Laplace n'est pas applicable ici. Ce problème est si simple qu'aucun mathématicien, en le résolvant, ne serait en danger de commettre une erreur. Je vais passer à un autre problème, où ce danger existe vraiment. Exemple il. — Une corde d'un cercle est déterminée en joignant deux points pris au hasard sur la circonférence. Trois cordes étant ainsi déler- T.-C. SIMMONS. — SUR LA PROBABILITÉ DES ÉVÉNEMENTS COMPOSÉS 3 minées, quelle est la probabilité pour que leurs trois intersections se trouvent en dedans du cercle? Soient A, B, C, les trois cordes. Les intersections en dednns du cercle de BC, de CA et de AB sont trois événements que l'on peut désigner par P, Q, R. La position d'une corde quelconque A n'influe aucunement sur la position de B ni de C ; ainsi l'arrivée d'un événement quelconque P n'avance ni ne retarde l'arrivée de Q ou de R. Conséquemment, selon de Moivre, P, Q, R sont absolument indépendants. La probabilité de P, ou de Q, ou de R, comme on voit très facilement, dans chaque cas, =—r • Un mathématicien anglais (Math. Quest. f'rom Educational Times, vol. LXV, Q. 12.898, Londres, 1896) a déduit que, par conséquent, la probabilité 1 1 1 1 de l'événement composé PQR=— — - — — = — , et croit encore qu'il a o o o Ai 1 raison. Mais la probabilité exacte devrait être —, comme je vais prouver. lo Soient U, V, W, X, Y, Z, les six points qui déterminent les trois cordes. On peut considérer le problème de deux manières. 1° D'abord, après avoir déjà marqué tous les six points, on peut les joindre deux à deux au r* ^* hasard. Ici, sur-^-^ - ou quinze façons de joindre, toutes également pos- sibles, une seule donne trois intersections en dedans du cercle, c'est-à-dire le cas où chaque point se trouve joint à son point le plus opposé. La 1 probabilité cherchée donc = — . 2° Au lieu de joindre tous les six points au hasard, joignons les deux premiers, U, V. Le troisième point W déter- mine, avec U, V, trois arcs sur chacun desquels le quatrième point X peut se trouver avec probabilité égale ; la probabilité pour que X se trouve sur l'arc opposé à W est donc—. De la même manière, le cinquième point Y étant marqué, la probabilité pour que le sixième point Z se trouve 1 sur l'arc le plus opposé à Y est — . Par conséquent, la probabilité de trois intersections des trois cordes en dedans du cercle est ■ = — comme 3 o l.'i auparavant. 3° J'ai trouvé le même résultat par le calcul intégral voir loc. cit. ), mais la démonstration est assez longue et inutile. Les considérations précé- dentés suffisent pour montrer que la probabilité cherchée n'est pas —, comme on aurait pu croire, en suivant Laplace et de Moivre. En effet, un examen minutieux de la question fait sortir une conclusion remarquable. L'événement R est, selon la définition, absolu- 4 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE ment indépendant de P, et aussi de Q ; P est absolument indépendant de Q ; mais R n'est pas, selon la définition, indépendant de l'événement composé PQ. En d'autres termes, l'intersection de A, B n'est ni avancée ni retardée par l'intersection B, C ni par celle de C, A ; l'intersection de B, C n'est ni avancée ni retardée par l'intersection de C, A ; mais l'inter- section de A, B est avancée par l'intersection simultanée de B, Cet de C, A. Ces deux derniers événements étant supposés, le nombre de positions possibles de B et A, relativement à C, est limité et, par conséquent, leur nombre de positions possibles l'un à l'égard de l'autre. Il s'ensuit alors que, si l'on a trois événements dont les probabilités sont p, q, r. et que chaque événement est absolument indépendant des deux autres considérés séparément, la probabilité de leur ensemble n'est pas nécessairement pqr. Exemple III. — Deux hommes, A, B, et deux dames. C, D, tous inconnus les uns des autres, voyagent dans le même train, composé de l indiffé- rents compartiments delà première classe, m de la seconde classe et n de la troisième classe. Les probabilités pour que A voyage dans la première, seconde ou troisième classe sont respectivement proportionnelles à X, ;;., v, et de même pour B. Les probabilités pour que C voyage dans la première, seconde ou troisième classe sont respectivement proportionnelles à /, m, n. et de même pour D. Prouver, pour toutes les valeurs de X, p., v (excepté quand X : p. : v = l : m ; n), que A et B se trouvent plus probablement en compagnie de la même dame que chacun avec une dame différente. J'ai proposé ce problème dans Y Educational Times de mars 1886, Quest. 8495 (vol. XLV, p. 111). Voilà la solution : La probabilité (P) pour que A se trouve avec l'une des deux dames et B avec l'autre G) (l -j- m -|- n)2 La probabilité (P') pour que A se trouve avec B / (X + ;,. + v)2 m(À4-j. + v)* «(X + fx + v)* et pour que A et B se trouvent avec une même dame I -[- m -j- n Il est facile de déduire que Q > P, en observant que / (ta2n2 + v2m2} T.-C. SIMMONS. — SUR LA PROBABILITÉ DES ÉVÉNEMENTS COMPOSÉS 5 + m (v2/2 + À2rc2) + n (X2m2 + y.H2) > llmn (pv -f vX -f Xp,), excepté quand ? : m : n = X : p : v, ce qui donne Q = I*. Ce résultat est assez curieux. Soient p la possibilité pour que A se trouve avec une dame particulière (C, par exemple), et q la possibilité pour que B se trouve avec la même dame. Les deux événements, selon la définition, sont absolument indépendants. Les compartiments de la même classe étant indifférents (on suppose toujours assez de sièges vides, tous également à désirer), le compartiment choisi par aucun des quatre voya- geurs n'influe sur le compartiment choisi par aucun autre ; et, par con- séquent, la position de A relativement à C n'influe aucunement sur la position de B relativement à C. Selon Laplace donc, la probabilité pour que A et B se trouvent tous les deux avec C devrait être pq. Mais, comme on. l'a vu, cette probabilité est plus grande que pq , pq étant la proba- bilité pour que A se trouve avec C, et B avec 1) (ou A avec D et B avec C). Prenons un cas simple, où le train se compose de trois compartiments seulement, deux de la première classe, un de la troisième classe. Supposons, sur deux fois que C voyage dans la première classe, qu'elle voyage une fois dans la troisième, et de même pour D : supposons que A voyage avec probabilité égale dans la première ou la troisième classe, et de même pour B. La probabilité pour que A se trouve avec C est donc 11 11 11 1 — — —-{-—. — rr + "ôT ""o" ~~q"' ce °Iin est auss* 'a ProDabilité pour 4 o 4 o L o o que B se trouve avec C, Mais la probabilité pour que A et B se trouvent 1 1 tous les deux avec C, au lieu d'être — ■> — , selon Laplace, est : O * > 111 J_ 1 _1_ \_ _1_ _!_ \_ 1 1 — — -- étant la probabilité pour que A se trouve avec C et B avec D, ou o o réciproquement. Faut-il donner d'autres exemples? Je crois que ceux que j'ai déjà donnés suffisent pour montrer le danger qui existe quelquefois en appli- quant ce troisième principe de Laplace. En effet, le produit des probabi- lités de plusieurs événements indépendants (selon la définition) les uns des autres n'exprime pas toujours la probabilité de l'événement composé résultant du concours de ces événements. Laplace dit (IVe Principe) : « Quand deux événemeuts dépendent l'un de l'autre, la probabilité de l'événement composé est le produit de la probabilité du premier événe- ment, par la probabilité que cet événement arrivé, l'autre arrivera ». Ne 6 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE vaudrait-il pas mieux, dans des questions difficiles, toujours employer cette règle, même quand les deux événements sont apparemment indé- pendants l'un de l'autre? NOTE Le théorème que j'ai énoncé au Congrès de Caen, 1894 (Comptes rendus, p. 266), avait été déjà employé, à mon insu, par M. É. Lemoine. Voir Quelques questions de probabilités résolues géométriquement (Bull, de la Soc. math, de France, 1883), et Sur une question de probabilité (Nouvelles Annales, 3e série, t. III, 1884). Les applications du théorème données par M. Lemoine et par moi sont différente, celles de M. Lemoine, surtout, étant très intéressantes. M. Ed. eOLLIGNON Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris. APFLICATIONS DIVERSES DE LA GÉOMÉTRIE DES MASSES [R 2 b j — Séance du 2 avril \896 — Des constructions géométriques, qu'on peut ramener aux principes de la géométrie des masses, font connaître le centre de gravité d'un triangle homogène, d'un tétraèdre, d'un quadrilatère, d'un trapèze. Quand il s'agit de trouver le centre de gravité d'un polygone ou d'un polyèdre, on le décompose en triangles ou en tétraèdres et on procède à la composition de forces parallèles, ce qui suppose qu'on a déterminé préalablement des forces proportionnelles aux aires ou aux volumes des parties composantes. Nous nous proposons de donner une méthode directe qui affranchisse la recherche du centre de gravité de cette détermination préalable et de la composition qui y fait suite. Nous ne considérerons ici que les poly- gones plans, et, parmi les polyèdres, les prismes tronqués ; nous y join- drons la construction géométrique directe du centre de pression d'un triangle. KD. COLLTGNON. — APPLICATIONS DIVERSES DE LA GÉOMÉTRIE DES MASSES 1 g 1er Centre de gravité d'un polygone homogène. Soit OABCDE (Fig. 1) le polygone dont on demande le centre de gravité. Choisissons un sommet 0 pour mener les diagonales OB, OC, OD, ..., qui le partagent en n — 1 triangles, n étant le nombre des côtés du polygone. Soient St, S,, ..., Sn_2 les aires respectives de ces n — 2 triangles. Le centre de gravité du triangle Sx est le centre de gravité de trois FlG. 1. masses égales respectivement à St et appliquées aux trois sommets 0, A, B, du triangle; de même, le triangle S2 a pour centre de gravité le centre de gravité de trois masses égales à S2, appliquées respectivement à 0, B, C, et ainsi de suite pour tous les triangles dans lesquels le polygone se décompose. Si l'on compose ensemble toutes ces masses, leur centre de gravité général sera le centre de gravité du polygone. Or, nous obtenons de cette manière : Au point 0 la somme des masses St -\- S2 + • • • + SM_2 ; Au point A la masse St ; Au point B la masse St + S2 ; Au point C la masse S2 + S3 ; A l'avant-dernier sommet, la masse Sn_3 -f- Sn_2 ; Et au dernier, E, la masse Sw_2 seule. Les deux masses Slt placées l'une en A, l'autre en B, se composent en 8 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE une masse 2S„ appliquée au milieu 1 du côté AB. De même les deux masses S2, appliquées en B et C, se composent en une masse 2S2, appli- quée au point 2, milieu de BC, ... ; les deux masses Sn_2, appliquées en D et E, se composent en une masse 2S;i_2, appliquée au point (n — 2), milieu du côté DE. Pour composer les deux masses 2S„ 2S2 placées respectivement en 1 et 2, joignons ces deux points et cherchons sur la droite de jonction un point (12) qui partage cette droite dans le rapport inverse des Si c. masses — • bi nous joignons AC, la droite de jonction est partagée au point a' par la diagonale OB dans le rapport des aires des triangles OAB OBC, qui ont même base OB. Par suite, on a A a' S, C a' S2 Le point a divise la droite (Ï2) dans le même rapport, puisque les droites AC, 12 sont parallèles. Donc on aura le centre de gravité (12) des quatre masses S, en A, S, + S2 en B, et S2 en C, en renversant bout pour bout la droite 12, ce qui revient à prendre 2(12) =Ta. De même la droite 23 est divisée en p par la diagonale OC en segments proportionnels à S2 et S3 ; si l'on retourne la division de la droite en prenant 2(23) = 3B, on aura en (23) le centre de gravité des quatre masses S2 en B, S2 et S3 en C, S3 en D. On procédera ainsi pour tous les côtés du polygone compris entre les deux qui aboutissent au point 0. Connaissant les centres de gravité (12) de 8S, et 2S2, (23) de 2S2 et 2S3, (34) de 2S3 et 2S4, . . . , ((n — 3)(n — 2)) de 2SW_3 et 2S„_2, il est aisé d'en déduire, par une construction connue qui ne comporte que le tracé de droites, les centres de gravité des masses successivement cumulées, 2S„ 2S2, 2S3, puis 2S„ 2S2, 2S3, 2S4, . . ., et ainsi de suite jusqu'à 2S„ 2S2, 2S3, . . ., 2S„_,. En effet, le centre de gravité des trois masses 2S,, 2S2, 2S3 est situé à la fois sur les deux droites 1(23) et (12)3 ; il est donc au point (123), où ces droites se rencontrent. De même, les droites (123)4 et (12)(34) se coupent en un point (1234), qui est le centre de gravité des quatre masses 2S„ 2S2, 2S3, 2S4. Et généralement, si l'on a obtenu le centre de gra- vité ((12 . . . (n — 3)) des n — 3 masses 2S„ .... 2S„_3, on aura le centre de gravité (12 ... (n — 3 (n — 2)) des n— 2 masses 2S„ 2Sn_2 en prenant l'intersection des deux droites (12 ... (n — S))(n —2) et ( 12 . . . (n — 4); ( (n — 3)(n — 2)). ÉD. COLLIGNON. — APPLICATIONS DIVERSES DE LA GÉOMÉTRIE DES MASSES 9 Soit g le point final ainsi obtenu. On observera que nous avons en g la somme des masses doubles 2S1 + 2Sa ■ • • + %Sn- , èt en 0 la somme des masses simples St -f S2 — . . . -f S„_,. Le centre de gravité général G du polygone est donc sur la droite Og, au point qui occupe le tiers de Og, à partir du point g. La construction se réduit, comme on le voit, à prendre les milieux 1 , 2? 3? n — 2, des n — 2 côtés du polygone, dans l'ordre où ils se présentent ; à tracer les droites H, 23, . - . , {n — 3)(n — 2), et à les retourner bout pour bout, en entraînant le point où elles coupent la diagonale correspondante. On obtient ainsi les points (42), (23), ..., ((n — 3)(n — 3» ; puis on trace les droites successives 1(23) et 12(3), 2(34) et (23)4, . . qui se coupent aux points (123), (234) ... : les droites 1(234) et (12)(24), 2(345) et (23) (48), ••• qui se coupent aux points (1234), (2345), et ainsi de suite, jusqu'à un point résidu ((123 . . . (n — 2)), qui est le point g. On achève en prenant le tiers, à partir de g, de la droite Og : le point ainsi obtenu est le centre de gravité G cherché. Centre de gravité d'un prisme triangulaire tronqué. Soit ABCDEF (fig. 2) un prisme triangulaire, dans lequel la base ABC sera supposée, par exemple, perpendiculaire aux arêtes AD, BE, CF, tandis que la base DEF leur est oblique. Si l'on mène les plans DBC, CDE, on décompose le prisme en trois pyramides triangulaires : DABC, EDBC, FCDE, dont l'une, DABC; peut être regardée comme ayant pour base la base du prisme et pour hauteur l'arête DA. Les deux autres pyra- mides peuvent se ramener, sans altération de leur volume, à des pyramides ayant la même base ABC, et pour hauteur les deux autres arêtes, EB, FC. Il suffit, en effet, de faire glisser le sommet D le long de la droite DA, parallèle à la face EBCF, pour transformer la pyramide EDBC en la pyramide équiva- 10 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE lente EABC ; la pyramide FCDE se transforme par la même opération en la pyramide FAEC, et celle-ci en la pyramide FABC, en faisant glisser le point E le long de EB, parallèlement à la face DACF. Les volumes des trois pyramides dans lesquelles se décompose le prisme sont donc proportionnels aux hauteurs DA = EB = *„ FC = *,, et l'on peut prendre ces hauteurs pour les mesures des volumes, en convenant de prendre pour unité des bases le tiers de la hase ABC. Le centre de gravité d'une pyramide homogène est le centre de gravité de quatre masses égales, placées aux quatre sommets de la figure. S'il s'agit d'une pyramide unique, on peut prendre ces quatre masses arbi- trairement. S'il y a lieu, au contraire, de composer ultérieurement les masses de diverses pyramides, il convient de prendre pour chacune d'elles une masse proportionnelle à son volume particulier. Nous sommes conduits par là à attribuer La masse zt à chacun des quatre sommets de la pyramide DABC ; La masse z% à chacun des sommets de EDBC ; La masse z3 à chacun des sommets de FEDC, ce qui amène à la distribution suivante (fig. S) : f Dans la base supérieure nous avons La masse z± -f- z% -f- za au sommet D La masse z2 -f- z3 au sommet E La masse z3 au sommet F et, dans la base inférieure : La masse z± au sommet A; La masse zx -f- z% au sommet B ; La masse zt -f- s2 -f- z3 au sommet C. Le centre de gravité du prisme tronqué est le centre de gravité des douze masses ainsi définies. Il suffit, pour l'obtenir, d'en faire la composition, ce qu'on peut opérer de beaucoup de manières. L'une des plus simples consiste A composer ensemble les deux masses zu appliquées aux deux extré- mités de l'arête AD : la masse résultante, %zlt est appliquée au milieu M de cette arête ; A composer de même les deux masses z2 -\- zs, placées aux deux extré- mités de l'arête DE : la résultante, égale à 2(c2 -f- za), est appliquée au milieu N de l'arête DE ; Fig. 3. ÉD. COLLIGNON. — APPLICATIONS DIVERSES DE LA GKOMÉTRIE DES MASSES 11 A composer les deux masses zx + *2, appliquées l'une en B, l'autre en C, en une masse unique, égale à 2(st + z2), appliquée au milieu P deBC; Enfin, à composer les deux masses zs, appliques aux deux bouts de l'arête CF, en une masse 2z3, appliquée au milieu Q de cette arête. Pour obtenir le centre de gravité général, nous avons donc à composer les masses, égales respectivement à ï*lf *(*,+*•). 2(^ + 22), 2*3, appliquées aux points M, N, P, Q, On peut évidemment réduire à moitié les quatre masses, sans altérer le centre de gravité cherché. Nous nous proposons donc de composer les masses appliquées en ces mêmes points. Pour avoir par le calcul la hauteur z du centre de gravité G au-dessus de la base ABC, nous appliquerons le théorème des moments ; il viendra, en observant que AD = zif BE = s2, CF = z3, (*1 + *2 + *3)*i + (*2 + z3)zz + z\ H*i + *2 + -3) -)- S2 -f- Z~3 + ZXZ2 -f- ZZZ3 -f- 33Z4 4(*t + -2 + *,) Le même théorème, appliqué aux quatre masses réparties entre les points M, N, P, Q, donne le même résultat sous la forme Z= 2(5, + z% + s,) Cherchons ensuite la projection du centre de gravité sur le plan de la base. Pour cela, projetons sur ce plan les trois points M, N et Q, ainsi que les trois masses qui y sont appliquées, ce qui n'altère pas la projection FlG. h. 12 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE du centre de gravité. Il viendra sur le plan du triangle ABC la distribu- tion suivante (fig. 4) : Au point A nous aurons la masse zt ; Au point I milieu de AB, la masse z2 -|- z3 ; Au point P milieu de BC, la masse zt -f £2 ; Et au point C la masse z3. Nous pouvons composer les deux masses égales à sl5 appliquées l'une en A, l'autre en P, en une masse unique, 2sl5 appliquée au milieu A' de la médiane AP. De même, composons les deux masses z3, appliquées l'une en C, l'autre en I, en une masse £s3, appliquée au milieu C de la médiane CI. Il restera à composer les deux masses s2, appliquées aux deux bouts de la droite JP, ce qui conduit à placer la masse 2s2 au point B', au milieu de 1P, et milieu aussi de la troisième médiane BR. En définitive, la projection sur le plan ABC du centre de gravité du prisme coïncide avec le centre de gravité de trois masses respectivement égales à 2z15 2z2, 2z3, ou, plus simplement, égales à zp z2, z3, appliquées aux milieux A', B', C des médianes AP, BB, Cl du triangle. Le triangle A'B'C est homothétique au triangle ABC ; le centre de similitude est le 1 point de concours G des médianes et le rapport de similitude est - • La même opération peut être employée pour trouver graphiquement la hauteur z du centre de gravité du prisme. Cette hauteur ne change pas si l'on altère les positions des masses à composer sans changer leurs ordon- nées verticales. On peut, par exemple, développer sur un plan les deux faces ABE, EBC du prisme en entraînant les points M, N, P, Q "et lès masses dont ils sont chargés (fig. S) : ÉD. COLLIGNON. — APPLICATIONS DIVERSES DE LA GÉOMÉTRIE DES MASSES 13 La composition des masses zx, appliquées en M et en P, donne comme résultante la masse lzu au milieu H de la droite MP. De môme, les deux masses z%, appliquées en P et N, donnent la masse 2^2 appliquée en H' au milieu de PN ; et les deux masses z3, appliquées en N et Q, donnent pour résultante la masse 2.33 au point H", milieu de NQ. Le problème revient donc à composer trois masses, respectivement égales à 2s t, 2s2, 2s3 (ou plus simplement à zu zv z3), appliquées aux sommets du triangle HH'H", que l'on obtient en joignant deux à deux les milieux des droites MP, PN, NQ, qu'on peut appeler les médianes du prisme, puisqu'elles réunissent les milieux d'arêtes opposées. § m Centre de pression d'une aire triangulaire. Soit ABC (fig. 6) un triangle situé dans une paroi plane, baignée par un liquide pesant; soit LL' la ligne d'eau. On demande le centre de pression de la figure. Le point cherché est la projection sur le plan de ABC du centre de gravité du prisme tronqué que l'on obtient en menant par les sommets A, B, C, perpendiculairement à la paroi, des arêtes égales à la distance de ces sommets au plan d'eau, c'est-à-dire proportionnelles aux distances Ao, Bb, Ce des sommets à la ligne d'eau. Nous pourrons donc regarder les droites Aa, Bô, Ce comme les longueurs zv z.,, z3 des trois arêtes du prisme, normales au plan ABC de la base. Le centre de pression est, d'après le théorème démontré tout à l'heure, le centre de gravité de trois masses égales à glt z2, z9, appliquées aux 14 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE sommets d'un triangle semblable au triangle ABC, mais obtenu par la réduction au quart des rayons vecteurs émanant de son centre de gravité G. Au lieu de construire ce triangle auxiliaire, il est préférable d'opérer sur le triangle donné ; le point que l'on obtiendra sera homologue au point cherché, et il suffira de réduire au quart le rayon qui le joindra au point G. Nous avons donc à composer trois masses, z, appliquée en A, sa appliquée en B, z3 appliquée en C. Menons les diagonales Ba, Xb du trapèze Aa6B; elles se coupent enp; par ce point, menons la droite pm parallèle aux droites Aa, Bb. Le point m - divisera la droite AB dans le rapport des droites Aa, Bb, c'est-à-dire dans le rapport de zt à z... En effet, on a à la fois les proportions Bm mp XB ~Âô' Xm mp ÂB = B6 Bm km Bb _ s2 Aa z. Donc Le centre de gravité des deux masses zt, z2 devant diviser la droite AB dans le rapport inverse des masses adjacentes, il suffit de retourner la droite AmB bout pour bout, ou de prendre Bm' = Xm, pour avoir en m' le centre de gravité des deux premières masses. Le centre de gravité général est donc situé sur la droite Cm' . On mènera de même les diagonales Bc, Cô, du trapèze BbcC ; elles se coupent en r, et l'on ramènera le point r sur le côté BC en menant rs pa- rallèle aux bases du trapèze. Prenant ensuite Bs' = Cs, on aura en s' le centre de gravité des masses #2 et z3, appliquées en B et C. Le centre de gravité général sera situé en un point de la droite As' et, par conséquent, il sera au point g, intersection de As' avec Cm'. Le point g est dans le triangle ABC l'homologue du centre de pression cherché 0, et le point 0 est situé sur la droite Gg, à la distance GO, égale au quart de Gg. Il suffira de joindre les points G et g et de prendre pour le centre de pression le point 0 au quart le plus voisin de b de la ligne de jonction Gg. La pression totale P, qui passe en ce point 0, est égale à la pression moyenne, celle qui a lieu au point G, multipliée par l'aire S' du triangle ; elle s'exprime par le produit P = riAS sin a, en désignant par h la distance du point G à la ligne d'eau, c'est-à-dire la ÉD. C0LLIGN0N. — APPLICATIONS DIVERSES DE LA GÉOMÉTRIE DES MASSES 15 quantité 3 — , par II le poids spécifique des liquides et par a l'angle de la paroi avec le plan horizontal. La marche suivie pour trouver le point G résulte immédiatement de la composition des masses appliquées aux sommets du prisme tronqué, pro- jetées toutes sur le plan de la base. On obtient, en effet, de cette ma- nière La masse 2zt -f- z% -f z3 au point A , La masse z{ + 2z2 + H au point B, La masse zt-\- %% + 2^3 au point C, et la question est ramenée à composer 1° Trois masses égales à (zt + z2 -f z3), appliquées aux trois sommets et qui donnent pour résultante la masse ZÇz^ -f- z2 -f z8) appliquée au point G ; 2° Trois masses zi} zv z3, appliquées respectivement aux sommets A, B, C, et qui donnent pour résultante la masse {zy -\- z2 + z3), appliquée au point g. La composition finale de la masse S(zt + z2 -f zt) et de la masse (zt + 32 + z.j) donne comme résultante définitive la masse 4(zt + z% + ^3)5 appliquée au point 0, au quart de Gg le plus voisin du point G. Cas particuliers. 1° Lorsque l'un des sommets A est dans la ligne d'eau (fig. 7), le point m' du côté AB coïncide avec le point B, et la droite Cm' avec le côté CB du triangle. Le point g coïncide alors avec le point s', symé- trique de s par rapport au milieu I de BC. Le point 0 est au quart de la droite Gs'. 16 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 2° Lorsque la base BC du triangle est horizontale (fig. 8), le point g coïncide avec le milieu I de ce côté, et le point 0 est situé sur la 3 3 médiane AI, à une distance de I égale aux T de GI, c'est-à-dire aux - du 4 4 tiers de AI ou, enfin, au quart inférieur de la médiane AI. 3° Lorsque deux sommets A et C sont dans la ligne d'eau (fig. 9), le point g coïncide avec le troisième sommet B. Le point 0 est sur la Fig. 9. 3 3 2 médiane BI, à la distance BO, égale aux - de GB, ou aux r des - de 4 4 3 BI, c'est-à-dire au milieu de la médiane BI. Ces résultats s'étendent sans difficulté à la recherche du centre de pres- sion d'une aire polygonale. Mais, dans la pratique, les constructions à faire deviennent de plus en plus complexes à mesure que le nombre des côtés du polygone augmente, et la méthode ne paraît pas susceptible d'application au delà du quadrilatère. ÉD. COLLIGNON. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 17 M. Edouard COLLIGIOI Inspecteur général des Ponts et Chaussées, à Paris REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 19 b — Séance du 2 avril I89G — g p Écrivons sur une môme ligne la suite des nombres naturels, en la faisant commencer à zéro, et en la prolongeant jusqu'à un nombre quelconque. Puis partageons cette suite en groupes, en prenant pour le premier groupe le nombre 0 tout seul, pour le second les nombres 1 et 2, pour le troi- sième les trois nombres 3, 4 et 5, et ainsi de suite indéfiniment, en ayant soin de faire entrer clans chaque nouveau groupe un terme de plus que dans le groupe précédent. Nous formerons ainsi le tableau suivant : 0 1 2 r = 3 3,4, 5|G, 1, 8, 9 r = b 10,11,12,13,14 r = Q 15,16,17,18,19,20 etc. Le nombre r inscrit au-dessus de chaque groupe désigne à la fois le numéro du groupe, et le nombre d'entiers consécutifs qui y sont compris. On reconnaît sur-le-champ que les nombres 1, 3, 6, 10, 15, ... qui commencent chaque groupe à partir du second, sont les nombres triangu- laires du triangle de Pascal, c'est-à-dire les nombres représentés par la r(r — 1) • Le calé ou la base du nombre triangulaire qui com- i'orinulc 9 meure le groupe de rang r est le nombre r — 1. Les nombres 2, 5, 9, 14, ... qui terminent les groupes successifs sont égaux respectivement au nombre triangulaire qui commence le groupe Hr - I suivant, diminué d'une unité, c'est-à-dire à 9 1- Lorsque r est impair, le groupe renferme un terme central, qui esl à la fois la fnoyenne des termes extrêmes, la moyenne de deux tenues également distants des extrêmes, ni la moyenne de tous les termes du o* [X MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE V" — 1 groupe. Il est égal à — - — • Les groupes de rang impair commencent ù alternativement par des nombres pairs et impairs. Lorsque r est pair, il n'y a pas de terme du milieu dans le groupe, mais r* — 1 l'expression — - — est encore la moyenne des termes extrêmes, des termes également distants, ou de l'ensemble des termes. Les groupes de rang pair commencent alternativement par des entiers pairs ou impairs. SOMME DES TERMES D UN GROUPE Appelons V la somme des termes du groupe de rang r. La valeur r2 \ moyenne de ces termes étant — - — , et leur nombre étant égal à r, on a et cette fonction est toujours entière, puisque le facteur 2 divise l'un des facteurs r et r'1 — 1 . La différence entre les sommes ^V prises pour deux groupes consécutifs, est égale au triple du nombre qui commence le plus grand des deux groupes. Considérons un groupe d'ordre impair, que nous partagerons en deux sous-groupes, dont l'un contiendra les nombres les plus petits jusqu'au r1 — 1 . nombre central — - — inclusivement, et l'autre contiendra tout le reste du groupe entier ; appelons s et s' les sommes de ces deux sous-groupes. On aura r(r — 1) * = S r- • s' = rl±l + -.+( + r2 — 1 2 r( r — i) , r- 2 ' u2 1 (r 1 N - + i) 2 \ 2 2,.8 _|_ r2_ • 2r — 1 8 ; 2 + rir + 1) — 1 (r{i • + 1) •')' 2 -f — 1 2 -2 0^ 3r3 — / .2 2r + 1 ÉD. COLLIGNON. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 19 On connaît la somme s + s' qui est égale à \ • Cherchons la différence .s- — s'. Il vient en retranchant les deux égalités, r2 _ | s — s = c'est-à-dire la moitié du terme central du groupe entier, ou du plus grand nombre contenu dans le premier sous-groupe. Appliquons le même partage à un groupe d'ordre pair, en prenant dans r chacun des sous-groupes le même nombre - de termes. 11 viendra, en appelant encore s et s' les sommes de chaque sous-groupe, r{r — \) , , /r2 \ 2r3 — r2 — 2r + • ' * + hr — l 2 ' \2 / 8 r2 , , /r(r-f 1) \ 2r3 4- r2 — 2r s =^r+ •" + — 3 ! 2 ' ' \ 2 y 8 de sorte que la différence s' — s est égale à r2 s — s = -r 7 4 ou à la moitié du plus petit nombre du second sous-groupe. Si donc on veut égaliser les deux sous-groupes de manière à obtenir la demi-somme de tous les termes, il faudra prendre le quart du terme central, si r est impair, ou le quart du terme qui commence le second sous-groupe, dans le cas contraire, et faire passer ce quart dans le sous- groupe voisin, en conservant les 3/4 dans le sous-groupe auquel ce nombre appartient. Exemples : PREMIER SOUS-GROUPE r = 7. 21 22 23 24 SECOND SOUS-GROUPE 25 26 27 21+22 + 23 + 18 = 6 + 25 + 26 + 27 = 84, r = $. 28 29 30 31 | 32 33 34 35 28 + 29 + 30 + 31 + 8 = 24 + 33 + 34 + 35 = 126, Si l'on porte bout à bout sur une droite des longueurs proportion- nelles aux nombres contenus dans un groupe quelconque, let milieu de la droite qui représente la somme de ces r longueurs partage le segment dans lequel il tombe dans le rapport de 1 à 3 ; le milieu est, dans ce segment, voisin des plus petits segments ou des plus grands, suivant que r est pair ou impair. 20 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE SOMME DES CARRÉS DES TERMES Cherchons aussi la somme S des carrés des termes du groupe dont r est le rang. Désignons en général par S la somme des carrés des nombres naturels de 1 à p inclusivement ; on sait qu'on a _p(p-\-i)&p + l) *' - 6 r{r-\-\) Appliquons cette formule successivement aux nombres de 1 à ^ — 1 > puis aux nombres de 1 à — - — 1 . La différence sera la somme S des carrés des nombres entiers de ■ à — — 1. On a donc 2 2 S = S,.,,. , „ — s„ ;^_,)(^+iJX'v'+''-1)-(;z^-')(^)( -■--'-', 6 _ 3rs — 5V3 + 2r _ (r — l)r(r -f i)(?,r- — 2) 12 — ï2 Pour toute valeur entière de r la fonction S a une valeur entière, les divers facteurs entiers du numérateur admettant toujours les uns ou les autres les facteurs 3 et 4 du dénominateur. Supposons r impair, et partageons encore le groupe en deux sous- groupes dont l'un comprenne les plus petits nombres jusqu'au terme central inclusivement, l'autre comprenant tous les termes qui suivent. Désignons par S' et S" les sommes des carrés des nombres compris dans ces deux sous-groupes. 11 viendra, en appliquant les mêmes formules, S' — S ^ 6 S" — s s 2 2 — I ')(— 2— Xr(r + 1} - l) — * r- ' ÉD. COLLIGNON. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 21 et en faisant les réductions _ _ Sr' — 5r3 4- 2r _ 1 24 " I ; de sorte que les sommes des carrés des termes de chacun des sous- groupes sont égales. On obtient donc ce théorème : Dans tout groupe contenant un nombre impair, 2k -f- 1, de termes, la somme des carrés des k -\- 1 premiers nombres à partir du plus petit est égale à ta somme des carrés des k derniers. 1 Lorsque le nombre r est pair, on peut comparer la demi-somme ^ S' r des carrés de tous les termes, à la somme des carrés des - premiers termes, Là r r et à la somme des carrés des - derniers. Les - premiers termes sont, r(r — 1) rir — 1 r2 2 ' — H J - i ' et la somme de leurs carrés est donnée par la formule o _ 3r3 — 5r:î + 2r ra(r2 — 1) - 24 8 On trouverait de même pour la somme des carrés des - termes qui complètent le groupe Q,_« c 3r5-5r3 + 2r . r*(r* — 1) Hr+i) — 1 24 + 8 de sorte qu'on a à la fois 1 rs(ra — 1) h -2b 8~~' y = is + r'(r,~i)- 2 ^ 8 La différence entre les sommes partielles et la moitié de la somme 22 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE totale s'exprime par la fonction '- , que l'on peut ramener aux o nombres \ et — qui occupent le milieu du groupe. Appelons xt le plus petit de ces deux nombres et #2 le plus grand. On aura r*(r* — 1) _ xj$xx + 1) («t + x,)x, de sorte que cet écart est égal au quart du produit du plus grand des deux nombres par la somme des deux. Théorème. — La différence entre les sommes des carrés des termes de deux groupes consécutifs est égale au quintuple du carré du nombre trian- gulaire qui commence le groupe le plus élevé des deux. On a, en effet, pour les sommes des carrés des termes des deux groupes de rang r et r -\- 1 , S(r + 1) = 3(r + 1)3 ~ 5(r + 1)3 + 2(r + j) §(r) = 3r» - 3r» + 2r 12 Donc S(r + 1) - S(r) = 3[(r + U' -'"]- 8 moindres nombres (la solution ;•= 1, u — 0 exceptée). Les autres solutions sont données par les formules (3 + 2l/J)*+(3-gy/5fc j. — _ : : - ~ " 2 (3 + 2 y/lf - (3 - 2 \/ï)k u= ■ — ' 2 v/2 en attribuant une valeur entière quelconque à l'exposant k. On aura donc une infinité de solutions en posant k = \, r = 3, w2 = 4 = 22 ; k = % r = 17, u* = 144 = 122 ; k = 3, r = 99, u2 = 4900 = 702 ; 2° Le premier terme d'un groupe peut être un carré. Il s'agit de résoudre en nombres entiers l'équation r(r - 1) — s — = a~ ; r et r — 1 étant premiers entre eux, il faut, si r est impair, que r soit un r — 1 carré, et — - — aussi. On posera donc r — \ r = v* et — - — = u1 ou r =. 2w2 -1- 1 . On en déduit, en éliminant r, v2 — 2w2 = 1 , équation dont la solution générale nous est connue. On aura donc (3 + 2l/â)*+(3-2i/2 k V 2 _ (3 + 2y/2)fc— (3 — 2 /!)* 2 y/2 La plus simple solution est donnée par k = 1 ; on en déduil v = 3r 26 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE r = 9, a = 6. Si r e«f pair, il faudra de même que - soit un carré, et r — 1 aussi. On posera donc r = 2u2, r — \ = m2, ce qui conduit à l'équation ui _ 2t,2 _ _ i On résout cette équation en développant y/ 2 en fraction continue. On a t/2 = 1 4- - 1 v ^ 2 + - 1 ^2 + - 2-1- et les réduites successives sont 1 3 7 17 41 i ' 2 ' H ' ïâ ' 2d ' les réduites de rang pair satisferont à l'équation m2 — 2t> 2 = — 1 , les autres à l'équation u* — 2u2 = -f- 1. On aura la plus simple solution en prenant u = 7, v = 5, et les autres solutions s'en déduiront par les formules connues. On a. en effet, en faisant v — 5, r = 2t>2 = 50 et u2 = 49. Le premier terme du 50 X49 groupe de rang 50 est — — — = 1225, carré de 5 X 7 = 35. 3° Enfin le dernier terme du groupe r peut être un carré. Pour trouver les groupes qui ont cette propriété, il faut résoudre en nombres entiers l'équation indéterminée '•(?• + 1) , ou r(r + 1) = 2u2 + 2, — 1 ± v/8m2 + 9 ce qui donne r = ^ • ÉD. COLLIGNON. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 27 Le nombre 8m2 + 9 doit donc être égal à un carré impair v*. Posons 8u2 + 9 = v\ et faisons 2w = u''2. Il viendra v2 — lu'2 = 9. Les nombres v et u' divisés par 3 donnent pour restes 0, ou ± 1. Dési- gnons par et. et $ ces restes inconnus de la division de v et u' par 3. Les carrés a2, p2, seront les restes de la division de v2 et m2 par le même nombre ; donc a2 et j32 sont égaux à 0 ou à -j- 1. On peut donc admettre quatre combinaisons, savoir : a2 = 0 B2 = 0 auquel cas on aura u2 — lu'2 = 0 (mod. 3) a2 = 0 p2 = 1 — v2 — 2u'2 = — 2 = 1 a2 = 1 S2 = 0 — v2 — 2w'2 = + l' a2 = 1 p2 = 1 — y2 — 2u'2 = — 1. La première hypothèse est seule admissible ; car les trois autres rendent v2 — 2m'2 non divisible par 3, ce qui est incompatible avec l'égalité à satisfaire. Il en résulte que v et u' sont tous deux multiples de 3, et qu'on peut poser v = Sv', u' = 3m", ce qui ramène l'équation à la forme équation dont la solution générale est donnée par les relations , (3 + 2 \/%)k + (3 — 2 v/2j* v =— j- ■ „_ (3 + 2 y/2)A" — (3 — 2 y/2) 2\/2 28 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE On fera successivement k = 0, k=l, /,- = 2, A- = 3, . viendra v'= 1 v'—'S «' = 17 v' = 99 v = 3 v = 9 v =51 « =297 u"= 0 u" =2 u"= 12 iï'= 70 w' = 0 w' = 6 u' = 36 m' =210 u =0 M = 2 = 3 u = 18 u = 105 r =0 r =4 r = 25 r = 148 Problème. — Trouver les groupes qui commencent par un nombre entier de centaines. Si r est le rang du groupe cherché, et a un entier quelconque, on aura r(r — {) K n ' = a >< 100. n ,,, -t 1 + v/l+800a On en déduit 7- = r Il faut donc choisir a de telle sorte, que 1 + 800a soit un carré entier m2. On aura par conséquent 1 -f 800a = ma ; _ (m — l)(m -f- 1) ~ 8ÔTJ d'où l'on déduit Il est nécessaire que m soit impair. Faisons donc m = 2m' -j- 1. Il viendra w»'(m' + 1 ) a = • 200 Les deux entiers consécutifs m' et m' -\- 1 sont premiers entre eux. On partagera 200 en deux facteurs premiers entre eux, ce qui peut se faire ÉD. COLLIGNON. — REMARQUES SUR LA SUITE 1>ES NOMBRES ENTIERS 29 d'une seule manière, en posant 200 = 8 25. De là on tire, en appelant u et u' de nouveaux nombres entiers, inconnus jusqu'ici, . soit m' = Su, soit m' = 25t<, m> _|_ i — 25m'; m' 1 : 8w'. Développons la première solution. On a, en éliminant m', Hou' — Su = 1. 2 ■//' — i _ , , m' — 1 Donc u = = Su -\ ^ de sorte qu'il suffît, pour que u soit entier, que l'on prenne pour u! un nombre de la forme St -j- 1, t étant un entier quelconque. On tire de là successivement m = 400; + 49, «•t u = 25* + 3, m' = 200* -f 24, a = 200*2 + 49*+ 3, r -* + '■- SON | 25. La moindre valeur de r a lieu pour t = 0, ce qui donne r = 25, et — — ~ — - = 300 ; la valeur suivante s'obtient en posant t = 1, ce qui entraîne r = 225 et r(r ~ l) = 25200. L'autre solution conduit, par une inarche toute pareille, à l'équation r = 200* — 24. Pour ne pas attribuer à r des valeurs négatives, on peut faire * = 1, ce r(r — \) qui donne r = 176, et — - — - = 15400. La même marche peut être suivie pour trouver les groupes qui com- mencent par un multiple d'un nombre donné. Problème. — Cherchons de même les groupes pour lesquels le terme central — - — est un nombre entier de centaines, et posons 2 /•- — 1 L— - = 100a. 11 vient r = y/200a — 1 , 30 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE ce qui entraîne la condition que 200a + * s°it le carré d'un nombre impair, 2m -f- 1. Posons donc 200a = (2m -f l)2 — 1 = 2m X 2(w + 1) = 4m(»i + 1). On en déduit 50a = m(m + 1). On peut décomposer 50 en deux facteurs premiers entre eux, 2 X 25, et poser, en appelant u et u' des nombres entiers inconnus, soit m' = 2w, soit m' = 25m, m' + 1 — 28tt', m' -f- 1 = lu'. Dans la première hypothèse il vient, en éliminant m', 2oa' — 2a = 1, n' ^ d'où l'on déduit m = 12a' H . ^ 2 On posera donc w' = 2t -f- 1, d'où résulte « = 25/ + 12, m = 50/ + 24, 2m + 1 = r = 200/ + 49. Le terme central correspondant ^ — = 20000/2 + 9800/ -j- 1200. ?- — 1 La moindre valeur admissible correspond à t — 0, et donne — - — = 1200, ce qui correspond à r = 29. r2 — 1 Si l'on faisait t=l, on aurait — - — = 31000, et r — 249. De la seconde hypothèse, m' = 25u, m' -\- 1 = 2u'. ÉD. C0LLIGN0N. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 31 on déduit successivement lu' — 25u = 1, iï = 12u -f- — - — , U = lt — 1, u' = 25* — 12, m' — 50/ — 25, m = 2ro' + 1 = r = 100/ — 49, r* ~1 = 5000/2 — 4900/ -j- 1200. La moindre solution positive est donnée par t = 0, ce qui ramène la solution déjà trouvée tout à l'heure, mais t — 1 donne r = 51 et r* 7" 1 = 1300; ra — 1 / = 2 donne r = 151 et ; — = 11400. RÉPARTITION DES NOMBRES PREMIERS DANS UN GROUPE DONNÉ Un groupe de rang r ne renferme jamais plus d'un carré, et ce carré est toujours inférieur à r-, car dès que r surpasse l'unité, on a r+1 ~~T~ ^ f- 1 ? = 1- 1, il suffit d essayer comme diviseurs les nombres premiers inférieurs à la racine carrée du carré contenu dans la suite, et certainement inférieurs au rangr du groupe sur lequel on doit opérer. On pourra donc appliquer aux nombres du groupe la méthode du crible d'Eratosthènes, en supprimant successivement les multiples des nombres premiers 2, 3, 5, 7, ... p, p étant le plus grand nombre pre- mier au-dessous de la limite que l'on aura déterminée. Pour trouver, par exemple, les nombres premiers du groupe r = 7, on 32 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE essayera les diviseurs 2, 3 et 5, et on supprimera dans le groupe leurs multiples : ^ $ 23 ^ pê on reconnaît que ces points, entre les limites r = 10 et r = 50 sont sensiblement en ligne droite, et on obtient une M valeur empirique de la fonction — en construisant la droite qui s'écarte le moins des points donnés sur l'épure. On arrive à la relation M r 7 = M7S + Tr M qui donne approximativement la valeur du rapport — en fonction de r ÉD. C0LLIGN0N. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 35 entre les limites qu'on a admises. Mais si l'on donne à r des valeurs supérieures à 50, la formule précédente parait donner pour — des valeurs un peu trop grandes. Quoi qu'il en soit, on voit d'après le tableau 1° Que le nombre [/. d'entiers premiers dans le groupe de rang r, quoi- qu'il ne soit pas assujetti à une loi bien évidente, tend généralement à augmenter avec /• ; mais l'augmentation n'est pas régulière, et après qu'on a atteint pour tu, une certaine valeur, on voit reparaître plus loin des valeurs moindres ; 2° Que le nombre M = 2^ des entiers premiers dans la suite des r(r -4-1) nombres naturels depuis 1 jusqu'à — — ^ — - — 1 croît avec r ; si on le divise par r, le rapport — manifeste une tendance à croître à mesure que r croît lui-même. Cette tendance est interrompue pour certaines valeurs par- ticulières de r, le rapport subissant alors soit un stationnement, soit une légère rétrogradation ; M 3° Que le rapport diminue en général quand r augmente, 1 1 sauf pour certains intervalles, dans lesquels ce rapport demeure station- naire, ou éprouve même une faible augmentation. § u Nous reviendrons dans ce paragraphe, sur les groupes correspondants à une valeur impaire de r, et qui possèdent cette propriété remarquable, que la moitié de la somme de leurs carrés s'obtient en prenant la somme r + 1 des carrés des — - — premiers nombres du groupe, ou en prenant la r — 1 somme des carrés des — - — derniers. 2 Dans le groupe r = 3 par exemple, on a l'égalité 3a + 4a = 52 ; les longueurs 3, 4 et 5 sont les côtés du triangle rectangle dont l'invention est attribuée à Pythagore. Pour r = 5, il vient 10* + H* -f (2" = 13* + 14* = S6o, 36 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE ce qui donne une propriété curieuse du nombre de jours de l'année com- mune. Pour r = 7 on aura de même 212 _i_ Q22 -f 232 -f 242 = 2o2 + 262 + 272 = 2030; et pour r = 9 362 _j_ 372 + 382 + 392 _i_ 4Q2 _ 412 _|_ 422 _i_ 432 _j_ 442 _ 7230. On peut se proposer de trouver a priori les nombres qui satisfont à une pareille relation, soit x le nombre central d'une suite de 2A -|- 1 entiers consécutifs. Nous devrons déterminer x par l'équation X* + (x — l)2 + {x — 2)2 + + (x — A)2 = (x + l)2 + (x -f 2)2 + + (x + A-)2, mais (a; -j- ?')2 — (x — /)2 = Aix, quel que soit i. On voit que l'équation se ramène à la forme a;2 = kx (1 + 2 + 3 + . . . + A) = %x ^2^ ' d'où l'on déduit soit x = 0, soit x = 2A(A -j- !)• La solution a; = 0 donne la suite 0, — 1 , — 2, — 3, ... — A, + 1, +2, +3, ... +*, dont les termes satisfont évidemment aux conditions imposées, quel que soit k. Nous en ferons abstraction dans ce qui suit. La solution x ■= 2A (A + 1) donne pour le nombre central x le qua- druple du nombre triangulaire ' La base de ce nombre est A. Le Tu nombre r des termes du groupe de x — A à x + A est égal à 2A -f 1. On retrouve en un mot le groupe de rang r = 2A- -f 1. On peut observer que le nombre central x est le quadruple de la somme des A premiers nombres entiers. Si l'on appelle N la somme des carrés x* + (x - l)2 + • • • + (« - kY = (x + 4)8 + • • • + ipe + A)2, ÉD. C0LLIGN0N. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 37 on aura, en remplaçant dans les formules trouvées plus haut r par 2fc + 1, _ 24A- -1- 60/,:* + oOfc8 4- *5&8 + /■ 6 [A-(/.- + 1)(2A- 4- 1)] [\n(k + 1) + 1] 6 Le premier crochet, divisé par 6, est la somme des carrés des A: pre- miers nombres entiers, somme que nous désignerons par S(A). Quant au x second crochet, on peut y remplacer k(k -j- 1) par-» x étant le terme central du groupe. Il vient alors l'équation très simple N = S(A-,i < (Gœ + 1), dans laquelle x remplace le nombre 2k(k -f- 1), ou le quadruple de la somme (1 -j- ... -j- k), c'esl-à-dire 4s(k), s représentant cette somme des A: premiers entiers. Il viendra donc N = S(A-) X (24»(fc) + 1). Cette formule donne un moyen de prolonger aussi loin qu'on le voudra la table des nombres # et N en fonction du nombre k. h sk _ k(k + i) 2 x — 4S 6 N = S(ft;(6.r + I) 1 1 4 1 25 2 3 12 5 365 3 6 24 14 2030 4 10 40 30 7230 5 15 60 55 19855 6 21 84 !)1 4595:; 7 28 112 140 94220 8 36 144 204 171)41 ;o 9 45 180 285 308085 10 55 220 385 5085S5 Le nombre central x — 9 + ...+' {x + y _ (X _ fy = L* + pwH1 + 5fc__fi ftrP-1 + . . . + i") - (a? - pix^ + fc^l ,v~ +...+(- l)p^) • et l'équation (1) prend la forme ^ 2<* + Ï72T3 X 2* ^ 4,2,3,4,5 ^ i < 1 / k \px ^ bp~"1, si p est pair. y ip, si"/) est impair. L'équation est du p"me degré si p est impair. Elle s'abaisse au (p — l)"m si p est pair, par la suppression de la solution x = 0. On a par exemple pour p = 3 a* = 2[3œ»(l + 2 + • • • -f *) + (l3 + 23 + • • • + *3)] Cette équation peut se mettre sous la forme <^{x _ 3k(k + '*)) = **(* + i)3- On voit sur-le-champ qu'elle n'a qu'une racine réelle, positive et plus grande que 3k(k + 1). On voit de plus que, si cette racine était entière, œ* serait un diviseur de kHk + l)2, et par conséquent x un diviseur de k(k + 1), condition incompatible avec l'inégalité x > Sk(k + 1). 40 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Pour p = 4 on aurait de même, en supprimant le facteur x, x3 = 2[4a;2(l + 2 + . . . + k) + 4(4 3 + 23 + . . . + k*)] = 4k(k -f- 1) x°- + 1k\k + l)2 ; équation qu'on peut écrire $x\x — 4k(k + 1)) = U\k + l)2. La racine réelle positive est supérieure à ik(k -{- i), et a;2, supposé entier, serait un diviseur de 4ft2(A: -f- 1)2> d'où résulterait que x est un diviseur de %k(k -f- 1). Ces deux conditions étant contradictoires, on voit qu'il n'y a aucune solution en nombres entiers. § IV On peut varier le problème en cherchant les nombres x tels, que l'on ait l'égalité x2 + (x — a)2 -f (x — a2)2 + . . . + (x — aA)2 = (x + a)2 + (a + a2)2 + . . , + (x + a*)2, en considérant un nombre central x, et des nombres a, a2, ... a en pro- gression géométrique, qui s'y ajoutent ou qui s'en retranchent. L'équation se réduit à la suivante : X* = ktX : i a — 1 ak+i — a ce qui donne x = 0, ou bien x = 4 X j- '■> cette dernière solution donne pour x des valeurs entières dès que les nombres a et k sont eux- mêmes entiers. Si l'on suppose a= 1, tous les binômes des deux membres de l'équation sont égaux, et l'équation se réduit à a;2 + k(x — l)2 = k{x + l)2 dont les solutions sont x = 0 et x = 4A-. ÉD. C0LLIGN0N. — REMARQUES SUR LA SUITE DES NOMBRES ENTIERS 41 Il suffit donc, pour satisfaire à la condition, de prendre pour x un mul- tiple de 4 ; ce que vérifie l'identité (4&)a + *(** — !)2 = k(U + 4)2- Il vient, en divisant cette égalité par k, 16A- + (4A: — l)2 = (4A- — 1)% de sorte que, si l'on prend pour k un carré entier, m2, l'égalité donne deux carrés dont la somme soit égale à un troisième carré. On a, en effet, identiquement (4m)2 + (4m2 — 1J2 = (4m2 + l)2, ce qui conduit aux relations particulières suivantes : pour m = i, 42+ 32= 52, m = % 82 + 152 = 172, m = 3, 12* + 35* = 37*, La différence de l'hypoténuse et d'un côté de l'angle droit dans ces divers triangles rectangles est toujours égale à deux unités. Il peut être intéressant d'appliquer aux années nos observations sur les nombres entiers consécutifs. Sans attribuer à ces rapprochements la moindre valeur cabalistique, on arrive, dans cet ordre d'idées, à des résultats curieux. L'hégire de Mahomet, 622, tombe dans la période r = 31, qui com- mence en 595 et se termine avec l'année 629. L'année centrale de cette période est 612. L'année 800, qui est la date du rétablissement de l'Empire d'Occident par Charlemagne, appartient à une période paire, r = 40, de 780 à 819. L'an 800 est l'une des deux années qui occupent le milieu de cet inter- valle. La déposition de Charles le Gros, en 888, appartient à la période r = 42, de 861 à 902. 42 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE L'avènement des Capétiens, avec Hugues Capet, 987, est aussi placé dans une période paire, r = 44, de 946 à 989. Les années séculaires 1200 et 1300, qui encadrent le xme siècle, sont toutes deux les années centrales de deux périodes impaires successives. r = 49 et r = 51 ; de sorte que le xme siècle se décompose en trois parties : De 1201 à 1224, les 24 dernières années de la période 49 De 1225 à 1274, les 50 années de la période 50 De 1275 à 1300, les 26 premières années de la période 51 Total ... 100 La prise de Constantinople par les Turcs, qui met fin en 1453 à l'Empire d'Orient, est comprise dans la période r = 54, de 1431 à 1484. La décou- verte de l'Amérique par Christophe Colomb, 1492, appartient à la période suivante r = 55, de 1485 à 1539, comme aussi la réforme de Luther. L'année centrale de cette période impaire est 1512. Le règne de Louis XIV, de 1642 à 1715, s'étend sur trois périodes consé- cutives : r = 57 de 1596 à 1652, année centrale 1624 r = 58 de 1653 à 1710, — r = 59 de 1711 à 1769, année centrale 1740 Puis viennent les périodes r = 60 de 1770 à 1829, r = 61 de 1830 à 1890, année centrale 1860 r = 62 de 1891 à 1952, — Cette dernière période dure encore : les années qui en occupent le milieu seront 1923 et 1924. La période sera égale à un siècle de 4950 à 5049. On a longtemps admis l'année 4004 avant J.-C. pour la date de la création du monde. Celte année est l'année extrême de la période r = 89, de sorte que, dans ce système de chronologie, les années écoulées avant l'ère chrétienne représentent un nombre entier de périodes. J. DE REY-PAILHADE. — TABLES DANS LE SYSTÈME DÉCIMAL 43 M. J. de EEY-PAILHADE Membre de la Société de Géographie de Toulouse. PROJET DE TABLES ASTRONOMIQUES ET GÉOGRAPHIQUES DANS LE SYSTÈME DÉCIMAL [V] — Séance du 2 avril -1896 — Les Congrès de géographie de Tours 1893, de Lyon 1894, de Bor- deaux 1895, des Sociétés savantes de la Sorbonne 189o et le Congrès international de géographie de Londres 1895 ont invité les Sociétés scien- tifiques à étudier l'application du système décimal aux mesures du temps et des angles. L'usage seul pouvant faire connaître les avantages et les inconvénients d'un système, j'ai dressé quelques tables décimales qui permettront d'em- ployer pratiquement le système préconisé par la Société de géographie de Toulouse, qui est : 1° De diviser le jour de minuit à minuit en 100 ces, puis en 100 centicés représentés en abrégé par le signe / et en dix mille dimicés désignés par le signe //. Le dimicé vaut 0S0864, soit pratiquement 1/10 de seconde. 2° De diviser le cercle en cent eirs représentés par X, puis en cent ceniicirs représentés en abrégé par le signe / et en dix mille climicirs désignés //. Le dimicir vaut 1"296, environ 1 seconde d'arc en pratique. M. Leroy, l'habile horloger français de la Marine, et M. Hurlimann, le constructeur d'appareils, m'ont fait des montres et un sextant dans cette division. L'assemblée, à qui je les présente, pourra juger de leur commodité et de leur facilité de lecture. La montre donne les 10 dimicés (0S834) et le sextant donne les 10 climicirs (12"96). Les tables déjà calculées sont : Tables I et II, tables de conversion des degrés et des heures en cirs et en ces. Table III, la première quinzaine d'avril 4896, des éléments du soleil. La variation est donnée par 1 ce. — Avec une montre décimale qu'il est très facile 4i MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE de régler sur une pendule astronomique sexagésimale, il n'est pas nécessaire de faire de transformation pour trouver les éléments. Exemple. — Trouver les éléments de soleil le 1:2 avril 1896, au moment où une montre décimale réglée sur midi moyen indiquait 21cés478. En multipliant 21,478 par les diverses variations on obtient les corrections : 21,478 X 25' '583 = 549''4. Donc l'ascension droite du soleil était à ce moment : 5CL'9-238''0 + 549,4 5.9807,4 et on peut employer les tables de logarithmes avec ce nombre sans nouvelle transformation. Avec la méthode ordinaire, la montre aurait indiqué 5h3m17s, qu'il faut transformer en 5h155. 5,155 X 9S810 = 47s48. L'ascension droite est donc : lh25m19s89 + 47,48 4,26. 7,37 qu'il faut transformer en degrés pour employer les tables de logarithmes. L'avantage du système décimal est énorme. Table IV. Parallaxe de hauteur du soleil pour le premier jour de chaque mois de 1896. Parallaxe horizontale équatoriale 6/;84 à la distance moyenne. Les angles allant de cir en cir, ce qui est suffisant, les calculs sont extrême- ment simples et se font presque à vue, ou du moins très facilement avec une règle à calculs. Exemple. — Trouver la parallaxe de hauteur du 12 avril 1896, la hauteur vraie du soleil étant 16l'72o. Pour 16 cirs de hauteur la différence pour un cir des mois d'avril et de mai est de 0'737 et 0'736. Donc pour 0,7725 elle est 0,725 X 0'737 = 0"27 environ 1er avril à 16*725 parallaxe 3;/40 ; puis du 1er au 12 avril, il faut retrancher 12 x — ôtt- = 0'701 environ. ou Parallaxe de hauteur du soleil le 12 avril à 16x725 . . . 3;,39. Avec le système ordinaire, il faut plus de précision d'esprit pour faire ce petit calcul. 16*725 = 60°12'35" = 60°21. Pour 60 degrés de hauteur la différence pour 2 degrés est 0"2704, 0"135 pour 1 degré soit 0"028 pour 0°2l. — Donc parallaxe le 1er mars pour 60°21 est 4,40. Enfin, du 12 au 1er il faut retrancher 12 X -~ = 0"016 soit 0"02, ce qui donne 4"38 pour la parallaxe cherchée qui vaut en cirs 3'738. La table V donne les réfractions pour le baromètre à 0m760 et le thermo- mètre à + 10° centigrades. Toutes les différences sont données en dimicirs pour 1 cir. Les calculs sont très simples. La table VI indique la conversion du temps sidéral en temps moyen au moyen de l'argument : temps sidéral en cirs. Les tables VII et VIII sont des modèles de tables de logarithmes des fonctions circulaires dans la division décimale du cercle entier. G. ARNOUX. — ESSAIS DE PSYCHOLOGIE ET DE MÉTAPHYSIQUE POSITIVES 45 Je rappelle que nous avons déjà des tables dans ce système, calculées par M. de Mendizabal-Tombarrel, ingénieur, astronome à Mexico; ces tables renferment 125,000 arcs, qui vont de dimicïr en dimicir (1"296). Les logarithmes ont 7 ou 8 décimales. Cet auteur va publier prochai- nement deux nouvelles tables à o et 6 décimales et un traité d'astronomie dans son système, qui diffère du nôtre par des unités dix fois plus fortes. Le système de Toulouse diffère de celui arrêté par la Convention natio- nale et employé par l'illustre Laplace : 1° Par l'unité angulaire quatre fois plus grande, car 1 cir vaut 4 grades ; 2° Par l'unilé de temps qui est dix fois plus petite, 10 ces valant 1 heure décimale républicaine. Nos tables projetées serviront avec la plus grande facilité à ceux qui voudront employer le grade et le temps républicains. En multipliant par 4 tous les angles et toutes les variations exprimées en cirs, on obtient des tables en grades. Les tables permettront donc de faire aisément des expériences pratiques dans les deux systèmes. Comme conclusion, je prie la Section d'inviter les Sociétés s' occupant d'astronomie et de mathématiques d'étudier le meilleur mode d'application simultanée du système décimal aux mesures du temps et des angles. M. Gabriel ARNOUX Ancien officier de marine, aux Mées (Basses-Alpes). ESSAIS DE PSYCHOLOGIE ET DE MÉTAPHYSIQUE POSITIVES [A 1 b ] — Séance du 3 avril IS9C — Le produit d'une somme de 2n carrés par une somme de 2n carrés est-il, quel que soit n, une somme de 2" carrés ? Oui, jusqu'à n = 3 ; non, si n est supérieur à 3. Il est certaines questions qui, n'ayant par elles-mêmes qu'une bien faible importance, en prennent une considérable par les considérations subsidiaires qu'elles soulèvent. La suivante appartient à cette catégorie : Le produit d'une somme de 2" carrés par une somme de 2n carrés peut-il, quel que soit n, être mis sous la forme d'une somme de 2" carrés? 46 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Dès l'origine des mathématiques, elle a préoccupé les savants. On lit dans la Théorie des nombres, d'Edouard Lucas (préf., p. xxv) : « En généralisant la méthode de Pythagore, qui repose sur le théorème » du carré de l'hypoténuse, on obtient la formule suivante : (r2 + s2)2 = (r2 — s2)2 + (Zrsy, » que Proclus attribue à Platon (430-347). » Lucas (p. xxvi), ajoute : « L'identité de Platon généralisée conduit à la formule : (r» 4. ,.)(rj 4. ,J) = (rrt - «,)■ + (rs, + rts)% » qui est due aux géomètres indous et se trouve dans le Liber quadra- » torum de Fibonacci (1202). Cette formule exprime que « le produit » d'une somme de deux carrés par une somme de deux carrés est égal à » une somme de deux carrés. » Puis, p. 126 : « La formule (a2 + b2)(p2 + q2) = (ap — bq)% 4 (aq + 6jo)2, » indiquée par Fibonacci, a été généralisée par Euler, qui a donné le » théorème suivant : le produit d'une somme de quatre carrés par une » somme de quatre carrés est une somme de quatre carrés : ( — ap 4 es -j- dq -\- br)'1 + (+ dr — bq + as 4 cp)2 + (+ bs -Y- dp — cr + aq)'1 4- (+ c<7 4 ar 4- fy> — ds)2 = (a2 + b2 + c2 4- d2)(p2 + ç2 4 r2 4- s2). » Brioschi a donné des formules semblables pour le produit d'une » somme de huit carrés, mais, contrairement à ce que l'on pensait, » M . Samuel Roberts a démontré qu'il n'existait pas de formules analogues » pour les sommes de seize carrés et plus (the Quaterly Journal, 1879- » 1880). » De son côté, Lebesgue, dans son Introduction à la théorie des nombres, dit (p. 65) : « Euler a donné la formule suivante : (a2 + 62 + c2 4- d2){k2 + B2 4- C2 + D2) = (oA + 6B 4- cC + d\)f 4- (aB — 6A + cD — dC)2 + (aC — 6D — cA -j- dB)2 + (aD 4 bC — cB—dA)2; G. ARNOUX. — ESSAIS DE PSYCHOLOGIE ET DE MÉTAPHYSIQUE POSITIVES 47 » comme il est permis de changer le signe d'un ou de plusieurs nombres » a, b, c, d, A, B, C, D, ce qui ne change pas le premier nombre, on a » diverses compositions. » Brioschi a donné une formule pour le cas du produit de huit carrés » par huit carrés, probablement la suivante avec quelques changements de » signes ( C B /B FlG. \>- Il est à remarquer que, dans un quadrille isolé quelconque, on peut place?' à volonté tel signe qui plaira dans trois cases prises au hasard ; ceci fait, le signe de la quatrième case est déterminé. Si l'on procède par ordre à la construction du tableau des signes et en observant cette règle, on n'éprouve absolument aucune difficulté tant que l'arête du carré ne dépasse pas huit cases. 11 n'y a qu'à se rendre compte des cases qui appartiennent à un quadrille, dont trois cases sont garnies d'un signe déterminé, et à Jes munir du signe voulu ; toute case qui n'est pas dans ce cas pouvant recevoir un signe facultatif. Dans une exposition quelconque, on peut, en procédant d'une façon purement abstraite et surtout en employant la méthode symbolique, en arriver à une concision et une correction extrêmes; mais on s'aperçoit bientôt que la lecture de ces œuvres parfaites est si pénible et demande une telle tension d'esprit que, si l'on n'est pas rompu par une longue pra- tique à ce genre d'étude, il est la plupart du temps plus commode d'in- venter soi-même que de chercher à comprendre ce qui y est implicitement compris. En outre, dans l'état actuel des cerveaux humains, les visuels sont en majorité énorme, de sorte que si un auteur n'éclaire pas son exposé par des exemples concrets, le lecteur se trouve dans la position des animaux assistant à la représentation du singe de Florian. Pour éviter cet écueil, nous allons procéder par la méthode graphique sur un carré de huit pris comme exemple. Si, après avoir mis le signe + dans chacune des cases de la première ligne et de la première colonne, on passe aux lignes et colonnes suivantes, en isolant par des traits les quadrilles les plus ramassés, nous avons une colonne, une ligne et une diagonale de carrés mineurs. Si, dans tous les carrés de la première colonne, nous plaçons le signe -f, dans la case à droite, en haut , les signes de toutes les lettres com- 52 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE prises dans le tableau ci-dessus sont déterminés comme quatrièmes de quadrille. Ceux de toutes les autres cases sont indéterminés ou facultatifs ; mais, + + + + + + + + A B C 0 E F G H + — B A D C F t H G + + — C D A B + _ D C b A + + + — + — H A B F E b A + + — G + H A B H G B A Fig. 13. si l'on place un signe quelconque dans n'importe quelle case, le signe de toutes les autres (ici au nombre de vingt-quatre) s'ensuit. Pour la régularité, donnons le signe -j- à la case h et procédons par quadrilles successifs, nous obtenons le tableau des signes de la formule de Lebesgue. + + + + + + + + + - - + - + - + + + - - + - - + f - + - - - + + + + - + - - + - + - + + + - - - + + + - - + - - + - - Fig. + + + - Si on l'applique sur le tableau des grandes lettres, on vérifie que tous les quadrilles obéissent à la loi. Il n'existe aucune contradiction nulle part ; donc le problème est pos- sible et même facile à résoudre jusqu'à 23. L'auleiir d'une communication, quand le sujet est un peu complexe, se trouve dans la position peu commode des victimes de Procuste ; il est tenu, avant tout, à la concision, dût-il être obscur ; il ne lui reste d'autre ressource que celle de Fermât devant l'exiguïté de la marge, c'est-à-dire G. ARXOUX. — ESSAIS DE PSYCHOLOGIE ET DE MÉTAPHYSIQUE POSITIVES 53 de donner des affirmations sans démonstration, laissant au lecteur le soin de les vérifier. Ainsi ferai-je pour ne pas laisser de côté les considérations psychologiques et métaphysiques, que je regarde comme bien autrement importantes que le sujet lui-même. Le nombre des cases facultatives est, dans un carré de huit, de 8 + 7 + 3 -1- 1, et, en général, si l'on désigne l'arête par a, de: D+ i-1 n. ou, si l'on fait a = 2", de 3 X 2n — (n + 2). Quant aux variations de position dont est susceptible un tableau de signes, elles sont une conséquence de ce que nous venons de dire, et le lecteur peut s'amuser à résoudre une foule de petites questions, telles que le nombre des variations dans un carré d'arête désignée, l'obligation de donner un signe déterminé à certaines cases, la possibilité ou l'impos- sibilité de certaines demandes, etc., etc., ce dernier problème tenant à une théorie assez curieuse (celle de YIntrication), mais qui demanderait de trop longs développements pour être ici même effleurée d'une façon succincte. + A + B C + D + E F + G + H + 1 + J + K + L + M + N + 0 P + B A D + C F + E H + G J + 1 L + K N + M P + 0 + C + D A B G -+- H + E F K + L + J 0 + P + M N + D C + B A + H + G F E + L + K J 1 + P + 0 N M + E + F + G H A B C + 0 M N 0 P 1 J K L + F E H G + B A + D + C N M P 0 J 1 L K + G + H E + F + C D A B 0 P M N K L 1 J + H G + F + E D C + B A P 0 N M L K J 1 1 + J + K L NI N 0 P A B C + D E F G H + J ! L K N M P 0 .+ B A + D + c F E H G + K + L 1 + J 0 P M N + C D A B G H E F + L K + J + 1 P 0 N M D C + B A H G F E + M + N + 0 P 1 J K L E F G H A B C + D + N M P 0 J 1 L K F E H G + B A + D + C + 0 + P M + N K L 1 J G H E F + C D A B + P 0 + N + NI L K J 1 H G F E 0 C + B A Fig. 15. Arrivons maintenant à la question capitale, au carré de seize, et mon- o4 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE trons non seulement qu'il est impossible, mais donnons en même temps la raison de cette impossibilité. Pour être concis et clair pour tout le monde, procédons par la méthode graphique. Si nous prenons un carré de grandes lettres de seize cases et que nous procédions par les méthodes précédemment indiquées, nous pouvons garnir de signes les dix carrés mineurs de quatre cases de côté, composant le cadre et la diagonale. Dans cette opération, aucune désobéissance à la loi ne se produit ; mais, quand il s'agit de continuer l'opération pour le reste du tableau, il n'en est plus ainsi. Pour donner de la clarté et de la concision à notre exposition, substituons au tableau complet un schéma construit avec les mineurs de quatre cases de côté; représentons les carrés ABCD, EFGH, LIKL, MNOP par A4 B4 C4 D4 et nous avons : 11 A. 12 B. 13 c. 1» 21 B, 22 A» 23 21» 31 C 32 33 A. 3 ETC., ET SUR LE POINT W : > ETC. A. — Aous alons résumer les principales propriétés de ces points qui se retrouvent si fréquemment dans la géométrie du triangle, en en ajou- tant quelques-unes à cèles que nous citons. Je me sers, dans ce mémoire, à moins d'avertissement contraire, des coordonées normales par raport au triangle de référence ABC. 1 . — Si par <ï> on mène des paralèles aus trois côtés BG, CA, AB et que l'on apèle /. m, n les longueurs de ces paralèles comprises entre AB et AC, BG et BA, CA et GB, que l'on mène des paralèles analogues par un point M quelconque, est le point du plan pour lequel la some des carrés de ces paralèles est minima. La valeur de Z2 + m2 -\- w2 est alors : 4a262c2 S62ca 2a262c2 2. — On a : al — bm = en = — — — • (Voir Journ. d'èlém. de M. de 162c2 Longchamps, 1883, p. 242.) 3. — <ï> est au point de concours des trois droites qui joignent le pied d'une simédiane partant d'un somet, au simétrique de ce somet par raport au milieu du côté oposé. Cèle qui part de C a pour équation : — ab2x -)- a% + cz(a- — 62) = 0. (Grenoble, 1885.) (*) L'ortografie de la Société filologique française est employée dans ce mémoire et dans le suivant. É. LEMOINE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 59 4. _ Si A est le seul point qui jouisse de cète propriété ; l'équation du cercle passant par ces six points est : 2a2a;2[6*c4 — a*(6* — c*)] — 2263c3i/^[aa62 + a*c* — 6V — 2a4] = 0 (Grenoble, 1885.) 5. — Le point <ï», le point Z milieu de la distance des points de Brocard, 1 le point D : —«etc., le baricentre, sont quatre points sur la droite: 3kt?x{b* — c2) = 0. Le point Z est au milieu de *î>D. 6. — Le point , le point W : ■ >etc, et le centre du cercle circonscrit sont en ligne droite. 7. — Le point <ï>, le point de Steiner et le point D' : a3, b:\ c3 sont colinéaires. 8. — $ est le centre radical des trois cercles de Neuberg Ma, Mb, Mc. Je rapèle que que M 'est le lieu des points A' du plan du triangle ABC, tels que le triangle A'BC ait le même angle de Brocard que ABC. (Gob, Suplé- ment de Mathesis, 1889.) 9. — Soient K le point de Lemoine de ABC, A', B', C les projections de K sur les côtés; je prends sur les hauteurs partant de A, B, C les longueurs AJa. BJft, CJ, respectivement équipolentes à 2KA', 2KB', 2KC, les paralèles menés par J(, Jb, J, respectivement à BC, CA, AB se cou- pent en . 10. — «!' apartienl à l'hiperbole Sa2x2(62 — c2) = 0 qui passe par les centres des cercles tangents aus trois côtés et par le baricentre ; cète courbe a pour centre le point de Steiner. (Grenoble, 1885.) 11. — La tangente à cète hiperbole au centre de gravité passe par le point de Lemoine; la tangente au centre o du cercle inscrit passe au 1 point: ->etc, la tangente au centre du cercle ex-inscrit oa passe au 1 1 1 point : — rr>'~* a2 o2 c2 60 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 12. — W est le point du plan dont les brocardiens (par raport à la droite de l'infini) sont sur le cercle circonscrit. (.Y. A. 1885.) 13. — W est le point d'intersection de la brocardiène directe et de la brocardiène rétrograde de la droite de Lemoine par raport à la droite de l'infini. (Nancy, 1886.) 1 14. — Le point D : -, etc., le point D' : a3, etc., et le point W sont en ligne droite. WD' S62c2 On a : — = —^ . Marseille, 1891 . p. 30.) 15. — W, le baricentre G et le point de Lemoine K sont en ligne droite ; en posant come à l'ordinaire w4 = £&2c2, m2 = Sa2, on a : __ n8 im2?i4 — 27a26'2c2 m4 (m4 — 3»2)2 WG _ 1 m4 6 ' WK — 3 ' n4 ' 16. — Si w et toi sont les points de Brocard, que Aw, Bw, Coj coupent BC, CA, AB en A', B', C et que Ao^, Bu,, Cto, coupent BC, CA, AB en A'p Bj, C[ ; si l'on apèle a l'intersection de B'C et de B^Cj, (3 cèle de C'A' et de C[A'r y cèle de A'B' et de A^', les trois droites Aa, B,3, Cy se cou- pent en W. SEGMENTS SUR LES PARALÈLES ET LES ANT1PARALÈLES AUS COTÉS D'UN TRIANGLE B. — Soit un triangle ABC. Apelons X15 Y,, Z± les segments interceptés entre les côtés AB et AC, etc., par les paralèles aus trois côtés menées par un point M; apelons X2, Y2 Z2 les segments des antiparalèles à BC, etc. menées par un point M, interceptés entre AB et AC, etc. On aura les téorèmes suivants : 1. — Pour tout point M apartenant à une droite paralèle à la droite Sa2a; = 0, on aura : Xj + Y4 + Zj = const. Cète constante est 2p pour la droite 2,a*x = 0. É. LEHOINE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 61 La transformation continue en A montre que pour tout point M apar- tenant à une paralèle à la droite — a2x -\- b2y -f- c2z = 0 on aura : 2(p _ a) = - X, + Y. + lv 2. — Pour tout point de la droite 2a(6 -(- c)x = 0 on aura : X.+ ^+Z, La transformation continue en A montre que pour tout point de la droite : «(6 -j- c)x -f- b(c — a)y -f- c(b — a)z = 0 on a : - X, + Y4 + Z, = 0. 3. — Pour tout point de la droite de Lemoine H - = 0, on a : X2 -f Y2 + Z2 = 0 et pour tout point d'une paralèle à la droite de Lemoine on a : X2 -}- Y2 + Z2 = const. 4. — Pour toute paralèle à la droite 2(26c — a2)x = 0, Xt -j- X2 -)- Yt + Y2 + Zt -f- Z2 est constant. La constante est nule pour cèle de ces paralèles qui a pour équation : 2(2èc -\-ca-\- ab)x = 0. 5. — La droite de Lemoine, la droite Sa(6 -f- c)x = 0 et la droite S(26c -\- ca -\- ab)x = 0 se coupent sur l'axe antiortique x -\~ y — z = 0 au point a(6 — c), etc. 111 6. — Pour le point -— — ■ + — — ■ — - -j- -- — — — , etc., ou r a(b -f- c) b(c + a) c{a -f b) — b2c2 -f- c2a2 + a262 + 2paèc. etc., on a : 1 abc(b + c)(c + a)(a -j- à) i — a "a(6 + c) X1 + X2_Y1+Y2_Z1 + Z2_ 7. — On trouve que X2 -\- Y2 + ^ est minimum pour le point a(3a2 — b2 — c2), etc., ou a(a2 — bc cos A), etc. 62 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 8. — Le lieu des points M, tels que l'on ait l\ -f- Z'J = const = Ka est l'ellipse (CB axe des x, CA axe des y) : (by + ax)* + (ay -f bxf - °-^ = 0. La transformation continue en A, apliquée au n° 4, montre que pour toute paralèle à la droite : (26c — a?)x + (2ca + 6% + (2a6 + c2)^ = 0, — X, + A2 -f Y, 4-'Yj -h Z2 + Zt est constant et que cète constante est nule pour la droite : (26c — ca — ab)x -f (2ca — cb + ab)y + (2a 6 — cb + ac),s = 0. La transformation continue en A, apliquée au n°5, montre que la droite de Lemoine, la droite a(b + c)x — by{a — c) — cz(a — b) = 0, la droite (26c — ca — ab)x -f (2ca — cô + «% + (2a6 — cb 4- ac)z = 0 se cou- pent sur la droite — x -{- y + z = 0 qui joint les pieds, sur les côtés oposés, des bissectrices intérieures de B et de C, au point : a(b — c), b(c + a), — c(a + b). Par transformation continue en A, Xt, Y,, Zt deviènent — X1; Yt, Z,; X2, Y2, Z2 ne se modifient point. On déduit donc, en apliquant la transformation continue en A au n° 6. que pour le point: 4 a(b -f- c) b(a — c) c(a — b) ' a(b -f c)1" b(a — c) c(a — b) ' 1 1 1 a(6 -j- c) 6(« — c) c(a — 6) ' on a : - X, + X2 = Y, + Y2 = Zt + Z2 abcjb + c)(g — c)(a — 6) (P - «)[(P - a)« - ro8J* -f aè6[3(p - ay - r.8J " É. LEMOINE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE SUR DEUS CONIQUES HOMOFOCALES, L UNE INSCRITE, L AUTRE CIRCONSCRITE C. — J'ai signalé en 1883 au Congrès de Rouen les deus coniques 2^ = 0, (1) 2 \larx = 0, que l'on peut encore écrire : n.r p ■ — a 0, (2) qui sont homofocales, ont pour centre le point p — a, etc. Je veus doner encore quelques propriétés de ces courbes. Les carrés des demi-axes de (1) sont, en apelant d la distance Oo, des centres des cercles inscrit et circonscrit : 2S2R/R + r . AVR-f-r \ t 2S2R/R + r , A/R d3 (^-o'^-o-^'+'X^-o' 2S2Rro(R + r + d) 2S3Rro(R + /■ — ci) ou : i— et d° db ,,,.,. P , 4S2R»'8 Le carré de la demi-distance locale est : ■ — ; as Les carrés a"2, 6'2 des demi-axes de (2) se calculent alors linéairement 4S2Rro par les formules : a'"- — b"2 = — - — > (3) 2w2 a'2 + 6'2 = -^-(2R2 — 2Rr — r2). (4) Ces résultats doivent être très pénibles à trouver par les métodes ordi- naires. On y arrive assez facilement en se servant des formules de M. P. Serret, donées dans les Nouvelles Annales de Mathématiques, 186o, p. 208. Il faut, de plus, pour avoir la formule (4), évaluer la quantité 2S Ia(/j — a)2cos A, que l'on trouve égale à — (2R2 — 2Rr — r2), au moyen des transformations simétriques dont j'ai donô de nombreus exemples. 1 L'ellipse (1) coupe le cercle circonscrit au point , etc. 64 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE L'ellipse (2) touche les côtés aus points de conlact des cercles ex- inscrits. La transformation continue nous montre qu'il y a d'autres coniques que (1) et (2) homofocales et tèles que l'une soit inscrite et l'autre circonscrite au triangle. La transformation continue en A, par exemple, done les résultats sui- vants : 1 1 i La conique : 1 1 — = 0 (1)' x y z et la conique : \/ — arx -\- \Jbr\j 4- \/crfz = 0 (2)' yEi + t/ + i/jEI = o V p V p — c \ p — b sont homofocales, leur centre est le point : p, p — a, p ■ — b. Sid est la distance Oo . a a Les carrés des demi-axes de (1 )' sont : °2S°-Rr o (— R + r +d) 2S2Rr 8 (— R 4- r —d) da d° a a Les carrés des demi-axes de (2)' sont donés linéairement par „ 4SRr 8 b2= A-": aï + b^ï^L^^ + m^-rJ. o La conique (1)' coupe le cercle circonscrit au point : 1 1 1 b — c c-\- a a + b La conique (2)' touche les trois côtés au point de contact du cercle É. LEMOINE. — QUESTIONS RELATIVES A L . illE DU TRIANGLE 65 inscrit sur BC, au point do contact, du cercle ex-inscrit oc sur CA et au point de contact du cercle ex-inscrit o(j sur Ali. (Voir aussi notre mémoire du Congrès de Nancy, 1886, où nous nous ocupons des coniques (1) et (2) et celui du Congres de Toulouse, 1887, où nous étudions le point p — a, p — b, p — c.) SUR UN GROUPE DE SIX POINTS D. — Nous alons signaler, dans un triangle, un groupe de six points, défini d'une façon qui a une certaine analogie avec cèle dont on définit les points de Brocard, par les angle- que font les droites qui les joignent ans somets, avec les côtés. Apelons w et a/ les points tels que l'on ait respectivement w AC = cj CB = ci BC et co'ÀB = w'BC = o/CB et désignons aussi, respective- nient, par les mêmes lètres co et u/ les angles waAC, etc., <>/AB, etc. On voit facilement que si w et <-/ sont les points direct - > - > - et rétro- grade - > - > - de Brocard : b à a 1° Les points a> et o/ apartiènent, respectivement, aus cercles ACa>, ABco' et par conséquent que Cco^A = 180 — C, Ba>oA = 180 — B ; ^ , ,, . -n sin A sin C . _ , sin A sin B 2° One Ion a sin 2w — — — : — - — > sin 2a> = : — - — ; sm B " sin C 3° Que w . o/ sont sur la médiatrice de BC ; 4° Que les six angles co , o/, «,, w', m , o/ sont tels que co = <«/, O. = O) , (O = CO. . h a7 c b SUR LA DIVISION HARMONIQUE D'UNE TRANSVERSALE E. — Soient un triangle ABC et une transversale qui coupe les côtés en A',B',C. Si M est le conjugué harmonique de A' par raport à B' et à C et que l'équation de la transversale en coor lonôcs normales soit : Ax -f- Bj 2 11 ~j- Cr = 0, le point-Ma aura pour coordonées : — 7 ' il ' r ' Si la droite A'B'C passe par le point fixe Da (/a, ma, nj, le lieu de Ma sera la conique circonscrite Ga, passant en Du, dont l'équation est : — 2/ yz + m zx -f- n xy = 0. Si La est le point où l'axe ortique ^x cos A = 0 coupe la droite BC et si H est l'ortocentre, la droite HLa est tèle que, si Da lui apartient, la conique est une liipcrbole équilatère. 5* t)C) MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Cète conique est le cercle circonscrit, si Da est à l'intersection de la simédiane partant de A avec le cercle circonscrit, on a alors ce téorème : Si, dans un triangle ABC, la simédiane partant de A coupe le cercle cir- conscrit en D , toute transversale menée par Da et coupant le cercle en Da' sera tèle que, A', B', C étant les intersections de la transversale avec les côtés, D' et A' seront conjugués harmoniques par raport à B' et à C On aurait de même le téorème général suivant : Soit D le point du plan du triangle ABC dont les coordonées sont x, y, z, il y a sur AD un point Da: — -> y, z, tel que, si par ce point on mène une sécante coupant BC, CA, AB en A'a, B'a, C'a et que Mfl soit le conjugue harmonique de A' par rapport à B'a et à Ca, le lieu de Ma sera la conique : X "*" Y "^ Z .'/ De même il y a sur BD un point D^ : x , — - » z tel que si par ce point on mène une sécante coupant BC, CA, AB en A'b, B'b, C'. et que M6 soit le conjugé harmonique de B' par raport à A\ et à Cb, le lieu Misera la même conique, ainsi que le lieu deMc. En prenant pour D les points remar- quables du triangle, on retrouvera les coniques remarquables pour lieus de M , M , M . Si D est le point de Lemoine, le lieu de M , M M est le cercle circonscrit. C'est le cas particulier doné précédemment. Si D est le centre de gravité, le lieu est la conique circonscrite de Steiner, etc. SUR DIVERSES CONSTRUCTIONS DE POINTS F. — 1. — On sait (Congrès de Pau, 1892, p. 106) que les trois cercles : Zayz + (M# + N^) Saa; = 0, ^ayz -f- (Na5 -f Ltx) Hax — 0, Eom/s + (Ljff + Msy) Zax = 0, qui représentent des cercles quelconques passant en A, B, C respecti- vement, ont pour centre radical le point R dont les coordonées son! : — M3N2 + N2Mt + M3\, — NtL3 -f L3N2 + NâI* — L2Mt + M,L3 + L2M3. Si on considère une droite Ax + By -f C- = 0, coupant les côtés BC, É. LEMOINE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 67 CA, AB respectivement en A', B', C et que les trois cercles soient AB'C, BCA',CA'B', les coordonées de Useront : — — ^ — j etc., et l'on sait que A(6C — cB) B apartiendra au cercle circonscrit à ABC. a Si la droite est l'axe anliortique, B sera le point ■> etc. 1 Si la droite est Sa2# = 0, B sera le point 7 » etc. b — c Si la droite est la droite de de Lonchamps 2a3# = 0, B sera le point de Steiner. Si la droite est la droite de Lemoine S - = 0, B sera le point - > etc. , a o2 — c2 et ces téorèmes doneront des constructions simples de ces points et de leurs transformés continus, quand ils en auront. Exemple : l'iacer le point > etc. b — c Je l'obtiendrai par l'intersection du cercle circonscrit avec le cercle AB'C. Je trace le cercle circonscrit en prenant, pour mener les perpendicu- laires aus côtés, des cercles d'un rayon p sufisament grand op.: (4R4 + 2R, + 5d -f 4C3). je mène les bissectrices des angles extérieurs B et C en utilisant les cercles déjà tracés , . . . op.: (4Rt + °2B2 + 4Ct + 4C,). Je trace, en utilisant les cercles déjà tracés (d'un rayon sufisament grand pour cela), les perpendiculaires au milieu des droites AB', AC et je trace le cercle AB'C op.: (4Rt + U2R2 + 4Ct + 3C3) . Ce cercle coupe le cercle circonscrit au point B eberebé : Op. : (ISBi + 6B2 -f 13CJ + 11C,); simplicité : 42; exactitude : 25; 6 droites, 11 cercles. w . ci b c . , Le points 5 -1 transtorme continu en A du point b — c c -\- a a -\- 0 > etc., se construirait exactement par le même simbole; seulement. b — c au lieu de mener les bissectrices extérieures des angles B et C je mènerai les bissectrices intérieures, etc. Bemarque. — Le point, B corespondant à une droite S(a -f- a)x — 0, paralèle à l'axe anliortique, sera- ,,, — > etc. Ces coordonées repre- senteronl ainsi, d'une fa<;on très simple, un point quelconque du cercle circonscrit par la variation du paramètre p. 68 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 2. _ Soient P un point du plan d'un triangle ABC, L, M, N les milieus de BC, CA, AB; on sait que si L', M', N' sont les milieus de AP, BP, GP, les droito LL', MM', NN' sont concourantes en un point P'. Soient x, y, z les coordonées de P, x', y', z' cèles de P'. ^Idx — |— bu -4— cz Les coordonées de P' sont aussi - ■ > etc. . — '3ax' + by' -j- es' Les coordonées de P sont aussi — Cl P' étant au milieu des droites LU, MM', M', si P' est doné on a une construction géométrique facile de P. Par exemple, si P' est le centre du cercle inscrit on a une construction p — ta immédiate assez simple du point 0 : > etc. Cl h -L c Si P' est le centre de gravité du périmètre — • — > etc., P est le point de Nagel . On a facilement ce téorème : Le centre de gravité du périmètre est au milieu de la distance du centre du cercle inscrit au point de Nagel - -, etc., et les téorèmes dérivés que l'on obtient par transformation continue. 3. _ Soit un triangle ABC. Je trace le cercle A(a); soit N le milieu de AB, CN coupera A(a) en deus points P et Q tels que CP = ïla et e Ce téorème done une construction relativement simple du point qui a pour coordonées : — ■> etc. a l , /,, l sont les longueurs des trois médianes. a' &' c ° 4. — Si M est un point quelconque du plan d'un triangle ABC, dont les coordonées normales sont /, m, n; si N est un point quelconque x, y, z de Km ■ // 1 la conique circonscrite S ^ = 0, qui passe par M et par le centre du cercle inscrit, le point V qui aura pour coordonées Ix, my, nz sera sur a droite MN. Le lieu de V, si M est fixe, est la conique circonscrite S = 0, SU qui passe en M. É. LEM0INE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE H9 TÉORÈMES DIVERS ET RÉSULTATS DE CALCULS .boa G. — 1. — Les points jumeaus R', R" des points de Brocard -. -, - ; _ , _ , _ ont respectivement pour coordonné b c a 1 1 1 a(b~ — a2) b(c- — 62) c(a2 — c2) I 1 1 (Voir Mathesis, 1886, p. o, où on nés ciclotomiques des points de Brocard.) a /• - (^ — c) Ils sont sur la droite 2 — — - = 0 qui passe par le centre • > o2 — c- a etc. de l'hiperbole de Kit- Ce centre est au milieu de la distance des points jumeaus. De là un moyen assez simple de placer le centre de l'hiperbole de Kiepert. 2. — Les cercles d'Apollonius ou cercles décrits sur la droite qui joint les pieds des deus bissectrices des angles d'un triangle ABC corne diamètre, ont pour équation : -f — z- — %x(y cos C — ; cos B) = 0, etc. 3. _ si x', y, z'; x", y", z" sont les i s normales absolues de V, a.", x' _ x\ y' — y\ z' - z" représentent les coordonnes du point à l'infini sur A.' A". 4. _ La polaire du point de Nagel P ~ ° > etc., par raport au cercle inscrit a pour équation : 2(ap — 8Ur)> — a)x = 0. 5. — L'axe antiortique x -f y + z — 0, l'axe ortique 1.x cos A = 0, ax U polaire trilinéaire S ■ = 0 du point de Nagel et la droite qui 1 p — a joint le centre du cercle inscrit au centre du cercle circonscrit forment un faisceau de quatre droites qui concourent au point L dont les coordonées normales sont (6 — c) (p — a), etc. Si l'on aplique la transformation continue en A, en B et en C, on a trois autres faisceaus de quatre droites concourantes ; l'axe ortique qui ne change pas par transformation continue est une droite comune à ces quatre faisceaus. 70 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE La transformation continue en A, par exemple, montre que les droites: - x + y + s = 0, Sa cosA = 0, Ooffl, - - + — + ~^-r = 0, 0 jt? p — c p — b se coupent au point : (b — c)p, {a -f- c)(p — c), — (a + b)(p — b). 6. — Par un point 0 du plan d'un triangle ABC, je mène des para- lèles aus trois côtés ; il y a entre ce point et les côtés- six segments sur ces paralèles. La some des carrés de ces six segments est minima pour le point inverse du milieu de la ligne qui joint les points de Brocard. Ce (ô2 + c2) (c2 + a2) (a2 + 62) minimum est ésal à o (p"1 — ro)2 -\- 4S2 7. — Par un point 0 du plan d'un triangle ABC, je mène des para- lèles aus trois côtés; sur chaque paralèle à un côté, entre 0 et les deus autres côtés il y a deus segments ; soit pa la valeur du produit de ces deus segments sur la paralèle à BC ; il y a de même p p . La some P„ + Pb + Vc est minima si 0 est le centre du cercle circonscrit et ce minimum est égal à B2. 8. — La transformation continue permet également de trouver immé-» diatement certains minima ou maxima de fonctions. Ainsi, dans notre mémoire de Besançon 1893, p. 143, nous avons montré que dans un a;2 w2 s2 triangle ABC le point pour lequel la some h 4- H est minima est le a b c , r, . • • , 2rS 4S2 point a2, b-, c2 et que ce minimum a pour valeur — r— = 1 H K p° + GBr — 3ro Sa3 La transformation continue en A montre immédiatement que le point rpA rt/2 fwA pour lequel -. — est minimum est le point — a2, 62, c2 et que ce abc 2rS 4S2 minimum est : ■ — — ou (p — af — 6Rr + Sr S — a3 + b3 + c3 9. — Le centre de gravité y du triangle formé par les points de contact du cercle inscrit avec les côtés d'un triangle a pour coordonées : 8 4- r , 3 -h )',, o 4- r . 1 a1 o' ' c Le centre de gravité du triangle formé par les points de contact du cercle ex-inscrit ra avec les côtés est un point ya dont les coordonées, obtenues immédiatement par transformation continue en A, sont : — (8 — r). 8 + r , S + r„. É. LEMOTNE. — QUESTIONS RELATIVES A LA GÉOMÉTRIE DU TRIANGLE 71 10. — 11 y a sur la droite Oo qui joint le centre du cercle inscrit au centre du cercle circonscrit deus points dont les dislances ans trois somets ABC sont respectivement proportionèles à p — a, p — b, p — c. La transformation continue faite en A monlre immédiatement qu'il y a sur la droite Ooo deus points dont les distances aus trois somets A, B, C sont proportionèles respectivement à — p, (p — c), (p — b). 11. — L'envelope des polaires trilinéaires des points de la droite de l'infini est la conique inscrite de Steiner. CONSTRUCTION DU POINT XX' , ]}})' ', Zz' H. — Soient ABC un triangle, P et Q deus points dont les coordonées normales sont œ, y, z; x', y', z' ; placer le point N dont les coordonées normales sont proportionèles à xx' , yy', zz' (fig. 1). FlG. \. Si GP, CQ, CN coupent AB en Pc, Qc, N. {fig. 1), on aura : l'a; de N l'a; de P. X l'a de Qr ou : l'y de N Yy de P X Yy de Qo NrB _ PBXQ,.B b_ Nl~PAXQ,A ' a 72 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉOPÉSIE ET MÉCANIQUE ou, si la bissectrice de C coupe BA en C : N B PB X Q,B X C'A NBA PA X Q A X C'B Ceci peut s'écrire : NB PB QB C'B N — FI ' qâ : C7!' } Or je sais trouver sur AB (voir Congrès de Caen, 1894, p. 57, Cons- truction III) le point K , tel que : K A QB C'B bk ~77 : C7!' c x c c'est-à-dire réduire un raport anharmonique de quatre points sur une droite à un simple raport de deus longueurs sur cète droite ayant une extrémité K. et aboutissant à deus points conjugués A et B de la division harmonique. Je rapèle la construction : Suposons tracé le cercle ABC: soient I, et I' les milieus des deus arcs AB, I,, étant, par exemple, sur la bissectrice intérieure de l'angle C. Je trace I,Qc qui coupe le cercle en Jc ; 'J C' coupe le cercle enH,Hl' coupe AB en K,.; en éfet, si n est le milieu de AB, les raports anharmo- niques des faisceaus J,(BIcHcA), F(BIcHcA) étant égaus, on a : QB C'A n B KB > de p — 7, est terminé alternativement par 22o el par 769, et l'on a, z est le plus grand nombre dont le carré entre dans y décomposé en ses carrés maxima ; on a (à partir de ]) — 4) l'équation de récurence : *JH*+1-(*P + lj z est divisible par z y = 2.5 , — 1. Jp p i Décomposons en facteurs (qui ne sont pas tous, nécessairement, des nombres premiers) les nombres s qui entrent dans le second membre des y et dont les carrés s'y retrouvent indéfiniment. On a, pour les dix nombres z qui entrent dans y10 ; s1=; !;«, = !: *3 = 1; z4 = 1.2; z5 = 1.2.2; *6 = 1.2.2.3; z7 = 1.2.2.3.7; *B = 1.2.2/3.7.43;^ =1.2.2.3.7.43.1807; *i0'== 1.2.2.3.7.43.1807.3263443. Nous avons dit que ces facteurs ne sont pas tous premiers, en éfet, par exemple : 1807 = 13.139. Remarque. — A partir de z9 les z se terminent tous alternativement par 807 et par 443. Si, à partir de p = 5, on considère les facteurs x qui permètent de déduire z. de z,, en multipliant z- par Yx corespondant, on voit que ces facteurs sont : 2, 3, 7, 43, 1807, 3263i43, 10650056950807,... et l'on a : ^=(^—1)4 + 4- En posant œ0 = i xx = 1, on a : ay = x{i.xi.x.xz, Xj + 1 Remarque. — A partir de j/7 les ?/ se terminent tous, alternativement par 223 et 707. Dans la limite des tables de carrés dont on dispose, un nombre A peut se décomposer très rapidement en ses carrés maxima ; en éfet, s'il est entre n% et (n -\- l)2, le premier carré de la décomposition de A estn2, etc. De la décomposition d'un nombre en ses carrés maxima on déduit imédialement le téorème suivant : Si 2_, s2 désigne un carré ou une some de carrés tous diférents entre eus. tout nombre entier est de la forme ^ s2 -)- p (p = 0, 1, 2, 4). 76 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE DÉCOMPOSITION ALTERNÉE îl y a, dans le même genre, un autre mode de décomposition que nous apèlerons décomposition d'un nombre en ses puissances n!'"'"s alternées minima. Définition. — Soit A un nombre, si l'on a : A = <- a>: -f u[! - a'! + an5 — . . . ± oj, que oi, a2, er3. . . soient entiers et que at soit la racine h'"'5 de A à une unité près par excès, RA étant le reste négatif; que a2 soit la racine niêmo de Ri à une unité près par excès, R„ étant le reste: az la racine nlcme de R2 à une unité près par excès, etc., a" — a\ + a" — a" -f- a" — . . . ± a", sera la décomposition alternée de A en ses puissances minima, p sera dit l'indice alterné de A. Nous ne nous ocuperons également ici que du cas de n = 2. Dans ce nouveau mode de décomposition, nous désignerons par Y, Z, X les nombres analogues à ccus que nous avons apelés y, s, x, dans la décomposition précédente. On a : 1 = Y, = li • 3 = Y2 = 22—1 6 = Y3 = 32 — 22 + 1 10 = Y4 = 42 — 32 + 22 - 1 26 = Y5 = 62 — 42 -f- 32 — 22 + 1 170 = YG = Ï42 — 62 + 42 - 32 + 22 — 1 7226 = Y7 = 862 — ïl2 + 62 — 42 + 32 — 22 -f 1 13053770 = Y8 = MÛ2 — 862 + I42 — 62 J- 42_— 32 + 22 - 1 42600227803226 = Y9 = ÏÏ5268SB2 — 36Î42 + 862 — 142 + 62 — 42 -f 32 — 22 -;- t 45369485222H 87377444001770 = Y10 = 213001 13901 01 42 — Y,, /Y + ~2 ■'■ A partir de p = 3 on a : Y = I — ^ — ) — Y Y Y — S 4- 1 Remarquons que, à partir de jj = 4, Y — 1 est un carré. Que, à partir de p = 7, les Y sont terminés alternativement par et par 770; É. LEMOINE. — DÉCOMPOSITION D'UN NOMBRE EN SES CARRÉS MAXIMA 77 Que, à partir dep — 8, les Z sont 1er aines alternativement parGl l et 886; Y 4- 2 Que l'on a, à partir de /) = 3, Z ,, == JL. ; El à partir de p = 3, tp= Yp -f Y/( , . Dans Y se trouvent tous les carrés que contient Y , seulement ils y sont pris en situes contraires de cens qu'ils ont dans Y , cela résulte d'ailleurs de la définition des nombres Y et c'est ce que la formule précé- dente exprime. Nous pouvons remarquer qu'il y a de curieuses relations entre les X, les Y, les Z et les x, les y et les z. Ainsi, à partir de p = l, on a : Y = y -f- 3 ; A partir de p = S, on a ; Z ■=. z -\- 2. Si l'on décompose en facteurs X les Z, on voit que l'on a : ^ = 1; Z, = 1.2; Z3 = 1.3: Z4 = 1.2.2; Z, = 1.2.3; ZG = 1.-2.7; Z7 = 1.2.43; Zs = 1.2. 1807 ; Z9 = 1.2. 3263443, etc., où l'on reco- naîl les mômes facteurs : 2, 3, 7, 43, 1807, 3263443, etc., déjà trouvés pour former h 3 A partir de p = 7 on a : zp — —^.^ . Z ,_2 . . . . Z7 .Z,. Nous remarquerons qu'il y a une troisième manière mixte de dé poser un nombre en ses puissances, c'est de prendre les racines »ièm", soit par excès, soit par défaut à une unité près, en choisissant la plus raprochée du nombre dont on extrait la racine; ainsi, en prenant n = 2, on aura pour le nombre 31 par exemple : Décomposition en carrés maxima : 31 = 52 -(- 22 -j- l2 -f- l2. Décomposition en carrés alternés : 31 = 62 — 32 + 22 Décomposition en carrés mixtes : 31 = 62 — 22 — i'~. Mais nous n'avons pas essayé l'étude de ce dernier mode de dé i ion . MliUOGKAl'lE i p dus des séances do l'Académie dos S :iences de Paris, oct. I8SJ (É. Lemoine). Intermédiaire des Mathématiciens, t. I, is'ji, p. 232 É. Lemoine). Intermédiaire des Mathématiciens, t. II, is:<5, p. 2yj (Welsch). MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE M. Ed. MAILLET Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Toulouse. SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS PAR SOMMATION DES TERMES D'UNE SUITE RÉCURRENTE LI17b. H 12e] — Sciincc du 3 avril 1896 — On sait que tout nombre entier est la somme de quatre carrés, d'un nombre limité de cubes d'entiers positifs (*), d'un nombre limité de bicarrés (**). Or la suite des carrés, celle des cubes, celle des bicarrés forment des suites récurrentes, d'équations génératrices (x — l)3 = 0, (x — \y = 0, {x — 1)5 = 0. On peut donc se demander plus générale- ment si des propriétés semblables existent pour les suites récurrentes formées de nombres entiers, au moins en ce qui concerne les nombres supérieurs à une certaine limite, ou encore pour les suites qu'on en déduit en remplaçant chaque terme par sa valeur absolue. Nous allons établir à cet égard le théorème suivant : Théorème. — Étant donnée une suite récurrente formée de nombres entiers, satisfaisant à la loi irréductible: (*) Xn+P = a&n+p-i + • • • + apXn> d'équation génératrice : (2) j\x) = xp — ay-1 — . . . — ap = 0. Si les coefficients at, ..., a sont entiers, une condition nécessaire pour que tout nombre entier positif, au moins à partir d'une certaine limite, soit, même à un nombre limité d'unités près, la somme d'un nombre fini de valeurs absolues des termes de la suite, est que (2) n'ait pour racines que des racines de l'unité, ou, ce qui revient au même, i*j Voir notre communication au Congrès de Bordeaux, lS9ii. (**) Théorème dû à Liouville. ED. MAILLET. — SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS 79 qu'en prenant dans la suite les ternies de h en h (h étant un entier !> 1 convenablement choisi), à partir du 1er, du 2e, ...,du fr" respective- ment, on ait k suites récurrentes ayant pour équation génératrice com- mune (x — \y = 0, avec p < p. Nous traiterons d'abord le cas simple des suites de premier ordre, de façon à indiquer la méthode suivie. Cas des suites du premier ordre. — Soit la suite : (o) Xa, d{X0, (IfiCç, .... flj#0, .... qui est une progression géométrique, d'équation génératrice x — ot = 0, avec(*) at réel et |o,| > '1, !a suite étant formée de nombres entiers. Supposons que la propriété, dont nous voulons établir l'impossibilité en général, ait lieu pour cette suite. Alors, A étant un entier quelconque, il faudra que, pour A > N, N étant fini, on ait : (*) A =2 a^a.',, le signe V s'étendant à 5 valeurs de i au plus, et s étant un entier, < t\, o et y; étant finis et déterminés. A serait ainsi, à un nombre uni d'unités près, la somme d'un nombre < 5 de valeurs absolues des termes de la suite. En prenant n assez grand, ceci aura lieu pour tous les nombre- A tels que : (o) N< A<|a^0|; pour chacun d'eux on aura dans (4) i n : ces nombres devront donc s'obtenir tous, au moins une fois, en formant la somme des valeurs absolues des u -\- \ premiers termes de la suite (3) là 1, 2 à 2, 8 à S de toutes les manières possibles en admettant les répétitions, puis ajoutant successivement à chaque résultat 0, 1, 2, . .., r\ unités. Or, on obtient ainsi au plus : Cl + 1)(1>,*,+1 + D'B+I + • • • + Dln) nombres distincts, les D indiquant des combinaisons avec répétition, et (*) Nous désignons par |K|, IL1, ... les valeurs absolues de K, L, ... respectivement. 80 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE il faudrait, puisque le nombre des nombres satisfaisant à (o [afrl-N + l, (6) (t, + 1)(D,\+1 + D*+1 + . • • + D«f0 > M ~ N + L Le premier membre de cette inégalité étant un polynôme entier en n à coefficients finis, on sait que, si |atj;>l, on peut toujours prendre ri assez grand, N étant fini, pour qu'elle soit impossible; il faut donc: En prenant alors dans (3) les termes de deux en deux à partir du pre- mier et du deuxième respectivement, on obtient deux progressions géomé- triques d'équation génératrice x — a\=. x — 1 — 0, ce qui établit le théorème pour les suites du premier ordre. Cas général. — On doit remarquer d'abord que si la suite proposée, de loi (1) et d'équation génératrice (2), ne contient qu'un nombre limité de termes différents, la somme des valeurs absolues de 8 termes au plus de la suite et de v) unités au plus est toujours finie. On en conclut : Lemme. — L'impossibilité de la propriété supposée est absolue pour toute suite qui ne comprend qu'un nombre limité de ternies différents. Par suite, d'après ce qui précède, la propriété est absolument impos- sible pour les progressions géométriques. Si alors X1} X2 X sont les racines distinctes de (2), en nombre q < p, on a : (7) xn = X*9i{n) + X»92(n) + . . . + lnq?q(n), où ^(ft), «pa(»), • • • , ?,("■) sont des polynômes de degrés /\ — 1, r% — 1, .... r — 1, si ?"j, r2, .... r sont les ordres de multiplicité respectifs des racines X13 >2, . . ., X . La loi considérée étant irréductible pour la suite, le coefficient de nTi~ i dans (fjin) sera =f= 0, quel que soit i. De plus, la suite considérée étant formée de nombres entiers ne renfermerait qu'un nombre limité de termes différents, si toutes les racines Xl5 X2, ..., X avaient leurs mo- dules 1 ,et même que son ordre de multiplicité est supérieur à 1, si aucune des racines n'a son mo- dule >• 1. ED. MAILLET. — SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS 81 Soit : Tl(n) = btf^ + b%nr^ + • • • + 6n, (8) ft(n) == cXl_1 + c2wra-1 + . . . + c, , Considérons, parmi les racines de (2) , celles dont le module est maximum, et soit X la valeur de ce module; parmi ces dernières racines, prenons celles Xl5 X„ X„ . . ., dont l'ordre de multiplicité est maximum; soit p cet ordre. Les premiers termes des expressions correspondantes Xfy^n), X£(p2(n), XJ?s(n), . . . donnent dans xn la somme : 6,rt; + e^x; + ft»'-|x; + . . . Si une de ces racines est réelle et = X, nous supposerons que ce soit X8. Pour les autres on aura: X, = XeTi\ \ = le~Tli, . . . puisqu'elles seront conjuguées deux à deux. Donc xn contiendra la somme X"nrH(SI + S2), avec: Sa = g ou S2 = 0, suivant qu'une de ces racines est ou non = X, • S, = bYë1^ + CléTnTli + . . . - St se rapportant à celles de ces racines qui sont =f= X. Nous distinguerons alors deux cas, suivant que X > 1 ou X = 1. Premier Cas : X> 1. — Je dis qu'il y aune infinité de valeurs de n pour lesquelles |St + S2| > k, k étant une quantité finie, déterminée, conve- nablement choisie. Car, s'il en était autrement, on aurait, pour n assez grand : V^ + cxf* + • • • = - Sa + -n, bxé** . e-1 + Clen^ . e~^ + ...= — S» + ilf b^ . (M + c^ . e'^ + . . . = - Sa '+ ijp équations qui se déduisent de la première en y remplaçant n par n + U 6* 82 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE n + % • • • , n + f, f étant le nombre des termes de St, et où rh y(1, . . . , tj, sont < k, en valeur absolue. Si d'abord S2 4= 0> ces équations ne sont compatibles que si le déter- minant : M = 1 1 efry-fr - S2 + 7] - S, 4- ii — S. 4- 7i. S2 4- 'V = 0, Or, si l'on désigne par L le déterminant de Vandermonde, 1 1 eT1' e ^'W:i' qui a une valeur finie et déterminée 4= 0, on aura : M ± ls2 4- -nA - 7,-A + . . . -f -^A , où A, At. . . . , A, ont des valeurs finies et déterminées, ainsi que S2; on en conclut de suite qu'on ne peut avoir M = 0, si l'on a choisi k assez petit, et, par suite, qu'on a une infinité de valeurs de n pour lesquelles \St -f S2| > k, k étant fini et déterminé. Si S2 = 0, les / premières équations (23) suffisent à montrer que c"Tl'. . . . seraient, pour n assez grand, aussi petits qu'on veut, quel que soit n, ce qui est absurde, et l'on arrive à la même conclusion. Dès lors, il y a des valeurs de n aussi grandes qu'on veut pour les- quelles : (10) |*„| = ïnn'-\k' 4- O, où K — |St 4- Sa| est fini, et où s' est aussi petit qu'on veut. En rai- sonnant pour une de ces valeurs comme nous l'avons fait à propos des progressions géométriques, on est conduit à une inégalité analogue à (6) : Ci + 1)(»Ih + D^. + • • • + D«+0 > Kl - N + *' ED. MAILLET. — SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS 83 dont la condition (10) contre l'impossibilité pour n assez grand, quand X>1. Il faut donc X = 1 . Deuxième Cas : X = 1. — L'équation (2) étant supposée avoir ses coef- ficients entiers, on en conclut d'abord que a = ± 1 , ensuite que toutes les racines de (2) ont pour module l'unité. Or, Kronecker a établi (*) que, dans ce cas, l'équation (2) n'a pour racines que des racines de l'unité, satisfaisant toutes, par suite, à une môme équation : ? - 1 = 0, h étant un entier convenablement choisi. En prenant alors dans la suite (1) les termes de h en h à partir du 1er, du 2e, . . . , du h'ém' respectivement, on obtient h suites récurrentes (**) ayant pour équation génératrice (x — l)9 = 0, où p 2. Remarque I. — Nous avons supposé que (2) avait ses coefficients entiers. Si par hasard, en admettant que cela soit possible, (2) avait des coefficients fractionnaires, les raisonnements qui précèdent montreraient seulement que les racines de (2) ont leurs modules < 1, qu'il y en a effectivement dont le module est = 1, et que, parmi ces dernières, il y a au moins une racine double. Remarque II. — Les formules (7) et (8) donnent pour n p — 1 : 0, 1, xn = b. , = *,(*, + h + • • • + b,,) + >2(c, + c2 + . . . + crJ + . . . 2 = lpr^b{ + 2'-'-*62 + . . . brl) + 1\(V^Ca + 2'-^ wl + ••• + <)+ ... Xp_, = V>-\{P - ifr*bA + (P - l)r>-\ + . . . + bri ] +>r<[(p-i)ri"1c1 jr(p-ir--\-h . . . +crj + . . . (*; J. fitr Math., t. 53, p. 173. (**) Nouvelles Annules, 1895, pp. 473 et sui 84 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE et ces formules peuvent conduire à la considération du déterminant : (12) A = o ,o ,...,i ,0 ,0 ,...,i , X, , >., , ■ • ■ , >1 , >-2 > *s • • • ■ ' *» ' x^-1 ,^'-2 ,...,>» ^l?*-1 ,>.^-2 ,...,>* , qui se réduit à un déterminant de Vandermonde quand r1=r., = ... = 1, c'est-à-dire quand (2) a ses racines distinctes. La valeur de ce déterminant est donnée par le lemme suivant : Lemme (*). — Le déterminant A a pour valeur : (i3) a = kxT^T"2- ... (x, - x2)^(^i - ^r3 • • • (\ - w où K est une quantité 4= 0 fonction de p, i\, r2, . . ., mais indépendante de \, a2, . . . , \ . En effet, on vérifie sans peine l'exactitude de cette expression pour les petites valeurs de p. Admettons donc que (13) soit exact pour tous les déterminants de la forme A et de côté < p — 1 , et montrons qu'elle l'est pour A. Nous distinguerons deux cas, suivant que i\ = 1 ou i\ > 1. Premier Cas : ry = 1 . — En développant A par rapport aux éléments de la première colonne, on aura, si 8^. est le mineur du premier ordre de A obtenu en supprimant la première colonne et la /m8 ligne : (14) A = 8, 4- (- Xi)*, + •••+(- K)P~X> Considérons o+| formé en supprimant la première colonne et la ligne: (15) Ap AJ . A.J , . • • , A2, . . . On sait que les formules (7) satisfont à la loi de récurrence (1). Posant : (iG) J^L = xp-< - d^-1 - . . . - d = }(x), Ou ~ ~ A » (*) Il est bien évident que la démonstration de ce lemme ne suppose pas al} tfa, . .., ap rationnels. ED. MAILLET. — SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS 85 les formules (7), quand on y fait 6t = 0, satisfont à la loi d'équation génératrice : m . ' A = °- Prenant dans A une colonne autre que la première, par exemple celle dont les termes ont pour coefficient cs dans (11), ses termes font partie de la suite récurrente obtenue en faisant tous les coefficients b, c, ... nuls, sauf cs, et par suite satisfaisant à la loi d'équation génératrice (17). On aura donc la relation : (18) où s = 0 si r2 > s, e = 1 si i\ = s. Transformons alors o+1, quand) < p — 1 en y retranchant de la der- nière ligne chacune des précédentes multipliée par un nombre convenable, à savoir dt pour celle qui contient ^~'~'(p — t — l)r,-s : les termes de la dernière colonne deviendront, d'après (18), puisque c'est la ligne (15) de A qui manque dans S, , , : (19) dp_{_fy^, d^if,-*, ...,dp_i_^:j,dp_i_^, ... On en tire immédiatement : (20 s/+, = (-ir2-H^^- o étant un déterminant de même forme que A, mais avec une colonne de moins on aura, par hypothèse : o^ = K'X^...p2-X3p,.., où K' =(= 0, et indépendant de \, X3, ... D'ailleurs (14) et (20) donnent: a = (- ir'^r - «vr - • • • - ^ a - dPA ■ et, pour que (13) ait lieu, il suffit qua une constante près =|= 0 la paren- thèse ait pour valeur (Xx — Xa)r3(A1 — X3)''3 ... ; les égalités (16) et (17) montrent immédiatement qu'il en est ainsi. 86 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Deuxième Cas: rt ]> i. — En opérant d'une manière analogue on trouve, au lieu de (14) : (14») A = (-Xl)82 + (-Xl?o3.2'-'-1 + ... +(-X1f-\.(p-l)r'-1; S. , 4 s'obtient en supprimant dans A la première colonne et la ligne : (15») X/l-\Vfl-\ ..-, l{, a'./'"1, ... On a encore entre les termes de chaque colonne de A autre que la pre- mière une relation analogue à (18), et, en opérant sur o+|, quand j comme nous l'avons fait dans le premier cas, on remplace la dernière colonne de 8 +1 par : (!»«•) v,_/f • /'"''. • ■ • • 'tp—iï' dP-,-A ■ f-*, ■ ■ ■ et l'on a encore la relation (20). La formule (14 bis) donnera: * - (- ir%|xr> - 1)"-1 - ... - ^-Va - ¥,-2] ; comme on a, par hypothèse : ïp = K'Xfi=!ÇE^X; 2 ... (X1-^(r|-1)r^ -y(''-,)r3... (a2-a3)^..., où K' =4= 0 et indépendant de X1? À2, . . . , il suffira pour établir (13) de montrer que : m) \ «m = *r> - 1)?'1"1 - • • • - >: ■• 2''i_,^-3 - va où K" =f= 0 et indépendant de à1? a2, ... Soit : ( W = W =.(3:) (22) Oz-A)r' (^-^y-1 * ( = aT** + e^^-1 + , . . + ep_rt_{x + ^ d'où X(X0 - (/t _ X/'^ - X/' . • . = xp + e^'"1 + . . . + ep-r, ; ED. MAILLET. — SUR LA FORMATION DES NOMBRES ENTIERS >-< + . . . + V,._,;r + V?.> - XJT^ =2^^""'^-2^Cti^",_^-^)\ avec C^ =1, e0 = 1 En remarquant que, dans le produit, un terme en a;p_z correspondra à toutes les solutions de l = k -\- i + 1, le coefficient — d; de a?p— dans ty(x) sera : - ^ = é^ + e^C;.^- X,) + e^fiï^i- X,)2 + . . . + ^t/- x')* + • • • + W2=!(- x^1-1' en faisant dans cette expression Bu_1t_, = 0 quand / — /i; — 1 < 0, et quand / — /; — 1 > p — r, . Substituant ces valeurs de rf/_1 dans (21), on obtient : p—\ m = xr v - 1 )'•'- - 2 ldt-i1Pr'(p - ori_H 2 Dans le dernier membre, le coefficient de Xp ' est : (p - I/''-' - (^{p - 2)'-'"1 4- c^(p - 3)r-1 - . . . + (-ir'-i(P-r1))''-,c;:;i;; celui de À]1,—n, avec n >> 1, s'obtiendra en posant / = w -f- k ; c'est donc en~i j(p_ n)r,-l _ (p _n _ i)^^ + (p _n_ â/'-C,.^, - . . . 88 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE On n'a d'ailleurs aucun terme de degré >> p — 1, puisque en_i = 0 pour n — 1 < 0, ni aucun terme de degré < i\ — 1, puisque en_i = 0 pour p — i\ < n — 1. Dès lors, pour vérifier (24), il suffit de s'assurer que: K"-(p-n)ri-1-(p-n-l)ri-1C;t_1 + . . . +(-l)ri-'(p-n-rl + lp-'Cri-\ quand n est égal à 1, 2, . . . , p — rt -f- 1, ou, en posant : p — n = rx — 1 -f- /, que: r=(-ir'-i^-,c;:;i; +(-i)r,-2a+i)ri-,c;:;i;4- • • . +(r1+*-i)f'i-H quand t = 0, 1 , . . . , p — i\. Or je dis que le second membre a la même valeur, quel que soit /. En effet, on a, en le désignant par r^(t) : ,(* + 1) - 7i(0 = (r, + tf^ - (C;. _, + i)(r, + « - l)''1-1 + • • • + (- !)*((*__ + C^)(* + r.-kf^ + ...+(- i)T%i-,/i-\ ou, d'après : rt + 1) _ n(t) = {r, + o7'1-' - c;, (rx -i- * - îy-1 + . . . + (— i)ri_1c;:;-l(7 + iy~1 + (— îyc;:1/1-1- On sait que f ,— ' est le terme général d'une suite récurrente d'équa- tion génératrice [x — l)'1 — 0, la loi correspondante étant irréductible pour cette suite. Donc: 1l(/ + 1) - 7l(0 = o. en sorte que -(\{t) = K" est indépendant de t. Enfin, on a K" =(= 0, sans quoi la suite de terme général fl~i satisferait à une loi d'ordre •< i\; K" est d'ailleurs indépendant des X, et ne dépend que de r, ; donc, d'après la valeur de 3 , K est =j= 0 et ne dépend que de rv r2, ... Le lemme se trouve ainsi établi. P. BARBAIUN. — SYSTÈMES 1S0G0NAUX DU TRIANGLE 89 On voit ainsi que A est =f= 0. On peut en conclure, au sujet des for- mules (7), (8) et (11), que, quand l'équation génératrice a ses coefficients réels, 2 — 1) W(/ -f (1 — W2) V3 = 0, (1 — w2) >/•# + (w2 — m2) y + (w2 — 1) us = 0. (u2 — 1) vas + u (1 — u2) y + (m2 — y2) - = 0. le déterminant des neuf coefficients est nul. Elles sont donc convergentes. Il en est de même pour a'V", [3"(3'", y "y"'. En éliminant x entre les équations de ou' et (3(3' on a l'équation de AU : (w — uv) y — ■ (v — uv) z = 0 ; x _ y _ g donc déterminent les coordonnées de U. Elles vérifient l'équation de II' : u (v2 — w2) x-hv (w2 — u2)y + iv (u2 — v2) z ' = 0 ; et il en est de même pour les coordonnées de U' : x y . s u -\- vw v -\- KM w -\- uv Du reste, pour prouver que II' contient U, on peut raisonner ainsi : I, y', (3' forment un système isogonal qui a a pour centre ; F, y, (3 en forment un deuxième dont le centre est a'; donc IF concourt avec (33' et yy', c'est-à-dire passe par U. Les huit points aa', (3(3', yy', IF peuvent, de quatre manières différentes, s'échanger entre eux, et les deux points de chaque couple s'envisager comme centres des systèmes formés par les six autres. Mais toutes les combinaisons donnent le même point U, que nous appellerons pôle. La définition du pôle U' des systèmes conjugués se fait de même. I». BARBARIN. — SYSTÈMES 1S0G0NAUX DU TRIANGLE 91 On a aussi, a, b, c désignant les trois côtés du triangle ABC : t UI au -\- bv + civ UT au -\- bv -j- cw UI' avw + bwu -f- cuv ' UT avw -\- bivu + cuv donc UI, UT sont harmoniquement conjugués. Aux systèmes qui viennent d'être envisagés se rattache une infinité d'autres systèmes jouissant de propriétés analogues. Si U, V, W sont trois fonctions déterminées de u, v, w, elles font connaître deux centres I1, IJ et deux pôles U, , U< conjugués harmoniquement. Si ^=,l=- = k, U V w L, et \\ coïncident avec I et Y ; puis: u, i i ui u; i îu'i v^Y~ï\^Y, u; i'-^ut' si Uw = Yv = Ww = k, lA et YA coïncident avec Y et I ; puis : u(r_ ui u; y _ ,, u/ 1 Ù7T ur' u; 1 ut' Les six sommets a, fi, y, a', fT, y' ne so/^ pas généralement sur une même conique. Toute conique contenant les six points est représentée par l'équation : W) M + * (y + «*)(* + w2/) = o. avec les conditions: {v + mu) (w + w) [x — (1 — V) (1 — ^t;2)] = 0, (v 4- uw) (w + uv) [X — m2 (1 — i'2) (1 — wsj] = 0, qui expriment qu'elle passe par a et a'. Ces conditions sont satisfaites si ( V + UW =r 0, UJ=1, S OU < ,. j l0 4. Wî> = 0, ( X = (1 — v') (1 — ws). 92 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Le premier groupe montre que la conique est formée des droits Cj3ya', Cp'y'a. I coïncide alors avec a, et I' avec a' ; de plus, a coïncide avec y', et y avec a'. Le second groupe montre que (5, [3', y, y' sont sur l'une des bissectrices de l'angle A ; cette ligne et a, a' forment la conique cherchée. Les neuf points a, p, y, a', p', y', A, B, C, sont généralement sur une même cubique : On sait que les cubiques Ax (f — s2) + By (z* — a;2) + Cz (a2 - y2) = 0, (1) Ax {if 4- s2) + By (sa -+- a;2) + Cz (a;2 + y2) + Dxyz = 0, (2) ont la propriété de renfermer à la fois un point M (xyz) et son inverse /l 1 1\ NI ) > et que ce sont les seules. En posant: \xyzj X =• xp Y = yP Z = zp on a des cubiques potentielles de degré p (entier). AX(Y2 — Z2) + BY(Z2 — X2) + CZ(X2 — Y2) = 0, (3) AX(Y2 + Z2) + BY(Z2 + X2) + CZ(X2 + Y2) -f DXYX = 0 (4) qui jouissent de la même propriété. La première est toujours indécompo- sable, sauf si A2 = B2 = C2 ; dans ce cas particulier, elle se réduit au système de trois bissectrices concourantes du triangle ABC. La deuxième se dédouble lorsque : D = ABc(I + ii + i)> en la courbe de degré p A ^ B ^ C et la courbe inverse de degré 2p 1 1 1 AX ^ BY ^ CZ 1° p impair. — En posant up = U vp = V ici' = W, la cubique (3) contient a(3y, a'p'y' et ABC pour A B C U _ VW — V — WU W — UV P. BARBARIN. — SYSTÈMES ISOGOXAUX DU TRIANGLE 93 et la cubique (4) les contient si : ABC D U + VW V + wu w — uv — 2 (t + UVW) ' 2° p pair. — Les conditions précédentes sont respectivement remplacées par : ABC U + YW V + WU — W + UV pour la cubique (3) et • A B C D Pai • u — VW ~~ V — WU *~ W — UV ~ 2 (— 1 + UVW) pour la cubique (4). Dans ce cas (3) et (4) renferment également les / 1 1 1 \ sommets des systèmes conjugés ( — u — v — w) et ( ) • \ u v w] D'ailleurs, quel que soit p, (3) contient toujours les quatre centres de cercles tangents aux côtés de ABC, ainsi que les centres I, l' des systèmes Cubique des vingt points. — On donne ce nom à la cubique (3) quand p = 1. Son équation est donc: (u — vw) x (y2 — z*) + (v— wu) y (z2 — x*) + {w — uv) z (.r2 — ?/2) — 0, (5) en même temps la cubique (4) devient: (u + vw) x {if + z*) + (v + wu) y (z2 + x2) + {w -j- uv) z (x2 + y2) + 2 (1 + uvw) xyz = 0. (6) D'après ce qui a été remarqué plus haut, la cubique (o) ne devient un système de droites que si: m u = zh. v = zh w, tandis que la cubique (6) se décompose en la droite : + ;^L,_^ = o, u -\- viv v -f- uu> >v -{- uv 94 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE et la conique inverse si n, v, w satisfont à l'une des conditions: U1 -j- V2 + IC~ -\- %UVW — 1, i+i+±+_L=1, u2 v2 iv- uvw les vingt points remarquables de la cubique (5) sont ABC, m[, Cm'i sont convergentes en N,. 98 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Pour avoir le lieu décrit par N, il faut éliminer xu yu zx entre les équa- tions de Aro, Bnï, Cm". Le résultat est : (1 — w2) x1 {vy — wz) + (I — V1) tf (wz — ux) + (1 — w2) z*-(ux — vy) = 0. (7) La cubique ainsi obtenue passe par ABCUI et les points de rencontre respectifs de aa', pp', yy' avec les côtés de référence ; IA, IB, 1C lui sont tangents, elle contient également le point P de coordonnées : »(— 5) = *('~5) = "("'~«)'' Mais sa forme change avec la position donnée à I sur la cubique (5) quand U demeure fixe. On peut aisément remarquer que Ua, Up, Uy coupent respectivement UV, U'p", U'y" sur les côtés de référence en au p15 Tl. P est précisément la rencontre de Aa15 Apn CTl. De plus, la cubique (7) reste la même quand u, v, w changent de signe, ou quand on substitue à a, p, y le système concentrique a", p", y" ; donc N étant un point de cette cubique, NA, NB, NC coupent les côtés de référence en mu m't, m'î et ': .;• — [J.C)J -f- VB-S — 0> ou D =0, [- ICx + y — vA.? ■=■ 0, ou D' = 0, m, v, tv sont liés par les relations : 1 + ;,.C,r — vB = 0, 1 +vAw — lCw=0, (8) qui entraînent : 1 + XBv — [j.\u = 0 ; 98 MATHÉMATIQUES, ASTHONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE le point y décrit donc la droite D" — XBx + [x\y + s — 0 ou D" ■= 0. Soient av, a2, a3 les rencontres de DavecBC, AC et AB, bL. 6S, b3 celles de D' avec AC, CB et AB. Tirons A62 et Ba2, puis leurs lignes isogonales, qui se coupent en Z. Tirons Aat et Bbt qui se coupent en T ; CT coupe AB en cx ; la droite D" joint Z et cx ; il est aisé de vérifier que D et D' dérivent aussi de D" par des constructions analogues. Pendant que le système (u, v, w) décrit trois droites, son concentrique ( — u — v — w) décrit aussi trois droites D15 D'1} Dî' dont chacune dérive des deux autres. Soit Z^ conjugué de Z par rapport au point C et au point Ç où AB est coupée par la droite \-ifc qui a pour équation : A^B^C Dï lieu de ■{' est la droite qui joint c1 et Zx. Les coordonnées du point T sont : Ix u.y vz _ Quand T est fixeetque, par conséquent, 1, \x, v sont invariables, les sys- /l 4 1\ / 1 1 1 \ , , . + . ternes inverses décrivent des coniques inverses \UV 10 1 \ U V 10/ des droites qui précèdent, circonscrites à ABC, et deux à deux tangentes aux lignes T'A, T'B, T'C isogonales de TA, TB, TC. Dans ce cas les rela- tions (8) sont vérifiées par une infinité de systèmes de valeurs de u, v, w à une arbitraire. A chaque valeur de u répondent, par exemple: [xXu — 1 vAw -)- 1 >B XC qui donnent deux positions déterminées des centres II' et des pôles UU'. I est à l'intersection des droites : IBux — [\jAu — 1) y = 0, XCux — (vAm + 1) z = 0, qui décrivent deux faisceaux homographiques, donc I appartient à la conique H : k\jz + Bzx -\- Cxi/ = 0. P. BARBARIN. — SYSTÈMES ISOGONAUX DU TRIANGLE 99 I' à la droite inverse A : A* -}- % =f= Cz — 0 ; A coupe les côtés de référence en ;', r,', Ç' points isogonaux deç, vj, Ç.Hest circonscrite à ABC et tangente à A;, Byj, CÇ. Enfin Uet U' décrivent des quartiques. Propriétés de la conique H et de la droite A. H passe évidemment parT position particulière del quand a, ("}, y sont en a15 bl5 ct (m = o, u = o, to = o). Comme son équation est indépendante de À, a, v, I et T décrivent constamment H et A quand l, p, v varient de toutes façons tout en gardant une somme nulle ; ce qui arrive toujours quand T appartient à H. Cette remarque conduit à un théorème général dont nous verrons, par la suite, les importantes conséquences. Théorème. — Envisageons le système des droites D, B', B", trajectoires isogonales des points a, (3, y ; 1° Soient a0, S0, y0, 'o les sommets et le centre d'un système isogonal ré- pondant à u0, v0, w0. Quand on fait pivoter D, D', B" autour de a0, (30, y0, leurs intersections mutuelles 8, o', S" décrivent trois coniques déter- minées h, h', h"; 2° Prenons à volonté 8 sur h, joignons-le à |ï0 e/ y0; tes droites B', B', amsi obtenues coupent h' e/ h" respectivement en S" eJ o'; o' S" esJ /a dfarife B gui, passant par a0, complète le systèmel), B', B". Par conséquent à chaque point a 0z - w0«) («0* — y) = °> ;< = °> qui passe par A, fi0, ïo etl0. Pour la déterminer entièrement, cherchons sa tangente en A. Construisons A60, Ac0 conjuguées de A80, Ay0 ; leurs points de rencontre avec A, joints à B et C donnent les droites : Ax + (B -f- Cu0) - = 0, kx + (C + Bw0) f = 0, qui se coupent en 6. Aô a pour équation : (B + Cw0) z — (G + Bm0) y = 0, sa conjuguée AO', (B -f Cw0) z + (G + Bw0) y = 0, est la tangente cherchée. Ainsi w0, r0, w0 donnés, déterminent bien ft. de même h' et /<". D'ailleurs, considérons la droite pqr qui a pour équation : ***o £/o ~'o elle passe par le centre du cercle inscrit et ne dépend que du seul point I0; soient pqr ses traces sur les côtés du triangle ; p étant sur BC, son con- jugué harmonique sera;/ ; or l'équation h = 0 peut s'écrire : [ -Kl \xo Vol \zo œo/ y\ x J V U ^o ' ' = 0 cette conique passe parles points d'intersection des coniques : \x0 yj \*0 ocj x y\ ~ l z x P. BARBARIN. — SYSTÈMES IS0G0NAUX DU TRIANGLE 101 qui sont A, I0, et les points où I0p coupe la bissectrice interne de A, et I0p' sa bissectrice externe. Il en résulte que quand I0 seul est donné. 7-o> Po? Yo peuvent se déplacer sur AI0,BI0,CI0, mais chacune des coniques h. h', h" a quatre points fixes, et leur système est entièrement déterminé par la position du seul point 60. Supposons h, h', //'construites ; donner à à une valeur arbitraire revient à prendre arbitrairement h sur h ; 8|30 et oy(l représentent D' et D" ; ces dernières droites coupent h" en o" et h' en o'; on s'assure aisément que o' o" passe par a0 et que, si D' D" sont trajectoires de (3y, D trajectoire de a coïncide avec o'ô". Donc D, D', D" sont déterminées en fonction de X seul. Si a est donné, a|3y varient respectivement sur D, D', D" ; leur centre I décrit H. Si à varie à son tour, D, D', D" pivotent autour dea0, S0, y0 en restant ins- crites aux coniques h, h', h", mais I décrit encore H. Enfin, si I0 étant fixe, on fait varier aussi a0, (30, y0 les coniques h, h', h" se déforment en pivotant chacune autour de quatre points fixes ; le sys- tème D, I)', D" subit une infinité de déplacements ; dans chacun d'eux a, [3, y peuvent occuper une infinité de positions, mais leur centre I de- meure toujours sur H. ( V/.s1 particulier : Il peut arriver que l'une des droites, D", par exemple, coïncide avec A ; alors : comme x = A ~BC" B G = Av + Bw, Bo -j- Au u — j _ A2 — B°- ABC a. fi décrivent la même droite fixe A' qui représente alors D et D' et qui passe par les points x ij — z x y T ' A~B~ C B A 102 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Générations isogonales de l'Hyperbole de Kiepert, et du diamètre de Brocard. Toute droite A du plan, et toute conique H circonscrite à ABC peu- vent être décrites d'une infinité de manières par des centres isogonaux soumis à certaines conditions. Appliquons en particulier le théorème à l'Hyperbole remarquable de Kiepert: sin (B — C) sin (C — A) sin (A — B _ <>• .'/ Soit I0 un de ses points. AI0, BI0, Cï0 coupent les côtés de référence en a0, (30, y0 qui forment un système isogonal répondant à u0 = 0, v0 = 0, w0 = 0. Soient x0, y0, z0 les coordonnées de I0 el prenons les paramètres /, y., v de sorte que : *■*•(> _ Mo __ vso __ sjfi (B — C) — sin (G — A) ~~ sin (A — B) — p ' les coniques h, h', h" sont circonscrites aux quadrilatères AI0, p0, Yo • • • et le pôle de AI0 relatif à h est \' rencontre de A avec BC. Si on place T0 au centre de gravité G, V Cz elles se coupent en I0 et en deux points Q, R, réels ou imaginaires à la fois. Ils sont donnés sur A par les deux équations : \ttCx0y0z.()t* + (kx0 + By0 + Ca0) = °> Aa:2 By2 C:-- __ xo y« so Celle dernière équation représente une conique conjuguée au triangle et contenant les centres des cercles tangents aux côtés. Plaçons o en Q, 104 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 8' et o" s'y trouvent également. Alors D,D', D"sontQa0,Q(30, Qy0. —Même propriété pour le point R. Ainsi, quand I0 est au centre de gravité G, et que H est l'hyperbole de Kiepert, on a P — 1 = 0 ; t = dz 1 prouve que Q est au centre O, et R au point de Lemoine L. Le théorème s'applique très bien au cercle circonscrit du triangle. Soit I0 confondu avec le point de rencontre de ce cercle et d'une hauteur, I0 est le centre d'une hyperbole passant par les centres des quatre cercles tan- gents, h, h', h" ont leurs asymptotes parallèles à celles de cette courbe et si on met o à l'infini dans la direction d'une de ces droites, o' et 8" sont aussi à l'infini dans cette même direction ; alors D, D', D" sont les paral- lèles à cette asymptote, tirées par a0, (30, y0. On a ainsi un moyen de trouver le cercle circonscrit comme lieu de centres isogonaux I ; il serait aisé d'en signaler une infinité d'autres. Systèmes rectilignes associés. — Soient x0, yQ, z0 les coordonnées du centre donné I0. Parmi tous les systèmes isogonaux qui ont ce point pour centre, il y en a toujours un au moins dans lequel les sommets a, (3, y correspondants, sont en ligne droite. En effet, les valeurs de u, v. w qui conviennent à ce cas particulier, sont données par les équations : 1 ux0 — vy0 — wz0 — - ? v- 4- v* 4- w- -j- luviv = 1 ; dont 0 est racine de l'équation : et celle-ci a une, deux ou trois racines réelles suivant que /1+i+^y>o. l W y; *J Soient A', B'. C trois angles positifs de somme égale à t: ; ils sont déter- minés par : cos A' = m, cos B' = v, cos C = w. P. BARBARIN. — SYSTÈMES IS0G0NAUX DU TRIANGLE 1 C> Il est aisé de vérifier que les points a, (ï, y sont sur la droite : x sin A' -f- y sin B' + z s'a C = 0 ; mais on trouve en même temps trois autres systèmes isogonaux égale- ment rectilignes ; il suffit pour cela de substituer à I chacun de ses har- moniquement associés. Ainsi, remplaçons xQ,y0, z(j par — x0, y0, zQ, cela revient à remplacer u, v, w par u — v — %o ; on obtient alors un système isogonal rectiligne xl5 pl5 y, appartenant à la droite : — x sin A' -j- y sin B' + z sin C = 0 ; deux autres ?-^,;;., xsp8Y3 peuvent être constitués de la même façon. Quand A' demeure constant, et que B' C varient, leur somme est cons- tante ; I0 se déplace sur une courbe du quatrième degré ; py, p^i dé- crivent deux droites fixes, et a^ la même conique, enveloppe des droites *?';■ *iPiTi- Pour A' = A, angle du triangle de référence, celle conique est la parabole qui a son foyer en A et BC pour directrice. Je me bornerai à signaler deux cas particuliers : \ 1° u =z v = w = - • I„ est le centre du cercle inscrit ; A' = B' = C là = 60° ; oepy est la pédale des bissectrices externes ; cette ligne jouit donc de la propriété que voici : si on la fait couper en a avec la bissectrice in- terne de A, la distance de a au côté BC est double de ses distances aux côtés AB, AC ; de même pour p et y ; «,6^,, a2l32y2, a3(33y3 sont les trois autres pédales de bissectrices ; chacune d'elles montre que ces neuf points ont des propriétés analogues à celles de a(3y ; °2° A' = A, B' = B, C == C. I0 est l'orthocentre H, a, p, y sont à l'in- fini sur les hauteurs ; menons par A les perpendiculaires aux côtés BC, AC, AB; an px, yt sont les intersections respectives de ces droites avec celle qui joint le milieu de AC à celui de AB et les angles ACoq BC^ sont égaux, ainsi que ABa7et CÏÏy7; Bpi et Cyj ont pour intersection le point harmoniquemenl associé de H sur la hauteur AH. 106 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE M. le Dl D.-A. GEAYE à Saint-Pétersbourg. DE LA MEILLEURE REPRÉSENTATION D'UNE CONTRÉE DONNÉE [U 10 b] — Séance du S avril 1896 — La construction des meilleures projections constitue la question fonda- mentale de la cartographie. — Si la surface représentée peut se développer sur un plan, il est possible de faire une carte parfaite. Cette carte conservera l'entière similitude des figures et en même temps toutes les longueurs de la carte seront proportionnelles aux longueurs correspon- dantes de la surface représentée. Si la surface ne peut se développer sur un plan, il faut chercher, parmi un nombre infini de sortes de représen- tations, celles qui sont avantageuses sous un rapport quelconque. Ce fait se présente dans le cas le plus important au point de vue pratique de la représentation de la surface terrestre. Déjà, depuis les temps les plus reculés, les cartes orthomorphes (voir Germain, Théorie des projections) ont reçu une application particulière, car ces projections conservent les angles. L'exigence de la similitude des parties infiniment petites laisse beaucoup de marge, car les formules repré- sentant la projection contiennent des fonctions arbitraires. C'est pourquoi, en plus de la condition fondamentale, on peut en poser d'autres ; ainsi, par exemple, Lagrange a posé comme condition que les méridiens et les parallèles seraient représentés par des cercles, c'est-à-dire par telles lignes qui soient aisées à construire. Cette condition complémentaire, en limi- tant les fonctions arbitraires, laisse encore une certaine marge pour faire varier les paramètres constants de la carte. Lagrange, dans le second de ses Mémoires, montre qu'on peut se servir des constantes arbitraires pour faire les écarts du rapport d'agrandissement pour différents points du pays le plus petit possible. Il montre que dans chacune de ses projections existe un certain point près duquel le rapport d'agrandissement varie peu. Ce point correspond au minimum du rapport d'agrandissement. Lagrange propose de choisir les constantes arbitraires de façon que ce point soit au centre du pays représenté. Dr D.-A. GRAVÉ. — MEILLEURE REPRÉSENTATION D'UNE CONTRÉE DONNÉE 107 Ses considérations étant fondées sur les développements en séries ont évidemment lieu pour les contrées de petites dimensions. M. Tissot propose la théorie nouvelle de la construction des meilleures projections fondées sur les principes suivants : 1° Les angles peuvent varier, à condition seulement que leurs altéra- tions soient assez petites pour que chaque feuille de la carte représente un vrai levé topographique; 2° Le rapport d'agrandissement variera évidemment d'une feuille à l'autre. 11 faut faire cette variation la plus petite possible; 3° Les formules qui donnent les coordonnées rectangulaires de la carie, en fonction de la longitude et de la latitude, doivent être les plus simples possible pour faciliter le calcul d'un grand nombre de points sur la carte. Pour satisfaire à ces exigences, M. Tissot part du développement des coordonnées rectangulaires en séries ordonnées d'après les puissances des différences des longitudes et des latitudes. Ces considérations sont ana- logues à celles de Lagrange et ne sont applicables qu'aux contrées d'une étendue restreinte. Il faut faire bien attention qu'on a toujours de bonnes cartes si la contrée représentée n'a pas une grande étendue, quelque pro- jection orthomorphe que nous prenions. Les altérations des figures deviennent sensibles dans les caries de contrées plus étendues, et alors se présente la question importante de faire ces altérations les plus petites possible pour tous les points à l'intérieur d'un contour considéré. Cette question est indéfinie en elle-même, parce que l'on peut concevoir cette moindre altération de plusieurs façons. La manière la plus habituelle de traiter de pareilles questions consiste à employer la méthode des moindres carrés. Cette méthode, par exemple, a été employée par l'astro- nome Airy dans le calcul d'une projection centrale appelée par lui : Projection by balance of errors. On sait que la projection centrale com- prend une fonction arbitraire, le rayon d'almicantara sur la carte. Airy fait minimum la somme des carrés des erreurs étendue à la surface entière d'un des almicantaras. Nous parvenons de cette sorte à la considération d'un minimum de l'intégrale (1) /■/KHW--'): dxdy, où a et h sont les demi-axes de l'ellipse de l'altération. De cette manière, Airy désire avoir une projection qui s'écarte peu de la conservation des surfaces et des angles. Le problème est amené de cette façon à la recherche de la fonction qui donne le rayon d'almicantara, de sorte que l'intégrale (1) soit minimum, 108 MATHÉMATIQUES. ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE et par conséquent il se réduit à une question très simple du calcul ordi- naire des variations. Encore plus simple est la question cousidérée par le colonel Henry James et le capitaine Clarke. Ils cherchent la meilleure projection perspective centrale, dont la position du point de l'œil se déter- mine par le choix d'une quantité constante qui rend l'intégrale (1) mini- mum. Dans ce cas, l'intégrale est une fonction complètement déterminée de la distance du point de l'œil jusqu'au centre de la sphère et, par conséquent, la recherche de son minimum présente un problème élémen- taire du calcul différentiel. Au même point de vue sont faites les recherches de Weber et de Eisenlohr. Ces auteurs prennent les projections orthomorphes et déterminent les fonctions arbitraires de façon que l'intégrale double d'une certaine fonction du rapport d'agrandissement soit minimum, c'est-à-dire ramènent le pro- blème au calcul des variations. Les essais d'application pour trouver la meilleure carte de la théorie des fonctions qui s'écartent le moins possible de zéro présentent plus d'intérêt théorique et plus d'importance pratique. C'est cette théorie, reconnue après les travaux de Tchébycheff, qui a été appliquée en pra- tique déjà depuis longtemps, quoique ce soit Tchébycheff qui ait le premier formulé cette théorie et ait montré ses applications les plus importantes. Ainsi, par exemple, déjà le grand Euler(:|:), dans son Mémoire sur la projection de Delisle, tire les considérations suivantes : Considérons la projection conique déterminée par les formules : x = (b — u) cos (kv -j- /), y =(b — u) sin (kv -{- /), où b est le rayon de l'équateur sur la carte, et /.-, / deux autres quantités constantes; on peut poser / = 0, ce qui correspond à prendre le premier méridien sur la carte pour l'axe des x. Au cas de la représentation de la sphère, nous obtenons l'équation de l'ellipse d'altération : 1 ^ k\b-uf cos2 u Euler cherche deux coefficients k, b. à condition que la fonction : f(x) = k(b — x) — cos x, (*) F.i/ler: DeProjectwne geographlca Delisliana in mappa générait lmperii Russici usilata. Acla Acad. Petropoîitanœ pro anno MDCCLXXVII, pars prior. Dr D.-A. GRAVÉ. — MEILLEURE REPRÉSENTATION d'l'NE CONTRÉE DONNÉE 109 s'écarte le moins possible de zéro entre les limites : ei pose : fl«) = — flans sin *) = AP). Le remarquable exemple de solution de pareilles questions présente les projections de A. Markoff (*). L'auteur se propose de trouver les projec- tions coniques : p = f(u), 6 = kv, où v est la longitude et u la distance d'un point d'une surface de révolution du pôle (ou d'un autre point déterminé), comptée le long du méridien, en . posant que le rayon du parallèle R(w) représente une telle fonction de u, qui satisfait pour la contrée représentée aux conditions: R'(«) > 0 R» < 0, et Markoff considère le problème suivant : Trouver le nombre constant k et la fonction croissante /"(«), de telle façon que la plus grande des valeurs de logarithmes des fonctions soit minimum : où ut ', où u> est la distance entre les parallèles limites el <•/ la différence des longitudes. Soit, en outre, a, pris avec le signe — , la distance sur la projection de Mercator du centre de ce quadrilatère jusqu'à l'équateur. — Prenons ce centre pour origine des coordonnées rectangulaires; prenons pour l'axe des x le méridien moyen. Alors, il n'est pas difficile de voir que, dans le cas de {*) Jochmann, Schlômilch Journal, X, p. /ig. (**) EI6ENLOHR. Ueber Flâclienabbildung, Journal von Crellr, 1870, t. LXXII, p. 149. 112 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE la représentation d'une sphère, nous aurons pour le rapport d'agrandisse- ment la formule suivante : a+x , e-a-a> \{ /^) 2 II (Z — ^(Z + S) f 2 +partieréelledej-jlgea+iC+e_a_,Dzlg@(Z_^)HiIZ+0 ^ Où : ? — ac + fy, ? = x — iy, H, 0, ©i, II ! sont ies fonctions elliptiques, d'après la notation de M. Henni te : Q(x) = 1 — 2ç cos \- Iq* cos où g = e <•> En introduisant la fonction : mz = cwZ ' nous aurons l'intégrale : 9 mz — m? ._ al. 1 / ]o. " D 1°- — fit» / ° ea+x 4- e-a-x z ° 1 — tnllnX La fonclion tnl a les propriétés suivantes : tn(l + o>) = — -i-, fn(Z + 2œ) = "»Z /n(Z + u't) = — ^ , /n(Z + 2a/i) = tnl sirll tnl = 1 4- cn2Z co\ ] °~7^1 ds y_j w 1WJ e°+ 2 i e-a~ 2 i , °2 \ 1 1 . k{\ + X2 + Y2) — 2X ) 4- Jg ~ s arc te — — - \ pa+~ ■ ,—. « ■ k ° A-'U - X2 - Y2) e 2 1 9, 1 1 ^(1 + X2+Y2) + 2X/ arc te e<-ï+e-°+i 2 - *(1-JP-Ï") où A; est le module elliptique, A' = \/ 1 — &2> Jre? =: X{x, y)+iY (x,y), dx J o^ li- se2) (1 — A-2a;2) W(S) = X2 + Y2 — 2A-s«SX — 2«Y + 1 Wt(S) = X2 + Y2 — 2fenSX + 2draSY + 1 Appliquons notre formule pour le calcul d'une carte de l'Afrique. Prenons le centre du quadrilatère sur l'équateur, en posant a = 0, et considérons la surface comprise entre les degrés de latitude -f- 30° et — 30° et entre deux méridiens de la différence des latitudes égal à 60°. L'écart du rapport d'agrandissement pour toute la surface représentée sera exprimé par la formule trouvée en posant x = y = X = \ = 0. Nous parvenons à la formule : _ _ / ciimx lg — — dx *o e* + e ~ 2 (.2 II + te ;., * — arc te 17 1 Je donne ici les calculs de cet écart faits par 31. Thonberg, étudiant à l'Université de Saint-Pétersbourg. 8* 114 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE Pour obtenir quatre chiffres du résultat, l'intégrale était calculée d'après cinq ordonnées de Gauss. On a trouvé : log q = 8.69948, log y t- = 9.97721, Les valeurs de cntox pour cinq ordonnées de •Gauss, sont : x0 . . . . 9.99827 Xi . . . . 9.95830 x2 . . 9.80151 ,T3 . . . . 9.46873 X. . . . . 8.77583 Les valeurs de la fonction log e 2 ou : Il^LlUll J et avant 322, la valeur a = — 1 ; pour le calendrier Grégorien, il faut faire y. = v, JE est l'année émergente d'une ère, rapportée à l'ère chrétienne : L'année M de notre ère est la (M + ^E)icrao d'une ère antérieure à J.-C. L'année M de notre ère est la (M — .Ef me d'une ère postérieure à J.-C. L.-F.-J. GARDÉS. — RECHERCHE ET VÉRIFICATION DES DATES 117 L'année M avant J.-C. est la (.-E-{- 1 — M)!èM d'une ère antérieure à celte date M. Principales ères. — Ère mondaine d'Usher : 4004 avant J.-C. ; du déluge d'Usher : 2348 avant J.-C. ; des Juifs : 7 octobre 3760 avant J.-C. ; cécropique des Grecs : 1582 avant J.-C. ; de Philippe ou des Lagides : 12 novembre 324 avant J.-C. ; de Xabonassar : mercredi 26 février 747 avant J.-C; des Séleucides : 312-311 avant J.-C, à lequinoxe d'automne; de Tyr : 19 octobre 125 avant J.-C. ; des consuls de Rome : 509 avant J.-C. ; de la fondation de Rome : selon Varron, 11 avril 753 avant J.-C; selon Tacite, 762 avant J.-C. ; selon Caton, 752 avant J.-C. ; selon Polybe, 759 avant J.-C; d'Antioche : 48 avant J.-C ; Julienne : 45 avant J.-C; d'Espagne : 38 avant J.-C ; actiaque : 29 avant J.-C; de Pise : 1 avant J.-C; des Olympiades (espaces de quatre ans) : 18 juillet 776 avant J.-C, une "M H- 776Tra: „ , /M +776 de la année M de l'ère chrétienne étant la olympiade qui commence au 18 juillet et une année M avant J.-C étant ht 777 — M' de la ( - 1 olympiade qui commence au 18 juil- let; des Chinois : 2697 avant J.-C, les Chinois comptant par cycles de "2697 -f M" soixante ans, en sorte qu'une année M de notre ère est la M — 31 60 / m — 3\ ""' du(45-j — 1 cycle chinois et qu une année M avant J.-C est la 2698 — MTèm? . , /2698 — M année du ( — — — ) cycle chinois. — L'Ere chré- 60 \ 60 / J tienne, mal établie, car on a reconnu qu'elle est trop courte et postérieure de quatre ans à la naissance de J.-C ; l'ère de la Passion : l'an 33 ; de la destruction de Jérusalem : l'an 70 ; de la mort de saint Martin : 401-402; des Arméniens : 552 (9 juillet ou 11 août); de la réforme de Luther : 1517; de la confession d'Augsbourg : 1530; de l'indépendance des États-Unis : 4 juillet 1775; de Dioclétien ou des martyrs : 29 août 284, c'est l'ère du calendrier copte dont l'année commence le 29 août \f 283 pour ■ > 0 et le 30 dans le cas contraire, la férié du premier jour de l'an copte (M — 283) si l'on compte dimanche 1, lundi 2, etc., TM — 283 M — étant F] = et celle du jour d'un mois qucl- rFi + q + 2? + 4i conque : F£ = \ ; — Yère républicaine française : 22 septembre 1792 ; la férié du 22 septembre étant Q, la férié correspon- 118 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE. GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE dant à un quantième q d'un mois républicain, si l'on compte : dimanche 1, lundi 2, etc., est F? = 2P o q ; une année u. de cette ère donne les relations : M = 1792 + \x pour les dates postérieures au 11 nivôse et M = 1791 + V- pour les dates antérieures au 11 nivôse; — ère de l'Hégire : (voir la lettre H). C est le quantième du cycle solaire, espace de 28 ans après lequel les mêmes dates reviennent aux mêmes jours de la semaine. La première année de notre ère, le 1er janvier fut un samedi. — Cette période de 28 ans, régulièrement exacte pour le calendrier Julien, cesse de l'être dans le calendrier grégorien quand elle comprend une année séculaire non bissextile : les mêmes dates ne retombent alors aux mêmes jours qu'après 40 ans. Ces périodes de 40 ans, intercalées dans la suile des cycles de 28 ans, bouleversent l'ordre qui régnait dans le calendrier Julien ; tous les 400 ans seulement les mêmes jours retombent aux mêmes dates (10 périodes de 28 ans et 3 de 40 ans font 400 ans). On compte toujours, cependant, par cycle solaire de 28 ans. C est donné par les formules : "M+ 9 28 '4713+ M' 28 Il y a lieu de remarquer que les quotients des divisions indiquées par ces deux formules, donnent le nombre des cycles écoulés depuis l'origine soit de notre ère, soit de la période Julienne. Pour les années avant J.-C, on a C = 10— M 4714 — M 28 E est l'épacte de l'année M. L'épacte grégorienne ou simplement lepacte est l'âge de la lune au 31 décembre de l'année précédente, c'est-à-dire l'âge de la lune au moment où l'année commence. — E/ est la valeur qu'aurait eue l'épacte si on en eût fait usage sous le calendrier Julien ; on peut l'employer dans les formules, mais elle marque alors l'âge de la 1 1 (N — l) + £' lune au 23 mars. On a pour les deux calendriers : E 30 en ayant soin pour l'épacte julienne Ej, de faire s — 0, et pour l'épacte grégo- rienne Kg, de donner à s la valeur suivante : 6 — G + s — 17 s — 17 25 qui se réduit à £ = (> — G -[--jusqu'en 4199. — On peut donner une autre valeur de l'épacte en fonction de l'indice des épactes d'un L.-F.-J. GARDÉS. RECHERCHE ET VERIFICATION DES DATE S 110 siècle, c'est à dire de l'épacte correspondant dans ce siècle à N = 3. r22 + s" Cet indice y est donné par la formule y 30 ; il est, comme e, invariable dans chaque siècle pour toute la durée du siècle et alors „ r« + ll(N — 3)1 e 1 épacte, pour tout ce siècle, est donnée par h = ; — rrr- tormule 30 exacte pour les deux calendriers à la condition de donner à e, pour chacun d'eux, les valeurs sus-indiquées. Épactes de jours. — Dans le nouveau calendrier de l'Église on a placé sous ce nom, en regard de chacun des jours de l'année des nombres de 1 à 29 et ^-, dont chacun indique, par la place qu'il occupe, le siège des nouvelles lunes de toute l'année ayant ce nombre pour épacte. Ces "10 — RLM -f? + v épactes de jours sont données par la formule E^ (voir plus loin les valeurs de RLM, q et v). 30 1 F est la Férié, nombre variant de 0 à 6 et correspondant aux jours de la semaine. La Férié du /er Mars est donnée par plusieurs formules équivalentes : M M+^+2— G 4 Q + 5-G m 2 — s — G F] + 3 + 8" La Férié du 4eT Janvier est aussi donnée par plusieurs formules : F] M — 1 M — 1 m m — 1 Q + 2-0-G- p-f-q. La Férié de l'initial d'un mois quelconque est : JOURS F Dimanche . . 1 Lundi .... 2 Mardi. . . . 3 Mercredi. . . 4 Jeudi ..... 5 Vendredi. . . 6 Samedi . . . 7on0 0 — 8 — R "F^ + 2 — S + Ri pj - 1 - o + Rj 1:20 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE La férié d'un jour quelconque dans le mois de rang p est donnée par cette formule : Fq F1 4 r? ' l G est le nombre des jours d'avance du calendrier Grégorien sur le calendrier Julien, nombre invariable dans chaque siècle. La réforme grégo- rienne a eu lieu le jeudi 4/14 octobre 1582. — On a : G = s — - — 2. Dans les formules où rentre la valeur G, il suffit de faire G = 0 pour les rendre applicables au calendrier Julien. Pour le calendrier Grégorien, il y a lieu d'observer que, pour les années séculaires, la valeur de G, lorsqu'elle est modifiée par le changement de s, ne doit changer qu'au 1er mars. H est le millésime d'une année musulmane. Étant donnée une année H H_ 80 puis de l'hégire (16 juillet 622), on calcule en donnant à V les valeurs 1 pour H 30 •< 7 ; 2 pour H. 30 > 6 et < 18 ; 3 si cette quantité est >■ 17 et << 26, et 4 si elle est supérieure à 25; on trouvera alors l'année correspondante de notre ère par la formule : 1I = (fâ2 + 3ër>s + 36o 365 — 1 G / jours. Si on trouve plus de 168 jours qui, comptés du 16 juillet exclus, con- duisent au delà du 1er janvier, il faudra augmenter d'une unité le chiffre des années. Si le chiffre trouvé M correspond à une année bissextile, il faut retrancher un jour lorsque la date tombe après Je 28 février. Si le nombre des jours est négatif on l'augmente de 365 en diminuant d'une unité le nombre des ans. — La férié du premier jour de l'année maho- A — 1 meta ne est : Fj. = La concordance de H et de M est approximativement établie par la relation M = 621,54 + 0,97 >< H. I est le quantième du cycle â'indiction, période de 15 ans qui fut L.-F.-J. GARDÉS. — RECHERCHE ET VÉRIFICATION DES DATES 121 longtemps employée pour compter les dates des événements, sans utilité astronomique ; composée de 3 lustres de o ans, elle était, à l'origine, une période à l'expiration de laquelle on revisait l'assiette des tailles et tributs, ces derniers payables tous les cinq ans. On compte plusieurs sortes d'indiction, savoir : Yindiction Julienne dont l'institution est attribuée à Jules César ; Yindiction de Constantinopie, qui avait cours avant Justinien et commençait aux Calendes (le 1er) de septembre 31u2; Yindiction impé- riale, césarienne ou constantinienne , établie, pense-t-on, par Constantin et qu'on fait remonter au 24 septembre 312; enfin Yindiction romaine ou pontificale, que les papes, depuis Grégoire VII, ont fait remonter au Ier janvier 313. Cette dernière est la seule dont l'usage ait survécu : elle est employée quelquefois par les papes pour dater leurs bulles. On a : I = M -f 3" 15 4713 + M Les quotients des deux divisions 15 indiquées par ces formules indiquent le nombre des cycles écoulés, soit depuis J.-C, soit depuis l'origine de la période julienne. — Pour les années avant J.-C, on aurait la formule : I 4 — M' 15 4714 — M Ï5- J est le millésime d'une année de la période Julienne, imaginée par Joseph Scaliger au xvie siècle, pour permettre de compter depuis les temps les plus reculés par une seule suite d'années. La période se compose de 7980 ans, soit 15X28X19 = "980; à son expiration, les valeurs des trois nombres I, C et N se reproduiront dans le même ordre relatif. L'an qui a précédé l'ère chrétienne, la lune était nouvelle au commence- ment de l'année et on comptait N = 1, C — 9, I = 3 : cette année corres- pond à 4713 de la période Julienne, en sorte que, pour les années de notre ère on a J = 4713 4- M et pour les ans avant J.-C, J = 4714 — M. K est la clef des fêtes mobiles, nombre spécial à chaque année et tous les ans variable, qu'il faut ajouter au terme 0, spécial à chaque fête mobile et invariable, pour trouver la date de cette fête. Calendrier Julien : K = \ $Q " ^ p0ur E^' > 16 | Pour E = 24, calculer comme si c'était 2o. ( (20 — E,) pour E < 16 ) J Calendiîiek Grégorien : / (34 — ë _ g) p0Lir Ef < 24 ) o = 1 pour les années bissextiles. K = j 39 " pour Eg = 24 ( (64 _ E — 5) pour Ef > 24 ) S — 0 pour les années communes. 122 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE L est le nombre représentant la lettre dominicale de l'année, confor- mément au tableau ci-après. La lettre dominicale est celle qui corres- pond à tous les dimanches de l'année, si l'on a placé dans le calendrier, du commencement à la fin, en regard de chaque jour, l'une des sept lettres A, B, G, D, E, F, G, répétées sans cesse dans le même ordre, en commençant par A pour le 1er janvier; chacune de ces lettres correspond ainsi à un jour de la semaine, toujours le même, pour une même année. — Dans les années bissextiles, on donne deux lettres dominicales : la première répond aux dimanches compris entre le 1er janvier et le 21 février inclus; la seconde à ceux du reste de l'année. La lettre dominicale d'une année est m L LETTRES 1 A ou BA 2 B ou CB 3 C ou DC 4 D ou ED 5 E ou FE 6 F ou GF 7ouO G ou AG donnée par G-f-3 G + 3-f s — [m + ■+¥ Les lettres dominicales placées en regard de l'initial de chaque mois sont données par la for- R-11; la phrase suivante est aussi mule : L un moyen commode de les retrouver : Au Dos D'un Gras Bœuf Est, Gros Cuir Fort, Au Droict Fil. La lettre placée en regard d'un jour quelconque de l'année est : v = rB - 2 -f- g - o' ? 7 en faisant dans cette formule 8 = 1 pour les 25, 26, 27, 28 et 29 février des années bissextiles et 8 = 0 dans tous les autres cas. M est le millésime d'une année rapportée à l'ère chrétienne. On a : M = 100s + m. m est le nombre formé par les deux derniers chiffres à droite du "m ~m~ millésime de l'année M. Les années juliennes sont bissextiles pour 0; les années grégoriennes sont bissextiles pour = 0 ; excepté quand on a, à la fois, m = 0 et 0. L.-F.-.T. GARDÉS. — RECHERCHE ET VERIFICATION DES DATES 123 N est le nombre d'or ou quantième de l'année dans le cycle de Méton, période de 19 ans après laquelle on croyait autrefois que les phases de la lune revenaient aux mêmes dates, dans le même ordre. Ce cycle commençait en mars chez les Hébreux. Les périodes sur lesquelles l'Église a établi ses calculs ne sont pas la continuation des périodes employées M -I- 1 antérieurement : il y a une lacune entre les deux séries. On a M 4713 -h M 19 19 Les quotients des divisions indiquées par ces deux formules donnent le nombre des cycles écoulés, soit depuis J.-C, soit depuis le commencement de la période julienne. — On pourrait employer m + 'Ç la formule N = 19 a la valeur suivante : Ç = invariable pour chaque siècle et dans laquelle Ç 100s + 1 19 soit 15 pour s — 18 et 1 pour 19. — Pour les années avant J.-C. on aurait \ 2 — M 19 4714 — M Î9 P est la date de la fête de Pâques qui peut tomber du 22 mars au 25 avril. La résurrection de J.-C. ayant suivi de près une pleine lune et l'équinoxe du printemps, le concile de Nicée, en 32o, fixa la fêle de Pâques au premier dimanche suivant la pleine lune qui vient après le 20 mars. Voici quelques-unes des méthodes employées pour trouver P. mars ou (P — 31) 1° Par le terme pascal T. On a : P = \T + ^-y_ avril. si on trouve P > 31 ; p est un cycle pouvant prendre les valeurs de 1 à 7 ; on a : > 30 „ , , . ( pour E. < 10 ou E. ; .,T = Calendrier V L 3 J <0U1T' Julii'i pour Ej =* ou E.> 10, T „ . , . ( pour E < 24, Calendrier \ l g Gréororien. pour E > 24, T = T = 36 — E" 31 35 — E. j 31 H — E 31 43 - E et p = et p = et 3 = ■E. + 3' ■E. + l j ' E + 2 31 T > 20 tombe i'n murs. T*< 19 I tomlie en ami. 124 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE 2° Par la férié du 1er mars. On a : . , . ( pour E, < 16, P = aleiumer V l 1 Mn- (pourE. > 16,P^ ilendrier regonen. pour E < 24, P pour E = 24, P pour E > 24, P = E,- — (F| + l) 7 Ey — (F| + 3)' E-(FI + D 4— 38 — E . ) mars ou (P — 31 ) avril. ] Dans ces dem formula 1 J ! I si le resle de la dit + 37— E/ia™1- ion par 7 est ti remplacer 38 par 3t et 37 par 30. + 45 — E ) mars ou (P — 31 ami. 6 —Fi + 19 ) avril. E-(F3' + 3)- 4- 44 — E ) avril 3° Formule de Gauss, modifiée et complétée. Deux formes équivalentes valables pour les deux calendriers : P = 'E + 8N + lo + 4M+6 E4-8N-f1o — s" 30 30 + G + 6 mars ou (P— 31) avril, ou + m + 4M + 6 P = '22 + "19N + 4 - 30 19N + 4- 3Ô~~ + G + 6 mars ou (P — 31) avril; si on trouve (P — 31) > 2d on prendra pour date le (P — 31) — 7 — (P _ 38) avril. Dans ces formules, pour le calendrier Julien on fait e = 8 et G = 0, et pour le calendrier grégorien les valeurs indiquées à s et à G seront employées ; 4° Par les clefs K des fêtes mobiles, au moyen du terme 0 qui, pour Pâques, est le 11 mars : P = 0 + K + L + P (il +K + tiiî \ mars ou (P — 31) avril. q est le quantième d'un jour dans un mois quelconque. L.-F.-J. GARDÉS. — RECHERCHE ET VÉRIFICATION DES DATES 125 Q est le concurrent d'une année (épacte solaire) ou reste de la division par 7 du nombre de jours qu'il y a au-dessus de 52 semaines par an, depuis le commencement du cycle solaire en cours. On a : 0 I + C - G _ M + j + 4 - G 7 L'usage des concurrents a généralement disparu depuis la réforme grégorienne et a été remplacé par celui des lettres dominicales ; ils répon- daient à 1 = F, 2 = E, 3 = D, 4 = C, S = B, 6 = A, 0 = G. On comptait deux concurrents pour les années bissextiles, comme, depuis lors, on compte deux lettres dominicales, et ces deux concurrents étaient (Q — 1) jusqu'au 24 février inclus et Q pour le reste de l'année. R indique les réguliers solaires, nombres portés dans le tableau ci- contre qui, avec les concurrents, ser- vaient à faire connaître la férié de l'initial de chaque mois d'une année donnée. RLM sont les réguliers lunaires men- suels, nombres exprimant l'âge de la lune au premier jour de chaque mois dans la première année du cycle de Méton ; ces nombres servent à trouver l'âge de la lune un jour quelconque de l'année : ils sont consignés dans le tableau ci-contre. R ^ sont les réguliers lunaires an- nuels, nombres servant à trouver la ferie Fp de la veiile du jour de la semaine où commence la lune pascale, dans chaque année du cycle de dix- neuf ans. ils sont donnés par la for- K1 et cette ferie par la mule H, formule : F, 0 4- R. Le len- RLM MOIS R Julien Grégorien Janvier . 2 9 0 Février . 5 10 1 Mars . . 5 9 0 Avril . . 1 10 1 Mai . . . 3 11 2 Juin. . . 6 12 3 Juillet. . 1 13 4 Août . . 4 14 v, 6 Septembre 7 ou 0 16 7 Octobre . 2 16 8 Novembre 5 18 9 Décembre 7 ouO 18 10 demain a pour férié (Fp + 1) et c'est le jour de la nouvelle lune pascale : il a pour bornes extrêmes le 8 mars et I»' '■> avril. Dans le vieux calendrier de l'Église, les sièges des nouvelles lunes sont indiqués, entre ces deux dates, par le nombre d'or placé conformément 126 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE au tableau ci-après ; dans le nouveau calendrier, N a été remplacé par les épactes de jour indiquées aussi dans le même tableau. En partant de la date placée dans ce tableau, en regard du nombre d'or de l'année, pour le calendrier Julien, ou de l'épacte de l'année pour le calendrier Grégorien, cette date correspond à Fp + 1 , on y ajoute 13 et on a le quantième de la pleine lune pascale qui tombe en mars ou, si elle excède 31, en avril. La férié de la pleine lune pascale étant (Fp + 1), il est dès lors facile de trouver la date de Pâques, qui est le dimanche suivant. DATES N E DATES N E DATES N E DATES N E 8 mars. 16 23 H mars. 10 1T 20 mars. 4 11 26 mars. 27 - 17 5 4 9 - 5 22 15 - » 10 21 - B 10 28 — 29 — » 3 2 10 - s 21 10 - 18 15 22 12 9 30 — 31 — 14 3 1 * 11 - 13 20 1T — ' 14 23 - 1 8 1" avril. 2 _ 11 29 2s 12 - ± 19 18 — ' 13 24 — B 7 3 — 4 - 19 27 xxv, 26 13 - 8 18 19 — 15 12 25 — !) 0 5 — 8 25, 24 s est le nombre des siècles, contenus en M. T est le terme pascal, jour de la semaine auquel tombe la quatorzième lune pascale ; le dimanche suivant est le jour de Pâques (voir P) . V est le quantième du cycle victorien ou pascal (période dionisienne), révolution de 19 >< 28 = 532 ans, inventée par Victorius au milieu du ve siècle, déjà connue des Grecs cependant, et dont Denis le Petit, au vie siècle, a fixé le point de départ à l'an qui précéda Père chrétienne. L'expiration de ceLte période devait ramener aux mômes saisons et jours les mêmes phases de la lune. Les pàques juliennes reviennent exactement aux mêmes dates dans le même ordre tous les 532 ans, la lettre dominicale rM+i" et le nombre d'or se reproduisant dans le même ordre. On a : \ ; 532 y (voir E) c'est l'indice des épactes d'un siècle. [3 (voir P). A (voir H). S est une quantité égale à 1 dans les années bissextiles du 1er janvier L.-F.-J. GARDES. RECHERCHE ET VÉRIFICATION DES DATES 127 au ~2\) février inclus et à 0 dans tous les autres cas. Lorsqu'il n'en est [tas ainsi, sa valeur est indiquée en regard des formules qui la contiennent. e est une quantité employée pour le calcul des épactes : 17 i = q — <. ; 9n s — 17 Xi celte quantité se réduit à s. ■= G — G — -jusqu'en 4199 (voir E). Pour o s = lo ou 16 on a e = 1, pour s = 17 ou 18 on a e = 0, et pour .s- = 19 ou 20 on a s = — 1 . Dans le calendrier Julien, e = 0 pour le calcul de E, et e = 8 pour le calcul de P. "1005 4- 1" Ç est un coefficient invariable dans chaque siècle Ç = 19 et per- mettant de calculer plus rapidement la valeur du nombre d'or par la e , v [m + C" tormule IN = 19 0 est le terme des fêtes mobiles, uniforme pour toutes les années dans les deux calendriers ; on trouve la date de ces fêtes par la formule ® -j- K -f- — s—1- ) en tenant compte du nombre des jours contenus dans chaque mois et en prenant, bien entendu, les éléments K, L et [3 avec leurs valeurs spéciales à chaque calendrier. Le tableau suivant donne ces termes 0. FÊTES MOBILES (-) FÊTES MOBILES 0 FÊTES MOBILES 0 ieptuagésimc. 0» dim. ai. P. 7|1DT. -(- S Oculi 1 " dira. av. 1'. llletr. -f- « Quasimodo . . Ier dim. ap. 1'. icxagésime. . 14- +S Mi-carémc iandi i"i" jour — 15 h* Rogations 'lundi :)7 • jour — lli avril ainqnio (j)\m_ pas). 7«- — 21 — + S Lstarc :j1- dim. — 18 — + S Ascension (jeudi). 10» — — 19 — uCntlres (mercr ). 48° jour — 24 — +$ Passion .... 2-- - 23 — -j- i Pentecôte . . . 7» dim. — 2g — fnadragésime. 6« dim. — 28 — + S Rameaux . . . l»r _ _ 1 oan. i Temps :>3° jour — 2 mai. ^ Temps (mercr.) 40" jour — ai — -f-S Vendredi-saint. J • jour — 9 — Trinité .... 8' dim. — li — ^cininisccrc . S dim. — Mm. +i Pâques .... Uiutanclie. Il — Fête-Dieu . . . til« jour — 10 — [x voir . E). v est un coefficient employé pour le calcul de A et de E5 (épactes de 128 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE jour) et qui prend la valeur 0 dans tous les cas autres que les suivants, où il est égal à 1 . Février : pour E < XXV. Octobre : tout le mois. Décembre : tout le mois. Juin : pour E — 25 ou < XXV et q > 26. Août : tout le mois, sauf q = 1 siE — XXV. Novembre : pour E = 25 ou XXIV et q > 27. Avril : pour E < 25 et q > 28. Juillet : pour E = 25 et q = 31. Septembre : pour E = 25 et q > 28. p est le rang numérique d'un mois à partir du commencement de l'année dans un calendrier quelconque. W (voir H). EXEMPLES Premier exemple. — Voici une date concernant le rétablissement de l'abbaye de Saint-Martin de Séez : anno ab incarnatione Domini MLX, epacta XXIII. indictione XIV, concurrente II, régnante Henrico rege Francorum. En appliquant les formules on trouve pour 1060 les quantités E. = 15, I = 13, et Q = 5, 6; d'autre part on sait qu'Henri, roi de France, qui régnait alors, est mort le 29 août 1060; la date de cette charte ne peut donc être postérieure à 1060: comme aucune des années antérieures ne peut s'appliquer aux données, il est probable que 1060 est bien l'année exacte et que c'est par suite d'erreurs pro- venant des copistes qu'on a indiqué épacte XXIII au lieu deXIIIII, concurrent II au lieu de V, indiction XIV au lieu de XIII, trois fautes résultant peut-être seulement d'une inclinaison plus ou moins grande des jambages formant les chiffres romains. Deuxième exemple. — Voici une date concernant l'abbaye de Fécamp : Datum... anno domini 1437, die Mercurii secunda mensis ApriL, ante Pascha Domini. Il semblerait qu'il s'agit du mercredi 2 avril 1437. Or la formule de P pour 1437 indique le 31 mars ; le 2 avril ne pouvait donc pas être un mercredi, ni précéder l'àques; pour 1436 Pâques était le 8 avril et le 2 était un lundi; pour 1438, Pùques était le 13 avril et le 2 un mercredi; il est donc certain qu'il s'agit du mercredi 2 avril 1438 selon notre manière de compter, mais que c'était 1137 selon l'ancienne manière, lorsque les années commençaient à Pùques; le 2 avril était un des derniers jours de l'année 1437 finissant le jour de Pâques, c'est-à-dire, le 13 avril en 1437; pour nous, c'est une date de 1438. L.-F.-.I. GARDÉS. — RECHERCHE ET VÉRIFICATION DES DATES 129 Troisième exemple. — Voici une date relative à l'histoire de Bretagne : Factum IV Kal... Augusti, die sabatti, luna vigesima, régnante Carolo rege, Salo- mone in Britannia. Il s'agit d'un samedi, quarto calendas Augusti, c'est-à-dire 29 juillet. Charles le Chauve, roi de France, a régné de 840 à 877; Salomon fut duc de Bretagne de 857 à 875 ; l'année non indiquée est donc comprise entre 857 et 875; la lune étant le 29 juillet à son vingtième jour, était nouvelle le 10 juillet; or, pour juillet, le régulier lunaire étant 13, lorsque N = 1 la lune a 13 jours le 1er juillet et 22 jouis le 10 : elle n'est pas nouvelle; pour N = 2, la lune au 10 juillet est âgée de 22 -f- 11 — 30 = 3 jours ; pour N = 3, elle a 14 jours le 10 juillet ; pour N = 4, elle a 25 jours ; pour N = S, elle a 6 jours ; pour N = 6, elle a 17 jours; pour N = 7, elle en a 28 ; pour N = 8, elle en a 9 ; pour N = 9, elle a 20 jours. L'année que nous désirons trouver, on avait donc 10 pour nombre d'or : posons M = 800 + m> ia formule qui -M + l'i rSOO + m -f 1 19 3-\-m |M + 1 I permet de trouver N, nous donne 10 = -r— = - En faisant varier m de 57 à 75 on trouvera un seul nombre vérifiant cette égalité, car de 57 à 75, il n"y a que 18 ans, et comme 57 = 3 X 19 cela revient à chercher le nombre [^1 en partant de ^ qui correspond à 857, ce qui nous conduit à 857 + 7 = 864. Il s'agit donc du samedi 29 juillet 864. rpi -1-29 1 On peut, du reste, vérifier la chose par la formule Ff iM+^-3+l M-P = 0 ; c'est bien un samedi. Ces exemples suffiront pour faire voir le parti qu'on peut tirer des formules. Pour faire un travail complet il eût fallu donner les formules inverses, c'est-à-dire celles qui permettraient, lorsqu'on connaît, par exemple, la date de Pâques, de retrouver la série des années auxquelles cette date peut s'appliquer ; mais cela eût entraîné trop loin et il est, au surplus, facile de suppléer à l'absence de ces formules, soit par des tableaux dressés au moyen des données qui précèdent, soit par tâtonnement. 9* 130 MATHÉMATIQUES, ASTRONOMIE, GÉODÉSIE ET MÉCANIQUE M. A. RATEAU Ingénieur au corps national des mines, à Saint-Elienne. SUR LE PLANIMÈTRE AMSLER [X 6] — Séance du 3 avril 1896 — On a donné du planimètre Amsler plusieurs théories. Celle que je me propose d'indiquer ci-dessous, a le mérite d'être fort simple et de con- duire à une généralisation intéressante de ce remarquable instrument. Rappelons qu'il se compose d'une tige ABC (fig. 1), qui porte une pointe traçante en A, une roulette en un autre point quelconque C, et qui est articulée, en B, à une tige BO dont l'extrémité 0 est assujettie à rester fixe. Fig. I. Si l'on trace avec la pointe A une courbe fermée quelconque G, ne renfermant pas le pôle 0 du planimètre, la roulette C, qui frotte sur le papier, tourne autour de son axe, dirigé suivant CBA, d'un angle 9 qui est lié à l'aire G de la courbe par la relation extrêmement simple sui- vante : (1) G = arO, a désignant la longueur fixe AB, et r le rayon de la roulette. Cette aire est donc proportionnelle à l'angle de rotation de la rou- lette. Pendant que la pointe traçante A décrit la courbe G, le point B se déplace sur un arc de cercle de centre 0. Je ne sais si on a remarqué que A. RATEAU. SUR LE PLANIMÈTRE AMSLER 134 l'élégante propriété (1) de l'instrument se conserve quand B est assujetti à se déplacer sur une courbe quelconque. Soit donc AB, (fig. '2), un segment de droite de longueur fixe a, astreint à se déplacer dans un plan de manière que l'une de ses extrémités B reste sur une courbe guide r, pendant que l'autre extrémité A décrit une courbe fermée G. Sur cette droite, ou plutôt sur une droite paral- lèle, est montée une roulette C, de rayon r qui touche toujours le plan des courbes r et G. La distance BC, du centre de la roulette au point de son axe qui se projette en B, peut être quelconque, mais constante; elle sera désignée par b. Après un déplacement infiniment petit, la droite AB prend la position A'B\ Le centre instantané de rotation de ce déplacement est en E, point d'intersection des normales aux courbes r et G. La droite A'B', prolongée Fig. ■>. s'il est nécessaire, vient rencontrer AB en un point F qui se trouve être le pied de la perpendiculaire EF abaissée du centre instantané sur AB. L'angle ch de la rotation est précisément égal à l'angle AFA' que font entre elles les deux positions de la droite mobile. Nous désignerons par x la distance FB comptée positivement du côté opposé à A. Cela posé, écrivons l'expression de l'aire dA balayée par le segment de droite, et celle de l'angle de la rotation de la roulette. L'aire balayée par AB est la différence des deux triangles FAA' et FBB'. Elle est donc égale à : (2) (/A = ( — -p- ax\- d. — LES GRANDS PORTS DE COMMERCE DE LA RÉGE.NCE DE TUNIS 141 projet qui a servi de base, en ce qui concerne les travaux du port de Sousse, aux prescriptions que nous avons résumées plus haut. Ces travaux représentent approximativement une dépense de 4 millions 500.000 francs, pouvant être portée, avec les travaux complémentaires éventuellement prévus, à six millions de francs. Même sans recourir à ces travaux complémentaires, le port de Sousse, avec les quais, les voies ferrées et les engins de levage prévus, sera en état de pourvoir à un mouvement de 2 à 300.000 tonnes par an, qui semble devoir être, pendant d'assez longues années, la limite supérieure qu'il est permis d'espérer. La compagnie concessionnaire a été pendant un certain temps retenue par un obstacle naturel qui a été jusqu'ici la cause, on peut dire unique, des vicissitudes qu'a subies le projet de construction du port de Sousse. Cet obstacle était la difficulté de trouver des matériaux d'enrochement convenables à proximité de Sousse. Les matériaux de ce genre les plus rapprochés sont situés dans les carrières du village de Takrouna ou dans le Djebel-Fadeloun. Ces deux points sont à environ 55 kilomètres de Sousse et ne peuvent être desservis que par la ligne ferrée de Sousse à Enfidaville, qui n'était pas encore livrée à l'exploitation au moment de l'ouverture des chantiers du port. La compagnie concessionnaire avait songé un moment à établir une ligne ferrée spéciale joignant les carrières à la mer et à effectuer ses trans- ports par voie mixte, ferrée et maritime. Mais cette solution, séduisante en apparence, avait l'inconvénient d'entraîner pour le gouvernement tunisien un supplément de dépenses important; elle exigeait la création d'un matériel nautique considérable qui serait ensuite resté sans emploi; elle n'avait pas, d'ailleurs, l'avantage de la rapidité, car elle eût comporté un chômage forcé d'au moins trois mois par an tous les hivers. Finalement, la compagnie a dû renoncer aux enrochements naturels et recourir pour la construction de la jetée aux blocs artificiels de béton et de maçonnerie. Il en résultera une augmentation de dépense de 225.000 fr. pour l'ensemble des ouvrages du port. Actuellement les travaux sont entrés dans une période d'activité réelle; un terre-plein de- 8.400 mètres carrés a été établi à la cote lm,80 pour servir de chantier de blocs artificiels ; il est défendu par une digue pro- visoire et muni de tout l'outillage, voies, ateliers, etc., que comporte une fabrication rapide et rationnelle des blocs; l'immersion des enrochements d'assiette de la jetée et des blocs artificiels se poursuit régulièrement; cinq cents blocs environ sont approvisionnas, ainsi qu'un cube considé- rable de moellons et de pierre cassée. 11 y a lieu de penser que, malgré les relards du début, les délais d'exé- cution indiqués plus haut ne seront pas très sensiblement dépassés. |42 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION PORT DE SFAX La ville de Sfax a de tout temps dû sa prospérité maritime à la sûreté de sa rade, dont la protection est assurée naturellement pour les navires de tout tonnage. Le port de Sfax, tel qu'il a été remis au concessionnaire, comprend actuellement un bassin d'un hectare environ de superficie, creusé à 2m,5'0 sous basses mers, et muni d'un quai de 200 mètres de longueur. On accède à ce bassin par un chenal de 1.800 mètres de longueur, éclairé et balisé. Un terre-plein d'environ quatre hectares a permis d'établir la douane et ses magasins, ainsi que diverses installations particulières. Une grue de six tonnes et une cale de halage constituent l'outillage du port. L'agrandissement de ce port et la mise en harmonie des ouvrages avec les besoins delà navigation ne comportent aucune difficulté technique; les travaux consistent principalement en dragages. Nous les avons som- mairement rappelés dans l'exposé de la concession Duparchy et Préaùlt. L'avant-projet de ces travaux a été approuvé par le Conseil général des ponts et chaussées en même temps que celui du port de Sousse. Quelques modifications ont été apportées à ce projet, et, dès le début, on fera appel pour Sfax aux travaux complémentaires, et l'on installera 600 mètres de quais au lieu de 415 mètres prévus au forfait de la conces- sion. En outre, le bassin d'opérations sera reporté à 200 mètres au large du quai actuel, ce qui augmentera sensiblement la surface des terre-pleins utilisables. Le port de Sfax paraît, en effet, devoir suivre une progression compa- rable à celle du port de Sousse; les phosphates de Gafsa, dont l'exploi- tation vient d'être concédée, apporteront un sérieux appoint a son trafic, et il parait convenable d'établir largement tous les ouvrages. La dépense à laquelle donneront lieu les travaux prévus, y compris 000 mètres de murs de quai, peut être évaluée approximativement à deux millions de francs. Trois dragues sont en activité à Sfax et ont extrait actuellement plus de 250.000 mètres cubes. Les blocs artificiels destinés à la confection des quais sont approvisionnés au nombre d'environ cinq cents. Des voies ferrées, une grue à vapeur et un ponton- mâture de 20 tonnes permettent de donner aux travaux toute l'impulsion désirable. DE PAGES. — LES GRANDS PORTS DE COMMERCE DE LA RÉGENCE DE TUNIS 143 PORT DE BIZERTE Avant 1886, le port de Bizerte, établi dans le chenal naturel qui reliait le lac à la nier, était dans un état de délabrement complet; il n'avait guère qu'un mètre de tirant d'eau, et la barre qui le précédait était à peu près infranchissable pendant l'hiver. En 1880, l'Administration des travaux publics effectua une série de dragages dans le port et sur la barre, en vue d'assurer en toutes saisons l'accès des bâtiments calant moins de 3 mètres; les quais furent res- taurés, et l'ancienne jetée qui abritait l'entrée fut prolongée de façon à atteindre près de 250 mètres. il y avait lieu évidemment de tirer un parti plus complet du lac de Bizerte, qui offre, sur une superficie égale à celle de la ville de Paris, des fonds de 8 à 12 mètres parfaitement abrités, qu'il suffisait de relier aux grands fonds du large. C'est dans ce sens que fut élaboré le projet dont l'exécution était confiée, en 1890, à MM. Hersent et Couvreux, auxquels s'est substituée peu après la Compagnie du port de Bizerte, concessionnaire de l'exploi- tation du port jusqu'en 196o. Les travaux comprennent : Une jetée !\ord en enrochements d'environ 1.000 mètres de longueur, arrivant jusqu'aux fonds de 13 mètres; Une jetée Est de 930 mètres environ, atteignant les mêmes fonds et enserrant avec la première un avant-port d'environ "o hectares, avec une passe d'entrée de 400 mètres d'ouverture ; Un canal d'accès de la mer au lac, creusé à 9 mètres au-dessous des basses mers, d'une largeur libre de 64 mètres au plafond; Des quais en estacades, avec grues et tous engins de manutention dans les parties affectées au stationnement des navires; Des feux en nombre suffisant pour les besoins de la navigation ; Enfin, des terre-pleins, quais, hangars, engins, voies ferrées ou autres, capables de suffire, aux besoins du trafic et au développement de la nouvelle ville de Bizerte. Le délai d'exécution de ces ouvrages expirait à la fin de l'année 189o; mais dès le 1er juillet 1895, les travaux étaient assez avancés pour permettre l'ouverture officielle du port et la mise en vigueur des taxes que la com- pagnie est autorisée à percevoir. Il ne reste actuellement qu'une faible partie de la jetée Est à achever. Ces travaux, interrompus en raison des tempêtes de l'hiver, seront achevés dans l'année courante. ] tl GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION Les sommes dépensées en travaux neufs pour le port de Bizerte, avant 1890, peuvent être évaluées à 300. 000 francs. Les travaux exécutés depuis cette époque ont été rémunérés à forfait par une subvention de l'État fixée à cinq millions de francs ; un million est en outre réservé pour les travaux complémentaires. Le port de Bizerte aura donc donné lieu à une dépense inscrite au budget de la Bégence de 5.300. 000 francs, qui pourra s'élever à plus de six millions. Mais le chiffre des dépenses réellement effectuées par la compagnie est bien supérieur ; il n'est pas encore exactement connu et sera sans doute voisin de douze millions. La différence entre cette somme et la subvention en argent de 6 millions est sensiblement couverte par le revenu de diverses concessions en nature accordées à la compagnie par l'État tunisien. Le grand chenal du nouveau port a coupé en deux tronçons la route de Tunis à Bizerte, qui présente une circulation très intense. Ce chenal est aujourd'hui le seul émissaire du grand lac; il s'y produit, soit dans un sens, soit dans l'autre, des courants qui atteignent jusqu'à quatre nœuds de vitesse et dont l'action s'ajoute parfois à celle du vent. Le bac à vapeur qui relie actuellement les deux rives ne peut, malgré sa force et ses dispo- sitions judicieuses, prendre, sur un trajet de 120 mètres, une vitesse suffi- sante pour manœuvrer et se trouve parfois entraîné en dérive. Pour remédier à cet état de choses, la Direction des travaux publics a adopté en principe le système de transbordement déjà employé à Bilbao (Espagne). Ce système consiste à relier les deux rives du canal par un pont transbordeur dont le tablier, élevé à 45 mètres au-dessus du niveau de la mer, permet le passage des plus grands navires. Sur ce tablier court un chariot actionné au moyen de câbles par une machine à vapeur fixe. Une plate-forme suspendue au chariot mobile, à la hauteur des quais, peut ainsi être mise successivement en relation avec l'une et l'aulre rive. Un accord a été conclu avec le constructeur qui a la spécialité de ce genre d'ouvrages. L'ensemble des travaux, comprenant les fondations en maçonnerie, la superstructure métallique, la machinerie et les acces- soires coûtera environ 500.000 francs; le délai d'exécution sera de dix- huit mois. CONCLUSIONS Si l'on rapproche la date d'approbation des premiers projets relatifs aux ports de Tunis et de Bizerte de celle des délais d'achèvement stipulés pour le port de Sousse qui doit être terminé le dernier, on voit que dans un délai d'environ dix aimées le protectorat aura doté la Bégence de quatre DE FAGES. — LES GRANDS PORTS DE COMMERCE DE LA RÉGENCE DE TUNIS 14-'> grands ports accessibles aux navires calant 6"',o0 et même 8m,50 en ce qui concerne le port de Bizerte. Cette œuvre considérable, entièrement à la charge de l'État tunisien, aura donné lieu à une dépense totale d'environ 35 millions de francs, ■dont 20 millions payés sur les fonds du budget; elle aura été exécutée avec une sûreté et une rapidité dignes d'attention, étant donnée la modicité des ressources financières de la Hégence. Quel sera l'avenir de ces créations? Aucun doute ne nous parait permis à l'égard des trois ports de Tunis, Sousse et Sf'ax : leur avenir est des plus rassurants. Régulièrement distribués sur une côte fertile, dotés de rayons d'action bien distincts sur une arrière-zone qui s'ouvre de plus en plus à la colo- nisation et à la culture, pourvus déjà d'un réseau presque complet d'affluents constitués par des routes et des voies ferrées, exploités com- mercialement par une compagnie dont l'étroite association avec l'Etat assure la protection de tous les intérêts, ces trois ports semblent appelés à un développement rapide dont les etfets sont déjà très sensibles à Tunis. En ce qui concerne Bizerte, la position géographique de ce port sur un point avancé des côtes lui assure dans la Méditerranée une situation exceptionnelle et même unique comme port d'escale et de ravitaillement; mais elle a l'inconvénient de limiter son rayon d'appel sur le continent à une cinquantaine de kilomètres, au delà desquels l'action du port de Tunis devient prépondérante. Le développement de Bizerte au point de vue du commerce local est donc assez limité, et n'aurait pas justifié à lui seul les dépenses considérables faites pour ce port; un autre champ d'action lui est heureusement ouvert dans lequel il est permis d'espérer pour lui les plus brillantes destinées. Il faut seulement ne pas perdre de vue que la transformation des habitudes de la navigation est une œuvre de longue haleine, où les efforts les plus habiles doivent être persévérants, sans pouvoir jamais espérer des résultats aussi immédiats que ceux que com- porte la simple mise en valeur des débouchés naturels d'un territoire. 10* 146 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION M. ÎTIVET à Marans (Charente-Inférieure'. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES COEFFICIENTS DE RÉSISTANCE ET DES COEFFICIENTS DE SÉCURITÉ DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION [620 1 — Séance du i avril 1896 — Considérons un solide prismatique rectangulaire MNPQ de hauteur h et de base b rompu suivant le plan SU par un effort perpendiculaire à l'axe : soit AB le plan des fibres neutres ; l'effort est exercé de telle sorte que les fibres de la partie ABPQ sont comprimées et que celles de la portion MNAB sont soumises à un effort de traction : soient E et T les charges de rupture de la matière dont est formé le prisme à l'écrasement et à la traction. M U' u N j 2 ! ( A ( hJ\ 0 1 \ h'\ ; l E\ 2 , J S S' Soit 0 la ligne d'intersection des plans AB et SU; je prendrai 0 pour axe des z, AB et SU seront les axes des x et des y. Si la matière est homogène, le plan de rupture SU sera perpendiculaire à AB. Soient ^ la distance SO et — la distance OU. L'équation d'équilibre S/a; = 0 indique que les forces élastiques posi- tives doivent être égales aux forces négatives. Les forces positives sont produites par les fibres comprimées, le maxi- mum de résistance correspondant à la charge E, coefficient de rupture à la compression ; les forces négatives seront produites par la portion du prisme qui travaille à l'arrachement, dont le maximum correspondra à T, charge de rupture à la traction. Pour qu'il y ait rupture, il faut que la force extérieure produise la près- NIVET. — COEFFICIENTS DE RÉSISTANCE ET DE SÉCURITÉ 147 sion E sur les fibres les plus fatiguées qui se trouveront naturellement dans le plan FQ, et l'effort T suivant Mi\. Les efforts entre 0 et S et 0 et U sont proportionnels aux allongements ; cette proportion est constante jusqu'au moment où l'on atteint la limite d'élasticité : si l'on construit les abcisses qui représentent ces efforts, les extrémités de ces abcisses se trouveront sur les deux plans OS' et OU' : les sommes des efforts pourront donc être représentées par deux prismes de hauteur 6 construits sur des triangles dont les bases auront les valeurs — et — et les hauteurs E et T, les sommets étant en 0, les forces repré- h' h" sentées par ces deux solides s'appliquant sur les sections — b ei — b pro- jetées en OS et OU, de sorte qu'on aura : d'où : E/r- = T/l"2 et: F=Vr (4) h" + h' On a, de plus : — ~ — — h. (à) Les formules de résistance à la flexion qui admettent que le plan des fibres neutres passe par le centre de gravité de la section ne sont pas applicables dans le cas où E et T sont différents. Mais ces mêmes formules sont applicables au prisme de hauteur h', en supposant quil résiste tant à la compression qu'à la traction avec la force E, et au prisme de hauteur h", résistant à la force T, de sorte qu'on peut composer le prisme de hauteur h en accolant par le plan de leurs fibres neutres la moitié du prisme de hauteur h' à la moitié du prisme de hauteur h", et déterminer, par cet artifice de calcul, les dimensions d'une poutre, en connaissant les coefficients E et T de la matière dont cette poutre est formée.' M. iSivet a démontré, par l'expérience, les considérations qui précèdent : il a fait de nombreux essais sur des prismes à base carrée de 2 X 2 X H centimètres. Ces solides provenaient soit de moulages de chaux, ciments, glace à — 7°, soit de la taille de diverses pierres calcaires. Ces prismes étaient fléchis, en leur milieu, sur une distance d'appui de 10 centimètres par des forces que j'appellerai f. Les tronçons des prismes rompus par flexion étaient ensuite rompus par 148 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION traction pour déterminer le coefficient T, et les morceaux provenant de celte opération servaient à déterminer la charge E de rupture à l'écra- sement. Toutes ces épreuves ont été faites à l'aide d'un appareil d'essai des maté- riaux de construction autres que les métaux, que M. Nivet a présenté au Congrès de Bordeaux en 189o. Appliquant les formules de la flexion plane au cas d'une pièce prisma- tique sollicitée en son milieu par une force f, nous avons, en considérant les prismes de hauteur h' et h' soumis aux forces E et T : E = 3/1 Sfl En mettant dans ces formules les valeurs f, E et T données par l'appa- reil, M. Nivet démontre expérimentalement que les valeurs de //' et h" tirées des équations (l) et (2) sont telles que l'on a très approximati- vement : h' + h" Le tableau ci-contre indique ces résultats : CALCUL 3E h' ET / " EN CENTIMÈTRES f T E D'APR h" SS LES 1 "1 h' MULES (0 ET (2^ //"—'<' h" h' 2 3.5 î ) - 3.44 22.81 2.762 1.074 1.918 2.575 Chaux 5.75 49.37 3.022 1.032 2.026 2.930 ( 8.75 8.31 92.85 2.801 0.841 1.825 3.343 12 11.27 110 2.826 0.905 1.865 3.124 22 15.675 190 26 3.244 0.931 2.(188 3.483 24.5 23.37 207 50 2.760 0.941 1.841 2.980 12.50 10.30 128.91 3.017 0.851 1.939 3.540 Pierre calcaire. . . . 14 9.125 99.06 3.393 1.029 2.-211 3.295 1 14.75 11.562 129.69 3.093 0.924 2.008 3.349 Glace ( moyennes dej plusieurs essais) . . ! 1 12 9.625 32.625 2.725 1.661 2.193 1.641 É. BELLOC. — SONDEUR « É. BELLOC » 149 Des considérations et des expériences ci-dessus indiquées, il résulte que les coefficients E et T doivent être connus très exactement et doivent entrer tous deux dans les calculs des dimensions des pièces de construction. Ils y sont introduits en les multipliant par une fraction qui constitue le coefficient de sécurité. Ce coefficient de sécurité sera-t-il le même pour les efforts de traction, qui tendent h éloigner les molécules, que pour les efforts de compression qui les rapprochent ? Dans le premier cas, le moindre défaut d'homogénéité diminue nota- blement la résistance à l'arrachement, et un seul point faible peut déter- miner une rupture prématurée ; dans la compression, au contraire, toute la masse travaille malgré les défauts d'homogénéité : les expériences de compression donnent toujours des écarts moins considérables que celles d'arrachement. N'y aurait-il pas lieu d'admettre un coefficient de sécurité plus élevé pour les parties qui travaillent à la compression, ce qui en réduirait les dimensions ? Aussi M. Nivet renouvelle les vœux qu'il a exprimés à Bordeaux. 1° Que les coefficients de rupture à la compression et h la traction fassent l'objet d'une étude nouvelle ; 2° Oue les coefficients de sécurité actuellement admis soient revisés. M. Emile BELLOC à Paris. SONDEUR ' E. BELLOC » APPAREIL DE SONDAGE A FIL D'ACIER [551.46] 5 m du é avrd /'••' — Depuis 1891, époque à laquelle les plans de mon nouvel appareil de son- dage portatif à fil d'acier furent présentés au Congrès de Marseille, cette machine a subi des modifications importantes. Mise en œuvre de plusieurs 150 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION côtés à la fois, par des hommes de science et des praticiens compétents, soumise à des expériences nombreuses dans les lacs et en pleine mer, elle paraît avoir satisfait aux épreuves décisives qu'elle a subies. Néan- moins, mettant à profit les observations suggérées par ces études, j'ai cru devoir apporter quelques légères transformations à certains de ses organes, afin de rendre leur fonctionnement plus parfait. S. A. S. le prince A. de Monaco ; M. A. Delebecque, ingénieur des Ponts et Chaussées; M. J. Thoulet, l'initiateur de l'Océanographie en France ; M. l'ingénieur Hôrnlimann, du bureau topographique fédéral suisse, ont effectué leurs recherches marines et lacustres avec cet appareil. Plus récemment, M. le commandant Guyou, membre de l'Institut, chef du service des instruments au ministère de la Marine, le choisit également pour être mis en service à bord du navire que le prince Roland Bona- parte offrit généreusement au laboratoire Arago. C'est donc à l'aide de ce sondeur, et sous la haute direction d'un ancien Président de l'Académie des sciences, le savant professeur, M. de Lacaze-Duthiers, que M. le Dr G. Pruvot, de la Faculté des sciences de Grenoble, a procédé à ses remar- quables études sur la topographie et la constitution des fonds sous-marins du golfe de Lion (1). Enfin, cette année même, M. le comte de Dalmas l'a utilisé, à bord de son yacht Ckasalie, pour de nombreux sondages exécutés dans la mer des Antilles. Ces sondeurs — dont l'éminent astronome, M. Jules Janssen, a bien voulu présenter un modèle à l'Institut (2), — sortent des ateliers de M. l'ingénieur Jules Leblanc : leur solidité et leur précision sont donc irréprochables. L'instrument que j'ai eu l'honneur de soumettre au Congrès est une amplification et un perfectionnement d'une machine plus petite, pesant moins de quatre kilogrammes, que j'avais imaginée pour servir à mes études lacustres et à laquelle, — sur le rapport fait par M. le colonel Pierre, au nom du comité des arts mécaniques, — la Société d'Encoura- gement pour l'Industrie Nationale voulut bien attribuer une de ses prin- cipales récompenses en 1891. Il est plus spécialement destiné aux recher- ches marines et pèse à peine vingt kilogrammes. Deux flasques parallèles en bronze, solidement boulonnées sur un socle en bois dur, forment le bâti. Afin d'atténuer les frottements, les poulies sont en bronze et leurs axes en acier. Disposés comme des sus-bandes d'affûts et tenus simplement (i) Archives de zoologie expérimentale cl générale, 3e série, vol, II, pp. :;09 à 672, pi. XXIII. (2) Comptes rendus de l'Académie des sciences, séances du 2a mai 1891 et du 6 juillet 1896, sur te Sondeur « E. Belloc ». É. BELLOC. — SONDEUB « É. BELLOC » loi par (les chevilles à ergot, les chapeaux des paliers sont très facilement démoniables. Un tambour, actionné par une manivelle (1) et maîtrisé par un frein automoteur, peut enrouler 2.000 à 2.S00 mètres de fil d'acier trempé, dit a corde à piano de ^ de millimètre, pouvant supporter un effort de plus de 40 kilogrammes et pesant lks,500 par longueur de 400 mètres ; 4 if- '..'-' - A' flasque en bronze, A' socle, B poulies, B' poulie métrique, C compteur, P paliers et sus-bandes, F fil d'acier G auget, H tourillons, M manivelle, B roue à rochet, f frein automoteur, m petite mani- velle ou bras de levier du fiein, S secleur, I poids de sonde, K lige de rétrier, L ressort et écrous de réglage, e étrier, b bras de l'auget, l ressorts et écrous de réglage du frein automoteur, N Digue, O point' d'attache de la bigue, Q galet, U chemin de roulement. soit : 1,500 400 0kg,375 par mètre. C'est donc beaucoup plus qu'il n'en faut, comme longueur et comme résistance, pour une petite machine portative de ce genre. Le diamètre très réduit du fil d'acier, annihilant pour ainsi dire les frottements, on peut employer un poids de sonde extrêmement léger, même pour les grandes profondeurs, sans que la sensibilité du frein auto- moteur soit diminuée. En quittant le tambour, le fil vient s'engager dans la gorge d une (1) La manivelle peut être remplacée par une poulie de transmission, permettant de relier l appa- reil à une machine à vapeur. lo2 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION poulie folle dont le déplacement horizontal régularise son enroulement sur la bobine. Descendant ensuite verticalement, il passe sous une deuxième poulie à moitié plongée dans un auget destiné à contenir les matières grasses qui doivent empêcher l'oxydation de l'acier, puis il remonte vers la poulie métrique, mise en rapport direct avec le compteur, et l'entoure presque entièrement. Finalement, après s'être engagé entre deux petits lourillons verticaux faisant office de cylindres guides, le fil vient se couder, presque à angle droit, sur une quatrième poulie fixée à l'extrémité d'une flèche destinée à éloigner la ligne du flanc de l'embarcation. Comme le modèle primitif, celui-ci est muni d'une roue à rochet per- mettant d'immobiliser la machine. En outre, une gorge, ménagée à gauche du tambour, reçoit la lame d'un frein automoteur. Ce frein est à double effet : actionné par l'opérateur, à l'aide d'une petite manivelle parcourant les différents points d'un secteur sur lequel on la fixe, il commande le mouvement rotatif du tambour et règle la vitesse du poids de sonde pen- dant la descente : dans tous les cas, étant sous la dépendance directe de la force de pesanteur qui s'exerce à l'extrémité de la ligne, il provoque l'arrêt instantané de la machine au moment précis où le plomb de sonde louche le fond. Une tige d'acier, entourée à son extrémité inférieure d'un ressort à boudin et muni d'écrous de réglage, est fixée en avant de l'auget. En haut, elle se termine par un étrier mobile en cuivre rouge, fonctionnant automatiquement, et destiné à arrêter le déroulement du fil quand la sonde est au bout de sa course. Par suite de ce nouveau dispositif, la ligne n'est plus exposée a quitter la gorge des poulies. Ainsi maintenu par l'étrier et ne pouvant se dérou- ler, le fil d'acier n'obéit plus au mouvement de torsion qui occasionne habituellement la formation de boucles ou coques, et provoque trop sou- vent sa rupture. De plus, au lieu d'être supporté comme précédemment par un bras attaché contre l'une des flasques et relié directement à la lame du frein, l'auget est fixé entre deux bras, dont les extrémités postérieures s'appuient sur l'axe horizontal qui soutient le levier du frein automoteur et oscille autour de lui. La bigue est démontable à son point d'attache 0, et au milieu de sa longueur. Pour atténuer les effets de tension provoqués par le mouvement des vagues, elle est munie d'un galet à sa partie inférieure qui lui permet de décrire, sur un chemin de roulement, un arc de cercle d'environ 180° sans que la marche de l'appareil subisse aucun arrêt. Le compteur est relié directement à la poulie métrique à l'aide d'un axe horizontal en acier, pourvu d'une vis sans fin. La grande aiguille est à frottement doux, il suffit de desserrer la molette qui la maintient pour la ramener très facilement à zéro. É. BELLOC. — SONDEUR « É. BELLOC » 153 Telles sont, très succinctement énoncées, les améliorations successives que j'ai apportées à mon grand modèle d'appareil de sondage à fil d'acier. « SONDEUR E. BELLOC » Modèle de /. kilogrammes. Dans le but de rendre cet appareil facilement transportable dans la haute montagne et jusque sur les bords des nappes lacustres les plus élevées, j'ai réduit le volume et simplifié les organes du modèle que je viens de décrire en le ramenant au poids et aux proportions de l'appareil originaire de i kilogrammes. Les principales modifications portent : sur l'épaisseur du bâti, qui esl ici en tôle d'acier de 0,002 avec cornières d'acier pour fixer l'appareil sur le socle ; sur le tambour en fonte, remplacé par une bobine en bois de buis sur laquelle a été rapporté le rochet ; sur le frein automoteur et la disposition des poulies de renvoi dont l'une a été supprimée. Afin de faciliter la manœuvre de la manivelle placée à droite du tambour, le compteur a été mis à gauche et, pour en rendre la lecture commode, le cadran est fixé obliquement d'avant en arrière, au lieu d'occuper une position verticale. La bigue ou flèche est formée au moyen d'un tube métallique d'une seule pièce, et ne possède pas de chemin de roulement. La bouterolle du levier qui commande le frein n'est plus excentrique, comme dans le modèle de 20 kilogrammes'; elle esl placée contre le bâti. L'étrier et les deux cylindres guides sont remplacés par une simple entretoise. Ainsi à peu près ramené au type primitif, ce petit instrument, construit d'abord pour l'administration des Ponts et Chaussées, est celui que M. l'in- génieur A. Delebecque utilise depuis 1892 pour exécuter les intéressantes recherches lacustres que l'on connaît. C'est également à l'aide d'un modèle analogue que je poursuis, depuis un grand nombre d'années, l'étude des lacs français et espagnols des Pyrénées, de ceux du littoral du golfe de Gascogne (Gironde, Landes, Basses-Pyrénées), des Vosges, etc. Les applications que peuvent recevoir les appareils décrits ci-dessus sont fort nombreuses. Ils se prêtent à toutes les expériences auxquelles peuvent être soumis les phénomènes naturels des eaux ou des fonds immergés : soit que l'on veuille étudier les stratifications thermiques ou les pressions barométriques : observer la couleur et la transparence de l'eau ; relever topographiquement les fonds sous-marins ou lacustres. loi GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION En dehors de l'élément liquide, ces instruments peuvent rendre de grands services pour mesurer toute hauteur verticale, falaise, gouffre, puits de mines, etc., dont le sommet est praticable et la base difficilement accessible. M, Eusèbe YASSEL Ancien capilaine d'armement et de navigation au canal de Suez, h Maxula-Radès (Tunisie). LES PORTS DE BOU-GRARA 927.2 611)] — Séance du 4 avril 1896 — I. — Utilité d'un port dans le sud. Dans une série de lettres de Tunisie, publiée primitivement au Journal des Débats en 1882 et qui a eu du retentissement, Gabriel Charmes écrivait (1) : « L'île de Djerba, dont la fertilité est prodigieuse et dont la position géographique au sud de la Tunisie, à quelques pas de la Tripolitaine, est militairement et politiquement admirable, serait un des joyaux de la Méditerranée si elle possédait un port. Mais il ne faut pas songer à lui en donner un, ce serait un travail d'un prix exorbitant. » Et plus loin (2) : « Lorsque le bateau, ayant traversé la ligne des récifs, arrive en face de Tripoli, on peut juger des avantages naturels d'un port dont l'incurie des Turcs ne sait tirer aucun parti. Plût au Ciel que nous eussions le pareil ■sur un point de la côte qui va de Tunis à Zarzisl » D'autre part, Elisée Reclus dit (3) : « Lorsque Gabès pourra recevoir les navires d'un fort tirant d'eau, nulle ville des possessions françaises n'offrira plus d'avantages pour devenir (1) Gabriel Charmes, la Tunisie et la Tripolitaine, 3° édition, 1888, p. 308. (2) Ibid, p. 353. f3) Eliske Reclus, Géographie universelle, t. XI, p. 20t. E. VASSEL. — LES POnTS DE BOU-GRARA loo le point de départ d'une voie ferrée transsaharienne vers lelacTzadé; de là aussi partira la voie longitudinale se dirigeant de mer à mer au sud do l'île du Maghreb. » Hélas ! un chemin de fer transsaharien construit par nous et pour nous est pure utopie, parce que nos qualités et notre organisation sociale ne sont pas celles des Anglais, des Américains ni des Russes. Gabès, malheureusement, n'abritera jamais que les bateaux de pêche; dans un siècle comme aujourd'hui, les navires y mouilleront sur rade, où la houle règne presque en permanence, où l'embarquement et le débar- quement sont généralement pénibles, où il est souvent impossible d'opérer. Des deux autres mouillages de notre sud, l'un, Houmt-Souk, port actuel de Gerba, se trouve dans les mêmes conditions que Gabès, avec cette aggravation que les bâtiments y sont en rade foraine à neuf kilo- mètres de terre ; l'autre, Zarzis, est moins mauvais, mais c'est encore une simple rade exposée aux vents de la moitié de la rose. Et pourtant, nous en avons la conviction, dans un avenir prochain, le port rêvé par Charmes et par Reclus s'ouvrira aux navires, servant de tête à une grande voie commerciale qui reliera le Soudan à la Médi- terranée. II. — Le lac de Bou-Grara. Entre Gabès, Houmt-Souk et Zarzis, cent cinquante kilomètres plus au sud que Biskra, il existe un vaste bassin naturel, parfaitement abrité, d'une défense facile, merveilleusement situé au point de vue stratégique et à celui du commerce. C'est la baie inexplorée des anciennes cartes, le Bahiret-bou-Grara des indigènes. Les fonds y sont suffisants pour les plus grands navires. L'approfon- dissement du chenal d'accès en ferait un admirable port de guerre. Mais indépendamment de l'arsenal et sans qu'il en puisse résulter aucune gêne réciproque, il y a place dans le lac pour un excellent havre de commerce. Cet emporium existait du temps des Romains, et il en reste des traces bien visibles. Gigthis était manifestement une ville opulente, avec ses édifices ornés de marbres précieux, ses statues colossales, sa large ceinture de villas et de fermes. Ancien marin, ayant eu longtemps à nous occuper des questions de canaux et d'aménagement de ports, nous ne pouvions manquer d'être frappé, quand parurent les cartes 4243, 4245 et 4316 du dépôt de la marine, des magnifiques avantages du lac de Bou-Grara. 136 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION Depuis lors, nous en étudions l'utilisation, et nous sommes arrivé à la conclusion qu'elle admet trois phases successives : 1° Adaptation du lac au grand cabotage ; accessoirement, création d'un refuge bien outillé pour les torpilleurs et canonnières; 2° Création d'un port en eau calme pour les paquebots qui fréquentent le littoral tunisien et ouverture du lac aux bâtiments légers d'escadre ; 3° Ouverture du lac aux plus grands navires. La première de ces mesures est absolument urgente, non seulement parce qu'elle préparera les deux autres, mais encore parce qu'elle est indis- pensable pour restituer à la Tunisie le trafic transsaharien dont ce pays avait autrefois le monopole et qui emprunte aujourd'hui la voie de Tripoli. Nous allons montrer qu'elle ne présente pas de difficultés sérieuses. Elle est, d'ailleurs, susceptible de morcellement. III. — Économie du projet. L'économie de notre projet consiste : 1° A réserver intégralement à l'Etat l'emplacement de l'ancienne Gigthis et ses environs, ainsi que le bassin des fonds de huit à onze mètres dans la partie sud-ouest du lac (fosse de la baie de Bou-Grara) ; 2° A éviter de grever les finances tunisiennes ; 3° A donner aux paquebots, entre Gabès, Houmt-Souk. et Zarzis, une escale infiniment préférable à chacun de ces trois mouillages; 4° A ouvrir, dès à présent, au grand cabotage un port en eau tranquille et à y créer les installations nécessaires pour desservir commodément Gerba d'une part, le continent de l'autre ; o° A mettre ce port en relations régulières et faciles, tant avec l'extrême sud tunisien et son liinterland, qu'avec Tunis et Marseille ; 6° A préparer graduellement la création d'un port en eau tranquille, accessible en tout temps aux paquebots calant moins de six mètres. IV. — Mouillage des paquebots. Les paquebots mouilleront devant la passe de l'est du canal d'Adjim, en dehors d'une bouée à gaz Pintsch visible à huit milles, qui sera placée sur la courbe des fonds de six mètres. L'abri y est excellent du nord-nord-est au sud-ouest en passant par le sud ; bon du sud-ouest au nord-nord-ouest (la distance à la terre croissant graduellement de dix kilomètres à soixante-quinze) ; passable encore du nord-nord- ouest au nord-nord-est. car on y est sous le vent des îles E. VASSEL. — LES PORTS DE BOU-GRARA 157 Keikennah et de la partie de la cote comprise entre l'île Knéis et le cap Kapoudiah. On sait d'ailleurs que par suite de la décroissance lente et régulière de la profondeur dans le golfe de Gabès, la lame du large, sans déferler, s'y amortit complètement, bien avant d'atteindre les fonds de sept à huit mètres, qui seront ceux du mouillage. Les marchandises seront transbordées sur des mahonnes, les passagers sur un remorqueur ponté. Ceux-ci, de cette façon, n'auront point à souf- /c pointillé marque la fonds de trois mètre/uj basses mers. frir du clapotis qui se produit parfois en rade ou même (avec vent d'est et courant de flot) dans certaines parties du canal, et qui n'est gênant que pour les embarcations légères. V. — Chenal. La passe de l'est du canal d'Adjim étant, des deux, la seule vraiment •praticable, on y supprimera un petit seuil sur lequel il existe déjà 2m,20 d'eau, de façon à obtenir un chenal de trois mètres de profondeur aux plus basses mers. Les navires d'un tirant d'eau de quatre mètres pourront ainsi entrer à mi-marée. 158 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION La partie draguée aura trente mètres de largeur au plafond et sera bordée de pieux d'amarrage, ce qui, même avec vent debout, permettra souvent aux voiliers de la franchir sans remorqueur, en s'aidant des courants. Les déblais n'atteindront pas trois mille mètres cubes, et comme le fond est de sable à la surface, il y a des chances pour qu'on ne trouve que peu de roche à faire sauter. Le balisage du chenal sera complété au moyen de balises fixes marquant la limite des fonds de trois mètres et surmontées d'un fanal qu'on allu- mera dans certaines circonstances, par exemple lorsqu'il faudra charger ou décharger de nuit un navire mouillé en rade. VI. — Sémaphore. Les déblais provenant du dragage du chenal seront employés à créer un petit terre-plein, sur un banc qui affleure aux basses mers moyennes de vive eau, 2.750 mètres dans le nord 11° Est des ruines romaines que la carte n° 4243 désigne sous le nom d'Enshir-Rzel. Un perré protégera l'îlot factice, sur lequel on installera un poste de vigie relié téléphoniquement au siège de l'exploitation. Ce poste servira à communiquer avec les navires en rade ou dans la passe ; il signalera la hauteur de l'eau et le sens du courant. Le chef du poste remplira les fonc- tions d'agent sanitaire et de pilote-major. Quand un paquebot sera attendu, les mahonnes chargées ou vides et le remorqueur stationneront à l'abri du terre-plein; comme ils y seront à moins de trois kilomètres et demi du mouillage, on évitera ainsi toute perte de temps. Un fanal permettra aux petits navires arrivant de nuit de venir mouiller en eau calme auprès du sémaphore. VII. — Appointements. Des appontements en fer seront construits : 1° A El-Djorf (littoral nord-est de la presqu'île des Ouled-Mehabel), devant une des dépressions de la falaise; 2° Aux environs d'Adjim ou Ajim (île de Gerba) ; 3° Au fond du lac, près de Hassi-Shérif. Ces appontements seront inunis d'une prise d'eau, d'une grue, d'une voie ferrée conduisant à un hangar, etc. E. VASSEL. — LES PORTS DE BOU-GBARA 159 Le premier permettra en tout temps l'accostage des bâtiments calant quatre mètres ; il n'aura pas néanmoins une longueur exagérée. Les deux autres atteindront les fonds de lm,50 aux plus basses mers; les navires mouilleront en face, à 900 ou 1.000 mètres pour Adjim, 400 ou 500 pour Hassi-Shérif. El-Djorf sera à dix kilomètres du mouillage des paquebots, Adjim à douze et Hassi-Shérif à trente-cinq ou trente-six; mais le trajet se fera presque tout le temps en eau calme, et, par remorqueur, demandera moins d'une heure pour les deux premières stations, moins de trois heures pour la dernière. VHL — Moyens de communication, établissements divers d'intérêt public. Si l'on ne prenait soin d'organiser le trafic, le port de Bou-Grara n'aurait longtemps qu'une existence précaire ou même nominale. On obtiendra indubitablement une escale des paquebots qui font la côte ; mais à défaut, il serait nécessaire d'assurer les communications au moyen d'un petit vapeur effectuant un service hebdomadaire dans les deux sens entre Hassi-Shérif et Sousse, terminus méridional de notre réseau ferré, avec escales à Adjim, El-Djorf, Sfax, Mahedia et Monastir. Plusieurs voiliers feront la navette entre Bou-Grara et Marseille. Un bac à voiles mettra Adjim en communication avec la terre ferme. Il sera créé de nouvelles pistes ; des services réguliers de voitures ou de courriers à cheval relieront Adjim à Houmt-Souk, El-Djorf à Médenine par Gigthis, Hassi-Shérif à Zarzis, etc. Une factorerie pour le commerce d'échanges avec les caravanes de Hhadamès sera établie à Tataouïn, notre poste militaire le plus méri- dional, ou peut-être à Reinada, 90 kilomètres plus au sud. M. le comman- dant Pichot, commandant supérieur du cercle de Médenine, nous a manifesté l'opinion qu'il serait aisé d'agrandir cette petite oasis et qu'elle conviendrait comme entrepôt du trafic tuniso- saharien. I>e nouveaux puits seront creusés et des fnadeq (caravansérails) ou des refuges de nuit construits sur les points où on le jugera utile. El-Djorf aura une hôtellerie, un dépôt de charbon ; une cale de halage et des ateliers rudimentaires y permettront le radoub des petits bâtiments ; un bazar y débitera les denrées alimentaires et les articles usuels tant qu'il n'y existera pas de magasins privés. Ultérieurement, un sanatorium hivernal sera créé dans la presqu'île des Ouled-Meliabel, bien supérieure à Biskra par le climat, par le sol et par sa situation sur une nier intérieure. 160 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION IX. — Moyens financiers. La concession du port de commerce de Bou-Grara ne peut être donnée qu'à une Société française qui, ayant tout à créer, devra être à la fois maritime, commerciale, agricole et industrielle. Ce sera, si Ton veut, une Compagnie de colonisation en miniature. Les concessionnaires seront autorisés, naturellement, à percevoir des droits d'ancrage, de navigation, etc; mais ces taxes devront être très modérées pour ne pas entraver le commerce, de sorte que les receltes futures ne peuvent guère entrer en ligne de compte. D'autre part, les charges seront sérieuses. Outre la rémunération des capitaux consacrés au premier établissement, l'entretien des installations et du chenal, les dépenses d'administration, il faudra assurer les services de l'éclairage, du pilotage et du remorquage, celui du transbordement des passagers et des marchandises, celui des moyens de communication, etc. Quelques-uns de ces services couvriront leurs frais ; mais la plupart seront onéreux pendant bien des années : ce n'est qu'indirectement qu'ils rapporteront, en augmentant la fortune publique. Les entrepreneurs auront donc droit à une compensation qui leur assure un bénéfice légitime. Mais cette soulte, comment le gouvernement du Protectorat pourra-t-il la fournir sans grever son budget? D'un examen sérieux de la matière, il résulte que le but peut être atteint au moyen de subventions en nature : franchises diverses ; conces- sions de terres domaniales, de pêcheries, de salines ; puits artésiens forés pour le compte de la Compagnie concessionnaire, etc. >*ous ne nous étendrons pas davantage sur ce côté de la question, ne rédigeant point ici le prospectus d'une entreprise encore dans les limbes. X. — Mouvement du port. Si nous admettons que les recettes seront longtemps insignifiantes, c'est que nous supposons des droits minimes, et non que notre port doive être un seul moment sans trafic. Houmt-Souk et Zarzis ont eu ensemble en 1894, d'après les chiffres officiels, un mouvement de 12.305 tonnes de marchandises et de 7.232 passagers ; Bou-Grara en prendra certainement les neuf dixièmes, ou 11.000 tonnes et 6.500 passagers. A Gabès, le.mouvement a été de 22.801 tonnes de marchandises et de 0.805 voyageurs : il est permis de présumer que le nouveau port détournera le quart de ce trafic, soit 5.700 tonnes et 1.700 passagers. Gabès n'y E. VASSEL. — LES PORTS DE BOU-GRARA 1(31 perdra rien : l'emprunt sera compensé par l'accroissement général des transactions qu'amènera dans Je sud l'ouverture du nouveau port. Nous comptons donc sur 16.000 tonnes et 8.000 passagers pour com- mencer. Ces chiffres grossiront vite. La population de l'extrême sud ne peut être évaluée à moins de 120.000 âmes, dont 52.000 pour Gerba (1) ; et ses besoins comme ses ressources augmentent chaque jour à notre contact. Elle va d'ailleurs s'accroître rapidement, maintenant qu'elle est parfaite- ment pacifiée. Enfin, l'ouverture du port ne peut manquer d'attirer la colonisation dans îa presqu'île des Oulcd-Mehabel et dans celle des Acara, régions qui, à l'époque romaine, étaient aussi peuplées et aussi fertiles que Gerba, et où l'on peut actuellement acquérir des terres à vil prix. Mais là n'est pas tout l'avenir de Bou-Grara ; qu'on ne se ligure point que l'accaparement du trafic de Rhadamès soit un rêve irréalisable. M. le commandant Rebillet, premier attaché militaire à la résidence générale, qui connaît le sud tunisien aussi bien qu'homme au monde, écrivait en août 189o (2) : « A notre portée passe une voie transsaharienne, Kano, Air, Rhat, Rhadamès, qui a son débouché naturel vers le sud de la Tunisie. Ce débouché fonctionnait autrefois ; par suite de certains obstacles, il a été abandonné pour un autre très excentrique, vers Tripoli. Ces obstacles, qui provenaient de l'hostilité et des razzias des tribus tunisiennes, ont disparu depuis que ces tribus sont pacifiées. » Le moment est venu de rendre au courant qui passe à Rhadamès son «ours régulier en le dérivant du côté de la Tunisie. » La route de Rhadamès au sud tunisien est d'un quart plus courte que celle de Tripoli ; elle est plus riche en eau. » Nous pouvons compter, sur la route qui relie Rhadamès à la Tunisie, sur un fort appoint provenant du commerce saharien pour le ravitaille- ment de Rhadamès et des Touareg. « Notre action immédiate, se bornant pour le moment à agir sur le marché de Rhadamès et de Rhat pour leur faire adopter le débouché tuni- sien, nous met à même d'agir sur un mouvement commercial représentant un chiffre d'affaires de quatre à cinq millions, que nous pouvons attirer tout entier sur la Tunisie, puis développer dans une certaine proportion. » <1) Dans un des volumes delà belle et semi-officielle publication qui vient d'être distribuée, par les soins du gouvernement du Protectorat, aux membres du Congrès de Carthage {La Tunisie, histoire et description, t. !»■■), la population de Gerba est évaluée à 40.000 âmes à la page 8 et à 64.000 à la page 479. Comme il est tout à fait invraisemblable qu'elle se soit accrue de 24.000 âmes pendant l'impression du volume, nous prenons la moyenne. (2) Cl Rebillet, Les Relations commerciales de la Tunisie avec le Sahara et le Soudan, 1895. 11* 162 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION De renseignements qu'a bien voulu nous fournir M. le commandant Pichot, il résulte qu'entre le commencement de juillet et le 26 décembre 1895, il est arrivé à Tataouïn cent vingt-six caravanes de Rhadamsiens, et cinq ou six caravanes se sont formées dans ce poste à destination de Rhadamès. On le voit, les relations sont nouées. Si les gens de Rhadamès n'apportent pas encore de marchandises soudanaises, c'est qu'une tentative de ce genre faite par l'un d'eux en 1893 a eu des résultats désastreux, ce négociant n'ayant pas trouvé le placement de sa pacotille à Gabès ni même à Sfax. A cela remédiera notre factorerie. XI. — Port pour les paquebots. Un port de commerce en eau profonde (six mètres aux plus basses mers) sera créé ultérieurement à El-Djorf. L'abri y est tout aussi bon que dans le fond du lac, et c'est le seul point où des appontements assez courts puissent permettre aux paquebots de décharger directement sur charrettes ou sur wagons. Comme les vapeurs n'auront généralement à Rou-Grara qu'une escale, ils trouveront grand avantage à ce que le port soit aussi près que possible de l'entrée. Il n'y aurait d'ailleurs aucun intérêt à les faire aller plus loin, puisqu'il faudrait quand même y transborder les marchandises destinées au sud ou en provenant ; le transport de ces cargaisons entre El-Djorf et Hassi-Shérif se fera plus économiquement par mahonnes que par le paquebot, celui-ci ayant des frais généraux importants et devant déplacer un poids mort de 800 à 1.000 tonnes (de beaucoup plus quelquefois), pour laisser et prendre un tonnage de marchandises généralement peu élevé. Les dragages nécessaires pour permettre aux paquebots qui fréquentent le littoral tunisien d'entrer jusqu'à El-Djorf ne représentent point un cube considérable : les trois seuils à enlever ne font ensemble qu'une longueur de 1.850 mètres, et il y existe déjà plus de 3m,50 d'eau en moyenne. Superficiellement, le fond est de sable. Mais il y a une inconnue, et même deux. Sous une mince couche sablonneuse, ne trouvera-t-on point la roche ? Et s'il en fallait extraire quatre-vingt à quatre-vingt-dix mille mètres cubes, quels frais énormes ! On peut affirmer que les deux tronçons intérieurs du chenal dragué n'exigeront aucun abri et se conserveront même presque sans curages ; le fait ressort des conditions géographiques et hydrographiques. En sera- t-il de même du tronçon extérieur ? Pour empêcher celui-ci de s'ensabler trop rapidement, deux brise-lames latéraux ne seront-ils point nécessaires? E. VASSEL. — LES PORTS DE BOU-GUARA 163 La construction de cûs ouvrages, de même que l'extraction d'un banc de roche de quelque importance, accroîtrait la dépense dans une mesure actuellement hors de proportion avec les résultats à obtenir. En ce qui concerne les jetées, il convient de remarquer que les pré- somptions sont assez favorables. Partout le sable est couvert d'héritiers, ce qui dénoterait qu'il est peu mobile et que la barre de l'entrée ne s'est formée qu'à la longue ou qu'elle est d'origine géologique. Il règne d'ailleurs dans le chenal des courants violents (atteignant jusqu'à trois ou quatre nœuds) qui en suivent les sinuosités et qui doivent contrarier les apports. Mais par contre, les probabilités paraissent être pour l'existence de bancs rocheux. Quoi qu'il en soit, nous estimons qu'on ne peut dresser même un avant- projet pour le canal des paquebots avant d'avoir déterminé une coupe longitudinale au moyen de sondages rapprochés et poussés jusqu'à six mètres sous basses mers, et étudié deux ou trois ans, à l'aide de fosses, le régime des sables sur la barre. Ces études seront faciles à partir de l'inauguration des travaux pour l'ouverture du lac au grand cabotage. XII. — Conclusion. Notre conclusion sera brève. De tout ce que nous venons de dire, il nous paraît résulter que l'ouverture d'un port de commerce dans le lac de Bou-Grara est non seulement possible, mais relativement facile ; et qu'autant cette œuvre sera profitable à la Tunisie, autant elle sera patrio- tique. CARTES A CONSULTER. 1° Service géographique de l'armée : Carte de la Tunisie au 1/ 800.000e (1894). Carte de reconnaissance de la Tunisie au 1/ 200.000e : Feuilles 23 (Gabès), 28 (Ksar-Médenine), 29 (Zarzis) et 32(Douirat). 2° Service hydrographique de la marine : N° 4243. Canal d'Adjim. Entrée ouest du Bahiret-El-Bou-Grara, 1888. Echelle, 1/25.000". N° 4J2i5. De Sidi-Garus à Zarzis, Bahiret-El-Bou-Grara, 1889. Echelle, •1 / 65.000e environ (24 millimètres pour 1 minute de longitude). N° 4310. De Sfax au Ras-Ashdir, 1890. Échelle de 270 millimètres pour 1 degré de longitude. Voir aussi Instructions nautiques sur les côtes de Tunisie, 1890. 164 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION M. Jules POISSON Assistant au Muséum d'Histoire naturelle, à Paris. ÉTUDE SUR LES PLANTATIONS URBAINES ET CELLES DE PARIS EN PARTICULIER [715] — Séance du 4 avril 189G — Le présent mémoire est le résultat d'observations multiples faites pen- dant plusieurs années, et relatives aux conditions pratiques et économiques des plantations urbaines (I). L'importance prise par le Service des plantations dans les grandes villes a donné lieu à de nombreuses tentatives, ayant pour but d'en améliorer la composition et le fonctionnement, et qui ont été la préoccupation de plusieurs ingénieurs fort distingués. Aussi pourra-t-il paraître téméraire d'écrire sur cette question, après les efforts de l'Administration des villes et de celle de Paris en particulier, pour la résoudre. Néanmoins, et malgré les succès incontestables obtenus dans cette voie, on peut se demander s'il n'y aurait pas quelques propositions nouvelles à faire, dans l'espoir de voir les boulevards et les avenues encore mieux ornés par l'horizon de verdure que l'on s'applique à y maintenir, en soumettant quelques observations jugées utiles, et qui seront d'ailleurs présentées avec réserve. Si, au demeurant, de légères critiques étaient émises dans ce travail, elles auraient été précédées, depuis plusieurs années déjà, par celles de fonctionnaires et de journalistes de talent qui ont publié de justes réflexions sur le même sujet (2). On sait que les conditions dans lesquelles sont placés les arbres dans une grande ville sont des plus mauvaises, si surtout celle-ci renferme des (1) Une analyse de ce mémoire avait été communiquée à l'un des Congrès antérieurs de l'Associa- tion en 1889. Mais, par suite d'objections assez vives de la part du Président de la Section à laquelle elle avait été soumise, l'auteur en avan réservé le manuscrit. — Depuis cette époque, à la sollici- tation d'un délégué de la municipalité de la ville de Manchester, en Angleterre, des notes extraites de ce travail ont été confiées à la Commission chargée d'étudier les plantations de cette grande cite manufacturière, et ces notes ont été estimées suffisantes, pour mériter d'être traduites et imprimées dans le rapport présenté à la municipalité de Manchester. [Town Gardeninq Section, Manchester Field Naturalist s' Society, 1890.) (2) Nanot, Restauration et rajeunissement des Platanes. Emile Gautier, Annales politiques et littéraires, 6 mars 1892. Ed. André, Revue horticole, 1 887. J. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 1(35 usines et des manufactures. L'atmosphère est viciée par des émanations préjudiciables aux végétaux ; elle tient en suspension des particules redou- tables pour eux : la poussière soulevée sans cesse, en temps de sécheresse, par le vent ou la circulation des habitants, le noir de fumée, etc., couvrent les feuilles et les fleurs et ont sur elles une action nocive indubitable. C'est à ces inconvénients que l'on doit l'éloignement des maraîchers et des horticulteurs des grands centres, aussi bien à Paris qu'ailleurs. Aussi faut-il lutter pour y entretenir des plantations en bon état, à quelque essence qu'elles appartiennent. Il faut reconnaître que pour Paris on avait déjà des points de compa- raison sur la résistance de certains arbres aux agents extérieurs, au sol insuffisant ou défectueux, etc. ; mais pour avoir des notions suffisantes sur ce sujet, fallait-il encore qu'elles fussent acquises par l'expérience et par des observations suivies. L'origine des plantations, telles qu'elles sont organisées actuellement, date du dernier Empire. Plusieurs d'entre nous, qu'un demi-siècle a épargnés, se souviennent des vieux quartiers parisiens : la Cité, les abords de l'Hôtel de Ville, les quartiers du Temple, Saint-Martin, etc., où l'air et la lumière étaient disputés par les habitants. Cependant on se rappellera que si les voies étaient étroites, il existait, à l'intérieur de beaucoup d'im- meubles de certains quartiers, des cours spacieuses, voire même des jardins faisant partie des propriétés et qui ont disparu par suite de la loi d'ex- propriation, sans laquelle les transformations rapides auxquelles nous avons assisté n'auraient pu s'accomplir. A partir de l'époque où les grandes voies furent faites, et alors que les immeubles anciens étaient remplacés par de nouveaux sans dégagements intérieurs, mais presque entièrement en façade, les habitudes changèrent promptement. C'est dans les rues que la vie se transporta, et en même temps que l'Administration créa judicieusement les plantations en ligne et imagina la formation des squares, les établissements de distraction se multiplièrent avec rapidité, aussi bien à Paris que dans les villes de la province. Les plantations prirent alors une importance telle que des services spéciaux étaient institués et devenaient indispensables. Mais si ces services prenaient une grande extension à Paris et dans les autres grandes villes, l'aménagement et le choix des essences les mieux appropriées à cette destination devenaient un sujet d'étude dendrologique et pratique qui s'imposait. Aux données anciennes il fallait en ajouter de nouvelles et arriver par tâtonnements, à triompher des conditions mauvaises du sol et de l'atmo- sphère d'un milieu ayant un mouvement de véhicules et de population considérable. 166 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION Des hommes compétents durent s'occuper de cette question, plus diffi- cile à résoudre qu'on ne pourrait le penser tout d'abord, et à l'heure présente elle ne paraît pas encore épuisée. L'expérience avait déjà démontré que la résistance des Ormes, des Platanes et des Érables était indiscutable ; que, comme arbres à feuillage hâtif, les Marronniers, les Tilleuls et les Érables étaient précieux ; cepen- dant comme les conditions différentes dans lesquelles se trouvaient ces arbres ne donnaient pas toujours les résultats que l'on en attendait, soit comme durée de feuillage, soit comme résistance ou effet pittoresque, il restait donc à s'enquérir des causes d'insuccès. Au début de l'entreprise des plantations, le Service ne fut sans doute pas inspiré par des arboriculteurs de profession , car plusieurs tentatives hasardeuses furent faites et suivies d'autant de mécomptes inévitables. On plantait sur la voie publique des espèces d'arbres les plus diverses, qui devaient bien être étonnées de s'y voir, et qui périclitaient infailliblement peu de temps après leur mise en place. On ne peut oublier, entre autres innovations, celle des Chênes d'Amé- rique dont on avait garni le quai qui longe les Tuileries, à Paris, et cela dans le but probable de flatter le souverain qui, des fenêtres de son palais, put voir en nature le feuillage emblématique des héros. Malheu- reusement l'espèce de Chêne choisie se trouva être une sorte trop délicate pour la région parisienne, et en dépit de tous les soins imaginables, au bout de trois ans les cent cinquante arbres plantés sur ce quai n'existaient plus. On se souviendra également des essais infructueux tentés, vers la même période, lorsque le tracé des grandes voies et la formation des places à Paris, avait suggéré aux ingénieurs la prétention d'orner rapidement l'espace au moyen de la transplantation de gros arbres et parfois à contre- saison. C'est ainsi qu'on renouvela deux ou trois fois les Marronniers de la place de la Bourse, et au moins autant ceux de la place du Chàtelet. On voulait, comme on l'avait essayé sans succès d'ailleurs, du temps de Louis XIV à Versailles, garnir de suite avec des arbres tout formés. On a à peu près renoncé à cette pratique aussi coûteuse qu'illusoire. C'était donc dans des conditions normales, c'est-à-dire en prenant de jeunes sujets, qu'il fallait opérer ces plantations, et c'est ce qui se fait maintenant, sauf de rares exceptions (1). Il y a eu aussi progrès, un peu lent mais évident, quant au choix des essences à utiliser. L'Administration, depuis une dizaine d'années, a essayé dans les quartiers suburbains notamment, des sortes d'arbres que l'on ne voit pas d'ordinaire ou du moins accidentellement sur les voies publiques : (1) Cependant on est arrivé aujourd'hui, avec des efforts dispendieux, à déplacer des arbres d'une grande taille, et qui reprennent peu ou prou, mais le contribuable ignore ce que cela coûte. I. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 167 tels sont les Tilleuls argentés, les Érables laciniés, les Paulownias, et enfin quelques plantations relativement récentes d'Érables planes et d'Erables Sycomores, espèces un peu trop négligées et auxquelles il faudrait revenir. Ce serait-peut être en ce point qu'il conviendrait de mentionner les principales essences d'arbres utilisées jusqu'alors, ou susceptibles de l'être, en accompagnant chacune d'elles de quelques détails historiques ou des- criptifs et qui, je le souhaite, ne paraîtront pas superflus. Toutefois, il ne semble pas nécessaire d'indiquer une grande quantité d'espèces à faire intervenir, ce qui pourrait être un embarras dans les pépinières et un trouble dans le Service. Un nombre restreint de sortes d'arbres paraît devoir être mis en œuvre pour cet usage. L'on a déjà un choix assez étendu avec celles qui sont employées, et avec des soins d'aménagement, de direction et de culture, on obtiendrait certainement des individus de meilleure venue. ARBRES DÉJÀ EMPLOYÉS ET ARBRES A PROPOSER POUR LES PLANTATIONS URBAINES L'Orme (Ulmus campestris), spontané en Europe, est incontestablement l'essence la plus résistante dans les plantations, avec le Platane dont il sera question plus loin. Comme qualité de son bois, pour les usages industriels et le chauffage, l'Orme est de première valeur. C'est dans les campagnes plutôt que dans les villes qu'il acquiert tout son développement, abstraction faite de quelques vieux exemplaires qui ont été conservés dans les propriétés particulières ou des admi- nistrations de l'État à Paris même. Dans l'intérieur des villes, l'Ormeau prend souvent des formes défectueuses ; il se chancre ou perd peu à peu ses branches du bas, surtout avec la mauvaise hahitude de ne pas rabattre en temps utile les branches trop longues, comme on le constate dans les plantations parisiennes. L'Orme est un arbre de haute futaie qu'il ne faut pas laisser, sur nos boule- vards, abandonné à lui-même et prendre telle forme qui lui plaira. En peu de temps sa ramure, démesurément longue, va se porter jusqu'aux fenêtres des immeubles en bordure et incommode les riverains. Cette essence supporte bien la taille, et c'est un moyen de la faire bourgeonner sur le vieux bois. On devrait de préférence faire choix de races d'Ormes à larges feuilles et à rameaux flexibles, faisant pendant longtemps un dôme de verdure à l'arbre qui les porte. L'Orme de montagne (Ulmus montana) et sa variété dite « Orme de Hollande » devraient être essayés. La surface rude des feuilles des Ormes est due cà des poils courts qui les recouvrent, et ceux-ci retiennent facilement la poussière qui nuit à tous les végétaux: mais alors, au moins pendant les premières années de plantation, on pourrait aviser à un procédé d'aspersion d'eau, à un bassinage, durant la saison sèche, ce qui ne semble pas impraticable, comme on le verra au chapitre des arrosements. Dans la même famille que l'Orme nous trouvons le Zelkova ou Planera 168 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION crenata, de la région caucasique, introduit en Europe très anciennement et qui est d'une rusticité extraordinaire. Les qualités de son bois passent pour être supérieures à celui de l'Orme. Les feuilles du Planera sont élégamment dentées et ne retiennent pas la poussière comme celle des Ormes. Pendant les quinze ou vingt premières années de plantation surtout, le Zelkova est un arbre fort élégant. Lors du percement de l'avenue de l'Opéra, sous l'Empire, l'amorce du côté nord avait été plantée de Planera qui, peu d'années après leur mise en place, faisaient l'admiration des citadins. Mais quand l'achèvement de l'avenue fut décidée, l'architecte de l'Opéra, craignant sans doute que son œuvre fût mas- quée, fit enlever les Zelkova. Cette mesure fut regrettable, car avec des arbres de moyenne taille, le point de vue n'y aurait rien perdu, et l'horizon y eût beaucoup gagné. Cette essence a l'écorce lisse, elle ne prend pas le chancre, et n'est pas attaquée par le scolyte comme l'Orme. Le Platane (Platanus orientalis), déjà remarqué du temps d'Alexandre, est d'une valeur incontestable par sa vigueur et l'abondance de son couvert. C'est à J. Decaisne que l'on doit son adoption dans les plantations, et l'on peut dire que l'on en a abusé. Cet arbre forme rapidement un épais ombrage, et surtout s'il est soumis, comme dans le Midi, à une taille appropriée. Cependant comme c'est une essence de haute taille et qui acquiert promptement de fortes dimen- sions, comme l'Orme, on est contraint de le mutiler au bout de peu d'années pour le maintenir sur nos boulevards, alors qu'il faudrait le remplacer. Le Platane est certainement l'arbre qui a prêté le plus à la critique pour l'espacement insuffisant que l'on donne aux sujets plantés en ligne, et cela de l'aveu même de fonctionnaires chargés du service des plantations (1). Dans le Midi on dirige le Platane différemment qu'à Paris et à Lyon. Au lieu de le laisser croître avec sa forme pyramidale, on l'étête peu de temps après sa plan- tation ; il envoie alors des branches horizontalement et forme une tête de Saule : puis la cime s'étale, s'arrondit et fait une ombre épaisse, en sorte que l'arbre reste longtemps bas et couvre une plus grande surface. On le maintient, s'il le faut, dans cette forme par un élagage, qu'il n'est pas nécessaire de répéter plusieurs fois. On sait que le Platane supporte très bien la taille et c'est même un moyen de l'empêcher de fleurir pendant quelque temps, et il donne alors de plus belles feuilles. Un des inconvénients de cet arbre est de produire, quand les fruits se désa- grègent à maturité, une quantité de poils roux qui excitent à la toux, ou bien que redoutent beaucoup de commerçants dont les marchandises sont plus ou moins imprégnées de ces poils que le vent entraîne, et qui pénètrent dans les boutiques du voisinage par toutes les issues possibles (2). Les Érables ont été autrefois très employés avant que lePlalane les eût détrônés. Ce seraient des arbres de plantations urbaines par excellence si l'on voulait attendre patiemment qu'ils aient atteint une ampleur suffisante. Leur crois- sance est moins rapide que celle des Platanes ; mais avec les soins dont on entoure les arbres maintenant, les Érables se formeraient en peu d'années. Leur mérite est d'être très résistants et peu difficiles sur la qualité du terrain, enfin (1) Voy. Nanot Restauration et rajeunissement des Platanes, p. S et 6. P. Bom.meh Les Platanes et leur culture p. 22 et 23. (2) On ne se doute pas que de nombreux riverains se livrent clandestinement à des manœuvres ayant pour but de faire périr les arbres qui leur nuisent, et les Platanes en particulier. .1. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 109 de n'atteindre, même avec l'âge, qu'une taille modérée. On en voit de beaux exemplaires, à Paris même : quai de Sully, quai Saint-Bernard, etc. L'avenue de Versailles, à Auteuil, ainsi que plusieurs boulevards longeant les fortifications de la ville et qui sont plantés d'Érables, sont des exemples concluants de reflet que peuvent produire ces arbres. Du commencement d'Avril au mois de Novembre, les Erables sont garnis de feuilles, et la chute de leurs fruits n'est une gêne pour personne. Deux espèces sont employées de préférence : l'Érable plane (Acer platanoides) et l'Érable Sycomore (Acer pseudo-Platanus) tous deux européens. Le premier est plus élégant, son feuillage est plus clair et gracieusement découpé; le second a les feuilles d'un vert plus foncé, mais il est un peu plus robuste dans nos villes. La direction des Érables est facile ; à peine ont-ils besoin d'êlre taillés dans le ïeune âge, et désormais ils se formeront d'eux-mêmes une tête arrondie et bien fournie. Ces arbres ne sont pas assez utilisés dans les plantations. On a essayé les Érables Négundo, ou à feuilles de Frêne, et les Érables à feuilles laciniées, mais ils ne sont pas recommandables au centre des villes. Le Marronnier d'Inde (.Esculus Hippocastanum), qui ne vient pas de l'Inde, mais qui est originaire de la Grèce, est une des essences les plus employées pour les plantations. Isolé dans un parc ou un square, c'est un arbre superbe. Il donne des teuilles de bonne heure et fleurit de même, mais dans les grandes villes surtout, il se dégarnit beaucoup plus tôt que les autres essences. Le Marronnier passe pour ne pas supporter la taille; c'est une erreur, comme le prouvent les élagages fréquents des avenues plantées de cet arbre. On a préconisé avec raison les Marronniers à fleurs doubles, et ils devraient être plus répandus. Ceux-ci ne donnant pas de fruits, les passants n'auraient pas à redouter leur chute, et les enfants ne se livreraient pas à un excercice trop connu pour les atteindre. Le Marronnier à fleurs rouges (.Esculus rubicunda), au feuillage plus foncé et à croissance plus lente que le Marronnier ordinaire, est un peu négligé. C'est, à mon avis, un avantage pour des arbres de plantations de ne pas pousser trop rapidement. Cette espèce passe pour être un peu moins résistante que la précédente. Le Peuplier pyramidal ou d'Italie (Populus fastigiata) a été cultivé pendant longtemps, au siècle dernier, avec un engouement extrême. On enlevait les autres arbres pour le mettre à leur place (1) et on avait même appelé « Peu- plomanic » cette passion du Peuplier. Le calme s'est fait sur ce bel arbre, et aujourd'hui on n'en voit plus à Paris que de rares exemplaires. Cependant il tait toujours l'ornement des parcs et des rives flu\iales où il produit le meilleur effet. Il est à regretter qu'on ait exclu cette essence des plantations en ligne, surtout maintenant que l'arrosement se fait couramment, car le Peuplier est tirs décoratif et il s'accorde fort bien avec les constructions, dont il fait ressortir l'architecture, par sa forme enlevée. On devrait au moins l'employer le long des fleuves et des rivières traversant les villes, à la place des Peupliers d'autres sortes qui y ont été souvent maintenus. J'aimerais à voir essayer le Peuplier pyramidal dans les plantations en le faisant alterner avec une autre essence à cime arrondie. Cet arbre, ne tenant que M) Diction», nnnjcloped. des Se. naturelles, vol. v. 170 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION peu de place, serait facile à intercaler, et l'opposition qu'il produirait avec ses voisins ne serait pas sans charme pour la vue. A la rigueur, si les Peupliers devenaient gênants après plusieurs années, ce qui est peu probable à cause de leur exiguïté relative, on les enlèverait pour laisser toute la place aux autres arbres. Le seul inconvénient que je connaisse à cette espèce est de perdre peu à peu les rameaux du sommet, mais seulement quand les individus sont très âgés. Or, comme il faudra bien arriver à réglementer la durée des arbres sur les avenues et les boulevards quand ils deviendront envahissants, on n'a pas à craindre que les Peupliers meurent de vieillesse dans les plantations. Une forme pyramidale du Peuplier blanc de Hollande appelé Populus Bolleana , et qui commence à se répandre, pourrait être essayée également. Comme rusti- cité elle peut aller de pair avec le Peuplier d'Italie. Quant aux autres espèces du même genre : Peuplier noir, P. blanc, P. Tremble, ce sont des arbres à réserver pour l'exploitation de leur bois, et qui devraient être exclus des plantations en ligne. On ne s'explique pas comment on a laissé planter en divers points de Paris, et le long de la Seine principalement, des Peupliers noirs et des Peupliers de Hollande en individus femelles qui, après la floraison, envoient partout du duvet blanc trop connu hélas ! des Parisiens. On ne devrait tolérer que des Peupliers mâles qui sont exempts de cet inconvénient. Le Peuplier d'Italie n'étant connu, au moins presque partout, que sous sa forme mâle et se reproduisant exclusi- vement par bouture, se trouve, par cela même, dans les meilleures conditions pour n'incommoder personne. L'Ailante (Ailanlus glandulosa) de la Chine (1), improprement appelé Vernis du Japon, a été répandu dans les plantations il y a vingt-cinq à trente ans ; mais il paraît un peu abandonné et avec raison. C'est encore un arbre de haute taille qui demande de l'espace, il donne ses feuilles tardivement, mais il les garde jusqu'aux gelées d'automne. Si l'on continuait à les employer, on ne devrait planter, contrairement aux Peupliers, que des Ailantes femelles obtenus de boutures; les fleurs des individus mâles dégageant une odeur désagréable et pénétrante difficile à supporter. Au total, il faudrait exclure l'Ailante des plantations en ligne, à moins que les voies soient très larges, et ne l'accepter que pour les places et les squares et en faible quantité. Les Tilleuls sont les plus. beaux arbres de plantations que l'on puisse ima- giner : se feuillant aux premiers jours du printemps, ayant une belle frondaison, un port majestueux, rien n'y manque. On en voit de belles promenades dans certaines villes de province, surtout là où le sol est frais ; mais dans l'intérieur des villes mouvementées, on ne peut espérer y maintenir en bon état les Tilleuls, ni même le T. argenté, qui est plus robuste que les deux espèces habituellement employées (Tilia grandifolia et T. parvifolia). En résumé, on fera bien d'utiliser les Tilleuls dans la zone suburbaine des grandes villes, où la circulation n'est pas très active. Le Robinier ou Faux Acacia (Robinia pseudo- Acacia), nommé Carouge au Canada, sa patrie, est un arbre qui a été introduit en Europe au milieu du xviie siècle, et qui s'y est maintenu avec la plus grande facilité. Il est inutile de faire l'éloge du Robinier pour les services qu'il rend par la qualité de son (l) Introduit en Europe par le P. d'incarville vers it.w. J. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 171 bois dans certaines applications, ainsi que par ses feuilles qui sont un excellent fourrage. Quand ce bel arbre fleurit pour la première fois en France, il y a deux siècles et demi, ce fut un événement et tout le monde voulut avoir son Robinier. Comme arbre de plantation il est de première vigueur dans les terrains argilo-sablonneux. Cependant il a des imperfections dont il faut tenir compte. Il bourgeonne tardivement; la poussière, préjudiciable à tous les arbres, lui nuit beaucoup, et la ténuité de son feuillage laisse passer facilement les rayons du soleil. Si l'ombre du Marronnier est trop épaisse, celle du Robinier est peut-être un peu légère. Quoi qu'il en soit, cette essence, qui a bien son mérite, devrait être exclue du centre des villes où la poussière est fréquente et aussi quand la fraîcheur fera totalement défaut. C'est pour les quartiers suburbains qu'il faudrait la réserver. Le Robinier ordinaire a fourni un certain nombre de variétés et l'une d'elles, le R. à une seule foliole (Robinia pseudo-Acacia var. monophylla) est très recom- mandable. Son port est élégant et tout différent du type, et ce serait dommage de ne pas l'introduire dans les plantations où, sans craindre l'insuccès, on peut faire l'emploi de cette belle Légumineuse. Une autre variété à signaler est le Robinier pyramidal, ayant le port du Peuplier d'Italie, et qui est maintenant reléguée dans les collections dendrolo- giques d'amateurs. Parmi d'autres essences qui ont pris place déjà dans les plantations, ou qui pourraient y être acceptées, il faut citer les suivantes : Le Paulownia (Paulownia imperialis). Cet arbre pousse avec vigueur, et a résisté aux plus rudes hivers que nous ayons eus. Il donne des feuilles tardi- vement, mais il les garde jusqu'aux gelées. 11 supporte bien la taille, et son couvert est épais. On a de bons exemples de l'emploi que l'on peut faire de cette espèce, à Paris même. Au Japon, le Paulownia porte le nom de Kiri; c'est un arbre forestier dont le bois est employé couramment comme chez nous le Peuplier et le Sapin. 11 y a des essences tendres et des essences demi-dures. Le grand mérite du bois de Kiri, qui est léger, est de ne pas travailler, comme on dit en terme de métier ; aussi est-il excellent pour la menuiserie d'intérieur et quantité de petits objets d'un usage journalier. On a déjà compris que comme arbre d'alignement le Paulownia ne pouvait guère remplir le but sur des voies fréquentée?, et que c'était pour les places et les squares que l'on devait le réserver. Le Mûrier à papier de la Chine (1) (Broussonetia papyrifera) mériterait d'être essayé dans les plantations. 11 y en a eu naguère quelques exemplaires sur les boulevards et qui ont disparu depuis plusieurs années. C'est une essence résis- tante, qui n'atteint pas une grande taille et qui a un abondant feuillage. Le Micocoulier (Celtis auslralis), originaire du midi de la France, est connu à cause de l'usage que l'on fait de son bois, lequel est estimé pour le charronnage, la carrosserie, etc. Ses rameaux flexibles sont aussi utilisés à faire des manches de fouets de maîtres et de rouliers dits « de Perpignan », cette ville étant le centre de cette industrie. Les livres anciens faisaient grand cas du Micocoulier. C'est un arbre qui ne (1) Ainsi nommé, parce que c'est avec le liber de son écorce que l'on fait le plus beau papier en Chine et au Japon. 172 GÉME CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION s'élève jamais trop. 11 se rapproche comme aspect de l'Orme, mais il est plus élégant. La poussière, si redoutable pour certaines espèces, semble n'avoir que peu d'effet nuisible sur les feuilles du Micocoulier, et c'est à considérer. Celte essence se taille volontiers et n'est, dit-on, attaquée par aucun insecte. Dans une ou deux villes de province, j'ai vu, mis en ligne sur la voie publique, une espèce qui ne se voit d'ordinaire que dans les parcs ou les jardins paysagers : le Sorbier de Laponie (Cratœgus hybrida). Le port spécial de cet arbre de moyenne taille, ainsi que les fruits rouges, succédant à des fleurs blanches parfumées, qu'il porte en automne, produisent un effet décoratif auquel nous ne sommes pas habitués. Je pense que ce Sorbier en plantations alternantes serait bien à sa place, mais je ne crois pas qu'il faille en faire l'essai ailleurs que sur les voies où la circulation est modérée. Une Légumineuse du Japon, le Sophora (S. japonica), est introduite en Europe depuis un siècle et demi au moins, et elle y végète comme dans sa patrie. Le Sophora atteint une haute taille, mais pour les arbres âgés seulement ; il pourrait être substitué au Robinier dont il a le feuillage, mais plus dense et plus foncé- cependant. Ses fleurs, qui ne se montrent que tard et sur les sujets adultes, servent au Japon, à teindre les étoffes en jaune, et son bois solide et compact est également utilisé. Je crois qu'avec un peu de direction cet arbre ferait bien en alignement, d'autant plus qu'il est peu difficile sur la nature du terrain. On en voit à Paris même : en maints endroits au parc Montsouris et dans plusieurs squares, soit en massifs, soit isolément et produisant un effet décoratif satisfaisant Parmi les Légumineuses, il faudrait encore mentionner une espèce de l'Amé- rique du Nord, supportant les plus grands froids de notre région, et que je connais prospérant dans des sols calcaires et médiocres des environs de Paris, c'est le Virgilia (Virgilia lutea). Cet arbre de moyenne taille a un élégant feuillage et fait un dôme de verdure très fourni. Toutefois c'est une espèce à croissance assez lente et à rameaux fragiles, et qu'il serait bon de réserver pour les quartiers tranquilles et les squares. Enfin, dans les mêmes conditions de sol et de température, je connais des Tulipiers de Virginie (tJriodendron tulipifera) qui se comportent très bien et qui ne sont jamais arrosés que par l'eau des pluies. On a la coutume de planter le Tulipier près des mares ou des étangs, mais cette place n'est nullement obli- gatoire ; cette belle espèce doit être traitée comme les autres essences. Tous ceux qui connaissent le Tulipier savent que c'est un arbre superbe, et ce serait un événement si on le voyait figurer dans les plantations en ligne, mais dans les quartiers éloignés du centre des villes, bien entendu. Il ferait à merveille dans l'ouest de la France. Il serait sage de terminer là cette énumération qui pourrait s'étendre davantage, mais sans grand profit pour le but à atteindre. Ce qu'il importe, c'est de tirer le meilleur parti possible des espèces d'arbres employés déjà ; puis, peu à peu et après essai, en certains points, d'admettre quelques nouvelles recrues susceptibles de prospérer et d'être maintenues dans les plantations d'une façon définitive. J'estime qu'avec douze à quinze espèces on aurait largement toutes les essences d'arbres les mieux appropriées à cette utilisation, aussi bien pour les plantations en groupe que pour celles d'alignement, et dans les villes les plus coquettes, tant pour la partie centrale que pour la région périphérique de ces villes. J. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 173 NATURE DU SOL PROPRE AUX PLANTATIONS Le sol d'une ville peut être uniforme, quant à la couche profonde, mais pour la couche superficielle il peut en être différemment. Comme des apports de terre ont pu se faire à des époques anciennes, que des jardins bien cultivés ont pu exister là où aujourd'hui des avenues et des bou- levards ont été tracés, il y aura inévitablement, çà et là, des terrains variés. Aussi peut-on, dans les terrassements qui précèdent les plantations, rencontrer le bon sol, mais le plus souvent l'on est contraint d'apporter de la terre nouvelle. La nature de la terre propre aux plantations a été étudiée déjà, mais la composition de celle qui est employée journellement n'est pas toujours uniforme. Une bonne terre franche argilo-siliceuse par moitié, associée à une seconde moitié de terre de jardin, riche en humus si possible, tel serait le mélange qui conviendrait à presque toutes les essences employées, ne pouvant en somme, donner à chacune d'elles exactement le sol qu'elles préfèrent. Les arboriculteurs savent que pour la plantation d'un arbre, la qualité du terrain et sa profondeur sont d'une influence incontestable sur sa crois- sance future. Aussi la dimension à donner aux tranchées des plantations est-elle d'une importance capitale. Il faudrait qu'elles n'eussent jamais moins de 2m,50 en largeur, perpendiculairement à la voie, et 3m,o0 de longueur dans le sens de celle-ci. DIMENSION ET DURÉE DES ARBRES EMPLOYÉS En sortant des pépinières de multiplication, tous les arbres en usage devraient avoir été contreplantés une ou deux fois. On sait que c'est une garantie de reprise facile et un moyen d'éviter la formation de racines disproportionnées, allant au loin se mettre en contact avec le mauvais sol. On devra repousser les arbres trop âgés, qui passent pour garnir davantage et promptement. C'est une erreur grave, et presque toujours du temps perdu, de planter des arbres trop forts. S'il ne périssent pas à courte échéance, ils bouderont indéfiniment. Suivant les essences auxquelles on a affaire et la qualité du sol des pépinières, on plante des arbres de six ans ou de huit ans en général ; ceci est réglé d'ailleurs par la coutume et l'expérience. Un Platane de six ans est plus gros qu'un Érable du même âge ; un Peuplier sera plus fort qu'un Orme ; etc., cela est bien connu. Quant au maintien des arbres sur les boulevards et avenues, il devrait 174 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION être limité. Ainsi, après dix à quinze ans, la dimension, l'ampleur de ces arbres peuvent être telles que les riverains en soient incommodés, surtout si l'on persistait à planter trop serré. C'est alors qu'il faudrait enlever un arbre sur deux, et en prévision de garniture à venir, on les remplacerait par de jeunes arbres d'une autre essence, si possible, ou bien de la même sorte, si l'on y tenait absolument, mais en ayant soin de substituer de la terre nouvelle à la terre ancienne, condition essentielle pour la bonne végétation des remplaçants. Enfin un peu plus tard, quand les jeunes arbres auraient pris du dé- veloppement, on abattrait les anciens pour organiser une autre plantation intercalaire. Il s'établirait ainsi un roulement dans la plantation : entre les arbres les plus développés se trouveraient des sujets plus jeunes, et ce serait un moyen assuré pour que ces arbres ne se gênassent pas réciproquement. Ce procédé permettrait de mettre en usage les plantations alternantes ou hétérogènes, en intercalant entre deux arbres à forme arrondie un arbre à cime aiguë (Peuplier entre Érables, Platanes ou Marronniers, par exemple). On ne saurait trop encourager à essayer ces sortes de plantations à deux essences bien différentes d'aspect par la ramure et le feuillage. DIRECTION A DONNER AUX ARBRES On a pris l'habitude, aussi bien à Paris que dans quelques grandes villes, de laisser croître les arbres des plantations avec leur forme naturelle. Cette pratique peut être bonne avec certaines espèces : les Érables, les Tilleuls, etc., qui n'ont presque pas besoin d'être dirigés; mais avec des sortes comme les Ormes et les Platanes c'est inadmissible. Ces arbres étant de haute taille à l'âge adulte, s'élèvent rapidement lorsqu'ils sont jeunes, et cela d'autant que le défaut de lumière du côté des constructions les y contraint. On devrait donc s'efforcer de les maintenir étalés et aussi bas que possible, en favorisant le développement des branches latérales. J'ai dit déjà que dans le Midi on rabattait les Platanes peu de temps après leur plantation, et qu'alors ils formaient une tête arrondie et bien fournie ; tandis qu'à Paris et dans d'autres villes du centre on les laisse avec la forme pyramidale, même quand on leur fait subir les amputations tardives du rajeunissement (1). Il devrait en être de même des Ormes qui ne cherchent qu'à s'élever, et le rabattage aurait pour conséquence de leur faire pousser des branches nouvelles sur le vieux bois, alors qu'avec la coutume actuelle ces arbres se dégarnissent, comme on le constate sur les boulevards intérieurs de Paris. (1) Voy. Nanot, Restauration et rajeunissement des Platanes. J. POISSON. — LES PLANTATIONS l IRBA1NES 175 AHROSEMENTS Les procédés d'arrosement sont aujourd'hui pratiqués avec avantage pour l'accroissement des arbres. On a même imaginé des sortes de tuyaux souterrains pour la répartition égale de l'eau au-dessus des racines. Une publication spéciale a été faite à ce sujet par un ingénieur attaché au service des plantations (1). L'auteur de cette publication fait remarquer qu'on ne peut pas toujours savoir exactement quel est le besoin d'eau que peut avoir un arbre, autrement que par les signes extérieurs de son feuillage plus ou moins verdoyant. Me rappelant le moyen employé dans les serres ou les orangeries pour constater si les arbres en caisse, Orangers et autres, ont besoin d'eau, je me suis demandé s'il ne pourrait pas être appliqué aux arbres des plantations? On fait usage d'une sonde de fer ou d'acier en forme de gouge que l'on enfonce dans la terre en tournant, puis on ramène, en tirant à soi, un cylindre terreux pris dans toute l'épaisseur du sol. Suivant l'état d'humidité de la terre ramenée des profondeurs de la caisse, on voit de suite s'il est nécessaire ou s'il n'y a pas lieu d'arroser. Il est évident que la sonde à l'usage des plantations devrait avoir une plus grande longueur, lm,50 par exemple; en tout cas la constatation faite à celte profondeur devrait être suffisante. Je ne crois pas que la chose soit impraticable ; elle mériterait au moins d'être essayée, si elle ne l'a été déjà. L'arrosement des arbres au pied est certainement un progrès, et depuis qu'il est appliqué on a des spécimens plus beaux qu'autrefois. Mais il est regrettable qu'on n'ait pas songé à asperger les jeunes arbres principa- lement, surtout pendant les périodes de sécheresse. Je pense cependant qu'il y aurait un moyen facile de pratiquer des arrosements aériens à peu de frais. En voyant les cantonniers projeter l'eau en abondance sur la voie publique en été, je me demandais si ces fonctionnaires ne pourraient pas être chargés, le matin de bonne heure, afin de ne pas troubler la circulation, de diriger leur lance sur le feuillage des arbres peu élevés ; la poussée d'eau est assez forte pour atteindre une hauteur sullisante et il y a des procédés connus pour l'augmenter, s'il y a lieu. Ce bassinage matinal serait d'un réel avantage pour ces végétaux débarrassés, de ce fait, de la poussière dont les feuilles sont couvertes en temps sec, et qui leur est si préjudiciable; ils auraient bientôt un aspect de verdeur, de santé qu'ils n'avaient pas avant, et leur frondaison serait plus durable. (D Voy. Namot, Étude sur l'arrosage des arbre» des boulevards. 176 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION Celte aspersion ne devrait jamais être faite au milieu de la journée, alors que le soleil est dans toute sa force, sans préjudice pour les arbres. Quel que soit l'accueil fait à cette proposition, elle sera comprise et acceptée par les hommes du métier. D'ailleurs dans les grandes serres en été, et même souvent en plein air, on arrose ainsi les arbres et les arbustes dans beaucoup d'établissements publics et chez les horticulteurs. DISTANCE A MAINTENIR ENTRE LES ARRRES La pensée qui vient à l'esprit, tout d'abord, est que la distance d'écarte- ment à observer entre chaque arbre soit subordonnée à la vigueur de l'es- sence employée ; c'est ce que ferait un jardinier connaissant son affaire, dans une propriété particulière ; mais comme la règle en administration est nécessaire, on ferait bien de déterminer la distance unique imposée dans les plantations. Elle ne peut, en tout cas, rester telle qu'elle est établie actuellement. On ne s'explique pas qui a pu indiquer une distance de cinq mètres, et quelquefois moins, à maintenir entre chaque arbre, et cette coutume dure depuis plus de trente ans. Il y a deux considérations qui auraient dû guider l'opérateur : l'une qui est toute physiologique et l'autre économique. On sait que des arbres plantés trop près épuisent rapidement le sol, surtout quand celui-ci est aussi mesuré qu'il l'est sur la voie publique des grandes villes, alors que les constructions souterraines sont si nombreuses : égouts, caniveaux, tuyaux de toutes sortes pour la conduite des eaux, de l'électricité et aussi les pernicieuses conduites de gaz (1). Que reste-t-il de bon sol pour les racines d'un arbre s'il faut encore qu'il soit disputé par les arbres voisins? M. Emile Gautier (2), déjà cité, a signalé dans son intéressant article, les mauvaises conditions dans lequelles se trouvent les arbres de Paris, dont les racines ne savent où prendre leur nourriture, à cause des obstacles nombreux qu'elles sont à même de rencontrer. Plus récemment, M. M an gin (3) a publié les résultats d'analyses de la terre des plantations des boulevards intérieurs de Paris. Il a constaté que là où les arbres étaient languissants, la compacité du sol et son manque d'aération y avaient accumulé l'acide carbonique en excès, alors que l'oxygène y faisait défaut, et que par ce fait, la nutrition des arbres était profondément troublée. Les anciens chimistes et agronomes avaient déjà reconnu qu'une terre trop tassée et non suffisamment aérée était défavorable à la culture. (1) Girabdin, Influence du gaz sur les arbres des plantations publiques. (Mém. de la Soc. Impér. des Se. de Lille, 1869. ) (2) Ann. polit, et littéraires, G mars 1892. (3) Co7nples Rendus de l'Acad. des Sciences, t. CXXII, p. 747. J. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 177 Enfin, on a remarqué que beaucoup de ces arbres sont attaqués par des parasites dont sont exempts d'ordinaire des individus sains, non anémiés par l'influence d'un milieu débilitant. A ces considérations d'insuffisance du sol, vient s'ajouter le manque d'espace pour les parties aériennes des arbres, s'ils viennent à se gêner mutuellement par leur ramure, et en quelque sorte s'étouffer récipro- quement. Il ressort de ces observations que les plantations trop rapprochées sont faites dans de mauvaises conditions. Ce que Ton doit chercher à obtenir sur un boulevard ou une avenue de grande ville, qu'il ne faut pas confondre avec un lieu de promenade où l'on vient chercher l'ombre et la fraîcheur, c'est, comme dirait Fénelon « un horizon à souhait pour le plaisir des yeux ». En un mot, ce qui est désirable, c'est de la verdure qui récrée la vue et qui assainisse l'almosphére. On ne peut alléguer la raison de vouloir garnir promptemenl la voie plantée en augmentant le nombre des arbres. Qui est-ce qui réclame cette profusion d'arbres ? Ce n'est pas le contribuable, ce n'est pas la Presse. Beaucoup de rues larges et d'avenues ne sont pas plantées : la rue de la Paix, l'avenue de l'Opéra et bien d'autres encore sont dans ce cas à Paris, et personne ne se plaint. D'autre part, les habitants des maisons en bordure ne dédaignent pas, alors que les arbres ont atteint un développement important, d'avoir quelques échappées leur permettant de voir un peu de la chaussée, qui leur est complètement masquée par des arbres trop resserrés. Au résumé, on devrait toujours ménager une distance dont le minimum ne serait pas inférieur à huit mètres pour les arbres de faible étendue, et à dix mètres pour les autres. On porterait cet espacement à dix mètres, pour les premiers et à douze mètres pour les seconds, qu'il n'y aurait qu'avantage pour leur développement. Il ne faut pas terminer ce chapitre sans souhaiter que l'Administration des plantations évite désormais, de mettre des arbres là où les trottoirs sont très étroits, ou bien alors il faudrait choisir des essences peu vigou- reuses. Ainsi mettre des Allantes ou des Platanes, toujours à cinq mètres de distance, sur des voies comme l'avenue Victor-Hugo, pour n'en citer qu'une parmi tant d'autres, est un non-sens. Après quelques années, il a fallu mutiler ces arbres sous le prétexte de les rajeunir; ils bouchaient littéralement les fenêtres des riverains, et même celles d'un ingénieur bien connu, qui a dû quitter son appartement faute de lumière suffisante en été. Enfin, là ou la voie plantée comporte deux rangées d'arbres, la rangée interne est toujours moins bien venue que l'externe, parce que la première est trop rapprochée des constructions, huit fois sur dix. Dans la majorité 12* 178 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION des cas d'ailleurs, elle est superflue et témoigne d'une accumulation d'arbres sans besoin. On ne saurait trop recommander de ne pas mettre les arbres plantés en double rang, en opposition les uns des autres ; c'est toujours en alternance qu'ils devraient être, pour avoir le plus de place possible nécessaire au développement de leur ramure. Quant à la question économique, il est notoire que la dépense est augmentée par la multiplicité des arbres, alors qu'elle pourrait être réduite en opérant différemment. ÉCONOMIES A RÉALISER En ce qui concerne le côté économique des plantations, on peut admettre, sans exagération, que l'on aurait pu réduire les frais de cin- quante pour cent, avec avantage pour les arbres et aussi pour le budget des villes, mais plus particulièrement pour la ville de Paris, où le prix des plantations est très élevé. 11 semble inutile d'entrer dans le détail du prix de la main-d'œuvre : terrassement pour l'ouverture des tranchées, apport de terre neuve, entretien des arbres, etc., ni sur le prix de revient du matériel : coût de l'arbre, du tuteur servant à le maintenir, du corset qui le protège pendant les premières années, des grilles en fonte du Yal-d'Osne, grand et petit modèle, qu'on met à son pied ; enfin, si 1 on ajoutait l'emploi des tuyaux de terre cuite ou ceux appelés « flamands » (1) pour la répartition égale de l'eau pendant les arrosements, on arriverait à un total très respectable de ce que coûte chaque arbre mis en place sur la voie publique. En se reportant au chiffre de 175 francs indiqué par M. Em. Gautier, non compris deux à trois francs d'entretien annuel pour chaque spécimen, on s'approche du chiffre de 180 francs, que M. Alphand a donné dans son grand ouvrage : les Promenades de Paris, somme à laquelle il faudrait ajouter le prix des tuyaux susmentionnés, c'est-à-dire environ douze francs, si l'on en faisait usage. Or, si l'on prend pour base une des voies les plus importantes de Paris, le boulevard Saint-Germain par exemple, on compte 483 arbres sur une longueur de 3.150 mètres, dans la ligne plantée du côté nord. Comme il n'y a presque pas de lacunes dans le parcours, autres que celles des rues transversales aboutissant à cette voie, on a donc 966 arbres pour les deux lignes. Mais comme il y a quelques places plantées en double rang- sur la partie sud, on arrive à peu de chose près à 1.000 arbres pour l'étendue totale de ce boulevard. (1) Voy. Nanot, loco citalo. J. POISSON. — LES PLANTATIONS URBAINES 179 Le prix de revient étant maintenu à 180 francs comme moyenne, c'est donc 180.000 francs pour les 3.150 mètres. En conséquence si l'on avait planté à dix mètres, comme il conviendrait, on aurait eu une réduction de dépenses de 90.000 francs pour le seul boulevard Saint- Germain. En supposant que cette statistique s'étendît à toutes les voies de Paris plantées d'arbres à cinq mètres d'écartement, on arriverait à un total considérable, en estimant à 30.000 francs par kilomètre l'économie que l'on aurait pu faire sur les plantations. On ne peut pas se flatter d'avoir fait une découverte en signalant ces mesures d'épargne. Le raisonnement si simple qui termine ce chapitre a été suggéré depuis longtemps à des hommes compétents, et même à des fonctionnaires du service des plantations avec lesquels je me suis entretenu de cette question en maintes circonstances. Mais personne n'osait rien dire, et dès 1889, en présentant cette élude, j'ai senti l'opposition que je ren- contrerais en la publiant, aussi me suis-je abstenu, jusqu'à présent. CONCLUSIONS Il faut s'attendre à ce que des objections soient opposées aux arguments développés dans ce mémoire, c'est la conséquence de toute proposition nouvelle, et le résumé suivant est tout ce qu'on peut faire pour les prévenir. Les plantations étant faites, dans la plus grande partie des villes, et depuis longtemps, les dépenses énormes qu'elles ont entraînées étant éga- lement un fait accompli, qu'y aurait-il à faire pour modifier l'état actuel des choses pour le présent et pour l'avenir ? 1° Supprimer radicalement et dès maintenant un arbre sur deux, là où ils sont plantés à cinq mètres de dislance, afin de laisser plus de place aux arbres restants. Toutefois, si ces derniers étaient menacés d'être abattus prochainement, à cause de leur taille trop forte, on préparerait, à la place des exemplaires disparus, une nouvelle plantation en prévision de l'absence de leurs voisins, cela est élémentaire. Le vieux matériel: grilles en fonte et autres objets susceptibles d'être employés ultérieurement, serait mis en magasin et servirait pour des plan- tations futures ; 2° Rabattre les branches des arbres trop élancés et disgracieux, afin de les l'aire regarnir sur le vieux bois. Modérer un peu l'emploi trop exclusif du Platane et de l'Orme, et (sauf pour le Peuplier), s'appliquer à donner aux essences vigoureuses une forme moins élevée et plus en rapport avec les services que l'on réclame des arbres de plantations ; 180 GÉNIE CIVIL ET MILITAIRE, NAVIGATION 3° Dans les plantations nouvelles ne plus admettre qu'un espacement de dix mètres au minimum entre chaque arbre. 4° Assurer la reprise et la durée des arbres en faisant des tranchées aussi étendues et aussi profondes qu'il convient en pareil cas, puis en employant une terre bien appropriée à cet usage. 5° Régler la durée des arbres en ligne sur la voie publique, c'est-à-dire les remplacer après un nombre d'années déterminé, alors qu'ils auront acquis des dimensions gênantes pour les riverains et la circulation. 6° Essayer des plantations alternantes ou hétérogènes au moyen d'es- sences différentes (deux sortes par plantation) à port distinct, et dont l'effet décoratif serait nouveau. On jugerait en peu de temps si cette association est satisfaisante et s'il y a lieu de la maintenir et de l'étendre. 7° Instituer un système simple et peu coûteux d'arrosement aérien des arbres, et dont les résultats avantageux seraient incontestables pour ceux auxquels il serait appliqué. Cette étude un peu tardive aurait dû paraître depuis longtemps, si toutefois l'accueil qui lui était réservé n'eût pas été défavorable. C'est peu d'années après l'entreprise des embellissements des grandes villes qu'il eût été opportun de présenter les observations qui précèdent, et qui sont d'ailleurs en accord avec l'opinion de tous les arboriculteurs et les jardiniers avec lesquels j'ai conféré sur ce sujet. Mais on sait que les critiques, quoique formulées avec modération, ne sont pas toujours bien reçues, même lorsqu'elles ont un but économique. Quoi qu'il en soit, si ces quelques pages arrivaient encore à temps, et qu'elles eussent une heureuse influence pour l'amélioration des plantations, tant au point de vue esthétique que sous le rapport pratique, ce serait un résultat que l'on pourrait s'estimer heureux d'avoir obtenu (1). (1) Note ajoutée pendant l'impression. Peu de temps après le dépôt du manuscrit de ce Mémoire, au Congrès de Tunis, paraissait un Traité des Plantations d'alignement dans les grandes villes et les roules départementales, par mon ami M. Chargueraud, profess. d'Arboriculture de la Ville de Paris. Cet ouvrage, fort bien compris, traite de tout ce qui concerne les plantations. Je regrette de n'avoir pu rien lui emprunter ; il est d'ailleurs rédigé d'une façon qui n'a rien de comparable avec le modeste travail qui précède, et qui se borne à des aperçus généraux et à quelques critiques sur les méthodes appliquées aux plantations, jusqu'à ce jour. COMBET. — EXTENSION DES FORMULES DE THERMODYNAMIQUE J81 M. COMBET l'rofosseur au Lycée Carnol, à Tunis. EXTENSION DE5 FORMULES DE THERMODYNAMIQUE RELATIVES AUX EFFETS THOMSON ET PELTIER [537.322J Séance du i avril 1896 ÉTABLISSEMENT DES FORMULES Soient x et y deux variables caractéristiques de l'état d'un système, fonction également de sa température absolue G. Ces variables sont prises telles que : ydx = — dW, W désignant l'énergie potentielle du système. x est une capacité (voir Séances de la Société française de Physique, 1er fasc, p. 13, année 1894 — Le Chatelier) et y une tension (v. loco citato). SYSTÈMES CAPACITÉS X TENSIONS ij Corps Volume v Pression p Circuit parcouru par un courant Masse électrique. . m Force électromotrice . . e Couche superficielle liquide en équilibre Surface s Tension capillaire ... A Système thermique . . . Entropie S Température absolue. . 0 Système chimique .... Masse V Force chimique. . . . X Admettons que l'état du système considéré soit défini, connaissant sa capacité x et sa température absolue 0. Rapportons les cycles aux variables y et x, les variables indépendantes choisies étant x et 0. Nous ne considérons que des transformations réversibles. Les grandeurs sont exprimées dans le système pratique et les quantités de chaleur en thermies- Joule. 182 PHYSIQUE CYCLE DE CARNOT Soit Idx la chaleur absorbée par le système dans une transformation isotherme pendant laquelle la capacité a varié de dx. Faisons parcourir au système un cycle de Carnot. Suivant AB, le système absorbe Idx à la température 8 ; suivant DC, il cède de la chaleur, sa température étant 0 -j- db. Le travail accompli = entropie tran- sportée X dQ Idx ou encore : = surface ABCD = = surface ABKE. Car les deux parallélogrammes considérés ont même base AB et même hauteur, puisque AB et CD sont parallèles [isothermes voisines]. Or, surface ABKE = ~ dd X dx. «8 Aiiisi ou Idx do = 4- dOdx db l _ 8 ~ dy rfe' AUTRE CYCLE («) Ce cycle ne diffère du cycle précédent qu'en ce que le système échange (cède) entre B et C une quantité de chaleur qt, avec des sources dont les températures sont échelonnées de 6 à 8 + c?8, et entre D et A absorbe une quantité de chaleur qv avec des sources dont les températures sont échelon- nées de 8 -}- rf8 à 8. Ainsi, suivant l'isotherme A0B, le système absorbe Idx ; suivant BC, il cède q2; suivant DC, il cède Q à la •* température 6 -f- d§. Enfin, il absorbe qi suivant DA. e+rfo Fia. 2. Deux cas peuvent se présenter COMBET. — EXTENSION DES FORMULES DE THERMODYNAMIQUE 1H3 Premier cas : qv = #2. Le travail accompli est alors le même que pour le cycle de Carnot considéré précédemment, et la relation (a) : 6 do est applicable. Ce travail, en effet, est égal (en thermies-Joule) à la différence des chaleurs absorbées et cédées : Trav = Idx — Q + qx — q% ; or : 9i — % = 0, donc : Trav = Idx — Q. D'autre part, la variation totale de l'entropie étant nulle, Idx _ Q , 9i _ q* _ 0 . e e + de ~t~ o " e or 'l-ïl = 0, Idx Q _ A donc : T - 1+dT - °" Relation identique à celle que l'on aurait tirée du cycle de Carnot; la quantité Q est donc la même pour les deux cycles. Le travail est par con- séquent, lui aussi, le même. Deuxième cas : q± -=f= q% Comme le travail, daus l'un des cycles considérés est un infiniment petit, la différence entre le travail fourni par le cycle du deuxième cas \qi=fcqlj et le cycle du premier cas (qx = q.À) est un infiniment petit d'ordre supérieur. La différence des entropies étant 9l ~~ ?" • la différence des travaux sera : ÎLZL&de 184 PHYSIQUE ou encore, en l'exprimant en fonction de l'accroissement de la surface (dy d'y dl-f do)dx = -J-dif-dx \g?6 / d62 Ainsi 6 r/e2 ou fW APPLICATIONS I. — Corps soumis à une pression p et de volume spécifique v. — Ici y = p, x = v. j/P Faisons suivre à ce corps l'isotherme AB, son volume varie de dv ; il absorbe une quantité de chaleur Idx, l étant sa chaleur latente de dilatation. Refroidis- sons-le sous volume constant jusqu'en C(6 -f1- dQ) ; soit c sa chaleur spécifique sous volume constant. Amenons-le ensuite en D en lui enlevant de la chaleur à la température 6 4-rff), chauffons-le à vo- lume constant v de D à A. On a : FlG. 3. (a) devient : («) qt = cdQ, q2 = le -f- — dv Wo. de l dp , -£•> équation de Thomson, (P) de _ d%p dv ~~ dï- applicable au cas où la chaleur spécifique du corps varie avec le volume. de Si — = 0, p est fonction linéaire de la température. COMBET. — EXTENSION DES FORMULES DE THERMODYNAMIQUE 185 II. Effets Peltier et Thomson. — Couple thermoélectrique. — y est ici e et x = m. qt = HM — X F D ^, ; = 5 , \ on trouve : o' = — 0,18. Tous ces résultats ont été vérifiés expérimentalement, au moyen d'une méthode qui nous sert à l'essai des objectifs (*) et nous avons pu cons- FlG. I. tater que les diverses aberrations présentent bien les valeurs indiquées par le calcul, cependant le fonctionnement complet des écrans de Fresnel est beaucoup plus compliqué que ne l'indique la formule (1). Considérons en effet une région marginale du système et assimilons, en ce point, les zones des écrans aux traits d'un réseau ordinaire de Frauenhofer, de même que nous pouvons assimiler les bords d'une len- tille à un prisme (fig. f), (*) Bulletin de la Société française de Photographie, 1895. 192 PHYSIQUE On sait qu'un réseau donne d'un rayon incident une série de rayons diffractés faisant avec le rayon direct OF0 des angles 8t, 8,... donnés par la formule : (3) sin S = Nia, dans laquelle N est le rang du rayon dévié, X la longueur d'onde, et a le nombre de traits par unité de longueur. Un écran de Fresnel doit donc présenter plusieurs foyers réels 0F2, OFt et des foyers virtuels égaux Ocp2, 0®v Si on remarque OF = OA tg o (4), on aura en conbinant cette for- mule avec (3) : ma OF = OA- y/'l — N2X2»2 ou OF = OA . IN X «• car le dénominateur est égal à l'unité, étant donné la petitesse de X2. Or, dans une expérience, OA, X et a sont constants ; on peut donc dire que : OF = KtN. Les foyers successifs croissent donc comme la série des nombres entiers. Il résulte de ceci, que les écrans de Fresnel fonctionnent à la fois comme une lame à faces parallèles, et comme une série de lentilles con- vergentes et divergentes dont les foyers sont deux à deux égaux. Aussi les photographies que nous avons pu obtenir en utilisant le plus long foyer réel donné par la formule (1) et après avoir corrigé l'énorme foyer chimique sont-elles, quoique très nettes, noyées dans les rayons parasites provenant des autres foyers conjugues. A. DLONDEL. — SUR LA QUESTION DES UNITÉS MAGNÉTIQUES 193 M. A. BLOOEL Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Paris. SUR LA QUESTION DES UNITÉS MAGNÉTIQUES [538.10] Séance du 3 avril 1896 — OBJET DE CETTE NOTE On a débattu au Congrès de Chicago en 1893 la question de savoir s'il fallait créer des unités magnétiques nouvelles ou donner des noms à celles actuelle- ment existantes. L'avis du Congrès a été d'écarter provisoirement toute innovation et d'attendre que la question fût plus mûre avant de la résoudre. L'année suivante, l'Institut américain des ingénieurs électriciens, ne croyant pas pouvoir attendre un nou- veau Congrès, a adopté une solution intermédiaire, consistant à conserver exactement les unités c. g. s. employées jusqu'ici, mais en leur donnant des noms spéciaux. Enfin, à la dernière session de la British Association, les physi- ciens anglais ont proposé l'adoption d'un système nouveau, exposé dans un rap- port rédigé par le professeur 0. Lodge et qui a donné lieu à une discussion très active de la part des spécialistes de l'autre côté du détroit. En France, on ne s'est guère occupé sérieusement delà question jusqu'ici ; nos savants les plus autorisés se désintéressent presque toujours, comme on le sait, de ces travaux préparatoires, sans se rendre peut-être compte qu'ils perdent ainsi l'occasion d'exercer une utile influence et qu'ils sont ensuite obligés, par la force même des choses, d'accepter les idées et les décisions que d'autres, moins compétents, ont fait prévaloir à leur place. Je me propose ici dexposer rapidement l'état de la question, de montrer l'utilité qu'il y a à la résoudre et d'indiquer enfin la solution qui me parait devoir répondre le mieux aux besoins actuels et aux principes admis jusqu'ici. Unités magnétiques actuelles. — Les unités actuelles sont simplement les unités c. g. s.. L'unité fondamentale est, comme on le sait, l'unité de masse magnétique définie par la loi de Coulomb: kmm' t — TT"' dans laquelle on fait par convention k = 1 . La masse magnétique unité est celle qui produit sur une niasse sem- blable placée à / centimètre une force de i dyne. On en déduit l'unité de force magnétisante ou de champ magnétique, 13* 194 PHYSIQUE puis l'unité d'induction, l'unité de flux et enfin l'unité de différence de potentiel magnétique. Les équations de définition et les dimensions physiques de ces diverses unités sont résumées dans le tableau ci-dessous, emprunté à M. Hospitalier, dont les notations très commodes et rationnelles sont aujourd'hui adoptées partout (*) et seront, nous l'espérons, sanctionnées définitivement par le prochain Congrès. QUANTITÉS PHYSIQUES SYMBOLES ÉQUATIONS DE DÉFINITION DIMENSIONS UNITÉS C G. S. NOMS PROPOSÉS EN AMÉRIQUE Intensité de pôle .... m ÛM'T-1 Unité c. g. s. Moment magnétique. . . lit =\M = ml mf-T-' Unité c. g. s. Intensité d'aimantation - J ~ Tir iAtfT-1 Unité c. g. s. Intensité de champ et force magnétisante . . % F L-WT-' Anciennement igaussj aujourd'hui (gilbert par centi- mètre). Flux de force magnétique d> $ = tf .S LWT-1 (Weber) Induction magnétique. . $ S = P-9G IrWT-1 (Gaussj Perméabilité » . . P 0 » Susceptibilité » . . 'X J 0 » V 1 v = - ut 0 » di L"1 (GErsled) Force magnétomotrice . . 5- 5' = faNI LWT-1 (Gilbert) DESIDERATUMS NOUVEAUX Le système actuel est parfaitement rigoureux et commode et répond à tous les besoins des physiciens, au point de vue scientifique. Il n'en est <*) Dans ce système, les symboles représentant les unités magnétiques sont a un sentiment de « jingoïsm » mal entendu. M. Hospitalier a tait remarquer, du este, que lemplo. Ses caractères de ronde pour les quantités magnétiques a été introduit par Maxwell et que ses com|)atriotes n'ont cessé de les employer que lorsqu'ils ont été adoptes ailleurs. A. liLONDEL. — SUR LA QUESTION DES UNITÉS MAGNÉTIQUES 195 pas de même au point de vue des applications industrielles, et cela pour deux motifs différents : 1° Les unités c. g. s. ont un caractère abstrait, qui en rend la compré- hension et l'emploi plus pénibles aux praticiens que celui des unités iden- tiques en usage chez ceux-ci (ohm, ampère, volt, etc.). Au point de vue de l'enseignement industriel, en particulier, tous ceux qui l'ont pratiqué savent que les élèves éprouvent de ce chef une certaine difficulté et con- fondent souvent les chiffres de force magnétisante, d'induction et de flux, parce qu'ils sont suivis simplement de la mention « unités c. g. s. », et ne le sont même souvent d'aucune. 2° Les calculs des machines et appareils d'induction sont inutilement compliqués par la nécessité de passer constamment du système pratique au système c. g. s. et inversement. En effet, dans une machine quelconque, les forces magnétomotrices sont données par le nombre des ampères-tours, tandis que les flux magnétiques doivent être exprimés en unités c. g. s., et au contraire les f. e. m. induites en volts. On a ainsi des relations bâtardes, telles que les deux suivantes, qui reviennent constamment dans la pratique : (1) force m. m. : £F = ^NI(ampèresJ X 10_1 (û2) f-e. m.: E(volts) = Nn*(c.g. ,; X 10"8 Ces deux inconvénients se font sentir à bien des électriciens, et plus encore aux élèves qui suivent les cours d'électricité industrielle ; pour beaucoup de ceux-ci, les calculs de magnétisme sont une pierre d'achop- pement qu'il serait fort utile d'aplanir. Aussi depuis trois ans s'est-il dessiné un mouvement sérieux parmi les électriciens en faveur d'une modification du système actuel et il a donné lieu à plusieurs séries de propositions qu'on va examiner. SYSTÈME DE l' « AMERICAN INST1TUTE OF ELFXTRICAL ENGINEERS » La commission préparatoire du Congrès de Chicago avait proposé l'adop- tion de quatre unités nouvelles : Pour la f. m. m., le gilberl= 10_l c. g. s. : Pour l'intensité de champ, le gauss = 108 c. g. s. ; Pour le flux, le weber — 108 c. g. s. ; Pour la réhictance, l'œrsted = 10-9 c. g. s. ; Ces propositions tombèrent sur un terrain mal préparé et peu favorable; 196 PHYSIQUE du reste, le gauss était de trop et les dimensions parurent mal choisies (1). (On verra plus loin le compte qu'il faut tenir de cette objection.) Aussi, en présence de l'hostilité des Sociétés savantes européennes, toujours essen- tiellement conservatrices, le Congrès de Chigaco préféra laisser la question en suspens en la réservant pour un prochain Congrès. Contrairement à ces conclusions, les électriciens américains, impatients d'aboutir suivant leur tempérament national, et frappés surtout du carac- tère trop abstrait des unités c. g. s., qui n'est qu'un côté de la question, ont proposé tout simplement de concrétiser celles-ci en leur adaptant pro- visoirement les noms qui avaient été . proposés par la Commission du Congrès, dont on dénaturait ainsi complètement les propositions. (Les noms dont il s'agit sont reproduits entre parenthèses dans le tableau pré- cédent.) On remarquera que 1' « American Institute » avait d'abord adopté à tort une seule et même unité le gauss pour l'intensité de champ et pour l'induc- tion reliées par la relation : $ = *9G Mais en réalité y. a des dimensions, inconnues il est vrai, mais qui ne per- mettent pas d'assimiler complètement $ et %. Aussi a-t-on dû admettre plus récemment que $ seul doit être exprimé en « gauss » (2) et % au contraire en « gilberts par centimètres ». Le système provisoire n'a pas été accepté par les autres sociétés savantes, qui ont conservé leur attitude expectante. Ayant introduit moi-même depuis deux ans ces unités provi- soires dans mon enseignement pour les juger en pratique, j'ai constaté qu'elles rendent, d'une part, service aux élèves en fixant leurs idées, mais qu'elles les déroutent, d'autre part, en effaçant la séparation bien nette jusqu'ici entre le système c. g. s. et le système pratique dans lequel elles semblent à tort prendre place, bien qu'elles ne fassent pas dispa- raître les équations bâtardes. Je ne crois pas qu'il ait lieu de rendre définitif le système provisoire de 1' « American Institute ». 11 aura néanmoins rendu de très utiles services pendant trois ans ; et, quoi qu'on pense de ses défauts, on doit recon- naître qu'il est clair et logique, qualités que nous ne retrouvons pas au même degré dans le système suivant. (1) Voir le remarquable rapport de M. Pellat, présenté à la Société des Électriciens. (2) L'unité d'induction est d'ailleurs sans utilité et peut être supprimée, car celte quantité peut se mesurer par le flux par centimètres carrés. Il n'y a pas plus de motif d'affecter une unité spé- ciale à la densité de flux magnétique qu'a la densité de flux électrique, qui s'exprime en ampères par centimètre carré ou par millimètre carr •. Pour tous ces motifs, je crois pouvoir dir; après expérience que le système américain, malgré sa grande simplicité apparente, ne peut pas constituer une solution définitive. A. HLONDEL. SUR LA QUESTION DES UNITÉS MAGNÉTIQUES 197 SYSTÈME DE LA « BRITISH ASSOCIATION » L'exposé officiel du système par le professeur Lodge contient des alter- natives, peut-être même des contradictions, qui en rendent l'analyse assez pénible et nous forcent à abréger celle-ci. Nos voisins d'outre-Manche admettent l'opportunité de choisir trois unités pratiques, pour la force magnétomoliïce, le flux magnétique et la perméance. Nous allons les examiner successivement : 1° Pour le flux , l'accord est à peu près établi pour proposer une unité égale à 108 unités c. g. s. de flux, que les Anglais appellent « weber », de façon à faire disparaître le facteur 10" 8 de l'équation (2). On ferait ainsi disparaître du vocabulaire anglais le mot « ligne » (de force), employé pour l'unité c. g. s. Nos voisins disent un flux de 500.000 lignes, une induction de 15.000 lignes, voire même 15 kilo- lignes! En France, où l'on n'a jamais adopté cette étrange terminologie, on n'aurait pas à regretter ce changement. En fait, la proposition du weber = 10 8 c. g. s. n'est pas nouvelle puisqu'elle reproduit celle de la Commision préparatoire du Congrès de Chicago, et elle nous paraît excellente. On y avait objecté que celte unité serait trop grande, parce que le flux inducteur dans les plus grandes machines ne dépasse par actuellement, d'après M. S. P. Thompson 50 à 80 millions d'unités e. g. s., c'est-à-dire 0,5 à 0,8 weber. Mais on oubliait ainsi qu'il y a des sous-multiples, tels que le inilliweber et le micro- weber, faciles à utiliser ; du moment qu'on mesure bien les capacités en microfarads, on serait mal venu à se plaindre de l'emploi du micro- weber comme unité pratique. 2° Pour la force magnétomotrice J- et la perméance £, le professeur Lodge nous donne le choix entre deux systèmes de définitions : Dans le premier, qui est le système actuel, on définit la force magnéto- motrice par la différence de potentiel entre les deux faces de la bobine qui le produit, c'est-à-dire en appelant iV le nombre de spires de celle-ci et / le courant qui le traverse La perméance du circuit magnétique est le rapport Dans le second système on définirait la force magnétomotrice par le $ produit NI et la perméance par le rapport •— • 198 PHYSIQUE En réalité, le choix n'existe pas à notre avis, car les premières défini- tions seules sont exactes ; la force magnétomotrice est proportionnelle à NI, mais ce n'est pas A7. Si donc on veut considérer le rapport — > qu'on lui donne un nom autre que perméance ; on pourrait l'appeler, par exemple, la fluctance et le mesurer simplement en webers par ampères-tours. Mais en réalité le besoin ne s'en fait pas sentir pour le théoricien, et quant au praticien, il lui suffit de connaître, sous forme de courbe expéri- mentale, la loi de variation de l'induction en weber par centimètres carré- ou par décimètres carrés en fonction des ampères-tours. Il n'y a donc lieu à aucun point de vue de modifier les définitions admises jusqu'ici, et nous laisserons par conséquent de côté les unités proposées par M. Lodge dans son second système pour ne nous occuper que de celles relatives au premier ; celles-ci seraient pour la force magné- tomotrice l'unité c. g. s. qu'on appellerait « gauss », pour la perméance la même unité que pour la self-induction, c'est-à-dire le « henry ». Ces deux propositions me paraissent également inacceptables. Tout d'abord, l'emploi de l'unité c. g. s. ne se comprend pas lorsqu'on abandonne d'autre part le système c. g. s. pour l'unité de flux et l'unité de perméance, car un tel ensemble est incohérent. Quant à l'idée qu'on peut employer une même unité pour deux quan- tités physiques différentes, telles que le perméance et l'inductance, c'est, je crois, une idée fausse contre laquelle il est d'autant plus nécessaire de s'élever que des physiciens très distingués l'ont partagée (1) ; elle confond la nature d'une quantité avec ses dimensions physiques. Le principe géné- ral en matière de mesures doit être de ne confondre deux quantités ayant mêmes dimensions physiques que lorsqu'elles sont égales. Sans cela on arriverait à des confusions telles que celle qui consisterait à dire, par exemple, d'après le théorème de Gauss qu'un pôle de / weber produit un flux de 4-k ivebers. De même, dans le système anglais proposé, on dirait qu'une bobine de 10 spires dont le circuit magnétique a une perméance de 10 henrys a une self-induction de 1.257 henrys. Comment distinguer ces deux chiffres, 10 et 1.257 ? Du reste, pour être logique avec lui-même, M. Lodge devrait, d'après le même principe, exprimer les forces magnéto- motrices en ampères au lieu de leur donner une unité spéciale. Cette sim- ple remarque montre que l'unité de perméance doit rester distincte de l'unité de self-induction, puisque la self-induction diffère de la perméance par le facteur 47:n2. D'ailleurs, je tiens à faire remarquer un détail important qui a peut- (1) C'est une erreur du même genre que l'on a commise en évaluant autrefois les self-inductions en kilomètres ; l'erreur était d'ailleurs aggravée par le fait qu'on ne tenait pas compte des dimen- sions du coefficient n. A. BLONDEL. — SUR LA QUESTION DES UNITÉS MAGNÉTIQUES 199 être échappé à beaucoup d'électriciens (1) lors de la définition du « Henry » comme unité de self-induction, c'est qu'on a défini à Chicago la self- induction par le rapport (2) d

10' » 10 i lu9 » 109 » Le système pratique cohérent serait ainsi complet et les praticiens pourraient effectuer tous les calculs d'électricité et de magnétisme dont ils ont besoin sans recourir une seule fois aux unités c. g. s. ; ils n'au- raient même à la rigueur plus besoin de connaître celles-ci que d'une manière très superficielle, et l'enseignement industriel s'en trouverait considérablement simplifié. fl, M. Lodge a proposé l'expression a webcr-tour par ampère », analogue à l'ampère-tour. Elle peut paraître motivée par le fait que le flux total qui traverse une bobine est théoriquement le pro- duit du nombre de spires par le ilux à travers une spire: mais s'il y a des fuites magnétiques cela n'est plus vrai, et les différentes spires n'embrassent pas le même llux. Nous préférons donc consi- dérer non pas le (lux à ti avers une spire mais le flux total à travers l'enroulement ; d'où l'expres- sion de maxwell par ampère. 202 PHYSIQUE Les calculs relatifs aux moments magnétiques, aux intensités de pôles, étant d'ordre purement scientifique, pourraient continuer à se faire en unités c. g. s. LA QUESTION DU FACTEUR 4z La présence du facteur 4ti dans l'expression de la force magnétomotrice paraît gênante à beaucoup d'auteurs, surtout en Angleterre, et ceux-ci voudraient le faire disparaître. C'est à cette préoccupation qu'il faut attribuer le second système de M. Lodge définissant la force magnéto- motrice par le produit NI. Cette proposition, non acceptable si l'on conserve les unités actuelles ou celles proposées plus haut, pourrait le devenir si on choisissait de nou- velles unités de manière à faire disparaître, non pas fictivement, mais réellement, le facteur 4:r. Un système d'unités répondant à ce desideratum a été imaginé par M. Heaviside qui lui a donné le nom de « rationnel » ; il revient à donner arbitrairement au coefficient inconnu K de la loi de Coulomb et de la loi de Laplace la valeur — au lieu de 1 . 4z ATI r mm Au heu de f = 1 r- __ miels fsin )\ds) et / . — -^ ^— ^~ 1 ..2 M. Heaviside pose : / = — — 4t:/-2 __ miels fsin r±ds) Alors le flux produit par une masse m s'écrit simplement * = m, et la force magnétomotrice produite par NI ampères-tours devient 5- = NI. A. BLONDEL. — SUR LA QUESTION DES UNÎTES MAGNÉTIQUES 203 Les unités magnétiques de pôle, flux, induction, intensité de champ, etc. sont ainsi multipliées par T- = Mais cette modification entraine des changements corrélatifs pour les unités électriques et M. Heaviside est conduit à proposer les nouvelles unités suivantes : 1 volt « rationnel » — 3,544 volts actuels, 1 ampère » = 2,822 ampères, 1 ohm » = 1,257 ohms. Ce serait donc un bouleversement complet avec des multiplicateurs compliqués. Un changement aussi considérable ne semble guère possible actuellement; d'ailleurs, il ne nous parait pas désirable pour deux motifs : 1° Théoriquement, tant que l'on parlera de masses magnétiques et qu'on ne connaîtra pas le coefficient de Coulomb, il n'y a pas grand progrès au point de vue théorique à lui donner la valeur arbitraire — au lieu de 1 , et nous ne voyons pas bien en quoi, parce que le dénominateur Aizr* représente la surface d'une sphère, les unités seraient plus rationnelles ; 2° Pratiquement, le facteur An ne disparaît pas pour autant; il est tout simplement déplacé; au lieu d'apparaître dans la théorème de Gauss et la force inagnétomotrice, il se trouve dans les formules de Coulomb et de Laplace. Ce déplacement ne suffit pas, croyons-nous, à justifier un chan- gement si compliqué. On pourrait d'ailleurs arriver au même but, c'est-à-dire à confondre la force magnétomotrice avec les ampères- tours, d'une manière beaucoup plus simple, en changeant la définition de l'unité c. g. s. d'intensité de courant : celle-ci serait « le courant qui, traversant une spire plane, produit entre les deux faces de celle-ci une différence de potentiel magné- tique égale à une unité c. g. s. de potentiel ». Cola conduirait à mettre encore en dénominateur — dans la loi de Laplace, mais les unités magné- 4TC tiques ne seraient pas changées, ni la loi de Coulomb. Et quant aux unités électriques, elles seraient très peu modifiées; on aurait seulement à réduire les unités c. g. s. dans le rapport — et les unités pratiques, l'ampère et 204 PHYSIQUE 1 le volt, dans un même rapport r—. - = 0.798 sans toucher à l'ohm, ce qui U,4Tt est très important; le watt serait multiplié par (ttt-) = 0,638. L'ampère serait alors égal à l'unité c. g. s. de courant, le volt à 109 unité c. g. s. et le watt à 109 c. g. s. de même que l'ohm. Les rapports entre les unités pratiques et les unités c. g. s. se trouveraient ainsi consi- dérablement simplifiés relativement au système usuel. Peut-être pourra-t-on plus tard adopter ces définitions qui vaudraient beaucoup mieux que nos définitions actuelles. Mais pour le moment une semblable modification ne présente aucune urgence. J'ai voulu simple- ment la signaler comme bien préférable au système dit « rationnel » de M. Heaviside. CONCLUSION En résumé, j'espère avoir établi par les considérations précédentes que : 1° Dans l'état actuel de la science, l'adoption d'unités magnétiques pra- tiques est désirable pour compléter le système pratique et dispenser de l'emploi courant du système c. g. s. Le système provisoire adopté en Amérique n'est pas conforme à ce desideratum ni sa nomenclature au principe admis qui est de ne pas donner de noms d'hommes aux unités c. g. s. ; il est donc à espérer que « l' American Institute »; tout en le conservant s'il le désire, ne demandera pas qu'il devienne définitif et international. Rien du reste n'empêche de donner à ces unités des noms tirés du grec comme « dyne » et « erg ». 2° Les nouvelles unités ne peuvent avoir de raison d'être quà condi- tion de former un système cohérent avec les unités pratiques déjà adoptées; elles doivent donc, conformément au principe généçal, être seulement des multiples des unités c. g. s. par des puissances entières de 10. 3° Il est désirable d'adopter trois de ces unités qui jouent le même rôle dans le circuit magnétique que l'ampère, l'ohm et le volt dans le circuit électrique; ces trois unités sont plus que suffisantes pour les praticiens. Elles doivent satisfaire aux relations = — et E — ■— • 4° 11 serait bon pour ne pas heurter les habitudes prises déjà en Amé- rique d'adopter pour les nouvelles unités pratiques des noms autres que. ceux si qualifiés de Gauss, Weber, OErsted et Gilbert. Dans cette hypo- thèse, on pourrait proposer, par exemple : Le « maxwell » pour le flux, Le « hertz » pour le potentiel magnétique, Dr II. BORDIER. — VARIATION DE LA SENSIBILITÉ FAAADO-.CUTANÉE 203 L' « arago » pour la réluctance, de façon à donner place égale aux savants de langues allemande, anglaise et française. Les unités secondaires s'exprimeraient en fonction des précédentes. ou Le facteur kr. n'est gênant que dans les formules et non pour les calculs industriels où les tables dressées en fonction des ampères-tours permettent de ne pas s'en occuper. Les transformations d'unités ne peuvent pas le faire disparaître, mais seulement le déplacer d'une formule dans une autre. Le système dit « rationnel » de M. Heaviside n'échappe pas à cette critique et il présente d'autre part une complication extrême. Si l'on veut perfectionner le système actuel, le moyen le plus simple et le plus logique serait de changer simplement la définition de l'intensité de courant qui est peu heureuse; il en résulterait des simplifications pratiques très appré- ciables. Mais il ne semble pas que cette question soit encore mûre et on peut sans inconvénient la laisser de côté provisoirement. En définitive, le système que je préconise est sans aucune prétention à l'originalité ni à l'extraordinaire. Je crois que c'est une question de simple bon sens qui commande le complet développement du système pratique électromagnétique, enrichi déjà à plusieurs reprises d'unités nouvelles, et dont aucun motif sérieux ne justifierait l'inachèvement. M. le Dr H. BOEDIER Médecin Électricien, à i-yon. VARIATION DE LA SENSIBILITÉ FARADO-CUTANÉE AVEC LA DENSITÉ ÉLECTRIQUE. INFLUENCE DE LA RÉSISTANCE DU FIL SECONDAIRE DES BOBINES D'INDUCTION SUR LES EFFETS SENSITIFS DU COURANT FARADIQUE. L53787J Séance du ï am il M9G Dans les recherches bibliographiques que nous avons faites, nous n'avons pu trouver aucun renseignement sur la variation de la sensibilité farado-cutanée avec la densité électrique. Nous ne pouvons donc pas faire l'historique de cette intéressante question, et nous sommes obligé de ne donner que les expériences entreprises par uoiis-mème dans ce sens. Notre appareil farad i que étant muni de trois bobines secondaires à lil •206 PHYSIQUE différent, nous les avons étudiées successivement au point de vue qui nous occupe. Indiquons d'abord la composition de notre appareil faradique, les dimensions et les résistances des fils constituant chaque bobine. LONGUEUR DIAMETRE RÉSISTANCE 100 mètres 0, 7mm 4,3" [ à fil fin . . 1.150 — 0,lo",m 1 . 000 ' Bobines secondaires ] à fil moyen 357 — 0, 7mm 1S" ( à fil gros . 96 - A /mm r Pour apprécier la variation de la sensibilité avec la surface des élec- trodes appliquées, nous nous sommes servi de la sensation minima ou seuil de l'excitation sensitive qu'il est toujours très simple de déterminer d'une façon précise. Dans des recherches identiques, mais relatives au courant galvanique, Boudet de Paris essayait de reproduire toujours la même sensation, celle qui correspondait au commencement de la douleur. Cette méthode était mauvaise, car nous ne pouvons pas répondre de l'éga- lité de deux sensations électriques successives ; nous pouvons au contraire très facilement reconnaître le moment exact où une sensation commence. En prenant ce moment de l'apparition de la sensation, on a un moyen commode d'étude ; c'est toujours ainsi que nous avons procédé dans nos recherches sur la sensibilité électrique de la peau. Dans l'état actuel des mesures électriques, nous ne pouvons pas, malheu- reusement, évaluer en milliampères l'intensité du courant faradique, comme nous le faisons si facilement pour le courant galvanique. Nous avons donc dû chercher un moyen indirect pour apprécier approximativement l'inten- sité du courant. Nous avons, contrairement à ce qui se fait d'habitude, préféré ne pas changer la position respective des bobines primaire et secondaires, et nous servir des nombres indiqués sur le rhéostat à liquide interposé dans le circuit. Ce rhéostat est le modèle imaginé par M. le professeur Bergonié, et formé d'un tube en U dans lequel plongent plus ou moins deux crayons de charbon. Nous avons indiqué ailleurs (1) les avantages qu'il y avait à placer au- dessus de l'eau du tube une couche d'huile de vaseline : dans ce rhéostat, c'est la modification de la longueur de la colonne liquide que l'on utilise pour faire varier l'intensité du courant; le rhéostat porte sur le côté une réglette divisée en millimètres devant laquelle se meut un index qui indique les déplacements du tube par rapport aux charbons. On peut, dans ces conditions, prendre les nombres indiqués sur le rhéostat pour donner une idée approximative de l'intensité du courant (1) Archives d'Ékct. médicale, 1895. Dr H. B0RD1ER. — VARIATION DE LA SENSIBILITÉ FARADO-CLTANÉE 207 qui correspond chaque ibis à l'apparition de la sensation faradique. Comme ce sont les mêmes électrodes qui ont servi pour les trois bobines secondaires, et comme nous n'avons pas ici besoin de connaître l'intensité absolue, mais seulement l'intensité relative, on peut admettre que l'inten- sité faradique varie dans le même sens que la longueur de la colonne liquide interposée, à l'aide du rhéostat, dans le circuit. Les électrodes qui nous ont servi dans ces expériences étaient formées de trente-deux couches de papier buvard coupées rectangulairement de façon à en évaluer facilement la surface. Ces masses spongieuses présentent l'avan- tage de bien s'appliquer sur la peau ; le courant était amené à ces diffé- rentes électrodes au moyen d'une plaque de charbon munie d'une borne. Avant d'entreprendre une série d'expériences, les masses de papier étaient placées dans l'eau ordinaire de façon à les bien imbiber, puis légèrement exprimées et autant que possible de la même manière. L'électrode indiffé- rente était une grande plaque de 1.440 centimètres carrés. La région explorée, pour la sensibilité faradique, a été, dans ces expériences, l'ab- domen qui, par sa largeur, permet de bien appliquer les électrodes sur la peau ; le sujet étant dans le décubitus dorsal . Les dimensions et les surfaces respectives des électrodes étaient les suivantes : DIMENSIONS SURFACES 1°. 1,3 sur 2 centimètres. 2,6 c entimètr 2°. 1.8 — 3 — 5.4 — 3U. . 3 — 3,5 — 10,50 — 4IJ. 3,5 — 4,5 — 15,75 — 5°. 3,5 — 5,5 — 19,25 — 6°. 4,5- 6,5 — 29,25 — 7" . 6 — 6,5 — 39 — 8°. 7 — 8,3 — 58,10 — 9°. 7 — 11 — 77 — 10°. . 9,5 — 11 — 104,50 — 11°. . 11 — 13 — 148,50 — 1-2°. . 13 — 18 — 234 — Les conditions physiques des différentes expériences ont été les mêmes pour chaque bobine secondaire. Nous ne les rapporterons qu'une fois pour toutes : 1° Intensité du courant inducteur. ... : 1.2 ampère. 2° Nombre des interruptions par seconde. . 94 3° Capacité du condensateur 1 microfarad. 208 PHYSIQUE ],e série d'expériences. — Bobine à fil fin. R — 1.000 ohms. Divisions ■du Rhéostat. DIVISIONS DU RHÉOSTAT correspondant à la sensation minima. lre électrode 30 millimètres. 2e — 31 — 3e - 32 4e — 33 5e — 34 — 6e — 36,5 7e — 39,5 8e — 44,5 9e — 50 10e - 55,5 lie _ 60 — 12e _ 62 MJ 80 70 60 1 6 ^ fMÎ s^ 35^ \ Bob inc s ii ra°) en w ht *! ''' ^ y 80 90 FlG. I. i50 160 nocq A mesure que la surface des électrodes' augmente, on voit que l'on est obligé d'enfoncer les charbons dans le liquide, et par conséquent de diminuer progres- sivement la résistance du rhéostat pour que la sensation minima apparaisse. Il Dr H. B0RD1ER. — VARIATION DE LA SENSIBILITÉ FARADO-CUTANÉE 209 faut donc que le courant ait une intensité de plus en plus grande pour que l'effet sensitif soit perçu. Portons sur une feuille de papier quadrillé (fi g. i) les surfaces des électrodes comme abscisses et les différentes divisions du rhéostat comme ordonnées. Nous obtenons, pour chaque électrode, un point. Tous ces points permettent de construire la courbe qui représente la variation de la sensibilité avec les surfaces employées, c'est-à-dire avec la densité électrique. Cette courbe rappelle la. forme obtenue avec le pôle positif des courants galvaniques; elle n'est pas droite, mais parait, au contraire, être une branche de parabole. Elle montre que la sensibilité électrique croît plus rapidement, avec cette bobine à fil fin, pour les petites surfaces d'électrodes que pour des surlaces un peu grandes (90 à 100 centimètres carrés). 2e série d'expériences. — Bobine à fil moyen. R = i'ô ohms. Mêmes conditions physiques que ci-dessus. DIVISIONS DU ftlIEOSTAT Ve électrode 57,5 millimètres. 2e — 5$ 3° — 58,5 te — 58,75 — 5« - 59 6« - . 59,5 — 7e — 60 8e — 61 9e — 62 10e — 62,5 lie . _ 6i 12« — 65 La courbe obtenue en prenant les surfaces des électrodes et les divisions du rhéostat est beaucoup moins inclinée que la précédente. Cette courbe est pres- que une ligne droite ; il n'y a que pour les premières surfaces qu'elle est légè- rement incurvée. Cette bobine lait donc varier beaucoup moins vile la sensibi- lité électrique que la bobine à grande résistance, et elle la fait varier très régulièrement. 14* 210 PHYSIQUE 3e série d'expériences. — Bobine à gros fil. R = I ohm. Les chiffres obtenus sont les suivants : DIVISIONS DU RHÉOSTAT. lre électrode 62,5 millimètres. 2e — 63,5 3e — 64 4e — 64,5 5° 66 — 6e - 67,5 — 7e — 69 — 8e — 73 — 9e — .... 76 — 10e — . 80 11e — 84,5 — 12e — 87 La courbe obtenue à l'aide de ces nombres est peu incurvée : ce qui indique que, à mesure que la surface des électrodes croît, l'intensité du courant doit être augmentée régulièrement et progressivement. Les formes des différentes courbes que nous ont permis de construire ces expériences sont très intéressantes à considérer. La courbe correspondant à la bobine induite la plus résistante s'élève rapidement, puis elle s'incline de moins en moins ; la hauteur comprise entre les deux points extrêmes de cette courbe correspond à une diffé- rence de 32 divisions du rhéostat. La courbe de la seconde bobine est très peu élevée, au contraire ; les deux points extrêmes correspondent à une différence de 7,5 divisions du rhéostat. Enfin la bobine de 1 ohm donne une courbe dont les deux points extrêmes correspondent à 24, o divisions. Mais le côté le plus intéressant de la comparaison des trois courbes, c'est la position respective des points formés par l'intersection de chacune de ces trois courbes avec une même ordonnée. En d'autres termes, le gra- phique ci-contre permet à lui seul de connaître l'influence de la résistance du fil des bobines secondaires sur les effets sensitifs du courant faradique. Considérons, en effet, les ordonnées successives correspondant aux abscisses comprises entre 0 et 200 : le premier résultat de cet examen, c'est que chacune de ces ordonnées est coupée par la courbe de la bobine 1 .000" beaucoup plus bas que pour les deux autres. La courbe de la Dr H. BORDIER. — VARIATION DE LA SENSIBILITÉ FARADO-CL'TANÉE 211 bobine lou rencontre de même toutes les ordonnées en des points plus inférieurs que la bobine lu. Ainsi, pour une même surface d'électrode active, l'intensité du courant faradique doit être beaucoup plus faible, pour produire un effet sensitif déterminé, avec la bobine à fil fin qu'avec les deux autres. Pour des électrodes de petite surface, la sensibilité est beaucoup plus vite excitée avec l'emploi de la bobine de grande résistance qu'avec celui de la bobine à fil moyen ; mais, à mesure, cependant, que la surface de l'électrode augmente, les effets sensitifs des bobines 1.00CT et 15" tendent à se rapprocher de plus en plus, la bobine de 1.0U0"' restant pourtant tou- jours plus efficace que la seconde. La bobine de lw se comporte d'une façon exactement inverse de la bobine de 1.000w par rapport à la bobine moyenne. C'est pour de faibles surfaces que la sensibilité est excitée pres- que de la même manière par les deux bobines; à mesure que les électrodes augmentent de surface, les deux courbes vont en s'écartant de plus en plus, c'est-à-dire que les effets sensitifs de la bobine de V sont d'autant plus différents de ceux produits par la bobine moyenne que l'on considère des électrodes de plus en plus grandes. Pour bien faire ressortir le rôle joué dans les phénomènes de sensibilité par la résistance propre des différentes bobines induites, prenons trois électrodes et cherchons à quelles divisions du rhéostat correspond une même sensation. Soient les électrodes : 5,4 centimètres carrés. 77 — 148 — Si l'on cherche à quelles positions du rhéostat correspondent les sensa- tions minima dues à chaque bobine, on trouve : ÉI.ECTUODES LSOUINES -I.OOO1 ' BOBINE 1ou BOBHB 1 A re 5,4 centimètres carrés. 31 58 63 S 2e. . 77 • — 50 62 76 3e. . 148 — 60 64 84,5 Ces résultats montrent que si, avec une électrode donnée, on essayait de déterminer la valeur de la sensation produite par chaque bobine pour une même position du rhéostat, on trouverait que pendant que la bobine de lw produit peu de chose sur les nerfs sensitifs, la bobine de 1.000w et celle de 15w agissent péniblement sur ces mêmes nerfs. Si, ayant l'électrode de 77 centimètres carrés, on place le rhéostat à la division 70', par exemple, 212 PHYSIQUE on constate que la bobine de 1.00CT impressionne très douloureusement les filets sensitifs, que la bobine de 15w occasionne moins de douleur, et qu"enfin la bobine de 1" cause simplement une très faible sensation. Ces effets différents des trois bobines peuvent s'expliquer au moyen de la formule : R . I . / 2 Ce qui varie, lorsqu'on remplace une bobine par une autre, c'est évi- demment la résistance r du circuit induit ; les autres termes de l'égalité restent constants, puisque c'est le même courant inducteur (I), et que le trembleur est le même dans les trois cas. Or, la résistance r de chaque bobine est à la deuxième puissance et au numérateur ; la force électromotrice induite est proportionnelle au carré de la résistance de chaque bobine. Il est donc naturel qu'une bobine à fil fin, c'est-à-dire très résistante, agisse davantage qu'une bobine à fil moins résistant sur la sensibilité, puisque la force électromotrice induite est beaucoup plus considérable dans le premier cas que dans le second. Malgré cette influence très nette sur l'augmentation des excitations sen- sitives produites par les bobines à fil résistant, les appareils que l'on trouve dans le commerce, contenus dans de petites boîtes portatives, sont tou- jours à fil trop résistant pour que les applications du courant faradique se fassent dans de bonnes conditions. Ce qu'il faut chercher, en définitive, lorsqu'on veut faire contracter un muscle par le courant faradique, c'est que cette contraction se produise sans douleur pour le malade ; l'absence de douleur fait accepter le traitement électrique par les malades bien plus facilement que si l'application est douloureuse, et elle permet, de plus, d'atteindre une intensité plus élevée, ce qui, dans certains cas, est utile pour les effets thérapeutiques à obtenir. Pour arriver à ce résultat de la réduction au minimum des effets sensitifs du courant faradique, il faut, non pas de la tension, mais de la quantité. J. DE REY-PAILHADE. — FERMENTS D'OXYDATION DANS CERTAINS VÉGÉTAUX 213 M. J. de REY-PAILHAM ù Toulouse. SUR LEXISTEN3E SIMULTANEE DE DEUX FERMENTS D'OXYDATION DANS CERTAINS VÉGÉTAUX [615 35] — Séance du iei avril l '896 — Eu examinant diverses graines en germination, j'ai constaté qu'elles renferment de la laccase, ferment d'oxydation découvert par M. Bertrand. Ce ferment possède entre autres propriétés, celle de bleuir la teinture alcoolique de résine de gayac. Quand on emploie, par exemple, de la pulpe de cotylédons de pois chiche en germination depuis plusieurs jours, on remarque une disparition assez rapide de la couleur bleue. La coloration reparaît quand on ajoute de l'eau oxygénée. Ce fait montre qu'à côté de l'action oxydante de la laccase, il existe une autre action réductrice qui s'exerce sur la substance bleue d'abord formée, action réductrice, qui paraît résider dans les tissus eux-mêmes. Dans le régne animal, à l'exception de l'oxyhémoglobine, les organes sont sans action sur la teinture de gayac. Il semble que l'oxydation doit s'accomplir par l'intermédiaire d'une autre substance. Une observation de MM. Rohman et Spitzer donne une certaine force à cette manière de voir. Les tissus animaux, privés de sang par lavage, colorent rapidement en violet, puis en bleu, une solution très étendue d'une molécule de naphtol a, une molécule de paraphénylène diamine et trois molécules de soude. Il y a formation d'indophénol par oxydation. En examinant divers végétaux, que j'avais étudiés au point de vue de la laccase, j'ai reconnu qu'ils contiennent également le ferment d'oxyda- tion Rohman et Spitzer. Les jeunes racines de soleil, de pois ordinaire, de pois chiche, de ha- ricot, de lentille, d'orge, d'oranger, deviennent rapidement violettes au contact du liquide indiqué. Les cotylédons du soleil sont très actifs après huit à dix jours de germination. Les cotylédons de ces diverses graines contiennent le ferment de l'indo- phénol avant toute germination. La levure de bière, tuée par de l'alcool ou du fluorure de sodium, 214 CHIMIE n'agit pas sur la teinture de gayac; mais quand elle a été neutralisée,, elle bleuit à la longue la liqueur Rohman et Spitzer. Le ferment de l'indo- phénol, comme la laccase. est soluble dans l'alcool à 25 0 0. Les tissus échauffés quelques minutes à 100 degrés n'agissent plus que très lentement sur la solution de Rohman et Spitzer. L'existence de deux ferments d'oxydation dans un même organisme est intéressante au point de vue de la philosophie de la science; car elle montre que la nature, pour satisfaire aux actes les plus essentiels de la vie, a des moyens variés. On savait déjà que les plantes renferment plusieurs matières réduc" trices : tanins, matières de nature phénolique, philothion, etc. ; l'existence de deux ferments d'oxydation jouissant d'actions chimiques appropriée s aux divers principes à élaborer s'explique très naturellement. Je rappelle enfin que j'ai prouvé que la laccase et le philothion agissent l'un sur l'autre avec absorption d'oxygène libre et production d'acide carbonique. M. E. GrERAED Agrégé à la Faculté de Médecine de Toulouse. FERMENTATION DE L'ACIDE URIQUE PAR LES MICROORGANISMES [547 7] — Séance du 1"' avril 1896. — A ma connaissance, on n'avait pas encore jusqu'ici signalé la décom- position de l'acide urique par l'action seule des microorganismes. Je me propose, dans cette note, de communiquer les premières expériences d'une étude que je poursuis actuellement sur ce sujet. Le 10 novembre 1895, on avait laissé ouvert à l'air un ballon renfer- mant une solution de 3 grammes de phosphate disodique et de 50 cen- tigrammes d'acide urique pur dans 500 centimètres cubes d'eau. M. Donath (1) a en effet montré que l'acide urique, presque insoluble dans l'eau froide, se dissout dans une solution de phosphate de soude en donnant un urate alcalin. (\)Joum. prakt. Chein. [2], t. IX, p. 145. E. GÉRARD. — FERMENTATION DE L'ACIDE URIQUE 21o Après quatre jours d'exposition à, l'air, j'ai remarqué que le liquide était envahi par des microorganismes qui troublaient sa transparence. De plus, la liqueur présentait une légère odeur ammoniacale, et l'ammoniaque, qui ne pouvait provenir que de la décomposition de l'acide urique, était facilement mise en évidence. Le 14 décembre, on fait une nouvelle addition d'un gramme d'acide urique qui reste à l'état insoluble dans le liquide. Quelques jours après, le 20 décembre, le dépôt d'acide urique a dis- paru. Le liquide examiné renferme du carbonate d'ammoniaque. Les microorganismes continuent à y pulluler et se déposent en zooglées au fond du ballon. Une étude microscopique attentive permet de reconnaître que ce dépôt est constitué par de nombreux coccus et des bactéries courtes et trapues. Des cultures sont alors faites sur bouillon peptonisé et sur gélose; on observe encore les mêmes productions organisées, coccus et bactéries, avec lesquelles on ensemence de nouvelles solutions stérilisées de phos- phate disodique et d'acide urique pur. Le développement des microorga- nismes se fait assez rapidement à la température de 30 à 32 degrés et, tous les quatre ou cinq jours, on ajoute une nouvelle quantité d'acide urique. Le dédoublement de ce composé se fait régulièrement et peut même, dans certaines expériences, se continuer pendant quelque temps. Tel est le cas d'une fermentation commencée le 1er mars 1896 et dans laquelle on a ajouté 48v,50 d'acide urique par fractions de 50 centi- grammes, et la transformation en carbonate d'ammoniaque s'effectue en- core au moment où je rédige cette note. Un incident dans ces premières expériences m'a permis de mettre en évidence la présence de l'urée dans les produits de dédoublement de l'acide urique. Voici les faits : dans le but de doser l'ammoniaque formée dans diverses fermentations, j'ai employé le procédé Schlœsing qui con- siste à distiller le liquide en présence de la potasse, et à recueillir les pro- duits distillés dans une solution d'acide sulfurique titré. Mon attention fut alors attirée vers cette particularité que la proportion d'ammoniaque allait en augmentant dans les derniers temps de la distillation. J'ai alors émis l'hypothèse, qui sera du reste justifiée plus loin, qu'il devait rester en solution un produit de nature azotée se décomposant d'autant plus facile- ment par la potasse que les liqueurs devenaient plus concentrées par le fait de la distillation. Pour vérifier cette hypothèse, j'ai évaporé à siccité au bain-marie le liquide d'une fermentation; le résidu a été traité par l'alcool absolu qui a dissous un produit cristallisant en aiguilles et pré- sentant tous les caractères de l'urée. Je ferai remarquer que les subs- tances qui composent la solution en fermentation, c'est-à-dire le phosphate disodique et peut-être de l'acide urique non décomposé, sont insolubles 216 CHIMIE dans l'alcool absolu. Quant au carbonate d'ammoniaque formé, il avait été chassé dans l'évaporation à siccité. Les dosages d'ammoniaque antérieurement exécutés étaient donc erro- nés, puisqu'une solution aqueuse d'urée, chauffée en présence de la potasse, de la chaux et même de la magnésie dégage de l'ammoniaque. Quoi qu'il en soit, une phase très intéressante du processus de la fer- mentation était mise en évidence : l'acide urique se décompose sous l'in- fluence de certains microorganismes, en donnant de l'urée et du carbo- nate d'ammoniaque. Me basant sur ce fait acquis, j'ai entrepris de nouvelles fermentations dans lesquelles j'ai pu doser à la fois l'urée et le carbonate d'ammo- niaque. Voici l'une des expériences : 7 mars. — Ensemencement, avec une trace des cultures sur bouillon pepto- nisé précédemment obtenues, de la solution suivante : Phosphate disodique 3 grammes. Acide urique pur 0er,50. Eau distillée 500 centimètres cubes. 10 mars. — Présence très nette de carbonate d'ammoniaque formé. 49 mars. — Le carbonate d'ammoniaque est dosé en faisant bouillir 100 cen- timètres cubes de la solution dans un ballon relié à un aspirateur, et faisant traverser le liquide par un courant d'air rapide qui entraîne le carbonate d'am- moniaque, et se rend dans une solution d'acide sulfurique titré qui absorbe l'ammoniaque et en fait connaître la quantité par la variation de titre qu'elle éprouve. Dans la liqueur neutre, on dose l'urée. M. Van Tieghem (1), dans son travail sur la fermentation de l'urée, s'est assuré que l'ébullition avec une petite quantité de carbonate d'ammoniaque n'altère pas l'urée. Par suite, le liquide, séparé du carbonate d'ammoniaque, est évaporé à siccité, et le résidu est épuisé par l'alcool absolu qui dissout l'urée. La proportion de cette der- nière est obtenue par évaporation de l'alcool, et le poids est contrôlé par dosage à l'aide de la méthode de Liebig. Voici les résultats : Ammoniaque 0sr,06S Urée 0sr,250 Cette quantité de 0er,250 d'urée correspond à 0«r,i42 d'ammoniaque, soit au total 0%r,210 d'ammoniaque. En admettant que tout l'azote de la molécule d'acide urique (C5 H4 Az4 O3) soit transformé en ammoniaque, on a théoriquement 0er,208 d'ammoniaque pour les 0sr,50 d'acide urique mis en expérience : chiffre voisin de celui que nous avons trouvé. U) Annales de l'École normale supérieure, t. I, p. 170. ISG4. BUISSON, ESCANDE ET CLAUTEAU. — DENSITÉ DES MASSES CUITES 217 Que résulte- t-il de ces premières expériences? C'est que l'acide urique, sous l'influence de certains microorganismes, se décompose en donnant de l'urée et du carbonate d'ammoniaque. Il est très probable que la pro- duction de ce dernier sel est le résultat d'une action secondaire des coccus ou des bactéries sur l'urée d'abord produite. En effet, dans une expé- rience en cours, j'ai pu, avec ces microorganismes, transformer de l'urée, dissoute dans une solution de phosphate de soude, en carbonate d'ammo- niaque, mais cela très lentement, ce qui peut s'expliquer par l'absence de matières albuminoïdes dans la culture. Il se pourrait que la décomposition de l'acique urique fût une hydra- tation complète de la molécule, et qu'il fût possible de démontrer la for- mation d'acide tartronique, concurremment avec celle de l'urée. C'est ce que je me propose de rechercher, en essayant en même temps de séparer les différentes productions organisées de cette fermentation pour en faire l'étude morphologique. MM. BUISSON, ESCAOE et CLAUTEAU DÉTERMINATION DE LA DENSITÉ DES MASSES CUITES | 664. 1 1 Séance du 1er avril 1896 — La science apportant tous les jours de nouveaux perfectionnements à l'industrie sucrière, il est nécessaire au chimiste de suivre d'une manière très attentive les différentes phases de la fabrication, afin de réduire les pertes au strict minimum. Les méthodes employées pour le contrôle chimique se sont également perfectionnées d'une manière remarquable. Un point restait indécis et c'était le principal, l'évaluation en poids de la masse cuite produite ; la connaissance exacte de ce poids est cependant de toute nécessité, si l'on veut obtenir un contrôle sérieux. Bien des méthodes ont été proposées ; celle indiquée par M. Vivien, il y a plusieurs années, est seule à l'abri de toutes critiques : elle donne des 218 CHIMIE résultats rigoureux, mais les frais d'installation ont empêché les fabricants de sucre de l'appliquer. Un chimiste (Journal des Fabricants de Sucre, 4 nov. 1886 et 22 janv. 1890) a essayé de tourner la difficulté en prenant la densité d'une solu- tion titrée de masse cuite et, d'après la densité obtenue, a calculé le poids de la masse cuite au moyen des tables de Brix. Les résultats ainsi obtenus sont entachés d'une forte erreur, Brix ayant admis pour la densité du sucre pur le nombre 1,5578, nombre reconnu faux par tous les savants qui se sont occupés de cette importante question. Le nouveau procédé d'extraction du sucre dit « Sucre et Mélasse », breveté en 1895 par M. Manoury, nous a forcés pour la conduite et la surveillance de ce procédé de rechercher une méthode nous permettant d'évaluer rapidement le poids de la masse cuite produite. La densité du sucre n'étant connue que très approximativement et la prise de densité d'une solution étant très rapide et très simple, nous avons tourné la difficulté, en adoptant, pour arriver au but que nous nous proposions d'attein- dre, la méthode employée par M. Barbet clans ses recherches sur le non-sucre (Sucrerie Indigène et Coloniale, janv. 1879). Elle est basée sur ce fait que: « Les corps en dissolution obéissent généralement au principe d'Archimède tout comme les corps insolubles; ils perdent donc une partie de leur poids, égal au poids du volume d'eau qu'ils déplacent. Il n'y a d'exception que pour les substances qui se dissolvent en produisant, soit une dilata- tion, soit une contraction du mélange, probablement par suite d'une réaction réciproque des deux corps en présence ou d'un changement d'état moléculaire. Ces changements s'accusent, d'ailleurs, par des variations de température. Pour le sucre, il y a un léger accroissement de poids, tandis que pour les sirops très concentrés il y a, au contraire, diminution. Ces variations sont assez faibles pour que certains auteurs les aient considérées comme négligeables. (Barbet, loco cilato.) Les masses cuites étant un mélange de sucre cristallisé et de sirop concentré, les effets de contraction et de dilatation devront être consi- dérés comme s'annulant. Dans ces conditions, les résultats obtenus pour- ront être regardés comme le plus près possible de la vérité. La détermination de la densité de la solution sucrée peut se faire, soit par l'emploi d'un densimètre, soit par la méthode du flacon. L'emploi du densimètre, même contrôlé, nous paraît très peu reeomman- dable, ayant toujours constaté que cet instrument après quelques jours de service donnait des indications trop élevées, par suite d'une perte notable de poids provenant de l'attaque du verre par le jus sucré. Nous recommandons tout spécialement l'emploi de la méthode du flacon. L'opération, telle que nous la pratiquons, est très rapide et l'exactitude obtenue est beaucoup plus grande. Nous nous servons d'un ballon de BUISSON, ESCANDE ET CLAUTEAU. — DENSITÉ DES MASSES CUITES 219 50 centimètres cubes, jaugé sec, suivant les indications données par M. F. Dupont (Bulletin de l'Association des Chimistes, t VIII, p. 321). Le col du ballon a 1 ou < 103 — 0^,108 = 153ks,738. Afin d'éviter ces opérations assez longues et ennuyeuses en cours de fabrication, nous avons calculé la table suivante contenant les densités comprises entre 1057.7 et 1072.6. Dans cet intervalle sont comprises toutes les densités pouvant se pré- senter, car, d'après Maumené, la densité minimum d'un sirop pouvant cristalliser est de 1.405 et la densité du sucre pur égale à 1.5951. Les densités indiquées dans la colonne 0, ont toutes été calculées; quant à celles contenues dans les colonnes 1.2 9 elles ont été obtenues par interpolation. Pour se servir de cette table, on cherchera dans la première colonne verticale de gauche la densité exprimée en nombre entier dans la première ligne horizontale, à la première décimale à l'intersection des deux lignes horizontale et verticale on trouvera le nombre exprimant la densité cherchée. Nous avons par exemple une solution ayant une densité de 106 è. 8: nous chercherons dans la première colonne de gauche le nombre 1069 puis le chiffre 8 dans la première ligne horizontale ; à l'intersection des deux lignes nous trouverons le nombre 1 .5361 1 qui exprimera la densité cherchée. BUISSON, ESCANDE ET CLAUTEAU. — DENSITÉ DES MASSES CUITES 221 CO ,c in OS O OS (M ci iO oo on CCI ira irt □0 -i t— >o CO -* co _ lO fM Cl .ra o r^ on on es o •ît .o c- co CO m co -T lO CO / OS o s-i co -* CO 0T) 05 -a- -* •a- ■* «a- ■* lO »n lO lO lO iO ira lO ■ec on t CO CO o l?1 o t- OS es r- ■* o lO Ir- ■^r CO CO lO or) CO OS o co 00 CO CO r> X O! o Cl -5f cO r- o m ■a- oo ici "îf1 Iffl CO r- en o S-1 CO -* CO on ■a- ■a- ■a- •a- «T -- ■Jt •a- -a- irt ..o lO .o ira Iffl ira ira CO (M ira ■ît r- CO 00 CO ■* CO o CO ira CO co Cl (M CO ire C-1 r> 00 V ira lO O CO t— oo OS CO CO £> ^H co t^ CO -T >o CO i- on _ JM «T lO 1— 00 -* -ST >o CO t- 00 Os * cO co CO lO cO r- V 05 O CO QO co m m lO co t-" on OS CO m :r ** lO CO 00 OS ■a- -W «* -r «t «* -5f -1- «o lO in L-. ira ira lO c: -* Mt ^^ t- rî-i CI CM o (X) CO lO OS OS S TC r— ■«f Cl CI ■* 00 co ro -^ •* iO Ë- 30 OS CO lO r— o> o ce o o -a- •a- CM CO -- ift •a- ■a- on -a- o ta U0 ■ o i.O iC ira ira lO r- oo CO c=) ex CO «* m U3 p~ oo en es .^ CM co >* •-n co es c=> CHIMIE MM. A. BEM et C. GrERBER Professeurs à l'École de Médecine de Marseille. MÉTHODE DE RECHERCHE DE QUELQUES ACIDES ORGANIQUES DANS LES PLANTES |_543-81 — Séance du /8r avril 1890 — On sait combien est délicate la recherche des acides organiques dans les plantes. Parmi les principes les plus rationnels pour la détermination des acides oxalique, tartrique, citrique et malique, on doit compter ceux indiqués par M. Dragendoriï (1), que M. Aubert (2) a réunis en une méthode dont il s'est servi dans son étude sur les plantes grasses. Les acides sont séparés de la majeure partie des substances étrangères en les précipitant par l'acétate de plomb. Le précipité plombique, délayé dans l'eau et traité par un courant d'hydrogène sulfuré, donne par fîltra- tion un liquide contenant les acides à l'état de liberté. On l'évaporé à petit volume. Le reste de la recherche est basé sur les propriétés des sels de calcium de ces acides qui donnent lieu aux réactions suivantes : 1° L'acide oxalique donne par l'eau de chaux un précipité insoluble dans l'acide acétique ; 2° Les acides tartrique et racémique, secs ou presque secs, saturés par l'eau de chaux donnent un précipité soluble dans l'acide acétique et que l'on peut différencier par le chlorhydrate d'ammoniaque qui dissout le tartrate et laisse le racémate ; 3° L'acide citrique, dans le même cas, donne une liqueur claire à froid, mais qui précipite à l'ébullition; 4° L'acide malique, toujours dans les mêmes conditions, donne une solution limpide ne précipitant pas à l'ébullition, mais se troublant par addition d'alcool. (1) Analyse chimique de* Végétaux, parle Dr Dragendorff, {Encyclopédie chimique de Frémy. t. X). (.2) M. Albert, Recherches physiologiques sur les Plantes grasses. Thèse de doctorat es sciences de Paris, 1892. A. BERG ET C. GERBER. — RECHERCHE DES ACIDES ORGANIQUES 223 L'application de celte méthode expose à de nombreux mécomptes si on se borne ta la constatation des caractères de ces sels de calcium. En premier lieu, on est exposé à confondre l'acide phosphorique avec l'acide racémique. En effet, cet acide, présent dans presque toutes les plantes à l'état de phosphates solubles, précipite par l'acétate de plomb, se trouve, par conséquent, mélangé aux acides organiques après traitement par l'hydrogène sulfuré et donne ensuite, par l'eau de chaux, un précipité soluble dans l'acide acétique, insoluble dans le chlorhydrate d'ammo- niaque. Ce sont là les propriétés du racémate. En second lieu, la recherche de l'acide citrique manque de sensibilité et celle de l'acide malique peut être incertaine et entachée d'erreur. Dans le cas de la présence de ces deux acides, si, après avoir fait bouillir la solu- tion calcaire et filtré bouillant pour séparer le citrate de chaux, on ajoute de l'alcool à la liqueur claire, la formation d'un précipité n'est nullement caractéristique de l'acide malique, car il reste assez de citrate dans la solu- tion pour qu'il se produise un précipité très abondant par l'action de l'alcool. Pour que cette réaction soit probante, il faut qu'il n'y ait pas d'acide citrique en présence et, par conséquent, pas de précipité à l'ébul- lition. Or, même si cette précipitation n'a pas lieu, cela peut tenir à ce que l'acide citrique est très peu abondant, ce qui ne l'empêchera pas de pré- cipiter par l'alcool et de faire conclure par suite à l'acide malique, même si ce dernier n'existe pas. On méconnaît du même coup la présence de l'acide citrique. M. Dragendorff dit bien que pour séparer ces deux acides « il suffit de se rappeler que le citrate de chaux n'exige qu'une petite quantité d'alcool pour se précipiter et qu'il se dépose, par conséquent, avant le malate. » Mais il est bien difficile d'ajouter strictement l'alcool nécessaire pour pré- cipiter tout le citrate et rien que le citrate. Enfin, il n'est pas jusqu'à l'acide sulfurique qui peut, pour les motifs indiqués plus haut pour l'acide phosphorique, se trouver mélangé aux acides organiques et faire croire à tort à l'existence de l'acide malique. Il donne, en effet, une liqueur claire par l'eau de chaux ne précipitant pas par ébullition, mais se troublant par addition d'alcool. En présence de- ces nombreuses causes d'erreur, nous avons cherché un moyen de caractériser plus sûrement les acides tartriques, citrique et malique. Nous y sommes arrivés en faisant intervenir quelques réac- tions colorées dont l'une est due à M. Mohler (1), et dont les autres nous sont personnelles. M. Mohler recherche l'acide tartrique par la coloration rouge qu'il donne lorsqu'on le chauffe avec de l'acide sulfurique tenant 1 0/0 de résorcine <\) [•:. Moin.iat. Sur une réaction très sensible de l'acide tartrique Bull. Soc. ckim., 2e série, t. IV, p. 728). 2^4 CHIMIE en dissolution. Nous nous sommes assurés que les quatre acides tartriques se comportent de même avec ce réactif. En ce qui concerne l'acide citrique, nous nous sommes basés sur des faits établis depuis longtemps, mais qui n'ont pas, à notre connais- sance, du moins, été employés dans ce but. Ce sont : 1° sa transfor- mation en acide acétone -dicarbonique par l'action de l'acide sul- furique par perte d'oxyde de carbone et d'eau ; 2° la coloration violette que donne ce dernier acide avec le perchlorure de fer. En nous basant sur la présence du groupe acétonique dans l'acide acé- tone-dicarbonique, nous avons pensé que nous pourrions obtenir avec ce corps la réaction que donnent un certain nombre de corps contenant ce groupement avec le nitro-prussiate de soude alcalin. C'est, en effet, ce qui a lieu et ce qui nous a permis d'ajouter à la réaction précédente une seconde réaction qui vient la corroborer et la rendre plus probante. On opère de la façon suivante : la substance à examiner, amenée à l'état solide ou presque solide, est placée dans un tube à essai et chauffée à une température comprise entre 50 et 60 degrés, avec cinq ou six fois son poids d'acide sulfurique pur à 66 degrés Baume pendant environ une heure à une heure et demie; on refroidit ensuite le mélange et on ajoute avec précaution, de façon à éviter un trop fort échauffement, un volume d'eau cinq à six fois égal à celui du mélange, on agite avec de l'éther et on décante ce dernier en ayant soin de ne pas entraîner de liquide sousjacent. La solution éthérée est divisée en deux parts que l'on évapore dans des capsules. Le premier résidu est repris par un peu d'eau et additionné d'une solu- tion étendue de perchlorure de fer; une coloration violet-rougeâtre de teinte analogue à celle des lies de vin, indique la présence de l'acide citrique. Le second résidu est additionné d'une solution récente très étendue de nitro-prussiate de soude, puis d'une goutte de soude concentrée; il se produit une tache rouge intense, et par agitation le liquide se colore tout entier en rouge orangé. Les acides oxalique, tartrique et malique ne donnent rien de semblable. Pour rechercher l'acide malique, nous nous sommes servis d'une modi- fication d'une réaction indiquée par l'un de nous (1), comme caracté- ristique des acides à fonction alcoolique. Ces acides ont la propriété de colorer en jaune un réactif formé en ajoutant deux gouttes de perchlo- rure de fer à 45 degrés Baume et deux gouttes d'acide chlorydrique à 22 degrés Baume à 100 centimètres cubes d'eau. Ce réactif ne peut donc pas permettre directement de distinguer les uns des autres les acides (1) A. Berg, Sur une réaction des Acides-Alcools (Bull. Soc. chim. 3e série, p. 882). \. DERG, C. GERBER. — RECHERCHE DKS ACIDES ORGANIQUES 22o tartriques, citrique et malique, qui sont tous trois des acides-alcools; mais si on traite les sels ammoniacaux neutres de ces acides par l'alcool à 9o degrés, ou, ce qui revient au même, les acides secs par une solution de gaz ammoniac sec dans le même alcool, le malate seui se dissout en petite quantité, tandis que le citrate et le tartrate sont totalement inso- lubles. Il en résulte qu'en évaporant la solution tiltrée et reprenant par 1 i au, le liquide obtenu donnera ou ne donnera pas la réaction des acides- alcools, selon qu'il y avait ou non de l'acide malique dans le mélange. Étant en possession de ces réactions colorées, voici le mode opératoire auquel nous nous sommes arrêtés. La plante est broyée à deux reprises différentes avec un peu d'eau et soumise à la presse. Le liquide obtenu est filtré et précipité par l'acétate neutre de plomb sans employer un excès de ce réactif. Le précipité, lavé, mis en suspension dans l'eau, est traité par l'hydrogène sulfuré. Après filtration, on évapore le liquide à sec au bain-marie et on essaye sur une petite quantité du résidu s'il donne un précipité par l'eau de chaux. S'il en est ainsi, on traite la totalité de la substance par ce réactif jus- qu'à légère alcalinité, on filtre et on lave le précipité avec un peu d'eau. Après l'avoir remis en suspension dans l'eau, on ajoute de l'acide acétique; s'il reste un résidu insoluble, il est du à la présence de l'acide oxalique. Le liquide acétique, après en avoir séparé l'oxalate de calcium, est éva- poré à sec au bain-marie et on recherche l'acide tartrique au moyen de la réaction de M. Mohler. Cette réaction peut être généralement tentée directement sur le préci- pité obtenu par l'eau de chaux, même quand il contient de l'oxalate. Mais dans certains cas, elle est partiellement masquée par des matières colo- rantes (provenant souvent de l'oxydation de certains tannins pendant l'évaporation) qui se précipitent en même temps que le tartrate de cal- cium. On peut alors rendre la réaction plus nette en précipitant la solu- tion acétique, obtenue comme ci-dessus, par un léger excès d'acide oxa- lique, évaporant le liquide filtré et reprenant par l'alcool. A cette solution on ajoute une dissolution alcoolique d'acétate de potassium; il se dépose de petits cristaux de bitartrate de potassium incolores ou à peine colorés sur lesquels la réaction est essayée. D'après ce que nous avons dit plus haut, il est absolument nécessaire d'obtenir la coloration rouge par l'acide sulfurique et la résorcine pour conclure à la présence de l'acide tartrique. car dan- presque tous les végé- taux que nous avons examinés, nous avons obtenu par l'eau de (baux un précipité soluble dans l'acide acétique, mais qui ne donnait en aucune façon la réaction précédente et que nous avons reconnu être du phos- phate de calcium au moyen du réactif molybdique. Le liquide, qui a été traité par l'eau de chaux et filtré, est alors préci- i i 226 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE pité par l'oxalate d'ammoniaque; on fait ainsi passera l'état de sels ammo- niacaux les acides citrique et malique. On évapore à sec et on divise le résidu en deux parties, dont l'une est traitée par l'acide sulfurique pour la recherche de l'acide citrique, et l'autre mise en digestion avec l'alcool à 95 degrés ammoniacal pour la recherche de l'acide malique. Quoique les acides aient été amenés à l'état de sels ammoniacaux, nous préférons employer l'alcool ammoniacal pour être bien sûrs d'avoir le sel neutre. Dans le cas où il n'y a pas eu de précipitation par l'eau de chaux, c'est le résidu primitif qui sert à ces essais, et il est indispensable alors d'employer l'alcool ammoniacal, car les acides sont alors à l'état de liberté. L'application de cette méthode nous a permis de déceler les acides citrique et malique dans un grand nombre de végétaux, et en particu- lier dans les mésembryanthémées où ils n'avaient pas été signalés. M. THEYEIET Directeur du Service météorologique a Al_< i CLIMATOLOGIE DE L'ALGÉRIE [551 56(65)] Si ance du :' avril IS96 — - TEMPÉRATURE DE L'AIR L'évaluation de la température moyenne d'un lieu, à l'aide des maxima et des rainima de chaque jour après correction de leur moyenne, per- mettrait d'éliminer les erreurs provenant des irrégularités qui peuvent se produire dans les heures d'observation. Les coefficients de correction qu'on a dû employer pour obtenir la moyenne ont été déduits de l'étude des graphiques fournis par les enregis- treurs Richard contrôlés avec des thermomètres de précision. Ces coeffi- cients ont été trouvés sensiblement plus élevés que ceux dont on se sert à Paris. Cela paraît résulter des différences qui existent entre les dia- grammes obtenus sous différentes latitudes. En Algérie et, en général dans les régions de faible latitude, la courbe des températures diurnes présente THÉYENET. — CLIMATOLOGIE DE l'aI.GÉIUE 227 des allures plus brusques que dans les pays septentrionaux. La plus grande sécheresse de l'air et la courte durée du crépuscule semblent être la cause d'une montée el d'une descente plus rapides de la température. Ces coefficients sont : JANVIER FÉVRIER M 1RS AVRIL MAI JUIN .111 LU, 1 AOUl SEPT. OCT. NOV. DEC. our Paris. . . our Alger. . . 0.047 0.070 0.068 0.110 0.064 0.085 0.061 0.114 0.030 0.122 0.043 0.09*2 0.043 0.093 0.053 0.100 0.068 0.140 0.068 0.164 0.056 0.145 ii 039 0.115 TEMPÉRATURES MOYENNES Le tableau des températures moyennes donne lieu aux remarques sui- vantes : En hiver l'influence de l'altitude est nettement marquée ; la tempéra- ture moyenne est de 11 degrés environ sur le littoral, elle diminue graduellement jusqu'à 4 degrés environ sur les Hauts-Plateaux el remonte vers 8 degrés environ sur le versant saharien, En été, au contraire, la température moyenne s'éloigne peu de 2o degrés environ dans toute l'étendue du réseau à l'exception cependant des stations sahariennes où elle atteint et dépasse 30 degrés. Pour les moyennes d'hiver on peut dire que la nébulosité et les brumes s'opposant au rayonnement, l'air prend la température qui convient à son altitude, avec d'autant plus de raison que les vents plus forts et plus fré- quents lui impriment des mouvements ascendants ou descendants qui abaissent ou qui élèvent son degré thermométrique. En été, par contre, l'air étant plus calme et plus transparent, si, d'une part, l'action solaire élève le maximum, d'autre part, le rayonnement nocturne affaiblit le minimum. TEMPÉRATURES MINIMA Les minima d'hiver sont en relation directe avec l'altitude. Leur valeur moyenne, de 8 degrés environ sur le littoral, descend jusqu'à 1 ou 2 degrés à mesure qu'on s'élève dans la région du Tell et atteint très généralement à zéro degré sur les Hauts-Plateaux, pour remonter à 2 ou 3 degrés au-dessus de zéro dans la région saharienne. Cet état de choses 228 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE s'explique aisément si l'on tient compte du voisinage de la mer, d'une part, et de l'altitude, de l'autre. En été, les minima qui s'élèvent à 20 degrés environ sur la zone litto- rale décroissent en général avec l'altitude jusque vers lo degrés dans les plus hautes stations et se relèvent vers 2o degrés dans le versant saha- rien. Ici, la plus ou moins grande élévation au-dessus du niveau de la mer exerce une influence notable sur la fraîcheur des nuits. TEMPÉRATURES MAX1MA Les maxima d'été, les seuls présentant quelque intérêt, s'éloignent peu de 29 ou 30 degrés sur le littoral. Ils s'élèvent à mesure que l'on s'avance dans l'intérieur. Us atteignent 35 degrés en moyenne sur les Hauts-Pla- teaux et dépassent 40 degrés dans la région saharienne. Cette forte élévation de la température maximum est due à la grande transparence de l'air et à sa sécheresse extrême. RÉDUCTION DES TEMPÉRATURES AU NIVEAU DE LA MER Les cartes de températures réduites au niveau de la mer ont été dressées en admettant que la température décroît avec l'altitude suivant la saison et dans les proportions suivantes : Janvier, Février, Décembre, la température décroit de I degré pour 200 métrés Mars, Novembre — 1 — 190 — Avril, Octobre 1 180 — Mai, Septembre. ...... 1 170 — Juin, Août — — 1 — 160 — Juillet - 1 — 1S0 Cette réduction permet d'éliminer dans une certaine mesure l'influence de l'altitude. On peut admettre aussi que les cartes ainsi obtenues per- mettent d'étudier les courants atmosphériques locaux, tels que les vents de terre et les vents de mer. L'examen de ces cartes semble indiquer qu'à l'heure du maximum le vent souffle de la terre à la mer, en janvier, février et décembre. Pendant les autres mois de l'année, les vents souillent de la mer à la terre. Il va sans dire que cette tendance ne fait que s'ajouter à celles d'ordre supé- rieur. Ces résultats paraissent concorder assez exactement avec ceux qu'a donnés un appareil enregistreur de la direction du vent fonctionnant à Alger depuis deux ans et dont Ja description sera donnée plus loin. Quant aux minima, les cartes montrent assez nettement qu'à l'heure THÉVENET. — CLIMATOLOGIE DE L'ALGÉRIE 229 où ils se produisent la distribution de la température crée une tendance aux vents de terre pendant toute l'année, à l'exception des mois les plus chauds : juin, juillet, août. TEMPÉRATURES — ÉCARTS Un tableau de températures extrêmes relate en premier lieu la moyenne des écarts ; en second lieu, les températures les plus remarquables soit dans un sens, soit dans l'autre, et cela pour toutes les stations. TEMPÉRATURES — VARIATIONS DIURNES Les variations diurnes de la température, c'est-à-dire la différence entre les maxima et les minima, sont réunies dans un tableau qui montre l'in- fluence : 1° De l'altitude ; 2° De l'éloignement de la mer ; 3° De la plus ou moins grande sécheresse de l'air. Tandis qu'en hiver la variation diurne est à peu prés la même dans toute l'Algérie, pendant le cours de la saison d'été cette même variation acquiert une valeur beaucoup plus grande. HUMIDITÉ ATMOSPHÉRIQUE. — TENSION ARSOLUE On s'est borné à dresser des cartes de moyennes mensuelles des tensions absolues. Cet élément étant indépendant de la température locale et se trouvant en relation directe avec la situation relativement au voisinage des grandes masses d'eau, les courbes obtenues sont plus régulières que celles qui correspondraient à l'humidité relative. L'examen de ces cartes montre l'influence marquée du voisinage de la mer soit du côté du Nord, soit du côté de l'Est et cela pendant toute l'année. Toutefois, en été, celte influence est mieux accusée comme on pouvait s'y attendre. La tension absolue varie à peu près de 7 à 16 millimètres sur tout le littoral de l'hiver à l'été. de o à 9 — sur les Hauts-Plateaux et le Sahara. 230 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE On peut cependant remarquer que dans le sud-est il se produit une augmentation de la tension absolue, elle peut être attribuée en partie à la fréquence des vents d'est et à la présence des chotts ou peut-être de nappes d'eau souterraines. HUMIDITÉ RELATIVE Sur le littoral l'humidité relative ne varie que très peu avec les saisons ; elle reste voisine de 70 0/0 en moyenne. Grâce à la proximité de la mer, la quantité de vapeur contenue dans l'air peut suivre les fluctuations de la température. L'humidité relative, dans les autres stations du réseau, s'affaiblil en été. Elle varie de l'hiver à l'été, entre 70 0/0 et 50 0/0 dans le Tell ; entre 60 0/0 et 40 0/0 sur les Hauts-Plateaux et entre 60 0/0 et 28 0/0 dans le Sahara. ÉVAPORATION Dans la plupart des stations algériennes l'évaporation est observée à l'aide de Y Évaporomètre de Piche, installé sous l'abri thermométrique. En outre, au bureau central d'Alger fonctionnent deux évaporomètres enregistreurs permettant d'étudier directement 1 evaporation de l'eau dans une cuve ; l'un est placé à l'ombre, l'autre au soleil. (Ils sont décrits plus loin) . Il est bon de faire la comparaison de ces deux modes d'observation, suivis à Alger. A l'ombre, les deux instruments étant placés dans des conditions identiques, l'appareil de Piche donne des résultats sensiblement plus élevés que l'évaporomètre à cuve enregistreur. Cette supériorité peut être attribuée à deux causes ; 1° Les variations brusques de température produisent une dilatation de l'air contenu dans le tube et une certaine quantité d'eau, peut, par suite, être chassée en travers de la rondelle en papier. 2° Les fortes secousses dues aux rafales de vent peuvent déterminer la sortie de quelques gouttes d'eau. En outre l'eau qui est dans le tube n'est pas dans les mêmes condi- tions que celle qui remplit une cuve où se produisent des convections qui modifient le phénomène. Le tableau de l'évaporation montre que, sur le littoral, la quantité d'eau évaporée varie de l'hiver à l'été, de 3 à 5 millimètres. A mesure que l'on s'éloigne du littoral, l'évaporation diminue en hiver et augmente en été. THEVENET. CLIMATOLOGIE DE i/ALGÉRIE 231 Cela résulte, pour l'hiver, d'une température plus basse et, pour l'été, d'une chaleur plus forte et d'une plus grande sécheresse de l'air. Sur les Hauts-Plateaux, où il se produit des congélations plus fré- quentes, l'évaporation est très faible en hiver et beaucoup plus considé- rable en été, elle y varie entre 2 et 10 millimètres par jour. Dans la région saharienne, l'évaporation est environ de 4 millimètres en hiver, dépasse 17 millimètres par jour en été. Remarque. — On obtient des nombres assez concordants avec les obser- vations faites à l'aide de l'évaporomètre Piche en multipliant par le facteur : 1,4, la différence entre les températures du thermomètre sec et du thermomètre mouillé. Les enregistreurs qui fonctionnent depuis deux ans à Alger ont donné comme quantité d'eau évaporée par jour, en moyenne : Pour l'hiver à l'ombre 2mm,5 Pour l'été à l'ombre 3mm,2 Pour l'hiver au soleil 2m,,,,8 Pour l'été au soleil 10mm,2 PLUIE Les cartes de pluie (mensuelles et générales) portent sur toutes les observations qui ont pu être recueillies dans les archives du service. La carte générale des pluies montre que, sur le littoral et au nord des grandes montagnes de la Kabylie, la moyenne d'eau tombée dépasse 1 mètre par an. De part et d'autre de celte région, vers l'est et vers l'ouest, la quantité d'eau qui tombe annuellement va toujours en diminuant, il en est de même au fur et à mesure que l'on descend vers le sud. Au midi de la lisière des Hauts-Plateaux, la quantité annuelle d'eau tombée ne dépasse guère 200 millimètres par an. La moyenne mensuelle des pluies recueillies à Alger depuis cinquante- huit années consécutives de 1838 à 1895 est la suivante : JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL MAI JUIN JUILLET AOUT SEPT. OCT. KOV. DEC. gcr lôteJ-de- ville) imlliin. 110.7 inilliin. 93.5 llillllhi. si;. t millim. 59.9 millim. 35.5 millim. 14.4 millim. 1.5 millim. 7.0 millim. 2s.:i millim. 79.1 millim. 110.9 millim. 1 !!>.:> MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE GRELE ET NEIGE La grêle et la neige ont donné lieu à des cartes analogues faisant con- naître les fréquences moyennes de ces phénomènes. MOYENNES BAROMÉTRIQUES MENSUELLES Les pressions moyennes mensuelles ont été réunies sur des cartes après leur réduction au niveau de la mer. Elles montrent pour la saison d'hiver, un maximum de pression recou- vrant la partie méridionale des Hauts-Plateaux et en été, un minimum occupant une situation analogue. Ces résultats semblent s'accorder avec la distribution de la température. Sans aucune exception toutes les stations présentent, en avril, un mini- mum barométrique. Pendant les mois suivants la pression va en se relevant partout, mais beaucoup plus sensiblement dans les hautes régions que dans celles peu élevées. Cela résulte de la variation qu'éprouve, selon la saison, le poids de la masse d'air qui forme la couche intermédiaire entre le niveau de la station et celui de la mer. VENTS 11 a été dressé une statistique complète de la fréquence des huit direc- tions principales du vent pour tous les mois de l'année, et pour toutes les stations d'Algérie. Les tableaux ainsi obtenus peuvent être étudiés à deux points de vue différents. On peut, ou bien comparer les fréquences de chaque vent pour un même mois et obtenir ce qu'on nomme le vent dominant de ce mois, ou bien étudier la fréquence d'un même vent pendant tous les mois de l'année. Ce dernier mode d'étude paraît comporter une précision plus grande. Car, quels que soient les défauts de centrage, ou autres imperfections de l'instrument d'observation il est certain que la fréquence observée d'une même direction pendant toute l'année est, sinon égale, au moins propor- tionnelle à la fréquence vraie. Des deux cartes qui ont été dressées, l'une indique les directions dont la fréquence est plus grande en été qu'en hiver, l'autre les directions dont la fréquence est plus grande en hiver qu'en été. Sur la première on voit que les vents que l'été renforce sont pour le TIIÉVENET. — CLIMATOLOGIE DE L'ALGÉRIE 233 littoral ceux du nord-est. pour la Tunisie ceux de Test, et pour le Sahara et le sud des Hauts- Plateaux ceux du sud-est. Sur la deuxième, on voit clairement que les vents renforcés par l'hiver sont surtout ceux des régions ouest. Quant aux vents dominants, en été, ils sont du nord sur le littoral algérien, de l'est sur le littoral tunisien et du nord-est dans le Sahara. Dans la partie méridionale des Hauts-Plateaux et du côté ouest, les vents dominants semblent souffler de préférence du sud-ouest. En hiver, les vents dominants sont généralement d'entre nord et ouest. ENREGISTREMENT DE LA DIRECTION DU VENT M. Thévenet propose l'adoption de l'instrument suivant destiné à enre- gistrer la direction du vent (fig. i). Cet appareil d'un prix très modique et d'une installation très facile ren- drait de très grands services. 11 fonctionne à Alger depuis deux ans sans le moindre dérangement. 234 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE Il se compose d'une pendule à poids très ordinaire H. Le poids moteur P. dont la descente dure une semaine, commande le mouvement d'une grande poulie K faisant corps avec une deuxième poulie L plus petite et de même centre. Sur la gorge de cette dernière s'enroule un fil LA qui soulève graduellement le levier OM terminé par un crayon à l'aniline. Ce crayon M se meut à frottement sur la surface d'un cylindre R faisant corps avec l'axe C d'une girouette qui traverse la toiture du bureau. Sur le cylindre s'enroule une feuille quadrillée sur laquelle sont marquées à égale distance les génératrices correspondantes aux huit directions du vent. On peut même, dans une certaine mesure, apprécier l'intensité du vent. 5. S.L E. NE. N N.W W SW S Fig. 2. Plus un vent est fort, plus les oscillations de la girouette sont fréquentes et plus les traits tracés par le crayon sont rapprochés. Il en résulte une inten- sité de teinte qui donne une idée assez exacte de la force du vent (fig. 2). ÉVAPOROMÈTRES ENREGISTREURS Conformément à la demande de quelques ingénieurs et agriculteurs on a entrepris, depuis les premiers mois de 1894, l'étude de 1 evaporation dont l'influence sur la vie animale et végétale est au moins aussi importante que celle de la température. En outre, dans la construction de barrages et de réservoirs, on doit évidemment tenir compte des pertes dues à 1 evaporation. Il a donc fallu établir un premier appareil pour l'évaporation en plein vent et en plein soleil, c'est-à-dire dans les conditions où se trouve tout barrage ou réservoir. Cet appareil se compose d'une grande cuve en zinc placée à fleur de terre pour réaliser le mieux possible les conditions natu- relles, communiquant avec une cuve plus petite dans laquelle se meut un flotteur. Ce dernier fait mouvoir un style qui inscrit les variations de THÉVENET. — CLIMATOLOGIE DE L'ALGÉRIE 235 niveau sur une feuille quadrillée, entraînée par un tambour d'horlogerie. L'inclinaison de la courbe donne instant par instant et jour et nuit la vitesse de l'évaporation. Concurremment avec l'étude de l'évaporation au soleil, il importe d'étu- dier le même phénomène à l'abri des rayons solaires. Celte étude se rap- porte spécialement au régime auquel sont soumises dans la nature les surfaces abritées par les plantes à feuillage épais et les forêts ainsi que les êtres animés qui vivent le plus souvent à l'abri du soleil. C'est pour répondre aux personnes compétentes recherchant le rapport qu'il y a entre ce phénomène et les questions d'hygiène que cette étude a été entreprise. A cet effet, un deuxième appareil enregistreur semblable au premier a été construit, et, il n'en diffère que par la superposition d'une toiture disposée pour laisser passer le vent quelle qu'en soit la direction et abriter le réser- voir des rayons solaires. Si l'on admet qu'à un même état hygrométrique et thermométrique ainsi qu'à une même intensité du vent correspond une môme vitesse d'évaporation, il sera possible à l'aide des résultats fournis par ces enre- gistreurs (construits dans le Bureau même et à peu de frais) comparés aux enregistreurs de la température et de l'hygrométrie fournis par la maison Richard de Paris, de construire des tables à plusieurs entrées don- nant pour tous les lieux de la terre l'intensité du phénomène, ce qui peut présenter quelque intérêt pour l'étude de la Météorologie générale. RECHERCHES SUR LES INFLUENCES DE LA CHALEUR, DU VENT ET DE LA VAPEUR d'eau SUR LA PRESSION RAROMÉTRIQUE (résumé) Une situation barométrique donnée entraîne des conséquences immé- diates exprimées par la loi de Buys-Ballot. M;iis cette situation ne contient pas en elle-même les causes de ces transformations ultérieures; en d'autres termes : à une même disposition des isobares peuvent succéder avec le temps les types d'isobares les plus variés. Si l'on veut essayer d'aborder le problème de la prévision du temps il faut nécessairement faire intervenir la force motrice par excellence qui n'est autre que la chaleur et sa distribution dans les différentes couches de l'atmosphère Pour tenir compte de cet élément, il a fallu admettre une loi de décrois- sance de la température avec l'altitude. La loi de proportionnalité étant admise, il a été facile de calculer la pression barométrique à une hauteur quelconque, étant données la pression et la température au niveau de la mer, éléments observés tous les jours. Connaissant les pressions corres- 236 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE pondant aux différents niveaux, on peut tracer par la pensée les isobares à toute hauteur. On reconnaît que ces lignes présentent une direction variable avec l'altitude. La direction de l'isobare pour laquelle la tempé- rature croît, s'écarte de la direction de l'isotherme pour laquelle la pression croît. Si l'on considère un plan horizontal partageai! I l'atmo- sphère en deux parties d'égale importance, on reconnaît que, dans ce plan, la direction des isobares est à peu près celle de la diagonale du réseau formé au niveau de la mer par les isobares et les isothermes. C'est donc à peu près perpendiculairement à ces diagonales que la masse de l'atmosphère tend à se mouvoir dans le sens où la température décroît en même temps que la pression. En conséquence, étant donné un réseau d'isobares et d'isothermes on tracera les courbes diagonales de ce réseau et c'est perpendiculairement à ces diagonales et dans le sens pour lequel les pressions et les tempéra- tures diminuent à la fois que l'ensemble de l'atmosphère tendra à se mouvoir. 11 est bien entendu que celte sorte d'action motrice ne fait que se composer avec les actions d'ordre supérieur. Cette règle appliquée successivement à différents cas permet de distinguer les régions où l'air doit s'accumuler de celles qu'il doit abandonner, si les données thermiques sont suffisamment persistantes. Dans le cas particulier où les isobares et les isothermes sont parallèles, il y a tendance de l'atmosphère dans le sens des pressions croissantes ou des pressions décroissantes selon que le gradient barométrique est plus fort ou moins fort que le gradient thermométrique. Si ces deux gradients sont à peu près égaux et de signes contraires, ou si leur rapport est voisin de — 1, il y a stabilité barométrique car l'atmosphère est partagée en deux couches douées de mouvements égaux et opposés. Une aire à température élevée deviendra un centre de basses pressions dans lequel l'espacement des isobares sera en rapport avec celui des iso- thermes. Un relief montagneux s'opposant au mouvement des couches infé- rieures favorisera la formation de la dépression qui résulte des mouve- ments des couches supérieures qui se déplacent en toute liberté. L'importance du gradient thermométrique ressort de l'examen des cartes moyennes d'isothermes et d'isobares. De ce qui précède, il résulte que les isobares tendent à devenir parallèles aux isothermes si ces dernières sont suffisamment persistantes. L'examen des cartes moyennes de pression et de température dressées par M. Teisserenc de Bort, permet de contrôler en grande partie les affir- mations précédentes. Les différences que ces cartes révèlent sont impu- tables, selon nous, aux grands courants généraux qui constituent la circulation atmosphérique. Ces différences peuvent même servir à en TlltVE.NET. — CLIMATOLOGIE DE L'ALGÉRIE 237 étudier les grands traits. Si par exemple, une région froide est soumise à de plus faibles pressions moyennes qu'une région chaude, on peut admettre qu'il existe entre elles un vaste courant moyen dans le lit duquel la rotation de la terre établit une différence de pression au profit de sa rive droite. L'influence de la rotation de la terre sur la répartition des pressions des masses d'air préalablement mises en mouvement a été étudiée dans un deuxième chapitre. Dans un dernier chapitre on a étudié les transformations que subit une masse d'air en mouvement dans le cas du régime constant. Lorsque l'air est plus que saturé de vapeur d'eau, il contient en suspen- sion des gouttelettes formant un brouillard ou un nuage, s'opposant à tout rayonnement calorifique, on peut donc admettre que, dans ces conditions, les transformations qu'il subit sont sensiblement adiaba- tiques. Dès lors, il a paru intéressant d'étudier les transformations de ce genre en tenant compte de la présence de l'eau, de la vapeur, et de sa conden- sation. On obtient, ainsi une équation qui, jointe à celle des forces vives permet d'établir les variations successives de la pression, de la tempéra- ture et de la vitesse de l'air sursaturé, engagé dans des mouvements cyclo- niques quelconques. Cet étude met en relief le rôle très important de la vapeur d'eau qui peut être considérée comme l'être vivant de l'atmosphère dont les autres éléments sont pour ainsi dire inertes. Certains procédés graphiques sont proposés pour la résolution des pro- blèmes concernant la pression, la température et la vitesse d'une masse d'air sursaturée douée d'un mouvement rapide à régime constant. 238 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE M. THÉYEIET Directeur du Service météorologique, à Alger. APPAREIL DESTINE A INSCRIRE DUNE FAÇON PRECISE LES OSCILLATIONS HORIZONTALES DU SOL DANS UNE PERTURBATION SÉlSMIQUE [534.81 — Séance du 2 avril IH9U Cet appareil (fig. 1) est formé d'un pendule composé d'une barre rigide aussi longue que possible OP portant à son extrémité un poids P aussi lourd que possible. Cette barre rigide est sus- pendue de telle façon qu'elle ne peut osciller que dans un seul plan vertical, Est-Ouest, par exemple. Au-dessous du poids P est fixé un ressort AC incliné à 4o degrés vers l'Est, par exemple, et portant à son extrémité une pointe très acérée CM. Cette aiguille, par la pression du ressort, s'appuie sur une planchette hori- zontale HK. Cette planchette repose sur trois pointes inclinées à 45 degrés, a, p, y, dans un sens opposé à celui du ressort AC, s'appuyant sur une table fixe et empêchant tout retour de la planchette vers l'Ouest. Si un mouvement séismique entraîne vers l'Est le point 0, ainsi que la table T (fixes par rapport à la terre) le poids P, par son inertie, reste immobile. La planchette E-W est en- traînée par la table du côté de l'Est; si, à la suite de la secousse, la table et le point 0 reviennent à leur première position, l'aiguille parcourt sur la planchette E-W un chemin égal à l'amplitude de cette oscillation. Si plusieurs secousses analogues, dans le sens Est-Ouest, se produisent, la planchette subit une série de déplacements de même sens, tous dans ~V^T ,w. ~^T LU Fig. I. V. RAULIN. — OBSERVATIONS PLIVIO.MËTRIQUES EN AFRIQUE 23!) le sens de l'Est et qui se traduisent sur E-W par une série de points : m, m', m" ... (fig. 2) dont les distances mesurent les amplitudes succes- sives, en admettant toutefois que la durée totale de la perturbation soit assez faible pour que le poids P puisse être considéré comme immo- bile. E. • •.•„•• m m. m Les points ///. m', m" ... sont indiqués par les traces laissées par la pointe de l'aiguille M: ces traces sont rendues plus visibles en recouvrant la planchette d'un papier d'étain. Un appareil analogue permettra de constater et de mesurer les oscilla- lions Nord-Sud. La résultante de toutes ces oscillations donne le mouvement total . Les secousses verticales pourraient être inscrites d'une manière sem- blable; mais une difficulté se présente. C'est celle de maintenir à une hauteur constante un poids P suspendu par un fil élastique OP. En effet, avec le temps, le (il subit un allongement permanent. M. Y. HAÏÏLII à Montfaucon-d'Argonne (Meuse}. OBSERVATIONS PLUVIOMÉTRIQUES SUR LA COTE SEPTENTRIONALE DE L'AFRIQUE (TUNISIE, TI!I l"JLI l'Ai NE. BARCA ET BASSE-ÉGYPTE .551 57(65)] — Séance du 3 avril 1890 Dans deux précédents volumes, j'ai publié les observations faites en Algérie jusqu'à la fin de l'année 1880, ainsi que celles du Maroc, à Mo- gador et de la Tunisie, à Tunis et Sfax. Pendant les quinze années suivantes, des observations ont été faites sur 240 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE un plus grand nombre de points en Tunisie et aussi à Tripoli, Benghazi et en Egypte. En Tunisie, c'est en dix points pendant quatre ans, sous la direction de la Commission météorologique. Elles sont continuées en quatre stations, à Ksar-Tyr, par les soins de M. Pilter, et à Djerba. Ces douze stations se répartissent en deux groupes : celui de l'intérieur, auquel on peut ajouter Ayata à l'extrémité ouest des Chotts, au nord de Tougourt (Algérie), et celui du littoral. Dans la Tripolitaine et le Barca, deux stations, Tripoli et Benghazi, donnent des séries d'une dizaine d'années. Dans la Basse-Egypte, des observations commencées au Caire, il y a soixante ans, à Alexandrie, il y a quarante ans, et plus tard, sur trois points du canal de Suez, donnent des séries de dix à vingt années. Pour les quantités annuelles et mensuelles, elles sont très fortes sur les sommets de la Khroumirie, moitié en plus de celles de la Kabylie (Bougie. Djidjelli, Fort-National) ; elles deviennent moyennes, inférieures à celles de l'Algérie orientale, et même très faibles à Djerba, Gabès et Gafsa sur les Chotts. Elles sont encore plus faibles dans l'ouest, à Ayata, au nord de Tougourt, vers l'extrémité occidentale des Chotts. Dans la Tripolitaine et le Barca, les moyennes sont peu élevées. Dans la Basse-Egypte, les moyennes sont extrêmement faibles, excepté sur la cote méditerranéenne, où elles sont même moindres que dans le Sahara . algérien. Des sommets de la Khroumirie, la quantité de pluie va en diminuant rapidement en Tunisie, pour devenir de plus en plus faible sur la côte jusqu'au canal de Suez, où se trouve le minimum, car les moyennes se relèvent en Syrie. Y. RAILIN. — OBSERVATIONS PLUVIOMÉTRIQIES EN AFRIQUE 241 PS OC lO in ^ < r- - «* •* i- 1 I - cre ire se : — t- • C 1 Ol L' Cl ■M ^ 1- : es o rc oc ci : .t i- — — ti i •■ X t« O ■* TT M : -s ire t "M -u: c M a > s" » DO i» O 00 — es* oo ro* es" — T ère es ce .io ti «c o oo" .T ■-o O Cl Tl BO Tl ■n ce ti oo ce os co K Tl S) » ■s et — ce -- oc - Cl l- 7T — Cl s- K £ 00 ■m » c •* ci o 51 iC 00 ~* •j» rr s» ifl ci r; iT n -h ' OC Tl X ifl 'Xj m n rr c d E OC - '•' 1 c • " » 00 ee CO l' 1 — * 00 r - ^* s 1 i? : c c - O h ~ C. Tl sa -M X — ■ T Tl Tl BC Tl Tl -- sg --Z SQ Ifl T oc — Tl 0! — 0 1 O C C 1 O ^ H -^ Cl - - » î e M 1S T 1 T. j , — in o 1 o o o o C o N M 01 h t 71 Tl — S - = OC i oc — : S -■ - 1 o o o o ©" s o ^ : ; c S É 53 3 -' = - — 3 C -* -* o" O O © O* Ifl Cl — . =. — . ~ - ~ ~ ~ ci —, in o o «o o c -. Tl sa 00 ..T CO ire o 5 Tl o ^ * o s 1 © b Cre Tl oo in os c 50 CO C. i o o c: > ^^ Cl sa m t- • ci i— sa _ ia ti l-t . - Tl -J- i i - © o in ' 00 Cl O 0C 1- 1 -* n si -. • - t~ Tl C. Tl X M l- 0C Tl « — -T 1 - _• ■M oc - . *■< CO 0 i sa t-" „ - i - sa 00 o . g. _^ * sa o ti se o v: y. 1S Lt -J» ," — » n - 1 oc «* M î »* ire oo ire / T. r~ sa © ire r T Tl 00 C r. X oc co oc oc O CJ ~ 1 - Cl ti - s : ti OC ire t 1 Tl „. S es IN 00 T * i- - o o in 00 00 Cl 00 -* - " — - o ci in «* i- o M -m ? : -* Tl i- > «* ce m a Cl -* ~ Tl M "*" g i- < •« oo « e 1 M ,„ TC T 1 c. Tl M . ^ ,- oc — ■ 1 .-. o sa r cj c — . .-• 4 te ri - ire — — < •<- ce" ^ ■M co n oo « -* 1 1- j ~ M c s »? - ".C -M i - oc - < i- 9 i ire ire -h ** ti ci rr -- S. 1 ce y t- i- ire K K >* Cl « Tl 03 U 3 o E a a •4) ♦s 0 u< i>> C m 4) -_ E c , b 0) 2 '3 « i m ■- g •- î! r a 3 H Q '7 - : - r > 3 H r 0 - i -- a) 0 'H H t fc pq - n >< 2 '3 - 5 '/ *5" 30. '/ VI c - < -J - •/) 1G* 242 MÉTÉOROLOGIE ET PHYSIQUE DU GLOBE Quant à la répartition de la pluie entre les saisons, le régime VI. à pluies de printemps de l'Algérie intérieure n'existe pas, pour ainsi dire, en Tunisie, par suite sans doute d'une influence maritime plus étendue. Sur les hautes sommités, comme sur le littoral, c'est le régime IV à pluies les plus faibles en été, et les plus abondantes soit en hiver, soit en automne. Dans deux stations basses, mais éloignées du littoral, apparais- sent le régime III à Kairouan et le régime VI à Gafsa, au voisinage des grands Chotts. Plus loin, à l'extrémité ouest de ceux-ci, le régime IV reparait à Ayata au nord de Tougourt. Le régime IV se montre seul sur le littoral de la Tripolitaine, du Barca et de la Basse-Egypte. A l'extrémité N. de la mer Rouge, à Suez, où la quantité annuelle est si faible, reparaît le régime VI de Gafsa. TABLEAU DES QUANTITÉS ANNUELLES ET SAISONNALES Tunisie : intérieur. Aïn-Draham Souk-el-Djeama . . . Le Kef Ksar-Tyr Kairouan Gafsa Ayata Tunisie : littoral. Bizerte Tunis Sousse Sfax Gabès Djerba Tripolitaine et Barca Tripoli Benghazi Basse-Egypte. Alexandrie Port-Saïd Le Caire Ismaïlia. Suez . . 1014 1058 708 250 75 320 38 6 40 5; 140 (4) (4) (4) (6) (4) (4) (5) (5) (10) i (9) (4) (5) (9) (8) (16) (18) (9) (13) (10) L885-88 1885-95 1885-88 1885-88 1888-92 1885-91 1873-90 1885-88 1876-90 1885-89 1886-91 1879 89 1882-93 1872-90 1863-69 1880-90 1835-39 1882 s: 1866-08 1880-90 1880-90 1764,1 653,3 488,9 527,2 306,7 258,6 124,2 633,7 437,8 437,1 245,7 194,2 230,5 i i 7 , ~\ 275,1 201,4 111,2 38,9 53,3 29,4 645,1 223,8 164,7 210,0 72.0 01,0 63,7 308,9 149,1 116,7 95,1 74,5 114,3 281,4 183,7 134,1 79,1 22,6 30,4 11,1 474,3 162.7 114,4 122, S 84,0 97,2 52,6 145,0 111,8 72. !> 52,5 25,7 41,5 35,1 30,1 16,2 11,3 9,4 18,8 15,3 145,1 74,8 70,7 76,1 52,3 17,3 1,2 13,7 32,3 48,7 11,7 0,7 0,0 499,6 192,0 139,1 118,3 97,8 82,5 14,7 165,5 141,6 198,8 86,4 93,3 74,7 2.(1 12S. 4 12 60,1 0,9 50.2 0,4 2H.1 0,0 6,9 0.0 4, 1 1,0 2,0 COSSMAXN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 2i3 M. COSSMAH à Paris. OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES RECUEILLIES EN FRANCE [564.3 | — Séance du 2 avril 1896 — Au cours des recherches que j'ai entreprises pour préparer les maté- riaux des livraisons de mes Essais de Paléoconchologie comparée, faisant suite à la première livraison éditée au mois de février 1895, j'ai été amené à constater que la Paléontologie des terrains crétaciques de la France a subi, depuis plus de quarante ans, — on pourrait presque dire depuis la publication des volumes de la Paléontologie française par d'Orbigny, en 1843, — un temps d'arrêt ou du moins un ralentissement tel, que notre pays est aujourd'hui très en retard, si l'on met en parallèle ce qui s'est publié à l'étranger durant la même période. Tandis que les mémoires relatifs aux terrains jurassiques de la France se succédaient, de manière à tenir à peu près à jour l'histoire de la faune de ces terrains, on n'a vu éclore, pour le système crétacique, que quelques rares publications, qui ne représentent évidemment pas, dans son inté- gralité, le contingent des découvertes faites dans de nouveaux gisements. Si l'on y ajoute un certain nombre de listes de fossiles, accompagnant des recherches stratigraphiques et n'ayant, même lorsque les déterminations en ont été soigneusement vérifiées, qu'une valeur à peu près nulle pour les paléontologistes en quête d'ouvrages descriptifs, on se convaincra de la pénurie des matériaux disponibles pour l'auteur qui désire appuyer, comme je le fais dans mes Essais, d'une citation certaine l'indication de l'existence d'un genre de Gastropodes à tel ou tel étage de la formation crétacique. C'est pourquoi j'ai pris le parti de prélever, sur les nombreuses com- munications de fossiles crétaciques qu'ont bien voulu me faire plusieurs de nos confrères, plusieurs formes inédiles, ou déjà connues, mais nouvelles pour la France, et d'en faire l'objet d'une note sommaire et descriptive, accompagnée de figures, à laquelle il me suffira de me référer quand j'aborderai successivement la revision de la classification analytique et de 244 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE la répartition stratigraphique des genres de Gastropodes, dans les livraisons ultérieures de mes Essais. J'ai saisi l'occasion du Congrès de l'Association française, à Carthage, pour en faire l'objet d'une communication, dans laquelle règne néces- sairement, au point de vue de la diversité des provenances ou des niveaux des fossiles décrits, un éclectisme que peut seul expliquer le but indiqué ci-dessus. Les descriptions suivantes sont faites dans l'ordre de la classi- fication adoptée par les auteurs des Manuels les plus récents, quels que soient les gisements. Act.eon subjunceus, nov. sp. (PL I, fig. 4-2). Taille petite ; forme étroite, ovoïdo-conique ; spire allongée, subétagée, à galbe conique; tours élevés, subanguleux en arrière, à peine convexes au milieu, ornés de cinq ou six sillons spiraux, profonds et ponctués; dernier tour à peine supérieur à la moitié de la longueur totale, ovale et régulièrement atténué à la base, orné, ainsi que celle-ci, de quinze à dix-huit sillons, d'abord très larges et cloisonnés par les accroissements, puis plus serrés vers la région ombilicale. Ouverture courte, étroite, munie d'un pli columellaire? Dimensions. — Longueur probable, 7 millimètres; diamètre, 2mm 1/2. Rapports et différences. — C'est l'une des plus étroites espèces à'Actœon que je connaisse : elle est encore plus allongée que A. junceus, Stol. de la Craie de l'Inde, et ses tours sont moins convexes, plus anguleux en arrière. L'état de conservation de l'ouverture de l'échantillon décrit ne me permet pas d'affirmer qu'il n'y ait qu'un seul pli columellaire ; on en aperçoit la trace à la base de l'ouverture, mais je n'ai pu entièrement dégager la columelle; cependant, comme la forme étroite de cette coquille ne ressemble guère au galbe générale- ment ventru des Tornatellœa, il est peu probable que la columelle soit bi-plissée, de sorte que c'est vraisemblablement dans le genre Actœon qu'elle doit être classée. Si on la compare aux deux espèces déjà décrites du gisement de Bains de Rennes dans l'Aude (A. Beaumonti et Charpentier i, d'Arch.), outre qu'elle est plus étroite, ses sillons sont bien plus profonds. Localité. — Sougraigne (Aude), unique (PI. I, fig. 1-2). Coll. de Grossouvre. — Santonien inférieur. ACT.EONELLA L.EHS [SOW.] (PL h fiÇ- à). 1835. — Volvaria lœvis, Sow. Trans. Geol. Soc. III (PI. XXXIX, fig. 33). 1845. — Voluta lœvis, Reuss. Kreide verst. I, p. 50 (PI. X, fig. 21). 1852. - Actœonella lœvis, Zek. Gaslr. Gosau, p. 41 (PL VII, fig. 14). 1888. - — Holz. Moll. Aachen. Kr. I, p. 83 (PL VII, fig. 40). 1895. — Actœonella ierebellum, Cossm. Essais Pal. comp. I, p. 148 (PL II, fig. 20). COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 245 Observations. — J'ai proposé tout récemment de séparer l'espèce de Gosau, ilans le Tyrol. de celle d'Uchaux que d'Orbigny confondait avec elle; mais j'ai fait erreur en conservant, pour l'espèce turonienne de Vaucluse, le nom lœvis que Sowerby avait précisément donné à la coquille de Gosau : il en résulte que lerebellum fait double emploi avec lœvis, et que le fossile d'Uchaux doit recevoir un nom nouveau, A. Grossouvrei, nobis. Cette rectification faite, je signale l'extension géographique d"A. lœvis, Sow., qui, non seulement existe dans le Tyrol, et dans le Sénonien supérieur d'Aix- la-Chapelle, où M. llolzapfel l'a retrouvée et figurée, mais encore dans le Midi delà France; en effet, M. de Grossouvre m'a communiqué trois individus du Sénonien de Bugarach, dans l'Aude, qui me paraissent identiques aux échan- tillons adultes de Gosau; cette détermination me paraît confirmée par l'existence d'autres échantillons provenant des environs de Vilverdre, au même niveau. Rapports et difjere?ices. — Cette espèce est beaucoup plus étroite que celle du Turonien d'Uchaux, dont le galbe est plus olivacé; quant à l'autre espèce séno- nienne, A. involuta, Coq., on ne peut la confondre avec A. lœvis, parce qu'elle est plus ventrue, quoiqu'elle soit moins conique en arrière que A . Grossouvrei. Il y a aussi une espèce de la Touraine, A. erassa, Duj. plus ancienne que je ne le pensais quand je l'ai citée dans le Sénonien (Essais Pal. Comp. I, p. 74), c'est une forme ovale, arquée au milieu, bien distincte d'A. involuta qui est plus allongée et qui lui a succédé dans les couches crélaciques. Enfin on peut encore comparer A. lœvis avec A. olivœformis, Meissonnier, provenant du Garumnien de Sainte-Croix, dans l'Ariège, dont M. Jolly m'a communiqué un échantillon bien typique : cette dernière, plus petite et moins térébelliforme, prouve que le genre Actœonella a survécu à l'époque sénonienne proprement dite et a presque atteint la limite inférieure de l'étage Paléocène. Localités. — Vilverdre, plésiotype d'Act. lœvis (PL I, fig. 4). Coll. de Gros- souvre. — Sénonien. — Freycinet-le-Gelat (Lot), plésiotype d'Act. involuta avec le test (PL I, fig. 12). Coll. de Grossouvre. — Santonien supérieur. Trochact^eon renauxianus, d'Orb. (PI. I, fig. 5). 1X4-2. — Actœonella renauxiana, d'Orb. Pal. fr. t. crét. II, p. 108 (PL CLX1V, fig. 7). 1852. — Zekeli. Gaslr. Gosau, p. 41 (PL VII, fig. 1-5). Observations. — Les deux individus du Sénonien de l'Aude que m'a com- muniqués M. de Grossouvre, ne sont pas dans un état de conservation qui me permette de les séparer définitivement de la forme turonienne d'Uchaux, quoique celle-ci paraisse beaucoup plus conique. Ils ressemblent davantage aux échan- tillons de Gosau qu'a figurés Zekeli; mais, comme ceux-ci forment une série extrêmement variable, comprenant des formes trapues à spire à peine saillante, et des formes plus élancées que T. renauxianus, à spire plus saillante, quoique toujours extraconique, je ne suis pas assez certain des caractères différentiels pour donner un nom nouveau aux individus du Sénonien. Ma conviction est d'ailleurs qu'on se trouve bien effectivement en présence de deux mutations distinctes, et que, quand on aura de meilleurs matériaux, on pourra définitive- ment les séparer. Localité. — Lauradel, deux individus (PL I, fig. l'y). Coll. de Grossouvre. 246 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE TrOCHACT^EON G1GANTEUS [SOW.] (PL 1, fig. 13). Var. Gallo provincialis, nobis. 1835. — Tornatella gigantea, Sow. Geol. Tram. III (PL XXXVIII, fig. 9). 1843. — Goldf. Petref. Germ. p. 48 (PI. CLXXVII. fig. 12). 1847. — Actœonella gigantea, d'Orb. Pal. fr. t. crét. II p. 109 (Pl.CLXV.fig. 1). 1850. d'Orb. Prod. II, 22e et., p. 220, n° 178. 1852. Zekeli. Gastr. Gosau, p. 39 (PL V, fig. 8). Rapports et différences. — C'est sur l'assertion de d'Orbigny que le fossile du Beausset a été cité par tous les auteurs sous le même nom que l'espèce de Gosau, antérieurement décrite par Sowerby ; or, en comparant un échantillon du Beausset avec les ligures très exactes de l'ouvrage de Zekeli, je constate des différences assez importantes ; d'abord le galbe de notice fossile est beaucoup plus ovale, sa forme est moins ventrue, attendu que son diamètre ne dépasse pas les deux tiers de sa hauteur, tandis quil atteint au moins les trois quarts dans les échantillons de Gosau ; en outre, sa spire est plus saillante et mucronée au sommet; le dernier tour et l'ouverture n'occupent pas les neuf dixièmes de la hauteur totale, ou même seulement les cinq sixièmes, tandis que la propor- tion est de 95 0/0 d'après Zekeli; enfin, lorsqu'on regarde la coquille en plan, on remarque que les tours sont plus nombreux et plus étroits dans les individus du Tyrol que dans ceux de France. Toutefois, comme je ne dispose pas de matériaux suffisants, ni surtout assez nombreux, pour affirmer que ces différences soient absolument constantes, je m'abstiens de séparer définitivement l'espèce française, et je me borne à la désigner provisoirement comme une variété de T. giganteus, par ce nom Gallo- provincialis, nobis. Localité. — Le Beausset (Var), seul gisement où elle ait été signalée; un individu. (PL I, fig. 13). Coll. Michalet. Ringinella Gosseleti, nov. sp. (PL I, fig. 3 et '10-11 ). Forme ovoïdo-conique ; spire à galbe conoïdal ; cinq tours convexes, dont la hauteur n'atteint pas la moitié de la largeur, séparés par de profondes sutures, et paraissant lisses ; dernier tour grand, ventru, obtusément orné de quelques filets spiraux, dont l'effacement laisse ordinairement la sur- face lisse, ou simplement martelée de méplats ; base arrondie, déprimée sur la région ombilicale qui est imperforée, et ornée de dix à douze sillons de plus en plus profonds, à mesure qu'ils sont voisins du centre. Ouverture courte, assez étroite, sinueuse en avant, subianaliculée en arrière; labre bordé d'un bourrelet peu épais, assez large et irrégulière- ment plissé; columelle excavée, munie de trois lamelles spirales, les deux antérieures saillantes et obliques, la pariétale plus mince et moins saillante. Dimensions. — Largeur, 10 millimètres; diamètre, 6 millimètres. Rapports et différences. — Très voisine, par sa forme, de R. inflata, cette e-pèce s'en distingue par sa surface presque lisse, seulement sillonnée sur la C0SSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 2i7 base ; son bourrelet est bien moins large et moins plissé que celui de R. clemen- tina, dont les plis columellaires sont plus rapprochés et dont la forme générale est plus étroite. Localité. — Wignehies (Nord), cinq échantillons (PL I, fig. 3 et 40-11). Coll. du Musée de Lille, recueillis par M. Gosselet. — Albien. Oligoptycha? Grossouvrei, nov. sp. (PL 7, fig. 8-9). Forme ovale ; spire obtuse, complètement enveloppée ; surface lisse. Ouverture étroite, aussi haute que la coquille, à peine dilatée en avant, profondément échancrée à la base ; labre épais, étroitement bordé à l'ex- térieur, taillé en biseau et portant une rangée de crénelures tuberculeuses à l'intérieur ; bord columellaire non calleux, paraissant muni à la base d'un pli obsolète. Dimensions. — Longueur, 10 millimètres; diamètre, 5mm i/2. Observations. — Le classement de cette espèce n'est pas absolument certain. Meek a, en effet, indiqué que son genre Oligoptycha a le labre lisse à l'intérieur, et que le pli columellaire est très saillant; en outre le type de ce genre porte des stries spirales; néanmoins il est possible que l'échantillon qu'il a étudié et décrit ait eu les tubercules labiaux oblitérés par l'usure ; d'autre part le pli columellaire d'O. Grossouvrei a peut-être été cassé par l'effort de compression que l'échan- tillon ci-dessus décrit paraît avoir subi, et d'ailleurs la forme transversale que lui attribue Meek daDs sa figure, m'a toujours laissé des doutes sur la vraisem- blance de ce pli, probablement restauré d'une manière exagérée. Il résulte de ces incertitudes que notre espèce, dont le faciès général ressemble beaucoup à celui d'O. concinna. Meek, de la craie supérieure du Missouri, doit, malgré les différences signalées ci-dessus, appartenir au même genre Oligoptycha. Rapports et différences. — D'Archiac a décrit deux Tornatella de Bains de Rennes : mais elles diffèrent de notre espèce par leurs stries spirales et leur spire saillante ; en outre, l'une d'elles (T. Beaumonti), a le labre mince, ce qui ne permet pas de la confondre avec 0. Grossouvrei ; quant à l'autre espèce, T. Charpentieri, décrite d'après un échantillon très incomplet, elle a une forme plus cylindrique et plus étroite que celle de notre coquille. Localité. — Sougraigne (Aude), unique (PL I, fig. 8-9). Coll. de Grossouvre. — Santonien supérieur. Retusa Jollyi, nov. sp. (PL I, fig. 14-/5). Taille petite; forme ovo-cylindriquc ; spire tronquée, excavée, carénée à la périphérie du dernier tour qui embrasse toute la coquille ; surface lisse ; ouverture très étroite, à peine élargie à la base ; columelle excavée en avant. Dimensions. — Largeur, 8 millimètres; diamètre, 3mm 1/2. Rapports et différences. — Cette espèce se distingue de R. Berthelini, Cossm. du Gault, par l'excavation de sa spire, par sa forme moins cylindrique, par 248 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE l'absence de plis autour de la troncature postérieure ; elle ne peut se confondre avec B. tenuistriala de l'Urgonien, à cause de son galbe plus ovale et de sa surface lisse. Si on la compare à Bullina cretacea, du même niveau dans l'Inde méridionale, on trouve qu'elle en diffère par son dernier tour caréné en arrière et par sa surface non plissée autour du sommet. Localité.— Monthiers (Charente); deux individus (PL I, fig. 14-15). Coll. Jolly. — Turonien, sous-étage Provencien. Roxania Peroni, nov. sp. (PI. I, fig. 0-7). Taille assez petite ; forme ovale, peu ventrue, arrondie en arrière, atté- nuée en avant ; spire à sommet étroitement perforé , complètement embrassée par le dernier tour qui porte des sillons spiraux très serrés, séparant des filets aplatis et cloisonnés par les accroissements. Ouverture très étroite, à peine dilatée à la base ; columelle excavée, tronquée à son extrémité antérieure ; bord columellaire calleux, découvrant une étroite fente ombilicale. Dimensions. — Largeur, 7mm 1/2; diamètre, 3mm 1/2. Rapports et différences. — Cette espèce a la même forme que Bulla ovoides, d'Arch. des mêmes gisements; mais, comme d'Archiac a particulièrement insisté sur l'aspect lisse de la surface de son espèce, qu'il rapproche même de Bulla Baylei (qui est un Acrostemma), il ne me parait pas possible de rapporter à B. ovoides les deux échantillons striés que je viens de décrire. Notre coquille est d'ailleurs moins ventrue que Haminea occidentalis, Meek, de la Craie du Missouri, qui est aussi une Roxania, et que la plupart des espèces de ce genre signalées dans l'Eocène. En tout cas, la découverte de celte forme très intéres- sante confirme authentiquement la présence du genre Roxania à la partie supé- rieure des terrains crétaciques d'Europe et les relie plus étroitement aux couches paléocéniques, tandis que jusqu'à présent, on en était réduit à des conjectures, simplement fondées sur la comparaison des figures de l'ouvrage de Meek et Hayden, et encore ne s'agissait-il que des couches crétaciques de l'Amérique du Nord, dont le niveau est peu certain. Localité. — Sougraigne (Aude), deux individus (PL I, fig. 6-7). Coll. de Grossouvre. — Santonien supérieur. TerebraV cingulata [Sow.]. 1831. — Fusus cingulatus Sow. Geol. Trans. (PL XXXIX, fig. 27). 1850. d'Orb, Prod. II, 22e et., p. 228, n° 358. 1852. Zek. Gastr, Gosau, p. 91 (PL XVI, fig. 7). 1854. d'Arch. Bull. Soc. géol. fr., 2e sér., t. XI. p. 222. (PL V, fig. I). Observations. — La ressemblance de cette singulière coquille avec certaines Myurella est incontestable : Zekeli a déjà signalé cette analogie d'ornementation COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 249 (côtes courbes, avec une rangée de granulations deux lois plus nombreuses au- dessus de la suture), ainsi que la forme générale qui compose une spire bien plus allongée et plus étroite que celle des Fusidœ. Malheureusement, ni l'échan- tillon assez mal conservé que j'ai sous les yeux, ni les figures de Zekeli et de d'Archiac ne montrent une ouverture entière : partout le canal est invariable- ment tronqué par une cassure, de sorte qu'il m'est impossible de vérifier s'il y avait une échancrure basale, comme dans les Terebra. Si l'on fait ultérieure- ment cette vérification qui confirmerait le classement présumé de cette espèce dans la section Myurella, ce sera le premier et le plus ancien représen- tant de la famille Terebridœ, et encore, dans l'Eocène n'y a-t-il de véritables Myurella que dans les couches des États-Unis, le bassin anglo-parisien ne conte- nant qu'une seule espèce Alîastula. Je n'ai pas donné de figure de cette coquille bien connue; l'individu qui m'a été communiqué n'ajouterait rien à ce qui a été publié à ce sujet. Localité. — Sougraigne (Aude), un échantillon. Coll. de Grossouvre. — San- tonien supérieur. PHOLIDOTOMA(l), nov. gen. Coquille fusiforme, étroite, à spire longue généralement costulée et ornée de cordonnets spiraux, déçusses par des lamelles d'accroissement un peu crépues, qui se reploient en écailles courbes au-dessus de la suture, de manière à former un bourrelet continu. Dernier tour atténué à la base, qui se termine par un canal assez allongé et droit ; ouverture étroite, munie d'un sinus court à la partie inférieure du labre et vis-à-vis du bourrelet d'écaillés ; columelle à peine sinueuse, non plissée. type : Fusus subheptagonus, d'Orb. — Sénonien. Observations. — Ce genre a beaucoup d'affinités avec Volutoclerma, Gabb, qui a été classé dans les Pleurotomidœ par Holzapfel et qui est synonyme postérieur de Rostcllites, Conr. ; mais il s'en dislingue par l'absence de plis columellaire, par son canal plus rétréci en avant, par sa spire plus allongée; néanmoins il doit appartenir à la même famille, plutôt qu'aux Fusidœ, à cause de la présence d'un sinus au-dessus de la suture, tandis que les stries d'accroissement et le labre aboutissent normalement à la suture chez les véritables Fusus. D'autre part, les Pholidotoma paraissent s'écarter des Surcula, dont le sinus borde aussi la suture, par la nature de leur ornementation crépue, par le bour- relet écailleux que forment les accroissements de ce sinus. Je n'ai pu étudier l'embryon sur les échantillons que j'ai eus sous les yeux, et par conséquent il m'a été imposible de vérifier si, comme chez les Yolutoderma, cet embryon est allongé et mullispiré, c'est-à-dire absolument distinct de l'embryon globuleux des Volutidir. La création de cette nouvelle coupe paraît donc amplement justifiée et con- firme l'apparition des Pleurotomidœ dès l'époque crétacique ; il y a lieu de rapporter au même genre Pleurotoma fenestrata, Zekeli, de Gosau. O) *o).i;, ('caille ; moum, entaille. 250 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE Pholidotoma subheptagona [d'Orb.] (PI. II. fig. 1-3). Forme typique et Var. Michaleti, nobis. 1831. — Fusus heptagonus, Sow. Geol. Trans. III (PI. XXXIX, fig. 23, non Lamk). 1850. — Fusus subheptagonus, d'Orb., Prod. II, 22'' et., p. 228, n° 335. 1852. — Pleurotoma heptagona, Zek., Gaslr. Gosau, p. 91 (PL XVI, fig. 8). Taille moyenne; spire à galbe conique; huit à dix tours convexes, por- tant sept ou huit grosses côtes noduleuses, qui se succèdent et forment une pyramide tordue; elles cessent subitement en deçà du bourrelet su- prasutural; quatre ou cinq cordonnets spiraux traversent ces côtes, et sont croisés par des lamelles d'accroissement qui y découpent des gra- nulations, et qui forment des mailles crépues avec les intervalles de ces cordons; bourrelet suturai assez saillant, orné d'écaillés serrées en forme de coques emboîtées. Dimensions. — Longueur probable, 30 millimètres ; diamètre, 11 milli- mètres. Observations. — Cette espèce doit être assez variable : les six échantillons que j*ai sous les yeux ne sont pas absolument identiques entre eux, et aucun d"eux ne ressemble complètement à la figure de l'ouvrage de Zekeli; néanmoins, il ne paraît pas douteux qu'il s'agit bien d'une seule et même espèce, dans laquelle le nombre des côtes peut dépasser sept : un de nos individus du Var en porte même dix, sa forme est plus subulée, moins polygonale, ses cordon- nets sont simples, tandis que le type de Gosau porte quelques filets intercalés entre les cordons principaux ; on peut donc admettre qu'il représente la va- riété Michaleti, nobis. C'est à tort que Zekeli a rétabli, pour cette espèce, le nom heptagonus, pro- bablement parce qu'il a classé la coquille dans le genre Pleurotoma; comme Fusus, cette dénomination faisait déjà double emploi avec F. heptagonus, Lamk, 1801, et par suite il y a lieu d'admettre la correction proposée par d'Orbigny dans le Prodrome. Localité. — Saint-Cyr (Var), six individus (PL II, fig. 1-2) et variété Micha- leti (PL II, fig. 3). Coll. Michalet. — Turonien, Mornasien .sec. Coquand. Mitra cancellata [Sow.] (PI. II, fig. 4-5). 1831. — M. cancellata, Sow. Geol. Trans. III (PL XXXIX. fig. 30). 1850. d'Orb. Prod. II, 22e et., p. 226, n° 313. 1852. — Zek. Gastr. Gosau, p. 81 (PI. 17//, fig. tï). Forme étroite, fusoïde; spire conique et subulée; environ huit à dix tours à peine convexes, dont la hauteur égale les deux tiers de la lar- geur, séparés par des sutures peu profondes et crénelées ; ornementation formée de quinze ou seize costules droites, minces, s'étendant d'une COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 2ol suture à l'autre, séparées par des intervalles un peu plus larges qu'elles et croisées par de nombreux filets spiraux, très serrés, visibles surtout dans les intervalles des côtes axiales. Dernier tour, y compris le canal, un peu supérieur à la moitié de la longueur totale, régulièrement atténué à la base, sur laquelle se prolongent les côtes et les Blets; ouverture ovale eu arrière, rétrécie en avant où elle se termine par un canal droit et effilé; labre à peu près vertical; columelle cylindrique, à peine si- nueuse, portant trois plis très obliques et assez obsolètes, surtout les deux postérieurs. Dimensions. — Longueur, 30 millimètres: diamètre, 8 millimètres. Observations. — Il ne m'est pas possible, quant à présent, de me taire une opinion définitive sur le classement de cette espèce et.de ses congénères cré- taciques dans le genre Mitra ou dans le genre Turricula, qui en est bien voisin, quand on n'a que la coquille à sa disposition : elle a bien l'aspect extérieur de certaines espèces tertiaires (M. cupressina), mais les plis de la columelle sont beaucoup plus obliques et plus effacés. Peut-être y aura-t-il ultérieurement lieu de séparer les Mitridœ crétaciques et de les réunir dans une coupe distincte laquelle pourrait peut-être se rapprocher du genre Mesorhytis, Meek, qui serait mieux à sa place dans celte famille que dans les Fasciolariidœ où son auteur l'a classé. Rapports et différences. — D'Orbigny avait d'abord confondu avec cotte es- pèce celle du Cénomanien de Cassis, qu'il a ensuite séparée dans le Prodrome (M. cas&isiana) : cette dernière est, en effet, plus finement ornée, ses côtes sont plus nombreuses et ses filets plus serrés; d'après la comparaison des échantil- lons de Cassis que m'a communiqués M. Michalet, l'espèce cénomanienne est aussi plus trapue. Au contraire, la forme qu'on rencontre dans le Crétacé des Corbières, porte des filets plus gros que le type de Gosau et du Var. Localités. — Saint-Cyr (Var), huit individus (PI. II, fig. 4-o). Coll, Michalet. — Turonien, Mornasien sec. Coquand. Dans les Corbières. coll. de Grossouvre. — Santonicn supérieur. Latirus mtidus [Zek.] (PL I. /if/. 19-W). 1832. — Fasaolaria nitida, Zekeli. Gaslr. Gosau, p. 9"2 (PL XVI, fig. 10). Taille petite; forme fusoïde, étroite; spire relativement courte; six à huit tours convexes, ass< iz élevés, séparés par des sutures superficielles, ornés de huit ou neuf côtes variqueuses, obliques et arrondies, croisées par cinq cordonnets spiraux équidistants. Dernier tour égal aux deux tiers de la longueur totale, atténué à la base sur laquelle les côtes axiales s'atténuent, tandis que les cordons s'enroulent jusque sur le cou du canal qui est droit et allongé; ouverture étroite et aciculée en avant; columelle à peine sinueuse, portant en arrière deux plis saillants et lar- -32 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE gement écartés, puis au-dessous deux autres plis très obsolètes et très rapprochés . Dimensions. — Longueur, 18 millimètres; diamètre, 6 millimètres. Observations. — L'échantillon que je viens de décrire n'est pas absolument identique à la figure de l'ouvrage de Zekeli, dont l'ornementation est un peu plus obsolète, entremêlée delines stries spirales que je n'aperçois pas sur notre individu ; mais je crois néanmoins que c'est bien la même espèce, et que les différences apparentes doivent être attribuées à l'état de conservation de cet individu. Le classement de cette espèce dans le genre Latirus a été indiqué par Stoliczka (Sitz. Acad. 1865) et paraît tout à fait admissible : elle a le faciès général, l'ornementation et la plication des espèces vivantes de ce genre, d'ailleurs représenté dans l'Éocène et même dans le Paléocène des environs de Paris ou de la Belgique. Le genre Mesorhytis, Meek, de la Craie du Missouri, porte à la columelle des plis croissant d'avant en arrière, exactement comme chez les Mitridœ, au lieu que c'est l'inverse dans notre espèce qui se rapproche au con- traire de la disposition des Fasciolariidœ; on observe également de grandes dif- férences dans l'ornementation de Latirus nitidus et de Mesorhytis gracilenta, de sorte qu'il n'est pas possible d'admettre que l'espèce de Zekeli soit une Mesorhytis. Localité. — Sougraigne (Aude), trois individus (PL I, fig. 19-20). Coll. de Grossouvre. — Santonien supérieur. Potamides cingillatus [Zek.] (PL II, fig. 25). 1852. — Cerithium cingillatum, Zek. Gastr. Gosau, p. 98 (PI. XVI II, fig. G). Taille moyenne; forme conique, turriculée; spire à profil rectiligne; environ quinze tours presque plans, subimbriqués, dont la hauteur égale à peu près la moitié de la largeur, séparés par des sutures peu profondes, ornés de trois rangées équidistantes de tubercules pointus qui forment des séries axiales un peu obliques ; entre ces chaînettes princi- pales sont intercalés un ou deux filets finement granuleux, celui de la suture un peu plus épineux; des varices arrondies et irrégulières mar- quent les arrêts de l'accroissement de la coquille. Dernier tour peu élevé, arrondi à la base, portant une très grosse varice à l'opposé de l'ouver- ture ; des chaînettes spirales s'enroulent aussi sur la base, mais avec un plus grand nombre de filets intercalaires; ouverture invariablement mu- tilée, ne conservant que rarement un fragment du bord columellaire, qui était épais, calleux et un peu détaché de la base vers la suture. Dimensions. — Longueur probable, 30 millimètres; diamètre avec la varice, 11 millimètres. Rapports et différences. — Cette espèce fait partie d'une série de formes très voisines les unes des autres, que Zekeli a séparées, peut-être avec trop de pro- COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 253 digalité, de Cer. relicosum, Sow. Cette dernière porte quatre chaînettes spirales, tandis que C. cingillalum et sejunctum n'en ont que trois ; seulement les échan- tillons que je viens de décrire se rapprochent plutôt de C. cingtilatum par leur forme étroite, C. sejunctum est plus trapu. Toutes ces espèces, ainsi que l'a t'ait remarquer Stoliczka (Sitz. Acad. 1865, LU, p. 9.) doivent être des Pota- mides. prohahlement du sous-genre Tympanotomus; mais on n'en sera absolu- ment sur que quand on aura pu en étudier l'ouverture entière. Localité. — Saint-Cyr (Var), treize individus (PI. II, fig. 25). Coll. Michalet. — Turonien, Mornasien sec. f.oquand. POTAMIDES Cf. CREBRIFORM1S [Zek.] (PL II, fig. 16). 1852. — Cerith. crebri forme, Zek. Gastr. Gosau, p. 102 (PI. XX, fig. 2). Taille moyenne; forme conique; spire subimbriquée, tours un peu convexes, subanguleux du côté antérieur, dont la hauteur ne dépasse guère la moitié de la largeur, ornés d'un treillis formé par des côtes axiales assez écartées et par quatre carènes spirales plus rapprochées, qui produisent des nodosités oblongues à l'intersection des côtes; la carène antérieure paraît un peu plus saillante et est séparée de la suture par une étroite rampe qui donne aux tours un aspect subimbriqué. Dernier tour très court, muni d'une cinquième carène à la périphérie de la base qui est lisse et déclive, sans convexité; ouverture quadrangulaire, canal court? Rapports et différences. — Cette espèce se distingue des formes du groupe de P. reticosus, par son treillis à mailles régulièrement entrecroisées, au lieu d'un système de rangées spirales de granulations alignées dans le sens axial : à ce point de vue, elle mériterait mieux le nom reticosus; en outre, elle ne parait pas porter de varices, sa base n'est ni arrondie ni ornée. D'ailleurs le fragment que je rapporte à l'espèce de Zekeli en diffère par sa forme plus trapue et par ses mailles plus nettes : il est vrai que l'échantillon de Gosau est incomplet et probablement roulé; dans ces conditions, le classement de cette coquille dans le genre Potamides n'est rien moins que certain, et devra être confirmé quand on aura trouvé des individus munis de leur ouverture plus ou moins complète Localité. — Saint-Cyr (Var), un fragment (PL II, fig. 16). Coll. Michalet. — Turonien, Mornasien sec. Coquand. Pyrazus corbaricus, nov. sp. (PL 1, fig. 23). Forme d'une pyramide pentagonale; spire allongée, régulièrement éta- gée; dix à douze tours convexes, dont la hauteur égale à peu près la moitié de la largeur, séparés par des sutures peu profondes, ornés de cinq côtes aiguës, subépineuses à la partie postérieure, et de cinq cordons spi- raux, dont le plus bas, celui qui correspond à la pointe des côtes, est le plus saillant; la rampe comprise entre ce cordon et la suture, est déclive 2o4 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE et même un peu excavée. Dernier tour plus grand que le tiers de la lon- gueur totale, arrondi à la périphérie de la base ; ouverture "? Dimensions. — Longueur probable, 50 millimètres; diamètre probable avec l'ouverture, 20 millimètres. Rapports et différences. — Quoique l'échantillon décrit soit dans un médiocre état de conservation, il m'a paru bien distinct de Cer. Simonyi, Zek. de Gosau : ses côtes, au nombre de cinq, au lieu de sept ou huit, sont moins épineuses, plus grossièrement ornées dans le sens spiral, et sa rampe est plus déclive, moins étagée. On peut également comparer P. eorbaricus à Cer. sexangulum, Zek. de Gosau, qui a le même nombre de cordons spiraux, mais dont les côtes sont plus arrondies, non épineuses, et forment une pyramide à six pans. Quant à Cer. débile, Zek., il a huit côtes épaisses et n'a pas de rampe à la suture qui est très profonde. Comme l'a fait observer Zekeli, toutes ces espèces pyrami- dales ont beaucoup d'analogie avec Cer. angulalum, Sol., et avec C. Marasehini, Brongn., formes de l'Éocène que l'on classe actuellement dans le genre Pyrazus : c'est pourquoi j'ai placé notre nouvelle espèce dans le même genre, quoique l'ouverture en soit inconnue. Localité.— Sougraigne (Aude), unique (PL I, fig. 23). Coll. de Grossouvre. — Santonien supérieur. Pireinella Munsteri [Keferst] (PL II. fig. 7). Var. Michaleti, nobis. 1829. — Cerithium Munsteri, Kef. Zeitung f. Geogn. VII, p. 99). 1830. - Goldf. Petref. Germ. III, p. 30 {PL CLX.X1Y. H- <*)■ 1852. — Zekeli, Gastr. Gosau, p. 105 {PL XXI, fig. I. 3). Taille petite; forme hordéolée; spire peu allongée; à galbe conoïdal ; sept tours plans, faiblement étages aux sutures, et dont la hauteur dépasse à peine la moitié de la largeur ; quatre chaînettes spirales de tubercules oblongs, l'inférieure un peu plus saillante au-dessus du cordon de la suture; tubercules disposés en séries axiales qui se correspondent, et dé- bordant sur les intervalles des chaînettes, de manière à former des cos- tules aplaties, séparées par des sillons verticaux, ou plutôt par des ran- gées de ponctuations axiales. Dernier tour assez élevé, ovalement arrondi à la base, sur laquelle se prolongent les rangées spirales, mais avec des tubercules plus obsolètes ; ouverture courte, peu canaliculée, à péristome un peu détaché de la base. Dimensions. — Hauteur, 11 millimètres; diamètre, 3mm. 1/2. Rapports et différences. — Cette petite espèce, qui a tout à fait la forme et l'or- nementation de certaines Pirenella, plutôt que celle d'un Biltium, doit être assez variable, si l'on en juge par les figures de l'atlas de Zekeli, qui en sépare une forme bien voisine, C. brève. Ces figures indiquent seulement trois ran- COSSMANN. — OBSERVATIONS SLR QUELQUES COQUILLES CRÉTAC1QUES 25S gées de tubercules, plus un cordon suturai lisse; cependant je ne crois pas qu'on puisse en séparer l'échantillon que je viens de décrire, sous le prétexte qu'il est orné d'une quatrième chaînette un peu plus saillante au-dessus du cordon suturai ; tout au plus pourrait-on, si l'on en recueille d'autres exem- plaires, en faire une variété de P. Mwnsteri, pour laquelle je proposerais le nom de Michaleti. Localités. —Val d'Aren, près le Beausset (Var) ; unique (PL II, fig. 7). Coll. Michalet. Le Caslillet, autre individu, coll. Michalet. — Sénonien intérieur. TuRRITELLA VIBRAYEANA,— d'Oll) (PL I, fig. 24-26). 1838. — T. rigida,Mich., Mém. Soc. Géol. fr. III, p. 99 (non rigida, Sow.J. 1843. — T. vibraxjeana, d'Orb. Pal. fr., t. crét. II, p. 37 (PL CLI, fig. 10, 12). 1850. d'Orb. Prod. II, 19e et., p. 128, n° 117. 1854. Cotteau, Moll. foss. Yonne, p. 18. 1857. EbTBiy,Bull. Soc. Géol. fr., 2e sér., t. XIV, p. 809. 1858. Raulin, Stat. Géol. Yonne, p. 474. 1858. Gosselet, Bull. Soc. Géol. fr. 22e sér., t. XVI. p. 123 et 265. 1859. d'Archiac, Mém. Soc. Géol.. fr., VI, p. 409. 18G1 . Pictet et Camp, Terr. crét. Sainte-Croix, II, p. 315. (PL LXXIL pg. 5-7 . Observations. — Ouoique cette espèce ait une assez grande extension géogra- phique, il ne semble pas qu'elle ait été, jusqu'à présent, décrite autrement que d'après des moules internes et des contre-empreintes, de sorte que ses caractères n'ont pas été très fidèlement interprétés et que, le jour où l'on trouve un échantillon avec test, on peut être Lente d'en faire une espèce nouvelle : c'est ainsi que d'Orbigny et, après lui, Pictet, attribuent à T. vibraxjeana des tours plans, des sutures canaliculées et une base carénée, tandis que je cons- tate, sur des individus munis de leur test, que les tours sont convexes et même .subimbriqués en avant, que la périphérie du dernier tour est arrondie à la base, que les sutures sont profondes, mais seulement bordées de rampes très obliquement déclives. Sauf l'ornementation qui est absolument identique à à celle qu'indique la Paléontologie française, et en particulier à l'empreinte reproduite sur la figure 7 de l'ouvrage de Pictet, j'aurais hésité à rapporter les individus que j'ai sôus les yeux à l'espèce en question. L'un d'eux a douze tours de spire, et encore la pointe n est-elle pas complète : il a une longueur de 33 millimètres et un diamètre de 7 à 8 millimètres à la base. La surlace des tours porte quatre chaînettes principales de granula- tions, entre lesquelles sont intercalés un ou plusieurs filets simples; les stries d'accroissement sont très sinueuses, excavées vers le tiers inférieur de la hau- teur de chaque tour, très antécurrentes vers la suture; l'ouverture est arrondie, avec un labre fortement proéminent à la base. Localité. — Wignehies (Nord), cinq individus (PL I, fig. 2//-J(ij. Coll. du Musée de Lille. — Albien, zone, à Amm. mammillaris. 256 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE TURRITELLA FlTTOM [Mlllist.] (PL II, fig. G). 1836. — Turritella Fittoniana, Goldf. Prelref. Germ., p. 109 (PI. CXCVII, fig. 10). 1850. — d'Orb. Prod. 22e et., p. 218, n° 137. 1852. Zek., Gast. Gosau, p. 24. (PI. I,fig. 7). Forme lurriculée, conique; spire pointue; environ douze tours peu con- vexes, dont la hauteur égale les deux tiers de la largeur, subimbriqués en avant et séparés par des sutures canaliculées entre deux rampes déclives; ornementation composée de trois cordons granuleux principaux, équidis- tants, l'antérieur sur l'angle de la rampe déclive, et d'un quatrième posté- rieur, beaucoup plus serré contre la suture; fines stries spirales, visibles seulement sur les individus très frais, dans les intervalles des trois cordons principaux et sur la rampe antérieure. Dimensions. — Longueur probable, 30 millimètres; diamètre, 8 millimètres. Rapports et différences. — Il est incontestable que cette espèce est très voisine de T. nodosa, Rœmer, qui appartient à un niveau plus élevé dans le Sénonien ; mais elle s'en distingue par ses tours plus imbriqués et par ses cordonnets beaucoup plus finement granuleux. Stoliczkala compare aussi à T.multistriata, Reuss; mais les individus de l'Inde qu'il rapporte à cette dernière ont les tours plus convexes et moins imbriqués que ceux de T. Fittoni, des carènes spirales non granuleuses, etc. Nos échantillons sont, en tous points, sem- blables à ceux de Gosau figurés dans l'ouvrage de Zekeli. quoiqu'ils ne soient guère dans un meilleur état de conservation, ou du moins le dernier tour en est invariablement mutilé, ainsi que cela arrive presque toujours chez Jes Turritella mésozoïques; néanmoins aucun doute n'est possible quant au classe- ment de ces espèces dans le genre Turritella. Localité. — Le Beausset, Val d'Aren (Var) ; six individus (PL II, fig. 6). Coll. Michalet. — Sénonien inférieur. Turritella microrhaphium, nov. sp. (PL II, fig. 7 bis). Taille petite; forme étroite ; spire turriculée, aiguë, à galbe régulière- ment conique ; environ douze tours plans, dont la hauteur atteint presque la largeur, séparés par une carène saillante située immédiatement au- dessous de la suture, ornés de cinq filets spiraux simples, égaux et équidislants ; dernier tour court, caréné à la périphérie de la base qui est un peu excavée ; ouverture petite, quadrangulaire. Dimensions, — Longueur probable, 7 ou 8 millimètres ; diamètre, lmm 3/4. Rapports et différences. — Je ne vois, parmi les Turritella crétaciques jusqu'à présent connues, aucune espèce dont celle-ci puisse être rapprochée : sa carène COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 257 saillante ressemble beaucoup plus aux formes tertiaires qu'au galbe des espèces mésozoïques. T. rauliniana, d'Orb., duGault, qui a également les tours plans et de fines stries, est dénuée de cette carène ; il en est de même de T. robineausia, du Néocomien de Marolles. Localité. — Raprécourt, unique (PL II, fig. 7 bis). Coll. Lambert. — Turonien, Dièves, à Terebratulina gracilis. Eucycloscala abbreviata [BaiT. et de Gueme] (PL H, fig. 28-29). — 1878. — Scaïaria abbreviata, B. etde G. Desc. esp. nouv. Craie, p. 5o (PL II, fig. 7) . — 1884. — cretacea, de Boury. Journ. Conch. T. xxiv, p. 15o (PL V, fig. 2). Taille petite ; forme turbinée, trapue ; spire étagée, à galbe régulière- ment conique, pointue au sommet ; sept tours convexes, dont la hauteur «gale les deux cinquièmes de la largeur, séparés par de profondes sutures, ornés de côtes obtuses et légèrement obliques, dont l'épaisseur est égale à leurs interstices, et sur lesquelles sont découpées des nodosités obsolètes, formant trois rangées spirales sur chaque tour. Dernier tour, y compris l'ouverture, égal à la moitié de la hauteur totale, muni d'une qua- trième rangée de tubercules à la périphérie de la base qui est peu convexe et sur laquelle se prolongent les costules ; celles-ci se terminent par une couronne de petites nodosités, dont la réunion forme une carène autour d'une cavité ombilicale, étroitement perforée en entonnoir. Ouverture circulaire, bordée d'un péristome large et aplati, assez mince, plus rétréci dans la partie où il repose sur l'avant-dernier tour ; le contour ■de l'ouverture forme une légère saillie sur ce péristome, dont le plan est à peine incliné en arrière de l'axe vertical. Dimensions. — Hauteur, 5 millimètres; diamètre, i millimètres; péris- tome, 2""" I, 2. Observations. — J'ai proposé, en 185)3, dans l'Annuaire géologique universel, le genre Eucycloscala pour une forme bien connue dans le Trias, Scaïaria binodosa, Munst. L'ornementation des tours de spire, l'ombilic profond de la base, séparent complètement ces coquilles des véritables Scalidœ, et je me demande même s'il n'y a pas lieu de les classer plutôt dans la famille Littorinidœ : seule la connaissance de l'embryon permettrait de trancher cette question, si l'on constate ultérieurement qu'il est styliforme comme chez les Scalidœ, ou obtus comme celui des Littorinidœ. Quoi qu'il en soit, la coquille crétacique dont je viens de reproduire la description, appartient indubitablement au même groupe que S. binodosa du Trias, et il est probable que l'on pourra suivre cette forme à travers toute la série des étages jurassiques ainsi qu'à la base des étages créta- ciques lorsqu'on aura de meilleurs matériaux ; car il ne serait pas vraisemblable qu'elle se fût éteinte pour renaître à une aussi grande dislance dans les temps géologiques. Rapports et di/férenccs. — Cette espèce est très voisine de Scaïaria macrostoma, Mull. delà Craie supérieure d'Aix-la-Chapelle ; mais elle s'en dislingue par ses 17* 258 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE tours moins étages, mieux treillissés, par son péristome dénué de rayons, enfin par l'absence de cordons concentriques sur sa base. M. Holzapfel a d'ailleurs classé la coquille d'Aix-la-Chapelle dans le genre Liotia où elle ne peut être conservée, car elle ne possède pas de funicule ombilical, et le sommet de sa spire n'est pas aplati, mais seulement cassé. MM. Barrois et de Guerne ont aussi comparé leur espèce à Se. Phiiippii, Reuss, qui n'a pas d'ombilic et qui porte un disque basai, de sorte qu'elle n'appartient évidemment pas au même genre. D'après ces auteurs, Se. Queeni, Gardn. aurait la spire plus élevée, le péristome moins large, l'ombilic fermé. Enfin il me parait impossible de séparer l'individu d'Uchaux que je viens de décrire, et qui a servi de type à M. de Boury pour son Se. eretacea, de l'espèce des Ardennes, nommée par Barrois et de Guerne : il n'y a d'autres différences que celles résultant de l'usure des échantillons; il en résulte que la dénomination eretacea tombe en synonymie avec abbreviata et doit être rayée de la nomenclature. Localité. — Uchaux (Vaucluse), unique (PI. II, fig. 28-29). Coll. Cossmann. — Turonien. Chaumont-Porcien (Ardennes), dans les Dièves à Terebratulina gracilis, d'après Barrois et de Guerne, trois échantillons. Solarium moniliferum, Micli. (PL //, fig. 21-22). 1833. — S. moniliferum , Mich. Mag. zoo!., p. 31. 1813. — d'Orb. Pal. fr. t. crét. II, p. 197 (PI. CLXXIX, (fig- 8-11). 1S49. — Pictet et Roux. Gault de la Perte du Rhône, p. 2:20. 1850. — d'Orb. Prod. II. 19e et. , p. 130, n°139. 1854. — Cotteau. Moll. foss. Yonne, p. 33. 1859. — Gosselet. Bull. Soc. géol. fr. 2e sér. XVI, p. 231 et 265. 1864. Pictet et Camp. Crét. Sainte-Croix, !1. p. 538 (Pl.LXXXVIII, fig. 1-2}. Observations. — Cette espèce bien connue a rarement été figurée d'après des individus ayant leur test intact : les auteurs ont, pour la plupart, fait la descrip- tion de contre-empreintes moulées sur des empreintes en creux, incapables par conséquent de fournir les caractères de l'ouverture; aussi ai-je profité de la communication d'échantillons parfaits du Musée de Lille, pour en donner une nouvelle figure. C'est une coquille qui a une grande extension géographique, puisqu'elle a été trouvée dans le Hainaut, dans les départements du Nord, de l'Aube, de la Haute-Marne, de l'Yonne, du Cher, à la Perte du Rhône et dans les environs de Sainte-Croix, sur le Jura suisse. Partout elle conserve une apparence identique, facilement reconnaissable par sa forme conique, son large ombilic, sa spire ornée de deux rangs de petits tubercules encadrant de profondes sutures, et de filets spiraux finement granu- leux ; la base peu convexe porte des filets concentriques sur lesquels des stries obliques d'accroissement découpent de petites rugosités obsolètes et rhomboïdales. L'entonnoir ombilical est circonscrit par une carène obtuse, et il est sillonné COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 2o9 par des filets spiraux. L'ouverture est très oblique, à peu près circulaire, à péristome mince sur le contour duquel l'angle circa-ombilical fait une entaille, peu profonde comme dans la plupart des Solarium ; aussi cette espèce doit-elle être conservée dans le genre où elle a été placée, dès le début, par Michelin. Localité. — Wignehics (Nord), deux individus à test vidé, recueillis par M. Gosselct (PL II, fig. 21-22). Coll. du Musée de Lille. — Albien. NUMMOCALCAR, nov. sub. gcn. Forme discoïdale, circulaire ; spire à peine bombée, composée de tours subulés, ornées de côtes plus ou moins tuberculeuses ou épineuses, écartées, avec d'autres ornements plus lins dans les intervalles ; périphérie fortement carénée et armée de pointes souvent rostrées, qui correspondent aux côtes de la surface. Base généralement déprimée au bord de la carène périphé- rique, un peu convexe au milieu, où se dessinent des plis rayonnants, creusée en entonnoir au centre par un ombilic très évasé ; ouverture déprimée, flexueuse et découverte dans la partie correspondant à la convexité de la base, rostrée sur la carène périphérique; labre convexe entre la suture et cette carène. Type : Solarium polygonium, d'Arch. — Batbonien. Observations. — 11 existe, dans les terrains secondaires, un groupe de coquilles discoïdales, qui s'écartent des véritables Solarium, non seulement par leurs épines périphériques et par l'ornementation de leur spire, mais encore par leur ombilic non caréné et par leur ouverture flexueuse ou échancrée sur le contour basai. Ces formes se rattachent cependant aux Solarium par l'intermédiaire de certaines espèces un peu plus bombées (S. varicosum, Morr. et Lyc.) dont la convexité basale devient plus anguleuse et circonscrit l'ombilic, ce qui change en même temps la forme du contour basai de l'ouverture. Néanmoins, c'est une coupe qu'il me parait intéressant de séparer au moins à titre de sous-genre ; aussi je propose pour elle le nom Nummocalcar, qui rappelle à la fois sa forme aplatie et les épines saillantes de sa carène. Nummocalcar pustulosus, nov. .sp. (PI. II, fig. 19-20). Forme extrêmement aplatie quand la coquille est adulte ; spire d'abord un peu étagée, puis subulée et à peine bombée ; sept tours, y compris l'embryon, séparés par des sutures peu visibles, ornés en bas, vers le sommet, de costules rayonnantes qui deviennent peu à peu obsolètes, et en haut vers la périphérie, de pustules arrondies, plus écartées, à raison de deux côtes au moins pour une pustule ; au dernier tour, les costules ont presque entièrement disparu, et les pustules forment des proéminences pointues et retroussées sur la carène périphérique. Base isolée de la carène 260 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE par un large sillon obtus ; région médiane un peu convexe avec quelques plis peu visibles ; entonnoir ombilical très évasé, étroit au centre, circons- crit par un sillon superficiel. Dimensions. — Hauteur, 5 millimètres; diamètre, 13 millimètres. Rapports et différences. — Cette espèce ne peut être confondue avec Sular. dentatum, d'Orb., dont l'ornementation se compose de costules courbes et de tubercules costiformes, au Lieu de pustules; en outre, l'ombilic de notre espèce est beaucoup moins largement découvert, parce que la columelle s"altacbe très au fond de l'entonnoir et que le dernier tour embrasse, par conséquent, la plus grande partie de la surface basale. A ce dernier point de vue, N. pustulosus diffère beaucoup du type du sous-genre Nummocalcar (S. polygonium) dont les tours sont plus superposés sur la base, de sorte que leurs sutures sont visibles dans la cavité ombilicale. Localité. — La Bédoule (Var), sept échantillons (PI. II, fig. 19-20;. Coll. Michalei . — Aptien, zone à Belemnites semicanaliculatus. Paryphostoma tabulatum [Zek.] ? (PL I, fig. 18). 1852. Eulima tabulala, Zek. Gastr. Gosau, p. 32 (PI. III, ftg. 9). Observations. — Zekeli a séparé d'£. requieniana, d'Orb. une espèce plus trapue, à tours plus étroits, qui paraît appartenir au même genre : le bourrelet du labre, l'épaississement du bord columellaire, les plis d'accroissement écartés et presque rectilignes dont les tours de ces deux coquilles sont ornés, leur don- nent un aspect à peu près identique à Paryphostoma plicatulum (Desh. Keilos- toma) du Paléocène des environs de Beauvais. Si cette assimilation, déjà signalée par Stoliczka (Pal. ind. cret. gastr. II, p. 28), était exacte, le genre Paryphos- toma aurait apparu dès le Turonien supérieur: toutefois les quatre individus du Sénonien de l'Aude, que m'a communiqués M. de Grossouvre et que je rap- porte à E. tabulala, sont dans un médiocre état de conservation, les parties visibles du test sont usées, de sorte que je ne puis y apercevoir la trace de stries ou de plis axiaux. Leurs sutures sont légèrement étagées, comme celles de la coquille de Gosau, ils lui ressemblent par leur galbe général, par les pro- portions des tours de spire et par la forme arrondie de la base du dernier tour, de sorte qu'en définitive il me paraît tout à fait probable que Paryphostoma tabulatum existait dans le Sénonien de l'Aude. Du reste, l'existence de ce genre dans la Craie supérieure d'Aix-la-Chapelle parait actuellement démontrée, d'après les figures de l'ouvrage de Holzapfel (Keilostoma W'inkkri, Mull., PI. XIV, fig. 9). Localité. — Le Plan (Aude), quatre individus (PL I, fig. 18). Coll. de Grossouvre. — Sénonien supérieur. Crepidula Janeti, noc. sp. (PL I, pg. 16-17). Moule interne ; forme peu bombée, arrondie; sommet placé au quart de la longueur du côté postérieur; entaille de la lame du septum formant COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 261 un \/ très ouvert à branches très inégales, celle de gauche trois fois aussi longue que l'autre, presque en ligne droite, la branche dextre sinueuse, se réduisant presque à une profonde perforation à bords évasés et arrondis; nucléus apical au-dessus du sommet de l'entaille en \l, un peu contourné et obtus: surface lisse, un fragment d'empreinte indique seule- ment quelques accroissements irréguliers. Dimensions. — Diamètre, 6 millimètres; hauteur 2mmi/2. Rapports et différences. — Celte espèce ressemble au moule auquel Buvignier a donné le nom Crepidula gaultina ; mais elle s'en distingue par l'inégalité des branches de l'entaille faite par la lame du septum, ainsi que par 1 apparence un peu contournée du sommet. Ces deux caractères pourraient la rapprocher de Spirocrypta pileum, Gabb, du Crétacé de Californie; mais, dans le genre Spiro- cryptâ, le sommet est tout à fait latéral et s'enroule, ainsi que la lame, de sorte que la coupe, telle que l'a figurée Gabb, dénote l'existence d'une loge, exacte- ment comme lorsqu'on enlève la calotte apicale d'ime Nerita; or, il n'y a rien de semblable dans notre espèce. Quant à Crepidula cretacea, Millier, d'Aix-la- Chapelle, M. Holzapfel en a fait le type de son genre Damesia, et c'est un Gas- tropode encore plus enroulé que Spirocrypta, qui ne peut avoir un moule interne arrondi comme l'échantillon ci-dessus décrit. Enfin, il est probable que les individus de la Craie de Meudon, que Hébert a signalés sans les décrire, appartiennent à la même espèce. Localité. — Flambermont, près Beauvais, trois échantillons (PI. I, fîg. 16-17). Coll. Janet. — Sénonien supérieur, dans la Craie blanche. Natica lirata, Sow. em. (PL II, fig. S el If). 1836. - Natica lyrata, Sow. Geol. Tram. 2e série, III (PL XXXVIII, ftg. 11). 1850. d'Orb. Prod. II, 21 et., p. 191, n° 40 (exclu Uchaux). 1852. Zek. Gastr. Gosau, p. 46 (PL VIII, ftg. 5). 1868. Empira lirata, Stol. Crel. Gastr. India, p. 303 (PL X XII, r«j- 2). Forme globuleuse; spire courte, à galbe conique; six tours convexes, dont la hauteur égale à peine le quart de la largeur, séparés par des sutures peu profondes et bordés d'une étroite rampe subcanaliculée ; der- nier tour très grand,, subsphérique, à base un peu déprimée autour de l'ombilic qui est largement ouvert. Ouverture semi-lunaire; labre mince, obliquement incliné à gauche de l'axe du côté antérieur; bord columellaire non réfléchi sur l'ombilic. Dimensions. — Hauteur, 14 millimètres; diamètre, 12 millimètres; dernier tour de face, 11 millimètres. Rapports et différences. — Les échantillons que je rapporte à l'espèce de Gosau ne s'en distinguent que par l'absence de stries d'accroissement; mais, comme leur test est très usé, il n'y a pas lieu d'attacher une grande impor- 262 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE tance à cette petite différence, surtout puisque les autres caractères sont iden- tiques. On remarquera que je n'ai pas cité dans la synonymie de cette espace N. lyrata d'Uchaux (in d'Orb.) : non seulement c'est une espèce bien différente, mais encore elle appartient à un autre genre, ainsi qu'on le verra ci-après. Quant à la coquille de l'Inde méridionale, que Stoliczka désigne sous le même nom, elle me parait avoir une forme moins arrondie que le type de Gosau; en tout cas, ce n'est pas une Empira, comme le prétend cet auteur. Localité. — Le Plan (Aude), quatre échantillons. (PI. II, fig. 8 et II). Coll. de Grossouvre. — Sénonien inférieur, zone à A. Baylei. Ampullina uchauxiensis, nom. mut. (PL H, fig. 9-10). 1847. — Natica lyrata, d'Orb. (non Sow.J. Pal. fr. t. crét. II, p. 161, . (PI. CLXXII, fig. 5). Forme globuleuse; spire assez courte, étagée, à galbe un peu conoïde, obtuse au sommet; six tours très convexes, dont la hauteur atteint le tiers de la largeur, séparés par des sutures très profondément canaliculées et bordées d'une rampe spirale arrondie. Dernier tour peu élevé, ventru, arrondi et un peu atténué à la base qui est perforée d'un ombilic médio- crement ouvert; ouverture grande, semi-lunaire, subcanal iculée en arrière, versante à la base; labre un peu oblique, épaissi en biseau à l'intérieur; contour supérieur faiblement sinueux ; columelle largement excavée, tan- gente à la base de l'avant- dernier tour; bord columellaire calleux, assez large, réfléchi sur l'ombilic, limité par une carène qui se raccorde avec la sinuosité versante du bord antérieur de l'ouverture. Dimensions. — Longueur, 17 millimètres; diamètre, 15 millimètres; dernier tour de face, 14 millimètres; ouverture de profil, 11 millimètres. Rapports et différences. — C'est à tort que d'Orbigny a identifié cette coquille avec N. lirata de Gosau : elle appartient à un tout autre genre, à cause de son ouverture et de son ombilic. D'ailleurs, sa spire plus allongée par rapport au dernier tour, ses sutures plus profondément canaliculées, son gisement à un niveau plus ancien, suffiraient déjà pour la distinguer au point de vue spéci- fique. Je n'ai pu y apercevoir aucune trace d'un limbe ombilical : mais il ne faut pas perdre de vue qu'il y a des Ampullina tertiaires dans lesquelles ce limbe s'oblitère presque complètement et qui appartiennent néanmoins au groupe typique, plutôt qu'au sous-genre Empira. Localité. — Uchaux (Vaucluse), cinq individus (PL II, fig. 9-10). Ma collection. — Turonien. Neritopsis allaudiensis, nov. sp. (PL 1, fig. 27-2S). Taille petite; forme ovale, auriculaire; spire à peine saillante; trois tours croissant rapidement, le dernier embrassant presque toute la coquille, COSSMANN. — OBSERVATIONS SLR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 263 orné d'une vingtaine de cordonnets spiraux, finement granuleux, disposés en séries obliques très régulières, et dont les intervalles sont déçusses par des stries d'accroissement extrêmement serrées ; base convexe et arrondie à la périphérie, un peu déprimée au centre. Ouverture ample, circulaire, à péristome épais, crénelé sur son contour supérieur par les côtes spirales; bord columellaire largement aplati sur la base de l'avant- dernier tour, visiblement échancré au milieu. Dimensions. — Hauteur, 6 millimètres; grand diamètre, 9 millimètres; petit diamètre, 5 millimètres. Rapports et différences. — Les Neritopsis crétaciques étant peu fréquentes, je n'hésite pas à décrire cet unique échantillon ; je ne vois guère que iV. ornata, de l'étage Cénomanien qui puisse en être rapprochée, mais elle est moins oblique et elle a moins de côtes spirales. Quant à X. robineausiana, de l'étage Néocomien, et à iV. renauxiana, du Turonien, ce sont des formes naticoïdes, portant un treillis à luîtes mailles, qui ne peuvent se confondre avec notre coquille néritiforme et granuleuse. N. Lorioli de l'Urgonien de Sainte-Croix a presque la même forme que N. allaudiensis, mais elle s'en distingue par son ornementation plus grossière. Localité. — Allauch (Bouches-du-Rhône), unique. (PI. I, fig. 27-18). Coll. Michalet. — Turonien, sous-étage Provencien. Turbo ? arenûsus, Sow. (PL H, fig. %3-24). 1836. T. arenosus, Sow. Geol. Trans. III (PL XXXVIII, fig. 14). 1852. — Zekeli. Gastr. Gosau, p. 51 (PI. IX, fig. i). Taille petite; forme globuleuse, sphéroïdale; spire très courte, à galbe conoïde; quatre tours convexes, séparés par des sutures peu profondes, ornés de quatre rangs éqLiidistants de granulations serrées; dernier tour très grand, arrondi à la périphérie de la base qui est convexe, imperforée et couverte de cordons granuleux comme ceux de la spire. Ouverture demi- circulaire, à péristome très épais, taillé en biseau à l'intérieur; labre rectiligne, incliné à 4o degrés par rapport à l'axe vertical, avec une varice obtuse à quelque distance en deçà du contour; bord columellaire épais, large, aplati, se raccordant sans inflexion avec le contour ordinaire. Dimensions. — Hauteur, 8 millimètres; diamètre, 7 millimètres. Observations. — Le test de cette coquille n'est pas nacré; aussi je doute qu'elle appartienne à la famille Turbinidœ; je l'aurais classée dans les Littorinidœ si l'échantillon avait été assez bien conservé pour servir de type à une nouvelle coupe générique qui est encore à créer, et dans laquelle on classera probable- ment la majeure partie des coquilles secondaires, improprement dénommées Turbo. Rapports et différences. — L'espèce à laquelle j'assimile l'individu du Var, que je viens de décrire, est bien figurée dans l'Atlas de Zekeli, mais d'après un 264 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE exemplaire dont l'ouverture est mutilée, de sorte que je me suis guidé, pour faire le rapprochement, par la forme générale de la coquille et par son orne- mentation : elle se distingue de T. décora tus, Zek. par sa spire plus courte et par ses cordonnets moins nombreux, surtout par l'absence d'ombilic. Il existe, dans la Craie d'Aix-la-Chapelle, une espèce imperforée (T. retifer^ Bœhm) dont la forme et l'ouverture sont semblables, quoiqu'elle soit plus conique et plus finement ornée que notre coquille : d'après les figures qu'en donne Holzapfel, la columelle porterait quelquefois des traces de dentition que je n'ai pu aperce- voir sur notre T. arenosus. Localité. — Val d'Aren, près le Beausset (Var), unique. (PL II, fia. 23-24). Coll. Michalet. — Sénonien, assise n° 111. Turbo? Michaleti, nov . sj). (PL I.fiff. 21-22). Taille petite; forme turbinée; spire courte; quatre ou cinq tours angu- leux au milieu, un peu concaves sur la rampe déclive inférieure, légère- ment convexes au-dessus de l'angle médian; surface ornée de trois cordonnets granuleux sur chacune de ces deux régions; soit six par tour: dernier tour assez grand, arrondi à la périphérie de la base presque imperforée, qui porte des cordonnets concentriques semblables à ceux de la spire. Ouverture circulaire, à péristome épais; labre oblique à 45 degrés, un peu curviligne en creux; columelle excavée; bord columel- laire épais, renversé au-dessus de la région ombilicale qui présente l'indice d'une fente à peine visible. Dimensions. — Hauteur, 8 millimètres; diamètre, 6mml/2. Rapports et différences. — Aucune des espèces décrites dans l'Aptien de Sainte- Croix, par Pictet et Campiche, ne ressemble à celle-ci : T. Thurmanni, qui s'en rapproche le plus par son ornementation, a deux carènes sur le dernier tour, et l'intervalle est excavé. Dans l'Ai bien inférieur, on peut encore comparer notre espèce à T. Coquandi, qui a les tours plus arrondis, sans angle médian, ou à T. Triboleli, qui a un angle, mais dont la forme est plus élevée et dont les cor- donnets, plus nombreux, ne sont pas granuleux. De même que pour l'espèce précédente, le classement de T. Michaleti dans le genre Turbo n'est rien moins que certain : l'ouverture est moins ample que celle de T. arenosus; elle aurait moins d'affinité avec celle des Littormidœ et plus de ressemblance avec celle des Delphinulidœ ; mais, comme l'ombilic se réduit à une simple fente, il est peu probable que T. Michaleti soit une Delphinula. Il faut donc encore attendre avant de fixer le classement définitif de cette forme. Localité. — La Bédoule (Var), deux individus (PI. I, fig. 21-22). Coll. Michalet. — Aptien, zone à Belemnites semicanaliculatus. Delphinula ? ! granulata Zekeli (PL II, fig. 30-31). 1852. — D. granulata, Zek. Gaslr. Gosau, p. 58 (PI. X, fig. 8). Taille petite ; forme turbinée, un peu déprimée ; spire courte, obtuse au sommet; cinq tours étroits, convexes, ou même subanguleux, ornés de COSSMANN. — OBSERVATIONS SLR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 26>> iines rangées de granulations très serrées ; dernier tour assez élevé, rendu anguleux à la périphérie de la base par un cordon un peu plus saillant, un peu plus gros et plus écarté que les autres ; base arrondie vers le bord, creuse au centre dans la région ombilicale qui forme un petit entonnoir imperforé. Ouverture demi- circulaire, à péristome épais, incomplètement fermé sur la base de lavant-dernier tour ; labre incliné dans un plan un peu oblique par rapport à l'axe; contour basai légèrement sinueux ; bord columellaire à peine réfléchi au dehors, s'attachant perpendiculairement dans l'entonnoir ombilical. Dimensions. — Hauteur, 8 millimètres; diamètre, 10 millimètres. Observation.?. — Les échantillons des environs de Marseille, que je rapporte à l'espèce de Zekeli, atteignent à peine le tiers de ses dimensions : mais leur forme et leur ornementation sont identiques, même la disposition de la base, qui est indiquée dans le texte comme ombiliquée, tandis que la figure représente une restauration dont l'aspect est le même que celui du faux ombilic de nos échan- tillons. Quant au classement générique de cette espèce, je ne suis certain que d'un point, c'est que ce n'est pas une Delphinul-x ; néanmoins je la conserve provisoirement dans ce genre, parce que l'absence de bons matériaux ne me permet pas encore de proposer une nouvelle coupe générique, que je ne pourrais bien caractériser, si ce n'est pour ce qui concerne l'ouverture et la base, et cela serait insuffisant. Je ne vois d'ailleurs, dans la série crélacique, aucune autre coquille qui puisse être rapportée au même genre, ou du moins les figures des espèces désignées comme Trochus ou Turbo ne me paraissent pas y ressembler. Localité. — Allauch (Bouches-du-Rhône), huit individus (PL II, pg. 30-31). Coll. Michalet. — Turonien, sous-étage Provencien. Trochus? barremensis, d'Orb. (PL II, fig. 26-Ï7). 1850. — T. barremensis, d'Orb., Prod. II, 18" et. p. 115, n° 64. Forme conique ; spire étagée ; environ six tours, dont la hauteur égale le tiers de la largeur, excavés en arrière, munis d'un bourrelet saillant du côté antérieur; des costules obliques sur la partie excavée forment des nodosités ligaturées sur le bourrelet antérieur; les individus très frais portent en outre des cordons spiraux dans les intervalles de ces ligatures obliques. Dernier tour surbaissé, bicaréné à la périphérie de la base qui est un peu creuse au centre et imperforée ; ouverture arrondie ; columelle paraissant (?) munie d'un renflement tuberculeux à la base. Dimensions. — Hauteur, il millimètres: diamètre, 10 millimètres. Observations. — J'ai vainement cherché, dans toute la série crétacique, une forme qui se rapprochât de cette espèce, plutôt voisine des espèces jurassiques (T. duplicalus, Lorierei, Zcles) : la surface des individus que j'ai eus sous les yeux étant généralement empâtée dans une gangue ferrugineuse qui en oblitère les caractères, je ne suis pas certain que ce soit bien un Trochus (sensu stricto), et 266 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE je ne proposerai pas une nouvelle coupe qui aurait pour type des individus aussi défectueux. Même en ce qui concerne la détermination spécifique de ces indi- vidus, intéressants malgré leur état de conservation, j'ai préféré, au lieu de créer une nouvelle espèce, les rapporter à T. barremensis qui n'a jamais été figuré, et dont la diagnose est ainsi conçue : « espèce carénée, à tubercules sur la carène qui est saillante. » Localité.— La Bédoule (Var), huit échantillons (PL II, fig. 26-27). Coll. Michalet ; Barrème, fide d'Orbigny. — Aptien, zone à Belemnites semicanaliculatus. Calliostoma dievarum, nov. sp. (PL H, fig. 17-18). Forme conique ; spire peu allongée, à galbe parfaitement rectiligne ; sept tours tout à fait plans, dont la hauteur atteint presque le tiers de la largeur, séparés par des sutures profondément canalieulées, ornés de cinq cordonnets granuleux et inégaux, celui du bas un peu plus fort que les deux suivants et égal au quatrième, le cinquième antérieur beaucoup plus saillant et portant en outre des écailles imbriquées. Dernier tour supérieur à la moitié de la hauteur totale, quand on le mesure de face, y compris l'ouverture, caréné à la périphérie de la base par un gros cordon armé d'écaillés presque tubulées ; base à peine convexe, ornée de filets concen- triques très fins et de stries courbes d'accroissement, les filets un peu plus gros et granuleux autour de la région ombilicale qui est imperforée. Ouverture à contour subquadrangulaire, circulaire au fond ; labre mince, rectiligne, oblique à 45 degrés par rapport à l'axe vertical ; columelle excavée, se raccordant par un angle arrondi avec la base de l'avant- dernier tour ; bord columellaire épais, caréné à l'extérieur et recouvrant complètement la fente ombilicale. Dimensions. — Hauteur, 11 millimètres; diamètre, 10 millimètres. Rapports et différences. — Cette espèce ne peut se confondre avec Trochus Schliiteri, Barr. et de Guerne, qui est ombiliqué et plus surbaissé, ni avec T. plicatogranulosus, Goldf., qui n'a que quatre cordonnets spiraux ; T. substria- tulus, d'Orb., de l'étage Néocomien, a de fines stries spirales et une carène sans écailles. L'espèce la plus voisine est, sans contredit, Zizyphinus geinitzianus, Reuss, du Crétacé de la Bohême, auquel Stoliczka réunit T. arcolensis, Forbes, de l'Inde ; mais ce dernier est plus surbaissé, porte plus de cordons spiraux et paraît ombiliqué, de sorte que c'est probablement un Eutrochus, tandis que notre coquille a tous les caractères du genre Calliostoma, Swainson (Zizyphinus, Gray). Localité. — Yalmy, unique (PLU, fig. 11-18). Coll. Lambert. — Turonien, as- sise III des Dièves à Terebratulina gracilis. Solariella turo.mca, nov. sp. (PL II, fig. 12-15). Taille moyenne ; forme turbinée ; spire cà galbe conoïde ; six tours con- vexes, dont la hauteur atteint à peine le tiers de la largeur, séparés par COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 261 des sutures étroitement et profondément eanaliculées, ornés de sept cordons spiraux, régulièrement écartés, égaux entre eux, granuleux surtout à la partie postérieure, où celui qui surmonte la suture est plus gros et plus saillant que les autres ; dernier tour à peu près égal à la moitié de la hauteur totale de la coquille, arrondi à la périphérie de la hase, qui ne porte que quelques sillons obsolètes et une forte rangée de crénelures au- tour de la cavité ombilicale ; la paroi de cet ombilic porte des plis dans le prolongement de ces crénelures, puis un sillon spiral, et au fond quel- ques cordons granuleux. Ouverture arrondie, oblique, à péristome assez mince et presque toujours mutilé, avec une légère sinuosité correspon- dant au sillon de l'ombilic. Dimensions. — Hauteur, 8mml/2; diamètre, 8 millimètres. Rapports et différences. — Ce n'est pas sans hésitation que j'ai séparé cette espèce de Turbo Heberti, Barr. et de G., fossile caractéristique de la zone à Belemnites pletius dans la Marne. D'après la figure, cette dernière paraît avoir un ombilic beaucoup plus large et la base ornée comme le reste des tours, qui seraient en outre anguleux près de la suture : or, les échantillons qui m'ont servi de type ne présentent pas ces caractères, et comme la description donnée par MM. Barrois et de Guerne en fait mention, il y a lieu de penser que ce n'est pas seulement le résultat de la fantaisie du dessinateur; c'est pourquoi j'ai pris le parti de donner un nouveau nom à tous les exemplaires qui m'ont été communiqués et qui s'écartent, sans exception, de la diagnose de T. Heberti, tandis que je n'en ai trouvé aucun qui répondît exactement à cette diagnose. Il existe, dans le Crétacé de l'Inde, d'autres Solariella (S. radiatula, Forbes, et S. strangulata, Stol.) ; mais elles se distinguent de notre espèce par leur forme plus élevée, par leur ornementation plus fine, et l'une d'elles par le sillon basai qui circonscrit les crénelures de l'ombilic, exactement comme dans Je sous-genre Periaulax. Quant à Turbo goupilianus, d'Orb., du Cenomanien, c'est une coquille plus surbaissée avec des côtes spirales alternées. Localités.— Baprécourt (Marne), quatre individus (PL II, fig. 12-13); Gizaucourt, individu complet (PI. II, fig. U-45). Coll. Lambert.— Turonien, Dièves à Terebra- tulina gracilis. Dentalium uchauxiense, nov. sp. (PI. Il, fig. 33-34). Taille moyenne; forme allongée, peu courbée, étroite; surface entière- ment lisse ; pas d'entaille ni de fissure au sommet ; section à peu près circulaire. Dimensions. — Longueur probable, 30 millimètres; diamètre, :i millimètres. Observations. — Cette espèce appartient à la section du genre Dentalium pour laquelle j'ai, en 1888, proposé le nom Lœvidentalium (type: D. incertum, Desh.) et qui est caractérisée par l'absence de fissure au sommet, par sa surface lisse et par la forme peu courbée de son tube. Il est rare de trouver, dans les Scapho- podes des terrains secondaires, des individus non mutilés, montrant le sommet 268 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE intact et permettant, par conséquent, de vérifier s'il va ou s'il n'y a pas d'en- taille : j'ai pu faire cette vérification sur l'un des individus de ma nouvelle espèce, qui se termine par une pointe effilée de 1 2 millimètre de diamètre, de sorte que je suis certain de son classement. Rapports et différences. — Beaucoup moins arquée qu'Antale glabratum, Forbes, du Crétacé supérieur de l'Inde, elle se distingue (¥A. arcotinum (même provenance) par l'absence destries annulaires. D'autre part, on ne peut la com- parer aux deux espèces lisses du Sénonien supérieur d'Aix-la-Chapelle, D. Gard- neri, Holzapfel, qui est une Fustiaria à longue fissure, ni D. Gtinitzi, Bôhm, qui est un Entaliopsis à courte fissure. Enfin il existe à Gosau, presque au même niveau que notre espèce, un D. nudum, Zek., qui paraît plus épais et plus trapu. Localité. — Uchaux(Vaucluse),cinq individus (PL II, /?(/.33-3^.Coll.Cossmaon. — Turonien, dans les grès rouges. Dentalium Lamberti, nov. sp. (Pi. II, fig. 32). 1878. — Dent, polyponum ? Barr. et de Guerne. Desc. esp. nouv. Craie, p. 63 (non Beuss). Forme cylindrique, à peine incurvée : environ vingt-quatre côtes plates, parfois bifides, séparées par des rainures beaucoup plus étroites, plus saillantes et moins largement aplaties sur la région ventrale ; section cir- culaire ; sommet inconnu. Obseroations. — L'échantillon décrit étant incomplet, il ne m'est pas possible de savoir s'il existait une fissure à l'extrémité de cette coquille, et si par consé- quent c'est un véritable Dentalium ou un Entaliopsis. J'ajouterai même que le caractère particulier de l'ornementation, qui consiste plutôt en rainures qu'en côtes polygonales, ne ressemble guère à ce qu'on est habitué à observer dans le genre Dentalium : cependant c'est bien un Scaphopode, l'intérieur du tube est rempli de marne grise, tandis qu'il n'en serait pas ainsi s'il s'agissait d'un frag- ment de Poisson ou de Cidaris. Rapports et différences. — Cette espèce se distingue de D. alternons, Muller, du Sénonien supérieur d'Aix-la-Chapelle, par ses côtes plates et par sa forme plus droite ; MM. Barrois et de Guerne l'ont comparée à D. polygonum, Beuss, qui a une ornementation tout à fait différente. Localités. — Gizaucourt (Marne), unique (PL II, fig. 32). Coll. Lambert. — Turonien. Novy-Chevrières (Ardennes), Berzieux (Marne), couche à Belemnites plenus (fide Barrois et de Guerne). COSSMANN. — OBSERVATIONS SUR QUELQUES COQUILLES CRÉTACIQUES 269 LÉGENDES DES PLANCHES PLANCHE I 1-2. — Act.eon subjunceus, Cossm., grossi deux fois Sougraignc. 3. _ Ringinella Gosseleti, Cossm., grossie deux fois Wignehies. 4. — Act^eonella l.evis [Sow.], grandeur naturelle Vilverdre. 5. — Trochact.eon renauxianus [d'Orb.], grandeur naturelle . . Lauradel. 6-7. — Roxania Peroni, Cossm. , grossie deux fois Sougraigne. 8-9. — Oligoptycha ? Grossouvrei, Cossm.. grossie deux l'ois . . . Sougraigne. 10-11. — Ringinella Gosseleti, Cossm., grossie deux fois Wignehies. 12. — Act^eonella involuta, Coq., grandeur naturelle Freycinet. 13. — Trochactjîon giganteus [Sow.], grandeur naturelle .... Le Beausset. 14-15. _ Retusa Jollyi, Cossm., grossie deux et trois fois Monthiers. 16_17. _ Crepidila Janeti, Cossm., grossie trois fois Flambermont. 18. — Paryphostoma tabulatum [Zek.], grandeur naturelle. ... Le Plan. 19-20. — Latirus nitidus [Zek.], grossi trois fois et demie Sougraigne. 21-22. — Turbo? Michaleti, Cossm., grossi deux fois La Bédoule. 23. — Pyrazus corbaricus, Cossm., grandeur naturelle Sougraigne. 24-26. — Turritella vibrayeana, d'Orb., grandeur naturelle .... Wignehies. 27_28. — Neritopsis allai diensis, Cossm., grossi deux fois ..... Allauch. PLANCHE II 1-3. — Pholidotoma subheptagona [d'Orb.], grandeur naturelle . . Saint-Cyr. 4.5. __ Mitra cancellata [Sow.], grandeur naturelle . Saint-Cyr. 6. _ Turritella Eittoni [Munst.], grandeur naturelle Le Beausset. 7. — Pirenella Munsteri [Keferst.], grossie deux fois Le Beausset. 7 f,(-s, _ Turritella michorhaphium, Cossm., grossie trois fois. . . . Baprécourt. g et 11. — Natica lirata, Sow., grossie deux fois Le Plan. 9-10. — Ampullina uchauxiensis, Cossm., grossie deux fois Uchaux. 12-13. — Solariella turonica, Cossm., grossie deux fois Raprécourt. 14-15 _ _ — grossie deux fois Gizaucourt. 16 _ Potamides cf. crebriformis, [Zek.], grossie deux fois. . . . Saint-Cyr. 17-18. — Calliostoma dievarum, Cossm., grossie deux fois Valmy. 19-20. — Nummocalcar pustulosus, Cossm., grossi une fois et demie , La Bédoule. 21-22. — Solarium moniliferum, Micb., grossi une fois et demie. . . Wignehies. 23-24. — Turbo? arenosus, Sow., grossi deux fois Le Beausset. 25. — Potamides cingillatus [Zek.], grandeur naturelle Saint-Cyr. 26-27. — Trochus? barremensis, d'Orb., grossi deux fois La Bédoule. 28-29. — Eucyclos'cala abbreviata [B. et de G.], grossie trois fois. . Uchaux. 30-31 . — Delphinula? granulata [Zek.], grossie deux fois Allauch. ;^2. — Dentalium Lamberti, Cossm., grossi trois fois Gizaucourt. 33-3',, _ Dentalium uchauxiense, Cossm., grossi deux fois Uchaux. 270 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE M. Edouard DAVID LEVÂT Ingénieur civil des mines à Paris. CONSTITUTION GEOLOGIQUE DES GISEMENTS AURIFÈRES DE LA SIBÉRIE ORIENTALE [553.41 (57)] — Séance du 2 avril I89G — La note suivante est le résumé de mes observations, au cours de mon voyage à travers la Sibérie, de Moscou à Vladivostok, en 189o. DÉVELOPPEMENT DES RÉGIONS AURIFÈRES EN SIRÉRIE Un premier point qui frappe les yeux quand on examine la carte des gisements aurifères de la Sibérie jointe à cette étude (PL VI), c'est l'extrême diffusion des placers aurifères sur la surface de cet immense pays. Ces richesses ne sont cependant pas réparties d'une manière uniforme, l'impor- tance de la Sibérie orientale comme producteur d'or atteint à elle seule la moitié de celle de l'Empire russe tout entier ; mais, au point de vue géologique que j'envisage en ce moment, le phénomène de la venue de l'or a affecté indistinctement, on peut le dire, la totalité de la Sibérie. Si l'on part en effet des gîtes aurifères de l'Oural, les plus anciennement exploités, le berceau de l'industrie minière dans ces pays, on trouve une série ininterrompue de gisements aurifères, en s'avançant vers l'est, à savoir : Les steppes d'Orenbourg qui forment la continuation du district minier de l'Oural. La région de Sempalatinsk, sur le haut lrtich, où le nombre des placers exploités augmente rapidement. A cette région se rattachent les placers à peine prospectés des environs de Verny et ceux plus éloignés encore situés à l'est de Tachkent, qui démontrent que la formai ion aurifère s'étend sur ces vastes pays récem- ment englobés dans la sphère d'influence russe. On passe ensuite aux régions aurifères importantes de la Sibérie cen- trale, au bassin de l'Obi et du Tom, puis à celui de l'Yénisséi qui comporte É. DAVID LEVAT. — GISEMENTS AURIFÈRES DE LA SIRÉRIE ORIENTALE 271 deux groupes, celui au sud de krasnoïarsk et celui de la moyenne et haute Tongouska. On franchit enfin le Baïkal pour entrer au nord dans le bassin de la Lena, avec les riches placers de l'Olekma et du Vitim, au sud dans la Transbaïkalie, avec ses systèmes aurifères de l'Onon, de J'Ucl et de la Chilka, à l'est enfin dans le bassin de l'Amour avec ses affluents aurifères, la Zéya, la Bouréya, l'Oussouri et l'Amgoun. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE CES GISEMENTS Sur tout ce parcours, de plus de 8.000 verstes de développements, les placers aurifères présentent un caractère d'uniformité remarquable. Us se trouvent tous dans des terrains anciens, schistes, micaschistes ou terrains éruptifs et cristallins, indiquant ainsi que leur origine doit être exclu- sivement attribuée à ces terrains anciens eux-mêmes. De plus, si l'origine de l'or paraît devoir être rapportée à ces périodes anciennes, la formation des placers est au contraire très récente, et ces dépôts secondaires se sont effectués à une époque où les vallées actuelles ainsi que l'orographie générale de la contrée différaient peu de celles d'au- jourd'hui (I). Il résulte de ce fait que les alluvions sibériennes se trouvent au fond des vallées actuelles, ayant très peu de pente longitudinale, et recouvertes par des alluvions plus récentes encore et par de la tourbe ou des végétaux aquatiques. DIFFÉRENCES AVEC LES ALLUVIONS CALIFORNIENNES On voit que ces caractères différencient nettement les alluvions sibé- riennes des placers miocènes de la Californie par exemple, qui ont été formés sous un régime orographique si différent du relief actuel du soi que. dans la plupart des cas, les lits des anciennes rivières aurifères se trouvent non seulement beaucoup au-dessus des thalwegs des vallées actuelles, mais encore recoupent ces derniers à angle droit. THÉORIE DE LA VENUE AURIFÈRE Il est intéressant de rechercher si une uniformité aussi remarquable dans la constitution des placers ne correspond pas à une uniformité com- parable ou tout au moins à l'existence de caractères généraux communs aux gîtes aurifères primitifs dont ces placers sont les témoins visibles. Il est peut-être prématuré de tenter un essai de ce genre, car les (1) On a trouva dans ces alluvions : Eleplias ptimigenim, Rhinocéros tichorinus, etc., ce qui classe ces dépôts parmi ceux de l'époque post-tertiaire. 1272 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE matériaux sont encore rares, surtout en ce qui concerne les régions que j'ai visitées à l'est du Baïkal. Nombreux sont les placers exploités dans cette région; rares sont ceux où il a été fait quelques travaux autres que ceux strictement nécessaires pour sonder les alluvions et abattre les matières aurifères. L'esprit public et le goût des chercheurs n'ont pas encore tourné du côté de l'exploitation des filons, et par conséquent de la recherche des origines. Il y a cependant des exceptions, notamment en Transbaïkalie où il existe déjà deux moulins à or en activité et une exploitation de filons aurifères pour les alimenter ; d'autres recherches sont en train de s'exé- cuter. J'ai pu visiter les unes et les autres et noter ainsi certains faits, qui, rapprochés de mes observations sur le terrain dans les autres régions de la Sibérie orientale, forment un ensemble de considérations qui ont donné naissance à cette Note. FORMATION AURIFÈRE DE L'OURAL Pour l'Oural, région exploitée depuis de longues années déjà, les obser- vations locales et la littérature relative à la formation aurifère s'accroissent chaque jour de nouveaux éléments. Je me bornerai à rappeler que dans cette région, la formation classique se compose de schistes chloriteux, argileux ou talqueux traversés par des filons d'une roche éruptive nommée bérézite qui n'est autre qu'un granit dans lequel l'élément feldspath a disparu, laissant uniquement, dans la roche restante, le quartz et le mica blanc, éléments constitutifs de la bérézite. Les filons de bérézite ont une épaisseur variant depuis 4 mètres jusqu'à 40 mètres. Des veines de quartz en nombre considérable recoupent les filons de bérézite. Leur puissance est de 3 centimètres en moyenne. Ces veines sont distribuées en faisceaux, séparés par des intervalles plus ou moins grands . Elles ont une direction perpendiculaire à celle des filons de bérézite. Ce sont, en un mot, des fissures de retrait qui ne se continuent pas dans les schistes encaissants, ou bien, dans le cas contraire, il y a discontinuité entre les deux formations. Toutes ces veines quartzeuses et spathiques sont aurifères. L'or y est accompagné par de la pyrite, des ocres ferrugineuses et de l'hématite brune provenant de la décomposition des pyrites. Les parcelles d'or sont disséminées dans la masse du quartz et de l'hématite, rarement dans les autres minéraux accessoires des filons, qui sont en grand nombre, chales- pyrite, galène, etc. Ce sont de beaucoup les filons contenus dans la bérézite qui sont les plus minéralisés. Les bérézites et parfois les schistes encaissants renferment aussi de l'or; de telle sorte que les veines quartzeuses et spathiques apparaissent comme É. DAVID LEVAT. — GISEMENTS AURIFÈRES DE LA SIBÉRIE ORIENTALE 273 ayant concentré le métal qui imprégnait primitivement la masse totale de la roche. Les gisements de cette nature ont fait l'objet de quelques recherches, mais en général, la teneur n'est pas suffisante pour permettre une exploitation régulière. C'est ainsi que les bérézites des mines Uspien et Kionetzeff ne tiennent que 2gr, 366 d'or par tonne de minerai. Les microgranulites de Pisminskagora ont une teneur variant de 0gr, 65 jusqu'à 10 grammes à la tonne, et les serpentines au contact de ces microgranulites tiennent lgr, 30 à 2sr, 34 à la tonne. FORMATION AURIFÈRE EN SIBÉRIE ORIENTALE Nous allons voir une roche analogue à la bérézite, c'est-à-dire une roche dérivée du granit initial, par disparition d'un de ses éléments, jouer un rôle minéralisateur tout à fait analogue à la bérézite. Cette roche est l'aphte, c'est-à-dire un granit sans mica, dont j'ai donné une description détaillée à propos des mines de l'Onon. On peut sur les filons de cette roche reproduire textuellement la descrip- tion donnée ci-dessus des filons de quartz dans la bérézite, avec cette différence que l'action minéralisante a été infiniment plus forte en Sibérie orientale que dans l'Oural, que les filons de quartz aurifère y atteignent des épaisseurs moyennes supérieures à une archine, au lieu de quelques centimètres. En ce qui concerne la teneur en or de la roche encaissante, de l'aphte, je me suis livré à une étude intéressante en prenant comme exemple une aplite très chargée de pyrite de fer non décomposée, provenant de la galerie n° 1 de la mine de Baïan Zuerga (système de l'Onon). CONCLUSIONS La présence de l'or dans l'aplite et dans la bérézite, toutes deux roches dérivées du granit par défaut d'un des éléments constitutifs, indiquant par conséquent une fin de période d'éruption, permet de penser que l'or est arrivé en môme temps que ces roches probablement à l'état de combi- naison avec la pyrite de fer. Il s'est isolé au sommet des filons pendant que le fer passait à l'état d'oxyde, et s'est concentré avec la silice dans les fentes de retrait dues au refroidissement de la masse ignée, aussi bien que dans celles produites dans les schistes encaissants par le soulèvement consécutif à l'émission de ces masses ignées. FENTES DE RETRAIT, FENTES DE REFROIDISSEMENT DANS LES SCHISTES Le refroidissement a du également affecter les schistes encaissants, forte- ment chauffés et métamorphisés au contact de la roche éruptive. Il s'y 18* 274 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE est produit des fentes de retrait qui ont été aussi remplies de quartz aurifère. On aurait ainsi l'explication de cette multitude de filets de quartz qu'on observe dans les schistes métamorphiques, en dehors des fentes ou filons quartzeux aurifères, adventifs ou parallèles. D'après l'origine que je viens d'indiquer, les veines quartzeuses observées dans les schistes ne continuent pas exactement celles qui se trouvent dans la roche mère. Leur remplissage est commun, mais la cause de leur formation est différente. CONSÉQUENCES PRATIQUES DE CETTE THÉORIE Plusieurs faits viennent confirmer cette façon de comprendre l'origine de la formation aurifère de la Sibérie. C'est d'abord la diminution de richesse en profondeur que l'on a constatée dans presque tous les travaux d'exploitation dans l'Oural et à laquelle il faut s'attendre sans aucun doute, en Sibérie orientale. Cette théorie tend à prouver qu'on ne trouvera plus d'or natif au-dessous de la zone où le fer s'est transformé en oxyde. Comme conséquence, il faut prévoir dans les projets d'appareils de traite- ment des minerais, des emplacements pour l'addition ultérieure, lorsque l'exploitation atteindra la zone non oxydée, des appareils propres à recueillir et à traiter les pyrites contenant l'or encore combiné. Enfin l'aplite se présente, surtout au voisinage des filons de quartz, comme une roche altérée transformée en une masse argileuse blanche ou rougeâtre, caractéristique. Ailleurs, la roche, tout en ayant conservé sa dureté, a perdu néanmoins une notable proportion de la silice qu'elle contenait. Les vides, quelquefois remplis par des ocres ferrugineuses, attestent la décomposition de la pyrite de fer en hématite brune, qui a disparu à son tour plus tard. J'espère avoir clairement fait ressortir le rôle capital, selon moi, joué par les phénomènes de concentration postérieure à la formation, dans la forma- tion aurifère sibérienne. Qu'il s'agisse de roches pseudo-granitiques, telles que l'aphte et la bérézite, ou de roches plus basiques, porphyres et serpen- tines, le phénomène de la venue de l'or reste le même. Le métal précieux venu contemporainement à l'éruption de ces roches, en combinaison, soit avec la pyrite de fer, soit d'après les plus récentes recherches, avec la silice elle-même, s'est déposé par ségrégation dans les fentes occa- sionnées, soit par le retrait naturel de la masse ignée, soit dans celles produites dans le terrain encaissant par le soulèvement qu'a causé l'érup- tion elle-même. P. PALLARY. — NOTES GÉOLOGIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 273 M. P. PALLARY à Eckmiihl, Oran. NOTES GÉOLOGIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS [550 (65)] — Séance du 3 avril 1896 — I Le Dahra est constitué par un massif montagneux incliné de l'est à l'ouest, d'altitude moyenne, dont l'axe, orienté S. -0. — N.-E. est à peu près parallèle au littoral. Du coté de la mer, ce sont des falaises abruptes, coupées seulement par les cours d'eau ; après viennent des plateaux plus ou moins sablonneux, puis le terrain s'élève encore et forme le relief montagneux dont la plus haute cime, le djebel Sidi-Saïd, atteint 777 mètres. Dès lors, les pentes s'abaissent vers le sud et forment des mamelons très découpés par de profonds ravins qui viennent s'éteindre dans la plaine du Chéliff. La lithologie générale est des plus simples : l'argile et le sable domi- nent; le calcaire et le grès sont bien plus rares. Le Dahra comprend fort peu de terrains secondaires ; on peut considérer l'ensemble comme une formation tertiaire assez complète depuis le car- tennien jusqu'au pliocène. Nous allons envisager très sommairement chacune de ces formations. Mais, avant de continuer, nous devons dire qu'il ne sera question dans ces lignes que des terrains que nous avons vus et qui se trouvaient sur notre itinéraire. On ne sera donc pas étonné si d'autres terrains, situés en dehors de notre route, ont échappé à notre observation. A.u surplus voici l'itinéraire adopté, qu'il sera facile de suivre sur les 1 cartes au .,,. AAlt feuilles 104-80-79-103: oO.OOO, Inkermann, vallée de l'Ouarizane, Mazouna, Renault et environs, djebel Sidi-Saïd, Nekmaria, Oulad-Riah, Zérifa, Achâachas (portion littorale), Lapasset (Aïn-el-IIammam), Cassaigne et Ouled-Mùalah. CARTEiSNIEX M. Pomel fait quatre groupes de son cartennien ; le premier, formé de 276 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE grès quartzeux blancs à ciment calcaire, n'a pas été observé par nous et nous n'avons pas à nous en occuper. Le second groupe comprend: « des assises puissantes de poudingues à éléments bien roulés. Des argiles gré- seuses, grises ou bleues, s'y intercalent très irrégulièrement... ». Descript. slratigr. de l'Algérie, p. 142. Nous avons observé ce niveau en deux endroits : le premier au djebel Sidi-Saïd, à 12 kilomètres environ ouest de Renault. En fait de fossiles, je n'ai recueilli sur le flanc nord et près du sommet que de grosses huîtres. Le second se trouve dans le département d'Alger, chez les Oulad- Marchou, à peu de distance de la limite départementale, à l'ouest et près du confluent de l'oued Trab avec l'oued Kramis (feuille 80). J'ai recueilli là une riche faune de gros pecten, spondyles et balanes (ce qui rappelle les argiles de Saint- André-de-Mers-el-Kébir) (1), associés à des clypéastres, oslrea et grosses térébratules : Pecten solarium, Lk. Spondylus, très voisin (si ce n'est lui) du crassicosta Lk. Grosses huîtres arrondies du type: 0. Boblayei, Desh. Terebratida, cf. bisinuata, Lmk. L'Ostrea crassissima manque dans celte formation. Près de là, chez les Mediouna, à côté des ruines romaines, j'ai recueilli dans les grès cartenniens : Hypsoclypeus doma, Pomel (2). Il y a peut-être lieu de rapporter à cet étage les argiles rutilantes qui sont en face les ruines romaines, sur la rive droite, et qui forment les berges de l'oued Gri, un peu en amont de son confluent avec l'oued Kramis. Ces argiles paraissent être en relation avec les gisements fossilifères dont nous venons de parler. Elles sont surmontées au Kef-Chakour par une puissante masse de calcaire mélobésien (Kalâa), sur lequel nous revien- drons. Enfin, à o" kilomètres à l'ouest de Renault, à Aïn-Taousna (3 kilomètres et demi est de Cassaigne, à gauche de la route de Cassaigne à Renault), nous avons recueilli aussi un assez grand nombre de gros clypéastres : Clypeaster myriophyma, Pomel, C, nov.sp., énorme (sera décrit par M. Gauthier), avec le grand peigne (P. solarium) et un spondyle semblable à celui (1). A Saint-André-de-Mers-el-Kébir j'ai trouvé dans ce même terrain une énorme cardile. Dans le ravin, au-dessus de l'usine Rossi, il y a un petit gisement avec turritelles, dents de squales, balanes, ostrea. (2> Les déterminations des oursins sont dues à l'obligeance de M. Victor Gauthier, de Sens. P. PALT.ARY. — .NOTES GÉOLOGIQUES SUB LK DAHRA ORÀNAIS 2~7 tics argiles de Mers-el-Kébir. Mais ces fossiles ne sont pas en place; ils sont roulés et plusieurs d'entre eux ont été recouverts par d'autres coquilles. Il faudrait rechercher dans les environs le terrain qui a fourni ces fossiles caractéristiques du cartennien, à moins que ce terrain n'ait été tellement démantelé aux époques helvétienne et suivantes qu'il n'en reste plus de traces. Malheureusement ce gisement est très limité ; il est flanqué au nord et à l'ouest par les marnes blanches du sahélien. HELVÉTIEN Le calcaire à lithothamnium (1), plus connu sous le nom de calcaire à mélobésies, a été observé par nous à Kalàa, à G kilomètres environ nord- est de Renault. Depuis le Kef-Chakour jusqu'à Sidi-Aïssa, c'est-à-dire sur une étendue rectiligne de 6 kilomètres, ce n'est qu'une seule masse de ce calcaire qui s'étend à l'est sur une étendue que je n'ai pu évaluer. L'oued Oukhallel a creusé son lit dans ce calcaire. A Aïn-es-Samen, où commence la formation, elle surmonte des argiles rutilantes rouges, bleues, vertes et grises, où je n'ai pas observé de fossiles, mais qui appartiennent vraisemblablement à l'étage inférieur (cartennien). Sous Aïn-el-Ksar (476 mètres), le calcaire à mélobésies fournit des pinnes, puis des huîtres en bancs. Près du petit col d'Aïn-Kerdar, la portion moyenne de ce calcaire est riche en polypiers astréens fort bien conservés. J'ai retiré de là un lithodome non déterminé. Les ruines romaines du plateau connu sous le nom de Kalàa reposent sur ce calcaire, qui s'étend encore un peu au delà jusqu'au marabout de Si-Aïssa-ben-Daoud, où il disparaît sous les sables. A Koudiat-Ksarsurla rive gauche de l'oued Zérifa, 1 "helvétiense montre, à la base, sous forme d'argiles avec une huître à charnière aussi longue que la cavité, qui, d'après Hoernes, est : 0. crassissima, Lk. , des anomia, balanes, pecten à test mince. J'ai recueilli là une tête de métacarpien de bovidé sur lequel étaient fixées des balanes. Malheureusement cette pièce est en trop mauvais état pour la détermination spécifique. La partie supérieure de la formation devient gréseuse : elle m'a donné •un clypéastre : Clypeaster curtus, Pomel. x\u pied du djebel Sidi-Saïd, près de la Mechta (2) Touaty, est un banc de (001) — ^(OlO), bien qu'il soit difficile de l'affirmer à cause de l'état des cristaux. L. GENTIL. — SUR LES MINÉRAUX D'UN CRATÈRE ANCIEN D'ALGÉRIE 293 Les ligures ci-dessous représentent l'orthose de Ben-Ganah. La figure 2 est celle d'un échantillon qui montre deux cristaux accolés par la base/?(001). La limpidité des cristaux est souvent parfaite. Plus rarement on trouve des échantillons d'orthose complètement opaque, d'un blanc de porcelaine ou d'un gris clair. La cause de cette opacité tient à une multitude d'inclu- sions vitreuses extrêmement fines, alignées suivant les clivages jo(OOl) et g1 (010) du minéral, ou distribuées irrégulièrement. Ces inclusions sont cer- tainement postérieures à la consolidation des cristaux. J'ai observé en outre certains échantillons limpides traversés par une série de canaux cylindriques, FlG. 1. FlG. 2. parallèles et très rapprochés, présentant un diamètre assez constant de 1/10 de millimètre environ. Ces canaux sont absolument vides. La sanidine du cratère de Ben-Ganah constitue un gisement assez impor- tant. Ce feldspath se rencontre ailleurs dans le pays et surtout dans les scories ou pouzzolanes de l'île Rachgoun qui fait partie d'un autre district volcanique ; je l'ai recueilli en très grande abondance dans ce dernier gisement. L'identité des échantillons de Ben-Ganah et de Rachgoun n'est pas douteuse. Dans ce dernier gisement, la sanidine a été signalée pour la première fois par M. Vélain qui l'a décrite sous le nom d'orthose sodique (1). Depuis, mon savant maître M. F. Fouqué (2), se basant sur les analyses de M. Vélain et sur l'angle des clivages p(001) et gl(010) (les mesures du M. Fouqué ont. été effectuées sur de mauvais clivages), l'a déterminée comme anorthose L'abondance des matériaux que j'ai recueillis à l'île Rachgoun m'a permis un large choix de cristaux nettement clivables. J"ai pu effectuer ainsi quelques mesures précises de l'angle p(001) ans le gisement qui nous occupe ils sont quelquefois très aplatis et allongés suivont la zone verticale (fig. 3). D'autres fois ils présentent un plus grand développement des faces WpEil) (fig. 4). Fig. 3. Fig. '•■ Cette forme de l'augite aplatie sur deux faces m(I10) est connue dans certains gisements du Plateau central de la France. Ce qu'il y a de remarquable à Ben-Ganah, c'est l'abondance relative de ces cristaux que M. A. Lacroix a bien voulu signaler dans sa Minéralogie de la France et de ses Colonies (1). Je n'ai pas trouvé de cristaux maclés, bien que la macle hl(\00) se montre en lames minces dans l'augite des laves de Ben-Ganah. L'augite de Ben-Ganah présente en lame mince une légère teinte violacé» •. Elle offre très souvent la structure zonée dite en sablier. La hornblende n'est pas rare dans les projections volcaniques du cratère de Ben-Ganah. Elle se montre non seulement à l'état de cristaux isolés, mais encore sous forme d'agrégats qui constituent des bombes à hornblende. 1° Les cristaux libres ne présentent jamais de forme. Ils sont toujours brisés et montrent un clivage brillant m(110) extrêmement facile. C'est de la hornblende brune ou hornblende basaltique. Elle montre en lame mince un polychroïsine intense : brun foncé suivant l'axe n , .7' jaune verdàtre — n . L'angle d'extinction par rapport à la zone d'allongement est faible, il ne dépasse pas 4 degrés. (1) Tome I,r, 2e partie; Paris, Baudry et G», f89b. 298 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE 2° Les bombes à hornblende sont presque exclusivement composées de ce minéral. Elles constituent des blocs de la grosseur du poing, présentant à l'œil nu un agrégat de cristaux bruns, très étroits (minces de un demi- millimètre et longs de plusieurs millimètres). Examinées en plaque mince au microscope, ces bombes présentent une multitude de cristaux de hornblende en baguettes allongées, soudées entre elles par un verre brun isotrope. Quelques cristaux à'augite avec structure en sablier, plus rarement encore des lamelles de mica biotite et de fines aiguilles d'apatite, se montrent associées à ce minéral qui, par son abon- dance, peut donner à la roche le nom de homblendite. Cette roche grenue montre en outre de nombreux vides miaroJithiqu.es bordés de la substance vitreuse, comme on peut le voir d'après la figure ci-dessous, qui représente une plaque mince de la roche vue au microscope, en lumière naturelle. La formation de ces bombes à hornblende est facile à comprendre. Ce sont, en effet, des ségrégations produites au sein du magma volcanique au début de sa différenciation. La hornblende marque le premier stade de la cristallisation de ce magma, et la plupart de ses cristaux ont été redissous plus tard, ainsi qu'on peut en juger par l'absence de ce minéral dans les laves sorties du cratère. Seuls ont échappé à ce phénomène de résorption les cristaux ou agrégats de cristaux qui ont été projetés au dehors par les explosions volcaniques. L'olivine existe dans les tufs du cratère de Ben-Ganah en très petits cristaux ne dépassant pas un demi-millimètre de longueur. Aussi ce miné- L. GENTIL. — SUR LES MINÉRAUX D'UN CRATÈRE ANCIEN D'ALGÉRIE 209 rai ne pcut-il guère s'observer qu'au moyen de plaques minces, taillées dans les tufs durcis artificiellement. Ces cristaux de péridot présentent souvent des contours très nets, des arêtes vives et pas trace d'altération . Leur forme paraît constante et résulte de la combinaison : p(00l) g^OlO) 08(12O) a*(10i) J'ai recueilli, dans les tufs de Ben-Ganah, un cristal de sphène gros de 6 millimètres, de couleur brune et présentant quelques faces arrondies. Enfin, j'ai trouvé, assez abondants, de jolis cristaux de spinelle noir ayant la forme de l'octaèdre al{ 111), quelquefois accompagné des faces ^(1 10). Je terminerai cette courte note par une description succincte du minéral le plus essentiel des laves du cratère de Ben-Ganah. Ces laves sont des leucotéphrites augitiques à olivine, et leur caractère principal tient à la présence de la leucite dans leur composition. FlG. (i. Bien que je réserve l'étude pétrographique de ces roches, je tiens dès à présent à mettre en évidence la présence de ce feldspathoïde signalé avec raison, mais non décrit, dans la roche d'Aïn-Tolba. Dans la lave de Ben-Ganah, la leucite n'existe qu'au deuxième temps de consolidation. Elle n'offre jamais de phénomènes de biréfringence; mais, par la forme de ses contours, par ses couronnes d'inclusions, elle ne peut laisser aucun doute sur son diagnostic. La figure ci-dessus représente une plaque mince de la lave de Ben- Ganah, vue au microscope en lumière parallèle. 300 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE Cette figure montre de nombreux cristaux de leucite dans la pâte micro- lithique de la roche. Ce feldspathoïde présente des contours octogonaux ou des couronnes dinclusions multiples. Ces inclusions sont formées de points noirs ferrugi- neux, et de microlithes d'augite, quelquefois de microlithes feldspathiques souvent orientés parallèlement à la surface extérieure du cristal. Ces caractères, joints àl'isotropiedu minéral, suffisent pour définir nette- ment la leucite dans la lave de Ben-Ganah. D'ailleurs un morceau de cette lave, réduit en poudre impalpable, fait gelée avec l'acide chlorhydrique, propriété qu'elle ne peut devoir qu'à la présence de la leucite ou de la néphéline. Mais l'analyse micrographique ne permet pas de supposer l'existence de ce dernier minéral. M. ¥. KILIAÏÏ Professeur à la Facullé des Sciences de Grenoble. SUR L'UTILITÉ DE MONOGRAPHIES PALÉONTOLOGIQUES POUR L'ÉTUDE DES DÉPOTS MÉSOZOIQUES DU SUD-EST DE LA FRANCE [550.4] — Séance du 3 avril 1896 — Un des résultats des progrès croissants de la stratigraphie et de la paléontologie a été de mettre en lumière l'incontestable utilité des Mono- graphies locales, grâce auxquelles il est fourni à la science une base sûre et solide de documents faciles ensuite à coordonner, et dont l'étude sérieuse offre plus de garanties que les recherches sur des matériaux de prove- nances diverses et souvent douteuses. Elles seules permettent, par la connaissance qu'elles procurent des associations fauniques et des modifications que ces faunes ont subies dans un même lieu, de se rendre un compte exact de la valeur des formes, de distinguer des simples variétés coexistant à une môme époque dans un milieu donné, les mutations qui se sont succédé dans le temps, repré- sentent les stades successifs de l'évolution, et ont une valeur slratigraphique considérable. Elles donnent en outre, en permettant des comparaisons précises, un W. KILIAN. — SUR LÏTILITÉ DE MONOGRAPHIES PALÉONTOLOG1QUES 301 moyen sur de connaître les changements qu'amènent, dans la composition des faunes, les variations de fades. Un autre avantage de ces sortes d'études, est de fixer d'une façon plus certaine et en tenant compte des influences du milieu, des migrations, etc., l'âge exact des assises dans lesquelles se rencontrent ces faunes; les points de repère se multiplient ainsi pour le stratigraphe qui, lui aussi, gagne cà cette méthode une plus grande sûreté et une plus grande pré- cision. Depuis la publication des excellents mémoires inaugurés par Pictet, et continués par les soins de la Société paléontologique suisse, exemple bientôt imité en Portugal par M. Paul Choffat, l'excellence de cette méthode n'est d'ailleurs plus à démontrer. Le temps est passé des vastes entreprises iconographiques comme la Paléontologie française, jamais terminées, toujours incomplètes, et dont la mise au courant incessante exigerait une série de suppléments que nous attendons encore. La belle série des mémoires de la Société géologique de France, les nombreuses monographies publiées par l'Institut géologique de Vienne, celles que font paraître en Allemagne MM. Dames et Kayser, et tant d'au- tres, ont fait voir que la science avait en effet plus à gagner à ces mémoires dus à l'initiative individuelle, se manifestant dans des directions multiples et diverses, qu'à des œuvres de trop longue haleine pour être menées à bien par le travail d'un seul, et qui souvent restent inachevées ou tronquées. L'essai tenté par M. Ph. Matheron pour nos faunes fossiles du Sud-Est, et dont le texte n'a malheureusement pas vu le jour, était une œuvre digne d'être poursuivie; nous y avons puisé le désir devoir se publier, en une suite d'études spéciales, les résultats paléontologiques auxquels pour- raient conduire des recherches sur les terrains secondaires de la région delphino-provençale et des contrées voisines. Quelques indications suffiront pour donner une idée des sujets d'études qui pourraient être fructueusement abordés. Le Lias de la Basse-Isère a fourni à Dumortier de très remarquables matériaux; niais il reste encore à glaner après lui, et nous avons, par exemple, entre les mains, une petite série de curieux Harpoceras de la Verpillière, dont la publication offrirait beaucoup d'intérêt. M. Haug a promis de faire connaître, dans leurs détails, les faunes du Jurassique inférieur et du Dogger des Hautes-Alpes dont il a fait ressortir, dans sa remarquable thèse, la composition intéressante. Pour ce qui concerne le Jurassique supérieur et le Crétacé, les maté- riaux abondent : Dans l'Oxfordien des Hautes et Basses-Alpes, existent un certain nombre de types orientaux Ver u planètes, voisins des espèces russes du même niveau, et dont l'étude s'impose d'elle-même. Parmi celles de 302 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE ces faunes du Malin qui ne sont encore qu'incomplètement connues et qu'il est nécessaire de soumettre à une revision scrupuleuse, il convient de signaler surtout les assises coralligènes du Jurassique supérieur (ancien Corallien du Midi), si bien développées à l'Échaillon, Rougon, Escra- gnolles, etc. Les monographies de Pictet et de M. Toucas semblent laisser peu de choses à ajouter à ce que nous savons des faunes tithonique et berria- sienne; mais l'on doit au zèle infatigable de M. Gevrey, des séries de Céphalopodes d'Aizy (Tithonique supérieur) et de la Faurie (Berriasien), dont la publication jetterait un nouveau jour sur le développement de certains groupes d'Hoplites et à'Holcostephanus (1). Le Valanginien n'est guère connu que par les faunes pyriteuses (2) du Diois; le sommet de l'étage a été négligé; il y aura donc à étudier cette partie supérieure dans son développement calcaire dans le Dauphiné, et sous son faciès vaseux plus au Midi. La partie tout à fait inférieure de l'étage revêt à Mallevai (Isère) un faciès à Hoplites, Bivalves et Echinides (Rhabdocidaj-is), dont M. Gevrey a recueilli de très curieuses séries, et qui est encore inédit. A Saint-Pierre-de-Chérenne, dans l'Isère, Moustiers-Sainte-Marie (Basses- Alpes) et dans d'autres localités, leNéocomien moyen (Hauterivien) renferme des Ammonites encore peu connues. Quoique fort étudié, le Barrêmien présente encore quelques groupes mal caractérisés : tel celui de Hoplitis Feraudi et la série des Desmoceras (cassida, difficilis, etc.). Dans les calcaires de Cruas, presque aucune espèce n'a été déterminée avec rigueur. Dans l'Aptien inférieur, les Acanthoceras n'ont été figurés qu'à l'état embryonnaire; plusieurs espèces, parmi les plus fréquentes, n'ont jamais été décrites. Le faciès crayeux ou Urgonien et les couches à Orbitolines sont (les Bavix, le Bimet, le Fa) (Isère) riches en formes incomplètement connues ou inédites (3). La faune des marnes aptiennes réclame une revision complète qui fournira une suite de résultats importants au point de vue stratigraphique. Il est de même du Gault de Clansayes (Drôme) et d'une série d'autres gisements dont les rapports respectifs sont encore assez obscurs [le Bimet (Isère), Escragnolles (Alpes-Maritimes), etc.]. Le gisement de la Fauge (Isère) (Cénomanien inférieur) a donné quel- (1) L'élude de la faune berriasienne de la Faurie (Hautes-Alpes) a été entreprise par M. P. Lory, en partie d'après les beaux matériaux de la coll. Gevrey. (2) On sait que notre savant confrère, M. Sayn, met en ce moment la dernière main à une icono- graphie des Céphalopodes de ce niveau. (3) Les Radiâtes de l'Urgonien delphino-provcnçal, font en ce moment l'objet des études de M. Victor Pauuier. W. KILIAN. — SUR L'UTILITÉ DK MONOGRAPHIES PALÉONTOLOGIQUES 308 ques Céphalopodes rares et intéressantes qu'il sera utile de faire connaître comme c'est également le cas pour celles du Sénonien de Sassenage et d'autres points de nos Alpes. Les richesses paléontologiques de nos assises jurassiques et crétacées du Sud-Est, se sont peu à peu répandues dans les autres pays, et un certain nombre d'espèces ont fait l'objet de savantes études de la part d'auteurs étrangers à la France, avant d'avoir été décrites dans nos recueils paléon- tologiques. Il nous paraîtrait utile que l'on fît connaître au fur et à mesure des explorations géologiques dont la région del phino-provençale et les contrées avoisinantes sont si fréquemment l'objet, les formes nouvelles ou peu connues de Céphalopodes (1) que l'on y rencontre pour ainsi dire à chaque pas, et que les descriptions en fussent insérées dans une publication française . .Nous espérons voir bientôt des travailleurs de bonne volonté, apporter ainsi leur contribution à la connaissance de notre pays et éviter en même temps, à nos confrères étrangers des recherches parfois difficiles et que leur ignorance de gisement rend souvent, incomplètes. Ces contributions, telles que nous les concevons, comprendraient donc la description complète de quelques faunes intéressantes des terrains secondaires du Sud-Est, comme celles du Valanginien du Fontanil et du Malleval, du niveau coralligène Jurassique supérieur de l'Echaillon, du ISéocomien (Hauterivien) de Saint-Pierre-de-Chérenne et du Faz, du Néoco- mien supérieur et du Gault des Ravix, du Rimet, de Rencurel (Isère), etc. Il y aurait lieu d'étudier également les Polypiers si abondants à l'Echaillon et dans notre Urgonien. Dans une autre partie, parallèle, seraient publiées, au fur et à mesure des recherches, les descriptions d'espèces nouvelles ou peu connues de Céphalopodes du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur de la région delphino-provençale, groupés par sous-genres et en raison de leurs affi- nités naturelles. Les belles collections du Laboratoire de Géologie de la Sorbonne et de l'École des Mines de Paris, que nous avons été à même d'étudier de près pendant plusieurs années, nous ont permis d'accumuler une série d'observations paléonlologiques qui trouveraient leur place naturelle dans un de ces mémoires, et nous espérons que MM. Munier-Chalmas et Douvillé ne refuseraient pas communication des pièces intéressantes qui pourraient rentrer dans le cadre des monographies dont nous parlons ici. (1^ J'en ai décrit quelques-unes dans trois articles parus dans les Annales de l'Université de Gre- noble, de 1890 à 1896, et accompagnés de planches. Avant 1890, j'en avais l'ait connaître m grand nombre dans ma thèse sur la Montagne de Lare et dans le tome XVI, 3° série, du Bul la Société géologique de France. 304 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE D'un autre côté, les musées de Grenoble (collection Albin Gras), Valence (collection Soulier), Lyon, Chambéry (collection Pillet), Genève. Gap (collection Rouyï, Avignon (collection Requien), Digne, Marseille (collec- tion Reynès), Annecy, ainsi que les collections des Facultés de Grenoble (collections Lory, Jaubert et Tardieu), renferment des séries dont il serait facile d'utiliser les nombreux Céphalopodes, notamment celles du Muséum et de la Faculté des sciences de Lyon, mises gracieusement à la disposition des travailleurs par MM. les docteurs Lortet et Depéret. La revision des Ammonites du musée de Genève permettrait également d'augmenter le nombre des documents sur lesquels pourraient porter les recherches. Parmi les collections particulières, nous citerons celles de M. Deydier, à Cucuron; M. Allard, àTarascon; MM. Arnaud, à Rarcelonnelte ; Curet, à Toulon ; David-Martin, à Gap; de Mme Escoffier, à Visan; de 3IM. Gevrey, à Grenoble; Giloin, à Lue-en-Diois; Haug, à Paris; Huguenin, à Valence; Honnorat et Jacques, à Digne; Lamy, à Germon t-Ferrand; Leenhardt, a Sorgues (Vaucluse) et Montauban; Juliany, à Manosque; des Frères Maristes, à Saint-Paul-Trois-Châteaux et à Saint-Genis-Laval (Rhône); Pellat, à Tarascon et Paris; Petilclerc, à Vesoul; Sayn, à Chabeuil (Drôme) (anciennes collections Tardieu (partira), Garnier et Payan); de Selle à Fontienne (Rasses-Alpes), et enfin nos propres séries, recueillies depuis plus de six ans dans l'Est et le Sud-Est de la France. Grâce à la courtoise libéralité de plusieurs des personnes citées ci-dessus, nous sommes assuré dès maintenant qu'il serait possible d'utiliser des matériaux empruntés à un certain nombre des collections dont nous venons de donner la liste. Il est enfin un ordre de recherches paléontologiques appelées à rendre les plus grands services à la géologie, nous voulons parler de l'examen microscopique des calcaires. Celte méthode pourrait être appliquée très utilement à nos calcaires urgoniens, et éclairer un peu l'origine encore si peu connue des formations dites récifales. Le laboratoire de géologie de la Faculté des Sciences de Grenoble est installé en vue d'études paléontologiques; des appareils photographiques d'agrandissement très soignés, munis d'objectifs Zeiss et construits sous la direction de notre aimable ami, le docteur Maurice Hovelacque, au Comptoir général de Photographie de Paris, viennent d'y être disposés. Ce laboratoire possède, en outre, des machines permettant le sciage et le polissage des fossiles et des plaques de calcaires. D'autre part, la Bibliothèque universitaire de Grenoble offre des res- sources bibliographiques particulièrement complètes, en ce qui concerne la l'aune du Crétacé inférieur. Nous venons de montrer combien il reste à faire pour que les richesses paléontologiques du Sud-Est de la France soient épuisées, et combien il EMILE RIVIÈRE. — LA GROTTE DES SPÉLUGUES 305 serait utile qu'elles fissent l'objet d'une série de monographies paléonto- logiques. Nous souhaitons vivement qu'aux travailleurs qui utilisent déjà le laboratoire de géologie de la Faculté des Sciences de Grenoble, viennent s'en joindre d'autres; ils y trouveront bon accueil et les moyens de travail nécessaires à l'élaboration de mémoires de la nature de ceux dont nous avons fait ressortir l'intérêt. M. Emile RIVIEEE Sous-Lireclour de laboratoire au Collège de France, à Paris LA GROTTE DES SPELUGUES (1) uionaco) [551 (44)] — Séance du 3 avril 1896 - I Les rochers calcaires, qui enserrent, au nord, la rade de Monaco, por- tent, depuis plusieurs siècles, dans le pays, le nom de Spélugues (2) , en raison des nombreuses petites grottes qu'ils recèlent dans leurs flancs. Une des premières villas construites à Monte-Carlo a été dénommée villa de la Grotte, à cause du voisinage d'une de ces cavernes. Mais, depuis vingt-cinq ans, le tracé de l'avenue de Monte-Carlo (route internationale) et celui de la voie ferrée de Nice à Gênes, ont modifié sensiblement l'aspect des lieux. En effet, le rocher, sur lequel on a construit les villas Âugusta et de la Tour, a été taillé à pic par les travaux du chemin de fer, de sorte que la paroi nord de la voie a laissé apercevoir, à 7 ou 8 mètres environ au-dessus des rails, quelques crevasses inaccessibles, dont l'étroilesse n'avait jamais provoqué la curiosité avant l'année 1890. A cette époque (octobre 18!)0), la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M. ayant décidé l'élargissement de la voie ferrée, la paroi a été recoupée à l'aide de la mine. C'est alors qu'en déblayant les quartiers de roches détachés par l'explosion, les ou- vriers trouvèrent, dans ces crevasses, des ossements humains. Dès que le (1) La grotte des Spélugues n'existant plus lorsqu'il m'en fut parlé pour la première fois, je n'ai pu la connaître. l'ar suite, la description que j'en donne est forcément empruntée aux notes manuscrites que S. A. S. le prince Albert I01' a bien voulu me faire envoyer. Ces notes ont été rédigées au moment de sa découverte par M. Jollivot, secrétaire du gouvernement de la Principauté de •et par M. Saige, conseiller d'État, archiviste de la Principauté, correspondant de l'Institut de France. (2) De Z-rj.yf:, grotte, caverne. 20* 306 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE gouvernement de la Principauté de Monaco en eut été informé, le conduc- teur des travaux, M. Durand, fut invité à faire recueillir tous ces débris, sans exception, et à les envoyer au Musée. En même temps, il lui fut re- commandé de faire explorer avec soin, les crevasses subsistantes et de faire passer au tamis la terre et les pierrailles qui s'y trouvaient. Comme je le dis plus haut, ces crevasses, qui trouent la paroi à pic, sont inaccessibles, si ce n'est pour des ouvriers suspendus à des cordes. La première trouvaille consista, d'après les renseignements qui m'ont été fournis, en une mâchoire de canidé, qui n'a pas été rapportée, deux mâchoires humaines et divers ossements d'hommes (pariétaux, fémurs, etc.). En poursuivant leur travail, les ouvriers découvrirent qu'une de ces crevasses se prolongeait du côté de la mer et en un très étroit boyau. Ils y découvrirent de nouveaux ossements. « Plusieurs étaient incrustés dans un poudingue de concrétion calcaire avec lequel ils formaient corps. » Au milieu de ces débris, on recueillit également une belle pointe de flèche en silex, et des débris de poterie grossière, dont je parlerai tout à l'heure, et que M. Jollivot considère « comme provenant d'une sorte d'olla primitive, qui dénoterait, dit-il, une industrie rudimentaire, par exemple, celle des Celto-Ligures. ,■> Il ajoute que « l'étroitesse des grottes rappelle celle de la grotte de Grimaldi, décrite en 1878 par M. É. Rivière (1), et que quelques ossements paraissent avoir appartenu à des moutons. Il n'y a pas de coquilles. Les os sont brisés, quelques-uns pétrifiés, mais n'ont pas été rongés. » D'autre part, M. Richard, secrétaire du prince de Monaco, pour les tra- vaux scientifiques, m'a transmis la note ci-joinle que lui a envoyée, à mon intention, M. G. Saige : « La grotte est dans la paroi nord de la tranchée du chemin de fer au- dessous de la propriété Griois, c'est-à-dire dans la partie du promontoire de Monte-Carlo, autrefois des Spélugues, qui regarde le port de Monaco. » Lors de l'élargissement de la tranchée, en 1890, cette grotte pouvait avoir 6 mètres environ de profondeur et 90 centimètres de haut sur lm,40 de large, à l'orifice. Elle se terminait en cône. Son ouverture était à 5 mètres à pic au-dessous du mur de la villa Griois et, avant la construction du chemin de fer, sa pente, d'environ 2o degrés, la faisait aboutir, par une ouverture très basse, au milieu des rochers, un peu au-dessus du point où l'avenue de Monte-Carlo aborde sur un pont la tranchée du chemin de fer. <1 Association française ponR l'avancement dks sciences, Congrès de Paris, 1878. — C'est la seule ressemblance que la grotte de Grimaldi présente avec celle des Spélugues, la première étant une grotte quaternaire ou post-pliocène, antérieure à l'apparition de l'homme dans la contrée, la seconde paraissant être néolithique, quant aux objets qu'elle renfermait, comme je le démontre plus loin. EMILE RIVIÈRE. — LA GROTTE DES SPÉLUGUES 307 » Il est à remarquer que cette grotte a été très obstruée sur toute son étendue par des concrétions d'une très grande épaisseur. » Elle devait avoir, au point où le culot est à découvert sur la paroi actuelle de la tranchée, une hauteur de plus de 2 mètres sur lm,50 de largeur. La tache que font les concrétions dans la pierre vive est très visible et a ces dimensions. Le fond de la grotte devait donc être beaucoup plus en arrière ; il a été comblé par les concrétions. Il n'y a pas trace de fissures dans le culot actuel. Celui-ci est à 3o mètres environ au-dessus de la mer ; l'orifice ancien, si l'on en juge par la pente de la partie existant en 1800. dans la paroi coupée par la tranchée, devait se trouver dans les rochers à environ 10 mètres plus bas, et la longueur de la grotte devait être d'environ 30 mètres. » La roche, dans laquelle la grotte a été creusée, appartient au jurassique supérieur, dont sont formés la Tète-de-Chien, le mont Agel et le rocher de Monaco. » Tels sont les renseignements qui m'ont été fournis, touchant la grotte des Spélugues, sa situation et les conditions dans lesquelles elle a été dé- couverte. Quant aux objets qui y ont été recueillis ou, pour plus d'exactitude, aux pièces qui m'ont été confiées pour en faire l'étude, ils consistent en : 1° D'assez nombreux ossements humains ; 2° De rares débris d'animaux ; 3° Quelques restes de l'industrie de l'homme. II OSSEMENTS HUMAINS Si les ossements humains, recueillis dans la grotte des Spélugues, sont nombreux, il n'en est malheureusement que fort peu que leur état de conservation ou la réparation que j'en ai faite, m'ont permis d'étudier. Toutefois j'ai pu constater que ces os provenaient de plusieurs individus, d'âges et de sexes différents, ainsi que je le montrerai plus loin (1). Ce sont : 1° Crâne. — Tout d'abord je ferai remarquer qu'aucun crâne n'a été trouvé ou tout au moins conservé, voire môme à l'état de débris. 2° Face. — De la face je n'ai eu également d'autres pièces que plusieurs mandibules ou fragments de mandibules, provenant de cinq individus différents, dont deux de sexe masculin ; les trois autres sont indéterminables. i Tous les chiffres qui figurent dans ce chapitre ont été établis, les uns par mon savant col • la Société d'anthropologie de Paris, m. le iJr Manouvrier, dans son laboratoire de l'École d'anthrop — et je tiens à lf remercier ici de sa précieuse collaboration — les autres par moi, dans mon laboratoire du collège de France. 308 GÉOLOGIE ET MINÉRALOGIE Une seule mandibule est entière (fig. 1), c'est celle d'un homme déjà avancé en âge ; elle ne renfermait, quand elle m'a été remise, que trois dents — les autres ont dû être perdues dans le sol ou ailleurs — soit la seconde prémolaire du côté droit et les première et deuxième grosses molaires du côté gauche. Elles sont toutes trois très usées et irrégulière- Fig. i . — Mâchoire inférie ire d'un homme avancé en âge. ment usées. Les mensurations de cette mandibule ont donné les chiffres suivants : Distance bigoniaque 94 millimètres. Distance bi mentonnière 48 Projection antéro-postérieure 10" Hauteur molaire 26 — Hauteur symphysienne 29 — Longueur de la branche ( I ) 57 — Largeur minima de la branche 30 Angle mandibulaire(2) 129 — Angle symphysien (3) "4 — de grandeur nat.). ornée d'une sorte de cordon formé par une série de petites dépressions faites aussi avec les doigts. 2° Un fragment de vase de petites dimensions, également préhistorique, de pâte grossière aussi, quoique mesurant seulement de 3 à 4 millimètres d'épaisseur, gris foncé, mélangée de grains siliceux, au fond arrondi exté- rieurement et présentant, à 2 centimètres environ du bord, un petit mamelon, non percé et saillant seulement de 3 à i millimètres. 3° Deux autres morceaux de poterie pouvant provenir du vase précédent, par leur analogie de pâte, de teinte et d'épaisseur, sans pourtant qu'il me soit permis de l'affirmer. CONCLUSIONS De l'étude des pièces provenant de la grotte des Spélugues, qui m'ont été confiées et dont j'ai tenu à donner une description aussi complète que 316 BOTANIQUE possible (débris humains, restes d'animaux, silex et poleries), il me paraît résulter que les individus de cette grotte vivaient à la période géologique actuelle, dans les temps néolithiques, à l'époque robenhausienne, c'est-à- dire postérieurement aux hommes des grottes de Menton (dont j'ai trouvé les squelettes), lesquels sont, comme je l'ai maintes fois dit et prouvé, et comme je le maintiens absolument, des hommes de la fin des temps qua- ternaires, géologiquement parlant, et magdaléniens, au point de vue archéologique (1). La race des hommes des Spélugues diffère, d'ailleurs, absolument aussi de la race des hommes fossiles de Menton, par la plupart de ses caractères anatomiques que j'ai décrits plus haut, notamment par la longueur des os des membres, qui, chez les premiers, indique une race de petite taille, alors que les habitants des grottes de Menton appartiennent à une race fossile de taille élevée. Mais les individus des Spélugues sont antérieurs à ceux dont M. C. Bottin et moi avons trouvé les squelettes dans les dolmens et dans certaines grottes des cantons de Saint- Vallier et de Saint-Cézaire (Alpes-Maritimes) et qui appartiennent à l'âge du bronze, comme le démontrent nettement certains bracelets et autres ornements de métal que nous avons recueillis dans ces gisements associés à leurs ossements, avec des poteries de la même époque et des haches polies. MM. A. BERG et C. GERBER Professeurs à l'École de .Médecine de Marseille. SUR LES ACIDES CONTENUS DANS LE SUC CELLULAIRE DES MÉSEMBRYANTHÉMÉES [581.14] — Séance du /•» avril 189C — Depuis quelque temps des recherches très nombreuses sont faites sur la nature des acides contenus dans les plantes grasses, car l'on attribue à ces acides une importance considérable dans les particularités qu'offrent les propriétés osmotiques du protoplasma de ces plantes, et par suite leur transpiration et leur turgescence. (1) Emile HiviÉRE. — L'antiquité de l'homme dans les Alpes-Maritimes, ouvrage couronné par l'Ins- lilui. — 1 vol. gr. in-4°, avec ïh planches et 96 gravures dans letexle, A. BERG ET C GERBER. — ACIDES DU SUC DES MÉSE.MBRYANTHÉMÉES 317 .Nous citerons entre autres les travaux de MM. Wiesner, de Vries, Mayer, Jumelle, Schimper, Wehmer, etc., et, tout récemment, de M. Aubert. Ce dernier auteur, après avoir confirmé les recherches de M. Mayer sur les Crassulacées, a étudié plus particulièrement les acides des Mésem- bryanthémées. Employant une méthoda d'analyse qu'il a établie en s'inspirant des travaux de M. Dragendorff, il conclut que : « Les Mésembryanthémées contiennent de l'acide oxalique et des traces d'acides minéraux parfois ». Comme la méthode employée par M. Aubert nous paraissait offrir peu de sensibilité et de nombreuses causes d'erreur en ce qui concerne la recherche des acides tartrique, malique et citrique et que, d'autre part, nous étions en possession d'un procédé personnel, exposé à la Section de Chimie du Congrès et qui nous avait permis de déceler la présence des deux derniers acides dans un grand nombre de végétaux, nous nous sommes demandé si nous ne les rencontrerions pas dans les Mésem- bryanthémées; l'un d'eux, l'acide malique, d'ailleurs est signalé dans d'autres familles de plantes grasses, telles que les Cactées et les Crassu- lacées. Nos recherches ont porté sur les quatre espèces suivantes, que nous avons pu nous procurer : M. crystallinum, Linn.; M. perfoliatum, Mill; M. eduîe, Linn.; M. linguiforme, Linn. Nous avons effectué ces recherches en mars, en ayant soin de commencer le traitement le matin, moment de la journée où, d'après 31. Aubert, les acides sont en plus grande abon- dance dans les plantes grasses. Trois cents grammes de M. crystallinum ont été, à deux reprises dif- férentes, triturés avec de l'eau et soumis à une forte expression. On a obtenu ainsi 1000 centimètres cubes de liquide, qui, d'après un titrage acidimétrique, auraient exigé '36 centimètres cubes de liqueur normale de potasse pour être saturés. On a précipité ce liquide par l'acétate neutre de plomb, afin de séparer de la plupart des substances étrangères les acides organiques et minéraux précipitables par ce réactif. Le précipité plom- bique, bien lavé et mis en suspension dans l'eau, est alors traité par l'hy- drogène sulfuré pour précipiter le plomb. Après liltration, la liqueur claire est évaporée en partie pour chasser l'excès d'hydrogène sulfuré. On trouve après titrage acidimétrique que la totalité de la solution exige 95 centimètres cubes de liqueur de potasse pour sa saturation. En comparant ce chiffre à celui indiqué plus haut, on voit que plus de la moitié des acides se trouve à l'état de sels solubles. Une portion du liquide, traitée par quelques gouttes de violetde méthyle en solution alcoolique, donne une coloration bleu verdàtre indiquant la 318 BOTANIQUE présence d'acides minéraux. Cet acide est l'acide phosphorique, ce qui n'a pas lieu d'étonner, étant donnée la présence presque constante de phos- phates solubles dans les plantes. Le reste de la solution est alors soumis à notre méthode d'analyse qui nous indique la présence des acides phosphorique, oxalique, citrique, malique. En essayant de déterminer la quantité de chacun de ces acides, nous avons trouvé : 0?r,24 d'acide phosphorique qui exige 4cm3,7 de liqueur normale alcaline, igl',3 d'acide oxalique qui exige 29cm3,7 de liqueur normale de potasse pour sa saturation ; les seuls autres acides étant les acides citrique et malique, on doit leur attribuer dans l'acidité totale (95 centimètres cubes, liqueur normale de potasse), la différence entre cette acidité totale et la somme de celles qui appartiennent aux deux acides précédents (29cc,7 + 4CC;7), ce qui correspond à 60cc,6 de la liqueur normale. Or la même quantité de liqueur alcaline, qui sature 62 grammes d'acide citrique, sature 67 grammes d'acide malique. Ces deux acides pa- raissant être en quantité à peu près égale, nous aurons une approximation suffisante, en admettant que cette même quantité de liqueur normale sature la moyenne de ces deux poids, c'est-à-dire 64sr,o du mélange. Un calcul très simple donne alors 3sr,90 comme poids du mélange des deux acides dans la substance examinée. On voit donc que l'acide oxalique, loin d'être l'acide unique du il/, erys- lallinum, n'en est pas même l'acide prédominant, puisqu'il n'atteint pas le tiers de l'acidité totale. Ce résultat est très différent de celui donné par M. Aubert pour la même espèce, car il y signale une abondante quantité d'acide oxalique et l'ab- sence totale des acides minéraux ainsi que des acides tartrique, citrique et malique. Cette prédominance des acides citrique et malique nous fit espérer que nous retrouverions ces acides dans les trois autres Mésembryanthémées citées plus haut. C'est en effet ce qui a lieu. Dans M. edule, les acides citrique et malique tiennent la première place ; il existe en outre de l'acide phosphorique, du tannin, mais il n'y a pas d'acide oxalique. Dans M. lingui forme, le principal acide est l'acide malique; on ne constate que des traces d'acides citrique et oxalique et un peu d'acide phosphorique. D'ailleurs, l'acidité totale de cette plante est très faible. Le M. perfoliatum, qui offre une acidité assez forte et un tannin très abondant, possède surtout de l'acide citrique ; l'acide malique n'y existe qu'en faible proportion et l'acide oxalique qu'à l'état de traces ; il y a en plus de l'acide phosphorique. Les résultats fournis par l'analyse de ces espèces ne permettent pas de dire avec M. Aubert que le seul acide orga- nique des Mésembryanthémées est l'acide oxalique puisqu'il fait complè- A. BERG ET C. GEKUEU. — ACIDES DU SUC DES MÉSEMBRYANTHÉHÉES 319 tement défaut dans le M. edule et est très peu abondant dans les .1/. lin- gui forme et perfoliatum. C'est dans le M. crystallinum que l'acide oxa- lique existe en plus grande quantité ; mais nous pouvons presque affirmer que cet acide ne se trouve pas à l'état libre, mais bien à l'état de seJ soluble dans le suc cellulaire. En effet, l'étber n'enlève au résidu de l'éva- poration du suc primitif de la plante que des acides citrique et malique et pas trace d'acide oxalique, ce qui indique bien que cet acide y est à l'état de sel alcalin insoluble dans l'éther, tandis que l'acide libre y serait so- luble. Il semble que cet acide oxalique, ici comme dans les autres plantes où il existe, est, comme le pense M. Duclaux « un produit non pas final » mais intermédiaire, né au cours du processus respiratoire. Il est le résul- » tat d'une combustion incomplète. Si, une fois produit, il restait libre, il » ne tarderait pas à se détruire par oxydation avec formation d'acide car- » bonique et d'eau; mais, en présence d'une base, il se trouve soustrait à » cette nouvelle oxydation et la respiration s'arrête à un degré intermé- » diai re 1 1 1 . De plus. M. Schimper (2) a montré non seulement que l'acide oxalique est toxique à l'état libre pour la plupart des plantes à chlorophylle, mais même que ses sels alcalins le sont aussi et ces derniers ne se produisent que quand il n'y a pas assez de chaux pour rendre insoluble et par suite inoffensif l'acide oxalique formé aux dépens des amides et du glucose pen- dant la production de la nucléine. Il n'est donc pas étonnant que les oxalates solubles soient peu abon- dants dans nos plantes. Si, avec MM. Wiesner et de Vries, à la suite de leurs nombreuses expériences, on admet que les acides tartrique, malique, citrique et leurs sels alcalins sont des agents très énergiques de plasmo- lyse, on peut attribuer la turgescence des Mésembryanthémées à la pré- sence des deux derniers acides et non à celle inconstante et faible d'acide oxalique. Nous ferons toutefois remarquer que dans le Mésembryanthemum &ry&- lal/iitum, où ces acides sont le plus abondauts, la turgescence est faible, tandis que le M. lingui forme, qui ne contient que des traces d'acides orga- niques réalise cependant le type parfait des plantes grasses (3). i voir h. ii wblle : Revue des travaux de physiologie et de chimie végétale, in Revue générale de Hotanique, 1895, p. 119. (2) Zur Frage der Assimilation der Mineralsalze durch die griine Pflanze, Flora, 1890, p 242. :: Travail t'ait au laboratoire de M. Duvillier, professeur de chimie industrielle à la Faculté des Sciences de Marseille. 320 BOTANIQUE M. Ernest MALOVAÏÏD Secrétaire général de la Société botanique de France, à Paris. LES POTAMOGETON DE L'HERBIER LAMY DE LA CHAPELLE — Séance du /«r avril IS96 — Notre troisième Note sur les plantes critiques de l'herbier Lamy de la Chapelle sera consacrée au genre Potamogelon (1). Attirant peu les regards par leurs fleurs en épis d'un vert pâle ou bru- nâtre, parfois difficiles à atteindre dans la profondeur de leur milieu liquide, les Potamots, comme la plupart des plantes aquatiques, sont géné- ralement peu recherchés dans les herborisations et leur étude est souvent négligée. Lorsque s'élèvent les eaux dans lesquelles ils vivent, les tiges, dont les racines sont fixées dans la vase, restant submergées, ne fleu- rissent pas; parfois les feuilles se déforment et l'espèce est méconnais- sable. Les échantillons mal caractérisés qu'on est fréquemment réduit à récolter sont l'origine de confusions passant des herbiers dans les Flores et Catalogues locaux. Afin d'éviter le plus possible d'y tomber nous- inême, nous avons soumis nos exemplaires douteux à l'examen de M. le professeur Antoine Magnin, de Besançon, particulièrement compétent en cette matière à la suite de ses belles études sur la flore des lacs du Jura. Pour obtenir, de son côté, plus de certitude dans les cas les plus embarrassants, notre scrupuleux confrère, que nous ne saurions trop remercier de son extrême obligeance, a tenu à consulter le savant mono- graphe anglais du genre Potamogeton, M. Arthur Bennett, dont on trou- vera plus loin les réponses traduites en français. Voici l'énumération des espèces de ce genre, provenant de la Haute- Vienne, que renfermait l'herbier d'Edouard Lamy de la Chapelle : POTAMOGETON NATANS L. — Étang du moulin Basti, C. — var. lancifolius. — Dans un petit élang près de Saint-Hilaire-Lastours. M) Voyez Trois genres critiques de lu flore du Limousin (Rosiers, Honces et Épervières de la Haute- Vienne; dans les Comptes rendus du Congrès de Limoges (1890), t. U, p. 429, et, dans ceux du Congrès de Marseille (1891), t. Il, p. ',:'. les Characées du déparlement de la Haute-Vienne. E. MALINVAUD. — LES POTAMOGETON DE l'hERBIEK LAMY 321 POTAMOGETON FLUITANS Auct. (non Roth); cf. P. americanus Chamisso, Linn., IL 226 (1827). — Dans la Vienne, près de Limoges, au-dessous de Condat ; dans la Gartempe, près de Bersac. — D'après Boreau, la plante de cette dernière localité représenterait le P. fluitans var. stagnatilis Koch. M. Bennett est aussi de cet avis et il ajoute : « Ce n'est certainement pas le P. fluitans de Roth, qui est une plante hybride; c'est une espèce distincte que j'ai rapportée au P. americanus Chamisso (Journ. of Botany, ann. 1893, p. 297). Toutefois, en l'absence de fruit mùr sur cet échantillon, je ne puis être tout à l'ait afflrmatif ». POTAMOGETON POLYGON1FOLIUS Pourr. (P. oblongus Viv.). — AC. aux environs de Limoges; le Dorât; ruisseau du moulin Basti ; pêcherie près de Bussière-Galant ; fossés inondés à la Roche- l'Abeille; fossé vaseux à Saint-Just; rigole d'un pré au Montel, commune de Ladignac ; dans une mare près de la tuilerie de la Perche ; dans un ruisseau qui descend de l'étang de Grammont près d'Ambazac ; dans la rigole d'un pré à Laiarge ; ruisseaux à Saint-Priest-sous-Aixe, etc. Quelques exemplaires, notamment ceux de Saint-Priest-sous- Aixe, avaient été rapportés à tort par Boreau au P. fluitans; ce ne sont que des formes du P. polygonifolius, voisines, d'après M. Bennett, de la variété pseudo- fluitans Syme, in Engl. Bot., 3e éd. POTAMOGETON HETEROPHYLLUS Schreb. — AC. dans le grand étang du Riz- Chauvron, sur les limites de la Vienne ; étang de Fleurât (?). Les exemplaires provenant du Riz-Chauvron offrent les variétés gramineus et heterophyllus. Quant à ceux de l'étang de Fleurât, mal caractérisés, on peut hésiter entre un état jeune du P. nitens et un P. heterophyllus croissant dans des eaux peu profondes; M. Bennett, sans repousser absolument la première interpré- tation, lui préfère la seconde. Le P. heterophyllus est rare dans la Haute-Vienne; nous l'avons récolté, il y a plus de trente ans, aux environs de Limoges. POTAMOGETON NITENS Web. — Dans la Vienne, près de Limoges, au moulin Hallary. — var. curvifolius (P. curvifoiius Hartm.), avec des feuilles pliées et recourbées. — Étang des Étangs ou étang Fleurât, près de Lafarge. Ce Potamot est un des plus rares de la flore française, Grenier et Godron (FI. Fr., III, 315) ne l'indiquaient que dans la Haute- Vienne; depuis, il a été trouvé en Normandie et plus récemment, en 1893, M. Magnin l'a découvert dans le lac de Saint-Point (Doubs). 21* 322 BOTANIQUE POTAMOGETON ZIZII Roth(?). — Dans la Vienne, près de Limoges, au moulin Hallary. Cet le forme, recueillie le 29 septembre 1863 au voisinage ou même peut-être en société du P. nitens, circonstance à noter, avait été rapportée à cette espèce avec doute par Edouard Lamy, qui en avait pressenti l'intérêt, et sans hésitation par Bureau. M. Bennett l'a appréciée dans les termes suivants : « Ce n'est certainement pas le P. nitens Web. Il est malaisé de se pro- noncer sur un pareil exemplaire; on peut le rapprocher du P. Zizii Roth (angustifolius, Presl) ; le P. borealis Tiselius en est très voisin. Ces formes sont sur la limite des P. lucens et heterophyllus » . Le P. Zizii, dont nous n'inscrivons le nom pour notre plante qu'à défaut d'autre plus certain et pour en indiquer les affinités, est un type très controversé. Ainsi que l'a remarqué M. Magnin(l), on confond sous ce nom l'hybride des P. heterophyllus et lucens et des variations extrêmes de ces deux espèces. Or, jusqu'à ce jour, le P. lucens n'a pas été récolté dans la Haute-Vienne; cela restreint beaucoup le champ des hypothèses relativement à notre plante, que des recherches ultérieures feront peut-être retrouver en meilleur état pour une détermination plus précise. POTAMOGETON DECIPIENS Nolte(?). — Dans la Vienne à Juriol, près de Limoges, 11 août 1861. Plante ambiguë comme la précédente dont elle nous paraît très voisine. Nommée provisoirement par Edouard Lamy P. nitens, détermination confirmée par Boreau, puis soumise à F. Schultz qui écrivit sur l'étiquette : « P. rufescens, forme singulière que je désire », elle a été en 1894 examinée par M. Bennett, dont l'avis est ainsi formulé : « Ce n'est certainement ni le P. nitens Web., ni le P. rufescens, mais c'est très près du P. decipiens Nolte dans ses formes à feuilles étroites ». Le P. decipiens, espèce nouvelle pour la France, a été découvert, en 1893, dans le Doubs par M. Magnin, qui lui attribue aussi, mais comme variété, un Potamot singulier qu'il a observé dans le département de la Gironde. Le polymorphisme et la stérilité habituelle des épis du P. decipiens s'accordent avec la probabilité d'une double origine : '« Forse hybrida proies P. lucentis cum P. prœlongo vel potius cum P. perfoliato » (Nymans, Consp. p. 682). Or, de ces trois espèces, le P. perfoliatus seul existe dans la Vienne près de Limoges. Nos deux présumés P. Zizii et decipiens seraient-ils des P. perfoliato-nitens ou vice versa? Tout ce qu'on peut dire actuellement sur ces deux plantes, d'ailleurs si remarquables, est tout à fait conjectural. POTAMOGETON PERFOLIATUS L. — Dans la Vienne, à Limoges, Aixe, etc.; étang de Rouffignac, près de Magnac-Bourg ; étang de Cieux ; étang de Lapouge, près de Saint-Auvent. C. 0 Butl. Soc. Bot. Fr., t. XLI (1894 . sess. extraord. en Suisse, p. cxvm, noie i. E. MALIN VAUD. — LES POTAMOGETON DE LIIEnBIER LAMY 323 POTAMOGETON CRISPUS L. — Dans les eaux basses de la Vienne à Aixe; grand étang du Riz-Chauvron ; dans la Graine à Rochechouart ; dans la Gartempe près de Rançon ; étang Fleurât et à la Belle- Perche : pêcherie au-dessous du Dorât, dans la Seurc près de cette ville; Saint- Yrieix. — Les échantillons de ces deux der- nières localités appartiendraient, d'après M. Magnin, â la variété serrulatus (P. serrulatus Schrad.). POTAMOGETON OBTUSIFOLIUS Mert. et Koch. — Étangs de la Poterie près de Thias, de la Roche près Nieul ; Saint- Yrieix ; Vayres ; Cham- horet ; Oradour-sur-Glaue. La plupart des exemplaires sont rapportés par M. Magnin à la variété latifolius Fieb. a oblusus. POTAMOGETON PUSILLUS L. — Dans un petit étang près de Fréjefond : dans une rigole près de la tuilerie de la Chapelle, à Magnac- Bourg ; grand étang du Riz-Chauvron : dans la Vienne, près de Juriol. — L'exemplaire de cette dernière localité, ayant le port d'un Zanniçhellia avec des feuilles très étroites et uninerviées, représente la variété tenuissimus Mert. et K. POTAMOGETON BERCHTOLDI Fieb. - C. dans la Tardoire près de Cham- pagnac ; dans la Vienne près Juriol, environs de Limoges ; étang du Riz-Chauvron ; dans la Tardoire aux Forges de la Rivière ; ruisseau des Roubières près de Saint-Léonard. — On trouve dans les échantillons des deux dernières localités la variété mucronata Fieber. Le P. Berchtoldi, sous-espèce ou variété, à notre avis, du P. pusillus, est plus répandu que ce dernier dans la Haute- Vienne. POTAMOGETON TRICHOIDES Cham. et Schl.; P. tuberculatus Ten. et Guss. — Étang Fleurât près de la gare de Lalarge; étangs du Riz- Chauvron, de Lapouge, du .moulin Basti. Nous avons naguère observé cette espèce très abondante dans l'étang de Courdelas, près de Limoges. Enfin, les Potamogeton densus et acutifolius, manquant à la collection qui est l'objet de nos études et très rares, l'un et l'autre, dans la Haute-Vienne, y ont été mentionnés, dans les anciens écrits d'Edouard Lamy, aux localités suivantes (1) : Potamogeton densus L. — Dans une pièce d'eau à la Borie, près Solignac. P. acutifolius Link. — Étang de liruat, près Clialus. s le Catalogue publié, sous le titre de Fiai de la Haute-Vienne, par Edouard Lamy en 1856 (extr. d'un ouvrage intitulé Guide de l'étranger à Limoges'*, sont énumérées, page 27, dixespè genre Potamoyeton: P. notons, /lui/un*, oblongus (poli/gonifolius), perfoliatus, densus, heterophyllus nUens, acutifolius, pusillus, tuberculatus trichoides). Les P. crispas, obtusifolius et Berchtoldi, omis dans cet opuscule, sont mentionnés dans les « Plantes aquatiques de la Haute- Vienne » du même auteur, broch, de 28 pages extr. du Compte rendu des Assises scientifiques de Lim 324 BOTANIQUE Sur dix-neuf espèces du genre Potamogeton décrites par Boreau, dont la Flore du centre de la France (3e édition en 1857) comprend la Haute- Vienne, ce département en possède actuellement treize et paraît être mieux partagé sous ce rapport que ceux qui l'entourent. On peut espérer d'y découvrir encore les P. lucens L., pïantagineus Ducros, pectinatus L., surtout le premier, observés dans des régions voisines ; il y a moins de probabilités pour les trois autres : P. rvfescens Schrad., compressus L., OEderi Mey. Indépendamment de localités nouvelles ajoutées à celles déjà signalées et de la rectification d'anciennes erreurs qui étaient à peu près inévitables dans l'étude de plantes aussi litigieuses, dont la distribution en Limousin s?ra par suite mieux connue, le principal intérêt de la présente note est la révélation, que nous devons au savant monographe M. Bennett, de l'ex- trême importance des exemplaires, malheureusement défectueux, qu'il a rapprochés des Potamogeton Zizii Roth et decipiens Nolte. Ces échantillons, récoltés dans la Vienne près de Limoges en 1861 et 1863, représentent, tout porte à le croire, des productions hybrides, peut-être entièrement inédites, en tout cas nouveautés très remarquables pour la flore du centre de la France. Rappelons, en terminant, que nous avons trouvé la matière première de cette étude dans les collections formées par Edouard Lamy de la Cha- pelle, ce sagace et infatigable observateur de la flore de la Haute- Vienne, qui mérite d'être appelé par excellence, comme on n'aurait pas manqué de le faire au siècle dernier, Pater Botamces lemovicensis. M. E. ROZE à Chatou. SUR DEUX PLANTES TUNISIENNES DU XVI SIECLE 581.9(611) j — Séance du /" avril IS96 — Plusieurs des botanistes, et non des moins célèbres, du xvie siècle ont signalé l'existence à Tunis de deux espèces d'un même genre de la famille des Composées, sous les noms de Flos africanus major et Flos africanus minor. Gaspard Bauhin, dans son Pinax publié en 16°23, crut y reconnaître des E, ROZE. — SUR DEUX PLANTES TUNISIENNES DU XVIe SIÈCLE 325 types voisins du genre Tanacetum, et les plaça dans sa section des Tana- cetum africanum avec cette explication : Africanus vel Tunetanus flos dici- tur, eà quodprimum hic flos in Germanium fuerit Hiatus, quando Carolus V, Jmperalor, apud Tunetum Victoria potitus est ; cum in Africa spontè prove- nait. Tanacetum appellare lubet. Puis il réunit les synonymes des auteurs sous trois dénominations spéciales : I. _ Tanacetum sive flos Africanus major flore pleno ; II. — Tanacetum africanum majus simplici flore; III. — Tanacetum africanum, seu flos Africanus minor. De ces trois dénominations, les deux premières désignaient la même espèce, à fleur simple et à fleur double ; la troisième, la seconde espèce. L'un des anciens botanistes qui s'étaient le plus occupés de ces deux es- pèces de plantes, Dodoens, avait publié sur elles, en loo4, d'assez curieux renseignements dans son Cruydtboeck en langue flamande. Charles de l'Escluse, qui devait faire plus tard paraître des ouvrages descriptifs de premier ordre, n'avait pas dédaigné de traduire ce Cruydtboeck en vieux français, et cette traduction fut publiée à Anvers en 1557. Nous y trou- vons ce qui suit : « Ceste fleur se peut bien appeller en Latin Flos Aphricanus, car d'A- phrique a elle esté premièrement apportée en ce pais. Il s'en trouve de deux sortes : L'une Grande et l'autre Petite. La Grande croist de la hau- teur d'un homme et florit fort tard. La Petite demeure tousjours basse et florit de fort bonne heure. Ces fleurs croissent en Aphrique, et de là ont esté apportées en ce pais, depuis que le trespuissant et invincible Empereur Charles cinquiesme eut gaigné la ville et pais de Thunes. On les plante en ce pais es jardins. » Il serait trop long de citer ici les descriptions de ces plantes bien connues, encore cultivées dans presque tous nos jardins ; mais nous croyons qu'il y a un certain intérêt à faire connaître ce que disait Dodoens des « Tempérament et nuisances » de ce Flos africanus. « 11 est fort mauvaix, nuisible et venimeux aux hommes et aux besles, comme j'ay cognupar expérience, principalement en un petit chat auquel j'avoye donné à manger ces fleurs bien broyées avec fromaige frais, car incontinent il devint fort enflé, et en peu de temps après mourut. Et à faire ceste expérience m'avoit induict ce qu'avoye veu en un petit enfant, lequel après avoir cueilli ces fleurs les mit en sa bouche, et les lèvres et la bouche luy enflèrent incontinent tresfort, et un ou deux jours après devint fort rogneux, comme aussi advient à ceux qui ont tenu en la bouche les tuyaux de la Ciguë. Parquoy il appert évidemment que ceste herbe avec sa fleur est fort venimeuse, et de tempérament fort sem- 326 BOTANIQUE blable à la Ciguë, ce qu'aussi en partie on peut comprendre par son odeur ingrate, tresforte et puante non trop différente à la senteur de Ciguë. » Or, cette plante si malfaisante, que l'on croyait avoir été apportée d'Afrique en Europe, après la prise de Tunis par Charles-Quint, est origi- naire du Mexique, comme l'indique du reste Linné, dans son Species plantarum : le Flos africanus minor est pour lui le Tagctes patula et le major le Tagetes erecta. On pourrait se demander comment la provenance de ces deux espèces a pu être ainsi attribuée à une des victoires de Charles-Quint sur les pirates de Tunis. Il est vrai qu'à cette époque, les États barbaresques devaient être bien peu connus, et d'un autre côté l'empire de Charles-Quint était si vaste (1) que des graines des plantes apportées d'Amérique, après la conquête du Mexique par Cortez, ont pu être distribuées aussi bien en Allemagne que dans les Flandres où résidait Dodoens. Et il faut croire que la confusion a du être faite dans le même temps. Ces deux Tagetes se trouvaient aussi en France où cet auteur nous apprend lui-même qu'on les appelait Œillets cl' Inde, c'est-à-dire Œillets des Indes occidentales. « Les François, dit-il, appellent ceste fleur Œillet d'Inde, de là vient que les Latins l'ont appellée Fies Indianus. » N'est-il pas curieux de noter cette singulière idée d'origine tunisienne, non seulement de la part de Dodoens, mais de Gaspard Bauhin, soixante ans plus tard, alors que des dénominations plus exactes pouvaient tout au moins permettre à ces deux botanistes de contrôler une opinion douteuse, sinon erronée? Mais il ne faut pas se montrer sévère sur la manière dont les auteurs de cette époque traitaient les questions d'origine des plantes, en raison de la satisfaction qu'ils devaient avoir de se croire enfin en posses- sion d'une ou deux fleurs de cette mystérieuse Afrique qui leur était cer- tainement moins connue encore que les Nouvelles Indes ou Amérique. (1) Sur le Privilège accorde" pour l'ouvrage précité, Charles-Quint prend les titres suivants : o Em- pereur des Romains, Roy de Germanie, de Castille, de Leoa, d'Arragon, de Grenade, de Navarre, de Naples, de Sicille, de Majorque, de Sardaigne, des Yles, Indes, et terre ferme de la Mer Océanie. Archiduc d'Autriche, Duc de Bourgogne, de Lothrie, de Brabant, de Lembourg, île Luxembourg, de Gueldre : Comte de Flandres, d'Artois, de Bourgogne : Palatin de lluynaut, de Hollande, de Zeelande, de Ferretle, de Namur, du Zatphen : Prince de Zuvave. Marquis du Saint-Empire, Seigneur da Frize, de Salins, de Malines, des cité, villes et pais d'Utrecht, Overijsselel Groningue, et Dominateur en Asie et Afrique. » G. DUTA1LLY. — RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASPARAGINÉES 327 M. G, DTJTAILLY à Tari?. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASPARAGINÉES — Séance du /"■ avril 1896 — Le développement des Asparaginées est assez bien connu. Il ne nous restait donc guère qua glaner. Dans ce court mémoire, où nous envisa- geons surtout le rhizome, nous nous bornerons, ou à peu près, à com- pléter certaines descriptions, à en rectifier d'autres. On y trouvera aussi quelques hypothèses sur la filiation des Paridées, basées sur l'étude ana- tomique et morphologique de ces plantes. Les Asparaginées dont nous nous occuperons ici peuvent être divisées en deux groupes : les unes, comme la Convallaria majalis, les Paris, les Trillium et probablement le Medeola, sont monopodiques ; les autres, comme le Mayanthemum, les Polygonatum, Tovaria, Buscus, Clintonia, Asparagus, sont sympodiques. ASPARAGINÉES MONOPODIQUES 1° Floraison tous les deux ans au plus : Convallaria majalis. — On admet que le rhizome du Muguet est syropodique, c'est-à-dire qu'il redresse chaque année son extrémité pour la développer en une tige feuillée et florifère, et qu'il se continue dans le sol par un bourgeon axillaire. La description suivante montrera que l'inflorescence n'est pas terminale, mais axillaire ; qu'elle n'est point annuelle, et que le rhizome poursuit sa marche en avant par le simple développement de son sommet végétatif, et non par une succession de bourgeons axillaires constitués 9- %6) porte, comme les T. racemosa et stellata^ deux ramifications à l'aisselle des deux dernières écailles de chaque article, au-dessous des cica- trices a, b, c, d, e, laissées par les hampes. La différence, c'est qu'un cer- tain nombre de ces ramifications f, g, h, au lieu de se développer immé- diatement en articles florifères, restent plus ou moins longtemps à l'état dormant, ou même avortent définitivement. Qui sait si, dans un sol favo- rable, ces bourgeons expectants ou avortés ne prendraient pas un déve- loppement égal à celui des ramifications florifères similaires, insérées au niveau des hampes a et d ? Revenons au T. racemosa. Un article qui vient de se terminer par une hampe fleurie produira deux hampes l'année suivante, quatre la troisième année, etc. L'abondance des ramifications ne tarderait guère à encombrer le sol si le rhizome avait une longue durée. Heureusement, sa destruction s'opère avec une grande rapidité, Le rhizome du T. Yunnanensis (PL V, fig. 26) montre, à la vérité, cinq articles bout à bout et avait cinq ans ; mais ceux du T. racemosa ne durent guère que trois ans. Un rhizome de cette plante, fleuri en 1895, montrait son article de 1893 déjà à moitié décomposé à son arrière. Les articles se séparent ainsi promptement les uns des autres, et la plante a, par suite, une végétation dissociée. Rappelons, en terminant, qu'Endlicher classait les Mayanthemum parmi les Smilacina, les Tovaria d'aujourd'hui. Or, il suffit de comparer l'évolu- tion du Mayanthème avec la description qui précède pour se convaincre qu'abstraction faite de la fleur, les différences sont considérables entre ces deux genres. G. DUTAILLY. — RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASPARAGINÉES 358 II. — Clintonia. — Bentham et Hooker ont place les Clintonia dans la tribu des Médéolées. c'est-à-dire avec les Paris, les Trillium et les Medeola. Bornons-nous à dire qu'au point de vue des organes purement végétatifs, la distance est grande. Les Médéolées ont un rhizome monopodique. Les Clintonia, au contraire, ont un rhizome sympodique tout à fait analogue à celui d'un Tovaria. Comme dans ce dernier, chaque article produit une hampe terminale de la hase de laquelle, à l'aisselle de deux écailles qui ne sont pas, il est vrai, les deux supérieures, sortent deux rameaux inégaux qui pointent droit devant eux, en divergeant à peine, longs et fermes, comme un bourgeon médian de Polygonatum, et dont l'un avorte de temps en temps. C. — Ruscus. — Avec ses allures ramassées et trapues, le rhizome des Ruscus, (tout au moins celui du R. hypophyllum que nous avons étudié), est identique au fond à celui des Tovaria. C'est ce que montre bien nette- ment la figure 15 de la Planche III. Un premier article a, terminé par un axe aérien florifère h, produit, à l'aisselle de ses deux écailles supérieures, deux nouveaux articles b et c. Sur les flancs de l'article c, à l'aisselle de ses deux dernières écailles, naissent de même les deux articles d et e, et sur l'article d se produisent à leur tour les articles g et f. Tous se terminent par des axes florifères h, i,j, k, l, etc. Ils peuvent rester plus ou moins longtemps à l'état dormant, comme c'est le cas de l'article b qui est seule- ment en floraison par sa hampe terminale s, alors que l'article c, de même âge, a déjà donné naissance à deux générations successives d'articles. Laissons de côté le rhizome et venons aux rameaux aériens. En 1878 {Rull. Soc. Linn., p. 153-155), j'ai, par l'étude organogénique du Ruscus aculealus, appuyé l'ancienne théorie française d'après laquelle le cladode est un rameau sur lequel naît l'inflorescence à l'aisselle d'une écaille. Mon interprétation n'ayant pas été adoptée, je publie aujourd'hui sur ma Plan- che III, des dessins qui représentent l'évolution du cladode, les débuts de la bractée et ceux de l'inflorescence, avec l'espoir qu'après leur examen, il ne restera aucune hésitation dans l'esprit du lecteur. Que l'on examine la figure 15, représentant le sommet végétatif d'un très jeune rameau. On y verra, à l'aisselle de chacune des feuilles ou écailles a, b, c, d, etc., un mamelon qui, d'abord arrondi, ne tarde pas à s'aplatir légèrement d'avant en arrière, en même temps qu'il s'allonge de haut en bas (e, f, etc.,). Qu'on le remarque bien : on a affaire à un seul mamelon né à l'aisselle de l'écaillé, et non à un mamelon i-^su d'un autre mamelon qui représen- terait un axe avorté. Les mamelons e, /', g, sortis de l'aisselle des écailles b, c, o, sont donc des axes et non des appendices. Ces axes grandissent, et la ligure 16" représente l'un d'eux, à l'aisselle de son écaille, par sa face interne, tandis que la figure 17 le fait voir par sa face externe. A cette phase, il est parfaitement lisse sur la face interne. Bientôt, vers le milieu 356 BOTANIQUE de cette face (fig. 18) apparaît une ride transversale a, premier indice d'un appendice; puis (fig. 19) un mamelon o se montre à l'aisselle de cet appendice qui grandit (fig. 20 et 21, a) et le mamelon o, ébauche de l'inflorescence, se couvre lui-même de mamelons secondaires, début des ramifications de l'inflorescence, (fig. 21 , 22, o, o). La conclusion se tire d'elle-même des quelques faits qui précèdent : une feuille ne naît pas à l'aisselle d'une feuille; donc le cladode, constitué par un seul mamelon à l'aisselle d'une écaille, est un axe, un rameau. Ce n'est pas tout: une feuille ne naît pas directement sur une feuille; par conséquent, l'écaillé « étant manifestement un appendice, puisqu'elle porte l'inflorescence à son aisselle, l'organe sur lequel elle s'insère ne saurait être qu'un axe. Voilà donc une nouvelle preuve de la nature axile du cladode. Troisième preuve : le som- met végétatif m de la figure lo va se changer en un cladode terminal. C'est ce que montre la figure 23 dans laquelle, à l'aisselle des écailles a, b, sont les deux cladodes cl et c, dont le premier est fertile. Quant au cladode e, il termine exactement l'axe, non point latéralement, sur le côté d'un court mamelon, comme le fait par exemple la dernière feuille d'une hampe de Polygonatum, mais directement, en droite ligne, en emportant tous ses faisceaux. Il ne nous semble donc pas qu'un doute puisse subsister touchant la nature morphologique des cladodes de Ruscus. 4° Rhizome produisant annuellement un sympode central de plusieurs articles qui se relèvent en autant de hampes florifères, et des bourgeons latéraux qui tous donneront des hampes Cannée suivante: Asparagus. Asparagus. — Il semblerait que le rhizome de l'Asperge dût être des mieux connus. En réalité, ce que l'on en sait d'une manière précise se réduit à peu de choses. D'après M. Chalons, il se continue par plusieurs bourgeons ; suivant M. van Tieghem, « la tige se dresse tout entière et se ramifie dans l'air » ; enfin, selon M. Ch. Roger, les cicatrices portées par le rhizome et correspondant aux insertions des tiges aériennes sont disti- ques sur la face supérieure du rhizome. Nous avons suivi ce dernier dès la germination. Ses diverses phases sont représentées par les figures 18-24 de notre Planche V. A la germi- nation, le cotylédon reste partiellement engagé dans les enveloppes de la graine a (fig. 18), tandis que le reste de la plantule en sort. La radicule manque de coléorhize. Quant à la gemmule, elle apparaît enveloppée dans cette sorte de manchette c que M. van Tieghem considère comme la gaine supérieure du cotylédon, et, au bout de quelques jours, elle émerge sous forme d'une première petite « asperge » mince et effilée, d, portant à sa base une écaille e, à l'aisselle de laquelle on aperçoit la pointe d'un bourgeon axillaire f, qui est tout simplement le premier bourgeon de remplacement et par conséquent le début du second article du sympode. G. DUTAILLY. — RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASPARAGINÉES 357 Bientôt (fig. 19) il allonge son sommet en une deuxième « asperge » f, aussi menue que la première et qui porte à sa base une préfeuille g, adossée à l'autre « asperge », puis une écaille h, h l'aisselle de laquelle on voit poindre déjà un second bourgeon de remplacement i. Voilà donc trois articles du rhizome constitués par la plantule, dès ses premières semaines. La figure 20, qui porte les mêmes lettres que la figure 19, montre les mêmes faits sur une coupe longitudinale, et l'on y voit de plus que le bourgeon i est tout à fait conformé comme le précédent, c'est-à-dire qu'il possède une préfeuille intercalée entre lui et la seconde « asperge » f, et, en outre, en face de cette préfeuille, une écaille à l'aisselle de laquelle naîtra un troisième bourgeon de remplacement qui sera l'origine du qua- trième article du sympode. Ainsi se développent successivement une troisième, une quatrième, une cinquième « asperge » et souvent bien davantage, tout au moins dans les variétés cultivées, autrement riches en titrions que les Asparagus sau- vages. La figure 22 représente un rhizome d'Asperge d'Argenteuil à la fin de la première année, vu par son arrière, c'est-à-dire du côté où il était pri- mitivement attaché à la graine par son cotylédon. La graine et le cotylédon ont disparu. Les deux ou trois premiers turions, ceux qui sont représentés sur les figures 19 et 20, ont été détruits par la pourriture. En i\ la cicatrice laissée par leur disparition. En m, n, o, p, q, r, s, t, u, œ, sont les débris de dix turions développés sympodiquement les uns sur les autres, comme dans les figures 19 et 20, le turion f s'était développé sur le turion d. Voilà donc un rhizome dont le nombre d'articles annuels dépasse de beaucoup celui que nous avions constaté jusqu'ici, même sur la plante la plus riche sous ce rapport, le Disporopsis fusco-picta, qui ne produit chaque année que trois articles sympodiques. A côté de ce fait, il s'en passe un autre (fig. 22). A la base de sept des dix turions susindiqués, s'alignent sept bourgeons de grosseur régulière- ment croissante, de l'arrière à l'avant. Ceux-là sont à droite du rhizome; mais si nous regardions sur son flanc gauche, nous y trouverions une autre file de bourgeons, en face des premiers. D'où viennent ces bour- geons dont on ne trouvait pas trace sur la plantule, telle que la repré- sentent les figures 19 et 20? Remarquons que, à l'arrière du rhizome de la figure 22, les trois plus anciens turions m, n, o, n'ont pas de bourgeons latéraux à leur base. C'est que ces turions sont issus sympodiquement les uns des autres dans les conditions où le turion f de la figure 19 était né sur le turion d. Ces trois turions m, n, o établissent donc le passage entre le rhizome de la figure 20 et celui de la figure 22. Au turion p de la figure 22, un nouveau fait se produit : sur sa base sont deux petits bour- geons g, z, l'un à droite, l'autre à gauche de cette base. Que s'est-il donc passé? Lors des premiers développements du rhizome, le turion f de la 358 BOTANIQUE figure 20 ne portait à sa base que deux écailles, dont la préfeuille. Le nombre de ces écailles augmente sur la base des turions suivants et, aux deux écailles antérieure et postérieure, s'en ajoutent un certain nombre de latérales, à l'aisselle desquelles vont naître, sur un certain nombre d'ar- ticles, deux bourgeons latéraux. Finalement, une griffe d'un an, telle qu'on la vend au printemps, offre trois files d'organes : une médiane, constituée par les débris des turions primaires et deux latérales formées de bourgeons que nous verrons évoluer tout à l'heure. Le tout se termine à l'avant par un gros bourgeon v (fig 21), qui paraît simple à ce moment, comme, d'ailleurs, tous les bourgeons latéraux. Prenons maintenant le rhizome au printemps de sa seconde aunée. La figure 23 le représente à ce moment, en pleine végétation, avec les turions a. b, c, d hors du sol et verdoyants, tandis que les dix vieux turions séchés, qui sont à l'arrière, correspondent aux dix turions formés l'année précé- dente sur le rhizome de la figure 22. Le rhizome a donc continué de s'allonger d'arrière en avant par de courts articles sympodiques et en même temps il s'est flanqué de nouveaux bourgeons basilaires. Jusque-là rien de particulier ; mais que l'on regarde les turions a, b, c, d (fig. 23), el l'on reconnaîtra qu'ils se disposent sur deux files, au lieu de paraître insérés comme ceux des figures 21 et 22. C'est ce fait qu'avait remarqué M. Cli. Rover. La vérité est que, même la première année, les turions ne sont pas sur une file régulière. L'un étant à droite, le suivant est un peu à gauche, le troisième à droite, etc. En d'autres termes, ils se distribuent en une ligne brisée, en zigzag. Peu visible d'abord, en raison de la min- ceur des premiers turions, le fait devient manifeste quand, dès le début de la seconde année, en poussent d'autres, beaucoup plus gros. Reportons- nous à la figure 23. A l'avant du rhizome, sont les six bourgeons e, f, g, h, i,j, dont chacun va, dans le courant de l'année, donner une « asperge » par son extrémité. De ces six bourgeons, le premier est né sur la base de l'axe d; le second, b, sur la base de e; le troisième, g, sur la base de f; le quatrième, h, sur la base de g; le cinquième, i, sur la base de h; le sixième, enfin, ,/', sur la base de i; et l'on voit que, dès ce moment, les bourgeons e, g, i, sont sur la file de gauche, tandis que f, h, j sont sur celle de droite. C'est un sympode de bourgeons, futurs turions, qui se distribuent tout à fait comme les fleurs bisériées d'une inflorescence uni- pare scorpioïde, et pour les mêmes raisons. Autre fait nouveau. Tandis que durant la première année, chaque turion produisait à sa base deux bourgeons, l'un à droite, l'autre à gauche, il n'en forme plus qu'un à partir du moment où les deux séries de turions sont définitivement bien établies. La raison de ce fait est bien simple. Regardons la ligure 24 et considérons le turion a. 11 a produit sur sa base le seul bourgeon d. A l'opposé de ce bourgeon, il est resté stérile. C'est qu'il G. DUTAILLY. — RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASPARAG1NÉES 3o9 se trouve, en ce point, en contact direct avec les turions b et c, et qu'un bourgeon, intercalé entre les trois axes a, b, c, n'aurait nullement la place suffisante pour se développer à l'aise. A la fin de la seconde année, le rhizome est tel que le représente la figure 21, c'est-à-dire qu'il ne diffère pas, à première vue, de celui de la figure 23, sinon par la plus grande abondance de ses hampes centrales détruites et de ses bourgeons latéraux. Mais examinez avec attention l'un de ces derniers, m, par exemple, et vous verrez qu'il n'est pas simple, mais que, comme le bourgeon terminal v de la figure 21, qui contient, en somme, les six bourgeons antérieurs de la figure 23, il est décomposable en un certain nombre de bourgeons en sympode, dissimulés à peine sous les écailles. Que va-t-il donc se passer au printemps de la troisième année? D'abord, le sympode continuera de s'allonger par sa partie antérieure., en produisant d'arrière en avant ses deux files de turions. Puis, chacun des bourgeons latéraux, à son tour, deviendra un centre de production de turions identique à celui qu'est le sympode central; c'est-à-dire qu'il développera deux séries centrales de turions et deux files de bourgeons latéraux qui, plus tard, eux aussi, subiront une évolution identique. Ainsi s'étendra graduellement le rhizome par la multiplication indéfinie de ses ramifications. En même temps, les turions centraux disparaîtront et, avec eux, la portion du rhizome qui les portait. Les ramifications rhizomateuses, devenues libres, vivront alors d'une vie indépendante jusqu'à ce qu'elles se détruisent elles-mêmes, peu à peu, des parties centrales à la périphérie. Ce qui précède montre en quoi le rhizome de Y Asparagus diffère de certains autres, comme celui des Polygonatum, qui, eux aussi, ont un sympode central et des bourgeons latéraux. Chez les Polygonatum, le sympode central n'émet qu'une hampe florifère annuelle, et les bour- geons latéraux, quand ils n'avortent pas, ne se mettent à fleur que plu- sieurs années après leur apparition. Chez ['Asparagus, au contraire, les articles florifères, entés les uns sur les autres, foisonnent chaque année, qu'il s'agisse de la marche en avant ou de l'extension latérale de la plante ; et l'on comprend qu'il soit très difficile de voir clair dans la mor- phologie de son rhizome pour qui n'en a pas suivi l'évolution entière. Les racines ad ventives qui, dans une griffe adulte, semblent disposées sans ordre, se distribuent au début avec une certaine symétrie. Chaque article du rhizome, à ce moment, en a trois : une médiane, qui correspond au turion médian, et deux latérales, dont chacune répond à l'un des deux bourgeons issus de la base du turion. Donc, d'abord trois files de ra- cines adventives. Mais bientôt d'autres s'inlercalent entre ces premières, et en si grande abondance qu'on peut dire qu'elles sont touche à touche sur la face inférieure du rhizome. 360 BOTANIQUE M, P. ÏÏAEIOT SUR LA FLORE DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE [581.9 (44 33)] — Séance du 2 avril 1896 — La flore du département de l'Aube s'est sensiblement accrue depuis l'apparition, en 1881, du Catalogue de M. Briard. De nouvelles localités ont pu être visitées grâce à l'exécution de plusieurs voies ferrées, princi - paiement la vallée de la Vanne sur les limites du département de l'Yonne et celle de l'Armance. Nous sommes redevables de la plupart des richesses acquises, depuis bientôt quinze ans, aux recherches de M. Guyot, institu- teur à Troyes et de M. Brulon de Valmont, de Rigny-le-Ferron. Il est vive- ment à regretter que notre vénéré ami M. le commandant Briard n'ait pas continué l'étude des Phanérogames, ayant consacré tout son temps à celle, plus passionnante encore, des Cryptogames. Nous-même avons pu étudier une bonne partie de l'herbier Des Étangs, mine d'une richesse inépuisable pour le département de l'Aube. Ce sont les additions, qui résultent de recherches nouvelles et de la revision que nous avons pu faire, que nous présentons ici. Nous avons dû aussi opérer quelques suppressions. PLANTES NOUVELLES POUR LE DÉPARTEMENT 1. — Ranunculus peltatus Schk., var. {R. heleophilus Arv. Touv.) : Eclances, Villenauxe (des Étangs). 2. — R. confums Godr., forma brevepedunculata Freyn ! : Jeugny (Guyot). 3. — R. Raudotii Godr. : étang de Bligny (d. E.). 4. — R. paiicislamineus Tausch., var. (R. radiansRQX.) : Bligny, Bar-sur-Aube, Rumilly, plaine de Fooltz (d. E.). 5. — Caltka paluslris L., var. Guerangerii (Boreau) : Méry-sur-Seine. G. — Fumaria offîcinaKs, var. (F. média Auct.) : Etrelles. 7. — Sinapis arvensis L., var. (S. Schkuhriana Beich.) : Méry-sur-Seine. S. — Rarbarca vulgaris B. Br., var. rioularis (Martr. Don.) : Méry-sur-Seine. 9. — Nasturtium silvestre B. Br., var. rivulare (Beich.) : Méry-sur-Seine. 9 bis. — Iberis amara L., var. arvatica (Jord.). Beaucoup plus commun que l'e type et de floraison plus tardive. 9 ter. — Cardamine pratensis L., var. fragilis (Degland) : Vendeuvre (d. E.). 10. — Helianthemum pulvendenfum D. C. : Courteron (Guyot). P. HARIOT. SUR LA FLORE DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE 3G1 11. — //. sulfureum Laramb., à Courteron avec les H. vulgare et pulve- rulentum dont il est bybride. 12. — Viola sylvatica Fr., var. (F. vicina Martr. Don.) : Montgueux (Briard), variété prise fréquemment pour le Viola nemoralis Jord., qui doit être considéré comme une forme du V. canina. 13. — Silène inflata Smith, var. puberula (Bor.) : Mesgrigny. On trouve communément les S. oleracea, vesicaria et brachiata, qui ne sont que des formes insignifiantes du S. inflata. 14. — S. gallica L. : Fuligny (Hariot), Rigny-le-Ferron (B. de V. . lo. — Spergula pentandra L. : Rigny-le-Ferron (B. de V.). 16. — Oxalis stricta L. : Troyes (Har.), Villacerf (Guy.). 17. — Androsœmum officinale AU. : Rigny-le-Ferron (B. de V.), spontané? 18. — Melilolus macrorhiza Pers., var. palustris Koch., abondant dans les vallées de la Seine et de l'Aube. Le Trifolium hybridum L. est naturalisé à Méry- sur-Seine et à" Rigny-le-Ferron. 19. — Onobrychis collina Jord. : friches arides à Mussy-sur-Seine (Guyot). Le Cijtisus sessilifolius L. abonde dans un bois près de Gyé, loin de toute habi- tation. Malgré cette circonstance, il est impossible de croire à la spontanéité de cette plante méridionale. 20. — Prunus spinosa L., var. (P. oviformis Jord.), forme remarquable à fruits ovoïdes. Méry- sur-Seine, Arcis-sur-Aube !, etc. 21. — Potentilla argentea L. (non Willd.), var. incanescens (Opiz) : Soulaines, Éclances (d. E.). ±2. — P. argentea L., var. laliuscula (Blocki) : Rigny-le-Ferron (B. de V.J. 23. — P. argentata Jordan : Soulaines (d. E.). 23 bis. — Potentilla collina Wib. : vallée de la Nesle à Villenauxe (Ant. LegrandJ. 24. — Rosa tomentella Lem. : Méry-sur-Seine ! 23. — R. micrantha Sm. : Méry sur-Seine! On rencontre de nombreuses formes de rosiers appartenant aux Rosa canina, sepium, rubiginosa, tomentosa. La plupart ont été étudiées et je me réserve d'y revenir. 26. — Poterium muricalum Spach, var. platylophum (Spach), abondant dans le nord du département. 27. — Epilobium montanum L., var. collinum (Gmel.) : Rigny-le-Ferron (B. de V.). 28. — E. tetragonum L., var. Lamyi (Sch.) : La Chaise ! 29. — Œnanthe silaifotia M. B., abonde dans tout le département. L'GEnanthe peacedanifolia Poil, y est beaucoup plus rare et n'a encore été rencontré qu'aux environs de Soulaines et de Jeugny. 30. — Heracleum Sphondylium L., var. stenophyllum Gren. (H. stenophyllum Jord.). Droup-Sainte-Marie ! 31. — Galium album Bor. (an Lamarck ?) : Méry-sur-Seine ! vero-elatum Lmtle : Méry-sur-Seine ! Timbali Hariot. (G. vero X dumetorum Timb.) : Méry-sur-Seine ! Bailleii Camus (G. dumetoro X verum Timb.) : Méry-sur-Seine! silveslre Bocc, var. (fj. coinmutatum Jord.) : Pont-sur-Seine ! palustre L., var. (G. rupicola Desm.) : sables de la Seine à Méry- sur-Seine ! 37. — Valeriana excelsa Poiret; aussi commun que le F. officinalis, habite les prairies tourbeuses : Méry-sur-Seine! Villemaur! etc. 32. — G. 33. - G. 34. — G. 35. - G. 36. — G. 362 BOTANIQUE 38. — Valérianella olitoria Pott., var. lasiocarpa Reichb. : dans les jardins à Méry-sur- Seine ! 39. — Achillea Millefolium L., var. lanata Koch. : talus arides à Méry-sur- Seine! — Feuilles plus profondément découpées, crispées; fleurs blanc jaunâtre. Plante laineuse, d'un port tout différent. 40. — Bidens radiala Thuill. : étang de l'Embranchois près Jeugny (Guyot et Hariot). 41. — Gnaphalium uliginosum L. La forme à achaines lisses est presque aussi abondante que celle à achaines muriculés : Méry-sur- Seine! Ville-sur-Terre ! etc. 42. — Filago apiculata Sm. : Montiéramey (Briard), Fuligny ! etc. 43. — Carduus acanlhoides L. : Droup-Saint-Basles ! 44. — Cirsium semidecurrens Richt. (C. palustri >< bulbosum D. C.) : prairies tourbeuses à Droupt-Sainte-Marie ! 45. — C. Lachenalii (Gmel.). (C. bulboso X oleraceum Naeg.) : marais de Vallant ! 46. — C. anglicum Lob., var. auriculatum Camus: Droupt-Sainte-Marie. Feuilles plus ou moins auriculées à la base. 47. — C. médium AU. (C. bulboso X acaule Nseg.) : prairies tourbeuses à Méry- sur-Seine ! 48. — Centaurea serotina Bor. : Méry-sur- S? ine ! 4!). — C. consimilis Bor. : Méry-sur-Seine ! Marnay (Guyot), Montiéramey (d.E.). 50. — Lactuca Scariola L., var. dubia Gren. : Méry-sur-Seine! Feuilles entières. 51. — Hieraeium prœcox Sehulz. : Bar-sur-Aube (d. E.). 52. — H. cinerascens Jord., var. Clairvaux (d. E.). 53. — H. Lecoquianum Arv. Touv. ! : Bar-sur-Aube, côte Sainte-Germaine (d. E.). 5i. — //. deltophyllum Arv. Touv. ! : bois de Lusigny (d. E.). 54 bis. — Campanula aggregata Balb. et Nocca : dans tout le département où je n'ai pas vu le type du C. glomerata L. 55. — Vaccinium Viiis-Idœa L. : bois de Rigny-le-Ferron (B. de V.). Cette plante qui croît également dans la partie voisine du département de l'Yonne se rencontre en société du V. Myrtillus. 56. — Verbascum adulterinum Koch. (V. thapsiformi X nigrum Schiede) : jardin du presbytère de Courceroy ! 57. — Linaria Pelliceriana Miller : Courtaoult (Guyot). 58. — L. ochroleuca Breb. (L. striato X vulgaris Crepin). : Belroy, près Bar- sur-Aube ! 59. — Odontites chrysantha Bor. : champs arides de la ferme du Ruez ! 60. — Rhinanthus major Eshr., var. glaber Schultz : Quincey (d. E.), variété très rare tandis que celle à calice velu est des plus abondantes. 61. — Mentha Mûtleriana Schullz (M. arvensi X rotundifolia Schultz). Assez abondant aux environs de Méry ! <--2. — Galeopsis Tetrahit L., var. bifida Lej. et Court. : Méry-sur-Seine! Ville-sur-Terre ! 63. — Melittis Melissophylhim L., var. grandiflora Bonnet : Montgueux ! Pont- sur-Seine ! Le type est beaucoup plus rare; je ne l'ai vu que de Bar-sur-Aube. 64. — B. alba Pallas, var. integrifolia Godr. : Bérulles (Guyot). 65. — Atriplex hastata L., var. niicrosperma W. K. : Méry-sur-Seine! 66. — Salix undulata Ehsh. : Méry-sur-Seine ! forêt de Chaource (d. E.). P. HÀR10T. — SUR LA FLORE DU DÉPARTEMENT DE L'AUBE 363 06 bis. — S. speciosa Mort. (S. fragilis X triandra Wimm.) : Bar-sur-Aube, Troyes (d. E.), Mézières ! Ville-sur-Terre ! 07. — S. cinerea, var. spuria Wimmer : Bar-sur-Aube (d. E.), feuilles lon- guement lancéolées, aiguës. 68. — S. multinervis Du'll (S. cinerea X aurila Wimm.) : Méry-sur-Seine ! Bar-sur-Aube (d. E.). 69. — S. Reichardtii Kern. (S. caprea X cinerea Wimm.) : Méry-sur-Seine ! 70. — S. caprea x aurita Wimm. : Méry-sur-Seine. 71. — 5. dichroa Dœll. (S. aurila X purpurea Wimm.) : Droupt-Sainte-Marie ! Méry-sur-Seine ! 7± — S. Doniana Smith (S. repens purpurea Wimm.) : étang de Bury, près Vallanl : J'ai recueilli encore d'autres formes hybrides sur la valeur desquelles je ne suis pas encore fixé et qui demandent à être observées de nouveau. 73. — Epipactis viridiflora Bohb. : Vallant ! 74. — Gymnadenia conopea R. Br., var. densiflora (Dietr.), abondant à Droupt- Sainte-Marie ! Villevoque, Lirey (d. E.), etc. 7o. — Orchis latifolia L., var. foliosa (Soland.) : Villechétif! 76. — 0. Braunii Hal. (0. latifolia maculata) : Sacey (d. E.). 77. — 0. Jacquini (jodr. : Pontot (d. E.). 78. — 0. Beyrichii Kern. : Montier-en-1'Isle (d. E.). Hybride secondaire de ÏOrchis simia et d'un autre hybride produit par les 0. simia et militaris. J'ai trouvé dans le marais de Droupt-Sainte-Marie une plante curieuse qu'il faudrait de nouveau étudier sur le vif et qui. selon toutes probabilités, est le produit d'un croisement entre les Gymmadenia densiflora et Orchis Traunsteineri . 79. — Ophrys Aschersoni de Nanteuil (0. aranifera X arachnites) : garennes de Droupt-sur-Basle ! 80. — Potamogeton Berchtholdi Fieb. : mares de la prairie d'Ailleville (d. Et. et Hariot). 81. — Sparganium erectum L., var. neglectum (Beeby), abondant dans une grande partie du département : environs de Méry! Arcis-sur-Aube! Jeugny! etc. Le type est beaucoup plus rare, je ne l'ai vu que de Nogent-sur-Seine (Guyot). 82. — Juncus anceps Laharpe : Ailleville avec le Juncus alpinus (d. E.). 82 bis. — Eriopliorum gracile Koch : marais de la Vanne à Vulaines (B. de Y.). 83. — Cerex (lava L., var. lepidocarpa (Tausch.) : Marais tourbeux de Vallant! 84. — C. xanthocarpa Desgl. (C. fulvo Hornschuchiana Al. Br.) : Valaines (Guyot). 85. — C. filiforiuis L. : tourbières de Boulages (de Vauversin). 80. — C. Pairœi Scliultz. : Éclances, Bar-sur-Seine, Bar-sur-Aube (d. E.), Mussy (Guyot). 87. — Mibora vema P. Beauv. : Montpothier (Guyol). 88. — Panicum sanguinale L., var. ciliare Godr. : dans les jardins à Méry- sur-Seine ! 89. — Aira multiculmis Dum. Cette plante qui n'est réellement qu'une variation de l'Aira caryophyllea L., auquel elle se relie par de nombreux inter- médiaires, se rencontre dans la plupart des localités où a été indiquée cette dernière graminée : Villenauxe, Éclances, Rigny-le-Ferron, etc. 90. — Deschampsia cœspitosa P. Beauv., var. parviflora Bonnet : Éclances (d. E.). 91. — — P. Beauv., xav.setifolia Koch. : Villenauxe (d. E.). 364 BOTANIQUE 92. — Festuca rubra L., var. genuina subvar. longearistata Hackel (s. v. nova) : Courteron (Guyot). 93. — Scrrafalcus patulus Parlât. : sur la voie ferrée au Pré Dillon près Troyes (Guyot), spontané? 94. — Agropijrum repens P. Beauv., var. ecesium (Agropyrum cœsium Presl.), abondant dans toutes les parties du département. 95. — Polystichum spinulosum D. C, var. Chanteriœ Moore (Christ!) : sur les troncs d'aulnes à Droupt-Sainte-Marie! 96. — Equisetum campanulatum Poiret : Fouchères (Guyot). La plante trouvée à Clerey par des Étangs répond à une des formes de ÏEquisetum paleaceum Schleich. 96 bis. —Equisetum littorale Kuhlw. : prairies humides à Droupt-Sainte-Marie! 97. — Chara aspera Willd. : grevières à Droupt-Sainte-Marie ! On trouve à Fontaine (Seine-et-Marne), sur les confins du département, le Nitella capitata Nées. ESPÈCES EXCLUES OU ACCIDENTELLES Thubitrum angustifolium L. (la localité de Rennepont appartient à la Haute- Marne); Ranunculus parviflorus L. (rencontré une seule fois dans un jardin); Fumaria capreolata L. ; Barbarea patula Fr. ; Arabis ciliata Koch (= A. sagittata Scop. !); Iberis pinnata Gouan (= S. amara L., variété à feuilles étroites !); Iberis intermedia Guer. ; Teesdalia nudicaulis B. Br. ; Thaspi alpestre L. ; Hutchinsia petrœa R. Br. ; Lepidium graminifolium L. ; Roripa rusticana Godr. ; Pohjgala oxyptera Rchb. (= Polygala Michaleti Gren.!); Silène Otites Smith.; Linum alpinum L. et austriacum L. (= L. Loreyi Jord. !) ; Allhœa cannabina L. ; Sta- phylea pinnata L. (planté?); Spirœa hypericifolia L. ; Potentilla recta L. ; Rosa frutetorum Bess.; R. (lexuosa Rau; R. collina Jacq. ; Pirus cordala Desv. (— P. eommunis L.) ; Sorbus scandica Fr. et latifolia Pen. (plantés!); Isnardia palustris L.; Ciram intermedia Ehr.; Ribes alpinum h. (Haute-Marne); Corian- drum satioum L. ; Galium débile Desv. (= G. palustre L.!); G. montanum Will. (= G. silvestre Poil.!); Solidago canadensis L.; Artemisia absinthium L. et campestris L.; Hieracium obliquum Jord.; Pyrola minor L. (P. rotundifolia L. !); Primula vulgaris Huds. ; Fraxinus oxyphylla Bieb. (planté et disparu depuis); Anchusa officinalis L. ; Mentha rubra Sm. (cultivé); Stachys palustri X sylvatica Schiede (= S. palustris L. !); Scutellaria Columnœ AIL; Plantago Coronopus L.; Euphorbia Lathyris L.; Salix penlandra L. ; S. babylonica L. ; S. incana Schrk. ; S. Pontederana Setl. (= Salix mauternensis Kern. !) ; Allium paniculatum L. (accidentel); Endymion nutans Dum. (dans un parc où il a été probablement planté); Hemerocallis fulva L.; Iris sambucina L.; Potamogeton rufescens Schrad; P. Zizii Koch (= P. gramineus L. var.!); Zannkhellia palustris L. (= Z. den- tata Willd!); Setaria ambigua Guss. (accidentel); Cynodon Daclylon Pers (trouvé une seule ibis sur un sable de la Seine et probablement apporté par les eaux); Gastridium lendigerum Gaud. ; Serrafalcus squarrosus Bab. (— . S. commutatus Godr.!); Nitella gracilis Ag. (= X. batrachosperma Reichb. !); Chara crassi- caulis Schl. Il résulterait de la longue liste énumérée ci-dessus que la flore du Dr ED. BONNET. — PLANTES INDIQUÉES EN TUNISIE PAR DESFONTAINES 365 département de l'Aube devrait s'enrichir d'environ cent espèces ou variétés nouvelles, mais que d'un autre côté il faudrait en retrancher, en se tenant dans des limites aussi réservées que possible, environ soixante. M, le Dr Ed. BOMET REMARQUES SUR QUELQUES PLANTES INDIQUÉES EN TUNISIE PAR DESFONTAINES ET QUI N'Y ONT PAS ÉTÉ RÉCEMMENT RETROUVÉES [581.9 (611) — Séance du 2 avril 1896 — Le Flora atlantica énumère exactement 1520 espèces phanérogames et cryptogames feny comprenant les plantes cultivées ou naturalisées) ; dans ce nombre, l'Algérie est représentée par 662 espèces, la Tunisie par 192 et le Maroc par 8 ; enfin, 658 plantes ne sont mentionnées que dans des stations vagues et se retrouvent en majeure partie dans toute la région barbaresque, sauf celles suivies de l'indication : in Atlante, qui appar- tiennent plus spécialement à la zone des hauts plateaux et des montagnes élevées. A part une douzaine d'espèces qui ont, jusqu'à ce jour, échappé à toutes les recherches, les autres plantes tunisiennes du Flora atlantica ont été retrouvées, sinon dans les localités mêmes de Desfontaines, du moins d'une façon positive sur le territoire de la Régence ; on peut donc se demander si les plantes que personne n'a revues depuis plus d'un siècle appartiennent bien réellement à la ilore de Tunisie. J'ai déjà eu, du reste, l'occasion de parler ailleurs (1) de quelques-unes de ces espèces et d'émettre des doutes sur leur indigénat ; toutefois, je ne l'avais fait qu'avec une certaine discrétion ; celte réserve m'a valu des critiques dont je suis loin de me plaindre, puisqu'elles me fournissent l'occasion de revenir sur ce sujet et de justifier mes premières assertions. Avant tout, il me parait nécessaire de rappeler les conditions dans les- quelles Desfontaines a exploré la Régence, les particularités relatives à la publication du Flora atlantica, et enfin de donner quelques détails sur (1) Journal de Botanique, VII-IX, passai. 366 BOTANIQUE l'herbier servant de preuves ; pour apprécier exactement un auteur, il faut, en effet, se reporter au temps où il vivait et le juger, non avec les idées qui ont cours actuellement, mais avec celles qui régnaient à son époque. Le 2o août 1783, Desfontaines débarquait à Tunis ; il séjournait dans cette ville dont il paraît ne s'être que fort peu écarté jusqu'au 22 décembre, date à laquelle il partait avec l'armée du bey du camp qui se rendait, sui- vant la coutume, dans le sud pour faire rentrer les impôts ; le 20 décembre, la colonne arrive à Qairouan où elle reste une quinzaine de jours, de là elle gagne Gafsa et le Djérid, en visitant successivement El Hamma, El Oudiane, Tozzeur et Nefta, revient à Gafsa qu'elle quitte définitivement le 15 février, remonte vers le nord en passant par Sbeïtla et Sbiba, arrive au Kef vers la fin de mars et rentre h Tunis le 10 avril. Dans le milieu de mai, Desfontaines se rend à Alger et de là à Tlemcen où je ne le suivrai pas ; il revient à Tunis au commencement de juillet et en repart bientôt pour explorer la côte orientale de la Régence. « La saison des plantes, écrit-il dans une de ses lettres, était passée, mais j'avais l'espoir d'être dédommagé de mes peines en recueillant des graines, des insectes et autres productions naturelles. » Dans ce second voyage, Desfontaines visita Hammam-el-Lif, Teurki, Soliman, Kroumbalia, Hammamet, Phra- dise, Herkla, Sousse, Monastir, Lehila, Méhédia, Téboulba, El Djem et S fax, où il resta du 20 juillet au 8 août et qu'il ne dépassa que pour aller visiter les ruines de Thenae ; le retour, sur lequel nous ne possédons pas de détails, dut s'effectuer assez rapidement et par la voie la plus directe, car nous retrouvons Desfontaines à Tunis le 18 août; ce fut sa dernière station dans la Régence, et le 8 septembre il s'embarquait pour Alger. D'après les dates que je viens de citer, on peut conclure que les deux grandes explorations de Desfontaines en Tunisie eurent lieu à des époques peu favorables : la première était prématurée, même pour le Djérid, et la seconde était trop tardive ; de cette dernière, Desfontaines rapporta, il est vrai, des graines qui furent semées au Jardin du roi et dans quelques jardins particuliers ; mais, à part une dizaine d'espèces dé- crites en 1792 dans le Journal de Fowxroy (1), l'auteur de la Flore atlan- (1) Telle est l'indication qu'on peut lire dans toutes les biographies de Desfontaines; mais, comme j'ai pu leconstater après de longues et fastidieuses recherches, le litre du mémoire de Desfontaines, tel que le donnent tous les auteurs, est incomplet et celui du recueil de Fourcroy est assez différent; il faut rectifier ces diverses indications bibliographiques ainsi qu'il suit : Décade des plantes nouvelles dont les çjraines ont été apportées des côtes de Barbarie par M. Desfontaines et qui sont maintenant propagées dans nos jardins (extrait d'un mémoire lu à la Société d'histoire naturelle le 13 janvier i 792) in La Médecine éclairée par les sciences physique* ou Journal des découvertes relatives à l'art de guérir, rédigé par Fourcroy, tome III, n8 6, p. 161 [1792]. Le tome Ior de ce même recueil, paru en 1791, con- tient (p. 74 et 322) deux autres notes de Desfontaines sur des plantes de Barbarie; on y trouve notamment (p. 324) la description de l'Antirrhinum membranaceum, Desf., devenu, l'année suivante, dans les Actes de la Société d'histoire naturelle de Paris (I, p. 36, tab. 7, 1792), l'A. marginalum, Des!., dénomination reproduite dans le Flora atlanlica (II, p. 43. sub Linariû) et acceptée depuis par tous les auteurs; les Aoristes, qui considèrent la plante d'Algérie comme différente duL. trislis, Mill.,de\ raient alors reprendre le premier nom de£. membranacea, Desf. (sub Antirrhino). Dr EU. BONNET. — PLANTES INDIQUÉE-; EN TUNISIE PAU DESFONT \ INES -îlj" tique n'indique pas les espèces qu'il a recueillies in loeo natali et celles qui proviennent de culture; cette distinction aurait été cependant d'autant plus nécessaire que la culture des plantes étrangères par graines cause quelquefois des surprises contre lesquelles il est difficile de se prémunir, lorsque la flore du pays qui a fourni les graines n'est pas parfaitement connue (1) ; il faut aussi se défier des confusions qu'un jardinier ignorant ou peu soigneux peut commettre, et c'est sans doute par suite d'un acci- dent ce ce genre que Desfontaines a indiqué, dans le mémoire précité (p. 162, n° 8), le Serralula heterophylla sur les collines incultes de l'Afrique septentrionale (2;. Après avoir consacré à l'exploration de l'Algérie la fin de l'année 1784 et toute l'année 1783, Desfontaines rentrait en France, et quelques mois plus tard, en 1786, il était nommé professeur de botanique au Jardin du roi, sur la recommandation de Lemonnier qui s'était retiré pour lui laisser sa place ; les devoirs du professorat et les soins à donner à l'École de botanique détournèrent un peu Desfontaines de l'étude des collections qu'il avait recueillies dans ses voyages et de la rédaction de sa Flore atlan- tique ; cet ouvrage, bien connu et toujours classique malgré sa date, parut par fascicules de 1798 à 1800 et fut complété par deux errata, non pagi- nés, qui manquent dans beaucoup d'exemplaires : le premier, composé d'un seul feuillet intitulé Emendanda, a dû paraître vers 1800, peu après le deuxième volume ; le second, contenant deux feuillets, n'a été publié que plus tard, probablement vers 1804, sous le titre de Emendatio altéra. Il s'était dune écoulé douze ans entre le retour de Desfontaines et la publication du Flora atlantica ; dans l'intervalle, un événement regret- table, dont je n'ai pu fixer exactement la date, mais qui dut se passer avant 1790, avait privé Desfontaines de tous les documents manuscrits recueillis au cours de ses voyages et complétant ses collections d'histoire naturelle. Louis XVI, sur le rapport de Lemonnier, son premier médecin, ayant pris intérêt à l'exploration scientifique et archéologique des pays barbaresques, manifesta le désir de lire les journaux de voyage de Des- fontaines ; ces journaux, confiés au roi par l'intermédiaire de Lemonnier, furent ensuite égarés et il ne resta en la possession de Desfontaines que (1) En 1884, j'avais rapporté du sud de la Tunisie les graines de quelques espèces rares ou critiques, dont je voulais observer la végétation ; de ce nombiv était le liumex vesicarius, L., à valves fructifères d'un rose vif, que Desfontaines a confondu avec le R. roseus, L.; ces graines, semées au Muséum avec toutes les précautions voulues, germèrent pour la plupart, mais le R. vesicarius se présenta sous une forme tellement différente dr la plante qui m'était familière, que l'influence seule de la culture ne pouvait justifier pareille transformation ; je dus bientôt reconnaître que mes graines de R. vesicarius n'avaient pas germé et qu'un magnifique spécimen de R. abyssiniens, Jacq., venu je ne sais d'où, avait pris leur place; que le fait se soit passé un siècle plus tôt, alors que la flore barbaresque était aussi peu connue que celle de l'Abyssinie, et nous aurions probablement une espèce de plus à ajouter à la liste des planLes problématiques de la Tunisie. (2) La diagnose publiée dans le Journal de Fourcroy se rapporte bien au S. heterophylla, Desf. qui n'existe pas dans l'Afrique septentrionale, tandis que la localité citée désigne sans aucun doute le S. mucronala, Desf, 368 BOTANIQUE des fragments (i) dans lesquels les observations botaniques tiennent fort peu de place. On comprend dès lors que l'auteur du Flora atlantica, privé de ses meilleures sources d'informations, dut se fier trop souvent à sa mémoire et aux renseignements peu sûrs du Catalogue de Shaw (2); de là ces indications vagues que l'on est étonné de trouvera la suite d'espèces assez localisées et la mention d'un certain nombre de plantes qui n'ap- partiennent pas à la flore barbaresque ; au reste, dans les cas douteux, Desfontaines ne pouvait pas tirer grand secours de son herbier, car cette collection paraît avoir été, dès l'origine, presque complètement dépourvue d'étiquettes rédigées au jour le jour et relatant la localité, la date et les principales circonstances de la récolte de chaque échantillon (3). Tous ces renseignements, auxquels nous attachons aujourd'hui une grande impor- tance, devaient être consignés dans les journaux de voyage, mais l'herbier qui a toujours été soigneusement conservé à part ne contient, en guise d'étiquettes, que les fiches manuscrites qui ont servi à l'impression du Flora atlantica; pour quelques espèces (Quercus Ballota, Atractylis gummifera, Salvia bicolor, etc.), Desfontaines y a joint les Mémoires originaux présentés à l'Académie des Sciences ou à la Société d'histoire naturelle de Paris. Toutefois, l'étude minutieuse de cet herbier et des fiches manuscrites qui l'accompagnent, la comparaison de certains échantillons critiques avec les anciennes collections du Muséum, l'examen des mémoires et des lettres de Desfontaines qui nous sont parvenus, enfin les recherches botanique» effectuées dans la Régence à différentes époques, et notamment depuis l'établissement du protectorat, permettent de rectifier quelques inexacti- tudes de la Flore atlantique ; on peut ainsi reconnaître que Desfontaines a plusieurs fois introduit dans son herbier des échantillons cultivés pour compléter ou remplacer les espèces qu'il n'avait pu recueillir ou qu'il avait observées en mauvais état. Par exemple, le Fumaria corymbosa Desf. ! Ces fragments, publiés à différentes époques, sont les suivants : Voyage dans le désert de Tunis (extrait publié par Lalande dans le Journal des Savants, 1784, p. s;;4) ; Voyages dans les Régences de Tunis et d'Alger, Observations, etc.... publiés par Walckenaer dans les Nouv. Ann. des Voyages, 2e sér., XVI et XVII, et par Bureau de la Malle dans le tome II des Voyages de Peyssonnel et Desfon- laines, Paris, 1838- 2 Spécimen phylographice africanœ in Voyages de M. Shaw dans plusieurs provinces de la Barbarie et du Levant, La Haye, 1743, t. II, p- lui des Extraits servant de preuves. Je cite l'édition française au lieu de l'édition originale anglaise, parce que c'était celle que possédait Desfontaines ; je possède moi-même un exemplaire de cette édition sur lequel les noms spécifiques du Flora atlantica ont été ajoutés d'après le volume qui avait appartenu à Desfontaines et était ensuite passé dans la biblio- thèque de J. Gay. i i est à peine s'il existe une dizaine de ces étiquettes dans la collection, on les reconnaît facilement à la couleur du papier et à quelques autres signes extérieurs ; elles accompagnent des plantes que li.'sl'uii lai nés croyait nouvelles et dont il a note les principaux caractères sur le vif; le Xitraria tri- dentata, Desf., par exemple, est muni de deux étiquettes : l'une qui reproduit exactement le texte de la Flore atlantique (I, p. 372) ; l'autre, rédigée au moment de la récolte et ainsi libellée: Nitraria spinosa. Descriptio arbusculi observati circa Kerrouan. N. caule spinoso, fol. carnosis, cuneiformîbw1, upice 3 dental is ; 1° die del mense januarii 178f. N. truncala. N. Frulex 3-4 pedalis, don sus : caules lignosi, ramosi.. ., etc. Dr ED. BONNET. — PLANTES INDIQUÉES EN TUNISIE PAR DESFONTAINES 369 est représenté dans l'herbier par des spécimens dont le développement anormal décèle, à première vue, une origine culturale, ce que confirme l'examen de la fiche manuscrite du Flora atlantica, sur laquelle on peut encore lire la mention : In horto Cels olini exculta fuit e seminibus mecum adsportatis , soigneusement bâlonnée et remplacée par l'indication : Habitat in fèssuris rupium Atlantis prope Tlemsen, qui seule figure dans le texte imprimé. Le Cardopatium amethyslinum, Spach. (Carthamus corijmbosus, Desf., nonL.,) fournit une autre preuve absolument concluante; cinq échan- tillons de cette cynarocéphale existent dans l'herbier de la Flore atlan- tique : trois sont en fruits très avancés et en assez médiocre état de conservation, et deux autres sont en pleine floraison ; or ces derniers appartiennent au C. corymbosum, Pers. forma C. orientale, Jaub. et Spach., qui habite la partie orientale du bassin méditerranéen et n'existe pas dans l'Afrique septentrionale ; ces spécimens proviennent donc, très vraisemblablement, de l'École de botanique où la plante était cultivée depuis l'époque de Tournefort. On reconnaît de même que Desfontaines a plusieurs fois réuni, sur une même feuille de son herbier, des échantillons provenant de localités très différentes (1) et que, parmi les espèces qui n'ont pas été retrouvées après lui, un certain nombre manquent à sa collection ; il n'est donc pas téméraire d'en conclure que notre auteur n'avait pas recueilli lui-même ces espèces in loco natali. Ces procédés étaient, du reste, couramment pratiqués par les Aoristes du siècle dernier et même encore au commen- cement du siècle présent : Lamarck, Thuillier, Mérat, Loiseleur-Deslong- champs et d'autres en ont usé et quelquefois abusé ; sous ce rapport, Desfontaines a même fait preuve de plus de réserve que la plupart de ses contemporains. Il ne faut pas non plus demander à l'auteur de la Flore atlantique, dans la notation des localités, une précision qui n'est pas de son époque ; sous sa plume, le mot circa a une signification très large et j'ai pu constater, pour les environs de Gafsa en particulier, que Desfon- taines y a indiqué des espèces qu'on y chercherait vainement et qui lui avaient été vraisemblablement apportées des montagnes situées à quelque distance par les Arabes de l'escorte du Bey ou par les Berbères qui venaient verser l'impôt ; le Dr Cosson avait déjà fait, en Algérie, la même consta- tation pour les environs de Mascara. Ces remarques générales et préliminaires m'ont paru nécessaires pour l'intelligence des observations critiques qui vont suivre; ni les unes ni les autres ne diminueront le mérite de l'œuvre de Desfontaines considérée dans son ensemble ; si le Flora atlantica contient quelques défauts par- (I) Par exemple, les Anarrhînum brevifolium, Coss., et A. fruticosum, Desf. (Cf. Barr. et Bonn. Cal. Tan., p. 314.; 2i* 370 BOTANIQUE tiels, il faut tenir compte à l'auteur des idées scientifiques de son époque et des difficultés qu'offrait, il y a un siècle, l'exploration de la Régence ; mais, tout en payant à Desfontaines le juste tribut d'admiration qui lui est dû, je ne veux point jouer le rôle du personnage « qui s'attache aveu- glément aux opinions des anciens et n'a jamais voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des découvertes de notre siècle ». (Molière, le Malade imaginaire, acte II, scène V.) SALY1A FOETIDA (1) Lam., Desf., AU., I, 24; .s', tingitana, Etl., Barr. et Bonn., Cat. Tan.. 333 ( 2 . M. Baratte a résumé (loc. cil.) l'histoire de cette plante qui n'appartient pas à l'Afrique septentrionale, mais doit être plutôt considérée comme spéciale aux environs de Gibraltar (Rouy) et au sud de l'Andalousie où elle a été observée dans trois localités différentes; M. Debeaux l'a même signalée (Syn. //. Gibralt., 164) dans les Pyrénées aragonaises, id quod vix credibile videtur, ajoute \Yill- koram (Sppl. //. hisp., 450). Suivant M. Colmeiro (Exam. hist. crit., 79), cette sauge était déjà connue des auteurs espagnols du xvie siècle, mais, d'après Etlinger, Vahl, Lamarck, Willdenow et Bentham (3), c'est Rivinus qui lui aurait appliqué pour la première fois ce malencontreux qualificatif de tingitanum (Horminum) que Tournefort a reproduit dans ses Institutiones (sub Sclareâ); de même que Vaillant, A. de Jussieu, Lamarck et Desfontaines, Tournefort n'a vraisemblablement connu la plante qu'à l'état cultivé, car je me suis assuré que le Salvia tingitana n'est pas mentionné dans la Topographie botanique (4) où Tournefort a minutieusement consigné toutes les espèces observées pendant ses voyages aux Pyrénées et en Espagne. LITHOSPERMUM ORIENTALE L., Desf., AU., I, 154; Alkanna orientalis, Boiss., Barr. et Bonn., Col. Tun.. 294. Aucun botaniste, depuis Desfontaines, n'a recueilli en Tunisie cette espèce orientale ; en Algérie, où elle a été quelquefois observée, M. Battandier n'hésite pas à la considérer comme adventice (cf. Soc. bot., XL1I, 289), et, si cette plante a bien été réellement trouvée dans la Régence, ce qui n'est pas absolument cer- tain, je suis d'avis qu'elle n'y était, comme en Algérie, qu'à l'état d'intruduc- tion ; que si l'on admettait la spontanéité du Lithospermum orientale aux environs de Gafsa, il faudrait expliquer comment cette espèce a pu franchir, en une seule étape et sans station intermédiaire, l'énorme distance qui sépare l'extrémité orientale du bassin méditerranéen de la Tunisie ; au lieu d'aflirmer (1) Les espèces sont citées sous le nom et dans l'ordre du Flora atlantica. j Je m'étonne de voir conserver l'épithète de tingitana à un Salvia qui ne croit ni au Maroc ni même en Afrique, alors qu'on a prétendu que le nom de Cyclaminus persica, que j'avais adopté, propter anliquitatem, était un nomen rejiciendum nempe species in Persid hucusque nondum visa. (3) Malgré les indications si précises de ces auteurs, il m'a été impossible de retrouver dans l'exem- plaire de Rivinus, (Onlo plantarum quee sunt flore irregulari monapetalo) que j'ai consulté, la mention de cet Borminum tingitanum. (4) On sait que le manuscrit autographe de Tournefort a été acquis par l'Université de Cuïmbre, mais la bibliothèque du Muséum de Paris possède une bonne copie exécutée sur l'original par An t. de Jussieu (Cf. Ed. BonneJ, in A. F. A. S., XVI, part. 2, p. 357). Dr ED. BONNET. — PLANTES INDIQUÉES EN TUNISIE PAB DESFONTAINES M~l qu'elle atteint dans la Régence la limite de son aire, il serait, ce me semble, plus exact de dire qu'elle y est en dehors de son aire ; je serais non moins curieux de savoir en vertu de quelle loi scientifique on admet que les plantes progressent toujours de l'orient vers l'occident et jamais de l'occident vers l'orient; ne serait-ce pas sous l'influence de cette illusion trente fois séculaire que M. S. Reinach a si justement appelée « le mirage oriental Dans l'herbier du Flora atlantica, le L. orient île est représenté par un seul rameau portant des fleurs et quelques jeunes carpelles; ce rameau est accom- pagné d'une feuille radicale isolée et soigneusement coupée au point d'insertion du pétiole sur le collet de la racine; c'est sous cette forme et avec un aspect identique que l'on trouve, dans les anciennes collections du Muséum, plusieurs spécimens de L. orientait' recueillis au Jardin du roi, où cette plante n'avait pas cessé d'être cultivée depuis l'époque de Tournefort. En résumé, le L. orientale n'a été observé dans toute l'Afrique septentrionale qu'en Algérie, où il était cer- tainement introduit, et en Tunisie, où il n'a pas été retrouvé depuis Desfon- taines; de plus, l'authenticité de l'échantillon conservé dans l'herbier du Flora atlantica n'est pas absolument certaine. ONOSMA ECHINATUM Desf., AU., I, 161, tab. 43; Barr. et Bonn., Cal. Tun., 297. In arenis deserti prope Capsam (Desf.j. — Ici encore nous sommes en présence d'une seule observation, vieille de plus d'un siècle et que les recherches sulisé- quentes n'ont pas confirmée ; j'ai déjà émis autrefois des doutes sur l'origine de cet unique échantillon et, malgré quelques objections assez peu sérieuses qui m'i ml été faites, je tiens toujours pour fort suspecte la spontanéité de YO. echinatum en Tunisie : testis anus, testis nullus. La plante de l'herbier Desfonlaines ne porte plus que des carpelles parfaitement mûrs et pour la plupart encore inclus dans le calice ; une corolle isolée et conservée à part dans un sachet a servi à Redouté pour ses analyses et pour restituer la plante telle que la représente la planche 43 du Flora atlantica; en Orient, YO. echinatum fructifie dans le mois de juin ou, au plus tôt, à la fin de mai, or Desfonlaines n'a fait que deux séjours à Gafsa : le premier, vers le 25 janvier 1784; le second, à la fin de lévrier et dans les premiers jours de mars de la même année ; ces deux dates ne concordent donc pas avec l'état de son échantillon d'herbier. HYOSCYAMUS AUREUS L., Desf., AU., 1, 189, Bonn, et Barr., Cul. Tun.. 309. Cette Jusquiame n'appartient pas à la flore de l'Afrique septentrionale, et il suffit de rapprocher les deux échantillons de l'herbier du Flora atlantica de ceux recueillis au J irdin du roi, en 1787, par A.-L. de Jussieu, et conservés dans son herbier, pour être assuré qu'ils ont une même origine. BlI'LEliRUM PROCLMbENS Desf., AU., 1,230, tab. 56; Barr. et Bonn., Cal. Tun.. 174. Les échantillons de l'herbier Desfontaines sont annuels, comme l'avait soupçonné M. Baratte, ou tout au plus bisannuels, mais non pas vi va ces, ainsi que l'indique 372 BOTANIQUE la Flore atlantique. Bien que les environs de Tunis où Desfontaines dit avoir recueilli son B. procumbens aient été souvent visités à toutes les époques de l'année, cette plante n'y a pas été revue; on sait que ce même Buplèvre a été observé de 1839 à 1840, par Bové et Durieu, dans les champs de Mansourah, près Constantine, et plus tard, par Lefranc, auprès de Batna ; mais il ne parait pas s'être main- tenu dans ces localités, car MM. Battandier et Trabut ne le citent dans leur Flore d'Algérie que sur l'autorité de Desfontaines et de Bail., c'est-à-dire comme appartenant à la Tunisie et au Maroc, et Julien, dans sa récente Flore de Cons- tantine, n'en fait aucune mention. J'ai déjà fait observer ailleurs (Journ. de Bot., VU, 236) que la plante du Maroc appartenait vraisemblablement au B. tenuissimum, L., et par suite était différente du B. procumbens, Desf. (B. Marschàllianwm, C. A. M.), dont la véri- table patrie est la région orientale du bassin méditerranéen ; de cette impossi- bilité de retrouver le B. procumbens aussi bien aux environs de Tunis qu'à Batna et à Constantine, ne pourrait-on en conclure, avec quelque raison, que cette espèce n'était qu'accidentelle dans ces trois localités? Pour le djebel Man- sourah, du moins, sa station dans les champs cultivés fait penser à une intro- duction par les céréales. MESEMBRYANTHEMUM COPTICUM L., Desf., AU., I, 398. Cette plante que Desfontaines indique : ad maris liltora prope Sfax, n'est pas représentée dans son herbier: d'un autre côté, le M. crystallinum, L., commun dans cette même localité, n'est pas mentionné dans la Flore atlantique, et YAizoon hispanicum, L., cité sans localité précise, fait égale- ment défaut dans l'herbier; entiu, Desfontaines donne comme synonyme de son M. copticum le Kali III de Prosper Alpin (.Egypt., 51), lequel est YAizoon hispanicum, et, dans ses Voyages, il dit qu'à Sfax le .1/. copticum est employé par les indigènes pour faire de la soude, ce qui ne peut s'appliquer qu'au M. crystallinum, beaucoup plus abondant que 1' A. hispanicum ; il parait donc que notre auteur a confondu deux espèces sous un même nom et, en effet, on trouve dans quelques anciennes collections du Muséum la dénomination de M. copticum appliquée par Desfontaines tantôt au M. crystallinum, L., tantôt à VA. hispanicum, L. SCROFILARIA SCORODOMA L., Desf., AU., II, 55; Barr. et Bonn., Cal. Tun., 312. SCROFI LARIA FRITESCENS L., Desf., Ail. II, 55; Barr. et Bonn., Cat. Tun. ,313. Ces deux espèces arrivent à travers la Péninsule Ibérique jusqu'au Maroc, que la première ne dépasse pas, tandis que la seconde s'avance jusqu'à Collo ; on ne les connaît pas au delà de cette dernière localité dans tout le reste de l'Afrique sep- tentrionale. J'ai déjà fait observer (Journ. de Bot.. VIII, 135) qu'elles manquaient l'une et l'autre dans l'herbier du Flora atlantica et, en cette circonstance, Des- fontaines paraît avoir été trompé par le Catalogue de Shavv, dans lequel elles Dr ED. BONNET. — PLANTES INDIQUÉES EN TUNISIE PAR DESFONT AINES 373 sont mentionnées sans localité, sous les numéros 5io et 546. M. Baratte pense que Desfontaines a dû rapporter au S. fmtescens la plante nommée plus tard S. deserti, Coss. (non Del.), S. Saharœ, Balt. et Trab.; si je préférais la contro- verse à la vérité scientifique, il me serait facile, en cette circonstance, de démontrer qu'une plante qui existe dans la province de Constantine peut très bien se retrouver en Tunisie et que, si le S. frutescens n'existe pas dans l'herbier de Desfontaines, la fiche manuscrite qui remplace cette espèce porte une des- cription concordant bien mieux avec le S. frutescens qu'avec le S. Saharœ. Mais telle n'est pas mon intention ; je suis persuadé que l'auteur du Flora atlantica n'a vu à El-Hamma que le S. Saharœ, mais qu'il a dû négliger d'en récolter des échantillons, parce que la plante n'était pas en état à l'époque de son pas- sage dans cette localité; plus tard, au moment de la rédaction de sa Flore, il s'est alors reporté au Catalogue de Sbaw et il a transcrit sur la fiche de cette espèce la description du S. frutescens, L., copiée textuellement dans le Mantissa (p. 418). GERANIUM ASPLENIOIDES Desf., 4//., II, 109, tab. 168 ; Eroditm asplenioides., Willd., Barr. et Bonn., Cal. Tan., m. In montibus Sbibœ, (Desf.). — Des deux échantillons conservés dans l'herbier du Flora atlantica, l'un a évidemment servi de modèle pour la planche de cet ouvrage; ces spécimens portent de nombreux boutons, quelques-uns prêts à s'ouvrir, et cinq fleurs épanouies, dont une seule a conservé ses pétales. En Algérie, la floraison de VE. asplenioides commence, dans la seconde quinzaine d'avril, se prolonge jusqu'en juin et quelquefois la plante refleurit encore à l'automne. Suivant le Catalogue de Tunisie, la floraison de ce même Erodium s'étendrait d'avril à juin, à peu près comme en Algérie; or Desfontaines était à Sbiba vers le 10 mars et il avait très certainement quitté cette localité au plus tard le 15 du même mois ; il y a donc entre la date du séjour de Desfon- laines à Sbiba, l'état des échantillons de son herbier et l'époque ordinaire de floraison de cette espèce une discordance qui m'inspire d'autant plus de suspi- cion sur l'origine tunisienne desdits échantillons, que YE. asplenioides n'a jamais été retrouvé dans la Régence et que Letourneux, explorant les environs de Sbiba pour y constater les espèces du Flora atlantica, l'y a vainement cherché. ATRACTYLIS MACROCEPHALA Desf., AU., II, 253; Bonn, et Barr., Cat. Tun., 234 et 509. Cette plante problématique que personne n'a vue après Desfontaines et dont il n'existe, du moins sous ce nom, aucun spécimen, ni dans l'herbier spécial du Flora atlantica, ni dans l'herbier particulier de Desfontaines, aujourd'hui conservé au Musée de Florence, n'est qu'une forme à gros capitules de VA. gummifèra, L.; voici sur quels éléments j'appuie cette affirmation. On sait que Desfontaines rapproche son A. macrocephala de Y A. gummifèra, L., dont il le distingue par des caractères assez peu tranchés et dont le plus saillant serait la dimension du capitule deux fois plus gros (di/fert flore duplo majore) que dans VA. gummifèra (flos 3-5 cent.); or il existe dans l'herbier du Flora atlantica, parmi VA. gum- mifèra, mais sur une feuille spéciale, deux échantillons d'un Atractylis dont les gros capitules répondent assez exactement à la diagnose de la Flore; il est 374 BOTANIQUE donc à peu près certain que ces deux échantillons, confondus d'abord par Des- fontaines avec VA. gummifera (Act. Soc. hist, nat., Jour, de Fourcroy et herb.) ont été ensuite distingués comme espèce au moment de l'impression de la Flore atlan- tique; ils ne constituent, du reste, comme je l'ai déjà dit, qu'une forme de VA. gummifera. L.; des individus en tout semblables à ceux de Desfontaines se retrouvent en Algérie, en Grèce, dans les îles de l'Archipel et ailleurs. RELLIUM BELLIDIOIDES Desf., AU., II, 279; Bonn, et Barr., Cal. Tan. 207. Comme je l'ai démontré (Journ. de Bot., VII, 161), Desfontaines a mélangé dans son herbier des échantillons de Bellis radicans, Coss. et D. R., et de Bellium bellidioides, L.; les premiers seuls ont été récoltés en Tunisie; je n'ai pu déter- miner la provenance des seconds, mais la présence du B. bellidioides dans l'herbier du Flora atlantica démontre que Desfontaines a quelquefois volontai- rement introduit dans sa collection des plantes étrangères à la Régence. PINUS PINEA L., Desf., AU., II, 352; Barr. et Bonn., Cal. Tun., 494. Indiqué par Desfontaines : In regno tunetano, ce Pin n'est pas représenté dans l'herbier du Flora atlantica et n'est certainement pas spontané dans la Régence; il en existe, à Ja vérité, quelques individus plantés dans les jardins des environs de Tunis et les graines ou les cônes, importés d'Italie, se rencon- trent assez souvent dans les bazars ; les amandes du Pinier sont très employées par les confiseurs et les pâtissiers indigènes et il en était probablement de même à l'époque de Desfontaines ; c'est à ces circonstances, mal interprétées, que j'attribue la mention Pinus Pinea dans la Flore atlantique. M. T. DOUMEMÏÏE Professeur au Lycée d'Oran. LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L OUEST AU POINT DE VUE BOTANIQUE [581 9 (65)] — Séance du 2 avril 18'JC — PREMIÈRE PARTIE INTRODUCTION Lorsqu'on jette les yeux sur la tarie botanique de l'Algérie dressée par Cosson et Kralik. on s'aperçoit tout de suite que les Hauts-Plateaux de la F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANA1S DE l' OUEST 37S province d'Oran ont été à peine étudiés au point de vue botanique. Les deux relations de voyages de Cosson (1852 e! 1836) sont les seuls travau? remarquables qui donnent un aperçu général de la flore de celte région. Je dois pourtant rappeler que M. Trabut dans son catalogue D'Oran à Méchéria a cité, d'Aïn-el-Hadjar et de Méchéria, un bon 1 ibre d'espèces non encore signalées sur les Hauts-Plateaux. Mon regretté ami le docteur R. Clary a aussi donné les catalogues des plantes qu'il avait recueillies à Aflou et à Daya. Ces deux catalogues locaux ont un réel intérêt, mais les localités étudiées sont en dehors de la région que j'ai parcourue. Tel était à peu près le bilan des travaux publiés sur les Hauts -Plateaux oranais lorsque je résolus d'apporter ma contribution à l'œuvre qu'avaienl commencée mes savants prédécesseurs. Mais les recherches que je souhaitais pouvoir entreprendre devaient être coûteuses. Je m'adressai, en toute confiance, à l'Association française qui toujours prête cà aider les travailleurs, m'accorda une première subvention. Le Muséum de Paris m'en accorda deux autres les années suivantes. Grâce à la générosité de l'Association et à la puissante recommandation de M. Maxime Cornu, professeur-adminis- trateur au Muséum, j'ai pu faire, pendant trois ans, six voyages sur les Hauts-Plateaux. Que l'Association et M. Cornu veuillent bien agréer l'hommage public de ma plus vive reconnaissance. Je dois aussi des remerciements à tous ceux — et ils sont nombreux — qui ont facilité ma tache. Qu'ils veuillent bien me permettre de les nommer ici. Ce sont : M. Jeanmaire, recteur de l'Académie d'Alger; M. Chollet, alors directeur des Compagnies de l'Ouest-Algérien et de la Franco-Algérienne; M. le général Oudri, alors commandant le 2e étranger à Saïda; M. le comman- dant Reuillon, chef des Affaires indigènes ; M. de Vasselot de Régné, conservateur des forêts; M. le capitaine de Royer de Saint-Julien, commandant supérieur du cercle de Marnia, alors à Méchéria ; MM. les capitaines Poindrelle et Marignac, qui se sont succédé à l'annexe d'El- Aricha ; MM. les capitaines Fournier et Nottet, alors lieutenants à El-Aricha ; M. Alliot, administrateur de la commune mixte de Saïda; M. Boutièrcs garde principal des forêts à Sebdou ; M. S. Cormont, officier d'administration à El-Aricha. Que ceux que je pourrais oublier veuillent m'excuser. Je dois aussi des remerciements tout particuliers a mon ami, M. le capitaine Poirier, qui m'accompagna à Marliouin et à Tifrit. Enfin je n'oublierai jamais la généreuse et cordiale hospitalité que nous reçûmes chez MM. Marin frères, négociants en allas à Marboum. M. le docteur Bonnet qui préside celte année notre section m'a facilité l'étude d'une partie de mes récoltes. J'ai pu, grâce à lui, comparer avec 376 BOTANIQUE fruit un grand nombre de plantes aux échantillons de l'herbier du Muséum. Je le prie d'agréer de nouveau mes plus vifs remerciements. J'ai encore à m'acquitter d'une dette de reconnaissance envers M. Barralte, conservateur de l'herbier Cosson, qui a mis généreusement à mon entière disposition l'herbier de l'illustre maître. J'ai pu ainsi résoudre quelques autres difficultés. ITINÉRAIRES Voici maintenant rénumération des itinéraires que j'ai suivis et des localités que j'ai visitées. Premier voyage. — Du 26 mars au 9 avril 1893, je visite les environs d'Ain- el-Hadjar, Saïda, l'O. Saïda, Mozbah, 0. Sfid, Marhoum, Méchéria et le Dj. Antar. Presque tout ce voyage est contrarié parla pluie. Je devais de Marhoum gagner Raz-el-Mà. M. le commandant Reuillon, chef des Affaires indigènes, avait donné des ordres pour me faciliter ce voyage. Un incident survenu cà Saïda me fit renoncer, à regret, à ce projet. Deuxième voyage. — Du 20 au 23 mai, je visite Bedeau, la plaine et le Dj. Cheggaz, le Dj. Beguira et je rentre par Raz-el-Mà. Ce voyage fut favorisé par un temps magnifique. Je fis d'abondantes récoltes. Troisième voyage. — Le 18 juillet, je remonte à Bedeau, et je relève la flore estivale de la région. Le 24, j'arrive à El-Aricha. Le jour même je visite les environs et, le lendemain, je vais au Dj. Mekaïdou. Le 26, par une température de quarante degrés à l'ombre, je fais avec succès ma première excursion au Dj. Sidi-el-Aàbed. Cette montagne forme l'extrémité d'une longue chaîne que coupe la frontière marocaine. Nul botaniste n'y avait encore mis le pied. Je dois la réussite de cette importante excursion à la bienveillante protection de M. le capitaine Poindrelle, alors chef de l'annexe d'El-Aricha. Je ne saurais trop l'en remercier. Le soir, en rentrant, je trouve un télégramme m'annonçant la maladie de l'un des miens. Je rentre à la hâte, par Sebdou et Tlemcen, brûlant les trois étapes d'El-Aricha à Tlemcen en un jour. Quatrième voyage. — Le 18 mars 1894, je remonte à Saïda avec l'in- tention de gagner Frendah par Tifrit et Tagremaret. M. le colonel Oudri me fait conduire à Tifrit où je dois organiser ma petite caravane. Mais la pluie qui tombe depuis mon arrivée à Saïda ne cesse pas. Avec mon ami M. le capitaine Poirier qui m'avait précédé à Tifrit, nous restons bloqués, pendant douze jours, dans cette contrée déserte et à peu près abandonnée. Nous aurions même manqué du nécessaire si, par une délicate attention dont nous ne saurions trop le remercier, M. le colonel Oudri ne nous avait ravitaillés. Ce maudit temps m'empêchant d'aller de l'avant, je rebrousse chemin. Je rentre à Oran où un accès de fièvre me cloue au lit. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L'OUEST 377 J'avais appris une seconde fois, à mes dépens, qu'il est imprudent d'aller herboriser sur les Hauts-Plateaux avant le 15 avril. Cinquième voyage. — Ma tentative de gagner Frendah ayant échoué, je résolus de me borner à l'étude, de la partie occidentale des Hauts- Plateaux. Le 12 mai, je remonte à Bedeau. Je revois les environs et le Dj. Beguira. Le 15, je vais à El-Aricha. Je visite les environs, le Dj. Mekaïdou, le Mergueb. Le 19, je fais ma seconde excursion au Dj. Sidi-el-Aâbed, Cette fois sous la haute protection de M. le capitaine Marignac à qui je ne saurais trop témoigner ma reconnaissance. C'est grâce à l'autorité dont jouissait, dans cette contrée peu sûre, ce chef estimé que j'ai pu, sans incident grave, rayonner sur une étendue de vingt kilomètres. De ce voyage j'ai rapporté une grande quantité de plantes. Séjour à Tlemcen. — Obligé de conduire en convalescence à Tlemcen un de mes enfants, je passe les mois de juillet, août et septembre 1894, dans cette ville. J'en profite pour visiter les environs. Je recueille à peu près toute la flore estivale de la région. Sixième voyage. — Le 11 avril 1895, je remonte encore à Bedeau. Je revois les environs et tout spécialement le Dj. Beguira où je relève la flore printanière. Le 13, je vais à l'Oued Sba visité bien avant moi par Warion. Le 14, je pars pour El-Aricha. J'emploie l'après-midi à parcourir la plaine. Le lendemain, je passe toute la journée au Dj. Mekaïdou. Le 16, je vais dans le Mergueb, au sud-est d'El-Aricha, à la recherche du Vella glabresccns Coss., que je suis assez heureux pour retrouver. Le 17, je reviens pour la troisième fois au Dj. Sidi-el-Aâbed. Je fais une ample moisson et je rentre à El-Aricha. Le lendemain, 18, autorisé par l'autorité militaire à partir avec un convoi qui allait à Sebdou, je fais à pied presque tout le trajet en herborisant. Pendant le repos au gîte d'étape d'El-Aouedj, je visite la daya Fert. L'après-midi j'herborise encore jusqu'aux Trois-Puits. Mais la nuit approche il faut se hâter. i\ous montons tous sur le fourgon et, par un chemin abominable, nous dévalons au grand trot jusqu'à Sebdou. Je reste à Sebdou les 19, 20 et 21 avril. Je visite les Apôtres, les environs de la maison forestière de Mizab et le Dj. Taïhart. Je fais de magnifiques récoltes. Quel beau pays pour un botaniste! Que de nouveautés doivent renfermer tous ces replis montagneux et boisés ! Le 22, j'arrive à Tlemcen. J'emploie l'après-midi à parcourir les Cas- cades. Le lendemain je rentre à Oran. Ce voyage a été certainement le plus fructueux. J'ai rapporté de grandes quantités de plantes. Ces documents joints ta ceux du Tell et des Hauts- Plateaux, me permettent maintenant d'avoir un aperçu général sur la flore de la province d'Oran. 378 BOTANIQUE TOPOGRAPHIE Sur ce sujet, je serai très bref. Les cartes de l'état-major, la carte bota- nique de Cosson et Kralik et le Compendium donnent des détails suffisants sur la région que j'ai parcourue. Le seul point sur lequel il n'existe abso- lument aucun renseignement botanique est le Dj. Sidi-el-Aàbed. La tète orientale de cette chaîne de montagnes se trouve à dix-huit kilo- mètres environ à l'ouest d'El-Aricha. Son altitude, non mesurée, doit se rapprocher de 1.550 mètres. Elle dépasse donc celle du Dj. Mekaïdou, qui est de 1.442 mètres. Comme tous les massifs montagneux des Hauts-Plateaux de l'ouest, le Dj. Sidi-el-Aàbed a ses flancs abrupts couverts d'éboulis. 11 appartient d'ailleurs au même horizon géologique que les Dj. Mekaïdou et Beguira. La flore paraît toutefois y être plus riche en espèces. Les espèces rupicoles y sont assez nombreuses. Au sud et à l'est, le pied de la montagne et une partie des flancs sont parsemés de hautes broussailles de romarin, où se mêlent de nombreuses et grosses touffes de chêne ballote. Le Dj. Sidi- el-Aâbed est assez boisé. Le Dj. Beguira et le Dj. Mekaïdou ne le sont presque plus. Il y a au Dj. Sidi-el-Aâbed une bonne source, mais d'un débit très faible. C'est d'ailleurs le point où l'on va bivouaquer lorsqu'on fait cette excursion. Le reste de la chaîne, qui s'étend largement vers le Maroc, a une plus faible altitude. Il serait très intéressant à parcourir. Mais pour cela il faudrait camper à la source avec une bonne escorte militaire. Peut-être en trouverai-je l'occasion un jour. J'ai désigné sous le nom de plaine (pi.) du Cheggaz la plaine qui s'étend entre le Dj. Cheggaz, Raz-el-Mà et Bedeau. Sous le nom de plaine du Mekaïdou celle qui s'étend entre El-Aricha et le Dj. Mekaïdou. DEUXIÈME PARTIE CATALOGUE DES PLANTES RECUEILLIES SUR LES HAUTS-PLATEAUX DE L'OUEST DE LA PROVINCE D'ORAN DANS LA RÉGION DE L'ALFA OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES Le présent catalogue ne comprend (sauf une ou deux exceptions) que les plantes recueillies par moi sur les Hauts-Plateaux proprement dits. Les plantes de la région méridionale du palmier nain riy sont pas comprises. J'ai fait toutefois une exception pour certaines, d'Aïn-el-Hadjar, localité où quelques pieds isolés de Chamœrops humilis L., apparaissent encore. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORAXAIS DE L'OUEST 379 Plus à l'ouest, j'ai cité l'Oued Sba et le Dj. Taïhart, qui se trouvent sur la limite aord de la région de l'alfa. Dans ces deux localités le palmier nain n'existe pas. Je suis d'avis qu'il va lieu de retoucher la ligne de démarcation qu'a donnée Cosson, pour limiter au nord la zone des Hauts-Plateaux. Ces derniers, au point de vue botanique, doivent être séparés de la région montagneuse qui forme le Haut-Tell. Ils doivent être tout à fait en dehors de la région du palmier nain. .Mais pour établir la ligne de démarcation, il faudrait parcourir toutes les montagnes de la région du Haut-Tell. J'ai recueilli sur celte région des matériaux encore plus nombreux que ceux que j'énumère dans le présent travail. Ils feront l'objet d'une communication future. Il me faut avant les compléter. Il me faut aussi tracer, sur le terrain, la ligne de démar- cation que je proposerai pour limiter, au sud, la zone du palmier nain dans la province d'Oran. * * * Dans le présent travail, j'ai fait imprimer en caractères gras les espèces et variétés offrant un intérêt particulier pour la région que j'ai étudiée. Deux espèces sont inédites pour la flore d'Algérie; dix n'avaient pas encore été signalées dans la province d'Oran. A ces espèces viennent s'ajouter une dizaine de variétés que j'ai cru devoir séparer. Enfin j'ai étendu l'aire de dispersion géographique d'un grand nombre de plantes peu répandues. Quelques notes font suite au catalogue. Pour si imparfait que soit encore ce travail, il sera néanmoins facile de se convaincre que mes recherches n'ont pas été infructueuses. RENONCULACEES Clematis Flammula (L.), var. fragrans Ten. — Dj. Beguira. Thalictrum glaucum (Desf.). — 0. Saïda fin Herb. leg. Bousquet). Adonis microcarpa (DC). — Ce. (Note 1). — aestivalis (L.). — Bedeau. Ceratocephalus furfurasceus (Pomel.). — Ce. (Note 2). — falcatus (L.). — Aïn-el-Hadjar. Batrachium cœnosus (Guss.). — 0. Mekerra (Bedeau). — Baudotii (GG.) var. (luitans idi-el-Aàbed. Reboudianus Coss., var. — Marhoum, Bedeau. Gcssoni de Bge. — Bedeau : à l'ouest de la grande tranchée de la voie ferrée. — Rare, nummularioides (Desf.). — Aïn-el-Hadjar. incurvus (Desf.). — Aïn-el-Hadjar, Bedeau, El-Aricha, daya Fert. lbrm. albiflora. — El-Aricha à .Mekaïdou. — R. Psoralea bituminosa (L.). — Dj. Antar, Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aâbed. Vicia lutea (L.). — El-Aricha à Mekaïdou. — R. — calcarata (Desf.). var. cossoniana Batt. — Marhoum, Kersauta, plaine du Cheggaz. — — var. angustifolia Coss. ? — Bedeau : çà et là. Coronilla scorpioides (Koch.). — El-Aricha : Mergueb. — minima (L.). — Dj. Mekaïdou, Dj. Taïhart. — Pomeli (Batt.). — Dj. Antar. Hippocrepis scabra (DC). — Aïn-el-Hadjar, Bedeau, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi- el-Aâbed. — ciliata (Willd.). — Magenta (gare), Cheggaz, Dj. Sidi-el-Aâbed. Onobrychis argentea (Boiss.). — Bedeau, El-Aricha. — Ac. JIOSACÉES Potentiila reptans (L.). — 0. Sba. Poterium ancistroides (Desf.). — Aïn-el-Hadjar (0. Saïda), f)j. Beguira, Dj. Sidi- el-Aàbed. var. microphylla. — Dj. Antar. — Magnolii (Spach.). — Bedeau, Kersauta. CRASSILACÉES Sedum rubens (L.). — Dj. Beguira. — clusianum (Guss.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aàbed. — glanduliferum (Guss.). — Dj. Beguira. Umbilicus patens (Pom.), var. subsessiliflorus Nub. — Dj. Beguira, Dj. Sidi- el-Aàbed (.Note lit;. SAXIFRAGEES Saxifraga tridactyliles (L.). — Aïn-el-Hadjar. allantica (Boiss.j. — Aïn-el-Hadjar. globulifera (Desf.). — Dj. Sidi-el-Aâbed. OMI'.ELLIFEHES Eryngium campestre (L.). — Aïn-el-Hadjar. — iliciiblium (Desf.). — Aïn-el-Hadjar. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX OR AVAIS DE "L'OUEST 387 Hohenackeria bupleuril'olia (Fisch. et Mey). — El-Aricha: à L'ouest el près de la redoute. Scandix australis (L.). — l)j. Antar, l)j. Beguira, El-Aricha. — pecten-Yeneiïs (L.). — Bedeau. Aathriscus vulgaris (Pers.). — L)j. Mekaïdou. — AC. Bunium mauritanicum (Batt.). — Çà et là : moissons. Tragiopsis dichotoma (Pomel.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aâbed. Deverra Reboudii C. et DR. — Bedeau. Bupleurum protractum (Link. et Holïin.). — El-Aricha. — glaucum (Bobillard et Cast.). — El-Aricha. mauritanicum (Batt.). — Bedeau, Dj. Mekaïdou. Dj. Sidi-el-Aâbed. — spinosum (L.). — Dj. Sidi-el-Aàbed. rigidum (L.). — Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Si.li-el-Aàbed, lij. Taihart. Hippomarathrum crispatum (Pomel.), var. microcarpum Nob. — l»j. Me- kaïdou (Note 20). — Il existe une plante de ce groupe au Dj. Beguira que je n'ai vue qu'en feuilles. Ferula communis (L.). — Dj. Beguira. Dj. Mekaïdou. — Ar. — longipes (Coss.). — Dj. Mekaïdou. Elajoselinum Fontanesii (Boiss.j. — Dj. Mekaïdou. Torilis bifrons (Pom.). — Dj. Antar, Dj. Beguira. Caucalis daucoides (L.). — Plaine du Cheggaz, Dj. Taihart. Daucus parviflorus (Desf.). var. micranthus Pomel. — Dj. Beguira. Bifora testiculata (L.). — El-Aricha : lit de l'oued. CAPRIFOLIACÉES Lonicera implexa (L.). — Dj. Sidi-el-Aàbed, Dj. Mekaïdou. RLBIACEES Ç"ucianella palula (L.). — Bedeau, Dj. Beguira. Asperula hirsuta (Desf.). — Cheggaz, Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aâbed. — breviflora (Batt.), var. lœvis Batt. — Dj. Beguira. Galium tunetanum (L.). — Dj. Beguira. — litigiosum (DC). — Bedeau, El-Aricha (sud), Dj. Sidi-el-Aâbed. — Vaillantii (DC). — Dj. Sidi-el-Aàbed, Dj. Mekaïdou. — tricorne (\Yith.). — El-Aricha. Callipeltis cucullaria (DC). — Dj. Antar, Dj. Beguira, Dj. .Mekaïdou, |)j. Sidi- el-Aâbed. VALERIANKES Valeriana tuberosa (L.). — Aïn-el-Hadjar, Marlioum, Bedeau, lij. Mekaïdou Centranthus Clausonis (Pom.). — Dj. Antar, Bedeau, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou Dj. Sidi-el-Aâbed. Valerianella sleplianodon (Coss.j. — Bedeau, El-Aricha (sud). — Pomeli (Batt.). — Bedeau, Dj. Beguira. pumila (DC). — El-Aricha à Mekaïdou, Dj. Sidi-d-Aàbed. discoidea (L.). — Bedeau, Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. chlorodonta (C. et DR.). — Au sud d'El-Aricha. 388 BOTANIQUE DIPSACEES Scabiosa maritima (L.), var. ochroleuca Coss. — El-Aricha au Dj. Mekaïdou. — monspeliaca (L.)- — Bedeau, Dj. Beguira, Kersauta. COMPOSEES Bellis microcephala (Lge.). — C. daas l'alfa. — sylvestris (Cyr.). — Aïn-el-Hadjar, 0. Sba, Bedeau. Bellium rotundifolium (DC). — Marhoum. Iaula montana (L.). — Dj. Mekaïdou. Pallenis aurea (Salzm.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aàbed. — cuspidata (Pom.). — Dj. Antar. Evax Heldreichii (Pari.). — Bas-fonds au sud d'El-Aricha. Filago germanica (L.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aàbed. Micropus borabycinus (Lag.). — Bedeau, El-Aricha, Dj. Sidi-el-Aàbed. Phagnalon sordidum (DC). — Bedeau, Dj. Beguira. — rupestre (DC). — Dj. Autar, Dj. Sidi-el-Aàbcd. Helychrysum Fontanesii (Camb.). — Dj. Antar, Dj. Mekaïdou, Dj.Taïhart. Achillea spithamea (C et DB.). — Marhoum, Bedeau, Dj. Mekaïdou, etc. Santolina squarrosa (Willd.). — Plaine Cheggaz, El-Aricha, Dj. Sidi-el-Aàbed, daya Fert. Anacyclus clavatus (Pers.), var. discoideus Batt. — Cheggaz, Dj. Sidi-el-Aàbed. — Pyrethrum (Cass.), var. genuinum. — Aïn-el-Hadjar. — — var. subdepressus Nob. — Bedeau, El-Aricha (Note 21). Anthémis pedunculata (Desf.). — Aïn-el-Hadjar, El-Aricha, daya Fert. Chrysanthemum macrotum (DB.). — Dj. Antar, Cheggaz, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. Pyrethrum Maresii (Coss.). — Dj. Antar. Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. Artemisia Herba-alba (Asso.). — CC où l'alfa manque. Envahit tous les espaces où une exploitation immodérée détruit l'alfa. — Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi- el-Aàbed. Senecio atlanticus (B. et B.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Calendula arvensis (L.). — Dj. Sidi-el-Aàbed. — maroccana Bail. — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aàbed. Plante nouvelle pour l'Algérie. — acutifolia (B. et B.). — 0. Sba. Xeranthemum erectum (Presl.), var. australe Pomel. — Bedeau, El-Aricha. Steehelina dubia (L.). — Dj. Taïhart. Carlina involucrata (Poir.). — Bedeau. Atractylis ctespitosa (Desf.). — Çà et là dans les endroits pierreux. — polycephala Coss. — El-Aricha à Dj. Mekaïdou. Serratula propinqua (Pomel.). — Dj. Mekaïdou. Crupina vulgaris (Cass.). — Dj. Sidi-el-Aàbed. Centaurea incana (Lag.) non Desf. — Bedeau, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. — pullata (L.). — 0. Sba. — involucrata (Desf.). — Marhoum. — malinvaldiana (Batt.). — Dj. Antar. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L'OUEST 389 Centaurea pubesccns (Willd.). — Cheggaz, Dj. Mekaïdou. — acaulis (Desf.). — Bedeau. — — form. microloba Nob. — Bedeau (Note 22). Bhapontieum acaule (DC). — Bedeau, 0. Sba. Carduncellus plumosus (Pom.). — El-Aricha. Leuzea conifera (DC). — Cheggaz. Silybum marianum (Gaertn.) (an var.?). — Bedeau au Cheggaz. — Mes échan- tillons, recueillis sur un pied broulé, ont un aspect bizarre. — eburneum (Coss.). — Daya Fert. Onopordon acaule (L.). — Bedeau, El-Aricha, 0. Tameslouta, daya Fert. Carduus leptocladus (DR.). — El-Biod : gare. — macrocephalus (Desf.). — Bedeau : tranchée. Kaelpinia linearis (Pallas). — El-Aricha. Catananche caerulea (L.), var. obtusifolia Xob. (an sp. nov. ?). — Entre la daya Fert et les Trois-Puits, route de Sebdou. (Note 23). — — var. tennis Bail. — Dj. Antar. cœspilosa (Desf.). — 0. Sba, Bedeau, Taërziza, daya Fert. Kalfbussia Mulleri (Sch.). — Marhoum, Bedeau, El-Aricha. Asterothrix hispanica (DC). — El-Biod, Mécheria, Bedeau, El-Aricha, Dj. Taïhart. Spitzelia cupuligera (DR.).— Aïn-el-Hadjar. Podospermum intermedium (DC). — Bedeau, El Aricha, daya Fert. Scorzonera Alexandrina (Boiss.). — Mécheria, Bedeau, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou et plaine. — coronopifolia (Desf.). — Aïn-el-Hadjar. Taraxacum IaBvigatum (DC). — El-Aricha, daya Fert. — obovatum (DC). — Aïn el-Hadjar, Bedeau. — getulum (Pomel.). — Khreider. Lactuca viminea (Link.). — Bedeau, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou. — saligna (L.). — Dj. Beguira. Sonchus arvensis (L.). — Dj. Beguira. Zollikoferia spinosa (Boiss.). — Dj. Antar, Cheggaz, Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. angustifolia C et DR. — PI. Cheggaz, pi. d'El-Aricha. Picridium intermedium (Sch. Bip.). — Aïn-el-Hadjar. Crépis myriocephala (Coss.), var. intermedia Batt. — C. — taraxacifolia (Thuill.). — Marhoum. CAMPANLLACÉES Campanula Erinus (L.). — Ac. sur les hauteurs. Specularia falcata (DC). — Dj. Beguira. — B. ericacées Arbustus Unedo (L.). — Dj. Taïhart. JASM1NÉES Jasminum fruticans (L.). — Dj. Mekaïdou, Dj. Taïhart. Phillyrca angustifolia (L.). — Dj. Mekaïdou. 390 BOTANIQUE ASCLEPIADEES Apteranthes gussoniana (Mikau).— Dj. Beguira. — Je n'ai vu que des tiges non fleuries de cette plante. GENTIANÉES Erythraea Centaurium (Pers.). — Dj. Beguira. — R. CONVOLVULACÉES Convolvulus althaeoides (L.), var. pedatus My. — Dj. Sidi-el-Aâbed. . — lineatus (L.). — Plaine Cheggaz. El-Aricha. BORRAGINÉES Nonnea micrantha (B. et R.). — Aïn-el-Hadjar, pi. Cheggaz. pi. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aâbed. Alkanna tinctoria (Tausch.). — Aïn-el-Hadjar, plaine Cheggaz, El-Aricha. Myosotis hispida (Schlecht.). — Dj. Beguira. Dj. Mekaïdou, daya Fert. Lithospermum arvense (L.). — Dj. Antar, Bedeau, Dj. Mekaïdou. incrassatum (Guss.). — Dj. Sidi-el-Aàbed. — apulum (Vahl.). — El Aricha (Mergueb). Echium sericeum (Vahl.). — Bedeau, El-Aricha. — pustulatum (Sibth. et Sm.). — Du Cheggaz au Dj. Beguira. Bochelia stellulata (Reich.). — Bedeau, El-Aricha à Dj. Mekaïdou. Echinospermum spinocarpos (Forsk.j. — Bedeau, Cheggaz, El-Aricha, daya Fert. Asperugo procumbens (L.). — 0. Sba, El-Aricha. Cynoglossum cheiril'olium (L.). — Dj. Beguira. Solenanthus lanatus (A. DC). — Dj. Antar, Aïn-el-Hadjar, Marhoum. SOLANÉES Hyoscyamus niger (L.). — El-Aricha. — albus (L.). — Dj. Beguira. VERBASCACÉES Celsia laciniata ^oir.). — Bedeau. SCROPHLLARIÉES Scrophularia canina (h.). — Dj. Sidi-el-Aàbed, Dj. Mekaïdou. Anarrhinum fruticosum (Desf.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aàbed. Antirrhinum Orontium (L.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Linaria simplex. — Bedeau, El-Aricha, Dj. Sidi-el-Aàbed. — reflexa (Desf.), l'or m. lutea. — Bedeau. var. puberula Xob. — El-Aricha à Mekaïdou. (Note 24). — rubrifolia (Robillard et Cast.). — Plaine Cheggaz, plaine Sidi-el-Aàbed (Note 25). — macrocalyx il'om.). — Dj. Beguira. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS T)E L'OUEST 391 Veronica prsecox (AU.). — Dj. Sidi-el-Aàbed, Dj. Mekaïdou, etc. — rosea (Desf.). — Plaine Cheggaz, El-Aricha à Dj. Mekaïdou, plaine d'El-Aricha au Dj. Sidi-el-Aàbed. Odontitcs purpurea (Don.). — Dj. Sidi-el-Aâbed. Eufragia latifolia (Griseb.). — Aïn-el-Hadjar. OROBANCHEES l'iielippœa Scbultzii (Mutel.). — Dj. Beguira. Sur Carlina involucrata (Poir.). — Fraasii (Walpers.). — Dj. Beguira. Sur Hippomarathrum. LABIEES Tbymus eiliatus (Desf.). — Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. — hirtus (Willd.). — Dj. Beguira, Bedeau. Micromeria debilis (Pom.). — Dj. Antar. Zizyphora bispanica (L.). — Bedeau, Cheggaz, El-Aricha, etc. — C. Salvia phlomoides (Asso.). — Bedeau : tranchée, daya Pert. — verbenaca (Desf. non L.?). — Dj. Antar, El-Biod, Bedeau. Bosmarinus offlcinalis (L.), var. typicus Batt. — Dj. Antar, Bedeau, Dj. Me- kaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. Dj. Taïhàrt. Marrubium supinum (L.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Sideritis montana (L.). — Bedeau, El-Aricba, Dj. Sidi-el-Aàbed. — incana (L.). — Bedeau, El-Aricha, Dj. Mekaïdou. Lamium amplexicaule (L.). — Marhoum, El-Aricha, Dj. Sidi-el-Aàbed, Dj. Me- kaïdou. — bifidum (Cyr.?). — 0. Sba : forêt. (Note 26). Teucrium fruticaos (L.), var. lancifolium Dbx. — Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. — campanulatum (L.). — Bedeau au Cheggaz. — pseudo-chamfppitys (L.). — Bedeau, El-Aricha, Dj. Mekaïdou. Ajuga pseudo-Iva (Bob. et Cast.). — Bedeau. — chairuepitys (Schr.). — Bedeau, Kersauta. PR1MI [LACÉES Androsaxe maxima (L.). — Çà et là dans l'alfa. Asterolinum stellatum (Hoffm. et Link.). — C. Anagallis arvensis (L.). var. cœrulea. — Aïn-el-Hadjar, Dj. Sidi-el-Aàbed. — collina (Schousb.j. — Talus de la voie ferrée entre Bedeau et Baz-el-Mà. — Adventice? staticées Statice echioides (L.). — Plaine Cheggaz. Armeria atlantica (Pom.) var. tijpica (Batt.). — Aïn-el-lladjar. PLVNTAGINÉES Plantago coronopus (L.), var. rosuhtta Batt. — 0. Sba. — psyllium (L.). — Dj. Beguira, Cheggaz. — — var. — El-Aricha (Mergueb). 392 botanique globulariées Globularia Alypum (L.). — Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. CHÉNOPODÉES Beta Debeauxii (Clary). — Bedeau, Dj. Beguira. Blitum virgatum (L.). — Dj. Antar, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, El-Aricha. Echinopsilon muricatus (M. T.). — El-Aricha : village. Polycnemum Fontanesii (DB.). — Bedeau. Halogeton sativus Moq. — El-Aricha : village, au nord. POLYGOKÉES Bumex tingitanus (L.), var. laceras Batt. — Plaine Cheggaz. DAPHNÉACÉES Thymelaea virgata (Desf.). — Bedeau, Kersauta. nitida (Desf.). — Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed, daya Fert. Tartonraira (Ail.). — Entre El-Aricha et daya Fert, au nord de la daya. — microphylla (C. et DB.). — Mécheria. — hirsuta (Endl.). — Aïn-el-Hadjar. SANTALACÉES Thesium divaricatum (Jan.?). — Dj. Sidi-el-Aàbed. — Je n'ai pas vu les fruits. El PIIORBIACÉES Euphorbia helioscopa (L.). — Dj. Beguira, Kersauta. — sulcata (De Lens.). — Bedeau, Kersauta, daya Fert. — falcata (L.). — Dj. Beguira, El-Aricha : sud. Mercurialis annua (L.). — Dj. Beguira. CALL1TRICH1NÉES Callitriche stagnalis (Seop.). — 0. Mekerra (Bedeau). QUERCINÉES Quercus Ballota (Desf.). — Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. CONIFÈRES Pinus halepensis (L.). — Dj. Mekaïdou. — Il existe plusieurs beaux pieds de cette espèce sur le versant nord. Elle parait spontanée. JUN1PÉRACÉES Juniperus phsenicea (L.). — Dj. Antar. Callitris quadrivalvis (Desf.). — Dj. Beguira. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L'OUEST 393 ÉPHÉDRACÉES Ephedra nebrodensis (Tin. in Guss.). — Dj. Beguira, l»,j. Sidi-el-Aâbed. — fragilis (Desf.). — Dj. Sidi-el-Aâbed. POTAMÉES Potamogeton crispus (F,.). — 0. Sba. NAÏADÉES Zannichelia macrostemon (J. Gay). — 0. Sba, 0. Mekerra (Bedeau). ORCHIDÉES Opbrys lutea (Cav.). — Aïn-el-Hadjar. Orcbis papilionacea (L.). — Aïn-el-Hadjar. IHIDÉES Romulea Columnae (Seb. et Maur.). — Aïn-el-Hadjar, Bedeau. — Bulbocodium (Seb. et Maur.). — PI. Gheggaz. Iris alata (Poir.). — PI. Cheggaz, El-Aricha. — sysirincliium (L.). — Marhoum. Gladiolus byzantinus (Mill.). — Bedeau, Dj. Sidi-el-Aâbed. AMARYLLIDÉES Narcissus algirus (Pomel.). — Aïn-el-Hadjar. Corbularia monophylla (DR.). — Aïn-el-Hadjar; SMILACÉES Asparagus horridus (L.). — Dj. Beguira — acutilblius (L.). — Dj. Beguira. LILIACÉES Aspbodelus fistulosus (L.). — Bedeau, Dj. Beguira. — Rare. — cerasiferus (Gay). — Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aâbed. — acaulis (Desf.). — Aïn-el-Hadjar, 0. Sba. Phalangium algeriense (B. et B.). — PI. Bedeau, de Bedeau à El-Aricha et au delà. Allium margaritaceum (Sibth. et Sm.). — Dj. Mekaïdou. — arvense (Pari.). — Dj. Beguira. — Cupani (Raf.). — Bedeau, Dj. Beguira. Muscari comosum (Mill.). — Mécheria, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi- el-Aâbed. — maritimum (Desf.). — PI. Cheggaz. — neglectum (Guss.). — Aïn-el-Hadjar, 0. Sba. Scilla hemispheriea (Boiss.). — PI. Cheggaz, Dj. Sidi-el-Aâbed. — maritima (L.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aâbed. — undulata (Desf.). — 0. Sba. 394 BOTANIQUE Ornithogalum baeticum (Boiss.). — Aïn-el-Hadjar, daya Fert. — sessiliflorum Desf. — Dj. Beguira. Gagea fibrosa (DB. non Bœm. et Sch.j. — Sebdou. — foliosa (Bœm. et Sch.). — Marhoum, 0. Sba, Bedeau, Dj. Mekaïdou. — chrysantha (DB.). — Dj. Sidi-el-Aâbed. — reticulata (Bœm. et Sch.). — Aïn-el-Hadjar, Bedeau, El-Aricha, Dj. Sidi- el-Aàbed, daya Fert. Fritillaria oranensis (Pomel). — Dj. Beguira. Tulipa sylvestris (Desf.!). — Marhoum, Bedeau. El-Aricha.— Ac. dans l'alfa. — — forma multiflora. — Dj. Mekaïdou et ça et là dans l'alfa (Note 27). .FONCÉES Juncus glaucus (Erh.). var. laxiftorus Loret et Barr. — Bedeau. CYPÉRACÉES Scirpus Holoscheenus (L.). — El-Aricha : oued. Carex halleriana (Asso.). — 0. Sba. GRAMINÉES Lygeum Spartum (L.). — PI. Cheggaz. Phalaris minor (Betz.). — Dj. Mekaïdou. Lagurus ovatus (L.). — Dj. Beguira. Stipa tenacissima (L.). — L'alfa. — Couvre les Hauts-Plateaux. Très abondant dans les environs d'El-Aricha, où il est magnifique. — barbata (Desf.). — Dj. Beguira, El-Aricha (au sud). — parviflora Desf.). — Dj. Beguira. Milium caerulescens (Desf.). — Dj. Beguira. Trisetum flavescens (P. Beauv.). — Dj. Mekaïdou. Dj. Sidi-el-Aâbed. Avena barbata (Brot.). — Méeheria, Bedeau, Dj. Beguira. Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi- el-Aâbed, Dj. Taïhart. — clauda (DB.). — Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. — bromoides (Gn.). — Dj. Mekaïdou, Mergueb (El-Aricha). — australis (Pari.). — Bedeau. Arrhenatherum erianthum (B. et B.). — Dj. Mekaïdou. Echinaria capitata (Desf.). — Marhoum, Cheggaz, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el- Aâbed. Ammochloa pungens (Boiss.). — C. Cynosurus elegans (Desf.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Kœleria Salzmanii (B. et B.). — Bedeau, El-Aricha. — setacea (Pers.), var. ciliata Trab. — Bedeau. Avellinia Michelii (Pari.). — Kersauta, Dj. Mekaïdou,. Mergueb, Dj. Sidi-el-Aàbed. Ampelodesmos tenax (Lk.). — Entre Kersauta et Taërziza. — Rare. Sphenopus Gouani (Trin.). — PI. Cheggaz, El-Aricha. Schismus calycinus (C. et DR.). — Magenta : gare. Poa bulbosa (L.). — Marhoum, Dj. Beguira. El-Aricha, Dj. Mekaïdou. — — forma vivipara. — Dj. Beguira. Festuca Fenas (Lag.). — Bedeau : lieux humides. — arundinacea (Sch.). — Bedeau. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX OR AN AI S DE L'OUEST 395 Yulpia Myurus (Gm.). — Dj. Mekaïdou. — cynosuroides (Pari.). — Marhoum, Bedeau. Dj. Sidi-el-Aâbed. Broraus maximus (Desf.), var. minor Boiss. — Dj. Beguira. — rubens (L.). — Bedeau, Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Acàbcd. — squarrosus (L.). — Bedeau. — scoparius (L.). — Bedeau. Brachypodium distachyon (R. et Sch.), var. monostachyum Poir. — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Nardurus unilateralis (Buiss.). — Bedeau, pi. Mekaïdou. Dj. Sidi-el-Aàbed. Ctenopsis pectinella (Del.). — PI. Cheggaz. Wangenheimia Lima (Trin.). — Marboum, Bedeau. Sck'ropoa rigida (L.). — PI. Cheggaz, pi. Mekaïdou, Dj. Sidi-el-Aàbed. — divaricala (Pari.). — Bedeau. Lolium strictum (Presl.). — Dj. Beguira, Dj. Sidi-el-Aàbed. Triticum orientale (L.). var. macrostachyum Coss. — PI. Cheggaz. — squarro^um (Roth.). — El-Aricba : bas fond au sud, daya Fert. jEgylops ventricosa (Tausch.). — El-Aricha : sud. — cylindrica (Most.). — PI. Cbeggaz. Hordeum murinum (L), var. leptostachys Trab. — Cbeggaz, Dj. Beguira, El-Aricha. F.lymus Caput-Medusa' (L.). — PI. Cheggaz, Kersauta. F' M GÈRES Cheilanthes odora (Sw.). — Aïn-el-Hadjar, Dj. Antar, Dj. Beguira, Dj. Sidi- el-Aàbed. Adiantbum capillus-Veneris (L.). — 0. Sba. Ceterach officinarum (Willd.). — Dj. Sidi-el-Aàbed. CHARACÉES Chara faetida (A.-Br.). — 0. Mekerra (Bedeau). — — var. subhispicla Barr. — 0. Sba. TROISIÈME PARTIE NOTES Note 1. — Adonis microcarpa DC. Cette espèce est bien difficile à limiter. La grosseur des fruits, qui est très variable, décroît au fur et à mesure qu'on s'avance du littoral vers le Sahara. L'on ne peut considérer que comme une variété géographique YAdonis dentata de Delile. La ceinture de tubercules de l'achaine dans cette variété est d'ailleurs aussi très variable. Voilà pourquoi, quoique quelques-uns de mes échantillons des Hauts-Plateaux se rapprochent beaucoup de la var. dentata Del., je préfère admettre le nom d'A. microcarpa DC. 396 BOTANIQUE Note 2. — Geratocephalus furfuraceus Pomel. Cette espèce, intermédiaire entre les C. falcatus Pers. et C. orthoceras DC, est très abondante sur les Hauts-Plateaux. Elle se sépare de la première par ses achaines plus petits et par son épi plus étroit et plus allongé à la maturité. Elle se distingue de la seconde par son rostre courbé en faux et non droit. Je n'ai pas rencontré le C. falcatus Pers. sur les Hauts-Plateaux; mais je l'ai récolté à Aïn-el-Hadjar. Toutefois, la plante de cette localité offre des fruits plus petits que ceux de la plante de France. Note 3. — Batrachium Baudotii God. Cette plante m'a offert trois formes qui croissent pêle-mêle au même lieu : 1° Var. fluitans GG. à feuilles subtrifides ou trifides, à segments non distinc- tement pétiolulés. 2° Une forme petiolulatum de la variété précédente, à segments portés par des pétiolulés de 5 à 10 millimètres. 3° Var. submersum GG.? à feuilles supérieures réduites à des lanières très étroites (1 mill.) ou filiformes comme les inférieures. J'ai récollé cette dernière forme surtout en juillet; les autres en mai. J'ai un échantillon sur lequel les trois formes sont représentées. Ce qui prouve que les séparations établies sur la forme des feuilles sont de peu de valeur. Note 4. — Ranunculus chœrophyllos Auct. alg. non L. Espèce commune sur les Hauts-Plateaux. Elle se distingue nettement de R. flabellatus Desf. par les stolons filiformes qu'elle émet. Ses feuilles, très petites et flabellées, sont réduites à une ou deux. Elles manquent même parfois. Forma luxurians : i0 centimètres, robuste, à grandes feuilles raides, à segments relativement peu élargis. Lieux humides : Aïn-el-Hadjar. Note 5. — Papaver dubium L. var. glaucum Nob. Plante absolument glabre, le plus souvent grêle, d'un vert glauque, surtout en dessous des feuilles. Soies marginales rares et fines. Capsule plus courte que dans le type et relativement un peu plus large. Disque déprimé au centre, à huit rayons à divisions confluentes. Fleurs assez petites. Commune sur les hau- teurs : Dj. Beguira, Dj. Mekaïdou, Bedeau, etc. — Avril-mai. Il est étonnant que Desfontaines n'ait pas cité le P. dubium L. en Algérie. Il en sépare son P. oblusifolium qu'il distingue à ses foliis hirsutis, attribuant à la plante de Linné des feuilles moins hirsutes et une capsule plus courte. Les deux variations se rencontrent en Algérie et P. obtusifolium Desf. doit être rangé comme var. du P. dubium L. C'est ce qu'a fait avec juste raison M. Battandier (FI. Alg.). Note 6. — Fumaria parviflora Lam. var. lutea Nob. (an sp. nov. ?). J'ai de Bedeau un Fumaria bien intéressant. Ne l'ayant étudié que sur le sec je me borne, pour le moment, à le signaler à l'attention des botanistes. En F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L'OUEST 397 voici une courte diagnose. Fleurs petites comme dans F. parviflora (i mill.), d'un blanc fortement jaunâtre, à sommet taché de vert. Sépales encore plus petits que ceux du F. Vaillantii Lois., difficiles à trouver sur le sec. Bractées égalant ou dépassant le pédicelle. Ce dernier est robuste et a la longueur de la capsule. Fruit assez gros (2 mill de largeur), aplati sur les faces, un peu plus large que haut; base élargie (1 mill.), surbaissée dans la partie supérieure; sommet apiculé; pourtour parcouru par un pli marginal saillant; fossettes peu marquées. Plante glauque, rameuse à tiges nombreuses, angu- leuses. Feuilles à segments étroits et plans. Bedeau : moissons sur la rive gauche de l'O. Mekerra, v2 kilomètres au nord. — Avril-mai. Cette plante tient à la fois du F. Vaillantii Lois., du F. parviflora Lam. et du F. Trabuti Batt. Elle se rapproche du premier par ses sépales très petits; par les dimensions de ses Heurs, elle a quelque ressemblance avec le deuxième; enfin, par ses pédicelles, ses bractées et la dimension du fruit, elle a de grands rapports avec le troisième. Mais elle se distingue de lous par la couleur de ses fleurs et la forme du fruit. C'est peut-être cette plante que ses sépales excessivement petits ont fait signaler sous le nom de F. Vaillantii Lois. Dans tous les cas, la plante des moissons de Bedeau doit être nettement séparée de. F. parviflora Lam. Note 7. — Biscutella auriculata Auct. alg. non L. B. eregerifolia DC. var. papillosa \ob. Forme à siliques couvertes de papilles courtes, distinctes. — Avril-mai. J'ai rapporté à B. mauritanica Jord. des échantillons du Dj. Antar, Marhoum, Mécheria et Bedeau. Toutefois, la plante des Hauts-Plateaux oranais accuse des caractères moins nets que des échantillons à silicules très velues que je possède de Bordj-bou-Arreridj. Notre plante a les siliques couvertes de papilles longues, entremêlées de poils. Note 8. — Iberis Garrexiana AU. — Variétés. La plante que je rapporte momentanément à cette espèce n'a pas encore été signalée en Algérie. Elle existe pourtant dans l'herbier Cosson pêle-mêle avec les diverses variétés de 17. ciliata. Les échantillons sans fruits, recueillis par Warion à Nouala et étiquetés par Cosson, /. BaUmsœ, var. Tenoreana, appar- tiennent à /. Garrexiana. Toutefois, je dois faire remarquer que la localité de Nouala est portée dans le Compendium à la suite de la var. Taurica. Les échan- tillons de Nouala sont les seuls que possède l'herbier Cosson. Comme ils sont jeunes, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils aient échappé à l'œil perspicace de Cosson. En herbier, l'erreur est facile à commettre, surtout avec des échantillons in- complets et sans fruits. Pour moi, n'ayant pas vu les fruits, ce n'est que la différence dans les époques de floraison entre I. ciliata et /. Garrexiana qui a éveillé mon attention. Il est fort probable que les échantillons recueillis par M. Flahaut au Dj. Bc- guira et rapportés dans le Compendium à /. BaUmsœ appartiennent aussi à /. Garrexiana. M. Flahaut, ayant visité le Dj. Beguira en avril, n'a pu voir en 398 BOTANIQUE Heurs le véritable /. Balansœ qui fleurit un mois et demi plus tard. C'est 17. Garrexiana qui est en fleurs au Dj. Beguira dès les premiers jours d'Avril. En ce moment 17. Balansœ commence à peine à montrer ses rosettes de feuilles au Dj. Mekaïdoû. Me basant sur ces observations, je rapporte, momentanément, la plus précoce de ces deux plantes à /. Garrexiana Ail. Je dis momentanément, car je n'ai pu encore avoir des fruits mûrs pour affir- mer, en toute connaissance de cause, la justesse de ma détermination. Si les fruits de la plante des Hauts-Plateaux se distinguaient de ceux d7. Garrexiana AU. des Alpes, elle serait nouvelle. Il est bon de faire remarquer que 17. Garrexiana appartient à un groupe polymorphe, dans lequel les divisions établies ont été difficilement limitées. Les /. sempervirens L., I. Garrexiana AIL, /. sempervirens AU. non L., /. sem- pervirens Willd., /. Garrexiana DC, /. sempervirens Lap. sont tous bien \oisins. Les différences peu sensibles qui existent entre ces diverses variétés se retrou- vent dans les échantillons des Hauts-Plateaux oranais. Si on réduit les varié- tés ci-dessus énumérées à deux types : L sempervirens L. et /. Garrexiana AU. la plante algérienne doit être rapportée au Garrexiana AIL, sauf que les fruits l'en séparent. La plante des Hauts-Plateaux offre deux formes bien distinctes : 1° L'une à fleurs grandes, blanches, dépassant longuement le calice, à inflo- rescence s'allongeant un peu, longtemps après la floraison ; 2° L'autre à fleurs petites, à limbe violet, pétales courts, les plus longs dépas- sant seuls le calice, sépales bordés de blanc. L'inflorescence est presque entiè- rement violette et s'allonge beaucoup dès la floraison. Les deux variétés ont, en général, les rameaux feuilles jusqu'au sommet, tous dressés, à pubescence pruineuse, courte, serrée et bien distincte à l'œil nu. Le style est très saillant dans les jeunes fruits. La première forme se trouve surtout dans l'alfa. Elle s'élève un peu sur la base des montagnes. La deuxième forme habite les points élevé?, rocailleux et broussailleux des montagnes. Je les rapporte à deux variétés : 1° Var. macropetala Nob. — Dj. Beguira, El-Aricha (Mergueb), Dj. Mekaïdoû, dj. Sidi-el-Aàbed ; 2° Var. micropetala Nob. — Dj. Mekaïdoû, Dj. Sidi-el-Aàbed. Fleurs : avril- mai. Note 9. — Malcolmia africana IL Br. Je n'ai que deux tout petits échantillons de cette espèce provenant du Khrei- der. Ils ont 6 centimètres de hauteur. Leurs siliques, presque mûres, sont remarquables par la brièveté des pédieelles qui n'ont que 2 millimètres de lon- gueur. N 10. — Gistus confusus Nob. ; Cistus clusii Auct. alg. non Dunal. Depuis longtemps mon attention a été attirée sur la plante signalée en Algé- rie sous le nom de C. Clusii Dun. L'étude de mes échantillons d'herbier pro- venant de Boghar (Dbx), de Frendah, du Dj. Mekaïdoû, du Dj. Sidi-el-Aâbed m'a amené à douter delà présence du véritable C. Clusii Dun. en Algérie. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DU LOUEST 399 Les divers auteurs qui ont cité le C. Clusii en Algérie nie semblent ne pas avoir lu attentivement la description originale. Dunal (Bouquet Médit., p. 50) dit : « Pistillum sessile, ovarium oblongo-cylin- dricum, breviler hirsutum, griseo-albidum, stigma sessile ». Ln outre, l'excellente ligure de Dunal répond bien à la description. Or, je n'ai jamais trouvé les deux caractères ci-dessus soulignés dans les échantil- lons que je possède d'Algérie. J'ajouterai même que je ne les ai pas constatés dans des échantillons de Barcelone que m'a donnés M. Trémols. Dans tous mes échantillons l'ovaire, — à la Qoraison, — est subglobuleux, sensiblement plus large que haut; il porte cinq côtes bien visibles; le stigmate surmonte un style de 1 à i millimètres. 11 me semble donc que l'on a, jusqu'ici, attribué, à tort, au C. Clusii Dun. une plante très variable sous le rapport de 1' « indumentum » et de plusieurs autres caractères de peu d'importance. La plante d'Algérie me paraît n'être qu'une simple variété du C. Mumbyi Pomel, lequel varie entre le type d'Oran et le C. sebjera Pom. du Dj. Amour. Toutefois, pour la distinguer du C. Clusii Dun., je propose de la désigner sous le nom de C. confusus Nob., C. Clusii Auct. alg. non Dun., C. Libmiolis Desf.? non L. Le C. Libanotis de Desf. n'est probablement pas identique à la plante qui fait l'objet de cette note. L'illustre auteur du Flora Atlantica ne signale pas la plante de a SpUolam comme visqueuse. Note 12. — Helianthemum hirtum Pers. var. deserti Coss. Cette plante ne me semble pas devoir être rapportée en synonyme à ÏH. ere- nwphilum Pom. Cette dernière a « le style un peu plus court que le calice et dépassant de moitié les étamines ». Or, dans la plante qui abonde de Bedeau au Dj. Sidi-el-Aàbed, le style dépasse peu les étamines et n'atteint que la moi- tié des sépales. Si la description de Pomel est exacte, les deux espèces ne peu- vent être réunies. Note 11. — Helianthemum pergamaceum Pomel. Bonne espèce à séparer d'il, pifasum Pers. Se rencontre à Heurs blanches et Heurs roses dans les mêmes lieux. — Avril-mai. Non; 13. — Malva sylvestris L. var. Sur les escarpements sud du Dj. Beguira se trouve localisé un Mulva dont le faciès est très remarquable. Ses tiges sont droites, raides, élevées de 1 à 5 déci- mètres. Ses Heurs sont grandes el d'un violet intense; les pétales sont insensi- blement élargis de l'onglet jusqu'à la hauteur de la base de l'échancrure. Les pétales ont 20 millimètres de longueur sur 13 millimètres de largeur. L'échan- crure est large de 6 millimètres et profonde de 4. Les lobes des feuilles sont très obtus; les sinus, peu marqués, sont à peu près nuls dans les feuilles infé- rieures. Ces dernières sont presque peltées. Dans les autres les bords inférieurs sont parallèles ou forment un angle aigu. — Fruits glabres. Plante couverte, au moins dans les parties supérieures, de poils appliqués, la plupart bifurques. Cette variété se rapproche par ses feuilles du M. orbiculata Pom., mais elle s'en sépare par ses pédoncules assez nombreux el non pas seulement « géminés ». — Avril-mai. 400 BOTANIQUE Note 14. — Malva rotundifolia L. Cette espèce, signalée jusqu'ici avec doute en Algérie, paraît ne pas manquer sur les Hauts-Plateaux. Je l'ai récoltée au Khreider, à Bedeau, à El-Aricha. Ce n'est qu'à Bedeau que je l'ai rencontrée assez loin du village. La plante d'Algérie diffère de celle d'Europe par ses carpelles plus gros, for- tement pubescents, papilleux. — Avril. Note lo. — Dianthus virgineus GG-? Je rapporte avec doute à cette espèce les échantillons non fleuris que j'ai récoltés à Bedeau, au dj. Beguira et au Dj. Sidi-el-Aàbed. L'aspect de la plante est celui du D. siculus Presl., mais les feuilles la rapprochent du D. virgineus GG. Je ne puis me prononcer, manquant des éléments nécessaires à la déter- mination. Je cite la plante tout simplement pour en signaler la présence. — A recueillir lin mai-juin. Note 16. — Linum mauritanicum Pomel. Cette espèce, créée par M. Pomel qui n'a pu la rapporter rigoureusement ni au L. punctatum Presl., ni au L. austriacum L., a sa raison d'être pour ceux qui séparent déjà ces deux dernières plantes. Mais les différences subtiles qui existent entre les L. austriacum L. et L. punc- tatum Presl. ne permettent guère d'établir une séparation nette de la plante de M. Pomel. Aussi le L. mauritanicum Pom. me paraissant difficile à limiter, il serait peut-être plus rationnel de le rapporter en variété à l'une des deux autres espèces plutôt qu'en synonyme. Mais c'est précisément là que surgit la difficulté. La plante des Hauts- Plateaux ayant, avec chacune des deux autres, des rapports d'égale valeur, ou à peu près, on ne peut sûrement se prononcer. Toutefois, il est aisé de reconnaître que c'est avec le L. punctatum Presl. de Sicile (Herbier du Muséum de Paris) qu'elle a le plus de rapports. Les échantillons de L. aus- triacum Presl. de YHerbarium normale de Schultz s'en rapprochent aussi, mais, dans plusieurs exemplaires, ils ont les trois sépales extérieurs nettement ovales lancéolés, aigus. Un caractère de transition vers L. punctatum se trouve sur des échantillons des Hauts-Plateaux. J'ai une forme deMarhoum à sépales très obtus exagérant par conséquent les caractères du L. punctatum Presl. Une autre forme d'El-Aricha a les sépales extérieurs ovales lancéolés mais non aigus. Elle a donc des rapports avec le L. austriacum L. de YHerbarium de Schultz. En résumé, les L. austriacum L., L. punctatum Presl. et L. mauritanicum Pomel me semblent se rapporter à des variations d'une même espèce. Le plus rationnel serait donc de revenir à l'espèce linnéenne et d'établir les deux autres comme variétés. On aurait alors : Linum austriacum L. de YHerbarium normale. — var. punctatum (L. Presl.) de Sicile. — var. mauritanicum (L. Pomel) des Hauts-Plateaux. Si l'on admet les deux espèces de Linné et de Preslley il n'y a pas de raison pour exclure celle de M. Pomel. F. DOUMERGUE. — LES HAUTS PLATEAUX ORANAIS DE L'OUEST 401 Note 17. — Haplophyllum linifolium Jussieu, var. pustulatum Nob. Plante toute couverte de pustules, au moins dans la partie supérieure. Cheggaz près Bedeau. — Mai. Le type glabre se trouve en Tunisie et dans la province de Constantine. La variété se trouve aussi dans cette dernière province. Note 18. — Anthyllis sericea Lag. Cette belle espèce connue du Dj. Senalba, près Djelt'a (Exsicc. Bourgeau, q° :Mo) et de Tuggurt (Herb. du Muséum), n'avait pas encore été signalée dans la province d'Oran. Nul ne l'a citée au Maroc. La localité du Dj. Sidi-el-Aâbed est doublement intéressante, car cette chaîne de montagnes se prolonge dans le Maroc. D'après Wïllk., cette espèce aurait des fleurs « aurea ». C'est là une erreur, car celle espèce a les fleurs d'un blanc rosé. D'où vient l'erreur de Wïllk. ? Je l'ignore, Lagasca ne donnant pas la couleur des fleurs. La plante du Dj. Sidi-el-Aàbed diffère légèrement de celle de la localité ' lussique (Albarète) par ses calices plus grands. — Avril-mai. Note 19. — Umbilicus patens Pomel var. subsessiliflorus Nob. Les Umbilicus du Dj. Beguira et du Dj. Sidi-el-Aàbed se rapprochent de VUmbilicus patens Pom., mais ils en diffèrent par leurs fleurs bien étalées, presque aussi larges que longues, à pédicelles inférieurs courts, les supérieurs presque sessiles. — Mai. Note 20. — Hippomarathrum crispatum Pomel var. microcarpum Nob. Cette variété se distingue nettement de 17/. crispatum Pom. par ses fruits plus petits (7 à 8 mill. de long sur b à 6 de large), par ses vallécules larges et peu profondes. Côtes variables, subarrondies ou subaiguès mais non con- lluentes, à aspérités fines, distantes et courtes, raides, placées indistinctement sur les côles et dans les vallécules. Stylopode large et débordant nettement sur un sillon circulaire. Inflorescence en ombelle très composée. Folioles des invo- lucres et des involucelles de même longueur (5 à 6 mil!.), simples, lancéolées aiguës. Feuilles à divisions courtes (o à 10 mill.), étroites (1 à lmm,5), divariquées, anguleuses en dessous, aiguës et couvertes d'une pubescence très courte et lâche. La var. microcarpum a probablement de grands rapports avec la var. brachylobum liait, et Trab. (FI. £Alg., p. 358), mais elle s'en distingue par plusieurs des caractères cités plus haut. Elle est intermédiaire entre H. crispatum Pomel et la var. brachylobum Batt. et Trab. — Dj. Mekaïdou. — Juin-juillet. Note 21. — Anacyclus pyrethrum Cass. var. subdepressus Nob. Piaule bien semblable à A. depressus Bail. Elle s'en distingue par ses achaines tous triangulaires, par ses ligules blanches extérieurement ou peu rosées et par ses capitules un peu plus gros. Cette plante est bien intermédiaire entre le* A. Pyrethrum Cass. et A. depressus Bail. Cette dernière n'est d'ailleurs, à mon avis, qu'une variété géographique de la première. 26* 402 BOTANIQUE La var. subdepressus devient de plus en plus commune à mesure que, de Bedeau, on se dirige vers l'ouest. Le type, qui est commun dans le haut Tell, sur la limite nord des Hauts-Plateaux, à Aïn-el-Hadjar, 0. Sba, etc., à Marhoum, manque à Bedeau et à El-Aricha. Il se retrouve à Sebdou. Je crois donc qu'il y a lieu de réunir l'A. depressus Bail, comme variété à A. Pyrethrum. On aurait alors : Anacyclus Pyrethrum Cass. — 1° var. genuinum (A. Pyrethrum Cass.) # — 2° var. subdepressus Nob. — 3° var. depressus (P. Bail.). Note 22. — Gentaurea acaulis Desf. forma microloba Nob. Diffère du type de Desf. par ses feuilles fortement découpées, bipinnatiséquées, à lobes petits, inégaux, les plus grands incisés. — Bedeau. - Mai. Note "23. — Catananche caerulea L. var. obtusifolia Nob. (an sp. nov. ?) J'ai récolté en feuilles entre la daya Fert et les Trois-Puits, sur la route d'El- Aricha à Sebdou, un Catananche certainement bien distinct de toutes les formes signalées jusqu'à ce jour. Ses feuilles radicales, en rosettes, sont velues argentées sur les deux faces : les primordiales entières, oblongues, subobtuses, atténuées en un pétiole aussi long que le limbe; les secondes lyrées, subarrondies au sommet, portant deux à quatre paires de pinnules circulaires vers le milieu de la feuille. Limbe aussi large que long. Les troisièmes feuilles sont plus allongées et de- viennent spathulées. Elles restent subobtuses. Cette plante doit fleurir vers la fin mai. Note 24. — Linaria reflexa Desf. var. puberula Nob. Plante velue, à fleurs jaunes moitié plus petites que dans le type du Tell qui est à fleurs blanches. — El-Aricha à Dj. Mekaïdou. — Mai. Celte plante n'est nullement L. agglutinons Pomel. Note 25. — Linaria rubrifolia Robillard ! et Castagne. MM. Batlandier et Trabut {FI. Alg., p. 645) donnent au L. rubrifolia Roberr? et Cast. le L. minor Desf. comme synonyme. Or il est impossible de réunir ces deux espèces qui sont bien distinctes. La plante décrite par Desf. est bien celle de Linné. Maintenant est-il certain que Desfontaines n'a pas vu le véritable L. minor L.? Nul ne peut l'affirmer. Rien n'autorise l'adoption de la synonymie proposée par M. Ballandier. Note 20. — Lamium bifidum Cyr. ? J'ai de 10. Sba une plante malheureusement trop jeune pour être sûrement déterminée. Elle semble intermédiaire entre les L. bifidum Cyr. et L. hubridum o. LIGN1ER. — LA FLEUR DES CRUCIFÈRES i03 Vill. Elle est plus voisine de la première. — Lisière de la forêt à 1"0. Sba. — Avril-mai. Note 27. — Tulipa sylvestris Des!', (an L.?) T. celsiana Red. in DC? et form. multiflora. La plante des Hauts-Plateaux (Bedeau à El-Aricha) diffère nettement de celle d'Oran (T. fragrans My.) Elle ne s'identifie pas non plus complètement avec T. Celsiana Red. D'ailleurs, les descriptions originales étant insuffisantes, il est difficile d'établir les limites de séparation. Tout ce que je peux dire, c'est que la plante uniflore des Hauts-Plateaux est identique à celle de l'Herbier de Desfontaines (Mascara). Elle a les anthères au plus égales aux filets. La capsule est relativement étroite. De Bedeau à El-Ari- cha, cette plante porte très souvent deux fleurs. Il n'est pas rare de trouver des pieds portant trois fleurs, form. multiflora. J'en ai un qui en porte quatre : Dj. Mekaidou. — Avril. A Oran, T. fragrans présente quelquefois deux tleurs. M. 0. LIGUEE Professeur à la Faculté des Sciences de Caen. LA FLEUR DES CRUCIFÈRES COMPARÉE A CELLE DES FUMARIÉES [58 3 123] — Séance du 2 avril 1896 — J'ai, à plusieurs reprises (I), montré l'importance particulière qu'en anatomie végétale il convient d'attribuer à la forme générale du réseau libéro-ligneux dans la feuille et de son prolongement dans la tige. J'ai même considéré ce réseau comme constituant l'unité libéro-ligneuse dont la répétition à des niveaux successifs produit le système libéro-ligneux du rameau tout entier, et je l'ai désigné, d'abord, sous le nom de système (1) Beckerches sur V anatomie comparée des Calycanthées, des Mélaslomacées et des Myrtaeées Arch. Dot. du nord de la France (Lille, 1886-87). — De l'importance du système libéro-ligneux foli anatomie rr,rialr ,<:. n. ac;k1. des se. juillrt 188*;. — De l'influence que la symétrie de la tige exero sur la distribution, le parcours et les contacts de ses faisceaux libéro-ligneux (Bull. Soc. Linn. de Xorm., 1889). — De la forme du système libéro-ligneux foliaire chez les Phanérogames (Bull, de la Soc. Linn. de Xorm.. — Bech. sur l'analomie des organes végétatifs des Lécythidacées [Bull. Se. de la France et de la Belgique, Paris, 1890-88). 404 BOTANIQUE libéro-ligneux foliafre puis, plus récemment sous celui de mériphyte (1). Les mériphytes successifs d'un même rameau répondent tous à un même type général qui est celui de l'espèce à laquelle appartient ce rameau et qui est particulièrement bien caractérisé dans ses feuilles moyennes (feuilles maxima normales). Cependant ils sont susceptibles de variations souvent très grandes et spécialement dans les feuilles les plus modifiées telles que les bractées et les écailles pérulaires. Frappé de voir que, malgré de nombreuses recherches basées sur la morphologie, l'organogénie, l'analomie, et la tératologie, l'interprétation de la fleur des Crucifères était restée jusque dans ces derniers temps l'objet de nombreuses discussions, je résolus de reprendre son étude ana- tomique en m'aidant de la notion du mériphyte. Les premiers résultats obtenus m'amenèrent bien vite à admettre sur l'organisation de cette fleur une opinion totalement différente de toutes celles qui avaient été émises jusqu'à ce jour; aussi désirant vérifier ces résultats je fus amené à étudier de la même façon la fleur des Fumariées qui semblait s'y rattacher intimement mais avec une structure plus primitive. On sait déjà par les belles recherches de M. Léger (2) que le mériphyte foliaire des Fumariées comprend trois faisceaux longitudinaux dans la ré°ïon qui correspond à la base de la feuille. D'ordinaire ces trois faisceaux rentrent dans la couronne de la tige soit en s'accolant les uns aux autres, soit simplement côte à côte ; plus rarement (Eypecoum) ils s'écartent davantage de façon à laisser d'autres faisceaux de la couronne s'intercaler entre eux. J'ajoute qne des faits semblables se retrouvent dans l'appareil végétatif des Crucifères. De même que ceux des feuilles normales les mériphytes des feuilles modifiées de la fleur montrent ces trois faisceaux basilaires, et une telle disposition se retrouve aussi bien chez les Crucifères que chez les Fumariées. De même aussi les variantes présentées par les mériphytes des différentes feuilles de la fleur consistent surtout en un écarlement plus ou moins grand des trois faisceaux basilaires. Une même feuille florale de Fumariée (comme de Crucifère) renferme donc toujours dans sa base trois faisceaux longitudinaux. Mais tandis que ceux des feuilles inférieures (bradées, sépales et quelquefois pétales) se réunissent en un seul pour rentrer dans la couronne normale du torus, ceux des feuilles supérieures (quelquefois pétales, étamines, carpelles) restent plus ou moins écartés les uns des autres vers le bas et rentrent isolément dans la couronne. Les variations en ce sens se font d'ailleurs, (1) Explication de lu fleur des Fumariées d'après son analvmie (C. R. Acad. des Sciences, 9 inai> 1896). (2) L.-.I. Léger. Rech. sur l'appareil végétatif des Papavéracées Juss.{Mém. de la Soc. Linn. de Xornxutdic, vol. XVIII, 1894 • (). LIGNIER. — LA FLEUR DES CRUCIFÈRES 405 dans chaque Heur, progressivement de la base de cette fleur vers son sommet, de telle façon que l'insertion libéro-ligneuse des mériphytes supérieurs (ceux des carpelles) occupe toujours une surface de 180 degrés. Quelquefois même cette largeur d'insertion de 180 degrés est déjà acquise par les mériphytes du verticille staminal (Hypecoum, quelques Crucifères à quatre étamines). En somme donc, l'étude de la base du mériphyte prouve que la surface d'insertion des feuilles florales est d'autant plus large qu'elles appartiennent à un verticille plus élevé, et aussi que dans le ou quelquefois les verticilles supérieurs les feuilles opposées sont connées (puisque leur insertion est de 180 degrés). En outre, chaque feuille florale de ces deux familles tend à diviser son limbe en trois lobes plus ou moins profonds et cette trilobation, nulle dans les verticilles inférieurs, est progressivement plus accusée dans les verti- cilles supérieurs. C'est ainsi que chaque feuille carpellaire est, aussi bien chez les Crucifères que chez les Fumariées, composée de trois lobes connés dans leur longueur et dont le médian seul est fertile (bourrelet placentaire). Chaque feuille staminale est de même trilobée jusqu'à la base (Dicentra, Hypecoum, Crucifères (1) : mais elle peut aussi ne l'être qu'à son sommet (androphores des Fumaria et Corydalis): Les feuilles du verticille sous-jacent aux étamines ne sont trilobées, chez les Fumariées, que dans le genre Hypecoum et encore ne le sont- elles pas jusqu'à la base ; les trois lobes y restent toujours attachés sur un pédicelle commun. Mais, par contre, ces mêmes feuilles sont toujours, chez les Cru- cifères, trilobées jusqu'au torus, de telle sorte que les lobes s'y montrent entièrement indépendants les uns des autres (2) et que, par suite, ils ont toujours été considérés comme appartenant à des verticilles différents : les lobes latéraux sont colorés et forment ce qu'on appelle vulgairement les pétales ; les lobes médians restent verts, ce sont les petits sépales. En résumé, l'étude de la fleur des Fumariées basée sur la connaissance du mériphyte donne l'explication facile de particularités qui avaient été jusque-là incomprises ou discutées. Chez les Crucifères, elle fournit une explication entièrement nouvelle de la fleur. Elle montre, en outre, que dans ces deux familles, considérées dès longtemps comme voisines, la fleur est loin de présenter les différences de structure que l'on admet généralement. La fleur y est, au contraire, bâtie sur le même plan et les différences ne consistent qu'en des variantes sans grande importance. Aussi les formules (1) Ainsi les six élamines télradynames des Crucifères n'appartiennent pas à deux verticilles alternes mais à un seul verticille de deux feuilles trilobées. Les lobes latérauxde cesfeuilles(étamineslongues) sont, il est vrai, insérés plus haut que les lobes médians (étamines courtes); mais cela n'a rien qui puisse étonner. Les bords d'une feuille s'insèrent souvent plus haut sur la tige que son milieu. Nous verrons plus loin que le même fait se reproduit pour les pétales ilobes latéraux des petits sépales des mêmes Crucifères. (2) C'est la répétition à peu près textuelle de ce que nous venons de voir dans le verticille staminal où les étamines peuvent être soit coalescen tes en un androphore, soit complètement isolées. 406 BOTANIQUE des bourgeons floraux de ces deux familles peuvent-elles être superposées de la façon suivante : Fumariées : 2B, 2S, 2P, 2P', 2E, 2C«. Crucifères: 0, 0, 2S, 2(«,+p), 2(3e) 2C. Six verticilles de feuilles opposées y alternent régulièrement, les deux verticilles inférieurs des Crucifères étant avortés.. M. Emile BELLOC à. Paris. APERÇU DE LA FLORE ALGOLOGIQUE D'ALGERIE, DE TUNISIE, DU MAROC ET DE QUELQUES LACS DE SYRIE [589.3 (61) — Séance du 2 avril 1896 — Il y a quelques années, me trouvant en Algérie, je voulus utiliser mon séjour sur le continent africain à étudier sur place la flore algologique des eaux douces, des eaux thermales et des eaux salées de notre belle colonie. A cette époque déjà lointaine, les excursions hors de la zone littorale n'étaient pas toujours sans danger pour un Européen voyageant isolément. Néanmoins, des circonstances favorables m'ayant permis d'entreprendre une assez longue course dans la région saharienne septentrionale de la zone des Hauts-Plateaux, au sud des provinces de Constantine et d'Alger, j'explorai rapidement les cholts, les sebkhas et différentes sources ther- males et d'eau douce de cette partie de l'Afrique. En 1888, à l'issue du Congrès de l'Association française pour l'Avance- ment des Sciences tenu à Oran, un des membres les plus distingués de l'Académie de Médecine de Paris, M. le professeur Raphaël Blanchard, voulut bien mettre à ma disposition une partie des récoltes faites par lui au cours de l'une des excursions qui suivirent ce Congrès. Un ami regretté, M. Bovier-Lapierre, jeune naturaliste attaché à la mission que M. Teisse- renc de Bort accomplit dans la partie méridionale de la province de Constantine, jusqu'en Tunisie et au golfe de Gabès, me rapporta égale- ment des récoltes fort intéressantes. (i) Les lettres majuscules B, s. P, E, C, corespondent à chaque feuille florale (bractéale, sépaloïde pétaloïde, staminale ou carpellaire) simple ou lobée; les lettres minuscules s, p, e, représentent les lobes de ces feuilles lorsqu'ils sont isolés et caractérisés comme pièces spéciales. É. IiELLOC. — FLOUE ALGOLOG1QUE D'ALGÉRIE, TUNISIE ET MAROC 407 Après avoir soumis ces différents matériaux à une longue élude, je fis connaître le résultat de nies premières recherches dans une série d'articles publiés par la Revue Biologique du Nord de la France (1). L'éminent algologue, M. le docteur Edouard Bornet, membre de l'Institut, ayanl bien voulu m'offrir son remarquable travail sur les Algues de P.-K.-A. Schouzbœ, récoltées au Maroc et dans la Méditerranée, j'en donnai un extrait. Il en fut de même pour la notice : Sur lei Algues d'eau douce récoltées en Algérie, par M. C. Sauvngcau, professeur à la Faculté de Lyon, et pour la Liste des Algues marines et d'eau douce récoltées jus- qu'à ce jour en Algérie, publiée par M. le docteur F. Debray. D'autres listes, telles que celles données par C. Montagne et, plus récemment, par M. Matteo Lanzi, et aussi par MM. G.-B. de Toni et D. Levi Morenos, m'ont permis de dresser les tableaux suivants, qui résument l'état actuel de nos connaissances algologiques dans la partie septentrionale du continent africain. Ce sont donc mes recherches personnelles et les travaux précités qui ont servi de base au groupement générique ci-dessous. Les détermina- tions ont été faites avec un soin scrupuleux et, dans certains cas parti- culiers, j'ai eu recours aux connaissances spéciales de M. P. Hariot, auquel je tiens à adresser ici tous mes remerciements, surtout en ce qui concerne la détermination des espèces douteuses. GROUPEMENT GÉNÉRIQUE DES ALGUES D'EAU DOUCE d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, récoltées jusqu'à ce jour. NUMÉROS d'ordre des tribus NOMS DES TRIBUS c a £ ~ 06 îj. S c _ - '_ il Y X 0 P HYCE 1 Chroococcacea: Rab. 1 » — 2 0 — 3 4 „ — 5 » — G " - 8 9 10 NOMS DES GENRES Cliroococcus Naeg. . . . Glœocapsa kuir. Glœolhece Naeg Aphanocapsa Naeg. . . Michroloa Bréb Clathrocystis Henfrey. . Merismopedia Meyerr. . Synechococcus Naeg. . . Syneehocystis Sauvageau Entophysalis Kûtz. . . . .1 reportei . NOMBRE des l ! i Emile Bei loc : Recherches sur les Algues des eaua douces, 'les eaux thermales et des eau: d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, suivies dune liste tir* Diatomées fossiles ei d'un aperçu de la Floride dialomique marine littorale (Rev. Biol. du Nord, 5« année, 1893, et suivantes). 408 BOTANIQUE NOMS DES TRIBUS NOMS DES GENRE* MYXOPHYCEjE, Stizenb. (Suite). Cham.-esiphonac.e Borzi. Vagin ARIE.E Gomont. Lyngbïoide.f. Gomont. OsCILLARIOIDE.E ("iomont. Rivulariace.e Rab. SCYTONEMACE E Rab. Nostoce.e Kiitz. 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 Report. Dermorarpa Crouan. . . Schisothrix Kùtz. . Microcoleus Desmaz. Symploca Kiitz. . . Lyngbya Agardh. . Phormidium Kiitz. . Oscittatoria Vaucher. Spirulina Turpin. . Amphithrix Kiitz Tapinothrix Sauvagea». . Calothrix Agardh Dichotrix Bornet et Flahaut Rivutarix Roth Scytoncma A g. . . Hassallia Hass. . Tolypothrix Kiitz. Xostoc Vaucher Anabœna Bory Cylindrospermum Ralfe. CHLOROSPERME.E, Harv. CONFERVOIDE.E Ai 30 31 32 33 34 35 36 37 38 3) 40 41 Œdogonium Link . Bulbochœte Ag. . . Sphœroplea Ag. . . Phycopellis de Toni Ylothrix Thuret. . Chlorolyllium Sehranl Chœtophora Schrank. Coleochœte Bréb. . . Draparnaudia Ag. Stigeoclonium Kiitz. Conferva (Ag.) Linl Cladophora Kùlz. . .1 reporter. y O M H K E des Espaces Variétés 14 1 H 10 1 1 1 6 2 1 1 2 5 3 5 129 É. BELLOC. — FLORE ALGOLOGIQUE D'ALGÉRIE, TUNISIE ET MAROC 409 10 \i 13 L4 15 16 \o.MS DES TRIISUS o « £ a a c * g 5o a a S chlorospebmi; K SlPHONEjE. ProtococcoidejE. CONJUGATE.E. Bacillarie.i:. Porphyres. Lemaneace. Helmintiioce.vdioce*: Schmitz. 42 43 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 NOMS DES GENRES Harv. (Suite). Report . . Vauckeria 1>. C Phyllosiphon Eudorina Ehr Pandorina Ehr ('•nu ium .M h 11 Eematococcus A^r Hydrodictyon Roth. . . . Scendesmus Me) on. . . . Pediastrum Meyen. . . . Raphidiv/m Kiitz Tetraspora Ag Glœcystis Nasg Palmella Lyngb Daclijlococcus Naeg. . . . Stichococcus Kœg Pleurococcus Meneg. . . . Trochisda Protococcus A g Euglena Mougeotia Ag Zyynema Ag. (p. parte) de Bary Spirogyra Link Closterium Nitzcli Penium Brébisson .... M icrasteria s Agardh.. . . Euastrum Ebr Cosmarium Corda Calocylindrus du Bary . , Slaura&trum Meyen. . . Le* DialoiniVs i|ui cijnipuscnl i elle grande tribu seront groupées dan le tableau Buivant, i-'LOR in e.i: 72 73 74 75 76 Goniotrichum Kiitz. . . Lemanca Bory Sacheria AudoninelUi Bory . . . Comp8opogon Bàtrachospernum Rotb A reporter. des Espèces 235 410 BOTANIQUE o a 3 -- n — 17 .NOMS DES TRIBUS 5 bc — ai NOMS DES GENRES FLORIDE.E (Suite,). Squamariace^e (.T. Ag.) Schmitz. n Repoil. Hildbrandia Nardo. . . Total. Tribus. Genres. Les Algues continentales récoltées jusqu'à ce jour, en Algérie, en Tunisie et au Maroc, peuvent être divisées en : Ainsi réparties : i Espèces . . NOMB R E des Espèces 235 1 236 17 77 Variétés Total. 236 5 241 Au tableau qui précède, il faut ajouter les Diatomées continentales recueillies dans les eaux douces, les eaux thermales et les eaux salées d'Algérie, de Tunisie et du Maroc, que voici : GROUPEMENT GÉNÉRIQUE DES DIATOMÉES 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 lî 13 14 15 .NOMS DES GENRES ACHNANTES A.MPHORA Camptlodiscu cocconeis . colletonem a CrCLOTELLA Ctmatoplecp Cymbella . Denticula . DlATOMA. . Encyone.ua. Epithemia . EUNOTIA . . Fragilaria gomphone.ma A reporter NOMBRE des Espèces Yarielês Soit : 56 Espèces . Variétés . 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 130 j 13 NOMS DES GENRES Report . Grammatophora Mastogloia . . Melosira . . Navicula . . NlTZSCHIA . . Pleurosigm.v . RoiCOSPHENIA. Stauronels . Stephanooisci^ surirella . . Synedra. . . Tabellaria . Terpsinoe . . Vanheurckia. Total Total : 143 M OMBRE des Espèces 56 1 5 3 15 19 6 1 3 1 9 8 1 1 1 130 13 É. BELLOC. — FLORE ALGOLOGIQUE D'ALGÉRIE, TUNISIE ET MAROC 411 Le tableau ci-contre montre donc que cette florule diatomique se com- pose de 143 espèces ou variétés. Parmi les genres qui ont fourni le plus grand nombre d'espèces différentes, il faut citer les suivants: Nitzschia, \acirnla, Surirelia, Achnantes, Synedra, Gomphonema, Amphora, Cym- bélla, Pleurosigma, Mastogloia. Néanmoins, ce groupement ne préjuge rien quant à la quantité des individus.- En effet, si l'on considère les genres Achnantes, Campylodiscus, Cymbella, Mastogloia, Synedra, etc.. très répandus dans toutes les eaux septentrionales du continent africain, on voit que les espèces appartenant à ces différents genres sont infini- ment plus nombreuses comme diversité de forme que comme nombre. Le catalogue détaillé de ces 143 espèces de Diatomées vivantes, con- tenant leur diagnose et leur habitat, a été publié dans la Revue Biolo- gique du Nord de la France (t). Les Diatomées fossiles et celles qui vivent actuellement dans la partie marine littorale, dont l'étude est depuis longtemps terminée, feront l'objet d'une publication spéciale. FLORE ALGOLOGIQUE DU LAC DE T1BÉR1ADE ET DES LACS DE SYRIE. En attendant de donner un travail complet sur la Flore si intéressante' et si peu connue des lacs de Syrie, je vais résumer très succinctement les éludes que j'ai faites à ce sujet (2). Le docteur Théod. Barrois, professeur à la Faculté de Médecine de Lille, publia, en 1894, sous le titre de Contribution à l'étude de quelques lacs de Syrie (S), un ensemble d'observations remarquables sur l'histoire naturelle de ces bassins lacustres. Ses recherches portèrent principalement sur l'étude de la matière vivante pélagique, à laquelle les Allemands ont donné le nom un peu barbare de Plankton, et aussi sur la faune géné- rale, sur la température et sur la topographie de ces vastes étendues d'eau. C'est grâce à lobligeance du savant professeur de Lille que j'ai eu communication d'un très grand nombre de matériaux d'étude, re- cueillis par lui en Syrie Ces matériaux renfermaient une certaine quantité d'espèces algologiques fort intéressantes.' Malheureusement, la plupart des Chlorophyceœ (Zyg- uema, Spirogyra, etc.) étaient indéterminables, par suite de leur séjour prolongé dans l'alcool, sans doute. La majeure partie des Desmidiées avaient subi le même sort. Les Diatomées, au contraire, étant en bon état (•() Emile Belloc : Catalogue raisonné des Diatomées ricmiics, récoltées jusqu'à ce jour itans les eaux d'Algérie^ '-' 0 CO2 ~~ïT C,„. Cl, ., , ,i <" «* 21 févr. Jaune vcrdâlre. 05,1 74.9 1,27 2:1 févr. Vert jaunâtre . 28,3 21,1 1,16 il » » 54,7 45.2 1,21 25 d Jaune verdâtre. 16,4 15,8 1,04 23 » Jaune [>3. 15 21 — 56,2 25 — 54 , 7 30 — 5i-,65 1 r mars. 48,85 5 — ;o » 0 — 45,9 0 — 50,95 ( ul.nKATlON Vert S cri jaunâtre. Jaune verdâtre Jaune 4/5 jailli.', I -i Ihiiii. \, ï jaune, l i bran. Brune 95, 111, 90, 101, 83, 81, 67, 59, 66, ii- 113; 66, 104 92 57. 36, 2:!, 2 18,5 17 » CO2 0,84 1,67 0,87 1,09 1,55 2.21 2,92 3,21 3,88 INDICATIONS ANALYTIQUES SOMM IIRE5 Acides non volatils, sucre, amidon, pas d'acides volatils. Acides volatils apparais- sent. Acides non volatils dimi- nuent, sucres augmen- tent, amidon diminue, acides volatils augmen- tent. ) Plus d'acides non volatils, sucres diminuent, plus d'amidon, maximum des acides volatils. DEUXIEME SERIE BANANES VERTES — POIDS : 77 Gr. 37 POIDS : 75 Gr. 70 CO2 0 POID CO2 S : 77 ÎR. 07 DATES COULEUR CO2 0 CO2 G CO2 O O CO2 Il ' . n cub. ce,, cl,. . ,, cub. cm. cil). ■ e„ cul,. C.U. Cl, 23 janvier. Vert 10.51 21,0 0,07 15,4 23,3 0,66 20,5 31 » 0,66 21 — » 22,2 24,7 0,90 27,1 29,8 0,91 31,0 32,9 0,96 25 — Vert jaunâtre. 39,3 21,9 1,79 16,9 29,2 1,50 54,4 32 o 1,70 20 - » 64,9 00.7 1,07 58 » 54 » 1,07 09,i 66,1 1,05 27 — » 73,5 71,4 1,03 62,6 62,0 1 » 09. i 72,3 0,96 28 — » 03,1 65,7 0,96 58,1 59,9 0,97 02,1 65,3 0,95 29 — s 62,6 65,9 0,95 03,1 60 » 0.96 69,3 72 •' 1 U , M ^ , 0,96 30 — » 50,6 50, 1 1,01 51,2 51,7 0,99 56,7 60,4 0,94 31 — 00,1 07.5 0,89 5i,2 54,2 1 » 01,5 64,5 1 » 1« février. J> 55.9 59,4 0,94 64,65 68,1 0,95 2 — » 63,6 (12,9 1,01 00,7 70,7 1,06 3 — i :i jaune, l; :i bran. 57.5 52,7 1,09 03,2 55.9 1.13 5 — Brun 72.7 58,1 1,25 84,5 5 i . 2 1,50 0 — » ti2.i 16,9 1,33 72,48 52,1 1,39 n — » 65,2 15,2 i.30 50,21 12,9 3,*9 15 — 71,5 15,9 1,48 ■J., 418 BOTANIQUE Les chiffres de ces tableaux montrent que le quotient respiratoire ne devient supérieur à l'unité que lors de l'apparition des acides volatils ; mais déjà il existe une forte proportion de sucre, surtout du saccharose. 11 ne semble donc pas y avoir de rapports entre la formation du sucre et l'augmentation du quotient. Cette dernière augmentation se fait par poussées successives. Dans les bananes inscrites sur ces tableaux, on ne constate que deux poussées; dans d'autres, nombreuses, dont j'ai également suivi la maturation, il y avait trois poussées, autant que de carpelles au pistil, et, dans toutes les bananes, la section faite après une, deux, trois poussées, indique au centre d'un, de deux, des trois carpelles une portion plus molle, plus transparente, plus parfumée. Si nous comparons les quantités de CO2 dégagé et d'O fixé par heure et par kilogramme de fruit aux quotients respiratoires correspondants, un fait CO2 nous frappe : c'est la diminution de l'oxygène absorbé quand — s'élève. 11 y a donc contraste absolu avec les alkekenges. Il semble dans les bananes que L'aug- mentation du quotient respiratoire indique la substitution d'une façon nouvelle de vivre des cellules à l'ancienne ; et cette nouvelle modalité vitale n'est pas une oxydation aussi forte ; c'est peut-être même une simple asphyxie, une manifes- tation morbide d'un groupe de cellules ; quand ce groupe cellulaire limité à un carpelle a fini de vivre en ne dégageant guère que de l'acide carbonique, le quotient respiratoire des cellules des deux autres carpelles reparaît normal, puisque ces cellules n'ont pas encore atteint la période de dégénérescence ; — redevient inférieur à 1, jusqu'à ce qu'un deuxième carpelle étant mûr le phénomène précédemment signalé se reproduise; enfin, quand le troisième carpelle se trouve dans le même état, toutes les cellules tendant à mourir n'absorbent plus que d'infimes quantités d'oxygène indiquées par les dernières lignes des deux tableaux. Toutes les parties d'une même banane : épicarpe, mésocarpe fibreux, pulpe entourant les graines avortées, ont-elles la même façon de vivre ; ou bien Les particularités signalées plus haut sont-elles caractéristiques des cellules sucrées de la pulpe ; ne sont-elles pas partiellement masquées même par les manifes- tations vitales de la partie fibreuse du fruit? C'est ce que nous aurons à envisager dans notre prochaine communication, et alors viendra plus utilement L'étude détaillée de l'analyse de ces fruits, analyse dont nous n'avons consigné que quelques résultats généraux dans le premier tableau. III. — GROUPE DE FRUITS A ACIDES VOLATILS ET NON VOLATILS Vu la rareté des fruits de cette Broméliacée, il ne nous a pas été possible de faire les deux séries de respiration des alkekenges et des bananes. Trois ananas, à bractées vertes, ne répandant aucun parfum, sont séparés de leur tige et mis dans des flacons clos à respirer à l'étuve à 30 degrés. L'un analysé aussitôt après la première respiration nous donne la composition des ananas non mûrs ; les deux autres restent dans les appareils jusqu'à ce que leurs écailles deviennent rouges et qu'un parfum agréable se dégage ; le troisième ananas est alors analysé et nous connaissons ainsi la composition d'un fruit mûr. Tandis que le premier fruit offrait une chair dure, non parfumée sauf au centre même, le troisième avait une chair molle, succulente, très odorante. b' C. GERBER. — MATURATION DES FRUITS CHARNUS ACIDES 419 ANANAS 1, VERT. POIDS : 645 GRAMMES. Co2 Date: 12 mars. GO2 par kilogramme et par heure : 28cm:i5. 0 : 28cm3,8. — = 0,99. 1 Vert. . 3 Rouge. MATIÈRE SECHE SOLUBLE INSOLUBLE 52,14 129 » 5,4 2,925 Différence, . . ■+• 2,572 ACIDK CITRIQUE ACIDES VOLATILS LIBRES AVANT SAPONIF1I M ION 0,6464 0,3172 0,1579 0,3472 APKKS SAPONI1 Ii, 1TION 1,097 0,405 0,268 0.407 0.3009 —0,1893 -0,692 —0.139 I Vert. 3 Rouge. RAPI'OliT MOLÉC1 LAIRE ACIDES VOLATILS f _ 8 b — 1 f_ LQ b ~ 1 Différence. . ALCOOLS Mll.,1 , 0,7 9,6 •r.lim. cil,: trace- 0,2 RED1 I - TEURS 25.91 20,71 KES TOTAL NON RÉDUC - TEURS EH GLLCOiE grammes. 18,03 45,02 ls.7i 16,58 0,1 —0,2 0,80 — 0,71 1,56 420 BOTANIQUE L'examen du premier tableau montre que la courbe des respirations présente en deux points des quotients supérieurs à l'unité, ce qui n'existait qu'en un seul point chez les alkekenges et les bananes. Si nous ajoutons que, correspon- dant à ces quotients supérieurs à l'unité, il y a tantôt augmentation et tantôt diminution d'oxygène; si, de plus, en jetant les yeux sur le deuxième tableau, nous constatons la diminution notable de l'acide citrique, l'augmentation paral- lèle et dans les mêmes proportions des sucres, la présence des acides volatils et des alcools, nous aurons peut-être quelque droit d'émettre l'hypothèse que dans la façon de respirer des ananas on retrouve mélangés celles des deux premiers types étudiés. Nous ne voulons pas tirer de conclusions plus fermes, car l'ananas vert possédait déjà des acides volatils et des sucres, et si la rareté des sujets nous a empêché de nous adresser jusqu'ici à des fruits plus jeunes et sans acides volatils, il n'en est pas moins vrai qu'une partie très importante de la courbe nous fait défaut, et nous espérons bientôt pouvoir combler cette lacune. Cela est d'autant plus important que l'examen du quotient respiratoire des pommes et poires parfumées semble nous indiquer très nettement la juxta- position absolue des courbes respiratoires des alkekenges et des bananes. Le tableau suivant en est la preuve. Il a été obtenu avec une pomme reinette du Canada mise à respirer quelques jours après avoir été cueillie. DATE C02 0 DATE 0 DATE COJ 0 l81 décembre . . . 2 3 — ... 8 — ... 1.03 1,09 1,05 1,22 10 décembre. . . . 12 — . , , . 14 — . . . . 17 — .... 1,15 1,15 1,07 o,nn 21 décembre. . . . 28 — .... 2 janvier 10 0,90 1.07 1,03 1.03 ■1.11 Une deuxième pomme présentant la même maturité, goûtée le 1er décembre, indique une saveur acidulé, non parfumée, pas d'acides volatils ni d'alcools. Le 10 janvier, au contraire, la pomme mise à respirer était à peine acidulée, très sucrée et parfumée. Les acides volatils ont été déterminés : acide formique et acide valérianique ; les alcools étaient : alcool éthylique avec traces d'alcool amylique. En résumé, on voit que les fruits charnus acides ont trois façons diffé- rentes de respirer et qu'il y a une relation très étroite entre la nature des acides contenus dans ces fruits et leur quotient respiratoire. Les fruits qui n'ont que des acides citrique, malique, tarlrique, etc., c'est- à-dire non volatils, voient leur quotient respiratoire, primitivement inférieur à l'unité devenir supérieur à 1 quand les acides diminuent tandis que les sucres apparaissent et augmentent ; ce quotient redevient inférieur à l'unité au moment où les sucres restent stationnaires ou diminuent. GAUCHERY. — SUR IN MELIANTHES HYBRIDE 421 Les fruits qui n'ont que des acides volatils (formique, acétique, butyrique, valérianique, etc., combinés à des alcools pour former des éthers, voient leur quotient respiratoire, primitivement inférieur à l'unité, s'élever égale- ment avec la formation des acides volatils ; néanmoins, une grande différence existe entre la façon de respirer de ces deux groupes de fruits: les premiers consomment, à l'époque de la maturation, d'autant plus d'oxygène que leur quotient est plus élevé ; les seconds en absorbent d'au- tant moins que ce quotient est plus fort. Enfin, les fruits qui possèdent des acides non volatils et des acides volatils, c'est-à-dire qui ont une saveur acidulé et parfumée réunissent en eux les modalités respiratoires si différentes des deux premiers groupes. M, GAÏÏCÏÏEEY SUR UN MELIANTHUS HYBRIDE [580J. — Séance du 3 avril 1896 — Le genre Melianlhus est une Sapindacée (Planchon, Bentham, Hooker) du Cap, possédant trois espèces distinctes : les Melianlhus major, Me- nant lias minor et Melianlhus comosus. L'hybride, dont la structure anatomique fait l'objet de ce travail, nous a été gracieusement offert par M. Bornet, qui l'a obtenu expérimentalement au jardin Thuret, à Antibes, en fécondant le Melianthus comosus par le Melianlhus major. Voici d'après De Candolle (Prodromus systematis naturalis regni vege- tabilis), quelle est la diagnose différentielle des deux générateurs : Melianthus major L. foliis utrinqueglabris, stipulis maximis cum peliolo et inter se unicam coaltis. Melianthus comosus Val h. foliis superne villosis, subtus tomentosis, sti- pulis distinctis. Bacemi infra foliacei, flores alterni, bractete cordata», capsubi' incarne. L'hybride obtenu rappelle le M. major par le port, l'aspect, les dimen- sions des feuilles et des bractées, l'état glabre de la face supérieure des feuilles et l'absence de tomentum à la face inférieure. 422 BOTANIQUE Au contraire, les stipules distinctes, la forme lancéolée des folioles, les dents droites et à sinus assez ouvert, les fleurs alternes en grappe simple sont autant de caractères qui le rapprochent du Melianthus comosus. A ces caractères tirés de la morphologie externe, il est intéressant d'ajouter les caractères anatomiques. Tige. — La tige des Melianthus major et comosus est cannelée. En coupe transversale, elle nous montre un contour anguleux à angles obtus très marqués dans le Melianthus major, peu accentués dans le Melianthus comosus. L'hybride possède les cannelures du M. Major, mais beaucoup moins prononcées. Structure de la tige du Melianthus major. — Elle diffère absolument de celle du Melianthus comosus. Elle possède un anneau ligneux subcontinu, composé de fibres lignifiées disposées en files radiales et entourant de gros vaisseaux, peu nombreux. Du côté interne, cette zone ligneuse forme des faisceaux très nettement séparés en différents points. Chacun de ces faisceaux se compose, outre les fibres ligneuses déjà nommées, d'un parenchyme non lignifié, avec de gros vaisseaux disséminés sans ordre dans son intérieur : cà sa face interne s'adosse un arc de parenchyme périmédullaire à petites cellules lignifiées. Telle est la structure de l'anneau ligneux. En dehors de lui, le liber forme une zone ininterrompue de petites cellules polygonales plus ou moins irrégulières. En dedans, la moelle comporte de grandes cellules polygonales lignifiées dans sa zone externe. C'est dans cette zone externe que se trouvent des faisceaux isolés, arrondis sur la coupe transversale, tantôt complets, tantôt incomplets. GAUCHERY. — SLR UN MELIANTIIUS HYBRIDE 423 Il y a, en effet, des faisceaux uniquement formés de fibres lignifiées, d'autres composés d'un petit îlot de cellules de parenchyme entouré de iil.res ligneuses disposées en files régulièrement concentriques : d'autres, enfin, plus internes généralement, comportent à l'intérieur, des vaisseaux entourés d'un parenchyme non lignifié, et à l'extérieur du liber entouré de toutes parts par des fibres ligneuses. Cette structure de la tige du AJelianthus major se complète par une écorce différenciée très nettement M-C per Kb Fia. 2". en deux zones : l'externe à petites cellules régulièrement alignées, l'interne à cellules beaucoup plus grandes, polygonales, irrégulièrement disposées. La première de ces zones a son maximum d'épaisseur au niveau des angles de la tige, tandis que la seconde est uniforme comme épaisseur . Bien différente est la structure de la tige du Melianthus comosus. L'anneau libéro-ligncux est beaucoup plus développé. Le bois ne forme 424 BOTANIQUE plus les faisceaux nettement séparés du Melianthus major : à la face interne cependant, on en distingue assez facilement, surtout au niveau des légères cannelures de la surface. Les vaisseaux du bois sont éparpillés dans toute la hauteur de l'anneau, plus abondants à la partie interne, et circonscrits par des libres ligneuses, qui les groupent en faisceaux assez mal déli- mités, comme il vient d'être dit. En dehors de l'anneau ligneux, le liber se dispose en faisceaux assez nets, et qui se superposent aux faisceaux ligneux ci-dessus décrits; il forme des cellules plus régulièrement disposées que dans le premier cas. En dedans de l'anneau ligneux, la zone përimédullaire, à larges cellules polygonales irrégulières, lignifiées, ne possède pas les faisceaux complets et incomplets du M. major. Enfin, les cellules de la zone corticale interne sont polygonales de très grandes" dimensions, celles de la zone corticale externe, régulières, plus grandes que dans le M. major. Dernier caractère, l'épiderme est hérissé de poils étoiles à deux ou trois branches. Le Melianthus hybride offre un mélange des caractères anatomiques empruntés aux parents. La zone corticale interne à grandes cellules, le liber par la forme de ses éléments, sa disposition en faisceaux correspondants aux faisceaux du bois, la surface de la tige hérissée de poils, sont autant de caractères qui rappellent le Melianthus comosus. Au contraire, les faisceaux complets et incomplets disséminés au milieu d'un parenchyme lignifié à grandes cellules, l'individualité plus marquée de chaque faisceau et sa constitution anatomique le rapprochent du Melianthus major. Il faut cependant ajouter que chaque faisceau ligneux, ayant les carac- tères anatomiques propres au Melianthus major, offre le développement de ceux du comosus. AXE FLORAL Melianthus major. — Il possède un pédicelle floral irrégulièrement circulaire sur la coupe, avec quelques angles saillants. Le cylindre central se compose d'un anneau continu de péricycle et de faisceaux libéro-ligneux dont le rîombre est toujours supérieur à dix, disposés assez régulièrement en cercle. Chaque faisceau comprend un petit îlot de liber assez mal délimité, et quelques vaisseaux épars. Son côté interne est renforcé par un arc de collenchyme très développé. GAUCHERY. — SUR ON MELIANTHUS HVHRIDE i:2.'> Enfin, l'écorce se différencie en une zone interne à grandes cellules polygonales, et une zone externe à cellules plus petites régulières. Melianthus comosus. — Son pérîicelle est hérissé de longs poils simples, unicellulaires. Sur une coupe, il affecte la forme d'un dcmi-cer.cle. Son cylindre central se compose comme précédemment de péricycle, de faisceaux libéro-ligneux et d'une moelle à petites cellules. Chaque faisceau est bien distinct par son liber aussi bien que par ses vaisseaux et ne possède pas l'arc de collenchyme que l'on observe dans le M. major. L'écorce possède deux zones non distinctes. Dans le Melianthus hybride, la structure est absolument celle du Melian- thus comosus; elle rappelle vaguement major par l'écorce un peu plus développée et le contour moins arrondi. De plus, cet hybride possède les poils unicellulaires de comosus, mais en très petit nombre. PÉTIOLE Le pétiole du Melianthus major en coupe transversale est à peu près losangique, avec des angles très arrondis, l'inférieur proéminant davantage. Comme sur la tige, on remarque des cannelures. M Fis. 3. C In.. ::' Les faisceaux libéro-ligneux sont nombreux. Chacun d'eux comprend un arc de péricycle; plus en dedans, un arc de liber très riche, puis du bois à gros vaisseaux disséminés au milieu d'un parenchyme ligneux non lignifié et accompagnés de quelques fibres vers la périphérie. A leur partie interne, ces faisceaux confinent h un arc de parenchyme périmédullaire légèrement lignifié qui leur est intimement adossé. En outre, on trouve comme dans la tige des faisceaux incomplets disposés sans ordre. Le pétiole du Melianthus comosus de dimensions moindres est à peu près losangique ; mais à l'angle supérieur s'ajoutent deux ailes, section des prolongements limbiques. 426 BOTANIQUE Le nombre des faisceaux libéro-ligneux est beaucoup plus restreint; leur disposition est régulière, les plus petits en haut, et leur structure est la suivante : arc péricyclique; liber à éléments irréguliers comme calibre ; bois très développé à vaisseaux nombreux, disposés radialement au milieu de nombreuses fibres ligneuses. Le parenchyme de ce pétiole est à grandes cellules, contrastant avec celui du Melianthus major. Un autre caractère qui n'existe que dans le M. comosus, est la présence de petits poils étoiles entremêlés de plus grands et formant feutrage. Comparativement à ces deux types, ['hybride rappelle le pétiole du Melianthus major, légèrement modifié. Les contours sont ceux du M. major, si ce n'est une petite gouttière qui termine l'angle supérieur, limitée par deux petits prolongements, repré- sentant des ailerons du .1/. comosus. Les faisceaux libéro-ligneux sont disposés sans ordre; leur structure est celle du M. major. Quelques-uns sont incomplets comme dans celui-ci. Le parenchyme est à grandes cellules et la surface est hérissée de quelques rares poils. LIMBE Les nervures du Melianthus major en coupe transversale sont plus saillantes sur la face inférieure que sur la face supérieure : le parenchyme qui entoure le faisceau libéro-ligneux devient légèrement collenchymateux, au contact des deux faces du limbe. Celles du Melianthus comosus, au contraire, très saillantes à la face inférieure, sont marquées par une dépression à la face supérieure; le parenchyme qui entoure le faisceau libéro-ligneux lui forme comme un pédicule à sa face supérieure et ne se différencie pas en collenchyme. Dans l'hybride, la disposition est celle du Melianthus comosus, avec une légère modification en rapport avec la densité des vaisseaux du bois et l'épiderme à cellules aplaties et cylindriques du ,1/. major. La structure anatomique du limbe des deux générateurs offre des carac- tères différentiels insuffisants pour donner lieu à des comparaisons. Par contre, la comparaison des épidémies fournit des résultats très intéressants. L'épiderme supérieur est formé de grandes cellules à contours très sinueux dans le M. major, à peu près rectilignes dans le M. comosus. De plus, dans la première espèce, on trouve quelques stomates et dans l'autre des poils à deux ou trois branches très longues, irrégulièrement disséminés. L'hybride possède l'épiderme du .1/. major. La même conclusion résulte de l'étude des cellules épidermiques de la face inférieure. Mais tandis que dans le M. major il y a quelques rares poils unicellu- (.AUnkliY. — SUR UN MELIANTHUS HYBRIDE 427 laires, dans le M. comosus, un véritable feutrage recouvre toute la surface inférieure de la feuille. Les poils qui le forment sont de petites dimensions, le plus grand nombre à quatre brandies, et au milieu d'eux, s'en trou- vent de plus grands, également étoiles. Le M. major donne à l'hybride, ses cellules à parois sinueuses et le comosus quelques rares poils étoiles de petites dimensions. Ainsi donc, le M. major a sans contredit transformé complètement l'épiderme foliaire du comosus (1). La conclusion qui résulte de cette étude est la suivante : La fécondation croisée du Melianthus comosus Valb. par le Melianthus major L. crée un hybride, le Melianthus major-comosus Bornet, dont les caractères anatomiques traduisent l'affinité avec chacun des générateurs. u L'examen de 108 hybrides, provenant de la fécondation croisée du Papaver Dubium parle Papaver Rhœas, nous a fourni les résultats suivants : h.-, us 7i cas, l'épidiTin.' rappelait nettement le P. Mucus: dans 21 cas, il rappelait nettement le y. Dubium, et dans 16 cas, il était impossible de se prononcer. 428 BOTANIQUE Mais, en se plaçant au point de vue des variations dans l'espèce, il est intéressant de remarquer que l'influence du Melianthus major sur le Melianthus comosus porte plus particulièrement sur certains tissus, épidémie de la feuille et formations épidermiques, faisceaux du bois, tandis que l'écorce, le liber, la moelle sont peu ou pas modifiés. M. Henri JUMELLE Mailre de Conférences à la Facullé des Sciences de Marseille. LE SAKHARÉ [580 — Séance du 3 avril 1896 — Le Sakharé (en langue souson) est un Figuier qui, paraît-il, est assez commun en Guinée française, dans la brousse. Il ne me semble cepen- dant pas avoir été signalé jusqu'ici, autant que j'en puis juger par les échantillons, un peu incomplets, il est vrai, que j'ai pu examiner. Il ne correspond, en effet, exactement, à aucune des espèces africaines de Ficus décrites jadis par Miquel et par Walpers, ni à aucune de celles dont, il y a deux ans, M. Warburg a donné la diagnose, dans son important tra- vail sur les Moracées d'Afrique. Voici quels sont les divers caractères que je puis indiquer pour le moment : Le Sakharé est un arbre de douze à quinze mètres de haut, au tronc brun rougeâtre. Les figues qui sont jaunes à la maturité, sont sur des rameaux ordinaires, ou elles sont disposées par deux à l'aisselle de feuilles alternes, assez longuement pétiolées. Le limbe de ces feuilles est à bord entier, cordé à la base et arrondi au sommet ; les nervures secondaires sont arquées ; les deux faces portent des poils blancs, courts, peu touffus, plus abondants sur l'épiderme supérieur que sur l'épiderme inférieur. Le pétiole, qui mesure quinze millimètres environ de longueur, pour un limbe dont la longueur est de quatre centimètres et la largeur deux fois moindre, est fortement poilu. Les stipules sont caduques. Les réceptacles sont globuleux, petits; leur diamètre moyen est d'un centimètre. Ils sont portés par des pédicelles mesurant quatre à cinq mil- limètres, et ils sont, ainsi que ces pédicelles, couverts de poils courts, abondants. 11. JUMELLE. — LE SAKHARÉ 421) Les fleurs femelles sont, chacune, à l'aisselle d'une bractée ovale: leur périanthe est formé de trois pièces égales, aiguës et concaves. Le style est latéral, le stigmate est un peu oblique. Mais, dans aucun réceptacle je n'ai pu, jusqu'à présent, malgré de nombreuses recherches, rendues assez difficiles par le mauvais état de conservation des échantillons, découvrir de fleur mâle. Et c'est surtout pourquoi, — étant donné l'importance que présentent précisément les caractères de cette fleur dans la détermination des Figuiers, — je ne décris pas l'arbre, dont je viens de donner les principaux caractères, sous un nom spécifique nouveau, bien que l'ensemble de ses caractères ne s'ap- plique à aucune des espèces dont j'ai pu trouver la description dans les travaux cités plus haut. Je ferai seulement remarquer que c'est, selon toute vraisemblance, un Urostigma, la présence de feuilles sur les branches qui portent les réceptacles l'éloignant nettement de la plupart des Eusyce afri- caines connues, chez lesquelles les réceptacles sont ordinairement sur des rameaux aphylles. L'objet principal de cette note n'est pas, d'ailleurs, la description bota- nique du Sakharé, mais surtout l'étude de son latex, que j'ai pu avoir en bon état et en assez grande abondance. Cette étude du latex du sakharé sera le point de départ de toute une série de recherches que je compte publier successivement sur un certain nombre d'arbres à gutta ou à caout- chouc, qui ont été envoyés, en même temps que leurs produits, de diffé- rentes régions de nos colonies françaises, au Musée de l'Institut colonial de Marseille, et que M. le Dr Heckel, directeur de ce musée, a eu l'obli- geance, — dont je le remercie ici — de mettre à ma disposition. On sait combien sont incomplètes encore nos connaissances sur la cons- titution chimique des divers latex provenant des arbres qui donnent des caoutchoucs ou des guttas; et la raison en est la difficulté qu'on éprouve à se procurer ces latex frais, ou même des coagulats dont l'origine et la pureté ne soient pas douteuses. Grâce au concours empressé d'administrateurs coloniaux et d'industriels expérimentés, qui ont créé des établissements de culture et de recherches dans nos possessions françaises, l'Institut colonial de Marseille a pu cependant, en ces derniers temps, s'enrichir d'un assez grand nombre de matériaux : les uns se rapportant à des plantes déjà exploitées, mais encore mal connues au point de vue botanique ou chimique, les autres à des espèces dont il n'a pas encore été lire parti, et pour lesquelles il y a lieu de déterminer la valeur des produits qu'elles peuvent donner. C'est dans cette dernière catégorie que rentre le Sakharé, don! des échantillons, rameaux et latex, ont été apportés au Musée par M. Bouëry, ingénieur à Clermont-Ferrand. Le produit de cet arbre, sur lequel mon attention a été tout de suite 430 BOTANIQUE attirée à cause d'une certaine ressemblance qu'il offre, au premier abord, avec les guttas, pourra-t-il être utilisé? Ce serait à désirer, étant donné la rareté de plus en plus grande des guttas, mais je ne peux encore actuel- lement me prononcer sur ce point. Le produit semble bien, d'après M. Buuëry, être doué d'un pouvoir isolant assez élevé; toutefois on sait que la résistance d'isolement n'est pas la seule condition requise des substances employées comme diélectriques, et qu'il faut encore que ces substances ne deviennent pas trop rapidement cassantes et aucune expérience n'a encore été faite sur le degré d'altérabilité ni sur la plus ou moins rapide résini- ficalion de la partie solide du latex de Sakbaré. Quoi qu'il en soit, et indépendamment de cette considération pratique, il ne m'a pas semblé sans intérêt d'en indiquer dès maintenant les prin- cipaux caractères, ne fût-ce que pour les comparer avec ceux des gommes voisines dont la qualité est reconnue. Les latex étudiés complètement jusqu'alors sont si peu nombreux qu'il y a toujours des données précieuses à recueillir dans l'analyse de ceux qu'on peut avoir dans de bonnes conditions. Au moment où il sort de l'arbre, dont les Jaticifères sont surtout loca- lisés (comme d'ordinaire chez les Figuiers) dans la zone profonde de l'écorce, le latex du Sakharc est blanc; mais avec le temps et à la lumière, il s'épaissit et brunit. Le liquide qui m'est parvenu avait la couleur du chocolat ; il était inodore. Il n'est coagulé ni par l'alcool ni par les acides sulfurique, azotique ou chlorhydrique concentrés. Versés dans le latex pur, cet alcool ou ces acides transforment seulement ce latex en une bouillie épaisse, mais sans consis- tance, qui garde sa coloration primitive, si c'est l'alcool qu'on a fait agir, et qui prend une teinte de café au lait, si c'est un des trois acides précités. Dans ce dernier cas, il se produit en même temps, au sein de la masse, une assez vive effervescence. L'éther et l'acide phénique ont une action un peu différente : la plus grande partie du latex se transforme encore en une masse grumeleuse et épaisse, mais dans cette masse se forment quelques caillots de substance élastique adhérant en fils à l'agitateur. Ces mêmes caillots se produisent lorsqu'on ajoute l'éther ou l'acide phénique au latex étendu de quatre fois son volume d'eau; en même temps, la masse grumeleuse tombe au fond du liquide. D'autre part, dans le latex ainsi étendu d'eau, l'alcool et les acides sulfu- rique, azotique et chlorhydrique produisent simplement, et sans la moindre coagulation, la séparation des globulites. Lorsqu'on étale en petite quantité le latex sur une plaque de verre et qu'on le laisse se dessécher, la lame de substance brunâtre qui reste sur la plaque, après évaporation complète de l'eau, ne se détache pas comme H. JUMELLE. — LE SAKHARÉ iîi les lames qu'on obtient en opérant de la même manière avec les latex des caoutchoucs ordinaires. Si, en efTet, on verse sur une surface lisse le latex, par exemple, d'un Landolphia, que je décrirai prochainement, YEbourendé, on obtient, après évaporation, une petite lamelle élastique qui se détache d'un seul morceau avec la plus grande facilité, quelle qu'en soit la minceur. On ne parvient, au contraire, à enlever le dépôt du latex de Sakharé qu'en le recouvrant, au préalable, d'eau chaude; et encore ne réussit-on à le détacher que par fragments, et en raclant. Pour obtenir, en grande quantité, le produit du Sakharé à l'état solide. il est deux procédés possibles. Le premier consiste à chauffer le latex. Pendant l'ébullition, et même déjà à une température inférieure, il se forme, à la surface du liquide, une couche crémeuse, d'un brun foncé, qui, peu à peu, s'épaissit. On déchire, en agitant de temps en temps, celle couche qui se reforme conti- nuellement, et qui retarde l'évaporation. Puis, quand le latex a atteint un certain degré d'épaississement, on l'étalé sur une surface plane, telle qu'une plaque de verre ou de porcelaine. La dessiccation s'achève à l'air, et on enlève le produit en le recouvrant d'eau chaude. Le second procédé, plus simple, — au moins quand il s'agit d'expé- riences de laboratoire, — consiste à filtrer le latex, et à laisser la masse des globulites se dessécher presque complètement sur le filtre. De ces deux procédés, le second a évidemment sur le premier l'avan- tage de donner un dépôt formé seulement de globulites, et débarrassé des substances dissoutes dans le sérum. Aussi est-celui que j'ai de pré- férence employé pour préparer le produit que j'ai étudié. Les résultats de l'analyse devront naturellement être alors un peu diffé- rents de ceux qu'on obtiendrait, si l'on opérait sur une substance desséchée par simple évaporation et sans iiltration. Et la différence peut même être assez grande si l'on songe que, ainsi que je l'ai constaté, 100 centimètres cubes de latex correspondent environ à 75 centimètres cubes de sérum et 25 grammes de globulites, et que 75 centimètres cubes de sérum filtré laissent par évaporation environ 5 grammes de substance sèche, qui était dissoute. Pour 45 grammes de globulites, on élimine doue environ, par le second procédé, 5 grammes de substances étrangères qui, par le premier pro- cédé, restent mélangées à ces globulites. Comme, toutefois, j'ai reconnu que ces substances dissoutes dans le latex sont insolubles dans le sulfure de carbone, dans l'éther et dans le chloroforme, j'ai jugé préférable de les éliminer immédiatement, et c'est sur un produit qu'on peut ainsi considérer comme formé à peu près exclusivement des globules agglomérés que j'ai expérimenté 432 BOTANIQUE Après que tout le sérum a filtré, la masse restée sur le filtre, et qui, à ce moment, est un peu adhésive, est étalée sur une surface plane ; et l'on obtient, en définitive, une matière consistante, brune, non visqueuse, qui retient environ 13 0/0 d'eau. La densité est de 1,10. Lorsqu'elle vient d'être préparée, cette matière est très souple et très extensible, mais non élastique. Si on l'étiré, elle ne se rétracte que très lentement, sans revenir tout à fait à sa longueur primitive. Avec le temps et à l'air libre, cette souplesse et cette extensibilité dimi- nuent peu à peu ; mais il suffit de malaxer quelques instants le produit entre les doigts pour que, à la chaleur de la main les propriétés premières réapparaissent. Comme le caoutchouc, cette substance se soude à elle-même à la tempé- rature ordinaire; d'autre part, plongée dans l'eau chaude, elle se ramollit, comme la gutta, et, en se refroidissant, elle garde les empreintes qu'on a imprimées à sa surface. Aux températures élevées, soit dans l'air, soit dans l'eau, elle devient fortement adhésive; cette viscosité disparaît dès que la température s'abaisse. Desséchée à l'étuve à 100 degrés, elle est, après refroidissement, très cassante et peut être pulvérisée. Les acides sulfurique, azotique, chlorhydrique n'agissent pas tous les trois de la même manière. L'acide sulfurique concentré l'attaque très rapidement à froid en se colorant en brun foncé, et toute la substance est finalement désagrégée et décomposée. Au contraire, elle reste à l'état de masse solide lorsqu'on la laisse, même pendant plusieurs jours, dans l'acide azotique ou dans l'acide chlorhydrique. Dans l'acide azotique, qui se colore en brun, la masse noircit et devient cassante; dans l'acide chlorhydrique, qui prend seulement une teinte jaune safran, elle acquiert la même couleur que le liquide et devient friable. Considéré maintenant au point de vue de sa solubilité, le produit du Sakharé présente des caractères qui ne sont exactement ceux ni des véri- tables caoutchoucs, ni des vraies guttas. Insoluble dans l'eau chaude, il se dissout partiellement, et sans se gon- fler, dans le sulfure de carbone, dans le chloroforme, dans la benzine et dans le toluène. Ces divers liquides, qui le désagrègent immédiatement, le dissolvent tous à froid dans la même proportion, qui représente environ 70 0 0 de son poids sec. La matière qui reste sur le filtre est pulvérulente et brunâtre. La portion dissoute est incolore et très fortement visqueuse, même â froid; étirée, elle se rétracte lentement, comme le produit complet, Cette dernière matière n'est pas entièrement soluble dans l'alcool et dans l'éther. L'alcool absolu ou l'alcool à 90 degrés, à chaud ou à froid, et H. JUMELLE. LE SAKHARÉ 433 l'éther sulfurique (à 62 degrés), séparent, en effet, deux substances bien différentes. L'une, insoluble dans l'alcool ou l'éther, et qui représente 25 0/0 de la partie soluble dans le sulfure de carbone, est un véritable caoutchouc; elle est très élastique et tend à se rétracter dès qu'on l'étiré. L'autre, qui représente les 75 0/0 restants et qui est soluble dans l'alcool ou l'éther, se dépose, lorsqu'on fait évaporer ces solutions, sous la forme très caractéristique de granules très blancs, homogènes, de grosseur variable. Les granules qu'on obtient par évaporation des solutions alcoo- liques sont en général plus gros que ceux qu'abandonnent les solutions dans l'éther, et peuvent avoir quelquefois un diamètre d'un millimètre. Dans aucun de ces granules, qui sont évidemment de nature rési- neuse, je n'ai pu reconnaître, au microscope, de cristallisation (1). Portés à l'éluve à 100 degrés, ils jaunissent et deviennent visqueux. Et, comme cette viscosité disparaît par le refroidissement, c'est à la présence de cette résine qu'il faut, par suite, attribuer les propriétés analogues que j'ai signalées plus haut, pour le produit complet. Au point de vue, d'autre part, des réactions en présence des acides, ils sont très vivement atta- qués par l'acide sulfurique concentré, qui se colore en rouge brique; l'acide azotique les attaque aussi, mais plus lentement; l'acide chlorhy- drique reste incolore et semble sans action. Enfin, il reste à signaler encore que lorsqu'on les fait dissoudre dans le chloroforme, dans la benzine ou dans le toluène, ces solutions, en s'évaporant, ne redonnent pas de gra- nules, mais laissent au fond du vase un dépôt formant une couche homogène, amorphe. En résumé, le produit solide que donne le latex du Sakharé filtré renferme : 1°. — 52 0/0 environ d'une substance résineuse, blanche, soluble dans l'alcool absolu froid, dans l'éther, dans le sulfure de carbone, dans le chlo- roforme, dans la benzine, dans le toluène. Cette substance se présente sous l'aspect de petits granules très régulièrement sphériques, à surface cha- grinée, lorsqu'on l'obtient par évaporation de ses solutions dans l'alcool ou dans l'éther; non adhésive à la température ordinaire, elle devient momen- tanément visqueuse lorsqu'elle est soumise à des températures plus élevées. 2°. — 18 à 20 0/0 d'une substance incolore, très élastique, insoluble dans l'éther et dans l'alcool, même à chaud, mais soluble dans le sulfure de car- bone, dans le chlorofonne, dans la benzine et dans le toluè/w. (\) II ne me paraît guère douteux cependant qu'on doive les considérer, en réalité, comme des sphérocristaux. Ce qui tend à le prouver, c'est que j'ai quelquefois pu observer, parmi ces granula- tions, d'autres agglomérations affectant la forme de feuilles de fougère. Or on sait que certaines substances qui donnent des sphérocristaux donnent aussi parfois des groupements se présentant sous ce dernier aspect. 28* 434 BOTANIQUE 3<># _ 28 à 30 0/0 d'une matière brune, ni adhésive ni élastique , inso- luble non seulement dans l'éther et dans ï alcool absolu, bouillant ou froid, mais aussi dans le sulfure de carbone, le chloroforme, . la benzine et le toluène. On voit que, par suite, si le produit du Sakharé, par certains carac- tères tels que sa densité, sa consistance, sa plasticité dans l'eau chaude, son mode de dissolution (sans gonflement) dans le sulfure de carbone, paraît, au premier abord, voisin des guttas, il n'a nullement la composi- tion de cette catégorie dégommes. Sa résine, qui n'est, d'ailleurs, ni de l'albane, ni de la fluavile, est en bien trop grande quantité; et la subs- tance, soluble dans le sulfure de carbone, qui accompagne cette résine, est élastique. C'est donc, en réalité, un caoutchouc fortement résineux, auquel sa composition particulière donne les apparences d'une gutta; et, à ce point de vue, cette composition mérite d'être signalée, car elle peut fournir des indications utiles sur les causes des propriétés différentes que présentent les guttas et les caoutchoucs. M. le Dr BOMET LETTRES ÉCRITES PAR DESFONTAINES PENDANT SON EXPLORATION DE LA RÉGENCE DE TUNIS (1783-1784) [5809 (61-1 )J — Séance du 3 avril 1896 — A propos de quelques plantes critiques du Flora Atlantica j'ai rap- pelé, dans une précédente séance, par suite de quelles fâcheuses cir- constances Desfontaines avait perdu à peu près tous les manuscrits rela- tifs à son exploration scientifique des Régences de Tunis et d'Alger; la correspondance de cet illustre botaniste pendant son séjour dans les pays barbaresques a donc un intérêt rétrospectif d'autant plus grand qu'elle contient quelques renseignements sur les localités visitées et qu'elle fixe les dates de son passage dans ces localités; c'est ce qui m'engage à Dr RONNET. — LETTRES ÉCRITES PAR DESFONTAINES 435 publier les quatre lettres suivantes écrites, de Tunis, par Desfontaines à son correspondant de Marseille, Pierre- Augustin Guys (1); ces lettres m'ont été fort obligeamment communiquées par M. de Kefuge, en même temps qu'une autre lettre de Desfontaines à Bosc d'Antic, dont on pourra lire la transcription dans le Journal de Botanique (IV. 234). Monsieur, J'ai l'honneur de vous écrire presqu'au moment de mon départ pour le pays des dattes où je vais aller passer deux ou trois mois; j'espère que le voyage ne sera pas infructueux et que je recueillerai une riche moisson de plantes nou- velles. Le gouvernement de Tunis m'a donné de très bonne grâce toutes les recommandations et tous les secours qui étoient en son pouvoir, ainsi j'espère que je voyagerai avec sûreté, d'ailleurs mon titre de médecin est un excellent passe-port au moyen duquel je serai bien accueilli partout où j'irai; il faut croire que les Arabes auront plus d'égards pour moi que le dieu Neptune. J'ai visité, il y a quelque temps, les ruines de la fameuse Carthage; elles sont au bord de la mer sur la côte droite de la rade de Tunis; on n*y voit ni colonnes, ni inscriptions, ni vestiges d'aucun bel édifice, ce sont des tas de pierres amoncelées et semées au hasard dans la campagne ; les seuls objets qui méritent l'attention du voyageur sont les citernes et l'aqueduc qui conduisoit les eaux à la ville des montagnes des auvents (sic) (2). Les citernes sont très vastes et néant moins, comme l'observe Shaw, elles ne dévoient pas être suffi- santes pour fournir de l'eau à une ville qui renfermoit six cent mille habitants. Elles sont bâties en voûte et disposées sur trois rangs; leur longueur est d'en- viron cent-vingt pas sur 25 à 30 de large, la hauteur perpendiculaire est de 10 à 12 pieds, elles ont résisté à l'injure des temps; Shaw, dans son voyage, en a donné un plan assez exact: l'aqueduc est presque entièrement détruit; à l'Ariane, petit village situé à une lieue au nord de Tunis, on en voit encore plusieurs arceaux bien conservés, presque tout le reste est tombé en masses énormes dont les pierres sont unies au moyen d'un ciment qui est aussi dur qu'elles; j'ai encore observé ça et là plusieurs lieux souterrains, bâtis en voûte et de diverse grandeur; j'ignore à quoi ils étaient destinés; des Maures en ont choisi quelques-uns pour domicile, ils n'y sont pas logés commodément. Voilà, Monsieur, tout ce qui reste de cette ville célèbre qui a été si longtemps la rivale de Rome; je me suis promené pendant un jour entier au milieu de ses ruines en faisant des réflections mélancoliques sur les vicissitudes et sur le peu de solidité des choses humaines; Marius, assis sur les ruines de Carthage, avait certainement sous les yeux un grand sujet de consolation dans ses mal- (1) Né à Marseille en 1721, après avoir fondé des maisons de commerce à Conslantinople et à Smyrne, revint se fixer dans sa ville natale; il employait les loisirs que lui laissait son négoce à des travaux de littérature, dont le moins oublié est le Voyage littéraire de la Grèce; il devint ensuite directeur de l'Académie de Marseille et correspondant de la classe des Beaux-Arts et de Littérature ■de l'Institut; il mourut en 1799 pendant un voyage à l'île de Zante. (2) Lisez : montagne de Zaghouan ; c'est le Zowan du Flora Atlantica. 436 BOTANIQUE heurs. Je me rappelle des vers latins qui peignent bien l'état actuel de Car- tilage : qua devictœ Carthaginis arces Procubuere, jacentque infausto in littore turres Eversœ; quantum Ma metûs, quantum Ma laborum Urbs dédit insultans Latio et Laurentibus arvis: Nunc passim, vix relliquias, vix nomina servons, Obruttur propriis non agnoscenda ruinis J'ai écrit à M. votre fils (1), je désire bien de recevoir de ses nouvelles et d'apprendre qu'il jouit d'une bonne santé, je vous prie de me donner des vôtres et d'être persuadé des sentiments d'attachement et de considération avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur, Desfontaines. A Tunis, ce 5 décembre 1783. M. Guys, Conseiller secrétaire du roi, à Marseille. II Monsieur, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, datée du 7 mars 1784. M. votre fils m'a aussi donné deux fois de ses nouvelles, il a eu la complaisance et la bonté de m envoyer les journaux de Paris dont la lecture m'a amusé. Je vous assure, Monsieur, que je désire ardemment d'être auprès de M. votre fils pour jouir de sa conversation et surtout de son amitié. J'ai encore beaucoup de choses à à voir icy et il faut bien connoître un pays avant de le quitter. J'attends à voir la fin des démêlés d'Alger et d'Espagne (2) ; je dési- rerois bien de profiter d'un heureux moment pour parcourir le royaume d'Alger qui certainement est très intéressant pour mon objet. J'ai voyagé pendant trois mois et demi dans l'intérieur du royaume avec le camp du bey; si j'ai essuie beaucoup de fatigues, au moins j'en suis dédom- magé par une assez belle collection de plantes nouvelles et d'oiseaux rares. Le gouvernement de Tunis m'a accordé de très bonne grâce les secours que lui ai demandé ; ma santé est aussi bonne qu'auparavant; ainsi j'ai lieu d'être satisfait. Le royaume de Tunis était autrefois très habité; on trouve des ruines à chaque pas; plusieurs sont fort étendues, mais je n'ai encore vu que celles de Spitola (3), de Sbiba et de Douggas qui méritent l'attention du voyageur. (D Pierre-Alphonse Guys, second fils du destinataire de ces lettres, né à Marseille en 1755, consul de France en Sardaigne, puis à Tripoli de Barbai ie et en dernier lieu à Tripoli de Syrie où il mou- rut en 1812, s'occupait de littérature comme son père. (2) Une escadre espagnole avait bombardé Alger le 1« novembre 1783, sans obtenir du dey les satisfactions que le gouvernement de Charles III réclamait depuis plusieurs années. (3) Sbéïtla. Dr BONNET. — LETTRES ÉCRITES PAR DESFONTALNES 437 Celles de Spitola surtout sont très belles; on y voit encore les restes de plu- sieurs grands édifices: un superbe arc de triomphe que je ne peux mieux com- parer qu'à la Porte Saint-Denis de Paris, les restes d'un magnifique temple orné de colonnes et de pilastres d'ordre corinthien, etc. Les ruines sont situées dans une plaine immense, couronnée de hautes montagnes qui offrent dans le lointain des points de vue très agréables et très diversifiés; tout près coule un fort ruisseau d'eau douce dont les bords sont agréablement ombragés de Lau- riers roses ; il se perd dans les sables à peu de distance des ruines; il repa- roît ensuite pour s'y enfoncer une seconde fois. J'ai passé plus de 15 jours dans le désert: j'ai vu Cafsa, ville fort ancienne défendue par un château solidement bâti ; toute la fécondité des environs est due à deux sources abondantes d'eaux chaudes qui sortent de la ville; les jar- dins sont plantés d'oliviers, de citroniers, de vignes, de grenadiers, de dat- tiers, etc. Les champs sont partagés en petits quarrés qui communiquent avec des rigoles où l'on fait couler les eaux de temps en temps pour arroser la terre; sans ce secours, elle deviendroit bientôt aride, parce que les chaleurs sont très vives dans ces contrées et que les pluies n'y tombent presque jamais. Tozzer, Loudian (1), Nefta, célèbre par ses excellentes dattes, sont encore des pays du désert que j'ai visités avec intérêt. Près de Nefta commence un immense lac d'eau salée qui, dit-on, a plus de vingt lieues de long. Ce qui m'a beaucoup surpris, c'est de voir les eaux très abondantes dans un pays où elles ne tombent presque jamais; il faut qu'elles se filtrent de très loin au travers des sables. Le désert proprement dit n'est qu'une immense mer de sable qui fatigue et attriste la vue par son uniformité; la nature paroît morte dans ces tristes contrées. Les vents y sont très fréquents et, lorsqu'ils soufflent avec impétuosité, toute l'atmosphère est obscurcie par une vapeur de sables volants qui ne laissent apercevoir le soleil que comme au travers d'un brouillard épais. Durant l'été, on n'y voyage que la nuit, la chaleur brûlante du soleil, réfléchie par les sables, suffoqueroit nécessairement ceux qui oseroient s'y exposer pen- dant le jour. J'ai fait boaucoup de notes sur les pays que j'ai visités, copié des inscrip- tions, marqué le plus exactement qu'il m'a été possible la situation des lieux, leur distance respective, afin de pouvoir éclairer dans quelques points lu géographie ancienne de ce royaume. Je compte partir en peu pour les Zowan montagne très fertile d'où découlent plusieurs ruisseaux ; j'espère encore y trouver des plantes et de plus, j'aurai le plaisir d'y voir les restes d'un beau temple antique où commençoit l'aqueduc de Carthage. Je vous avouerai à ma honte, Monsieur, que je n'écris que par cette voye cy pour le remboursement de vos fonds, j'avois trop tardé lors de la lettre d'échange, le bâtiment avoit mis à la voile; mon voyage a duré plus longtemps que je ne le pensois, ces circonstances sont la cause de mon retard. Soyez persuadé de ma vive reconnoissance ainsi que des sentiments respectueux avec lesquels j'ai l'honneur d'être (etc.) Desfontaines. A Tunis, ce 18 avril 1784. •d) El Oudiane. BOTANIQUE (Même adresse.) III Monsieur, J'ai eu l'honneur de vous écrire par la voie d'une tartane partie de Tunis pour aller prendre son chargement à La Calle, vous l'aurez sans doute reçue cette lettre avant celle-ci. Je fais sçavoir, par ces deux voyes, à l'Académie que je vous suis redevable de la somme dont je la prie de vous faire passer le montant. J'ai encore été forcé, à mon retour, d'user de la lettre de crédit que vous aviez bien voulu m'accorder sur M. Mimiti et de prendre la somme de 310 livres ; l'Académie vous fera certainement passer incessamment le mon- tant de ces deux sommes ; vous eussiez été payé plus promptement de la première si j'avois trouvé une occasion sûre pour écrire pendant mon voyage. J'ai eu l'honneur de vous en offrir un petit tableau dans la lettre que je vous ai écrite avant celle-ci. Je me hâte de profiter du temps qui me reste avant l'arrivée des Vénitiens (I) ; dès qu'ils auront paru sur les côtes, il ne sera plus possible de s'écarter dans la campagne même avec une escorte. J'ai l'honneur d'être avec un sincère attachement et avec une parfaite considération (etc.) Desfontaines. A Tunis, le 10 mai 1784. (Mêine adresse.) IV Monsieur, Il y a longtemps que je n'ai reçu de vos nouvelles, voulez-vous bien me dire un mot de l'état de votre santé, je vous aurai beaucoup d'obligation. M. Le Monnier ne m'écrit point, mais je sçais qu'il m'aime toujours et cela me console de son silence. J'ai resté plus longtemps à Tunis que je ne le croyois lorsque j'y suis arrivé, les Espagnols en ont été la cause ; j'espère néant moins que je verrai le mont Athlas en dépit d'eux; je n'attends qu'une lettre de M. de Verny pour me rendre en Alger. Le royaume de Tunis m'est bien connu, j'en ai non seulement recueilli les diverses productions naturelles, mais je me suis occupé de géographie ancienne. Depuis peu j'ai fait un long voyage le long de la côte depuis Tunis jusqu'aux isles Gerba (2) distantes d'environ 80 lieues ; je n'ai pas trouvé un grand nombre de plantes, la saison étoit passée, mais en revanche (1) Le 17 janvier 1784, Ali Bey avait fait abattre le mât de pavillon du consulat de Venise et déclaré la guerre à la République ; depuis cette époque, on s'attendait tous les jours, à Tunis, à une attaque de la flotte vénitienne; toutefois, celle-ci ne parut dans les eaux de la Goulette que le 1« septembre suivant. (Voir pour plus de détails : Rousseau, Annales tunisiennes, p. 197 et suivantes. ) (2) Desfontaines a certainement fait une confusion, car nous savons, d'une part, qu'il n'a pas dépassé les ruines de Thenae au sud de Sfax et, en second lieu, qu'il n'existe qu'une seule île du nom de Djerba ; les iles dont il est question dans cette lettre sont les Kerkenna situées sous la même latitude que Sfax. Desfontaines ne les a du reste pas visitées et n'en parle que par ouï-dire. 1/ BONNET. LETTRES ÉCRITES PAR DESl'i iNTAINES 439 j'ai vu beaucoup de ruines anciennes ; les plus intéressantes sont celles de Pltradise autrefois Aphrodisium, celles de Lempta, de Dimess où débarqua C.rzar, d'Africa, d'Inschla (1) et d'Elgem où il y a encore un superbe amphithéâtre bâti sous l'un des Gordiens ; d'après mon calcul il devoit contenir au moins cent mille spectateurs, j'en ai mesuré le plus exactement qu'il m'a été possible toutes les dimensions. Depuis peu, j'ai envoyé à M. Le Monnier la relation d'un voyage qui a précédé celui dont j'ai l'honneur de vous dire un mot, dès que j'aurai un moment de loisir je vous en ferai passer l'extrait. Je vais aussi rédiger les observations que j'ai faites pendant mon dernier voyage pour les envoyer à l'Académie. Les chaleurs m'ont fait beaucoup souffrir, mon thermomètre est monté jus- qu'à 40 degrés au soleil, néant moins ma santé est toujours bonne et mon courage ne diminue point. Je brûle de voir le mont Athlas ; que je serai heureux s'il peut m'offrir une riche moisson de plantes et autres productions, car je recueille de tout ; ma collection d'insectes se monte à plus de 400 espèces; j'ai aussi de beaux oiseaux inconnus en France ; je ne parle point des plantes. J'aurai bien du plaisir d'étaler à vos yeux toutes mes richesses quand je serai de retour à Marseille. J'ai écrit à M. Alphonse, il a eu la complaisance de m'envoyer encore des journaux de Paris que j'ai lus avec plaisir. Je .^erois heureux si j'étois moins mélancolique ; j'en ressens icy plus vive- ment les atteintes qu'en France, la solitude où je me trouve et le climat brûlant d'Afl'rique en sont sans doute les causes. Voulez-vous bien vous charger de faire faire pour moi deux pinces de fer, pour prendre des insectes, sur le dessin que j'ai l'honneur de vous envoyer; elles sont très simples et très faciles à exécuter : ce sont deux manches mobiles avec des anneaux pour mettre les doigts, longs d'un pied, semblables à des manches de ciseaux, à l'extrémité desquels sont soudés deux cercles de fil d'archal, un peu fort, qui tombent l'un sur l'autre quand on ferme les pinces; le milieu de chaque cercle est occupé par une toile de gaze cousue autour du fil d'archal. Si le pied de Cafté est arrivé, je vous prierai de vouloir bien me le faire passer. Les Vénitiens ont paru dans la rade le 1er septembre, il ne paroît pas qu'ils puissent faire un accommodement ; aujourd'hui 8, ils sont partis pour Bizerte où ils jetteront sans doute des bombes. Voulez-vous bien me rappeler au souvenir de M. de Solignac. J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite consi- dération (etc.) Desfontaines. A Tunis, ce 8 septembre 1784. Lorsque je partirai pour Alger je vous en donnerai avis, jusqu'à ce moment voulez-vous bien me faire passer à Tunis ce qui vous sera envoyé pour moi. Je pars pour Alger, Monsieur, ainsi je vous prie de vouloir bien m'y adresser vos lettres et ce que M. Le Monnier vous enverra pour moi; je profite d'une frégate anglaise qui se rend en Alger ; je serai bien purgé quand j'arriverai. (Même adresse.) M) Henchir Inchilla, ancienne Usilla. 440 BOTANIQUE M. BÀTTÀOIEB, Professeur à l'École do Médecine d'Aller CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CARACTÈRES TAXONOMIQUES TIRÉS DE LA CHIMIE VÉGÉTALE [ 580. 1] — Séance du 3 avril 4896. — La vieille loi de Linné : « plantœ quœ génère conveniunt, etiam virtule conveniunt ; quœ ordine naturali continenlur, etiam virtute propius acce- dunt ; quœque classe naturali congruunt, etiam viribus quodammodo congruunt (1) ; a souvent été discutée, on lui a opposé de nombreuses exceptions, et il est certain qu'elle ne doit ni être prise dans un sens trop étroit, ni complètement rejetée. On pourrait peut-être lui donner plus de précision en substituant à l'analogie des propriétés médicales, qui est d'une constatation difficile, celle plus certaine des principes chimiques, dont l'existence était à peine soupçonnée au temps de Linné. Dans bien des cas, la présence de tels ou tels principes dans une plante donne de précieuses indications sur ses affinités et l'on pourrait recourir bien plus souvent qu'on ne le fait à ce genre de caractères, à la condition de ne pas leur attribuer plus de rigueur qu'ils n'en comportent. Il n'y a pas de caractères absolus en botanique. Parmi ceux que fournit l'orga- nographie, tel sera excellent dans un genre qui se trouvera sans valeur dans le genre voisin. Pourquoi voudrait-on qu'il en fût autrement des caractères chimiques ? Tout caractère est bon quand, suffisamment cons- tant dans un groupe, il manque ou se modifie dans les groupes voisins. Beaucoup de principes chimiques sont dans ce cas et on en découvrira vraisemblablement encore bien davantage. La chimie végétale est encore trop peu avancée pour bien apprécier tout le parti qu'en pourra tirer la taxonomie. Les travaux d'analyse végétale ont toujours été faits isolément, sans vue d'ensemble, dans le but d'isoler les principes actifs de telle ou telle plante médicinale connue. Malgré cela, en synthétisant les résultats actuellement acquis, on trouve bien des données intéressantes. Sans doute les corps très répandus, comme les hydrates de carbone, (1) Philosophia botanica, xn, paragraphe 337. BATTANDIER. — CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CARACTÈRES TAX.ONOMIQUES 441 les tannins, les saponines, les carbures camphéniques etc., sont peu carac- téristiques ; pourtant, même parmi ces principes généraux, il en est qui peuvent parfois caractériser des groupes de plantes : tels sont les mucilages des Malvacées, l'inuline des Composées, la saponine des Caryophillées, les carbures des Conifères, etc. Mais, dira-t-on, ces corps sont bien loin d'être exclusifs à ces groupes de plantes. Sans doute, mais il en est de même des autres caractères. Les Iridées ont toutes trois étamines, toutes les plantes qui ont trois étamines ne sont pas des Iridées. Les principes plus spécialisés donneront généralement des indications plus précises. Tantôt ils caractériseront toute une famille : principes amers des Gentianées, térébenthine des Conifères, essences des Amomacées, Labiées, etc., alcaloïdes des Papavêracées, etc; tantôt ils seront limités à un genre : aloïnes des aloe, sulfure d'allyle des Allium ; à une fraction de genre : oxalate acide de potasse des Rumex de la section acetosa, à deux genres voisins : alcaloïdes des Cinchona et des Remijia, des Delphinium et des Aconilum; à toute une tribu : amygdaline des Drupacées, etc. D'autres principes seront, au moins en l'état actuel de nos connaissances, limités à une seule espèce : santonine, principe toxique de YAtractylis gummi- fera etc. Il en est de même de tous les caractères tirés de l'organographie ; peu sont plus stables que ceux que l'on tire de la structure de l'ovaire ; or, nous voyons cet organe caractériser tout un groupe de familles dans les Lirioidées; ou une famille unique : Ombellifères. Légumineuses ; ou des tribus : Rosa- cées, Malvacées, etc. ; ou des genres: Nicandra, Dipterocarpus , Tetra- poma, etc. ; parfois des espèces isolées : Linum trigynum, Solarium lyco- persicum, etc., et enfin varier dans une même espèce : Randonia africana, ou sur un même pied : espèces hélérocarpes. On a opposé à la loi de Linné de nombreuses exceptions comme l'amande douce dans les Drupacées, les Slrychnos potatorum etpseudo-china dans les Stryclmées, la pastèque inoffensive à côté de la coloquinte que l'on en distingue à peine, les manioc doux et amer, etc. Ces exceptions ne sont pas plus extraordinaires que l'existence d'un seul cotylédon dans \esCycla- men, d'une corolle gamopétale dans les trèfles, etc. 11 n'est pas plus étonnant de voir ces principes manquer dans quelques plantes d'un genre, que de voir tel ou tel organe avorter dans une fleur qui devrait en être pourvue: Silène apetala, Centaurea gymnocarpa, Carduncellus calvus, etc. Parfois, d'ailleurs, le manque n'est pas complet et la plante non toxique contient simplement le principe vénéneux en trop petite quantité pour être nocif. Dans d'autres cas, ces différences sont dues à la culture et à la sélection. Ainsi je suis persuadé que l'amande douce n'est qu'une variation indivi- duelle fixée par la culture. J'ai observé les amandiers sauvages en Algérie, dans un grand nombre de stations. Jamais je n'y ai pu trouver un seul 442 BOTANIQUE fruit doux. Dans les chênes à glands doux, le tannin existe dans le gland, mais en petite quantité. Il n'y a, pour ces caractères, comme pour les autres, qu'à ne pas s'en servir, quand ils manquent de constance. Certains principes chimiques se répètent dans des familles très éloignées : sulfure d'allyle dans les Allium, les Petiveria, et le Sisymbrium Alliaria ; oxalate acide de potasse dans les Oxalis et les Rumex, etc., cela n'est pas plus étonnant que de voir un Ochrea dans les ombellifères et les polygonées, un style gynobasique dans les labiées, une partie des boraginées et dans le genre Allium. Il serait facile de multiplier ces exemples. Certains principes chimiques se répétant, même à l'état sporadique, dans des groupes voisins, peuvent tout aussi bien que d'autres caractères nous éclairer sur les affinités de ces groupes, et on a tort de les négliger. Le petit groupe des Moringées ne saurait évidemment se séparer des Cru- cifères, Résédacées, Cappandées; mais comme on avait accordé au caractère tiré de l'insertion de la corolle une rigueur qui est loin de lui appartenir, on a promené ces plantes un peu partout. Pourtant une crucifère, le Subu- laria aquatica, a, comme les Moringées, une insertion périgyne ; le Tetra- poma a leur ovaire pluriloculaire et nous avons trouvé autrefois, M. Trabut et moi, un pied de Bivonea lutea avec des capsules triloculaires. La chimie établit des analogies très nettes entre ces diverses familles : L'acide beni- que se retrouve à la fois dans les huiles des Crucifères et des Moringées ; des essences sulfurées, prenant naissance sous des influences zymotiques, se retrouvent dans les Crucifères, les Moringées, CapparidéesetTropéolées. Les alcaloïdes des Duboisia, genre généralement placé dans les Scrofu- lariées, rapprochent ce genre aussi nettement des Solanées, que ses carac- tères botaniques. La duboisine est en effet identique à l'hyoscyamine et la piturine très voisine de la nicotine. Les Solanées tiennent aux Boraginées par la tribu des Éhrétiées et par les Héliotropes ; on trouve dans Y Heliolropium ewopœum et dans la racine du Cynoglossum officinale des alcaloïdes fortement narcotiques (1). Les Strychnos ne diffèrent guère des Cinchona que par leur insertion hypogyne et encore y trouve-t on des intermédiaires. Ces deux genres contiennent des alcaloïdes à noyau quinoléique. L'aricine a la même com- position centésimale que la brucine et toutes deux se colorent par l'acide azotique. Quelques légumineuses semblent contenir de l'amygdaline, signe de leur parenté avec les Drupacées. (1) Il y a vingt ans, guidé par les idées de Linné surl'aspect des plantes, transformation scientifique de la théorie des signatures de Porta, je trouvai l'alcaloïde de Heliotropium europœum, et les recher- ches minutieuses que je fis dans les labiés annuelles et décennales des revues françaises et alle- mandes m'aulorisaientàleconsidérer comme nouveau. Mais le professeur Schlagdenhaufrn, de Nancy a trouvé, dans une revue médicale d'Allemagne, un travail des chimistes Schroff, Marmé et Creite, de sept ans antérieur au mien, sur cet alcaloïde et sur celui de la racine de cynoglosse qu'il;- regar- dent comme étant le même, (Schlagdenhaufen in Pharmaceutische Post, 1892). BATTANDIER. — CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CARACTÈRES TAXONOMIQUES 443 Les amides semblent être des composés très ubiquistes. Certains, comme l'asparagine et la glutamine, qui se trouvent un peu partout, doivent jouer un rôle important dans la formation ou la la désassimilation des matières albuminoïdes ; d'autres, plus rares, comme la caféine et l'indigo, semblent répandus un peu au basard . Beaucoup de caractères chimiques sont déjà d'un usage courant en taxonomie. Les réactions microchimiques, si employées en histologie, aident souvent à déterminer des plantes ; l'étude des localisations accroîtra considérablement leur utilité dans cette voie. Beaucoup de caractères : albumens huileux et amylacés, etc., relèvent autant de la chimie que de l'histologie, et le chimiste qui établit l'identité d'une huile, ne détermine- t-il pas une plante d'après un de ses produits ? Mon intention n'est pas de passer en revue tous les faits connus qui se rapportent au sujet de cette communication, mais, après avoir tâché de poser nettement la question, d'apporter mon humble pierre à l'édifice en résumant les quelques recherches que j'ai poursuivies dans ce sens. ALCALOÏDES DES FUMARIACÉES ET PAPAVÉRACÉES (1). 1° Toutes les Fumariacées et Papavaracées que j'ai pu me procurer contiennent des alcaloïdes. Espèces essayées : Papaver somniferum, Rhœas, dubiam, Rœmeria hybrida, Chelidonum majus, Argemone mexicana, Glaucium luteum, corniculalum, Eschs- chollzia californica, Bocconia frutescens, Hypecoum procumbens, pendulum, Ges- lini Corydalis solida, claviculata, Ceratocapnos umbrosa, palestina, Platxjcapnos spicata, Sarcocapnos crassifolia, Petrocapnos africana, numidica, Fumaria offici- nalis, capreolata, agraria, murialis, parvi/lora, densi/lora, Didyctra spectabilis. 2° Les parties vertes de toutes les Fumariacées, plus rarement leurs racines, les Hypecoum, les Glaucium, YEschscholtzia, le Bocconia frutescens, contiennent de la fumarine. Cet alcaloïde a été extrait à l'état de pureté des Fumaria et du Didyctra, du Glaucium corniculalum et du Bocconia frutescens, ailleurs, on s'est contenté de ses réactions colorées. 3° On connaissait la chélérythrine dans le Sanguinaria canadensix, Y Argemone mexicana, le Chelidonium majus et le Glaucium luteum ; je l'ai trouvée dans le bois du Bocconia frutescens et dans les racines de YEschscholtzia californica quand elles deviennent vivaces. 11 est probable qu'elle se retrouvera dans les autres Papavéracées vivaces à suc rouge. Il y a plus : les «ucs qui contien- nent de la fumarine ont tous une teinte orangée et la saveur brûlante des sels de chélérythrine ; la fumarine est toujours accompagnée de matières colorantes orangées de nature alcaloïdique qui semblent être delà chélérytrhine imparfaite- ment élaborée. La chimie, comme l'organographie, rapproche les Papavéracées et les Fumariacées. (1) Voir Académie des sciences, juin ii 444 BOTANIQUE GÉNISTÉES. (1) Les genres établis dans ce groupe sont tout à fait artificiels, c'est ce qui a motivé ces recherches. 1° Toutes les Génistées que j'ai expérimentées contiennent des alcaloïdes. On avait trouvé déjà la spartéine dans le Sarothamnus scoparius, l'ulexine dans les Ulex, la cvtisine (dont l'ulexine ne différerait pas, d'après Van de Moer) et la laburnine dans le Cytisus laburnum. J'ai expérimenté: Cytisus tri/torus et Fontanesi, Sarothamnus arboreus, Spartium junceum, Rétama Retam, Bovei et Sphœrocarpa, Genista tricuspidata, erioclada, retamoides et feroœ, Calycotome spinosa. 2° Sauf cette dernière espèce (2), toutes ont lourni des alcaloïdes donnant, avec le sulfure d'ammonium, la coloration rouge-orangé caractéristique de la spartéine, réaction découverte par MM. Valser et Grandval. Nous allons voir qu'il serait prématuré d'en conclure que tous étaient de la spartéine, mais cela indique probablement une parenté chimique entre ces alcaloïdes. Le Sarothamnus arboreus n'a nullement l'aspect du S. scoparius, c'est une plante très feuillée, calcicole. Elle contient pourtant de la spartéine3 mais en petite quantité. Les Rétama, plantes silicicoles, comme le Sarothamnus scoparius, ont exacte- ment son faciès général. Ces plantes diffèrent des autres genêts par leur gousse charnue, presque globuleuse. Les uns sont à grandes fleurs blanches odorantes, les autres à fleurs jaunes minuscules et inodores. Les Rétama Bovei et Retam qui appartiennent au premier groupe, contiennent en abondance de la spartéine. J'ai retiré cet alcaloïde du Rétama Bovei en quantité suffisante pour préparer la plupart de ses sels et ses dérivés iodés et constater l'identité de ces corps avec ceux tirés de la spartéine du Sarothamnus. Le Rétama sphœrocarpa, au contraire, qui appartient au deuxième groupe, m'a donné, en abondance aussi, un alcolaïde solide, fondant à 162 degrés, admirablement cristallisé, mais donnant la réaction de Valser et Grandval. C'est un alcali puissant, chassant l'ammoniaque de ses sels, donnant avec les acides des sels bien cristallisés, colorant la phtaléine de phénol. C'est un réducteur énergique. Je continue son étude. Cet alcaloïde, pour lequel je propose le nom de Rétamine, contient, à l'état brut, des traces d'un produit liquide à odeur de cicutine. Les Cytisus triflorus et Fontanesi, tout à fait semblabes à des genêts, parais- sent contenir de la spartéine. L'alcaloïde liquide extrait du Cxjtisus triflorus a donné avec une grande intensité la réaction de Valser et Grandval. Mais pour ces plantes et divers genêts j'ai opéré sur des quantités trop petites pour pou- voir affirmer une identification complète du produit obtenu. Les Spartium junceum et genista tricuspidata abondent autour d'Alger, mais ils ne contiennent que des traces d'alcaloïde. Les alcaloïdes ont été considérés comme des armes défensives des plantes ; examinons nos résultats à ce point de vue. Le Genista tricuspidata, bien défendu par ses épines, n'a que des traces d'al- caloïde. 11 en est à peu près de même pour le Calycotome spinosa. (1) Ces observations et les suivantes sont totalement inédites. (2) L'alcaloïde du Calycotome spinosa, est peu abondant et ne donne pas la réaction de Valser et Grandval. Dr GERBER. — QUOTIENT RESPIRATOIRE DES FRUITS CHARNUS 4ÏO Le Genista ferox, très mal armé, malgré son nom, est riche en alcaloïde, mais cela ne l'empêche pas d'être brouté avec avidité, ainsi que le Cytisus triflorus et Je Sarathamnw arborais. Le Spariium juceum, qui n'a ni épines ni alcaloïdes en quantité appréciable n'est pas brouté. Les Rétama, le Genista retamoides et le Cytisus Fontanesi sont peu broutés. Ces résultats sont très confus, mais la spartéine et la rétamine sont peu toxiques. RECHERCHES DIVERSES J'ai trouvé de la colchicine dans le Colchicum Bertoloni et dans le Merendera filifolia. Le Solenanthus lanatus, plante algérienne voisine des Cynoglosses et respectée par les bestiaux, non plus V Heliotropium supinum, ne m'ont pas fourni d'al- caloïde en quantité appréciable. L'Othonnopsis cheirifolia, plante respectée des animaux et qui caractérise les vastes plateaux sétifiens, contient un alcaloïde que je n'ai pu faire cristalliser. Les Othonnopsis sont voisins des Séneçons, genre dans lequel on vient de décou- vrir des alcaloïdes, M. le Dr GERBEE Professeur suppléant à l'École de Médecine et de Pharmacie de Marseille. VARIATIONS DU QUOTIENT RESPIRATOIRE DANS LES FRUITS CHARNUS ACIDES AVEC LES DIVERSES PARTIES DU PÉRICARPE [581.12] — Séance du 3 avril 1896 — .Nous avons montré dans notre dernière communication que les Alke- kenges et certaines pommes, contenant des acides non volatils (citrique, malique, etc.), dans leur péricarpe, avaient une modalité respiratoire bien différente de celle que l'on est habitué à trouver dans les végétaux. Le CO2 rapport est en effet, chez ces fruits, supérieur à l'unité, alors que les diverses parties des végétaux ont généralement un quotient respiratoire inférieur à 1 . Les fruits des Aurantiacées sont, de tous les fruits charnus à acides non 446 BOTANIQUE volatils, ceux qui contiennent le plus de ces acides ; nous devions donc nous attendre à retrouver chez eux la façon de respirer des Alkekenges. Nos essais ont été poursuivis au début, sur des mandarines, cueillies directement sur l'arbre au moment où elles commençaient à jaunir ; elles sont restées dans nos appareils jusqu'au moment où elles sont devenues jaune rougeàtre. D'autres fruits, du même arbre, dégustés à ces deux degrés de coloration, étaient acides et peu sucrés (vert jaunâtre) et sucrés peu acides (jaune rougeàtre). Voici les quotients respiratoires obtenus avec deux mandarines : mandarine 28 mandarine DATE COLLEUR co* 0 DATE COULEUR CO* O 9 janvier. Vert jaunâtre. 0,91 17 janvier. Vert jaunâtre. 0,90 17 — 0,75 20 — 0,88 20 — 0,87 23 — Jaune. 0,79 23 — Jaune. 0,84 25 — 0,97 25 — Jaune rougeàtre. 0,97 29 — Jaune rougeàtre. 0,95 CO2 On voit que — — est toujours inférieur à l'unité. Cette exception à la règle émise précédemment pouvait tenir : ou bien à ce que le quotient respiratoire et l'acidité sont deux phénomènes dis- tincts souvent concomitants, mais non dépendants, ou encore à ce que le quotient observé est le résultat de la superposition de plusieurs rapports. Le zeste des mandarines, non acide, peut bien se comporter vis-à-vis de l'atmosphère d'une façon différente de celle de l'endocarpe. CO2 Il fallait donc faire l'analyse du rapport — — • Or, les mandarines sont, de tous les fruits, ceux dont on peut le plus facilement séparer le zeste de la partie acide, car cette séparation se fait dans un tissu lâche et peu vivant qui isole deux parties très actives: l'en- docarpe acide et sucré, le zeste à essence. Tandis que la première mandarine retirée de nos appareils offre, à la dégustation, une saveur sucrée et acidulé, la seconde, qui est au même D1 GERBER. — QUOTIENT RESPIRATOIRE DES FRUITS CHARNUS 447 état de maturité, donne pour le zeste et pour l'endocarpe les quotients suivants CO2 29 janvier. Endocarpe. . . . Poids: losr = 1.61 CO2 — Zeste 5*r,0o — =0.90. La même expérience, faite sur d'autres mandarines du même arbre, à divers états de coloration, donne les quotients respiratoires suivants : Mai d irine verte. Verle. Vert jaunâtre. Jaune. Endocarpe. ... 1,43 1.52, 1,78 1,61 Zeste 1,02 0,98 0,96 0,90 Le cas des mandarines, qui semblait infirmer la règle, vient donc la confirmer. Si nous observons de suite dans les Alkekenges et les pommes un quo- tient supérieur à l'unité, cela tient à ce que la partie non acide est extrême- ment faible et réduite à l'épicarpe. L'acidité des mandarines précédentes, récoltées en serres, est très faible et le sucre est peu considérable. I! n'en est pas de même de toutes les mandarines et des oranges. Nous pouvions espérer, en nous adressant à des fruits de ces deux espèces, plus sucrés et plus acides, récoltées sur des arbres cultivés en pleine terre, obtenir, sans enlever le zeste, le quotient caractéristique des acides. Les fruits qui nous ont permis d'édifier les quatre tableaux suivants, ont été mis dans les appareils quand le zeste était 4/5 vert, 1/5 jaune, sauf les mandarines 7 et 8 qui étaient jaune verdâtre. Les fruits de chaque tableau ont été pris au même arbre. Disons une fois pour toutes que dans tous ces tableaux, comme dans les précédents et les suivants, les quantités d'oxygène et d'acide carbonique sont indiquées en centimètres cubes par kilogramme de substance et par heure, et que les acides, sucres, etc., dans les analyses représentent en grammes la quantité contenue dans un kilogramme de la même substance. 448 BOTANIQUE Tableau A. Mandarines cueillies a Marseille. DATES COULEl'R :. — POIDS : 39s',2t ZESTE . . . -US', 50 ENDOCARPE. 2i?r,H C02 0 I/2vert-i 2jaune 14 février 4/5?erM/5 jaune 15 — 16 — 17 - 18 — 19 — 20 — 21 — 22 23 — 25 26 cciilim cubes ■io.ir 1er mars 2 — 3 — 15 février 23 — 4 mars 15 février 23 — 4 mars milim cubes 32.56 1,25 Jaune rougeàtre II. — POIDS : 58s',35 zeste . . . )3-r,15 ENDOCARPE. W,52 CO2 crnlim cubes 58,13 42,97 38,76 25,73 24,70 16,48 31,68 26,43 24,10 centim . cubes 47,26 35,21 35,90 24,98 23,31) 17,46 33.35 28,42 26,20 ZESTE 226,70 246,40 0.92 132,14 150,15 ENDOC AR PE 81,8" 60,64 1,35 47,93 46,10 CO2 O 1,23 1,22 1,08 1,03 1,06 0,95 0,95 0,93 0,92 III. — POIDS : 41s',85 ZESTE . . . H&jQ$ ENDOCARPE. 305r,20 CO2 O IVIlIllll cubes 58,32 52,42 41,17 35.09 34,54 29,40 29,39 29,56 28,96 23,98 22,06 23,57 18,20 19,63 25,36 25,34 29,81 31,35 erntim. cubes 44, 18 40,64 32,41 32,19 32,27 30, » 30,94 30,16 31,14 25,78 25,07 26,19 22,47 23,66 30,53 29,47 34,27 35,43 0,88 198,9" 207,26 1,04 41,30 43,47 1,32 1,29 1,27 1,09 1,07 0,98 0,95 0,98 0,93 0,93 0,88 0,90 0,81 0,83 0,85 0,86 0,87 0,88 0,96 0,95 Dr GERBER. — QUOTIENT RESPIRATOIRE DES FRUITS CHARNUS 449 Tableau B. Mandarines cueillies a Menton. dates 29 janvier 1er février 6 — « - 10 — 12 — 14 — 16 — 18 — 20 — 2 février 20 — 2 février 20 — I/2verH/2jaune J;ujne rougeàtre IV. — POIDS : 32sr,30 ZESTE . . . 93r, » ENDOCARPE. 23?r,30 ( (i: Cenlim. cubes 47,50 16,15 eentim. cubes 30, » 37,23 CO- O 1,32 1,24 V. — POIDS : 32s', » C O eentim. cubes 42,81 43,36 27,52 25,15 30,44 33,52 32, CO2 O eentim. cubes 32,19 32,85 26,98 23,95 27,58 32,55 32,53 28,8 VI. - POIDS: 31s',10 ZESTE . . . 7B',70 ENDOCARPE. 23Sr,40 CO2 1,33 1,32 1.02 1 ,<)•"> 1,10 1,03 0,99 0,96 saTciir sucrée, peu acidulé cenlim. cubes 44,62 41,74 25,97 21,15 32,82 32,83 29,10 30,03 28,52 30,6 ITIillIll. cubes 31,:)!) 35,99 23.61 23.32 30,61) 33.5(1 30/96 32,64 30,6 33,70 ZESTE 2os.no iiil.st» 1.02 211.20 235,60 EN DOCARPE 73,50 40,16 1,83 » » » » 0 » » » ï» 37.03 40,25 ANALYSE DE L'ENDOCARPE IV Acides (calculés en 1/2 citrique, 1/2 maliquej 8sr,82 Sucres réducteurs 26 30 Sucres réducteurs + sucres non- réducteurs (sans interversion) . 86 80 1,29 1,16 1,10 0,95 1,07 0,98 0,94 0,92 0,93 0.91 0,90 0,92 VI Acides (calculés en 1/2 citrique, 1/2 maliquc) 5sr,27 Sucres réducteurs 44 96 Sucres réducteurs -f- sucres non- réducteurs (sans interversion) . 89 90 29* 450 Tableau C. botanique Mandabines' cueillies a Nice. Vil. — POIDS : 33sr,50 VIII. — POIDS : iOs',67 ZESTE ... 9sr,:i0 zeste ... 7 ?r,77 DATEs COULEUR ENDO< :arpe . 24^20 ENDOCARPE . 22 sr,90 C02 O c.o- O COs O CO2 cent, cubes cent, cubes cent, cubes cent, cubes 14 niais Jaune verdàtfe 75 . s 41, » 1,83 07 17 55,76 1,21 15 — » » » » 69,80 56,74 1,23 10 - » » » » 42,54 36, » 1,18 17 - » » » » 39,30 33,30 1,18 18 - » » » » 39,20 33,80 1,16 19 - » » » » 51,33 42,70 1,20 20 — Jaune » » » 39,63 32,22 1,23 21 — » » X> » 38. » 35,20 1,08 22 — » » » » 41,50 38,80 1,07 24 — » » » » 42,26 41, » 1,03 25 — » »• » » 43, » 41,74 1,03 26 — £ » » » 45,46 43,71 1,04 27 — jaune rougeàtre » » » 46,23 44,88 1,03 ZESTE 15 mars » 210. SI) 202,70 1,04 » » » 28 — » » » » 1 236 » j 248,40 0,95 ENDOCARPE 15 mars X, 62,20 39,10 1,00 » » » 28 — » » » » fâ,40 35,05 1,19 ANALYSE DE L'ENDOCARPE VII VIII Acides (calculés en 1/2 citrique, Acides (calculés en 1/2 citrique, 1/2 malique) 3^,30 13 20 Sucres réducteurs + sucres non- réducteurs isans interversion) . 05 Si- Sucres réducteurs + sucres non- réducteurs (sans interversion) . 06 92 Dr GERBER. — QUOTIENT RESPIRATOIRE DES FRUITS CHARNUS 4ol Tableau D. Oranges douces cueillies a .Menton. IX. — POIDS : 86s', » X. — POIDS : 117sr,85 ZESTE . . . 27Sr,50 ZESTE . . . 456r,20 DATES COULEUR ENDOCARPE . 58Sr,50 ENDOCARPE . 7 2Sr,65 C02 O cu- ir C02 0 C02 0 cenl. cubes ivni. cubes rir.it. tubes ceut. cuirs 30 janvier Jaune verdàlre 37,02 28,47 1,30 31,87 20,04 1,59 1«' février D 34,83 28,51 1,25 30,17 22,18 1,36 6 — " 24,29 20,41 1,19 » S » s — 20.81 19,63 1,06 17,19 15,35 1,12 10 — » » » » 18,20 16,48 1,11 12 — » » » » 16,91 15,60 1.08 n — a s » s 21,95 21,11 1,04 16 — » » » » 14,70 14, » - 1,05 18 — Jaune » » » 17,45 16,78 1,04 20 — » » » » 13.71 14,28 0,96 22 » » » » 14,70 15,26 0,97 2i » » » Û 9,32 10,96 0,85 1 3 mars » » » » 10.97 13,06 0,84 t; — » " • » 11,48 12,89 0,89 Il — Jaune rougeàtre » ■> » 11,20 13,30 0,84 Z ESTE 9 février » 100,10 106,50 0,94 » » D 12 mars » » » 91,73 95,55 0,96 ENDOCARPE !» février » 37,64 26,69 1,11 » » » 12 mars * » » » . 15,30 17.61 0,87 ANALYSE DE L'ENDOC :arpe IX X Acides (calculés en 1/2 citrique, Acides (calrult s en 1/2 citrique, 1/2 malique) Sacres réducteurs 13 570 Sucres réduite urs 21 980 452 BOTANIQUE L'examen de ces quatre tableaux nous montre que les mandarines et les oranges, malgré le zeste, présentent un quotient respiratoire supé- rieur à l'unité, et d'autant plus fort que les fruits sont plus verts et par suite plus acides; ce quotient diminue à la maturité et devient inférieur à 1 ; mais à ce moment, si la maturité est complète, même, en enlevant CO2 le zeste, le rapport — reste inférieur à l'unité, tandis que dans les mandarines vertes étudiées les premières, ce rapport devenait supérieur à l'unité. Ce fait du quotient inférieur à l'unité, à un certain degré de maturité, malgré la présence d'acides, avait déjà été signalé dans notre dernière communication, chez les Alkekenges. 11 se présente très fréquem- ment chez les citrons, cédrats, etc., et nous aurons à l'interpréter plus tard, quand nous essaierons d'établir les relations que nous croyons devoir exister entre le quotient respiratoire et ces acides. Dès maintenant, nous pouvons cependant signaler le fait curieux sui- vant : le quotient respiratoire de l'endocarpe des fruits d'un môme arbre est d'autant moins élevé que la proportion des sucres par rapport à l'acide est plus élevée. Dans les mandarines et les oranges (en exceptant les mandarines du tableau C), nous avons toujours trouvé que le quo- tient respiratoire de l'endocarpe était inférieur à l'unité quand les sucres étaient en poids plus de douze fois supérieurs aux acides. La courbe des volumes d'acide carbonique dégagé et d'oxygène absorbé est sensiblement la même que celle des Alkekenges, c'est-à-dire que les variations du volume d'oxygène et du quotient respiratoire se font dans le même sens. Mais à certains moments, on observe des variations en sens inverse; celles-ci sont dues aux variations du quotient respiratoire du zeste. L'examen des volumes dégagés et des quotients respiratoires des zestes des fruits du même arbre montre, en effet, que le volume d'oxygène absorbé augmente quand le quotient respiratoire diminue. En un mot, l'endocarpe acide des Aurantiacées se comporte généralement comme les Alkekenges, le zeste de ces plantes toujours comme les bananes. Le deuxième groupe de fruits dont le quotient respiratoire est supé- rieur à l'unité, est, nous l'avons dit, constitué par des fruits à acides vola- tils, unis aux alcools pour donner les éthers si agréables de la banane. La banane présente deux portions bien nettes : l'une, fibreuse externe, sans arôme, l'autre, blanche, molle, parfumée, interne, CO2 Si l'élévation du quotient — r— est due aux acides volatils, il devra être localisé dans la partie blanche; aussi avons-nous séparé la partie blanche de l'externe dans un certain nombre de bananes dont nous avions pris préalablement le quotient respiratoire. Les deux régions de chaque fruit Dr GERBEB. — QUOTIENT RESPIRATOIRE DES FRUITS CHARNUS 453 étaient mises à respirer séparément, et la région blanche était analysée aussitôt après. Les bananes ainsi expérimentées étaient prises à un même régime, à différentes époques et par suite aux diverses périodes de leur maturation. Le numérateur et le dénominateur de chaque quotient représentent en centimètres cubes les quantités d'acide carbonique dégagé et d'oxygène absorbé par kilogramme et par heure. Le tableau ci-après confirme absolument les conclusions que nous avons tirées, dans notre dernière communication, de l'étude des bananes ; il montre que ces conclusions se rapportent à la partie blanche. On voit que l'augmentation du quotient respiratoire est bien due à la partie blanche et parfumée, et que le rapport des molécules d'acide for- mique et d'acide valérianique va en augmentant avec le quotient respi- ratoire. Quant à la partie fibreuse, son quotient est inférieur à l'unité. En résumé, le quotient respiratoire des fruits charnus acides est bien dû à la portion de ces fruits qui contient les acides, et la façon de respirer des deux groupes extrêmes de ces fruits (groupe à acides fixes, groupe à acides volatils) tout en semblant identique au premier abord, est abso- lument différente, comme nous l'avons fait ressortir dans la communica- tion précédente. Souvent la partie externe non acide du péricarpe vient masquer la mo- dalité respiratoire de la portion acide, mais il est facile d'éliminer cette cause d'altération du quotient respiratoire (1). (I) Travail fait sous lu direction de MM. Duvillier et Jumelle, à la Faculté des Sciences de Marseille. 454 BOTANIQUE s s !/) »' 3 C a SI ^ ® » ce S 3 g E c 5 M « "H O o © CD S» o 3S CO 2 e* S' (M ■"* « M 3 c 3 eu CO W 0} O d) c îO oo CC 55 f? O C o s 3 s 3 5 i- ft x* o si R CD Ui B -a a> >c S t-~ r- o oc a. M ï s M ~- -^ — -^" 3 w CL a'1 — r— Ci ■< S «1" g si ^ SJ -* 5D c nJ s = •>* 3C o" en / = « ;: ■«?* 00 o Ed < CtD «H ^* Q «> ** œ W ;- - o "3 5. a OIO o S-1 Nï 0- p3 .ÇT ^ < m £ ï? K 0/ C ^ ■a o cd II II '-~I5> II ^15 II •< r/j 03 ~ ai 3 ™ ï « c M — e 'S S C5 05 rs\ ■^ s co R si si si o g " g se H -M J2 ÎD jo o o *£* ï 1 S O SI so 00 co 00 co S) , r— CO o ,_l ■s* ^o t— Ci O ^^ 00 SI T-rT C Z. !8 H c C 5 o II o ' Il II 11 SI II g s l - 2D ~* CD t- -^ SI 00 ^■i g 1 & ©1 JO «* ÎO Oi s5 co (S o TH t~- ~* -=* co ce CO O — • o,/> SI ©1 xrl ~* 3D si Ti x^ CD D5 1 "«- ■*-< ■^, •^ JO CD S3 1 - =• «r* o _H SI O »** ~ ~ "c: a.- 3 s OO ao o o D. O ■S.S - © o" o" o" O O 1 1 » O < E il 1 II 1 II II peu ri l'- on sée, O 1 1 s* r— jo SI t— — OS 1^ X* S § eo co Si a-^rt CD o t- o 2D CD oc 2 •= ~ oc SI X O «* r- I— O JO ^H 00 ce 00 CD 00 O JO SI oo -a H o ^* o -H >?H SI co se II II II II II II II \ Z ■A -** 00 CD CD O o 2] C5 ôc 00 JO oo o cô CD H D 1 » CD o 3 c c 3 3 3 Si ce 3 CD s- -O. ^3 SI -D -"S C ■H -TH co 3 S eu CD cd" O cS a a a U cd "' s o 3 s a CD a c cd a c3 t-> i. 3 D a> CD cS "* ©i «* ■— >■ >■ co — -7 — — _ _^ M Î-. co ri f- > > t> > 2 S -< a CS cd cS et Q SI CD -H 30 O 53 o "^ SI SI CO F. DOUMERGUE. — QUELQUES PLANTES DE LA PROVINCE DORAN 455 M. ï. DOÏÏMEE&ÏÏE Professeur au Lycée d'Oran. NOTES SUR QUELQUES PLANTES INTÉRESSANTES DE LA PROVINCE D'ORAN [581,9 (65)] — Séance du 3 avril 1896 — Anémone coronaria L., var cyanea[k. Hanry). — Douar Ouarhanis près le Tlelat. Myosurus minimus L. — La mare du djebel Santo à Oran ayant été plantée en Eucalyptus, le Myosurus est appelé à disparaître. Il était d'ailleurs excessi- vement rare. Les Marsilea pubescens, Pilularia minuta, Isoetes adspersa subiront le même sort. Papaver malvseflorum Nob. — Plante annuelle, élancée, couverte dans la partie feuillée de très nombreuses et fines soies blanches, longues et étalées. Pédoncule portant seul des soies raides, nombreuses, courtes et très appliquées. Feuilles de deux sortes : les radicales et les caulinaires inférieures longue- ment pétiolées, pennatipartites lyrées, à une ou deux paires de lobes distants; le terminal plus grand, incisé et profondément divisé dans les feuilles infé- rieures. Segments tous oblongs. Feuilles supérieures ayant l'aspect de celles du P. hybridum, sessiles, subamplexicaules, profondément tripartites, à divi- sion pennati ou bipennatipartites; lobes et segments linéaires, seuls les termi- naux un peu plus grands et légèrement oblongs. Toutes les feuilles couvertes de nombreux poils fins, blancs et appliqués. Pétales petits, de couleur mauve, portant sur l'onglet une tache violette allongée; les externes suborbiculaires, (2 centimètres), onglet non distinct ; les internes ovales, (20 millimètres sur 17 de long.), atténués du milieu à la base; onglet nul. Etamines d'un pourpre noir, filiformes, aussi longues que la capsule. Stigmates 7 (sur mes échantillons), disque à lobes distincts, arrondis. Capsule lisse, petite, subglobuleuse. (Mes échantillons sont jeunes.) Tige paraissant longuement uniflore, mais portant à l'aisselle des feuilles supérieures 1-2 boutons sur un court pédoncule. Sebdou : champs broussailleux entre la Tafna et les Apôtres. — Avril, mai. Je n'ai de cette plante que deux échantillons. J'ai cru apercevoir, en chemin de fer, une plante semblable, entre Chanzy et Si-Slissen, à 2 kilomètres au plus du moulin de Chanzy, à droite de la voie. Cette espèce qui tient surtout du P. Rhœas, ressemble par le faciès de ses feuilles inférieures au P. hybridum. Par ses feuilles supérieures sessiles. subamplexicaules, elle se rapproche beaucoup du P. setigerum. Elle me semble devoir prendre place enlre ce dernier et P. Rhœas. Brassica Havardi Pom. — Tlemcen. Difficile à maintenir comme espèce. Calepina Gorvini Desv. — Tienicen : partie supérieure des Cascades. 456 BOTANIQUE Nasturtium Mumbyanum Boiss. — Sebdou : chemin de Mizab. Hélianthe mum squamatum Pers. — Ben Ferreah : daya Edbadib. Viola parvula Tineo. — Sebdou : champ de tir. Polygala saxatilis Desf. — Cette espèce, bien voisine du P. rupestris Pourr., s'en distingue par ses fleurs plus grandes, ses feuilles plus distantes, plus longues et surtout plus larges. Elle est d'ailleurs très variable. Les inter- médiaires entre les deux espèces sont nombreux et la réunion des deux espèces en une seule a sa raison d'être. Toutefois, ces deux plantes n'étant pas absolument identiques, nous préférons admettre pour la plante d'Oran le nom de P. saxatilis Desf. avec les variations suivantes : 1° P. saxatilis. Desf., for. genuina. — Tiges allongées, au moins la plus grande partie; feuilles minces, longues, oblongues linéaires, quatre à six fois plus longues que larges, à bords à peine repliés, assez longuement atténuées en un mucron court ; les inférieures plus larges, plus courtes, mais toujours atténuées. Oran, dj. Beguira, dj. Sidi-el-Aâbed, Tifrit près Saïda. 2° For. oblusifoliaNob. — Tiges courtes peu feuillées; feuilles seulement deux à trois fois plus longues que larges, les inférieures suborbiculaires, toutes subar- rondies obtuses au sommet, m ucronées. Parfois, quelques-unes sont courtement atténuées. Oran : rochers escarpés des ravins du dj. Yeffry, Bedeau, dj. Sidi-el-Aâbed. Cette forme se rapproche du P. rupicola Pom. 3° Var. laticarpa Nob. — Tiges très allongées, feuilles très distantes, étroi- tement oblongues, lancéolées, régulièrement atténuées au sommet et à la base à partir du milieu, six à sept fois plus longues que larges, à bords repliés ; les inférieures à peu près de même forme que les supérieures, mais plus courtes, quelques-unes ovales mucronées. Sépales courtement atténués, au plus de la longueur de la capsule, mais de moitié aussi larges. Capsule grande, aussi large que longue, 7 millimètres sur 8 ou 7 sur 9, arrondie atténuée à la base, obtuse arrondie au sommet, profondément émarginée ou échancrée. Dans ce dernier cas, le sommet des ailes est arrondi. Ailes larges, dépassant assez souvent 1 millimètre, régulièrement atténuées vers la base. Oran : Falaises et broussailles du littoral ; Batterie espagnole ; cap Falcon ; broussailles des grandes dunes. Cette variété a tous les caractères d'une sous-espèce et peut-être même d'une espèce. Hibiscus Trionum L. — Tlemcen: cultures de la vallée supérieure du Mefrrouch. Malva oxyloba Boiss. — Aïn-el-Turk. Géranium malvaeflorum B. et R. — Sebdou : chemin de Mizab. Erodium hymenodes L'Hér. — Tlemcen : Cascades. — crenatum Pom. — Tlemcen : Cascades. Saponaria glutinosa M. Bieb. — Environs de Sebdou. Haplophyllum Buxbaumi Poir. — Oran : moissons au nord-est de Gambetta. Ulex webbianus Cosson. — Sebdou. Adenocarpus umbellatus Coss. et DB. — Col de Kredidja à Mers-el- Kébir; pointe Canastel. Medicago glutinosa Marsh. ? — Je rapporte avec doute à cette espèce- une plante très commune sur les talus de la route de Tlemcen à Mansourah, F. DOUMERGUE. — QUELQUES PLANTES DE LA PROVINCE û'ORAN 457 sur une longueur d'au moins deux kilomètres. Ses fleurs sont jaunes, denses, assez petites à calice pubescent. Ses gousses sont à nombre de spires va- riable, mais le plus souvent à un tour et demi. Elles portent de nombreux poils assez raides et de deux sortes, les plus courts glanduleux. Les feuilles, à folioles ovales atténuées à la base, sont le plus souvent nettement dentées dans le tiers supérieur ; quelques-unes sont presque entières. Tous ces caractères en font une forme intermédiaire entre les M. glomerata, Balb., et M. glutinosa, Marsh. Elle se distingue de la première par ses feuilles ovales, dentées au sommet et par ses calices pubescents ; elle est bien moins velue et bien moins glanduleuse que la deuxième. Elle est donc affine du M. glutinosa dont on pourrait en faire une variété pubcscens. Lathyrus macrorhizus Wimm. — Sebdou : Mizab. M. Battandier a déjà signalé cette espèce à Terny. Tragyopsis dichotoma Pomel. — Mangin. Bupleurum montanum Coss. — Tlemcen : partie supérieure des Cas- cades, Mansourah : dj. Attar. Nouvelle pour la province. Bupleurum rigidum L. — Monte jusqu'au dj. Attar. Gonium maculatum L. — CC. à Tlemcen. Peucedanum Munbyi Boiss. — Tlemcem : Cascades, Mansourah. Margotia gummifera Lange. — De Tlemcem aux Cascades. Gephalaria leucantha Schrader. — Tlemcen: dj. Meffrouch. Bellium rotundif olium DC. — Tlemcen : extrémité nord-est des Cascades. Jasonia rupestris Pom. — Rochers de Safsaf, Mansourah, Beni-Mester. Gladanthus arabicus Coss. — Beni-Mester, entre Tlemcen et Marnia. Atractylis macrophylla Desf. — Sebdou : cbemin de Mizab. Gentaurea nana Desf. — Sebdou : chemin de Mizab. Gnicus benedictus L. — Tlemcen : moissons près Agadir. Lapsana macrocarpa Coss. — Aïn-el-Hout près Tlemcen. Trachelium caeruleum L. — Sebdou : moulin. Jasione glabra DR. — Cap Falcon, Kristel. Campanula fastigiata Léon Dufour. — Saint-Louis : à l'est-nord-est du lac desséché. Linaria atlantica Boiss. — Cap Falcon. Thymus capitatus Iloffm. — Mansourah, Aïn-el-Hout. Teucrium albidum My. — Sebdou : Apôtres. Vitex Agnus-castus L. — Oum-el-Aloua au nord d'Aïn-Fezza. Plumbago europœa L. — CC. aux environs de Tlemcen. Armeria ebracteata Pom. — Tlemcen : extrémité nord-est des Cascades. Statice sinuata L. — Embouchure de l'oued de Bou-Sfer, près les Anda- louses. Plantago mauritanica B. et B. — Sebdou. Polycnemum Fontanesii DB. et Moq. — Bio Salado. Damasonium polyspermum Coss. — Rio Salado. Arisarum vulgare Targ.-Tozz. — Les Andalouses. Doit se trouver dans la montagne d'où les eaux l'ont sans doute disséminé le long de l'oued de Bou-Sfer. Aceras anthropophora B. Br. — Sebdou: chemin de Mizab, Lauriers- Roses. Bellevalia ciliata Nées. — Plaine au sud de la Senia, Valmy, Arbal, Tlélat, Sainl-Lucien. 458 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE Lagurus ovatus L. var. cylindricus, Nob. — Falaise d'Oran. Épi cylin- drique atteignant 5-G centimètres. Scolopendrium Hemionitis Sw. — Excavations kabyles abandonnées sur l'ancienne route de Mansourah à Sebdou, au pied du dj. Attar. Marsilea pubescens Ten. — Rio Salado. Isoetes adspersa A. Br. — Rio Salado. M. Eusôbe YASSEL Ancien capitaine d'armement et de navigation au canal de Suez, Maxula-Radès (Tunisie). SUR LA PIIMTADINE DU GOLFE DE GABÈS — Séance du 2 avril 1896 — On n'ignore point que la communication entre les eaux de la Méditer- ranée et celles de la mer Rouge par le canal de Suez n'a été ouverte qu'en 1861), et que, jusqu'à cette époque, une étroite bande de sable, mesurant moins de cent vingt kilomètres à vol d'oiseau, tenait séparées deux faunes conchyliologiques marines présentant le plus étonnant contraste. Les espèces de la mer Rouge ont généralement un caractère tropical ; et la plupart d'entre elles se retrouvent, soit dans la mer des Indes, soit aux Philippines ou dans l'océan Pacifique. On voit d'ailleurs des récifs de corail jusque dans la rade de Suez, par 29° 57' de latitude nord. En 1865, notre ami regretté, le docteur Paul Fischer, ne craignait pas d'écrire (1) : « Il n'existe aucune coquille commune à la mer Rouge et à la Méditer- ranée. » Cinq ans plus tard, le célèbre auteur du Manuel de Conchyliologie disait encore (2) : « La faune des baies de Suez et de l'Akabah est tout à fait distincte de celle de la Méditerranée, ce qui implique une séparation des deux mers persistante et remontant jusqu'à la fin de l'époque miocène. Je ne puis, sur ce point, qu'affirmer de nouveau ce que je pensais en 1865. » (1) P Fischer, Note sur les faunes conchyliologiques des deux rivages de l'isthme de Suez, Journal de Conchyliologie, 1865, p. 2'.:;. (2) P. Fischer, Sur la faune conchijliologique marine des baies de Sue: et de l'Akabah, Journal de C mchyliologie, 1S70, p. 172. E. VASSEL. — SUR LA PINTADINE DU GOLFE DE GABÈS 459 La barrière détruite par l'œuvre grandiose de Ferdinand de Lesseps, un mélange commença et, en 1872, nous péchions dans le lac Timsah, à mi-distance des deux mers, le Cardium edule Linné de la Méditerranée avec le Mytilus variabilis Krauss de la mer Rouge. En 187G, notre savant ami, M. Theodor Fuchs, directeur du musée géologique de Vienne, constatait la présence du Mytilus à Port-Saïd et le regardait comme le premier immigrant de la mer Rouge dans la Méditer- ranée (1). Enfin, en septembre 1882, M. le docteur Conrad Relier, professeur à l'École Polytechnique de Zurich, qui avait visité, peut-être un peu rapide- ment, l'isthme de Suez, au mois de janvier de la même année, essayait d'enregistrer l'état de l'émigration d'une mer dans l'autre (2). Ici entre en scène la Pintadine ou, pour parler plus scientifiquement, le genre Melear/rina de Lamarck, dont Fischer et d'autres auteurs font une simple subdivision du genre Avicufa. Nous nous rallions d'aulant plus volontiers à cette opinion, que les jeunes Pintadines ont parfois la coquille assez oblique et les oreillettes très développées. On lit dans l'opuscule de M. Relier (3) : « Meleagrina margaritifera. Véritable huître perlière. » Il est particulièrement intéressant de couslater que la véritable huître per- lière se dirige vers la Méditerranée et peuple en grand nombre les parties pro- fondes du canal. Il est intéressant aussi au point de vue biologique de remarquer que les jeunes exemplaires y ont le test plus épais que dans la mer Rouge. Il faut certainement en chercher l'explication dans le courant du canal et dans le remous créé par les navires. L'animal est fixé au sol par son byssus ; mais le fond du canal est môu et le mouvement de l'eau détacherait les animaux, ce qui est précisément empêché par la sécrétion d'une coquille plus épaisse. » A ce qu'on m'assure, l'huître perlière produit aussi des perles dans le canal ; et par suite il y a espoir que la pêche des perles pourra un jour être pratiquée sur les côtes de la Méditerranée. Il faudra toutefois encore pour cela quelques générations, et j'ai cherché à calculer à quelle époque l'huître perlière pourrait arriver dans le golfe de Trieste. » Nous ne serons pas très éloignés de la vérité si nous admettons qu'elle a occupé jusqu'ici un tiers du canal, soit environ trente milles marins. Elle aurait ainsi fait environ quatre kilomètres par an. Il faudrait donc encore vingt-cinq ans pour qu'elle parvint à Port-Saïd et, par conséquent elle n'y serait que dans le commencement du siècle prochain. » La distance de Port-Saïd à Trieslc peut être de douze cents milles marins environ ; et en admettant que la migration se poursuive dans les conditions actuelles, il faudrait encore cinq cents ans pour que l'huître eût accompli le (1) Theodor Fuchs, Die geologische Besehaffenheit âer Landenge von Suez, Wien, 1*77. p. 3. (2) Co\run Kkli.er, Die Faunaim Suez-Kanal und die Diffusion der meditommm uni «rylhraeu- chen Thieru eli Basel, 1882. (3) Page 2'.. 460 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE trajet. Ce n'est donc que vers l'an 2400 qu'on peut s'attendre à la présence en nombre de l'huître perlière dans le port de Trieste. » A propos des calculs de M. Relier, nous écrivions en janvier 1889 (i) : « A Suez, on appelle huître perlière une avicule qui me paraît être celle que Vaillant a désignée sous le nom iïAvicula radiata Deshayes et que Savigoy a figurée dans ses planches (2). On la pêche pour la manger (crue), bien qu'elle soit passablement coriace et fort indigeste. Elle est très commune et vit jusqu'au niveau des basses marées ; j'en ai même trouvé souvent des exemplaires qui découvraient. Issel (3) ne fait qu'une seule et même espèce de VAvicula radiata de Vaillant et de VA. margaritifera Linné; il a recueilli de petites perles dans l'avicule de Suez. Keller adopte évidemment l'opinion de l'éminent naturaliste italien. » J'ai trouvé la Méléagrine de Suez vivant en grand nombre à Port-Saïd en avril 1886. Elle y est à fleur d'eau comme à Suez. » Je lis dans le Journal de Conchyliologie, 1885, p. 142, que Monterosato (4) a décrit un Meleagrina Savignyi provenant du port d'Alexandrie. « C'est peut-être, » fait remarquer Crosse, une importation de la mer Rouge par le canal de Suez? » Il serait intéressant de vérifier le fait. » Et un peu plus loin : « Dans son mémoire, Keller énumère les différents facteurs qui peuvent actuellement contribuer à la diffusion des espèces par le canal de Suez. Il en omet toutefois un, qui est, à mon avis, le plus important de tous, au moins en ce qui concerne un grand nombre de mollusques : je veux parler des déplace- ments du matériel flottant employé par la Compagnie de Suez au creusement et à l'entretien du canal. A Port-Thewfik, j'ai fait en 1882 et 1883 sur la coque des dragues, chalands et pontons-bigues, de riches récoltes de bivalves à byssus ou à coquille adhérente et même de Gastropodes. J'ai trouvé sur une drague amarrée depuis neuf ans environ dans la darse, jusqu'à un banc de corail en formation, qui atteignait déjà par places une épaisseur de dix centimètres (5). Je ne saurais mieux dépeindre l'intensité de vie qui se déployait autour de cet appareil qu'en le comparant à un récif flottant... » Il est évident que si, comme il arrive fréquemment, cette drague avait été envoyée de Suez à Port-Saïd, elle aurait, dans sa marche lente à travers le canal, puissamment contribué à la diffusion des espèces. » Peut-être ne faut-il pas chercher ailleurs l'explication de la migration rapide du Mytilus variabilis et de VAvicula radiata (6) ? » Un an après la publication de notre mémoire, MM. Bouchon-Brandely, inspecteur général des pêches maritimes, et Berthoule, secrétaire général (1) Eusèbe Vassel, Sur les faunes de l'isthme de Suez, Autun, 1890, p. :i0. (2) Savigny, Descripl. de i Egypte, Coquilles, pi. H, fig. 8 et 9. (3) Arturo Issel, Malacologia del mar Rosso. Pisa, 1SG9, p. 95. (4) Montbrosato, Nomenclatura generica e specifica di alcune conchiglic Méditerranée, Palermo, 1884. (5) Cyphastraea chalcidîca. Klum. (6) Par suite d'un lapsus, le texte porte A. striata. E. VASSEL. — SUR LA PINTAD1NE DV GOLFE DE GABÈS 461 de la Société d'acclimatation, disaient dans une très intéressante mono- graphie (1). « Citons, enfin, un banc d'huîtres à Adjim, aux abords de l'îlot de Kattia, et la petite Pintadine, dont nous avons été, croyons-nous, les premiers à signaler l'existence sur ces rivages. C'est, d'ailleurs, le hasard qui nous a fait rencontrer celle-ci, à bord d'une sakolève grecque revenant de la pêche aux éponges. Les précieuses avicules avaient été ramenées avec d'autres coquillages parla gangave dont se servent ces bateaux ; il y en avait ainsi un certain nombre, encore vi- vantes, mesurant en moyenne 0m,07 ; elles n'avaient pas de perles, mais leur nacre nous a paru être d'une très belle qualité. La photographie que nous en avons prise aussitôt avec soin en donne, avec autant de précision que possible, les caractères principaux. )> 11 serait du plus haut intérêt de déterminer exactement les gisements de cette espèce qui, d'après nos informations personnelles, vit sur plusieurs points du golfe de Gabès, et d'étudier la richesse de ces colonies jusque-là inconnues ; il ne le serait pas moins de travailler à leur développement, à leur culture in- dustrielle, et d'entreprendre sur ces mêmes fonds, qui semblent au premier abord très favorables à ces expériences, l'acclimatation de la grande Pintadine. » Cette Méléagrine du golfe de Gabès a été découverte le 20 mai 1890. S'il nous souvient bien, les auteurs que nous venons de citer l'avaient identifiée tout d'abord avec la véritable mère-perle et l'avaient désignée comme telle dans le Bulletin de la Société d'acclimatation (fin de 1890 ou commencement de 1891). A l'examen des figures très exactes, mais un peu confuses, qui accom- pagnaient l'article du Bulletin, nous soupçonnâmes immédiatement que la Pintadine signalée n'était autre que celle de la rade de Suez ; mais ce ne fut qu'à la fin de l'année dernière que nous eûmes occasion de l'étudier, l'ayant recueillie à l'embouchure de l'Oued Melah, dix-sept kilomètres au nord de Gabès, où elle vit en nombre sur un banc de grès de formation actuelle. Nous croyons pouvoir l'affirmer, cette coquille est identique à la forme qui nous a été si familière durant plus de treize années, bien que nous constations sur plusieurs exemplaires des parties tout à fait blanches que nous n'avions jamais remarquées en Egypte ; et nous sommes convaincu que c'est bien de la mer Rouge qu'elle provient, par la voie du canal. Nous n'avons d'autres données sur le Mealeagrina Savignyi du marquis de Monterosato que ce nom spécifique, qui paraît indiquer que la coquille figure sur les planches de Savigny ; mais nous n'hésitons pas à supposer que c'est toujours la même espèce ayant même origine. En effet, si elle n'était une nouvelle venue dans la Méditerranée, la (1) Bouchoh-Brahdeli et A. Bertiiolle, les Pèches maritimes en Algérie et en Tunisie, Paris, 1891, p. 90. 462 ZOOLOGIE, ANATOM1E, PHYSIOLOGIE Pintadine de Gabès n'aurait pu manquer d'y être vue depuis longtemps. C'est une coquille d'assez grande taille (huit centimètres de diamètre), remarquable par l'éclat de sa nacre et par les marbrures violacées et blanchâtres de son limbe d'apparence cornée ; étant prolifique, elle vit toujours en colonies nombreuses ; on la rencontre presque à fleur d'eau ; enfin le test des individus jeunes est mince et léger, ils sont détachés assez facilement de leur byssus, parfois même ils l'abandonnent volon- tairement pour changer de place, de sorte que, dans les mauvais temps, ils se trouvent souvent jetés à sec sur les plages. Les espèces du sous-genre Meleagrina sont d'ailleurs peu nombreuses et la distribution géographique en est bien connue. Lamarck, dans sa pre- mière édition (la seule qu'il ait publiée lui-même), n'en décrit que deux, formant en tout quatre variétés (1) : 1. — a. Meleagrina margaritifera Linné b. Avicula radiata Leach. 2. — a. Meleagrina albina. b. Var. testa violaceo partim tinctà. Enfin, ce sous-genre n'a point été signalé, que nous sachions, dans les plages soulevées de la Méditerranée. Nous appelons l'attention de nos honorables collègues du Congrès de Carthage sur l'intérêt qu'il y aurait à rechercher les points du littoral méditerranéen déjà occupés par la Pintadine, et à suivre les étapes ulté- rieures de cet immigrant des mers chaudes. Maintenant, comment faut-il appeler notre Méléagrine ? Hélas ! Tunis n'est pas outillée au point de vue scientifique comme il conviendrait à une ville de cette importance. M. le professeur Albert Gaudry nous a fait l'honneur de nous écrire, à la fin de 1890, qu'il avait signalé à M. Massicault et à M. Paul Bourde la nécessité de créer ici un petit musée d'histoire naturelle. Mais M. Massi- cault et M. Bourde étaient en butte à des attaques aussi violentes qu'in- justes, qui paralysaient souvent leur bonne volonté : le vœu de l'illustre paléontologue est encore h. accomplir, et on ne trouvera pas sans doute d'ici à bien des années, dans notre capitale, de termes de comparaison pour la détermination des espèces. D'autre part, nos bibliothèques publiques sont très pauvres. Non seu- lement on n'y peut consulter aucune grande iconographie concliyliolo- logique, mais encore elles ne possèdent pour ainsi dire aucun ouvrage d'histoire naturelle. (0 Lamarck, Histoire naturelle des animaux .■>< Issel (2) : « 133. Meleagrina margaritifera Linné. » Savigny, Descript. de l'Egypte, coq., pi. XI, lig. 7. — Meleagrina margari- tifera, Lamarck, An. sans vert., éd. III, vol. 111, p. 43 (1839). — Avicula marga- ritifera, Reeve ; Conch. icon., pi. I, fig. 1. — Avicula margaritifera, Chemnitz, Conchyliol. Cab., vol. VIII, pi. LXXX, fig. 717-718. — Avicula radiata, Vaillant, Journ. de Conch., 1805, p. 114. « Golfe de Suez (!). Golte d'Akaba (Arconali). Golfe Persique, Ceylan, Nou- velle-Hollande, golfe du Mexique (Lamark). » Très commune sur les basses madréporiques à la profondeur de quelques décimètres (à mer basse). Dans la ville de Suez, on emploie l'animal de cette espèce comme aliment ; mais il est moins agréable au goût et plus coriace que riiuitre ordinaire, surtout quand il est de grandes dimensions. » Dans quelques petites Méléugrines recueillies par nous-même en rade de Suez, nous avons trouvé de petites perles ; de plus volumineuses et plus nom- breuses proviennent des individus péchés dans des localités plus au sud du golfe Arabique. Nous regardons comme certain que la pêche en serait pratiquée avec très grand avantage par les pêcheurs de la Méditerranée qui iraient exercer cette industrie dans la mer Rouge, en passant par le nouveau canal de Suez. » Le même auteur donne des figures de Savigny l'explication suivante (3) : « Figure 7. Meleagrina margaritifera Linné. — Coquille en grandeur naturelle. » Figure 8. Meleagrina margaritifera Linné. — Coquille non adulte en gran- deur naturelle. '<■ Figure 9. Meleagrina margaritifera Linné. — Coquille non adulte en gran- deur naturelle. » (1) Léon Vaillant, Recherches sur la faune malacolofjique de la baie de Suez, Journ. de Conch., 1865, p. 114. (2) Loc. cit. p. 95. (3) Loc. Cit. p. 367. 46 ï zoologie, anatomie, physiologie 3° Fischer (1) : « 53. Meleagrina albina, Lamarck, Anim. sans vert., éd. 2, t. VII, p. 107. Var. b testa violaceo partim tincta (Lamarck). — Savigny, Egypte, pi. 11, fig. 8. — Deshayes, Encijcl. méthod., p. 102. » Hab. Suez. » Fischer avait en mains les exemplaires de M. Vaillant. 4° Savigny : Comme on le sait, les magnifiques planches de Savigny sont sans légende, cet habile naturaliste de l'expédition d'Egypte étant devenu aveugle avant d'avoir pu compléter son œuvre. L'explication tentée par Audouin n'est qu'un tissu de méprises. Mais en étudiant attentivement la planche 11 de Savigny, nous consta- tons qu'elle représente deux espèces de Méléagrine qui nous sont toutes deux bien connues. Celle de la figure 7 est la véritable huître perlière, qu'on pêche, à notre connaissance, à Souakim et sur d'autres points de la mer Rouge. D'après Pline, ces pêcheries étaient florissantes à l'époque romaine. Si nous n'avons jamais recueilli ni vu prendre cette espèce à Suez, c'est sans doute parce que nous n'avons pu y draguer que deux ou trois fois et parce que les pêcheurs de coquillages y opèrent sans embarcation, en se mettant à l'eau à marée basse ; or, la mère-perle se tient à une profondeur variant de 8 à 20 mètres (2). Mais elle doit vivre dans cette localité, car toutes les coquilles marines figurées par Savigny en provien- nent indubitablement. Vu ses écailles terminées en pointe, nous regardons la Méléagrine de la figure 7 comme l'espèce 1 variété b de Lamarck : on doit donc (sauf obstacle d'antériorité) l'appeler Avicula (meleagrina) margaritifera Linné (mytilus), var. radiata Leach, non Vaillant. La figure 8 et la figure 9 représentent, la première, un individu adulte, la seconde, un individu jeune de la Méléagrine de Suez, de Port-Saïd et de Gabès. Ces figures montrent bien nettement comment, avec l'âge, la colo- ration se modifie, les oreillettes deviennent moins saillantes, les écailles s'oblitèrent et même disparaissent, En ce qui concerne l'identité de notre Pintadine, nous ne pouvons que partager l'opinion de Fischer et voir en elle l'espèce 2, variété b de La- to p. Fischer, Sur la faune conchyliologique marine des baies de Suez et de l'Akabah, Journ. de Conch., 1870, p. 169. (2) P. FisciiEK,. Manuel de Conchyliologie, p. 952. E. VASSEL. — SUR LA PINTADINE DU GOLFE DE GABÈS 465 marck. Elle répond bien, en effet, à la diagnose (malheureusement trop succincte) du grand naturaliste. Toutefois, comme celte variété est assez constante et se reproduit avec des caractères marqués, comme c'est en quelque sorte une sous-espèce, c'est-à-dire une espèce en voie de formation, nous croyons qu'il convient de la nommer. L'appellation de Meleagrina Savignyi Monterosalo a la priorité si c'est bien à notre Pintadine qu'elle a été appliquée ; sinon, nous proposons celle à'Avicula (meleagrina) affina Lamarck, var. Vaillanti. On peut voir de nombreux et beaux exemplaires de cette avicule dans notre ancienne collection que nous avons donnée au laboratoire de paléontologie du Muséum, à Paris. La véritable mère-perle franchira-t-elle le canal de Suez à la suite de sa congénère? Il est permis d'en douter, parce que, vivant sur les fonds de plus de 8 mètres, elle ne peut s'attacher à la carène des navires et être ainsi transportée au loin. Le canal d'ailleurs n'a que 8 mètres de profondeur. Peut-être la larve se tient-elle plus près de la surface ? Mais, quelque agilité qu'on lui suppose, il paraît invraisemblable qu'elle puisse faire beaucoup de chemin avant de devenir sédentaire ; et, par le canal, ce ne serait qu'au bout de plus de cent soixante kilomètres qu'elle arriverait aux fonds convenables. Toutefois, nous croyons avec MM. Bouchon-Brandely et Berthoule, que si l'on apportait la mère-perle dans le golfe de Gabès, elle s'y acclima- terait aisément. En effet, elle est très voisine de sa petite congénère, qui n'en est sans doute qu'une adaptation aux eaux superficielles ou vice versa, et toutes deux avaient vécu jusqu'ici dans les mêmes parages. La principale difficulté pour le transport nous paraît résulter de ce que le Meleagrina margaritifera est habitué à une pression de deux ou trois atmosphères. La décompression lui serait probablement funeste. Peut-être aussi faut-il tenir compte, conformément à l'opinion de Theodor Fuchs M ) ,du tamisage delà lumière selon la profondeur. Nous ignorons si les Aviculidœ sont pourvus d'ocelles comme les Pevtinidœ; mais il ne paraît pas impossible que la différence d'éclairage affecte même les espèces privées de la vue. Nous émettons l'avis d'employer un réservoir en tôle êmaillé à l'inté- rieur et convenablement agencé, qu'on descendrait sur le banc de Pinta- dines, à 12 mètres par exemple. Les coquilles introduites dans l'appa- reil, on le boucherait au moyen d'une porte autoclave et on y introduirait de l'air à la pression voulue, en évacuant une certaine quantité d'eau. La pression serait soigneusement maintenue pendant la traversée. (I) Eusèbe Vassel, les Ij:jjô's biilliijzuiquiis. 1883, p. k. 30* 406 ZOOLOGIE, ANATOM1E, PHYSIOLOGIE A l'arrivée, le réservoir serait descendu à 12 mètres avant d'être ouvert. La mère-perle aime les eaux calmes ; c'est dans la lagune intérieure des atolls qu'elle acquiert les plus grandes dimensions. 11 conviendrait donc, à notre avis, d'en essayer de préférence l'introduction dans les parties profondes du lac de Bou-Grara et peut-être de celui de Bizerte. Nous sommes convaincu que moyennant une dépense minime, quelques milliers de francs, on doterait ainsi la Tunisie d'une ressource appré- ciable ; mieux que cela peut-être, d'une nouvelle richesse. A la suite de la lecture de notre notice sur la Pintadine du golfe de Gabès, l'aimable président de la Section de zoologie au Congrès de Carthage, M. Edouard Chevreux, a bien voulu nous communiquer un très intéressant mémoire de M. Ph. Dautzenberg, dont nous n'avions pas connaissance (1). Nous y lisons que la Méléagrine du golfe de Gabès a été trouvée par M. Che- vreux, lors de sa belle campagne de dragages de la Melila, en 1892, sur la plage au sud de Sidi-Jamour (côte ouest de Gerba) ; au large de la Skhira : sur la plage de la baie de Surkennis, à l'ouest de la presqu'île Khedima; sur la plage au nord de l'Oued Gabès ; que M. le professeur Bavay l'a recueillie sur le câble sous-marin de Gerba en 1893. L'auteur dit avoir comparé les coquilles récoltées sur ces différents points avec deux exemplaires recueillis par nous dans la mer Rouge en 1889. Nous nous souvenons effectivement d'avoir montré à M. Dautzenberg, au Muséum, nos récoltes d'Egypte, et nous croyons avoir eu le plaisir de lui offrir des Pintadines ; mais c'était en 1888, non en 1889 ; et elles avaient été pêchées indubitablement avant l'été 188 i. M. Dautzenberg, qui nous fait l'honneur de citer notre modeste travail sur les faunes de l'isthme de Suez, croit que nous avons adopté l'opinion de M. le professeur Issel et vu dans la Méléagrine de Suez YAvicula margaritifera Linné. La vérité est qu'en présence des opinions contradictoires de spécialistes comme MM. Vaillant et Fischer d'une part, Issel et Relier de l'autre, nous n'avons eu garde de nous prononcer ; d'autant moins que Fischer nous avait manifesté l'intention de faire un travail d'ensemble sur les matériaux rapportés par nous. Mais nous avons toujours regardé les deux Méléagrines de la mer Rouge comme parfaitement distinctes. M. Dautzenberg est convaincu que la Pintadine de Gabès provient de la mer Rouge ; nous sommes heureux d'être arrivé à la même conclusion que cet éminent naturaliste. En ce qui concerne le nom d'Avicula radiata Deshayes, conservé à la petite Pintadine par M. Dautzenberg, nous ferons remarquer de nouveau que d'après les diagnoses de Lamarck (première édition), YAvicula radiata Leacli (Mise. Zool. I, pi, 43) parait être l'espèce de la figure 7 de Savigny et n'est assurément pas celle des figures 8 et 9. Il nous est impossible, à Tunis, de vérifier qui, de Leach ou de Deshayes, a l'antériorité ; mais si c'est le premier, le nom de radiata ne peut être maintenu à l'espèce qui nous occupe. (1) Ph. Dactzenberg : Campagne de la Melita, 1892, Mollusques recueillis sur les cales de la Tunisie et de l'Algérie, 1895. (Extrait des Mémoires de la Société zoologique de France.) R. DU DUYSSON. — SYNOPSIS DES HYMÉNOPTÈRES DES CHRYSIDIDES 467 M. Robert Dïï BUISSON à Clermont-Ferrand. SYNOPSIS DES HYMÉNOPTÈRES DE LA FAMILLE DES CHRYSIDIDES APPARTENANT A LA FAUNE BARBARESQUE — Séance du .' avril 189,6 — Immédiatement après 1849, époque à laquelle M. H. Lucas publia les Chrysidides de 1' « Exploration scientifique de l'Algérie », les États barba- resques furent peu explorés au point de vue de l'hyménoptérologie. Ce n'est que depuis une dizaine d'années seulement qu'un courant manifeste se produit vers ces riches régions, d'où chaque voyageur revient avec un butin merveilleux. Les Hyménoptères sont cependant négligés pour les Coléoptères et les Orthoptères. Il faut la parure incomparable des Chry- sidides pour éveiller la curiosité de l'entomologiste. Longtemps on ne rap- porta d'Afrique que des insectes appartenant à cette famille, et encore en très petit nombre : ceux qui tombaient sous la main. On les conservait seulement pour leur beauté. Actuellement nos favorites trouvent plus d'amateurs et nombre de nos amis reviennent chaque année avec des nouveautés. Les personnes qui m'ont communiqué leurs chasses sont MM. E. Abeille de Perrin, F. Ancey, A. Chobaut, C. Ferton, J. de Gaulle, Gazagnaire, Marmottan, Valéry Mayet, F.-D. Morice, J. Pérez, M. Pic, Sicard, de Vauloger de Beaupré. J'ai vu au Muséum les espèces récoltées par M. H. Lucas ; puis, MM. H. de Saussure, A. Puton, P. Magretti m'ont procuré l'examen de très belles espèces. Les regrettés Edmond André et 0. Radoszkowsky m'ont fait part également de leurs richesses. Grâce à l'amabilité de ces confrères, que je remercie publiquement ici, je suis à même, aujourd'hui,. de donner la liste de tout ce qui a été trouvé dans le Maroc, l'Algérie et la Tunisie ; et, pour que ce travail soit complet, j'ai ajouté six espèces que je n'ai pas eu l'occasion de voir. Leur nom est marqué d'un astérisque. Treize genres et cent trente-huit espèces : tel est le contingent actuel de cette famille d'Hyménoptères dipersée dans le Maroc, l'Algérie et la Tunisie. J'ai l'espoir qu'à l'occasion du Congrès qui nous a réunis à Tunis, bien des nouveautés seront découvertes et vien- dront augmenter le nombre déjà important des Chrysidides récoltées par nos devanciers . 468 ZOOLOGIE, A.NATOMIE, PHYSIOLOGIE Première Sols-Famille : Cleptidae Buyss 1. Genre Cleptcs Latr. Clcples Anceyi Buyss. Algérie: Tlemeen, Mascara, Nazereg, Biskra. — afra Luc. Algérie : Oran, Sidi-bel- Abbès, Saïda, Arzew. — Tunisie : Tunis. Deuxième Sous-Famille Première Tribu. — Ellampinae Mocs.- Buyss. 2. Genre Notozns Forst. Notozus produetus Dhb. Algérie : Bou- Kanéfis, Constantine. Var. vulgalus Buyss. Algérie : Biskra. — Panzeri F. Tunisie : Tunis. 3. Genre EUampus Spin. Ellampus pusiUas F. Algérie. Assez ré- pandu. — parvulus Dhb. Algérie : Sétif. — Tunisie : Tunis. — chlorcsoma Luc. Algérie : Hip- pone, Guelma, Bou-Kanéfis, Mustapha. — Maroc: Tanger. — aeneus Panz. Algérie: Bou-Ka- néfis, Alger. — auratus L. Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandu un peu par- tout. Var. (ibdominalis Buyss. Ma- roc, Algérie, Tunisie. Assez répandu avec le type. Var. maculât us Buyss. Ma- roc : Tanger. Var. cupratus Mocs. Algérie. 4. Genre Philocteles Ab. -Buyss. Ph ilode les obi mus Buyss. Algérie : Bou- Kanéfis. — Chobauti Buyss. Algérie : Bis- kra. — deflexus Ab. Algérie : Biskra. — Tunisie : Mersaoud. — omaloides Buyss. Algérie: Oran, Mascara, Terny, Nemours, Lalla-Marnia. — Tunisie. — caudalus Ab. Algérie: Oran, Mascara, Sidi - bel - Abbés, Teniet-el-Haad, Perrégaux, Bùne. — Friesei Mocs. Algérie : Bou- Kanéfis. Clcples afra, var. Medinai Buyss. Algérie : Taria. — Mayeti Buyss. Algérie : Pontéba. — syriaca Buyss. Algérie : Hammain- bou-Hadjai . — . Chevrieri Frey. Algérie: Mascara, Tlemeen. Ghrysididae Buyss. 5. Genre Bolopyga Dahlb. Bolopyga fervida F. Algérie, Maroc, Tu- nisie. Répandue. — bifrons Ab. Algérie : Bône. — miranda Ab. Maroc : Tanger. — Mlokosiewitsi Rad. Le type n'a pas encore été pris dans la région qui nous occupe. Var. Gribodui Buyss. Algé- rie : Méchéria, Alger, Hammani- bou-Hadjar. Çà et là. — chîoroidea Dhb. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. — mauritanica Luc. Algérie : Oran, La Galle, Nazereg, Mustapha, Sebdou. — gîoriosa F. Algérie, Tunisie. Çù et là. Var. ignicollis Dhb. Algérie. Var. amœnula Dhb. Algérie. Répandue. Var. uvala Dhb. Algérie. Ré- pandue. Var. viridis Guér. Algérie. Çà et là. 6. Genre Eedychridium Ab. Eedychridium anale Dhb. Algérie : Alger. — heliophilum Ab. -Buyss. Al- gérie : Alger. — elegantulum Buyss. Algérie : Mustapha. — femoratum Dhb. Algérie : Mustapha. — minutum Lep. Algérie. Ré- pandu. Var. jucundum Mocs. Algérie. Çà et là. Var. infans Ab. Algérie. Çà et là. Var. reticulalum Ab. Algérie : Tlemeen. — Tu- nisie. — algvrumMocs. Algérie : Sétif, Hussen-Dey. R. DU BUYSSON. — SYNOPSIS DES Chrysis dichroa Dhb. Algérie: Alger. Var. minor Mues. Algérie : Alger, Méchéria. — 'macrosloma Grib. Algérie. Deuxième phalange : inaequales.) Chrysis Savssurei Chevr. Algérie: Mus- tapha. — Tunisie. — Anceyi Buyss. Algérie : Mascara. — thoracica Buyss. Algérie : Cons- tant me, Milah, Alger. — elegans Lep. Algérie : Alger, Cons- tantine. Mascara. Var. melanura Buyss. Algérie. — versicolor Spin. Algérie : Alger. — Tunisie. — *melanophris Mocs. Algérie. — *sinuosivp>itris Ab. Algérie : Pontéba. [roisième phalange : unidentatae.) Chrysis succincta L. Algérie : Alger, Mus- tapha, Oran. Var. Friwaldskyi Mocs. Algé- rie : Bùne. (Quatrième phalange : bidentatae.) Chrysis cylindrosoma Buyss. Algérie: Lalla- Marnia, Ha mm a. — Tunisie : Te- boursouk. — prodita Buyss. Tunisie : Sfax. Cinquième phalange : tridentatae.) Chrysis cyanea L. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. (Sixième phalange : quadritentatae.) Chrysis palliditarsis Spin. Algérie: Biskra, Bùne. — maracandensis Racl. Algérie: Gar- daïa. — somalina Mues. Maroc : Mogador. — abbreviaticornis Buyss. Maroc : Tanger. — nomima Buyss. Algérie : Bou- Sàada. — aurimacula Mors. Algérie : Bône. — poecilochroa Mocs. Algérie. — exsulans Dhb. Algérie : Biskra, Alger, IVrrégaux, Oran. — Tu- nisie : Tunis. — semicincla Lep. Algérie : Alger, La Cal le. — bidentata L. Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandue. Var. maculifrons Buyss. Ma- roc, Algérie. Répandue avec le type. HYMÉNOPTÈRES DES CHRYSIDIDF.S 469 Chrysis lidcutata, var. consanguinea Mocs. Maine. Algérie. Répandue avec le type. Var. intermedia Buyss. Algé- rie : Bou-Kanéfis. Var. pyrrhina Dhb. Algérie' : Tébessa, Bône. — Ramburi Dhb. Algérie : Sétif, Te- niet-el-Haad. — cyanopyga Dhb. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. Var. dominula Ab. Maroc : Tanger. — splendidula Dhb. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. Var. ùuroiecla Ab. Maroc : Tanger. — analis Spin. Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandue. — Chevricri Ab. Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandue. Var. Perezi Mocs. Algérie : Bône. Var. pusilla Buyss. Algérie : Mascara. Var. lenera Mocs. Algérie. — insolula Ab. Algérie : Bône, Te- niet-el-Haad. — amasina Mocs. Tunisie : Tunis. — œstiva Dhb. Algérie : Saïda, Ne- mours, Constantine. Var. sardarica Rad. Tunisie. — compara ta Lep. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. — inœqualis Dhb. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. — Vaulogeri Buyss. Algérie : Bou- Kanétis. — Mauritii Buyss. Algérie : Laghouat. — cérastes Ab. Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandue. — ignita L. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandue. Var. infuscata Mocs. Maroc, Algérie, Tunisie. Var. Fairmairei Mocs. Algé- rie : Oran, Constant i ne. Var. Kirschii Mocs. Mann', Algérie. Var. oblusidens Dut', et Perr. Algérie : Margueritle. Var. uncifera Ab. Algérie. — pattidicornis Spin. Algérie. Var. chloris Mues. Algérie : Sétif, Alger. — EhrenbcrgiDhb. Algérie : Biskra. 470 ZOOLOGIE. ANATOMIE, PHYSIOLOGIE Ihdijchridium sculpturatum Ab. Maroc: Tanger. — Algérie : Mus- tapha. _ roseum Rossi. Algérie. Ré- pandu. 7. Genre Hedychrum Latr. Hedychrum drUmum Grib. Algérie : plu- sieurs localités. — Tunisie. _ Radoszkowskyi Buyss. Algérie : Alger. — sculptivenU-e Buyss. Algérie : Perrégaux. rutilans Dhlb. Maroc, Algérie. Répandu. Yar. viridiauratum Mocs. Algérie. lucidulum F. Maroc, Algérie, Tunisie. Répandu. Yar. micans Luc. Algérie : Alger. Deuxième Tribu.— Chrysidinae Aaron- Mocs. 8. Genre Chrysogona Fôrst. Chrysogona assimilis Spin. Algérie : Mus- tapha. 9. Genre Spinolia Dhb.-Buyss. Spinolia magnifica Dhb. Algérie : Biskra, Constantine. — insignis Luc. Algérie : Bougie, LaCalle, Alger, Nemours, Bùne. — Doumovi Rad. Algérie : Biskra, Arzew, Pontéha. — Tunisie. — *Gestroi Grib. Algérie. 10. Genre Euchrœus Latr. Eudirœus Doursi Grib. Algérie : Lalla- Marnia. — Moricei Buyss. Algérie : Biskra. — purpuratus F. Algérie : Kra- falla. Var. consularis Buyss. Al- gérie : Méchéria. — egregius Buyss. Tunisie. 11. Genre Chry&is L. (Première phalange : integerrimae.) Chrysis hebes Buyss. Algérie : Laghouat. — basalis Dhb. Algérie : Alger, Arzew. — Tunisie : Teboursouk. — cyanura Dhb. Algérie. — incrassata Spin. Algérie. Var. gmtàosa Mocs. Algérie : Bône, Constantine. Chrysis Mulsanti Ab. Algérie. Tunisie : Tunis. Var. radis l'.uyss. Algérie : Oran, Gonstantine. Djelma Buyss. Algérie, Tunisie. — refulgens Spin. Algérie : Biskra, Oran. — varicornis Spin. Algérie : Lam- bessa, Tabia, Sétif, Tlemcen, Terny, Teniet-el-Haad. — Tuni- sie : Cartbage. — pitsiulosa Ab. Algérie : Mustapha. — Tunisie : Teboursouk. — albitarsis Mocs. Algérie : Sétif, Oran. — Tunisie : Teboursouk. — tafncnsis Luc. Algérie : bords de la Tafna, Biskra. — simplex F. Algérie : Nemours, Oran, Tlemcen. — Tunisie : Tunis. — errans Buyss. Algérie : Biskra. — Lucasi Ah. Algérie : Constantine, Alger. — neglecta Shuck. Algérie : Bône. — osmiœ Thoms. Tunisie : Tunis. — Chobauti Buyss. Algérie: Teniet- el-Haad, Biskra. — pruna Grib. Algérie : Alger, Hus- sen-Dey, Tlemcen, Oran. — barbara Luc. Algérie : La Calle, Nemours. — Tunisie : Tunis. — illudens Buyss. Algérie : Alger. zideica Buyss. Algérie : Sebdou. Teniet-el-Haad. — affimsLuc. Algérie: Oran, Tlemcen. — tuniens Buyss. Algérie : Biskra. — Tunisie : Teboursouk. — purpurei frons Ab. Algérie : Alger. — cœruleipes F. Algérie : Oran. — Tunisie : La Goulette. — oraniensis Luc. Algérie : Oran. — Tunisie : Tunis. — porphyrea Mocs. Algérie . Alger, Nemours. — curta Buyss. Algérie : Bouzaréa. — igneoJa Buyss. Algérie : Biskra. — Gazagnairm Buyss. Algérie: Tlem- cen, Oran. — Tunisie: Tebour- souk. — fulminatrix Buyss. Algérie : Cons- tantine, Teniet-el-Haad. — aureicollis Ab. Algérie : Alger, Mustapha. — Tunisie : Tunis. — cirtana Luc. Algérie : Constantine, La Calle, Teniet-el-Haad. — purpuroBoens Mocs. Algérie : Oran, Bou-Kanéfis, l'.hanzy. E. OLIVIER. LES SERPENTS DE LA TUNISIE 471 Ghrysis temporalis Buyss. Algérie : La- ghouat. — opulenta Mues. Algérie : Sétif. — varidens Ab. Algérie. — incisa Ab. -Buyss. Algérie : Oran, Margueritte. — pyrophana Dhb. Algérie. — Fertoni Buyss. Maroc : Tanger. — Algérie : Laghouat. — Grohmanni Dhb. Algérie, Tunisie. Var. pallescens Buyss. Algérie. — scutellaris F. .Maroc, Algérie, Tu- nisie. Répandue. — *Sehestedti Dhb. Maroc : Tanger. — *Charon Mocs. Algérie : Blidah, Médéah. (Septième phalange: quinquedentatae.) Chrysis arrogans Mocs. Algérie : Méchéria. (Huitième phalange : sexdentatae.) Chrysis lyncea F. Maroc. — monocliroa Mocs. Algérie : Oran. Chrysis pukhella Spin. Algérie : Alger. Var. dives Luc. Algérie: Cons- tantine, Milah. — plusia Mocs. Algérie : Sétif. 12. Genre Stilbum Spin. Slilbum splendidum F. Maroc : Tanger. — Algérie: Mustapha.— Tunisie : Tunis, Teboursouk. Var. amethystinum F. Algérie : Biskra. Var. siculum Tourn. Maroc : Tanger. — Algérie : Sidi-bel-Abbès . — Tunisie: Teboursouk. Var. calens F. Algérie : La Cal le. Var. Pici Buyss. Algérie. Troisième Tribu. — Parnopinae Aaron. 13. G i:\re Parnapes Latr. Parnopes carnea Rossi. Algérie : Bône, La Calle. M. Ernest OLIYIEE Dir. de la Revue Scientifique du Bourbonnais et du centre de la France, à Moulins (Allier). LES SERPENTS DE LA TUNISIE — Séance du 2 avril IS96 — TABLEAU DES GENRES I. Tète couverte de petites écailles. 1. De longs crochets mobiles à la mâchoire supérieure 2 Point de crochets mobiles à la mâchoire supérieure Eryx. 2. Deux rangées d'écaillés transversales (urostèges) sous la queue . . . Vipera. Une seule rangée d'écaillés transversales sous la queue Echis. II. Tête couverte de grandes plaques disposées symétriquement 1. lies crochets cannelés en avant de la mâchoire supérieure; cou for- tement dilatable Naja. Point de crochets cannelés à la mâchoire supérieure; cou pas ou très peu dilatable 2 472 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE 2. Écailles suslabiales toutes séparées de l'œil par une ou deux séries de suboculaires Periops. Une ou deux écailles suslabiales touchant l'œil 3 3. Tête profondément excavée sur le vertex 4 Tête plane, non excavée 5 4. Ecailles du corps plus ou moins distinctement sillonnées; narines percées dans une écaille nasale Ccelopeltis. Ecailles lisses ; queue très longue et très grêle ; narines percées entre deux écailles Psammophis. 5. Ecailles du corps fortement carénées Tropidonotus. Écailles lisses ou très faiblement carénées 6 6. Museau court, arrondi Macroptodon. Museau cunéiforme, tronqué Lytorhynchus. Museau allongé Zamenis. ERYX Dald. 1. — Eryx jaculus. L. — Boa turcica Ôliv. Javelot. Le Boa turcica, capturé par G. -A. Olivier à Polino, une petite île de l'archipel des Cyclades, et qu'il a décrit et figuré (Voy. dans l'Emp. Oth., I, p. 329, pi. XVI, fig. 2), doit certainement être rapporté à cette espèce. Ce petit serpent est actuellement en Tunisie le seul représentant de la famille des Péropodes qui renferme les plus grands reptiles connus (Boas, Pythons). Il est cylindrique, à queue très courte, à cou indistinct, d'un jaune brunâtre, parfois brun verdàlre marqué de lâches brunes irrégulières. Il s'enterre dans le sable à une légère profondeur et vit de petits rongeurs et de sauriens qu'il étouffe en s'enroulant autour d'eux. Il n'est aucunement venimeux. Longueur : 50 à 70 centimètres. Bir-oum-Ali (Boulenger), Ksar Tyr près Medjez-el-Bab où j'ai capturé un individu de 0U1,70 de longueur. Il parait qu'il existait autrefois en Tunisie des reptiles gigantesques. Aristote fait mention des serpents de Lybie qui parviennent à une grandeur considérable. Valôre Maxime raconte, d'après Tite-Live, le combat que l'armée de Régulus livra à un grand serpent sur les rives du fleuve Bagrada (aujourd'hui Medjerda). Il est très possible qu'une espèce du genre Python, qui se trouve encore représenté au Sénégal et eu Abyssinie, ait pu vivre autrefois dans le nord de l'Afrique. Tout récemment, nous avons bien vu disparaître les dernières Autruches qui habitaient encore les environs de Laghouat et les Lions sont menacés d'une extinction prochaine. Y1PERA Laur. 1. Ecailles latérales placées symétriquement et parallèlement à celles du dos 2 Ecailles latérales disposées obliquement 3 2. Museau terminé par un appendice redressé ammodytes (1) Museau tronqué lebetina. (1) Cette espèce, à ma connaissance, n'a pas encore été capturée en Tunisie; mais je crois devoir la mentionner parce qu'elle se trouve à 1 Edough près de Bône et qu'il est probable qu'on la rencontrera dans la forêt d'Aïn-Draham qui lui offre un habitat analogue. E. OLIVIER. — LES SERPENTS DE LA TUNISIE 473 3. Lne corne aurdessus de chaque nul; narines percées au milieu d'une petite écaille cérastes. Pas de cornes au-dessus des yeux ; narines percées entre deux petites écailles ' avicennae. II. _ Vipera LEBETi.XA. L. — V. braclnjura Schl. Echidna mauritanien Dum. et Bibr. D'un jaune brunâtre en dessus avec des taches et parfois des bandes en zigzags, plus sombres. Longueur : 0m.S0 à lm,50. Celte grande Vipère est commune en Tunisie dans toutes les localités boisées ou couvertes de rochers depuis le littoral jusqu'au nord des chotts. Ses crochets à venin sont très longs et sa morsure très dangereuse. III. — Vipera cérastes. L. — Cérastes a>gypliacus, Dum. et Bibr., Cérastes cor- nutus Forsk. Céraste, Vipère à cornes, Lefaa. D'un jaune de sable avec des taches légèrement rembrunies. Une corne au- dessus de chaque œil formée par une écaille susorbitale. Longueur: 50 à 70 centimètres. Très commune dans les dunes et dans toute la région désertique depuis Sfax, la Vipère à cornes est nocturne, passe le jour sous des pierres ou enfoncée dans le sable et ne circule qu'après le coucher du soleil. En été, surexcitées par la chaleur, elles sont d'une grande activité et le voyageur qui bivouaque dans les localités infestées de ces reptiles est certain d'en trouver sous ses couvertures ou sa tente quand il les replie le matin pour continuer son voyage. Leur morsure est très dangereuse. IV. — Vipera avicenne. Str. — Echidna atricauda Dum. et Bibr. Cette Vipère ressemble beaucoup à la précédente. Elle en diffère par sa taille moindre, son corps encore plus trapu et l'absence de cornes au-dessus des yeux. Elle se trouve dans les mêmes localités et est aussi dangereuse ; mais elle semble beaucoup moins commune. ECHIS Merr. V. — ECHIS CARINATA Sctin. Brun grisâtre ou rougeàtre pâle avec des séries de taches noires ocellées; sur la tête, une tache triangulaire ou cruciforme blanchâtre et une bande noire en zigzag sur les flancs ; dessous uniformément blanchâtre ou moucheté de brun. Longueur : 50 à 60 centimètres. Ce serpent, malgré sa faible taille, possède un venin très actif. Il est rare et n'est encore signalé qu'à Tadjera près Mettamer et au Djebel Attig, près Cafsa (V. Mayet). Il est facile à reconnaître de tous les autres Ophidiens du nord de l'Afrique par les écailles de sa queue disposées sur un seul rang, caractère qu'il ne partage qu'avec VEryx jaculus ; mais ce dernier n'a pas de crochets à venin. 474 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE NAJA Laur. VI. — Naja haje L. — Cobra d'Afrique, Bouffira des Arabes. Cou fortement dilatable ; dessus du corps uniformément d'un brun noirâtre luisant; dessous blanchâtre; (aille atteignant deux mètres et plus. Ce redoutable animal hamle toute la région semi-désertique et désertique : Sfax, Gabès, Gafsa, Tozzeur. Les charmeurs qui en exhibent de nombreux spécimens dans les rues de Tunis disent qu'ils les capturent aux environs de Kairouan. Le Naja, dont la blessure est rapidement mortelle, est un reptile des plus dangereux. Lorsqu'il est dérangé, il passe immédiatement à l'offensive : il se dresse sur la partie postérieure de son corps, gonfle son cou en sifflant bruyamment et bondit à la poursuite de son adversaire en lançant sur lui avec une vitesse extrême sa tête armée de ses terribles crochets. Les Arabes racontent des choses merveilleuses sur les mœurs de ce reptile, sur sa reproduction, sur la façon dont ils s'en emparent ; pris jeune, il serait susceptible d'une certaine éducation. Mais n'ayant pu contrôler aucun de ces faits, je m'abstiendrai de les relater. J'ai constaté seulement que tous les individus que j'ai vus entre les mains des charmeurs avaient eu leurs dents à venin cassées ou arrachées. Le Naja, dont on voit l'image sculptée sur un grand nombre d'antiques monuments en Egypte, était VAspis des Grecs et des Romains, PSAMMOPHIS Boie. VII. — Psammophis sibilans L. — Psammophis punctaius Dum. et Bibr., Zeurig des Arabes. Brun en dessus avec une large bande jaunâtre sur les flancs bordée de chaque côté de petits points noirs formant une ligne interrompue ; dessous blanc jaunâtre, uniforme ou maculé de légères tâches noires. Longueur : lm,50. Très abondant dans les dunes et toute la région saharienne. Ce serpent est remarquable par son corps très mince, sa queue grêle, très longue, effilée en pointe linéaire, et son extrême vivacité. COELOPELTIS Wagl. Écaille fronl aie plus étroite que les supraoculaires ; rostrale courte . . lacertina. Écaille frontale aussi large que les supraoculaires; rostrale longuement prolongée entre les nasales producta. VIII. — Coelopeltis lacertina. Wagl. — Gœlopeltis insignitus Geoffr. Cœlo- peltis monspessulanus Roz. Très variable de coloration : en dessus, d'un brun olivâtre uniforme ou orné de trois ou quatre rangées longitudinales de taches noires ; ces taches sont parfois bordées d'un trait blanc à leur côté interne. Dessous d'un blanc jaunâtre ou d'un gris sale, ou marqueté de noir. Longueur : 2 mètres. E. nLIVIER. — LES SERPENTS DE LA TUNISIE \ /O Cette grande couleuvre est très commune, aussi bien dans la plaine que dans la montagne ; mais on ne la trouve plus dans le désert. Elle est excessive- ment irritable, se défend avec courage et fait de cruelles morsures. IX. — COELOPELTIS I'RODUCTA Cei'V. Museau sensiblement saillant au-dessus de la mâchoire inférieure ; dessus d'un jaune de sable avec des taches brunes irrégulières,, parfois peu distinctes; deux bandes brunes obliques de ebaque côté de la tète derrière l'angle de la bouche ; dessous blanc. Longueur : 50 à 70 centimètres. Pas rare dans le sud aux environs des chotts : Bou-Hedma près Gafsa (V. Mayet), Duirat (Anderson), Gabès (Dr Kœnig) ; j'en ai reçu plusieurs indi- vidus de Tatahouine. Ce serpent, quand il est effrayé ou irrité, prend une attitude menaçante et se dresse en gonflant ses côtes cervicales sur une longueur de trois à quatre centimètres à partir de la nuque. CORONELLA Laur. X. — Coronella cucullata Dum. et Bibr. — Macroptodon cucullalus Geoff. Macroptodon mauritanicus Guich., Lycognathus tœniatus et textilis Dum. et Bibr. Espèce très variable, tant comme nombre de rangées d'écaillés que comme coloration. Chez le type, le dessus du corps est d'un brun cendré pâle; les écailles sont finement pointillées de noir, celles de la ligne médiane marquées de temps en temps (de deux en deux généralement) d'un double trait noir; le ventre est blanchâtre avec des taches quadrangulaires noires ; la tête et le cou sont d'un noir brillant, sauf deux fines lignes blanches : l'une qui entoure la bouche, ne laissant de noires que les deux dernières suslabiales, et l'autre oblique, partant des postoculaires et aboutissant à l'extrémité de la dernière suslabiale ; le dessous de la tête est noir, irrégulièrement tacheté de blanc. Mais, bien souvent, le capuchon noir est réduit à une bande à chacun des côtés du cou, à une ligne oblique au-dessous et en arrière de l'œil et à une tache triangulaire sur la nuque ; d'autres fois (comme chez l'individu figuré par Guichenot sous le nom de .1/. mauritanicus), ces trois taches se réunissent et forment une étroite ligne noire ininterrompue qui part du bout du museau au-dessus de la première labiale, passe par l'œil et va se rejoindre avec sa pareille derrière la nuque. Le dessous du corps peut être d'un blanc jaunâtre uniforme ou presque entièrement noir. La face supérieure, au lieu d'offrir une seule rangée de doubles macules noires, peut en présenter cinq séries, les macules étant séparées par un trait jaunâtre. Longueur : 50 à 55 centimètres. Cette couleuvre est commune dans toute la Tunisie et la bordure du Sahara. LYTORHYNCHUS Pet. XL — Lytorhynchus diadema Dum et Bibr. Jaune blanchâtre en dessus avec des taches transversales brunes : une bande noire le long de la nuque et une autre, oblique, allant de l'œil à l'angle postérieur de la bouche ; d'un blanc uniforme en dessous. Longueur : 40 à 50 centimètres. 476 ZOOLOGIE, ANATO.MIE, PHYSIOLOGIE Ce serpent est rare et se trouve seulement dans le sud : Gabès (Dr Kœnig) ; Gourbata, Feriana, Kairouan (Boulenger). TROPIDONOTUS Kuhl. XII. — Tropidonotus viperinus Latr. — Couleuvre vipérine. Gris ou d'un brun rougeâtre avec une bande noire en zigzag plus ou moins interrompue sur le dos et des taches ocellées sur les flancs ; très variable, du reste, de coloration. Longueur : 1 mètre. La couleuvre vipérine est extrêmement répandue en Tunisie et on la trouve en abondance partout où il y a de l'eau, depuis le littoral septentrional jusque dans les séguias des oasis. Au dire des Arabes, une variété de couleur bronzée cuivreuse avec des taches noires irrégulières habiterait de préférence les montagnes, loin de l'eau. Les charmeurs, dans leurs exhibitions, présentent cette couleuvre, qui, lors- qu'elle est irritée enfle son corps en l'aplatissant et élargit sa tête en arrière de façon à la rendre triangulaire : elle ressemble alors à la Vipera lebetina. ZAMENIS Wagl. XIII. — Zamenis algirus Jan. — Zamenis florulentus Gerv. Brun verdàtre avec de petites raies transversales noirâtres et une série de taches d'un noir bleu, sur les flancs. Longueur : 1 mètre. Spécial à la région désertique où il est assez commun, surtout autour des chotts. Ile Kerkenah (Y. Mayet). PEBIOPS Wagl. Écailles du corps absolument lisses ; coloration variée de brun, de jaunâtre et d'orangé; plaque anale divisée hippocrepis. Écailles du corps légèrement carénées; jaune grisâtre avec des taches plus sombres ; plaque anale simple diadema. XIV. — Periops hippocrepis Dum et Bibr. — Couleuvre rouge. Ce beau serpent, remarquable par la bigarrure de sa coloration, est très commun dans toute la Tunisie : il recherche les localités sèches et pierreuses. Le dessin de sa tête et les taches d'un beau jaune orangé qui ornent les côtés du cou le font facilement reconnaître. Il est très irascible et, si on fait mine de le saisir, il se défend et mord avec acharnement. Longueur : 1 mètre à lm,50. XV. — Periops diadema Schl. — Zamenis Cliffordii Str., Periops parallelus Dum. et Bibr. En dessus jaune brunâtre avec trois rangées longitudinales de taches obscures parcourues par de petites lignes noires courtes et parallèles. Dessous blanc, parfois avec une petite macule noire sur chaque écaille. Longueur : l'»,5Û â lm,80. Cette espèce est spéciale à la région désertique qui avoisine les chotts ; elle n'y parait pas très rare: Metlamer, Feriana (Boulenger) Tatahouine. DOUMERGUE. — LA FAUNE ERPÉTOLOGIQL'E DK LA PROVINCE D'ORAN 477 M. DOUMERGUE Professeur au Lycée d'Oran. CONTRIBUTIONS A LA FAUNE ERPETOLOGIQUE DE LA PROVINCE D ORAN. [59812 (65)] — Séance du 2 avril 1896 — L'œuvre magistrale de M. A. G. Boulenger sur l'erpétologie de l'Algé- rie — œuvre rédigée surtout d'après les matériaux récoltés parM.Fernand Lataste — ne renferme que peu de documents inédits sur la province d'Oran. Seul, Strauch a publié de précieux: renseignements sur la géogra- phie erpétologique de notre province qu'il avait tout spécialement visitée. M. E. Olivier, dans son « Herpétologie algérienne », n'a guère présenté de documents nouveaux pour la même région. Aussitôt que j'aurai élucidé certains points litigieux je dresserai un catalogue plus exact des richesses erpétologiques de l'ouest de l'Algérie. En attendant, je me contenterai de signaler les espèces les plus intéres- santes qu'il m'a été donné d'étudier. J'en ai trouvé dans des collections particulières, j'en ai reçu d'amis complaisants, j'en ai capturé moi-même. Je dois des remerciements tout particuliers à MM. Mathieu et Moisson qui ont bien voulu me permettre d'étudier leurs collections; à mes amis, MM. Hiroux et Pallary, qui ont récolté des reptiles à mon intention. 1° TORTUES Emys orbicularis L. — D'après les renseignements que j'ai recueillis auprès de personnes dignes de lui, cette espèce existerait dans les cours d'eau du Haut-Tell. Sphargis coriacea Rond. — Un exemplaire de très grande taille ;i été capturé sur la plagie de Saint-Leu vers 188-j. 2° SAURIENS Saurodactylus mauritanicus D. et B. — Djebel Mizab à iU kilomètres à l'est de Sebdou. Agama inermis Reuss. — Aïn-Sefra (P. Pallary). Ophiops occidentalis 151g. — Mécheria (Hiroux). Acanthodactylus pardalis Licht. — Mécheria CC. (Hiroux), Bedeau, El Aricha. 478 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE Psammodromus Blanci Lat. — Cran, Tlemcen, Sebdou. Eumeces algeriensis Blg. — Oran (!), Lamoricière, Ain -Temouchent (Pallaryj. Gongylus ocellatus Forsk., var. vittatus Blg. — Plateau de Canastel près Oran. Lygosoma chalcides L. — Trois exemplaires de cette espèce ont été trouvés à Oran, dans un chantier d'alfa, par M. P. Mathieu. Si l'on rapproche de ce fait la citation de Poiret qui a signalé la Laccrta chalcides L., à La Calle, il y a des présomptions pour que cette espèce existe bien en Algérie. Dan- la province d'Oran, elle se trouverait sur les Hauts Plateaux dans l'alfa. Coronella Amaliae lioettg.— Oran ('.), ElAricha('), Rio Salado (P.Pallary). — Cette espèce est bien variable et il devient parfois bien difficile de la séparer de C. Girondica. Coronella girondica Daud. — Mécheria (Coll. Moisson). Lytorinchus diadema. — D et B. var. — Ain-Sefra (Hiroux). Psammophis sibilans L. — Ain-Sefra (Hiroux). Cérastes vipera L: — Mécheria (Coll. Moisson). Molge (?) — D'après des renseignements particuliers, une espèce de ce genre existerait dans la Mina à Tiaret. M. Paul PALLARY à Eckmuhl, près Oraii. DESCRIPTION DE QUELQUES NOUVELLES ESPÈCES D'HÉLICES DU DÉPARTEMENT DORAN [594.3 65 — Séance du 2 avril 1896 — Au Congrès de Caen nous avons donné les descriptions des H. Kebiriana et Mortilkiiil), mais sans y joindre de ligures. Nous les donnons aujourd'hui, ce qui nous oblige à reprendre ces descriptions ; nous y ajoutons celles d'une autre forme nouvelle. Hélix (Macularia) Kebiriana. (Fig. I). Grosse espèce du groupe de //. lactea possédant une coquille globuleuse, bien circulaire, s. spire élevée, à tours bombés, à test mime orné de quatre bandes brunes ou châtain foncé pictées à la façon de H. galena ou myristigmœa. Le péristome, faiblement replié en dehors, est orné d'un bourrelet énorme, qui. dans quelques exemplaires, obstrue plus de la moitié de l'ouverture. Ce (1) AFAS. Caen, Ier vol., p. 178. P. PALLARY. — NOUVELLES ESPÈCES D'HÉLICES DU DÉPARTEMENT D'ORAN 479 bourrelé! porte une série de cannelures se prolongeant dans l'intérieur du der- nier tour. .Mais ces sillons ne sont cependant bien inarqués et profonds que lorsque la coquille n'a pas encore atteint son entier développement. Plus tard, ce bourrelet augmente considérablement et encrasse beaucoup les cannelures ; il set, de sur la dépression ombilicale qu'il recouvre en entier et rejoint le bord COlumellaire avec lequel il s'unit naturellement. Bord columellaire très robuste, fortement épaissi, faiblement tubercule. Bouche très brillante, colorée en châtain clair. Cette coquille est surtout remarquable par l'épaississement considérable du péristome et du bord columellaire qui contraste d'une manière aussi frappante avec le test si mince des tours. Ce caractère la différencie du premier coup de toutes les mandarin algériennes, aujourd'hui vivantes (1). Les dimensions de cette nouvelle espèce sont : hauteur : 22-24 millimètres ; diamètre maximum (longueur): 37-39 millimètres; diamètre minimum (largeur) : 30-32 millimètres. Une forme minor mesure : hauteur: 18 millimètres, longueur : 32 millimètres, largeur : 25 millimètres. ^■n Celte hélice ne peut être confondue ni avec //. agenna Bgt du sud et centre du Maroc, ni avec //. simocheila Bgt du sud-est de l'Espagne. De H. agenna, elle diffère par sa taille un peu plus forte, par son test plus mince, par sa coloration (U, agenna est entièrement blanc) et par les sillons du péristome. De H. simocheila, elle diffère par l'élévation de la spire qui est presque plate chez la première, par la coloration de la bouche qui est d'un noir palissandre chez //. simocheila et châtain clair chez //. Kebiriana, et enfin par le péristome, qui est peu «'pais et fortement replié en arrière chez H. simocheila au lieu qu'il est très épais et à peine replié cbez //. Kebiriana. Seule la coloration extérieure est semblable, caractère qui est commun d'ail- leurs avec II. calendyma, galena et myristigmœa. Cette espèce est très localisée ; on ne la trouve que sur une longueur de deux cents mètres au plus, autour de la ferme Chazeau, près d'Aïn-el-Turk, sur les fi i L'H. subsenilis des dépôts tertiaires de Constantine offre les mômes caractères dépaississement de la bouche, mais sur des dimensions [dus restreintes. 480 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE grès pliocènes du bord de la mer, et plus loin au cap Falcon et aux îles Habibas où elle est très rare. Hélix (Xerophila) Mortilleti. {Fig. 2). (Dédié à M. Gabriel de Mortillet.) Hélice du groupe de la depressula Parreyss, à test diversement coloré, mais le plus souvent, jaunâtre ou blanc. Spire peu élevée, à sommet noir, présentant les tours supérieurs unis, sans dépression aucune, à suture rectiligne. L'avant- dernier tour et le dernier fortement carénés. Bouche un peu oblique, plus longue que haute, formée de deux arcs de cercle se réunissant à la carène qui est très saillante. Péristome simple, aigu avec un faible bourrelet intérieur de couleur rose. Prend toujours naissance un peu au-dessous de la carène, ce qui plisse d'une façon très accentuée le sommet de l'ouverture. Bord columellaire très peu oblique. Ombilic profond, largement ouvert. Dimensions: longueur: 18 millimètres; largeur : 1G-17 millimètres ; hau- teur : 6-8 millimètres. Cette espèce ne peut être confondue avec aucune des autres espèces du groupe de la depressula. Elle en diffère par ses tours plus gros, plus hauts et moins carénés. Elle offre une grande diversité dans sa forme et dans sa coloration. Nous avons pu séparer les variétés suivantes : Depressa. — A tours plus plats et presque sur le même plan que la carène. Celle-ci est encore plus aiguë que dans le type. Conoidea. — Les premiers tours forment un cône parfait dont la base est la carène. Enfin certains exemplaires ont encore la spire plus déprimée et la carène plus saillante : ils établissent très nettement le passage à H. depressula. Le type et les variétés se rencontrent sous les formes major et minor. Cette espèce pond fin janvier et commencement de février. Elle est abondante (l). Nous entendons par longueur d'une coquille le diamètre maximum pris du bord extrême du péi istome au bord opposé de la coquille : par largeur, le diamètre minimum de la coquille pris dans une direction perpendiculaire à la longueur. Enfin, la hauteur est la mesure prise du plan d'appui de la base au premier tour embryonnaire. P. PALLARY. — NOUVELLES ESPÈCES D'HÉLICES DU DÉPARTEMENT D'ORAN 481 au mois de mai sur le plateau de Saint-Eugène, près Oran, au voisinage des carrières. Dans la figure 2, la partie gauche représente le type, la partie droite la variété dépressa. On la trouve associée avec H. depressula, mais elle n'atteint pas le littoral comme cette espèce (Fig. S).. i - feh HÉ '^fcih V. Conoidea. V. à carène aiguë. Passage à H. depressula. Fig. 3. Hélix (Xerophila) Ar\bophila. Belle xérophile du groupe des Xeroleuca, à faciès saharien, remarquable par son sommet aigu et saillant, rappelant assez la spire des Iberus. Coquille très globuleuse, mince, crayeuse, à test finement strié, coloré en brun foncé en dessus et orné par quatre bandes de même couleur en dessous. La bande qui borde la carène est la plus large, les trois autres sont de même largeur. Sept tours, séparés par une suture, formant saillie sur les tours inférieurs ; les deux derniers ornés par une carène saillante bien marquée, traversée par des stries obliques plus profondes que sur le reste du test. Dernier tour non descendant à suture profonde. Bouche grosse, très oblique, bien ronde, aussi haute que large, dont la circonférence n'est pas influencée par la carène, mince, tranchante, avec un faible bourrelet interne. Bord columellaire très peu étalé sur l'ombilic. Les bords sont réunis par une mince callosité blanchâtre. Ombilic profond, mé- diocrement ouvert (3 millimètres). Dimensions: longueur : 1!) millimètres ; largeur: 18 millimètres ; hauteur: 13 millimètres. Bouche, longueur : 9 millimètres et demi ; hauteur : 9 milli- mètres. 1 2 3 H. arabophila \. Type. 3/4 G. N. 2-3. Variété. Fig. 4. On distinguera //. arabophila de ses congénères par sa forme identique au Leucochroa argia. Des espèces algériennes c'est //. Darolli, dont elle est la plus voisine mais deux fois plus grande, le test plus mince et non chagriné. « C'est 31* 482 ZOOLOGIE, ANATOM1E, PHYSIOLOGIE une espèce magnifique et remarquable sous tous les rapports. Je n'en connais aucune autre qui puisse lui ressembler de près ou de loin(l) ». Cette espèce est encore assez variable dans ses formes. Elle s'écarte du type ici décrit, soit par sa taille un peu moindre, sa spire plus plate, ce qui donne aux tours supérieurs une suture assez profonde, ou par sa carène souvent plus accusée, formant alors un véritable cordon et par le dernier tour se plissant légèrement à l'insertion du péristome. Cette espèce m'a été donnée par M. Michaud, d'Oran, qui l'a reçue d'Aïn-Fékan, près Mascara (2). Son test mince, semblable par sa fragilité et sa coloration à H. Lemoinei, lui donne cependant l'aspect d'une espèce désertique. Hélix (Xerophila) Doumerguei. (Fig. 4). (Dédiée à M. Doumergue, professeur au lycée d'Oran.) Xérophile du groupe de H. Kabyliana Deb. et mœsta Parreyss. Coquille mé- diocrement élevée, à sommet noir et brillant; les quatre premiers tours unis, l'avant-dernier bien bombé, le dernier descendant légèrement à 2 ou 3 milli- mètres avant l'insertion. Suture linéaire peu profonde. Test diversement coloré: quelquefois blanc, d'autres fois offrant une raie brune au-dessus et trois raies de même couleur, en dessous sur un fond blanc, sur d'autres, les dessins du sommet rappellent ceux de H. sphœrita, d'autres enfin, sont très élégamment ornés de dessins à l'instar de la variété mierostoma de H. oranensis. Bouche de forme ovalaire à bords minces, faiblement colorée en rose. Le bord columellaire descend d'une façon très oblique vers la droite. Ombilic petit, un peu échancré par le dernier tour. Dimensions : longueur : 17 millimètres; largeur : 13 millimètres et demi; hau- teur : 9 millimètres. Bouche, hauteur : 7 millimètres ; longueur : 8 millimètres. J'ai remarqué une variété subcarenata dont l'avant-dernier tour est orné par une faible carène. Habitat. — Sur la rive droite de la Sikkak, entre le village d'Ouzidan et les R'iran-er-rih' sur les palmiers nains et les genêts. J'ai retrouvé la même espèce à Pali-Kao et à Saïda. II. Doumerguei (type). V. blanche. Fig. 5. Cette espèce représente dans l'ouest algérien H. Kabyliana, dont elle diffère par sa taille plus forte, par la coloration rose de sa bouche, sa bouche plus grande (l'ombilic étant de même grandeur chez les deux espèces). On la distinguera encore de //. variabilis Drpd. par ses stries plus profondes, (0 M. 0.. Debeaux, wi litt. (2) La station exacte est la v.illée de l'o. Souag, à 12 kilomètres S.-O. d'Aïn-Fekan en amont du marabout de Sidi-Brahim. //. arabophila accompagne //. lacer larum. P. PALLARY. — NOUVELLES ESPÈCES D'HÉLICES DU DÉPARTEMENT û'ORAN 483 plus espacées et moins nombreuses, surtout au dernier tour. H. variabilis a son ombilic un peu plus grand et plus échancré par le dernier tour, la bouche est plus ronde et moins longue. Dans //. Doumergaei les tours supérieurs sont unis ou peu s'en faut. Ils sont nettement séparés par la suture dans H. variabilis. Enfin, la coloration générale est très dissemblable. IIelix (Xerophila) Berberica. (Fig. 5). Depuis plusieurs années j'avais récolté, aux environs d'Oran, une petite hélice que j'avais classée comme H. eustricta Bgt. Dans une collection locale, je la retrouvai sous le nom de H. polytrichia Ane, d'après M. Ancey lui-même (mé- connaissant ainsi une de ses espèces). Plus tard, je l'envoyai à M. Joly, d'An- goulême, comme H. eustricta. C'est alors que ce naturaliste me fit remarquer que mes échantillons étaient fort différents de ceux qu'il tenait de M. Letour- neux, sous le même nom. Les exemplaires de M. Letourneux n'étaient pas carénés, ils étaient plus grands (6 millimètres sur 3) et ne pouvaient être rap- prochés de mes petites hélices. Il me paraissait donc résulter devant ces deux affirmations, provenant de deux aussi éminents malacologistes, que les xéro- philes oranaises représentaient une espèce non encore connue et je proposai pour elles le nom de II. Berberica. Mais tenant à connaître le type de H. eustricta, j'en demandai communica- tion à M. Joly qui s'empressa de me l'envoyer et, dès la première confrontation avec les figures et le texte de la Malacologie de l'Algérie (1), j'acquis la preuve que M. Letourneux avait fait erreur en nommant ses échantillons H. eustricta ; ce sont plutôt des formes très voisines de //. conspurcala et qui peuvent être considérées comme une bonne variété de celte dernière espèce. Au contraire, parmi les formes oranaises, les unes répondaient point pour point aux figures de Bgt, d'autres étaient à peine carénées, d'autres enfin, avaient la bouche bien ronde. Ce sont ces derniers que j*avais pris pour type de H. Berberica. Mais en somme, ce seul caractère: bouche circulaire, au lieu d'être plissée, ne peut suffire pour créer une nouvelle espèce, surtout lorsque l'examen d'un grand nombre d'individus montre toutes les nuances possibles entre ces deux formes. La carène, elle aussi, est plus ou moins accusée de sorte que ce carac- tère reste en définitive dans les termes mêmes de Bgt : coquille comprimée, subcarénée. Et enfin, en dernier lieu, une question de sentiment, plutôt que de principe se posait : quel est le type de l'espèce lorsque cette espèce comprend des individus carénés et d'autres qui ne le sont pas? Les sujets carénés dérivent-ils de ceux qui ne le sont pas ou réciproquement? Aujourd'hui, la majorité des naturalistes admet que la coquille décrite par l'auteur doit être considérée comme le type. Je prouverai plus tard, que cette opinion doit souffrir des exceptions, bien, que mon sentiment soit contraire en cela au principe même de la règle qui veut que l'espèce soit la propriété immuable de l'auteur qui l'a établie. Pour en finir donc, je conclurai en disant que //. Berberica peut être admis comme une variété à bouche ronde et aux derniers tours faiblement carénés. Il faudrait compléter la description de Bgt relative à //. eustricta en ajoutant que cette espèce est ornée de très petits poils (visibles à un fort grossissement) qui, lorsque l'animal est vivant, amassent la terre et ne permettent toujours pas de distinguer les marbrures du test. i Malacologie de l'Algérie, 1894. — I, p. iw, pi. XX, fig. 27-32. 484 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE Les premiers exemplaires de cette petite xérophile ont été trouvés aux alen- tours de Mazagran, sur les collines incultes et dans les endroits arides et exposés aux rayons du soleil. Je l'ai trouvé assez abondamment sous les pierres, dans le dj. Djefri. aux environs d'Oran et à Saint-Denis du Sig. M. le W 0. Van der STEICHT Chef des Travaux anatomiques à 1'Universilé de Gand (Belgique). LA MATURATION ET LA FÉCONDATION DE L'ŒUF DE « THYSANOZOON BROCCHI » [591-166] — Séance du 3 avril 1896 — L'étude des phénomènes intimes qui se passent au moment de la matu- ration et de la fécondation de l'ovule constitue une des questions les plus difficiles et les plus compliquées de l'embryologie. Des différents travaux parus, il semble résulter que le processus de la fécondation ne se passe pas toujours de la même manière chez tous les animaux. 11 faudra néces- sairement un grand nombre de recherches nouvelles et précises, avant que l'on puisse se faire une idée exacte des principales phases de la genèse du pronucleus mâle et du pronucleus femelle. Sous ce rapport, nous pou- vons dire que l'œuf de Thysanozoon constitue un objet excessivement favo- rable, tant au point de vue de la succession lente des diverses étapes de la transformation du germe mâle et du germe femelle, qu'au point de vue de la netteté et de la beauté des images. On y observe le cycle complet de tous les stades de formation du premier et du second globule polaire ainsi que du pronucleus femelle et de tous les stades de formation du pronu- cleus mâle. Nous exposerons donc très brièvement : 1° La formation du premier globule polaire; 2° La formation du second globule polaire ; 3° La formation du pronucleus femelle ; 4° La formation du pronucleus mâle; 5° La réunion du pronucleus mâle et du pronucleus femelle au moment de la formation du premier amphiaster de fractionnement (Fol) ; G0 La division du premier noyau de segmentation. Dr 0. VAN DER STRICHT. — L'OEUF DE « THYSANOZOON BROCCHT » 485 FORMATION DU PREMIER GLOBULE POLAIRE Le premier fuseau de direction, ou le premier amphiaster de rebut (Fol) apparaît dans l'ovule ovarien avant la ponte. Comme nous l'avons dit dans une note précédente, il est formé par une figure chromatique et une figure achromatique. La première est constituée par un certain nombre de chro- mosomes situés au niveau de l'équateur de l'amphiaster. Nous avons eu l'occasion de compter avec précision plusieurs fois le nombre d'anses chromatiques. Il est constant et correspond au chiffre neuf. La figure achromatique est composée de deux parties distinctes au point de vue de leur origine : 1° Des figures polaires, c'est-à-dire des sphères attractives et des régions astéroïdes naissant aux dépens du cytoplasma; 2° Des corpuscules polaires, y compris leur granulation centrale, se formant aux dépens de corpuscules chromatiques émigrés du noyau, ainsi que d'une figure achromatique nucléaire, c'est-à-dire des cônes principaux, des cônes accessoires et du fuseau central. Au moment de la ponte l'amphiaster de rebut occupe la partie centrale de l'œuf. Bientôt il se rapproche d'un de ses pôles. Les filaments insérés à la membrane vitelline à cet endroit se raccourcissent et s'épaississeat. Ils engendrent de cette manière un cône antipode (Ed. Van Beneden) très distinct, dont les parties constituantes, en se contractant, attirent l'am- phiaster vers la périphérie de l'ovule. Les phénomènes les plus importants de la formation du premier globule polaire consistent : 1° Dans la division transversale des neuf chromosomes primitifs et leur écartement en deux groupes, constitués chacun par neuf chromosomes dérivés ; 2° Dans l'élimination d'un groupe de neuf anses chromatiques, ainsi que de la sphère attractive, y compris le corpuscule polaire et une portion du vitellus environnant. FORMATION DU SECOND GLOBULE POLAIRE Les neuf chromosomes restés dans l'ovule à côté de leur sphère attrac- tive se raccourcissent, s'épaississent, puis se divisent dans le sens de leur longueur, chacun en deux chromosomes-filles. De ces dix-huit anses chro- matiques, neuf se dirigent du côté de la surface de l'œuf pour engendrer le second globule polaire. Neuf restent dans l'ovule pour engendrer le pronucleus femelle. 486 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE Mais avant et pendant la division des chromosomes, il se passe des- phénomènes très intéressants du côté de la sphère attractive. Le corpuscule polaire ou centrosome se divise en deux corpuscules dérivés et la sphère attractive se dédouble en deux. Les deux corpuscules polaires de nouvelle formation sont réunis par un fuseau central, de sorte que la figure achro- matique du second amphiaster de rebut possède les mêmes parties consti- tuantes que le premier. En même temps que les deux sphères attractives nouvelles se séparent, l'une se rapproche delà surface de l'ovule et l'autre occupe une position plus centrale. A ce moment les chromosomes sont venus se grouper autour du fuseau central, c'est-à-dire au niveau de l'équateur du second amphiaster de rebut. Aux dépens de ce second amphiaster de rebut se forme la seconde cellule polaire. Celle-ci renferme la moitié du centrosome, de la sphère attractive et de la chromatine restée dans l'ovule à la suite de l'expulsion du premier globule polaire. A la suite de la formation du second globule polaire, il persiste dan& l'œuf neuf chromosomes, aux dépens desquels se forment le pronucleus femelle, ainsi qu'une sphère attractive renfermant un centrosome, le futur ovocentre (Fol). FORMATION DU PRONUCLEUS FEMELLE Aux dépens des neuf chromosomes restant dans l'ovule, il se forme un noyau lobé, renfermant un grand nombre de nucléoles, très safranophiles. Il est difficile de les compter ; il est toutefois supérieur à neuf, peut-être correspond-il au double de celui des chromosomes qui leur ont donné naissance. A côté de ce noyau existe toujours la sphère attractive, renfermant un centrosome correspondant à l'ovocentre de Fol. FORMATION DU PRONUCLEUS MALE Le spermatozoïde pénètre dans l'œuf immédiatement après la ponte, à un endroit voisin du pôle où se détachent les globules polaires. La partie chromatique de la tête se transforme en un amas, relativement petit, compact et dense, se colorant à peu près d'une manière uniforme en rouge par la safranine. Bientôt cette masse se gonfle et augmente en volume. Elle forme alors un noyau, constitué par une membrane et des granula- tions chromatiques plongées dans un suc nucléaire incolore. A un stade un peu plus avancé, on voit apparaître à l'intérieur du noyau mâle plusieurs nucléoles, à composition chimique différente de ceux du pronucleus femelle. Ces derniers se colorent vivement en rouge Dr 0. VAN DER STRICHT. — l'OBUP DE (' THYSANOZOON BROCCHI » 487 par la safranine (nucléoles érytrophiles d'Auerbach). Les premiers, au contraire, n'ont aucune affinité pour cette matière colorante (nucléoles cycmophiles d'Auerbach). Il est donc très facile de distinguer dans ces ovules le pronuclcus mâle et le pronucleus femelle. Existe-t-il à côté du pronucleus mâle un spermocentre (Folj?. Jamais il ne nous a été donné d'observer un spermocentre distinct de l'ovocentre. Nous ajouterons cependant que, malgré ce fait, nous ne nions point la théorie de Fol, d'après qui la fécondation consiste << non seulement dans l'addition de deux noyaux provenant d'individus et de sexes différents, mais encore dans la fusion, deux à deux, de quatre demi-centres provenant les uns du père, les autres de la mère, en deux astrocentres combinés ». Chez le Thysa- nozoon Brocchi, il ne peut être question d'un quadrille. Il existe ici mani- festement un ovocentre unique. A un moment donné de la fécondation, il est attenant d'un côté au pronucleus femelle et d'un autre côté au pronucleus mâle. Or ce dernier envoie un prolongement à l'intérieur de l'ovocentre, une espèce de long pseudopode clair, renfermant un nucléole de petites dimensions, de même nature que ses congénères. Ces images ne sont pas rares, on les observe fréquemment. Quelle importance faut-il leur attribuer? D'après nous, il ne peut exister aucun doute à cet égard : le pronucleus mâle dépose à l'intérieur de la sphère attractive, d'origine ovulaire, un corpuscule ayant la signification d'un spermocentre. Nous avons observé ce corpuscule à l'intérieur du pseudopode du pronucleus mâle. Il est vrai que jusqu'ici nous ne l'avons point vu sortir de ce pro- longement nucléaire. Mais, en admettant qu'il sorte et qu'il entre à l'intérieur de la sphère attractive, il n'y a rien d'étonnant qu'on ne l'y retrouve pas, car, étant incolore, il doit être très difficile à déceler au milieu de la sphère attractive, à ce moment très compacte. L'importance de ces données est très grande au point de vue de la théorie de la fécondation. D'après Fol, le résultat final du processus de la fécondation consiste dans la bissexualité de chaque centrosome (astro- centre) du premier amphiaster de fractionnement. En d'autres termes, chaque centrosome est moitié mâle et moitié femelle. Or, s'il est vrai que le pronucleus mâle de l'œuf de Thysanozoon dépose à l'intérieur de la sphère attractive ovulaire un corpuscule ayant la valeur d'un spermocentre, il faut admettre que les deux centres mâles et femelles se fusionnent à l'intérieur de cette sphère. Dans les ovules observés par Fol, chaque centre se divise en deux et la fusion s'opère ultérieurement. Chez le Thysanozoon, il y a d'abord fusion et la division s'opère plus tard. Mais le résultat final est le même, chaque centrosome du premier amphiaster de fractionnement est moitié mâle et moitié femelle. Ces données concordent avec les résultats auxquels nous a conduit l'étude de la fécondation de l'œuf d'Amphioxus lanceolatus. 488 ZOOLOGIE, ANAT0M1E, PHYSIOLOGIE RÉUNION DU PRONUCLEIS MALE ET DU PRONUCLEUS FEMELLE Nous employons avec intention le mot réunion, car chez le Thysanozoon il ne s'opère jamais de fusion, pas même apparente, entre le pronucîeus mâle et le pronucîeus femelle. Les deux pronucîeus gagnent ordinairement la périphérie du vitellus au pôle où se sont détachés les globules polaires. La sphère attractive siège un peu plus profondément, étant plus rapprochée du pronucîeus femelle que du pronucîeus mâle. A ce moment les nucléoles du noyau mâle subissent des modifications chimiques. Ils deviennent avides de safranine. Aux dépens des nucléoles des deux pronucîeus, se forme une charpente filaire chro- matique, destinée à engendrer les chromosomes du premier amphiaster de fractionnement. Avant l'apparition des chromosomes à l'intérieur des noyaux, une partie de la membrane nucléaire, en regard de la sphère attractive, disparaît. Les filaments de cette sphère pénètrent dans l'aire nucléaire, pour se fixer sur les chromosomes et les attirer en dehors de ce territoire, à mesure qu'ils se forment. Bientôt on distingue un champ nucléaire, attenant à la membrane vitelline et n'étant plus limité par une membrane. 11 est recon- naissable grâce à sa colorabilité plus intense que les parties voisines. On n'y retrouve plus d'anses chromatiques ; celles-ci ont été attirées par les filaments de la sphère attractive jusque dans le voisinage immédiat de la sphère attractive. Il est à remarquer que ce processus se fait séparément dans les deux pronucîeus. Il débute dans le pronucîeus femelle. Quand il y est achevé, il commence dans le pronucîeus mâle. De sorte qu'on rencontre à ce moment un groupe de chromosomes femelles, siégeant à une distance plus ou moins grande du pronucîeus mâle encore en repos ou sur le point d'engendrer ses anses chromatiques. Nous avons eu l'occasion de compter pendant cette phase le nombre de chromosomes femelles. 11 est constant et correspond au chiffre neuf. Il est plus difficile de compter le nombre de chromosomes mâles. Il ne semble pas être inférieur à celui du groupe femelle. Pendant que ces phénomènes se passent du côté des pronucîeus, la sphère attractive subit des modifications importantes. Elle se divise en deux et engendre de cette manière deux centrosomes ou astrocentres, reliés par un fuseau achromatique et entourés chacun par une sphère attractive. Les centrosomes se colorent en rouge d'une manière intense par la safranine. A mesure que les centrosomes s'écartent, les groupes mâles et femelles Dr O. VAN DER STRICHT. — l/OEUF DE « THYSANOZOON BROGCHI » 489 se rapprochent l'un de l'autre, au niveau de l'équateur de la figure achro- matique, dont l'axe est plus ou moins parallèle à la surface de l'œuf, A ce moment débute le fendillement longitudinal du chaque anse chro- matique. C'est le stade d'étoile mère de la division mitosique de la cellule œuf, ou le premier amphiaster de fractionnement. Il est à remarquer que le groupe de chromosomes mâles est nettement séparé du groupe de chromosomes femelles. Cette indépendance du groupe mâle et du groupe femelle persiste dans les stades ultérieurs de la division, aux stades dyasters et pelotons filles. La figure achromatique elle-même suit ce groupement en deux, et on distingue parfois un fuseau achromatique mâle et un fuseau femelle (Ruckert). Quand les deux noyaux sont arrivés au stade repos, leur forme est très irrégulière, bourgeonnante. Ils renferment un grand nombre de nucléoles, de composition chimique différente. Les uns sont safranophiles, les autres restent incolores. Sous le rapport de la colorabililé, on trouve donc des nucléoles analogues à ceux qu'on rencontre dans le pronucleus mâle et dans le pronucleus femelle. Il en résulte que dans les noyaux dérivés de la première sphère de segmentation il existe des nucléoles mâles et des nucléoles femelles (Auerbach). A côté du noyau on trouve une sphère attractive indivise, pourvue d'un cytocentre ou corpuscule central. Avant la division de la cellule œuf, c'est-à-dire avant l'apparition du premier fuseau de fractionnement, le centrosome et toutes les parties constituantes de la sphère attractive font partie du cytoplasma. Dès ce moment on peut les considérer comme des organes permanents du cyto- plasma (Ed. Van Beneden). Lors de chaque mitose, toute la figure achromatique se forme aux dépens du cytoplasma, c'est-à-dire aux dépens du centrosome et de la sphère attractive. 490 ZOOLOGIE, ANATOMIE, PHYSIOLOGIE M. le I1 Paul MARCHAI à Fonlenay-aux-Roses (Seine). SUR LES INSECTES NUISIBLES DE TUNISIE ET D'ALGÉRIE (1) [632(611-65)] •-■— Séance du 3 avril i896 — Pendant les années 1894, 1895 et 1890, nous avons eu l'occasion d'observer un certain nombre d'Insectes nuisibles qui ont été envoyés de Tunisie ou d'Algérie à la Station Entomologique. Nous devons la plupart des envois de Tunisie à M. Castet, jardinier en chef du Jardin d'essais de Tunis, et la plupart de ceux d'Algérie à M. Trabut, professeur à l'École de médecine d'Alger. Hypera (Phytonomus) crinita Boh. — Ce Curculionide propre à l'Europe méri- dionale et à l'Afrique nous a été envoyé de Tunis au mois de juillet 1894. Il a occasionné des dégâts considérables dans les plantations de Pommes de terre et de Haricots. Il n'avait pas encore été signalé comme nuisible. On pourra lui appliquer les mêmes procédés de destruction que ceux qui ont été employés contre nos Charançons indigènes (récolte des insectes le matin sur des toiles enduites de peinture ; soufre précipité de Schlœsing à la nicotine, à raison de 200 à 400 kilogrammes à l'hectare, etc.). Epilachna chrysomelina F. — Cette espèce de Coccinellide, tant à l'état de larve qu'à l'état d'Insecte parfait, fit de grands dégâts à Tunis, dans les cultures de Melons. — D'après les iudications fournies par M. Castet, la récolte, pendant l'hiver, des Insectes réunis par plaques sur les troncs d'arbres est facilement praticable, et ce procédé, ayant pour résultat la suppression des Insectes qui doivent pondre au printemps, ne peut manquer d'a\oir une très grande effica- cité (2). Anomala vitis F. (3). — Ce Lamellicorne a déjà été signalé par M. Valéry Mayet comme nuisible à la vigne en Tunisie et en Algérie ; on le trouve aussi com- munément dans toute l'Europe méridionale. La larve, très analogue à celle du Hanneton ou Ver blanc, nuit aux jeunes plants, en vivant aux dépens des racines ; l'adulte commet aussi de graves dégâts. Ce sont les larves qui nous ont (1) Observations faites à la Stafon Entomologique de Paris. (2) Voir: Les Coccinellides nuisibles, par le Dr Paul Maboul, Revue des Sciences naturelles appli- quées, 20 mar^ 1895. (3) Ou espèce voisine: les larves seules ont été observées. Dr P. MARCHAL. — INSECTES NUISIBLES DE TUNISIE ET D'ALGÉRIE 491 été envoyées en avril 1895 et qui causaient à cette époque un sérieux préjudice. Si la sécheresse trop grande du terrain ne s'oppose pas à leur emploi, les injec- tions de sulfure de carbone peuvent être conseillées contre cette larve (cinq grammes de sulfure de carbone, pour chaque trou de pal, les trous étant faits tous les 50 centimètres en tous sens). On doit enfin récolter et détruire les insectes parfaits. Gortyna flavago S. V. (variété Xanthenes). — Les Artichauts d'Algérie ont été attaqués, comme les années précédentes, par la chenille de ce papillon qui vit à l'état jeune dans la tige, puis monte dans le réceptacle où elle se creuse une galerie. Les Artichauts attaqués restent de petite taille et sont dépréciés par les galeries noires, remplies d'excréments, qui s'y trouvent creusées ; on les ren- contre fréquemment sur le marché de Paris parmi ceux qui apparaissent vers le milieu de février et qui viennent d'Afrique. La biologie de cet Insecte a été étudiée par Goossens Th. (Ann. Soc. entom. de France, 1880, p. loo-158). La variété algérienne a reçu le nom de Xanthenes Germ. = cinarea Gooss. ; elle se dislingue par une teinte jaune plus pâle de l'espèce type. Le résultat des élevages de Goossens parait nettement démontrer que Gortyna xanthenes n'est qu'une variété de G. flavago ; néanmoins, bien des auteurs persistent à la regarder comme une espèce distincte; et ce qui donnerait un certain poids à cette opinion, c'est qu'en France, où la Gortyna flavago existe, on ne se plaint pas de ses dégâts dans les cultures d'Artichauts, et elle semble se borner à attaquer les tiges de l'Yèble et de la Bardane. La chenille de la Gorlijna vivant à l'intérieur de la plante, on ne saurait songer à la détruire par les insecticides. On devra couper et brûler tous les Artichauts attaqués qui se signalent par leur développement incomplet et par leurs taches noires ; mais ces mesures seront forcément insuffisantes, car les chenilles de la Gortyna vivent vraisemblablement sur diverses Composées sau- vages, et les papillons qui en éclosent peuvent aller pondre sur les Artichauts. Pour trouver une méthode de défense efficace contre cet Insecte, il faudrait donc connaître d'une façon plus complète sa biologie ; peut-être pourrait-on protéger alors les plantes contre la ponte du papillon, en les mettant à l'abri. Au mois de mars 1896, M. Castet m'envoya de Tunis des chenilles qui ont fait de grands dégâts cet hiver dans les cultures d'Artichauts. L'Arti- chaut violet natif produit à Tunis depuis décembre pendant tout l'hiver. C'est pendant cette période de production que l'Insecte sévit, et ses atteintes sont d'autant plus funestes que les Artichauts primeurs sont les plus rému- nérateurs. Cette chenille présente un aspect fort différent de celle de Gortyna flavago; elle est en effet d'un rouge très variable, certains indi- vidus étant d'un beau rouge sombre et les autres presque blancs; de plus, les grandes taches noires qui existent chez Gortyna flavago ne sont représentées que par des petits points noirs surmontés d'une soie et à peine visibles à l'œil nu. Il est donc certain que cette chenille appartient à une espèce distincte, non encore signalée comme nuisible, et la question est actuellement à l'étude. Quoi qu'il en soit à cet égard, les dégâts que les 492 ZOOLOGIE, AJNATOMIE, PHYSIOLOGIE deux formes occasionnèrent sont très analogues et les méthodes qui seront applicables à l'une le seront également à l'autre. Sesamia cretica Leder. — Le Maïs et le Sorgho ont eu à souffrir des attaques d'une chenille mineuse qui a causé de sérieux dommages dans de nomhreuses localités de Tunisie, notamment à Sidi-Salem, près de Mateur. La détermination des papillons auxquels ces chenilles ont donné naissance était rendue fort difficile par l'absence des mâles. — M. Manille, le savant lépidoptérologiste auquel je les ai soumis, a pensé pouvoir les rapporter à l'espèce Sesamia cretica Leder = S. cyrnœa Manille, dont il a décrit lui-même le mode de vie dans les Annales de la Soc. Ent. de France (1866, page 559, et 1867, page 640). Les chenilles qui ont été communiquées vivent au printemps à l'intérieur des jeunes tiges de Maïs et réduisent en poussière les tissus sur leur passage; elles empêchent la plante de croître et font avorter l'épi. Vers la fin de juin, beaucoup de tiges se fanent et restent dans la main, lorsqu'on vient à les saisir. D'après M. Castet, qui m'a fait les envois, les chrysalides se forment au commencement de juillet; il a constaté la première éclosion le 12 juillet et j'ai eu moi-même une éclosion en août. L'attaque de cet Insecte a lieu par taches bien marquées, constituant de véritables foyers de dispersion. La Sesamia crelica a été signalée en Crète, en Corse, en Italie et en Dalmatie. M. Mabille a constaté ses dégâts en Corse. Elle vient, elle ou une espèce très voisine, de se révéler l'année dernière comme un ennemi très dangereux pour les récoltes de Maïs en Tunisie; et, en Algérie, d'après M. le Prof. Trabut, des chenilles mineuses, qui très probable- ment doivent être rapportées à la même espèce, ont causé des dégâts énormes dans les cultures de Maïs et de Sorghos. Les Arabes qui ont été consultés au sujet de ces Insectes ont répondu qu'en 1893 il y avait eu un grand nombre de ces « vers » dans leurs cultures de Bécheux (Sorghos blancs), qu'on n'en avait pas vu en 1894 et que l'année dernière ils avaient infesté les Maïs et les Sorghos (1). La seule méthode de destruction pratique consiste à brûler ou à faire con- sommer les tiges de Maïs après la récolte des grains pour anéantir la génération qui, ainsi que M. Mabille l'a constaté, passe l'hiver dans les tiges à l'état de chrysalides. De nouvelles observations sont toutefois nécessaires pour fixer d'une façon exacte la succession des générations et les époques d'éclosions en Tunisie et en Algérie. Chenille mineuse vivant dans la tige du blé. — M. Lecq, inspecteur général d'agriculture en Algérie, fit à la Station un intéressant envoi de blés attaqués par cet Insecte au mois de mai 1895. Dans la région du cap Matifou, écrit-il, des champs entiers présentent la moitié de leurs épis vides et dressés ; si l'on exerce une légère traction sur ces épis, ils restent dans la main, le chaume se brisant un peu au-dessous du premier nœud. En ce point, la tige est coupée par une larve de couleur jaune, de deux centimètres de longueur au maximum. La chenille se chrysalide entre la feuille et la tige. — Les quelques chrysalides que j'ai eues à ma disposition ne m'ont malheureusement pas fourni d'éclosions. (1) D'après un nouvel envoi qui vient de m'ètre adressé, la chenille nuisible au Haïs en Algérie est celle du S. nonagrioides, très voisine du S. cretica : il y a une génération en septembre qui rcnge les graines des épis, et j'ai obtenu une éclosion à la fin de septembre. Dr P. MARCHAL. — INSECTES NUISIBLES DE TUNISIE ET d'aLGÉRIE 493 Il est à souhaiter que de nouveaux envois de cet Insecte soient faits à la Station lorsque l'occasion s'en présentera. Oxycarenus hyalinipennis Costa. — Cet Hémiptère, de la famille des Lygaeides, a causé des dégâts dans les plantations de Coton en Algérie. Cet Insecte se trouve sur différentes plantes du littoral méditerranéen et se rencontre notam- ment sur les Mauves sauvages. En 1890, il a été signalé en Egypte par E. Schuylcr comme nuisible au Cotonnier (Insect. Life, 1890-91, page 68). Les Punaises de cette espèce sucent la sève à la base des jeunes capsules et déterminent leur atrophie; on les trouve aussi à l'intérieur des capsules mûres, où elles attaquent les graines ; elles salissent en outre le coton et en déprécient la qualité. VOxycarenus étant un insecte suceur, on ne pourra employer contre lui que les insecticides agissant par contact, à l'exclusion de ceux qui agissent par ingestion. Les émulsions de savon et de pétrole paraissent entièrement indiquées. Guerinia serratulœ Fab. — Celte Cochenille est commune dans le Midi sur l'écorce d'un grand nombre d'arbres, notamment sur les Caroubiers, les Figuiers, les Pins, les Cyprès et les Acacias. Elle a pris dans ces dernières années un très grand développement dans la vallée de la Seybouse (province de Constan- tine), notamment aux lieux ditsHammam-Meskoutine et Ben-Tabauch, et atteint principalement les Oliviers greffés de tout âge dont le tronc et les branches se trouvent blanchis par leur sécrétion cotonneuse; sa multiplication a été assez grande d'après M. Bauguil, professeur d'agriculture à Constantine, qui m'en a l'ait lenir des exemplaires, pour provoquer une réelle émotion parmi les culti- vateurs, et cette attaque est d'autant plus remarquable qu'on n'avait pas encore signalé cette Cochenille parmi les Insectes nuisibles à l'Olivier. Si l'extension de cet Insecte continue, on devra employer contre lui les émulsions savonneuses au pétrole ou les pulvérisations de solutions alcooliques et savonneuses préco- nisées contre le Puceron lanigère. Le brossage répété des branches avec une brosse imbibée d'alcool est également indiqué, dans la mesure où l'étendue de la culture le permet. Parlatoria zizyphi Lucas. — La Cochenille noire des Orangers a occasionné des pertes considérables. Tout le monde connaît actuellement ces points d'un noir de charbon qui se trouvent fréquemment sur les Oranges. Ces points noirs ne sont autre chose que les femelles de la Parlatoria. Ce parasite couvre souvent les feuilles et les fruits, et en même temps qu'il déprécie les fruits pour la vente, il diminue beaucoup la vitalité des sujets atteints (1). — M. Trabut a fait une étude de cet Insecte et des moyens à employer pour sa destruction (2). Le professeur Berlèse, de Naples, emploie avec beaucoup de succès contre les Cochenilles des Orangers un insecticide qu'il appelle Rubina, et qui est formé d'un mélange de goudron de bois et de soude caustique à parties égales. — On emploie ce liquide à 2 0/0 en pulvérisations. Un autre, la PiUeleina (Huile lourde émulsionnée), employée à 1 0/0 pour la cure d'été et à 3 0/0 pour la (1) J'ai pu néanmoins remarquer, et d'autres personnes m'ont dit avoir fait aussi celle remarque, que les Oranges de Tunis les plus couvertes de ces Insectes avaient un goût exquis et étaient plus savoureuses que les autres. (2) Gouvernement général de l'Algérie; Service Botanique, 1894, bulletin n« 4 ; C.irald, imprimeur du Gouvernement général, 16, rampe Magenta, Alger, 189'.. — Voir. aussi les belles études de Berlèse sur les Cochenilles de l'Oranger [Rivisla di Palologia végétale, 1890). 494 ANTHROPOLOGIE cure d*hiver, a donné également d'excellents résultats. On ne saurait trop engager à l'aire des expériences avec des solutions analogues dans les cultures d'Orangers de Tunisie et d'Algérie. Mytilaspis fulva Targioni-Tozzetit. — Cette espèce, dont la forme est celle d'une petite moule, s'est associée à la précédente pour attaquer les Orangers aux environs de Tunis. — Les mêmes méthodes de destruction lui sont appli- cables. Asphondylia Trabuti Marchai. — Cette Cécidomyie vit à l'état de larve dans la baie de la Pomme de terre : c'est une espèce nouvelle qui m'a été envoyée d'Alger par M. Trabut, et que j'ai récemment décrite à la Société Entomologique de Paris (1). Elle ne parait pas causer de dégâts sérieux. Joignons aux espèces qui précèdent les suivantes qui nous ont été adressées récemment par MM. Dybowski, Rivière et Castet : Luperus jlavipennis L. très nuisible à différents arbres et notamment aux Ormes et aux Amandiers en Tunisie; Aspidiotus ceratonide, la Cochenille du Caroubier; Deilephila lineata, Sphinx nuisible à la vigne ; et enfin Phlœosinus bicolor Br. qui dévaste les Cyprès plantés en bordures aux environs de Tunis. M. Paul PALLAEY à Eckmuhl-Oran. TROISIEME CATALOGUE DES STATIONS PREHISTORIQUES DU DÉPARTEMENT D'ORAN [571(65i] — Séance du 3 avril 1896 — Nous avons déjà publié deux catalogues du préhistorique dans le dépar- tement d'Oran. Le premier date de 1891 (Congrès de Marseille), le second date de 1893 (Besançon). Celui que nous donnons aujourd'hui complète et rectifie, sur certains points, les deux premiers. Notre projet était de publier tous les deux ans un supplément indiquant les découvertes faites pendant l'intervalle. Par suite de circonstances diverses, nous avons été obligé d'attendre trois ans avant de donner ce troisième catalogue. A l'avenir, nous ne nous en tiendrons plus à aucun (O Bulletin de la Société Entomologique de France, is96 (séance du Congrès annuel», p. 97. P. PALLARY. — LES STATIONS PRÉHISTORIQUES DU DÉPARTEMENT D'ORAN 495 délai : dès que nous aurons un nombre suffisant de stations à signaler, nous établirons un supplément. Toutes les corrections aux catalogues antérieurs sont mentionnées ci-après en lettres italiques; il suffira donc de rectifier ces indications et d'intercaler alphabétiquement les localités nouvelles pour avoir le dic- tionnaire complet des lieux habités aux époques anciennes connus jusqu'à ce jour. Pour les noms de localités, l'orthographe officielle a été adoptée. Mais, chaque fois que l'orthographe officielle n'était pas la transcription exacte de l'appellation indigène, cette dernière a été inscrite entre parenthèses. Nous avons adopté aussi les abréviations suivantes : (E.-M. 30 m.), (E.-M. 400 m.), (E.-M. 800 m.) pour : Cartes de l'État-Major (Dépôt de la Guerre — Département d'Oran)aux 50.000e, 400.000a (feuille nord) et 800.000e. (Flle i"27) = Feuille 127. Indique le numéro de la feuille de la carte au 50.000e. (Auc. ment.) — Aucune mention sur les cartes aux 400 et 800.000e pour les régions où la carte au 50.000e n'a pas encore été levée. Un nom de localité non suivi d'abréviations indique que cette localité est portée sur les deux cartes (E.-M. 400 m.) et (E.-M. 800 m.). Un nom suivi d*uue des trois abréviations veut dire que ce nom se trouve sur la carte mentionnée. f^ Caverne, grotte ou abri. — z^. Tumulus. — S. T. Silex taillés. — tf- Sta- tion. — ^ Atelier. — R. B. Ruines berbères. — R. G. Rocher gmvé (surtout pour le Sud oranais). Le terme + suivant un de ces signes signifie : plusieurs. .Nous avons adopté, pour chaque localité, une série de quatre numéros. Le n° 1 fixe la position de la localité. Le n° 2 indique la nature de la découverte et son âge. Le n° 3 mentionne l'auteur et la date de la découverte. Le n° 4 donne les indications bibliographiques nécessaires. ARRONDISSEMENT D'ORAN Aïn-el-Turk (Aïann-et-Terk'). — 1. (Flle \'6'o.j Près de la ferme Chazeau, au bord de la falaise, 1M ravine à l'O. — 2. _fl_ presque entièrement éboulée avec S. T., coquilles marines et œufs d'autruche. — 3. M. Doumergue, févr. 1896. Oran. — 1. (F11, 153.) A la Batterie espagnole (El-Oudja), sur lf bord occi- dental du petit plateau, à quelques mètres de la batterie. — 2. ^ avec nom- breuses lames en silex calcédonieux, poterie (?), coquilles terres! rea el marines, uufs d'autruche (Musée d'Oran). — 3. MM. Doumergue et Pallarv, bS'.ii. Saint- André-de-Mers-el-Kebir. — 1. (Flle 153.) Sur un petit plateau escarpé, située sur le bord de la route d'Oran, entre S lui. 9 et G kilomètres, sur les rives d'un petit ravin assez encaissé qui sépare ce plateau du village de Roseville. — 2. xji do pèche en place, avec squelettes humains (campement) (Musée d'Oran). — 3. M. Pallary, 1894. 49(3 ANTHROPOLOGIE Saint-Leu. — 1. (FUe 127.) Dans les dunes. — 2. Hache polie en boudin, roche verte. — 3. M. Péquignot, 1894. Trois-Marabouts (Les). - l.(Flle 209.) A 4 kilomètres N.-O. d'Aïn-Témouchent. — 2. S. T. (rares) et mortier à deux dépressions opposées en grès dur. — 3. M. Pallary, 1896. ARRONDISSEMENT DE MOSTAGANEM Aïn-ben-Ferréah. — 1. (Auc. ment.) A 3 kilomètres N.-O. de Khallout-er- R'allem. (Voir : Tiaret, Cat. 1893.) Sur la crête de la colline fermant à l'O. la vallée du chabet Farhoum (Oulad-Abbaz— 0. Messaoud). — 2. R. B. au sommet du Ras Aïn-ben-Ferréah. — A 500 mètres au N., tombeaux berbères. — 3. Commandant Derrien, 1883. — 4. Notes sur les R. R. et R. du bassin de l'O. Riou, in Rull. Soc. Géogr. et Arch., Oran, déc. 1895, p. 291. Aïn-bou-Ali. — 1. (FUe 80.) Chez les Achâachas, à la limite départementale. — 2. R. B. au bas de la source et autres R. au-dessus, sur les premières pentes du plateau. — S. T. aux environs. — Sur tous les plateaux, depuis l'O. Kad- dous jusqu'au département d'Alger : S. et quarlzites taillés. — 3. M. Pallary, 1895. Aïn-el-Hammam. — Voir Lapasset. Rechtoute (dj.) — 1. (Auc. ment.) Au N.-E. du dj. Bechtoute dans les 0. Farès. 2. Ê du Lion (Rar-es-Sebàa). — 3. Commandant Derrien, 1883. — 4. Loc. cit., p. 288 et 295. El-Alef. 1. A 8 kil. 75 S.-E. dTnkermann et à 13 kil. 25 N.-O. d'Ammi- Moussa. 2. ^s* sur les contreforts du dj. Arbaïne-Salah, à l'E. d'El-Alef. — S. T. près d'Aïn-Rebira, à 4 kilomètres N.-E. d'El-Alef. — 3. M. Pallary, 1895. E'Retaïmia. — 1. (Flle 130: Tehemia.) — 2. _fl_ franchement moustérienne dans le dj. Djeurf (Cat. 1891). — J.3 dans le même ravin que la grande grotte, sur la rive droite. L'une est signalée par un figuier (Grotte du Marabout). Gounna. — l.(Auc. ment.).— Au sommet du dj. Sidi-bou-Ali, territoire des Chekkala, douar-commune de la commune mixte d'Ammi-Moussii. Vallée moyenne de l'O. Riou, rive gauche de 10. Riou, à 22 kilomètres d'Ammi- Moussa. Alt. : 872 mettes. — 2. Cimetière berbère. — 3. Commandant Derrien, 1884# _ 4. loc. cit., p. 290 et 296. Inkermann (Oued-Riou). — 1. (Flle 130.) — 2. S. T. dans les champs, entre Hamadena et Inkermann entre la route et la base de la montagne. — R. B^ et £2? sur le parcours d'Aïn-Kebira au dj. Grigra, au S. d'Inkermann. — J|_ sur la rive droite du chabet T'ben, au S. d'Inkermann, dans le dj. Sidi-bou-Kheur. • R'orfa ou gaïla sur la rive droite du chabet O'guab, affluent de la rive droite du chabet Grigra, près des sources captées. — Outil chelléen à droite de la route dTnkermann à El-Alef, à 1 kil. 5 E. dTnkermann. — J[ avec niches artificielles sur la route d'El-Alef, au kil. 28,6-7, à droite de la route. — J_Rar es'sbcàa, rive droite du chabet O'guab. — 3. M. Pallary, 1895. Kalaa. i. (FUe 104.) A 12 kilomètres env. N. de Renault. — 2. S. T. dans les ruines romaines. — _§_ R'ar-m'ta-Aïn-el-Hammam, dans la vallée de l'O. Oukallel(ou Oukhelal), rive gauche. — 3. M. Pallary, 1895. Lapasset (Aïn-el-Hammam). — 1. (Flle 103 : A. Hammam seul.) — 2. S. T. avec hélices, ossements, œufs d'autruche, coquilles marines dans une couche noire près d'Aïn-el-Hammam, au sommet de la rive droite d'une petite ravine ituée à une centaine des mètres S.-E. de la source. — 3. M. Pallary, 1895. P. PALLARY. — LES STATIONS PRÉHISTORIQUES DU DÉPARTEMENT D'ORAN 497 Mazouna. — 1. (Flle104.) — 2. S. T. mousliériens au confluent de l'O. Temda et de l'Ouarizane, sur la rive gauche, ;iu sommet des alluvions, avec rares ossements. — S. T. plus haut, au-dessus des sources. — 3. M. Pallary, 1893. Nekmaria. — 1. (FUe 104. )22 kilomètres N.-E. de Cassaigne. — 2. Plusieurs tombes berbères sur le dj. Si-Mohammed-bou-Debiran, à 1 kil. 5 S. de Nek- maria. — S. T. sur le plateau autour du bordj. — S. T. à Aïn-bou-Rich, à 5 kilomètres N. de Nekmaria. — 3. M. Pallary, 1895. 0. Kramis. — 1. (Flle 80.) — 2. S. T. à Haci hadj-ben-Ali, sur le bord du pla- teau, rive droite de l'O. Kramis. — R. B. avec hache polie à Aïne-bou-Keriche (A. Bokrèche, E.-M. 50 m.), rive gaucbe de l'O. Kramis (Benia-Djouhala). — *z± sur la rive droite de l'O. Aou Doukh, près de la mer, juste là où une ligne droite menée de 78 à 81 coupe le sentier. — R. B. entre Ain-el-Bahr et Aïn-bou-Ali. — S. T. sur le bord du plateau, rive droite de l'O. Aou Doukh, près la mer. 0. Merdja. — 1. A 11 kilomètres N.-E. d'Inkermann, sur la voie ferrée d'Oran à Alger. — 2. £ à 3 ou 4 kilomètres de la gare, vers le S., dans le dj. Merdja-'el-Gargar (R'orfa-ben-R'orfa). Ras-Mankoi ra. — 1. (E.-M. 400 m.). Dans la vallée de l'O. Tellala, affluent de l'O. Sensig. — 2. R. R. de Ras-Mankoura. Tombeaux. — 3. Commandant Derrien, 1883. — 4. Deriïen, loc. cit., p. 282-3 et 293. Retaïmia. — Voir E'Retaïmia. Renault. — 1. (Flle 104.) — 2. Inscription berbère dans le bordj (Musée d'Oran). Saint-Aimé de la Djiddiouïa. — 1. (FUe 136.) — 2. Village troglodytique près le barrage, sur la rive gauche de l'O., à 8 kilomètres environ de Saint-Aimé. R'ar Slaten. Analogie complète avec les cavernes artificielles des îles Canaries. — 3. MM. Rleieher et Mille, 1876. —4. Découvertes récentes en Algérie, in Maté- riaux, 1876, p. 47. 2. S. T. entre Hamadena et Saint-Aimé, entre la route et la montagne. — R. R. avec alignements, au sommet du chabet Es-Sofah-el-Metli. — 3. M. Pal- lary, 1893. Sidi-Mahanoun (dj.) et non dj. Manahoun, in Calai, 1891 (Tiaret). — 1. Le dj. Mahanoun est le point culminant de tout le bassin de l'O. Riou (1.250 m.). — 2. ^^ avec chambre dolménique, fouillé par M. Derrien. — 3. M. Derrien, 1883. — 4. Loc. cit., p. 284. Sidi-Saïd (dj.). — 1. (FUe 104.) A 15 kilomètres 0. de Renault. — 2. R. B. et ^sous la crête N. et N.-O. du dj. Sidi-Saïd. — S. T. à l'O. du dj. Sidi- Saïd, entre le pic et Aïn-bou-Brahim. — Outil chelléen entre les ruines romaines de Bou-Brahim et la Koubba de S. A. E. K., cote 591. — A+ (djahels) à Aïne-Ourazali. — 3. M. Pallary, 1895. Tiarlt. — 2. L "indication relative au dj. Manahoun (Cat. 1891) est reportée ici à Sidi-Mahanoun. 2. Hache polie dans une maçonnerie romaine. — 3. M. Pomel. — 4. Bull. Soc. alg. de climat., 1871, p. 267. ■2. Pierre à bassins au sommet du Touilet-Cherguia, dit aussi Medneg-Narrou, à 5.000 mètres à l'O. de Guelt-bou-Zid, sur la rive gauche de l'O. Djiddiouia. — 3. M. Derrien, 1883. — 4. Loc. cit., p. 289. Zerifa. — 1. (FUe 80.) — 2. R. R. autour de la ferme de Mesnard (Dccheras). — Hache polie et quarlzites autour de la ferme. — S. T. sur la rive gauche de l'O. Zerifa, entre Ka A. E. K. Zerifa et Ka Ksar, sur une pente argileuse sur- 32* 498 ANTHROPOLOGIE montée d'un dépôt noir à hélices. — Plusieurs tombes berbères sous Ka Ksar et sur le plateau de Zerifa. — 3. MM. de Mesnard et Pallary, 1895. ARRONDISSEMENT DE MASCARA Aïn-el-Hadjar. — 1. A 11 kilomètres S. de Saïda. — 2. ^ très riche à la source d'El-Hadjar, près le village. — 3. M. Poirier, 1894. Aïn-Tizi. — 1. (Flle 212.) A 12 kilomètres S.-O. de Mascara. — 2. # entre la source et la voie ferrée. — 3. M. Pallary, 189a. Dublineau (0. El-Hammam), — 1. (Flle 183.) A 20 kilomètres S.-O. de Per- régaux et à 42 kilomètres N.-O. de Mascara (voie ferrée). — 2. S. T. dans les alluvions au moulin Perez, à 3 kilomètres N. du village. — 3. M. Pallary, 1895. Fenouan. — 1. (E.-M. 400 m.). 35 kilomètres env. S.-O. de Saïda, sur le chemin de Saïda à Daya. — 2. ^^+ . — Haches polies en dolérite à Fenouan, près de ïemdit, à 1*0. d'Aïn-el-Hadjar, dans l'ancienne propriété Merlo. — 3. M. Guilhon. Frenda. — 3. A. Berbrugger : les Djedar, in Rev. afr., 1867. p. 105. — Rordier : les Djedar, Rev, afr., 1865, t. IX, p. 477-480. (Cat. 4891.) Mécherasfa. — 3. D1' Tommasini: les Dolmens de la Mina, Bull. Soc. se. phys. nat. et clim. d'Alger, 1880, p. 28. Mel'rir. — 1. (E.-M. 400 m. : 0. Melrir.). A 25 kilomètres env. S.-O. d'Aïn-Fekan. Douar commune d'Aïn-Fekan. —2. S. T. — 3. M. Victor Dangles, 1895. Nazereg. — 2. # sur un petit coteau où se trouve la koubba de Moulay A. E. K., à 3 kilomètres 0. de Nazereg. — # au heu dit « le Poirier », à 2 lui. 5 N.-N.-E. de Nazereg, auprès de la source. — 3. Capitaine Poirier, 1895. Palikao (Ternifine). — 3. A. Pomel : Oss. d'élép. et d'hipp. découverts dans une st. préhist. de la plaine d'Eghris, Bull. Soc. géol. 48 nov. 4878, p. 44-51 . (Cat. 1891.) SAiDA. — 1. (Flle 304.) — 2. _§_ au N.-E. de Saïda, sur la traverse de Tagre- maret, à 3 ou 4 kilomètres de Saïda, sur le côté droit et sur le bord même de la route. — _§_ dans le ravin de Bou-Telleg, à 1.600 mètres de Saïda, à l'E. de l'Oued. — 3. M. Poirier, 1894 (Musée d'Oran). 2. _§_2 à 20 mètres l'une de l'autre, dans le ravin de Sidi-Youcef faisant suite au ravin de Sidi-Moufock. Le ravin de Sidi-Youcef est à 2 kilomètres de Saïda, à droite de la route de Tifrit et à 1.500 mètres de la route, au-dessus du champ de tir. — 3. M. Poirier, 1895 (Musée d'Oran). Senidja (Senheïdja). — 1. (FUo 183 : auc. ment.) Douar commune des 0. Saïd, douar Senheïdja, rive gauche de l'O. Fergoug, entre Saint-Hippolyte et Perré- gaux, à 20 kilomètres N. de Mascara. — 2. ^ à gradins près du gourbi mara- bout de Sidi-Ahmed-Arérib. — 3. M. Comard, 1895. Sidi-Brahim. — J. (E.-M. 400 m.). A 11 kilomètres env. S.-E. d'Aïn-Fekan. — 2. R. B. près de la koubba de Sidi-Brahim, sur une boucle de l'O. Souag (0. El-Kébir). — 3. M. Dangles, 1895. Tafrent. — 1. (Auc. ment.). — 2. S. T. sur les bords du ravin limite des douars communes de Tafrent et de Nazereg. — 3. M. V. Dangles, 1895. Thiersville. — 1. A 26 kilomètres S. de Mascara (voie ferrée). — 2. # néo- lithique dans la vigne Meret, à 2 kil. 5 0. de Thiersville (Musée d'Oran). — 3. M. Poirier, 1895. P. PALLARY. — LES STATIONS PRÉHISTORIQUES DU DÉPARTEMENT D'ORAN 499 Tiffhit. — 2. J[ R'iran-Fernana, à 3 kil. S S. desCascades, près de la deuxième terme Solari, dans l'O. Djedien. — 3. Fouillée en 1894 par MM. Doumergue et Poirier (Musée d'Oran). 2. Près de R'iran-Fernana : ^_+. — J^ R'iran-Djedam, grande grotte desCas- cades (dite encore : grotte des Pigeons), à 30 mètres de la cascade, à 80 mètres au-dessus et sur la rive droite. (Cat. 1801 et 1893.) — 3. Fouillée par MM. Dou- mergue et Poirier (Musée d'Oran). ARRONDISSEMENT DE REL-ARBÈS Daya. — 1. 75 kilomètres S. de Bel-Abbès. — 2. S. T. aux environs. — 3. M. Bleicher, 1876. — 4. Bull. Soc.&c. phys. nat. et clim. d'Alger, 1877. Louza (Bois de). — 1. (Flle 211.) — 2. S. T. autour de 591, entre le chabet Ez-Zoubia et le chabet Bou-Hadjela, dans la propriété Lavenne. — 3. M. Pal- lary, 1894. Thessala (Tessala, Tassala). — 1. (Fllts 209 et 210.) - 2. R. B. à Ain-Zertitaet à Aïn-Bent-es-Soultan. — 3. Capitaine D... — 4. Capitaine D. — Le Tessala et ses ruines, in Rev. afr., déc. 1857, p. 81. ARRONDISSEMENT DE TLEMCEN Ain-Sultan. — 1. (Auc. ment.). — 4. D1' Bleicher, Nouvelles découvertes d'armes très anciennes près de Tlemcen, Bull. Soc. se. phys., nat. et clim. d'Alger, 1875, p. 62. (Voir Cat. 1891.) Mansourah. — 1. (Flle 270.) — 2. S. T. entre les ruines de Mansoura et le Col-des-Juil's. — 3. M. Bleicher, 1876. — 4. Bull. Soc. se. phys., nat. et clim. d'Alger, 1877 (22 mai 1876). Montagnac (Remchi). — 1. A 27 kil. N.-O. de Tlemcen. — 2. Outils chel- léens. — S. T. — Hache polie dans les déblais sortis du lac de Karar. — 3. M. Louis Gentil, 1896. Ouzidan. — 4. Dr Bleicher, Découvertes d'armes préhist. à Tlemcen, Bull. Soc. se. phys nat. et clim. d'Alger, 1875, p. 58 (non 4875-16, p. 60, Cat 4893). — Nouvelles déc. d'armes très anciennes près de Tlemcen, id. 1875, p. 61. — Sui- tes fouilles de Tlemcen, ibid., 1875, p. 78. — Note sur la présence de st. préhist. aux envir. de Tlemcen, in Journal de Zoologie (P. Gervais), 1875, t. IV, p. 14-18. — Pallary, Iiech. paléont. ejfect. aux env. d' Ouzidan, in A. F. A. S., Besançon, 1893, t. II, p. 657, et Bull. Soc. anthr., Paris, février 1895. Rachsgoun (Ile de). — 1. 65 kilomètres N. de Tlemcen. — 2. S. T. au centre de l'île. — 3. M. L. Gentil, 1895. Remchi. — Voir Montagnac. Sebdol. — 2. Tombeaux berbères (Kbour-m'ta-Zenata). — 3. M. Mac-Cartby. — 4. Rev. air., 1856, p. 29. Takemurit. — 2. Tombeaux berbères dans les ruines de Sigus. — 3. M. Mac- Carthy. — i. Rev. afr., 1856, p. 29. SUD ORANAIS Chotts. — 3. M. Choppin d'Arnouville (Cat. 1891). — 4. Bull. Soc. alg. de clim. 1869. p. 285 et 291. 500 ANTHROPOLOGIE El-Aricha. — 3. D' Warion, 1874 (Cat. 1891). — 4. Dr Bleicher, Nouv. déc. d'armes très anc. près de Tlemcen, Bull. Soc. se. phys., nat. et clim. d'Alger, 1875, p. 63. Kerdada. — 1. Au S. de Djenien-bou-Rezq. — 2. S. T. néolithiques. — 3. M. Flamand, 1894. — i. A. F. A. S., Bordeaux, 1895, t. I, p. 319. Moghrar, Moghar ou Mograr. — Voir 0. Moghrar. M'zuillem. — 2. S. T. types du Grand-Pressigny. — 3. M. Flamand, 1894. — 4. A. F. A. S., 1895, t. I, p. 319. Oued-Moghrar. — 4. Dr F. Jacquot, Expéd. du général Cavaignac dans le Sahara algérien en avril et mai 1847, p. 165. — DeChamberet, Souven. del'exp. dirigée dans le S. de la subd. de Tlemcen, Spect. mil., déc. 1848, p. 258. Tiout. — 4. Dr Armieux, Topogr. méd. du Sahara de la prov. d'Oran, sep. 1864, p. 101. — Les dessi?is des rochers de Tyout et de Moghar, in Bull. Soc. se. phys. nat. et clim. d'Alger., 1883, p. 74-75. — Antiquités du Sahara algérien,in Mém. Soc. arch. du Midi de la France, t. IX, 1867, p. 20-27. — Moniteur de l'Algérie, 25 août 1866. — Bcv. de l'Instr. publique, 6 déc. 1866. — Journal polit, et litt. de Toulouse, 22 et 23 déc. 1866. — Capitaine G. de Chamberet, Souve- nirs de l'expédit., etc., p. 258. L'état actuel des découvertes préhistoriques dans le département d'Oran peut être établi ainsi qu'il suit : ARRONDISSEMENTS DE TOTAL Oran Moslsganein Mascara Bel-Abbès Tlemcen Sud oranais Chelléen en place .... » 1 2 . 1 1 5 Chelléen à la surface. . . 1 3 5 » 1 » 10 Moustérien en place . . . 3 3 3 » » » 9 Moustérien à la surface. . 1 » 1 » » 1 3 Stations néolithiques. . . 16 7 18 2 3 18 64 Haches polies isolées. . . 2 4 9 3 9 5 32 Stations non classées. . . 21 20 21 13 3 2 80 12 7 16 6 6 5 52 » 7 15 5 2 » 29 6 86 103 6 4 3 208 Rochers gravés » 3 » * » 29 32 ED. FERRAY. — OSSUAIRE DE SAINT- VIGOR 501 M. Éd. FERRAT OSSUAIRE DE SAINT-VIGOR L571 92 (44 24) — Séance du 4 avril 1896 — Au point de vue de la préhistoire, la vallée de l'Eure est éminemment l'une des plus riches en monuments intéressant cette époque. En effet, vers 1874, on a signalé l'existence de trois emplacements ou stations préhistoriques entre Garennes et Ivry-la-Bataille, sur les coteaux qui bordent la rive gauche de l'Eure. Le nombre des percuteurs, des pièces ébauchées, rejetées comme insuf- fisantes, est considérable. 11 y avait évidemment en cet endroit un atelier des plus importants. Si l'on suit le cours de la rivière, à une quarantaine de kilomètres environ de cet endroit, sur la rive opposée, on trouve Saint-Étienne-du- Yauvrai, un peu en aval, et Louviers. Là se trouvait une sépulture bien remarquable, sinon par les objets composant le mobilier funéraire, tout au moins par la disposition des corps inhumés . Le tombeau était circulaire. Son diamètre était de 4m,50. Sa profondeur au-dessous de la pierre qui le recouvrait, de lm,6o. Il était divisé en trois étages superposés, de 40 centimètres d'élévation environ. Les corps, par chaque étage, étaient au nombre de six, les pieds vers la centre, la tête à la circonférence. C'est la disposition à laquelle on a donné le nom de ronde des morts. Soit donc en tout 18 squelettes. En 1856, à Neuilly-sur-Eure, on trouva sous un affleurement de la roche, 13 squelettes rangés sur des pierres plates. Malheureusement on n'a pu retirer tout le béuélice désirable de cette découverte, faite par le cultivateur propriétaire du champ. Cependant on a pu sauver quelques-uns des objets composant le mobilier funéraire, notamment un poignard en silex noir, admirablement travaillé déposé au Musée d'Évreux et dont celui de Saint-Germain possède un moulage. Bien avant cette époque, toujours dans la même vallée, ou a mis au 502 ANTHROPOLOGIE jour le tombeau préhistorique de Cocherel. Nous n'en ferons pas la des- cription. Il est connu et devenu classique, grâce au procès-verbal qui nous en a été laissé et qui, aujourd'hui, peut nous servir de modèle pour des découvertes de cette nature. L'ossuaire qui nous occupe est situé sur la rive droite de l'Eure, sur le chemin de Saint-Vigor à Fontaine-sous-Jouy, presque vis-à-vis de l'em- placement du tombeau de Cocherel. Placé à flanc de coteau, il a l'aspect général d'un tumulus antique de grande dimension, soit environ un diamètre d'une trentaine de mètres. En hauteur, il s'élève à peu près aux deux tiers du coteau contre lequel il est accolé et qui est très abrupt en cet endroit. Dans ces dernières années on a exécuté, en cet endroit, divers travaux de terrassement pour l'établissement ou l'amélioration de chemins, dont l'un suit la base du coteau et l'autre, cheminant en lacet, donne accès aux pièces de terre en culture situées derrière le mamelon du tumulus. C'est au cours de ces divers travaux qu'à des époques différentes on a découvert, nous a-t-on dit, une vingtaine de squelettes dont les ossements ont été dispersés. Au dire de certaines personnes, les crânes placés sur le bord de la route servaient de cibles aux gamins qui allaient à l'école ou en revenaient et les brisaient à coups de pierres. Quoiqu'il en soit, nous n'avons rien trouvé de ces ossements; nous ne pouvons donc donner aucuns renseignements sur la nature de ceux-ci. Les fouilles que nous avons faites, nous-mème, en cet endroit ont amené la découverte de cinq squelettes : trois d'adultes, deux d'enfants. Les premiers sont complets ou à peu près. Les seconds sont loin de l'être et devaient appartenir à des enfants de huit ans environ. L'un de ceux-ci nous a fourni une certaine quantité de dents dites de lait. Nous avons ici une portion de mâchoire de l'un deux. Les dents de remplacement ne sont pas encore sorties de l'alvéole. Les corps ont été inhumés à une faible profondeur : soixante ou quatre- vingts centimètres environ, ou peut-être, depuis le long temps, à n'en pas douter, qui s'est écoulé après ces inhumations, les eaux pluviales, sur une pente aussi rapide, ont-elles enlevé et charrié, petit à petit, une certaine quantité des terrains de surface. Le fait est possible. En cette hypothèse, l'on ne saurait tirer d'argument de la faible profondeur à laquelle nous avons trouvé les squelettes. Le terrain est constitué par du carbonate de chaux, avec une très mince épaisseur d'humus à la partie superficielle. Chacun des corps a sa fosse spéciale. Ceux-ci ont d'ailleurs une orien- tation générale analogue. Les pieds sont tournés vers la vallée et consé- quemment, la tête vers le sommet du coteau. ED. FERRAY. — OSSUAIRE DE SAINT-VIGOR 503 Cette disposition se rencontrait dans la sépulture préhistorique de Cocherel, décrite par Le Brasseur et située, ainsi que nous l'avons dit, sur la rive opposée de la rivière, à 4 ou 5 kilomètres en amont, avec cette différence, cependant, qu'à Cocherel la sépulture est commune à ■ tous les corps et que ceux-ci sont accompagnés d'objets de silex, que nous n'avons pas retrouvés dans l'ossuaire qui nous occupe. A Saint- Vigor, en effet, nous n'avons encore rien trouvé : aucuns débris de bois ou de métal, d'étoffes, de poterie. Les corps ont dû être inhumés nus, en pleine craie. D'autre part, il est facile de constater que jusqu'à la profondeur où nous sommes descendu, ainsi que sur les tranchées ouvertes pour le passage des chemins, le terrain géologique n'est pas en place. De même, il paraît non moins évident que, depuis leur inhumation, les corps n'ont pas subi de déplacement. Nous avons trouvé toutes les diverses parties des squelettes en place, sauf pour l'un de ceux d'enfants, déplacé par suite d'un simple glissement de terrain, facile à constater à la surface. Sur deux des trois squelettes d'adultes, nous avons pu constater que le bras gauche était étendu le long du corps et le bras droit replié de façon à ramener la main sur le bassin. Malgré nos grandes précautions, le soin que nous avons apporté dans ces premières recherches, nous n'avons, ainsi que nous l'avons dit plus haut, rien trouvé pouvant nous renseigner, nous servir d'indication pour établir l'âge de ces sépultures si nombreuses, car elles paraissent constituer le tumulus tout entier. Les champs environnants, latéraux ou supérieurs, contiennent, à leur surface, une certaine quantité d'éclats de silex travaillés. L'examen des diverses parties des squelettes d'adultes, leur mensuration nous ont permis de faire certaines observations que nous consignons plus bas. En ce qui concerne les squelettes d'enfants, ceux-ci étaient dans un tel état que, jusqu'à présent, nous n'avons pu nous livrer sur eux à la même étude. Premier squelette, dont nous avons présenté les principales pièces : Le fémur mesure 440 millimètres. Le tibia — 360 — L'humérus — 310 Le radius — 235 D'après ces indications, le sujet auquel il appartenait pouvait avoir une taille de lm,64. Le fémur présente une courbure considérable. Placé librement sur une surface 504 ANTHROPOLOGIE horizontale, le côté postérieur, tourné vers celle-ci, cet os laisse entre lui-même et le plan un vide dont la hauteur maxima est de 4 centimètres (Fig. i). Fie. 1. Le tibia, fortement aplati latéralement (son épaisseur n'est en effet que de 21 millimètres pour une largeur de 31 millimètres), laisse un espace libre maximum, dans les mêmes conditions, de 27 millimètres. Les canines ont une longueur de 32 millimètres et dépassent les dents voisines de 5 millimètres (Fig. 2) . Le diamètre transversal du crâne est de 134 millimètres; celui antéro-pos- térieur de 182 millimètres (Fig. 3). ED. FERRAY. — OSSUAIRE DE SAINT-VIGOR D'où indice céphalique, 73,62. Soit donc dolicocéphale vrai, puisque la limite se trouve à 75. 503 I'IG. 3. Deuxième squelette Le fémur mesure 460 millimètres. Le tibia — 375 — Le péroné — 360 — L'humérus — 320 — Le cubitus — 265 Le radius — 245 — Taille présumée : lm,70. Le diamètre transversal maximum du crâne est de 136 millimètres ; le diamètre antéro-postérieur, de 184 millimètres: soit donc l'indice céphalique, 73,91 Encore dolicocéphale vrai. 506 ANTHROPOLOGIE Troisième squelette : Le fémur mesure 470 millimètres. Le tibia — 380 — Le péroné — 370 L'humérus — 340 — Le radius — 3(30 — Taille présumée : l'»,86. Le diamètre transversal maximum du crâne est de 154 millimètres ; le diamètre an téro- postérieur de 187 millimètres. D'où indice céphalique, 82,35. Soit un sous-brachycéphale. En ce qui concerne les deux premiers squelettes, les mensurations indiquent une race très primitive. Les crânes de l'époque de la pierre taillée, du Crô-Magnon par exemple, présentent une moyenne à peu de chose près la même, soit 13,34. Seul le dernier squelette présente un indice plus relevé, soit 82, 3o, ce qui le classe encore dans une catégorie relativement éloignée, celle des sous-brachycéphales. En présence de toutes les observations et remarques qui précèdent, il me paraît difficile d'assigner, soit une époque, soit un âge à l'ossuaire de Saint-Vigor. Rien dans le nom des trièges environnants, rien dans les légendes, les traditions qui se transmettent de génération en génération dans les popu- lations, ne permet de lui assigner une date relativement récente. Cependant les légendes ne manquent pas dans ce pays, surtout si nous remontons à l'époque de la longue lutte anglo-française. En effet, dans toute cette partie de la vallée de l'Eure qui avoisine de plus ou moins Cocherel, tout est aux Anglais : la côte aux Anglais, la Cave aux Anglais, la chapelle aux Anglais, etc., etc. Mais du côté de Saint-Vigor, rien de semblable. Serait-ce néanmoins un ossuaire établi à la suite de la fameuse bataille de Cocherel? Nous ne le croyons pas. Des sépultures disposées avec soin ne me paraissent pas devoir être des sépultures de guerre. Et puis comment expliquer la présence des squelettes de jeunes enfants? Deux sur cinq découverts. Et aussi absence complète d'armes. D'autre part, Froissart, qui décrit avec tant de détails la bataille de ED. FERRAY. — OSSUAIItK DE SÀINT-VIGOR 507 Cocherel, ne nous dit rien en ce qui concerne le lieu de sépulture dos morts. Après cestc descouturc, dit-il en edet, et que tout li mort esloient jà devesti, et que ces cuns entendoit à ses prisonniers, qui les avoit, ou à lui mettre à point, qui blécies estoit, et que ja la grignour partie des François avoient repasset le pont et la rivière et se retraioienl à leurs logeis, tout foulé et tout lassé Quand ce vint au matin, li signeur de Franche donnèrent par les bons hommes dou pays des mors à ensevelir N'oublions pas non plus que le véritable champ de bataille de Cocherel se trouve à la Croix-de-Bataille, sur le territoire de la commune d'Harden- court, c'est-à-dire à 5 ou 6 kilomètres de notre ossuaire. Cet ossuaire serait-il plutôt un cimetière ordinaire? Rien ne le fait prévoir. Pas d'agglomération voisine. Pas de tradition. Absence de débris de cercueils. Est-ce une station préhistorique ? Rien ne nous permet davantage de l'affirmer, malgré la dolicocéphalie extrême constatée, malgré la décou- verte, dans la même vallée de l'Eure, des sépultures incontestablement préhistoriques de Neuilly, Cocherel et Saint-Étienne, malgré aussi l'abon- dance de silex travaillés, rencontrés sur tous les plateaux environnants En résumé, à l'heure actuelle, il serait téméraire de se prononcer d'une façon ferme sur l'âge de cet ossuaire, de dire à quelle époque il appartient réellement. Quoi qu'il en soit, il est considérable; de nouvelles fouilles amèneront de nouvelles découvertes qui, espérons-le, nous permettront de devenir affirmatif. Cependant, nous avons cru, qu'en l'état il était intéressant, dès main- tenant, de signaler l'existence du tumulus de Saint- Vigor et d'apporter ici les observations que nous avions pu faire à son sujet. 508 ANTHROPOLOGIE MM. Théodore SABACHnKOFF et Edouard DAVID-LEVAT Attaché à l'Administration Centrale des Haras Ingénieur civil des Mines, à Paris, de S. M. l'Empereur de Russie. GISEMENTS PRÉHISTORIQUES DE LA TRANSBAIKALIE [571 (57)] — Séance du 4 avril 1896 — Nous avons été amenés, au cours de notre voyage à travers la Sibérie entière, de Moscou à Vladivostok, pendant l'année 1895, à faire un séjour assez prolongé dans la partie sud de la Transbaïkalie, sur la fron- tière de la Mandchourie. Notre attention a été éveillée sur les anciens vestiges de civilisation des bords de l'Onon, par ce fait que cette rivière, qui traverse la frontière de Mandchourie à 150 kilomètres environ au sud de la ville d'Akcha, a été de tout temps une voie de transit et de passage entre la vallée haute de l'Amour et le cœur de Mandchourie. C'est de cette contrée que la tradition fait sortir le fameux Gengiskhan, successeur de Tamerlan. On en montre même le soi-disant tombeau dans les environs d'Oust-Ilia. Nous avons pu nous convaincre, par une visite sur les lieux, que ce tombeau n'est qu'un renflement schisteux naturel, au milieu de sables tertiaires, sans trace de sépulture. Mais nous avons été assez heureux pour découvrir un nombre consi- dérable de gisements d'armes et objets préhistoriques, soit à proximité du tombeau présumé du conquérant, soit sur d'autres points échelonnés sur le cours de la rivière Onon.Le tracé de notre itinéraire que nous avons mis sous les yeux de la Section, indique les localités dans lesquelles ont été recueillis les objets que nous avons rapportés de notre voyage (PL VI). Dès notre retour en France, nous nous sommes empressés de faire hommage de nos découvertes au Musée d'Ethnographie du Trocadéro. L'éminent conservateur de ce Musée, M. le Dr Hamy, à qui nous adressons ici nos remerciements les plus sincères pour l'appui bienveillant qu'il nous a donné, a bien voulu faire opérer le classement des objets que nous avions rapportés. Il ne nous a pas été possible de les mettre tous sous les yeux de la Section, mais nous en avons fait placer un certain nombre sur un carton que nous avons présenté, et qui a permis de se rendre compte de la nature de ces objets. T. SABACIINIKOFF ET ÉD. DAVID-LEVAT. GISEMENTS PRÉHISTORIQUES o09 Ce sont pour la plupart, des armes, flèches, couteaux, grattoirs, appar- tenant à l'époque de la pierre taillée. De nombreux nucléi indiquent que les procédés de fabrication de ces armes étaient identiques à ceux des peuples contemporains du continent européen, et il n'est pas sans intérêt de faire ressortir cette communauté d'origine quand on se rappelle que c'est justement de ces régions avoisinant la Mandchourie, le désert de Gobi, le centre du continent asiatique, que nous sont venues les nom- breuses invasions dont l'histoire et la légende gardent encore la trace, mais qui avaient dû commencer à se produire bien avant que la tradition écrite et même parlée ait pu en conserver des traces authentiques, Il est hors de doute que ces considérations donnent à la découverte de documents préhistoriques authentiques en Transbaïkalie, dans la haute vallée de l'Amour, un intérêt particulier. Nous sommes heureux d'avoir été les premiers à les signaler en France, et si nous en jugeons par la pauvreté de nos Musées de Paris, en fait de documents préhistoriques relatifs au nord de l'Asie et à la Sibérie, notre découverte offre pour nos collections nationales un réel intérêt. Nous espérons d'ailleurs, dans un prochain voyage, pouvoir continuer les explorations que nous avons entreprises, de manière à étendre le cercle de nos investigations, et à compléter la nomenclature des objets préhistoriques que ces régions éloignées peuvent offrir. Nous ne manque- rons pas de tenir la Section d'anthropologie au courant de nos travaux, sachant qu'elle constitue à la fois un puissant moyen de diffusion scien- tifique, en même temps qu'un auditoire d'élite, devant lequel nous avons été heureux de prendre la parole. On remarquera que la majeure partie des objets que nous avons trouvés, se compose de pièces extraites de pierres dures et cornées, principalement d'agate, de jade et de cornaline. Or les études géolo- giques auxquelles nous nous sommes livrés pendant la durée de notre voyage, et qui ont abouti à l'établissement d'un itinéraire géologique de plus de 1,600 kilomètres qui sera publié autre part, nous ont permis de reconnaître que les points les plus rapprochés sur lesquels le jade pouvait se rencontrer, se trouvent dans le voisinage du lac Baïkal, à plus de 000 kilomètres des gisements préhistoriques de l'Onon. La voie de com- munication franchissant les monts Yablonovoï, permettant de passer du bassin de l'Amour dans celui du Baïkal et de l'Yénisséi était donc déjà connu et fréquenté à l'époque de la pierre taillée. Il sera intéressant de constater, par des recherches ultérieures, si cette voie était jalonnée par des stations intermédiaires, présentant encore des gisements d'armes et objets préhistoriques. On reconstituerait ainsi la voie préhistorique de communication, contournant au nord les contreforts des plateaux du Gobi et venant doubler la pointe sud du lac Baïkal. 510 ANTHROPOLOGIE Voici maintenant la nomenclature des objets rapportés tels qu'ils ont été classés au Musée du Trocadéro : Station Tchindan I. (1) Paquet de grattoirs et fragment de pointe de flèche. (2) Nombreux fragments de couteaux. (3) Éclats pouvant servir de flèches. (4) Éclats divers. (3) Paquet de couteaux et fragments de couteaux. Station Akcha. (1) Matières premières pour la fabrication des couteaux, morceaux d'agate et de jade. Nucléi. (2) Racloirs. (3) Couteaux. (I) Pointes diverses, (5) Débris. (6) Pointe de flèche en bon état. (7) Perle à pans polis, percée au centre. (8) Éclat taillé en triangle biseauté. (9) Pointe en fer. (10) Rondelle en cuivre. Station Dourdounskàia. (1) Crâne entier et os principaux d'un squelette. (2) Matières premières. (3) Nucléus. (4) Petits grattoirs entiers, (o) Fragments de couteaux et débris. (6) Fragment de perle en émail, morceau de verre (?). (1) Clou en argent. (8) Lame de cuivre. (9) Fragments de poterie dont un avec ornements . Cette dernière station offre un intérêt particulier. Aous avons pu y faire un séjour suffisamment prolongé pour en lever le plan et sa situation Nord magnétique., Coupe E-0 par .«•//. (C) (D) Schistesqris. Siluriens ( F ) FlG. 2. I i Légende de la coupe suivant xy : C) Couche et dunes de sable. ..... Épaisseur im,50 D) Couche avec objets préhistoriques. . — 0m,20 E) Marne grise tertiaire — lm,50 F) Schistes siluriens. naturelle en faisant un endroit facilement défendable, sur un promon- toire élevé au-dessus des inondations de la rivière, ce lieu a dû être habité de tout temps. Dr A. BLOCH. — IUCES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES 511 Le village de Dourdounskaïa y est bâti en ce moment. Les sables qui entourent le village renferment des ossements mandchoux ; enfin au des- sous de ces sables on trouve une couche de 0m,15 à 0'u,20 d'épaisseur contenant des armes et objets préhistoriques. Les figures 1 et 2 donnent le plan et la coupe exacte des lieux. Voici la légende du plan : A) Dune dans laquelle a été découvert le squelette. BB) Couche de 0"\lo à 0m,20 d'épaisseur, contenant des armes, et objets préhistoriques, reposant sur une couche de marne grise tertiaire. Le soubassement de ce promontoire est formé, comme on le voit sur la coupe faite suivant la ligne xy du plan, par des schistes gris, argileux, azoïques, très répandus dans le pays et rapportés à la formation silurienne. Le squelette que nous avons découvert était entier. Nous n'avons pu emporter que le crâne et les principaux ossements, à cause de l'hostilité des gens du village que cette profanation avait ameutés. Le corps était couché dans une bière formée d'un tronc d'arbre creux, recouvert d'une planche. D'après l'état de décomposition du cercueil, qui était réduit en poussière, la sépulture paraissait remonter à une époque reculée. D'après un premier examen de ce crâne fait au laboratoire d'anthro- pologie de M. le professeur Hamy, à qui nous en avons fait hommage, il s'agirait d'un crâne appartenant bien nettement à la race mandchoue, dont les incursions guerrières chez les Bouriates ont été fréquentes. Nous nous proposons d'ailleurs, dans nos recherches futures, de porter nos investigations non seulement sur les documents préhistoriques proprement dits, mais sur les squelettes et ossements des diverses races qui habitent le bassin de l'Amour et les côtes du Pacifique, sur lesquels les documents authentiques sont encore bien peu nombreux. M. le D1 Adolphe BLOCH SUR DES RACES NOIRES INDIGENES QUI EXISTAIENT ANCIENNEMENT DANS L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE [572 2 (61)j Séance du 4 avril myti — Autrefois l'Afrique septentrionale était habitée par diverses races noires indigènes, nègres ou autres, distinctes des Berbères, et sur lesquelles nous désirons appeler l'attention , parce qu'il est indispensable d'en tenir 512 ANTHROPOLOGIE compte si l'on veut étudier, d'une manière complète, l'anthropologie ancienne et actuelle de ce pays. Je ne parlerai pas des anciens Éthiopiens (1) du sud de l'Egypte, qui sont trop bien connus pour qu'il en soit question ici, et je ne m'occu- perai que des races noires qui existaient dans les contrées appelées anciennement Maurétanie, Gétulie, Libye intérieure, etc. RECHERCHES HISTORIQUES Éthiopiens d'Homère. — Il y a dans l'Odyssée (chant Ier), un verset ainsi conçu : « Neptune est allé visiter au loin les Éthiopiens qui, aux extrémités de la terre, sont divisés en deux parts, et demeurent les uns où le soleil se couche, les autres où il se lève ». Ce verset a, de tout temps, exercé la sagacité des traducteurs et com- mentateurs d'Homère, qui ne comprenaient pas qu'il y eût des Éthio- piens dans le pays des Libyens. Nous pensons que ces Éthiopiens du couchant doivent être recherchés au nord-ouest de l'Afrique, à peu de distance de l'Océan, et dans le nord du Maroc actuel. Au surplus, Homère n'a-t-il pas lui-même indiqué leur situation lorsqu'il dit dans l'Iliade (chant Ier) : Jupiter est allé jusqu'à l'Océan chez- les irréprochables Éthiopiens (2). Mais, en supposant même que la géographie homérique dût être beau- coup plus restreinte à l'ouest de la Méditerranée, nous retrouverions toujours ses Éthiopiens du couchant, à l'extrémité la plus occidentale de l'Afrique connue de lui, et à une distance plus ou moins grande du littoral méditerranéen. Dans l'un ou l'autre cas, les Éthiopiens du couchant, que connaissait Homère, étaient situés à l'une des extrémités de la terre, c'est-à-dire à l'occident du nord de l'Afrique. Le poète grec a aussi fait mention des Pygmées (Négrilles),car il raconte que les grues venaient les combattre sur les rivages de l'Océan (Iliade, chaut III). Personne n'admettra qu'Homère ait eu connaissance de la partie de l'Afrique centrale où l'on a signalé d'autres Pygmées. Ces Négrilles devaient donc se rencontrer près de l'Océan, au nord-ouest de l'Afrique, comme les Éthiopiens déjà nommés dans Ylliade. Voilà donc deux variétés de la race noire, qui furent mentionnées par Homère, tout au nord de l'Afrique. (1) On réserve aujourd'hui le nom d'Éthiopiens aux noirs du Haut-Nil et principalement à ceux de l'Abyssinie, au lieu que, dans l'antiquité, il s'appliquait indistinctement à toutes les races de couleur nuire, comme l'indique d'ailleurs l'étymologie grecque. C'est dans ce sens que nous l'em- ploierons également. (2) Trad. fr. de Giguet. Paris, IS6J. D' A. BLOCH. — RACES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES 513 Périple d'Hannon (600 ans d'après les uns, 1000 ans avant Jésus-Christ d'après les autres). — Ce périple signale formellement la présence des Éthiopiens dans le nord-ouest de l'Afrique (Maroc actuel). On sait que ce navigateur explora les côtes occidentales africaines, au delà des colonnes d'Hercule, et qu'au début il débarqua plusieurs fois au nord du Maroc, pour y fonder des villes maritimes. « Continuant notre route, dit-il, nous nous avançâmes jusqu'au grand fleuve Lixus qui sort de la Libye, non loin des Nomades. Nous y trou- vâmes les Lixites qui faisaient paître leurs troupeaux sur les bords de ce fleuve... Au-dessus de ces peuples, dans l'intérieur des terres, habitent des Éthiopiens sauvages dont le pays est plein de bêles féroces et de montagnes élevées où le Lixus prend ses sources, à ce qu'ils disaient. » On peut donc remarquer qu'il y avait, à cette époque, deux races diffé- rentes dans le Maroc : 1° Les Lixites qui paraissaient être des Libyens, ancêtres des Berbers ; 2° Des Éthiopiens, nègres ou autres, qui demeuraient au sud-est des précédents. Quant au fleuve Lixus d'Hannon, il n'est sans doute pas différent de celui des Grecs et des Romains qui le plaçaient dans le nord de la Mauré- tanie, près du détroit des Colonnes : il correspond, par conséquent, au fleuve Loukkos d'aujourd'hui, dans la province de Fez. Vivien de Saint-Martin (1) pensait que le Lixus d'Hannon était situé plus au midi, mais toujours dans le Maroc (Oued-Sous). Pour M. Vidal La Blache (2), ce fleuve serait tout à fait au sud du Maroc (Oued-Drâa) ; mais, quel que soit le Lixus parmi ces trois fleuves actuels, l'on peut assurer que des Éthiopiens habitaient les régions de l'Atlas, vu que les sources de ces trois fleuves se trouvent dans ces montagnes. Mais il y avait encore d'autres Éthiopiens dans le nord-ouest africain. En effet. Hannon s'étant rembarqué, après plusieurs escales, pour reprendre son voyage vers le midi, à partir de l'île de Cerné, dit avoir vogué douze jours le long d'une côte habitée par des Éthiopiens (3). Il n'est pas nécessaire, pour notre sujet, que nous connaissions exacte- ment la situation de l'île de Cerné, car l'on peut conclure, de cette partie de son récit, qu'Hannon avait encore vu de nombreux Éthiopiens, autres que ceux du Lixus, et bien avant d'arriver au Sénégal, si tant est qu'il y soit parvenu. Hannon dit bien aussi qu'il avait aperçu des crocodiles et des hippo- 'i Vivien de -unt-Martin. — Le Nord de VAfrique dans l'antiquité grecque et romaine. Paris, 1863. (2) Vidal La Blache. — Atlas de géographie générale. Paris, 1894. Cartes historiques, n°> 8 et 9, (3) Géogr. des Anciens, parGosselin. — Paris, I797M813. 33* g [4 ANTHROPOLOGIE potames dans un grand fleuve qui serait le Sénégal pour certains géo- graphes modernes, mais le crocodile a vécu autrefois dans les cours d'eau de la Maurétanie (1), et il existait aussi, d'après Polybe (2), dans le fleuve Darat, qui doit être l'Oued-Dràa d'aujourd'hui, au sud du Maroc ; en ce qui concerne l'hippopotame, il a été retrouvé, à l'état fossile, dans le quaternaire algérien, et dans des terrains datant d'une époque relative- ment rapprochée de la phase géologique actuelle (3). Depuis Hannon, le climat, le sol, la faune et les races humaines de l'Afrique du nord ont encore changé. Il est donc impossible, si l'on se base sur la position géographique, actuelle, des Berbers et des Nègres, de préciser le terme du voyage de ce navigateur, car anciennement la race noire était répandue non seulement dans le Maroc, mais encore au sud de ce pays, et tout le long de la côte occidentale du Sahara, jusqu'au Sénégal, comme nous le prouverons plus loin. Périple de Scylax vive ou ne siècle avant Jésus-Christ?). — Scylax, dans son voyage sur les côtes de la Libye, a vu également des Éthiopiens, au Maroc, sur les bords du fleuve Xion (probablement le Lixus). Il les appelle Éthiopiens sacrés. Hérodote (ve siècle avant Jésus -Christ) comptait deux peuples autochtones dans la Libye : 1° Les Libyens, dans la partie nord de cette contrée ; 2° Les Éthiopiens, dans la partie sud de cette même contrée (4) (sans y comprendre les Éthiopiens du sud de 1'Égyple). Polybe (ue siècle avant Jésus-Christ), qui avait parcouru le nord de l'Afrique, indique deux nations éthiopiennes : les Pérorses et les Dara- tides, qu'il place sur les confins de la Maurétanie et près de la côte (o). Strabon (commencement de l'ère chrétienne) raconte, d'après un géo- graphe nommé Hypsicrate, que les Éthiopiens occidentaux habitaient au- dessus (au sud) de la Maurétanie, sur la mer extérieure (Océan), et il ajoute que Bogus, roi de Maurétanie, fit une expédition contre ces mêmes Éthiopiens occidentaux. Eudoxe de Cyzique, également cité par Strabon, affirme que le pays des Éthiopiens occidentaux est contigu au royaume de Bogus, et il faut bien, selon nous, que ces Éthiopiens se soient trouvés si rapprochés de la Maurétanie, car l'on ne comprendrait pas pourquoi Bogus serait allé se battre contre les nègres du Sénégal. M) Strabon. — Lib. XVII. (2) Pline. — Lib. V, S iar. (3) Pomel„ — Carte géologique de l'Algérie. — Paléontologie. Alger, 1893, p. 74. (.',) IIékodote. — Lib. IV, § C Ni VII. (5) Pline. — Lib. V. g I". D1 A. «LOCH. — RACES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES olo Mais la Maurétanie, et la partie sud de ce pays, n'étaient pas les seules contrées de l'Afrique septentrionale où l'on rencontrait des populations de couleur noire, car Scylax termine sa description de la Libye en disant que les Éthiopiens se suivaient, sans interruption du côté du sud, jusque vers l'Egypte, et Pausanias (fin du 11e siècle après Jésus-Christ) affirme que les Éthiopiens, voisins des Maures, s'étendaient jusqu'au pays des iNasamons dans la grande Syrte. D'après Strabon, la province de Carthage limitait au sud le pays des Éthiopiens occidentaux. Je passe maintenant à l'énumération des diverses nations éthiopiennes qui occupaient le nord de l'Afrique et dont les noms nous ont été transmis par Pline et Ptolémée. Voici d'abord la description de Pline (fin du Ier siècle) : « Si nous faisons intérieurement le tour de l'Afrique et au delà du pays des Gélules, que viennent couper des déserts intermédiaires, nous trouvons les Liby-Égyptiens, puis les Leuco-Éthiopiens ; plus loin, les peu- plades éthiopiennes suivantes : les Nigrètes, qui ont pris leur nom du fleuve Nigris, les Gymnètes, les Pharusiens, qui touchent à l'Océan, et les Pérorses. Après tous ces peuples, de vastes solitudes s'étendent vers l'est jusqu'au pays des Garamantes, des Augiles (1) et des Troglodytes. » Le INigris (2) offre les mêmes particularités que le Nil : le papyrus, les mêmes animaux, etc. ; il prend sa source entre les Éthiopiens Taréèées et les Écaliques (3). » Plus loin, Pline ajoute : « C'est une opinion très vraie que celle des auteurs qui mettent deux Ethiopie au-dessus des déserts de l'Afrique, à commencer par Homère qui parle de la double nation éthiopienne, celle de l'orient et celle de l'occi- dent. » Les races noires indiquées par Ptolémée (ier siècle) sont les suivantes . « 1° Les Mélano-Gétules qui habitaient le pays situé entre le mont Sagapola et l'Usargala ; » 2° Les Ethiopiens Rouges, au sud du Gir ; » 3° Les Éthiopiens Nigrites, au nord du Nigir ; » 4° Les Daradae, sur les bords du ileuve Darat, à son embouchure; » 5° Les Pérorses, à l'orient de la montagne appelée Théon Okhéma (Char des Dieux) ; (1) Les Augiles et les Liby-Égyptiens n'étaient pas des Éthiopiens. (2) Il va sans dire que ce Nigris, ou Nigir, n'est pas le Niger du Soudan. Il correspond au Djeddi actuel, dont le cours est parallèle à la direction de l'Atlas du midi de l'Algérie. (3) Lib. v, chap. vin, § h. — Bibl. lat. fr. de Panckoucke. Paris, iwj. 51 (j ANTHROPOLOGIE » 6° Les Ethiopiens Odrangides, entre le mont Caphas et le mont Thala ; » 7° Les Leuco-Éthiopiens, sous le mont Rissadus ; » 8° Les Éthiopiens Agangiae, au-dessus des Africerones ; » 9° Les Éthiopiens Xyliccences, à l'orient des précédents (1). » La Libye intérieure de Ptolémée. dans laquelle étaient compris tous ces peuples noirs, se trouvait au sud des provinces maritimes de l'Afrique romaine ; elle répond à ce que l'on nomme aujourd'hui le Sahara algérien et le Sahara marocain, entre le Fezzan, l'Atlas, le sud du Maroc et la lisière nord du grand Désert qui passe au sud du Touat (2). Les Mélano- Gétules, en particulier, occupaient une partie au moins du Sahara maro- cain et tout le Sahara algérien, et c'est dans cette contrée, dit Vivien de Saint-Martin, que les cinq Nasamons, dont Hérodote (3) raconte le voyage, trouvèrent un peuple noir de petite taille. Cette remarque nous paraît très juste; il est clair que ces Pygmées devaient se rencontrer dans l'Afrique septentrionale (peut-être du côté d'Ouargla, au nord du Sahara algérien), car il n'est pas possible d'admettre que les Nasamons aient poussé leurs pérégrinations jusqu'au Niger du Soudan. D'ailleurs, voici encore une preuve de cette existence des noirs dans le Sahara algérien : Le roi Juba II de Maurétanie, qui, mieux que tout autre , devait connaître le nord de l'Afrique, en laissa une descrip- tion mentionnée par Pline, et montra que des Éthiopiens (^Ethiopes proximi).se trouvaient immédiatement au midi de l'Atlas de Numidie. (C'était au commencement de l'ère chrétienne.) En ce qui concerne la région inconnue, appelée Ethiopie intérieure par Ptolémée, elle était immédiatement contiguë à la Libye intérieure (à peu près au niveau du tropique du Cancer). Mais, du côté du sud, elle ne s'étendait pas au delà de l'Agizymba des Romains (l'Aïr du pays des Touareg?), et par conséquent, elle ne comprenait pas le Soudan qui était inconnu des anciens. (Nous laissons de côté la limite sud-est de cette Ethiopie, qui ne rentre pas dans notre sujet.) A l'ouest de X Ethiopie intérieure, sur les bords de l'Océan, se voyaient, d'après Ptolémée, les Éthiopiens Hesperi et les Ethiopiens Ichthyophages. Les Garamantes et les Rlemys étaient aussi de couleur noire. Ainsi Ptolémée et Solin (me siècle) assurent que les Garamantes (Fezzanais d'aujourd'hui) sont des Éthiopiens. Quant aux Blemys (Tibbous), Denys le Périégète (ier siècle) les repré- sente comme brûlés du soleil, et Festus Avienus (ive siècle), qui avait été (t) Ptolémée. — Géographie. Lib. 17, chap. vi. (2) Vivien de Saint- M ab fin. — Le Nord de l'Afrique dans l'antiquité grecque et romaine. Paris, 1863. (3) Lib. IV. Dr A. BLOCH. — RACES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES 517 proconsul en Afrique, dit qu'ils sont hauts de stature et noirs de peau. Enfin, en se reportant plus loin au nord-est de l'Afrique, on rencontrait également des Éthiopiens dans le territoire de l'oracle d'Ammon. Il paraît que cette contrée s'appelait Ethiopie, suivant l'expression employée par Pline (l). Et cependant l'oracle n'était qu'à soixante-cinq lieues environ des rivages de la Méditerranée. Quinte-Curce (commencement du ier siècle?) est encore plus explicite à ce sujet, car il dit que les habitants du temple d'Ammon étaient voisins des Ethiopiens, du côté de l'orient, et qu'à l'occident de ce même temple il y avait d'autres Éthiopiens appelés Scénites (2). On a même rapporté que des populations noires habitaient certaines îles de l'Atlantique, situées à l'ouest de la Maurétanie. En effet, Denys le Périégète nous apprend que des Éthiopiens occupaient l'île d'Erythia (Mogador?), près de l'Atlas, et l'on remarque que ce renseignement se trouve déjà dans le périple anonyme attribué à Scymnus de Chio (ier siècle avant Jésus-Christ.) A partir du ive siècle après Jésus-Christ, époque à laquelle Ethicus et Orose indiquent encore des Éthiopiens au delà des monts Suggar, au midi de la Maurétanie (du Sétif), nous ne sommes plus renseignés sur les popula- tions noires du nord de l'Afrique. Les géographes arabes, qui, ultérieurement, ont fait le récit de leurs voyages dans l'Afrique septentrionale, ne mentionnent plus toutes ces nations éthiopiennes de Pline et de Ptolémée, mais nous retrouvons encore, dans quelques écrits, des preuves de leur existence passée. Ainsi Aboulféda (xme siècle) fait connaître tout au nord du Maroc (Fez), près de la ville de Salé, un lac d'une grande étendue, qu'il appelle Cohayré Soudan, lac des Nègres. L'auteur arabe ne dit pas positivement qu'il y eût encore des nègres près de là, à l'époque où il écrivait ; mais, environ deux siècles auparavant, un autre géographe arabe, El-Beckri, signale, dans ces parages, un fleuve nommé Safded, près duquel on ne voyait que des nègres. La relation qu'il en donne est intéressante à con- naître. « Sur les bords de ce fleuve, dit-il, les hommes blancs ne sauraient demeurer sans être atteints d'une maladie presque toujours mortelle. Il n'y a que des nègres qui puissent y habiter ; aussi quand ceux-ci voient arriver un blanc chez eux, ils se mettent à crier : Meiz ! meiz ! (Regarde, regarde) (3). » Léon l'Africain (xvi- siècle) et Marmol, écrivain espagnol du même temps, ont vu des peuplades de couleur noire, qui habitaient encore, à cette époque, la région occidentale du Sahara. [\, Lib. XXXVIII, ch. n. (2) QuiNTE-Cuncp. — But. d'Alexandre, lib. IV, § 7. <3) El-Beckri. — Description de V Afrique septentrionale . — Trad. fr. de Slane. Paris, I8u9, p. 203. 518 ANTHROPOLOGIE De nos jours, il a été reconnu que le domaine des nègres remontait, autrefois, beaucoup plus au nord. Ainsi l'explorateur Barth (1) conclut de ses recherches, ethnographiques que la race noire atteignait, encore au xe siècle, le 20e degré de latitude nord, ce qui nous ramène vers le centre du pays des Touareg. Le général Faidherbe, qui avait été gouverneur du Sénégal, de 18o2 à 1864, et qui connaissait la langue des indigènes Ouolofs, avait appris par leurs annales, qu'ils occupaient encore, il y a cent cinquante ans, la rive droite du Sénégal et, qu'avant l'invasion des Berbers et des Arabes, ils s'élevaient au nord jusqu'au delà du cap Bojador. Il était même persuadé que les Ouolofs avaient envoyé des colons jusque dans les îles Canaries (2). CONSIDÉRATIONS ANTHROPOLOGIQUES. Les auteurs anciens ne nous ont laissé aucune description sur les carac- tères physiques des populations qu'ils appelaient Mélano-Gétules, Leuco- Éthiopiens, Éthiopiens Bouges, etc., mais quelques-uns d'entre eux nous ont fourni, sur d'autres variétés d'Éthiopiens, des renseignements dont nous pouvons tirer parti. Ainsi, d'après Scylax, ceux de la Libye occi- dentale auraient été chevelus et barbus. Ce simple détail nous suffit pour reconnaître que ces Éthiopiens n'étaient pas de vrais nègres. Mais il ne faudrait pas en conclure que toutes les autres populations de la Libye intérieure leur ressemblaient, car Diodore de Sicile (fin du ier siècle avant Jésus- Christ) affirme que presque tous les Éthiopiens qu'il avait vus, y compris ceux de la Libye, avaient la peau noire, le nez épaté et les cheveux crépus (3). C'étaient donc de véritables nègres. Mélano-Gélules. — L'aspect extérieur de ce peuple n'a pas été décrit par Ptolémée, mais nous savons par Strabon que les Gétules ressem- blaient aux Arabes. Nous pouvons donc nous figurer les Mélano-Gétules comme ayant eu des traits sémitiques avec un teint noir, formant ainsi un type spécial qui peut encore se rencontrer aujourd'hui. Quant à l'origine de ces Mélano-Gétules, il est tout naturel de songer qu'ils pouvaient provenir du mélange des Gétules avec les Éthiopiens voisins de leur territoire. Telle est. en effet, l'opinion des historiens et même des anthropologistes qui se sont occupés de cette population. Mais les peuples ne se mélangent pas si facilement qu'on le croit. Est-ce qu'il (1) Barth. — Voyages et découvertes dans l'Afrique septentrionale et centrale pendant les années 1849 à 18SS. — Trad. franc, par Paul Ithier. Paris, 1860, p. 10. (2) Revue d'Anthropologie, 1874. (3) Diodore de Sicile. — Bibliolh. hisl., t. I"r. Dr A. BLOCH. — RACES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES 519 ne suffit pas souvent d'une petite différence dans la coloration de la peau pour établir une rivalité qui les empêche de se fusionner ? Nous croyons, pour notre part, que les Mélano-Gétules se sont formés comme se forment toutes les variétés de races, c'est-à-dire suivant des lois déterminées, qui sont réglées par l'évolution naturelle de l'espèce humaine. Les Mélano-Gétules, en d'autres termes, constituaient une race spéciale, au même titre que la race nègre la plus pure, ou que la race blanche la plus pure. Leuco-Éthiopiens. — Ce type est plus difficile à préciser que le précédent. Broca en faisait des Kabyles blonds (1). Faidherbe, au contraire, pensait qu'ils pouvaient provenir du mélange des Libyens et des Ouolofs qui, dans l'antiquité, étaient voisins. D'autres supposent qu'ils étaient les an- cêtres des Peuls, race de couleur rougeâtre. Il est évident que les anciens, par comparaison avec les autres Éthio- piens de l'Afrique septentrionale, avaient remarqué que les Leuco-Éthio- piens étaient d'une coloration plus claire que les précédents. Mais quelle pouvait être approximativement cette nuance? Elle ne tirait pas sur le rouge, puisque Ptolémée distinguait les Leuco-Éthiopiens d'une autre peuplade colorée qu'il appelait Éthiopiens Rouges. Nous ne pouvons pas admettre, non plus, qu'il s'agissait de Berbers blonds, car ceux-ci n'ont aucun caractère qui rappelle le type éthiopien. Et, d'ailleurs, les Leuco- Éthiopiens ne se rencontraient pas à l'état sporadique, comme aujourd'hui les Kabyles blonds, puisqu'ils représentaient une immense nation occu- pant une vaste étendue de territoire. Quant au mélange des Libyens et des Ouolofs, il n'a pu créer une nouvelle race, l'un des types ancestraux finissant toujours par l'emporter à la longue. Les Leuco-Éthiopiens, de même que les Mélano-Gétules, ont dû se former indépendamment de tout mélange ; et, comme coloration, ils pouvaient être bistrés (bruns jaunâtres), tout en conservant le type négroïde. Éthiopiens anciens du Sahara. — Nous voulons démontrer maintenant que toutes les parties habitables du grand Désert avaient été également occupées par une race noire. On y rencontré actuellement trois groupes principaux, nomades ou sédentaires, qui sont : les Maures, à l'occident, les Touareg, au centre, et les Tibbous, à l'est. 1° Les Tibbous. — De tous les anciens Éthiopiens de l'Afrique septen- trionale, ce sont bien les Tibbous qui ont le mieux conservé leur type originel. Ils sont encore tous noirs, et beaucoup d'entre eux ont même (D Broca. — liull. de /" Soc. d'Antltrop., 1860. 520 ANTHROPOLOGIE les cheveux laineux. Ils n'ont cependant aucune ressemblance avec leurs voisins du Soudan. 2° Les Touareg. — On sait qu'ils appartiennent à la race berbère et qu'ils ne sont pas des autochtones du pays qu'ils habitent ; il est prouvé, en outre, que les aborigènes de certaines parties du désert, dont ils avaient envahi le territoire, étaient des nègres. La partie sud du pays des Touareg, appelée Air ou Asben, contenait, elle aussi, une population noire, appelée Gôberâoua, et on y remarque encore aujourd'hui une grande diversité dans les traits de ses habitants ; quelques-uns ont le teint olivâtre, mais d'autres, et c'est le plus grand nombre, se rapprochent du type nègre. Duveyrier observe à ce propos que les Touareg, et les nobles surtout, paraissent avoir mis un point d'honneur à s'abstenir de toute union avec les vaincus (1). 3° Les Maures du Sahara occidental, près de l'Atlantique, sont regardés comme des métis de Berbers, d'Arabes et de Nigritiens, mais il se pourrait bien qu'ils fussent, au moins en partie, les descendants modifiés des noirs qui, selon Marmol (2), habitaient autrefois cette partie du désert. En définitive, toute l'étendue du Sahara appartenait autrefois à la race noire. Mœurs des anciens Éthiopiens. — Il y avait parmi eux, des troglodytes, des nomades ou des cultivateurs (F. Avenius), suivant les époques et sui- vant les régions qu'ils habitaient. Mais d'autres, d'après Duveyrier, étaient parvenus à un degré de civi- lisation qu'on rencontre rarement chez les nègres. Ainsi, ils auraient établi eux-mêmes les forages de puits artésiens de l'Oued-Righ et d'Ouargla, les puits à galeries du Fezzan et du Touat, et un grand nombre de monu- ments d'origine incertaine, mais très ancienne, qu'on retrouve dans le sud de l'Algérie, de la Tunisie et de la Tripolitaine. Enfin, ils seraient les auteurs de certaines sculptures qu'on remarque sur les rochers, etc. (3). Langue des anciens Éthiopiens. — La langue des anciens Éthiopiens de la Libye devait être très différente de celle des Libyens proprement dits, car suivant Hannon, les Éthiopiens, qu'il avait vus, ne pouvaient se faire comprendre des Lixites qui devaient lui servir d'interprètes auprès d'eux. Hérodote disait des Éthiopiens troglodytes qu'ils parlaient une langue qui n'avait rien de commun avec celle des autres nations. On croit en- tendre le cri de la chauve- souris, écrit-il (i). (1) Diïveyrier. — Exploration du Sahara. Les Touareg du nord. Paris, 1866. (2> Marmol. — Description de VAfrique. — Tiad. fr. par Perrot d'Aulanourt. Paris, 1662, p. '.*• (3j Duveyrier. — Loc. cit. p. 279-280. (i) HÉRODOTE. — Lit). IV, § C.LXXXI1I. Dr A. BLOCH. — RACES NOIRES INDIGÈNES ANCIENNES ">2I Eudoxe, qui avait visité les Éthiopiens de la Maurétanie, ainsi que les Éthiopiens voisins de l'Egypte, prétendait avoir recueilli, chez ces derniers, un vocabulaire de leur langue, et il crut donc remarquer que les deux nations, cependant très éloignées l'une de l'autre, employaient des mots qui avaient entre eux une grande ressemblance (Slrabon). Si les Tibbous actuels sont des descendants des anciens Éthiopiens, leur langue doit différer de celle des Kabyles, et en effet, Barth a remarqué qu'elle n'avait aucune aiïînité avec la langue berbère et qu'elle se rap- prochait beaucoup de la vieille langue kanouri des nègres du Bournou. D'un monument ancien sur lequel les Éthiopiens occidentaux étaient figures. — Pausanias raconte qu'il avait vu, à Rhamnus, dans la plaine de Marathon, une statue de Némésis, attribuée par lui à Phidias (ve siècle avant J.-Cj, et dont la main droite tenait une coupe, sur la- quelle étaient représentés des Éthiopiens. Pausanias lui-même ne com- prenait pas pourquoi Phidias avait sculpté des Éthiopiens sur cette statue, mais les connaisseurs de son temps soutenaient que les Éthiopiens étaient là pour désigner le fleuve Océan, père de Némésis, sur les bords duquel habitaient des Éthiopiens (1). Il faut croire que les Éthiopiens de la statue -de Némésis étaient bien des nègres avec des cheveux frisés et le nez aplati, car d'autres variétés 'Éthiopiens, sculptées sur le marbre blanc, auraient été difficilement econnaissables. Les descendants actuels des anciens Éthiopiens. — Nous les retrouvons d'abord au Fezzan, qui est le pays autrefois occupé par les Garamantes. Tous les voyageurs modernes, qui ont exploré cette contrée, s'accordent dire que le fond originaire de la population aborigène est essentiellement noir (Vivien de Saint-Martin). Au reste, les Fezzaniens sont unanimes à attribuer le premier peuplement de leurs oasis à des nègres païens, nommés Djohalu (2). Les Tibbous, descendants des anciens Éthiopiens-Blemys, nous sont déjà connus. Au nord du Sahara marocain et algérien se rencontrent d'autres des- cendants des anciens Éthiopiens. Il y a là, paraît-il, des indigènes dont le teint est beaucoup plus foncé que les Berbers de la montagne, et ils se verraient principalement dans les oasis d*Ouargla, de Temacin et de Touggourt. Les Rouara, habitants autochtones de ces contrées, ditCarette, ). (1) Voir le deuxième registre des délibérations du Conseil municipal de Brunoy du 29 nivôse an XIII. (2). Archives nationales, p. 32, cl« 235. Anciens aveux au Roy par Rogerin de Lannoy, Seigneur de Brunoy. (3) M.Ch. Mottheau m'a fait observer qu' « ayeul paternel» était une erreur et devait èlre rem- placé par « ayeul maternel ». Ht Aujourd'hui Épinay-sous-Sénart. (5j On remarquera les différentes appellations et orthographes du lieu dit Herdonis, Herdonys. Hardenys et Hardonys. 34* 530 ANTHROPOLOGIE Item, Durand Taillet, pour un jardin au dessus de la fontaine de Herdonis. Monseigneur Maistre Jehan de Nanterre, procureur en parlement pour sa saulsaye séant en Hardonys tenant au viel chemin a aller de Brunoy aEspinel. Les hoirs et ayant cause de feu maistre Jehan de Haultencourt pour un jardin des Herdoys(l) aboutissant par bas au chemin de Brunoy a Espinel. On trouve aussi dans le papier-censier de « terre et seigneurie de Brunoy appartenant à noble homme Monseigneur Rogerinde Lannoy », — la pièce est datée de février 1489 — le passage suivant : Assis en Hardenys aboutissant par bas a la rue par laquelle on va dudit Brunoy à Espinel (2). III" Pendant la session du Congrès de Bordeaux et les jours suivants, les travaux entrepris dans les rues de Brunoy pour l'adduction des eaux de sources, captées à l'extrémité de la rue des Vallées, non loin du territoire de la commune de Mandres, ont mis à découvert, en divers endroits, des ossements humains. Tous étaient en si mauvais état, soit par suite de leur séjour dans le sol, soit du fait de la pioche des terrassiers, qu'il ne m'a pas été possible d'étudier aucun d'eux. Avec ces os, trouvés pour la plu- part ou à l'extrémité de la rue du Réveillon du côté d'Yères ou sur la G. 2. FlG. 3. Bouton mérovingien'en bronze, vu sur ses deux Boucle en bronze. faces. place Saint-Medard, dans le voisinage de l'Église, quelques rares objets on été recueillis, parmi lesquels je citerai une sorte de bouton avec sa queue, de l'époque mérovingienne, en bronze orné de dessins en relief (fig. 2), un double anneau en bronze également, mais sans aucune orne- mentation (fig. 3) qui ni'ont été cédés. Us ont été trouves dans le sol de (1) Le mol Ileriloysa. été mis pour Herdonys, la lettre n ayant été omise. (2) Archives de Sfine-et-Oise. —Série A. n° 722. É. RIVIÈRE. LE MENHIR DE BOUSSY-SAI.NT-ANTOINE o31 la tranchée, sur la place Saint-Médard même, à très pou de distance de la rue Montmartel, presque en face de l'Église de Brunoy, soit à une trentaine de mètres environ de la ruelle de l'Église, c'est-à-dire de l'en- droit où, il y a treize ans, on avait décou- vert le sarcophage en plâtre, orné de dessins en relief, et la plaque mérovingienne (fig. 4) . plaque de ceinturon en bronze damasquiné d'argent avec boucle et ardillon, que j'ai signalés l'an dernier, et où, en 1894, de nouvelles fouilles m'avaient donné les restes de quatorze individus au moins d'âges dif- férents (1). Les squelettes de la place Saint-Médard, et ceux de la rue du Réveillon appar- tiennent-ils à la même époque que les objets mérovingiens cités plus haut ou sont-ils plus récents ? Le mauvais état dans lequel ils se trouvaient ne m'ayant pas permis d'en faire l'étude, je ne saurais me prononcer. Ce que je puis dire, du moins pour ceux de la place Saint-Médard, c'est que le terrain où ils gisaient, était très proche, s'il n'en faisait partie, des fossés de l'ancien château seigneurial de Brunoy, qui eut à soutenir plusieurs sièges notamment en 1590, « où il fut brûlé et pillé ». Il appartenait à cette époque, si j'en crois certain tableau chronologique des seigneurs de Brunoy de l'an 117/ à ISIii, publié en 1849 par A. Jeannest-Saint-Hilaire, alors maire de Brunoy, à « Anne des Ursins, dame en partie douairière comme veuve de Guillaume de Lannoy, usufruitière, avec le comte de Chaulnes, son second mari » (2). Fig. ',. Plaque de ceinturon en bronze damas- quiné d'argent, 2/3 grand, naturelle (époque mérovingienne). : Rivière. — Les menhirs de Brunoy, (2 Brunoy et ses environs, loc. cil. o32 SCIENCES MÉDICALES M. le Dr E. JOUIÏÏ" à Paris. DU TRAITEMENT DES FIBROMES DE L'UTERUS PAR LA MEDICATION THYROÏDIENNE [618.14.636.8 — 615.364] — Séance du 4"T avril IS96 — Pour être exposée d'une façon complète, la question du traitement des fibromes de l'utérus par la médication thyroïdienne, demanderait quatre chapitres bien distincts. Dans le premier, on étudierait la physiologie générale de la glande thyroïde. Dans le second, les rapports de cette glande avec le système génital en général et particulièrement avec le système génital féminin. Le troisième serait consacré à toutes les indications de la thérapeutique tyroïdienne. Le quatrième, enfin, déterminerait les applications particulières de cette thérapeutique aux maladies génitales et spécialement aux fibromes de l'utérus. Mais un travail ainsi conçu, et que nous espérons d'ailleurs réaliser dans un avenir prochain, ne saurait se prêter aux limites d'une commu- nication de congrès; il demanderait tout un volume. Et puis nous estimons que dans ces grandes assises périodiques, les savants ne se réunissent pas à l'effet d'entendre disserter de choses acquises : ce qu'ils veulent, c'est recueillir des idées nouvelles, apprendre des faits, sinon des méthodes et des lois, jusqu'ici ignorés. Aussi glisserons-nous rapidement sur les trois premiers points que nous venons d'indiquer et nous étendrons-nous surtout, sinon exclusivement, sur le quatrième, sur la thérapeutique de certains états génitaux et spécialement des fibromes de l'utérus par la médication thyroïdienne. L'idée première de cette médication nous est propre, en effet, et elle n'a été jusqu'à ce jour l'objet que d'une petite note présentée seulement pour prendre date. 1 De la physiologie générale de la glande thyroïde nous ne dirons que quelques mots. On a fait de nombreux travaux sur le sujet depuis 1862. Dr F. JOUIN. — TRAITEMENT DES FIBROMES DE i/UTÉRUS 533 Et cependant les questions qui en relèvent demeurent jusqu'à présent à la période hypothétique. Non pas que le problème soit insoluble, nous le croyons au contraire facile; mais pour le résoudre, il faut du temps, beaucoup d'observations et de la patience. Nous avons d'ailleurs trois moyens d'arriver à la solution. Isolément, ils sont impuissants, réunis, ils doivent nous mener à la connaissance de la vérité. 1° Les expériences répétées et multipliées sur les animaux nous permet- tent de saisir les processus de désagrégation consécutifs à l'ablation de la glande thyroïde. 2° Les observations cliniques nous montrent les désordres fonctionnels en rapport, soit avec l'atrophie, soit avec l'hypertrophie de l'organe. 3° Enfin et surtout l'ingestion des extraits thyroïdiens par ses effets thérapeutiques imprévus éclaire d'un jour non moins éblouissant ce passionnant problème physiologique. Nous montrerons, par la suite de cette communication, que c'est en administrant la médication thyroïdienne pour une autre affection qu'il nous fut donné d'en reconnaître les effets bienfaisants dans la thérapeu- tique des fibromes. II Maintenant, si tout est, comme nous venons de le dire, inexpliqué pour qui veut étudier la physiologie générale de la glande thyroïde, les hypothèses deviennent encore plus vagues quand on aborde la question de ses rapports avec les organes génitaux. Pourquoi chez les animaux jeunes la thyroïdectomie détermine-t-elle, ainsi que le montre Hofmeister, des altérations dans les ovaires des femelles, une déchéance fonctionnelle du testicule chez les mâles? Pourquoi voit-on l'ablation du goitre amener parfois la guérison de corps fibreux anciens, l'extraction de tumeurs utérines faire disparaître des goitres invétérés? Nous l'ignorons absolument. Mais savons-nous pourquoi l'établissement de la virilité chez les garçons détermine la mue du larynx, un organe voisin de la glande thyroïde et probablement en rapports assez intimes avec elle? pourquoi la ménopause modifie si radicalement tous les phénomènes de la vie chez la femme? Ce qui est bien établi aujourd'hui c'est le fait lui-même des rapports physiologiques entre la glande thyroïde et le système génital. Pour ne pas trop nous éloigner de notre sujet, nous nous contentons de relever les phénomènes observés dans le sexe féminin. Dans le Britîsh médical Journal (26 juin 189U), Horsley relate un cas de o3i SCIENCES MÉDICALES greffe thyroïdien ne qui ramène les règles disparues depuis un an chez une femme atteinte de myxœdème. Par contre, la médication thyroïdienne, ou plus exactement la greffe thyroïdienne, supprime instantanément les métrorragies d'une malade atteinte de myxœdème et soignée par les docteurs Merklen et Walther. (Semaine médicale, 19 novembre 1876.) Nous trouvons encore dans la science les faits signalés par Charcot, Souza-Leit, etc., de goitres exophtalmiques, guéris spontanément au moment de l'accouchement, les cas de Bloch et de Picqué où l'on voit le mal de Basedovv disparaître après l'ablation d'une tumeur ovarienne. Nous avons nous-même, à la séance d'avril 189o, présenté devant la Société obstétricale et gynécologique de Paris un travail sur ce sujet, travail appuyé de quarante-trois observations personnelles recueillies en l'espace de sept années. Dans notre mémoire intitulé : Pathologie utérine et maladie de Basedoiv, nous avons montré que très fréquemment le goitre exophtal- mique est si bien sous la dépendance de l'affection utérine qu'il suffit de supprimer cette dernière pour obtenir la guérison de la névrose. Depuis notre communication, plusieurs travaux ont été publiés sur ce sujet en Allemagne. D'autres cas nombreux se sont également offerts à notre observation. Disons même en passant que, pour nous, dès maintenant, la plupart des accidents de la ménopause reconnaissent une origine thyroïdienne (1). Quoi qu'il en soit, le fait de rapports physiologiques et pathologiques intimes entre les organes génitaux féminins et la glande thyroïde ne saurait être maintenant discuté ; il est évident pour qui sait le rechercher. Notre attention est attirée sur le sujet depuis 1888. Nous nous sommes fait à nous-même toutes les objections que comporte le sujet. Aujourd'hui, notre conviction est inébranlable. in Nous ne dirons pas ici comment furent découverts les rapports du myxœdème avec la glande thyroïde, ni comment la thérapeutique de cette affection trouva son véritable spécifique dans l'administration de la subs- tance thyroïdienne. La même médication fut opposée, non sans succès, au crétinisme et aux dermatoses. Brown-Séquard, partant de cette idée — fausse, nous le montrerons au chapitre suivant — que le goitre exophtalmique est déterminé par (\) Nous avons comment'*' une série d'études sur le traitement des accidents de la ménopause. qu'elle soil artificielle ou naturelle, par la médication ovarienne, qui présentent un rapport très pro- chain avec les faits que nous exposons dans celte communication. Mais tenant à ne pas sortir aujour- d'hui de la question thyroïdienne, nous ne pouvons qu'indiquer ces nouvelles recherches. D' F. JOUIN. — TRAITEMENT DES FIBROMES DE l'l'TÉRUS ij3o une insuffisance fonctionnelle de la glande thyroïde, proposa, dès 1891, l'emploi du liquide thyroïdien dans cette affection. Des faits publiés par Horsley, Canter, Bra, prouvent l'erreur de cette vue théorique. Nous avons nous-mème observé L'aggravation d'un cas de maladie de Basedow, d'origine utérine, chez une de nos clientes de Châlons-sur- Marne, à laquelle nous avions conseillé cette médication sur l'affirmation de Brown-Séquard. En réalité, comme le dit très bien Marie, la maladie de Graves est due à un fonctionnement exagéré de la glande thyroïde. Symptomatiquement, elle détermine une hyperthyroïdation de l'orga- nisme. Il importe de prendre note dès à présent de cette donnée, sur laquelle nous nous guiderons dans l'application de la médication thyroï- dienne appliquée aux corps fibreux. On a conseillé encore l'extrait thyroïdien dans l'acromégalie, dans la syphilis maligne, dans le goitre, où les succès obtenus démontrent que, pour certains cas, cette affection est déterminée par une hypertrophie du stroma amenant l'atrophie des éléments glandulaires du corps thyroïde. M. York Davis, de Londres, enfin, a prescrit avec beaucoup de succès la médication contre l'obésité. L'ordre chronologique nous oblige à citer maintenant notre travail antérieur sur les applications de la méthode thyroïdienne à la thérapeutique des fibromes, C'est le 11 juillet 189o que nous avons, timidement et avec une grande réserve, préseuté à la Société obstétricale et gynécologique de Paris nos premières observations. Nous sommes en état, aujourd'hui, d'en apporter de nouvelles. De plus, le temps nous a permis de généraliser et de traiter le sujet avec une autorité qui nous manquait lors de notre précédente communication. Depuis juillet, deux autres monographies sur la médication thyroïdienne ont encore été publiées, l'une concernant le traitement de la kéloïde, par le Dr américain .1. V. White, l'autre la thérapeutique de l'hypertrophie de la prostate, par Bazy. Malheureusement, le cas de ce chirurgien est isolé. Et cependant nous tenons beaucoup à ne pas le passer sous silence, car nous y voyons, d'une part, un argument à l'appui de cette théorie, exposée au chapitre de la physiologie, que le corps thyroïde pré- sente des rapports évidents avec le système génital, d'autre part, une nouvelle preuve des analogies qui ont été signalées entre les corps fibreux et l'hypertrophie prostatique. Enfin, le travail du D1 Bazy prouve que notre communication de juillet a la Société d' obstétrique et de gynécologie -a été lue et comprise. « Je me souvenais, dit l'auteur, de l'influence heu- reuse exercée sur les myomes utérins par les opérations pratiquées sur le corps thyroïde, ou même par le traitement thyroïdien. » Comme personne 536 SCIENCES MÉDICALES avant nous n'avait parlé de cette influence heureuse du traitement thyroï- dien, nous avons le droit d'invoquer la phrase du Dr Bazy, chirurgien des hôpitaux, à l'appui de la thèse qu'il nous reste maintenant à exposer. IV C'est par hasard, avons-nous dit dans notre communication de juillet dernier, sans y penser, que nous appliquâmes pour la première fois la médication thyroïdienne à la thérapeutique des corps fibreux. Nous vou- lions simplement diminuer l'obésité d'une cliente atteinte d'un fibrome volumineux. La malade en retira, au point de vue utérin, un bénéfice qui ne s'est jamais démenti. Cinq autres femmes furent immédiatement soumises à cette thérapeutique. Aujourd'hui, nous possédons vingt-cinq observations. Qu'on nous permette de les grouper. Douze de ces malades étaient atteintes de corps fibreux à forme hémor- ragique. Cinq présentaient des corps fibreux caractérisés exclusivement par l'existence d'une tumeur volumineuse, par des symptômes de gêne, de pesanteur et de grande faiblesse. Cinq avaient des hémorragies dites de ménopause sans qu'il fût pos- sible de les attribuer nettement, évidemment, à l'existence de fibromes interstitiels. Trois présentaient des pertes de sang certainement développées en dehors de tout fibrome (deux sont des cancéreuses, la troisième avait des hémorragies primitivement déterminées par de petits polypes, mais qui avaient résisté à l'ablation de ces polypes). Or, voici les résultats qu'il nous a été donné de relever. Sur les douze premiers cas, dont quatre nous ont été communiqués par des confrères, on a observé nettement une réduction plus ou moins considérable de la tumeur et la diminution, parfois même la disparition complète des hémorragies. Les cinq malades du second groupe ont été également améliorées, deux d'une façon très appréciable, deux beaucoup moins, mais cependant encore assez pour qu'il y ait lieu de continuer la médication. Une seule malade n'a pas été modifiée. Il est juste d'ajouter que, s'il n'est pas guéri, son corps fibreux n'a cependant plus fait de progrès. Si l'on compare ces résultats à ceux que donnent les autres méthodes thérapeutiques purement conservatrices, l'électricité particulièrement, on doit reconnaître que la médication thyroïdienne doit être placée au pre- mier rang des moyens conservateurs dont la science dispose. Nous insis- tons d'autant plus sur ce fait qu'elle est d'une application simple, qu'elle Dr F. JOUIN. — TRAITEMENT DES FIBROMES DE i/UTÉRUS 537 ne présente aucun danger, et que la nature des corps fibreux autorise toujours une certaine temporisation. On ne manquera pas d'objecter que la méthode est encore trop récente pour qu'il soit permis de généraliser. Mais, sans parler de nos cas, beau- coup de médecins l'ont employée depuis notre communication. Et si nous ne possédons que des renseignements assez vagues sur ces autres faits cliniques, les détails qu'il nous a été donné de recueillir sont presque unanimement favorables à notre thèse. En somme, nous ne connaissons qu'une seule observation, la nôtre, dans laquelle le résultat fut négatif. Donc, en nous en tenant seulement aux faits, nous avons le droit de produire les affirmations suivantes : La médication thyroïdienne modifie certainement le volume des corps fibreux de l'utérus. Elle exerce une influence heureuse sur la plupart des autres symptômes de celle affection (névralgies locales, faiblesse générale, abattement moral). Mais elle agit surtout sur l'élément hémorragique, qu'elle modifie constamment et dont elle empêche l'influence débilitante. De plus, elle est efficace contre les hémorragies utérines, spécialement au moment de la ménopause, même en dehors de toute influence fibro- mateuse appréciable. Comment agit la médication thyroïdienne dans les cas de ce genre? Nous serons bref sur ce point de notre communication, car nous ne pouvons émettre que des hypothèses. Le suc thyroïdien possède-t-il une action spéciale nécessaire à l'inté- grité des organes génitaux? et les corps fibreux doivent-ils être considérés comme une conséquence du fonctionnement insuffisant de ces glandes? Un fait semblerait le prouver. L'anatomie comparée nous apprend qu'atteignant son maximum de développement au commencement de l'âge adulte, la glande thyroïde s'atrophie à mesure que l'animal vieillit. Or, l'on observe précisément que, rares dans la jeunesse et dans la première partie de la vie génitale, les corps fibreux deviennent de plus en plus fréquents à mesure que la femme prend de 1 âge, qu'ils atteignent leur maximum de développement à la ménopause, c'est-à-dire à la fin de la vie génitale, au moment où le système génital va s'atrophier. Après la ménopause, il est vrai, ces productions pathologiques cessent généralement de se développer ; mais les organes génitaux n'existent plus physiologiquement, et par consé- quent la glande thyroïde ne saurait désormais les influencer. Ou bien, généralisant davantage, devons-nous supposer que la glande thyroïde exerce une action régulatrice sur la formation normale des tissus, auquel cas le suc thyroïdien faisant défaut, les cellules auraient de la tendance à retourner à l'état embryonnaire, dont le fibrome, en définitive, représente histologiqucment le stade ultime ? o38 SCIENCES MÉDICALES S'il en était ainsi, la thérapeutique que nous préconisons pourrait un jour recevoir des applications infiniment plus importantes. Le fibrome n'étant, en somme, qu'un sarcome à une étape plus avancée, il serait légitime d'essayer la médication contre les sarcomes en activité et surtout à titre préventif, après l'opération des tumeurs de cette nature quel qu'en fût d'ailleurs le siège. Ce n'est là qu'une vue de l'esprit. Aussi ne saurions-nous insister. Cependant, nous tenons à dire que, le cas échéant, nous n'hésiterions pas à conseiller la médication thyroïdienne dans un fait de ce genre. L'indication de la médication thyroïdienne une fois établie, comment doit-on l'appliquer ? Nous ne décrirons pas ici la glande chez les différents animaux, les moyens de la recueillir, de la préparer et de la faire pénétrer dans l'organisme, toutes ces questions étant élucidées dans de nombreux travaux. Disons cependant un mot des doses qu'il nous semble indiqué de conseiller. On les a exagérées considérablement dans le début, donnant jusqu'à 7 ou 8 grammes de lobe par jour. Aussi observa-t-on des acci- dents sur lesquels nous allons revenir et qui se sont même accompagnés d'albuminurie. En réalité, on peut donner impunément lgr,40 par jour, soit un peu plus d'un lobe de volume moyen. Et cette dose suffit parfaitement pour déterminer tous les effets thérapeutiques désirables. Nous conseillons d'analyser les urines avant de soumettre les malades à la médication thyroïdienne. Elle ne saurait être, en effet, administrée impunément aux albuminuriques, le médicament s éliminant surtout, sinon exclusivement par les reins. Nous connaissons le fait d'un brightique obèse rendu très malade par celte médication. De même, nous la décon- seillons chez les diabétiques. Du moment où les reins fonctionnent intégralement, on n'observera jamais d'accidents, si l'on s'en tient aux doses que nous venons d'indiquer. Il est bon cependant de connaître les symptômes de l'empoisonnement thyroïdien. Béclère en a fait l'objet d'une étude trop connue pour que nous reve- nions après lui sur la question. Qu'il nous suffise de dire que l'hyperlhyroïdation détermine tous les symptômes de la période ultime du goitre exophtalmique. Le médecin prévenu ne s'y trompera donc point, et du moment où il verra le pouls s'accélérer, les yeux plus saillants présenter une fixité caractéristique, le cou se tuméfier, il comprendra que le traitement doit être momentanément suspendu. On a administré la médication thyroïdienne, ainsi que nous l'avons vu, Dr*F. JOUIN. — TRAITEMENT DES FIBROMES DE l'dTÉRUS o39 de trois façons différentes : par greffes, par injections sous-cutanées, par ingestion alimentaire ou pharmaceutique. La greffe est-elle quelquefois reeommandable? Pratiquement, nous n'avons jamais eu à nous poser cette question. Mais on comprend qu'elle pourrait être soulevée dans certains cas déterminés chez des sujets négligents par exemple, et qui, nettement améliorés par la médication thyroïdienne, présenteraient des rechutes du fait de leur irrégularité à suivre le traitement. Nous ne nous sommes jusqu'à présent jamais servi d'injections sous- cutanées. .Mais cette façon, beaucoup plus active, dit-on, d'introduire le médicament dans l'organisme, devrait, être certainement essayée dans les cas graves, ou encore chez les malades très dyspeptiques, et qui demeu- reraient réfractai res à la médication ordinaire. Mais c'est à l'ingestion que l'on donnera surtout la préférence. Celle-ci peut être simplement alimentaire. Dans ce cas, après l'avoir pesée, on prépare tout simplement la glande thyroïde comme l'on prépare la viande crue pour l'alimentation des malades, et on la fait prendre en boulettes. Malheureusement il n'est pas facile au premier venu d'obtenir assez de corps thyroïdes pour suivre un traitement régulier, d'autant plus que ces organes sont généralement monopolisés par l'industrie dans les abattoirs principaux de France. Aussi les procédés pharmaceutiques, plus pratiques, jouiront-ils fatalement de la faveur du public des médecins et des malades. Mais nous n'insistons pas plus longtemps sur tous ces détails qui ne relèvent que très secondairement du médecin. Résumons notre communication : 1° La physiologie du corps thyroïde, étudiée seulement depuis quelques années, réserve aux chercheurs des surprises nombreuses et probablement des découvertes d'une importance considérable. 2° L'expérimentation, la clinique, la thérapeutique démontrent dès aujourd'hui qu'il existe. entre la glande thyroïdienne et le système génital, et particulièrement le système génital féminin, des rapports physiologiques du plus grand intérêt. 3° La médication thyroïdienne a déjà donné des résultats inespérés dans le traitement du myxœdème, du crétinisme, du goitre, de certaines affections cutanées et de beaucoup d'autres maladies qui ne rentrent pas dans le cadre de notre communication. 4° Elle nous a permis à nous-même d'obtenir le plus souvent une amélioration considérable, parfois même la guôrison de tumeurs fibreuses utérines et de métrorragies rebelles à toute autre médication conservatrice. È>° Sans qu'il soit possible de rien affirmer, on a le droit de se demander devant les cas de ce genre, devant aussi les résultats obtenus chez des 540 SCIENCES MÉDICALES malades atteints de kéloïdes, d'hypertrophie de la prostate, etc., si cette médication ne pourrait être un jour appliquée efficacement à des tumeurs d'évolution moins avancée, au traitement des sarcomes, par exemple. 6° Cette thérapeutique thyroïdienne, méthodiquement suivie, avec les précautions et les règles indiquées au cours de notre communication, ne présente aucun inconvénient et est en définitive d'une pratique très facile. M. MOSSE Professeur à la Faculté de Médecine de Toulouse. EFFETS DE LA MÉDICATION THYROÏDIENNE DANS DEUX CAS DE PSORIASIS [616 51 -f- 615 364] — Séance du 1" avril 1896 — Depuis sa note communiquée au Congrès de Médecine interne de Bor- deaux sur les effets de la médication thyroïdienne, M. Mossé a eu l'occasion de traiter deux cas de psoriasis par l'ingestion de corps thyroïde et les hains de sublimé. Dans le premier, observé chez une femme de trente-trois ans, peut-être syphilitique, le psoriasis de date relativement récente, était un accident surajouté à l'ensemble morbide complexe qui avait amené la malade à l'hôpital. Le traitement spécifique, d'abord institué, resta sans effet. L'ingestion de corps thyroïde du mouton, à la dose de 3 à 4 grammes par jour, amena rapidement une modification favorable de l'éruption siégeant sur les bras, les coudes, les genoux ; quelques jours après l'inter- ruption du traitement, le psoriasis reprenait à peu près ses caractères antérieurs, toutefois à un degré moins marqué. Dans le second cas, il s'agissait d'un psoriasis généralisé, rebelle, chez une jeune fille de bonne santé apparente, adressée à la clinique de M. Mossé par M. le Dr Dresch (de Foix). Depuis cinq ans, toutes les médications successivement mises en usage étaient restées à peu près sans effet. Comme il fallait s'y attendre, la médication thyroïdienne ne parvint pas, elle non plus, à triompher complètement de cette dermatose MOSSÉ. — EFFETS DE LA MÉDICATION THYROÏDIENNE 541 tenace. Cependant l'ingestion de corps thyroïde, prescrite selon la méthode préconisée par l'auteur, amena bientôt une modification favorable nette- ment sensible sur les photographies soumises au Congrès. Dès le début, affaissement des plaques et diminution de la rougeur ; puis les squames deviennent moins épaisses , moins nacrées, moins abondantes, se repro- duisent moins facilement. Mais l'amélioration, après quelques jours, ne fait plus de progrès ; elle tend à s'atténuer quand on cesse la médication. Celle-ci reprise, après une interruption d'une huitaine de jours, n'amène pas de progrès bien sensibles sur l'état obtenu par la première période du traitement. Aussi M. Mossé n'espère pas que l'amélioration ait persisté très longtemps après la sortie de la malade. Ces deux observations, bien que dans les deux cas l'ingestion thyroï- dienne ait été suivie d'une modification favorable évidente de l'éruption, ne sauraient constituer pour l'auteur des arguments de nature à établir dans le traitement du psoriasis la prééminence thérapeutique d'une médi- cation essentiellement active qui a l'inconvénient, dans les affections de longue durée, de ne pouvoir être prolongée sans danger et de devoir être forcément interrompue de temps en temps. Chez ces deux malades, M. Mossé a étudié, avec l'aide de M. Cellarié, l'excrétion nychthémérale de l'urée, de l'acide urique, de l'acide phospho- rique et des chlorures, en même temps qu'il notait les variations du poids des sujets. Les graphiques présentés au Congrès permettent de saisir d'un coup d'oeil la marche de ces phénomènes et montrent l'influence considérable exercée sur la nutrition, même par de petites quantités de corps thyroïde. En terminant, l'auteur insiste sur la prudence et la surveillance indis- pensables, dans tous les cas où l'on a recours à la médication thyroïdienne ; sur les avantages que présente l'emploi du corps thyroïde en nature ; sur la nécessité de formuler les doses en poids, non en lobes; enfin sur l'utilité d'interrompre la médication après quelques jours de traitement. 542 SCIENCES MÉDICALES MM. AÏÏCÏÏÉ et JÏÏNIOE YITRAC Agrégé. Chef de clinique chirurgicale à la Faculté de Médecine de Bordeaux. TUMEUR A MYÉLOPLAXES NON SARCOMATEUSE (MYÉLOME) DE LA JAMBE [616 994 + 617 5846 j L'observation suivante provient d'une malade opérée par M. J. "Vitrac, dans le service du professeur Lanelongue, de Bordeaux ; elle est particu- lièrement intéressante au point de vue clinique et histologique, car la tumeur enlevée correspond à un type assez rare de tumeur à myéloplaxes, celui que Heurlaux a décrit sous le nom de myélome dans les gaines ten- dineuses de la main. Observation. — La nommée Maria P. .. entre à l'hôpital Saint-André de Bor- deaux, salle 8, lit 2, dans le service de M, le professeur Lanelongue, pour une tuméfaction de l'extrémité inférieure de la jambe gauche. Elle est âgée de dix- huit ans. cuisinière, d'aspect robuste. 11 est à noter qu'un de ses frères est mort, à dix-neuf ans, d'une affection pulmonaire; elle-même a habituellement de la leucorrhée ; elle a eu, depuis cinq ans, de nombreux abcès amygdaliens à répétition et des poussées concomitantes de laryngite. Pas de signes actuels de tuberculose pulmonaire. L'état général est resté bon. Voici quelle est l'histoire de cette malade. 11 y a deux ans, vers la fin de l'année 1893, elle se fit, à l'occasion d'un faux pas, une entorse tibio-tarsienne gauche. Jusqu'alors elle n'avait rien ressenti d'anormal : point de faiblesse ou de maladresse habituelles du membre inférieur gauche ; du reste, l'entorse parut guérir sous l'influence du simple repos, sans laisser de traces, puisqu'il faut attendre encore un an pour voir se manifester de nouveaux symptômes. Au début de 1895, en effet, Maria P... remarqua qu'après la marche, le pied et la jambe gauches augmentaient un peu de volume, sans aucune gêne, sans dou- leurs ; puis elle s'aperçut qu'il existait sur le côté externe de sa jambe une petite tuméfaction, élastique, indolente, qui remplissait en partie le creux rétro-malléolaire externe, allant en arrière jusque sur le bord du tendon d'Achille et située à quelques centimètres au-dessus de la malléole péronière. Cette petite tumeur, peu à peu augmenta de volume jusqu'à acquérir les proportions actuelles, en même temps qu'elle devenait le point de départ de quelques phénomènes douloureux, ce qui décida la malade à se faire soigner. Au moment de l'examen (décembre 189b), Maria P..., avons-nous dit, n'a d'autre symptôme morbide que celui qui l'amène à l'hôpital; elle n'a pas maigri et présente tous les signes d'une belle santé. La moitié inférieure de la jambe et le cou-de-pied sont notablement plus volumineux à gauche qu'à A.UCHÉ ET JUNIOR VITRAC. — TUMEUR A MYÉLOPJ \\l> DE LA JAMBE 513 droite. Le gonflement, diffus, est plus accusé en dehors, un peu au-dessus et en arrière de la malléole, où existe une véritable tumeur, qui repousse les téguments en faisant une saillie du volume d'une petite orange. A la surface de celle-ci, la peau est mobile, traversée par un réseau veineux assez abondant; de l'œdème existe dans le voisinage seulement. La tumeur est dans toute son étendue élastique, mais non fluctuante, assez régulièrement arrondie et supportée par une base élargie. Elle descend en bas presque jusqu'au niveau de la pointe malléolaire externe; en haut, elle est perceptible sur une hauteur • le sept centimètres ; en arrière, elle va jusqu'au tendon d'Achille, qui parait s'appliquer à sa surface; en avant, une légère dépression semble la séparer du péroné : toutefois, on est frappé de l'élargissement que présente toute l'extrémité inférieure de cd os. La face externe de la malléole, en effet, est large de quatre centimètres; elle parait être le siège d'une tuméfaction diffuse, doulou- reuse à la pression et à la percussion ; pas de trace d'un cal ancien. Ajoutons que la tumeur elle-même n'est aucunement douloureuse; que dans l'étal de repos seulement elle est assez mobile de haut en bas, et à peine d'avant en arrière ; elle est absolument immobilisée dans les diverses altitudes de contrac- tion des muscles. Au-dessus et au-dessous d'elle on perçoit les muscles et ten- dons péroniers; ceux-ci, pas plus que le tendon d'Achille, n'entraînent la tumeur dans les mouvements, du reste absolument libres, qu'ils impriment au pied. L'impossibilité dans laquelle on se trouvait d'assigner une limite profonde à la tumeur par l'exploration de la face externe seule, était expliquée par les pro- longements qu'elle émettait entre le tendon d'Achille et le squelette delà jambe jusqu'au creux rétro-malléolaire interne. Là, en effet, on put constater qu'il existait en arrière du tibia un peu au-dessus de la pointe de la malléole, une tu- méfaction haute de six à sept centimètres, qui présentait, sauf le développement veineux, les mêmes caractères cliniques que celle déjà constatée sur le côté externe : même fixité, même indolence, même diffusion de ses limites, mas- quant les tendons de la région, tout en laissant entièrement libre leur action motrice. Il était à noter cependant que le tibia lui-même avait conservé sa forme absolument normale et n'était nullement douloureux à la percussion sur place ou à distance. l'oint de battements, ni souille sur la tumeur, en dedans ou en dehors; les battements des artères au-dessous d'elle étaient nettement perçus; sensibilité normale; aucune trace d'engorgement ganglionnaire. La malade n'éprouvait, à l'état de repos, aucune douleur spontanée ; pendant la marche, elle se plaignait de souffrir au niveau du talon et de la partie infé- rieure et postérieure do la jambe. En raison des antécédents probablement tuberculeux de la malade, de la durée d'évolution de sa maladie, de la quasi-indolence, de la diffusion et des rapports de la tumeur, le diagnostic porté fut celui de synovite tuberculeuse à forme fibreuse de la gaine des péroniers, avec extension dans les gaines postérieures de la jambe, et ostéite au premier degré de la malléole externe. L'opération proposée fut Y extirpation par raclage de la tumeur. 12 décembre 1895. — Après application de la bande d'Houzé sur la face externe de la jambe, incision de quinze centimètres environ, légèrement curviligne et dépassant en bas la pointe malléolaire. Sous l'aponévrose superficielle, la tumeur mise à jour parut plus volumineuse qu'on ne l'avait supposé ; en outre, oii SCIENCES MÉDICALES je fus frappé par l'existence à sa surface d'une coque fibreuse assez résistante, sous laquelle se distinguait déjà sa coloration particulière. Je ne pus reconnaître, malgré les mouvements imprimés au pied, quelle était exactement la situation des péroniers, et je dus, pour m'en assurer, inciser la capsule et une partie de la tumeur. La coupe était dure, de consistance charnue, formée d'îlots rou- geâtres ou jaunes qui n'avaient point l'aspect même de fongosités anciennes. Cette exploration du reste étant restée négative, il fallut agrandir l'incision des téguments pour rechercher à la surface de la tumeur les péroniers. Ces muscles étant mis à jour au-dessus delà tumeur, il fut facile de constater que leurs tendons glissaient à sa partie antérieure, fortement comprimés contre le péroné en avant et facilement isolables de la masse néoplasique. Celle-ci, par contre, adhérait entièrement au péroné. Les péroniers furent isolés jusque dans la gouttière calcanéenne. En arrière, même séparation possible de la face anté- rieure du tendon d'Achille et de la tumeur. Le doigt profondément insinué au- devant du tendon, je pus arriver à séparer la tumeur des parties molles jusqu'à la face interne de la jambe, et je dus alors, rectifiant le premier diagnostic, conclure que j'avais affaire à une tumeur encapsulée en arrière et sur les côtés, mais absolument fixée peut-être à la partie postérieure de l'articulation tibio- tarsienne, sûrement au squelette et à son revêtement musculo-aponévrotique. J'excisai alors au bistouri la partie exubérante de la tumeur en dehors, de façon à pouvoir juger plus exactement de ses rapports en avant. Grâce aux manœuvres devenues ainsi plus faciles, il fut possible, prenant le néoplasme par ses limites supérieures, de le détacher du péroné d'abord; par des tractions aidées de dé- collements à la rugine, je détachai quatre ou cinq fragments allongés, d'aspect mûriforme, gros comme le petit doigt au plus, qui remplissaient la cavité mé- dullaire de l'os, que je fus ainsi conduit à évider dans tout son tiers inférieur. La malléole elle-même était remplie par une grande quantité de masses néo- plasiques plus ou moins volumineuses, qui venaient facilement par le simple curettage digital ; d'autres étaient plus adhérentes à l'os et entraînaient avec . elles quelques parcelles de tissu osseux. Ces fragments étaient minces, véritables pellicules recouvertes d'un tissu d'aspect fibroïde, nacré, comme un périoste véritable ; leur cassure avait en outre l'apparence du tissu osseux normal. La pointe malléolaire seule avait conservé son épaisseur normale ; quant au reste de la diaphyse péronière, elle était réduite à une coque fragile en dehors, les faces postérieure et interne étant complètement détruites. A la place du ligament interosseux existaient encore des masses néoplasiques dont la poursuite nous amena jusque sur le tibia. Cet os, par sa face externe et postérieure, dut être évidé comme le péroné ; sa cavité médullaire était remplie par de longs boyaux de tumeur qu'il fut facile d'attirer au dehors après avoir détaché ce qui restait des insertions du fléchisseur commun des orteils et du jambier postérieur. La face postérieure du tibia, en effet, était à peu près absente ; sa face interne nous parut avoir conservé une épaisseur normale. L'articulation tibio-tarsienne n'était pas intéressée. Les parties principales de la tumeur étant enlevées, il ne resta plus dans la partie antérieure de la plaie, à la place des os modifiés, qu'un ensemble de cloi- sons amincies, limitant des cavités plus ou moins anfractueuscs, larges ou profondes, toutes tapissées par une membrane d'aspect périostal. Même revête- ment, du reste, sur les cloisons osseuses qui se croisaient en tous sens, donnant au squelette l'apparence de la base du crâne recouverte de la dure-mère après ablation du cerveau. Aucune trace de nécrose, pas de séquestres mobiles, l'os AUCHÉ ET JUNIOR V1TRAC. — TUMEUR A MYÉLOPLAXES DE LA JAMRE 545 semblait donc avoir été raréûé, usé par le néoplasme, plutôt que participer à son développement même. Pour assurer une ablation complète du néoplasme, quelques arêtes osseuses furent abrasées, et l'os fut soigneusement creusé avec la gouge ou avec une curette fine partout où le périoste ne semblait pas absolument lisse. Une partie des attaches du court péronier et du fléchisseur commun avait dû être sacrifiée, les tendons des péroniers mis à nu jusque dans leur gouttière calcanéenne. Aucune hémorragie ne suivit l'ablation de la bande d'Houzé ; la large plaie fut largement badigeonnée au chlorure de zinc, tamponnée à la gaze iodo- formée; l'aponévrose superficielle réunie par un surjet. Premier pansement quinze jours après: réunion de la plaie, suppression de la gaze, remplacée par un drain. La coque malléolaire externe était formée par l'assemblage de plusieurs fragments dont la palpation décelait l'existence d'une crépitation manifeste; un peu au-dessus, en un point, la diaphyse péronière semblait absente. Aspect normal de la malléole et de la face interne du tibia. Sonorité manifeste dans toute la région du cou-de-pied et du tiers inférieur de la jambe. Les suites immédiates ont été excellentes: le drain a été supprimé après un mois, pendant lequel, peu à peu, la continuité de la diaphyse et l'homogénéité de la malléole péronière se sont rétablies ; la sonorité a disparu en même temps que devaient se combler les vides de la substance osseuse. Les premières tentatives de marche ont élé douloureuses, suivies de l'appa- lition d'un peu d'eedème; il fallut, en effet, de nombreuses séances de massage pour assouplir l'articulation tibiotarsienne et redonner aux muscles un peu de tonicité. Au reste, encore aujourd'hui, trois mois el demi après l'intervention, l'extension du pied est bridée par la rétraction du tendon d'Achille, peut-être aussi par sa soudure partielle avec les tissus cicatriciels profonds et par l'existence d'un trajet fistuleux adhérent : ce trajet est resté dans la place antérieurement occupée par le drain, il est bordé par du tissu cutané sain; le fond est rosé, non bourgeonneant, ni exubérant, sans communication perceptible avec les parties sou's-jacentes. Mais cette ulcération est cependant absolument immobi- lisable ; elle laisse écouler journellement quelques gouttes à peine d'un liquide franchement séreux. (En octobre 18!JG, Maria P... a été revue, elle se sert très bien de sa jambe). Quant à l'avenir de notre malade, s'il est seulement probable que la tumeur ne récidivera pas, au moins sommes-nous en droit d'affirmer qu'une récidive sur place ne fera que remettre les choses dans l'état où elles étaient lors de la première intervention. Du reste, nous nous étions cru autorisé à ne faire qu'une extirpation du néoplasme, vu la certitude où nous étions de n'être en présence ni d'un carcinome, ni d'un sarcome globo-cellulaire, à forme molle ou lélangec- tasique. La possibilité d'énucléer la tumeur que nous supposions d'emblée être quelque variété de fibro-sarcome ou peut-être de tubercule, sans sacrilier les parties molles, ni même ruginer les os simplement repousses 3o* 546 SCIENCES MÉDICALES et raréfiés, la conservation du périoste à leur surface, la liberté de l'arti- culation, nous avaient engagé à repousser toute idée d'amputation. La tumeur enlevée présente, tous les fragments une fois réunis, le volume total d'une très grosse orange ; la masse principale étant incisée, sa coupe a un aspect marbré dont le fond, rouge et lisse, est coupé par des bandes jaunâtres de même consistance, ou des îlots également jaunes mais plus mous. — Ces dernières productions s'isolent facilement du reste de la tumeur ; elles sont presque uniquement constituées par de la graisse et ce sont elles qui forment le plus grand nombre des parcelles de la tumeur séparément enlevées. Toutefois, dans quelques-unes de celles-ci, les plus allongées, les plus consistantes au toucher, il est possible de retrouver la triade des tissus déjà signalés. Voici maintenant quel est le détail de l'examen microscopique qu'a pratiqué M. le professeur agrégé Auché :, A. État frais. — Le produit du raclage de la tumeur est étalé sur une lame et examiné sans coloration. On y voit de larges nappes huileuses à contours réfringents et arrondis qui se déplacent lorsqu'on vient à incliner la prépa- ration, et des éléments cellulaires volumineux, arrondis, à surface mûriforme qui suivent les courants des nappes huileuses : ce sont des cellules adipeuses farcies de gouttelettes graisseuses que les préparations, après fixation, nous permettront de retrouver en très grand nombre dans le néoplasme. On y trouve encore d'autres cellules à forme irrégulière et de volume très inégal. B. — Les fragments multiples de la tumeur sont fixés par : Alcool à 90°. Acide osmique 1/150°. Liqueur de Mùller. Solution de sublimé acétique. Les fragments calcifiés et les lamelles osseuses, enlevés avec la tumeur, sont placés dans de l'eau contenant un excès d'acide picrique. Tous ces fragments sont montés dans la paraffine et débités au microtome mécanique. Les coupes sont colorées de différentes façons : hématoxyline et éosine ; hématéine ; cochenille ; gomme iodée ; fuchsine acide picriquée après coloration des noyaux à l'hématoxyline ; orcéine acide, etc., etc. Sur les préparations ainsi faites, on distingue de prime abord : 1° Du tissu conjonctif fibreux, disposé à la périphérie de la tumeur, sous forme d'une membrane limitante plus ou moins épaisse, et, dans l'épaisseur, sous forme de faisceaux épais de tissu fibreux, de foyers conjonctifs à tissu plus lâche ou de tractus plus ou moins épais, isolés ou plus souvent irrégulièrement anastomosés ; 2° Des vaisseaux sanguins, situés soit dans les parties fibreuses ou conjonc- tives, soit dans les masses cellulaires occupant les intervalles laissés entre les tractus conjonctifs de la tumeur, mais toujours limités par une paroi propre conjonctive ; 3° Des cellules adipeuses très abondantes, quelquefois irrégulièrement infiltrées AUCHÉ ET JUNIOR VITRAC. — TUMEUR A MYÉLOPLAXES DE LA JAMBE 547 entre les autres éléments, plus souvent disposées sous forme d'ilôts irréguliers •et plus ou moins étendus ; 4° Des cellules plus abondantes que les précédentes, assez souvent multi- n uclées ; 5° Des îlots osseux en voie de disparition. I. Tissu conjonctif. — Dans son ensemble, le tissu conjonctif forme une sorte île stroma excessivement irrégulier, abondant dans certains points, très rare dans d'autres ; composé de faisceaux denses et volumineux dans quelques régions, de filaments très délicats dans d'autres, on le rencoutre à la périphérie de la tumeur et dans son épaisseur. A la périphérie, il forme une lame à peu près continue qui enveloppe la tumeur. Assez épaisse dans certains points, cette lame est très mince dans d'autres et représentée seulement par quelques fins faisceaux conjonctifs parallèles à la surface. Sur toute son étendue, elle est d'ailleurs formée de faisceaux conjonctifs plus ou moins gros, parallèles à la surface du néoplasme, mais dirigés dans des sens différents et par conséquent coupés tantôt suivant leur longueur, tantôt perpendiculairement à leur axe. Ils sont assez largement espacés et, dans leurs intervalles, se trouvent de nombreuses cellules à proto- plasme ramifié, à noyau unique, volumineux et fortement coloré. Les fibres élastiques y sont excessivement rares ; on en voit seulement quel- ques-unes de loin en loin, serpentant entre les faisceaux conjonctifs. Il existe quelques vaisseaux sanguins dans l'épaisseur de cette lame fibreuse. Tous ont une paroi conjonctive parfaitement nette et sont entourés, en général, d'un réseau serré de fibres élastiques, formant un manchon vasculaire et périvascu- laire toujours peu épais. Sur quelques points, cette lame conjonctive limite véritablement le néoplasme. Sur beaucoup d'autres points, on trouve sur sa face externe une couche très mince et très irrégulière d'un tissu formé de nombreuses cellules rondes à noyau unique et vivement coloré, de quelques cellules remplies de gouttelettes graisseuses, d'un certain nombre de médullocelles, de myéloplaxes, ou cellules très volumineuses, arrondies ou légèrement irrégulières, pourvues de noyaux multiples et, enfin, entre tous ces éléments, de très nombreux globules rouges. Dans quelques endroits de ce tissu existent des cavités arrondies ou cylindriques, bordées par un revêtement endolhélial continu et remplies de globules rouges et de quelques globules blancs. La limite entre la lame fibreuse et ce tissu n'est pas absolument nette, mais les filaments conjonctifs qui pénètrent dans les parties les plus profondes de celui-ci se perdent très vite et, bientôt, il n'existe plus que le tissu tel qu'il vient d'être décrit, qui n'est que de la substance médullaire plus ou moins altérée. Sur la face profonde de cette lame fibreuse, les faisceaux conjonctifs s'espacent de plus en plus ; ils perdent leur direction parallèle à la surface de la tumeur et s'enfoncent dans le néoplasme sous forme de Lractus conjonctifs, tout d'abord souvent anastomosés, plus loin irrégulièrement disséminés dans la tumeur. Dans Vépaisseur du néoplasme, le tissu conjonctif est disposé sous des aspects très divers. Tantôt il est composé de gros faisceaux fibreux ondulés, parallèles les uns aux autres, très serrés et séparés entre eux par des cellules très aplaties. Par leur réunion, ces faisceaux forment des tractus fibreux quelquefois 548 SCIENCES MÉDICALES volumineux, quelquefois plus grêles, situés sans ordre dans la tumeur. Dans- certaines régions, ils sont très nombreux : les uns sont coupés suivant leur longueur ou très obliquement, d'autres perpendiculairement à leur axe. (Cette disposition est excessivement bien mise en évidence par l'emploi de la fuchsine: acide picriquée.) Ailleurs, le tissu conjonctif forme des îlots plus ou moins étendus où les faisceaux très délicats s'entrecroisent et s'anastomosent en tous sens, de façon à circonscrire des espaces ne contenant qu'un très petit nombre d'éléments cellulaires, quelquefois un seul. Ces îlots, de forme irrégulière, ont des bords diffus, déchiquetés et dentelés. Ils sont quelquefois isolés dans la préparation et entourés par la masse cellulaire ; plus souvent, de leurs bords partent des tractus plus fins qui forment autour d'eux un lacis plus ténu, plus délicat, se perdant peu à peu en s'anastomosant avec des îlots voisins. Ailleurs encore, les tractus conjonctifs sont plus grêles et anastomosés de façon à cir- conscrire soit des loges très petites, soit des mailles beaucoup plus grandes. Dans d'autres points enfin, ce sont de petits îlots d'où rayonnent quelques filaments conjonctifs ou de simples filaments très grêles, isolés ou irréguliè- rement disposés dans la coupe. II. Vaisseaux sanguins. — Les vaisseaux sanguins sont assez nombreux et assez gros. Ils sont situés, soit dans les îlots conjonctifs, soit dans les masses cellulaires, mais partout ils ont une paroi conjonctive parfaitement nette, rendue très évidente par l'emploi de la fuchsine acide picriquée qui les dessine sous la forme d'un anneau rose plus ou moins mince. Quelques-uns, en effet,, ont une paroi conjonctive épaisse, tapissée intérieurement par un revêtement endothélial, entourée extérieurement d'une membrane plus ou moins épaisse de tissu cellulaire lâche qui se confond avec le tissu des îlots conjonctifs, lorsque les vaisseaux sont situés dans leur épaisseur, ou se trouve en contact avec les masses cellulaires dont il sépare les vaisseaux. Quelques vaisseaux forment un centre d'où partent des tractus conjonctifs qui rayonnent autour d'eux. D'autres ont une paroi conjonctive mince, revêtue d'un endothélium très- évident, mais n'ont pas de manchon conjonctif périvasculaire et se trouvent en contact direct avec les masses cellulaires qui les entourent. III. Éléments néoplasiques. — Les cellules néoplasiques occupent les espace* laissés libres entre les faisceaux et les fins tractus conjonctifs. Ces espaces ont des dimensions extrêmement variables ; les uns contiennent une ou seulement quelques cellules, tandis que d'autres sont très grands et remplis par une véritable nappe cellulaire. Les plus petits espaces sont occupés par une ou deux cellules, en général petites, irrégulières, ramifiées, moulées sur l'espace qu'elles remplissent. Elles sont formées d'un noyau allongé ou irrégulier, entouré d'une faible membrane protoplasmique ramifiée. Mais la majeure partie de la niasse cellulaire est formée par des cellules arrondies ou polygonales par pression réciproque, de volume un peu supérieur ou à peu près égal à celui des globules blancs. Elles sont constituées par une masse protoplasmique souvent un peu rétractée, très finement grenue et peu abondante, entourant un noyau d'aspect très variable. Le plus souvent il est arrondi, fortement coloré et nettement nucléole ; d'autres fois, il est irrégulier ou contourné en croissant ; d'autres ibis, il est étiré en bissac et chaque extrémité renflée possède un nucléole : ailleurs, il est allongé et présente un ou deux traits de division qui le séparent AUCHÉ ET JUNIOR VITRAC. — TOMEUR A MYÉLOPLAXES DE LA JAMBE 5*40 en deux ou trois segments accolés; ailleurs enfin, on reconnaît qu'un noyau, au premier abord unique, se trouve en réalité composé de deux ou trois noyaux nucléoles, pressés les uns contre les autres et ne formant pas ensemble une masse plus volumineuse qu'un noyau ordinaire. A côté dés précédentes, et disposées sans aucune régularité au milieu d'elles, existent d'autres cellules moins nombreuses, mais plus volumineuses, irrégulièrement arrondies ou ovalaires, formées d'une masse protoplasmique plus volumineuse et plus ou moins colorée, entourant deux, trois, quatre noyaux. Enfin, il y a encore de très grosses cellules de forme le plus souvent arrondie ou un peu allongée, parfois irrégulière, composées d'une masse protoplasmique volumineuse assez fortement colorée et présentant des prolongements irréguliers sur ses bords. Elle entoure un grand nombre de noyaux, variables de quatre ou cinq à dix ou douze et par lui s davantage. Ces cellules multinucléées, ou myéloplaxes, sont très irrégulièrement dissé- minées dans les préparations : très abondantes dans certains points, elles sont rares dans certains autres. Elles se sont généralement rétractées sous l'influence de réactions, et autour d'elles se trouve le plus souvent un espace clair, irré- gulier, les séparant des cellules du voisinage. Un assez grand nombre de cellules, mais les cellules mononucléées ou paucinucléées seulement sont chargées de granulations fines, régulières, arrondies, de coloration jaune foncé. Elles sont quelquefois peu nombreuses et disséminées dans le protoplasma ; d'autres fois, et non par le rapport de leurs carrés ; c'est-à-dire que la formule auditive revêt pour eux la même forme que celle de l'acuité visuelle. Or si cette formule est vraie pour les examens optométriques, où le diamètre apparent des carac- tères varie simplement comme leur distance, elle cesse complètement d'être exacte quand on l'applique aux essais acoumétriques, dans lesquels l'intensité du son est inversement proportionnelle non plus à l'éloignement de la source sonore, mais au carré de cet éloignement. On peut d'ailleurs juger quelle cause d'erreur cette simplification trop commode introduit dans les résultats, si l'on songe que dans le cas que nous avons pris plus 1 haut pour exemple, elle conduirait à attribuer une valeur de^à une acuité auditive qui, de par toutes les lois de l'acoustique, est en réalité égale ai- Je veux, avant de terminer, aller au devant d'une objection dont je ne chercherai point à nier la valeur : c'est que cette acuité normale, qui doit servir de mesure aux variations pathologiques de l'audition, est elle-même V. HANOT. — CANCER DE l'aMPOULE DE VATER o59 une quantité fort variable et qui peut, d'un sujet à l'autre, osciller dans d'assez larges limites. Peut-être suffirait-il de répondre que l'acuité visuelle normale ne repré- sente pas, à tout prendre, une valeur beaucoup plus fixe, ce qui n'a pas empêché les ophtalmologistes de l'accepter comme unité. Toutefois, il faut reconnaître que la valeur de l'audition, même sans sortir des limites de ce qu'on est convenu d'appeler l'état normal, est sujette à des différences individuelles particulièrement étendues : aussi sera-t-il toujours bon de n'établir cette valeur que sur l'examen comparé d'un certain nombre de sujets normaux, dont on déduira une moyenne. Comme l'âge, en parti- culier, apporte, en dehors de toute maladie, d'énormes différences dans l'étendue de l'audition, il serait évidemment injuste de prendre pour base de calcul une valeur de l'acuité normale applicable en bloc à tous les sujets. Pour atténuer, autant qu'il est possible, cette cause inévitable d'erreur, le seul moyen serait peut-être d'établir conventionnellement une sorte de groupement suivant les âges, par périodes de cinq années par exemple, d'établir pour chacune de ces périodes la valeur particulière de l'acuité normale, et de répartir chaque sujet dans le groupe qui lui serait attribué par son âge. C'est-à-dire que dans la formule générale de l'acuité auditive, le terme D, que nous supposions tout à l'heure invariable, prendrait des valeurs progressivement décroissantes à mesure que l'observation porterait sur un sujet plus âgé. M. Y. ÏÏANOT Agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. CANCER DE L'AMPOULE DE VATER [6175532951.646] — Séance du 2 avril 1896 — Le cancer de l'ampoule de Vater est rare. Dans sa thèse, le D' M. Busson (1) n'a pu en réunir que onze cas i M. BUSSON. - Du Cancer de l'ampoule de Vater. Th. Paris, 1890. 560 SCIENCES MÉDICALES publiés antérieurement (l), concernant huit hommes et trois femmes. Le Dr Busson a relevé les symptômes suivants : ictère chronique, pro- gressif, apyrétique, avec décoloration des fèces, sans douleurs vives, avec hypertrophie moyenne du foie, amaigrissement croissant jusqu'à la mort, survenue quelquefois moins de cinq mois, rarement plus de neuf mois après le début des accidents. Dans les deux observations de Merckel, la maladie s'est terminée par péritonite sans perforation intestinale. Dans le cas où l'examen histologique a été fait, il s'agissait d'épithé- liome à cellules cylindriques. Le D1' Busson signale quelques particularités intéressantes, relevées dans les observations qu'il rapporte. Dans deux observations, le début de l'ictère fut brusque. Dans le cas de Stokes, l'ictère était intermittent : « Il est probable que le champignon cancéreux placé à l'extrémité du canal cholédoque jouait le rôle de sou- pape qui, se soulevant par intervalle, permettait à la bile de s'écouler librement dans l'intestin pendant assez longtemps pour que la bile pût' s'écouler ». (Busson, loc. cit., p. 15.) Dans l'observation 1, Fictère a fait complètement défaut. Le malade de Second-Féréol présenta du mœlena. A propos du diagnostic différentiel, M. Busson rappelle que Bar et Pic en ont attribué au cancer du pancréas un syndrome spécial : ictère profond à début rapide et progressif; distension énorme de la vésicule biliaire, facilement perceptible à la palpation. Amaigrissement et cachexie rapides ; courte durée de la maladie. M. Busson ajoute : « Ces symptômes, comme nous l'avons vu, s'appliquent absolument au cancer de l'ampoule de Vater ; de plus, ils ne s'appliquent pas toujours au cancer du pancréas, celui-ci ne siégeant pas exclusivement dans la tête. Et, lors même que la tète en serait le siège exclusif, les symptômes énumérés plus haut (1) Obs. I. — Symptômes d'étranglement intestinal. Pas d'ictère. Cancer du canal cholédoque. Dila- tation des voies biliaires. (Durand-Fardel, in Arch. gén. de méd., 1840.) Obs. II. — Tumeur cancéreuse île l'ampoule de Vater. Ictère noir. Hémorrhagies ultimes. (Second- Féréol, Recueil des travaux de la Société méd. des observ. 1859-1803, t. III, p. 123.) Obs. III. — Sur un cas de cancroide du duodénum avec ictère. (Merckel, in Wiener med. presse, 1868 ) Obs. IV. — Sur un cas d'ictère et de. mort consécutifs à l'obstruct. du canal cholédoque par un épi- théliome du duodénum. (Merckel, in Wiener med. presse, 1S68.) Ods. V. — Carcinome médullaire du duodénum avec obstruction et envahissement des conduits hépa- tiques. [Pathol. transact. Society London, 18800 uns. VI. — Cancer de la deuxième portion du duodénum. Ictère, mort huit mois après l'apparition de l'ictère. (Avezon, Bull. Soc. anal. 1875.) Obs. VII. - Cancer du duodénum avec oblitération du canal cholédoque. (Frerichs, Traité des maladies du foie.) Obs. VIII. — Cancer du duodénum au niveau de l'ampoule de Vater. (Marthe. Bull. Soc. anat., 1887.) Obs. IX. — Rétention biliaire. Oblitération du canal cholédoque au niveau de son embouchure par un petit nodule épiûtéliomateu.r. (Mores, Bull. Soc. anal., 18S9.) Obs. X. — Épitliélioma de l'ampoule de Vater. (Polliet, Bull. Soc. anat., 1889.) Obs. XI. — Cancer de la deuxième portion du duodénum. (Stokes, The Dublin Quaterly of med. Science.) V. 1IA.N0T. — CANCER DE L AMPOULE DE VATER 561 pourraient ne pas toujours se rencontrer réunis, le canal cholédoque n'ayant chez certains sujets aucune connexion intime avec la tète du pancréas. Somme toute, les symptômes cités par Bar et Pic ne s'applique- raient pas à tous les cas du cancer du pancréas, tandis qu'on les rencon- trerait toujours dans le cancer de l'ampoule de Vater ». (Loc. cit., p. 21) Voici maintenant une nouvelle observation que j'ai recueillie en 1893 dans mon service de l'hôpital Saint-Antoine : Obs. — M...., Frédéric, âgé de quarante ans, employé dans une fabrique de pianos, entre le 30 juillet 1895, salle Magendie, lit n° 21, dans le service du Dr Hanot. Antécédents héréditaires. — Père mort à soixante-douze ans, mère âgée actuel- lement de soixante-dix-huit ans, bien portante. Des onze enfants qu'ont eus ses parents, il en reste cinq. Les autres sont morts, en bas âge, de convulsions. Antécédents personnels. — .Va pas présenté d'accidents strumeux; dans son enfance, n'a contracté aucune fièvre éruptive. 11 a fait son service militaire. Fut ensuite employé dans une fabrique de produits chimiques, puis depuis seize ans dans une fabrique de pianos. Il est marié et a eu deux enfants ; récemment est morte poitrinaire une fille fle vingt an> : l'autre est bien portante. 11 a toujours été très robuste. En revenant du service militaire, il pesait 182 livres. Il y a deux ans, il pesait encore 470 livres. A cette époque, il se fit une fracture de la malléole externe pour laquelle il entra à l'hôpital Bichat, où il resta douze jours couché, puis passa une vingtaine de jours au repos chez lui. Début. — Le malade fait remonter à ce moment le début de son affection actuelle. Il commença à maigrir et ne pesait plus en juillet 1894 que 145 livres. Au mois de décembre 1894, il remarqua que ses forces diminuaient notable- ment. Il ne souffrait d'ailleurs nullement et avait conservé un bon appétit. En même temps son teint commençait à devenir jaune. Un jour, dans le courant de décembre, à l'occasion d'une diarrhée survenue sans cause appréciable, il examine ses matières et s'aperçoit qu'elles sont complètement décolorées. blanches, liquides et extrêmement fétides. Depuis ce temps, elles ne se sont jamais recolorées. L'ictère s'accentue progressivement et devient bientôt très net. Jamais de douleurs de colique hépatique. M entre le 28 janvier 1895 à l'hôpital de Saint-Denis, dans le service du Dr Dupuis. Le foie est trouvé gros. Un vésicatoire, des pointes de feu, trois cautères sont successivement appliqués au niveau de la région hépatique. Au bout de trois mois, il quitte l'hôpital, sans être amélioré. Il lui semble cepen- dant qu'il est moins jaune. Rentré chez lui, il se remet à manger avec appétit des légumes frais et des fruits. Dans l'après-midi, il fait chaque jour une promenade au grand air, et il se sent mieux. Il réprend même son travail pendant cinq semaines. Au bout de ce temps, il est à nouveau fatigué. Dans les derniers jours de juin, il est pris de lièvre, entre de nouveau à l'hôpital de Saint-Denis, où il reste vingt jours. Pendant cinq jours, la température s'élevait le soir à 40 degrés et était le matin à 38 degrés. Il avait de petits frissons, des sueurs abondantes. L'appétit avait disparu. Il ressentait en outre des démangeaisons vives sur tout le corps. 36* 562 SCIENCES MÉDICALES A plusieurs reprises, il fut ainsi pris, pendant quatre à cinq jours, de fièvre et de sueurs abondantes. Bientôt les accès disparurent, la température descendit au-dessous de 38 degrés. Le malade quitta l'hôpital de Saint-Denis le 28 juillet, alla consulter M. le professeur Terrier et entra le 30 juillet à l'hôpital Saint- Antoine, salle Magendie, lit n° 21. On ne relève chez M ni paludisme, ni syphilis. 11 boit un litre et demi de vin par jour, du rhum, parfois une absinthe. Il ne présente ni cauchemar, ni pituites, ni tremblement. État actuel. — Malade de taille moyenne, d'apparence encore vigoureuse. Il a cependant beaucoup maigri. Dernièrement, il a été obligé de couper 25 centi- mètres à sa ceinture de cuir. Les phalanges des mains, un peu décharnées, sont volumineuses et légèrement nouées au niveau des deuxièmes articulations. Les ongles tendent à s'incurver à leur extrémité. Il existe un ictère, accentué surtout au niveau de la l'ace, où il offre une teinte verdàtre. Les sclérotiques, la langue, le voile du palais, sont fortement colorés. En découvrant le malade, on remarque que les fausses côtes et l'appendice xyphoïde sont saillants sous la peau ; celle-ci présente dans la région sus-ombi- licale des traces de pointes de feu et les cicatrices de trois cautères. Par la percussion jointe à la palpation de l'abdomen, on délimite facilement le foie qui occupe une grande partie de l'abdomen. Son bord inférieur, résistant et assez mince, descend à droite à S centimètres de l'épine iliaque antérieure et supérieure. Il se dirige ensuite en remontant obliquement vers les fausses côtes gauches de façon à passer à 1 centimètre au-dessous de l'ombilic. A gauche, la matité du foie se continue sans délimitation nette avec une zone de submatité située à la base du poumon gauche. La matité supérieure, à droite, remonte au niveau du cinquième espace intercostal. La matité hépatique mesure sur la ligne mamelonnaire 23 centi- mètres et 24 centimètres un peu à gauche de cette ligne. En explorant la face antérieure du foie, on la trouve lisse, régulière et réni- tente. La percussion de la partie inférieure de l'abdomen ne dénote pas de matité. On n'obtient pas la sensation de Ilot. La matité splénique est difficile à apprécier. Le malade est soumis au régime lacté depuis trois mois. Il prend actuelle- ment trois litres de lait par jour, avec bon appétit. La langue est bonne. Ni diarrhée, ni constipation. Les matières restent complètement décolorées. Pas d'hémorrhoïdes. L'auscultation du cœur ne révèle rien d'anormal. La matité du cœur mesure diamètre horizontal : 10 centimètres. — — vertical î) — oblique 12 A l'examen de l'appareil pulmonaire, on note une zone assez étendue de submatité à la base du poumon gauche. A ce niveau, il existe une diminution du murmure vésiculaire et quelques frottements. On trouve en outre quelques râles sibilants disséminés. La colonne vertébrale présente une scoliose dorsale à concavité droite. Les urines sont abondantes : trois litres en moyenne. Elles sont fortement V. HANOT. — CANCER DE LAMPOULE DE VATER 563 colorées, contiennent des pigments biliaires. Pas d'albumine, ni de sucre. Pas d'urobiline, ni de chromogène d'urobiline. 4ii août. — L'état s'est peu modifié. Le malade se plaint de sa faiblesse et de son ictère. Il n'a point éprouvé la moindre douleur. L'appétit reste bon. Les selles restent décolorées. L'urine est en grande quantité, ne contient ni sucre, ni albumine, ni urobiline. Démangeaisons vives sur tout le corps. 2o août. — L'état se modifie peu. Sous l'inlluence de lotions vinaigrées, les démangeaisons ont presque complètement disparu. Le poids a été le 11 août de 138 livres. — 19 — 139 — — 25 - 139 - 11 ne parait donc pas maigrir depuis son entrée à l'hôpital. Depuis l'entrée, la température s'est maintenue aux environs de 37 degrés. L'urine est en grande quantité : de deux litres et demi à quatre litres. 42 septembre. — État à peu près stalionnaire. Le malade est levé la plus grande partie de la journée et il lui semble que ses forces ont une tendance à revenir. L'appétit reste le même : il boit trois à quatre litres de lait par jour, les digère bien. Les selles sont toujours complètement décolorées. On ne signale pas la moindre douleur. Les démangeaisons ne se sont pas reproduites. L'ictère ne varie pas. Une analyse d'urine donne les résultats suivants : Réaction Acide. Volume en 24 heures . . 3500cc. Couleur Jaune foncé. Densité 1007. Urée 9.307 par litre, en 24 heures: 32sr, 57. NaCl 5.265 - 18;r,42. p^Or' 0.79 2^r,76. Sucre Néant. Albumine Néant. Pigments biliaires ... En quantité appréciable. Urobiline En très minime quantité. L'épreuve de la glycosurie alimentaire est négative. 18 septembre. — Le poids du malade a diminué. Il a pesé le G septembre 130 livres 500 (au lieu de 139 livres le 28 août). — 18 — 129 livres. Il n'accuse aucun nouveau phénomène. Le tableau persiste le même : ictère, décoloration des matières, absence de douleur, certain degré d'amaigrissement, diminution des forces. Cependant le malade pense à quitter l'hôpital pour essayer de reprendre ses occupations. La température ne présente pas la moindre élévation vespérale. A la date du 15 septembre, un examen physique du foie a été pratiqué avec soin. Les dimensions, comparées à celles constatées le jour de l'entrée, montrent une diminution de volume de l'organe, comme le fait est représenté sur le schéma présenté à la Section. oGi SCIENCES MÉDICALES la octobre. — Le malade se sent amélioré. Il lui semble que ses forces sont revenues en partie , qu'il va pouvoir travailler. Les symptômes observés jusqu'à présent se sont peu modifiés. 11 existe toujours de l'ictère, de la déco- loration des matières, pas trace de douleur. L'appétit reste bon. Les selles sont régulières, décolorées. Température normale. i8 novembre. — Le malade a quitté, il y a cinq semaines, l'hôpital. Pen- dant quatre semaines, il est resté sans occupation, n'éprouvant aucune espèce de malaise. Il a repris alors son métier (employé dans une fabrique de pianos.) Au bout de ce temps, il ressent des phénomènes nouveaux qui l'obligent à interrompre son travail. Il éprouve des battements de cœur, de la gêne respiratoire, des vertiges et une céphalalgie frontale. L'ictère augmente d'intensité. Il se repose quelques jours chez lui, puis rentre de nouveau à l'hôpital. Pen- dant toute cette période, les matières ont été décolorées. L'organe hépatique n'a été le siège d'aucune douleur. Actuellement, les mêmes phénomènes persistent. La céphalalgie frontale est également diurne et nocturne. Elle est assez intense pour le priver de sommeil, la nuit. Elle est calmée en partie par l'usage de l'antipyrine. A l'auscultation du cœur, on entend un souffle systolique doux à tous les orifices. Au niveau des vaisseaux du cou, on perçoit un souffle continu avec redoublement. On compte 92 pulsations à la minute. R. 21. Pas de glycosurie, ni d'albumine, urobilinurie. Température : 38 degrés hier soir, 37 degrés ce matin. 27 novembre. — La céphalalgie a diminué. 11 se plaint d'une perte des forces telle qu'il lui est impossible de se tenir debout sur son séant. L'appétit est médiocre. Le malade est au régime lacté. Ictère, décoloration des matières. La température s'est maintenue le soir entre 37°,o et 38 degrés; le matin 37 degrés environ. Les quantités d'urine varient entre 2 litres 100 grammes et 3 litres 50!» grammes. Diarrhée depuis hier. 29 novembre. — Diarrhée persistante, assez intense : quinze selles par jour. Les matières sont décolorées. L'appétit est mauvais. Faiblesse généralisée. Léger œdème périmalléolaire. La céphalalgie, quoique ayant diminué, persiste moins violente. La teinte ictérique parait s'accentuer. Température: hier soir 37°, 9 ; ce matin 37°, I. A la partie inférieure du second espace inlero.-seux, on note en un point un soulèvement de l'artère interosseuse. /er décembre. — Persistance de l'état de faiblesse et des symptômes men- tionnés. La diarrhée diminue. Température : 37°,G hier soir; 3d°,6 ce matin. 6 décembre. — Depuis trois jours le malade se sent mieux. 11 souffre moins de maux de tète, dort assez bien la nuit, n'est plus dérangé par la diarrhée. Démangeaisons sur tout le corps, plus accusées au niveau des membres. Ma- tières toujours décolorées. La température reste le soir aux environs de 38 degrés ; le matin varie autour de 37 degrés. 7 décembre. — Démangeaisons vives. Pouls 80. Température: hier soir 37°,8; ce matin 37°,2. 9 décembre. — La diarrhée a reparu hier dans la soirée. M... ne se plaint que V. HANOT. — CANCER DE LAMPOULE DE VATEH S6S de ses battements de cœur. Œdème des jambes et de la face, exclusivement du côté droit. La céphalalgie n'a pas reparu. Démangeaisons. Pou's 88. Température : hier soir 38 degrés ; ce matin 36°,6. 12 décembre. — La nuit a été mauvaise à cause des démangeaisons que le malade a ressenties. Il est abattu, somnolent. Les pommettes se creusent de plus en plus, l'ictère persiste dans toute son intensité. On constate, quand on découvre le malade, une légère enflure, sous forme hémiplégique droite. La l'ace participe également à l'œdème par sa moitié droite. L'appétit est nul. Les selles sont décolorées. 16 décembre. — La diarrhée est abondante: six selles pendant la nuit. Température : hier soir 37°,6 ; ce matin 36°, 8. 19 décembre. — La diarrhée s'était arrêtée pendant vingt-quatre heures, mais a repris cette nuit avec intensité (sept selles). Ce matin, il est assez gai, loquace. Température : le 17 soir 37°,6 ; le 18 matin 37°, i ; — le 18 soir 37°,8 ; le 19 matin 37°,6. Pouls 96, régulier. On sent à la palpation du pouls radial une sorte de fré- missement analogue au frémissement veineux. 27 décembre. — Peu de modifications importantes. L'ictère, la décoloration des matières, les démangeaisons persistent. Il en est de même du souffle systolique au niveau des orifices cardiaques. La céphalée n'a plus fait son apparition. La diarrhée est complètement arrêtée. La température est un peu au-dessus de 3G degrés. L'œdème du côté droit a diminué. Il a complètement disparu à la face. 1er janvier 1896. — L'état de faiblesse s'accentue. Le malade est pris de ver- tiges quand il va sur le bassin. 4 janvier 1896. — Dans tout le côté droit, il ressent des douleurs violentes qui l'ont empêché de dormir. Il a beaucoup de difficulté pour respirer. Dans les garde-robes, on trouve une petite quantité de sang rouge mêlée aux matières fécales. Mort à sept heures du soir, sans incident nouveau. Deux examens du sang ont été pratiqués : 5 octobre: N. = 3.G38.000 B. = 14.446 R. = 2.218.300 Liq. A. = micro et macrocjtes. Sang frais: réticuleux, fin moyen, type îlots mer, viscosité normale. 8 octobre: B. = 15.180 (comptés sur 92 champs). AUTOPSIE Les plèvres ne sont le siège d'aucun épanchement. Le poumon droit est recouvert d'une plèvre non épaissie, sans adhérence aux 566 SCIENCES MÉDICALES parties voisines. A la coupe, on constate un œdème très accentué du lobe inférieur, d'autant plus visible que le liquide est teinté par la bile. Emphysème du lobe moyen. Œdème du lobe supérieur. Tubercules crétacés et cicatrices au sommet du poumon. Le poumon gauche présente dans toute son étendue une coque épaisse de pleurésie ancienne (qui explique la submatité à la percussion constatée pendant la vie), œdème considérable dans toute la hauteur, quelques adhérences au sommet. Le poids des poumons est pour le droit 770 grammes : pour le gauche 630 grammes. Le cœur est volumineux. Il pèse 480 grammes. On note de la surcharge graisseuse aux lieux d'élection, et une plaque de péricardite récente siégeant au niveau de la pointe du cœur et remontant suivant la face postérieure. Le myocarde est décoloré. Il n'existe pas de lésions des orifices du cœur. Pas d'endocardite végétante. La cavité abdominale renferme environ deux litres de liquide. Les reins pèsent : rein droit 275 grammes; gauche 260 grammes. Ils se décortiquent bien. Les étoiles de Verheyen sont visibles à la surface. La substance corticale est augmentée. Le rein est teinté par la bile. La rate est molle. Elle pèse 470 grammes et mesure 17 centimètres dans le sens vertical ; 12cm, 5 dans le sens transversal. Le foie est volumineux. Il dépasse de 6 centimètres le rebord des fausses côtes sur la ligne mamelonnaire et de 10 centimètres l'appendice xyphoïde. Il mesure transversalement 31 centimètres. Le diamètre vertical est de 24 cen- timètres pour le lobe droit, 20 centimètres pour le lobe gauche. Le diamètre antéro-postérieur maximum du lobe droit est de 7 centimètres, de 5 centimètres pour le lobe gauche. La coloration du foie est verte. 11 est un peu dur à la coupe. Le poids : 2.500 grammes. La vésicule biliaire un peu distendue contient une bile incolore. Le pancréas n'offre pas les altérations du cancer. Il a sa consistance régu- lièrement normale. Son diamètre transversal est de 17 centimètres; son dia- mètre vertical est de 5 centimètres et demi. Le canal cholédoque n'est point englobé dans la tète du pancréas. Il en est complètement indépendant et pénètre directement dans l'intestin. L'estomac pèse 270 grammes et est normal. L'intestin est incisé sur toute son étendue. On y constate l'existence de matières liquides sanguinolentes. Au niveau de l'ampoule de Vater, existe une masse végétante du volume d'une châtaigne, un peu dure, adhérente à la muqueuse en dedans de laquelle elle se développe, faisant saillie dans la cavité de l'intestin. Sa forme est irré- gulièrement arrondie, avec des parties plus ou moins saillantes. Le pancréas se trouve complètement en dehors de la tumeur et est séparé du duodénum par du tissu cellulo-adipeux. Le canal cholédoque, indépendant du pancréas, vient aboutir dans la tumeur après avoir été encapuchonné par la muqueuse. 11 est dilaté dans son trajet. Un stylet introduit par son calibre montre qu'il se termine par une extrémité borgne. Le stylet se perd dans la tumeur. Il en est de même si on l'enfonce dans le canal de Wirsung; celui-ci est aussi dilaté sur toute l'étendue du pancréas. Des coupes pratiquées verticalement, suivant le grand axe de la tumeur, montrent, en certains endroits, le canal cholédoque entouré de la muqueuse, V. HANOT. — CANCEB DE L'AMPOULE DE VATER ot>7 sauf à la partie supérieure. 11 en est séparé à ce niveau par la tumeur, qui s'esl par conséquent développée dans le tissu même de la muqueuse. Une coupe faite au niveau de la tête du pancréas permet de bien constater les rapports des différents organes. On trouve de dehors en dedans le pancréas avec la coupe du canal de Wirsung dilaté, l'intestin, la tumeur. On se rend compte que le cholédoque vient se jeter dans l'ampoule de Vater, sans être compris dans la tête du pancréas. Examen histologique. — Les coupes de la tumeur ont porté sur différentes régions. La muqueuse de l'intestin, dans sa partie voisine de la tumeur, présente son apparence normale. On constate de nombreuses glandes de Lieberkuhn, à épithélium cylindrique, avec noyau basai, transversal, dont le grand axe est perpendiculaire au grand axe de la cellule. La tumeur qui est comprise dans le chorion de la muqueuse est divisée en lobes par des traînées de tissu fibreux, et se présente à différents stades d'évo- lution. Certains des lobes ont une apparence adénomateuse. Ils sont constitués par des boyaux typiques à épithélium cylindrique, dont les noyaux volumineux sont dirigés dans le sens de l'axe de la cellule. Ces boyaux sont plus ou moins réguliers, creux en général, de forme ovale, oblongue, avec prolongements multiples. D'autres lobes sont formés par un épithélioma métatypique à cellules polymorphes, de volume inégal, remplies parfois par un noyau très volumineux. ou contenant deux noyaux. Lntre ces deux variétés de lobes de la tumeur, il est tous les intermédiaires, et l'on assiste, pour ainsi dire, à la transition entre l'épilhélioma typique et métatypique. Les traînées fibreuses, intermédiaires entre ces lobes, contiennent des vaisseaux sanguins congestionnés. Certains tubes de nouvelle formation ont leur cavité remplie de globules sanguins, auxquels sont mêlées des cellules cancéreuses pouvant affecter une forme polygonale, ou plus ou moins cylindrique, avec- noyau volumineux, coloré vivement par l'hématoxyline. Ces cellules sont soit isolées, soit formant de petits amas. Par places, s'est produite au niveau de la tumeur, une sorte d'hémorragie cancéreuse. Il existe un espace assez étendu dont le fond est représenté par des globules sanguins qui dissocient des amas plus ou moins volumineux, plus ou moins réguliers de cellules cancéreuses, et qui sont eux-mêmes séparés, en certains endroits, par des bandes fibreuses incomplètes. Sur une coupe intéressant la tumeur et le canal cholédoque, on constate que le canal cholédoque pénètre dans la muqueuse qui présente la section de ses glandes de Lieberkuhn et de nombreux vaisseaux sanguins. 1ji tumeur est recouverte par la couche superficielle de la muqueuse et des replis. Ailleurs, on retrouve la formation de tubes adénomateux, d'épithélioma métatypique séparé en lobes par des bandes de tissu fibreux. Hémorragie à l'intérieur et en dehors des tubes. Il existe à ce niveau une infiltration de cellules cancéreuses dans certains replis. Le foie est le siège d'une sclérose accentuée à point de départ péri portai, formant des traînées incomplètes, circonscrivant rarement un anneau, réunissant plusieurs espaces portes. Le tissu de sclérose est relativement jeune, et montre, par places, des nndules embryonnaires. Il n'existe pas la moindre trace de dégénérescence graisseuse. Mais en certains endroits, il y a une pigmentation Légère des cellules par des grains biliaires. Pas de néoformation importante de «inalicules biliaires. 508 SCIENCES MÉDICALES Les reins offrent des altérations peu accentuées : épaississement léger de la capsule des glomérules. L'épithélium des tubes contournés est sain, en général. On voit d'abord que dans cette observation la durée a été beaucoup plus longue que dans les cas rapportés par M. Busson et où la durée a dépassé rarement neuf mois : ici, elle a été de dix mois environ. Le syndrome clinique était constitué par une augmentation du volume du foie, de la vésicule biliaire et de la rate, avec ictère chronique et déco- loration des fèces, sans coliques hépatiques. J'ajoute que j'avais noté une leucocytose constante qui pouvait faire penser à l'existence d'un cancer, et l'absence d'urobilinurie, qui rendait l'hypothèse d'une lésion importante du foie difficile à soutenir. Il y avait donc lieu de suspecter un cancer de la tête du pancréas. On remarquera aussi que, dans mon observation, le canal cholédoque et le canal de Wirsung s'ouvrent par un orifice spécial dans l'ampoule de Vater. L'examen histologique démontre que la tumeur était constituée par un épithôliome cylindrique, sans aucun foyer de généralisation, comme dans le cas du Dr Pillet. On peut s'étonner du peu de faits semblables connus jusqu'aujourd'hui, devant la fréquence relative des autres cancers orificiels. Une autre réflexion. Ne pourrait-on pas se demander, en regardant les dessins qui représentent la tumeur, si un tel cancer, si limité, n'est pas justiciable d'une intervention chirurgicale que de plus compétents que moi pourront peut-être déterminer? Deux points encore à signaler. L'ictère du malade avait diminué progressivement. L'autopsie a montré que l'obstacle à l'écoulement de la bile avait persisté, . mais la bile avait fini par s'altérer. Il s'était produit le phénomène que j'ai désigné sous le nom d'acholie pigmentaire (t). On avait noté aussi pendant quelque temps cet œdème unilatéral droit que j'ai observé plusieurs fois dans les maladies du foie (2). (1) V. Hanot. — De l'Acholie pigmentaire. {Son. méd., 1893.) (2) V. Hanot. — De l'Œdème unilatéral droit dans les maladies du foie. iSoc. méd. des hôp., 1893.) A. CARTAZ. — DE LA PARALYSIE FACIALE D'ORIGINE OTIQUE 569 M. A. CARTAZ Ancien Interne des hôpitaux de Lyon et de Paris, à Paris. DE LA PARALYSIE FACIALE D'ORIGINE OTIQUE 616 842 — Séance du 2 avril 1896 — La paralysie faciale liée à l'inflammation de la caisse n'était guère connue avant que Gellô, dans un travail important, signalât la fréquence de cette complication au cours des otites (1) moyennes. On avait bien noté les troubles d'innervation du facial dans les otorrhées anciennes accompagnées de lésions plus ou moins étendues des parties osseuses constituant le massif du rocher (2), mais, à de rares exceptions, on n'avait pas signalé l'étroite relation qu'il y a entre cette paralysie et l'affection catarrhale aiguë ou subaiguë de la caisse. Bien des paralysies, dites a frigore, peuvent revendiquer cette origine et l'on en trouvera la démons- tration dans l'argumentation très nourrie du mémoire de Gellé et dans la discussion approfondie des faits de ce genre. Depuis ce premier travail, de nombreuses observations, publiées dans tous les recueils, sont venues confirmer l'exactitude de l'interprétation de ce trouble pathologique. Les observations de Burnett, Geronzi, Trifiletti, Eitelberg, Lake, le mémoire de Lannois et la thèse de son élève Bonthoux sont là pour le prouver. Sur trente et un cas, Gellé trouve vingt-huit fois des lésions suffisantes du côté de l'oreille pour expliquer cette paralysie. Les quinze cas de Lannois montrent l'apparition de la lésion nerveuse dans des otites non suppurées, à forme subaigu<"\ Cette origine otique est donc assez fréquente et, sans nier l'origine a frigore ou rhumatismale, on peut dire qu'un grand nombre de paralysies faciales dites simples sont liées à une lésion auriculaire. Quelle est cette lésion? S'agit-il d'une simple compression? S'agit-il d'une véritable inflam- mation du conduit nerveux, secondaire à l'inflammation de l'oreille ou dû à la même cause infectieuse ? Si l'on se rappelle la disposition anatomique du nerf facial, on se rendra aisément compte de la facilité avec laquelle il peut être lésé a ce 0) Ann.mal. de l'or., nov. 1890- (21 Voira ce sujet l'intéressant travail de Chipault et Daleine : Rev. de NeuroL, 1j mai 1890. 570 SCIENCES MÉDICALES niveau. La deuxième portion de l'aqueduc de Fallope, dans laquelle est logé le nerf, n'est séparée de la caisse du tympan que par une lame osseuse mince et transparente. Et, comme le fait remarquer Testut dans son Traité d'anatomie, cette lame osseuse peut même faire défaut par places; dans ce cas, le contenu de l'aqueduc, c'est-à-dire le nerf facial, n'est plus séparé de la caisse que par l'épaisseur d'une fibro-muqueuse. Les deux causes peuvent donc être invoquées : la compression, s'il s'agit d'un exsudât abondant développé rapidement dans une cavité étroite, dont les parois sont hyperémiées, soit par l'épanchement lui- même, soit par le gonflement de la muqueuse ; l'inflammation, par pro- pagation au tronc nerveux. On peut concevoir aussi, comme le fait observer Lannois, que l'hyperémie de la muqueuse s'accompagne d'une réplétion exagérée de l'artère stylo-mastoïdienne susceptible de com- primer le nerf dans le canal osseux. La paralysie par névrite, secondaire à l'inflammation, à l'infection de la caisse est, à n'en pas douter, la plus fréquente. Mais il existe des cas où la compression seule de la gaine et du conduit doit être invoquée; théoriquement des plus plausibles, cette forme de paralysie est démontrée dans le cas de Gruber, qui, en donnant issue au contenu inflammatoire de la caisse par la paracentèse, fit cesser la compression et disparaître rapidement la paralysie. L'observation de Bœke en est également un exemple. Il s'agissait, dans ce cas, d'un catarrhe aigu de la caisse, ame- nant dès le lendemain, de la paralysie qui disparut dès que le catarrhe auriculaire fut amélioré par les applications froides et les douches d'air. Pour interpréter ce fait, Bœke admet qu'il y a eu déhiscence du canal de Fallope et pression directe sur le nerf par la tuméfaction delà muqueuse, ou compression par la congestion de l'artère stylo-mastoïdienne. Les deux observations que je publie répondent, ce me semble, aux deux- formes étiologiques : dans ce premier cas, il ne semble guère possible •de croire à autre chose qu'à de la compression, la paracentèse du tympan ayant amené, en moins de vingt-quatre heures, la disparition des troubles paralytiques. Malgré l'opinion d'Eitelberg, qui regarde la paralysie faciale comme manifestation exclusive de l'infection qui a provoqué l'otite, et ne croit pas à la possibilité d'une simple compression des fibres nerveuses, je me rattache, pour ce cas, absolument à l'interprétation d'une paralysie par compression. Le second cas est un exemple, au contraire, bien net d'une inflammation propagée ayant amené de la névrite, longtemps rebelle au traitement. Obs. I. — Il s'agit d'un jeune homme de vingt et un ans qui, dans le cours d'une angine légère qu'il avait assez mal soignée (car il était sorti encore le soir la veille de l'accident qui l'amène), fut pris une nuit de douleurs vives dans A. CARTAZ. — DE LA TARALYSIE FACIALE D'ORIGINE OTIQEE 571 l'oreille du côté gauche. Insomnie, fièvre légère le lendemain. Le malade l'ait de lui-même des applications chaudes qui le soulagent un peu, mais le soir les douleurs reparaissent exacerbées, empêchant tout sommeil. Le lendemain malin {le malade, très intelligent, est très précis sur les dates et sur les étapes de sa maladie), il s'aperçoit qu'il ferme mal l'œil du côté gauche et constate, dans un miroir, qu'il grimace légèrement. Fort effrayé de cet état, souffrant, du reste, toujours beaucoup, il vient me voir le même jour, accompagné de son frère. Nous sommes au troisième jour de l'otite. Le diagnostic est facile : il s'agit d'une otite moyenne aiguë succédant à une angine simple et qui s'est compliquée de paralysie faciale du même côté. Audi- tion très affaiblie à gauche. Tympan assez rouge, sans voussure; disparition du triangle lumineux. Paralysie faciale, sans troubles de la motilité du voile. La luette n'est pas déviée, l'as d'altération du goût. En présence des douleurs et o"G SCIENCES MÉDICALES l'albumine avait progressivement diminué pour disparaître totalement à partir du 4. — Les urines étaient claires, sans dépôt. Actuellement, trois mois après l'opération, Marie D... est en bonne santé; elle vaque aux soins de son ménage sans douleurs ni fatigue ; les urines sont émises en quantité normale, sans albumine ; mais le rein gauche a augmenté de volume dans une proportion assez considérable, puisqu'il est gros, d'après le rapport du médecin habituel de Marie D..., comme une tête de fœtus. L'examen de la pièce enlevée révéla l'existence d'un très gros calcul qui avait complètement échappé à l'exploration. Ce calcul était un beau type de calcul coraliforme ; ayant la forme d'une enclume, sa masse principale rem- plissait le bassinet, une de ses extrémités s'engageait en partie dans l'uretère. Évidemment, la plicature de l'uretère pouvait exister et donner lieu au symptôme hydronéphrose, mais il est infiniment plus probable que ce gros calcul devait de temps à autre faire bouchon dans le conduit excréteur, et produire ainsi l'hydronéphrose intermittente signalée. (Contre cet accident, la néphrotomie simple eût pu en être tentée si l'on en avait reconnu la véritable cause.) Le liquide contenu dans les kystes avait dans tous ceux-»i, tant à la péri- phérie qu'au centre de la glande, les mêmes caractères, très légèrement louche et bruni, non visqueux, d'odeur non urineuse. 11 contenait du chlorure de sodium, de l'albumine et de l'urée. Les plus gros kystes avaient le volume d'un abricot; ils étaient, pour la plupart, sous la capsule ou dans la zone corticale. Les kystes moyens ou petits étaient irrégulièrement distribués dans tout le rein, isolés au milieu de tissus sains, ou au contraire agglomérés, fusionnés même quelquefois. Macroscopique- ment, un tiers environ du parenchyme rénal paraissait intact. Voici maintenant le détail de l'analyse microscopique pra'iguée par M. le professeur agrégé Auché : Les tubes contenus dans les préparations varient du volume d'un pois à celui d'un tube urinifère modérément dilaté. Leur aspect microscopique est assez variable. a) Les uns, généralement les plus grands, possèdent une paroi conjonctive peu épaisse, en dedans de laquelle existe un revêtement épithélial. La partie conjonctive est formée de fibres conjonctives disposées parallèlement à la surface du kyste, et infiltrées d'un grand nombre de cellules conjonctives fusi- formes, à noyau assez volumineux et allongé. En dehors de cette tunique conjonctive généralement mince, se trouvent les tubes urinifères aplatis et modifiés dans leur structure. Les tubes à épilhélium à bâtonnets ont leur tunique propre diffuse et peu apparente. Leur lumière est effacée soit par la pression excentrique due au développement du kyste, soit par les altérations épithéliales. Dans le premier cas, les cellules ont conservé leur forme cylin- drique ; leur protoplasma est très granuleux, et leurs limites respectives sont très peu nettes. Dans le deuxième cas, le tube dilaté se trouve rempli par des cellules épithéliales : les plus extérieures, celles appliquées contre la paroi propre, sont plutôt cubiques que cylindriques, leur face interne est irrégulière? leur masse est excessivement granuleuse, leur noyau assez faiblement coloré. Les plus centrales sont polygonales par pression réciproque ; leur protoplasma est toujours très granuleux, et leurs limites très peu accentuées, parfois même complètement effacées. Les tubes à épithélium cubique sont parfois aplatis et transformés en cylindres pleins remplis par deux rangées de cellules cubiques ; LANELONGUE ET JILNIOR VITRAC. — DEUX CAS DE NÉPHRECTOM1E 577 d'autres fois ils sont dilatés et revêtus de leur épithélium cubique à peu près normal; d'autres fois ils sont dilatés et remplis par un amas de cellules épi- théliales dont les plus extérieures sont cubiques et les plus centrales polygo- nales; mais toujours elles sont formées dune faible masse protoplasmique transparente et d'un noyau fortement coloré. Entre ces tubes, se trouvent de ci de là quelques glomérules délormés, aplatis, dont la capsule est un peu épaissie, et dont le bouquet glomérulaire est plus infiltré de cellules qu'à l'état normal. Enfin dans l'intervalle de tous ces éléments, tubes et glomérules, existe une infiltration cellulaire conjonctive très dense dans quelques points, mais qui se perd rapidement pour faire place à la stucture normale du rein qu'on trouve en dehors du kyste. Sur la face interne de la membrane conjonctive des kystes, existe un revêtement épithélial très irrégulier. Par places, il est formé de cellules un peu allongées, rappelant la forme cylindrique; mais elles sont plus élargies que les cellules de Heidenhain, leur protoplasma contient de très nombreuses et très irrégulières granulations, et leurs contours sont souvent effacés. Ailleurs les cellules sont plus aplaties, presque cubiques, ailleurs elles sont encore plus plates, et rappellent les cellules enotothéliales ; cependant elles sont en général plus épaisses, et leur noyau est beaucoup plus volumineux. Dans quelques rares points, la tunique conjonc- tive manque de revêtement épithélial, et se trouve recouverte directement par une substance granuleuse fortement colorée en rouge par l'éosine, et qui se retrouve dans l'intérieur de tous les kystes. Dans un kyste, la paroi est généralement unie, sans saillie, ni végétations. b) Les autres n'ont pas de tunique conjonctive ; leur paroi est constituée par un revêtement continu de cellules rectangulaires, très aplaties et à grand diamètre parallèle à la surface kystique. Ces éléments sont constitués par une masse très faiblement et très finement granuleuse, entourant un noyau volu- mineux, arrondi ou un peu aplati dans un sens toujours perpendiculaire à la surface, toujours nettement coloré. Leurs limites sont quelquefois très nettes, . d'autres fois indistinctes. Immédiatement en dehors, et lui servant de mem- brane propre, se trouve un très mince liséré conjonctif, analogue à celui qui existe entre les tubes urinifères d'un rein sain. Enfin , plus en dehors , on tombe dans le tissu rénal proprement dit, constitué par des tubes sains dont quelques-uns font une légère saillie dans la cavité kystique. c) D'autres, enfin, présentent un aspect encore un peu différent. Presque toute l'étendue de la paroi est constituée soit comme dans le premier cas, soit, et le plus fréquemment, comme dans le cas qui précède. Mais de loin en loin s'élèvent vers l'intérieur du kyste des bourgeons dont les uns sont à peine accen- tués, et disposés sous forme de petits mamelons, dont les autres se pédiculisent et prennent l'aspect dit du battant de cloche. Leur partie centrale est formée par du tissu conjonctif ordinairement assez lâche et plus ou moins infiltré de cellules. A leur surface se trouve un revêtement épithélial continu formé par des cellules quelquefois cubiques, presque toujours cylindriques, très pressées les unes contre les autres. Leur noyau est très volumineux et très fortement coloré ; leur protoplasma est relativement peu abondant, peu granuleux et assez transparent. En dehors des kystes, le parenchyme rénal présente peu de lésions. La capsule du rein est très notablement épaissie, et quelquefois séparée de la cavité kystique par un triple revêtement épithélial cubique. Le tissu conjonctif du rein, normal dans sa grande étendue, est hyperplasié, parfois même d'une 37* 578 SCIENCES MÉDICALES façon très notable* dans d'autres régions. Les tubes sont alors séparés par de larges travées de tissu conjonctif assez dense infiltré d'abondantes cellules • généralement fusiformes. Ces lésions paraissent suivre assez bien la distribution des vaisseaux. Ceux-ci sont en général beaucoup plus gros que dans un rein sain. Les artères ont les parois très épaisses ; leur tunique musculaire est par- ticulièrement bien dessinée, et tout autour d'elles existe une zone conjonctive plus ou moins large qui s'irradie au loin en dissociant les tubes urinifères. La lumière de ces vaisseaux est ordinairement intacte ; on ne voit que peu ou pas de lésion d'endartérite. Les tubes urinifères sont très souvent dilatés, sur- tout dans les parties sclérosées. Ailleurs, ils ont leur volume normal et leur épithélium intact. Les glomérules sont en général intacts. Obs. II. — Marie C, institutrice, entre le 11 décembre 1895 à l'hôpital Saint- André de Bordeaux, salle 6 des dames payantes, dans le service de M. le pro- fesseur Lanelongue. Elle est âgée de vingt-neuf ans, mariée, sans enfants. Son père est mort d'un cancer de la face ; sa mère est rhumatisante. Elle-même avait joui antérieurement d'une bonne santé ; bien réglée depuis 1 âge de dix- neuf ans, elle accusait habituellement de la constipation, et jamais elle n'avait présenté de troubles de la miction jusqu'au moment où sa maladie actuelle paraît avoir débuté, c'est-à-dire, il y a un an, à la fin de l'année 1894. Brusquement, Marie C. ressentit à cette époque de violentes douleurs dans la région lombaire et les deux flancs ; c'étaient de véritables douleurs en ceinture, à caractère paroxystique, qui obligèrent la malade à s'aliter. Le lendemain elles avaient disparu, mais c'est alors que les urines, jusque-là normales comme qualité et comme quantité, se montrèrent mêlées à du sang. Ce symptôme, du reste, ne se renouvela jamais dans la suite ; au moins la malade ne l'a-t-elle pas remarqué. Après cette première alerte, période d'accalmie qui dura trois mois, pendant lesquels Marie C. se plaignit seulement de ressentir un peu de malaise dans le flanc gauche. En avril 1895, nouvelle crise douloureuse qui éclata brusquement comme la première fois, mais beaucoup plus intense. Il est à remarquer encore que le point maximum des douleurs était dans la région lombaire, et qu'il n'y eut point de ces irradiations dans le sens des uretères, le haut des cuisses et le méat, qui se montrent si fréquemment dans les cas de coliques calculeuses. Les urines rendues ne parurent pas être différentes de ce qu'elles étaient aupa- ravant ; peut-être plus chargées de flocons muqueux, émises sans ténesme vésical, ni plus abondamment, ni plus fréquemment. La crise dura douze heures, accompagnée de vomissements alimentaires; elle laissa ensuite la malade dans un état général assez bon jusqu'à la fin de novembre 1895. Pendant cette période de six mois, durant laquelle Marie C. put se livrer à ses occupations habituelles, il est à noter seulement quelques sensations douloureuses, sourdes et fugaces, qu'elle ressentait dans le flanc gauche, — de temps à autre, brus- quement, ou le plus souvent, croit-elle, à l'occasion d'une émotion, d'une contrariété. Mais depuis lors, sa santé générale s'est rapidement modifiée, l'appétit a disparu, la malade a vite maigri, les téguments se sont décolorés; ces symptômes alarmants, qui l'ont décidée à rentrer à l'hôpital, sont de date récente : ils ne remontent qu'à un mois au plus, ayant suivi une troisième attaque douloureuse accompagnée de vomissements ; ils sont en outre doublés de souffrances presque continuelles : l'hypocondre et le flanc gauche sont le siège d'une sensation de pesanteur très gênante, de douleurs lancinantes qui ne LANELONGUE ET JUNIOR YITHAC. — DEUX. CAS DE NÊPHRECTOMIE 579 quittent plus la malade, l'empêchant même de pouvoir se coucher sur le côté malade. Examinée (15 décembre 1895), Marie C. est pâle, d'aspect peu robuste; ce serait là, paraît-il, son apparence habituelle, mais devenue plus exagérée depuis quelque temps. Dans la position couchée, il existe en dedans et un peu au-dessus de l'épine iliaque antérieure et supérieure gauche une légère voussure au niveau de laquelle la main perçoit une tuméfaction qui rappelle, par sa disposition extérieure, un rein très augmenté de volume. A la surface, pas d'œdème, pas de modification de la peau bien mobilisable ; profondément, la face antérieure de la tumeur est un peu bosselée, dure; mais la palpation, dans l'ensemble, ne révèle pas la même dureté dans tous les points. Sonorité à peu près parfaite en avant, sauf au voisinage de l'extrémité inférieure de la tumeur, où sa disparition presque complète est à noter. Cette limite inférieure s'arrête à un centimètre au-dessus de l'épine et de la crête iliaque ; sa limite supérieure se perd sous les fausses côtes. Il est possible, par le palper bimanuel, de se rendre compte que la tumeur est réductible dans la fosse lombaire, mais en partie seulement ; son extrémité inférieure ne semble pas suivre facilement les mouvements, très libres au contraire, de ses parties supérieures. Ces tentatives de mobilisation, du reste, sont douloureuses ; au point fixé, notamment, la palpation provoque une vive douleur. Il ne paraît pas y avoir de modifications du côté du rein droit seulement perceptible; point de sensibilité sur le trajet des uretères ni vers la vessie. Tous les autres organes sont sains. En dehors des phénomènes douloureux, aucun trouble fonctionnel n'est à signaler; on ne retrouve, ni dans l'histoire de la malade, ni dans l'analyse de son état actuel, aucun signe de mal de Bright. La quantité des urines rendue est bien inférieure à un litre (toutefois, ce renseignement fut difficilement contrôlé pendant le séjour de la malade à l'hôpital, à cause des soins préparatoires à l'opération). Leur réaction est acide, elles contiennent, par litre, 16 grammes d'urée, 4 grammes de chlorure de sodium et des traces d'albumine. Elles sont brunes, un peu louches ; l'examen du dépôt dénote l'existence de globules blancs assez nombreux, de globules rouges décolorés et de quelques cellules épithéliales de la vessie. Le diagnostic porté fut, en raison de l'hérédité arthritique et cancéreuse de la malade, en raison de l'hématurie, des douleurs devenues continuelles, de V augmen- tation de volume du rein et de sa fixité, en raison du mauvais état général et de l'aggravation graduelle de tous les symptômes, celui de tumeur maligne du rein, pour laquelle fut proposée et acceptée la néphrectomie. Le 19 décembre 1895, après incision lombaire agrandie en avant en crochet, la capsule graisseuse se montra très épaissie, comme en voie de transformation fibreuse; dans les manœuvres faites pour la déchirer et arriver jusqu'au rein que la main d'un aide repoussait très difficilement à travers l'abdomen, une certaine quantité de pus surgit dans la partie inférieure de la plaie. Ce pus,'vert, non fétide, assez liquide, était contenu dans une loge, du volume d'une figue dont l'exploration conduisit jusque sur la surface du rein. Pour décortiquer celle-ci, on dut déchirer plusieurs fois la capsule fibreuse, fortement adhérente et amincie, recouvrant une grande quantité de kystes, dont quelques-uns se vidèrent aussitôt. Le rein, enfin énucléé et attiré, parut avoir le volume de deux poings d'adulte; non seulement sa surface, mais la totalité de son parenchyme, examiné sur-le-champ après incisions, étaient criblées de kystes dont quelques- 580 SCIENCES MÉDICALES uns contenaient un liquide d'aspect purulent. Pas de traces de calculs dans les bassinets ou l'uretère. On était donc en face d'un « gros rein polykystique » atteint de suppuration partielle; pas d'hydronéphrose. Se rappelant que l'autre rein paraissait sain, en présence de la dégénérescence kystique qui n'avait épargné aucune partie de la glande, et de la suppuration, qui sans doute, n'aurait fait que progresser dans les éléments modifiés du rein, tant dans son épaisseur qu'à sa surface, M. Lanelongue se décida à pratiquer l'extirpation complète. Macroscopiquement, les dispositions des kystes, leur volume, etc., étaient à peu près identiques à ceux de l'observation I, sauf toutefois la nature de leur contenu ; le liquide, franchement purulent dans nombre des cavités les plus superficielles, était en général plus trouble et plus foncé que dans notre premier cas; la tumeur avait un volume total moins considérable, et cependant le terri- toire du parenchyme rénal resté sain paraissait moins étendu. L'aspect microscopique est à peu près identique à celui du cas 1; comme dans celui-là, on trouve des kystes à paroi conjonctive revêtue d'une couche épithé- liale cubique ou plus aplatie, des kystes sans paroi conjonctive autre que celle constituée par les fins filaments conjonctifs disposés entre les tubes urinifères, et des kystes à bourgeons intérieurs. Cependant, d'une façon générale, les parois kystiques paraissent moins bourgeonnantes que dans le cas précédent. Les vaisseaux sont très volumineux et entourés d'une couche d'hyperplasie conjonctive qui s'irradie plus ou moins loin en dissociant les tubes. Mais le tissu intertubulaire est peut-être un peu moins hyperplasié que dans l'obser- vation I. — Beaucoup de tubes et la plupart des glomérules sont sains. Les suites opératoires chez Marie C. ont été bonnes; toutefois la guérison définitive de la plaie a été 'retardée par une suppuration assez rebelle et la création d'un trajet fistuleux par où s'est éliminée enfin la ligature à la soie du pédicule. Pendant trois jours, dans ce cas, la quantité des urines rendues a été au-dessous de 500 grammes, puis elle a dépassé un litre, pour se maintenir au-dessus de ce chiffre ; il faut évidemment en conclure que la compensation fonctionnelle a « dû » se faire, et que par conséquent le rein enlevé n'avait pas aussi complètement abdiqué ses fonctions que dans le cas précédent de Marie D... Actuellement (avril 1896) la malade est en très bonne santé, elle a repris rapidement des forces et de l'embonpoint ; aucun trouble cardiaque, fonctions urinaires normales; l'albumine, qui avait disparu huit jours après l'opération, n'a pas été rencontrée de nouveau. Voilà donc deux cas de néphrectomie pour reins polykystiques qui ont donné des résultats jusqu'ici satisfaisants : ii semble que, d'après l'état actuel des connaissances anatomopathologiques et cliniques de cette ques- tion, et surtout d'après les idées généralement admises comme classiques sur le traitement chirurgical du rein polykystique, un chirurgien doive s'excuser d'une néphrectomie dirigée contre cette affection ; la thèse de Lejars, ne concluait-elle pas, en somme, qu'on ne devait pas regretter d'avoir manqué au diagnostic de la maladie? « Quelle que soit, disait-il encore, l'insuffisance des moyens d'exploration, on peut poser en règle LANELONGUE ET JUNIOR VITRAC. — DEUX CAS DE NÉPHRECTOM1E 581 constante la bilatéralité des lésions, et c'est cette bilatéralité qui explique les désastres de l'intervention chirurgicale. » Or, il est curieux de voir combien les chiffres que nous avons cherché à rassembler sont peu en rapport avec les idées répandues sur les résultats de cette intervention. Nous avons pu réunir dix-sept cas de néphrectomie pour reins poly kystiques ; eh bien ! sur ces dix-sept cas, cinq seulement ont été suivis de mort ; encore est-il bon d'ajouter que, deux fois seule- ment, la mort put être attribuée à l'urémie brusque, ce sont ceux de Bergmann et de Cullingworth ; une fois la cause ne nous est pas connue (Jovvers), et deux fois elle put être attribuée à des complications opéra- toires, péritonite dans le fait d'Ollier, et perforation secondaire du côlon descendant, dans celui que Dandois a rapporté devant l'Académie de méde- cine de Belgique (1891). Les cas enregistrés comme succès sont ceux de Campbell, Keeling, Wagner, Maske, Boswell Park, Schmidt, Bardenheuer, Schonborn, cités pas Willy Taendler {Th. Wiirzburg 1894), celui de Farr (American Journal of med. Se, mars 189u2), celui de Monod persistant encore après dix ans, celui, croyons-nous, de Pozzi, et enfin les deux opérées de M. Lanelongue. En général, le diagnostic n'avait pas été fait par des opérateurs; la con- fusion a été faite le plus souvent avec un kyste de l'ovaire (cinq fois) ; avec une tumeur maligne du rein (deux fois) ; avec un sarcome kystique du rein (une fois) ; avec un kyste du foie (une fois) ; avec un rein mobile sain ou altéré (deux fois), etc., etc. Ce diagnostic est, du reste, extrêmement difficile à faire, il faut l'avouer, et les cas sont exceptionnels où il put être porté pendant la vie, établi sur des données suffisamment précises ; tels sont cependant ceux de Duguet (cité par Lejars) et de Ferron (Ferron et W. Binaud, -Soc. Anat. et Journal de médecine de Bordeaux, mai 1894). Dans ces deux observations, la tumeur kystique était double, très volu- mineuse ; les malades (non opérés) moururent d'urémie. A côté des néphrectomies que nous rapportons, il faut signaler deux interventions chirurgicales que nécessitèrent des complications de reins polykystiques ignorés; à savoir l'incision d'abcès périnéphrétiques ; les malades ont succombé peu après l'opération d'accidents urémiques. (Obs. I de Lejars, et Orrillard, Soc. Anal. Paris, mars 1894). En réalité, pour les observations de néphrectomies dites suivies de gué- ri-un, la plupart du temps les renseignements sur les suites éloignées de l'opération nous manquent ; nous savons seulement que, quatre mois après la première intervention (côté droit), la malade de Schonborn dut subir, pour une oblitération de l'uretère gauche par un calcul, une urétérotomie au cours de laquelle le rein fut trouvé déjeà atteint de dégénérescence kys- tique ; la malade de Farr était très bien portante après onze mois ; mais, dans le cas particulier, il s'agissait d'un kyste congénital pluriloculaire, o82 SCIENCES MÉDICALES bien plus que d'un gros rein polykystique proprement dit ; nos opérations, d'autre part, ne datent que de trois et quatre mois ; seul le cas de Monod est un succès durable. Aussi nous ne saurions nous appuyer sur des observations trop récentes les unes, trop douteuses ou incomplètes les autres, pour conclure en faveur du traitement chirurgical du rein poly- kystique. Mais, nous basant sur la statistique, imparfaite sans doute, que nous avons pu dresser, nous voulons seulement opposer des chiffres à la défense absolue que l'on fait habituellement de toucher à cette variété des tumeurs du rein, puisque sur dix-sept néphrectomies. deux, peut-être trois morts seulement, sont attribuables à la bilatéralité des lésions et à la privation d'une des glandes malades. Disons plus : à défaut d'autres succès, les améliorations remarquables maintenues jusqu'ici chez nos deux malades qui étaient en voie de se cachectiser et exposées à des accidents redoutables (hydronéphrose et suppuration péri néphrétique et kystique), nous per- mettraient de tirer les conclusions suivantes : 1° Dans l'état actuel de nos connaissances sur le gros rein polykystique, que la tumeur soit ou non une trouvaille opératoire, on est autorisé à pratiquer la néphrectomie : Quand la dégénérescence entraîne l'impossibilité de remédier à une autre affection menaçante par elle-même (ectopie, comme dans notre Obs. I). Ou quand elle s'accompagne de complications, suppuration, hématuries abondantes, douleurs violentes. 2° Mais, même pour ces cas-là, une contre -indication absolue de la néphrectomie serait : La bilatéralité manifeste de la tumeur. Ou encore la prédominance sur les symptômes précédents des symptômes de néphrite, attaques antérieures d'urémie, altération des bruits du cœur, etc., etc., qui constituent le type brightique de la maladie polykystique du rein. Une pareille proposition est, à coup sûr, plus acceptable que celle de Taendler qui voudrait qu'on n'hésitât pas à enlever tout rein polykystique sous le prétexte que dans les pièces examinées par lui, le tissu rénal, même d'apparence saine, était très altéré ! Au sujet de la néphrectomie qui n'a pas été encore faite dans le cas de rein polykystique, nous pensons que cette opération serait capable, dans quelques cas particuliers, même quand l'organe ne pourrait être fixé au- dehors, d'amener la disparition ou diminution des douleurs. Il faut, en effet, se rappeler que nombre de reins polykystiques sont en même temps atteints de calculs, d'ectopie, d'hydronéphrose, ces trois complications ayant entre elles plus ou moins de rapports. GOUBJON. — L'ÉLECTRICITÉ STATIQUE .'iN3 M. COÏÏKJON Directeur de la maison de santé de Mevzieux (Isère). CONSIDÉRATIONS PRATIQUES SUR L'EMPLOI DE L'ÉLECTRICITÉ STATIQUE COMME RÉGULATEUR DE L'ÉNERGIE NERVEUSE [615 848 -j- 616 8] — Séance du •? avril 1896 — Tombée dans l'oubli après la découverte de Volta, de Galvani, d'Ampère et les travaux de Duchenne, l'électricité statique s'est imposée de nouveau aux recherches des esprits curieux, il y a une vingtaine d'années. Méthodi- quement appliquée au traitement des névroses et des psychoses, elle s'est montrée efficace dans la plupart de ces affections. Nous ne voulons pas, après tant d'autres auteurs, envisager son action dans telle ou telle maladie nerveuse particulière : c'est leur travail qui a été fait, et bien fait, pour chacune d'entre elles': mais il est une autre façon, plus large, de prendre la question et, nous basant sur les travaux antérieurs, autant que sur des faits cliniques que nous avons observés depuis que nous employons quoti- diennement l'électricité statique, nous croyons pouvoir poser une loi d'in- dication de l'électricité statique, répondant à un grand nombre de cas : Dans toute névrose et psychose où se manifestent des signes d'excitation ou de dépression générale, l'électricité statique agit puissamment pour ramener à l'équilibre le système nerveux troublé dans ses fonctions. De prime abord, il semble là y avoir une contradiction, mais elle n'est qu'apparente si l'on envisage l'Electricité statique, non comme un tonique ou un sédatif, mais bien comme un régulateur de l'énergie nerveuse. Ce n'est, d'ailleurs, pas un fait nouveau en biologie. Ainsi, nombreuses sont les affections où se manifestent, soit isolément, soit alternativement, soit même concurremment, do symptômes d'excitation et de dépression nerveuse, tels : l'hystérie, la neurasthénie, la folie alternante, etc., etc. De plus, le résultat de l'excitation, dit Lépine (Echo Médical de Lyon, 15 mars 1896), dépend pour la plus grande part de l'appareil nerveux où elle aboutit. Ainsi il cite les résultats obtenus, par lui, par l'excitation du bout périphérique du sciatique : la patte est-elle chaude, elle se refroidit; est- elle froide, elle se réchauffe. Puis, un cas où la traction de la langue inhibe 584 SCIENCES MÉDICALES le centre respiratoire, en état d'excitabilité exagéré, alors qu'elle l'excite quand il est paralysé. Comment expliquer cette action de l'énergie nerveuse? En l'état actuel, il est impossible de donner de solution satisfaisante. On a invoqué diverses hypothèses (orientation des cellules nerveuses , anologie entre l'énergie électrique et le fluide nerveux, etc.), mais l'hypothèse, en telle matière, est un terrain singulièrement dangereux. Nous nous contenterons d'indiquer en quelques mots quelques-unes des actions générales de l'électricité, qui peuvent élucider certains points de ses bons effets et servir, elles aussi, d'indication à son emploi. L'électricité statique agit comme un tonique puissant de l'organisme. Chaque fois que celui-ci est anémié, elle élève le taux de l'hémoglobine. De plus, elle exerce sur la nutrition générale, sur les échanges vitaux et respiratoires, une action manifeste. Enfin, elle ramène nettement le sommeil et éloigne les phénomènes convulsifs, tels que les crises d'hystérie ou d epi- lepsie, les accès choréiques, etc. : c'est donc bien un régulateur de l'énergie nerveuse. Il n'existe qu'une seule contre-indication à son emploi : c'est une idiopa- thie que rien ne permet de prévoir et qui se manifeste chez quelques ma- lades par des phénomènes divers, dès qu'ils sont soumis à l'action de la machine statique. CONCLUSIONS L'électricité statique est applicable à toute névrose et psychose, ou affec- tion dynamique nerveuse, où se manifestent des symptômes d'excitation ou de dépression. Dans tous ces cas, elle agit nettement comme un régu- lateur de l'énergie nerveuse déviée qu'elle ramène au calme, à l'équilibre. Enfin, ce qui est important au point de vue pratique, c'est que : 1° son application ne demande qu'un matériel restreint ; 2° que le modus ope- randi est des plus faciles et 3° que les malades l'acceptent généralement bien, car elle n'est ni pénible, ni douloureuse. L. LÉVI. — TREMBLEMENT HÉPATIQUE M. Léopold LÉYI Ancien Interne lauréat des hôpitaux de Paris, à Paris. 58o TREMBLEMENT HÉPATIQUE l616 86 -f- 616 360 13] — Séance du 3 avril 1896 — Parmi les troubles nerveux d'origine hépatique — accidents nerveux graves et petits accidents — que nous avons étudiés (1) sous la direction de notre excellent maître, M. le Dr Hanot, il en est un que nous détachons dans celte note, c'est le tremblement hépatique. La notion de ce tremblement s'appuie sur un cas qui figure in extenso dans notre thèse, et dont nous résumons ici l'observation. Observation. — Il s'agit d'un malade de soixante-dix ans,éthylique, ayant subi l'influence de l'intoxication saturnine (coliques saturnines peu douloureuses, jamais aucune paralysie, ni tremblement), sujet d'autre part à des céphalalgies répétées et à des épistaxis. En 1860, un certificat donné au malade porte la mention : Hépatite et ictère. Il ne présenta plus d'ictère jusqu'en 1894, où il fut jaune à deux reprises, pendant huit jours environ. A partir de novembre 1894, il ressentit des phénomènes d'anorexie, d'asthénie musculaire, puis fut atteint de purpura, d'oedème, peut-être au cours d'une influenza, éprouva ensuite des épistaxis répétées, du prurit, puis fut pris de douleurs abdominales. Au mois de juillet 1895, apparut un délire transitoire qui dura quatre jours, en même temps qu'un tremblement de même durée. Le délire transitoire fut caractérisé par la perte de la notion des objets usuels, par la diminution du sens moral qui faisait uriner le malade contre tous les meubles, par de l'exci- tation en vertu de laquelle il jetait tout ce qu'il trouvait sous la main, par une aflectuosité exagérée, par des idées et des actes marqués au coin de la niaiserie et de l'enfantillnge : il se plaint des misères? qu'on lui fait et resuce (comme un enfant) des noyaux de cerise. Il entre au mois d'aoûl 189S dans le service du Dr Hanot, à l'hôpital Saint- Antoine. Il présente les signes d'une cirrhose atrophique à la période préasci- tique : petit foie, météorisme, prurit, urobilinurie. 11 est porteur de télangiec- tasies sur le front. (i) Léopold Lin. — Troubles nerveux d'origine hépatique. Hépalo-toxhémie nerveuse. — Thèse, Paris, 1896. 586 SCIENCES MÉDICALES Puis l'ascite survient. Une ponction retire, le 9 novembre, dix litres de liquide. 15 novembre. — La veille, au soir, a commencé un tremblement particulier, en même temps que des phénomènes nerveux, dont l'ensemble constitue ce que nous avons appelé le syndrome nerveux terminal : d'abord du trem- blement et de la rétention d'urine, puis des troubles de la mémoire et de l'intel- ligence, un délire calme, des troubles de la parole, qui s'accompagnent de grimaces, de l'incontinence d'urine, de la somnolence, du coma, de la parésie faciale. Les phénomènes durent quarante-deux jours, avec des périodes d'amé- lioration et d'aggravation. Puis la mort survient. A l'autopsie, le foie pèse 770 grammes, mesurant 19 centimètres dans son plus grand diamètre transversal. L'artère basilaire n'est pas du tout athéromateuse, les artères sylviennes sont aplaties. Œdème cérébral donnant lieu, à la coupe, à un suintement assez marqué. Pas de lésions des circonvolutions ou des noyaux gris centraux de l'hémisphère droit ou gauche. Les reins sont de petit volume, leur capsule se décortique bien. Ils ne pré- sentent ni kystes, ni granulations à leur surface. L'examen histologique montre une cirrhose annulaire paucilobulaire péri- portale très ancienne. Le tissu conjonctif est adulte. La cirrhose est très déve- loppée et réduit par places le parenchyme aux deux tiers de son volume. Dans les travées de sclérose, il existe des néocanalicules biliaires en petit nombre. Dégénérescence graisseuse des cellules hépatiques assez accentuée. Légère sclérose péritubulaire au niveau des reins. Épaississement par places de la capsule de Bowmann. Le tremblement est ainsi décrit dans l'observation : 45 novembre. — Hier soir, à notre contre-visite, le malade a attiré notre attention sur un tremblement des mains qui ne s'accompagnait ni de frisson, ni d'élévation de température (37°). Depuis son entrée à l'hôpital, ce trem- blement n'avait jamais été constaté ni par nous, ni par le malade. En même temps existe de la rétention d'urine. Le cathétérisme retire 500 grammes d'urine ne contenant pas d'albumine, mais une forte quantité d'urobiline. Ce matin, le tremblement est étudié de plus près. Lorsqu'on fait poser les deux mains à plat sur le plan du lit, on constate que la main droite ne présente aucun mouvement lorsque le malade la laisse dans une immobilité absolue, mais aussitôt qu'il lui imprime le plus léger mouvement, elle commence à s'agiter d'un tremblement léger, peu accentué, sans oscillations latérales. Le tremblement léger de la main se produit dans le sens vertical et antéro-pos- térieur. C'est une sorte de reptation sur place. Les mouvements sont surtout marqués au niveau du poignet et des dernières phalanges. Ils persistent quelques secondes. Les mêmes phénomènes se produisent au niveau de la main gauche. Parfois, dans cette position, le tremblement se localise à l'index. Quand on fait étendre les deux mains, il existe d'abord une phase courte — de quelques secondes — de repos. Puis les deux mains sont animées de mouvements se faisant d'une façon plus ou moins synchrone, au niveau des doigts de chaque main et caractérisés, surtout, par des flexions des premières phalanges sur les métacarpiens. Le plus souvent, les mouvements s'exécutent d'une façon variée au niveau de chaque main et de chaque doigt., Ils s'accom- L. LÉVI. TREMBLEMENT HÉPATIQUE o87 pagnent de fatigue, de telle façon que le malade a hâte de reposer ses mains sur son lit. Ils sont de moyenne intensité. Ils persistent tant que les mains gardent la position tendue, et s'exagèrent de plus en plus comme intensité et comme rapidité. Ils passent de la main au membre tout entier. Les mouvements ne sont pas continus, mais sont pourvus d'un certain rythme qui leur donne une certaine ressemblance avec le tremblement de la chorée rythmée. Les mouvements persistent dans les membres, même les mains étant fermées. Le malade porte facilement, mais lentement, un verre à la bouche, et c'est seulement lorsque le verre est appliqué sur les lèvres que les mouvements réap- paraissent. Le fait même de tenir le verre dans la main appuyée, suffit pour provoquer les oscillations qui se font dans le sens latéral. 22 novembre. — Le tremblement signalé les jours précédents a presque disparu. Que penser de ce tremblement (1) ? Il n'apparaît ni dans le repos absolu, comme celui de la maladie de Parkinson, ni dans les mouvements. Il existe surtout dans la position du serment, augmentant alors progressivement d'intensité et de rapidité et s'accompagnant de fatigue pour le malade. Son interprétation est-elle discutable ? Sans insister sur la durée transitoire de ce tremblement, survenant en même temps que des phénomènes cérébraux, ses caractères l'éloignent du tremblement saturnin. Il s'agit pour nous d'un tremblement toxique, auto-toxique, hépatique. Cette conception n'est pas plus étrange que celle de convulsions d'origine hépatique ou de tétanie d'origine gastrique. Pourquoi le tremblement s'est-il produit chez notre malade? B... est à la fois éthylique et saturnin. Il présente de temps en temps un tremble- ment, à peine accentué, que sa femme a parfois remarqué quand le malade se sert à table. Sous l'influence de la même cause qui produit du délire sur un cerveau prédisposé, survient du tremblement chez un prédisposé, et c'est de cette façon que nous comprenons l'apparition des mouvements. La cause disparaissant, disparaissent et le délire et le trem- blement. Dans sa deuxième apparition, le tremblement coïncida avec de la rétention d'urine. Mais le fait que la première fois il n'existait pas de rétention d'urine suffit pour éliminer toute relation entre ces deux symp- tômes qui dépendent d'une cause commune. (i> v. Léopokl Lévi. Thèse cilée, p. 110. 588 SCIENCES MÉDICALES MM. Y. ÏÏAÏÏOT et Henri MEUNIER Agrégé de la Faculté de Interne des hôpitaux de Paris. Médecine de Paris. GOMME SYPHILITIQUE DOUBLE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE AYANT DÉTERMINÉ UN SYNDROME DE BROWN-SÉQUARD BILATÉRAL [613 83 + 616 951] — Séance du 3 avril '1896 — Les gommes syphilitiques de la moelle épinière sont considérées avec juste raison comme une des modalités les plus rares des manifestations nerveuses de la vérole. L'observation que nous publions ici est un exemple remarquable de cette forme pathologique : elle nous a fourni, aussi bien au point de vue clinique qu'au point de vue anatomique, des indications des plus intéres- santes et nous a permis, grâce à un examen méthodique de la lésion, d'élucider le mécanisme du syndrome physiologique complexe, constaté au lit du malade. Observation. — P. V..., âgé de quarante-deux ans, machiniste, entre dans le service du Dr Hanot, le 5 janvier 1895. Ses antécédents héréditaires et personnels sont insignifiants et peuvent être négligés dans la circonstance. En 1892, c'est-à-dire il y a trois ans, il contracta simultanément une blennor- ragie et la syphilis ; le chancre, dûment constaté par un médecin, qui institua un traitement spécial, fut suivi quelques semaines après d'une roséole caracté- ristique. Deux ans se passèrent sans nouvelles manifestations de la vérole ; puis, au mois de juillet dernier, apparurent des gommes cutanées dont le malade présente aujourd'hui encore des cicatrices profondes ; soigné à l'hôpital Saint- Louis, il fut soumis pendant trois semaines au traitement spécifique. Guéri de ses syphilides, le malade reprit son métier et continua à jouir d'une bonne santé générale. Il y a trois semaines, à l'occasion d'un rhume contracté dans son service, il ressentit des courbatures douloureuses dans les reins et dans les épaules ; puis ses jambes lui parurent pesantes, fatiguées, paresseuses ; il éprouva en même temps quelques difficultés à uriner. Ces troubles ne furent cependant pas assez intenses pour nécessiter une cessation de travail. Soudain éclata l'accident grave qui détermina la paraplégie actuelle. Cela se passait mercredi dernier, c'est-à-dire il y a quatre jours : le malade fut subitement pris, pendant son travail, de malaise général, de défaillance des membres et ses camarades lui proposèrent de le ramener chez lui : il partit à pied et, brusque- ment, dans la rue, il eut un étourdissement et s'affaissa sur le sol. L'attaque ne s'accompagna point de perte de connaissance, mais fut suivie immédiatement de paraplégie totale des membres inférieurs et du tronc, qui nécessita le trans- port du malade chez lui, puis, quatre jours après, à l'hôpital. V. HANOT ET H. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÉP1NIÈRL 589 Entré dans le service du Dr Hanot, le 6 janvier, le malade fut examiné le lendemain : son intelligence étant parfaitement conservée, il put fournir avec netteté les renseignements qui précèdent sur ses antécédents et le début de son mal. Étendu immobile dans le décubitus dorsal, la tête fortement déiléchie, les yeux fixés au plafond, le malade ne se plaint guère que de la raideur doulou- reuse de sa nuque et d'une pénible sensation de brûlure qu'il ressent entre les épaules. Nous laisserons de côté l'examen de ses divers appareils, poumons, cœur, appareil digestif, qui ne présentent aucun symptôme important, pour insister spécialement sur les troubles constatés dans le domaine du s)stème nerveux. /° Motricité. — Les troubles mo- teurs sont caractérisés essentiel- lement par une paraplégie flasque, absolue, étendue aux membres inférieurs et aux muscles volon- taires du tronc ; les membres su- périeurs paraissent respectés : ce- pendant leur force musculaire est diminuée, surtout à gauebe où l'on remarque une diminution très no- table et une maladresse prononcée des mouvements : ceux-ci sont limités à quelques contractions mal coordonnées et aux mouve- ments d'ensemble du membre, imprimés par le deltoïde et le grand pectoral. — Les muscles interscapulaires et cervicaux pos- térieurs sont contractures ; la mus- culature faciale est indemne. 2° Sensibilité. — Les troubles de la sensibilité sont moins francs que ceux de la motricité, mais par leur dissociation même et par la netteté de leur limite supérieure, ils éclairent précieusement le diag- nostic du siège de la lésion. Aux membres inférieurs, la sensibilité tactile est presque par- tout conservée, quoique manifes- tement diminuée et retardée. Par contre, les sensibilités thermique et algésique sont abolies ; le sujet interprèle les sensations de piqûre, l'application de corps chauds ou froids, comme sensa- tions de contact ; ces troubles sensitifs correspondent très nettement à la disso- ciation dite syringo-mycliqiK'. Sur le tronc, l'anesthésie complète s'établit peu à peu, à mesure que l'on remonte vers les régions supérieures, et^ bientôt (thorax) les trois ordres de <£~ FIG. i. 590 SCIENCES MÉDICALES sensibilité font totalement défaut. La limite de cette anesthésie, un peu diffé- rente à droite et à gauche, présente des particularités intéressantes. A gauche, elle s'arrête franchement au niveau de la troisième côte, limite au-dessus de laquelle elle reparaît avec le caractère hyperesthésique : cette zone de sensibilité exagérée correspond au deuxième espace intercostal ; au delà, les sensations redeviennent normales. — A droite, la même disposition s'observe exactement, avec une différence de niveau mesurée par la hauteur d'un espace intercostal ; Fanesthésie s'arrête au niveau de la deuxième côte, surmontée d'une bande hyperesthésique correspondant au premier espace intercostal ; puis la sensibilité normale reparaît uu peu au-dessous de la clavicule pour se continuer telle au cou, aux épaules et à la face. La sensibilité tégumentaire des membres supérieurs est intacte. 3° Réflexes. — Les réflexes rotuliens sont abolis ; il n'existe pas de clonus du pied. 4° Réservoirs. — Les troubles de la miction sont constitués depuis l'accident par une incontinence continuelle ; le rectum est paralysé; une constipation rebelle entraîne un météorisme pénible dont se plaint le malade. ,o° Organes des sens. — Il existe de l'inégalité pupillaire très marquée; la pupille droite est environ deux fois plus large que la gauche. En présence de ce tableau clinique et en se basant sur la limite de la paralysie, sur celle plus nette, de Fanesthésie, enfin sur l'existence de l'inéga- lité pupillaire, qui dénonce la participation du centre ciliospinal, on formula le diagnostic suivant : Paraplégie par lésion de la moelle; lésion bilatérale trans verse, intéressant certai- nement l'axe gris (dissociation syringomyélique), siégeant dans la région cervico- dorsale, vraisemblablement entre la huitième racine cervicale et la troisième dorsale ; d'origine syphilitique ; de nature indéterminée, mais d'évolution rapide (début apo- plectiforme) : hématomyélie ? myélite aiguë localisée ? ramollissement transverse ? Le malade ne survécut que cinq jours : pendant ce court délai, les symp- tômes nerveux s'accentuèrent ; l'opisthotonos de la nuque et les douleurs interscapulaires devinrent plus intenses ; peu à peu l'intelligence s'obscurcit et une eschare sacrée annonça le décubitus aigu. Après deux jours de coma, le malade succomba (neuvième jour de l'attaque). AUTOPSIE L'autopsie ne révèle dans les différents viscères qu'une hyperémie par stase, en rapport avec les troubles circulatoires de la période ultime ; il n'existe dans les poumons ni foyer de broncho-pneumonie, ni tubercules. Le cerveau, simplement congestionné, ne présente aucune lésion macrosco- pique; le cervelet et le bulbe sont indemnes. L'enveloppe dure-mérienne de la moelle paraît saine et ce n'est qu'après in- cision longitudinale de cette méninge que l'on constate deux points d'adhé- rence avec la moelle, à la hauteur de la première paire dorsale à gauche, de la deuxième à droite. La moelle elle-même, mise à nu, n'offre pas d'altération frappante, si ce n'est une congestion assez notable de la pie-mère dans la région dorsale supérieure et de nombreuses plaques blanchâtres d'arachnitis réparties sur toute la hau- teur de la face postérieure du névraxe. En pratiquant une section transversale de la moelle au niveau de la sym- V. BANOT ET II. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÉP1N1ÈRE 591 physe méningo-médullaire, on met à découvert une tumeur volumineuse qui occupe les deux tiers antérieurs de sa moitié gauche : la description plus détaillée de ce premier noyau et celle de la seconde tumeur n'ont pu être établies qu'après microtomie méthodique de tout le segment malade ; la pièce, durcie par le liquide de Muller, a élé débitée en coupes sériées, et ces coupes, au nombre de 198, colorées par les différents procédés classiques, nous ont permis d'étudier dans leurs détails la topographie des lésions et leurs caractères histologiques. ANAT0.UIE PATHOLOGIQUE Topographie des lestons. — La moelle, dans l'étage correspondant à l'origine des première et deuxième paires dorsales, renferme deux grosses tumeurs : l'une gauche, l'autre droite, symétriquement placées par rapport au plan médian ; elles occupent dans la région antéro-latérale du névraxe, des niveaux un peu différents : la gauche plus élevée, la droite plus basse, mais elles sont assez peu Fig. :i distantes l'une de l'autre pour que, sur certaines coupes, dans la région inter- médiaire, elles apparaissent l'une et l'autre juxtaposées. Les deux tumeurs ont 592 SCIENCES MEDICALES des caractères presque identiques et affectent des rapports analogues avec les éléments voisins : méninges, faisceaux blancs, colonne grise, racines. Nous ne décrirons donc en détail que l'une d'elles, la tumeur gauche (supérieure) par exemple, nous réservant d'ajouter pour sa congénère les particularités qui lui sont propres. Sur une coupe passant par la première racine dorsale, ou par le centre de l'adhérence méningo-médullaire gauche, on remarque la disposition suivante : l'aire de la coupe est plus grande qu'à l'état normal ; son diamètre transversal est de 17 millimètres, son diamètre antéro-postérieur de 14 millimètres. La forme de la coupe est elliptique, à grand diamètre transversal; son pour- tour est assez régulier, sauf à l'angle antéro-gauche, au niveau du sillon des racines motrices, où l'on constate la présence d'un bourgeon saillant, large, débordant le pourtour normal de la moelle d'environ 3 millimètres et adhé- rant aux méninges. Malgré cette conformation extérieure relativement peu troublée de la moelle, les différents éléments constitutifs du névraxe sont profondément bouleversés par la présence de la tumeur : celle-ci occupe la moitié gauche et antérieure de la coupe, refoulant en arrière et à droite tous les éléments normaux de la moelle ; son volume est celui d'une cerise (lia 12 millimètres de diamètre) ; sa section est à peu près circulaire, si on en excepte le bourgeon extramédullaire qui la coiffe en avant. La présence de ce gros nodule modifie de la façon suivante les parties normales de l'axe gris : la corne antérieure gauche a complètement disparu ; son siège correspondrait au centre même de la tumeur ; la corne postérieure gauche est re- foulée très notablement en arrière et ses deux tiers internes sont confondus avec le tissu néoplasique; seule, son extrémité libre est indépendante; on en distingue assez nettement le tractus fascicule qui aboutit aux racines sensitives. Les deux sillons médians antérieur et postérieur sont fortement déjetés de côté: le pre- mier fait un angle de 45 degrés avec l'axe antéro-postérieur de la coupe ; le second se dévie également et se perd bientôt en arrière de la tumeur, en la contournant avec ce qui subsiste de la corne postérieure gauche. Les deux cornes droites, au lieu de former un Y à angle obtus, ouvert à droite, sont dans le pro- longement l'une de l'autre et leur axe est exactement antéro-postérieur. Ainsi disposées, elles sont contiguès à la tumeur, au niveau de la région qui correspondrait normalement à la commissure grise. La topographie des faisceaux blancs est également très modifiée : à droite, les faisceaux antéro-latéraux subsistent avec leurs rapports et leurs proportions nor- males, quoique déformés par la compression latérale ; mais, à gauche, ils ont été détruits presque en totalité ; le faisceau pyramidal direct est englobé dans la tumeur, le faisceau pyramidal croisé est presque complètement détruit ; il ne reste du cordon latéral qu'une zone falciforme périphérique qui correspond à peu près au faisceau cérébelleux direct. Telle est la topographie générale des lésions sur la coupe qui passe par le diamètre maximum de la tumeur gauche ; les coupes sériées faites au-dessus et au-dessous de la précédente montrent que le noyau gommeux gauche diminue peu à peu de volume en conservant son siège intramédullahe ; il perd bientôt ses rapports méningés, cesse d'adhérer aux enveloppes, puis se con- centre dans la région de la corne antérieure : vers la partie supérieure il se continue par un prolongement de simple infiltration embryonnaire qui se confond avec une zone de ramollissement périépendymaire ; vers la partie inférieure, la tumeur se rétrécit également dans l'épaisseur de la moelle Y. HANOÏ ET II. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÉP1N1ÈRÊ 593 et son tissu néoplasique fait peu à peu place au tissu normal de la corne anté- rieure. La description de la seconde tumeur pourrait être calquée sur la précédente elle ne diffère en effet de sa congénère que par un volume un peu moindre, qui n'entraîne pas un refoulement aussi prononcé des éléments constitutifs de la moelle. Au niveau de sou plus grand diamètre, situé à la hauteur de la deuxième paire dorsale, la tumeur, de forme circulaire, assez bien circonscrite, occupe toute la portion antéro-lalérale de la moelle droite, détruisant la corne antérieure, une partie de la corne postérieure, les faisceaux pyramidaux direct et croisé, le faisceau de Gowers, refoulant l'extrémité de la corne postérieure et le cordon de Burdach, adhérant enfin par un gros bourgeon saillant à la dure-mère au niveau du sillon antéro-latéral. En haut, la gomme s'arrête en plein tissu gris par une extrémité arrondie; en bas, elle se termine par deux prolongements : l'un, effilé, qui s'éteint dans la zone marginale antérieure : l'autre, qui se confond avec la colonne de ramollissement lacunaire qui occupe le centre du névraxe et descend à deux centimètres environ au-dessous des tumeurs. En résumé, les altérations macroscopiques consistent en deux noyaux gom- meiix, situés de part et d'autre du sillon médian antérieur, l'un un peu plus élevé que l'autre, et en deux prolongements de ramollissement central, commis- sural, dépassant en haut et en bas l'étage des tumeurs proprement dites. Histologie des lésions. — Nous ne donnerons ici qu'un résumé des lésions histo- logiqties que nous avons observées au niveau des méninges, de la moelle et des tumeurs. La dure- mère est généralement peu altérée ; à peine épaissie et normalement vaseularisée, elle ne présente de lésions véritables qu'au niveau des deux adhérences qu'elle contracte avec les tumeurs; en ces points,-elle est faiblement envahie par l'infiltration embryonnaire, surtout dans le voisinage de ses vaisseaux nourriciers. L'arachnoïde, modérément infiltrée dans ses replis antérieurs, se fusionne avec les bourgeons néoplasiques au niveau des symphyses méningo-médullaires. La pie-mère présente des lésions très prononcées et très étendues; son épaisseur est notablement augmentée et, sur les coupes colorées à l'héma- toxyline, elle firme autour des racines et de la moelle, une gaine d'infiltration embryonnaire qui frappe par son coloris; les amas de petites cellules sont par- ticulièrement abondants autour des vaisseaux. Les vaisseaux périmédullaires témoignent par l'extension de leurs lésions du rôle qu'ils ont joué comme centres d'irradiation dans ce processus méningo-myé- litique. L'artère spinale antérieure dont la tunique externe est criblée de cellules embryonnaires, montre en certains points des modifications profondes de sa tunique interne. L'épaississement concentrique del'endartère aboutit même, à un niveau qui correspond à la tumeur supérieure, à l'oblitération complète du vaisseau. On retrouve sur les artères spinales postérieures des lésions analogues de péri et d'endartérite : l'une d'elles est également oblitérée- Lés veines, épaissies, infiltrées par les cellules rondes, sont converties sur \c< coupes, en des amas nucléaires d'une conlluence remarquable ; les veinules qui sillonnent le parenchyme de la moelle dessinent des traînées cellulaires qui engainent la lumière du vaisseau ; la veine spinale postérieure est, en un point presque oblitérée. Les deux gommes présentent au point de vue histologique des caractères absolument identiques. Leur constitution élémentaire se montre avec une 38* 594 SCIENCES MÉDICALES netteté remarquable sur les coupes colorées par le picro-carmin, l'hématoxyline éosine. ou le chlorure d'or. La masse centrale de la tumeur est formée par une agglomération considérable de cellules embryonnaires, ne différant de celles des traînées méningées que par leur confluence et leur dissémination désor- donnée. Les noyaux cellulaires sont généralement bien colorés, sauf dans une certaine zone centrale où la perte de l'affinité colorante indique le stade de dégénérescence caséeuse. Dans les points où la prolifération embryonnaire est à son maximum d'activité, en particulier dans la partie voisine du bourgeon méningo-médullaire, on peut voir sur différentes coupes de magnifiques cellules géantes, dans lesquelles les noyaux groupés en couronne et orientés suivant les rayons de la cellule, atteignent les nombres de 20, 30, 50 et plus. La périphérie de la tumeur est marquée par la disposition linéaire et concen- trique des traînées embryonnaires et par le refoulement que celles-ci déter- minent sur les faisceaux blancs voisins ; la limite est moins nette dans les régions de la substance grise périépendymaire, où l'infiltration cellulaire se diffuse sans qu'on puisse apprécier le point où elle s'arrête. Les extrémités de la gomme permettent de surprendre le processus gommeux dans sa phase récente ; on voit dans ces régions le tissu médullaire, quel qu'il soit, substance grise ou substance blanche, s'infiltrer peu à peu de petites cellules dont les voies d'apport sont nettement dessinées par les petits vaisseaux émanés de la périphérie ; chaque artériole, chaque veinule forme comme un. affluent qui charrie vers le centre de la moelle d'innombrables cellules ; celles-ci se déversent dans les interstices de la névroglie, des fibres et des cellules nerveuses et s'y condensent en amas ou en nappes plus ou moins confluentes. En général, les lésions de dégénérescence sont peu marquées dans les divers faisceaux blancs, et cela ne doit pas nous étonner, étant donnée la rapidité d'évolution du processus. Les lésions sont limitées au voisinage immédiat de la localisation morbide et relèvent plutôt d'une dégénérescence m situ que d'une dégénérescence wallérienne ou rétrograde. Les faisceaux les moins atteints sont ceux des cordons de Goll et de Burdach : dans leur portion antérieure cependant ils sont envahis par des tractus abondants de sclérose récente, infiltrée d'élé- ments jeunes et sillonnée par de nombreux vaisseaux ; les tubes nerveux de ces faisceaux se colorent bien par les méthodes de Weigert et de Pal ; quelques- uns, néanmoius, sont altérés et se montrent sur les coupes traitées par la méthode de Freud sous la forme d'amas de tubes gonflés et surcolorés. Les faisceaux cérébelleux directs et le faisceau de Gowers ne sont pas altérés d'une façon systématique. Les faisceaux de dégénérescence descendante (pyramidaux, direct cl croisé) ont subi un commencement de dégénérescence dans les régions immédiatement sous-jacentes aux tumeurs ; ce fait s'observe assez nettement sur les coupes traitées au Weigert et au Pal ; dans ces régions, les tubes nerveux, dissociés, amincis, sont à peine colorés ; leurs cylindres-axes sont pâles ou absents ; la dégénérescence ne s'étend pas au-delà d'un centimètre environ au-dessuus des foyers gommeux. La substance grise, dans les points où elle n'est pas totalement remplacée par le tissu néoplasique, est le siège de lésions variables; au milieu de l'in- filtration embryonnaire, on aperçoit les cellules nerveuses ratatinées, pâlies ou détruites même, laissant dans ce cas une logette vide dans la coupe. La région commissurale, au-dessous des tumeurs, est envahie par les éléments du V. 1IAN0T ET H. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 595 ramollissement récent ; les corps granuleux y sont nombreux, mélangés avec les cellules inflammatoires. Les racines sont toutes atteintes par le processus leptoméningitique, le péri- nèvre et les espaces interfasciculaires sont infiltrés de cellules embryonnaires, particulièrement abondantes autour des vaisseaux. Les racines postérieures ne présentent pas de traces de dégénérescence; au contraire, les racines antérieures correspondant aux tumeurs ou immédiatement sous-jacentes à ces deux loyers, sont nettement dégénérées, mais à courte distance. REFLEXIONS Considérations anatomiques . — Étant données la rareté exceptionnelle des gommes syphilitiques de la moelle (1), et la fréquence relativement beaucoup plus grande des tubercules solitaires et des gommes tuber- culeuses des centres nerveux, nous devions, dans le cas qui nous occupe, songer un instant à ce diagnostic délicat. On sait combien est souvent embarrassante une pareille différenciation, puisque dans la forme anato- miquc qui aboutit cà la production d'une tumeur gommeuse, tuberculose et syphilis obéissent à un même processus ; la lésion perd ses caractères de spécificité en atteignant à ce stade d'évolution: elle devient l'aboutissant banal d'une infiltration embryonnaire excessive sur un point restreint. Aussi n'est-ce point dans les caractères de la gomme que nous trouvons des éléments de diagnostic nous permettant d'affirmer la syphilis ou la tuberculose; la forme arrondie de la tumeur, l'agglomération confluente des petites cellules qui la constituent, la présence de cellules géantes (signalées dans la syphilis par Bizzozero, Malassez, Baumgarten, Lancereaux, Soltas, Lamy), la dilatation du réseau vasculaire, la dégénérescence caséeuse des zones centrales, tous ces caractères sont communs aux deux processus infectieux. Par contre, l'examen des régions voisines des foyers gommeux nous apporte des arguments décisifs ; la diffusion de la leptoméningite dans tout l'étage infecté du névraxe, l'infiltration de la pie-mère envahissant la moelle par les voies vasculaires, les lésions remarquables de ces vaisseaux, périartérile généralisée, endartérite oblitérante, phlébite des i Les exemples authentiques de gommes syphilitiques de la moelle sont, eu raison même de leur rareté, ci 1rs par de nombreux auteurs. En voici la courte liste, d'après la thèse de Sottas et l'urlicle du Traité de Médecine Lamy] : 1° Mac-Dowki.l, i soi : Gomme centrale de la moelle dorsale; 2- Wn.ks, 1863 : Gomme j>o$téro- latérale droite de la moelle lombaire ; :j° Wagner, 1863: Gomme latérale gauche bulbaire-, '■- Rqsbnthal, 1865*: Gomme de la moelle; :." Loiienzo Halles, i 812 : Gomme de la moelle lombaire; Bavard, 1883: Gomme superficielle gauche de la moelle dorsale ; 7 \\. OSLBR, 1889: Gomme anteio-lateiale droite de la moelle cervicale ; 8° Mouuek. 1893: Gamme de lu moelle dorsale; Les trois dernières observations sont seules accompagnées d'un examen histologique ; le diagnostic ai lia n'était solidement établi que pour les malades de Mac-Dowell, Wagner, L. Halles, Savard i Mourek. 596 SCIENCES MÉDICALES gros troncs et des veinules, toutes ces altérations sont regardées au- jourd'hui comme fonctions de la syphilis : elles sont remarquablement développées dans notre cas. Ajoutons à cela les raisons d'ordre clinique qui font de notre malade un syphilitique avéré et non un tuberculeux : nous nous croyons donc en droit d'affirmer, dans la circonstance, la nature syphilitique des deux tumeurs gommeuses (1). En ce qui concerne leur mode d'évolution, nous pensons, étant données leurs connexions avec les méninges, qu'elles ont eu pour point de départ un foyer primitif de pachyleploméningite ; de ce foyer, l'infiltration em- bryonnaire a gagné les parties sous-jacentes de la moelle et s'est développée avec une prédilection particulière au niveau de la substance grise des cornes antérieures et de la commissure ; celte localisation élective, démontrée par la bilatéralité et la symétrie des foyers, s'explique soit par la présence d'un réseau vasculaire plus riche, soit par une vulnérabilité plus grande du tissu de la substance grise ; rappelons, à ce propos, que la thrombose de l'artère spinale antérieure a pour conséquence (Lancereaux, Panum, Vulpian) de favoriser le ramollissement de la colonne grise. Considérations physiologiques. — Un des faits les plus intéressants de l'histoire de notre malade est, sans contredit, le mode de début de sa paraplégie ; il est en effet surprenant qu'une lésion aussi étendue, aussi destructive que celle que nous avons observée, ne se soit manifestée dans tout son éclat que dix jours avant la mort. Avant son ictus, le malade avait bien présenté quelques symptômes frustes d'une affection médullaire; mais ceux-ci avaient été assez légers pour ne nécessiter aucune interruption de travail. Comment peut-on dès lors expliquer cette latence de la lésion ? Si l'on se rappelle la topographie du double foyer gommeux et ses connexions originelles avec les méninges, on peut supposer que la lésion a débuté par le sillon antéro-latéral et cela, à un étage où les racines motrices (première paire dorsale à gauche, deuxième paire à droite) répondent à une innervation musculaire relativement peu importante; pour la première paire dorsale gauche, branche du plexus brachial, il existait bien un certain trouble fonctionnel qui se traduisait par une parésie du bras gauche ; la paralysie des deuxièmes paires, en revanche, pouvait cliniquement ne donner lieu à aucun phénomène objectif. La lésion, dans ses débuts, a donc pu n'intéresser queles cornes antérieures sur un point limité, respectant les faisceaux pyramidaux et le cordon postérieur sensitif. Cette phase de l'évolution de la lésion répond, selon nous, à la période de prodromes, dans laquelle le malade néprouvait que de la lourdeur des jambes, des fourmillements, une certaine difficulté m) Par acquit de conscience, nous avons recherché les bacilles tuberculeux en suivant la méthode préconisée par M. Letulle pour les pièces traitées par le liquide de Millier ; notre recherche a été négative. Y. HANOÏ ET II. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÊPINIÈRE ;)97 dan? la miction, troubles qui relevaient sans doute d'une simple irritation de voisinage ou d'un refoulement des conducteurs sensitivo-moleurs. Survient brusquement l'attaque apoplecti forme, suivie de paraplégie complète et d'anestbésie du territoire sous-jacent à la lésion. Un semblable accident, qui nous avait fait penser à une hématomyélie ou à un ramol- lissement transverse par thrombose, s'explique, selon nous, delà façon sui- vante: au moment où elle s'est produite, la paraplégie menaçait sans doute d'apparaître d'une heure à l'autre ; les faisceaux pyramidaux, singulière- ment comprimés, refoulés parles tumeurs qui, quelques jours plus tard, devaient les avoir complètement détruits, étaient à la merci d'une dernière poussée. La thrombose artérielle rompit l'équilibre et détermina l'ictus... A partir de ce moment, les phénomènes se simplifient en ce qui concerne la paralysie. L'envahissement des cordons antéro-laléraux, l'épa- nouissement de l'infiltration gommeuse parachevèrent la section de la moelle et comme le processus évoluait symétriquement des deux côtés, à la différence de hauteur près, la paraplégie devint complète, définitive. Nous arrivons maintenant à l'interprétation plus complexe et plus délicate des troubles de la sensibilité et de leur rapport avec les troubles moteurs. Cette association répond, anatomiquement et physiologiquement au type connu sous le nom de Syndrome de Brown-Séquard (hémipara- plégie spinale avec hémianesthésie croisée) avec cette particularité très rare d'être bilatéral; il s'accompagne en outre de la présence de deux zones d'hyperesthésie, immédiatement superposées aux territoires anesthésiés. Pour nous rendre compte du mécanisme de ces faits complexes, force nous est d'avoir recours à une figure schématique. (Nous avons représenté par transparence et avec une certaine perspective, les conducteurs moteurs et les conducteurs sensilifs sous la forme de deux colonnes continues traversant les tumeurs ; les parties respectées et les parties intéressées correspondent aussi exactement que possible aux lésions constatées histologiquement.) Considérons d'abord la tumeur gauche T : ainsi que nous l'ont montré nos coupes, cette tumeur détruit l'origine des racines motrices de la première paire dorsale MG1, la corne antérieure tout entière, les faisceaux pyramidaux direct et croisé ; de cette hémisection de la moelle motrice gauche, résulte la paralysie motrice de la moitié gauche du corps au-dessous de la première dorsale (parésie du bras gauche, paralysie du tronc et du membre inférieur, à gauche) ; en outre, la tumeur T, par sa diffusion dans la colonne grise postérieure, interrompt au niveau de la première paire dorsale la colonne sensitive (conductrice commune); mais la conséquence de cette interruption ne se fera pas à la hauteur de cette première paire dorsale; on sait, en effet, que l'entrecroisement sensitif des fibres émanées des racines se fait dans les cordons postérieurs et la com- 598 SCIENCES MÉDICALES missure grise, au-dessus du point d'entrée de ces racines ; par conséquent, les conducteurs interrompus en T sont ceux qui sont destinés aux racines opposées, situées au-dessous: deuxième paire, SD2, et suivantes; nous nous expliquons donc la différence de niveau de l'hémiparalysie et de l'hémianesthésie du syndrome de Brown-Séquard provoquée par la tumeur T. Si, enfin, nous considérons la racine sensitive de la première paire dorsale SD1, nous voyons bien que sa continuité intramédullaire est respectée dans le trajet d'entrecroisement (et les coupes nous montrent en effet qu'à ce niveau le cordon postérieur est à peine atteint), mais nous remarquons qu'elle côtoie la tumeur en 0 et que, dans ce point, elle doit être irritée par le voisinage du foyer ; de là l'hyperesthésie du territoire innervé, la zone HDsuperposée à la zone d'anesthésie A . L'explication précédente s'applique identiquement aux troubles produits \ BANOT ET H. MEUNIER. — GOMME SYPHILITIQUE DE LA MOELLE ÉP1NIÈRE 599 par la seconde tumeur T avec les conséquences qu'entraîne ici sa situation un peu moins élevée sur le névraxe. Nous voyons ainsi que L'interruption de la colonne motrice (corne antérieure et faisceaux pyramidaux droits) au niveau de la deuxième paire dorsale MD2 détermine la paralysie droite du corps au-dessous de la lésion, zone P,J ; que la participation localisée de la colonne sensitive au processus inflammatoire provoque l'anesthésie opposée, à partir de la racine suivante, SG \ zone A. ; enfin, que l'irritation de voisinage en 8' des fibres d'entrecroisement de la racine SG2 a pour effet d'hyperesthésier la zone HG, superposée à la zone d'anesthésie A''. Toute cette conception physiologique, pour théorique qu'elle paraisse, s'appuie sur un nombre suffisant de faits connus pour qu'elle puisse être ici acceptée; elle a déjà trouvé son application dans des cas publiés par Sottas, Brissaud, et, si elle est d'une adaptation plus complexe au fait qui nous occupe, c'est qu'il s'agit ici d'un syndrome double par lésion bila- térale de la moelle. 11 nous reste à interpréter la dissociation syringomyélique constatée chez notre malade au niveau des membres inférieurs. On sait que les conduc- teurs des différentes sensibilités; tactile, thermique et douloureuse, ne suivent pas les mêmes voies dans la moelle (Schiff) ; tandis que les premiers, après avoir fait étape dans la substance grise de la corne postérieure, gagnent les régions supérieures et l'encéphale par des systèmes commis- suraux contenus dans le cordon de Goll, les autres (thermique et dou- loureux) paraissent constitués exclusivement par la colonne grise elle- même. Or, que se passe-t-il dans notre moelle? Les filets sensitifs de tactilité, émanés des membres inférieurs et de la partie inférieure du tronc, aboutis- sent dans le névraxe à des points de la substance grise qui sont indemnes; de là ils passent dans le cordon de Goll (partout respecté), franchissent l'étage des tumeurs sans être interrompus et gagnent les centres encéphali- ques: ceux, au contraire, qui proviennent des régions supérieures du tronc (premières paires dorsales) pénètrent dans les parties altérées des cornes pos- térieures et y sont détruits avant d'atteindre les faisceaux commissuraux ; de là la conservation de la sensibilité tactile dans les régions inférieures du corps, sa suppression dans la zone supérieure du territoire paraplégie. A ces deux variations de la sensibilité tactile s'ajoute la disparition complète des sensibilités thermique et douloureuse, qui caractérise la dis- sociation syringomyélique ; pour ce dernier l'ait, l'explication en est simple: nous avons vu, en effet, que la colonne grise était manifestement inter- rompue par les deux foyers gommeux et que l'infiltration embryonnaire s'étendait d'une façon remarquable dans toute la région centrale de la moelle, même au delà des tumeurs, constituant ainsi une véritable lésion, sinon de nature, au moins de forme syringomyélique. 000 SCIENCES MEDICALES M. Auguste voisnr Médecin de la Salpêtrière, à Paris. FOLIE LYPÉMANIAQUE GUÉRIE PAR LHYPIMOSE ET ACCOUCHEMENT NORMAL DURANT L HYPNOSE [616 84 + 618 4-}- 612 821 71 ; — Séance du 4 avril I8S6 — J'ai fait aux Congrès de Blois, de Grenoble, de Nancy et d'Oran des communications sur l'utilité de la suggestion hypnotique dans le traite- ment de l'aliénation mentale vésanique et hystérique. J'ai depuis continué à appliquer avec succès cette méthode dans des cas analogues déjà nombreux et je l'ai étendue à la cure de maladies diverses ressortissant à la médecine nervoso-mentale. C'est ainsi que j'ai pu guérir des individus atteints de dipsomanie, de morphinomanie , de catalepsie, de folie épileptique, de manie aiguë hystéro-épileptique, d'aliénation mentale avec tendance au suicide et à l'homicide, d'hémiplégie nerveuse considérée comme organique, de délire du doute, d'agoraphobie, de manies et phobies diverses, de perversité morale et d'onanisme. Je choisis aujourd'hui, parmi mes observations, une desjplus récentes que je crois pouvoir intéresser le Congrès tant par la guérison d'une alié- née ayant des hallucinations de la vue, de l'ouïe, des idées enracinées de suicide et étant devenue aphasique par suite d'une affection pulmonaire grave, que parce que j'ai pu hypnotiser cette femme pendant le travail de l'accouchement dont elle n'a ressenti aucune douleur et dont elle n'a pas eu conscience. Obs. — Fe Ch. — Folie lypémaniaque avec hallucinations et idées de persécu- tion. Aphasie et cécité verbale après une pleur o-pneumonie . Phénomènes hystériques. Guérison rapide par la suggestion hypnotique. Après sa guérison, grossesse. Accouchement pendant le sommeil hypnotique à la clinique Baudelocque. Antécédents héréditaires: Le père n'était point alcoolique; sa vie ne nous donne rien d'important à signaler. La mère est morte de phtisie pulmonaire: sa maladie a duré fort longtemps et un frère a été atteint d'une tumeur blanche du pied. Antécédents personnels : Depuis l'âge de cinq ans, la malade Ch... avait régu- A. VOISIN. — FOLIE LYPÉMANIAQUE GUÉRIE PAU L'HYPNOSE G01 lièrement toutes les semaines des névralgies à la tète, surtout dans les régions frontale et temporale droites. Ces douleurs commençaient par une sensation de gonflement à la poitrine, puis au cou ; elle avait en même temps la face rouge. La douleur montait à la tête et elle était obligée, pour l'atténuer, de se faire vomir en se mettant les doigts dans la bouche. Elle a été précoce pour tout, dit sa mère; à l'âge de onze ans, menstruation. Le surlendemain, à la suite d'une frayeur, les régies disparaissent; niais en même temps il survint des phénomènes nerveux : impossibilité de parler pen- dant quelques heures; paralysie du côté droit. Le bras droit était fléchi à angle droit, il était collé contre le corps et raide et on ne pouvait l'étendre ; les doigts pouvaient remuer. Le membre inférieur était fléchi et douloureux. Tout le temps que dura cette paralysie, les douleurs névralgiques de la tête cl des espaces intercostaux se reproduisaient régulièrement chaque semaine. Insensiblement la faiblesse de la jambe droite diminua et la malade put faire de petites courses. Après deux ans, la jambe a à peu près repris toute sa vigueur. Le bras resta paralysé pendant plus longtemps et la motilité ne s'y rétablit que lentement. Les règles reparaissent alors, mais le jour même elle a une contrariété et la menstruation s'arrête. A treize ans et demi, fièvre typhoïde qui dura deux mois et demi. La malade dit avoir déliré pendant plus d'un mois. Les règles reparaissent pendant cette maladie. La convalescence terminée, la malade constata que son caractère avait changé; un rien l'ennuyait et sa mémoire a diminué. Quelque temps après, à la suite de dissentiments qui survinrent entre elle et sa famille elle se mit en apprentissage. Pendant quatre à cinq ans, elle alla de maison en maison, changeant souvent parce que ses douleurs l'empêchaient de faire le travail qu'on lui imposait. A ce moment elle fut atteinte de névralgies vagues, de maux de tète, de dents et de douleurs intercostales ; elle toussait presque continuellement. A dix-sept ans elle fit la connaissance de son mari qu'elle épousa en octobre 1883. Le ménage ne marchait pas trop mal, sauf quelques ennuis jusqu'en 1887, année où le mari se mit à cracher du sang et entra à l'hôpital. C'est alors que la malade eut ses premières hallucinations; elle entendait les voisins dire du mal d'elle; elle se disait persécutée. En 1890 et 1894, le ménage est expulsé de son logement, et elle endure beaucoup de privations. Enfin au commencement de 1802 son mari entra à Necker, puis à la Charité et c'est là au moment de la séparation d'avec lui qu'elle tomba dans la rue dans une première attaque de nerfs. Je dois ajouter que depuis son mariage sa santé s'est altérée et les soucis de toute nature qu'elle a eu à subir en ont été la cause: qu'elle avait des discus- sions avec son propriétaire, son concierge, ses voisins et qu'elle croyait que toutes ces personnes lui en voulaient ; elle les entendait proférer des menaces contre elle. La nuit de l'attaque de nerfs qui éclata à la Charité, elle fut prise de délire et transférée à Sainte-Anne et de là à la Salpêtrière. A son entrée dans mon service de la Salpêtrière, le 20 janvier 1892, elle est triste, elle pleure, elle croit qu'on l'accuse de vol; elle a des hallucinations 602 SCIENCES MÉDICALES terrifinntes de la vue dans lesquelles elle voit un homme noir, qu'elle appelle le « noiraud » et qui est couvert de sang. Lorsque l'hallucination se produit, on la voit tomber à genoux, se cacher la figure dans les mains, se rouler à terre en proie à une violente terreur. Examen physique. Traits réguliers. Front bien fait. Lobule de l'oreille adhé- rent jusqu'en bas. Le nez est large, épaté. Orthognathe. Voûte palatine bien laite. Pupilles égales, moyennes, Pas de tremblement de la langue, des lèvres, ni des mains. Pas de goitre. Pas de pléiade cervicale. Ltérus normal. Rien de particulier dans les poumons. Rien au cœur. Hémianesthésie droite complète. Diminution de la sensibilité à la piqûre à l'avant-bras gauche. Pas de styg- mates sus et sous-mammaires. Douleur iliaque des deux côtés. Douleur dans le côté droit du thorax. Pas de zones hystérogènes. Réflexe pharyngien aboli. Réflexe conjonctivo-cornéen diminué à gauche, aboli à droite. Réflexes rotu- lirns normaux. Rétrécissement concentrique du champ visuel à droite. Acuité visuelle très diminuée à droite. Dit voir mieux de l'œil gauche. Hémianopsie. Voit parfois une étoile qui remue. Pas d'achromatopsie ni de dyschromatopsie. Un peu d'hésitation pour le violet et le vert. Acuité auditive très diminuée à droite. Pas d'odorat adroite (ammoniaque). Goût un peu altéré (moutarde). Le 20 mars. — Chute en arrière, Perte de connaissance. Yeux hagards, fixes, portés en haut et en dedans. Pas d'écume buccale. Pas de morsures de la langue. Pas de convulsions toniques» Se débat fortement. 46 avril. — Rroncho-pneumonie du sommet droit. Hémoptysie. Fièvre : 39 degrés. Sueurs. Matité du sommet droit. Râles sous crépitants. Cette maladie a duré trois semaines. Amélioration de l'état mental, mais la maladie a laissé un très grand affaiblissement physique et intellectuel. 2 juin. — La malade ne sait plus prononcer les mots commencés par une autre personne; elle ne peut plus dénommer les objets, tels que le fil, l'aiguille, les ciseaux. On constate de plus, en la faisant lire, qu'elle présente de la cécité verbale qui se montre chez elle sous trois formes : 1° La malade interprète le mot qu'elle voit, sait de quoi il s'agit, mais ne peut pas prononcer le mot écrit et désigne, par une périphrase, l'objet dont elle voit le nom (aphasie de transmission) ; 2° La malade lit le mot à haute voix, sans hésiter, mais ne sait pas ce que le mot veut dire, ou doit faire effort pour trouver sa signification (aphasie de réception) ; 3° La malade ne comprend ni ne peut lire le mot qu'elle a devant les yeux (aphasie totale). C'est la troisième forme qui existe à peu près seule. La première et la seconde sont des modifications de celle-ci et ne se montrent qu'après quelques séances d'hypnose. En effet, voici à quel exercice la malade est soumise. On lui fait lire un passage de trente-cinq lignes. Sur ces trente-cinq lignes, il y a quinze mots pour lesquels elle présente une des formes d'aphasie désignées plus haut. Puis on la met en état de somnambulisme et on lui fait relire le même passage. Dans cet état, elle lit sans hésitation et comprend tous les mots. Réveillée, on lui fait relire le même passage et, au lieu de quinze mots, il n'y en a plus que quatre ou cinq sur lesquels elle hésite ou qu'elle ne peut pro- noncer. Tous les deux jours, on répète la même expérience avec des passages qu'elle n'a pas encore lus et, après six séances semblables, on lui fait lire successive- ment à l'état de veille, puis en état de somnambulisme provoqué, puis en état A. VOISIN. — FOLIE LYPÉMANIAQUE GUÉRIE PAR i/HYPNOSE G03 de réveil trois passages de trente-cinq lignes chacun. Elle ne montre plus aucune hésitation. 11 en est de même pour l'écriture. On arrive pendant l'hypnose à lui faire écrire un passage de quinze lignes sous la dictée, sans une hésita! ion, alors qu'au début elle laissait en blanc, pour un même nombre de lignes, sept ou huit mots dont elle ne savait plus l'orthographe. Pour les chiffres, la même rééducation a été l'aile. Par suggestion on lutte contre ses hallucinations: on lui persuade qu'elle est plus forte que le « noiraud » et qu'elle ne doit pas le craindre, ni le voir. Pendant ses crises, en effet, elle se cache sous les lits ou bien elle le poursuit et lui jette des pierres. Enfin, on parvient à chasser complètement l'hallucination par plusieurs séances d'hypnose. Septembre. — Depuis plus d'un mois, la malade paraît avoir retrouvé son état normal. La mémoire est revenue. L'aphasie et la cécité verbale ont com- plètement disparu. Plus d'hallucinations. Sommeil calme, mais encore de temps en temps maux de tête et névralgies vagues dans la moitié droite du thorax. 2!) octobre 1893. — Pas d'anesthésie à la douleur, au tact. Conservation du réflexe palpébral; conservation delà contractilité pupillaire: égalité des pupilles. Hémiopie interne ; elle ne distingue une bougie que de face. Pas de diplopie ni de dyschromatopsie. Sait multiplier, additionner. L'œil droit ouvert, je lui dis de me fixer, je tiens à la main un crayon brillant, je ie présente à droite, à gauche, en haut, en bas. Elle le voit de l'œil droit, mais de l'œil gauche elle ne le voit pas. Elle ne le voit distinctement que de face avec l'œil gauche. 30 octobre. — Hypnose. L'œil droit étant couvert, je lui dis d'ouvrir l'œil gauche, elle ne voit le crayon que de face ; je lui présente le crayon aux quatre côtés, elle ne le voit pas et elle me dit qu'elle ne voit que moi; je lui présente de nouveau le crayon, elle arrive à le voir par suggestion en bas et en dedans, je lui dis qu'étant éveillée elle continuera à le voir à ces deux places. Liant éveillée, elle voit peu distinctement encore le crayon placé en dedans et en bas et rien n'est obtenu encore en haut et en dehors. Après deux autres séances, ce trouble visuel a complètement disparu sous l'influence de mes suggestions. J'ai maintenu cette femme dans mon service pendant les mois suivants, ab- solument guérie de ses hallucinations, idées de persécution et troubles de la parole, de la mémoire, de la vision, mais je l'hypnotisais de temps à autre lorsqu'elle se plaignait de douleurs de tête. Mai 189i. — Je l'ai rendue à son mari qui la réclame et qui me la ramènera tous les mois pour être soumise à une séance d'hypnose, destinée à consolider sa guérison. Étant sortie de mon service, cette femme est devenue enceinte en 1894. La grossesse a suivi son cours sans incident. Liant arrivée près du terme de sa grossesse, j'ai prié M. Pinard de la prendre dans son service Baudelocque en lui demandant s'il lui plairait que je l'hypno- tisasse pendant son accouchement. Chose acceptée. Le -2'.) avril i895, à 7 heures du matin, on vient me chercher, Ch... étant prise de douleurs depuis deux heures. J'y vais, je la trouve dans la salle de travail, souffrant de douleurs vives qui lui arrachent des plaintes. La sage- femme me dit que la dilatation est à peine commencée, que la présentation se fait bien et . COY.NE. — SOURDES-MIETTES DIPHTÉRIQUES DE BORDEAUX 007 sant la trachée avait ensuite évolué sourdement jusqu'au moment où elle avait, en remontant, atteint le larynx. Les cultures ont démontré qu'il s'agissait du bacille de Lùller long et de microcoques. On pratique une injection de 20 cen- timètres cubes de sérum, mais le tirage abdominal s'établit et la trachéotomie s'impose à 11 heures du soir. Lorsqu'elle est terminée, rejet de plusieurs paquets de fausses membranes rubanées provenant de la trachée et des bronches. Le lendemain l'amélioration n'est pas suffisante malgré le rejet de beau- coup de fausses membranes, une nouvelle injection de 15 centimètres cubes est pratiquée. C'est seulement dans l'après-midi qu'il est possible d'obtenir de l'urine en quantité suffisante et isolée. Elle se prend en masse par la chaleur et le dépôt occupe après repos la moitié de la hauteur du tube. Régime lacté absolu enfin accepté par la famille et par l'enfant. L'urine de la nuit est rouge comme si elle renfermait de la matière colorante du sang. L'enfant a bu dans la nuit 000 grammes de lait ; aussi à partir du matin l'urine devient-elle plus claire. Cette urine, divisée en trois échantillons successifs, a présenté les caractères suivants : PREMIER ÉCHANTILLON DEUXIÈME ÉCHANTILLON TROISIEME ÉCHANTILLON \\;nit prise de lait. Après prise ds lait. Après absorption d'un litre de lait. Albumine par litre, lo^SO. 6 grammes. 2,r,05. L'échantillon n° 1 renfermait en outre beaucoup d'acide urique et des urates, tandis que l'échantillon n° 3 correspondant à un espace de temps représentant environ douze heures après la deuxième injection de sérum, renfermait une quantité appréciable de globuline. Une troisième injection de sérum est pratiquée le 31. A partir de ce moment les phénomènes favorables prédominent ; l'élimination des fausses membranes trachéales et bronchiques s'accentue ; et dans la matinée du 2 février, la petite malade rejette un énorme fragment de fausse membrane représentant le moule de l'extrémité inférieure de la trachée et des deux bronches qui lui font suite. En même temps, la bronchite disparait des deux poumons. La canule est enlevée le 3 février définitivement et la plaie guérie et cica- trisée complètement le 9 février. L'examen des urines a permis de suivre la disparition rapide de l'albumine. Celle du 31 au 1er succédant à la troisième injection de sérum ne renfermait plus que ls',20 de matières albuminoïdes composées par parties presque égales 4 AGRONOMIE Ces animaux, du poids de 600 à 700 kilogrammes, recevaient par jour 30 kilogrammes d'ensilage et 3 kilos de tourteaux d^arachide, puis la paille à discrétion. Dans cette ration, 30 kilogrammes d'ensilage rempla- çaient 50 kilogrammess de pulpe de diffusion : l'engraissement fut aussi rapide qu'avec les pulpes. L'année suivante, je recommençai l'opération, dans le même silo, avec de la luzerne et du trèfle incarnat ; mais j'avais profité des expériences faites chez M. de Chezelles et à la place de l'ensilage acide, j'obtins de l'en- silage doux. Au lieu de charger le silo d'un seul coup sur toute la hauteur, j'opérais par couches successives de 60 centimètres, en attendant qua- rante-huit heures pour faire une nouvelle charge sur la première, de manière à arrêter la fermentation au moment où elle est encore alcoolique. Ce système est bien préférable, non seulement au point de vue de la qualité du fourrage, mais encore de la facilité du travail. Il est impor- tant, pour la bonne confection d'un silo, que le fourrage n'ait subi aucun commencement de dessiccation. Pour arriver à ce résultat, je faisais faucher la veille au soir, à partir de quatre heures, tout le fourrage que pouvaient abattre mes deux faucheuses et, le lendemain de bonne heure, les voitures allaient charger ce fourrage encore tout humide de rosée. Le fourrage était étendu en couches de 60 centimètres d'épaisseur en procédant comme la première fois, c'est-à-dire en faisant passer voitures et chevaux sur le tas ; le lendemain soir fauchage et le surlendemain entassement. Ce procédé a encore un autre avantage, c'est que le tassement se produit successivement et que le tas, une fois arrivé à la hauteur voulue, subit peu d'affaissement, ce qui nécessite moins de travail pour l'entretien de la couverture. Inutile d'ajouter que l'ensilage conserve une couleur presque verte et une odeur alcoolique agréable et qu'il ne com- munique au lait aucun goût. Ce silo en terre est bon dans un sol très perméable où l'eau s'écoule facilement ; mais il ne conviendrait nullement dans une terre argileuse. Il présente cependant plusieurs inconvénients : les frais de creusage de la fosse, la perte résultant de la terre des parois qui s'éboule et se mélange avec le fourrage, enfin la difficulté du tassement. Nous avons vu en effet que l'on est obligé de donner aux côtés du silo une certaine pente. Or, si l'on examine comment s'exerce dans ce cas la pression verticale, on remarque qu'une partie de cette pression est perdue et agit sur les bords, au lieu de comprimer le fourrage contre le fond. Et, si l'on fait une coupe de ce silo, on aperçoit une incurvation dans les couches qui se relèvent sur les bords pour se creuser dans le milieu ; il en résulte un tassement insuffisant sur les côtés, un affaissement dans le centre de la couverture, qui, au lieu de rester bombée, se creuse en cuvette et peut laisser passer les eaux pluviales. N. MINANG01N. — ALIMENTATION DU BÉTAIL TUNISIEN 025 Une année, au mois de mai, mon silo ne se trouvant pas encore débar- rassé au moment où je voulais ensiler un mélange de seigle et de vesces, je me décidai à tenter l'ensilage sur terre, dans le champ même J H— C— OH I I H H Tristéarine Après une cuite de trois jours à 120 degrés on procède au relargage et on rejette la glycérine à la mer comme dans les anciennes installa- tions; cette méthode barbare va être modifiée d'ailleurs d'ici peu et cette (3) 636 AGRONOMIE glycérine aura un emploi tout trouvé pour schéeliser les vins tunisiens et leur donner un plus grand résidu fixe. Dans cette opération, on met dans les chaudrons par 100 kilogrammes d'huile, 5'0 kilogrammes de soude provenant d'Angleterre et valant 23 francs les 100 kilo- grammes. L'atelier de savonnerie, relativement petit pour cette usine, ne suffisant pas à transformer en savon marchand toutes les huiles, sous-produits de l'épuration, on se contente souvent d'en faire seulement « l'empâtage , c'est-à-dire qu'on se borne à leur ajouter de la soude, ne pratiquant ni la cuite ni le relargage. On obtient des pains faciles à emmagasiner à l'abri des chances d'incendies, qui contiennent la glycérine et qu'on empile dans les magasins. L'été, quand l'eau de la mer est trop chaude pour pouvoir être utilisée dans les condenseurs à sulfure de carbone, l'usine au lieu de chômer, transforme ces pains d'empâtage en savons. FABRICATION DES BRIQUETTES Les grignons épuisés avaient jusqu'à aujourd'hui un écoulement fort limité, l'usine en employait bien une partie comme combustible et brûlait dans sa batterie de neuf chaudières, produisant 8.000 kilogrammes de vapeur à l'heure, 2o.000 tonnes par an. C'est, d'ailleurs, grâce à l'emploi de ce combustible économique doué d'un pouvoir calorifique assez élevé (4.000) et d'une valeur de 6 francs la tonne que l'usine a pu fonctionner avec succès dans un pays où la houille revient au prix très élevé de 3o francs la tonne. De plus, les cendres de grignons étant un puissant engrais contenant beaucoup de potasse peuvent être livrées à l'agriculture. Ces grignons épuisés n'étaient guère employés que dans l'usine même; ils étaient trop fins et passaient entre les barreaux des grilles ordinaires à houille ; en outre, leur faible densité 0m.625, montre que pour obtenir le même nombre de calories qu'avec un mètre cube de houille, il fallait 3m3,200 de grignons. Aussi faute de débouchés, cette matière formait-elle de hautes dunes dans la cour de l'usine et était un danger perpétuel d'incendies. Le composition chimique des grignons épuisés étant la suivante : Huile restant, 0,7 0/0; potasse, 3 0/0; azote, 1 0/0; silice, 3 0/0; f&& .je*, i cellulose, 92 0/0. Et son pouvoir calorique assez élevé étant de 4.000 calories, comme nous l'avons dit, si ce combustible pouvait subir une transformation le P. MOCQUERIS. TRAITEMENT DES GRIGNONS DOL1VES EN TUNISIE 037 rendant plus dense et d'un emploi facile sur toutes les grilles, on obte- nait un écoulement rapide et rémunérateur de ce produit. C'est ce problème qui a été résolu d'une façon aussi ingénieuse que pratique par les directeurs de cette usine. La substance constituant les grignons étant élastique, après avoir été comprimée revient, à son état initial ; aussi a-t-il fallu faire bien des tâtonnements avant d'arriver à produire la parfaite briquette fabriquée aujourd'hui. L'opération en résumé consiste à mélanger à chaud (oo degrés) 3o 0 0 de houille grasse finement pulvérisée et 10 0 0 de brai gras aux gri- gnons qui doivent être parfaitement desséchés. ° On comprime ensuite le mélange à une pression de 100.000 kilo- grammes par centimètre carré. Fig. 6. Le croquis (fig. 6) indique schèmatiquement l'installation. Le charbon est versé en A dans un broyeur Karr, il tombe en C où une chaîne à godets le prend et le verse dans un cylindre en tôle B. 638 AGRONOMIE Les grignons sont puisés au moyen d'une chaîne à godets semblable à la précédente et versés en B' dans un cylindre identique à celui où on vient de verser le charbon. Une came C, placée en face du plateau hori- zontal D, animée d'un mouvement circulaire permet de régler l'écoulement des grignons. Les deux poudres, une fois le dosage fait, sont mélangées intimement et asséchées dans un cylindre horizontal E chauffé au moyen d'un foyer F. Un arbre horizontal placé dans l'axe de ce cylindre et muni de bras implantés d'une façon hélicoïdale fait avancer la masse ; au-dessus de ce cylindre est disposée une chaudière H, destinée à faire fondre le brai à 70 de- grés et qui utilise les chaleurs perdues. Arrivé en E, le mélange tombe dans un cylindre vertical I à double enveloppe et chauffé à 1 1 0 degrés par la vapeur d'échappement de la machine motrice. On ajoute aux deux poudres 10 0/0 de brai et on malaxe intimement la masse au moyen d'un arbre vertical muni de palettes et faisant 12 tours par minute. La matière, au sortir de ce cylindre, est versée dans les alvéoles d'une machine à comprimer disposée autour d'un plateau horizontal circulaire tournant à 6 tours par minute. Cet appareil présente une certaine analogie avec la machine Biétrix usitée dans les exploitations minières pour faire des agglomérés. Elle en diffère en ce que, les grignons étant élastiques (comme il a été dit), il importe de savoir à quelle pression la masse est soumise. Si l'on dépasse une certaine pression, c'est que le mélange est mal dosé. Pour s'en rendre compte, on a rendu enregistreur et élastique, au moyen de ressorts Belleville, le sommier de la presse; une aiguille indique, pour chaque briquette, la pression à laquelle elle est soumise. Les briquettes, au sortir de la presse, sont prêtes à être livrées au commerce. La densité de ces briquettes est de 1,2. Le pouvoir calorique, de 6.500 calories. Prix de la tonne : vingt francs, à Sousse. La force nécessaire pour faire mouvoir l'atelier d'agglomération est de vingt-cinq chevaux. Nous venons d'essayer, le 20 mars dernier, l'emploi de ces briquettes pour le chauffage de nos locomotives sur la ligne Sousse-Enfidaville. P. M0CQUER1S. — TRAITEMENT DES GRIGNONS D'OLIVES EN TUNISIE 639" La distance parcourue a été de 105 kilomètres, à savoir : Aller (train chargé) M kilomètres. Retour (train vide) 51 Manœuvres 3 — Total 105 kilomètres. Aller : Le train se composait de 13 wagon s chargés- La charge totale (non compris la locomotive) était de 134 tonnes. Retour : Le train se composait de 3 wagons vides. La charge totale (non compris la locomotive) était de 16 tonnes. La consommation de briquettes a été de. . . 1 .305 kilogrammes. Le train avait à gravir, à l'aller, 3.974 mètres en rampe de 15 milli- mètres, avec des courbes dont deux étaient de : R = 150 et R = 175 mètres. La pression de 9 kilogrammes est cependant restée absolument inva- riable. La consommation de houille de Cardiff pour le même train, effectuant le même trajet, dans le même temps et avec le même tonnage, a été de 1.348 kilogrammes. On a donc pu réaliser par l'emploi des briquettes de grignons une économie de : 1.348 — 1.305 =43 kilogrammes de combustible, soit 3,2 0/0. Nous avons constaté, dans nos essais, que la combustion des briquettes est complète dans le foyer de la locomotive, ce qui explique pourquoi, bien que douées d'un pouvoir calorifique inférieur à celui de la houille, la quantité de combustible brûlée est moindre. Cette combustion étant complète, les tubes de la chaudière n'étaient pas encrassés, la machine dégageait très peu de fumée et ne crachait pas de flammèches si dangereuses au moment des récoltes à cause des incendies. On vient donc de doter la Tunisie, pays manquant de tout combustible, d'agglomérés de première qualité, et il serait à souhaiter qu'en frappant de droits de sortie plus élevés (3 francs la tonne) les grignons d'olives, cette riche matière, de laquelle on retire huile, savons et briquettes, reste sur les lieux de production et soit traitée par une usine française au lieu d'aller à l'étranger. (Des usines similaires venant de s'installer depuis quelques années en Italie.) 640 AGRONOMIE ÉCLAIRAGE ÉLECTRIQUE Cette usine, employant des matières éminemment combustibles, est éclairée à l'électricité au moyen de 80 lampes à incandescence de 46 bou- gies. La machine dynamo-électrique fonctionne sous un voltage de 110 volts. La force motrice totale, nécessaire pour faire marcher, l'usine est de 400 chevaux. Le personnel employé à cette huilerie se compose d'une centaine d'ou- vriers. Nous devons, en terminant, remercier les directeurs de cette usine de la grande courtoisie avec laquelle ils nous ont toujours reçus. M. FEEET Propriétaire à Souk-el-Kmis (Tunisie). SUR L'AMÉNAGEMENT DES EAUX EN TUNISIEN) [631 (611)] — Séance du 3 avril ISii — Le plus grand obstacle qu'a à vaincre le colon agriculteur en Tunisie, est la sécheresse du climat, causée parfois par une absence totale de pluies pendant près d'une année. Pour pallier à la sécheresse du climat, qui annuellement dure de mai à octobre-novembre, le colon agriculteur aura recours aux labours pro- fonds, aux fumures copieuses, afin de constituer des réserves suffisantes en fourrages, nécessaires à l'alimentation du bétail de sa ferme, cheptel de rente et cheptel de travail ; il utilisera les feuilles d'arbres fourragers, qu'il s'empressera de planter dès son installation, les bois de taille de son vignoble, les feuilles mêmes de celui-ci qu'il fera pâturer à fin d'automne par ses moutons, les marcs de ses vendanges, qu'il aura conservés et préalablement salés, les raquettes du verger de cactus sans épines, qu'il (1) Le résumé de cette communication, paru dans le premier volume des C. R. du Congrès de Cartilage, et qui n'avait pu être corrigé par l'auteur ne reproduit pas exactement ses idées. FÉRET. — SUR L'AMÉNAGEMENT DES EAUX EN TUNISIE 641 aura constitué ou trouvé tout fait, les fourrages cultivés : maïs, sorghos, avoine (oupée en vert, qu'il ensilera, les fourrages naturels qu'il mettra en meules. Le troupeau du colon agriculteur, mis en demi-stabulation, grâce aux clin urnes, aux pailles du battage de sa moisson, aux réserves des fourrages désignés ci-dessus, aux regains qui constituent un pâturage appréciable, après l'enlèvement de la première et seule coupe en terrain non irrigué, donnera en abondance les fumiers nécessaires. La Tunisie possède abondamment, des phosphates de chaux, du sulfate de chaux (plâtre), qui peuvent être utilisés avec avantage par le colon agriculteur, soit directement (plâtre cru), soit après transformation (super- phosphates de chaux). Mais s'il est bon de procéder à une bonne culture, s'il est utile de rechercher à l'aide dVssais et d'études, quels sont les végétaux préférables, quels -ont, les meilleurs assolements et les meilleurs engrais locaux ou extérieurs, il est surtout nécessaire de procéder immédiatement à l'aména- gement des eaux, seul remède capable de modifier le climat, d'éviter la -éclieresse annuelle, d'atténuer les années désastreuses de sécheresse totale, et seul moyen réellement capable de créer une colonisation agricole, prospère et durable en Tunisie. Les vestiges des travaux hydrauliques romains et phéniciens, qu'on rencontre partout en Tunisie, incitent à imiter les peuples colonisateurs qui nous ont précédés, à refaire une Tunisie irriguée, semblable à l'an- cienne province d'Afrique. Le gouvernement du Protectorat a fait assez de routes, de ponts, de ports, il lui faut dès maintenant penser à favoriser la production agricole, à l'augmenter, puisque c'est là la base des ressources de la Tunisie, la base même de son existence. Les fonds nécessaires à l'aménagement des eaux, dans la première heure, peuvent être fournis par les plus-values dans le rendement des forêts tunisiennes, plus-values qui vont se produire, et qui n'ont pas jusqu'ici de destination; les travaux hydrauliques propres à l'aménage- ment des eaux, et à leur distribution, seraient des avances consenties aux agriculteurs à titre temporaire : ceux-ci auraient h rembourser l'Etal de ses sacrifices par annuités trentenaires ou par des échéances successives plus éloignées encore. La colonisation agricole se fera à l'aide de ces moyens et seulement par ces moyens. U* 042 GÉOGRAPHIE M. Emile BELLOC Chargé de Missions scientifiques, à Paris. LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION SOUS-PYRÉNÉENNE [551 48 (441)] — Séance du i avril IS96 L'histoire naturelle de la terre et les modifications incessantes du sol, sont à l'ordre du jour depuis quelques années. Mais, s'il appartient à la géo- logie, comme le dit avec une si haute compétence M. A. deLapparent(l), « de lancer dans la circulation des idées auxquelles presque personne n'avait encore songé et qui offrent cependant un intérêt à la fois uni- versel et si puissant, qu'une fois agitées elles s'imposent à l'attention de tous les esprits réfléchis », il est rigoureusement nécessaire de baser ces idées basées sur des faits précis, en analysant et coordonnant avec la plus grande exactitude toutes les circonstances des phénomènes observés. Quelle que soit la valeur, ou l'activité dévorante, de celui qui étudie sur place les phénomènes constituant la science du globe, l'observation directe, longue et minutieuse, s'impose. Les recherches hâtives sont tou- jours incomplètes ; ce n'est pas en courant qu'on voit bien. Dans les pays montagneux, surtout, le temps est un facteur avec lequel il faut absolu- ment compter. Si les savants auteurs de l'Essai sur V ancien glacier de la vallée d'Ar- gelès n'avaient pas méconnu ce principe fondamental ; si leurs investi- gations avaient porté sur d'autres régions pyrénéennes que celle des gaves de Gavarnie et de Cauterets, qui limita, pour ainsi dire, le champ de leurs recherches ; s'ils avaient vu, enfin, et étudié sur place, ce dont ils ont parlé, ils n'auraient pas dit : « Parmi le nombre immense de petits lacs qui sont étages dans les hautes vallées des Pyrénées, il en est certainement beaucoup qui doivent leur existence à d'anciennes moraines, comme ceux d'Oô et de Lourdes» (2). Dans la haute vallée d'Oô, il n'existe pas de lac morainique (3). (1) L'âge des formes topographiques (Ext. de la Revuedes Questions scientifiques), Bruxelles, octobre 1894. (2) Ch. Martins fi Éd. Collomb. — Essai sur l'ancien glacier d'Ârgelès, p. 19, Montpellier, 1868. (3) Emile Beixoc. — Lelac d'Oô, sondages et dragages, Paris, 1890.— Voir aussi les photogravures contenues dans mes Recherches et explorations orographiques et lacustres, Paris, 1894. K. BELLOC. — LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION SOUS-PYRÉNÉENNE 64*3 A Caillaouas (1), aux environs de Cauterets (2) et du Nèouvieille (3), de même que dans une infinité d'autres localités lacustres des Pyrénées- Orientales (4), de l'Ariège. de l' Aragon et de la Catalogne (5), que j'ai soigneusement explorées et décrites, les traces glaciaires sont indéniables, il est vrai, mais d'irrécusables témoins montrent que L'action glaciaire n'entre que pour une part très infime dans la formation des bassins et des seuils lacustres. J'en ai fourni la preuve et donné des exemples (5), notamment ceux des lacs d'Aubert et d'Aumar (Hautes-Pyrénées), con- sidérés bien à tort, par certains géologues, comme lacs morainiques, puisque l'amas glaciaire, déposé sur la roche en place formant barrage, occupe à peine la onzième et la sixième partie de leur plus grande pro- fondeur respccliw. Naguère, la plupart des nappes lacustres étaient réputées insondables, simplement parce qu'elles n'avaient jamais été sondées. 11 en est de même aujourd'hui pour un grand nombre de barrages, considérés comme étant exclusivement d'origine glaciaire , parce qu'ils n'ont pas encore été fouillés. Dans beaucoup de cas, il suffirait cependant de quelques coups de pioclie pour mettre à nu la roche vive et se convaincre, par ce simple examen, que l'élément erratique est tout à fait secondaire. Au lieu d'appliquer aux phénomènes glaciaires pyrénéens les théories déduite- de leurs observations personnelles faites dans les Vosges et dans les Alpes, en compagnie d'Agassiz, deDesoretde Dolfus-Ausset, si Ch. Mar- tins et Éd. Collomb eussent exploré avec soin les vallées inférieures et les plaines sous-montagneuses des Basses et des Hautes-Pyrénées; de laHaute- Oaronne, de l'Ariège et des Pyrénées-Orientales ; sans nul doute, leur opinion se fût modifiée, Ce que MM. Baysselance, Piette, Trutat, etc., ont observé n'eût certainement pas échappé à l'esprit investigateur de leurs savants confrères, et ceux-ci eussent sans doute affirmé avec moins d'assu- rance « qu'un seul glacier pyrénéen s'est étendu dans la plaine sous-pyré- néenne ». Plus anciennes que les Alpes qui datent à peine de l'époque tertiaire, les Pyrénées sont naturellement dans un état d'aplatissement, et en quelque sorte de ni Tellement, infiniment plus avancé que la chaîne alpestre. Il est donc parfaitement illogique de mettre en comparaison l'état actuel de ces i émili Belloc. — Les lacs de Caillaouas, des Gourgs Blancs et de Clarabide, Paris, 1893. — Voir également les ligures de ma notice sut les Seuils et Barrages lacustres, Paris, 1895. 2) émili Be — Formes de comblement observées dans les lacs des Pyrénées, Comptes rendus de r veadi i nces, 1891 ■ ,i Belloc. — Leslacs du Massif de Nèouvieille, 1895.— Voir encore ma notice publii 'Annuaiit du Club alpin français : Du plateau de Lannemezan au glacier des Gourgs-Blancs Pai I n'O. ■, émili Belloc. — Nouvelles éludes la i ingrès de Besançon, 1893. 3 Émili Belloc. — Nouvelles explorations lacustres, (Congrès de Caen, ivc,. 644 GÉOGRAPHIE deux chaînes de montagnes, sans tenir compte des modifications profondes qu'elles ont éprouvées, chacune en particulier. Que deviendront, avec le temps, ces admirables lacs, qui donnent actuellement tant de charme à la région inférieure des Alpes ? Ils subiront fatalement la môme loi qu'ont subie les anciens bassins lacustres qui recouvraient une grande partie de la zone inférieure des Pyrénées. L'histoire des vastes nappes d'eau qui s'épandaient anciennement au pied de la chaîne pyrénéenne, lorsque celle-ci était plus jeune, offre un très grand intérêt. Je ne me dissimule pas les difficultés liés sérieuses que présente ce genre de recherches, pour lequel j'ai déjà réuni un certain nombre de matériaux, et je me propose, néanmoins, de consacrer à l'historique de ces lacs, à jamais disparus, une étude toute spéciale. LE LAC DE LOURDES iHAUTES-PYRÉNÉES) Description. — Le lac de Lourdes, que fort peu de personnes con- naissent du reste, n'est pas le seul qui existe dans la partie basse des Pyrénées. Les petits lacs de Barbazan et de Saint-Pé-d'Ardét (Haute- Garonne) (1), — dont on ignore généralement l'existence, — et d'autres encore, situés aux extrémités de la chaîne, n'en sont pas moins des lacs pyrénéens. Ajoutons cependant que ces bassins lacustres, très nombreux autrefois, sont devenus excessivement rares à notre époque, la plupart de ceux qu'on rencontrait au-dessous de 1.500 mètres d'altilude étant comblés depuis fort longtemps. La hauteur moyenne du plan de surface des eaux du lac de Lourdes, se maintient aux environs de 421 mètres au-dessus du niveau de la mer. Si l'on imagine deux lignes droites, se croisant perpendiculairement au milieu de ce lac, leur point d'intersection sera sensiblement situé par 43u 6' 30" latitude Nord et 2° -17 27" longitude Ouest de Paris. Au mois de septembre 1891, lorsque j'ai plus spécialement étudié ce bassin, il avait encore 1.380 mètres de longueur, sur une largeur maxima de 481 mètres : abstraction faite des parties marécageuses, très importantes, qui avaient déjà envahi le sud-ouest et le nord-ouest de sa cuvette. Sa superficie, libre de végétation, mesurait, en chiffres ronds, 40 hectares exactement: 4o9.5u23 mètres carrés. Primitivement, c'est-à-dire à l'époque lointaine où les plantes aquatiques et marécageuses ne l'avaient pas encore euvâni, sa surlace approximative devait être d'une soixantaine d'hectares, et sa profondeur double de celle qu'il possède aujourd'hui. 1 1 1 Emile Belloc. — Nouvelles explorations lacustres, Congrès de dm. vol. il. Paris, 1894. É. BELLOC. — LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION sol S-PYRÉNÉENNE 04.> Le volume d'eau renfermée dans ce bassin égale, en temps ordinaire, 4.b2l(î.(i0l mètres eu lies. De forme irrégulière e1 allongée dans le sens du nord-ouest au sud-est, (voir la carte bathymétrique PI. VII), le lac de Lourdes est entouré de collines incultes — couvertes par place (surtout à l'est) de châtaigniers, de frênes, de hêtres (Fagus sylvatica, L.), devergnes (Alnus glttiinosa,G.), di! houx (Ilex aquifolium, L., et de chênes — qui le dominent de toutes parts. Des sources et de petits ruisseaux, dont le débit diminue considé- rablement en été, l'alimentent. Ses bords sont encombrés d'une large ceinture végétale aquatique, qui rend la navigation et surtout l'abordage fort difficiles, dans certains endroits (1). Les coin lus rocheuses, fortement redressées, qui constituent la grève, au sud-est, laissent voir çà et là quelques grosses pièces de bois couchées sur le fond. Des personnes, se disant bien informées, affirment que des poutres entières, équarries et noircies comme si le feu les eût à moitié consu- mées, ont été retirées du lac vers 1820? Mis en éveil par cette curieuse découverte, les archéologues ont conclu, parait-il, h, l'existence d'une station lacustre préhistorique, analogue à celle que F. Keller découvrit plus tard en Suisse, près d'Obermeilen, dans le lac de Zurich. Sondages. — Les mesures, les sondages et les dragages fort nombreux que j'ai pratiqués, à plusieurs reprises, dans le lac de Lourdes, m'ont fourni les éléments de la carie bathymétrique (PL VII); et m'ont permis, en même temps, de constater, que la plus grande profondeur de ce lac ne dépasse pas actuellement 11 mètres. Celle profondeur était beaucoup plus considérable autrefois. A l'heure actuelle, le relief des parois et du fond de la cuvette est des plus réguliers. notamment dans la partie centrale où une couche énorme de vase, de limon, de madères organiques, de détritus de toute espèce, s'est accu- mulée. Légende. — Le lac de Lourdes ferait exception à la règle, s'il n'avait pas sa légende, laquelle du reste est à peu près semblable à celle de la pluparl des nappes d'eau des autres pays. D'après la tradition populaire, ce lac occuperait l'emplacement de l'an- cienne ville de bourdes, dont les habitants, parait-il. avaient la répu- tation de ne pas être très hospitaliers (2). En effet : « Jésus, passant un jour par la ville de Lourdes, frappa vainement à toutes les maisons, pour : Emile Belloi . — De la végétation lacu Ire dans les Pyrénées. Paris, 1892. (2) En 1762, M. d'Étignj écrivait au ministre; Il n'est pas de jour qu'il n'arrive à Lourdes quelque événemeni vif, singulier ou déplacé. » Quelques années après, le subdélégué M. de Fornei dans un téi i i à l'intendant de Laboûllaye (me «..;Ia ville de Lourdes est la ville de vos ;énéralilés où il ) i les citoyens 1rs plus méchants et les plus dangereux... » (346 GÉOGRAPHIE demander un peu de pain, aucune porte ne s'ouvrit devant lui. Aper- cevant enfin, à l'entrée d'un fournil, une jeune femme allaitant son enfant, celle-ci s'empressa, au contraire, d'offrir au voyageur la. coque toute cdoute igalette toute chaude) qu'elle venait de retirer du four. Touché par sa bonté, Jésus lui dit : « Partez au plus vite ! Fuyez cette cité corrompue » et maudite! Marchez droit devant vous et surtout, quoi que vous en- » tendiez, ne tournez pas la tète ! » » A peine la jeune femme avait-elle gagné le sentier conduisant à Poueyferré, qu'un horrible fracas se fit entendre : un indescriptible tumulte remplit l'air de clameurs assourdissantes; le ciel, subitement obscurci, devint livide, la terre s'entrouvrit et Lourdes disparut à jamais au fond d'un goutfre immense que les flots écumants envahirent soudain. » Quant à la fille d'Eve, n'ayant pas assez de force pour vaincre sa curiosité, elle tourna ses regards vers la ville maudite; au même instant Dieu la cloua sur place. Il la changea en statue de pierre et lui dit : « Pour m'avoir désobéi, je vous condamne au silence et à l'immobilité » éternelle ! » Cette histoire est tellement véridique, qu'à 600 mètres du lac, environ, sur la route de Poueyferré, on peut voir encore non seulement la statue en question, mais aussi l'empreinte authentique du berceau de l'enfant qu'elle emportait dans ses bras. Les géologues et les glaciarristes visiteront « ce monument » avec intérêt; c'est un superbe bloc erratique de calcaire lumachelle, déposé par l'ancien glacier d'Argelès. Fortement enchâssé dans la terre, il se dresse à plus de 4m,50 au-dessus du sol et sert de borne divisoire entre la commune de Lourdes et celje de Poueyferré. Origiïne. — En général, on considère le lac de Lourdes comme étant d'origine glaciaire. 11 est évident que le terrain erratique recouvre en majeure partie la contrée; mais on peut se demander si le dépôt morai- nique est bien le principal agent de cette retenue ? Quelqu'un a-t-il jamais mesuré l'épaisseur de l'amas glaciaire environ - nant immédiatement le lac ? C'est peu probable, car les auteurs qui ont traité ce sujet, se seraient empressés de publier le résultat de leurs recher- ches, surtout si ce résultat eût été de nature ;ï fournir des arguments sérieux en faveur de leur théorie. En dehors des tranchées peu profondes du chemin de 1er de Lourdes à Pau, ouvertes à 65 mètres environ en contre-bas du lac, Martins et Collomb n'ont examiné que la couche superficielle du dépôt morainique. Ils ont étudié, mesuré, dessiné et énuméré avec un très grand soin, les blocs erratiques épandus à la surface du sol, mais nulle part leurs investigations ne sont allées jusqu'à la roche vive. É. BELLOC. — LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION SOUS-PYRÉNÉENNE 64" La tranchée du chemin de fer de Lourdes à Tarbes, ouverte dans la grande vallée qui fait suite à celle d'Argelès, a mis sous leurs yeux la moraine frontale du village d'Adé ; il est vrai que cette moraine a donné 10 mètres de hauteur au-dessus des rails, mais elle n'a rien à voir avec le lac de Lourdes, celui-ci se trouvant placé à plus d'une lieue en arrière et à l'ouest de ladite tranchée. Au point de vue orographique et topographique, nous voyons que le lac de Lourdes n'est pas placé dans la zone active de l'ancien glacier ; en effet, non seulement sa position est oblique, par rapport à la pente naturelle de ce lleuve de glace, mais encore il occupe une situation absolu- ment excentrique, puisqu'il est rejeté à plus de o kilomètres, vers l'ouest, du grand axe de l'antique glacier. Cette constatation a sa valeur, car elle permet de dire, d'abord, que la moraine frontale de l'ancien glacier d'Argelès n'a pu prendre aucune part à la formation du lac de Lourdes. Maintenant, si nous examinons ce bassin lacustre à un point de vue purement géologique, les affleurements qui pointent de toutes parts aux environs immédiats de la cuvette et dans le lac même, montrent, d'une manière indiscutable, que celui-ci repose directement sur la roche en place. Cette roche, qui constitue l'ossature de toutes les collines voisines, comme celles du lac, est formée d'une sorte de schiste gréseux, appartenant au terrain crétacé supérieur. D'après le docteur F. Garrigou, cette for- mation doit être rattachée au terrain turonien (1). Comme je l'ai déjà dit: dans plusieurs parties du bassin, principalement au sud-est et au nord, la grève est exclusivement constituée par la roche schisteuse, dont les couches, ou pour mieux dire, les plans de stratifica- tion sont très redressés et sensiblement orientés nord-sud. Quant à la position du déversoir, que quelques-uns trouvent anormale, elle paraît conforme, au contraire, à la direction générale de la pente des ruisseaux qui avoisinent la dépression lacustre. Du reste, il suffit de jeter un coup d'œil attentif sur une carte bien dressée, pour se convaincre immédiatement que l'écoulement des eaux du lac ne peut se faire vers l'ouest -nord-ouest de Lourdes, comme on le voudrait, et que le déverse- ment de ces eaux au sud-sud-est ne constitue nullement un écoulement à contre-pente. En effet, nous voyons que la partie occidentale du bassin est barrée par des collines dont la hauteur dépasse de 20 mètres celle du plan d'eau. Inutile d'ajouter que le bourrelet morainique est loin d'avoir cette puissance. De ce qui précède, il est donc permis de conclure que le lac de i F. G,\rriqoi Etude de l'étage turonien du terrain crétacé supérieur..., Btdl. Soc. géologique de Promet, 2- série, t. wnt. p. H9s mari 1806. 048 GÉOGRAPHIE Lourdes existait bien avant que le glacier d'Argelès eût couvert la région de son linceul glacé, et que l'apport morainique n'a eu qu'une part insi- gnifiante dans sa formation. Comblement. — H y a une trentaine d'années, le lac mesurait 14 mètres de profondeur, si on s'en rapporte à Martins et Collombs. J'ai dit plus haut qu'il avait à peine 1 1 mètres de creux, à l'heure actuelle. En admet- tant un comblement régulier, le fond de la cuvette se serait donc graduel- lement exhaussé de 66 millimètres par an. Ce comblement est dû. en majeure partie, au développement extraordinairemeilt abondant de la végétation aquatique, et à l'apport incessant des matières détritiques. La multiplication des plantes aquatiques est tellement intense dans ces eaux qu'un vaste marécage, d'environ 400 mètres de longueur, a pris la place de toute la partie orientale de l'ancienne nappe lacustre. Au sud- sud-est, sur une étendue d'au moins trois hectares, la végétation a égale- ment refoulé les eaux vers la partie centrale du bassin. La marche de cette forme singulière de comblement est fort curieuse et très intéressante à étudier. Des prairies sous- lacustres, composées principalement de Myriophyllum, ayant plusieurs mètres de longueur, couvrent le fond du lac et viennent étaler leur extrémité florifère à la surface des eaux. Par places, la végé- tation est tellement dense et touffue, que les matières détritiques, entraî- nées par le vent et les écoulements atmosphériques, ne parviennent pas à pénétrer ce tapis végétal. Ainsi suspendues entre la terre et l'eau, pour ainsi dire, ces matières ne tardent pas à former au-dessus de la nappe lacustre, une couche épaisse d'humus au sein de laquelle les plantes marécageuses trouvent un milieu des plus favorables à leur développement. La croûte, augmentant sans cesse d'épaisseur, devient de plus en plus consistante, et bientôt ce sol factice, spongieux et mouvant, envahit progressivement le bassin. C'est ainsi, lentement, mais sûrement, que le lac de Lourdes se comble de plusieurs côtés à la fois. Aussi son éten- due mesure-t-elle à peine, de nos jours, les trois quarts de sa surface primitive. Naturellement il en est de même pour sa profondeur. Couleur et transparence. — En été, la couleur des eaux du lac est jaunâtre, parce que ces eaux sont très chargées de débris organiques et qu'elles renferment une grande quantité de limon tenu en suspension par l'agitation permanente des flots. Leur couleur se rapproche du n° 81 de l'échelle chromatique du professeur F. Forel. Un disque blanc, de 30 cen- timètres de diamètre, disparaissait à l'œil nu (20 septembre 1890), à 4 mètres de profondeur. Celle opacité relative m'a permis d'observer un singulier phénomène É. BELLOC. — LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION SOUS-PYRÉNÉENNE 049 de réfraction, qui fait voir l'ombre portée de l'observateur, entourée d'un cercle lumineux de rayons divergents, lorsque sa silhouette for- lement éclairée par le soleil, est réfléchie sur une surface liquide opaline. quelque peu profonde et doucement agitée (1). Kn hiver, lorsqu'une épaisse couche de glace couvre le lac, les eaux se décantent et deviennent infiniment plus limpides. Flore et faune. — Ce sont principalement les : Phragmites communis, Scirpua lacustris, Myriophyllum spicatum, Potamogeton, Nymphéa albea, Chnra fragilis, Nitella translucens, etc.. elc, qui constituent la flore aquatique du lac de Lourde-. Aux plantes précédentes, il faut ajouter une infinité de Desmidiées cl de Diatomées, que je ne puis énumérer ici. Les parties marécageuses donnent asile à une assez grande quantité il espèces, au nom lire desquelles on remarque : Genliana pneumonanthe, Parnasia palustris, Nartkecium ossifragum, Juncus filiformis, etc. Parmi les mousses, citons : Dicranum pellucidum, Campylopus flexuo- sus, C. fragilis, Fissidens odiantoides, Barbula Brebissoni, Climacium den- droides, ///// mu m ni lois, etc. La Faune ichtyologique est peu variée. On affirme que les truites vivaient en abondance dans ce lac, autrefois. Actuellement, on n'y trouve que quelques carpes, d'énormes anguilles et beaucoup de brochets. Les individus de cette dernière espèce, quoique très voraces, sont devenus fort paresseux. Le fermier ayant eu la mauvaise inspiration de verser dans le lac une assez grande quantité de vérons et de gardons, les brochets dont quelques-uns inséraient, dit-on, de 10 à 14 kilogrammes, ne se donnent plus la peine de courir après leur proie; ils attendent, paresseusement au milieu des herbages, que quelque imprudent passe à portée de leur terrible mâchoire; aussi la pêche est-elle devenue extrêmement difficile (2). Les Copépodes, les Cladocères (Daphnella Brandtiana, Ceriodaphnia pulchella, Bosmina longirostris) , les Rotifères (Polyarihra platyptera, Notholca longispina), les Protozoaires (Ceratium longicorne), que j'ai i . Voir i propos de ce curieux phénomène oplique, l'intéressante description du D1 F. A. Forel: lé de Gloire, étudiée sur le lac Léman. Lausanne, 1864). ndanf de nombreuses années, les comtes di le lac de Lourdes, malgré 1rs revendications des moines de Saint-Pé, qui prétendaient fonder leur droit de pèche sui ce l'ait, « i|u'ils faisaient ma très ». Les rois de Fi comtes de Bigorre, conservèrent la possession du lac jusqu'à la Révolu tio dernières années, le prix a lel du fermage, dont l'adjudication avail lieu aus Tuileries uccessivement « 48 livres s sols, 138 livres s sols, el finalement 240 livres. ■> Vctuellemenl le lac appartient à M. deLacvivier. 630 GÉOGRAPHIE péchés au filet fin dans ces eaux, ont été déterminés par MM. Jules de Guerne et Jules Richard (1). Les Spongiaires sont aussi représentés par une espèce de Spongillide, très abondant dans certains lacs d'Auvergne, c'est le Spongilla lacustris, recueilli au lac de Lourdes, en avril 1893, par le jeune et très distingué professeur de la Faculté de Clermont-Ferrand, M. C. Bruyant (2). Dans la partie marécageuse, et dans le lac même, on rencontre, pendant la saison froide, des canards sauvages, des sarcelles, des macreuses (foulques), des poules d'eau, des bécassines, etc. LES LACS DE BABBAZAN ET DE SA1NT-PÉ-DARDÉÏ (HAUTE-GARONNE) Ces petits lacs, dont il a déjà été question au Congrès de Caen (3), étant situés, à quelque différence près, à une altitude voisine de celle du lac de Lourdes, appartiennent aussi à la région inférieure des Pyrénées. On les considère, généralement, comme résultant de l'action glaciaire : c'est une erreur. A Saint-Pé-d'Ardét, notamment, la roche calcaire est en place et elle forme seule 1a crête du seuil du déversoir. Ce sont donc de véritables lacs naturels, dont l'origine est due à l'effondrement du sol. Leur Flore ressemble beaucoup à celle de Lourdes ; quant à leur Faune ichlyologique, elle est excessivement pauvre. Le lac de Saint- Pé-d'Ardét ne donne asile, pour ainsi dire, qu'à la tanche dorée et à la carpe. Dans celui de Barbazan, au contraire, les anguilles sont restées maîtresses du bassin, à l'exclusion de toute autre espèce de poisson. Les conditions de comblement sont à peu près identiques pour ces trois lacs ; avec cette réserve, cependant, qu'à Barbazan et à Saint-Pé- d'Ardét ce sont principalement les rhizomes des Nymphéaeées qui encom- brent leurs bords marécageux. L'étendue et la profondeur de ces petites pièces d'eau ont considéra- blement diminué depuis l'époque de leur formation. L'apport des ma- tières détritiques et alluviales a été tellement abondant, que le fond 1 1 i Sur la Faune pélagique tic quelques lues des Hautes-Pyrénées, Congrès de Pau, vol. il, 1892. (2 Bibliographie raisonnée de la Faune et de la Flore limnologijue de l'Auvergne, p. i:\, Paris. .1.-1!. BailK'iv, [894. ; Kmilk Belloc. — Nouvelles explorations lacustres, Paris, 1894. É. BELLOC. — LES LACS DE LOURDES ET DE LA RÉGION SOUS-PYRÉNÉENNE 6o4 de ces cuvettes est devenu à peu près plat, comme le montrent les figures ci-jointes 1 et 2. Ouest, Est 2 SOT" Fia. i. — L:.u de Barbjzan (Haute-Garonne). — Profil allant de l'ouest à l'est. d'après les sondages exécutés par M Emile Belloi^ en t s y ■, . Sud-Sud-Ouesi m E.SELLOC.del Nord-Nord-tst Fio. 2. — Lac de Saint-Pé-d'Ardét (Haute-Garonne . Prolil allant du snd-sud-ouest au nord-nord est. D'après les sondages exécutés par M. Emile Belloc, en 1894 Les lacs de Barbazan et de Saint-Pé-d'Ardét sont actuellement peu pro- fonds, puisqu'ils mesurent respectivement 8 mètres et 7'", 50, mais on estime au double de celte hauteur l'épaisseur du dépôt vaseux qui les encombre. Cette dernière hypothèse demanderait ta être sérieusement vérifiée. Ces profondeurs, dont je garantis l'exactitude, puisqu'elles résultent de mes derniers sondages, auraient sans doute beaucoup surpris le grand maître enquêteur, M. de Froidour, qu'en 166o Colbert fit nommer général réformateur des Eaux et Forêts de la grande maîtrise du Languedoc En effet, cet administrateur remarquable, dont M. Paul de Casteran a étudié l'œuvre avec un si grand talent (1), disait, dans une de ses lettres, en par- lant du lac de Barbazan, sa profondeur sur les bordz est de dix-huit h vingt en mies et au milieu de soixante; et il \j a un endroit dont jamais on n'a pu trouver le fondz. Quant au lac de. Saint-Pé-d'Ardét, beaucoup de personnes sont encore persuadées qui/ est insondable. Les eaux de ce dernier lac — analysées récemment par AI. le D' Henri Racine, — sont claires, et leur saveur ressemble légèrement à celle des eaux stagnantes. Elles contiennent dix centigrammes de sels calcaires et magnésiens par litre, soit 12° hydro- timétriqucs. Quant aux matières organiques dissoutes dans l'eau, leur quan- tité est considérable, étant donnée la limpidité de celle-ci. (D i'.u i. de Castefuh, — L'œuvre de M. de Froidour au \\w nièele. . . Toulouse, É. Privât, t898 052 GÉOGRAPHIE Au point de vue de la production aquicole et des bénéfices pécuniaires que pourraient donner ces dépressions lacustres, — y compris celle de Lourdes, si elles étaient soigneusement nettoyées et mises en bon état de culture. — il est certain qu'elles fourniraient d'excellents bassins d'élevage pour le poisson. Mais, disons-le à regrel, l'Aquiculture, — telle qu'on la pratique en Suisse et en Allemagne, où elle est florissante et donne de très gros bénéfices à l'État et aux pisciculteurs. — est encore à peu près inconnue dans nos Pyrénéen. M. le D1 GATAT ORIGINE DES PEUPLES MALGACHES J5729 '69) — Séance, du 3 avril 1896 — Le peuple malgache n'est pas homogène, et ses origines sont variées. Malheureusement des documents font encore défaut pour reconnaître d'une manière certaine les diverses races qui l'ont formé. Du moins, il existe sur ce point de grandes probabilités, qui reconnaissent pour base un idiome spécial adopté en partie dans toute l'île, des usages et des coutumes, des légendes et des traditions, enfin, que les caractères ethno- graphiques et anthropologiques des indigènes viendront changer en cerLitude. On ne peut dès à présent émettre que des hypothèses plus ou moins plausibles sur les premiers habitants de l'île, les Vazimba; celte race primitive semble avoir disparu presque complètement. Je ne mentionnerai, que pour en nier l'existence, la fameuse tribu des Pygmées décrite dans l'ouvrage de Flacourt en 1651. Actuellement il est incontestable que la plus grande partie de la population malgache a été constituée par des immigrations asiatiques et polynésiennes. A ces noyaux se sont réunis de nombreux contingents amenés soit par les hasards de la navigation, soit par les besoins de leur commerce sur les rivages de la grande île. Ces gens venaient quelquefois de fort loin. C'est ainsi qu'il est facile de D1' CATAT. — 0BIG1NE DES PEUPLES MALGACHES 653 reconnaître chez un irrand nombre de naturels le type africain, le type arabe ou sémite, et même le type européen. A une époque plus récente, il y a environ trois cents ans, une immi- gration assez importante, venue selon toute probabilité de la presqu'île de Malacca, ou de l'archipel malais, a encore ajouté un autre élément à la populatiou malgache, je veux parler des Antimérina ou Hova. Dans le principe, cette tribu étrangère a été mal accueillie par les races autochtones, elle a dû se réfugier dans l'intérieur de l'île, sur les hauts plateaux où un climat plus dur, une terre moins fertile, des conditions d'existence plus mauvaises, la mettaient dans uue situation défavorable. Cependant cette t ri bu, issue d'une race supérieure, devait triompher bien vite de ces difficultés. Il est juste d'ajouter qu'ils ont été puissamment aidés par L'appui de l'Angleterre, heureuse de soulever à Madagascar des embûches aux visées françaises. (iràce à toutes ces circonstances, les Hovas ont rapidement interverti les rôles. De parias qu'ils étaient, ils se sont faits conquérants, et après avoir agrandi considérablement leur territoire, soumis à leur domination les tribus de la côte orientale et du sud des hauts plateaux, réduit en vasselage les peuplades du nord et du nord-ouest, ils ont fait reconnaître leur suprématie dans l'île presque tout entière. Aujourd hui les deux tiers des territoires de Madagascar sont administrés plus ou moins directement par lu gouvernement de Tananarivc. Il est assez difficile, au milieu de ces mélanges, de ces croisements qui augmentent sans cesse par des alliances entre tribus voisines, et par des apports étrangers fort nombreux venus plus particulièrement de la côte de Mm -a m bique de discerner entre elles les diverses peuplades de Madagascar. Cependant en s'uppuyaot surtout sur leur lieu d'habitat, leurs coutumes particulières, leurs vêlements et leurs parures, leurs usages ethniques en un mol, on peut diviser les populations madécasses en trois groupes principaux. Le premier groupe, qui a pour type le Sakalava, est celui dan- lequel on retrouve le plus fréquemment les caractères africains, Ce groupe com- prend toutes les tribus Sakalava qui habitent le versant occidental de l'île depuis le cap d'Ambre jusqu'à l'embouchure «le l'Onikdiy. On a multiplié comme à plaisir le divisions de cette grande famille Sakalava dont le type est cependant bien tranché et bien caractéristique. Parmi les principales de ces subdivisions il me faut citer les Mahafaly, les Tierenana, les Menabe, les Bœ.ny et les Antankarana. mais ces noms désignent plutôt des provinces que des divisions ethniques bien tranchées. Il faut ajouter à ce premier groupe malgache, qui comprend presque la totalité des habitants des rivages du canal de Moçambique, des tribus fort peu connues jusqu'à présent, qui cantonnées au sud du plateau central et au sud- est, doivent 6o4 GÉOGRAPHIE être rattachées aux grandes familles Sakalava. Ces tribus du sud que je rangerai donc dans le premier groupe ethnique malgache sont : les popu- lations Bara, les tribus Antandroy et les peuplades Antaisaka. Le deuxième groupe ethnique de Madagascar comprend les tribus qui habitent le massif central ; elles sont au nombre de deux : au nord les Antimerina, au sud les Betsileo. Le troisième groupe ethnique de Madagascar est formé des populations de la côte orientale. Parmi elles il convient de citer, en allant du nord au sud, les populations Betsimisaraka et les peuplades Antanosy. plus éloignées des rivages de la mer des Indes ; il faut mentionner dans ce même groupe les Antsihanaka, les Bazanozano et les Tanala. Ces dix tribus dont je viens de parler et que j'ai classées en trois groupes, n'occupent pas, comme on serait tenté de le croire, des contrées nettement délimitées. Une certaine partie de ces peuplades, sans avoir à proprement parler des habitudes nomades, se déplace volontiers et, chassée par de turbulents voisins ou refoulée par les empiétements d'une tribu plus forte, va loin de son lieu d'origine chercher des emplacements plus favorables pour édifier ses villages, faire paître ses troupeaux de bœufs et cultiver ses rizières. Il en est de même de certains groupes d'individus qui, tentés par l'appât du .gain, en voulant fuir un sort trop misérable, quittent leur village et s'en vont chercher fortune ailleurs, souvent sans esprit de retour; c'est ainsi que dans le premier. cas le voyageur rencontrera par exemple sur les bords de l'Onilaly des Tanala et des Antanosy établis en grand nombre; ces derniers ont quitté leur patrie, le pays de Tolanara, lorsqu'il fut occupé en partie par les Anti- merina en 1845. Dans le second cas, il ne faudra pas s'étonner de ren- contrer des bandes nombreuses d'Antaimoro sur les bords du Beisiboka, et des indigènes de Fort-Bauphin dans les environs de Tamatave. Les Hova se rencontrent également en plus ou moins grand nombre dans beaucoup de régions de l'île, soit pour aller faire du commerce, soit pour satisfaire aux obligations de leur politique. C'est ainsi qu'ils ont construit des villages fortifiés, des postes militaires qui relient leurs pays à leurs établissements côtiers, et qu'ils ont fondé de véritables colonies sur les rivages les plus éloignés, emmenant avec eux en plus ou moisis grand nombre des Betsileo, des Betsimisaraka et d'autres représentants des races soumises. Il faut donc tenir compte de ces émigrations de groupes d'indi- vidus, et de peuplades entières, pour s'orienter dans ce mélange inextri- cable d'individus, de familles, de tribus el de races que l'on trouve parlout à Madagascar. De cette diversité d'origine du peuple malgache, découlent tout natu- rellement des variétés plus nombreuses encore dans les différents types individuels ; aussi conçoit-on l'étonnement du voyageur qui vient de Dl" CATAT. — ORIGINE l>KS PEUPLES MALGACHES •')').*) débcarquer dans l'île, à l'aspect de ces physionomies étrangement dissem- blables ; ici l'Africain à la peau noire d'ébène, à la toison laineuse, côtoie le Malais au teint jaune, aux cheveux plats et lisses; plus loin un bel Océanien à la barbe abondante, aux cheveux dressés marchera au côté d'un vrai Sémite. .Néanmoins, après un examen superficiel, on aura vite classé ces types en trois catégories qui correspondent justement aux trois groupes dont j'ai parlé plus haut. Il est évident que cette classification des peuplades madécasses n'est pas d'une exactitude absolument rigoureuse et que, en présentant chaque type différent de toutes les tribus de Madagascar, j'éviterais toutes chances d'erreur. Ouoi qu'il en soit, si je maintiens ces trois grandes divisions dans les peuplades de Madagascar, c'est parce qu'elles correspondent à des groupements naturels, à des usages communs que tout voyageur à Madagascar aura vite fait d'observer. C'est ainsi par exemple que j'ai placé lçs Bara à côté des Sakalava. Je reconnais que ces deux tribus ont un type quelque peu différent, mais les traits généraux sont les mêmes, les coutumes sont' identiques ou absolument analogues; pour toutes ces raisons il me semble juste de placer le Bara à côté du Sakalava tout autant qu'il faut l'éloigner du Betsimisaraka. Les deux premiers groupes ethniques et surtout le second qui comprend les Antimerina et les Betsileo sont absolument nets. Cependant pour le troisième qui comprend les populations du littoral de la mer des Indes et auxquelles j'ai rattaché les tribus Antanosy, il n'offre pas la même homogénéité à cause justement de l'adjonction de ces Antanosy. Cette tribu, sous bien des rapports se différencie complètement des autres peuplades madécasses. Le premier groupe ethnique de Madagascar que j'appellerai le groupe Sakalava comprend des Malgaches à cheveux crépus, d'une stature élevée, leur vigueur se devine aux attaches puissantes de leurs muscles; le front est bas et fuyant, le nez écrasé, les lèvres charnues, la barbe est rare. Ils ont la peau noire, cependant cette teinte présente chez certains indi- gènes des tons plus clairs. Ce groupe ethnique de Madagascar est celui qui présente le plus les caractères africains; ils aiment beaucoup les parures de verroterie, les colliers de perles, les boucles d'oreilles, les bracelets. Ce groupe ethnique est le plus guerrier des Malgaches, il fournit presque à lui seul les populations insoumises aux Antimerina. Les hommes se roulent autour des reins une pièce d'étoffe qu'ils nomment salaka, puis ils se drapent dans un lamba de cotonnade; les femmes s'habillent d'un sac percé aux deux bouts qu'elles nomment simbo et se serrent affreusement la poitrine dans une sorte de camisole ajustée qu'elles appel- lent akanjo. (5o6 GÉOGRAPHIE Le deuxième groupe est caractérisé surtout par les Hovas. Les carac- tères malais dominent. Dans un corps d'apparence chétive, aux membres grêles mais bien proportionnés, l'Antimerina possède une force rrruscu • laire assez considérable, sa taille moyenne est inférieure à la nôtre. Son visage ovale présente des traits réguliers, les pommettes sont sail- lantes, il est vrai, mais les yeux noirs et vifs ne sonl pas bridés, le nez est moins aplati et les lèvres moins épaisses que chez les autres groupes de l'île, aussi la physionomie n'a-t elle rien de désagréable, elle esl même fort belle chez certains individus. Son teint est olivâtre, cette coloration plus ou moins foucée varie beaucoup pour s'atténuer chez certaines per- sonnes jusqu'à disparaître presque complètement. Son système pileux est bien développé, il a la barbe fournie, les cheveux noirs, lisses ou ondulés très abondants. Mais c'est encore au moral que ce groupe des Hovas possède, sur les autres Malgaches, une réelle supériorité. Ses facultés intellectuelles sont nombreuses, son intelligence est vive et développée et il fait preuve en mainte circonstance d'un grand talent d'imitation. Le Hova, d'un naturel gai et enjoué, est un peu fataliste, l'adversité ne l'atteint pas. Poli, obséquieux même avec les étrangers, ses manières sont douces et affables, il pratique largement les lois de l'hospitalité, il obéit aveuglément aux ordres de ses chefs et respecte religieusement les lois du royaume. Apre au gain, désireux de s'entourer d'un confort inconnu aux populations barbares, il serait excellent travailleur. Malheureusement, à ces brillantes qualités s'ajoutent les vices ordinaires des peuples primitifs, la duplicité et la mauvaise foi, l'hypocrisie, la cruauté, le pillage et le vol ; ce dernier est considéré comme une action méritoire lorsqu'il s'exerce au détriment de l'étranger. En dehors de ces défauts innés, le Hova a pris au contact des Européens un orgueil sans limites. Les Malgaches du troisième groupe qui, parmi les habitants actuels de l'île, paraissent être les plus anciens, sont de taille plus élevée et do constitution plus robuste que les Hova. Les traits du visage sont égale - ment plus accentués; le nez aplati, les lèvres fortes, les yeux légèremeni bridés, les cheveux noirs et épais sont lisses chez les Antanosy, ondulés ou crépus chez les autres tribus, la barbe est peu abondante. Enfin, la coloration de la peau varie du jaune brun au noir. C'est chez ces tribus que; l'on rencontre le plus fortement accusés, les caractères polynésiens. Cette division des Malgaches en trois groupes que l'on pourrait appeler : groupe africain, groupe malais, groupe polynésien, sans être absolument à l'abri de toute critique repose néanmoins sur des bases scientifiques indis- cutables. Ce n'est pas ici, dans un rapide exposé, que je puis développer comme elle le mériterait cette division ethnographique. Je prendrai un P. PALLARY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 657 seul exemple entre les nombreuses données et les observations variées qu'il m'a été possible de faire pendant mes deux longs séjours à Mada- gascar. Parmi les caractères ethniques que peut présenter une peuplade le type de l'habitation est sans contredit l'un des plus importants. C'est ainsi que nous voyons le premier groupe se loger dans des maisons édi- fiées au ras du sol en raphia ou en bararata et couvertes de feuilles de ravenala ou de satrana. Le deuxième groupe habite des maisons édifiées en terre ou loge dans des habitations construites en planches ou en madriers couvertes en bozaka. Le troisième groupe loge dans des maisons bâties sur pilotis et couvertes en feuilles de ravenala. M. Paul PALLAET à Eckmuhl-Oran. NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS [916(65) — Séance du 4 avril 1896 — On appelle Dahra la région comprise entre la Méditerranée au Nord, le Chéliff à l'Ouest et au Sud, et la plaine de la Mitidja à l'Est. — Le Dahra oranais ou occidental, qui comprend la majeure partie de cette région, est limité à l'Est par le département d'Alger. Ce pays était peu connu, malgré les fréquentes apparitions de nos colonnes. Je n'ai pu trouver que trois notices sur cette contrée. Elles sont dues à MM. Richard, Ttourdon et Demaeght (1). Ayant obtenu de l'A. F. A. S. une subvention pour faire des recherches anthropologiques, j'ai parcouru le Dahra du 9 août au 18 septembre 189o. C'est de cette excursion dans un pays neuf, ou peu s'en faut, que je veux vous entretenir. i) Ru ii ar r>. — Étude .s»;- l'insurrection du Dahra 1845- 1846 ■ Alger-Paris, 1846. Km odon. — Etude géographique sur !<■ Dahra, in liull. Soc. Géog. Paris, 1871-4872. Dbmaeght. — Notes sur le hahru occidental, in Bull. Soc. Géog. Oran, 1882. m. A/iii \ i>> Mongtbavier :i publié aussi : Etudes d'histoire et d'archéologie sur l'invasion de l'Afrique septentrionale parles Romains avec une curie des ruines romaines du Dahra; Toulouse, 1860, maissnn travail m'esl inconau. Il est juste de mentionner ici une série d'articles publiés dans l'Indépendant de Mostayanem (\ 89/,, n°» 451 à 470), par M. Guilhon. Ces articles donnent de précieux renseignements sur la région. 6o(S GÉOGRAPHIE I Lorsque d'Inkermann ou de Saint-Aimé on regarde le Nord, l'horizon est fermé par une masse montagneuse bleuâtre qui émerge presque brus- quement de la plaine du Chélif : ce massif montagneux est le Dahra. Je l'ai abordé au Sud par la vallée de l'Ouarizane (1). La route part d'Inkermann (0. Riou), passe le fleuve sur un pont métallique auprès duquel sont quelques sources artésiennes, et traverse en droite ligne la plaine sur une longueur de six kilomètres. Le Terrain s'élève assez rapi- dement ; l'ancienne route abordait aussitôt les hauteurs par une montée très pénible, la nouvelle, au contraire, les prend en écharpe et s'engage dans la vallée, courant tantôt dans un département, tantôt dans l'autre. La vallée de l'Ouarizane est très étroite : à peine la place pour la rivière et la route; les pigeons sauvages y pullulent. Au dixième kilomètre au confluent de l'O. Temda on trouve le Kef-ed-Djir (la falaise du plâtre) avec ses masses de gypse, de soufre et d'argile. Une société avait entrepris des recherches de pétrole, mais après avoir foré cinq puits, elle a dû aban- donner les travaux. 1.500 mètres de plus, et l'on est à Mazouna, la vieille capitale du Dahra, qui fut même à un moment donné la résidence des beys de l'Ouest. Les historiens supposent, sans l'affirmer, que Mazouna a été édifiée sur les restes d'une cité romaine. Je puis assurer aujourd'hui que cette suppo- sition est exacte, car j'ai retrouvé un certain nombre de débris qu1 prouvent qu'à cette époque Mazouna était déjà une ville importante. Je ne raconterai pas l'histoire de la période arabe et turque, n'ayant rien d'inédit à apprendre. Je dirai seulement que, quoique déchue aujour- d'hui, c'est encore la ville indigène la plus importante du département. Avec ses deux quartiers de Bou-Mata et de Bou-Halloufa, séparés par de profonds ravins, Mazouna semble comprendre trois localités distinctes. C'est une ville très sale, habitée totalement par les indigènes et quelques juifs. L'industrie de Mazouna fut considérable si l'on en croit les historiens \ on y fabriquait de la poudre, des armes et de l'orfèvrerie. Aujourd'hui, l'industrie dominante est le vol ou plutôt le recel (bechara). La conduite des habitants de Mazouna fut des plus louches lorsque la colonne de Saint-Arnaud se montra en avril 1845. Comme tous les indi- gènes, ils vinrent en masse au-devant de nos troupes, protestant de leur innocence et de leurs bons sentiments à notre égard. Le colonel n'eut que (1) L'Ouarizane peut être considère comme un affluent de la rive droite du chélif. bien qu'il ne s'y ette pas : il vient s'éteindre dans les alluvions, à deux kilomèties environ du Meuve. P. PALLARY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 659 la peine d'envoyer ses fourrageurs dans les jardins pour ramener au camp un troupeau considérable que les dissidents avaient confié à leurs excellents correspondants de Mazouna. Pour éviter le retour d'un pareil état de choses, le commandant supérieur de Mostaganem fit construire, en 1851, un bordj sur le point culminant, à loucher de la Roubba de Sidi Sarahoui. L'inscription placée à l'entrée constate que ce bordj fut édifié par le 68e de ligne en l'année 1268 (de l'hégire), lors de la nomination du général Montauban. Le capitaine Arnau- deau était le chef du bureau arabe de Mostaganem. Aujourd'hui, le bordj est occupé par l'école et par le dépôt d'étalons. L'instituteur et sa femme sont les seuls Européens qui vivent à Mazouna; pendant quelques semaines le bordj loge le personnel de la remonte et c'est tout. On ne peut passer à Mazouna sans aller voir la belle source connue sous le nom berbère d'Aïn-tin-Isry. Il y a là les restes d'un barrage romain que les indigènes n'ont pas su relever ; ils en ont construit un plus petit. Tout près, à la Koubba de Sidi-Abd-el-Hak, sont encore d'autres ruines. L'Aïn-tin-Isry forme l'O. tin-Isry, qui, à quelques centaines de mètres en aval, se nomme alors 0. bou-Halloufa ; il conserve ce nom sur un faible parcours jusqu'à son confluent avec l'O. Adda, pour devenir l'O. Marouka; enfin, encore plus bas, la rivière prend le nom de l'O. Ouarizane qu'il conserve jusqu'au Chélif. Notez que ces quatre noms s'appliquent à un parcours de moins de quatre kilomètres ! On avouera que si nos rivières françaises avaient une pareille nomen- clature, la vie d'un élève ne suffirait pas pour connaître la géographie d'un seul bassin. Le dernier jour de mon passage à Mazouna j'eus l'occasion d'assister à une mascarade donnée en plein air par les indigènes. Un homme travesti en femme, avec un long voile lui cachant complètement la figure, exécutait la danse du ventre tandis qu'un autre, avec des pantalons, la figure cachée par un masque et la tête ornée d'une paire de cornes de bœufs, faisait ranger les spectateurs. Il De Mazouna à Renault il n'y a que cinq kilomètres, que l'on fait tou- jours en montant. On a le choix entre la nouvelle route et l'ancienne, qui passe sous le village indigène des 0. Mézian. Henault est le seul centre européen de la portion orientale du Dahra. 11 date dt; 1874 et est le siège d'une commune mixte. Le village est divisé en deux portions que l'on distingue sous les noms 660 GÉOGRAPHIE d'ancien et de nouveau village ; le bordj les sépare. Cet ouvrage comprend dans son enceinte la gendarmerie, les écoles et l'église. En cas d'insur- rection, la population aurait là un refuge assuré. Situé à une altitude assez grande (507 mètres) sur le bord d'un plateau, jouissant d'un excellent climat, de bonnes terres et relié par une route à la ligne d'Oran à Alger, Renault serait dans les meilleures conditions si l'eau ne faisait pas défaut. La source qui alimente ce centre est située en contre- bas : elle fournit tout juste la quantité voulue pour l'alimentation (14 litres à la minute). Une autre source, la fontaine réservée, ne donne que neuf litres . La pénurie d'eau entraîne le manque de jardinage ; aussi les légumes sont-ils une rareté pour l'endroit. Par contre, la vigne a pris une extension considérable et les vins de Renault jouissent déjà d'une bonne réputation parmi les acheteurs. Si à la vigne on ajoute les céréales, on aura toutes les cultures usitées dans cette région. On voudra bien remarquer avec nous combien les gens de Mazouna comprennent peu leur intérêt; ayant, eux, de l'eau en abondance, on supposerait qu'ils se livrent avec ardeur à la culture des légumes dont ils tireraient de grands profits, attendu qu'il en manque à Renault et qu'In- kermann et Saint-Aimé sont obligés de s'approvisionner à Orléansville ! Pas du tout, ils n'ont modifié en rien leurs vieux errements : leurs pères ont ainsi fait, ils continueront ainsi, à moins que leurs fils, au contact de l'école, ne les transforment radicalement. En plus de la route d'Inkermann, Renault est relié à la mer par une route envoie de construction qui suit en grande partie le cours de l'O. Gri. Les colons espèrent pouvoir expédier leurs produits par voie de mer au lieu de leur faire prendre la direction de Mostaganem. Quant à la fameuse route stratégique, dont nous parlerons plus loin, qui relie Renault à Cassaigne, elle n'est nullement utilisée. Les cantonniers logés sur le parcours n'ont d'autre occupation que d'enlever l'herbe qui pousse entre le macadam. Comme nous l'avons dit, Renault est placé sur un sommet dominant deux plaines : l'une à l'Ouest, l'autre à l'Est. Cette dernière est connue sous le nom de plaine du Gri, parce que l'O. Gri la traverse. Toutes deux sont formées par des terres fortes, argileuses, mais très fertiles. La plaine de l'O. Gri est célèbre dans les fastes militaires de l'occu- pation française (1) : elle est bordée au Nord-Ouest par les crêtes des Mediouna et à l'Est par une seule masse de calcaire orientée Sud-Ouest 35° Nord-Est, formant une barrière presque infranchissable, qui supporte le plateau de Kalàa, servant de limite départementale. (1) combat du 1/, avril 1845 coutie Bou Maza ^Mohammed ben Abdalla;. P. PALLARY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAIIRA ORANAIS 064 Ce Kalàa est peut-être un des endroits les plus curieux à visiter au point de vue de l'occupation romaine. C'est d'ailleurs une position remarquable à tous égards : elle domine d'un seul jet la plaine du Gri et la vallée de l'O. Oukallel qui coule à sa base orientale; au Nord-Est, la vue s'étend jusqu'au Kef-J'di-Mouçi, dans le département d'Alger. En disant qu'une pareille position était inexpugnable, nous n'exagérons rien. Si plus tard la contrée se peuple assez pour exiger l'installation d'un poste militaire, c'est certainement Kalàa qui sera choisi. Au pied du Kalàa il y a de fort belles sources. L'Aïn-Oum-et-Teboul a été aménagée par le génie, mais les indigènes ont brisé la conduite, de sorte que les abreuvoirs sont toujours à sec. Au dessus d'Aïn-Oum-et-Teboul est un passage très étroit, entre deux bancs de rocher, qui permet d'aller à S'-Aïssa-ben-Daoud et donne accès dans la sablonneuse et presque déserte plaine de Tangril, qui s'étend vers le Nord-Est. 111 De Henault, la route stratégique du Dahra suit les crêtes pour rejoindre Cassaigne sur une longueur de 54 kilomètres ; elle ne manque pas de pittoresque, mais elle laisse une impression de tristesse à cause de sa solitude: les voitures n'y passent jamais; seuls, quelques rares cavaliers et piétons la fréquentent. Au sortir de Renault, la route passe devant les ruines romaines d'Aïn- Tenserte, devant Aïn-Tamdjet, la Koubba de Sidi-Ahmed (qui rappelle beaucoup celle de Sidi-Brahim), Aïn-Marlaz. Le pays est très bien cultivé et d'immenses champs de tiguiers bordent la route. Près d'Aïn-Koufate, au dixième kilomètre, est une maison cantonnière ; un peu plus haut, la route s'engage dans la portion la plus élevée du Dahra et court en corniche sur le flanc sud du Dj. Sidi-Saïd pour redescendre et continuer vers l'ouest. Nous n'avons pas voulu passer si près du Dj. Sidi-Saïd sans arriver jus- qu'au sommet, chose des plus faciles d'ailleurs. Élevé de 777 mètres, ce point domine absolument toute la portion occi- dentale du Dahra.- La vue s'étend jusqu'à la mer qui apparaît par une déchirure dans le nord-ouest. Sur le plateau terminal est une cavité que la dévotion des indigènes orne d'une profusion de fragments d'étoffes et de tessons de poteries. Plu- sieurs gros arbres entourent ce lieu sur lequel je n'ai absolument pu recueillir la moindre indication. Pour aller à Nekmaria on a le choix entre la route centrale du général Lapasset et des traverses comme il n'y en a qu'en pays berbère. Je choisis 662 GÉOGRAPHIE ce dernier mode parce qu'il fait gagner du temps et me fera voir une portion du pays où les étrangers ne circulent que bien rarement. Nous passons derrière le Dj. Sidi-Saïd et nous nous arrêtons un instant pour nous restaurer à Aïn-bou-Isril, près de la mechta des Oulad-Hélal , sur la rive gauche du chabet Mta-Saousar. Nos chevaux se désaltèrent dan s un abreuvoir assez original : un sarcophage romain en pierre. Descendu dans l'O.-Sidi-Bakrti et pris le sentier qui va vers "le nord, suit un instant la vallée, puis s'en écarte de plus en plus pour rejoindre une autre vallée à l'ouest du confluent de l'O.-El-Heurdjet; enfin, nous atteignons le plateau de Nekmaria par une montée très rapide. Le bordj de Nekmaria est formé par deux groupes de4 constructions placés sur un plateau élevé d'où l'on domine le pays. L'alimentation est assurée par un puits et par l'Aïn-Sebala qui a été capté. Pour éviter la destruction de la maçonnerie, chose très ordinaire dans le Dahra, toutes les pierres de la fontaine ont été liées entre elles par des cram- pons de fer. Le bordj n'est habité que par la famille du caïd des Tasgaït et quelques indigènes. Une fois par an les cavaliers de la remonte y font un séjour de peu de durée ; on voit dans la cour du bordj la tombe d'un de ces soldats que ses camarades entretiennent avec un soin pieux pendant leur réclusion forcée. IV De Nekmaria j'ai pris la direction du nord-est. Après un court arrêt chez le caïd des Oulad-Riah, près d'Aïn-bou-Rich, je suis allé chez les Zérifa, où j'ai reçu une très large hospitalité dans la ferme de Mesnard. C'est un spectacle assurément peu banal de voir un ancien officier, de vieille souche française, s'installer avec sa famille au milieu d'un pays indigène éloigné de tout centre européen et créant de toutes pièces une exploitation agricole. Il serait désirable [que cet exemple trouvât de nom- breux imitateurs : l'initiative privée ferait plus et plus vite que la meilleure colonisation administrative. La tribu des Zérifa était très importante il y a encore peu de temps, mais le choléra, la famine, les sauterelles ont réduit de plus d'un tiers le contingent de la tribu. Ces rudes épreuves n'ont pas modifié pour cela le caractère insouciant des Zérifa; dans l'avant-dernière invasion de saute- relles, ces malheureux en étaient réduits à vivre de caroubes ; les distribu- tions se faisaient à raison de quatre par homme et de deux par enfant ! Les femmes cachaient leurs hardes dans les broussailles et se présentaient nues devant la ferme pour se faire donner du linge et des aliments ! Comme conséquence de cet état de choses, beaucoup de terres ont été P. PALLARY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 66*3 abandonnées. Des endroits qui, il y a vingt ans, étaient de magnifiques champs de figuiers sont envahis par les lentisques et les lavandes. La tribu des Zérifas passe pour avoir des mœurs légères : les femmes se livrent facilement sans que leurs maris trouvent à y redire. C'est la seule tribu du Dahra qui soit aussi complaisante sur ce chapitre. Chez les Zérifa le terrain change : jusque-là, nous avions traversé des terrains argileux ; ici, le sable apparaît : un sable micacé semblable à celui des environs de Mascara. C'est le pays des lapins par excellence ; il y en a assez pour causer de grands ravages dans les plantations de sorgho, de maïs et d'orge. C'est un terrain très favorable à la vigne qui, grâce à M. de Mesnard, a fait son apparition dans cette partie du Dahra. De chez M. de Mesnard, je me suis installé chez le caïd des Achâachas, tribu industrieuse entre toutes et qui a la spécialité des poteries et du bois travaillé. Avec un guide nous descendons l'O. Kaddous pour aller sur le bord de la mer. L'Aïn-Kaddous est une jolie source qui forme une petite cascade pouvant être utilisée le jour où l'on créera un centre sur ce point. De la source nous obliquons vers l'orient pour prendre le sentier qui mène à Aïn-bou-Haddou, sur le rivage. Il y a là une petite plage à laquelle aboutissent l'O. Kaddous et quelques petits ruisseaux provenant des sources qui émergent sur les pentes el arrosent de fort beaux jardins. L'administration a eu le projet de créer un centre en cet endroit. Malheureusement, les détenteurs des terres émettent des prétentions telles qu'il n'a pas été possible de s'en- tendre, il faudra en arriver au mode de l'expropriation. Cet endroit avait été, d'ailleurs, occupé par les Romains, comme l'at- testent les ruines qui sont situées près de la koubba de Si. A.-E.-K. Un peu plus haut, à Aïn-Tassaboiint, le paysage est splendide : au-dessus de la mer s'étale un petit plateau couvert de verdure, où le myrte et la grande fougère poussent comme en Corse; tandis qu'au-dessus, sur la falaise, une luxuriante végétation de térébinthes, genévriers et lentisques garnit les pentes et les crêtes. Toute cette bande de terrain longeant la mer, qui s'étend depuis le kef Kaddous jusqu'au kef M'ta-Zlazen (1), est désignée sous le nom de bled Tassabounl. De Ta-sabount nous coupons droit au sud jusqu'à Haci-Tanout. Le len- demain, nous passons à Aïoun-Cheria et à Aïn-bou-Keriche (2). Un peu au-dessous de cette source, à la cote 30, est un gourbi servant de marabout i La cai I 'iitio : KefJibliler, mais ce nom est inconnu dans la région. i2 La carte orthographie : Ho huche. 664 GÉOGRAPHIE (Sidi-bel-Khassem), auprès duquel sont les ruines berbères connues sous le nom de Benian-Djouhala (les ruines des infidèles). De Bou-Keriche nous avons une vue superbe : la falaise de la rive droite de l'O. Kramis se dresse droite comme une muraille ; derrière elle apparaissent à droite et encore noyés dans la bruine les sommets du Dj. Yamiste, dans le département d'Alger. A gauche est la mer dans laquelle la falaise pénètre comme l'éperon d'un cuirassé. La comparaison de la falaise avec un cuirassé n'est pas risquée, car les pentes présentent le même renflement que les flancs d'un vaisseau, et le marabout qui sur- monte l'avant fait fonction de tourelle. Mais à mesure qu'on approche, les pentes de la falaise s'adoucissent et, après avoir franchi l'O. Kramis, nous les abordons sur une portion très accessible. Le sentier nous mène à Haci-Hadj-ben-Ali, sur un plateau fertile, coupé à l'Est par l'O, Aou-Doukh ( = 0. Bezougert de la carte), dans lequel nous descendons pour reprendre le plateau. Passé l'O. Ta-Hammant (1) on arrive à Aïn-el-Bahr qui est un trou creusé dans le sable à deux pas de la mer et où l'on trouve de l'eau potable. Les dunes de cette portion du littoral sont très élevées et rendent la marche pénible. A l'O. Bakir nous sommes à la limite du département d'Oran. Nous revenons vers l'ouest en passant par Aïn-bou-Ali dont l'eau est saumâtre. Au-dessus, sur les premiers gradins du plateau, sont les restes d'une cons- truction où l'on a employé beaucoup de gros galets. D'Aïn-bou-Ali nous allons vers le sud-ouest et passons l'O. Raab, l'O. Ta-Hammant, l'O. Azelet, affluent de la rive droite de l'O. Aou-Doukh. La pente qu'il faut gravir est assez raide ; le sentier suit un petit ravin forte- ment encaissé, au fond duquel coule l'Aïn-Embarek. L'eau des pluies a creusé de profonds sillons dans l'argile et amène les rives presque à la verticale. Le boisement des pentes pourrait remédier à cet état de choses. Passé près de Haci-Saâda et à la cote 169 nous commençons la descente du plateau pour aboutir à l'O. Kramis. Une fois l'oued passé, la marche devient de plus en plus fatigante à cause des dunes qui envahissent la vallée et que le vent pousse vers le sud-est. C'est un véritable danger pour le bassin supérieur de l'O. Kramis. L'envahissement est très rapide, car j'ai vu des genévriers encore verts presque entièrement recouverts par le sable. Aïn-Semroun et Aïn-Mechroub sourdent au milieu de ces sables. Enfin, nous atteignons l'autre plateau où la marche est plus facile. Le soleil est couché quand nous arrivons. il) La carie orthographie : Tamanl. P. ' PALLAIIY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAIIHA oRANAIS 665 De la ferme de Mesnard je pars avec deux guides pour Lapasset, situé à 10 kilomètres sud-ouest. Il est nuit noire lorsque nous arrivons au village, n'ayant par conséquent rien pu observer sur mon chemin. Lapasset a été créé en 1891 à l'entrée de la plaine des Ouled Krelouf ; c'est un coquet petit village qui a à sa disposition des terres vierges, la proximité de la mer et celle de Cassaigne. L'alimentation en eau est assurée par l'Aïn-el-Hammam. A sept kilomètres nord est le petit hameau de Petit-Port ; une belle route y mène ; elle traverse des champs sablonneux et aboutit à une plage très fréquentée pendant la saison estivale. Il vient des baigneurs de Cassaigne et même d'Inkermann; l'installation est des plus sommaires : une tente ou une baraque en roseaux suffisent. Les raffinés ont deux hôtels à leur disposition. De temps à aulre les baigneurs organisent une soirée ; on cite comme un jour mémorable celui où l'on a constaté la présence de 280 personnes sur la plage ! Nul doute qu'avec de pareils antécédents Petit-Port ne devienne une station balnéaire de premier ordre, à moins que la vogue dont il jouit actuellement ne disparaisse le jour où il y aurait cafés, casinos, cercles, concerts... Mais revenons à Lapasset. J'ai dit que l'alimentation en eau du village était assurée par l'Aïn-el-Hammam à trois kilomètres environ au sud. Une belle et bonne route y mène; on remarquera sur le côté droit de cette route des tombes orientées vers l'est dont le dessus est fermé par des branches et les côtés par des dalles en pierre. Malheureusement la surface du sol a été nivelée par les labours et il est impossible de trouver des pierres tombales. Cependant il est probable que ce sont d'anciennes sépul- tures arabes. La source a été captée. Son emplacement est marqué par un massif de pins et d'eucalyptus dont l'ombrage n'est pas à dédaigner en cette saison. Ce n'est pas que les arbustes fassent défaut dans le Dj. Foraïa, mais il y en a tant qu'il est impossible de circuler dans cette brousse. Cela promet de riehes terres lorsque le défrichement en prendra possession. Ainsi donc, Lapasset a tous les éléments de vitalité voulus pour devenir un centre d'avenir : terres vierges, montagne et plaine, calcaire et sable, eau potable, la mer, le voisinage de Cassaigne, de bonnes routes. Que faut-il de plus? « A six kilomètres environ nord-est de Lapasset, on trouve la magni- fique source de Titinguel qui sort d'une fissure de rocher limpide comme du (366 GÉOGRAPHIE cristal, et s'en va, par de nombreux canaux, arroser de vastes jardins potagers. C'est l'emplacement désigné depuis fort longtemps d'un centre de colonisation ; et certes il n'est pas possible de trouver dans tout le Dahra endroit plus favorable. Terres de bonne qualité, propres aussi bien à la culture de la vigne qu'à celle des céréales ; nombreux oliviers, proximité de la mer, climat éminemment salubre, telles sont les conditions que réunit ce coin de terre. » (P. Guilhon.) Il n'y a qu'une faible distance (11 kilomètres) entre Lapasset et Ças- saigne. La route, qui est l'amorce de la voie destinée à relier Mostaganem à Tenès par le littoral, passe constamment sur les flancs du Dj. Mengoub et franchit l'O. El-Abid sur un pont de pierre ; une montée assez accentuée mène enfin au village, Cassaigne est la plus jolie localité de tout le Dahra. Quand on vient de traverser toute cette région où l'on ne voit les habitations que par groupes épars, on est agréablement surpris en apercevant un village enfoui dans la verdure avec des toits rouges émergeant entre les arbres, où l'on peut enfin profiter des avantages de la vie européenne. Cassaigne a été créé en 1873 par l'autorité militaire, en même temps que Renault, Bosquet et Ouillis. C'est un centre important, qui ne doit pas seulement sa vitalité au respectable nombre de fonctionnaires qui y vivent. On sent que l'aisance règne parmi les habitants. Je n'ai pas voulu passer à Cassaigne sans aller voir les gisements pétro- lifères d'Aïn-Zeft, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest. Pour la visite de ces gisements, il est grandement préférable de prendre comme point de départ Saint-Aimé, d'où mène une route que peuvent suivre les voitures. L'itinéraire que j'ai suivi en partant de Cassaigne est autrement moins commode, comme on va le voir. De Cassaigne j'ai pris la route de Renault jusqu'au kilomètre 34,4. Là j'ai suivi, à droite, une traverse qui passe au douar Tebagheria, se dirige vers l'est, coupe l'O. Sidi-Mouça et entre dans la vallée de l'O. Er-Reças. Sur la rive droite, au-dessous de l'imposant kef Chegga, entre ce kef et la rivière, sont des ruines que le sentier traverse. On voit encore une rangée de pierres de taille formant un mur. Deux kilomètres plus bas, la vallée se resserre entre deux puissantes masses de gypse où la marche commence déjà à devenir laborieuse. Derrière une crête est Aïn-Rezzaz, la seule source d'eau potable de la vallée, au milieu du douar Ben-Saïd, à côté de la koubba de Si-A.-E.-K. (1). Le sentier suit sur les gypses le bord d'une falaise escarpée, bien faite pour donner le vertige; mais la vue y est superbe. Droit au sud se déroule h Riîn de cela n'est mentionné sur la carte au 50.000°. Ce qui ne m'étonne pas du tout attendu que le moindre écarl suffll pour plonger à pic au fond de la gorge. P. PALLARY. — NOTES GÉOGRAPHIQUES SUR LE DAHRA. ORANAIS 667 un ruban argenté, c'est le Chélif. Enfin, les pentes s'adoucissent et le sentier descend vers la rivière où nous arrivons rapidement. L'eau qui coule à nos pieds provient de l'Aïn-Hezzaz qui sourd au milieu d'une caverne creusée dans le gypse. Kl le est fortement chargée de sels de magnésie, ce qui n'empêche pas de prospérer des bandes de petits poissons et les chevaux de la boire. Nous passons la rivière deux fois encore, la vallée s'élargit, les rives diminuent de hauteur, puis à un coude le sentier va vers l'est et court alors dans la plaine de Chélif. A partir de là, nous allons droit vers l'est, en passant devant Si bou- Bekeur et nous nous arrêtons à la mechta des 0. Malah chez le caïd. Le confortable qui est mis à ma disposition est tout à, fait rudimen- taire : un gourbi, un lit de camp; pour boisson, de l'eau du Chélif ! J'emploie le reste de la journée à voir les environs de l'ancien télé- graphe aérien, dont Aïn-Zeft n'est éloigné que de trois kilomètres. VI Le retour s'est effectué bien plus rapidement, avec une légère variation dans l'itinéraire. Au lieu dépasser sur la falaise, nous suivons le lit du ruisseau. Six heures de mulet suffisent pour me reconduire à Cassaigne. Mes excursions autour de Cassaigne n'intéressent que la géologie; j'en parle dans la notice spéciale. Je n'ai pas séjourné assez pour signaler des faits pouvant être mentionnés ici. De Cassaigne, la route continue vers l'ouest en s'élevant de plus .en plus jusqu'au Dj. Dar-Chouachi, d'où elle s'abaisse peu à peu jusqu'au Chélif. A onze kilomètres de Cassaigne, la route traverse le village de Bosquet, très peu éloigné de la mer, où l'on a construit, il y a quelques années, un petit débarcadère. Ce village a eu beaucoup à souffrir à ses débuts du manque d'eau ; non pas parce qu'il avait été installé sur un point où les sources font défaut, mais parce que ces sources ont tari on ne sait au juste pour quelle raison. Depuis lors, on a fait arriver l'eau d'Ouillis par une ci induite de cinq kilomètres. Ouillis est un peu à l'écart de la route sur le bord d'un plateau sablon- neux qui domine la mer. C'est un petit village protégé par un bord] et qui a de grandes ressources au point de vue cultural. L'O. Ouillis coule dans un ravin magnifique, où il forme une cascade de 50 nieires environ de hauteur au milieu d'un fouillis de verdure mas- quant l'entrée de grottes à stalactites. Le site y est superbe et rappelle — en petit — la chute de la Saf-Saf, près de Tlemcen. La route qui relie Ouillis à l'ont-du-Chélif laisse à droite l'embranché- 668 GÉOGRAPHIE ment du cap Ivi, sur lequel esl installé un phare de premier ordre que je n'ai pas visité. Peu après cet embranchement commence une longue descente qui ne s'arrête qu'à Pont-du-Chélif, misérable petit village qui contraste étrange- ment avec ceux que nous venons de voir et où nous en finissons avec le Dahra. Comme je l'ai dit au début, le Chélif marque la limite sud et occidentale de cette région. M, Ludovic DEAPETROI Secrétaire général de la Société de Topographie de France, à Paris. CALCUL GÉOGRAPHIQUE ET CHRONOLOGIQUE DES PÉRIODES DE LHISTOIRE DE L'AFRIQUE ANCIENNE DONT CARTHAGE FUT LA CAPITALE (872 AV. ET 698 AP. J.-C.). [902 (611)] — Séance du i avril 1896 — Nous avons déjà traité de « la Constitution de Cartilage », dans une étude ethnographique, que nous avons déposée sur le bureau de la Section. Dans ce nouveau travail, nous nous proposons aujourd'hui d'embrasser l'existence entière de Carthage : punique, romaine, byzantine. C'est la première fois peut-être que la chose est essayée. Ce que nous donnons — très court — est l'esquisse d'un ouvrage que nous exécuterons plus tard. Fondée par Tyr, en 872, sur l'emplacement de l'antique Cambé, au point où apparaît YAfrica, ou « fracture », Carthage commandait les deux bassins de la Méditerranée. L'Ile de Malte, de très bonne heure, lui servit de vigie. Par le détroit de Reggio, cette autre « fracture », la Sicile pouvait être tournée, et c'est ce qui explique l'occupation de la Sicile elle-même et de la grande Grèce par de nombreuses colonies helléniques. Syracuse, hors de la surveillance de Carthage, fut fondée en 735 par Corinthe. En 600, Marseille devint une colonie phocéenne. Les Carthaginois avaient déjà à cette époque occupé les îles Baléares, mais ils ne commen- cèrent à établir avec suite ce qu'on a appelé leur « empire insulaire » L. DRAPEYRON. — CALCUL GÉOGRAPHIQUE ET CHRONOLOGIQUE C09 que dans la période qui suivit immédiatement. Les Phocéens avaient précédemment noué des relations avec le roi de Tartessus. « Les Phocéens, fondateurs de Marseille, vainquirent souvent les Cartha- ginois », a écrit Thucydide (I, 13). Quelques années plus tard, lorsque, fuyant l'invasion persane dans la mère patrie, ils gagnèrent Aléria, colonie déjà fondée par eux en Corse, ils ne purent s'y maintenir et, malgré une victoire cadméenne, c'est-à-dire aussi dommageable qu'une défaite, ils se rabattirent sur Elée. Tel était le résultat de l'occupation toute récente (552) de l'île de Sar- daigne, par les Carthaginois; la Corse ne tarda pas à avoir le même sort. La lutte entre Carthaginois et Grecs se concentra désormais en Sicile. La proposition de iîias, qui conseillait de transporter en Sardaigne tous les Ioniens, en présence de l'invasion toujours menaçante du grand roi, venait trop tard. Mais les Carthaginois, informés de ces choses, firent cause commune avec Xerxès, et il ne faut pas s'étonner si Gélon, tyran de Syracuse, eut à leur livrer la bataille de l'Himèra, l'année même où Thémistocle triomphait des Perses à Salamine (480). Leur général en chef, Hamilcar , était fils d'un Carthaginois et d'une Syracusaine. Les Carthaginois maintinrent néanmoins leur position sur l'Himèra et restèrent en paix pendant longtemps. C'est durant cette période qu'avaient lieu leurs courses maritimes lointaines sous Hannon et sous Hamilcar, jusqu'au Sénégal d'une part et jusqu'aux Sorlingues, de l'autre. Les Athéniens, vainqueurs des Perses, espéraient aussi vaincre les Carthaginois. Telle était la pensée secrète d'Alcibiade en allant en Sicile. « 11 ambitionnait, nous dit Thucydide (VI, 13), un commandement qui lui permît de s'emparer de la Sicile et de Carthage, objets de ses espé- rances, et de recueillir personnellement, en cas de succès, richesse et renommée. » Dans l'assemblée des Syracusains, le chef Hermocrate, semblait l'avoir deviné, quand il s'exprimait ainsi (VI, 33) : « Envoyons aussi des ambassadeurs aux autres villes de Sicile pour leur démontrer que le danger nous est commun à tous, et aux autres peuples d'Italie, pour qu'ils fassent alliance avec nous et n'accueillent pas les Athéniens. Il serait bon même, je^rois, de députer aussi à Carthage; car elle n'est pas sans inquiétude; tout au contraire, elle redoute sans cesse que les Athéniens ne viennent un jour V attaquer. » C'est lorsque l'expédition des Athéniens en Sicile eut échoué, et que, malgré sa victoire, Syracuse se trouva fort affaiblie, que les Carthaginois firent une nouvelle poussée en Sicile, détruisant Sélinonte, Agrigente, Himère. 670 GÉOGRAPHIE C'est sur le besoin de combattre les Carthaginois d'une façon métho- dique, que s'établit la tyrannie de Denys l'Ancien. Ces guerres, au nombre de trois, eurent lieu en 397, 387 et 383. Leur seul résultat fut de faire reculer les Carthaginois de l'Himèra à l'Halycos, un peu plus occidental. La grande victoire de Timoléon sur le Crémêsos, où périt le bataillon sacré de Carthage, ne modifia pas cette situation. Ainsi, les Carthaginois et les Grecs se tenaient mutuellement en échec dans la Sicile, et ils ne s'attaquaient pas ailleurs. L'empire carthaginois n'était battu en brèche que sur un point, voisin, il est vrai, de Carthage. Il dominait la mer au moyen des îles; il abordait facilement sur le continent, il avait pour alliés les Tyrrhéniens, avec lesquels il conclut de fréquents traités, avec les Latins eux-mêmes, en tête de qui figuraient les Romains, dans les conventions commerciales de 509 et de 348 conservées par Polybe. On remarquera que cet empire, excepté sur la côte méridionale, était borné au bassin occidental de la Méditerranée. Néanmoins, il faut tenir compte des révolutions survenues dans le bassin oriental, pour se faire une idée exacte de la solidité plus ou moins grande de l'empire carthaginois. Tyr, métropole de Carthage, avait été détruite une première fois par Nabuchodonosor (572) ; elle le fut à une deuxième reprise par Alexandre le Grand (332). Dans les deux circonstances, une émigration très importante de Tyriens s'effectua vers Carthage. Deux cités grecques, au cours de trois siècles, s'élèvent sur le flanc oriental de Carthage, mais à une distance considérable : Cyrène en 631 et Alexandrie en 331. Le patriotisme carthaginois — il est célèbre grâce aux frères Philènes — recula le plus loin possible ce que nous nommerions aujourd'hui la sphère d'influence de Carthage du côté de Cyrène. D'ailleurs, une heureuse chance mena pour Carthage les événements jusqu'à la seconde destruction de Tyr et à la fondation d'Alexandrie. Les Phéniciens furent chargés par le pharaon Néchao du périple de l'Afrique. Ces Phéniciens revinrent par Carthage (600 av. J.-C.) et lui donnèrent une vigoureuse impulsion. C'est à partir de ce moment que Carthage sort de l'obscurité et prélude à sa domination. En 525, Cambyse conquiert l'Egypte. « Il donna, nous dit Hérodote, l'ordre à l'armée navale de faire voile vers Carthage. Les Phéniciens s'y refusèrent, se disant liés par de grands serments, et déclarèrent qu'ils ne commettraient pas l'action impie de porter la guerre chez leurs propres enfants. Les Phéniciens se retirèrent, le reste ne suffisant pas pour- combattre. Les Carthaginois échappèrent donc au joug des Perses. » L. DRAPEYRON. — CALCUL (iÉ< (GRAPHIQUE ET CHRONOLOGIQUE 671 Alexandre Je Grand, lorsqu'il mourut si prématurément à Babylonu, allait se reporter contre l'occident, et c'est tout d'abord le grand nom de Cartilage qui l'attirait. Ses successeurs, en Egypte, les Ptolémées, reculèrent devant la longueur et la difficulté de l'entreprise, préférant, d'ailleurs, étendre leur action et leur influence, à l'orient, vers l'Arabie et vers l'Inde. 11 semblait donc que Cartilage n'avait qu'à continuer à exploiter son commerce en Espagne (Gadès, Tartessus, Malaca) et dans la mystérieuse Sardaigne, à tenir en échec les Grecs de Sicile, divisés en cités rivales, et à les user à l'aide de ses inépuisables mercenaires, du temps d'Hérodote, Ibères et Liuures. Elle offrait elle-même, et chez elle, un grand nombre de points faibles. Pas plus d'homogénéité que les Grecs. Ceux-ci divisés en Doriens et en Ioniens; Africains en Sidoniens et en Tyriens. Utique sidonienne, à côté de Carthage, tyrienne. Tant que l'ennemi n'aura pas mis le pied sur le sol africain, toutes les villes, et elles étaient fort nombreuses, étaient contraintes d'obéir à leur dominatrice Carthage. Qu'il y fit une courte apparition, toutes les places étant démantelées, sauf Carthage, la faiblesse de l'empire, dans son centre même, apparaîtrait aussitôt. Ce fut le fils d'un potier Syracusain, devenu tyran de Syracuse. Agathocle, qui divulgua le terrible secret, une quinzaine d'années à peine après la disparition d'Alexandre le Grand. Se trouvant dans une situation critique, assiégé par les Carthaginois dans Syracuse, il réalisa l'idée auda- cieuse de transporter son armée en Afrique, de brûler ses vaisseaux, et de se saisir des villes. La trahison de Bomilcar faillit lui livrer Carthage elle-même. Campant devant Tunis, il fit appel à Cyrène, d'où Ophellas accourut. Si Agalhoclc n'avait cédé à un invincible soupçon, s'il ne s'était pas défait d'Ophellas, Carthage serait peut-être devenue colonie hellénique. Vaincu sous Tunis, il regagna Syracuse. Pyrrhus, roi d'Épire, gendre d'Agathocle, interrompit sa guerre contre les Romains , pour aider Syracuse dans sa lutte séculaire contre les Cartha- ginois. Ceux-ci, à ce moment même, se liaient avec Rome par un traite-. L'ennemi commun disparut, et les deux alliés en vinrent aux prises. La grande Grèce était soumise aux Romains, qui devaient achever leur œuvre en soumettant les Grecs de Sicile. Et la grande île ne pouvait rester partagée:. Cette guerre est trop connue, trop classique, pour que nous nous y éten- dions. Mais marquons-en les grands résultats. Une lois établis en Sicile et substitués aux Syracusains. les Romains se donnent l'avantage d'une marine prépondérante. Telle est la portée de l'invention de Duilius, le Corvus. Après Ecnome, Régulus imite Agathocle 672 GÉOGRAPHIE en descendant en Afrique. Vainqueur dans cent combats, vaincu dans une grande bataille, il fut fait prisonnier. Les Carthaginois résistèrent encore dix ans, dans l'angle occidental de la Sicile, entre Drépane et Libybée, et ce fut une défaite navale aux îles Égates qui les contraignit à lâcher prise définitivement. La guerre des Mercenaires sur le sol de la mère patrie leur fit perdre également la Corse et la Sardaigne. Carthage est donc obligée de transformer en pleine déroute son empire maritime en empire continental. Telle est la tâche d'Hamilcar Barca, d'Asdrubal et d'Annibal ! Soumis- sion des Numides, des Mauritaniens, des Ibères, des Gaulois, appelés à l'aider en qualité de mercenaires. Fondation de Carthagène, destruction de Sagonte, occupation de l'Italie, batailles de Tessin, de la Trébie, de Trasimène et de Cannes. Concentration des forces puniques dans le midi de la péninsule menaçant à la fois Rome et Carthage, suspecte sous les Hannon. Traités d'alliance avec Philippe, roi de Macédoine, avec Syracuse, sortie de son long sommeil sous Hiéron IL Ce plan si merveilleusement combiné échoue : d'abord à cause de la grandeur et de l'improvisation de l'entreprise, de la trop « prompte défaite des Gaulois, sous le ciel de Capoue, du peu de solidité des alliés d'Annibal et de cette catastrophe du Métaure, qui « dissipa les ténèbres qui s'étendaient sur le Latium ». Annibal suivit Scipion en Afrique. La bataille des grandes plaines, celle de Zama, Masinissa installé à poste fixe, bloquant Carthage menacée par le territoire d'Empories, tout cela eut bien vite brisé le nouvel empire carthaginois. La désagrégation s'opéra en Afrique même. Utique eut toute liberté pour se prononcer contre Carthage. De cet empire il ne restait plus qu'une grande ville de 700.000 âmes. Elle fut emportée et ruinée par Scipion Emilien. Carthage n'était plus. Restait sa position dont la valeur apparut bien vite dans cet empire méditerranéen complet, qui était l'empire romain. Aussi, à mesure que l'unité méditerranéenne s'achève, la nécessité de Carthage devient plus évidente. Carthage revivra, malgré tous les ser- ments, malgré Caton. C'est d'abord Caïus Gracchus, moins de vingt-cinq ans après la des- truction, qui entreprend de la réédifier. Il envoie six mille colons romains et leur sert lui-môme de guide. Une terreur religieuse fit abandonner une première fois ce hardi dessein. Les temps avaient renversé tous les repères établis, dit Appien. Aûxo-. tx 6epiXca ctOcoa 8isff7caaav xal auvs/éav. Ordre fut donné d'interrompre la nouvelle colonie de Junonia. Utique et Hippone conservèrent le territoire qu'on leur avait partagé. (123 av. J.-C.) C. César, le dictateur romain, campa sur les ruines de Carthage, durant L. DRAPEYRON. — CALCUL GÉOGItAPHIQUE ET CHRONOLOGIQUE 673 sa guerre contre Scipion Métellus. Dans un songe célèbre, il vit une grande armée en pleurs. Il décida d'apaiser ces mânes glorieux ; il décida la reconstruction de Carthage. C'est cette pensée que réalisa Auguste après Actium (27). Il envoya trois mille colons romains et en emprunta un bien plus grand nombre à l'Afrique même. C'est ainsi que Carthage revécut cent dix-sept ans après qu'elle eut été rasée, la même année que Syracuse et Corinthe. En peu de temps, elle a à nouveau une grande importance et Strabon, qui vivait sous Auguste, a pu dire : Kat vuV £'. Ttç 7.XÀ7}, xaXw; olxéÏTai xàW Év Atêu7] Ttokiàyv. Elle égalait donc les plus grandes villes de l'Afrique ; mais elle ne les surpassait pas encore. Elle se peuplait toujours et sous Adrien (117 ap. J.-C), elle marquait sa supériorité et par le nombre de ses habitants et par la valeur de- sa position, qui était plus que jamais prépondérante, dans une Méditerranée active rangée sous une seule domination. Elle était désormais la troisième ville de l'empire, en correspondance directe et journalière avec Rome, dont son existence était pour ainsi dire complémentaire... Capitale naturelle de l'Afrique ancienne, africa vêtus. En raison de sa nécessité et de sa fidélité, premier grenier d'abondance de Rome, elle pouvait aspirer à jouer un rôle important, non pas au point de vue politique, elle est trop voisine de Rome, mais au point de vue religieux. Apulée et Septime Sévère représentent l'Afrique à Rome même. Apulée est un disciple de la Grèce; Septime Sévère est un Sylla punique. Mais c'est Tertullien et saint Cyprien qui représentent Carthage à Car- thage même. Ce sont des Carthaginois chrétiens, chrétiens et Carthaginois à la fois. Dans le domaine de la politique, un seul incident, qui valut, il est vrai, a l'empire trois empereurs, d'âge très différent : les trois Gordiens. Avec Probus, on entrevoit la fin de cette paix romaine dont l'Afrique jouit si longtemps, presque à l'égal de l'Afrique, et que n'interrompit même pas la période dite des Trente tyrans. Cette paix, ce sont les Francs qui la menacent, Ils se saisissent de vaisseaux, troublent toute la Grèce, la Sicile et Syracuse en particulier, mais Carthage se défend avec bonheur et l'orage se dissipe. C'est Zosime qui a raconté cet épisode. Mais des trois villes qui avaient revécu ensemble, Corinthe, Syracuse, Cirthage, la dernière était de beaucoup la plus longtemps fortunée, fortune qu'elle devait à sa position dans l'empire romain. Elle devait être profondément troublée par une guerre civile de 13* 674 GÉOGRAPHIE nature religieuse. Dès avaut le triomphe du christianisme, à l'époque de Dioctétien, s'engage la fameuse querelle des Donatisles ou des Circoncel- lions qui remplit tout le règne de Constantin le Grand et de Constance Chlore, et qui, à le bien prendre, ne prit fin qu*au vie siècle de notre ère. Dans ce christianisme si intransigeant de Donat, évêque de Carthage, on reconnaît le vieux levain carthaginois. Cependant Arnobe et Lactance à la suite de Constantin le Grand, con- tribuent au triomphe du grand christianisme. Après la mort de Théodose, Gildon cherche à passer de la domination d'Honorius à celle d'Arcadius, de l'Occident à l'Orient. La période vraiment romaine s'achève avec le grand philosophe chrétien saint Augustin, qui impose à l'histoire générale l'histoire hébraïque et en change la conception jusqu'à Bossuet. A ce moment même, en Étrurie, Festus Avienus, dans son Ora mauritima, consacrait la mémoire des navigations mystérieuses des vieux Carthaginois. Le comte Boniface, en rivalité avec Aétius, appelle pour préserver son crédit menacé auprès de Placidie, Genséric, roi des Vandales, cantonné dans le sud de l'Espagne. Genséric, grâce aux navires mis à sa disposition, franchit le détroit de Gadès avec les quatre-vingt mille âmes que complaît son peuple. Une fois installés dans la Mauritanie, ils se joignent aux Maures eux-mêmes et aux Circoncellions. Ils s'emparent de la Numidie et de la province proconsulaire, excepté Cirtha, Carthage et Hippone. Hippone succomba, deux ans après la mort de saint Augustin. Le comte Boniface impuissant repassa en Italie (431). Carthage succomba le 29 octobre 439. Genséric fit démanteler toutes les villes. En peu d'années, il ressuscite la puissance punique du vieux temps, s'empare de la Sardaigne, fait des incursions en Sicile et s'unit à Attila. Il débarque à Ostie en juin 4o5, répondant à l'appel de l'impératrice Eudoxie, veuve de Valentinien III, que son meurtrier et successeur Maxime avait contrainte à l'épouser. Il fut donné à la Carthage vandale de prendre une terrible revanche de la destruction de la Carthage punique survenue six siècles auparavant. L'empereur Théodose II avait déjà essayé d'arracher Carthage aux Vandales ; sa flotte de guerre n'avait pu dépasser la Sicile. En 460, l'empereur d'Occident Majorien, réunit entre Alicante et Carthagène une grande armée dans ce but. Trahi par ses officiers, il fut obligé de renoncer à cette expédition. En 468, c'est l'empereur d'Orient, Léon Ier, le Thrace, menacé jusque dans Constantinople, qui fit des préparatifs ruineux pour mettre Genséric à la raison. Il confia onze cent treize galères à Marcel- linus, Héraclius et Basiliscus. Cette flotte, mal commandée, s'échoua dans le port d'Hippone et fut détruite par un incendie. L'empereur Zenon fut obligé de reconnaître Genséric qui mourut après cinquante ans de règne ou plutôt de déprédations. L. DRAPE YRON. — CALCUL GÉOGRAPHIQUE ET CHRONOLOGIQUE 075 Un jour qu'il sortait de Carthage, le peuple lui demanda où il allait : « Contre ceux que poursuit la colère de Dieu ! » Ce fléau de Dieu était arien. Vint le règne réparateur de Justinien. Il confia à Bélisaire une armée composée surtout de Mongols avec lesquels il le chargea de réduire les Germains. L'historien Procope, secrétaire du général en chef, l'accompa- gnait. On s'arrêta un instant à Syracuse pour se renseigner. Le débar- quement fut suivi de la bataille de Décimum. On marcha ensuite tout droit sur Carthage, la seule ville qui n'eût pas été démantelée et on y entra sans résistance. L'entrée de Bélisaire à Carthage sans coup férir élève sa gloire, d'après Procope (De Bello Vandalico), au-dessus de celle de tous les généraux passés. Il s'installa au festin préparé pour Gélimer. Aucun empêchement ne survint aux affaires commerciales. Où pyp oûSe ti èfxiroSifffjia T7| jcaxà ttjv -oà-.v ipyaaîcf., ;Jvs6ï). Les soldats conservèrent un ordre exemplaire. Justinien avait presque reconstitué, après la réduction des Ostrogoths en Italie, et après le refoulement des Wisigoths du littoral espagnol, l'unité de la Méditerranée. Carthage, où au temps de la domination vandale, on continuait à com- poser des vers latins, témoin Dracoentius, se byzantinisa. Elle a pour exarques des Byzantins Salomon, Héraclius. C'est avec Constantinople qu'elle correspond désormais et non plus avec Rome, qui n'est plus qu'une ruine. C'est à Carthage que se forme le projet de cette célèbre expédition d'Héraclius le Jeune, le futur grand empereur, contre l'usurpateur, le centurion Phocas. Cette expédition a lieu par mer, tandis qu'une autre est dirigée sur l'Egypte. Carthage apparut comme la libératrice de l'empire. Un instant Héraclius, en présence de l'invasion des Perses et des Avares, a la pensée de retourner à Carthage, en embarquant avec lui toutes les richesses de Constantinople. La fin lamentable de ce règne, si éclatant dans son milieu, nous fait assister au triomphe des Arabes musulmans. Ils conquièrent la Syrie et l'Egypte en fort peu de temps et se dirigent sur Carthage à travers la Cyrénaïque. C'est de I'Orient et des Sémites, que lui vient le danger mortel. Elle n'y échappera pas. Du moins, elle a résisté environ cinquante ans, car ce n'est qu'en 698 qu'elle succomba sous Hassan. Elle fut complètement détruite. Treize ans plus tard, les Arabes atteignaient l'Espagne et lui livraient la bataille de Xérès (711). Carthage ne s'est pas relevée depuis. C'est que les conditions « médi- 676 GÉOGRAPHIE terranéennes » , étaient complètement modifiées. Elles ne sont redevenues à aucun moment ce qu'elles étaient au temps de l'empire romain. Le temps « des États barbaresques » a pris lin depuis peu, mais la Méditer- ranée est divisée en un grand nombre de dominations. La conception de Bonaparte « Le Lac français » ne s'est pas réalisée. Aux États barbaresques, Charles-Quint opposa les anciens chevaliers de Rhodes, et les installa à Malte, où ils sont restés trois siècles. Les Anglais se sont emparés de cette position, d"où ils ont chassé les Français. Malte : voilà ce qui reste provisoirement de Cartilage. M. le Comte de CHAEEICEY DES NOMS DE JOURS ET DE MOIS EN BASQUE [491 691 — Séance du i avril 4896 — L'abbé Darrigol a proposé, dans sa Dissertation critique et apologétique de la langue basque, l'explication des noms des jours et des mois dans cet idiome. Sans doute le docte ecclésiastique parlait admirablement sa langue maternelle, mais, en définitive, il ne connaissait pas tous les dialectes basques, et par suite un certain nombre de termes ont pu lui échapper. De plus, il nous paraît quelquefois un peu téméraire dans ses inductions. Tel est le motif qui nous décide à reprendre ici son travail pour ainsi dire en sous-œuvre. Nous avons amplement mis à contribution le grand dictionnaire trilingue de Larramendi qui, malheureusement, n'indique point les localités où il a recueilli ses mots. Il va sans dire que "nous n'avons pu nous flatter de toujours trouver l'étymologie incontestable de chaque terme. Là où un basquisant de la force de Darrigol hésite, là où il commet une erreur évidente, il nous est bien permis d'avouer notre ignorance. Mais avant d'aller plus loin, quelques mots d'entrée en matière nous semblent indispensables. NOTIONS PRÉLIMINAIRES Le basque ne paraît pas posséder de terme indigène pour désigner le temps. Il emploie dans ce but era, litl. « ère » ou dembora, visiblement d'origine latine (cf. tempus, poris). COMTE DE CHABENCEY. — DES NOMS DE JOURS ET DE MOIS EX BASQUE 677 Egun, eguna (dies) est composé d'ekhia, « soleil », et de la finale posses- sive (/un, mais écourtéc par ce procédé d'élimination de la partie initiale de l'un des composants, si fréquente en basque. Cf. d'ailleurs zaldun, «cavalier », litt. « possesseur d'un coursier », de zaldi, « cheval de selle ». Gau, a, « la nuit ». el dialectiquement gauba constituent un de ces termes d'origine indigène dont l'étymologie ne nous est pas connue. An te, astea du moins aujourd'hui correspond exactement à notre mot « semaine », comme le prouve l'expression aste sandua pour « la semaine sainte ». Un fait bizarre, c'est qu'il paraît s'appliquer parfois d'une manière plus spéciale à une période de trois jours seulement. Citons, par exemple : asteazkena, astazkena, litt. « dernier de Vaste ou semaine » pour « mercredi ». On est parti de là pour admettre l'existence, chez les anciens Basques, d'une sorte de semaine de trois jours identique en durée à celle dont les Muyscas de la Cundimarca, peuple de l'Amérique du Sud, faisaient usage avant la conquête espagnole. Sans aller aussi loin, nous verrions volontiers dans ce terme aste, la racine verbale lias, « commencer », avec chute de Y h initiale (phénomène qui se produit quelquefois) et adjonction de la finale infinitive te. Pris à l'origine au sens de « commencement, semaine commençante », aste aura, par extension, reçu la valeur de période hebdomadaire complète. En fout cas, nous ne saurions supposer l'emploi de la semaine indigène chez les Basques, plus que chez les autres peuples de l'Europe. D'origine incontestablement sémitique, il ne s'est guère répandu dans notre Occident qu'aux environs de l'ère chrétienne. Comme beaucoup de peuples primitifs, les Basques ont employé le nom de la lune pour désigner le mois. Ainsi illabethea, de belhe, bethea, « plenus », signifie à la fois « mois, mois entier » et « pleine lune ». Par la suite, ce terme il, Ma, sans doute indigène et dont nous ignorons l'étymologie, aura été réservé plus spécialement pour le mois, et l'on a eu, nous le verrons plus loin, recours à certains dérivés et composés, afin de désigner l'astre des nuits. Quoi qu'on en ait prétendu d'ailleurs, nous ne pensons pas qu'il ait rien à faire avec hil, « tuer, mourir, mort ». Ce dernier ne doit-il pas être tout bonnement rapproché de l'anglais to kill? Ce ne serait pas, sans doute, le seul mot d'origine germanique qui ait pénétré en basque. Du reste, nous avons déjà, dans un précédent travail, établi la tendance du k initial à devenir h chez les Euskariens. Et puis, l'assimilation d'il, il/a avec hil n'expliquerait pas la présence du double / qui ne figure jamais dans ce dernier. l'rthe, urthea, « l'année », nous fait tout l'effet de n'être autre chose que l'espagnol rueda, « roue », le latin rota. Quoi d'étrange dans cette métaphore ? Est-ce quannus, « année », n'a pas eu à l'origine de cercle, ainsi que le prouve le diminutif annulus, « anneau » ? 678 GÉOGRAPHIE Passons maintenant à l'étude des noms de nos deux grands luminaires. Nous avons vu plus haut quekhia constitue l'un des noms du soleil. Le prince L.-L. Bonaparte a déjà fait ressortir la ressemblance qui existe, et pour le sens et pour le son, entre ce mot et son correspondant dans les dialectes de la famille dite iénisséique; cf. kotte : yg, « soleil », — ostyak de Pumpokolsk : hikhem — assane : aega, m. s. (1). En tout cas, ekhi, ekliia se rattache visiblement à une racine, eg, ikh, ig. signifiant à la fois « briller, être clair » et « brûler, être chaud ». Dans la première de ces acceptions, elle donne naissance aux composés ikhus, « voir », litt. « saisir clairement », d*où ikhusgarria, « cadeau des parents et amis aux nouvelles accouchées », litt. « qui se rapporte à la visite »; — ikhustatea, « considération » ; — ikhustatez-, « en considération de »; — ikher,.ra,« visite, inspection », probablement avec r ou rr oppositif. Examiner étant pour les Basques juste le contraire de voir d'une façon générale, d'où ikaerrestea, « reconnaissance »:, — egun, eguna, « jour ». litt. « possessor solis, splendens », d'où cgundaino, « jamais »; — egunka, « jour par jour »; — eguerdi, «. midi », pour egun erdi, litt. « dimidia pars diei », d'erdi, erdia, « moitié ». Nous verrons tout à l'heure qu'il convient encore d'y rattacher eguzkia, iguzkia, « soleil ». Au contraire, de la même racine indiquant « ardeur, chaleur » dérivent egos, « bouillon », d'où egoskin, « décoction »; — egur, « bois à brûler », d'où egurtegi, « bûcher », litt. « demeure du bois », de tegi. « gîte, demeure »; — ekhaina, « le mois de juin », litt. « le brûlant ». Du reste, la duplicité de sens que nous rencontrons dans ladite racine trouve son analogue dans d'autres familles de langues encore. Le sanskrit par exemple, à côté d'ush, « brûler », possède ushas, « aurore », litt. « celle qui brille », d'où le grec '>,<•>;, « aurore », en dial. éolien aù'wç. De même, le latin offre d'une part uro pour uso, « brûler », et de l'autre aurum (en osque ausum), litt. « le métal brillant », et aurora, « aurore », pour un archaïque ausosa. Enfin, dans les dialectes kabyles, on .signale la racine*?'r' au sens de « brûler, briller, être jaune ». Nous ne saurions douter, au reste, quekhia ne se doive plutôt tra- duire par « le brillant » que « le brûlant ». Effectivement, dans la plupart des idiomes, le roi de notre système planétaire est considéré spécialement comme source de lumière, non comme foyer de chaleur. Le mexicain tonatiuh, « soleil », ne veut dire autre chose que le « res- plendissant ». Enmalai, mala-hari, « soleil », signilie litt. « œil du jour ». Il paraît en avoir été de même pour le sud-est tasmanien; ce dialecte (1) Ce nu serait pas la:eule affinité lexicograp|iique que l'on pourrait établir eotraces langues; cf. basque ur, ura, « eau », — imbazk m-, our, o eau », — osiyak de Pumpokolsk, »»/ h même aino oulh. Hàions-nous d'ajouter qu'on ne saurait en bonne critique tirer aucune conclu.-ion d'un si petit nombre de rapprochements entre langues appartenant d'ailleurs a des familles toutes différentes. COMTE DE CHARENCEY. — DES NOMS DE JOURS ET DE MOIS EN BASQUE 679 disait panubéré, panuméré pour « soleil ». Or, nous savons que nubéré y était employé avec la valeur d' « oculus ». Le basque désignera encore l'astre du jour par eguzkia, iguzkia, formé à'egun, « dees », et de la finale partitive ki, lilt. « portio diei, quod pertinel ad diem ». Peut-être le z est-il le représentant d'un n effacé. Ainsi, nous avons en latin egestas, potestas pour des primitifs egentas, polentas. Nous avons vu qu'à l'origine //, Ma devait avoir le double sens de « mois » et de « lune ». Aujourd'hui, pour désigner l'astre nocturne, on dira ilargia, illargia, litt. « lumière du mois », d'argia, « lumen ». Ces termes ont d'ailleurs pour synonymes, du moins dans certains dialectes, argizagia. argizaria, argizaite. Darrigol regarde argizari ou argizaria comme formé (Vargl, « lumen », ettzari, izaria « mesure »; cela nous semble peu admissible. Argizaria ne semble guère pouvoir être séparé d-argizagia, argizaite. Dira-t-on que dans ces deux mots, le r a disparu et que l'on a ajouté les finales partitives gi ou ki et infînitive te? Mais on ne saurait raisonnablement en dire autant de buruzagia, « chef », de bura, « tête », mais avec la même désinence zagi. Le mieux est de considérer ari comme simple désinence adjective, mais précédée d'un a euphonique comme dans zazpi, « sept ». Argizagia ou argizaria signifiera donc simplement pour nous « le lumineux, portio luminis ». C'est juste le sens du latin luna pour lucina, lucna.. I DES JOURS DE LA SEMAINE On a pour : 1° Lundi, astelehena, litt. « premier de Vaste ou semaine », de lehen, lehena, « primus »; — il hem, prob. « celui de la lune, jour de la lune », d'il, « mois ou lundi »; en signe du génitif et a article final. 2° Mardi, asteartea, lift, «celui du milieu de la semaine ». Cf. arte, « fente, intervalle, intermédiaire »; — martizena, litt. « nom de Mars, jour de Mars ». Cf. lat. Martis dies. 3° Mercredi, aUezkena, asteazkena, litt. « dernier de Vaste ou du com- mencement». Larramendi donne une forme, eguastena dont l'interpréta- tion semble assez obscure. Le plus simple ne consisterait-il pas à voir dans astena une forme dialectique pour azkena? Le sens de ce composé serait donc simplement o le dernier des jours ». sous-entendu, « du commencement ». 4° Jeudi, osteguna, ortzeguna, eguena. Darrigol voit dans ortzeguna, une contraction d'orhitze eguna, litt. « jour du souvenir », à cause de lins- 680 GÉOGRAPHIE titution de l'Eucharistie qui eut lieu, en effet, le jeudi saint. Hoc facite in meam commemorationem, avait dit IN. -S. à ses disciples. Tout ceci nous semble bien cherché, bien raffiné pour une étymologie populaire. De notre côté, nous avions cru trouver l'origine de ce mot dans l'anglais thursday, «jeudi », litt. « jour de Thor, du dieu du tonnerre », le Jupiter des hommes du Nord. N'oublions pas qu'il dut y avoir des rapports fré- quents entre habitants de la Grande-Bretagne et montagnards pyrénéens à l'époque où l'Aquitaine relevait de la couronne d'Angleterre. Il suffirait d'admettre la chute du th primitif. Quant à Yeguna basque, ce serait la traduction pure et simple de daij «jour». Toutefois, une difficulté se présente, dont notre hypothèse, il faut bien le reconnaître, ne rendait pas suffisamment raison. C'est visiblement osteguna qui constitue la forme primitive, non ortz-eguna; cf., p. ex. : berlzc, « autre » qui provient de beste et bortz, «cinq», de bost. D'autre part, Salaherry traduit oste par « en grande quantité ». Nous avions été tenté de nous demander si le jeudi n'aurait pas été appelé « jour des grandes quantités, des foules», précisément parce que l'on y aurait tenu des marchés, des foires où la population des environs se rendait en masse. Toutefois il nous a bien fallu reconnaître cette étymologie aussi peu fondée que la précédente. Le prince L.-L. Bonaparte a fort bien établi que osti ou orzi dans le pays basque espagnol signifie tonnerre. C'est une tra- duction par à peu près de notre mot jeudi ou jour de Jupiter, regardé comme dieu de la foudre. Le même auteur signale une analogie entre le mot orzi, orcia, « ton- nerre »,et urcia, « dieu », relevée par le savant Père de Fito dans des manus- crits du xne siècle et qui contiennent un certain nombre de mots basques. Serait-ce que les montagnards pyrénéens ont jadis adoré le tonnerre? Le prince L.-L. Bonaparte ajoute à ce propos que le Dictionnaire de Trévoux; Calepinus (édition en onze langues de 1601 ; Louis Burger, Family Herald, may 23, 1868) et plusieurs autres ouvrages indiquent orsi comme signi- fiant «Dieu» dans la prétendue langue des mages. Existe-t-il, en effet, demande l'auteur, quelque idiome oriental où le mot en question possède cette valeur (1)? On dit encore pour jeudi, eguena, qui semblerait être une forme super- lative à'egun, « jour », pour egunena. Cf. handiena, « maximus », de handi. handia, «magnus». On sait qu'en basque, où la distinction des parties du discours n'est pas aussi marquée que dans les dialectes indo-européens, les degrés de comparaison s'appliquent volontiers aux substantifs. On dira fort bien bide hau bideagoda, « ce chemin-ci est meilleur », litt. « plus chemin». De même on dira en suoini ou finlandais, haen assua rannem- (\i The Sabbalh Mémorial, p. 209, numéro d'octobre 1880. COMTE DE CIIARENCEY. — DES NOMS DE JOURS ET DE MOIS EN BASQUE 681 pana, « il demeure plus près de la rive», ce que nous pourrions rendre par le latin barbare « ille babitat ad ripiorem ». Ajoutons que cette forme superlative en ena paraît apparentée de près à la finale génitive en en, exemple : gizon-en, » hominis », degizon, « homo »; — mendi-r-en, « mon- tis», de mendi, « mons »-. Il se pourrait même qua l'origine, ledit super- latif ait été marqué par la répétition du nom ou de l'adjectif avec emploi de la finale génitive et qu'on ait dit : handiena ou handiakera handia, litt. « magnorum magnus » pour maximus. L'hébreu ne fait-il pas, dans un but anologue, usage d'un procédé presque identique . par exemple, lorsqu'il dit habel habeulim, « vanité des vanités », pour vanitas maxima? Ce titre de « jour supérieur » donné au jeudi s'explique du reste, sans peine : coupant la semaine en deux parties presque égales, il est devenu, dans nos maisons d'éducation, un jour de demi-repos, une sorte de succé- dané du dimanche, appelé, nous le verrons, « grand jour » en basque. C'était celui qu'on devait naturellement cboisir de préférence pour les marchés et réunions publiques. o° Vendredi, ostilara, ortzilara, ortzilaria, ostiaria, ostiral, ostirale. Darrigol déclare que cette dernière forme, la seule indiquée par lui, peut avoir deux sens également adaptés à la commémoration de la passion de Jésus-Christ. En effet, dit cet auteur, il signifie « mort », oritze, « souvenir ». La terminaison ari équivaut à la terminaison française eur, comme dans ihiztoria, « chasseur », — arrainkaria, « pécheur », — gezurtaria, « men- teur». Ainsi, ou cette terminaison affecte le mot oritze, « souvenir », et alors ortzilaria signifie « commémoratif de mort », ou bien la terminaison ari atîecte le mot lui, « mort »; alors il signifie souvenir mortel, capable de donner la mort » . L'on ne peut que répéter ici ce qui vient d'être dit plus haut : l'explica- tion du docte abbé est, vraiment, un peu trop tirée par les cheveux. D'ailleurs ostilaria constitue certainement une forme plus arcbaïque que ortzilaria. Mous avons cru d'abord devoir le décomposer en oste, r< tonnerre», et par extension «jour du tonnerre, jeudi ». il pour fui, «mort, défunt, passé », et ari, aria, finale adjective. Le tout se devrait donc rendre par « celui de jeudi passé, le jour succédant au jeudi ». Telle est du reste également la conclusion à laquelle arrive le prince Bonaparte; mais nous n'hésitons pas à reconnaître que son explication est préférable. C'est qu'il a surtout consulté les dialectes espagnols plus anciens de formes. Regardant ostirale comme primitif, il y reconnaît une contrac- tion pour osteguniralea, (Yostegun, « jeudi », et irale, ira/ea. Ce dernier mot n'est que le substantif dérivé du verbe iran, « aller au delà, dépasser». Rendons donc le tout par « celui qui dépasse, qui vient après le jeudi». Larramendi cite un autre nom pour le même jour, celui de barikua. La première pensée qui nous est venue a été d'y voir une allusion à l'union 682 GÉOGRAPHIE des sexes, ce qui pourrait, sans doute, assez convenir à la portion de la semaine consacrée à Vénus. Bari n'aurait été, dans cette hypothèse, qu'une déformation de l'espagnol pareo, « appariement. accouplement». La muta- tion du p en b constitue, on le sait, un phénomène assez fréquent en basque. La finale kua est, à coup sûr. ici pour koa, de ko prolatif et de l'article final a. Vu à la place de Yo ne serait ici qu'une question d'ortho- graphe. On prononce, par exemple, bouroukoua, burukua, « bonnet », litt. « quod pro capite», mais l'on écrit burukoa. Toutefois, en y regardant de plus près, nous avons dû reconnaître tout ce que cette étymologie offrirait de trop recherché pour une étymologie populaire. Eu admettant que le terme en question ne soit pas uniquement de l'invention de Larramendi (car il a été parfois accusé de trop d'imagi- nation dans la confection de son dictionnaire), nous prendrions assez volontiers le parti de voir dans bari une contraction du latin Venerem, suivi du prolatif ko. Le tout devrait alors être rendu par « celui de Vénus, le jour de Vénus ». 6° Samedi, zapatua, qui n'est que le sabado espagnol, le jour du sabbat; larunbata ou larumbata, qui sont des formes guipuscoanes et labour- dines. Darrigol propose encore deux explications pour ce dernier ou plutôt ces deux derniers mots, suivant qu'ils seront décomposés en lan egun bâta, « un jour de travail ». de lan, « labor », et bal, « unus »,ou bien en larre egun bâta, « un jour pour le pâturage », de larre, « pâtu- rage »: mais d'abord que signifierait ici ce bat ou bâta, « un »? Est-ce que le samedi est le seul jour ouvrable? C'est azken, azkena, « der- nier »; qui seul conviendrait ici. Et quand même on passerait sur cette légère difficulté, le samedi est-il donc Je dernier jour où les bestiaux aillent au pâturage? Ne doit-on pas les y conduire le dimanche aussi bien que le lundi ou le jeudi ? Nous avions d'abord songé à voir dans le basque larumbata une corruption de l'espagnol lo remate, « la fin, le bout » de la semaine, ou bien de la remota, « la partie éloignée » du commencement de ladite semaine. Toutefois nous devons reconnaître l'explication donnée par le prince Bonaparte plus plausible. Il signale larun, employé au sens de « quart », de lau ou laur, « quatre », et rend, par suite, d'une façon fort satisfai- sante, larunbata par « un quart de la lune ou du mois ». Il existe du reste d'autres formes dialectiques du nom de ce jour. Pour samedi, l'on dira ebiakoitz en bas-navarrais, ebakoitz ou ibakoitz dans certaines localités non désignées par Larramendi; enfin, irakoitz dans le dialecte de Bardos. Considérant la forme irakoitz comme la plus archaïque, nous avions cru y voir le verbe factitif era ou ira suivi d'un substantif non employé seul que nous aurions rapproché de l'espagnol coste, « coût, dépens », COMTE DE CHABENCEY. — DES NOMS DE JOURS ET DE MOIS EN BASQUE 683 vieux provençal cost, m. s. Le samedi aurait donc été le jour où l'on fait de la dépense, où l'on se met en frais. N'est-ce pas en effet, à ce mo- ment que dans beaucoup d'usines, l'on paie les ouvriers, que ceux-ci commencent à employer leur salaire à faire des achats ou même à se rendre au cabaret? Les lois phonétiques ne s'opposeraient pas trop à cette explication. En effet, Ye et Yi d'une syllabe initiale permutent volontiers en basque; cf. heguzki ou iguzki, « soleil ». D'ailleurs, on connaît l'emploi d'era au commencement d'un composé, par exemple : dans eratchiki, « attacher, faire tenir », d'era, « facere », et atchilù, « tenir ». Le b dans ebakoitza aura pu passer pour une lettre purement euphonique, n'ayant apparu qu'après la chute du r primitif. N'avons- nous pas pharabisu, « paradis », portugais paraiso; nabusi, « maître », forme dialectale pour nausi, d'un primitif nagusi; abo, « bouche », forme dialectale d'ao? Quant au tz final, il tient volontiers la place d'une finale. St; cf. le basque gaitz, « mauvais, méchant », à rapprocher du vieux français goste « ruiné, démoli, gâté », du vieux provençal gast, « désert, dévastation ». Toutefois, une considération semble bien ici de nature à nous arrêter : c'est que la forme avec r, irakoitz, est spéciale à une seule localité d'im- portance médiocre, et nous ne nous expliquons pas bien comment elle se serait maintenue plus archaïque en cet endroit unique que dans toutes contrées du voisinage où l'on emploie la forme avec b. Aussi n'hésitons- nous pas une fois de plus à nous ranger à l'avis du prince Bonaparte, lequel décompose ebiakutz, ebaikotz en egun baikotz, litt. « jour unique » dans son espèce. Il y aurait peut-être là un souvenir des pratiques en vigueur chez les juifs et les chrétiens sabbatisants . Pour eux, le samedi ou sabbat constituait le jour sacré et celui du repos. Enfin, un autre nom du même jour se retrouve à Roncal, c'est neska- negiin, neskanegun. Ici, neskan ne serait qu'une abréviation de neskaren, génitif de neska, « jeune fille, servante ». Nous ne sortons pas du même ordre d'idées. Ce serait le jour où les servantes se reposaient, ou plutôt celui où elles commencent à se faire belles. N'y aurait- il pas eu là quelque allusion à un usage analogue à celui qui s'est encore con- servé, dit-on, dans certaines régions du Levant? Les femmes ne se lavent, ne se peignent qu'une fois la semaine, et elles passent la plus grande partie du samedi occupées à ces soins de propreté, afin de paraître le dimanche avec tous leurs avantages. L'on a émis aussi l'opinion que le samedi aurait été ainsi désigné comme le jour où, suivant l'expression de Rabelais, l'on va visiter les mérétricules. Une telle explication nous semble bien peu admissible, et, à vrai dire, nous ne voyons pas trop sur quoi elle repose. Une autre opinion plus soulenable peut-être consisterait à voir dans 684 GÉOGRAPHIE neskan une corruption d'as/ren, « dernier » . Alors le nom du samedi se traduirait litt. par « dernier jour » de la semaine. Mais alors comment expliquer le n initial? Serait-il purement adventice comme le d de des- karsela, « gibecière »? Ce dernier mot, on le sait, n'est autre chose que le français escarcelle. Serions -nous, au contraire, ici en présence d'une de ces confusions qui se produisent souvent dans le langage populaire? On aurait même, à la rigueur, pu substituer neskanegun à azkenegun par simple raison d'euphonie. Nous savons, d'ailleurs, la facilité avec laquelle l'.v et le z permutent en basque. On cite encore une autre forme, neskalegun, évidemment dérivée de la précédente, mais sans nous dire dans quelle localité, au juste, elle se trouve employée. 7° Dimanche, igandia, igandea, iganlea. Le prince Bonaparte voit dans ces mots le verbe igan, « monter, dépasser » déjà vu et accompagné de la finale déterminative te ou de. On sait qu'après un n, les fortes du basque sont assez sujettes à se transformer en douces; cf. elefandi, « éléphant », enda, « et », forme dialectale pour eta, etc., etc. Le sens de ce terme serait donc litt. celui de jour de 1' « Ascension » du Seigneur, et par suite « dimanche », puisque c'est à ce moment-là qu'elle eut lieu. J'avoue que partager cette manière de voir nous sem- blerait assez difficile. Il faudrait des raisons bien topiques pour admettre que l'on ait appliqué au dimanche en général, ce qui ne convient qu'à un dimanche en particulier, ou tout au moins à son anniversaire; que l'on nous pardonne donc de nous en tenir à l'explication antérieurement donnée par Darrigol. A notre avis, igandia (1) est pour egun andia, « grand jour, le grand jour » quelquefois abrégé en iandia. On dit encore dans certaines localités dôme ko. contraction évidente de l'espagnol domingo ou du latin dominica (dies). II DES NOMS DE MOIS Nous trouvons pour : 1° Janvier, belzilla ou Uballz-e, litt. « la lune sombre, le mois sombre ». de belz ou balz, « noir, obscur, sombre »; — urtarilla, urtharrila. ni Le terme basques passé dans l'argot des teilleurs de chanvre du Jura sous la forme garnir, dimanche »; c'est surtout dans les divers argots que l'euskara semble avoir exercé son influence. Citons, par exemple, gahisco, a le diable », en très vieil argot de Paris, du basque gaïchlo, « lie- mauvais ». L'argotique larton, « pain, pain bis », pourrait peut-èire se rattacher au basque arthoa, « maïs, pain de maïs ». Pour ce mot, toutefois, l'origine provençale semble la plus probable. Parmi les termes euskariens entrés dans la langue courante, citons gorron qui, aux environs des Eaux-Bonnes, désigne le rhododendron sauvage, du basque gorri, « rouge ». — Le français orignal. a cerf du Canada », d'orenna, « cerf ». N'oublions pas que parmi nos compatriotes qui faisaient La traite avec les sauvages, un grand'nombre, connue le fait observer Lescarbot, étaient d'extrac- tion basque. COMTE DE CHARENCEY. DES .NOMS DE JOURS ET DE MOIS EN BASQUE 1)85 décomposé par Darrigol en urthe, « annus », har, saisir, prendre », et il la, « mois ». Janvier serait donc, à la lettre, le mois qui saisit l'année, qui la commence ». Le savant abbé n'a, croyons-nous, qu'en partie raison. Arine joue ici que le rôle d'une désinence adjective, et il faut rendre urtarila par « mois de l'année », sous-entendu « commençante ». Le double r qui apparaît quelquefois pourrait bien n'être que le résultat d'une faute d'orthographe. 2° Février, ostaila, otsoila, oxalla. Darrigol traduit ce mot par « mois des loups », d'oxo, « lupus ». Ce serait le temps où ces carnassiers se montrent le plus redoutables. L'explication est, à coup sur, ingénieuse. Nous doutons qu'elle soit exacte. Ne vaudrait-il pas mieux rendre ce vocable par « mois du froid », de holz, « frigidus » ? Dans nos climats, février est d'ordinaire le moment le plus rigoureux de l'hiver. Au contraire, les loups ne s'y montrent guère plus affamés ni redoutables qu'en décembre ou janvier; — zezenila, litt. « mois du taureau », peut-être parce que c'est le moment où l'on faisait saillir les vaches. 3" Mars, marchoa, qui n'est autre chose que l'espagnol marzo ou bien ephaillea, epailla, traduit par Darrigol, par « mois de la coupe », d'ephai, « couper, faucher ». Cela peut s'entendre ou de la fenaison ou de la coupe des arbres. 4° Avril, aphirila; cf. espagnol abril , latin aprilis, d'aperire, « ouvrir ». C'est que chez les anciens Romains, l'année commençait par ce mois, qui est en Italie celui du réveil de la nature; — yorraila, yorrailla, « mois ou lune du sarclage ». Cf. y orra, « sarcler », et yorrai, « sarcloir ». o° Mai, maiatza, forme donnée par Larramendi, peut-être fautivement, pour maiatza; cf. espagnol mayo, latin mains. C'était, à l'origine, le nom du dieu présidant à la croissance, en compagnie de la déesse Mata ; — ostaroa, litt. « temps des feuilles, delà feuillaison »; cf. osto, o.stoa, « folium ». et aro, aroa, « temps, saison, temps opportun »; — orr'dia, qui paraît signifier « mois du genévrier » ; cf. orre, « juniperus ». 6° Juin, ekhaina, ekaina, que Darrigol décompose en ekhi gain, litt. « soleil en dessus, soleil élevé », parce que c'est le moment delà plus grande élévation du soleil. Nous croyons qu'il vaut mieux voir, dans la finale ain, aina, une simple désinence adjective. Ekhaina se rendra donc, litt., par a le mois solaire par excellence ». Ajoutons que ce terme est surtout en vigueur dans le pays basque français; — errearo, errearoa, spécialement employé en Espagne, signifie litt. « saison brûlante », d'erre, « urere »; — bagila, bayilla, dont la signification est des plus obscures. Ne faudrait-il pas y reconnaître une altération de la racine ebaki, « couper », elle-même formée de l'espagnol quebrar, « briser, accompagné de la finale partitive ki? Nous traduirions donc dans eette hypothèse bayilla (386 GEOGRAPHIE pnr « mois de la coupe » des récoltes précoces; — garragœrilla, Iitt. « mois de l'orge », de garagarra, garragara, « hordeum ». 7° Juillet, uztalla, uztailla, litt. « mois de la moisson ». Cette expres- sion doit être entrée dans le pays basque par la langue d'oïl. Effective- ment, uzt, uzta n'est autre chose que notre mot « août », anciennement aoU&t pris dans le sens de moisson; le bas-breton eost, « récolte, moisson »; latin avgustus; espagnol agosto. Les régions du Midi sont plus avancées sous le rapport de la culture que la Normandie ou la Bretagne, et c'est en juillet que l'on y fait l'août; — garilla, litt. « mois du blé, du froment, où l'on coupe les blés », de garia, « blé, froment ». 8° Août, agorUla, litt. « le mois qui dessèche, qui tarit » ; cf. agor, « sec, dessécher ». Ce terme ne semble être autre chose que le vieux provençal aigos, « aqueux » ; latin aquosus, espagnol aquoso, mais avec emploi du r ou rr oppositif; agor signifie donc litt. « le contraire de ce qui est humide », et par conséquent « sec, desséché ». — Aboztua abuztua, qui n'est autre chose que le latin augustus, mais avec chute du g médial, remplacé par un b purement euphonique. C'est, pour ainsi dire, un doublet d'uzla. 9° Septembre, buruilla, burulla, qui nous ferait tout l'effet de signifier c mois du glanage ». Effectivement buru pourrait bien ne constituer qu'une abréviation de buruka. Ce mot, dérivé de buru, « tête », désigne les épis de froment échappés aux moissonneurs et se rendra littéralement par « petite tête ». On sait que la finale ka possède souvent une valeur dimi- nutive. Cf. atheka, « passage étroit », litt. « petite porte », d'alhe, athea, « porta » ; — behoka, « pouliche », de behorra, « jument » ; — irailla, pour lequel Darrigol propose deux étymologies, suivant qu'on le dérive à'iratze, iratzea, « fougère », ou d'irau/, « retourner la terre à la charrue », apparenté à notre verbe « rouler », mais avec i prosthétique, comme dans ichil, « silere », irabaz, « ramasser ». Le nom basque du mois en question pourrait donc signifier, au dire de notre auteur, soit « la lune de la fougère, celle où le cultivateur songe à s'approvisionner de fougère pour la froide saison », soit « la lune du labour ». Inutile d'ajouter que cette dernière interprétation nous semble préférable. 10° Octobre, urilla, urila, écrit fautivement urria par Larramendi, veut dire litt. « mois de l'eau »; cf. ura, « eau »; — bildilla, dont l'explication ne semble pas très facile. Nous n'oserions guère voir dans la syllabe initiale une abréviation de bildoxa, « agneau de l'année », litt. « principal croît, principale acquisition », de bil, « réunir, amasser », et de l'augmentatif to ou do. En effet, c'est surtout en janvier et février que naissent les agneaux. Ne vaut-il pas mieux traduire bildilla par « le mois où l'on serre toutes choses, où l'on emmagasine les récoltes » ? 11° Novembre, azilla, azaroa, litt. « mois des semailles », d'azi, E.-A. MARTEL. RETARD DE LA CARTOGRAPHIE OFFICIELLE 687 azia, a semence »; — semendilla, même sens; cf. espagnol semen, sementera, et Je Jatin semen. 12° Décembre, abendua, litt. « l'Avent, le temps de l'Avent »; — lota- z-illa où Darrigol voit un dérivé de lo, loa, « sommeil », d'où lotazko, « pour le sommeil, pour dormir ». Il traduit donc le tout par « mois du sommeil, du repos », où la nature engourdie semble se reposer. Ne vaudrait-il pas mieux rendre ce terme par « mois des plantations », de loth, lot/ia, « action d'un arbre replanté et qui prend racine », lequel serait lothaz, au cas médialil ? M. E.-A. MAETEL Membre de la Société de Topographie de France, à Paris. RETARD DE LA CARTOGRAPHIE ET DE LA TOPOGRAPHIE OFFICIELLES EN FRANCE [912] — Séance du i avril 1896 — Ce fut à l'Exposition universelle de 1878, à Paris, que l'on vit pour la première fois les 265 feuilles de la carte de France au 80.000e, dite de l'État-Major, assemblées en un seul et immense tableau, d'aspect vérita- blement grandiose. Cette œuvre colossale, en effet, qui avait demandé soixante ans de travail, était la seconde de ce genre terminée en Europe : la Suisse la première avait, dès 1865, achevé la carte topographique officielle de tout son territoire, selon les méthodes modernes, mais sur des proportions dix fois moins considérables, en vingt-cinq feuilles seule- ment, celles de la belle carte du général Dufour à l'échelle du 100.000e. En réalité, la France fut donc le premier grand État qui possédât sa carte militaire complète. Elle n'a pas conservé longtemps l'avance qu'elle avait ainsi acquise sur les autres pays. L'objet de cette note n'est pas de faire le procès à la carte au 80.000e : ce procès serait une injustice, car, malgré les inévitables défauts, les très excusables erreurs reprochables à cette carte, elle reste une œuvre magni- fique, représentant un labeur considérable, fourni par une foule d'esprits distingués et de travailleurs consciencieux. Je veux seulement signaler le retard subi à l'heure actuelle par notre cartographie officielle depuis une 688 GÉOGRAPHIE vingtaine d'années, retard qu'il y aurait lieu d'enrayer dans l'intérêt de tous les services privés, publics et militaires. Au cours des recherches de géographie et de géologie superficielles et souterraines que j'ai poursuivies depuis une quinzaine d'années en divers pays d'Europe, j'ai eu l'occasion de me servir sur les terrains mômes des principales cartes étrangères : cette expérience personnelle m'amène ici à faire ressortir 'quelle commode supériorité la plupart d'entre elles possè- dent, pour les différents objets d'études auxquelles elles doivent répondre, sur les documents de même nature mis en France à la disposition du public, des ingénieurs et des officiers. En dehors de la carte publique au 80.000e et des environs de certaines villes à l'échelle du 20.000e, quiconque a besoin d'une image à plus grande échelle de la portion de terrain sur laquelle il a un travail à effectuer est tenu à une dépense relativement très forte : soit qu'il demande au service géographique de l'armée, qui d'ailleurs l'accorde toujours gracieuse- ment mais suivant un tarif très élevé, un calque des minutes originales de la carte au 40.0Û0e, soit qu'il se fasse délivrer par l'administration compétente un calque, très coûteux également, des plans cadastraux ; encore ceux-ci ne portent-ils aucune indication relative au nivellement ni à la contenance. Il résulte de cet état de choses, ainsi que je l'ai maintes fois expéri- menté moi-même, que, pour l'exécution de toute entreprise exigeant une connaissance exacte du sol sur lequel elle doit être conduite, on se trouve dans la nécessité d'effectuer ou de faire exécuter à ses frais un levé topo- graphique spécial. Sans passer en revue l'état d'avancement actuel de la cartographie officielle européenne, — sans vouloir rédiger un supplément à la complète et savante étude que M. le général Derrécagaix a publiée sur ce sujet en 1890 dans le tome II du Congrès des sciences géographiques tenu à Paris en 1889, — je crois utile d'indiquer, au moins sommairement, quelles ressources pratiques et économiques les bureaux topographiques ou états-majors étrangers mettent à la disposition des travaux et recherches de tout ordre. Comme en presque toutes les matières, l'Angleterre tient la tête dans celle-ci grâce à la riche dotation de son Ordnance survey. Sa carte normale, le 63.360e ou One inch Map (1 pouce par mile) est déjà à plus grande échelle que la notre. Mais le document capital est la County Map, carte des comtés, ou Six inch Map (6 pouces par mile), au 10.500e ; elle est publiée pour presque tout le territoire de l'Angleterre, de l'Ecosse et de l'Irlande; le terrain y est représenté par courbes de niveau, dont le défaut est de ne pas avoir une équidistance uniforme, mais qui donnent la plupart du temps une connaissance très suffisante des acci- E.-A. MARTEL. — RETARD DE LA CARTOGRAPHIE OFFICIELLE 689 dents du sol. J'ai pu, dans mes explorations de 1895, aux cavernes d'Irlande et d'Angleterre, apprécier à leur juste valeur la commodité de ces belles caries qui, suivant leur format, coûtent de 1 fr. 25 c. à 3 fr. 75 c. et répondent à mille exigences qu'il est impossible de satisfaire en France. Bien plus, les plans cadastraux au 2.500e (Parish Map, carte des paroisses) sont publiés aussi en Angleterre (pas en Irlande), sans nivel- lement il est vrai, mais avec la contenance et le bornage exacts des moin- dres parcelles de terrain ; il en résulte une économie notable pour les acquéreurs de propriétés, qui moyennant 3 fr. 75 c. ou 2 fr. 50 c. environ (prix d'une feuille), peuvent posséder un plan parcellaire de leur immeuble, si coûteux à obtenir ou à faire dresser en France. Enfin les plans de villes (Toirn Map) sont publiés à l'échelle du 500e pour toutes les villes anglaises de plus de 5.000 habitants. C'est par cen- taines de mille que se comptent les feuilles de la collection des cartes officielles de la Grande-Bretagne. Sans être arrivés à un pareil luxe de grandes échelles plusieurs autres pays ont, en général depuis 1877, — presque à l'époque où la topographie française a cru devoir prendre un repos bien gagné, assurément, mais qui s'est trop prolongé, — publié les minutes de leurs levés originaux aux échelles du 20.000e, du 25.000e ou du 50.000e, toutes en courbes de ni- veau équidistantes. La Belgique a terminé les deux éditions de ses minutes au 20.000e, l'une en couleurs, l'autre à bon marché en noir. Le Danemark achèvera bientôt la publication de ses minutes au 20.000e. Les Pays Bas ont des cartes hydrologiques spéciales au 10.000e et au 25.000e qui rendent les plus grands services pour tous les travaux hydrau- liques, nécessaires sur ce territoire en lutte perpétuelle entre la mer et les cours d'eau. L'Allemagne est fort avancée dans la mise en vente de ses 4.000 messtisch blàtter au 25.000e. Et elle a fait paraître pour les environs de ses places fortes un certain nombre de Garnison Umgebungen-Karten, remarquable- ment belles, en couleurs, où elle a pris la précaution, il est vrai, de ne figurer aucun des ouvrages de fortification. La Suisse et l'Italie vont bientôt avoir fini également leurs cartes au 50.000e pour les pays de montagnes et au 25.000'' pour les pays de plaines. La première avec son splendide Atlas Siegfried, la plus parfaite œuvre cartographique existante ; la seconde, avec ses tavolette rilievo, de gros- sière exécution, mais fort bon marché. Il n'est pas jusqu'à l'Espagne qui n'ait entrepris une carte au 50.000e, en couleurs et en courbes de niveau. Mais la publication en est faite avec une lenteur extrême et quelques feuilles seulement ont paru. Les autres pays d'Europe n'ont encore que des cartes à plus petite 44* 600 GÉOGRAPHIE échelle que la nôtre (100.000e pour le Portugal, la Suède, la Norvège, 126.000e et 84.000e pour la Russie, etc.) sauf l' Autriche-Hongrie qui pos- sède un 75.000e tout neuf (1), commencé en 1869 seulement; celte dernière carte, qui est déjà soumise depuis 1885, à une réfection totale pour les régions alpestres, est remarquable à deux titres. D'abord, elle a été la pre- mière qui ait figuré le relief du sol, à la fois en hachures et en courbes de niveau (équidistantes de 100 mètres), exemple suivi depuis par l'Italie. Ensuite pour sa construction, on a entièrement refait, à l'échelle du 25.000°, les anciens levés sur le terrain, une première fois exécutés au 28.800e pour la carte au 144.000e, aujourd'hui remplacée par le 75.000e. Par quels prodiges d'économie cette réfection totale des levés n'a-telle coûté, parait- il, que six millions de francs environ, c'est ce qu'il n'y a pas lieu d'ex- poser ici. L'Autriche il est vrai, n'a pas, comme l'Allemagne et l'Italie, publié les minutes de ces levés. Elle n'en a pas moins créé, en les exécutant à nouveau, avec tous les perfectionnements nouveaux et en y introduisant tous les détails révélés par une connaissance plus approfondie du sol, un précédent que la France devrait imiter. Pour ne citer qu'un seul exemple, on sait comment les beaux travaux de MM. Schrader et de Saint-Saud dans les Pyrénées, Duhamel dans l'Oisans, Ferrand et Vallot en Savoie et ceux des autres alpinistes géographes ont établi que la montagne française était trop peu connue au moment où on élaborait notre 80.000e. Quand le général Perrier tenta, il y a une dizaine d'années, de publier un 50.000e en couleurs, l'entreprise fut abandonnée pour plusieurs rai- sons : la principale était l'obligation où l'on se trouvait de se servir des anciens levés au 40.000e. On ne tarda pas à se rendre compte qu'une dépense fâcheuse serait faite si l'on exécutait une carte neuve sur des documents anciens. Mais la réfection des levés à l'échelle du 20.000e n'a pu être inscrite encore ;ï aucun des budgets annuel?. C'est une tentative platonique assurément que de formuler ici le vœu de voir réaliser un jour ce travail, sans indiquer avec quelles ressources il pourra être effectué. Toutefois, ayant vu ce qu'ont fait nos voisins, ayant constaté matériellement quelle avance considérable leur cartographie a prise sur la nôtre, j'ai tenu au moins à signaler au Congrès de l'Asso- ciation française l'intérêt et l'état de la question : cela était d'autant plus opportun qu'en Algérie et en Tunisie se construit actuellement une carte au 50.000e, alors que la France, après avoir tenu le premier rang en fait de cartes topographiques, est descendue presque au dernier. H) La Serbie et le Monténégro ont aussi publié récemment leurs cartes respectives au 75.000". E.-A. MARTEL. — LE REBOISEMENT DES PLATEAUX CALCAIRES 691 Il existe une commission supérieure du cadastre qui s'occupe, dit-on, de la réfection des plans cadastraux et de leur mise à jour pour parvenir ensuite à la construction d'une nouvelle carte à grande échelle ; jusqu'à présent ses efforts n'ont produit aucun résultat pratique : si les pouvoirs publics n'ont pas à eux seuls les ressources et les moyens suftisants pour l'aire ce qu'ont réalisé les états voisins, pourquoi ne feraient-ils pas appel à tant de bonnes volontés individuelles stérilisées, à tant de sociétés savantes qui pourraient les assister, afin d'arriver à l'édification d'une nouvelle carte au 40.000'', avec minutes publiées au 20.000e. Souhaitons que le siècle qui a vu achever la première œuvre de notre cartographie ne s'achève pas sans en voir éclore au moins une seconde plus grande encore M. E.-A. MARTEL Membre de la Société de spéléologie, à l'ari.<. LE REBOISEMENT DES PLATEAUX CALCAIRES 634 9] — Séance du 4 avril 189(1 — Parler de la nécessité du reboisement en France, — condamner la coupable opposition qu'y font nos populations rurales acharnées à défri- cher le sol ou à assurer la pâture de leurs troupeaux, est devenu presque un lieu commun. Toutefois la question a une si grande importance, — elle touche de si près à la conservation des eaux de sources, — elle deviendra donc tellement vitale dans peu de générations, que tout fait instructif qui s'y rattache doit être soigneusement livré à la publicité. Or l'un des principaux résultats de ma huitième campagne souterraine (1895), effectuée en Irlande et en Angleterre a été justement de constater qu'un reboisement intense, en reconstituant peu à- peu la terre végétale, arriverait, avec l'aide du temps, à oblitérer à nouveau toutes les fissures d'absorption exiguës des terrains calcaires : les formations de ce genre, en effet, si abondantes dans le midi et l'est de la France (Causses, Provence, Jura, etc.) sont craquelées au point que les eaux de pluie y passent coin me à travers un crible et ne laissent que des déserts de pierres sur une partie de notre territoire. 692 GÉOGRAPHIE La preuve que, par la reconstitution du sol végétal, des eaux courantes pourraient être régénérées sur les plateaux calcaires aujourd'hui si secs du Languedoc et des Préalpes françaises, est fournie par les swal/otr- lioles d'Irlande et d'Angleterre. Ces swallow-holes, en plusieurs desquels je suis descendu, correspondent exactement à nos gouffres, fosses, avens, embuts, scialets, ragagés, clots, etc. que j'étudie depuis plusieurs années. Mais ces araleurs anglais, ainsi que leur nom l'indique, ne sont pas desséchés comme la plupart des nôtres; ils fonctionnent encore, en tant que puits d'absorption pérennes et continuent de nos jours à engloutir toute Cannée des ruisseaux formés sur les pentes supérieures de plateaux et montagnes calcaires. Cela tient à deux causes. La première est, dans une certaine mesure r la plus grande abondance de précipitations atmosphériques, dans un climat insulaire, plus septentrional que le nôtre. La seconde est la conser- vation du manteau d'herbes et surtout de tourbes qui revêt les pentes fissurées ; ainsi, en effet, les plus larges méats de la roche, les vrais abîmes sont seuls ouverts pour engouffrer le produit des pluies ; les menues crevasses sont obturées par le feutre imperméable des tourbières- ou de la terre végétale. Dans le comté d'York (Angleterre) la montagne iïlngleborough (calcaire carbonifère, altitude 724 mètres) est un véritable château d'eau, dont l'hydrographie rappelle celle du mont Ventoux en Provence. Mais ses pentes supérieures sont sillonnées d'une quantité de ruisseaux longs de 1 à 5 kilomètres, qui y entretiennent la fraîcheur, avant de s'engouffrer dans les grands sivallow-holes et de reparaître tout autour du pied de la montagne en sources innombrables. Il n'y a point là de ces désolées étendues pétrées si tristes à contempler au causse Méjean (Lozère) et à Saint- Christol (Vaucluse). De même, sur les plateaux d'alimentation des magnifiques sources d'Aî'ch-Cave et de Marble-Arch près d'Enniskillen (Irlande), le calcaire carbonifère fissuré absorbe, grâce aux tourbes, les ruisseaux et les pluies par un bien moins grand nombre de méats que les tables déboisées et dénudées des Causses français, du Jura souabe et du Karst istriote. La tourbe retient les eaux superficielles et s'oppose à leur pénétration totale dans les moindres fissures de la roche. Et j'ai parfaitement constaté que, quel que soit le nombre des larges sivallo/r-holes, ils ne se trouvent jamais, à la différence des menues, mais innombrables leptoclases, suffisamment rapprochés les uns des autres, pour faire disparaître toute l'eau du ciel au fur et à mesure de sa chute. En un mot l'absorption est pour ainsi dire très clairsemée, en des points sporadiques. au lieu d'être très serrée sur toute l'étendue de la surface. C. FAVROT. — DE LASSOCIATION EN MATIÈRE COLONIALE 693 La conséquence toute naturelle des faits ainsi constatés est bien la preuve matérielle, confirmant les théories connues et maintes fois émises, que la reconstitution d'un manteau de débris de végétaux retiendra efficacement l'humidité à la surface des sols calcaires. Le reboisement seul peut produire cet heureux résultat. M. Claude FAVEOT à Bou-Argoub (Tunisie). DE L'ASSOCIATION EN MATIÈRE COLONIALE. - ASSOCIATIONS FAMILIALES MÉTAIRIES. [338 1] — Séance du 3 avril 1896 — La vitalité d'une race se mesure à sa force d'expansion — et par expansion il faut entendre, non pas l'annexion politique de nouveaux territoires, mais leur peuplement et leur mise en valeur. La France dans cette voie s'est laissé distancer par des nations rivales; mais ce n'est pas à dire qu'il faille désespérer de son génie et qu'elle soit incapable d'un effort viril dans la voie de sa régénération. Il nous appartient en tout cas de le tenter. C'est pourquoi j'appelle votre attention sur un système de colonisation qu'il est facile d'appliquer dans le nord de la Tunisie et qui tend à faci- liter la tâche de nos premiers colons. Ce système consiste à grouper leur effort par la pratique de Y association. Il est à remarquer, en effet, que les quelques éléments colonisateurs dont nous disposons en France ne peuvent rien, s'ils demeurent isolés — d'où la nécessité de les ramasser, de les associer, d'en former un faisceau. Les éléments colonisateurs que l'on trouve en France sont, d'une part, [esémigrants sans capitaux qui désertent nos campagnes; d'autre part, les hommes ou les jeunes gens de la classe aisée qui ne trouvent pas dans notre vieux cadre social l'emploi de leur activité. Ceux-ci ont quelques capitaux à leur disposition; ils n'ont pas ce qui appartient aux premiers : l'expérience agricole. Les uns et les autres, s'ils procèdent individuelle- ment, sont incapables de créer une entreprise coloniale viable. Il faut 694 ÉCONOMIE POLITIQUE qu'ils se réunissent : « Il se faut entr'aider c'est la loi de nature » c'est, ce doit être, la loi de colonisation française. Une association comporte une organisation : voici celle que nous avons expérimentée sur notre domaine à Sidi Bou-Argoub et que nous propo- sons à ceux que ces questions peuvent intéresser, soit au point de vue pratique, soit au point de vue purement patriotique. . Un groupe de colons est constitué à l'aide d'hommes ou de jeunes gens disposant d'un certain capital. Il leur importe de réunir une somme totale d'environ 600 francs par hectare cultivable, dont un quart sera mis à la réserve. La dimension du domaine à acquérir sera naturellement subordonnée à l'importance du capital réuni; elle variera entre 500 et 1.000 hectares. L'association prendra le titre d'Association familiale. La colonisation de cette magnifique région africaine, la plus belle peut-être de notre domaine d'outre-mer, comporte, en effet, pour le colon un établissement durable, il s'y transportera avec sa famille. L'Association sera à cet égard une réunion sur un même point de plusieurs familles, amorce peut-être d'un centre futur. Chaque famille, bien entendu, a son logement distinct, son foyer indépendant, mais cette indépendance n'est pas la solitude qui eût effrayé la femme et rendu par suite rétablissement projeté impossible. Dans ce petit groupement la femme, l'homme peuvent satisfaire leur instinct de sociabilité et les besoins moraux qui s'y rattachent, les enfants y recevoir leur éducation. Si l'indépendance du foyer est la règle dans l'Association familiale, les intérêts pécuniaires reçoivent au contraire une soigneuse réglementation. Les membres de l'Association sont des copropriétaires; ils mettent leurs droits en commun ou plutôt en société pour que leur effort soit coor- donné et aboutisse plus sûrement au but poursuivi : la mise en valeur du domaine. Ils adoptent à cet effet le contrat de société civile en com- mandite. Ce contrat s'adapte ;ï merveille à la situation : il organise en effet une gérance responsable, c'est-à-dire une direction indispensable et une responsabilité non moins indispensable, car parmi les colons qui composent l'association, il en est qui savent, mais il en est d'autres qui débutent, qui ignorent; à ceux-là, nulle responsabilité, ce sont au contraire des garanties qu'il faut pour que leur apport même ne soit pas exposé. Le travail des colons associés s'organise de lui-même sous l'action de la gérance eu égard aux aptitudes de chacun. L'un s'occupe des constructions, tel autre des irrigations, celui-ci sera à la forge, celui-là sera préposé au champ d'expérience, il en faut à la comptabilité, etc., etc., il y aura du travail pour chacun et du travail de tout ordre, corporel aussi bien qu'intellectuel. L'opération n'aura chance d'aboutir, qu'on le sache bien, qu'à condition d'être conduite, surtout au début, avec la C. FA V ROT. — DE L'ASSOCIATION EN MATIÈRE COLONIALE 69o plus stricte économie. C'est pourquoi les membres de l'Association doivent, autant que possible, tout faire par eux-mêmes, les frais généraux doivent être considérés comme l'ennemi et réduits à rien. Le premier droit du colon qui travaille le sol est de trouver sur ce sol sa nourriture et celle des siens; comme la première condition d'une exploitation agricole bien conduite est de produire ce qui est utile à l'alimentation du personnel qu'elle emploie. Aussi, avant tout partage de bénéfices, les membres de l'Association seront-ils autorisés à prélever sur les produits en nature du domaine ceux qui seront utiles à leur alimentation et à celle de leur femme et de leurs enfants quel que soit le nombre de ces derniers. La diversité des travaux, la nécessité vivement ressentie de la bonne entente, celle qui se produit entre hommes isolés dans un poste de combat prévient tout conflit. Mais cependant il faut prévoir le retrait d'un associé, aussi un quart du capital doit-il être en permanence à la réserve. Cette précau- tion a d'autres avantages qu'apprécieront tous ceux qui connaissent les imprévus de l'agriculture. Mais les membres de l'Association recrutés, nous l'avons dit, dans les rangs de la classe bourgeoise française ignorent par définition ce qui constitue la partie technique essentielle du problème qu'ils ont à résoudre ; ils auront du tempérament, de l'adresse physique, une ouverture d'esprit leur permettant de s'assimiler avec promptitude les conditions générales de leur nouvelle entreprise; mais il y a une chose qu'ils ignorent et ignoreront toujours, c'est le maniement du sol, le tour de main de l'ouvrier sans lequel il n'est pas de production possible dans la branche agricole, tout comme dans la branche industrielle. Là encore pour parer à cette insuffisance, c'est à Y Association que nous aurons recours. Il existe en France tout un courant d'émigration qui emporte nombre de cultivateurs de nos campagnes à l'étranger. Ces colons sont sans capitaux, eux aussi par conséquent ne peuvent rien par eux-mêmes, mais qu'ils trouvent de la terre, l'outillage et du coup les voilà transformés en force productrice. L'association dès lors n'est-elle pas indiquée entre le travailleur qui cherche le capital, le capitaliste qui cherche le travailleur technique? Et cette association n'a-t-elle pas sa formule toute faite : le métayage? Le domaine de « l'Association familiale » sera donc divisé en un certain nombre de métairies dont l'étendue sera calculée sur les besoins et la puissance de travail direct d'une famille de cultivateurs, une famille de ce genre sera installée dans chaque métairie. Le contrat à intervenir peut recevoir de nombreuses variantes; quant à nous, nous appliquons les principes suivants : le fonds et les bâtiments sont fournis par le propriétaire, mais le matériel et le cheptel sont achetés à deniers com- muns sauf à faire au métayer l'avance de sa part à un intérêt presque théorique. Cette copropriété qui entraîne le partage des responsabilités 696 ÉCONOMIE POLITIQUE en cas de perte ou d'usure simplifie les rapports tout en intéressant le métayer à la conservation de ces valeurs. Le métayer fournit en principe toute la main-d'œuvre, et les produits se partagent par moitié sur place et en nature. Les cultures dans chaque métairie sont établies sans qu'il soit possible d'en préciser ici la nature ; elles dépendent du sol et de circonstances variables, de l'aptitude du métayer, etc., mais l'élève du bétail en fera la base, cette opération aura pour conséquence la production de fourrages artificiels, les fumiers seront utilisés pour la production de céréales, de primeurs ou fruits, de plantes industrielles : ces cultures se succéderont dans l'ordre méthodique fixé par la loi des assolements ; en un mot, chaque métairie formera un petit tout agricole complet avec les avantages résultant de leur groupement sous une direction d'ensemble. Le domaine jouera à leur égard le rôle d'un véritable syndicat. Cette organisation n'aura, bien entendu, qu'un temps : elle est conçue en vue d'une œuvre déterminée qui, en raison de ses difficultés, exige cette combinaison d'efforts divers; cette œuvre c'est la mise en valeur du sol, quand celle-ci aura été obtenue, l'association prendra fin, chaque petite exploitation munie de ses rouages, pourvue de ses traditions pourra être livrée à elle-même : la propriété individuelle prendra la place de la propriété collective qui sera partagée entre ses fondateurs, les membres de l'association ou leurs familles. Mais quelque chose subsistera du grou- pement primitif. Celui-ci deviendra village ou bourg, restera un centre des intérêts créés dans la région. C'est ainsi que notre association tout en parant aux nécessités du présent prépare progressivement et sûrement l'avènement de la propriété à son état définitif, elle est le germe où résident tous les organes de la plante future. Nous n'avons pas la prétention dans les lignes qui précèdent d'avoir donné la solution complète du problème colonial, mais notre ardente conviction est que ce problème s'impose comme un devoir à nos généra- tions actuelles, que nous ne disposons pour cette œuvre que d'éléments impuissants s'ils restent isolés — qu'on ne saurait la tenter en dehors du groupement de ces éléments, c'est-à-dire de l'Association — l'Association qui est un rêve pour quelques réformateurs de notre vieille société devient donc une nécessité en matière coloniale, sachons entrer résolument daus cette voie ! Dr ED. BONNET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FRANCE (1728-1 777) G97 M. le Dr Ed. BONNET DEUX AMBASSADES TUNISIENNES A LA COUR DE FRANCE 1728-1777 D'APRÈS LES COMPTES RENDUS MANUSCRITS DES SECRÉTAIRES INTERPRÈTES DU ROI 933 03 (611 J v ilu 3 avril 1896 En 1727 Hossein bey régnant avait, sous un prétexte assez futile (1), fait une grave insulte à la France; le gouvernement de Louis XV ne voulant pas rester sous le coup d'un affront et bien décidé à infliger aux corsaires tunisiens une salutaire leçon, faisait armer à Toulon, dans le commencement de l'année 1728, plusieurs gros vaisseaux, galères, fré- gates et galiotes à bombes, qui furent placés sous le commandement de Traussez de Grandpré, chef d'escadre; clans le courant de juin de la même année, l'escadre arrivait dans les eaux de La Goulette et Hossein bey, convaincu que toute résistance serait inutile, s'empressait de signer le 1er juillet un traité (2) dont l'article premier lui imposait la condition humiliante d'envoyer en France une ambassade pour faire des excuses publiques au Roi. Ces faits, que je résume brièvement, sont du reste connus et relatés par tous les historiens qui se sont occupés des relations de la Régence avec les États Européenns ; en outre, pour en perpétuer le souvenir d'une i ci . Roos i innalet tunisiennes, p. I0S <2) Cf. Op. laud. p. 493, LXXIII. 698 ÉCONOMIE POLITIQUE façon durable, le gouvernement de Louis XV fit graver par Duvivier une médaille dont voici la description : Av. Buste du roi à droite ; légende : ludovicus XV rex christianiss. — Rev. La ville de Tunis, sous la figure d'une femme agenouillée ayant près d'elle un écusson, implore Neptune qui, debout sur un char traîné par des chevaux marins, menace de son trident enflammé la ville de Tripoli personnifiée par une autre femme debout et appuyée sur un bouclier; légende : tunetum supplex, tripolis incensa (1); exergue : 1728; module il millimètres. Mais aucun des auteurs que j'ai pu consulter (2), pas môme Alphonse Rousseau le mieux informé de tous, ne donne de détails sur le séjour de cette ambassade tunisienne en France et sur la réception qui lui fut faite ; à peine nous font-ils connaître le nom de l'ambassadeur choisi par Hossein bey pour présenter ses excuses à Louis XV ; il est cependant possible de combler cette lacune de l'histoire des relations diplomatiques entre la France et la Régence, grâce au journal d'un témoin oculaire, Alexandre-Louis Pétis de la Croix qui avait succédé à son père François Pétis de la Croix, deuxième du nom, comme secrétaire-interprète du roi pour les langues orientales et, en cette qualité, avait rempli auprès de l'ambassadeur un rôle analogue à celui de chef du protocole. Cette rela- tion, écrite en entier de la main de Louis Pétis de la Croix, est conservée à la Bibliothèque Nationale dans le manuscrit français des nouvelles acquisitions n° 5095, où elle occupe les fol. 81 à 86 ; en raison de son peu d'étendue et des renseignements qu'elle contient, je crois intéressant d'en donner ci-après la transcription complète. (1) Allusion au bombardement de Tripoli par l'escadre française. (2). Je ne citerai que pour mémoire la Correspondance des beysde Tunis et des consuls de France avec l:i cour publiée par M. E. Planchet, d'après les archives du ministère des allaires étrangères; le tome I, seul paru.de cet excellent travail s'arrête à l'année i7uo et, par suite, ne fait aucune mention des deux ambassades dont je m'occupe ici. Dr ED. BONNET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FRANCE (1728-1777) 699 liELATION DE CE QIT S EST FAIT A LA COUR ET A PARIS A L OCC4SION DES ENVOYÉS DE TUNIS, 1 7^X Le premier article du Traité conclu avec la République de Tunis au mois de juillet dernier étant que le Bey et la République feroient demander pardon au Roy par leurs Envoyés, Youssouf Codja, l'un d'eux, à qui sa Majesté avoit permis d'aller à Tunis déclarer au Bey ses volontés, repassa en France sur l'Escadre de sa Majesté commandée par M. de Grandpré et, ayant repris ses deux collègues àChalon sur Saône (1) où sa Majesté avoit ordonné qu'ils demeureroient jusqu'à ce que leur maîtres eussent accordé touttes les satisfactions qu'ils lui dévoient, ces trois Envoyés arrivèrent à Fontainebleau le JO octobre dernier accompagnés de Lemoine, lieutenant de la Prévoté de l'hôtel du Boy que M. le Comte de Maurepas avoit envoyé au devant d*eux jusqu'auprès de Moret et qui les con- duisit à une maison qui leur avoit été préparée. Le 11. les Envoyés eurent audience de M. le Comte de Maurepas ; Youssouf Codja porta la parole comme premier Envoyé et complimenta M. le Comte de Maurepas, après quoy s'assirent sur des chaises à dos qu'on avoit placées vis à vis le fauteuil de ce Ministre. Le 12, Youssouf Codja eut une audience secrète de M. le Comte de Maurepas. Le 13 au matin, les Envoyés eurent audience de M. le Gard"1 de Fleury chez lequel ils ne s'assirent point : l'après midy les Envoyés se promenèrent en carosse le long du Canal. Le 14. sur les 11 heures du matin, les Envoyés furent admis à l'audience du Roy ; ils se rendirent jusqu'au pied du fer à cheval dans deux carosses de remise qui leur avoient été donnés pour leur séjour à la cour et à Paris, suivis de leur cortège. Ils traversèrent l'appartement du Roy précédés du lieutenant de la Prévôté et accompagnés de l'interprète du Roy et entrèrent dans le Cabinet de sa Majesté qui les attendoit assis dans un fauteuil de velours violet, ayant à sa droite M. le Cardal de Fleury et M. le Comte de Maurepas qui les présenta à sa Majesté. Les Envoyés ayant fait au Roy trois profondes révérences, sa Majesté se couvrit et Youssouf Codja prononça la harangue suivante qui' fut expliquée de mot à mot par l'Interprète du Roy qui étoit placé à la gauche de sa Majesté, vis à vis M. le Comte de Maurepas : « Très haut, très puissant et très magnanime Empereur, dont la splendeur est semblable à la lumière du soleil, Dieu tout puissant veuille remplir de prospé- rité les jours de V. M. I. et luy accorder un règne long et glorieux. » L'union et la bonne intelligence qui ont régné de tout tems entre les sujets de V. M. I. et la République de Tunis ont engagé les Pacha, Rey, Dey, Aga des Janissaires, le Divan et la milice qui la composent à nous envoyer auprès de Y. M. I. pour luy témoigner la véritable douleur et le sincère repentir qu'ils ont de tout ce qui s'est passé qui a pu lui déplaire, lui en demander pardon et le supplier très humblement de l'effacer de sa mémoire. » 0 très Invincible Empereur, le passé est passé et n'existe plus ; daignés être persuadé que jamais à l'avenir il n'arrivera rien de semblable et que la République demeurera toujours ferme et inébranlable dans l'exacte observation M) Cf. Clair» de la iuve : Hittoire générale de la Funme/p. 325. 700 ÉCONOMIE POLITIQUE des traittés que V. M. I. a bien voulu luy accorder et dans le maintien de la paix et de la bonne correspondance qui en doivent être les fruits. » Combien nous estimons nous beureux, Très Magnifique Empereur, de l'honneur que nous recevons aujourd'huy de présenter nos hommages à V. M. I. qui est l'appuy du monde et dont le trône est environné d'éclat et de gloire. » Puisse le ciel vous accorder une longue suite d'années remplies de la féli- cité la plus parfaite et prolonger vos jours beaucoup au delà du cours ordi- naire de la vie humaine. » Le Roy répondit, adressant la parole à son Interprète : « Je suis content de ce que vous me dites de la part du Bey et de la République, ses Envoyés peuvent l'en assurer ». Après quoy, Youssouf Codja présenta au Roy la lettre du Bey enveloppée à la turque dans un sac de salin qu'il tenoit sur un petit mouchoir en broderie d'or et sa Majesté l'ayant reçue et remise à M. le Comte de Maurepas, les Envoyés firent la révérence et se retirèrent. Le Cabinet du Roy, les appartements, la galerie et les antichambres étoient remplies des personnes de la Cour que la curiosité avoit attiré à cette cérémonie. L'après midy S. Eminence donna une audience secrète à Youssouf Codja à qui on donna un pliant et l'Interprète du Roy qui l'accompagnoiteut le même honneur. Le 15, les Envoyés eurent audience de M. le Comte de Toulouse sur les 10 heures du matin et, à midy, ils eurent l'honneur de saluer la Reine dans le sallon, au bout de la galerie, où elle passoit pour aller à la messe; Youssouf Codja complimenta en peu de mots sa Majesté et tout de suite on leur fit voir les appartements du Château. L'après midy, ils furent conduits chés Mme la Comtesse de Toulouse et chés Mme la Comtesse de Maurepas, d'où ils allèrent se promener dans le parc. Le 16, les Envoyés se trouvèrent au rendes vous de la chasse du Roy; ils admirèrent la magnificence et le nombre des chevaux et des équipages. Le 17, les Envoyés se rendirent à Paris; ils descendirent chés Ousougnot (?) baigneur, rue Ste-Avoye, dont on leur avoit loué la maison, où ils ont logé pendant tout le séjour qu'ils ont fait à Paris. Le 20, M. le Comte de Maurepas donna ordre au s1' du Val, le fils, d'accom- pagner les Envoyés et de leur faire voir touttesles curiosités de Paris; l'après midy les Envoyés allèrent voir les places. Le 21, au matin, Youssouf Codja eut à Paris une audience secrète de M. le Comte de Maurepas ; l'après midy les Envoyés allèrent voir l'hôtel des Invalides. Le 22, au matin, les Envoyés eurent audience de M. le Comte de Maurepas; le soir ils allèrent à la Comédie Italienne où on représenta Arlequin fol à la Cour et risle de la folie. Le 23, les Envoyés allèrent voir la maison de Mme la Duchesse et le Palais des Tuileries. Le 24, ils allèrent à la Comédie Française où on représenta le Malade imagi- naire et Pourceaugnac. Les jours suivants, les Envoyés furent conduits aux Gobelins, à l'Observatoire, aux Pompes de la Samaritaine et du Pont Notre- Dame, au Palais du Luxembourg, au vieux Louvre, aux Galeries et aux prin- cipales églises de Paris. Le 28, les Envoyés allèrent à lOpéra où ils virent représenter la tragédie de Tarsis et Zélie avec autant de plaisir que d'admiration. Le 29, les Envoyés furent conduits à Saint-Germain-en-Laye; ils virent en D' ED. 150N.NET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FRANCE (1728-1777) 701 passant la machine de Marly, l'on ne peut mieux exprimer le jugement qu'ils en portèrent qu'en rapportant leurs propres paroles : « 11 n'y a jamais eu au inonde, dirent-ils, que les Romains ou un Empereur de France qui aient pu faire exécuter un si merveilleux ouvrage ». Ils virent le château de Saint-Ger- main et couchèrent dans la \ille. Le 30, les Envoyés allèrent voir Marly où l'on fit jouer les eaux, ils furent véritablement enchantés de touttes les merveilles de ce lieu délicieux d'où ils se rendirent sur le soir à Versailles. Le 31, les Envoyés allèrent dès le matin voir les appartements de Versailles; ils parurent éblouis de touttes les magnificences de ce superbe château, des richesses immenses qu'il renferme et de la délicatesse qui brille dans tous ses ornemens. On les fit passer dans l'appartement de Mesdames de France où ils furent reçus par Mme la Duchesse de Ventadour qu'ils complimentèrent. L'après midy, ils allèrent voir les eaux qu'on fit jouer exprès pour eux. Ils ne pouvoient exprimer tout ce qu'ils pensoientde tant de beautés, ils dirent seulement après les avoir veùes « qu'ils ne s'étonnoient plus que les étrangers qui n'avoient jamais vu Versailles ne voulussent point ajouter foy aux merveilles qu'ils en entendoient raconter, puisque cet édifice est fait au dessus de tout ce que l'esprit de l'homme peut concevoir ». Ils ajoutèrent « qu'ils s'en alloient avec le regret de ne pouvoir expliquer à leurs compatriotes les beautés qu'ils venoient de voir » et Youssouf Codja demanda à en avoir touttes les perspectives en estampes que M. le Comte de Maurepas luy lit donner. Le 1er novembre au matin, les Envoyés furent conduits à la grande écurie ; les chevaux qu'on leur y fit voir leur parurent très beaux ; l'après midy ils allèrent dans des chaloupes, par le canal, à Trianon et à la ménagerie dont l'appartement leur plut infiniment pour la délicatesse de ses peintures qui sont à fonds d'or qui ont le goût oriental. Le 2, les Envoyés partirent de Versailles et allèrent voir Meudon d'où on les mena disner à Saint-Cloud dont ils virent le château après disner et retour- nèrent le soir à Paris par les Champs Élysées. Le 3, les Envoyés allèrent à la Savonnerie et à la Verrerie de Chaillot. Le 4, Youssouf Codja eut encore à Paris une audience secrète de M. le Comte de Maurepas; l'après midy les Envoyés rendirent quelques visites. Le o, l'Interprète du Roy remit aux Envoyés les présens dont sa Majesté les a gratifiés ; ils consistoient en chacun une médaille et une chaîne d'or de la valeur de 2.100 livres, la médaille ayant d'un côté le chiffre de sa Majesté et de l'autre les armes de France et de Navarre; 3.000 livres à Youssouf Codja; 1.000 livres à chacun des deux autres Envoyés et 1.200 livres â distribuer à leurs domestiques. M. le Comte de Maurepas lit présent d'un diamant magni- fique à Youssouf Codja. Le même jour, les Envoyés eurent leur audience de congé de ce ministre et le soir ils allèrent à l'opéra de Tarsis et Zélie. 'Ils employèrent les jours suivants â se préparer à partir. Le 9, ils allèrent voir l'hôtel de Toulouse où M. de Yalincourt, secrétaire général de la Marine, leur donna une collation magnifique; le soir, ils allèrent voir l'opéra d' Atteste. Le 11, les Envoyés partirent de Paris par le carosse de Dijon qui les a con- duits jusqu'à Châlon sur Saune d'où ils étaient venus jusqu'à Fontainebleau dans cette même voiture. Ces Envoyés, quoyque déffrayés aux dépens du Roy pendant tout leur séjour en France, n'ont été traittés et nouris pourtant que comme des particuliers, le 702 ÉCONOMIE POLITIQUE Sr de la Magdeleine, Prévôt de la marine à Toulon, qui éloit chargé de leur dépense, avoit ordre de M. le Comje de Maurepas de ne les pas traitter autre- ment. II La Bibliothèque Nationale possède également le compte rendu dune autre ambassade encore moins connue que la précédente ; c'est un volume petit in-4°, contenant 333 pages d'une belle écriture et relié en maroquin rouge aux armes du comte de Sartines (ras. français n° 13982); sur la première page on lit le titre suivant : Journal de l ambassade de Suleiman aga envoyé extraordinaire du Bey de Tunis près sa Majesté très Chrétienne, depuis son arrivée à Toulon le 18 janvier 1777 , jusqu'à son embarquement dans ledit port le 31 may de la même année. — Rédigé par le ST Ruffin, secrétaire-interprète du Roy pour les langues orientales et chargé par sa Majesté de la conduite du dit Envoyé. Ce journal est divisé en quatre chapitres dont voici les titres : I. Avant- propos historique (p. 1 à 13); II. Journal de l'ambassade de Tunis (p. 14 à 161) ; III. Supplément au Journal, état des dépenses faites pour l'am- bassade, etc. (p. 102 à 174) ; IV. Recueil des mémoires et ordres de sa Majesté, dépêches, instructions et lettres de monseigneur de Sartines (p. 175 à 333). Dès les premières lignes de l'avant-propos, Ruffinnous apprend que c'est par ordre et pour le comte de Sartines, alors ministre de la marine, qu'il a rédigé cette relation et les armes empreintes en or sur les plats du volume, confirment cette assertion ; sans doute, Ruffin s'est acquitté de la tâche qui lui était confiée à la satisfaction du ministre, mais il l'a fait avec une abondance de détails qui ne permet pas de reproduire intégralement son manuscrit ; je me bornerai donc à donner une analyse des faits les plus saillants contenus dans ce Journal. En 1776, Louis XVI avait succédé depuis deux ans à .son aïeul sur le trône de France, Ali bey régnait à Tunis, la France et la Tunisie vivaient alors en bonne intelligence, les relations des deux pays étaient même assez cordiales; depuis l'avènement de Louis XVI, le bey avait, en plu- sieurs circonstances, manifesté à Barthélémy de Saizieu, consul et chargé d'affaires à Tunis, le désir d'envoyer en France une ambassade pour féli- citer le nouveau souverain de son avènement au trône; le ministre de la marine, comte de Sartines, informé des intentions du bey, avait toujours su éluder les propositions qui lui étaient faites à ce sujet; mais, devant l'insistance du souverain tunisien, il dut, par courtoisie, donner enfin son acquiescement en même temps qu'il envoyait le 15 janvier 1776, ses l)r ED. 150N.NET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FRANCE (1728-1777) 703 instructions au consul Barthélémy de S;iizieu ; celles-ci portaient princi- palement sur le choix de l'ambassadeur qui devait être un personnage de haute considération, ayant l'expérience des affaires et capable de repré- senter à la cour son maître avec dignité; sur la réduction des gens de suite de cet ambassadeur ; sur la suppression ou tout au moins la réforme des présents que les princes de Barbarie ont coutume d'envoyer au roi ; enfin le ministre demandait des renseignements sur la nature et la valeur des donalifs qu'il conviendrait d'offrir en retour. Diverses circonstances, qu'il serait trop long de relater ici, obligèrent le bey à. différer jusqu'au commencement de l'année 1777 le départ de cette ambassade; mais, dès le 30 septembre 1776, le comte de Sarlines avait pris toutes les dispositions et donné les ordres nécessaires ; le chevalier de Coriolis d'Espinouse, commandant la frégate l'Aurore, devait se rendre dans le port de la Gouletfe pour prendre l'ambassadeur à son bord et le transporter à Toulon ; de Saint-Didier, premier commis de la marine au département des Etats Barbaresques, était chargé de faire au représentant du bey les honneurs de Paris et de Versailles ; Buffin, secrétaire-interprète du roi, devait aller à Toulon chercher l'ambassadeur et l'accompagner pendant tout le temps de son séjour en France ; les commandants de la marine et de l'arsenal de Toulon, le commissaire général du port, les in- tendants de la santé, la Chambre de commerce de Marseille, etc., avaient reçu des instructions ; enfin, des appartements pour l'ambassadeur et sa suite étaient retenus à Paris, au Grand Hôtel de Tours, rue du Paon dans le faubourg Saint-Germain. Le 18 janvier 1777 à quatre heures du soir, la frégate l'Aurore entrait dans la rade de Toulon et le lendemain matin, l'ambassade tunisienne débarquait au lazaret avec ses bagages et une partie des présents destinés au roi, parmi lesquels une lionne et un lionceau; douze chevaux et sept esclaves formant le complément des cadeaux offerts par le bey étaient arrivés neuf jours plus tôt sur la tartane la Jeune Italienne commandée par le patron Joseph Vaillant de Berre. L'ambassadeur était Soliman agha, neveu du bey par alliance et général de sa cavalerie, accompagné du caïd Osman, ancien gouverneur de pro- vince, de deux officiers de la garde du bey, Ramadan et Nunman, et de neuf domestiques. Soliman, à peine débarqué, ayant rompu la quarantaine, il fallut la prolonger jusqu'au 9 février et ce fut seulement à cette date que le eanol de l'intendant de la marine vint prendre l'ambassade pour Ja conduire à Toulon; en passant devant le vaisseau amiral, Soliman fut salué de sept coups de canon et la garde qui était sous les armes battit aux champs ; sur le quai de débarquement, l'ambassadeur monta dans la voiture du marquis de Saint-Aignan, lieutenant-général commandant de la marine, 704 ÉCONOMIE POLITIQUE pour se rendre au jardin du roi où il fut logé. Je passe sous silence les détails circonstanciés que donne le manuscrit sur le séjour à Toulon ; le 15 février, l'ambassade quittait cette ville en voitures de poste, suivie à distance par les charrettes portant les bagages; Soliman, Ruffin, le caïd Osman et Ramadan étaient dans une berline anglaise qui éprouva plu- sieurs mésaventures entre Marseille et Avignon; en effet, cette malheu- reuse berline perdit une roue près de Septèmes, rompit son timon un peu plus loin, tomba au delà de Pont-Royal dans une ornière dont on eut beaucoup de peine à la sortir et enfin versa dans un fossé avant d'arriver à Avignon. Tous ces accidents nécessitèrent un séjour dans cette ville et, comme Soliman ne voulut pas sortir de l'hôtel Saint-Omer où il était logé, on amusa les Tunisiens en leur faisant voir la lanterne magique ; le 21, on arrive à Saint- Vallier ; le 22, à Lyon d'où l'on repart le 2o pour Roanne ; le 26, à huit heures du soir, l'ambassade entrait à Moulins mais, nous dit Ruffin dans sa relation, l'importunité des coutelières força Soli- man à repartir à minuit ; le 27, on était à Briare et le 28 l'ambassadeur pénétrait dans Paris par la barrière Saint-Victor pour se rendre à l'hôtel de Tours, dans les appartements qui lui étaient réservés. Deux carrosses, dont l'un commandé spécialement pour l'usage de Soliman, avec attelage et laquais à la livrée du roi, avaient été dès la veille envoyés par le gou- vernement à l'hôtel de Tours et le service de l'ambassade était fait par des domestiques également à la livrée royale ; en outre, il avait été décidé, en conseil, que Soliman recevrait une pelisse d'honneur et que la suite de l'ambassadeur serait habillée de neuf aux frais du roi. La première semaine que Soliman passa à Paris fut occupée par les visites officielles au comte de Sarlines, au lieutenant général de police et à quelques autres personnages, visites qui furent suivies de réceptions et de dîners sur lesquels le manuscrit de Ruffin donne de longs détails qu'il est sans intérêt de reproduire ici. Le 9 mars, à quatre heures du soir, l'ambassade quittait Paris pour se rendre à Versailles où la cour résidait le plus habituellement ; des appar- tements avaient été retenus à l'hôtel des Ambassadeurs. Le lendemain, 10 mars, eut lieu l'audience solennelle accordée par Louis XVI à l'ambas- sadeur tunisien et, pour laisser au compte rendu de cette cérémonie tout son cachet d'authenticité, je transcris ci-après la narration autographe de Ruffin : « A onze heures trois quarts on se rendit à l'hôtel de la Guerre, dans les appartements de M. de Sartines, où l'on sut que ce ministre étoit au château auprès de S. M. qui étoit indisposée d'un rhume, ce qui rendoit l'audience incertaine pour ce jour-là. A midi un quart, l'Envoyé fut conduit à la cour des princes et de là à la Galerie; M. de Saint-Didier a voit obtenu que l'Envoyé se reposeroit dans l'appartement de M. le maréchal de Richelieu jusqu'au moment »' ED. rtON.NET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FRANCE (1728-1777) 703 favorable. L'attente fut longue et dans l'incertitude où l'on étoit si elle seroit terminée par l'audience, on résolut d'aller attendre la Reine sur son passage dans la galerie, au sortir de la messe; à peine s'étoit-on mis en marche qu'un gentilhomme de la chambre vint avertir l'Envoyé que le Roi l'attendoit; le Sr Ruffin eut le tems de rendre cet avis à Suleiman aga pour lui épargner une surprise qui auroit achevé de le décontenancer. Voici l'ordre de rentrée chez le Roi sur quatre lignes : M. de Saint-Didier à droite et à gauche M. Dubois (1), tous les deux à quatre ou cinq pas en avant, ensuite l'Envoyé portant sur la pelisse d'honneur un barnus (burnous) ou manteau de cérémonie à la barba- resque, de moire cerise avec des agraffes et des brandebourgs en or, ayant à sa droite le Sr Ruffin et à sa gauche M. Cardone(2) ; trois pas en arrière, Ishac bey et Osman, le premier coëffé en blanc avec une frange d'or et revêtu d'une fourrure de renard blanc montée sur un drap rouge avec les agrémens en or à l'uniforme des officiers généraux de la marine turque, le second avec un turban de taffetas rouge glacé en or et vêtu à la légère avec plusieurs corsets de diffé- rentes couleurs galonnés en or comme les militaires barbaresques ; plus loin les deux hampa ou officiers de la garde du bey habillés presque comme Osman^ le reste de la suite avoit été laissé à l'Œil de Rœuf. Chaque station de M. de Saint-Didier étoit le signal convenu des inclinations que devoit faire l'Envoyé ; il y en cul trois jusqu'à une certaine distance du Roi; S. M. étoit couverte et assise dans un fauteuil ; M. de Sartines étoit debout à sa droite; l'appartement étoit plein de monde rangé en baye. L'Envoyé, après en avoir demandé permis- sion au Roi, s'avança en se prosternant jusqu'auprès de S. M. et lui remit sa lettre de créance (3) que le Roi donna sur le champ à M. de Sartines ; Suleiman aga revint à reculons se placer entre les deux interprètes et fit son compliment à voix fort basse ; le S1 Ruffin eut l'honneur d'en prononcer la traduction : « Sire, o Le Rey de Tunis, mon maître, m'a commandé de me rendre auprès de Votre Majesté Impériale pour la féliciter sur son avènement au thrône de ses ancêtres. Jaloux de remplir tous les devoirs que lui prescrit son attachement inviolable pour l'Auguste Maison de France, ce Prince auroit depuis longtemps fait passer un envoyé dans votre cour impériale pour lui présenter l'hommage de ses senti mens, ses regrets sur la mort de son illustre et grand allié et ami l'Empereur de France Louis Quinze de glorieuse mémoire, et son compliment sur le bonheur que la Providence a préparé aux François en appelant à leur tête un jeune monarque qui réunit au plus haut degré les vertus et les qualités les plus éminentes ; les circonstances où mon maître s'est trouvé depuis cette époque à jamais mémorable ne lui ont pas permis jusqu'ici de suivre ce que son cœur lui inspiroit. » Chargé aujourd'hui de ses ordres suprêmes, je porte aux pies de Votre Majesté Impériale les marques les plus sincères de son î-espect et de son entier dévouement pour Votre Personne Sacrée et le tribut d'admiration qui est dû à la sagesse de Votre Majesté Impériale et à sa fidélité aux traités. d) Commandant de la garde de Paris. *■> ~~ — —*-- *~ — D-»«~ — « »— — . (2) Cardon ne (Denis-Dominique), secrétaire-interprète du roi et professeur au Collège de France; oiir plus de détails sur ce personnage ainsi que sur Pierre Iiuflin, consulter la Biographie uni- ersellc. (3) La traduction de cette lettre occupe les pages 82-8!5 du manuscrit, comme elle ne contient en de particulièrement intéressant je crois inutile de la reproduire ici. rien 45 706 ÉCONOMIE POLITIQUE y> Rien ne pourra jamais rompre les liens qui unissent sous de si heureux auspices les nations soumises à la couronne de France et les sujets du royaume de Tunis. Daignez, Sire, agréer comme une preuve du désir que mon maître aura toujours de mériter la haute bienveillance d'un aussi Grand Empereur, les esclaves et les présens que j"ai fait remettre en son nom aux officiers de Votre Majesté Impériale. » Le plus beau moment de ma vie est celui où j'envisage la gloire de votre thrône impérial ; je serois heureux s'il en émanoit sur moi un regard favo- rable. » Sa Majesté donna sa réponse et, au mot Monsieur, Elle se découvrit et se recouvrit sur le champ : « Je reçois avec une égale satisfaction l'expression et l'hommage des senti- ments du Bey de Tunis ; je vous charge de l'assurer de ma bienveillance et de ma sincère amitié. » Je vous vois avec plaisir, Monsieur, sur les terres de ma domination. » Après que le Sr RiuTin eut rendu la réponse de S. M. à l'Envoyé, celui-ci se retira à reculons en faisant de profondes inclinations ; il alla attendre à la Galerie la Reine et lui fit en passant sa révérence, S. M, y répondit fort gra- cieusement. Suleiman aga passa ensuite dans les appartements de Monsieur qui l'attendoit assis dans un fauteuil et couvert ; l'Envoyé fit une inclination en en- trant et adressa à ce prince son compliment que le Sr Ruffin traduisit sur le moment (1). L'Envoyé devoit être aussi présenté à Monseigneur le comte d'Artois, mais ce prince n'étoit point à Versailles. Le lendemain de l'audience royale, l'ambassade fit ses visites au comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères, au garde des sceaux et au ministre de la guerre avant de rentrer à Paris. Pendant les deux mois que Soliman et ses compagnons passèrent à Paris, les promenades et les divertissements qui leur furent offerts rap- pellent, à peu de chose près, ceux que Pétis de la Croix énumère dans sa relation de l'ambassade de Yousouf Khodja en 1"28 ; à quarante-neuf ans de distance, nous voyons encore figurer au programme l'Opéra, la Comédie Italienne, la machine de Marly, les Gobelins, l'Observatoire, etc. ; on y a cependant ajouté quelques récréations nouvelles, notamment une visite au Vauxhall, une promenade à la foire de Saint-Germain et deux chasses : l'une au faisan dans le bois de Boulogne, l'autre au lièvre dans la plaine de Saint-Denis; pendant cette dernière, qui ne dura qu'une après-midi, Soliman tua à lui seul 23 lièvres, chiffre qui prouve tout à la fois, l'adresse du chasseur et l'abondance du gibier aux environs de Paris il y a un peu plus d'un siècle : enfin, les Tunisiens assistèrent encore, dans une loge réservée, au combat des animaux, spectacle au sujet duquel H) Le discours de Soliman et la réponse du comte de Provence existent dans le manuscrit; ce sont des compliments et des échanges de politesse sans aucune portée politique. Dr ED. BONNET. — DEUX AMBASSADES TUNISIENNES EN FBANCE (1728-177") 707 on pourra consulter les gazelles de l'époque et qui fut, nous apprend Ruffin, très goûté de Soliman agha. Le 30 avril, l'ambassadr était reçue en audience de congé par le comte de Sartines qui remettait à Soliman une lettre du roi pour Ali bey. Le 6 mai, l'ambassadeur assista à la revue des Gardes- françaises, passée par Louis XVI, et deux jours plus tard, le 8 mai, Soliman et ses compa- gnons quittaient définitivement Paris ; le trajet se fit dans la berline anglaise qui perdit encore une roue entre Fontainebleau et La Celle, puis le voyage se continua sans encombre jusqu'à Lyon ; on descendit ensuite le Rhône en bateau jusqu'à Avignon, où l'on reprit les voitures pour arriver à Marseille le 19 mai; après cinq jours -passés dans cette ville, l'ambassade gagnait le port de Toulon où elle s'embarquait, le 31 mai, sur la frégate l'Alcmène, commandée par le capitaine de Ronneval Je terminerai cette analyse du Journal de Ruffin par la transcription de deux documents curieux empruntés au même manuscrit; ce sont : 1° rénu- mération des présents offerts par le bey de Tunis à Louis XVI ; 2° l'état des dépenses faites par le gouvernement français pour la réception de l'ambassade tunisienne avec la liste et la valeur des objets envoyés par le roi à Ali bey. 1° Présents offerts par le bey à Louis X VI : 7 esclaves, dont un français et trois corses, l'un de ces derniers avec ses trois filles; 6 chevaux; 2 lions; une selle barbaresque brodée en or et argent avec tout le harnais et 6 couvertures de cheval en drap rouge ; 16 couvertures fines, en laine; 2 sabres; 4 yatagans; 0 porte-feuilles; 6 paires de babouches; G paires de chaussures de femme ; 6 ceintures ; 6 turbans ; 100 grappes de dattes. Présents envoyés par le bey et par le Kasnadar au comte de Sartines : 4 chevaux; 9 couvertures de laine; 2 ceintures; 2 turbans; 4 paires de babouches; 4 paires de chaussures de femme; 2 porte-feuilles; 2 yatagans; 2 caisses d'eau d'orange ; 1 caisse d'eau de rose ; une peau de lion ; une peau de tigre ; un ceinturon d'épée. ■1" Présent» envoyés par Louis XVI au bey de Tunis, à sa famille et à son ministre (Moustapha- Kasnadar) : Boîtes en or, étuis montés en or, ciseaux, couteaux, miroirs, un poignard monté en or, un sabre monté en or, une poignée de sabre en agate, une paire de lunettes montées en or, 3 fusils dont un monté en or et deux en argent, 5 paires de pistolets, deux bassins en argent avec leurs aiguières, une grande soucoupe en argent, 12 tasses de porcelaine avec porte-tasses en argent doré, étui de 708 ÉCONOMIE POLITIQUE 6 rasoirs garnis d'argent, 8 montres à répétition dont deux enrichies de diamants, 15 pendules de diverses grandeurs, 2 baignoires avec cylindres et thermomètres livres sols den. de bain ; le tout ayant coûté 37.750 » » 6 pièces d'étoffe or, argent et à fleurs, pour salon 1.706 18 6 6 pièces d'étoffe fond or, argent et velours -4.870 » » 8 demi-pièces de drap de diverses couleurs 2.132 » » 12 pièces de toile façon de Hollande 777 12 » 6 pièces d'indienne 690 » » Une voiture dite désobligeante, montée à ressorts, garnie en velours à petits bouquets bleus, les panneaux en lilas foncé. etc 4.866 » » Présents faits par le roi à Soliman-agha et à sa suite : Une pelisse d'hermine montée sur velours cramoisi, avec agraffes en or, les bottines, la culotte et les jarretières assorties 1.239 » » Une médaille avec le portrait du roi et sa chaîne d'or. . . . 2.188 6 3 Une boîte d'or 606 » » Une montre d'or 552 » » Un fusil espagnol monté en argent 345 » » 3 petits nécessaires dont deux montés en or et un en argent. 502 » » Thermomètres, lanterne magique, modèles de machines. . . 206 15 » Divers chiens de chasse 321 17 » 12 tasses de Sèvres avec théières, sucriers et cabarets. . . . 276 » » Une boite à cercles d'or et un globe de cristal avec 12 poissons rouges 254 » » Deux portraits de Soliman-agha, peints par les Srs Restoux et Vais 2.988 » » 3 montres d'or (pour les ofliciers de l'ambassade) 641 » » Habillements des officiers et des domestiques de l'ambassade. 6.628 4 » Étrennes (en numéraire) données aux domestiques de l'am- bassadeur 1.072 » » Au prix d'achat des objets ci-dessus énumérés, il faut ajouter tous les frais de voyage, séjour, etc., de l'ambassade, notam- ment : Séjour à Toulon et à Marseille, frais de quarantaine, voyage à Paris, transport des bagages, etc 25.171 1 » Voyage et séjour à Versailles 1.917 17 » Location des appartements à l'Hôtel de Tours, à Paris .... 7.430 » » Carrosses, chevaux, cochers, fourrages 5.434 13 » Gratifications aux S's Dubois, Cardonne, Ruffin et autres . . 14.600 » » Enfin, en tenant compte de toutes les dépenses, l'ambassade tunisienne avait coûté au gouvernement de Louis XVI la somme totale de 167.594 Livres 11 sols 6 deniers. E. FOURNIER DE FLA1X. RESSOURCES BUDGÉTAIRES DE LA TUNISIE 709 M. E. FOÏÏMIEB, DE ELÀIX LES RESSOURCES BUDGÉTAIRES DE LA TUNISIE EN I 89S l336 1 (611)] — Séance du S avril 1896 — J'ai eu l'avantage de visiter la Tunisie en 1887, cinq années après l'éta- blissement du protectorat de la France, qui était représenté à cette époque par M. Massicault. Toutes difficultés pour le protectorat avaient disparu : la colonisation avait commencé son œuvre ; les finances de la Régence avaient été mises sur un bon pied ; des réserves considérables, s'élevant à dix millions de francs, avaient été constituées ; par suite, le Résident général avait pu préparer un plan important de diverses réformes desti- nées à améliorer la condition économique générale de la Régence : creu- sement, nettoyage, endiguement du port de Tunis ; confection de nom- breuses routes et d'un nouveau réseau de chemins de fer, établissement d'une Cour d'appel à Tunis, arrangements douaniers avec la France, réformes diverses dans les impôts. M. Massicault voulut bien consacrer une journée à me mettre au courant de ce plan, des difficultés qui en arrêtaient l'exécution, des avantages qu'il en attendait ; j'en ai rendu •compte dans un article publié par la Nouvelle Revue le 15 juin 1888. Les projets de M. Massicault, décédé depuis plusieurs années, ont tous été adoptés, à l'exception de celui concernant la Cour d'appel. Cette adoption a longtemps été retardée par une série de difficultés sur lesquelles il est inutile d'insister aujourd'hui. Le port de Tunis a été assaini, creusé, canalisé, endigué ; les arrangements douaniers avec la France remontent bientôt à six ans ; les routes nécessaires ont été entreprises ; le nouveau réseau ferré a été concédé ;. le port de Bizerte achevé a été relié à la voie principale qui relie la Tunisie à l'Algérie ; le commerce général de la Ré- gence s'est développé. Il a atteint en 1894 le total de 78.8o5\481 francs, dont la France et l'Algérie prennent 64,42 0 0 (la France 54,29 0/0 et l'Algérie 10,23 0/0) ; la Régence, ainsi que le constate le rapport du Rési- dent général du 10 juillet dernier (inséré au Bulletin de statistique et de législation comparée de février 1896) est entrée dans un ère de nouvelle prospérité. 110 ÉCONOMIE POL1TIQIK Sur la sollicitation de M. Fernand Faure, mon collègue à la Société d'Économie politique et à la Société de Statistique de Paris, qui devait présider la Section d'Économie politique du Congrès de Tunis, mais qui se trouve retenu à Paris par sa nomination à d'importantes fonctions, je viens vous entretenir des progrès réalisés dans les ressources budgétaires de la Régence depuis 1887. Ces ressources, je les ai passées en revue avec M. Massicault en 1887 ; il les connaissait parfaitement et il n'hésitait pas à penser et à espérer que les impôts tunisiens participeraient aux amélio- rations diverses qu'il avait étudiées en vue de faire entrer la Tunisie dans la période définitive de colonisation. Il considérait, avec raison, les impôts divers existant en Tunisie, soit par l'excès de quelques-uns, soit par la mauvaise organisation de la plupart, comme un grave obstacle au développement économique de la colonie; toutefois, il ne se faisait aucune illusion sur le temps que les réformes fiscales exigeraient, sachant fort bien que rien n'est plus tenace et plus résistant que les anciens impôts et rien de plus aléatoire que les nouveaux. En 1887 les ressources diverses du budget étaient calculées à 22.403.000 francs; celles du budget de 1896 ont été évaluées à 22.849.000 francs. Il semble, au premier abord, que bien peu de changements ont dû être effectués. Toutefois, l'apparence serait ici trompeuse ; si les chiffres géné- raux sont à peu près. les mêmes, des changements qui ont leur intérêt et leur importance ont été opérés. Nous allons les indiquer successivement, en étudiant chaque catégorie des ressources budgétaires de 1896. Ces caté- gories sont au nombre de cinq : 1° impôts directs ; 2° impôts et revenus indirects ; 3° monopoles et exploitations industrielles de l'État ; 4° pro- duits et revenus des domaines de l'État ; o° Produits divers du budget. PREMIÈRE CATÉGORIE — IMPOTS DIRECTS Ces impôts sont au nombre de neuf dans le budget de 1896 (Bulletin de sta- tisque des finances et de législation comparées, janvier 1896) 1° La Medjba Fr. 3.989.500 2° Le Kanoun des oliviers et dattiers 1.447.300 3° L'A chour, payable en nature 1.334.000 4° L'Achour, payable en argent 761.600 5° La Dîme sur les oliviers 402.300 6° Les Mradjas 761.600 7U Les Khodors 40.900 8° Taxe sur les loyers et la valeur locative .... 61.000 9° Patentes 28.100 Ensemble Fr. 8.826.300 E. FOURNIER DE FLAIX. — RESSOl'RCES BUDGÉTAIRES DE LA TUNISIE 711 Les Medjba, l'Achour et le Kanoun ont été revisés, La Medjba est une capilation fixée anciennement à un nombre élevé de piastres qui, en 188*7, représentaient 24 francs; elle a été réduite à 20 francs. L'Achour est désormais payable en argent. L'Achour est la dime sur les céréales. Les rôles du Kanoun, taxe sur l'olivier et le dattier, à raison d'un prorata par arbre, ont été revisés de manière à favoriser les plantations. Les autres taxes directes sont d'une importance secondaire ; mais elles sont arbitraires dans leur assiette, leur taux et leur perception. SECONDE CATÉGORIE — IMPOTS ET REVENUS INDIRECTS 1° Droits sur les mutations d'immeubles . . Fr. 390. d00 2" Timbre 458.700 3° Droits à l'exportation 2.392.000 1° Droits à l'importation et droits assimilés. . . . 1.509.700 ■ >' Droits sur les vins et spiritueux 165.500 G0 Droits sanitaires el de phares 69.500 7° Droits de port 12.000 8" Mahsoulats ou droits sur les marchés affermés. 1.543.700 9° Mahsoulats ou droits sur les marchés en régie. 903.300 Totai Fr. 7.444.400 Des améliorations ont été également apportées au régime des impôts et revenus indirects. Un décret de la Régence du 31 décembre 1895 a refondu les taxes sur le timbre et l'enregistrement. En principe, la Tunisie, sauf certaines exceptions, a été assimilée, quant à l'enregistrement, à l'Algérie. Un autre décret du 11 mars 1895 a réglé la transcription des actes. Les droits d'exportation sur les laines oui été remaniés. Quant au ré- gime douanier de la Régence, il est régi, en partie, par la loi française du 19 juillet 1890 qui règle les exportations en.France. El faut espérer que le moment viendra bientôt où la Tunisie sera traitée comme l'Algérie. Les Mahsoulats sont les autres taxes indirectes importantes. Il n'a pas été encore possible de les réformer. Ils forment certainement Voila podrida Fiscale la plus extraordinaire que l'on connaisse; niais, au fond, ils doivent correspondre, suif les excès, à l'un des plus grands impôts des contrées méridionales, habitées ou occupées par les Arabes: la taxe sur les achats et les ventes dans les marchés, encore pratiquée dans la plupart des pays orientaux. C'est, en grande partie, l'impôt espagnol dit moukabalahs en arabe et en espagnol. D'après une brochure intéressante de M de Carnières, publiée p;ir la Chambre d'agriculture de Tunis, les mahsoulats constituent une taxation 712 ÉCONOMIE POLITIQUE sur la production cl la consommation des céréales, des fruits et légumes, du bétail, des savons, du poisson, de certains tissus, des métaux ouvrés, des matières d'or et d'argent, du lagrin (alcool de dattier), des fourrages, des charbons, du bois, du henné, des pierres à bâtir ; y compris même des droits de patente sur l'alfa, la sparterie, la poterie et la musique indi- gènes. Ils forment un mélange de taxes d'octroi, de consommation et de mutation. On comprend à quels abus doivent donner lieu l'affermage et la régie d'une pareille mixture fiscale. Ils se prélèvent principalement à l'entrée des villes, dans les marchés, dans les boutiques. Ces droits varient d'après les localités. Les fruits sont taxés à la charge, les grains cà la mesure. En 1887, on comptait 145 fermages mis chaque année aux enchères. Tantôt l'acquéreur, tantôt le vendeur les doit acquitter. Les fruits paient 12 1/2 0/0, les légumes 25 0/0, le bétail 6 1/4 0/0; gibier, volaille, paient beaucoup plus ; s'ils sont rôtis encore davantage, les armes 25 0/0, les tissus en laine et en crins 6.95 0/0, les métaux ouvrés autant, les dattes 6 0/0 selon les espèces: Dégla. Horra. Ssers, les poissons 6.45 0/0, fourrages et pailles 6.25 070, le henné 25 0/0, les huiles 12.50 0/0, bois et char- bon 6 0/0. Les articles non tarifés doivent également des droits pour lesquels il faut s'entendre avec les agents fiscaux qui surveillent les mar- chés et les boutiques. Il semble qu'il serait facile de remplacer les mah- soulats par l'octroi pur et simple. Il existe en Algérie des taxes de halles et de marchés, mais elles ne présentent pas les caractères des mahsoulats. qui sont à supprimer radicalement et à remplacer sans retard. TROISIÈME CATÉGORIE. MONOPOLES ET EXPLOITATIONS INDUSTRIELLES DE L'ÉTAT Viennent au troisième rang : Les produits des monopoles et exploitations industrielles de l'État 1° Tabacs . . . Fr. 3.835.800 Ce produit est remarquable, il égale à, peu près celui de la capitation. 2° Poudres à feu 229.300 3° Vente du sel 037. 000 4° Postes 481). OuO 5° Télégraphes 310. 8J0 6° Téléphones 50.100 Fr. 5.543.000 Depuis 1893, il s'est produit un accroissement de bon augure dans les produits des postes, télégraphes, téléphones, même des colis postaux. Le 379. 200 161. ,700 42. .300 563. 500 1.719.200 E. POURNIER DE FLA1X. — RESSOURCES RUDGÉTAIRKS DK LA TUNISIE 713 tarif des timbres-poste ayant été diminué, la vente des timbres a aug- menté en deux ans de 80 0/0, les cartes-lettres ont triplé, les cartes posta les doublé. En 1894, il a été créé un bureau de recelte et vingt-sept de dis- tribution. QUATRIÈME ET CINQUIÈME CATEGORIES. PRODUITS ET REVENUS DU DOMAINE DE L'ÉTAT — PRODUITS DIVERS Ces produits et revenus paraissent peu susceptibles d'augmentation : 1° Produits du domaine non forestiers . . . Fr. 572.500 2" Produits forestiers 3° Pêches et mines , 4° Droits de chancellerie et impôts des Habou . 5° Droits divers, amendes, etc Fr D'après l'ensemble de ces détails, les ressources budgétaires de la Tunisie sonl, quant à la période actuelle, assez limitées. En évaluant la population à J million d'habitants, elles ne représentent cependant qu'un prorata de 22 à 23 francs. Si on admet une population de 1 .200.000 habi- tants, avec plusieurs géographes, le prorata ne serait plus que de 18 francs. Il est au moins de 30 francs en Algérie. Toute la côte septentrionale de l'Afrique représente encore cependant une zone prospère. Mais il faut s'interdire toute comparaison avec l'Europe et surtout avec la France. On peut cependant prédire que, grâce au protectorat et aux progrès de la colonisation, la production fiscale de la Tunisie se développera, bien que ses ressources budgétaires actuelles ne comportent aucune fantaisie. On peut améliorer certaines taxations avec prudence et patience, mais il faut laisser les éléments économiques grandir. Le moment est encore loin où la Tunisie pourra faire face aux frais militaires d'occupation. Les dépenses budgétaires de 1896 égalent les receltes : 1° Service de la dette Fr. 6.307.500 2° Finances centrales 3. 280. 000 3° Bey et sa cour 1.712.700 1° Pensions diverses 129.200 5° Postes et télégraphes '.175.000 6° Administration générale 3.276.960 7° Enseignement public 843.217 8° Contrôle et agriculture 1.194.698 9° Armée lunisietine 611.979 10° Travaux publics 4.069.500 11° Divers _ 436 000 Fr. 22.840.354 714 ÉCONOMIE POLITIQUE Il semble que les frais divers d'administration et de contrôle s'élevant à près de 8 millions de francs, c'est-à-dire à plus du tiers des recettes, doi- vent être excessifs et pourraient être fortement réduits. De nombreux changements ayant été apportés à l'application du régime de l'act Torrens en Tunisie, les frais ayant été diminués, il s'est produit un accroissement notable des immatriculations. De juillet 1885 à juin 1896, il n'y avait eu que 196 demandes portant sur 95.000 hectares, alors que le domaine français s'étendait sur 450.000 hectares environ. On redoutait les frais de l'immatriculation qui s'étaient souvent élevés à un minimum de 0 fr. 87 c. par hectare et à un maximum de 13 fr. 24 c. Depuis l'abaissement des frais, on a obtenu de bien meilleurs résultats. Hectares. Titres. Propriétés immatriculées 145.000 822 Propriétés bornées, ayant leur plan . . . 162.000 389 Propriétés bornées, ayant encore le plan à lever 205.000 575 Propriétés à borner 10.000 7! Totaux 582.000 1.857 Rejetés ou abandonnés 10.000 22 Total 1.879 En ce qui concerne les nationalités, il y avait, au 31 décembre 1894, 105.000 hectares immatriculés, se répartissant ainsi : Français 55.000 Indigènes i2.000 Étrangers 8.000 Sur ces 42.000 hectares indigènes, 35.000 appartiennent à l'État ou à l'Assis- tance publique : la part réelle des musulmans se réduisait à 7.000 hectares, soit une quantité infinitésimale en regard de leur avoir terrien. La situation budgétaire de la Tunisie est donc assez satisfaisante. Les ressources sont susceptibles d'accroissement avec le développement écono- mique de la Régence qui dépend entièrement de l'afflux des colons et des capitaux français : on évalue à 15,000 le nombre des colons propriétaires d'environ 450.000 hectares de terre. Ce ne peut être là qu'une première étape à laquelle en succédera une seconde, plus favorisée, aussitôt que le nouveau réseau ferré sera établi avec les routes destinées à alimenter son trafic. G. VINCENT. — REVISION DU LIVRE II DU CODE DE COMMERCE 715 M. Gustave YOCENT REVISION DU LIVRE II DU CODE DE COMMERCE 347 7(611)1 — Séance du 3 avril 1896 — Il y a nombre d'années que l'industrie française, ne trouvant plus, dans la consommation locale de quoi alimenter un outillage perfectionné, avide de produire, a dû se mettre en quête de nouveaux débouchés. C'est ainsi que le problème des transports, par les voies maritimes, s'est posé parallèlement à celui de nos exportations, questions des plus inté- ressantes pour nos industries françaises. Par contre, les Compagnies de navigation, sollicitées par nos producteurs, se sont trouvées dans l'obligation de faire face à la concurrence de la marine étrangère et, partant, de réduire les frets, au minimum, en même temps qu'elles recherchaient une compensation à ces sacrifices, en prenant les moyens de se soustraire aux charges et responsabilités encourues à l'occasion des transports. Les armateurs se sont ligués, dans un intérêt commun, sur ce point où la conciliation pouvait aisément se faire. Ils ont décidé d'insérer dans leurs connaissements des clauses, ayant toutes pour but de les exonérer des fautes, quelles qu'elles soient, commises par leurs préposés. Nous avons, dans un précédent rapport, relevé et défini la valeur qu'il faut donner aujourd'hui aux connaissements, où ne figurent que des clauses imposées, où l'armateur dicte des conditions léonines, auxquelles le chargeur n'est pas libre de se soustraire, quand les Compagnies sub- ventionnées exploitent, sans concurrents, les principales lignes de la navi- gation. C'est pourquoi, nous définissons le connaissement, non plus un contrat, mais un acte de décharge, créé pour elles par les Compagnies maritimes, à l'occasion d'une opération de transport, où le chargeur engage parfois toute sa fortune de laquelle les compagnies n'auraient cure, si la justice, après la loi, ne tenait sévèrement la main aux fautes et responsabilités encourues. Les dangers que courent les chargeurs sont d'autant plus grands que 716 ÉCONOMIE POLITIQUE les Compagnies d'assurances ne consentent pas, d'ordinaire, à couvrir les risques des avaries, lorsque celles-ci ne sont pas la résultante d'un cas de force majeure, tels que: naufrages, incendies, etc., etc. et qu'ainsi les fautes des Compagnies sont dépourvues de toute sanction. La plupart des tribunaux de commerce, et, après eux, les cours d'appel, bien placés pour apprécier les conséquences fâcheuses causées à notre industrie par les clauses draconiennes portées aux connaissements, avaient décidé, il est vrai, et plusieurs continuent encore à maintenir, que les obligations des Compagnies maritimes, comme celles de tous commissionnaires de transport, sont de droit strict, auquel il n'est pas permis de se soustraire à la faveur de dispositions spéciales contraires. Mais la Cour de cassation, ne voyant dans les règles posées dans le code, que des prescriptions relatives, propres à déterminer des situations générales non réglementées, n'a pas cru devoir admettre des interprétations données par les juridictions de première instance et d'appel; elle a refusé de reconnaître le caractère d'ordre public à ce genre d'obligations: c'était dès lors donner aux clauses des connaissements, et aux connais- sements eux-mêmes, la valeur d'une convention régulière ayant force de loi entre les parties. C'est alors que le commerce lésé s'est élevé avec force contre les pré- tentions des Compagnies maritimes, parce qu'elles se trouvent ainsi bénéficier d'un véritable monopole d'irresponsabilité sanctionné, mono- pole allant jusqu'au mépris du principe, jusqu'alors respecté, à savoir que : nul ne peut couvrir sa propre faute. La plupart des Chambres de commerce françaises sont intervenues ; les Congrès ont exprimé des vœux et pris des résolutions : ceux de Hambourg d'Anvers et de Bruxelles, tenus en 188o et 1888, ont protesté à leur tour, dans le môme sens. Les Etats-Unis d'Amérique, toujours plus prompts aux décisions quand il s'agit de réformes reconnues nécessaires, ont, parle bill du 13 février 1893, déterminé, d'une façon étroite, les responsabilités des armateurs. Enfin, et en présence de toutes ces manifestations, la France comprit enfin qu'il fallait remédier au mal. Un projet de loi, sigoé de MM. André Lebon et Trarieux, a été déposé le 22 octobre 189o. Les auteurs du travail y reconnaissent l'utilité de refondre et de reviser les dispositions du livre II du Code de commerce; ils sont d'avis de refuser une sanction régulière à toutes dispositions insérées dans un connaisse- ment qui tendraient à diminuer ou à détruire les obligations qui résultent pour les armateurs, du principe de contrat de transport, lequel consiste à délivrer les marchandises dans l'état ou ils les ont reçues, sous réserve des cas fortuits, de force majeure ou de détérioration des marchandises, par G. VINCENT. — REVISION DU LIVRE II DU CODE DK COMMERCE 717 suite d'un vice propre, tel : réchauffement des produits, ou les coulages à la suite de fermentation des liquides. Seules, les Compagnies maritimes, toutes-puissantes, s'élèvent contre ces protestations unanimes, au nom de la liberté des conventions; mais leurs critiques ne reposent sur d'autres considérations que celles, Ibrt naturelles d'ailleurs, de vouloir détendre leur propre cause; c'est ainsi que leur principal argument consiste à prétendre qu'interdire à l'armateur de limi- ter son risque, ce serait l'exposer aux hasards de toutes les revendications fantaisistes qu'on appelle le dommage-intérêt; qu'il ne lui resterait plus, comme suprême ressource, qu'à élever les prix, de façon à se constituer comme une prime d'assurance contre le risque qui lui serait imposé; ce serait-là, dit-il, porter atteinte au pavillon français, eu faisant le jeu de la concurrence par la navigation étrangère. Il n'est pas possible au commerce d'entrer dans ces considérations peu concluantes; car, en cas d'avaries et, partant de demande en dommages- intérêts, si les revendications faites par les chargeurs sont fantaisistes, leurs conséquences en sont dangereuses, surtout pour ceux-ci, et non pour les Compagnies ; quoi qu'il en soit, il importe que les droits des intéressés soient réciproques et demeurent pleins et entiers. Quant aux dangers que la marine étrangère pourrait faire courir à la navigation française, en cas de relèvement des prix, on pourrait justement se demander alors si la mise en état d'infériorité que celle-ci redoute ne serait pas due, en dépit des subventions gouvernementales concédées, à une insuffisance personnelle imputable à nos armateurs, seuls reprochables ; quoi qu'il en soit, les conséquences ne peuvent en être reportées aux chargeurs, lesquels, une fois le prix du transport discuté et payé, quel qu'il soit, ont le droit d'exiger que l'objet confié parvienne à destination dans l'état où il a été remis ; ou alors, les garanties des transports n'exis- tant plus, devrait disparaître, avec elles, la raison d'être des Compagnies. Four conclure, sur ce premier point, nous pensons que le commerce tunisien doit émettre le vœu que le projet de loi déposé à la Chambre des députés, le 2:2 octobre 1895, soit suivi et qu'une décision conforme intervienne au plus tôt dans cette importante question. Compétence des Tribunaux tunisiens en matière d'avaries de'transports. Dans le même ordre d'idées, les commerçants d'Algérie et de Tunisie ont particulièrement à se plaindre des Compagnies maritimes françaises. .Nous disions, plus haut, que les clauses et conditions imposées, dans les connaissements, n'avaient d'autre but que de créer aux armateurs un monopole d'irresponsabilités, en leur permettant de dicter leurs volontés aux chargeurs obligés de subir la loi du bon plaisir. 718 ÉCONOMIE POLITIQUE La Société pour la défense du commerce et de l'industrie en Tunisie, aux dates des 31 juillet 1894, 14 mars et 27 mai 189o, a demandé que les Com- pagnies maritimes françaises subventionnées fussent astreintes aux obli- gations légales résultant du droit commun, notamment en ce qui concerne l'attribution de juridiction, en matière d'avaries de transport. Nous rappellerons ici les faits d'une question qui intéresse, au plus haut point, tous les commerçants de la Tunisie. Les Compagnies maritimes de Marseille, avec lesquelles les négociants tunisiens sont le plus en rapport, ont toutes adopté, en ce qui concerne la compétence des tribunaux, une disposition particulière et contraire, selon que les transports s'effectuent de Tunisie en France ou bien de France en Tunisie. Les connaissements de la Compagnie transatlantique ont servi de type modèle aux autres Compagnies qui ne font que les reproduire. Dans le premier cas (exportation tunisienne), cette Compagnie se sert d'un connaissement gris, dont l'article 23 est ainsi conçu : « Art. 23. — Le présent connaissement sera régi par la loi française, et toutes les contestations auxquelles son exécution pourrait donner lieu entre toutes les parties intéressées devront être portées devant les tribunaux de commerce compétents. » Dans le second cas (importation française), la même Compagnie emploie un connaissement rouge, où l'article 23 est ainsi libellé : « Art. 23. — Le présent connaissement sera régi par la loi française, et toutes les contestations auxquelles son exécution pourrait donner lieu entre toutes les parties intéressées devront être portées devant le Tribunal de commerce du lieu où il a été créé et auquel, de stipulation expresse, il est fait attribution de juridiction. » Comme on le voit, les Compagnies maritimes imposent à tous les char- geurs, en vertu d'une clause inscrite dans leurs connaissements, l'obligation de reconnaître et de se soumettre, en toutes circonstances, aux tribunaux des ports français. D'où il résulte que l'action litigieuse, relative aux transports, à l'occa- sion des exportations tunisiennes, peut être portée, par les destinataires français, devant leurs juges naturels, ceux du tribunal du point d'arrivée, tandis que les Compagnies refusent le même droit aux Tunisiens, quand ceux-ci reçoivent des marchandises arrivant de France. Cependant, il n'est pas douLeux, qu'en matière d'avaries, ce n'est qu'au lieu de destination que les constatations peuvent avoir lieu avec intérêt ; G. VINCENT. — REVISION ]>lï LIVRE II DU CODE DE COMMERCE 719 que les circonstances de fait, ainsi que les causes et l'étendue du dom- mage, peuvent être déterminées et ûxées. Porter en France, disions-nous à ce sujet, une contestation qui repose sur un dommage causé à l'occasion d'une traversée ou d'un débarquement à Tunis, est un obstacle à la démonstration du fait, puisque, dans ce cas, l'autorité judiciaire française du lieu d'embarquement ne dispose pas des moyens d'information directe, des circonstances de temps, de lieux et de personne, tous points qu'il importe de posséder pour appuyer des déci- sions motivées. En obligeant le commerçant tunisien à porter ses réclamations en France, quand il a ses juges français à Tunis, c'est mettre celui-ci dans l'impossi- bilité de défendre sa propre cause, car il devrait confier, par correspon- dance, à des avocats et à des magistrats qui lui sont étrangers ; il sera obligé d'exposer des frais qu'il pourrait éviter ; les lenteurs des procédures s'ensuivront ; on lui enlève, en un mot, toutes les garanties qui font défaut quand un litige est déplacé du lieu favorable à son étude. Cependant il n'est pas douteux que les intérêts de ceux qui se servent des Compagnies maritimes de transport sont tout aussi intéressants et plus importants, que ceux des Compagnies maritimes ; à ce titre, ils ont droit à ce que la loi qui les régit soit respectée et leur serve de sauve- garde. D'autre part, si les commerçants tunisiens et algériens trouvent dans la magistrature française, établie dans ces colonies, les garanties désirables pour réglementer leurs différends journaliers ; si les commerçants étran- gers eux-mêmes se soumettent de bonne grâce à notre autorité judiciaire qu'ils ont librement reconnue, on ne s'explique pas les résistances rencon- trées chez nos Compagnies de navigation française, si ce n'est par cette raison donnée d'ailleurs par elles-mêmes, à savoir qu'elles veuillent, à tout prix, se soustraire aux réclamations et aux demandes fantaisistes en dom- mages-intérêts auxquelles on voudrait les soumettre. Elles savent très bien qu'en obligeant les Tunisiens et les Algériens à aller demander au tribunal français, de France, la réparation du dom- mage causé, elles les mettent dans la nécessité de renoncer au bénéfice de la réparation même, au moins dans la plupart des cas. A ce sujet, nous rappellerons nos rapports précédents, rendant compte des réponses faites à nos corps élus par M. le Directeur général des Postes et M. le Ministre du Commerce d'alors, après enquêtes faites, par eux auprès des Compagnies maritimes. Nous avons encore à la mémoire la déclaration faite à ces hauts fonc- tionnaires par la Compagnie française « Fraissinet », de Marseille : « Les petits tribunaux français d'Algérie et de Tunisie, dit-elle, sont » inaptes à statuer dans la plupart des différends maritimes ; c'est pour 720 ÉCONOMIE POLITIQUE » cela que leurs sentences sont, presque toujours, réformées en appel et » en cassation. » Cette surprenante Compagnie, laquelle d'ailleurs ne fait pas de service avec la Tunisie et, par conséquent, qui n'est pas appelée à apprécier la valeur et l'impartialité de notre magistrature, va jusqu'à prétendre que le tribunal de commerce de Marseille, par contre, donne toutes garanties désirables d'intégrité et a une connaissance plus approfondie des questions de navigation. Ce fut en présence de telles déclarations, dont l'autorité gouvernemen- tale n'a pas hésité à se faire l'écho, fidèlement transmis, sans commen- taires, que le rejel de nos revendications, pourtant bien légitimes, fut décidé. Dans ces conditions, il faut bien conclure que les influences des grandes Compagnies maritimes, coalisées, les placent au-dessus de ceux-là qui les font vivre, aussi bien que des autorités dont elles relèvent et qui les sub- ventionnent. Nous avions toujours demandé, à l'égard des Compagnies subventionnées, assurant des services postaux, que, dans les cahiers des charges, le gou- vernement français imposât aux concessionnaires l'obligation de recon- naître la compétence des tribunaux africains, en matière d'avaries et à l'occasion des transports effectués de France en Algérie et en Tunisie. Ne pouvant vaincre aimablement les résistances qu'on nous oppose, nous réclamons, en outre, aujourd'hui, que pareille disposition soit régle- mentée par un texte de loi. Par l'exemple cité plus haut, nous pensons avoir démontré suffisam- ment que l'intervention de la loi dans la rédaction des conventions, loin d'être dangereuse, comme on s'est plu à le prétendre dans un but inté- ressé, s'impose, au contraire ; et, puisque nos revendications demeurent impuissantes, même avec l'assistance de nos Chambres de commerce et autres institutions locales, ou de nos autres représentants accrédités, nous faisons appel à la haute autorité du Congrès de Tunis, et lui demandons qu'il fasse entendre notre voix, pour que satisfaction nous soit enfin accordée. Dr BERTHOLO.N ET GOGUYER. — DEUX GRANDS POHTS TUNISIENS 721 MM. le D' BERTHOLOIT.et (xOG-UYEE .1 lniiis. LES DEUX GRANDS PORTS TUNISIENS DE BIZERTE ET BOUGHERARA-GIGTHIS 961 1' — Séance du 3 avril 1896 — La grande excursion à Bizerte de l'Association française aura lieu tout prochainement. On a tant dit sur les avantages maritimes, commerciaux et militaires de ce point, qu'il est difficile de rien ajouter à pareil concert d'éloges. On pourrait plus aisément beaucoup en retrancher. Tout d'abord, nous vous prierons de considérer les choses en hommes pratiques, et non avec votre imagination. Jusqu'à Djedeida, vous voyagerez sur la ligne de îa Medjerda. Tous les produits de cette immense vallée ont comme débouché naturel Tunis et non Bizerte. Les terres que vous traverserez ensuite jusqu'au Djebel Bell il expédient également sur Tunis, beaucoup plus proche. Enfin vous arrivez dans la vallée de Màteur. Elle est fertile, pleine de promesses; c'est une nouvelle Milidja, mais comparable à celle de 18o0, c'est-à-dire d'une insa- lubrité notoire. La colonisation mettra longtemps à s'y implanter, car le gouvernement du Protectorat improuve le procédé de peuplement par villages, que celui de l'Algérie employa jadis avec succès. Quelques petits colons, attirés par M. Bourde, auquel les considérations climatologiques semblaient un peu étrangères, vivent dans cette région, ou plutôt y luttent contre le paludisme. Ce n'est pas là un gage de grande prospérité pour l'avenir de la colonisation française, de laquelle seule il faut attendre les produits agricoles destinés à alimenter le trafic de Bizerte. Aussi, pour le moment, la ligne n'a-t-elle guère à drainer que ceux des tribus indigènes, qui, de ce côté-là, sont à peu près aussi arriérées qu'en Kroumirie. Quand on aura aligné les chiffres suivants : Mogod 9.000 Béjaoua T..'îT"i Territoire de Màteur il. 500 Total. . . . 25.873 on trouvera, pour alimenter le trafic du grand port, une population d'environ 25.000 indigènes. Ceux-ci sont des sauvages, ne sachant cultiver 46* 722 ÉCONOMIE POLITIQUE les céréales que par les procédés les plus primitifs, et pratiquant un élevage tout à fait barbare. C'est assurément un chiffre dérisoire. Pour ne pas nous exposer au reproche de négliger certaines populations, nous devons signaler quelques villages relativement industrieux situés à l'est de Bizerte : Menzel Djemil ) 2Q(){) Menzel Abderrahman ) Metline 500 Ras-el-Djebel 2.200 ™fv ' ! [-m Porto-Fan nu ' El-Alia 1.G00 Totai 7.700 Ce sont des Berbers qui pratiquent quelques cultures d'oliviers, pommes de terre, raisin à sécher, coton. Avec cela, les 5.000 à 6.000 habitants de Bizerte. On trouve difficilement dans cette population de 39.000 à 40.000 indi- gènes les éléments d'un trafic susceptible de donner de l'animation à un grand port de commerce. Aussi, malgré tant de descriptions dithyram- biques, ou plutôt à cause d'elles, serez-vous péniblement impressionnés d'arriver dans un village arabe assez malpropre, dans le voisinage duquel gît tristement le squelette d'une cité à naître. C'est là le port si vanté ! Kizerte vous apparaîtra donc comme le produit d'une erreur écono- mique au point de vue du commerce local. On eût pu en faire un lieu de trafic international. En vue de Bizerte détile en effet, nuit et joui1, une véritable procession de navires de toutes provenances. Il eût fallu les attirer ; ils auraient pu, en venant faire du charbon et des vivres, donner de la vie à cet embryon inanimé. Des taxes élevées ont empêché encore la réalisation de ce projet, qui eût pu influer le plus heureusement sur les relations extérieures du pays, si de plus le port avait été déclaré franc. Mais, ne correspondant pas à une région terrestre capable d'alimenter son trafic, et n'ayant pas été doté des attraits artificiels qui ont fait du rocher de Malte un carrefour de la Méditerranée, Bizerte pouvait encore vivre comme port militaire, et c'est même le seul rôle qui paraît destiné à ce Brest de l'Afrique du Nord. Malheureusement, le gouvernement fran- çais, après y avoir pensé quelque temps, semble, pour le moment, s'en être désintéressé. Quoi qu'il en soit, et c'est là le point sur .lequel nous voulons attirer votre attention, des entrepreneurs n'ont pas craint de jeter à la mer l'argent nécessaire pour construire un superbe avant-port de 100 hectares de I)' BERTHOLON ET GOGUYER. — DEUX GRANDS PORTS TUNISIENS 723 superficie, et un canal profond de (S mètres, large de 60 mètres au plafond, pour relier cet avant-port au lac de Bizerte, qui est d'une superficie d'environ 30.000 hectares. On n'a même pas reculé devant la dépense d'une voie terrée pour assurer les communications entre ce port et Tunis. Ainsi donc, on a pu réunir des capitaux suffisants pour tirer parti, au seul point de vue militaire, d'une mer intérieure ne présentant, comme on vient de voir, que des conditions peu favorables à un trafic rémunérateur; or, il semble qu'il y aurait pour l'État une faute bien grave à ne pas employer les mêmes moyens, que l'expérience acquise ainsi pourrait encore permettre de perfectionner, en vue d'utiliser une autre mer intérieure bien autrement favorisée par les hommes et par la nature. .Nous voulons parler du lac immense qui se trouve entre l'île de Gerba et le continent. Ce lac constitue l'incomparable port naturel de Sidi-Salem-Bougherara. C'est sur l'avenir de ce point que nous désirons attirer votre attention, en montrant sa supériorité sur le précédent. Son importance commerciale serait en effet au-dessus de toute compa- raison avec ce que nous venons de voir. Résumons les moyens de pro- duction du pays environnant. L'île de Gerba n'est pas accessible au nord, à cause des hauts-fonds. Ceux-ci, d'ailleurs, abritent son rivage et surtout le lac, qui, situé en arrière de l'île, se trouve bien au delà de la portée d'un bombardement. Il en résulte que son port naturel est Ajim, situé au sud-ouest de l'île. Ce serait comme l'avaiil-port de Bougherara. Or, Gerba possède 40.000 habitants, c'est-à-dire autant que la population totale des dépendances de Bizerte. A signaler, avant tout, cette différence, que ce ne sont pas des sauvages, mais les plus civilisés de tous les Tuni- siens. Ces gens sont industrieux : ils fabriquent des tissus de laine et de soie, de la poterie; ils sont pêcheurs ; ils cultivent avec soin, dans leur immense jardin de 64.000 hectares, 400.000 oliviers, 300.000 dattiers, quantité de vignes et arbres fruitiers de diverses sortes, toutes les plantes maraiebères utiles au ravitaillement des navires. Ils récoltent par an L600.000 kilogrammes d'huile d'olive. C'est la partie de la Tunisie, et on peut dire de la Berbérie tout entière, où les indigènes ont poussé l'agri- culture et l'industrie au plus haut degré de production. Les habitants de Gerba sont avec cela des commerçants intrépides, bien plus nombreux, non moins habiles et honnêtes tout à la fois que leurs congénères les Mozabiles d'Algérie. On pourrait compter sur eux d'abord pour achalander le nouveau marché, puis, quand ils essaimeraient par les voies nouvelles dont nous allons esquisser le projet, pour provoquer, bien loin aux alentours du nouveau port, un mouvement commercial en rapport avec sa puissance de travail. Le continent, dans cette partie qui servit de route à l'invasion arabe, 724 ÉCONOMIE POLITIQUE n'a pas, sauf chez les Akkara et à Zarzis, une population aussi brillamment douée que celle de l'île. Si cependant on fait le recensement des indigènes susceptibles d'amener leurs produits à Bougherara, où leurs ancêtres, Berbers hellénisés, avaient construit la ville de Gigthis, on relève : Zarzis et les Akkara S. 800 Ourghamma et Oudarena (iO.OuO Région de Doniret et Chenenni . . 7.500 Totai 73.300 A y joindre les envois que la région de Gabès, qui en dépend aussi, pourrait y faire si les paquebots fréquentaient régulièrement ce port. On trouve ainsi que le port de Bougherara- Gigthis peut servir de débouché à : il t. 000 Gerbiens, 73.300 habitants du voisinage immédiat, 15.000 habitants de Gabès. Total. . . 128.300 Ce sera avec Tunis le port qui desservira la population la plus nom- breuse, avec cette différence qui semble être la caractéristique de la supé- riorité du sud, que, dans le nord de la Tunisie, le prix de l'hectare de la terre la mieux cultivée atteint rarement quelques centaines de francs, et, même en plantations, ne dépasse guère un millier de francs, au lieu qu'il atteint jusqu'à 20.000 francs dans les oasis du sud. Cet écart dans la valeur des terres marque bien la différence de puis- sance productive entre les sauvages du nord et les civilisés du sud ; car il est un fait hors de doute, c'est que, sur la côte tunisienne, la civili- sation va en se perfectionnant à partir du nord. Au sud, la race berbère, qui y a conservé sur la plupart des points son antique langage, s'est mieux défendue contre l'arabisation qui a stérilisé la riche province romaine. C'est peut-être que le flot, violent mais court, des Beni-Hilal poursuivit tout entier sa progression rapide, sans aban- donner aucune épave arabe derrière lui, jusqu'à ce qu'il ne rencontrât plus rien à ravager, c'est-à-dire jusqu'aux rivages du nord et de l'ouest de la Berbérie; on peut aussi l'expliquer par ce fait que de rares tribus demeurèrent en arrière, fatiguées, affaiblies par la lutte, ou séduites par les avantages du pays ; et elles durent mal résister aux autochtones saha- riens, plus belliqueux que les Africains et les Numides, comme aux miasmes des palmeraies auxquels les sédentaires cynophages étaient acclimatés par une sélection plusieurs fois séculaire. Dr BERTH0L0N ET GOGUYER. — DEUX GRANDS PORTS TUNISIENS 725 Parmi les Bcrbers du sud, les nomades en particulier sont de grands éleveurs ; on voit chez eux d'innombrables troupeaux de chameaux, de chèvres et de moutons. C'est au sein de leur population sédentaire que se recrute dans les villes du nord tout le personnel des petits métiers où il faut de l'activité, associée avec de l'honnêteté et de l'intelligence. À Tunis, notamment, tous les commissionnaires et portefaix viennent des oasis du littoral tunisien et tripolitain ; beaucoup de terrassiers, de là et du Fezzan ; tous les gardiens privés, du Touat et de l'Oued-Draa; les bou- langers, de Ghadamès; les charretiers et les porteurs d'eau, du Souf et du Djerid ; les épiciers et autres petits commerçants, les baigneurs, de Gerba et du Mozab. De là ces laborieux et paisibles travailleurs reviennent toujours au village avec le pécule amassé à force d'économie et de pri- vations. Ici se pose la question d'arrière -terre. Rappelons-le, celle-ci n'existe pas pour Bizerte. En effet, en regard de ce dernier port, et à peine au delà de quelques dizaines de kilomètres, un chemin de fer, parallèle à son rivage, suivant une longue vallée, aboutit au port de Tunis, capitale du pays, et y draine tout le trafic. Au contraire, Bougherara, au fond d'un golfe et non au bout d'un pro- montoire, exercera son action dans deux directions principales : 1° Au nord-ouest, par une brèche de l'Atlas, vers l'Algérie ; 2° Au sud, par une continuation de la dépression syrtique, vers Gha- damès et Temassa'nine, puis d'une part vers le Touat et de l'autre vers le Soudan. Au nord-ouest. L'un de nous a exposé dans divers mémoires spé- ciaux toute l'importance d'une voie ferrée qui desservirait d'abord par un court embranchement les phosphates des environs de Gafsa. Cette direction, au point de vue de ces gisements, est bien supérieure à celle que l'on a voulu imposer aux concessionnaires pour aboutira Sfax. Par là ils seraient entraînés dans de telles dépenses, qu'ils viennent de renoncer à leur entre- prise. Les transports sur Bougherara-Giglhis coûteraient deux fois moins cher que sur Sfax. En même temps, ce serait le débouché naturel des nombreuses oasis du Djerid et de Gabès. Cette ligne, qu'il faudrait souder le plus tôt possible au réseau algérien, à Tébessa, aurait alors une importance stratégique considérable. C'est ce qu'on appréciera, si au lieu de se placer à l'étroit point de vue local qu'ont adopté nos administrateurs tunisiens, on s'élève au-dessus des mesquines considérations de clocher, pour envisager la question, en se préoccupant avant tout de la grandeur nationale. Il est évident qu'un camp retranché, installé à Souk-Aliras, au carre- four des principales voies naturelles de la Berbérie orientale, dans un pays sain et fertile, jouerait un rôle analogue à celui que Tébessa et Lambèze 726 ÉCONOMIE POLITIQUE ont joué sous la domination romaine, avec cette différence que les puis- sants moyens de transport en usage aujourd'hui permettraient à celui-là de remplacer les deux antres. La sécurité serait complète contre l'ennemi du dehors comme du dedans, quand on pourrait, de ce nœud stratégique, jeter ses troupes, au gré des événements, soit sur la province de Constan- tine, sur le littoral, Bizerte et le cap Bon, soit sur le sud tunisien qui, aujourd'hui, reste absolument abandonné et impossible à secourir en cas de guerre européenne, — et cela même lorsque les chemins de fer du littoral seront construits, si l'on exécute entre Gafsaet Sfax le projet actuel, aussi contraire à la stratégie qu'aux intérêts économiques. — Et il est cependant trop certain que notre avertissement n'est pas susceptible de faire revenir la haute administration tunisienne sur un projet conçu par elle en toute connaissance de cause ; car, à ses yeux, le défaut que nous lui signalons constitue le principal mérite de ce tracé, conforme à un sys- tème éminemment particulariste, qui a pour objet principal l'isolement de la Tunisie par rapport à l'Algérie. Mais la métropole portera peut-être un jugement différent.sur cette question bien digne d'attirer l'attention de ses hommes d'État. Au sud. L'importance du port de Bougherara-Gigthis est surtout dans le rôle qu'il peut jouer au point de vue du commerce saharien. L'emporium de Ghadamès a été prospère tant que ses caravanes ont pu aboutir à Gerba ou à Gabès. Quand le commerce, troublé par les incur- sions des nomades arabes, s'est détourné vers Tripoli, Ghadamès a été ruiné. Il est évident que le jour où les débouchés de cette région sur le sud tunisien seront rétablis, le commerce reprendra ses anciennes habi- tudes, qui avaient pour cause des conditions topographiques relativement favorables. Car Tripoli, outre les inconvénients naturels d'une arrière- terre plus accidentée et plus aride, a contre lui deux mauvais éléments : le port y est détestable, et l'administration turque, d'ailleurs incapable de donner la sécurité au pays, grève les marchandises d'un droit de 8 pour cent, ad valorem. Des pourparlers avec des négociants tripolilains ont permis à l'un de nous de se rendre compte que le commerce déserterait rapidement Tripoli : 1° si le gouvernement tunisien facilitait l'aménagement d'un port à Bou- gherara-Gigthis ; 2° s'il garantissait la sécurité au moins jusqu'à Ghadamès: 3° s'il exonérait de tout droit pendant quelques années, dans cette zone frontière devenue fiscalement neutre, les marchandises destinées au Sahara el au Soudan ; '" si le gouvernement français acceptait en franchise à Marseille les cuirs soudanais arrivant par Bougherara, qui viendraient alors en des conditions assez avantageuses pour comporter la coûteuse traversée du désert et assurer aux caravanes un fret de retour en quantité indéfinie. La roule la plus courte, en même temps que la moins accidentée, pour D' liERTHOLON ET GOGUYKR. — DEUX GRANDS PORTS TUNISIENS Tv27 arriver du Touat à la mer, est aussi celle qui aboutit à Bougherara. C'est là ((n'est le vrai port du Touat. Les ports algériens ne sauraient lui faire concurrence, vu leur éloignement et surtout les reliefs montagneux qui les en -('[tarent. Dans tous les sens, de Ghât, le grand marché saharien, et peut-iMre même du Fezzan, où l'on connaît encore le chemin du golfe de Gabès, jusqu'au Touat, et peut-être même jusqu'au Tafilalet et à l'Oued Draa, rayonneraient les voies caravanières, dont plusieurs ne précéderaient que de bien peu des routes plus perfectionnées. Une ligne ferrée qui, pour le début, relierait Bougherara à un point voisin deGhadamèssurle territoire français, recueillerait tout le trafic sou- danais soit par Ghât, soit par Insâlah, soit par une voie intermédiaire qui rétablirait l'exploitation des salines d'Amadghor. En même temps ce serait un léger déplacement de Ghadamès dans l'ouest à notre prolit, et la ruine de Tripoli qui resterait tout au plus tête de ligne pour les caravanes venues du Tchad par la route de Bilma. Est-il même téméraire d'espérer que les facilités résultant de ce chemin de fer, d'une police bien faite, d'une justice impartiale, d'un port habilement outillé, d'un marché maritime puissam- ment achalandé, réussiraient à détourner vers notre ligne deKano-Amad- ghor-Ghadamès tout le trafic du Bornou et du Baguirmi ? Jusque vers Douirêt, cette première ligne ferrée pourrait trouver dans le trafic local des revenus appréciables. Dans le voisinage immédiat du port, les immenses salines de Bahirt-el-Biban fourniraient déjà un certain élément de trafic. Plus loin, vers le sud, la population indigène, depuis que la tranquillité lui est rendue, augmente en nombre et en bien-être, sur ce sol dont la richesse passée est affirmée par des ruines innombrables. Ensuite, au delà de Douirêt, il y a plus de cent mille hectares de terre aujourd'hui abandonnée mais fertile et immédiatement utilisable pour une colonisation, dont le premier résultat serait d'augmenter notablement le trafic. En résumé, Bizerte, où de si grosses sommes ont été sacrifiées, ne paraît devoir rester qu'un simple port militaire. Tout au plus pourrait-on eu faire aussi un port de ravitaillement. Bougherara, où l'on n'a rien fait, présente les conditions suivantes: I " Port militaire incomparable, d'une sécurité parfaite contre les hommes et contre les éléments, d'une superficie double de celle du lac de Bizerte, avec des fonds de 20 à 2."> mètres, c'est une des clefs de notre occupation dans l'Afrique du Nord, surtout si on le relie aux chemins de fer algériens, avec un camp retranché à Souk-Ahras; 2° Port d'exportation de premier ordre, où pourraient s'embarquer les phosphates de la région de Gafsa. les alfas, les moutons des nomades, les «lattes et autres produits des oasis, les huiles de Gerba, etc., ce serait 728 ÉCONOMIE POLITIQUE le port qui aurait, de ce chef, le trafic le plus important après celui de Tunis ; 3° Port du commerce saharien et transsaharien, c'est une des bases de la création de notre empire soudanais. Il suffît d'observer quel a été le développement de Tripoli, qui ne possède guère que cet élément commer- cial, pour se rendre compte de ce que deviendrait Bougherara-Gigthis, certainement beaucoup mieux doté par la nature. Et quels travaux serait-il nécessaire d'exécuter pour utiliser ce port? Il faudrait, en faisant sauter quelques écueils, régulariser le chenal, long de 1.800 mètres, qui passe devant Ajim, puis installer un appon- tement à Bougherara, où les navires peuvent approcher très près du rivage. Un peu plus tard, quand le trafic le comporterait, des quais, faciles à établir dans cette eau calme, permettraient aux navires d'accoster direc- tement. Voilà des travaux qui sont bien loin de représenter la masse d'efforts et de dépenses employés à la création de l'avant-port et du cbenal du port de Bizerte ; des spécialistes ont évalué cela à quelques centaines de mille francs. Le capital engagé étant beaucoup moindre, la Société concessionnaire pourrait établir des droits de port excessivement faibles. Quant aux deux lignes ferrées, celle des phosphates serait d'environ 250 kilomètres, sans aucune difficulté de terrain, et celle de Ghadamès, tout aussi facile, atteindrait 400 kilomètres. Au début, on pourrait arrêter celle-ci un peu au delà de Douirêt, soit à 200 kilomètres environ, à l'en- trée du pays saharien où le chameau l'emporte sur les autres anciens moyens de transport, ce qui fait qu'il faudrait y rompre charge, et à la sortie du pays partiellement arabisé, où les caravaniers Touareg, venus par Ghadamès du Touat et du Soudan, ne s'engageraient pas sans concevoir des appréhensions contre leurs ennemis héréditaires. C'est là, et plus pré- cisément auprès du bon puits de Keira, en un point déjà signalé à cet effet par l'administration militaire des Renseignements, qu'il conviendra d'établir un premier marché, en abandonnant le poste insalubre et incom- mode de Tettaouine. L'Etal n'aurait aucune dépense à assumer en tout cela. L'industrie privée pourrait tout faire. A la Compagnie du port il concéderait les terrains urbains qu'il possède et l'exploitation du port pendant une période fixée. A la Compagnie du chemin de fer de Gafsa, les phosphates et aussi une plaine de 30.000 hectares, très fertile, le Bled-Segui, situé à mi- chemin entre Gafsa et Gabès, à 70 kilomètres de part et d'autre, qu'il peut acquérir par voie d'expropriation à vil prix. A la Compagnie du chemin de fer- de Ghadamès, 100.000 hectares cultivables dans la région de Bomada, où l'on rencontre les ruines d'une hr BERTHOLON ET GOGUYER. — DEUX GRANDS PORTS TUNISIENS 729 douzaine de villages berbers, d'huileries, de puits et des vestiges de nom- breuses olivettes. La facilité des communications, la sécurité, la salubrité de ce lieu haut et bien aéré, permettront de repeupler un pays autrefois prospère, aujourd'hui désolé. Pareille revivification assurera un trafic im- portant à cette partie de la ligne, en même temps que des bénéfices à la Compagnie, qui acquerra la plus-value des terres. De là il faudrait encore abandonner à la Compagnie, dans une certaine proportion, la propriété des territoires aujourd'hui déserts, où l'adduction de l'eau à la surface du sol, la sécurité et la facilité des communications provoqueraient une immi- gration rapide, d'indigènes tout au moins. Citons ainsi la chaîne des aiguades, dont les principales sont: Zar, Tiaret (oasis abandonnée), lierreguig, en avant de Ghadamès ; puis Tagout, Mouilah, en face de cette oasis, dans l'ouest de la grande plaine toute cultivable où elle se trouve ; plus loin, les environs d'Iinoulaï (lieu du massacre des trois Pères blancs), et, à la suite d'une bande désertique, où il ne faut pas désespérer que la sonde artésienne produira quelques aiguades, un pays montagneux immense, relativement boisé, où l'eau courante se rencontre à chaque étape, où les colons français auraient peut-être des chances de s'accli- mater vers l'altitude de 1.000 mètres, c'est-à-dire le Tassili du nord et le Pjebel-Ahaggar (1), L'État aurait encore un moyen de faciliter la recherche des capitaux : ce serait de garantir à la Compagnie concessionnaire un revenu calculé d'après les frais des transports administratifs et militaires afférents à l'occupation et à l'organisation d'un pays qui ne peut larder à entrer sous notre dépendance. Il manque trois choses au Sud tunisien, plus riche naturellement que le .Nord, plus plan et ainsi plus convenable à l'établissement des routes, peuplé aussi d'indigènes plus civilisés : 1° un peu de zèle de la part des pouvoirs publics ; 2° la direction d'hommes connaissant suffisamment bien la contrée et ses habitants; 3° des capitaux. Qu'on lui facilite l'existence en lui procurant ces trois moteurs, et avant peu la prospérité du Sud tunisien, comme cela exista dans l'antiquité, surpassera celle du Nord, sans qu'il soit nécessaire d'obérer le budget du gouvernement tunisien. Est-il nécessaire d'insister sur l'accroissement d'influence que nous pro- curerait le nouveau port de Gigthis dans la Méditerranée orientale? BIBLIOGRAPHIE Servonnet et Lafitte. — Le Golfe de Gabès en 1888. — Paris, Challamel. Bertholon. — Etude géographique et économique sur la province de l'Arad. — Revue tunisienne, 1er avril 1894. (I) En dehors de nos renseignements particuliers sur ces deux pays, nous citerons pour le dernier la Géogravhie r jamais les ensemencements des mêmes échantillons faits en plaques de gélatine ne nous donnaient de colonies imputables h cette bactérie. Pensant à une action empêchante, nous avons alors ensemence des plaques, concurremment avec le bacille pyocyanique et les différents microbes saprophytes trouvés dans les mêmes échantillons d'eau, et, très rapidement, nous avons acquis la conviction que la présence du micro- 732 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE coccus rouge auquel nous faisions allusion tout à l'heure, empêchait absolument le développement du bacille pyocyanique sur les plaques de gélatine. Dans les cultures en milieu.de Metchnikoff à 38 degrés, au contraire, l'évolution du microcoque empêchant est retardée, tandis que le bacille pyocyanique trouve des conditions favorables à son rapide développe- ment. Mais, après avoir prélevé vers la vingtième heure un peu de la pellicule qui permettra d'obtenir une culture pure de bacille pyocyanique. laisse-t-on le ballon pendant deux ou trois jours, à la température du laboratoire et ensemence-t-on alors des plaques de gélatine avec un peu de son contenu, on n'obtient plus sur ces plaques que des colonies de saprophytes et particulièrement du coccus ronge; celui-ci a eu le temps de se développer et exerce dès lors son action empêchante vis à-vis du bacille pyocyanique. Le bacille pyocyanique isolé de ces eaux présente tous les caractères décrits par les auteurs et se montre très virulent pour les animaux de laboratoire (généralisation, broncho-pneumonie, hémorragies multiples, ulcération des plaques de Peyer, mort rapide). En recherchant systématiquement le bacille pyocyanique par la mé- thode que nous venons d'indiquer nous avons pu constater sa présence dans un grand nombre d'échantillons d'eaux et de poussières prélevés dans le nord de la Tunisie. Si l'on se rappelle que le bacille pyocyanique est un empêchant du vibrion cholérique (Kitasato, Metchnikoff) on pourra songer à établir une relation entre l'ubiquité de ce bacille et l'absence presque constante du choléra dans la partie nord de la Tunisie, où cependant les conditions hygiéniques laissent fort à désirer et où les causes de contami- nation ne manquent pas; c'est là, hâtons-nous de le dire, une simple hypothèse. Toujours est-il que les suppurations bleues sont très fréquentes à Tunis. Comme conclusion pratique, nous dirons qu'il est indispensable dans toutes les analyses bactériologiques des eaux, de pratiquer l'épreuve que Metchnikoff recommande pour la recherche du vibrion cholérique : ense- mencement de 200 à 300 centimètres cubes d'eau dans le milieu gélo-pepto- sel à 38 degrés, avec deux ou trois passages successifs. On retarde ainsi révolution des saprophytes et on met les pathogènes dans les conditions les plus favorables à leur développement. D1' A. BESSON. — FIÈVRE TYPHOÏDK DOIUG1NE HYDRIQUE 733 M. le D1 A.. BESSON Chef du Laboratoire «le bactériologie de L'Hôpital militaire de Rennes FIEVRE TYPHOÏDE D'ORIGINE HYDRIQUE. - DECOUVERTE DU BACILLE DANS L'EAU PAR LE PROCÉDÉ DELSNER. [614-511 — Séance dit 3 avril 1896 — L'origine hydrique de la fièvre typhoïde est encore, à l'heure actuelle, démontrée plus par les observations épidémiologiques que par la bacté- riologie. Si plusieurs auteurs ont rencontré dans des eaux suspectes un bacille qu'ils ont cru être le germe spécifique de la fièvre typhoïde, les partisans de l'origine fécale banale leur ont opposé que leurs recherches avaient été effec- tuées avant que l'on connût la différenciation des bacilles d'Eberth et du côlon par le procédé des fermentations, qu'ils avaient employé des mé- thodes incertaines et que, par conséquent, on ne pouvait décider s'ils s'étaient trouvés en présence du bacille d'Eberth ou du bacterium coli. Bien plus, certains bactériologistes rencontraient, dans les eaux typho- gènes, exclusivement le bacterium coli et, se basant sur ce fait, déclaraient que « le bacille du côlon partage avec le bacille d'Eberth, variété de la même espèce, la faculté de déterminer la fièvre typhoïde ». Aujourd'hui que nous savons différencier sûrement le bacille du côlon ■du bacille d'Eberth, tous les bactériologistes ont pu constater qu'avec un bacille d'Eberth légitime, tel qu'on le rencontre dans la rate d'un typhoï- dique, on ne peut jamais faire du bacterium coli et que, réciproquement, le bacterium coli, quelles que soient les conditions dans lesquelles on le cultive, ne perd jamais les caractères qui le séparent du bacille d'Eberth. Mais, en même temps, on ne rencontrait plus le bacille d'Eberth dans les eaux typhogènes, et, depuis 1892, depuis que l'on connaît la différenciation par les fermentations, on ne signale plus, à part trois exceptions, la décou- verte du bacille d'Eberth dans les eaux. C'était là un nouvel argument pour les unicistes : si une eau donne la fièvre typhoïde alors qu'elle renferme le bacterium coli, à l'exclusion du bacille d'Eberth, c'est, disaient-ils, que le bacterium coli, par son pas 734 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE dans l'organisme animal, « éprouve des modifications qui en font un bacille d'Eberth ». C'est alors que l'on s'aperçut que lorsqu'on ajoute à de l'eau stérilisée du bacille d'Eberth et du bacille du côlon, on ne peut, par les passages phéniqués, déceler la présence du bacille typhique dans cette eau. Le bacille du côlon joue dans les cultures le rôle de microbe empêchant vis- à-vis du bacille typhique. D'autres microbes possèdent d'ailleurs une semblable action d'arrêt vis-à-vis du même bacille; en 1894, par exemple, au laboratoire du Yal-de-Grâce, nous avons rencontré dans l'intestin d'un jeune cobaye un coccus jaune, liquéfiant la gélatine, non pathogène poul- ies animaux de laboratoire et qui arrêtait absolument, dans les cultures, le développement du bacille d'Eberth. En présence de ces faits, on devait renoncer à l'espoir de rencontrer le bacille typhique dans une eau souillée par des matières fécales ; le germe pathogène échappait alors à tous nos procédés d'investigation. Depuis quelques mois, les conditions ont changé et la découverte d'Elsner nous a appris à isoler le bacille typhique des matières fécales où il est associé au bacterium coli : dans le procédé indiqué par Elsner, l'iodure de potassium agit en neutralisant les propriétés empêchantes des produits sécrétés par le bacterium coli. Nous avons eu l'occasion d'utiliser ce pro- cédé pour l'analyse d'une eau. Dans les derniers mois de l'année 1895, chaque semaine, deux à trois cas de fièvre typhoïde se produisaient parmi les soldats de la caserne de cavalerie à Tunis. Or, ces hommes ne faisaient usage, à la caserne, que d'eau bouillie, et les conditions hygiéniques étaient excellentes dans les bâtiments. M. le médecin-major Sanglé-Ferrière remarqua que la plu- part, sinon la totalité, des hommes atteints avaient fréquenté des auberges situées à proximité de la caserne, au hameau de Ras-ïabia : trois malades qui se présentèrent le même jour à la visite avaient dîné ensemble, quelque temps auparavant, dans une de ces auberges. L'enquête démon- tra que ces établissements s'approvisionnaient d'eau à un puits très mal protégé et exposé à de nombreuses causes de contamination (voisinage d'un cimetière, de terrains où l'on pratique l'épandage avec les matières fécales provenant de diverses casernes et de l'hôpital). .le fus chargé de l'analyse de l'eau de ce puits ; des ensemencements en milieu d'Elsner me donnèrent de nombreuses colonies d'un bacille pré- sentant tous les caractères du bacille d'Eberth légitime; j'obtins aussi de nombreuses colonies de bacterium coli. Des mesures sévères furent prises pour interdire l'usage de l'eau du puits de Ras-Tabia, et immédiatement la fièvre typhoïde cessa de sévir sur les hommes de la caserne de cavalerie ; il ne s'en est pas produit un seul cas depuis lors. GRIOLET AÎNÉ. — DE QUELQUES CONSÉQUENCES DE l'hIPPOI'HAGIE ~'&> .Nous pouvons conclure : 1° Que nous nous sommes trouvé en présence d'une épidémie de lièvre typhoïde d'origine manifestement hydrique ; cette origine est démontrée aussi bien par l'observation épidémiologique que par la constatation de la présence du bacille d'Eberth dans l'eau incriminée; 2° Que le procédé d'Elsner pour la recherche du bacille d'Eberth est applicable aux analyses d'eau, et qu'en présence d'une eau suspecte il est indispensable de le mettre en pratique. M. GRIOLET Aîné à Toulouse. DE QUELQUES CONSEQUENCES DE L'HIPPOPHAGIE [613 28] — Séance du 3 avril 4896 — L'hippophagie dont je n'ai point l'intention de faire l'historique à travers les âges, a été vulgarisée, surtout en France après une vigoureuse propa- gande entreprise, il y a bientôt quarante ans. par un certain nombre de vétérinaires distingués appartenant aux trois ordres de la profession et marchant de conserve avec quelques naturalistes éminents... Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, venait, il est vrai, de publier sa huitième lettre sur : « les substances alimentaires » quand E. Renaud, U. Leblanc, Goubau, DecroiXj Bourrel, de Quatrefages et H. Blatin à Paris, Lavocat, (iourdon et Joly à Toulouse, préconisèrent ardemment l'utilisation de la viande de cheval. La campagne débuta par des banquets ! C'est fort naturel : une levée de fourchettes n'était-elle pas tout indiquée, puisqu'il s'agissait d'alimen- tation? De ces agapes sortit une révolution sanglante dont les Équidés furent nécessairement les victimes ; mais on peut s'apercevoir déjà qu'ils n'ont pas été impunément frappés. Les intérêts économiques et l'hygiène manifestent, en effet, aux yeux clai voyants quelques atteintes qui méritent d'être signalées à l'attention publique. L'hippophagie fut d'abord hésitante, les étaux peu nombreux au début, 736 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE ne s'installèrent que dans quelques grandes villes : Paris, Lyon, Toulouse furent les premières cités qui en possédèrent ; ensuite Marseille, Bordeaux, Saint-Étienne eurent leur tour. Toutefois depuis un quart de siècle, c'est-à-dire depuis l'année terrible, cette industrie avec les produits de laquelle on avait dû forcément se familiariser dans les places assiégées et dans les camps retranchés, a pris une extension si considérable qu'elle s'exerce à l'heure actuelle chez toutes les nations de l'Europe, et qu'il n'est pas un de nos départements dans lequel les agglomérations de quelque importance ne soient dotées d'un ou de plusieurs débits de viande de cheval. Les sujets sacrifiés au début furent des chevaux, des mulets, des ânes rendus caducs par l'âge ou devenus impotents par suite d'infirmités ou de tares contractées dans leur service. Auparavant ces fidèles auxiliaires croyaient avoir des titres pour leurs vieux jours à une paisible fourrière, interrompue par un facile labeur ; désormais ils n'auront plus droit qu'à l'abattoir. Là plus belle conquête, — au dire de Buffon, — avait été livrée par ses protecteurs naturels, les vétérinaires, qui férus de progrès et d'idées humanitaires ne s'attendaient peut-être pas à ce que leurs efforts par trop désintéressés dépasseraient le but utilitaire qu'ils s'étaient simplement proposé d'atteindre. Aujourd'hui, en effet, la plupart des Équidés de toutes conditions, on peut l'affirmer sans craindre les contradictions, vont finir leurs vieux jours sous le couteau du bouclier ; car ils doivent dans une large, même très large mesure, avec les mulets et les ânes, leurs compagnons de peine, con- tribuer a la nourriture des hommes que de leur vivant ils ont si vailla- ment servis, et fournir par surcroît, humiliation du sort, une abondante provende aux carnassiers qui s'en délectent sans scrupule. Le nombre des Équins abattus pour la consommation, nombre qui chaque jour tend à s'accroître, est devenu s*i considérable que les séniles et les invalides du travail auxquels s'ajoutent encore les victimes incu- rables d'accidents de plus en plus fréquents, ne suffisent plus à l'activité des débitants et à la dent dévorante de leur clientèle. Ainsi à Toulouse pour ne citer qu'un exemple, celui dont il m'a été le plus facile de contrôler l'exactitude, il n'est abattu annuellement que 12.00U bœufs ou vaches tandis qu'il est sacrifié plus de 3.000 chevaux, mulets ou ânes. Or, si l'on admet, d'après mes informations un peu vagues, il est vrai, que ce chiffre de 3.000 représente un quarantième environ du nombre des sujets équins livrés en France à la boucherie, on obtient pour la consommation annuelle un total, que j'appellerai colossal, de 120.000. Je me hâte même d'ajouter, qu'en ces matières, il est très difficile d'arriver à la précision rigoureuse, car les principales données font défaut à la statistique. C'est à peine si l'on peut en effet connaître GRI0LET AÎNÉ. — DE QUELQUES CONSÉQUENCES DE l'hIPPOPHAGIE 737 exactement ce qui se passe dans les grandes villes possédant un abattoir dont, les registres sont rigoureusement tenus pour assurer la perception des taxes. D'ailleurs à côté des chiffres officiels existent de larges marges soit pour les tueries clandestines soit pour les usines dans lesquelles se fabriquent les saucissons et les charcuteries de qualités inférieures que l'on trouve en si grande abondance dans le commerce. C'est pourquoi, on peut considérer ce chiffre de 120.000 comme infé- rieur ou tout au moins comme à peine égal à celui des victimes immolées chaque année dans notre pays pour les besoins de la boucherie ou de la charcuterie hippique. Mais si à ce chiffre delâO.OOO on ajoute un tiers encore soit 40.000 comme étant la représentation approximative du nombre des Équidés à qui il est possible de mourir de maladie ou d'accident sans recours, on est amené à constater qu'il disparaît, chaque année, en France, environ 160.000 de nos équins, presque tous pourrait-on affirmer, âgés de plus de quatre ans, c'est-à-dire parvenus déjà à l'âge où ils sont utilisables soit dans le com- merce et l'industrie, soit dans les exploitations agricoles et surtout dans l'armée; or ce chiffre de 160.000 chevaux ou mulets représenterait plus du dixième des sujets plus ou moins aptes actuellement aux divers services précités. Pour recruter le total excessif de 120.000 animaux adultes sacrifiés pour la consommation, les causes de caducité ou d'incapacités irrémé- diables ne suffisent plus : les motifs tirés des maladies diverses qui attei- gnent les Équins, doivent fournir leur contingent, au point que c'est à peine si de nos jours, — cela vient d'être asserté, — un quart des chevaux mulets et ânes qui chaque année passent de vie à trépas, ont la permis- sion de mourir de leur belle mort sur leur litière. Les conséquences de ces hécatombes sont nombreuses et graves, faciles à déduire d'ailleurs de ces prémisses. Elles appartiennent les unes à l'ordre économique, les autres au domaine de l'hygiène... Je me bornerai à énoncer brièvement les principales, car un exposé complet de la question exigerait un gros volume. 1 La dixième partie au moins, a-t-il été dit, de nos Équins utilisables c'est-à-dire arrivés à l'âge de quatre ans, disparaissant chaque année, il s'ensuivrait que tous les dix ans en moyenne, notre population chevaline devrait se renouveler entièrement, Quant aux sujets qui dépasserai en ( l'âge de quatorze ans, en conservant leurs aptitudes au travail productif ils suffi- 738 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE raient à peine à combler les vides creusés par 1<> uns prématurées. Comme un aussi bref laps de temps n'est pas suffisant pour procurer l'amortis- sement du prix d'acbat des animaux, après que ceux-ci auraient en outre compensé par leurs services les frais de leur entretien, les propriétaires, dès que leurs bètes ne remplissent plus rigoureusement la tâche qui leur incombe, pour se récupérer du déficit, s'empressent au moindre chômage de les vendre au boucher qui les en débarrasse sur l'heure à un prix rela- tivement avantageux; tandis qu'autrefois, ces mêmes sujets auraient encore vécu de longs jours en faisant un service moins pénible pour le compte de personnes qui les achetaient à bas prix et s'accommodaient fort bien de leur partielle incapacité. Désormais les employeurs de cette catégorie de serviteurs, ne trouvant presque plus les sujets dits : d'occasion et d'un prix modéré sont obliges d'acquérir des animaux jeunes qui n'ont pas la résistance nécessaire au travail qu'on leur impose, en même temps qu'ils sont nourris d'ordinaire d'une manière insuffisante. Car on oublie par trop, souvent même on ignore que les êtres qui n'ont pas achevé leur développement, réclament, si on les fait travailler régulièrement une triple ration pour suffire à leur entretien, à leur croissance et aux déperditions causées par la lâche pré- maturée qu'ils doivent accomplir. Ces exigences d'un régime supplémen- taire ne sont pas à satisfaire avec des sujets d'un âge avancé, qui à une plus grande endurance joignent le bénéfice de la sobriété. C'est pourquoi de nos jours on voit tant d'Équins par trop jeunes succomber à la tâche ou tarés et arrêtés dans leur développement en atteignant l'âge adulte. Il y a dans de pareils errements deux sources de préjudice et par suite de gaspillage de la fortune publique : le premier est causé par la dispa- rition prématurée d'un nombre considérable d'animaux qui auraient pu rendre encore de sérieux services ; le second réside dans l'usure précoce des sujets que l'on condamne à un travail excédant leur force de résistance. Mais le plus surprenant en cette occurrence est que cette perle s'opère sans compensation; car la quantité de viande consommée n'est pas sensi- blement augmentée par cette intervention de la viande de cheval dans l'alimentation. Il ressort, en effet, de toutes les informations recueillies à bonne source, qu'il s'opère une simple substitution. Les Équidés font office de concurrents à bas prix. Ainsi à Toulouse en 1868, avant l'installation des étaux hippiques on abattait 7.222 bœufs pesant 3.967.860 kilogram- mes; 3.026 vaches pesant 1.100.734 kilogrammes, soit un total en viande de o.068.o9i kilogrammes, tandis qu'en 1892, vingt-cinq ans après, alors que le chiffre de la population passant de 126.900 à 148.200 augmentait d'un sixième la consommation n'augmentait que d'un sixième également et se répartissait comme suit : bœufs 5.065 pesant 2.914.084 kilogrammes ; vaches 6.886 pesant 2.818.502 kilogrammes : chevaux, ânes et mulets GRIOLET AÎNÉ. — DE QUELQUES CONSÉQUENCES DE l'hIPPOPHAGIE 739 3.284 produisant environ 4U> 050 kilogrammes de viande comestible, soit un total de 6.177.736 kilogrammes. Il y a même lieu de faire remarquer que cette substitution, à Toulouse notamment, n'est pas à l'avantage de la qualité, puisque le nombre des bœufs abattus est tombé de 7.000 en cbiffres ronds à o.OOO avec un poids pour le premier cbiffre de 3.900.000 kilogrammes tandis que le second ne produit que 2.900.000 kilogrammes; en même temps les vaches [tassent du nombre de 3.000 à celui de 6.800 et leur poids de 1.100.000 a 2.800.000 kilogrammes. On peut donc répéter, en insistant, que l'introduction de la viande du cheval, de l'âne et du mulet dans les substances alimentaires n'a pas produit le résultat qu'on espérait de cette vulgarisation, et qu'elle n'a abouti qu'à rendre les petites bourses moins exigeantes à l'égard de la qualité de leur nourriture. Cette assertion est même corroborée par ce qui s'est passé concernant la viande de porc : En 1868, il se consommait, dans la ville précitée, 9.831 porcs pesant 1.417.063 kilogrammes, tandis qu'en 1892. le nombre de têtes abattues s'élève à 14.311, avec un poids total de 1.920.3oo kilogrammes, soit une augmentation d'un tiers correspondant à une augmentation de population d'un sixième seulement. Il importe, à ce propos, de faire ressortir que les années de 1868 et de 1892 ont été choisies intentionnellement comme termes de comparaison, parce que ces deux années présentent des données fixes que rien n'altère, puisqu'elles sont normales ; alors qu'en 1869 et 1870, la sécheresse d'abord, la guerre ensuite, ont faussé les résultats ; de même qu'en 1893 et 1894 il s'est fait, par suite de la disette des four- rages, des abatages désastreux. Mais, s'il est facile de démontrer qu'il n'y a aucun avantage à procéder d'une manière intensive à l'égard de l'hippophagie, il est bien plus com- mode de prouver qu'il y a des inconvénients graves à préconiser avec trop d'ardeur le « tout à l'abattoir ». Les Équidés, en effet, dont la multipli- cation et l'élevage ne sont ni aussi économiques ni aussi rapides que la production des bovidés, deviennent périodiquement, par suite, d'une rareté qui confine à la pénurie, en même temps que leurs prix subissent les variations les plus incohérentes. Or, généralement, le producteur et, l'acheteur ne profitent pas, le premier de la hausse, le second de la baisse; c'est l'intermédiaire, d'ordinaire, qui bénéficie de ces inégalités. Enfin, il \ a un autre inconvénient, et celui-là est le plus grand de la situation actuelle. Au cas d'une mobilisation générale, alors qu'il faudrait mettre à contri- bution toutes les forces vives de la nation, il arriverait inévitablement après qu'on aurait pourvu l'armée active et sa réserve de chevaux et de mulets réclamés par les effectifs en temps de guerre, qu'on ne pourrait "40 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE monter les troupes de seconde ligne et pourvoir de leurs contingents les services auxiliaires sans déposséder presque totalement l'agriculture, l'in- dustrie et ce qui surnagerait du commerce. Cependant, l'agriculture et l'industrie ne doivent suspendre leurs tra- vaux que dans les cas d'impossibilité, c'est-à-dire à la dernière extrémité! Il La fortune et la sécurité du pays ne sont pas seules à être mises en péril par l'abus de l'hippophagie. Cette pratique, poussée à l'excès, met également l'hygiène en cause ! Dès qu'un animal tombe malade, s'il est de deuxième ou de troisième valeur surtout, ou dès qu'à la suite d'accident un de nos moteurs animés est frappé temporairement d'incapacité de travail, le propriétaire du sujet indisponible, souvent même avant d'avoir fait donner les premiers soins, suppute d'abord ce que va lui coûter le traitement de l'animal. A cette dépense il ajoute les frais d'entretien pendant la maladie et la convales- cence ; la perte de rapport causée par le chômage fournit au besoin son coefficient dans le calcul ; enfin, dans le même plateau de la balance se jette brutalement le prix (chaque jour croissant) que les bouchers à l'affût viennent offrir de cette épave vivante. Trop souvent, hélas! l'addition est l'arrêt de mort du fidèle serviteur, condamné par un maître dont le positivisme mal compris déguise à peine l'ingratitude ou, plutôt, ce pares- seux égoïsme, qui est une manifestation de l'imprévoyant caractère de notre époque. De cette manière, il arrive que bon nombre de chevaux, ânes et mulets vendus à la boucherie sont — le fait est de notoriété publique, — des animaux malades ou victimes d'accidents graves, récents. La proportion qu'ils apportent dans le total des 120.000 Équins livrés annuellement à la consommation est au moins du tiers de ce chiffre : soit un nombre de 40.000 environ, dont la plupart auraient pu guérir ; car il faut admettre que l'inspection à laquelle ils doivent être préalablement soumis fait rejeter tous ceux qui sont atteints d'affections septiques ou contagieuses trop graves. Or. le dommage de nature économique que causent ces sacrifices prématurés ou intempestifs non seulement n'est pas compensé par les profits apportés à l'alimentation, nous l'avons démontré au point de vue général, mais ces sacrifices peuvent être encore préjudiciables plus ou moins à la santé publique. Les bêtes malades ou blessées fournissent en effet, quoi qu'on veuille, un aliment de qualité inférieure, quant au surplus, il n'est pas absolu- ment malsain; car, chez les Équidés, le système circulatoire domine ; il GRIOLET AÎNÉ. DE QUELQUES CONSÉQUENCES DE LH1PP0PHAGIE 741 multiplie, en les aggravant, les effets du mal, et la fièvre de réaction qui, d'ordinaire, chez eux, est plus ou moins forte, exagère les désordres généraux. Aussi, la chair du cheval, de l'âne ou du mulet malade est-elle très colorée en môme temps que sa masse est imprégnée de liquides altérés. Peut-on considérer ces viandes comme toujours inoffensives et leur usage prolongé ou trop copieux ne peut-il compromettre la santé en prédisposant l'organisme à diverses maladies? D'ailleurs, les liquides dont sont gorgés les tissus d'animaux malades sont chargés de déchets divers et, par suite, ils constituent des milieux de culture excellents pour les ébats (que l'on me pardonne cette expression) de la microbiose. Aussi toutes les affections cutanées, les dermatoses, notamment celles qui sont préparées par le régime comme l'impétigo, l'ecthyma, les divers érythèmes amenés par les troubles dans la composition des liquides sanguins, l'urticaire surtout, toujours imputable aux ingesta, — viandes échauffantes de porc, de gibier, de cheval, — les eczémas, enlin, dans les papules, les vésicules ou les pustules desquels sont hébergés des parasites pyogènes variés, nécessairement doivent être le triste apanage des individus qui consomment les viandes que l'on appelle vulgairement et à bon droit fiévreuses. Les exemples à l'appui de cette assertion abondent; mais les plus frap- pants sont fournis par les chiens et les chais, dont la peau est devenue le siège repoussant de toutes les maladies, parasitaires ou non, qui peuvent affliger ces animaux. Les plus nombreuses victimes du régime se trouvent donc couramment dans les grandes villes et surtout dans les grands éta- blissements où on se livre à la reproduction et à l'élevage de ces carnas- siers, que l'on a l'imprudence de nourrir presque exclusivement avec de la viande de cheval . Ce qui se passe chez nos carnivores domestiques doit se produire forcément chez l'homme qui fait un usage trop répété de la viande de nos Équidés ; n'est-ce pas d'ailleurs ce que l'on remarque chez les individus qui abusent du gibier, dont la chair est, à juste titre, réputée très échauffante ? Toutefois, le tégument externe n'est pas le seul exposé aux répercussions de ce régime irritant : la muqueuse digestive, ce tégument interne, en subit aussi fréquemment les atteintes. Les gastro-entérites mycosiques, les entérites infectieuses sont les formes sous lesquelles les effets du régime peuvent se révéler. Or, ces maladies, qui d'ordinaire précèdent, accom- pagnent ou suivent les affections des centres nerveux ou les altérations du sang, sont généralement causées par des poisons animaux que les viandes véhiculent. D'ailleurs les troubles graves, parfois mortels, causés par l'ingestion abusive ou l'usage prolongé de la viande de cheval ont été remarqués à d'autres époques. 742 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE Ainsi, on peut lire dans le Journal du maréekal de Castellane — Retraite de Moscou — 7 novembre:... « Les soldats ne vivant que de cheval sont attaqués d'une singulière » maladie ; ils ont l'air ivre, font des mouvements précipités, tombent » par terre en disant: « Je n'ai plus de force » et ils meurent. Cinquante » hommes du 4e chasseurs sont restés sur la route ce jour-là. » L'abus de l'hippophagie, ainsi que cela vient d'être sommairement démontré, cause donc, en sacrifiant prématurément les valides et en abattant les fébricitants, une double atteinte à la fortune et à la saute publiques. On doit, par conséquent, s'efforcer de restreindre cette pra- tique dans les limites tracées par les lois économiques et les règles de l'hygiène. M. le D1 LOIS, Directeur de L'InstituI Pasteur, a Tunis LE CENTRE VACCINOGÈNE DE TUNIS [614 521 611] Sraiirr ,/n :1 ni'ril IHHI! — La maladie la plus fréquente en Tunisie est certainement la variole, qui fait des ravages effrayants. Dans le Sud, chaque tente a un enfant chaque année, et malgré cela, la population reste stationnaire : c'est que périodi- quement, tous les cinq à six ans, la variole apparaît, enlève tous les enfants qu'elle peut enlever, puis disparaît. A Tunis, ville de 160.000 habitants environ, la mortalité générale en 1886 est de 3.744 ; en 1887, elle est de 3.685; en 1888, elle monte à 5.807 ; il est mort cette année-là à Tunis 1.645 personnes de variole ; en 1889, la mortalité retombe à 3.750, dont 39 de variole; elle reste stationnaire jusqu'en 1894, où elle monte à 4.499, sur lesquels il y a 870 morts par variole. Voici du reste la mortalité par variole à Tunis depuis que la déclaration I)1 LOIR. — LE CENTRE VACCÏNOGÈNK DE TUNIS 743 des décès y est obligatoire, et qu'on exige un certificat médical [mur obtenir le permis d'inhumation. ■r. MORTALITÉ 1 'Ai; VARIOL1 MORTALITÉ GÉNÉRALE z MUSULMANS ISRA1 Ll PES I i i; IPÉENS TOTAL 3.744 1*86 1 0 1 2 3.685 1887 0 0 0 0 5.807 1x88 1.384 101 J60 1.645 3.750 1889 30 5 4 39 3.656 1890 0 0 0 0 3.777 18.11 3 1 0 4 4.196 Epidémie de rougeole. 1892 8 0 0 8 4 .(js't Épidémie de choléra. 1893 125 1 6 132 i.499 1894 712 30 128 870 4. 553 Epidémie de rougeole. 1895 13 5 20 38. La population indigène ne se fait vacciner qu'en très petit nombre ; cela s'explique par la peur que fait naître chez elle la pratique de la varioli- sation dont elle voit constamment les effets désastreux, et qui, au moment des épidémies où elle s'opère sur une grande échelle, augmente encore le chiffre de la mortalité. Pendant ces épidémies, tout ce qui est susceptible de prendre la maladie en est atteint ; ceux qui ne succombent pas gagnent l'immunité, et la contagion revient au bout de cinq à six ans, lorsque cette immunité disparaît. Dans aucun pays du monde, on ne rencontre plus de figures conservant les marques de la petite vérole et plus d'indi- gènes ayant perdu les yeux à la suite de cette maladie. La variolisation se pratique en inoculant le pus de pustule de variole bénigne sur le dos de la main, dans le premier espace interdigital; mais à côté de cette inoculation directe, on provoque encore la maladie en mettant le sujet à immuniser dans le lit d'un varioleux et en obligeant ce malade à décortiquer des fruits secs, tels que : amandes, noisettes, noix, etc., que son compagnon de lit doit absorber. On cherche encore à donner la maladie, en grattant les croûtes de variole que l'on fait avaler dans du lait aux individus sains. Enfin, dès que les Arabes observent un cas de « variole de Dieu », c'est-à-dire spontané, ils cherchent à provoquer la maladie chez les enfants de tout le quartier et déterminent volontairement ees épidémies épouvantables. Un médecin italien, né à Tunis, qui avait été variolisé dans sa jeunesse, nous disait dernièrement que ces divers modes de variolisation et de contagion provoquée enlèvent jusqu'à 20 0/0 des sujets qui prennent la maladie. 744 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE Les épidémies de 1888 et de 1894 nous offrent une preuve très frappante de l'efficacité de la vaccinal ion; la population de Tunis se compose d'environ 100.000 Arabes, 30.000 israélites et 30.000 Européens. En 1888, sur une mortalité de 1.645 varioleux, on compte 1.384 Arabes, 101 israé- lites, 160 Européens; en 1894, sur une mortalité de 870 varioleux, on compte 712 musulmans, 30 israélites, 128 Européens. Les Israélites sont presque toujours vaccinés, et dès qu'on ouvre un établissement gratuit de vacci- nation ou de revaccination, ils s'y précipitent en foule. Les Européens négligent trop souvent de se faire revacciner, et les Arabes sont rarement vaccinés. Il nous paraît intéressant de comparer les chiffres de la mortalité par variole à Tunis avec ceux de Marseille, la ville française la plus éprouvée où il y a toujours de la variole en plus ou moins grande quantité. TABLEAU DES DÉCÈS PAR VARIOLE SURVENUS A MARSEILLE Années Décès 1884 55 1885 3"29 1886 2.052 1887 59 1888 124 1889 • . . 199 Années Décès 1890 548 1891 426 1892 50 1893 79 1894 lii 1895 738 On voit d'après ces chiffres que dans les années les plus éprouvées, la mortalité, à Marseille, est loin d'atteindre la proportion que nous avons signalée pour Tunis, mais en revanche, la variole ne disparaît point entre deux épidémies à Marseille comme elle le fait à Tunis. C'est que, à Tunis, pendant les épidémies, la population recherche la maladie et, comme nous l'avons déjà dit, les causes de contagion sont tellement considérables que tout ce qui est susceptible de prendre la variole en est atteint et que l'épidémie ne reparaît que lorsque de nouvelles victimes lui sont offertes. Nous avons pris, au mois de novembre 1894, l'initiative d'établir à Tunis un centre vaccinogène où l'on produit la lymphe glycérinée destinée à combattre la variole. Jusqu'à ce jour, le vaccin employé par les médecins de la Régence, venait de Paris, de Bordeaux, de Tours, de Montpellier, de Milan. Il arrivait ici après un long voyage en plus ou moins bon état. On le conservait souvent longtemps avant de s'en servir, si bien que les résultats n'étaient pas toujours parfaits, et que souvent c'est à la suite de la deuxième ou troisième vaccination que la pustule caractéristique se montrait chez la personne vaccinée. L'existence de l'Institut Pasteur de Tunis, avec son personnel, per- Dr LOIR. — LE CENTRE VACCINOGÈNE DE II NIS 745 mettait de réduire les frais au minimum. Le général commandant la division d'occupation offrit une baraque appartenant à l'année beylicale pour abriter les animaux; le commandant Catroux, contrôleur civil de Tunis, un coin du jardin du contrôle civil, pour y installer cette baraque. Il obtint, de plus, de plusieurs membres de la Cliambre d'agriculture arabe les génisses en aussi grand nombre que le service l'exigeait, et cela sans aucune rémunération. Le gouvernement tunisien promit de payer l'entretien des génisses sur lesquelles on doit produire le vaccin, et M. le vétérinaire Ducloux, inspecteur de l'élevage, s'est chargé d'examiner et de surveiller les animaux vaccinifères. Grâce à toutes ces bonnes volontés, nous avons pu organiser un centre vaccinogène qui répond à toutes les demandes. C'est là que nous préparons un vaccin qui peut être employé rapidement après sa récolte ; qui n'a pas besoin de traverser la mer avant d'être utilisé et dont l'efficacité peut être constamment contrôlée. Nous inoculons une moyenne de trois génisses par mois. Ce vaccin est distribué gratuitement sous forme de pulpe giycérinée à tous les médecins qui en font la demande. La première génisse a été inoculée avec une semence qui nous avait été fournie par M. le professeur Layet, directeur du centre vaccinogène de Bordeaux, et qui provenait d'un cas récent de horse-pox. Nous n'avons pas observé de différence dans l'évolution du vaccin sur les animaux tunisiens; pourtant, nous avons de telles difficultés à obtenir une belle récolle à partir du mois de juin pendant toute la période des chaleurs que nous ne faisons pour ainsi dire pas d'inoculations pendant tout l'été. L'efficacité de notre vaccin nous a été démontrée maintes fois par l'existence de superbes pustules sur les sujets inoculés et par les rapports qui nous ont été adressés par les médecins qui s'en sont servis. Le directeur du service de santé de la division d'occupation a bien voulu nous faire part des résultats obtenus avec la préparation de pulpe giycérinée dans l'armée. Il termine ainsi son rapport: « Chez les hommes » vaccinés avec succès, les pustules ont été fort belles, résultat qui parait » dû à la virulence du vaccin employé ; aucun accident n'a été constaté » par les médecins des corps de troupes. » Le médecin-directeur de l'hôpital italien de Tunis nous écrit : « J'accomplis un devoir en vous déclarant que dans ma clientèle privée » et à l'hôpital, votre vaccin a donné de très excellents résultats. 11 m'a » manqué quelquefois dans les revaccinations, plus chez les jeunes gens, » rarement chez les adultes, mais jamais chez les enfants de première » vaccination. Je vous dirai de plus qu'il m'a fait réussir en plusieurs cas » où avaient été essayés en vain d'autres matériaux venus du dehors cl » retenus généralement comme de réputation éprouvée. Un bébé de huit » mois, entre autres, fut inoculé par moi-même trois fois dans le courant » du mois de novembre, et toujours inutilement. J'allais le déclarer 746 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE » réfraclaire, quand J'idée me vint de faire une tentative avec votre vaccin » que je commençais à apprécier, et je fus très content de voir pousser de » magnifiques pustules. » Nous avons fourni le vaccin aux différents services suivants : Au service des mccinations publiques de la ville de Tunis. — A l'armée beylicale. — A la division d'occupation. — Au service des prisons. — Au service- des renseignements de la division d'occupation pour les territoires soumis à l'autorité militaire. — Aux contrôles civils. — Aux différentes municipalités. — .4 la direction de l'enseignement. — An lycée de Tunis. — A l'école normale de Tunis. — A l'alliance Israélite. — Aux médecins. praticiens et sages-femmes de la Régence. — il l'hôpital italien. — A l'Union des femmes de France, etc. Le gouvernement du protectorat a depuis plusieurs années installé un service de vaccine publique qui répand la vaccination jennérienne. Les médecins militaires font aussi un grand nombre de vaccinations dans l'intérieur de la Régence. L'installation du Centre vaccinogène de Tunis a coïncidé avec l'épidémie de variole qui a enlevé à Tunis 870 personnes en un an. Aussi, toute la population a-t-elle été poussée à se faire vacciner et à propager la vacci- nation autour d'elle. Cette campagne sanitaire est, pensons-nous, intéressante à suivre, nous allons en dire quelques mots. Le directeur de l'enseignement public en Tunisie, M. Machuel, encou- rage le plus possible, depuis quelques mois, son personnel d'instituteurs à propager la vaccination. Il est arrivé à créer une émulation salutaire parmi eux, en signalant dans le Bulletin officiel de l'enseignement ceux qui se distinguent en vaccinant dans leurs écoles. On trouve ainsi dans le Bulletin de l'enseignement : « Le directeur de l'école de Schuiggui a vacciné avec succès une ving- » taine de ses élèves, et deux personnes adultes de la localité, à l'aide du » vaccin qui lui avait été envoyé par la direction de l'enseignement, Il » serait désirable que cet exemple fût suivi par tous nos instituteurs. » Ou encore : « MM. les instituteurs Jôurdan, à Téboursouk, Lacore, à Mateur, et Rojat. » au Souassis, ont, sur leur demande, reçu du vaccin. Ils ont vacciné avec » succès presque tous leurs élèves, ainsi qu'un grand nombre de personnes » adultes. En imitant cet exemple, les instituteurs et institutrices rendraient n à tout le pays un service considérable. » « A Ksour-Essaf, M. Lods, instituteur, a vacciné pendant le mois dernier » 71 élèves ; l'opération a parfaitement réussi pour 67. Il a vacciné éga- » lement 16 autres personnes de la localité, dont 12 avec succès. Le rôle » de cet instituteur méritait d'être sisrnalé. » Dr LOIR. — LE CENTRE VACCINOGÈNE DE II SIS 747 Enfin, depuis deux ans, M. Machuel nous a chargé de faire un cours d'hygièoe à l'École normale de Tunis, el une leçon pratique pour enseigner à son personnel comment doit se faire la vaccination. D'un autre côté, frappé du danger que fait courir à notre armée le foyer de variole que l'on trouve dans ce pays, et contre lequel on ne peut lutter que par la vaccination, le groupe tunisien de ['Union des Femmes de France s'est décidé à tenter une croisade sanitaire pendant le cours de 1895. Pendant plus de six mois, les dames, membres de ['Union, se sont créé l'obligation d'aller au moins une fois par semaine dans les familles arabes les plus réfractaires à la vaccination. La présidente, M"11-' René Millet, femme du résident général de France, comprenant l'influence qu'elle pouvait exercer sur les indigènes, a été présente à toutes les séances de vaccination. Les femmes pénètrent plus facilement que les hommes dans la famille musulmane, mais ce n'est pas à cette difficulté d'approcher la femme arabe qu'il faut attribuer exclusivement l'impossibilité où on est de faire pénétrer la vaccination dans les intérieurs musulmans. Il y a une autre raison. Dans les premières séances d'inoculation, après avoir entraîné la conviction du chef de famille au sujet de l'utilité de la vaccination et avoir pénétré auprès des femmes, les vaccinatrices européennes ne pouvaient procéder à l'inoculation que lorsque les femmes arabes, menacées par leurs époux, se voyaient contraintes de subir l'opération. Peu à peu, les difficultés ont été moindres, et à la fin, les femmes venaient d'elles-mêmes demander la vaccination. La réputation d'innocuité de l'opération s'était répandue. En effet, ce qui retenait le plus les femmes arabes, c'étaient les accidents consécutifs à la variolisation qu'on pratique sur elles, et qu'elles confondent avec la vaccination. Un exemple frappant de ce que nous venons de dire, se trouve noté dans le cahier d'obser- vations des membres de Y Union des Femmes de France. Un jour, ces vacci- natrices inoculèrent 424 femmes dans un village des environs de Tunis; il restait encore une vingtaine d'inoculations à faire, lorsque surprises par l'heure tardive elles remirent l'opération à une autre séance. Ce premier jour, les femmes hésitaient et ne se laissaient inoculer qu'avec difficulté. Le Ramadan commença quelques jours après, et pendant tout le mois que dure ce carême arabe, il fut impossible de reprendre la vaccination. An bout de ce mois, à la première séance, les vaccinatrices furent toutes étonnées du changement d'attitude des femmes arabes. Elles voulaient toutes être vaccinées, elles et leurs enfants, et même, celles qui avaient été vaccinées un mois auparavant, demandaient à subir à nouveau l'opération. Questionnées sur les causes de ce changement d'attitude, l'une d'elles fit la réponse suivante : « Vous avez vacciné 124 des nôtres. 107 ont eu le bras énorme, mais 748 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE » pas une n'est morte; s'il en est ainsi, inoculez-nous tant que vous vou- » drez, nous savons que cette opération préserve de la variole, mais nous » savons aussi que d'ordinaire plusieurs des opérées meurent de cette » inoculation. » D'autres fois, les vaccinatrices étaient reçues d'une façon particulièrement aimable: on remettait des adresses écrites sur parchemin à leur présidente: voici la traduction de l'une de ces adresses : « Le soussigné est heureux de manifester à la très parfaite madame » Millet la digne compagne du très éminent parmi les savants et les » hommes politiques, M. René Millet, résident général de la République » française à Tunis, l'expression de sa reconnaissance pour la peine » qu'elle a bien voulu prendre d'apporter sous son toit l'excellent préser- » vatif du vaccin. Il l'assure qu'elle a laissé derrière elle dans sa maison » une tranquillité d'esprit et des sentiments de gratitude qui dureront » autant que sa propre famille et se répandront autour d'elle comme le » parfum des fleurs en la lumière d'un astre au moment de sa splendeur. » « Si toutes les femmes ressemblaient à celles que nous avons vues, les » femmes seraient à coup sur considérées à l'égal des hommes. ■» D'autres fois encore, les colons reconnaissants envoyaient des lettres de remerciements : « J'ai comme je vous l'avais promis, à vous donner les résultats de la » vaccine que vous avez pratiquée sur les sept personnes qui composent la » famille de mon métayer. Outre que la réussite a été parfaite, elle a » convaincu tout le pays, car dans le douar auquel ils appartiennent, la » variole n'a cessé que ces jours derniers, et de ceux qui ne l'avaient pas » encore eue, les vaccinés sont les seuls qui lui ont échappé. Un grand » nombre de personnes ont été malades dans la région, et les vaccinés » conservent seuls leur figure, comme disent les Arabes. Aussi mainte- » nant, je suis importuné par les parents venant me demander de faire » traiter leurs enfants. Si ce n'était pas vous déranger, j'en aurais une » vingtaine à faire vacciner. Je vous remercie pour ces pauvres gens. » Un enfant en traitement à l'Institut antirabique de Tunis, fut pris de variole; lorsqu'il entra en convalescence, j'allai chez lui continuer les inoculations antirabiques. Dans la maison, j'entrevoyais chaque jour les femmes qui se cachaient derrière les rideaux; j'appris que pas une d'entre elles n'était vaccinée, mais pas une ne voulut me laisser faire l'opération. J'eus recours ta Y Union des Femmes de France, sept femmes furent ino- culées avec sept succès. Enfin, la croisade a produit son effet; 500 femmes et enfants ont été vaccinés par Y Union des Femmes de France dans les différents milieux de la population tunisienne. Reaucoup de femmes indigènes n'ont plus peur de la vaccination, elles appellent maintenant médecins ou sages-femmes Dr FOVEAU DE COURMELLES. — l/ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE 749 pour pratiquer l'opération; l'impulsion est donnée. Un médecin de Tunis nous disait dernièrement qu'il ne savait à quelle cause attribuer le nombre des hommes et des femmes indigènes qui viennent réclamer la vaccination en ce moment. Grâce aux soins de propreté et aux précautions prises, pas un seul accident n'a été à déplorer, et les réussites ont été environ de 96 0 0. le D' FOYEAU DE COITEMELLES à Paris. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE ET DE SES RELATIONS ÉPIDÉMIOLOGIQUES [6135 1 — Séance du 4 avril 1896. — Les expériences récentes des docteurs d'Arsunval et Cliarrin, de l'Alle- mand Smirnow, puis encore du Dr d'Arsonval, ont démontré l'influence de l'électricité sur les bacilles et surtout sur les milieux où ils évoluent : les toxines modifiées par les courants continus ou les courants de haute fréquence devenant des antitoxines immunisantes. Il m'a donc paru inté- ressant — et mes recherches sur l'ozone atmosphérique présentées ici l'an dernier m'y ont naturellement conduit — de rechercher l'influence de l'électricité atmosphérique sur la marche et la violence des épidémies. L'ozone et l'électricité vont de pair dans les études de l'air ambiant. L'excès ou plus exactement la grande quantité d'ozone coïncide avec une grande quantité d'électricité, avec les orages et aussi avec une grande valeur de l'état hygrométrique. Ce dernier est très important, puisque pour M. Palmieri, les nuages ne sont électrisés que lorsqu'ils sont en voie de se résoudre en pluie, en neige ou en grêle. Ce sont donc là des faits que l'on peut considérer désormais comme acquis, d'autant plus que les météorologistes et hygiénistes qui ont étudié l'ozone (docteurs de Pietra Santa, 1865, et Millier, 189o, M. Gaillot), mes collaborateurs du Service ozone-métrique de France, ceux du service belge, le I)1' Baker, de LaUsing (Michigan), sont d'accord. Ceci posé, la marche ou plutôt la quantité relative proportionnelle d'élec- 750 HYGIÈNE ET MÉDECINE PUBLIQUE tricité atmosphérique peut être facilement déduite de celle de l'ozone. Voici les résultats, notamment d'une région (plaine de Laon, Aisne), où il n'y a pas eu d'épidémie, et en même temps ni excès, ni absence con- tinue d'ozone; ce qui confirme les résultats que j'annonçai l'an dernier d'épidémies pyrétiques ou apyrétiques coïncidant avec ces variations ozonomélriques. Les excès momentanés d'ozone ont été concomitants avec des orages. Mon collaborateur à Laon, M. Gaillot, directeur de la Station agronomique, a fait 800 déterminations, d'octobre 1894 à novembre 1895, et il en a déduit pour la contrée les indications suivantes, le tout rapporté à l'échelle chromatique belge, à sept divisions pour le bleuissement du papier iodo-amidonné : 1° La moyenne de l'état ozonométrique a été de 4 degrés, soit pour toute l'année de 3 degrés ; 3° La présence de l'ozone a été constatée dans l'air pendant 325 jours sur 36o ; 3° Le semestre d'hiver, de septembre à février inclus, est caractérisé par une quantité d'ozone relativement faible : une moyenne quotidienne de 3 degrés ; 4° Le semestre d'été, de mars à août inclus, donne la moyenne plus forte de 5 degrés ; 5° Le maximum est en juillet, le minimum en novembre ; 6° De novembre à février indus, le minimum d'ozone coïncide avec une augmentation nocturne ; c'est l'inverse de mars à octobre où l'augmenta- tion est diurne ; 7° La direction du vent influe énormément dans ce pays (plaine que domine Laon) sur la quantité d'ozone. Si le vent souffle des régions entre le sud et l'ouest, le degré moyen est de o°,01, des régions entre le nord et l'est, 2°, 8; pour les régions intermédiaires le degré varie entre ces moyennes. Pour Yalizé, courant d'air chaud et humide venu des régions équalo- riales, dans la direction du sud-ouest au nord-est, la quantité d'ozone est forte. — Pour les climats chauds, Marat signale la grande abondance d'électricité atmosphérique quand souffle un vent froid du nord. — Pour le conlre-alizé , courant d'air sec et froid, venu des régions polaires, l'ozone est peu abondant. Ces données ozonoscopiques sont d'accord, nous le répétons, avec les données électriques, et leur étude simultanée éclaire du même jour les recherches épidémiologiques. On ne peut scinder, diviser les travaux électro-ozonométriques ; en effet, il n'y a pas d'ozone sans électricité, que celle-ci ait sa source en l'atmosphère proprement dite, ou provienne d'oxydations locales qui développent — comme toute combinaison chi- mique — de l'électricité. Dans le domaine épidémiologique qui nous intéresse surtout, et à part D1' FOVEAU DE GOURMELLES. — L 'ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE ~->\ mes recherches communiquées ici l'an dernier, je suis heureux d'apporter l'appoint d'autres travaux corroborant les miens. Le Dr Dpmingos Freire, professeur à la Faculté de médecine de Rio de Janeiro, m'a signalé la coexistence d'une épidémie varioli forme avec un abaissement du degré ozonoscopique. Le Dr Baker, de Lausing (Michigan), après quatorze années d'observations, affirme que l'excès d'ozone coïncide avec l'influenza, et que quand l'ozone diminue, les cas de grippe diminuent; la fièvre rémit- tente se comporte en sens contraire, l'affection étant moindre la nuil quand il y a plus d'ozone. La température est en corrélation avec l'ozone et l'électricité atmosphé- rique, mais se comporte, au Michigan, en sens inverse de la France. Aussi, dit le D Baker, dans un travail dont je traduis ici les passages im- portants. « pins l'atmosphère est froide, et partant, plus il y a d'ozone, plus il y a de pneumonies; plus l'atmosphère est chaude, partant moins il y a d'ozone et moins de pneumonies, par conséquent. Beaucoup de ces ma- ladies sont attribuées aux germes inhérents à l'individu, mais les germes ont d'autant plus de facilités d'accès sous l'influence du froid, rhume, air sec, ozone et vent. » Un grand nombre de tableaux très consciencieux, basés sur un grand nombre d'années, accompagnant le mémoire du Br Baker, montrent les corrélations épidémiologiques et météoriques; les agents atmosphériques sont intimement reliés entre eux et fonctions les uns des autres ; puis nous en subissons les influences multiples, difficiles encore à isoler les unes des autres. Ainsi « la diphtérie dépend beaucoup de la vélocité du vent, de la température de l'atmosphère et, de l'ozone atmosphérique; les angines suivent le froid extérieur, le vent et l'ozone; les rhumatismes suivent les angines. » Certains de ces résultats peuvent contrarier nos doctrines microbiennes; quoi qu'il en soit, ils sont bons à être connus, surtout quand, en même temps, ils sont encourageants comme ceux du D1 Baker, qui nous montre encore qu'au Michigan, entre les années 1877-87, la fièvre intermittente, la scarlatine et la diphtérie ont diminué de près de moitié. II serait inté- ressant de savoir exactement la part des agents météoriques, de l'électricité notamment, et de la prophylaxie qui en découle dans l'obtention de ces heureux résultats; mais le problème esta peine posé, et pour le résoudre, maints efforts seront nécessaires. Encore fallait-il soulever la question cachée par des théories peut-être trop absolues, pour que les recherches hygiéniques se dirigeassent du côté météorologique, atin d'y apporter la lumière ! 752 ARCHÉOLOGIE M. Paul PALLAET à Ecktnuhl-Oran. SUR L'OCCUPATION ROMAINE DANS LE DAHRA ORANAIS \ 937 (397) — Séance du 1er avril 1896 — A ma connaissance, deux notices seulement font mention des ruines romaines du Dahra. La plus ancienne est celle de M. Azéma de Montgravier : Études d'histoire et d'archéologie sur l'invasion de l'Afrique septentrionale par les Romains, avec une carte des ruines romaines du Dahra, Toulouse, 1860. Mais son travail m'est inconnu et je m'expose peut-être à des redites. La seconde est due à M. Demaeght : Notes sur le Dahra occidental in Bull . Soc. Géog. Oran, 1882. Enfin, la carte au 50.000e, publiée par l'État-Major en 1885, indique un grand nombre de ruines; néanmoins, j'en ai relevé beaucoup qui ne s'y trouvaient pas mentionnées. Pour la commodité du récit, je parlerai des ruines en suivant l'itinéraire que j'ai adopté et non en les classant par leur importance, comme cela devrait être. MAZOUNA La nouvelle route coupe le bord du quartier de Bou-Halloufa et dans la tranchée on remarque une grande quantité de débris de poteries romaines avec des ossements de bœuf, cheval, mouton, cochon. Il y a même des ossements humains sur la rive droite de l'O. Bou-Mata. Au- dessous du quartier de ce nom, on trouve dans une terre noire un très grand nombre de poteries fragmentées associées aussi à des ossements. Les indigènes ne connaissent aucune inscription, mais ils disent qu'on a trouvé des monnaies. Je n'en ai pas vu une seule. A la belle source de Tin-Isry sont les restes d'un barrage qui mesure 2m,80 à la base et lm,80 au-dessus. Les indigènes n'ont pas su relever ce barrage et en ont construit un plus petit. Plusieurs auteurs pensaient que la fondation de Mazouna datait de l'époque romaine, mais jusqu'à ce jour on n'avait rien trouvé pour confirmer cette supposition. La preuve est maintenant certaine. Il est regrettable que les travaux d'ouverture de la nouvelle route n'aient P. PALLARY. — SUR INOCCUPATION ROMAINE DANS LE DAHRA ORANAIS 753 pas été surveillés par une personne s'intéressant à l'archéologie, car il est certain que beaucoup d'objets ont été brisés ou ont été enfouis à nouveau dans les déblais. MEDIOUNA Au sortir de Renault, il faut prendre le chemin des carrières qui suit le bord du kef Châabane, passe devant Mat-el-Krarba et M'l-el-Hadj-Aïssa- ben Ali, et descend sur la rive gauche de la vallée jusqu'à Mat-Mohammed- ben-Djelloul où sont les ruines. Ces ruines étaient fort belles il y a quelques années. Aujourd'hui, il n'en reste que bien peu de chose. Les pierres de taille, sarcophages et tout ce qui a été susceptible d'être utilisé a été enlevé pour la construction de Renault. Il y a encore dans le village quelques sarcophages en pierre que les colons emploient comme auges. La visite de ces ruines m'a valu une aventure assez plaisante pour être contée : un indigène paraissait prendre un grand intérêt à mes recherches ; il me suivait pas à pas : mon ombre ne m'aurait pas été plus fidèle. Rien entendu, je ne manquai pas de lui demander s'il connaissait des pierres écrites dans les environs. Alors, réfléchissant un instant et comptant sur les doigts, il me répondit : « — J'en connais quatre! — Diable, fis-je, quatre ! Tu en es bien sûr? — Oui, quatre. — Et elles sont toutes écrites? — Oui, toutes, Pour plus de sûreté je lui dessinai quelques majuscules sur le bord de ma carte : — Écrites comme cela? — Ivif-kif. Je n'hésitai plus : — Et où sont-elles? — Là, dit-il, en me montrant un point dans la montagne, là, là et là. » La chose ne faisait point de doute : c'étaient des milliaires ; évidemment ils jalonnaient la voie romaine qui allait du Maroc à Tenès. Cela était trop naturel pour qu'il en fût autrement. « — Veux-tu m'y mener? — Oui, suis-moi. » Et nous voilà partis. Dire ce que nous franchîmes de ravins, de collines et de plateaux, je ne me le rappelle plus bien, mais mon indigène allait toujours et sûrement. Tout à coup, la route de Cassaigne apparut devant nous : alors, me mon- trant une borne kilométrique, et avec le plus profond contentement : « — Tiens, vois la pierre écrite, il y en a encore une là et une autre là- bas... » Tout autre se serait fâché; j'aurais eu mauvaise grâce à le faire. Nous revînmes sur nos pas, et comme à quelque chose malheur est bon, je rencontrai l'agent vo\er qui me reconduisit en voiture à Renault. Le soir, à table, nous rîmes bien de ma mésaventure. KALAA Les ruines connues sous le nom de Kalâa (qu'il ne faut pas confondre avec le Kalâa situé entre Mascara et l'Hillil) sont à 8 kilomètres environ 48* 754 ARCHÉOLOGIE nord de Renault, à la limite des deux départements, sur un plateau escarpé de 619 mètres d'altitude formant la lisière septentrionale de la plaine du Gri. Elles occupent un grand espace et ont conservé très nette- ment le plan de l'antique cité, l'emplacement des maisons est parfaitement reconnaissable. Il faudrait peu de travail pour reconstituer la ville et l'enceinte. Un grand rempart épais de lm,20 environ suivait le bord de la falaise, mais au nord-est et au sud-ouest, où le plateau est plus accessible le rempart était bien plus large. En ces points, il semble même y avoir eu un double rempart, tant la masse de débris esl considérable. Pour rendre la surveillance encore plus facile, les Romains avaient taillé dans le rocher des deux côtés de la falaise un couloir étroit, condui- sant à une petite chambre ou guérite au moyen de marches. Sur la paroi de la falaise on avait ouvert un trou, quelquefois deux, qui permettait de surveiller la vallée de l'O. Oukallel ou la plaine du Gri. Sur le plateau sont plusieurs citernes dont les unes sont simplement creusées dans le roc et les autres maçonnées. Toutes sont en parfait état. Les premières se recouvraient, au moyen de larges dalles glissant dans des rainures. Des rigoles pratiquées dans les environs conduisaient les eaux dans le réservoir, et malgré le changement des conditions on trouve encore de l'eau pendant toute l'année dans un de ces réservoirs. Vers le centre des ruines se trouve une enceinte rectangulaire où sont dix colonnes; cette enceinte est peu étendue. Je n'ai vu qu'un seul chapi- teau très simple orné de cannelures. Aucune inscription n'a encore été découverte, mais les indigènes ont quelques monnaies en bronze très frustes. Là, comme ailleurs, les cher- cheurs de trésors ont fait des leurs. A la surface, les débris de poterie sont très abondants; j'en ai recueilli quelques morceaux à pâte très fine et vernissée, du verre irisé et deux silex taillés. Ces derniers servaient-ils de briquets ou proviennent-ils d'une station préhistorique ? On sort de la ville par le nord-est; le rempart est percé en cet endroit d'une seule porte servant de passage à un chemin menant à la nécropole et aux carrières qui ont fourni la pierre pour la construction de la ville. Les ornières sont très nettes sur tout le parcours. A droite du chemin, il y a un assez grand nombre de rochers taillés en forme de stèles où l'on remarque toujours le croissant; au-dessous devait se trouver une inscription, mais il n'en reste plus trace. Toutes ont été rongées par le temps ou par les indigènes. A peine dislingue-t-on quelques lettres. Ces stèles sont tellement rapprochées les unes des autres que Ton se demande où l'on a bien pu enterrer le corps si ce n'est au pied de ces stèles où existe une cavité dans le rocher. J'aurais même pu douter P. PALLARY. — SUR l/OCCUPATION ROMAINE DANS LE DAHRA ORANAIS 7.">.j de l'attribution de ces stèles si je n'avais pu lire bien distinctement sur l'une d'elles D. M. S. (aux dieux mânes). Du côté gauche de ce même chemin, on aperçoit aussi un assez grand, nombre de lombes creusées dans le rocher. Ces tombes, de l'orme rectan- gulaire, sont creusées assez profondément (plus d'un mètre) et parallèlement les unes aux autres. Toutes sont dépourvues des dalles qui devaient les recouvrir. De l'autre côté de la ville, au sud-ouest, est une autre porte trouant le rempart très large en cet endroit. Les pierres formant les montants de cette porte sont encore en place. Une voie descendait en pente douce jusqu'au col d'A'ïn-Kerdar; à la sortie de la place la voie est bordée des deux côtés par des tombeaux creusés dans le sol. Enfin, un troisième chemin permettait d'accéder sur le plateau : ce chemin ouvert dans le rocher se trouve sur la face sud en arrière de la koubba de S'-A.-E.'-K. mïa-kradem, il débouche sur le plateau près de l'habitation du seul indigène qui y soit installé. Les difficultés du ravitaillement dans de telles conditions, le manque de terres labourables à la surface et sur les pentes me font considérer Kalàa comme une ville militaire. Ce qui me confirme dans cette idée, c'est qu'elle dominait le pays et qu'elle surveillait à la fois la plaine du Gri et la vallée de l'O. Oukallel. De plus, la présence du croissant et le caractère phénicien d'un groupe des sépultures me font supposer que la garnison de Kalàa était composée — en partie au moins — d'une fraction de la légion syrienne (numerus Syrorum) cantonnée à Marnia, sur la frontière marocaine. Dans l'étroite vallée de l'O. Oukallel (ou Oukahal), on remarque encore quelques vestiges de l'époque romaine : entre Aïne-Halloufa et un vieux moulin, sur la rive droite, est un canal de dérivation presque entièrement creusé dans le rocher. Plus bas, à 500 mètres en aval, est une très belle source, l'Aïn-el-Hammam, ainsi nommée parce qu'elle sort dans un bassin Construit parles Romains et qui serait encore intact si un gros figuier n'en avait disjoint la maçonnerie. Tout près sont quelques ruines. Au-dessus de la source et à quelques mètres seulement, est une petite grotte : K'orfa-m'ta-el-Hammam dont je donne la description et le dessin dans un antre mémoire que l'on trouvera à la Section d'Anthropologie. OULED MEZIANE En face d'Aïn-Laqunia. de l'autre côté de la roule, est un mamelon (o IN; sur lequel est un cimetière musulman. En construisant une cave près de la ferme Séguèla, on attaqua ce mamelon et on constata avec surprise qu'il «Hait formé par des ruines. On retira de là des pierres de taille de grandes "56 ARCHÉOLOGIE dimensions qui furent employées dans la bâtisse; il y avait aussi des dolium qui furent é ventres. Au moment de mon passage, aucune inscription n'avait encore été découverte. Plus au sud, sur la rive droite de l'O. Zokara, dans le Dj. EI-Abiod. sont d'autres ruines à mi -flanc des pentes qui descendent à l'O. Temda. DJ. GUETTAR PrislaroutedesOuled-Lakredarjusquala fontaine. Obliqué vers l'ouest, passé devant S'-A.-E.-K. Lakredar, le village des 0. Lakredar, Ma-Meheia, W'-Zhaelia, descendu dans le chahet Haboul par un sentier escarpé. Sur la rive gauche de ce chabet sont des ruines presque intactes. Un peu plus loin nous tombons à Aïn-el-Anasseur dans l'O. Bey-Salem, nous passons devant une cascade par un sentier de chèvre. Les ruines indiquées sur la carte sont masquées par des gourbis. A 6 kilomètres sud- ouest d' Aïn-el-Anasseur dans le Dj. El-Arbi sont d'autres ruines que je n'ai pas visitées. Il est facile de les retrouver, car elles sont mentionnées sur la carte au 50.000e. Une des ruines est connue sous le nom de Kerbet-Sidi- Douma. De la koubba de Sidi-Mohammed-ben-Yayia un sentier mène droit au nord à Aïoun-bou-Kreris, groupe de trois sources à faible débit dont la meilleure avait été captée par les Romains comme le témoignent quelques fortes pierres de taille. Sur le plateau je n'ai pas observé de ruines, mais il y en a dans un cimetière arabe un peu plus au nord dans le Dj. Bab-et- Tahar. La plupart des pierres ont été employées pour les sépultures. SEKDEL Au nord- ouest d' Aïoun-bou-Kreris est la koubba de S'-A.-E.-K.-Sekdel (ou Segdel d'après l'État-Major) où sont des ruines étendues. La koubba est construite et entourée avec ces ruines et le cimetière indigène qui l'environne a employé beaucoup d'autres matériaux. Sur la pente du plateau, derrière la koubba, est une pierre sculptée qui indique un certain luxe. Autour même du marabout on verra des sarcophages presque entiers. Dans l'intérieur de la koubba est une dalle plaquée contre le mur avec un entourage en léger relief. C'était une inscription : elle a été martelée de sorte qu'il est impossible de distinguer le moindre signe. Comme toujours, j'ai demandé aux indigènes s'ils connaissaient des pierres écrites dans les environs : ils n'en connaissent aucune. Ils ne tiennent nullement d'ailleurs à les faire connaître; lorsqu'ils en trouvent, ils les renversent, les enterrent, les cassent ou les mutilent. Voici la raison qui m'a été donnée : d'après les indigènes, les pierres gravées en caractères romains P. PALLARY. — SUR L'OCCUPATION ROMAINE DANS LE DAHRA ORANA1S 7o7 sont des titres de propriété laissés par Jes anciens occupants du sol. Ils craignent que les recherches de ces inscriptions n'aient pour but de les déposséder de leurs terrains. Pour éviter cela, ils font disparaître les inscriptions. Il n'y a relativement que peu de temps qu'ils procèdent à ces mutila- tions, car plusieurs personnes se souviennent d'avoir vu des inscriptions à Sekdel. Un vieil habitant de Renault, en m'en décrivant une, me témoignait son admiration en disant : « Ah! monsieur, c'en était ridicule! » AÏNE-TENSERTE A 4 kilomètres environ ouest de Renault, sur la route de Cassaigne. L( s ruines sont sur la rive droite du ravin entre la source et S'-A.-E.-K.-el- Medjabria. Ce sont les restes d'une cité importante; on y voit des pans de murs, des pierres de taille, des débris de poteries. Sur la rive gauche, à gauche de la route, sur un petit mamelon, sont deux constructions parfaitement conservées : elles comprennent une chambre voûtée dont l'intérieur est enduit de ciment avec une porte formée par quatre grandes dalles taillées; le tout est recouvert de terre. Cène sont pas certainement des citernes. C'est îà que l'on découvrit, en 1880, lors de l'ouverture de la route, le sarcophage de Rogatus, évêque et martyr. L'inscription funéraire qui relate lé fait se trouve aujourd'hui au musée d'Oran. Plus haut, près du marabout de S'-Abd-el-Hadi, sont d'autres ruines. Enfin, si l'on suit la roule vers l'ouest, on trouvera à un kilomètre et demi plus loin que le ponceau de l'O. Tenserte, l'Aïne-Tamdjet en aval de laquelle sont les restes d'un bassin. Il y avait sur un affluent de la rive droite de l'O. Defla et en amont de cet affluent, sur le bord d'un plateau où se trouve la M'-Ouled-Djeloul-el- Becheria (cote 415), deux grandes ruines romaines indiquées sur la carte. On a si bien enlevé toutes ces pierres que lorsque je suis passé sur ce point je n'ai rien vu qui ait pu m'indiquer qu'il y eût eu là des ruines. Les colons ont non seulement emporté les pierres pour le village, mais ils s'en sont encore servis pour leurs prestations. AÏNE-BOU-BRAHIM — KOUDIAT-ED-DIS Au pied du Dj. Sidi-Saïd, dans la portion orientale, les ruines sont très nombreuses. Il y en a près do la belle source de Bou-Brahim. Un peu plus bas, en allant vers la koubba de S'-A.-E.-K., qui est au sud, j'ai vu un reste de bonne maçonnerie de forme rectangulaire et près de là une voûte presque entière renversée, formant un seul bloc. 7o8 ARCHÉOLOGIE Les ruines de Bou-Brahim, de S'-Ahmed-ben-loucef et de S'-Otsmane me paraissent appartenir à un seul groupe. Un fort placé vers le nord-est, sur le Koudial-ed-Dis (ëSd) protégeait cet ensemble. Bu Koudiat ed-Bis à l'O. ïalaounes, le sentier passe près d'une autre ruine. NEKMARIA Pour aller à Nekmaria, je n'ai pas suivi la route; je suis passé derrière le Bj. Sidi-Saïd et ai pris une traverse. A Aïn-bou-Isril, près de la Ma des Ouled-Hélal sur la rive gauche du chl Mta-Saousar, il va quelques ruines. A la source, les troupeaux s'abreuvent dans un sarcophage; j'ai remarqué beaucoup de scories dans les environs. Un peu plus bas, on suit pendant quelque temps une voie romaine (1). Sur le plateau de Nekmaria. au sud-est, à l'endroit que les indigènes désignent sous le nom de Bj. Rerkour, est une ruine considérable non mentionnée sur la carte. Cette construction surveillait trois vallées. Un peu plus haut, au Bj. Kab-ed-Bjahel, des indigènes en cherchant des trésors ont mis à jour un bassin d'où ils ont retiré une pierre réel angulaire de 80 X o0 X 20 et percée de deux cavités carrées de un décimètre de côté et de plusieurs petits trous disposés en quinconce. Était-ce une table de jeu? Enfin, un peu au nord, on a trouvé un sarcophage en pierre parfaite- ment conservé. Le couvercle, de forme triangulaire, a été brisé et les ossements dispersés. Il semble donc, d'après ces matériaux, qu'il y ait eu là un centre d'occu- pation, au moins aussi important que Ralâa. Nekmaria est d'ailleurs un point stratégique de premier ordre, sur lequel se sont installés d'abord les hommes de l'âge de la pierre, puis les Berbères, les Romains, les Turcs et enfin les Français. Je n'ai pu avoir la moindre indication au sujet d'inscriptions trouvées dans ces ruines, mais un indigène m'a remis un petit bronze fort bien conservé de Constance Chlore. ZÉRI1 A Sur le bord sud-ouest du plateau, entre Aïne-Arraeh et la koubba de S'-A.-E.K.-Zérifa, j'ai trouvé près de la maison de Guedrouïa, un grand (1) Lu carte en signale deux aulres des deux côtés de la route actcelle, entre Si-Sliman etSouk- ■el-Arba. Il est admis généralement que la grande voie romaine qui allait de Tanger à Carthage suivait le littoral; mais il parail aussi incontestable qu'une voie centrale, ayant à peu près le même tracé que la loute stratégique actuelle, traversait le Dahra. Klle était protégée par une ligne de postes dont on retrouve les traces au sud de Nekmaria. : l'un à la jonction de la route de \ek ria à Cassaigne, sur une arête; l'autre, à 3 kilomètres sudrouest, à la cote i6A, sur un pilon dominant la vallée de l'O. Sidi-Saïd. Enfin, un troisième oite se trouvait au sud-est, à Hadjar-Touil chez les Beni-Zenlhis. P. PALLARY. — SUIi l'0CCUPATI0N ROMAINE DANS LE DAHRA OBANA1S 789 nombre de poteries brisées : dolium, lampes, patères... dont certaines sont remarquables par la finesse de la pâte et des dessins. Une patère porte une colombe gravée en creux. Malheureusement le terrain est masqué par une brousse épaisse dans laquelle il est impossible de pénétrer. Les Marocains ont fouillé çà et là, brisant tout ce qui se trouvait sous leur pioche pour y trouver de l'argent. Sur le koudiat-Ksar, sur la rive gauche de l'O. Zérifa, il y a aussi de nombreux débris de poteries romaines. Mais il n'est pas possible d'aper- cevoir la moindre construction. Lorsque ces terrains seront débroussaillés, on y trouvera certainement des vestiges plus importants. M. de Mesnard possède un triens d'or h l'effigie de Justin II (deuxième moitié du vie siècle), qui lui a été vendu par un indigène et qui provient ■de cet endroit. ACHAACHAS A l'embouchure de l'O. Kaddous, près de la kouba de S'-A.-E.-K., est une ruine peu importante. A Aïne-bou-Keriche j'ai observé les restes d'un bourg berbère (Benian- Djouhala) contemporain de l'occupation romaine. Tout près du cap Kramis, à la cote 63, il y a une ruine assez étendue. Les indigènes qui ont défriché les champs ont fait de grands tas de pierres qui signalent ce point de très loin. Les murs qui défendaient la face est au-dessus de l'O. Aoudoukh sont en place. Sur le plateau, on récolte des fragments de poterie, mais rien de plus. Ce point ainsi que 0. Kaddous devaient être occupés fortement à cause de leur position sur le bord de la mer, auprès de petites anses très accessibles. C'est là qu'il faudrait installer un village français si l'on avait l'intention d'en créer un. Les indigènes m'ont dit qu'il y avait à la limite du département, près' d'Aïne-Frah ou d'Aïne-Mahé, des ruines où se trouvaient des pierres sculptées. Je n'ai pu les voir ainsi que celles de Taourirt au confluent de l'O. Bakrti et de l'O. Kramis. En plus des vestiges laissés sur le sol, on trouve encore un autre souvenir de la domination romaine dans le nom même de l'O. Roumane chez les Zérifa. LAPASSET Au-dessus d'Aïn-el-Hammam et au-dessus de la route sur un sommet, au sud de la source, sont des ruines romaines. OUED TITINGUEL Il y a à signaler sur cet oued trois groupes de ruines : le premier. 760 ARCHÉOLOGIE près de la koubba de S'-Ahmed-Cheihk à Aïne-Tiltaoun ; le second, à Aïn-Titinguel, sur la rive gauche de l'oued, et, enfin, celles de l'embou- chure, sur la rive droite : ces dernières sont assez étendues. KEF EL-ASFER Ruines d'un poste à la pointe de ce nom, à 6 kilomètres et demi ouest de Petit-Port. AÏNE-TEBENET Ruines au nord-ouesl et à 5 kilomètres environ de Cassaigne. KEF CHEGGA Le sentier qui va du douar Tebagheria àl'O. Mâlah (sud-est de Cassaigne) passe l'O. Sidi-Mouça et entre dans la vallée de l'O. Er-Reçass sur la rive droite de la vallée; sous le kef, sont des ruines que le sentier traverse. Un mur formé de pierres de taille est encore debout. BOSQUET Il ne reste plus guère des ruines qu'on avait misps à jour tout près de la source, lors de la construction du village. On aperçoit cependant très fréquemment dans les champs des pierres de taille et quelques indigènes montrent des pièces en bronze, très frustes pour la plupart. OUILLIS Au sud-ouest du village, sur le versant sud du Dj. Dar-Nessis, sont les ruines du Koudiat-el-Bableur. En construisant la route qui va à la mer, on trouva sur le littoral une maison romaine, qui fut fouillée par les ouvriers et d'où l'on retira des poteries et plusieurs monnaies. Ce sont les seuls renseignements que j'ai pu avoir sur ce point. PONT-DU- CHÉLIF Enfin, pour finir, je signalerai les ruines de Pont-du-Chélif qui ont été assimilées à Qniza mwnicipum, par M. Deniaeght (Bull. Soc. Géog. Oran, 1882, p. 261.) P. PALLÀRY. — NOTES PALETHNOLOGIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 761 M. Paul PALLARY ù Eckmilh] Oran. NOTES PALETHNOLOGIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 571 657 Séance du l " am il 1896 — I A cause de son isolement, comme massif montagneux, dans une région littorale où les sources sont abondantes, je pensais que le Dahra devait me fournir beaucoup de matériaux au point de vue de l'anthropologie ancienne. Avec cela ce pays avait le prestige de l'inconnu : on n'en connaissait que très peu l'histoire naturelle. C'est dans cette situation d'esprit que j 'entre- pris de faire une étude sérieuse de cette région ; j'obtins de l'Association une subvention de 400 francs prélevée sur le legs Girard et qui devait me permettre de faire ces recherches. Je dois déclarer tout d'abord que j'ai été bien déçu dans mes espérances. Le Dahra est surtout argileux et son terrain se prête peu à l'existence de grottes. Il y a bien ça et là quelques failles dans le gypse, mais nulle part je n'ai vu trace du séjour de l'homme dans les cavernes. Le pays a été peuplé surtout à l'époque néolithique, alors que les autochtones devaient vivre sous des constructions. Néanmoins, les traces de cette époque restent quand môme rares. On peut inférer que cette rareté de silex taillés provient de ce que le pays ayant été sérieusement colonisé pendant l'occupation romaine, beaucoup de stations ont du disparaître dans le bouleversent n! de la terre. C'est la portion littorale qui a le plus donné. J'ai pu constater la présence de dix stations, dont deux franchement quaternaires et les autres néolithiques. J'ai relevé aussi cinq ruines ber- bères, trois grands tumulus et deux groupes d'autres tombes. Si l'on compare ce faible chiffre relativement à la grande étendue du pays à roux que j'ai donnés précédemment pour les arrondissements du département d'Oran, on sera vivement frappé de la pénurie de matériaux dont a à disposer l'anthropologisle. C'est une raison de plus pour étudier avec tout le soin désirable, les rares échantillons rapportés de ce pays. 762 ARCHÉOLOGIE II Les deux stations quaternaires sont situées : l'une à Sidi-bou-Brahim et l'autre à l'O. Temda. Aïne-bou-Brahim La source est située à l'est et à 2 kilomètres environ du Dj. Sidi-Saïd. Entre les ruines romaines et la koubba de Sidi-A.-E.-R. (591 mètres), j'ai recueilli en plein air un outil chelléen, assez grossier, en grès dur. Oued Temda L'O. Temda commence à couler au pied du Dj. Rokba sur son versant nord ; les nombreuses sources qui sourdent sur ses rives portent toutes le nom d'Ain -Temda. La rivière se dirige vers l'est dans une vallée à pentes douces, mais dont les rives se resserrent de plus en plus. Dès que la route a franchi la rivière, celle-ci est encaissée d'abord dans des argiles torto- niennes, puis entre les gypses jusqu'à son confluent avec l'O. Ouarizane. Tout le long de ses rives, dans les alluvions supérieures, on trouve des silex et des quartzites taillés en plus ou moins grande abondance ; mais au confluent et sur la rive gauche, j'ai observé dans les alluvions réguliè- rement déposées, de beaux silex taillés avec pointes et racloirs, dont le type moustiérien est incontestable. Avec cette industrie, j'ai recueilli une molaire de phacochère, de nombreuses mélanopsides et quelques hélices. C'est avec Aïn-el-Hammam (Lapasset) la seule station que j'ai observée en place. Dj. Sidi-Saïd Le Sidi-Saïd est un des pics culminants du Dahra (777 mètres). Il est situé entre Renault et Nekmaria. A l'ouest, entre le sommet et Aïne-bou- Brahim, à l'origine de ravins élevés, j'ai trouvé quelques beaux silex taillés. Sous la crête nord il y a des ruines berbères et des tumulus. J'en ai observé d'autres à l'ouest du Sidi-Saïd au nord-est du point 7l)4. Nekmaria Autour du bordj de Nekmaria, sur le plateau nommé Dj. Kerkour, il y a à la surface des quartzites et silex taillés. Ce plateau est un point remar- quable qui commande deux grandes vallées et plusieurs petites autres. C'est un lieu de passage obligé ; l'eau n'y est pas rare : il n'est donc pas éton- nant qu'il ait été occupé aux époques préhistoriques et plus tard à 1 époque P. PALLARV. — NOTES PALETII.NOLOUIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 763 romaine. Les Fiançais y ont construit un bordj. Mais ces occupations successives ont tellement bouleversé le terrain que les stations primitives sont à peine reconnaissables. Tout autour de ce plateau et sur une assez grande distance, on recueille des outils en pierre éclatée. Un groupement assez important de ces outils se trouve à Aïne-bou-Rich, chez les Ouled-Kiah, à o kilomètres nord du bordj. A lk, 5 environ au sud du bordj, est un petit coteau connu sous le nom de Dj. Sidi-Mohammed-bou-Debiran. En causant avec les indigènes, j'appris qu'il y avait là d'anciens tombeaux. Notez que les indigènes ont une assez grande répugnance à parler de tombeaux, à vous les montrer, et encore plus à vous les laisser fouiller. Lorsqu'ils vous laissent faire sans trop murmurer, vous pouvez être certain que vous avez affaire à des tombes antérieures à l'islamisme, des tombes des infidèles comme il > les appellent, c'est-à-dire des tombes romaines ou des tombes berbères. Il n'est pas pos- sible de faire de confusion entre ces deux modes de sépulture. Un des indigènes me raconta que deux Européens, venus de nuit, avaient ouvert une tombe pour y chercher de l'argent (1). Ils avaient rejeté les ossements et étaient partis laissant la fouille intacte. Dans une autre tombe, un vieil Arabe avait trouvé des bracelets en cuivre, mais je ne pus les voir parce que l'Arabe était mort et que l'on ne savait pas ce qu'étaient devenus ces bracelets. Sur le Dj. Sidi-Mohammed-bou-Debiran sont plusieurs tombes de formes diverses mais où le rectangle domine. C'est un type de sépulture assez commun aux environs de Mascara. Deux de ces sépultures ont été entourées par des murettes en pierre sèche et forment deux haouïtas. L'une de ces haouïtas a été vidée par les Européens dont je viens de parler ; j'ai pu retrouver deux morceaux de crâne et un fémur entier. J'ai fouillé l'autre sépulture, située un peu plus loin, dans une touffe de lentisque. La tombe occupait le centre de la haouïta; elle était orientée exactement sud-nord, et elle était circonscrite à la. surface par de grandes dalles en calcaire coquillier et en grès, fichées longitudinalement. A un mètre environ, nous trouvons des dalles placées latéralement, puis à 40 centimètres au- dessous, le corps est. mis à découvert ; le cadavre est allongé, la tète couchée sur le côté droit, le bras gauche un peu coudé sur le liane droit, les jambes étendues. Pas de dalles entourant le cadavre sur les côtés ni en dessous ; le corps repose sur la terre nue. Pas de mobilier funéraire, pas même la poterie traditionnelle si commune dans les autres sépultures berbères. Nous trouvons seulement plusieurs galets qui semblent avoir été apportés 1 1 1 Chaque fois que vous pratiquez une fouille quelconque, les Indigènes 8onJ assurés que vous cher- chez un trésor. ro4 ARCHÉOLOGIE là intentionnellement, ainsi que deux boules en calcaire jointes en- semble^). (iiàce au sol qui est très calcaire et très poreux, les ossements sont en parfait état de conservation. La tête est magnifique, elle a des arcades sourcilières très développées, le pariétal est déformé par un sillon profond; la dentition est mauvaise; quoique jeune, l'individu avait une dent profon- dément cariée et les cavités de trois autres cicatrisées; les os styloïdes sont très longs. R'orfa-Hammam Au nord-est de Renault, sous Kalâa, coule l'O. Oukhellal (ou Oukhallelj qui sert de limite au département d'Alger. En descendant cette rivière, on trouve un vieux moulin, puis à 500 mètres plus bas encore, sur la rive gauche, une très belle source, l'Aïn-el Hammam, ainsi nommée parce qu'elle coule clans un bassin construit par les Romains et qui serait encore intact si un gros figuier n'en avait disjoint la maçonnerie. Au-dessus de la source et à quelques mètres, est une petite grotte R'orfa- M'ta-el-Hammam, remarquable par les cavités taillées par l'homme sur la paroi droite (fig. I et 2). Ce sont : au sommet un trou circulaire D, au L.1 FlG. 2. bas une sole B avec, sur le devant, un faible rebord percé en deux endroits: au fond de la paroi est une cavité rectangulaire C, parfaitement régulière. Enfin, près du sol est un trou A, assez vaste, réuni à la sole par une rigole. La seconde rigole s'arrête au milieu de la paroi. Le liquide qui s'écoulait par cette paroi devait être recueilli par une cannelle. Il est évident que le but de ces cavités était de recueillir un liquide. Lequel? Comment? M. Guilhon, de Renault, incline à croire que cet ensemble constituait un pressoir fixe. il) Dans les fouilles du Madracen, on n trouvé un obje< m silex absolument semblable, cf. Brunon, Mémoire sur les fouilles exécutées au Madracen, pi. XI, lij:. :i. P. PÂLLABY. — NOTES PALETHNOLOGIQUES SUR LE DAHRA ORANAIS 705 Enfin de quelle époque date ce singulier travail? Je ne saurais le dire; un léger sondage et un examen attentif des pentes ne nous ont pas permis de trouver des silex taillés. k Oued Trar Si d'Aïne-el-Hamman on descend la vallée, on arrive après o ou G kilo- mètres au confluent de l'O. Trab. On relèvera en cet endroit, sur la rive droite de cet affluent, un mamelon couronné par des ruines berbères. A'ÏNE-OuRAZALl La route de Renault à Cassaigne passe près de cette source avant d'aborder le Dj. Sidi-Saïd. Tout près d'Aïne-Ourazali, un peu au sud, est un djabel fort bien conservé. Les indigènes disent qu'il y en a plusieurs autres dans les environs. Zerifa Au milieu de la tribu des Zerifa, est placée la ferme de Mesnard. Autour de celle-ci sont un certain nombre de caves souterraines, creusées sous le tuf et connues sous le nom de dédieras. Elles offrent beaucoup d'analogie avec les R'iran-er-r'ih d'Ouzidan(l). L'entrée de ces dédieras est formée par un vestibule pour la construction duquel on a employé la pierre et le bois ; ces décheras ne sont pas utilisées actuellement mais l'ont été à une époque certainement peu ancienne. Quoique l'eau soit assez rare en cet endroit, il est certain que ce lieu a servi de station à des époques différentes, car j'ai recueilli quelques quartzites taillés assez grossièrement, et M. de Mesnard m'a donné une hache polie en grès dur, en forme de boudin, fortement ébréchée par le tranchant et dont l'extrémité opposée a servi de percuteur. Il y a également tout autour de la ferme des alignements de pierres qui sont les restes d'an- ciennes habitations berbères, De plus les sépultures ne sont pas rares comme nous allons l'expliquer, et des vestiges importants de l'époque romaine, indiquent assez que ce lieu a servi de séjour pendant une longue période. Si de la ferme de Mesnard, on descend à l'O. Zerifa et que l'on remonte la rive gauche, on trouvera au-dessus de l'oued, sur les pentes mêmes de la rive des argiles, très ravinées, recouvertes par un terreau noir avec des hélices et des silex taillés. Ces silex sont relativement rares, mais ils sont remarquables par leur petitesse et la finesse de leur taille. 1 1 \i as, Besançon, 1893, n, p. 657. "60 ARCHÉOLOGIE Au-dessus il y a une vaste nécropole berbère ; les pentes argileuses ont été tellement lavées que les ossements affleurent sur un grand nombre de points. Plus haut, le terrain devient sablonneux et les tombes sont mieux conservées; l'orientation générale est sud-nord, ce qui les distingue du premier coup des tombes arabes. Enfin, au sommet même du Dj. Ksar, dans une broussaille épaisse, je trouve quelques quartzitesetje visite deux dédieras ruinées. Benian-Djouhala Aïne-bou-Reriche est une forte source située chez les Achâachas, entre Haci-Tanout et l'O. Kramis, dans un terrain très sablonneux, envahi par les dunes, à peu de distance de la mer. Ce point est orthographié : Bokrèche sur la carte au 50.000e. Un peu au-dessous de cette source, à la cote 30, est un gourbi servant de marabout (Sidi-bel-Khassem) auprès duquel sont des ruines berbères importantes connues sous le nom de Benian-Djouhala, et où j'ai trouvé une hache plate en pierre polie, un bon silex taillé, de nombreuses poteries romaines et berbères, une plaque de marbre, des briques, des laitiers et des pectoncles. Les maisons étaient bâties en carré, le sol était formé d'argile bat lue ; les murs étaient en pierre brute; la pierre taillée était l'exception, car je n'ai vu qu'une seule pierre de taille à moitié recouverte par le sable. Il est hors de doute que nous sommes en présence d'un bourg berbère contemporain de l'occupation romaine. Il est hors de doute aussi que les habitants de ce bourg ont eu à leur disposition des objets fabriqués par les Romains, et qu'ils ont essayé de les imiter, comme en témoignent quelques poteries en argile locale, mal cuite, copiées sur les modèles romains. La présence d'une hache en pierre polie, dans de pareilles circonstances, prouve donc, une fois de plus, qu'à l'époque romaine, les Berbères se servaient encore d'outils en pierre. Haci-hadj-ben-Ali D'Aïn-bou-Keriche, on passe l'O. Kramis, et par un sentier assez raide on atteint le plateau dominant la rive droite. Sur le bord de ce plateau, à deux pas de Haci-hadj-ben-Ali, est une station préhistorique en plein air, où les silex taillés abondent ; c'est la première fois que je constate une station aussi bien caractérisée. La majeure partie des silex sont blancs, légèrement patines de rouge. Plus loin, en suivant le sentier parallèle au rivage, on franchit l'O. Aou- Doukh (ou 0. Bezoujert). Sur le bord gauche du sentier qui gravit la rive GSELL. — LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE 767 droite de l'oued, je remarque un tumulus (djahel) en bon état de conser- vation. Ce tumulus est placé juste au point où une ligne, tracée des cotes 78 à 81, coupe le sentier. En débouchant sur le plateau, je trouve encore sur le bord du sentier des silex et quart ziles très bien taillés. D'ailleurs, sur tous les plateaux littoraux depuis l'O. Kaddous jusqu'à la limite du département, j'ai trouvé, plus ou moins, des outils en pierre taillée. Les quartzites dominent. Lapasset Du village, une route mène aux sources captées d'Aïn-el -Hammam, au sud. A l'est et un peu au sud, sur un affluent non loin de la source, je remarque, au sommet de la ravine, une couche noire dans laquelle il y a des hélices, des silex taillés, des débris d'œufs d'autruche, des coquilles marines et des ossements. Parmi les objets recueillis se trouvent : une molaire et une tête de métacarpien de bovidé, et une trivia percée. Les silex ont la forme de lames; ils sont assez rares. Je n'ai pas recueilli de poterie. L'aspect général rappelle assez les couches supérieures des grottes oranaises que nous avons rapportées au néolithique ancien. 0. Malah Au sud et près de l'ancien télégraphe aérien des 0. Malah, au bord de la plaine du Chôliff, je recueille un disque en quartzite très bien taillé ; c'est le seul outil en pierre que j'ai trouvé dans cet endroit. M. GrSELL Professeur :'i l'École des lettres d'Alg LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE [939 7 j Séance du /•"' and 1896 ■ Situé sur une colline de 260 mètres de hauteur, au point le plus étroit de la chaîne du Sahel, le Tombeau de la Chrétienne, semblable de loin à une ruche d'abeilles, se découvre de divers côtés : de toute la partie occi- 768 ARCHÉOLOGIE dentale de la Mitidja, des montagnes qui bornent cette plaine au sud, dans la direction de Médéa; de la mer, tout le long du golfe qui se creuse entre le Chenoua et la Bouzarea. Il s'élève dans un lieu abrupt, aride, dont la sauvage tristesse accroît l'impression de majesté sévère que donne la vue de cette vaste ruine. C'est un cylindre énorme, assis sur une base carrée et coiffé d'un cône à gradins. Son diamètre à la base est de 64 mètres ; sa bauteur actuelle de près de 33 mètres; elle devait être autrefois de 40 mètres environ. La construction est en belles pierres de taille, de grandes dimensions, dispo- sées en assises très régulières et jadis réunies par des crampons de scelle- ment en plomb. La partie cylindrique est ornée de soixante colonnes, qui paraissent appliquées contre la paroi, mais font corps avec elle ; quelques- uns des chapiteaux à volutes qui les surmontaient se voient aux abords de la maisonnette du garde. Ces colonnes supportaient une corniche d'un profil assez simple. Aux quatre points cardinaux se dressaient de fausses portes, panneaux en forme de trapèze, dont les moulures saillantes imitent, parleur disposition, une grande croix enfermée dans un cadre. Au-dessous de la fausse porte de l'est, on remarque un avant-corps rectangulaire, dont le bas seulement, sorte de dallage en pierres de taille, est aujourd'hui conservé. Ce monument a été pendant longtemps une énigme : l'entrée en était inconnue et mille légendes couraient sur les dépôts mystérieux qu'il cachait, disait-on, sous sa masse de pierres. Les Arabes l'appelaient Kbour-Roumia, expression que les Espagnols ont traduite par Fuesa de la Cristiana, et les Français par Tombeau de la Chrétienne; la croix ornementale de la fausse porte du nord, bien conservée et restée visible en tout temps, avait donné naissance à ces dénominations. Au seizième siècle, des Espagnols voulaient en savoir plus long et soutenaient que c'était la sépulture de la Cava, cette fille d'une merveilleuse beauté que le roi des Wisigoths avait séduite et dont le père, le comte Julien, avait, pour se venger, livré l'Espagne aux musulmans. D'autres parlaient de trésors immenses, gardés jalousement par la fée Halloula. Bien rarement, d'heureux mortels en avaient eu leur part. Un berger du voisinage, racontait-on, avait remarqué qu'une de ses vaches disparaissait toutes les nuits ; cependant, le lende- main matin, il la retrouvait au milieu de son troupeau. Un soir, il l'épia, la suivit et la vit s'enfoncer par une ouverture qui se referma aussitôt, Le jour suivant, mieux avisé, il s'accrocha à la queue de sa bête au moment où elle allait disparaître et put ainsi entrer avec elle. Il sortit à l'aube dans le même équipage, mais avec tant d'or qu'il devint un des plus riches seigneurs du pays. Inutile d'ajouter qu'il renouvela souvent cette prome- nade nocturne. Un Arabe de la Mitidja, tombé entre les mains des chrétiens, était devenu l'esclave d'un vieux savant espagnol, fort expert en GSELL. — LK TOMBEAU DE LA C1IUÉTIENNE 769 sorcellerie. Un jour, celui-ci lui rendit sa liberté, à la condition qu'aussitôt revenu chez lui, il irait au tombeau, y allumerait un feu et, tourné vers l'Orient, y brûlerait un papier magique qu'il lui remit. L'Arabe obéit; à peine le papier avait-il été consumé qu'il vit la muraille s'entrouvrir et livrer passage à une immense nuée de pièces d'or qui s'envolèrent dans la direction de l'Espagne, où elles allèrent, sans aucun doute, rejoindre le sorcier. Pour s'emparer des trésors sur lesquels couraient des récits si merveil- leux, les maîtres de la Régence d'Alger usèrent de procédés qu'ils croyaient plus pratiques. Au seizième siècle, le pacha Sala-Reïs donna ordre de canonner le tombeau, mais ses boulets, qui firent une large brèche au- dessus de la fausse porte de l'est, ne mirent pas à découvert le caveau où étaient entassées, disait-on, toutes ces richesses. Il employa alors de nom- breux esclaves chrétiens à faire une ouverture dans la muraille, sans mieux réussir. La légende raconte que ses ouvriers furent mis en fuite par des légions de gros frelons noirs. C'étaient peut être tout simplement des moustiques, insectes qui pullulaient dans la région avant le dessèchement du lac Halloula. Au siècle dernier, un dey, associé à des Marocains, ne fut pas plus heureux. Faute de mieux, les indigènes s'emparèrent des 49* 770 ARCHÉOLOGIE tenons de plomb qui reliaient les pierres du revêtement, afin d'en faire des balles, opération qui fut plus fatale au monument que les tremble- ments de terre, les racines pénétrant partout, et le bombardement de Sala- Reïs ; car, pour mettre la main sur le précieux métal, ils écornèrent, dé- chaussèrent et culbutèrent les blocs. Enfin, en 18tio-186b, des fouilles régulières furent faites par Berbrugges et xMac-Carthy, aux frais de Napoléon III. Ils déblayèrent le quart environ du pourtour, au nord-est, et firent de nombreux sondages pour trouver une cavité intérieure qui ne fut signalée qu'au bout de quatre mois ; on perça alors un tunnel sous la fausse porte du sud, pour rejoindre cet espace vide dont on venait de constater l'existence, et l'on arriva dans une vaste galerie, admirablement conservée. De là on parvint d'une part à l'entrée, de l'autre aux caveaux (fig. /). L'entrée se trouve dans le soûl tassement, au-dessous de la fausse porte de l'est et en arrière de cet avant-corps dont nous avons parlé. Basse et étroite, elle était fermée par -trois pierres de taille semblables, posées en long l'une sur l'autre, dont les lits étaient placés à la même hauteur que ceux des assises voisines et qui ne se distinguaient des autres pierres que par la disposition de leurs joints : ceux-ci, au lieu d'alterner d'assise en assise, étaient exactement superposés, ne formant à droite et à gauche qu'une seule 'ligne droite, de telle sorte qu'après avoir enlevé les trois pierres on se trouvait en face d'une ouverture parfaitement rectangulaire. Elle est actuellement fermée par une grille, et c'est par là qu'on pénètre dans le tombeau. L'entrée franchie, on arrivait en face d'une dalle-porte, retenue dans des rainures sur les côtés et en haut. On pouvait la soulever à l'aide d'un levier et la faire disparaître tout entière dans la rainure du haut, profonde de lm,50, en la maintenant par des quilles placées contre les montants, à droite et à gauche. Berbrugger et Mac-Car thy ont trouvé cette porte brisée, comme toutes celles dont nous parlerons ensuite. Après un petit couloir très bas, où il faut se courber pour avancer, se dressait une seconde dalle-porte qui précédait un caveau voûté, long de ôm,30, large de 2m,o0, haut de 3m,50. Sur la paroi de droite y sont sculp- tés, d'une manière assez rudimentaire, un lion et une lionne, se faisant face au-dessus d'un nouveau couloir. Celui-ci, aussi bas que le précédent, est fermé de même par une dalle-porte. Au bout de deux pas, le plafond se relève et l'on arrive à un escalier de sept marches, dont la présence s'explique par ce fait que la petite entrée ouverte dans le soubassement, les deux couloirs et le caveau des lions étaient placés à un niveau inférieur à celui de la masse du monument, disposition que l'on a jugé inutile de maintenir ensuite. La galerie qui vient après cet escalier mesure près de loU mètres de développement : on y circule partout très librement, car GSELL. — LE TOMBEAD DE LA CHRÉTIENNE 771 elle a 2m,50 de hauteur sur 2 mitres à lm,o7 de large. Elle était jadis éclairée par des lampes placées de 3 mètres en 3 mètres dans de petites niches, où l'on remarque encore des traces de fumée. Elle fait presque tout le tour du monument, mais, arrivée à proximité de son point de départ, elle décrit un coude assez brusque vers le centre et aboutit à un troisième couloir surbaissé, qu'une dalle-porte fermait. Au- delà, se trouve un caveau voûté d'assez petites 'dimensions | ï mètres de long, lm,o0 de large), dont l'axe est perpendiculaire au couloir qui y conduit. Quelques petites perles en pierre rare et des morceaux de bijoux en pâte de verre y ont été recueillis. Un nouveau couloir semblable au précédent, fermé lui aussi par une dalle, nous mène au dernier caveau, qui est placé exactement au centre du monument et mesure 4 mètres de long sur 3 mètres de large. Dans cette chambre, les parois du fond, de droite et de gauche sont percées de petites niches. On n'y a absolument rien trouvé. Galerie, caveaux et couloirs sont pavés de larges dalles et construits en belles pierres de taille, semblables à celles du revêtement et provenant comme elles de diverses carrières du voisinage, surtout de celles d'Aïn- Riran, situées à un kilomètre et demi du tombeau. Quant au noyau même de l'édifice qui, sauf les parties intérieures que nous venons de décrire, est entièrement plein, c'est un amoncellement de moellons et de grossiers blocs de tuf, assez irrégulièrement disposés et mal reliés par un mortier de terre rouge ou jaune. Que ce monument grandiose ait été un tombeau, un mausolée, c'est ce qui n'est pas douteux. Sa forme, ses dispositions intérieures l'indiquenl suffisamment. Il a été copié, avec quelques modifications, sur un autre monument, appelé le Médracen, qui subsiste encore aujourd'hui dans la province de Çonstantine (au nord-est de Batna), au milieu d'un vaste cime- tière dont il n'est que la principale tombe. Si l'on supprime par la pensée leur revêtement architectural, le Médracen et le tombeau de la Chré- tienne sont, en réalité, d'énormes tas de pierres recouvrant des morts, semblables à des sépultures indigènes que l'on retrouve à peu près partout dans le Maroc, en Algérie et au nord du Sahara. D'ailleurs, un géographe latin du premier siècle après Jésus-Christ, Pomponius Mêla, décrivant la côte africaine de la Méditerranée, indique, entre Caesarea (Cherchel) et Icosium (Alger), l'édifice qui nous occupe et le qualifie de tombeau commun de la famille royale (monumentum commune regiae gentil). Il est difficile cependant de dire avec certitude quelle était la destination de ses différentes parties. Nous allons cependant présenter quelques remarques à ce sujet. Mais faisons observer tout d'abord que l'on peut être amené à des conclusions inexactes, en partant de l'idée préconçue que ce mausolée est une imitation des pyramides d'Egypte. On a rappelé, il est vrai, que la femme du roi Juba, Cléopàtre Séléné, était une Égyptienne. 772 ARCHÉOLOGIE Il serait plus juste de dire : une Grecque née en Egypte, appartenant à une famille royale qui avait des mœurs grecques (1). Il est donc peu vrai- semblable qu'elle ait importé en Maurétanie et imposé à Juba les aména- gements particuliers aux vastes constructions funéraires, élevées par les plus anciens souverains de l'Egypte. Non, le Tombeau de la Chrétienne est un monument indigène, transformé cependant par des rites funéraires, des croyances, des dispositions architecturales apportées du dehors. L'avant-corps, placé au-dessous de la fausse porte de l'est et devant la véritable entrée, était-il une sorte de plate-forme pour brûler les morts? ou bien une chapelle où l'on célébrait des cérémonies funèbres ? Il faut avouer que nous n'en savons rien. La véritable porte est dans le soubassement, elle est fort petite, aucune moulure ne la distingue ; elle était fermée par des blocs de pierre exac- tement semblables aux blocs voisins, sauf un détail qu'il fallait connaître pour le remarquer. Ajoutons qu'en temps ordinaire elle était probable- ment recouverte, soit par l'avant-corps, qui se serait, dans ce cas, étendu jusqu'au mausolée, soit par une couche de terre, comme le reste du sou- bassement. Pourquoi cette entrée honteuse, qui contraste d'une manière si complète avec les quatre majestueuses fausses portes du pourtour? La première pensée qui vienne à l'esprit, c'est qu'on a voulu que l'entrée du tombeau restât secrète, afin d'éviter les profanations. Il est certain que les Turcs et les Français, quand ils ont voulu pénétrer à l'intérieur, ne se sont pas doutés que cette porte existât ; en 1866, la galerie souterraine a été découverte avant elle. Mais l'auteur du monument a-t-il pu espérer qu'on perdrait aussi complètement le souvenir d'une entrée que tant de gens avaient vu faire, qui était destinée à se rouvrir souvent pour des céré- monies célébrées en ce lieu et attestées, comme nous le verrons, par l'exis- tence de la galerie? Il semble difficile de le croire. El puis, si l'on avait voulu qu'elle demeurât secrète, on ne l'aurait vraisemblablement pas disposée ainsi, exactement orientée, de telle sorte que les gens au courant des rites du pays pussent la retrouver très facilement, guidés d'ailleurs par la fausse porte de l'est, sous laquelle elle est placée, et par l'avant- corps, dans l'axe duquel elle se trouve. Contre des tentatives de voleurs, agissant nécessairement à la hâte et craignant d'être surpris, les dépôts précieux enfermés dans le mausolée étaient suffisamment défendus par les blocs massifs de la porte extérieure, par les cinq dalles-portes de l'in- térieur, dont le maniement exigeait un travail assez long, sans doute aussi par les gardiens qui veillaient auprès du monument. Ces remarques faites, il faut, pour s'expliquer la disposition si particulière de l'entrée, se sou- venir de ce qu'est le tombeau que nous visitons. Ce n'est pas un mausolée (1) Il ne faut pas oublier non plus qu'elle fut emmenée en Italie dès sa première enfance. GSELL. LE TOMBEAU DE LA CHRÉTIENNE 773 grec ou romain, une maison de morts, élevée dans le voisinage des vivants en vertu de cette association intime établie par les croyances grecques et latines entre ceux qui ne sont plus et ceux qui restent. C'est, nous venons, de le dire, une de ces sépultures que les indigènes de l'Afrique du Nord plaçaient dans des endroits déserts, un de ces amas de pierres jetés sur des cadavres, pour indiquer leur lieu de repos, pour montrer, parleurs proportions plus ou moins vastes, quelle avait été leur condition terrestre, et aussi pour les isoler complètement du monde, pour les protéger des injures du temps, des animaux carnassiers et des hommes. Dans cette conception, toute porte, toute ouverture sur l'extérieur est inutile. Cepen- dant, le Tombeau de la Chrétienne ayant été bâti du vivant de celui qui le destinait non seulement à lui-même, mais encore à ses descendants, il a fallu établir une communication entre le dehors et le caveau funéraire, afin de permettre le passage des morts. On a donc fait une entrée. On l'a faite invisible, non pas pour dépister des voleurs, mais pour rester fidèle, peut-être instinctivement, aux croyances, aux usages des ancêtres. La grande galerie intérieure offre un contraste frappant avec cette entrée. Dans le type primitif de la sépulture indigène, le mort est simple- ment enfermé dans une sorte de case en pierre que le monument recouvre de sa masse. Dans le Médracen, préparé à l'avance comme le mausolée qui nous occupe, un couloir droit relie la porte, invisible aussi, au caveau central : ce couloir était un aménagement intérieur nécessaire, que les constructeurs n'ont pas pu éluder ; mais ils l'ont fait le plus court possible. Ici, au contraire, apparaît une idée nouvelle sur les honneurs dus aux morts, idée que l'on devine déjà du dehors quand on aperçoit ce monu- ment, placé de manière à être vu de si loin, quand on se trouve en face de ces quatre grandes fausses portes, décors appliqués à contresens sur un tas de pierres, mais donnant l'impression d'une demeure qui peut s'ouvrir. Les défunts ne sont plus entièrement retranchés du monde des vivants et abandonnés par eux dans leur solitude; ils s'imposent à leur attention; ils se plaisent à leurs hommages, qu'ils reçoivent au cœur même de leur tombeau. Il est, en effet, probable que la grande galerie a été faite pour permettre le développement de processions, célébrées lors des funérailles et sans doute aussi lors des fêtes anniversaires. En s'avançant lentement par ce long couloir, majestueux dans son uniformité, aux murailles nues, éclairées faiblement par la lueur des lampes, les visiteurs se pénétraient de sentiments de tristesse et de respect pour les morts, jadis si puissants, vers lesquels ils dirigeaient leurs pas. Le premier caveau du milieu, qu'un couloir traverse de part en part, en ne laissant à droite et à gauche que deux réduits assez étroits, paraît avoir été un simple vestibule. L'autre caveau a été trouvé complètement vide. A-t-il autrefois servi de chambre funéraire? Par sa place au milieu ARCIIF.OLOGIE du tombeau et même par ses dimensions exiguës, il rappelle la petite case qui dans les plus anciennes sépultures africaines, enfermait le sque- lette. Le vaste développement de la galerie, son rétrécissement central, avec les deux dalles-portes, indiquant qu'à cet endroit commence une partie moins accessible, plus sainte de l'hypogée, le vestibule enfin forment un ensemble de dispositions qui ne s'expliqueraient guère, si la chambre à laquelle tout aboutit n'avait pas contenu les restes des morts déposés dans le mausolée. Mais alors on doit admettre que ces restes ont été brûlés. Dans ce caveau de dimensions restreintes, il n'y aurait eu de place que pour trois sarcophages tout au plus, qui l'auraient encombré. Or le monu- ment a été construit, comme nous l'apprend Mêla, pour toute une famille royale. Le couloir menant au caveau central se rétrécit à l'entrée et à la fin, au point de ne mesurer que lm,°2o de haut et 0m,83, 0m,8i un mètre de large. L'introduction de sarcophages dans ce lieu aurait donc présenté de très grandes difficultés. Leur disparition complète serait aussi bien malaisée à expliquer : il faudrait croire qu'ils ont été d'une matière assez précieuse pour tenter les chercheurs de trésors. Il n'est d'ailleurs nulle- ment invraisemblable que les corps aient été réduits en cendres et enfermés dans des urnes. Même avant la conquête romaine, la pratique de l'incinération, étrangère aux plus anciens habitants du pays, s'était introduite en Maurétanie, comme le prouvent des urnes découvertes à Cherchel et contenant les restes de serviteurs des rois Juba et Ptolémée. Les trois niches creusées dans les parois sont bien petites pour avoir abrité ces vases et paraissent avoir plutôt servi à placer des lampes. Peut-être les urnes dont il s'agit étaient-elles déposées sur des meubles en bois rare, que le temps aura détruits, ou sur des supports en métal précieux que les voleurs auront emportés en même temps qu'elles. Cependant, des doutes ont été exprimés sur la destination de cette chambre centrale. Ne serait-ce pas, s'est-on demandé, une simple cha- pelle? Le caveau funéraire ne serait-il pas ailleurs, encore inviolé, dans les flancs du monument? Ne serait-il pas caché au-dessous même de la chambre? Dans ce dernier cas, on y serait descendu par un puits, dont l'ouverture aurait été secrète et comblée après chaque ensevelissement. Sans doute, l'hypothèse d'un caveau intérieur secret est un peu moins invraisemblable que celle d'une porte extérieure secrète. Il aurait pu être construit par quelques hommes dont la discrétion aurait été certaine ou qu'on aurait fait disparaître, l'œuvre terminée. Lors des funérailles, la cérémonie publique aurait pris fin dans la chambre du milieu ; les restes des morts y auraient été laissés, puis, le cortège s'étant retiré, ils auraient été introduits dans leur demeure éternelle par quelques personnes sûres. Tout cela est bien romanesque, mais non pas incroyable. Ce ne sont pas les seules observations que l'on puisse présenter en GSELL. — LE TOMBEAU RE LA CHRÉTIENNE 77.J faveur de cette opinion. Des gens, qui ont pénétré par la porle unique de l'est, ont violé le tombeau. Dans les dalles-portes, qu'ils ne se sont pas môme donné la peine de soulever, tant leur hâte était grande, ils ont pratiqué des brèches juste assez larges pour pouvoir les traverser en s'effa- çant, afin de parvenir jusqu'au caveau central. Des excavations en forme de boyaux de mine ont été faites dans le but évident, de trouver des trésors, supposés cachés sous la masse du monument. L'une d'elles, longue de sept mètres, part du fond du caveau des Lions et se diriur vers le milieu. L'autre, creusée dans la partie occidentale, a son point de départ dans la galerie, dont elle se détache à angle droit, et elle atteint près de seize mètres de longueur. Conduites à travers le noyau du monu- ment, dont les matériaux sont reliés par un mauvais mortier, percées sur un espace très étroit, où il fallait souvent remuer de gros blocs, ces fouilles, abandonnées après un long labeur, ont dû être très difficiles et très dange- reuses. Elles datent, sans aucun doute, d'une époque postérieure à la destruction de toutes les dalles-portes, car, avant de creuser de telles excavations, il était tout naturel d'écarter les dalles qui se présentaient d'elles-mêmes et de chercher à connaître ce qui se trouvait au delà. On peut même croire que ceux qui ont pratiqué ces galeries ont été les mêmes que ceux qui ont brisé les dalles, ou qu'ils ont tout au moins connu le résultat négatif des recherches de ces derniers ; car, autrement, ils se seraient dit, en présence des dalles-portes brisées, que le tombeau avait été déjà pillé et qu'ils n'avaient plus rien à en attendre. 11 y a donc lieu de supposer que ceux qui ont pénétré dans le caveau central, après avoir détruit les dalles, ont trouvé ce caveau vide ; qu'à la suite de cette visite, eux-mêmes et leurs successeurs ont estimé qu'il n'avait jamais rien contenu et que les recherches devaient être faites dans d'autres parties du monument. Voilà, pourrait-on croire tout d'abord, une présomption en faveur de l'opinion de ceux qui pensent que ce caveau n'était pas la chambre funéraire. ■ Mais c'est une présomption bien faible, qui ne nous paraît pas de nature à détruire l'opinion contraire. 11 n'est pas nécessaire, en effet, de supposer que les destructeurs des dalles aient été les premiers profanateurs du tombeau A une époque antérieure, peut-être avec l'assentiment ou même sur l'ordre de ceux qui étaient les maîtres du pays, Romains, Vandales ou Maures, on a pu entrer dans le caveau central en travaillant méthodi- quement, en soulevant les dalles-portes avec des barres et en les mainte- nant sur des quilles; on a pu alors tout emporter, soit par cupidité, soit pour quelque autre motif resté inconnu ; enfin, en partant, on a pu renieitre les dalles à leur place, opération assez simple, puisqu'il suffisait de retirer les quilles. Plus tard, seraient venus des barbares qui auraient brisé les dalles et seraient parvenus à la chambre du milieu qu'ils auraient trouvée 776 ARCHÉOLOGIE vide ; cependant, sur la foi de telle ou telle légende, ils se seraient entêtés à découvrir des trésors dans le mausolée, et, les cherchant ailleurs que dans cette chambre, ils auraient percé les deux excavations. Dans la galerie et les couloirs, on a recueilli divers objets laissés par ceux qui y ont pénétré autrefois. Les seuls qui puissent être datés avec certi- tude sont des monnaies des ive-vie siècles et des débris de plats décorés de symboles chrétiens. On a trouvé aussi quelques poteries de fabrication indigène, ressemblant à la vaisselle kabyle actuelle, mais d'aspect plus ancien : elles jonchaient le sol dans le caveau des Lions et à l'entrée de la grande galerie, espaces qui paraissent avoir été habités pendant un certain temps, comme en témoignent des trous creusés dans les parois pour porter des soupentes. Aucun objet arabe n'a été rencontré. Les tentatives dont nous venons de parler remonteraient donc à une époque assez reculée, que l'on pourrait, si l'on voulait proposer une date très approxi- mative, croire plus ancienne que le xie ou le xne siècle de notre ère. L'intérieur serait ensuite devenu inaccessible : on comprend que les abords de l'entrée, petite comme elle est et située en contre-bas du sol, se soient rapidement comblés. Quand ce monument royal a-t-il été construit et par qui? Il est, en tout cas, antérieur à la réduction de la Maurétanie en province romaine, c'est- à-dire à l'année 40 après J.-C. Il ne l'est sans doute pas de beaucoup, car il appartient à un temps où l'influence romaine était déjà prépondérante dans le pays : au dire de Berbrugger, ce sont surtout des lettres de l'alphabet latin qui ont été gravées sur les pierres de taille pour servir de marques de repère aux maçons chargés de la mise en place des matériaux. Or, dans la dernière période de l'indépendance du pays, plusieurs rois maures eurent pour capitale la ville voisine d'Iol ou Césarée. Ce furent Bocchiis, Juba II et son fils Ptolémée. Entre eux, notre choix se porte de préférence sur Juba, cet illustre vassal de Rome, ce souverain épris de luxe et passionné pour les arts, qui fit d'Iol, à peu près inconnue au temps de Bocchus, une ville somptueuse. Un tombeau aussi grandiose convenait bien à un tel prince; c'était à lui qu'il appartenait d'imiter et de sur- passer cet autre mausolée royal que nous appelons le Médracen et qui était sans doute le lieu de repos de son grand ancêtre, Massinissa. Le Tombeau de la Chrétienne a été, en effet, copié sur le Médracen. La forme générale est la même : à l'extérieur, c'est le même tambour gigan- tesque, orné de soixante colonnes d'ordre grec et surmonté d'un cône à gradins; à l'intérieur, c'est le même amas confus de pierres. Mais Juba a voulu faire mieux que son aïeul. Le Médracen, trop bas par rapport à son diamètre, paraît écrasé ; le mausolée de Juba, dont le diamètre est à peu près le même, le dépasse d'une vingtaine de mètres (le Médracen n'a que 18m,ô'0 de haut) ; la partie cylindrique, bien plus élevée, se dresse GSELL. — LE TOMBEAU DE LA CHRETIENNE / / / sur une large base carrée qui n'existe pas dans le modèle. L'ornementation extérieure, avec ses chapiteaux à volutes, avec ses fausses portes moulu- rées, est moins froide et plus gracieuse. La place de l'entrée, qui, au Médracen, se trouve dans le cône à gradins, a été modifiée ; à l'intérieur, la grande galerie circulaire, le vestibule des Lions et celui qui précède la chambre funéraire sont des innovations. L'emplacement choisi par Juba offrait les matériaux nécessaires à la construction d'un édifice aussi important. Du haut de la colline où il l'avait élevé, ce mausolée semblait régner sur toute la contrée On ne l'apercevait cependant pas de Césarée : peut-être Juba avait-il voulu, comme Berbrugger l'a dit, s'épargner la vue importune de son tombeau. Il y enferma sans doute les restes de sa femme, Ch'opâtre Séléné, qui mourut aux environs de l'ère chrétienne, et, un quart de siècle plus tard, il alla !a rejoindre. Leur fils unique, Ptolémée, qui fut, on le sait, le dernier roi de Maurétanie, périt à Rome, mais sa dépouille fut peut-être rap- portée auprès de celle de ses parents. Ainsi Juba, Cléopàtre et peut-être Ptolémée paraissent avoir été les seuls hôtes de ce monument. Si les trois niches de la chambre du milieu ne paraissaient pas trop étroites pour avoir pu recevoir des urnes funéraires, on aurait le droit de croire que les cendres de ces trois personnages illustres y furent déposées. Le tombeau de Juba, malgré l'aspect imposant que présente sa ruine, est, au point de vue artistique, une œuvre assez médiocre. La beauté d'un amas de pierres ou de terre, d'une pyramide d'Egypte, réside dans la puissance de la masse et dans la simplicité des lignes; celle d'un édifice grec dans les proportions harmonieuses des parties, dont chacune paraît nécessaire au tout. Ici, cette enveloppe, qui n'est qu'un simple décor, tous ces détails de la partie inférieure qui distraient l'œil, cette superpo- sition de gradins, dont les lignes brisées hachent en quelque sorte l'im- pression d'ensemble, diminuent peut-être l'effet qu'aurait produit un énorme amoncellement de pierres brutes, s'élevant sur une croupe nue et déserte. Les proportions du décor ne sont pas très heureuses. Malgré l'addition d'un socle, la partie conique écrase le bas de l'édifice. Les demi-colonnes ne soutiennent qu'une saillie inutile; les portes n'ouvrent aucun accès : ce sont des colifichets élégants. Ce mausolée est cependant intéressant par les contradictions qu'il pré- sente. Nous les avons déjà indiquées, mais il sera utile de les résumer ici. Placé, comme les sépultures primitives des Africains, dans un lieu solitaire et sauvage, il se montre cependant de très loin, de la mer comme de la plaine. Construction de type indigène, il est couvert d'une chemise grecque. Tas de pierres destiné à marquer la place du mort et à l'isoler du monde des vivants, il s'orne de portes, purement décoratives, il est vrai, mais rappelant celles par lesquelles les demeures des défunts sont ARCHÉOLOGIE mises, chez les Grecs et les Romains, en communication avec ceux qui continuent à jouir de la lumière du jour. Son caveau central, qui n'est qu'un agrandissement de la boîte de pierre dans laquelle le mort était enfoui, à l'abri des regards indiscrets, est précédé de vestibules et d'une longue galerie, destinés à ceux qui viendront visiter ses hôtes et leur rendre hommage. La pratique nationale de l'inhumation a sans doute été remplacée par l'incinération. Au fond, Juba était resté un Africain, mais ce roi, porteur d'un nom romain, pupille d'Auguste, écrivain grec, fut bien plus encore que son aïeul Massinissa, pénétré d'idées étrangères à son peuple. Le tombeau de la Chrétienne, comparé au Médracen, le prouve à cet égard, c'est un document historique important. M. A. MOIIUER Lieutenant-Colonel de gendarmerie, à Nancy. LE CULTE DE MERCURE DANS L'AFRIQUE ROMAINE [292 (397)] — Séance du i" avril 1896 — A l'esprit, de conquête qui leur a fait accomplir dans le monde de si étonnantes entreprises, les Romains savaient unir l'esprit d'assimilation qui, seul, peut rendre les conquêtes durables. Aussi, avaient-ils soin d'à] (porter avec eux, partout où ils s'installaient, aussi bien en Afrique que dans toutes les parties du monde qu'ils ont soumises à leur puissance, leur religion, leurs dieux, et y ont-ils établi le culte particulier qu'ils avaient coutume de pratiquer en l'honneur de chacun d'eux. S'ils ne les ont pas imposés aux peuples vaincus, à l'exclusion absolue des vieilles divinités nationales et, particulièrement en Afrique, de ces dieux maures qui figurent sur tant d'ex-voto contemporains de leur occu- pation, il n'en est pas moins vrai qu'ils n'ont laissé subsister ces divinités indigènes que parce qu'en apparence, plus qu'en réalité sans doute, ces dernières ont cédé la première place aux dieux du Capitole dont le culte constituait la religion d'Élat. Un de ceux pour lesquels ils avaient une vénération toute particulière devait être Mercure. Son souvenir, en effet, se trouvait mêlé aux plus anciennes traditions de leur histoire nationale. A. MOl.NIER. — LE CULTE DE MERCURE DANS L* AFRIQUE ROMAINE 779 Cii de ses fils, Evandre, qu'il avait eu de la nymphe Nicostrata, avait, le premier, bâti une ville sur le Palatin, encore couvert de boifc et de broussailles. Il avait appris à leurs ancêtres l'usagé de l'alphafoesl grec et avait introduit chez eux des mœurs un peu moins barbares, Tite-Live nous apprend que, dès les premiers temps de Rome, un collège de marchands s'était constitué sous le patronage de. Mercure. Nous ne devons donc pas nous étonner de voir les Romains installés eu Afrique, artisans et culons, placer naturellement leurs métiers et leurs biens sous la protection de ce dieu, le dieu plébéien du commerce, et lui demander les richesses que tous convoitaient. Le nombre des monuments : temples, statues, dédicaces, élev - Mercure devait donc être assez considérable dans tous les pays qu'ils ont occupés et notamment dans cette Afrique du Nord où tant de ruines nous rappellent si éloquemment la grandeur de leur domination. Cependant, le tome VIII du Corpus inscription u m la t inarum ne nous signale encore que soixante et un de ces monuments. Le hasard vient -de nous mettre à même de retrouver, dans la partie de la province de Constantine qui s'appelait autrefois la TXumidie, deux nouveaux témoins du culte que l'on y rendait au fils de Jupiter et de Maïa. I Notre premier témoin consiste en une petite stèle de forme quadran- gulaire, en calcaire blanc crayeux, haute de 0U,,20, large de 0"'.1Ô' et épaisse de 0m,06. Sa face antérieure porte un bas-relief qui, à n'en pas douter, représente Mercure. Le dieu, vu de face, est nu. Sur son épaule gauche est jetée une chlamyde légère dont les plis retombent en arrière. Il est coiffé du pétase orné des ailes symboliques qui forment un léger relief sur la tranche supérieure de la stèle. Sa main gauche tient le caducée et sa main droite repose sur la tète d'un animal, un mouton ou peut-être un bélier, gros- sièrement figuré. A ses pieds et à gauche, est sculpté un coq, symbole de l.i vigilance et de l'activité. Le travail est grossier et, bien que l'image ait un certain relief, les détails s'y devinent plus qu'ils ne s'y distinguent. Cette stèle a été trouvée dans un champ voisin du village de Sidi-Khalifa, entre Aïn-Tinn, sur la roule de Constantine à Mila, et Oued Alménia, sur celle de Constantine à Sétif. Il n'existe, sur ce point même, que peu de traces de l'occupation romaine. Quelques débris d'une mosaïque grossière au sud du village, sur 780 ARCHÉOLOGIE la rive gauche de l'Oued Koton, et des pierres éparses, débris d'une ancienne construction. Il n'y avait là ni village, ni hameau,, mais simple- ment, sans doute, quelques maisons d'exploitation dépendant du domaine voisin, de ce latifundium dont l'existence nous a été révélée par l'inscription suivante, trouvée près d'Aïn-Tinn, sur les flancs du Djebel Lakhal : In his prediis Cœliœ Maximw, clarissimœ feminœ, turres salutem saltus ejusdem domina? meœ constituit Numidius, servus actuarius. Nous pensons donc que, sur le point où a été fondé notre village moderne de Sidi-Kalifa, s'élevait une des fermes de Cœlia Maxima, et, peut-être, une de ces tours que son intendant Numidius avait fait élever pour surveiller les forêts de sa maîtresse. 11 ne reste plus trace d'ailleurs de ces précieuses forêts, à l'exception toutefois de quelques maigres broussailles qui tapissent encore les parties les plus abruptes du Djebel Lakhal. Nous pouvons conclure de ce qui précède que noire petite stèle a dû appartenir à quelque serviteur, employé sur le domaine de Cœlia Maxima. Elle a dû orner son foyer à côté des dieux lares. Elle représentait, sans doute, la divinité lutélaire chargée de protéger les champs qu'il avait à cultiver, les troupeaux dont il avait la garde. Cette divinité est bien, à n'en pas douter, Mercure protecteur du bétail et, en particulier, des troupeaux de moutons. Sa main droite, posée sur la tête de l'animal que nous croyons être un bélier ou un mouton, l'indique suffisamment. Le caducée qu'il tient de la main gauche et autour duquel s'enroulent les deux serpents du Cythéron est le symbole de la paix et de la tranquillité indispensables aux travaux agricoles, de même que le coq qui l'accompagne est le symbole de la vigilance qui produit l'abondance des choses nécessaires à la vie. Nous retrouvons, dans la même région, d'autres preuves du culte de Mercure, protecteur des biens de la terre. A Aziz-bou-Tellis, entre Mila et Djemila, à quelques kilomètres au nord de Saint-Donat, sur la route de Sélif, ont été découvertes, il y a plus de trente ans, deux inscriptions (8246 et 8247 du Corpus, tome VIII) qui rappellent : La première que C. Aponius Secundus, prêtre, a présidé une cérémonie dans laquelle ont été immolés: Agnum Domino, taurum Domino, oviculum Nutrici, berbecem Jovi, oviculam Teluri, agnum Herculi, agnam Veneri, edum fpour hœdulum) mercvrio, verbecem Testimonio ; La seconde, que C. Primus, prêtre de Saturne, a immolé : Agnum, taurum Domino, oviclam Teluri, berbecem Jovi, oviclam Nutrici, Caponem Herculi, edum mercvrio, œduam Veneri, berbecem Testimonio.... Féraud qui, dans le Recueil de Constantine de 18G4, a décrit ces deux A. MOLMER. — LE CULTE DE MERCURE DANS L'AFRIQUE ROMAINE 781 textes, fait remarquer qu'ils rappellent le culte des frères Arvales ou frères des champs. On ne trouve pas, en effet, d'inscription de ce genrey en dehors des actes de ce célèbre collège et le prêtre C. Aponius Secundus est connu dans les fastes de la corporation. Quoi qu'il en soit, nos deux inscriptions nous montrent que des céré- monies semblables aux Ambarvalia de Rome ont eu lieu en Afrique. En dehors des lustrations officielles, il s'en faisait de particulières où l'on sacrifiait des victimes en l'honneur des dieux ruraux, au nombre desquels nous voyons figurer Mercure, protecteur des troupeaux et des champs. Virgile, dans le premier livre de ses Georgiques, et Tibulle, dans son élégie : de Agri lustratione, nous décrivent en détail cette cérémonie, dont nos Rogations chrétiennes, avec leurs processions, rappellent évidemment le souvenir. Notre culte catholique a, dans ses manifestations et dans sa pompe extérieure, bien d'autres points de ressemblance avec les cérémonies des cultes païens. II Notre second témoin du culte de Mercure en Afrique n'est autre chose qu'une petite statuette du dieu, découverte à Collo, l'antique Chullu. Elle a été trouvée dans les fouilles pratiquées pour les fondations d'une église que l'on commence à y construire, non loin de la mer. Elle est en bronze, de toutes petites dimensions, mais malheureusement mutilée. La main droite manque et les deux jambes sont brisées au-dessus des genoux. Il n'en reste donc que la tête, le torse et les cuisses qui mesurent ensemble une hauteur de soixante et un millimètres. Le dieu est représenté nu, coiffé du pétase ailé. La chlamyde, réduite aux plus petites dimensions, est jetée sur l'épaule gauche et son extrémité repose négligemment sur le bras gauche ployé, comme pour laisser voir l'admirable structure du torse. Le bras droit pend le long du corps, dans une altitude qui respire la confiance et le calme . La main gauche tient un objet dont il n'est pas possible de reconnaître la forme. C'est peut-être la bourse, un des attributs que l'on retrouve le plus fréquemment dans la plupart des représentations figurées de Mercure des derniers temps de l'art. Nous n'avons plus affaire ici à un Mercure rustique, au protecteur des biens de la terre. Ce n'est plus le dieu Chtonien des temps primitifs, aux membres lourds, aux traits épais, aux cheveux et à la barbe touffus. C'est, au contraire, un vigoureux éphèbe, à la large poitrine, aux membres bien proportionnés, souples et vigoureux, les cheveux courts et légèrement bouclés, à la manière des jeunes gens de cette école attique qui fleurit 782 ARCHÉOLO(,Ii: après la guerre du Péloponèse, dépassant à peine les bords de la coiffure. Les traits du visage, bien qu'à peine distincts sous l'épaisse patine qui les recouvre, -semblent respirer la finesse, le calme, la bienveillance souriante qu'accentue encore une légère inclinaison de la tête. JNotre figurine appartient bien à cette classe de représentations de Mercure, dans lesquelles l'idéal du dieu se montre au plus haut degré et que P. Niçard, dans sa traduction du Manne/ d'archéologie de Millier, dépeint ainsi : « Les formes adultes de la jeunesse pleines d'une force énergique dont l'expression se fond dans la physionomie en un doux sourire, l'attitude droite et calme. » Mercure était, dans la mythologie des Grecs et, par suite, dans celle des Latins, celui des dieux qui avait les attributions les plus nombreuses. Il n'est donc pas étonnant de le voir, suivant ces diverses fonctions, représenté de façons différentes. Quant à notre statuette de Collo, elle nous paraît appartenir à l'art grec plutôt qu'à l'art romain. Depuis le ne siècle avant notre ère, la sculpture grecque s'était introduite à Rome et n'avait pas tardé à y dominer. Les copies des principaux modèles s'étaient multipliées et répandues dans le monde romain tout entier, et c'est ainsi, sans doute, que notre figurine de bronze s'est trouvée transportée en Afrique. Nous nous la représentons volontiers comme ayant fait partie de la collection de quel- que marchand romain installé à Chullu. Il avait dû la déposer pieusement dans son sanctuaire domestique, dans ce lararium où se conservaient, à côté îles images des génies protecteurs de la maison dont la superstition romaine avait multiplié le nombre à l'infini, celles des dieux tutélaires, tels que Jupiter, Neptune, Apollon, Minerve, Mercure, Junon, etc., que les anciens avaient coutume d'invoquer comme dieux pénates. Elle doit être la reproduction réduite de quelque statue grecque. Le petit nombre de documents qu'il nous a été possible de consulter ne nous a pas permis d'en retrouver l'original. Mais nous croyons que le plus grand inté- rêt qu'elle puisse avoir est de nous offrir l'image, affaiblie sans doute, d'une statue que nous ne possédons plus. Ces bibelots artistiques se fabriquaient non seulement en Grèce et à Rome, mais encore en Afrique même. Nous n'en voulons d'autre preuve que celle que nous en donne le plus brillant des auteurs latins de l'Afrique romaine, Apulée de Madaure (M'daourouch), qui vivait au 11e siècle de notre ère. 11 avait épousé une riche veuve, Pudentilla, plus âgée que lui. La famille du premier mari accusait hautement le nouvel époux de vouloir détourner la fortune à son profit au moyen de sortilèges. A. M01NIKR. — LE CULTE DE MERCUHE DANS L'AFRIQUE ROMAINE 783 Apulée fui traduit devant le proconsul d'Afrique, Claudius Maximus, sous l'accusation de magie. C'est à cette occasion qu'il prononça, pour sa défense, cette curieuse Apologie, la plus charmante de celles de ses œuvres qui sont parvenues jusqu'à nous. Au nombre des griefs que lui imputaient ses adversaires était celui d'avoir fait fabriquer secrètement un petit squelette en bois, destine à ses opérations magiques. L'artiste qui avait reçu et exécuté la commande était cité comme témoin. C'était Cornélius Saturninus d'OEa. (Tripoli). Or, ce que ses détracteurs ont pris pour un squelette, un symbole in- fernal, un emblème de magie, n'est autre chose qu'une charmante statuette de .Mercure, en bois d'ébène. fabriquée par un artiste africain et que les juges eux-mêmes auront plaisir à admirer. Aussi, voyez avec quelle ironie il repousse cette accusation et, en même temps, avec quel art il nous dépeint les charmes de sa petite statue. Elle ne devait le céder en rien à celle que nous venons de retrouver à Colio. « Dès que j'ai entendu dire que, par le plus impudent mensonge, on » parlait d'un squelette, j'ai ebargé quelqu'un d'aller en toute hâte à mon » hôtellerie et de m'apporter le petit Mercure que Saturninus a fait pour » moi à OEa. Donnez; qu'ils le voient, qu'ils le tiennent, qu'ils le consi- » dèrent. Voilà donc ce que ce misérable appelle un squelette. » » Voyez comme cette image est noble et pleine de la vigueur que donne » la lutte ! Quelle sérénité dans les traits du dieu ! Quelle grâce dans la » barbe naissante qui ombrage ses joues, dans ces boucles de cheveux qui » s'échappent des coins de sa coiffure ! Quelle élégance dans ces deux » petites ailes qui ressortent au-dessus des tempes ! Quelle aisance dans » ce manteau qui s'attache autour des épaules ! Osez dire que c'est là un » squelette : à coup sur, c'est n'avoir jamais vu l'image d'aucun dieu, ou » les mépriser toutes. » Cette citation nous montre un Africain du 11e siècle amateur et même critique d'art. Nous retrouvons, dans la description de son Mercure, un de ces petits croquis d'une touche si ingénieuse et si fine dont il est coutu- rnier. Ses écrits fourmillent de descriptions de ce genre: dans la Métamor- phose, ce sont le vestibule de Tyrrhène, les ex-voto d'Isis : dans les Florides, le bronze de Samos, etc. 111 Mercure ne fut pas seulement, en Afrique, le protecteur des troupeaux et des champs, le dieu des bergers, des voyageurs, des avocats, des com- merçants et des voleurs. Une inscription qui paraît remonter à la première moitié du 111e siècle (C. I. L. VIII, 51), découverte à el-Djem, l'antique 784 ARCHEOLOGIE ©ucopo; de Ptoléméc, la Colonia Thysdrus des Romains, dans la Byza- cène, désigne ce dieu comme le protecteur, le patron de la cité. Il s'agit, dans ce texte, d'une abondante répartition d'eau entre les habitants de la colonie. Elle est faite par les soins d'Annius Rut'us, vir clarissimus, et sous l'inspiration de Mercure, instinct u Mercurït potentis. Des temples, des statues ont été élevés en différents points de l'Afrique en l'honneur de Mercure. Dans la Byzacène, on en rencontrait à Avula (Henchir-el-Cliima) (709; ; (1) à Vazitana Sana (Henchir-Bez). Ce dernier temple avait été édifié par P. Opstorius Saturninus, flamme perpétuel, prêtre de Mercure. Il était précédé d'un parvis et doté d'un autel (1200C et 12007). Plusieurs prêtres du dieu se sont cotisés pour l'orner d'un masque d'argent, de candé- labres de bronze, de lampes et d'une statue (12001). C'est dans ses ruines qu'à été découverte une dédicace à Mercurius sobrius (12002). Aux multiples fonctions que nous lui connaissons déjà, Mercure joi- gnait-il encore celle d'être le dieu de la sobriété ? Cette qualité est aussi nécessaire aux cultivateurs, aux bergers, aux artisans de tous les métiers, aux commerçants, aux voyageurs, aux avocats dont il est le divin protec- teur que la vigilance et la paix dont nous avons retrouvé les symboles sur notre petite stèle de Sidi-Khalifa. Lorsqu'on l'adorait sous ce nom, le lait remplaçait le vin dans les libations que l'on faisait en son honneur. A Limisa (Henchir Lemsa), il avait également un temple que P. Mum- mius Sarturninus avait orné d'un parvis (12039). A Muzuc (Henchir Besra), un temple lui a été élevé par C. Julius Glaucus (12094). A Henchir Djelloula, dont le nom antique n'a encore pu être retrouvé, c'est un vétéran, L. ^Emilius Donatus, qui lui a élevé un sanctuaire auquel on accédait par un perron de plusieurs marches (12111). Dans la Proconsulaire, le proconsul Aurélius Celsinus restaure, en 337-338, le temple de Mercure à Avita Bibba (Henchir Bou-F'tis) qui menace ruine (12272). Il en existait également un à Thuburbo majus (Henchir Kasbàt), mais le nom de celui qui le lui avait élevé n'a pu être retrouvé (12366). A Thuburnica (Henchir Sidi-Ali-Belkassem), une flamine, Lucilia Cale, avait élevé un temple à Mercurius sobrius genius Sesasœ, sous le règne de Septime Sévère (193-211). D'après les auteurs du Corpus, Sesasa pourrait être le nom de quelque vicus ou pagus dépendant de la colonie de Thu- burnica. A Henchir Telia dont l'ethnique ancien n'est pas encore connu, chez les (1) Ce numéro et ceux qui suivent sont ceux des inscriptions contenues dans le VIII* volume du Corpus inscriptionum latinarum. A. MOLMER. — LE CULTE DE MERCURE DANS L'AFRIQUE ROMAINE 78.'j Beni-Mazen, entre Soukahras et Tébessâ, toute la magistrature relève, sous Dioclétien et Maximien Hercule (286-302), le temple de Mercure qui tournait en ruines (17327). Dans la Numidie, à Tébessa, Q. Longeius Fauslinus, édile, prœfectus jure dicundo, élève au dieu une statue avec tous ses ornements (1842). A Diana Veteranorum (Zana), une autre statue lui est élevée par M. Au- rélius .Emilianus, questeur édile et duumvir (4579). A Cirta (Constantine), P. Paconius Ceriolis, édile et triumvir et son frère P. Paconius... conus, chevalier romain, lui élèvent une statue d'ai- rain (6962). A Thamugadi (Timgad), L. Germeus Silvanus, augure, lui élève égale- ment une statue, sous le règne de Septime Sévère et de Caracalla (193- 211), (17837). Des monuments du même genre que celui que nous avons trouvé à Sidi-Khalifa ont été découverts sur d'autres points de l'Afrique. Le plus intéressant nous paraît être celui qui a été élevé à Auguste par C. Pompéius Castus. Découvert à Morsott, olim Vasampus, il a été trans- porté à Bône où il est conservé dans un jardin particulier. M. Papier, l'éminent président de l'Académie d'Hippone, en a donné une charmante description dont nous extrayons ce qui suit : « Un cadre évidé renferme l'image, en pied et en relief, du confident et » messager des dieux, du conducteur des âmes aux enfers, du dieu de » l'éloquence et des traités, de la prudence, de la ruse et de l'habileté, du » dieu tutélaire des routes, des troupeaux, des voyageurs, des marchands, » des spéculateurs et des voleurs, du patron, enfin, des plaideurs, des » charlatans, des maîtres d'école et des écrivains publics, coiffé du pétase » ailé, n'ayant pour tout vêtement que sa chlamyde ou petit manteau » rejeté sur les épaules et pendant derrière le dos, tenant de la main » gauche ce fameux caducée qui avait la vertu d'apaiser toutes les colères, » concilier tous les êtres divisés par la haine » Sa main droite repose sur la tête d'un bélier, attribut de sa divinité )> pastorale. A sa gauche, un coq, emblème de la lutte, de la vigilance, » se tient à ses pieds, mais on n'en voit plus guère que la tête et le liée. » Aux deux extrémités de la bordure droite du cadre on distingue : 1° au » bas, l'image en relief d'une tortue qui rappelle ce fait qu'étant encore » tout enfant et trouvant une tortue à l'entrée de la grotte où il était né, » le petit dieu fripon plaça quatre cordes dans son écaille et inventa ainsi » la lyre dont il joua aussitôt ; 2° en haut, l'image également en relief » d'un scorpion dont je ne m'explique pas la présence sur un monument >■> consacré au fds de Zeus et de Maïa, à Mercure. » (Académie d'Hippone, » Compte rendu des réunions, 1887, p. 25). Sans émettre la prétention de résoudre ce problème de la présence du 50* 736 ARCHÉOLOGIE scorpion à coté des attributs et symboles qui accompagnent d'habitude les représentations de ce dieu, nous pensons que l'on pourrait y voir une allusion à la légende d'Orion. Un jour que Jupiter, Neptune et Mercure voyageaient ensemble, ils de- mandèrent l'hospitalité à un pauvre homme du nom d'Hyriée. Celui-ci les ayant reçus de son mieux, les trois dieux s'engagèrent à lui donner ce qu'il leur demanderait. Hyriée les supplia de lui donner un fils. Comme il était veuf et qu'il avait fait vœu de ne pas se remarier, les dieux lui or- donnèrent de tremper dans l'eau la peau d'une génisse qu'il avait tuée pour les recevoir et l'assurèrent qu'il lui en sortirait un fils. 11 en naquit effectivement un enfant qu'Hyriée nomma Orion, et qui devint par la suite un habile et infatigable chasseur. Diane, jalouse de ses exploits ou, selon d'autres, vexée de ce qu'il avait fait fi de son amour, fit naître un scor- pion qui le piqua mortellement. Puis, inconsolable de sa mort, elle obtint des dieux, ses pères, sa translation au ciel où il forme une des plus bril- lantes constellations. Un autre mauvais petit bas-relief, actuellement déposé au cercle des officiers à Khenchela, l'antique Mascula, est également dédié à Mercure. « Le dieu est représenté nu et coiffé du pétase. De la main gauche, il » tient un caducée, de la droite abaissée, une bourse. A droite un quadru- » pède (peut-être un bouc), à gauche; une tortue. » Ruines romaines au Nord de l'Aurès par MM. Gsell et H. Graillot. (Note de la page 5.) Il convient de signaler encore une petite stèle laraire trouvée au Chet- taba et déposée récemment au musée de Constantin^. M. le capitaine Prudhomme, conservateur de ce musée, y voit une représentation de Mer- cure. Le travail est presque informe ; mais on y reconnaît aisément les attributs du dieu des voleurs. « Étant donné, dit-il, que les images de Mercure sont relativement rares en Afrique, alors qu'elles sont si nombreuses dans les Gaules, où, d'après J. César, ce dieu occupait, pour ainsi dire, le premier rang parmi les divinités en honneur (Bel. Gai. VI, 17), on pourrait admettre, sans trop de témérité, que ce petit monument est l'œuvre naïve de quelque captif gaulois, en souvenir du dieu si honoré dans sa patrie. » (Bull. arch. de Constantine, 1894). Il y a quelques mois, étant de passage à Aïn-Beïda, MarcimenL nous avons eu le plaisir d'examiner dans la collection de M. le docteur Croux, médecin major, chef de l'hôpital militaire de cette localité, une jolie petite lampe en terre rouge, trouvée à Bal/a Regia, Hammam Derradji et sortant delà fabrique d'un certain Nu. idinarius, ex officina Nundinarii. Dans le champ : Mercure debout regardant à gauche; de la main droite il lient la bourse et, de la gauebe. le caducée. Il est coiffé du pétase ailé. A. MOINIER. — LE CULTE DE MERCURE DANS L'AFRIQUE ROMAINE 787 Sa chlamyde, attachée sur l'épaule droite, retombe derrière lui et son extrémité repose sur le liras gauche : il a les ailes aux pieds. A sa droite, en haut, pend une guirlande de fleurs; en bas, rampe une tortue. A s; gauche, git une corne d'abondance renversée que domine un coq perché sur un cippe orné de cannelures. Le travail est très fin et les détails ressortent avec une netteté remar- quable. Nous ne terminerons pas sans signaler que Mercure a été invoqué en Afrique comme divinité militaire. Une inscription (17624) trouvée à Vazaivi, Zoui, dans le pays des Nemenchas, par M. le capitaine Abel Farges, s'adresse à Mercure, génie de l'armée, Mercurio, genio exercitus. La dédicace a été faite par une cohorte d'auxiliaires Boïens, en garnison à Vazaivi, et au nom de Mercure se trouvent joints ceux de Jupiter et de Tor, fils d'Odin, père des dieux et du monde, dieu des combats et source de la science universelle, dont les Boïens, venus du nord, avaient con- servé le culte, tout en l'unissant à celui des divinités de Rome. IV Il nous paraît inutile de continuer cette énumération qui ne nous apprendrait rien de plus. Peut-être sera-t-il plus intéressant de rechercher comment se trouvaient répartis sur le territoire de l'Afrique romaine les temples, statues et dédicaces à Mercure, dont l'existence nous est signalée par le Corpus. Dans la Byzacène, nous trouvons treize de ces monuments : six temples, une statue et six dédicaces. La Proconsulaire en a dix-huit : quatre temples une statue, treize dédicaces. Dans la Numidie, il y en a vingt-quatre, dont cinq statues et dix-neuf dédicaces. Enfin, dans les Maurétanies, il n'a été découvert que cinq dédicaces, dont trois dans la Sitifienne et deux dans la Césaréenne. En tenant compte de l'étendue respective de ces diverses provinces, nous voyons donc qu'à mesure que l'on s'éloigne de Rome et de Carthage, le nombre et l'importance des monuments à Mercure s'en vont diminuant de l'est à l'ouest. Cette répartition des témoignages du culte rendu au dieu des commer- çants et des voyageurs ne semblerait-elle pas indiquer que, du temps de l'occupation romaine, le nombre et l'importance des relations commerciales allaient en s'aflaiblissant depuis Carthage jusqu'aux limites occidentales de l'Afrique. De même, allaient en diminuant dans le même sens, le nombre et l'importance des diverses voies de communication. 788 ARCHÉOLOGIE En ce qui concerne, au point de vue topographique, les lieux où doivent plus fréquemment se rencontrer les monuments, ex-voto, dédicaces, élevés à Mercure, voici ce que nous disait M. i'abbé Delapart, curé de Tébessa, archéologue aussi savant que modeste, avec qui nous nous entre- tenions, quelques semaines avant de quitter l'Algérie, du sujet qui fait l'objet de la présente note. Dans ses excursions autour de Tébessa et sur la frontière de Tunisie, il avait rencontré un certain nombre de dédi- caces au dieu des voyageurs, dont la plupart n'ont sans doute pas été relevées. Il avait remarqué qu'elles se trouvent généralement à l'entrée ou à la sortie des défilés dangereux, dans les passages abrupts, aux extré- mités de rampes difficiles. C'est ainsi qu'a été trouvé au col de Tenoukla, au lieu dit Henchir Gosset, au sud de Tébessa, cet ex-voto dédié à Mercure par L. Cordius Thevestinus et décrit par le capitaine Lac de Bosredon dans le Recueil de la Société archéologique de Constanlinc de 1878. Les voyageurs se recom- mandaient à leur dieu favori quand ils avaient à franchir ces parages périlleux et consacraient par quelque dédicace le souvenir des services qu'il leur avait rendus. De nouvelles découvertes viendront certainement augmenter le nombre des documents relatifs au culte de Mercure. La terre d'Afrique n'a pas encore révélé tous les secrets qu'elle cache dans son sein et le nombre des documents épigraphiques qu'il lui reste à nous livrer doit être encore considérable. M. Dominique NOYAK à Mahdia (Tunisie). LÉGENDE SUR L'ANCIEN DOMAINE DEL-ALIA [892 7] Séance du Ier airil 18S6 A une époque très ancienne, alors que les vastes territoires des parages de Mahdia, aujourd'hui incultes et abandonnés au pâturage des troupeaux, étaient cultivés avec soin, il existait à El-Alia un cheikh, très riche et très généreux, dont le luxe et la magnificence émerveillaient les habitants de la contrée, qui lui témoignaient la plus grande vénération. D. NOVAK. — LÉGENDE SUR L'ANCIEN DOMAINE d'el-ALIA 780 A la même époque vivait à Ctiarnmar, localité située à environ 15 kilo- mètres à l'ouest de là, un autre cheikh, également riche et d'une haute réputation, qui épousa la fille du cheikh d'El-Alia. A la suite de ce mariage, les meilleures relations s'établirent entre les deux cheikhs. Tous les jours, ils s'échangeaient des présents et se don- naient de leurs nouvelles. Une mule était spécialement affectée à ce service; elle s'y accoutuma tant et si bien qu'on finit par le lui laisser faire toute seule. Le cheikh de El- A lia, après l'avoir chargée de toutes sortes de fruits, produits par ses beaux jardins, la conduisait vers la route de Chammar, où il la laissait, et l'intelligent animal continuait tout seul son voyage. Arrivé à Chammar, il s'arrêtait devant la maison du cheikh, qui le déchargeait, le rechargeait de présents d'un autre genre et le ren- voyait à El Alia de la même façon qu'il y était venu, sans que jamais celui-ci s'arrêtât ou se trompât de route, et sans que jamais aucun des nombreux voyageurs qui le rencontraient osât toucher à sa charge, tant les deux cheikhs étaient respectés dans ces contrées, tant les habitants en étaient honnêtes et scrupuleux. La mule partait et revenait régulièrement tous les jours aux mêmes heures, et ses voyages s'accomplissaient avec une telle exactitude que si, d'aventure, il lui arrivait de retarder quelques instants son arrivée, celui des deux cheikhs qui l'attendait partait immédiatement pour aller chez l'autre s'assurer si quelque malheur n'était pas survenu, qui aurait contrarié ou empêché son voyage habituel. Il arriva, cependant, un jour que la mule, partie à l'heure habituelle d'El-Alia, n'arriva pas à Chammar. Après l'avoir attendue comme à son habitude pendant quelques instants, le cheikh de cette localité prit le chemin d'El-Alia pour s'enquérir de ce qui était arrivé. De son côté, le cheikh d'El-Alia, ne voyant pas revenir l'animal, soup- çonna quelque malheur et partit aussitôt pour Chammar. Les deux cheikhs, s'étant rencontrés à mi-route, trouvèrent là la mule arrêtée et son chargement penchant plus d'un côté que de l'autre. Ils n'eurent pas de peine à reconnaître que la charge d'un côté avait été enlevée et que la mule sentant le poids mal équilibré sur son dos, avait cessé d'avancer, attendant comme d'habitude qu'on la débarrassât com- plètement. Les deux cheikhs indignés qu'on ait osé ainsi leur manquer de respect décidèrent, séance tenante, de se venger des audacieux voleurs, et, pour les retrouver au plus vite, ils se mirent à suivre les traces de leurs pas marquées sur le sable. Mais, au bout de quelques pas, quels ne furent pas leur ôtonnement et leur effroi en reconnaissant les empreintes de chameaux coureurs, qui leur prouvaient à n'en pas douter, hélas ! que les II ilaliens, si redoutés à cette 790 ARCHÉOLOGIE époque, venaient d'envahir le pays, où ils ne tarderaient pas à semer, comme partout où ils passaient, le carnage et la désolation. Le cheikh d'El-Alia, dans son épouvante, décida d'abandonner le pays au plus vite, non toutefois sans avoir d'abord converti en numéraire tous ses immeubles d'El-Alia, qu'il redoutait de voir devenir la proie des sauvages envahisseurs. Pour exécuter ce dessein sans éveiller de soupçons, il imagina une ruse de concert avec le cheikh de Chammar. Tous les deux se rendirent au premier village où ils savaient que se tenait un marché très achalandé. Arrivés à ce village, ils pénétrèrent au milieu de la foule des acheteurs et des vendeurs qui se pressaient sur une place; là, sous un prétexte quelconque, ils entamèrent entre eux une violente querelle, à la suite de laquelle, le cheikh de Chammar souffleta son beau- père. Ce dernier, simulant alors la plus grande colère, jura qu'il ne resterait pas un jour de plus dans un pays où son gendre avait osé porter la main sur lui. Il appela immédiatement le crieur public et l'invita à proclamer la mise an vente de tous ses immeubles d'El-Alia. Les assistants, croyant à ta sincérité de cette détermination, ne songèrent qu'à profiter de l'excellente occasion qui leur était offerte de devenir propriétaires du domaine le plus envié de toute la légion. Dans cette intention, ils s'en disputèrent les lots avec acharnement et en firent monter le prix à une somme très élevée. Le cheikh d'El-Alia, satisfait du résultat obtenu, fit dresser incontinent le contrat de vente, encaissa l'argent et invita l'acheteur à venir le lende- main, à la première heure, à El-Alia pour recevoir les clefs du domaine. Avant de quitter le village, il acheta deux pigeons, puis il se rendit à Salakta, où il affréta un bateau et donna l'ordre au capitaine de le con- duire la nuit même à El-Alia pour embarquer ses meubles. Là, il réunit tout l'or et l'argent qu'il possédait, ses bijoux et autres objets de valeurs, et les fit transporter sur le navire. 11 eut soin d'enfermer les deux pigeons achetés le jour précédent, au marché, dans une cage qu'il plaça bien en évidence dans une des cham- bres de la maison, après avoir coupé les ailes à l'un des oiseaux et lui avoir attaché un billet sous l'aile. Il passa toute la nuit, occupé aux préparatifs de son départ. Le jour était déjà levé, lorsqu'il se disposa à s'embarquer. L'acquéreur ne tarda pas à arriver pour prendre possession de son nouveau domaine, comme il avait été convenu. Le Cheikh d'El-Alia lui remit les clefs et, heureux d'avoir sauvé en même temps sa vie et ses richesses, il s'embarqua avec tous les siens sur le bateau, qui mit à la voile à destination de Malte. Resté seul, le nouveau propriétaire d'El-Alia se réjouissait en regardant s'enfuir avec rapidité le bateau qui emportait le cheikh. Il aurait voulu D. NOVAK. — LÉGENDE SI IV L'ANCIEN DOMAINE D*EL-AL!A 701 l'éloigner encore plus vite, pour être débarrassé de l'homme, qui aurait pu, regrettant une détermination prise dans un moment de colère, revenir sur ses pas et lui contester la validité de son marché. Ces réflexions l'inquiétaient quelque peu; mais, voyant que le bateau filait toujours et était prêt de disparaître dans les profondeurs de l'horizon, il put admirer à loisir les magnificences de son vaste domaine, dont la possession allait lui créer la réputation du plus grand seigneur de la région. Après en avoir longuement contemplé avec délices les incontestables beautés, avoir joui du charme enchanteur de ses magnifiques jardins, ombragés d'arbres de toutes les espèces; après avoir, enfin, pris des yeux possession de ces biens dont il était désormais le seigneur et le seul maître, il tourna une dernière fois son regard du côté de la mer où, déjà, il apercevait à peine comme un point noir sur l'immensité le bateau qui emportait le cheikh. A cette vue. complètement rassuré, se croyant bien délivré de tout danger, il poussa un soupir de soulagement, et le cœur bondissant de joie, il entra dans l'habitation, qu'il se mit à parcourir et à inspecter dans tous ses détails. Charmé de sa belle disposition et des commodités sans nombre qu'elle offrait, dans toutes ses parties, il ne pouvait se retenir d'exprimer par des exclamations la joie qu'il ressentait à chaque pas. Il arriva ainsi à la chambre dans laquelle se trouvait la cage renfermant les deux pigeons ; et sans chercher à s'expliquer les causes de sa présence dans cette pièce, il la prit et l'ouvrit, dans l'intention de rendre la liberté à ces oiseaux. A peine la porte eut elle joué qu'un des pigeons s'envola à tire d'aile, monta dans les airs, et se déroba en très peu de temps à la vue, pendant que l'autre battait piteusement des ailes se heurtant contre les barreaux de la cage dans l'impossibilité où il se trouvait de s'enfuir. Frappé de ce fait, le maître du domaine voulut en avoir l'explication, et se mit à observer avec plus d'attention le pigeon resté dans la cage. Il reconnut alors avec étonnement qu'il avait les ailes coupées, et aussitôt il aperçut le petit papier fixé sons une des ailes. Fiévreux il le saisit, le déploya et y lut ces mots : ju*jpb ^jjd y a^ov ju» y Celle qui s'est enfuie à tire d'aile dès le début, (dès les premiers signes 792 ARCHÉOLOGIE précurseurs de la détresse) conjure le sort et conserve sa vie. Celle qui est demeurée sur les ruines de la maison n'a ni santé, ni richesse. En effet, quelques jours après les Hilaliens saccagèrent tout le pays, sans épargner le domaine d'El-Alia qu'ils brûlèrent, laissant son proprié- taire dans la plus triste misère. Celui-ci se rappelant le petit billet décou- vert sous l'aile du pigeon, maudissait son mauvais sort, et sa propre vanité qui l'avait conduit à la ruine. Le bruit court qu'aujourd'hui encore, il existe à Malte des gens qui posséderaient des actes se rapportant à la propriété d'El-Alia. M. J. TOUTAIN SUR L'HISTOIRE DES CARRIÈRES DE MARBRE DE SIMITTHU [892 73] Séci7ice du /or avril 4896 i Sur trois inscriptions trouvées, soit à Chemtou même, soit dans les envi- rons immédiats de cette ruine, à Sidi-Acem et à Hr-Frouri (1), on lit les sigles suivants : PROC. M. N. L'interprétation des deux lettres M. N a été et est encore considérée comme douteuse ; les uns veulent les traduire par marmorum numidicorum, les autres par metallorum novorum (2). Cette seconde lecture a été suggérée à quelques savants par plusieurs inscrip- tions qui mentionnent l'ouverture, dans les carrières de Simitthu, de galeries nouvelles à l'époque de Marc-Aurèle ; ces galeries sont appelées Novœ lapicidinœ àurelianœ sur un texte publié par Bruzza (3) et Officina nova aurellana sur un autre texte trouvé à Chemtou même (4). L'ouver- ture de ces galeries nouvelles n'est pas antérieure à l'avènement de Marc- Aurèle. La lecture : Procurator métal lorum novorum, ne sera donc exacte (1) C. I. L. VIII (SuppL). 14551, U582 ; Mélangesdc l'École de Rome, t. XIII (ann. 1893,) p. 448, n. 57. (2) C. I. L., VIII (SuppL), 14351 ; R. Gagnât, Explorations épigraphiques et archéologiques en Tunisie. 2mo fascicule, p. 183, note 2. (3) Bruzza, Inscrizioni dei marmi grezzi, n° 224 (Annali, ann. 1870). (4) CL L.,\M(Suppl.i, U589. J. TOUTAIN. — SLR L'HISTOIRE DES CARRIÈRES DE MARBRE DE SIMITTHU 793 que si les documents épigraphiques, où ces sigles sont inscrits, sont con- temporains de cet empereur ou postérieurs à son règne. Or, de ces documents il en est un qui peut être daté avec une précision suffisante. L'inscription publiée au Corpus (VIII, 14531) nomme un certain Agatha ou Agathias Aug. lib. froc. m. n. Cet affranchi de la maison impériale nous est connu par d'autres textes (1), et nous savons qu'il admi- nistrait les carrières de Simitthu en 138, sous Hadrien et, en 141, sous Antonin le Pieux, c'est-à-dire longtemps avant l'ouverture des galeries nouvelles. Le sigle PROC. M. N. ne peut donc pas être interprété : Pro- curator metallorum novorum. Ce qui confirme, en outre, l'exactitude de la lecture : Procurator mar- morum numidicorum, c'est que, d'habitude, sous l'empire romain, les carrières de marbre étaient désignées par une épithète géographique : Tabularius marmorum lunensium ; Hymenœus Cœsaris n. servus Thamy- rianus a lapicidinis caristiis (2). Quant à l'expression Procurator marmo- rum, elle se lit sur un fragment d'inscription trouvé à Rome, qui men- tionne un certain Anliochus, Procurator marmorum (3). Les sigles PROC. M. N. inscrits sur plusieurs documents épigraphiques qui proviennent de Chemtou ou des alentours doivent donc être inter- prétés : Procurator marmorum numidicorum, et non point : Procurator metallorum novorum. II Les savants qui se sont occupés des carrières de marbre numidique, en particulier Bruzza et M. R. Cagnat, en ont parlé comme si l'exploitation de ces carrières avait duré sans interruption ni décadence pendant tout l'empire et même pendant la période byzantine (4). Les documents que nous possédons actuellement ne nous permettent pas encore d'écrire une histoire complète de ces carrières, mais il nous semble intéressant de mettre en lumière certains détails de cette histoire. Les carrières de Simitthu comprenaient certainement à l'époque romaine plusieurs galeries ou chantiers, o/ficinœ : Yo/ftcina Certi (?), Yoflîcina Al(exandri), Yo/ftcina regia, Yoffïcina Agrippai, \'o//icina nova augustea, Yofficina Genii Montis, Yo/Jicina nova aureliana (o). Ces différents chan- tiers furent-ils en activité tous en même temps? Non. Nous savons, par exemple, où était Yoflîcina Certi : elle se trouvait [dès de l'extrémité occi- (1) C. /. L., VIII (Suppl.), 14r.7i-i4577 ; Mélanges de l'École de Home, t. XIII (ann. 1893), P- 433, n" U, p. 430, il"1 30-33. (2) Bruzza, op. cil., p. Wi et 142. (3) C. l.L.Xl, 8482. (4) Bruzza, op. cit., p, U9 et suiv.; H. Cugnat, Explorations..., 2U fascicule, p. 102-103. (5) C. /. L., VIII {Suppl.}, 14500-14589. 794 ARCHÉOLOGIE dentale des collines qui dominent les ruines de Simitthu, exactement au-dessus du forum (1). Or, l'emplacement de ce chantier est aujourd'hui encore encombré de plusieurs blocs de marbre grossièrement taillés, dont quelques-uns portent des dates ; la plus récente de ces dates est l'année 141. Il est évident que ces blocs ont été abandonnés sur place et qu'après cette date Yofficina Certi a été délaissée. Elle n'est plus d'ailleurs men- tionnée sur les inscriptions postérieures. Quant à Yofficina nova aureliana, elle ne fut ouverte que sous le règne de Marc-Aurèle, c'est-à-dire plusieurs années après la fermeture de Yofficina Certi. Il y avait donc, dès le milieu du second siècle, des galeries qui semblaient épuisées, puisqu'on renon- çait à en extraire du marbre et puisqu'on inaugurait de nouveaux chan- tiers d'exploitation. D'autre part, n'est-il pas étonnant que l'on n'ait encore trouvé, ni dans la carrière elle-même, ni dans les ruines de la cité voisine, aucun bloc portant une date postérieure à la fin du ne siècle, tandis que, au contraire, les marques du ne siècle sont très nombreuses ? Il est impossible d'en conclure que l'exploitation de ces carrières ait été brusquement arrêtée ; les textes cités par Bruzza et par M. Cagnat prouvent que pendant le me siècle le marmor numidicum était encore très répandu dans le monde romain. Mais, en regard de ces textes, il en est un autre fort curieux, qui remonte à la même époque et qui semble indiquer que les carrières de marbre, en Afrique, étaient tombées en décadence. Saint Cyprien, dans son opuscule Ad Demetrianum, veut disculper les chrétiens des crimes dont on les accuse et en particulier prouver qu'ils ne sont nullement responsables des maux qui fondent alors sur les provinces africaines. Il affirme que le monde vieillit et que la nature se fatigue : « Pendant l'hiver, s'écrie-t-il, il ne tombe plus assez d'eau pour nourrir les semences dépo- sées au fond des sillons; en été les rayons du soleil ne sont plus assez chauds pour faire mûrir les moissons ; au printemps, la campagne n'est plus riante et, pendant l'automne, les arbres ne sont plus chargés de fruits comme jadis. Les carrières fatiguées et trop fouillées deviennent pauvres en marbres... » (2) Cette dernière phrase ne commente-t-elle pas, pour ainsi dire, l'absence dans les carrières et dans les monuments de Simitthu de tout bloc extrait pendant le ine siècle? Les carrières s'étant appauvries, l'administration impériale ne négligeait ni ne laissait sur place aucune parcelle de marbre ; tout était expédié au delà des mers par les soins du procurateur. (1) CIL, VIII iSuppl.j, US7I-U576; Mélanges de l'École de Rome, t. XIII (ann. 1893)? p. 403-48$, n°'U-15. (2) Cyprianus, Ad Demetrianum, III : « Non hieme nulriendis seminibus tanta imbrium copia est, non frugibus castate torrendis solis tanta /lagrantia est, nec sic vernanle temperie sata la'ta su.nt, nec aileo arboreis fœlibus aulumna fecunda sunt. Mini-s de effossis et fatigatis montibus eruu'ntur maiîmoium CRUSTjE... » J. TOUTAIN. — SUR L'HISTOIRE DES CARRIÈRES DE MARBRE DE SIMITTHU 795 Une autre preuve de cette décadence des carrières de Simitthu nous est fournie par une inscription de l'époque chrétienne, gravée sur la paroi même d'une des galeries antiques et ainsi conçue : O/ficina inventa a Dio- timo agente in rébus (?) (1)-. A la fin do l'empire, comme sous Marc-Aurèle, on cherchait et on ouvrait encore de nouvelles galeries : ne pouvons-nous pas en conclure que les anciennes avaient été épuisées ou qu elles ne four- nissaient plus qu'un marbre de qualité inférieure? Ce n'est pas seulement pour essayer de fixer un point très spécial de l'histoire de l'Afrique romaine que nous avons présenté ces courtes obser- vations. Personne n'ignore que, de nos jours, on a tenté d'exploiter de nouveau les carrières de marbre de Simitthu et que cette exploitation a surtout donné des mécomptes. Ces mécomptes ne proviennent pas uni- quement des difficultés de l'exploitation et des frais de transport, ils pro- viennent aussi de la qualité même du marbre. Nous avons eu l'occasion devoir nous-même, pendant l'année J 894, combien, à ce point de vue, les résultats obtenus répondaient peu aux efforts faits. Des masses de marbre, fort belles comme couleur, à peine détachées de la montagne, se fendaient au moindre choc, et nous avons entendu des gens compétents exprimer cette opinion que les anciens avaient peut-être extrait toutes les couches vraiment bonnes et que l'on ne rencontrait plus, du moins dans les galeries exploitées sous l'empire romain, que du marbre de qua- lité fort médiocre. Cette opinion est encore au-dessous de la vérité: même à l'époque romaine, certaines galeries, comme Yofficina Certi, avaient été abandonnées, et l'épuisement des carrières avait été constaté ; Saint Cyprien l'affirme en termes très nets. Il ne faut donc pas aujourd'hui s'obstiner à exploiter, dans les carrières de Chemtou, les galeries jadis ouvertes par les Romains; il faut, au contraire, comme ils l'ont fait d'ail- leurs eux-mêmes, y chercher et y ouvrir des galeries nouvelles. (1895). 804 ARCHÉOLOGIE M. Carton (1), signale cette inscription et ne s'étonne pas de voir les deux déesses ainsi associées. « C'est, dit-il, qu'elles correspondent toutes deux à Tanit, la divine protectrice de Cartilage. » La remarque est, à mon sens, parfaitement juste, encore que la vérité n'en éclate pas avec pleine évidence. On serait même tenté dès l'abord, à cause de l'emploi de la copule et, de soutenir que le nom de Cérès est ici simplement accolé à celui de Caelestis, comme ailleurs à ceux de Tellus (2), de Saturne ou de Pluton (3), ou d'une divinité quelconque. Mais d'autres documents nous permettent d'attribuer son vrai sens au texte d'Encbir Belda. C'est à Carthage surtout que nous devons demander nos renseignements. Puisque c'est en cette ville que l'union des deux déesses se fit durant la période punique, n'est-ce pas là encore qu'elle avait le plus de chances de se reproduire à l'âge suivant ? Les trois inscriptions que voici, relatives à Cérès, lui appartiennent en propre : Junoni Sallustiae M. fil(iae) Lupercae sacei^dot(is) Cer(eris) (4) ; Q. Agrinio Q. fil(io) Arn(ensi tribu) Sperato Speratiano sacerdoli Cerer(is) c(olonia) J(ulia) K(arlhagine) anni CLXXXXVII (5) ; C. Sulpicio C. Sul- pici(i) Perenis f(ilio) Arn(ensi tribu) Ampe[l]io sacerdoti Cererum Karthagini anni CXXX (6). Par elles-mêmes elles ne signifient qu'une chose : Cérès et peut-être sa fille (7) étaient l'objet d'un culte à Carthage. Ce culte serait-il la continuation de celui dont parle Diodore, préservé on ne sait trop par quel hasard, ou plutôt restauré après la catastrophe de 146? Sallustia Luperca, Q. Agrinius Speratus Speratianus et C. Sulpicius Ampelius n'ont-ils fait qu'hériter, à distance, des attributions des Grecs appelés de Sicile pour le desservir? Même si l'on prétendait ne pas tenir compte de la disparition totale de Déméter avant la fin de la puissance carthaginoise, cette hypothèse ne serait guère recevable pour quiconque a étudié les religions antiques. Passant d'un peuple à un autre, les concepts divins se modifiaient fatalement sous l'influence d'idées nouvelles, par l'effet d'une civilisation différente. A Carthage même, Caelestis est plus qu'une exacte traduction de Tanit, et Saturne a des attributs qui man- (1) Lepaysde Dougga, p. 9 (extrait de la Revue Tunisienne, 1896). (2)C. I. L. VIII, 12332. (:;) Ibid. p. 108'. et n»< 1838, 16 '.98, 10693. (/,) Ibid. II'.O. (5) Ibid. 805. (6) Ibid. 12318. M. Doublet, se fondant sur le fait même de la découverte des deux dernières inscriptions, attribue doc. cil. p. 131) un temple de Cérès ou des Cérès à Bitica (Enchir sidi Brik) et à Avitla Bibba (Bou Ftisj ; c'est, je pense, une erreur; ces localités avaient seulement reçu des bienfaits de prêtres carthaginois et leur témoignaient leur gratitude par ces dédicaces. Le sacerdoce en question a réellement été*exercé à Carthage; la rédaction du texte et la mention de la tribu Arnensis en font foi. — J. Schmidt (C. I. L. VIII. 12318) croit que les chiffres insérés dans les deux textes marquent les années écoulées depuis la fondation du sacerdoce à Carthage ; Mominsen, l'ère de la nouvelle colonie de Carthage. Cette solution me semble bien préférable. (7) Je dis peut-être parce qu'on a prétendu que le pluriel Cereres désigne, non pas Cérès el Persé- phone, mais les divers aspects de Cérès; cf. Bérard, Del'originedeseuttei diens, p. 2'.2. A. AUDOLLENT. — CRUES AFRICANA 805 (luaient à son prédécesseur Baal-Hàmàn. Il n'en fui pas autrement pour Cérès. On aurait tort de chercher en elle un succédané immédiat de Déméter. Nous savons qu'elle devint, aux deux premiers siècles de l'ère chrétienne, une Cérès africaine. Tertullien lui décerne ce titre à plusieurs reprises (1), et il y ajoute une information très spéciale. Il arrivait fréquemment que des femmes déjà mariées s'imposaient par dévotion pour elle une éternelle chasteté; quit- tant leurs maris et refusant jusqu'aux baisers de leurs fds, elles prenaient en horreur le contact et la seule approche de l'homme. Peu satisfaites encore de ce renoncement, ces veuves volontaires poussaient l'abnégation jusqu'à introduire en leur lieu et place de nouvelles épouses auprès de leurs maris, à la grande joie de ces derniers, assure le grave Tertullien (2). Le même auteur nous apprend de plus que le costume distinctif des prêtresses se composait d'une sorte de coiffure ou perruque blanche en- tourée de bandelettes de même couleur (3). Mais ce que je retiens surtout de ces divers renseignements, c'est la dénomination de Ceres Afri- caine par laquelle Tertullien désigne la divinité. Elle prend toute sa valeur si nous la mettons en regard d'un texte découvert près du confluent de l'Oue \ Zerga et de la Medjerda, où figure une Ceres graeca (4) . C'est de la môme façon qu'on distingue encore dans cette contrée le Saturnus Achaiaeifi) des nombreux Saturni régionaux, ou que Tertullien fait allu- sion à VAchaeae Junoni (0) différente, semble-t-il, de Juno Caelestis. Puisque les anciens établissaient eux-mêmes une démarcation très claire entre ces deux Cérès, nous sommes en droit de conclure que celle qu'on adorait à Carthage n'était plus exactement la Démêler importée de Sicile. Transformée peu à peu, depuis la prise de possession des Romains, elle n'offrait plus le même aspect que jadis. Et les traits particuliers sous lesquels elle nous apparaît laissent supposer qu'elle avait fusionné avec quelque autre numen plus puissant. Nous lisons dans les Actes des saintes Perpétue et Félicité ("), qu'on voulut les contraindre, et de même leurs compagnons de martyre, à endosser, avant d'entrer dans l'amphithéâtre, l'accoutrement ordinaire des condamnés. C'était, pour les hommes, les insignes des prêtres de Saturne ; pour les femmes, ceux des prêtresses de Cérès. Que signifie ce 1 1 Ad uxorem, I, o ; de exJiortatione caxtitatis, 13 ; cf. de monogamia, n. •.!) Aduxorem, l, 6 : « Sed et alias eis ulique ridentibus loco suo insinuant». <:i) De pallio, /, : « Cum ob cultnm omnia candidatum, et ol> notam vittae, et privilegium rjaleri f.ereri initiantur »; detestimonio animae, i ■. « Vitta Cereris redimita ». (/,) C. I. I.. VIII, 10564, cf. |',:ini. Ci) Ibid, 12 331. (6) Ad uxorem, i, c. Il y a des traces à Rome aussi d'une distinction analogue; cf. C. I. L. VI, 1780 : graecosaeranea deae Cereris. • 1) Rlinart, Acla martyrum sinecra, 2et'd. 1713, p. 100. XVIII; cf. les notes p. 113-110. 806 ARCHÉOLOGIE rapprochement, si nous n'y reconnaissons pas le lien étroit qui unissait Tanit à Baal-Hàmân? Saturne, on ne l'ignore pas, n'est que le remplaçant de ce dernier; pourquoi Gérés n'aurait-elle pas représenté Tanit (I)? Nourricière des hommes, elle avait au moins ce caractère de la mater- nité (2) en commun avec la déesse féconde en qui les Phéniciens décou- vraient le principe vivifiant des êtres et des choses. L'assimilation était tout indiquée ; elle ne manqua pas de se produire pour Cérès, comme autrefois pour Déméter. Cependant Caelestis était, elle aussi, directement issue de Tanit et per- sonnifiait pour les Romains les mêmes énergies naturelles (3). Il y eut donc, peut-on supposer, une sorte de dédoublement de Tanit. Cérès reçut une partie de son héritage qu'elle était toute prête à accueillir et que les habitudes des Romains lui attribuaient de plein droit. Mais Caelestis en enleva le meilleur, c'est-à-dire toutes ces qualités qui ne convenaient guère à une divinité chthonienne comme Cérès. Elles furent ainsi à elles deux la monnaie de Tanit. Et tel est l'état de choses qu'atteste la pierre d'Enchir Relda. Ici s'arrêtent nos preuves formelles. Cérès ne se transforma-t elle pas encore davantage et l'évolution qu'elle avait commencée en devenant proprement africaine ne vint-elle pas aboutir à quelque métamorphose définitive? Il y a lieu de le penser. Distinctes pendant longtemps, ainsi qu'en témoignent les autorités que j'ai produites et par-dessus tout les divergences de leur culte, je serais fort surpris que Cérès n'ait pas disparu lentement au profit de Caelestis, quand le syncrétisme triompha (4). Je cherche en vain ses traces à Carthage à partir du me siècle; et je ne crois pas qu'on puisse les découvrir non plus après cette date dans le reste de la province. Sa rivale, de jour en jour plus honorée, plus fêlée, l'absorba, je suppose, tout comme Saturne confisqua le culte des Baalim locaux à travers l'Afrique. Est-il si difficile d'admettre qu'on se soit un jour adressé non plus à Caelestis et à Cérès (Caelesti et Cereri) , mais à Cérès Caelestis (Cereri Caelesti), de même qu'on invoquait journellement Junon Caelestis et Diane Caelestis, jusqu'au moment où ces personnes divines, que leur adorateurs (1) Ph. Berger et Gagnât, Bulletin archéologique. 2, déclare que l'identité de Caelestis et de Tanit n'est pas absolument démontrée. Celte réserve me parait excessive ; je me propose de le prouver prochainc- nieni par l'examen des monuments littéraires et figures. (4) Certains emblèmes mit peut-être aidé à l'aire l'assimilation entre Caelestis et Cérès ; telle est la torche, attribut commun à toutes les deux. cf. tu. Lenorkant dans saglio, Dictionnaire des Anti- quités, 1, p. 1 07'.- 10~7. P. HLANCHET. — RÉGIME DES POPULATIONS DANS LA TUNISIE CENTRALE 807 eux-mêmes devaient à grand'peine distinguer les unes des autres, se fondirent toutes en un seul numen plus compréhensif, celui de Virgo l adcstis ? (1 ) M. P. BLAICHET à Constanline. LE RÉGIME DES POPULATIONS DANS LA TUNISIE CENTRALE A L'ÉPOQUE ROMAINE | 939 7 | — Séance du 3 avril 1896 — . Les itinéraires romains signalent, dans la région qui s'élend de Kairoan à Sfax et de la côte à Sidi-Ali-ben -Nasser-Allah, l'existence de treize cen Ires habités. La carte au ^ -, dressée par le service géographique de l'armée, porte, dans la même région, le bourg d'El-Djem, le village de Sidi-Ali-ben-Nasser- Allah, la Zinala des Souassi, des puits (bir, oglet), des marabouts isolés sïrfi-Lafi. Sidi-Kha\if, S/rfi-Nasser) et des ruines (Henchir, Ksour). Faut-il en conclure que les conditions de la vie se soient totalement modifiées en ce pays depuis l'époque romaine? Les travaux définitifs manquent qui permettraient de répondre à cette question. Le pays cependant est abordable ; quoi qu'on en ait dit, il n'est pas plus difficile de trouver, ou de porter de l'eau, entre Sidi-Rhalif et Sfax qu'entre Sousse et Kairoan. Mais, si la tâche est aisée, elle est ingrate ; cette région est prodigieusement riche en ruines insignifiantes, et fort peu d'archéologues se sont souciés d'y perdre leur temps. MM. Cagnat et Saladin, au cours de leur beau voyage de 1882, en ont effleuré le nord et l'ouest (Sousse, Sidi-el-Hani, Kairoan, Hadjeb-el-Aioun, Haouch-Taacha, Sidi-Lafi. Sidi-Khalif, Sbeitla), 259 kilomètres (2). MM. les capitaines Hannezo et de Bray en ont étudié quelques points. M. de Lespinasse-Langeac, en son intéressante excursion de 1893, en a traversé toute la partie méridionale (Sbeitla, Àïn-Goubrar, Ogni-Fida, Sfax), 300 à 400 kilomètres (3). (i) Cette note était écriteavant que j'aie pris connaissance du l'excellent livre de M. Tentais : Les cités romaines de la Tunisie. L'auteur, qui est fort au courant de la religion des Africains sous l'Em- pire, y affirme l'identité de Cérès et de Tanil (p. 217 sq., 2*4, 270). Je suis heureux d'être si complè- tement d'accord avec lui. (2) Archives des Missions, 3e série, vol. 13, 1887. Je ne me rapporte ici qu'au rapport purement archéologique de M. Saladin. 1 Bulletin archéologique, 1893. 808 ARCHÉOLOGIE J'ai tâché d'en étudier le centre et l'est, durant les mois de mai et juin 1895 (Sousse, Kairoan. Hadjeb el-Aioun-es-Sghir, Zmala des Souassi. El-Djem, Rotigga, Chebka-bou Tsedi.Haouch Taacha, Sidi-Ali-ben-lNasser- Allah. Hadjeb el-Aioun , El-Ala, Aïn-cl-Ahouareb, Sidi-Ali-ben-iNasser- Allab, Sidi-Lafi, Henchir-Maghfoura, Oglet-bou-Ajela,Sfax), 680 kilomètres. (Cf. carte.) Les conditions de la vie se sont-elles modifiées du tout au tout en ce pays, depuis l'époque romaine? Une étude rapide des travaux hydrauliques qu'y avaient exécutés les anciens nous rassurera tout d"abord sur ce fameux dessèchement de P. Bl.A.NClIKT. — RÉGIME DES POPULATIONS DANS I \ TUNISIE CENTRALE 809 l'Afrique du Nord, qui fut un prétexte si scientifique à tant de découra- gements^). Durant >ix cents kilomètres chevauchés en cette région, j'ai relevé les traces de cinq aqueducs ou canaux; aucun n'a d'importance réelle, tous sont situés au pied des montagnes ou ne s'en écartent guère (El-Ala, Aïn-el-Ahouraeb) ; pas de barrages, nuls travaux de captai ion ou d'irrigation, mais partout en revanche des bassins, des réservoirs, des citernes destinées à recevoir les eaux pluviales; c'est bien l'eau des orages qu'il s'agit d'y amener avant qu'elle ait été évaporée ou bue, car c'est à mi-hauteur le plus souvent, parfois presque au sommet des collines, qu'ils ont été creusés. Si la Tunisie centrale avait eu aux temps romains un cli- mat plus humide, les réservoirs eussent été construits au pied des pentes. au fond des vallées; on les a édifiés, au contraire, là seulement où ils pouvaient encore arrêter les eaux trop rares, et si vite bues, des orages africains. Ces réservoirs sont de types multiples : chambres uniques ou conjuguées, caiiées ou circulaires, soutenues de piliers ou revêtues d'une calotte hémi- sphérique ; enfoncés sous terre ou béants au grand ciel, ils n'ont qu'un caractère commun ; c'est cette division en chambres de décantation, qui a été très nettement étudiée par M. le capitaine Delval, à propos du majen de Gafsa ; ce ne sont donc pas des réserves d'eau d'irrigation, mais des réserves d'eau potable. Ils sont innombrables entre Sidi-Ali-ben-Xasser-Allah et la côte ; la région des citernes » ne s'étend pas seulement à l'ouest de ce point ainsi qu'on le croyait, en 1882, sur la foi de renseignements trop rapides (2). Les puits, que M. Saladin croyait caractériser la région qui nous occupe, sont de pauvres trous de boue, bien rares auprès des innombrables « fesguias » romaines qui couvrent le pays. Aucun aménagement d'eaux courantes, précautions infinies pour capter les eaux de pluie, tout cela nous indique bien que le climat tunisien ne s'est guère modifié depuis quinze siècles et que M. Bourde (3) a raison quand il attribue aux cultures de terre sèche Ja prospérité dont jouirent autrefois les territoires de la Tunisie centrale. Faut-il admettre cependant que tout ce pays, sans exception, fut couvert d'oliviers; que partout, également, s'élevaient les bosquets dont parle En-Noweiri et ces bocages qui se répétaient à l'œil charmé du voyageur, de Tripoli à Tanger? En un mot. le Salie! , aujourd'hui resserré contre la côte, s'étendait-il alors, sous l'action de races plus actives et plus intelli- gentes, jusqu'au cœur du désert actuel? La terre et le ciel sont les mêmes i Cf. P. Blanchet, Rapport à M. /<• Ministre plénipotentiaire, Résident (ji'm'-rnl dv Franceà Tunis, sur les Travaux hydrauliques exécutai par les Romains dans Varrii re pays de Sfax. Tunis, 1890. (2) Saladin, Rapport, p. 10:.. (3) Bocrde, Rapport sur la culture de l'olivier dans la Tunisie centrale, Tunis issu. 810 ARCHÉOLOGIE qu'aux temps romains; les populations ont-elles disparu, qui avaient fait ce pays prospère ? L'invasion arabe les a-t-elles refoulées ou ramenées à une barbarie dont elles avaient su sortir? L'ouvrier agricole, ce troisième facteur de la richesse terrienne, est-il plus rare aujourd'hui qu'autre- fois et pouvons-nous abriter notre inertie ou notre timidité derrière ce nouveau prétexte? Je voudrais répondre à cette question sans faire usage d'aucun texte ancien : les auteurs de la Persécution vandale ou du Livre des routes et des royaumes ne soupçonnaient pas avec quelle acuité critique seraient, un jour, discutées leurs moindres paroles, et il est trop facile de lire ce qu'on désire au travers de ce qu'ils ont écrit. Il est des témoins d'une brutalité plus précise : ce sont les travaux eux- mêmes, exécutés jadis par les possesseurs du sol; c'est de leur examen seulement que je voudrais dégager quelques conclusions. Quel a été, au point de vue qui nous occupe, le résultat du voyage de MM. Cagnat et Saladin? MM. Gagnât et Saladin ont signalé l'existence d'une ville assez importante entre Sousse et Kairoan, à Sidi-el-Hani, et décentres agricoles considérables, fermes, huileries, etc., entre Kairoan et Hadjeb- el-Aïoun. De ce point jusqu'à Djilma, par la plaine des Zlass et les montagnes de Sidi-Ali-ben-Nasser-Allah, ils n'ont plus trouvé de sem- blables exploitations, mais seulement des réservoirs et des tombeaux. Passé Djilma, et sur les croupes qui s'élèvent vers Sbeitla et le Haut- Plateau algérien, reparurent à leurs yeux les fermes et les huileries, multiples. M. de Lespinasse-Langeac signale des vestiges nombreux d'établisse- ments agricoles dans la plaine qui, au sud-est de Sbeitla, s'étend vers Ksar- Rahmoun, c'est-à-dire à peu près par la latitude de Djilma ; viennent alors des fortins, des réservoirs et des tombeaux ; nulles traces d'habita- tions. Puis commence la forêt de Sfax. Je crois pouvoir préciser un peu plus et, pour cela, je prie qu'on me permette de reproduire ici le relevé des ruines que j'ai pu étudier sur le terrain . 1° Région a l'est de la ligne Kairoan-Sfax. 1° Hadjeb-ei.-A'îoi n es Sghir . Thermes, mausolées, maisons, constructions diverses. 2° El-Djem Amphithéâtre, thermes, nécropoles, réser- voirs, canal, constructions multiples. 3° Rolgga Théâtre, réservoirs, canal, maisons, cons- tructions diverses. 1>. BLANCHET. — RÉGIME DKS POPULATIONS DANS LA TUNISIE CENTRALE 81 i 2° Région comprise entre El-Djem et les montagnes de Sidi-Am- ben-Nasser- Allah. Environs de Bir-Si ltane. . . Réservoir, réservoir, fortin, ferme, réservoir, huilerie, réservoir. lli..\ciiiR-iii;.\zEiTA Huilerie. Ciiebka-isoi -Tskdi Réservoir, mausolée, réservoir, église, réser- voir, ferme, constructions rurales. Kasr er Khi Mausolée. Hkncuih-Sai.em-boi -Ci erra. . Ferme, chapelle, réservoir. IIa.im.h Taaciia Réservoir, nécropole. Henciiir-el-Hamel Réservoirs. Entre IIenciiir- el-Ha.mel et Shm-Ali-ben-Nasser- Allah . Fortins. Fesgciet-el-Karrouba .... Réservoirs, ferme. Bouiret-Hedjedje Réservoir. Henciiir-Macheolua Réservoir, nécropole. A l>ir-Sidi-d-Hadj-Kacem, commence la forêt sfaxienne. De cette longue et sèche énumération, un fait ressort de toute évidence : il y a là quatre types de ruines; il y a eu dans ce pays quatre modes d'habitation, et un régime quadruple pour les populations. Ces quatre types peuvent se définir ainsi : 1° Réservoirs isolés dans la campagne; 2° Réservoirs entourés de lombes; 3° Réservoirs dépendant d'une ferme ou d'une exploitation rurale; iu Réservoirs, maisons, églises, thermes, théâtre, amphithéâtre. Nous allons ainsi du plus simple au plus compliqué, du plus sauvage au plus civilisé, du point d'eau à la ferme, de la ferme au village, du village à la ville. Etudions un exemple de chacun de ces types : Rougga, les ruines de la Chebka-bou-Tsedi, le Henchir-Salem-bou-Guerra, et les nécropoles de Haouch-Taacha et de Henchir-Maghfoura. Rougga, qui n'a encore été, à ma connaissance, l'objet d'aucune étude el que je dois d'avoir pu étudier à l'inépuisable obligeance de M. le capitaine Hannezo, Rougga semble avoir été quelque chose d'assez sem- blable à ce que fut El-Djem. Je n'ose m'avenlurer ici dans les identifi- cations géographiques. Que Rougga se soit ou non appelé Bararus, j'y souscris également. Le seul fait qui nous intéresse est qu'il y eut, à l'époque romaine, à 13 kilomètres sud-est d'EI-Djem, à 30 kilomètres de la côte, dans la même zone et les mômes conditions que l'établisse- ment romain de Sidi-el-Haui, une grande ville. Il y venait, les jours de fête ou de marché, de nombreux habitants de la campagne; un giuan- 812 ARCHÉOLOGIE tesque théâtre leur ouvrait ses portes, concurrence peut-être, ou complé- ment, du cotisée de Thysdrus; un forum leur prêtait 1 ombre de ses colon- nades. Des temples, des monuments aux largos murs de pierre correctement alignés se distinguent encore parfaitement, et deux constructions presque intactes laissent deviner quelle fut l'importance de la ville dont les ruines sont éten lues aujourd'hui au pied du marabout de Mdi-Ahmed-Kouggui. Ce sont deux citernes : l'une est formée de sept nefs couvertes en berceau, larges de 3, longues de 13 à 44 mètres. Le constructeur, sou- cieux de combattre autant que possible la poussée des terres, a réuni les piliers extrêmes de ses nefs par des pans de murs circulaires. Mais il s'est peu inquiété de donner un rayon égal à ces arcs de cercle, et le plan de son œuvre déconcerte tout d'abord. A côté de ce premier réservoir, une seconde fesguia souterraine, de dimensions moins imposantes, mais d'un travail plus achevé, comprend quatre nefs entourées d'un mur parfaitement circulaire; les proportions en sont plus élégantes, les piliers plus élancés et les voûtes, d'arêle, plus soigneusement construites. Ces deux réservoirs pouvaient contenir six à huit millions de litres d'eau : ils passaient, on le voit, les besoins d'une ferme ou d'un village, et, en effet, il devait y avoir là, comme à El-Djem, comme à Sidi-el-Hani, une agglomération urbaine considérable. Moins riches en monuments, plus agrestes et plus frustes à la fois sont les ruines éparses dans la Chebka-bou-Tsedi. L'élément vital s'y retrouve toujours, construit avec la même sollicitude, sinon avec un art égal : c'est le grand bassin circulaire de la Fesguiet- el-Arad, le réservoir rectangulaire de la Fesguiet-Enicheritafia, la citerne « en bouteille » de Kasr-Chaouch. Mais les ruines qui entourent ces travaux ne sont plus les ruines d'une grande ville. Ce sont des murs grossiers qui dessinent en blanc sur le sol jaune les maisons, les églises et les rues irrégulières qui furent jadis un gros village blanc, perdu sous le feuillage gris* des oliviers. Continuons de marcher vers l'ouest, et l'importance diminue encore des ruines que nous rencontrons. Sans doute, la chapelle du Henchir Salem- b m-Guerra est édifiée sur un plan savant. La « confession » renferme un tombeau soigneusement construit, recouvert d'une dalle où un artiste naïf a tenté de buriner un personnage. Mais la campagne est nue tout autour. C'est la chapelle d'une ferme isolée, d'un bordj romain, semblable à certains établissements du sud. Marchons encore vers la montagne; la solitude se fait de plus en plus complète, les ruines se raréfient, et c'est une stupeur que de découvrir sur la plaine, absolument nue, les nécropoles de Haouch-Taacha ou de Henchir-Maghfoura . P. BLANCHET. — RÉGIME DES POPULATIONS DANS I.A TUNISIE CENTRALE 813 Haouch-Taacha a été signalé dès 1882 par M. Saladin, qui n'a | » ■ x en relever que deux monuments. J'ai eu la bonne fortune de pouvoir eu faire une étude complète. Hmchir-Maghfoura, que ne porte aucune carte et qui n'avai! été l'objet d'aucune élude, m'avait été indiqué à Kairoan par M. le capitaine de Bray. .l'ai pu également en lever un plan détaillé. Ces ruines se composent essentiellement d'un réservoir (un à Haouch- Taacha, deux à Henchir-Maghfoura), entouré de mausolées et de tombes. Celles-ci affectent, comme les tombes phéniciennes, la forme de cylindres horizontaux à demi enterrés dans le sable ou engagés à mi-diamètre dans un socle rectangulaire. Ceux-là sont de types divers, d'élégance différente et de richesse inégale. Les uns sont des imitations tics franches des monuments de l'art gréco-romain. Ils ont des colonnes, des pilastres i Haouch-Taacha, Henchir- Maghfoura), des niches destinées à recevoir des statues (Haouch-ïaai ha. Henchir-Maghfoura), parfois des inscriptions (1). Ils sont généralement élevés sur plan carré et se dressent très haut sur la plaine. D'autres, d'allures moins hères, et de décoration plus sobre, ont une forme nouvelle à nos yeux : ils semblent des stèles agrandies et répétées sur quatre murs autour d'une chambre centrale. Ce sont des types indi- gènes, haussés au niveau de leurs voisins romain-, mais fidèles à leurs lignes anciennes (Haouch-Taacha). D'autres ont tenté une conciliation entre les formes romaines et le demi- cylindre des tombes indigènes : tantôt sur un socle rectangulaire plus haut ils ont construit le berceau qui couvre le mort (Henchir-Maghfoura) ; tantôt, et plus souvent, ils ont dressé sur un soubassement curviligne, souvenir incontestable des formes accoutumées, le mausolée haut et mince habituel aux nouveaux venus (Haouch-Taacha i . La conciliation parfois a été plus naïve: elle a consisté à juxtaposer deux monuments de type franchement différent, mais ayant un mur mitoyen (Haouch-Taacha). Enfin, certains ont trouvé inutile de copier des modes nouvelles, et le monument le pins intéressant de Henclhr-Maghfoura est peut-être celui qui est le plus franchement dégagé de toute influence romaine. J'ai retrouvé, bien loin dans le sud, à 300 kilomètres de notre nécropole, au cœur du Djebel- Demmer, parmi ces populations berbères des Douiri, pures de tout contact arabe, si fidèles aux vieilles coutumes, comme aux formes et à la langue du passé, des constructions exactement semblables à celles- ci : on les appelle à Douiret des « Kasbahs » ; elles servent de « maisons de campagne », me disaient mes interprèles, aux gens qui viennent du village i) Saladin, Rapport, page H. 811 ARCHÉOLOGIE passer la nuit en leur jardin. A côté des romanisants et de ceux qui cherchaient à fondre les souvenirs des ancêtres avec les modes des con- quérants, il y avait donc, à Henchir-Maghfoura, des Berbères herborisants. A Henchir-Maghfoura? Quelles villes ou quels villages s'élevaient donc auprès des ruines que nous venons d'étudier? — Il n'y en a pas. — La nécropole, réservoir et tombeaux, est isolée dans le pays nu; d'aucune pari ne se laissent entrevoir des vestiges d'habitations. M. Saladin avait été, dès l'abord, frappé de cette singularité, et il avait chercher à l'expliquer par une hypothèse qui pouvait sembler hardie. Une découverte de M. de Lespinasse-Langeac est venue donner à cette hypothèse une force nouvelle. [/élude que j'ai pu faire de la nécropole encore inconnue de Henchir- Maghfoura me permet de considérer comme démontrée la théorie émise jadis par M. Saladin. Celui- ci. en .effet, cherchant à s'expliquer comment ces ruines, si im- portantes, se trouvaient isolées en plein désert, loin de toute ville, de toute ferme, de toute habitation, s'était souvenu que quelques jours avant d'y arriver, il avait traversé, à Si-Amor-bou-Hajela, un cimetière arabe également perdu dans le désert, et il en avait conclu que la nécropole de Haouch-Taacha, comme celle de Si-Amor, était simplement le cimetière d'une tribu nomade. Mais Haouch-Taacha et Si-Amor-bou-Hajela n'étaient-ils pas des excep- tions en ce pays? M. de Lespinasse-Langeac a signalé à Henchir-Snab un cimetière semblable à celui de Si-Amor. J'ai pu relever à Henchir-Magh- foura une nécropole identique à celle de Haouch-Taacha. Je crois que l'on peut en conclure que ces cimetières isolés dans la plaine, et que nous retrouvons sur toute la bande du désert qui longe le pied des montagnes, étaient bien, il y a quinze siècles, ce que sont aujourd'hui les champs de repos de Henchir-Snab et de Si-Amor. Cette constatation a une grande importance au point de vue de notre problème ; zone des villes, zone des villages, zone des bordjs, disions- nous : zone des nomades, faut-il ajouter. Et ceci nous prouve une fois de plus combien peu les choses ont changé dans l'immuable Tunisie. Le climat ne s'est pas modifié ; des populations sédentaires n'ont pas quitté la maison pour la tente. Treize villes n'ont pas existé qui devaient disparaître du sol africain; les itinéraires anciens sont des cartes d'étapes, et les nôtres marquent du même petit cercle bleu les cinq cents maisons d'Ll-Djem. le bordj fortifié d'Oglel-Achichina, ou la cahute en planches qui est le relais de l^oued Akarit ! Ovisce, Amudarsa ne furent peut-être que des points d'eau. N'est-il pas un peu vain de rechercher si c'était bien ce réservoir circulaire qui portait le nom d'Aeliae, ou cette citerne carrée que l'on appelait Germaniciana ? P. BLANCHET. — RÉGIME DES POPULATIONS DANS LA TUNISIE CENTRALE 81o Comment ces quatre zones étaient-elles réparties? De l'est à l'ouest, el sur une largeur moyenne de 40 kilomètres. Etougga est à 30 kilomètres, El-Djem et Sidi-el-Hani à 40 kilomètres de la mer. C'était la région riche par excellence, la province roinanisée, parlant latin el criant des empe- reurs. Il en reste les plantations du Sahel, les bois épais autour d'El-Djcm et la race industrieuse et forte des Sfaxi. Au delà, vivant toujours de l'olivier, mais groupée en centres moins considérables, une zone de villages s'étendait, dont nous avons retrouvé les traces autour de la Sebklia-Clierila et dans la Chebka-bou-Tsedi. Les oliviers romains, redevenus sauvages, y noircissent encore l'horizon, de loin en loin. Plus à l'ouest, des fermes fortifiées, protégées par quelques castel/a bâtis sur des hauteurs, abritaient les colons audacieux qui venaient s'établir dans le pays ou les indigènes convertis au travail. Est-il inutile de rap- peler que cette région dis villages et des bordjs est celle qu'habitent maintenant les Souassi, hier cavaliers brillants, grands razzieurs et pillards redoutés, aujourd'hui, sous l'action d'un sage gouvernement, fixés au sol, relevant des villages et restaurant l'antique forêt? Plus loin enfin, dans la plaine ouverte, montés sur leurs chevaux rapides au poil long, des Numides parcouraient la contrée déserte de Sidi Ali-ben-Nasser-Allah. N'est-ce pas le territoire actuel des Zlass, toujours remuants et toujours belliqueux ? Le régime des populations a donc été, aux temps romains, ce qu'il est aujourd'hui, ou peu s'en faut. Que cinquante années de paix donnent aux colons d'Europe l'illusion que des Souassi sont définitivement sédentaires et conquis à la civilisation, les plantations verdiront le sol fauve ; les villes essaimeront des villages d'où sortiront des fondateurs de bordjs, qui guetteront les chevauchées nomades. Rien n'a changé. Et ceci doit nous être un singulier encouragement à persévérer en notre œuvre tunisienne. Les Romains n'ont pas eu ici plus de facilités que nous, et nous savons ce qu'ils avaient fait du pays. J'irai plus loin : ce doit nous être un encouragement tout particulier à persévérer dans la voie où nous sommes engagés, et à continuer d'appli- quer, à la romaine, l'admirable système du protectorat. L'Afrique romaine n'a jamais été la-colonie de peuplement que l'on a imaginée. Il y eut des Romains nombreux dans les villes de la côte ; y en eut-il plus qu'elles ne comptent aujourd'hui de Maltais, de Grecs, d'Italiens et de Français? Devaient-ils être bien nombreux aux environs de Haouch- Taaeha ? El cependant cette Afrique était romanisée; le pays ^nous apparaît vêtu de formes romaines, pavé d'inscriptions latines, et chaque coup de pioche amène au jour un nom romain. Un nom romain? Non pas, mais un nom romanisé. Je veux seulement rappeler l'attention sur la démonstration 816 ARCHÉOLOGIE qu'en a faite M. Gagnât: les Hannibal sont devenus des Saturni nus qui devinrent dos Abdallah. En ferons-nous des Théophile? Pourquoi non? Rien n'est plus aisé que de modifier l'extérieur d'un Berbère : Marocains, Kabyles ou Douiri acceptent volontiers notre langue, voire un peu nos habitudes. Le tout est de nous rappeler comment Rome se les attacha : elle romanisa les peuples d'Afrique sans leur montrer beaucoup de Romains ; elle se contenta d'exercer un protectorat très ferme et très large à la fois ; les libertés du municipe, comme les privilèges de la tribu, si chers au cœur berbère, furent sagement respectés, et l'indigène consentit à apprendre la langue du vainqueur : cent ans après la conquête, qui aurait pu distinguer les uns des autres ? Ruine, en un mot, n'avait pas colonisé, elle avait civilisé le pays. C'est le rôle d'un État protecteur. Il est assez honorable à la fois et assez avan- tageux pour nous tenter. Les conditions de la vie sont les mômes que par lé passé ; nous avons commencé d'appliquer les principes de gouverne- ment qui rendirent ce pays prospère. Pourquoi n'y réussirions-nous pas, nous aussi, si Dieu le veut? M. le Capitaine HAHEZO â i! irgerac Dordogne). LES DÉCOUVERTES DE MOSAÏQUES A SOUSSE (TUNISIE 729 7611V; — Séance du i avril IS96 — Hadrumète, capitale de la Byzacène, peut être classée, comparative- ment aux autres cités de l'Afrique ancienne, comme la ville ayant fourni le plus' grand nombre de mosaïques et des plus intéressantes. Sans nul doute, il y a eu à Hadrumète une école de mosaïstes et des ateliers qui ont fourni des artistes ; ces artistes ont répandu l'art de la mosaïque hors de la capitale, à Leptis-Minor en particulier, sur le littoral et jusque dans File de Djerba, à El-Kantara (1). Cette école conserva longtemps de bonnes traditions. I) Certains détails d'ornementation et de sujets reproduits dans les mosaïques trouvées en 1888 à El-Kantara font supposer que ces mosaïques ont été faites vers la fin du m» siècle, à la même époque que celles de la villa Sorothus à Sousse, et par des artistes formés à Hadrumète. CAPITAINE BANNEZO. — LES DÉCOUVERTES DE MOSAÏQUES A SOUSSE 817 Il nous a paru utile et intéressant de relater les découvertes des mosaï- ques sorties du sein de cette partie de terre africaine, de ce sol hadru- métien, de compléter, 'par certains renseignements, les études déjà faites sur la plupart de ces mosaïques et de faire connaître celles qui sont encore inédites. MOSAÏQUE DU LABYRINTHE La première mosaïque découverte à Sousse est celle dont l'ait mention M. Héron de Vil le fosse dans la Revue de l'Afrique française (1), quand il décrit, parmi les mosaïques récemment découvertes en Afrique, celle du Labyrinthe de Crète; cette mosaïque était alors peu connue; M. A. Gan- dolphe, vice-consul d'Autriche-Hongrie à Sousse, a bien voulu nous com- muniquer certains documents qui sont encore en sa possession et le dessin de cette mosaïque; nous en avons fait une photographie et l'avons adressée avec quelques notes à M. G. Doublet, inspecteur du service des Arts et Antiquités à Tunis ; la photographie a été reproduite dans les Mémoires de la Société archéologique du, dé parlement de Constant ine (2) et communiquée avec notes à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le 2 septembre 1892. Cette mosaïque a été trouvée en 1860 par M. Espina, vice-consul de France à Sousse, dans un hypogée de la nécropole romaine d'Hadru- mète et à proximité du plateau sur lequel est établi actuellement le camp militaire ; on descendait dans cet hypogée de famille par un escalier dans les flancs duquel étaient creusées des niches ayant contenu des urnes à ossements ; la mosaïque à sujet faisait partie d'un ensemble de mosaïques formant comme le plancher de la chambre funéraire; elle représentait le Labyrinthe de Crète renfermant au centre le Minotaure (corps humain avec tête de bœuf) (3) que veut tuer Thésée ; à l'entrée du Labyrinthe on lisait l'inscription : Hic inclusus vitam perdit et on remarquait le navire qui ramenait à Athènes Thésée et les jeunes Grecs arrachés à la mort. La mosaïque n'existe plus à Sousse ni même, d'après ce qui nous a été dit, à la Manouba où elle a figuré en morceaux parmi les collections du Ivhasnadar. .MOSAÏQUE MARINO Cette mosaïque a été découverte en 1881 aux environs de Sousse, entre celte ville et .Monastir; ses dimensions sont de 80 centimètres de longueur et 10 centimètres de largeur; elle représente deux personnages debout u Année 1887. î innées I890-I89l. (3; Représentation analogue à celle remarquée à Herculanum. 52* $18 ARCHÉOLOGIE dont l'un, suppliant, semble entraîné par l'autre; leur costume est de couleur sombre et ne couvre qu'une partie de leur corps presque nu. La mosaïque a été trouvée en plein champ, à 40 centimètres de profondeur ; aucun objet n'a été recueilli auprès d'elle. C'est à l'obligeance de M . Ma- rino, propriétaire de cette mosaïque à Sousse, que nous devons ces ren- seignements ; nous en adressons une reproduction photographique. MOSAÏQUE DITE « DES CHASSEURS » Cette mosaïque a été découverte en 1882 par le 27e bataillon de chas- seurs à pied et, donnée au Musée du Louvre, elle a été transportée à Paris en 1884. La description de cette mosaïque a été faite par M. H. de Ville- fosse (1) ; rappelons seulement qu'elle renferme deux sujets distincts : l'un représentant une course de poissons conduits par des Amours, l'autre un singe jouant d'un instrument et ayant divers animaux autour de lui ; ce sont deux parodies. MOSAÏQUES GALÉA ET RALZAX Ces mosaïques ont été trouvées en 1883 près de Sidi-bou-Djaffar ; M. G. Doublet, inspecteur du service des Arts et Antiquités de Tunisie, en a fait la description et reproduit les dessins (2) ; elles représentent des scènes de chasse et de pêche et des dessins géométriques. Une partie de ces mo- saïques existe encore à Sousse dans la maison où est installé le Tribunal civil ; l'autre partie, en trois fragments, est conservée au Musée Alaoui. MOSAÏQUES DE LA VILLA SOROTHUS Il serait superflu de refaire l'historique des découvertes et la description des belles mosaïques composant le pavement des principales chambres de la villa Sorothus (3) ; les dessins et photographies des mosaïques de « la Panthère », des « Chevaux vainqueurs», du « Cortège de Neptune » et du « Haras » ont été communiqués ; le plan de la partie de la villa fouillée sous les yeux de M. de la Blanchère a été également dressé (4) ; nous nous bornons donc à donner un plan plus complet de la villa, dressé par nous au moment de la découverte en 1888 de la quatrième mosaïque, du « Haras », les dessins des mosaïques à ornementations géométriques (-1) Revue de l'Afrique française, année 1887. (2) Revue arcliéoloijique , année 1892. pages 219 et suiv. (3) Consulter les comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles- Lettres, des 5 août et 23 septembre 1886. — Revue de l'Afrique française, année 1887. — Bulletin archéologique. année 1888, pages 163 et suiv. — Collections du Musée Alaoui, année I890. (4) Bulletin archéologique, année 1888. CAPITAINE HANNEZO. — LES DÉCOUVERTES DE MOSAÏQUES A SOUSSE 819 qui décoraient les vestibules et certaines chambres (h et, enfin, quelques renseignements complémentaires sur les menus objets trouvés clans les terres remuées de cette villa (fig. 1). Constructions à Pleur de sol . Alurs en muconnerie . «. _ Wï$\ Murs en pisé _ Xfifift Thctcés de nuirs .-- Substructions à 17*50 au dessous du sol Jfîars en maçowuzrie WÊÊ . J/urs en pisé et stuc - L J Tracés cte murs Pane en mosa'ùjue hlanëhr ou à dessins géomctricnies 1 1 Echelle -EJWoiyEvSc. Fig. 1. Plan d'une villa romaine découverte à Sousse (Tunisie), en 1887-1888, par le 4e régiment des tirailleurs algériens. Quelques monnaies, poteries, lampes, etc., ont été recueillies, ce sont : Monnaies, datant de Nerva-Trajan, Adrien, Antonin le Pieux, Élagabale, Alexandre-Sévère, Marnée, Faustine jeune et Philippe père ; toutes étaient en bronze, sauf deux en argent; Poteries comprenant des disques en terre vernissée percés ou non d'un trou central, des vases et plats de diverses formes ; Lampes à sujets divers : panthère allant à droite, panthère allant à gauche, coq, masque de théâtre, etc. ; Statuettes en terre cuite : fragments ne comportant que des tètes de femmes avec coiffures différentes (2) ; U Dessins adressés à M. P. Gauckler, inspecteur du service des Antiquités et Arts de Tunisie. (2) Voir photographies. 820 ARCHÉOLOGIE Objets divers : clous en fer ou en cuivre ; grains de collier en pâte ; sorte de perpendiculum en plomb ; camée en verre représentant une tête de femme avec couronne de laurier ; intaille avec chaton d'or portant gravé sur sa face extérieure Jupiter debout à gauche tenant un foudre et un sceptre ; entre les jambes écartées de Jupiter on lit les caractères suivants : OU o OV - € ( 5 au-dessous, aux pieds de Jupiter : f/f Cj; sur la face intérieure se lisent en trois lignes les caractères suivants : £_/4ouA -\\L*) fr i\i *\ — 010 Nous complétons la description de la villa Sorothus, d'après le plan : A. — Chambre de « la Panthère »: dimensions de la panthère 0m,98 X 0m,62 ; B. — Petite chambre à dessins géométriques ; sur le seuil de la porte : AD LEONE ; C. — Petite chambre à dessins géométriques ; sur le seuil de la porte : AD APRV; D. — Petite chambre, à mosaïque blanche, correspondant avec le corridor et la chambre C par un escalier de deux marches hautes de 2o centimètres; E. — Chambre des « Quatre Chevaux vainqueurs » ; dimensions de la mosaïque centrale : lm,89 X lra,80 ; F. — Chambre à dessins géométriques ; G. — Chambre de « Neptune et son cortège », dimensions : 12m,40 X 10M0; E. — Chambre à mosaïque blanche ; /. — Chambre à dessins géométriques ; J. — Chambre à mosaïque blanche ; A'. — Chambre du « Haras », dimensions : 4m,ll 3", 40 ; L. — Bassins cimentés allant en s'évasant de bas en haut ; ■ M. — Chambre non pavée de mosaïque, dans laquelle furent trouvés de nombreux fragments de lampes, poteries, des monnaies, des fûts de colonnes en grès coquillier et en calcaire poreux revêtus d'un stuc fin et solide couvert d'une peinture d'ocre jaune. Les murs de cette chambre avaient un revêtement en plâtre rehaussé de couleurs vives avec fleurs, rosaces, etc. ; N. — Chambre à dessins géométriques; 0. — Chambre à sol cimenté ; •jlCes deux dernières chambres étaient à lm,50 au-dessous du sol des chambres voisines; les murs de ces chambres avaient un revêtement en plâtre rehaussé de couleurs vives ; P. — Corridors en mosaïques à dessins géométriques. CAPITAINE HANNEZO. — LES DÉCOUVERTES DE MOSAÏQUES A SOUSSE H'2l Une sépulture romaine (corps dans une fosse recouverte de tuiles tom- bales et accompagné d'une lampe et d'une patera) a été mise à découvert au sud et près de la chambre F. Les murs des substructions sont très solides comparativement aux autres murs de la villa. MOSAÏQUE DES « POISSONS 0 Celle mosaïque a été découverte en 1887 par le 4e régiment de tirail- leurs le long du rempart ouest de la ville de Sousse et non loin du bordj Cherch ; elle mesure I '" , 1 9 de longueur sur 52 centimètres de largeur et orne la salle d'honneur du régiment ; elle était en grande partie en- tourée de murs à parois cimentées et a pu servir de pavement de salle de bain ou de vestibule. A proximité ont été découverts un tuyau de plomb et un système de canalisation amenant les eaux dans différentes salles de diverses grandeurs; les autres salles étaient pavées de mosaïquesà dessins géométriques. Les ruines d'une habitation romaine subsistent en ce point, mais nous n'avons pu poursuivre nos recherches trop près du mur arabe en raison des accidents qui auraient pu survenir; des lingots de monnaies romaines en bronze, soudées les unes aux autres sous l'action •du temps, et de l'époque de iNerva-Trajan à Elagabale, ont été trouvés dans les fouilles exécutées en cet endroit; au dessous de ces constructions romaines, deux chambres funéraires phéniciennes, creusées dans l'argile, ont été visitées et ont fourni divers objets de mobilier funéraire se rappro- chant de ceux recueillis dans la nécropole du camp de Sousse, Nous don- nons une reproduction photographique de la mosaïque des Poissons sortant d'un panier (couffin) et recouvrant la liberté dans l'eau. MOSAÏQUES CHRÉTIENNES Deux mosaïques de l'époque chrétienne ont été découvertes en 1888 près de la casbah de Sousse ; elles gisaient l'une à côté de l'autre au milieu de terres rapportées pour faire une rampe d'accès à une porte basse de la casbah ; ces deux mosaïques ont été enlevées à la suite de travaux exécutés par le 4e tirailleurs et déposées à la salle d'honneur du régiment; nous en donnons une reproduction photographique. Ces mosaïques ont dû recouvrir, comme -à Lemta, des tombeaux de la nécropole chrétienne qui, selon toute probabilité, s'étendait au sud de la ville actuelle de Sousse. L'une de ces mosaïques portj. le monogramme du Christ et mesure 0U\72 < 0m,66 ; sur l'autre figure une inscription funéraire; ses dimensions sont : 0"\oo 0m,35. MOSAÏQUE DU CAMP DE LA SECTION DE DISCIPLINE Cette mosaïque a été découverte en 1888 par la section de discipline du 82:2 ARCHÉOLOGIE 4e tirailleurs dans un terrain proche de la villa Sorothus et occupé actuellement par son camp et des plantations ; ses dimensions ont été relevées : 3m,10 X 2m,60 et le dessin en a été pris de suite, aucun espoir de la conserver n'existant en raison de son état de détérioration. En effet, la mosaïque se trouvait dans un bas-fond rendu très humide depuis la mise hors d'emploi des citernes romaines situées à quelques mètres de là. Les divers sujets de cette mosaïque sont des représentations de faune, oiseaux, animaux domestiques, fruits et branchages. Au-dessous de cette mosaïque s'était glissée sous l'action des eaux une partie d'une autre mosaïque à sujets très décoratifs : rosaces, guirlandes ; de cette mosaïque comme dé la première on ne put conserver que des fragments. MOSAÏQUES DOUBLET En 1890, au cours de fouilles exécutées par M. Doublet, inspecteur du service des Arts et Antiquités de Tunisie, dans la nécropole romaine d'Hadrumète, il fut mis à jour deux mosaïques dont une formait le pave- ment d'un hypogée ; ces mosaïques représentaient : l'une l'Océan ivre; l'autre, un Bateau arrivé au port et que déchargent des Génies ; ces deux mosaïques ont été transportées au Bardo par les soins du service des Antiquités. MOSAÏQUES DE « LA REDOUTE DES CHASSEURS » En 1894, M. le capitaine de Bray, du 4e tirailleurs algériens, fut mis sur la piste de mosaïques découvertes à la suite de travaux de campagne exécutés près du lieu dit « la Bedoute des Chasseurs », à l'extrémité ouest de la nécropole romaine; il fit déblayer le terrain et se trouva devant une construction dont les pavements étaient en mosaïques, les unes géo- métriques, les autres à sujets ; nous remarquons dans une chambre de cette construction une scène de combats d'un taureau contre une panthère et d'un cheval contre un sanglier: une autre chambre nous fournit un nouveau sujet de poissons sortant d'un panier ou entremêlés : ce sont la méduse, le crabe, l'anguille ou la lamproie, la crevette, l'aiguille, etc.; enfin sur un seuil de porte une petite mosaïque représente un ours pendu par le cou et par les pattes de devant; cette mosaïque, en très mauvais état, n'a pu être conservée ; quant aux deux autres, la première figure à la salle d'honneur du 4e tirailleurs et la deuxième est déposée dans le « patio » d'une maison où sont installés les bureaux de la municipalité de la ville de Sousse. DIVERSES MOSAÏQUES Sousse et ses environs présentent beaucoup d'autres constructions avec pavements de mosaïques; nous ne les mentionnons pas, car nous n'aurions Dr SCHÛLTEN. — LES « CO.W E.YH'S CIVIUM ROMANORUM » 823 à signaler que des mosaïques à dessins géométriques ; un des derniers hypogées ouverts dans la nécropole romaine par M. le capitaine Choppard, du 4e tirailleurs, nous donne un spécimen de ces pavements en mosaï- ques pour sépultures; dans l'escalier et près du seuil de la porte de l'hypogée, un carré de mosaïque au milieu duquel esl dessiné un vase, à deux anses, accosté de deux annelets(l); puis, dans l'intérieur de la chambre funéraire, un pavement complet en mosaïques formant des carrés encadrant des cercles, le tout entouré d'une bordure simple, double ou triple, avec ou sans ornementation. MOSAÏQUES SUR TUILES Toutes les mosaïques dont il a été fait mention plus haut étaient placées à même le sol au moyen d'un damage préparatoire et d'une couche plus ou moins épaisse de mortier; elles servaient de pavements à des chambres d'habitation ou à des hypogées. Rappelons, avant de terminer notre petite étude sur les mosaïques de Sousse, que la nécropole romaine a fourni aussi quelques fragments de mosaïques fixées sur des tuiles tombales. M. Saladin a constaté l'existence de pareilles mosaïques dans plusieurs nécropoles qu'il a visitées en Tunisie (2). M. le D1 SCHULTEN a Gottingen Allemagne). LES 'CONVENTUS CIVIUM ROMANORUM DANS L'AFRIQUE ROMAINE 321(397) — Séance du ! avril 1896 — Dans ces dernières années Ton a publié quelques inscriptions africaines assez importantes pour le problème des communes quasi municipales de Romains (cives romani), thème que j'ai étudié il y a quatre ans dans mon ouvrage : de Conventibus ciwum romanorum (Berlin, L892). Le conventus civium romanorum était une association de citoyens (1) Le plan de cet liypop^e, avec coupes, dessins et estampage d'inscription a été adressé par \i. le capitaine Choppard au service des Antiquités à Tunis. (2) Bulletin archéologique, année -1892, pages 3l7-3i8. 824 ARCHÉOLOGIE en territoire étranger pour remplacer la commune par cette association intermédiaire entre le municipium et le collegium. L'on rencontre ces communes imparfaites dans certaines cités grecques de l'Asie, comme à Mytilène, Pergame, Tralles et autres, ainsi que dans les territoires non municipaux, mais autonomes, des Gaules et de l'Afrique (civitates); l'on en retrouve encore sur le ager publiais populi romani non encore affecté à quelques communes romaines ou indigènes. Nous citerons quelques exemples épigraphiques se rapportant à ces di- vers genres de conventus : il y avait un conventus dans chaque cité de l'Asie Mineure ; ces conventus apparaissent à côté de la commune grecque. Ce parallélisme est marqué par la formule o o?j;jo; xai ci 'pcofjiaîot ou oi .xaTotxuvxeç [irpay[ji.aTsuof»evot, etc ) 'ptûfxfluot (v. p. 26 et suiv. de l'œuvre citée). D'autres formules sont : Cives romani qui Mytilenis negotiantur (Corp. ins., lat. , III, 7160) ; 'pc^uatot oi sv EIKm, à Ilios (p. 34 de l'œuvre citée); Cives romani .qui in Salamine negotiantur fp. 36); « C(ives) R(omani) Q(ui) G(ortinœ) C(onsislunt) » (p. 36). Rien de plus intéressant que le conventus de Délos, dont les fouilles de M. Homolle nous ont livré des textes incomparables par leur nombre et leur âge, plusieurs remontant au ne siècle avant notre ère. L'association des marchands romains de Délos s'appelle : Italici qui insula negotiantur (.C. I. LUI, 7237). Elle était constituée en forme de collège religieux des divinités Mercurius et Maïa, avec des magistri appelés en grec : 'spjAauia; (magistri mercuriales), traduction fausse, parce que les c£pp,a'.ïxac semblent être comme toutes les associations dont le nom se termine en ^-x*. (ITo'e'.Btovta'.Tai;', EÔ7raTop'. curai', etc.), un club religieux de Mercurius, montre ce que sont ici les magistri de ce club ; mais l'on sait bien qu'il y a beaucoup de traductions fausses de ce genre dans la langue grecque des Romains de la République. (V. Viereck, Sermo Graecus). Pour les conventus d'une commune non municipale, mais organisée en civitas, pagus, sans centre municipal, je citerai les cives romani conven- tus Helvetici, d'après plusieurs inscriptions de la Suisse (p. 64 de l'œuvre citée). Quant au troisième genre : le conventus d'un territoire n'appartenant pas à quelque commune, soit municipale soit organisée en pagus, ce genre est représenté par les cives romani qui consistunt in canabis legionis, ce qui veut dire : association formée par des marchands romains dans le territoire d'une légion (v. mon article, le Territorium legionis, dans le xxixe vol. d'Hermès), dont les domiciles sont les canabœ, les baraques ou maisons voisines d'un camp. Ces canabœ finissaient par devenir plus tard des villes florissantes à l'instar de Lambèse, née des canabœ de la IIIe légion Augusta. Il résulte donc que ce conventus canabensis ou ce viens canabarunu D1' SCHULTEN. — LES « CONVENTUS CIVIL'M ROMAXORUM » N^.'i comme il est cité dans un texte de Strasbourg, est le plus important du genre, parce que c'est plutôt une commune qu'un collège. Presque tous les canabœ sont devenus des municipes ou des colonies, ce que le conventus d'une cité grecque ou gauloise ne peut jamais devenir. Toutefois, même pour le développement municipal des cives romani qui consistent in canabis il y a quelques restrictions, car les canabœ se trouvaient sur un terrain militaire, non sur leur propre. En conséquence, sans une diminution du territorium legionis, les conventus ne pouvaient jamais se transformer en municipium ; en outre, les canabœ étaient toujours attachés en quelque sorte à la légion à laquelle ils devaient leur existence ; c'est ce que nous voyons dans la formule : cives romani legionis AT//, d'un texte d'Apuhun (camp de la XIIIe légion) (C. I. L., III, 1158), ou C. R. consistentes ad legionem II adiutricum a Aquinensis (camp de la IIe légion) (C. /. L., III, 3o05). Le génitif legionis, ainsi que la phrase ad legionem, signifient clairement que les cives romani consti- tuaient une sorte d'appendice en face de la légion. Mais il y a des conventus parfaitement autonomes, des conventus qui sont vraiment municipaux: municipii instar d'après un texte de Tacite; ce sont ceux qui se formaient sur des parties de Vager publicus populi romani cédées jure possidendi, occupandi, soit à un individu pour être constitué en latifundium (sallus), soit à une association d'indigènes ou de Romains. Nous trouvons ces territoires libres principalement en Afrique ; nul n'ignore, du reste, que l'Afrique est le sol classique des sallus ou domaines impériaux et privés. Il y a une autre classe de terres affectées aux asso- ciations ; elle est représentée par les fines assigna ti genti Xuniidarum (C. I. L., YHI) ; il ne s'agit pas d'une cité autonome comme les ci vitales de la Gaule, mais d'un territoire habité par des tribus vaincues, auxquelles le gouvernement romain imposait un pra>fectus gentis, et donnait un terrain à titre d'usufruit et non de propriété. Quand l'État cédait à une association de cives romani un territoire quelconque, ce territoire formait un conventus. Voici quelques textes qui se réfèrent à ces communes incomplètes : 1) Eph. épigr. V, p. 363 [C. I. L., VIII) : Divo Auguslo sacrum conventus civium romanorum et Numidarum qui Masculultr habitant, 2) Eph. épigr. V, p. 121 (C. I. L., VIII) : ... Hadriano... rives romani cultores Larum et Imaginum Aug. s(ua) p(ecunia) f(ecerunt). L'inscription est de Tipasa, dans la Numidie consu- laire. 826 ARCHÉOLOGIE 3) Compte rendu de l'académie d'Hippone, 1892, p. 39 : C. Julio Mœandro / Socero / L. Popili Primi Afri et cires Romani Suenses / ob meritum d. d. trouvé à Chaouach, près de Tuccabor, dans la Tunisie. Dans un autre texte provenant du même lieu, on lit le mot Municipes Suenses (Bull, du Comité arch. des travaux..., 1893, p. 226). Ce texte date du règne de Julien l'Apostat. 4) Bull, d'archéologie du Comité des trav., 1894, p. 415 : Imp. Cœs. divî Traiani PartMei f. divi Nervœ nepoti Traiano. Hadriano Augusto trib. pot. XIII cos. III. p. p. cives Romani qui vico Hateriano morantur. Ce texte a été trouvé entre Bir-Magra et Tarf-el-Chena, à Henchir-Zena- Grou, en Tunisie. Il faut peut-être leur rattacher le texte de Oum-Gueriguech, au sud de Guelma, où se trouvait 1a civitas Nattabutum (C. I. L., VIII, p. 1801), publié d'abord par M. Vars (Rev. de Constantine, XXIX, p. 673). A la fin d'une autre inscription, on lit : R-P-C-R-C-N. Je ne doute nul- lement de l'exactitude de l'interprétation de AI. Gsell (Chr. arch. Afri- caine, extrait des Mélanges d'ant. et d'histoiî^e, p. 42) : Il(es) P(ublica) C(ivium) R(omanorum) C(onsistentium) N(attabutilus). Seulement, je proposerai la lecture : C(ivitatis) N(altabutum). Examinons maintenant ces textes l'un après l'autre ; le plus intéressant est, à mon avis, celui de: Cives romani qui vico Hateriano morantur. Il est certain que ce bourg porte le nom de : Gens Haterianorum dont le mausolée de la Via Appia à Borne a fourni ces curieux reliefs qui se trou- vent actuellement au Musée du Lateran ; on inclinerait, en conséquence, à penser qu'il s'agit de citoyens romains établis comme colons (coloni) dans Dr SCHULTEN. — LES « CONVENTUS CIVIDM ROMANORUM » Haterii ne fut pas joint au domaine privé de l'empe- reur, à la ratio (res) privata, mais abandonné au fisc ou patrimonium, ce qui signifie aux biens appartenant à l'État ou à la couronne : ce sans quoi nous ne pourrions trouver dans le viens haterianus une commu- nauté quasi municipale, mais nous y trouverions, au contraire, un « sallus » habité par des colons. Le terrain a donc été abandonné par l'Etat à un conventus de Romains sûrement agriculteurs. Le fisc se réservait le droit de propriété et pouvait toujours déposséder ces usufruitiers; mais, généralement, il finissait par donner à la commune ainsi constituée le droit de cité (municipium); c'est ainsi que les cives romani suenses sont devenus, dans la seconde moitié du ni€ siècle, des municipes suenses. Les cives romani cultores Larum et Imaginum Augusti de Tipasa étaient organisés en collège religieux. Dans deux des textes proposés, nous voyons, à côté des Romains, des Indigènes nommés Afri ; dans le conventus de Sua et de Masculula; on nomme Afri les indigènes de la Proconsulaire, et Numidœ ceux de la JNumidie. Comment se formaient- elles ces communes mixtes? Voici ma manière de voir à ce sujet : le territoire d'une commune mixte avait été assigné aux indigènes et ainsi qu'ils le faisaient en Grèce et dans les Gaules sur ce sol étranger des citoyens romains prenaient domicile et formaient des conventus. L'autre éventualité, celle dans laquelle les indigènes étaient attachés au conventus, n'existait pas pour eux, car la base du conventus est la séparation entre les cives romani et les indigènes et non l'association internationale. De jure, les cives romani, qui s'établissaient dans les fines d'une tribu, devenaient des itmolœ exactement comme dans les cités de la Grèce car. 828 ARCHÉOLOGIE c'est sur le territoire de la tribu que les Romains vinrent s'installer. Mais la prépondérance effective des Romains, membres du peuple seigneur, était telle que la commune mixte de Masculula s'appelle conventus. C'étaient les conventus qui faisaient les communes et non les indigènes. Si à Sua, au lieu d'une commune mixte, c'eût été une commune indigène d'Afrî, elle n'aurait jamais pu devenir un municipium. D'ailleurs, il n'existe que fort peu de différence entre une commune mixte de Romains et d'indigènes et un conventus pur; la distinction était plutôt nominale qu'effective. Nous avons, en dehors de Sua, d'autres exemples de transformation d'une commune indigène en une cité romaine. Thubursicum Numidarûm a été, ainsi que son nom l'indique, dès son origine, un castellum ou vicus d'une tribu numide, érigé sans doute en municipium après avoir passé par la forme du conventus. Cette transformation explique les lettres U-P-C-R-C-N de l'inscription découverte dans le territorium des Nalta- butes. Le territoire a été d'abord la propriété des Nattabutes; sous le règne de Valens, il devint celle du municipium Nattabutum (inscription publiée dans le Rev. de Constantine, XXIX, p. 673); il est donc raisonnable de lire: Res Publica Civium Romanorum Civilatis Nattabutum. Il en est de même pour beaucoup d'autres communes de l'Afrique romaine dont \esgentes in- digènes se sont transformées par les mêmes procédés. Les transformations de cette nature et le développement successif des communes sont fréquents dans l'Afrique romaine. Dans les autres provinces de l'empire, le peuple romain constitua ses coloniœ par l'acquisition des terres, pendant qu'en Afrique l'on abandonna Yager publiais à « la possessio » ; ceci explique l'immense quantité des grands domaines. Le peuple romain se réservait la propriété, et la loi agraire de l'an III avant Jésus-Christ, en confirmant la possession, ne s'étendit certainement qu'à une partie de Yager publicus. II existe un autre exemple de ces transformations territoriales sur le sol de l'Afrique, c'est celui du saltus beguensis, près la frontière de la Tunisie, qui est un territorium Musulamiorum (C. I. L., VIII, 270 : ut ei permittatur in provincia Africa, regione beguensi, territorio Musulamiorum ad casas nundinas instituere habere) ; l'interprétation rigoureuse de cette inscrip- tion nous oblige à déduire que le territorium Musulamiorum était partie intégrante de la regio beguensis, parce que les quatre noms qui doivent définir l'emplacement du marché (Nundinœ) se suivent par ordre descen- dant : Africa, c'est le plus grand, ad casas, le plus petit de ces termes locaux. Le S. C. est dit S. C. de nundinis saltus beguensis in t(errilorio) casensi. t. casense est exactement la même chose que regio (saltus) beguensis. C'est la même désignation municipale d'un saltus comme dans le nom LIEUTE>ANT HILAIRE ET VELLARD. — DÉFENSE DE LA VALLÉE DE LA SILIANA X^O Casœ villa Aniciorum (itin. Antonini, p. 28, Pinder). Casœ est ici le nom municipal, et villa Aniciorum le nom privé de la propriété. Probablement les territoires Musulamiorutn comprenaient d'abord toute la région Est des plaines et des montagnes de Theveste ; plus lard, la plus grande partie de ce territoire fut donnée à un propriétaire, de façon que le territoire des Musulami forma plus tard une enclave du saltus beguensis. Peut-être est-ce justement à cette restriction du territoire des Musulami, qu'il faut rapporter le texte très intéressant trouvé à Theveste (C, VIII, 10(367) : Ex auctoritate imp. Cœs. Traiani Aug. Ger(manici) Dacici Muna- tins Gallus leg. pr. pr. finibus Musulamior... legii vetustalis... tara abolevit. Il existe une analogie frappante entre cette inscription et celle décou- verte en Maurétanie (C..VII1, 8369) : Termini positi inter Igilgitanos, in quo- rum finibus castellum Victoriœ positum est, et Zimizes, vt sciant Zimizes non plus in usum se haber(e ex autoritate M. Yetti Labeonis proc. Aug. qua(m) in circuitu ab muro cast(elli p(assus) D. Cette inscription donne- rait à entendre que le territoire en question a appartenu jadis à la tribu des Zimizes, territoire sur lequel fut établi le municipium Igilgitanorum,et qu'en conséquence la tribu dut se borner à occuper une petite circons- cription autour du castellum Victoriœ. C'est le jus utendi dont jouissaient ces gentes; le Sénat ou l'empereur avait le droit de les chasser de ses fines et de restreindre leurs territoires. MM. le Lieutenant HILAIRE et VELLARD LA DEFENSE DE LA VALLEE DE LA SILIANA PENDANT L OCCUPATION BYZANTINE [9397] — Séance du I avril 1896 — L'importance stratégique de la vallée de la Siliana au temps de l'occu- pation byzantine n'a pas besoin d'être démontrée. C'était, pour un ennemi maître déjà du plateau central de la Tunisie (objectif de premier ordre pour des armées opérant dans la Byzacène), la voie d'invasion la plus directe de la Zeugitane. A Zama-Regia (Djiama), dans le bassin supérieur de ce cours d'eau, aboutissaient les deux seules voies que les Homains avaient pratiquées au cœur même de ce massif montagneux central (djebel 830 ARCHÉOLOGIE Massouge, montagne des Ouled-Aoun, djebel Belota, djebel Bargou) et qui venaient d'Altiburos (Medeïna) par Assuras (Zanfour) au sud-ouest, d'Aqu;e-Regite'(Aïn-Beïda) par Uzappa (Kssour) au sud-est. Ce nom seul de Zama d'ailleurs, que l'on rencontre en maints chapitres de l'histoire des Djiama Fig. \. guerres romaines en Afrique (suprême défaite d'Annibal près de Zama, dans la plaine des Zouarin, siège de cette place par Metellus, son rôle après la bataille de Thapsus, etc.), ce nom seul aurait suffi à appeler sur la vallée de la Siliana l'attention de ces duces mllitum, chefs intrépides doubles d'ingénieurs militaires éclairés, qui avaient reçu de l'empereur LIEUTENANT HILAIRE ET VELLARD. — DÉFENSE DE LA VALLÉE DE LA SILIANA 831 Justinien l'ordre de ressaisir à tout prix le territoire des anciennes pro- vinces romaines, Dei invocando auxilium. . . ., sicut ex clausuris et burgis ostenditur. Les Byzantins occupèrent fortement cette vallée ; ils y ont, hélas ! laissé de leur séjour des traces indiscutables: constructions grossières, destruction totale des monuments de la période romaine. En dehors de nombreux ouvrages de fortifications, d'une chapelle assez bien conservée et de quel- ques tumulaires chrétiennes, notre moisson archéologique, dans cette région, a été bien pauvre. Et, pourtant, de nombreuses ruines bordent la Siliana en aval de Djiama. Ce sont : l'Enchir-Oumzît, PEnchir-Tazma, l'Enchir-Abd-es-Semed, l'Enchir-Meskine, l'Enchir-Tambra, FEnehir- Sidi-Zreg, FEnchir-Sidi-Ahmed , l'Enchir-el-Baghla, l'Enchir-Dermoulîa (Coreva). C'étaient autant de cités ou bourgades — agricoles pour la plupart — quelques-unes assez importantes, à en juger par leurs ruines, jalonnant la route qui devait relier Zama à la grande voie de Carthage à Theveste. Dans la plupart de ces Enchirs on retrouve les restes d'une forteresse byzantine, rarement une citadelle de quelque importance, le plus souvent un fort, parfois même un simple poste d'observation ou un réduit impar- fait qui semble avoir été organisé à la hâte sur les fondations et avec les matériaux mêmes d'une construction antérieure. " Bordée par deux chaînes de montagnes presque continues, entre les- quelles, par endroits, elle est très étroitement resserrée, fréquemment coupée par les lits encaissés des torrents tributaires de la Siliana, la vallée se prêtait admirablement à l'établissement d'un système défensif compor- tant une série d'obstacles successifs, que l'ennemi ne pouvait tourner, puisqu'ils étaient placés sur la seule route qu'il lui fût possible de suivre. C'est ce qui explique d'ailleurs le grand nombre et lés proportions relati- vement modestes des ouvrages byzantins de cette vallée, qui n'étaient à vrai dire que des forts d'arrêt, n'ayant d'autre but que de favoriser les mouvements des forces mobiles, en retardant la marche de l'ennemi ; on n'y rencontre point de vaste citadelle, comme celle d'Aïn-Tounga par exemple, qui devait être une sorte de grande caserne fortifiée, dont la garnison, très nombreuse, était appelée à rayonner au loin et ne devail y chercher un refuge qu'après un échec en rase campagne. DJIAMA M: Cagnat a signalé, en 1886, l'existence à Djiama d'un fort byzantin, à tracé bastionné, couronnant le plateau sur le bord duquel s'élève le village arabe. N32 ARCHÉOLOGIE ENCHIR-OUMZIT Chaos de pierres jonchant le sol sur une superficie d'environ huit hec- tares, autour de la koubba de Si-Hadj-Ahmor. A la lisière amont de l'Enchir, nous trouvons une ruine rectangulaire, dont les murs sont rasés presque au niveau du sol et qui mesure environ quinze mètres sur dix. Les assises inférieures des murs, constituées par de grandes pierres d'un beau calcaire, assemblées avec méthode, sont d'un édifice romain ; mais elles sont surmontées par des pierres de toutes sortes, notamment des auges, par des blocs inégaux, taillés daus un grossier calcaire nummulitique, mal équarris et disposés sans ordre, ce qui prouve que la construction primitive fut utilisée et transformée par les Byzantins. Comme les murs ont 80 centimètres d'épaisseur, nous sommes naturellement amenés à penser que nous nous trouvons en présence d'un réduit ou d'un poste d'observation obtenu par le procédé expéditif dont nous donnerons tout à l'heure, en parlant des ruines de Ksar-Hellel, un exemple probant. Placé dans une situation dominante (400 mètres d'alti- tude), d'où l'on découvre au loin le pays vers Djiama, cet édifice peut fort bien avoir été une avancée des deux ouvrages que nous allons trouver à quelques kilomètres en aval, à l'Enchir-Tazma et àl'Enchir-Abd-es-Semed, une sentinelle placée à l'entrée du défilé pour surveiller le terrain qui échappait aux vues de ces deux forteresses et leur donner l'alerte en cas de danger, le centre de la résistance ayant été établi plus en arrière, parce que le défilé y est beaucoup plus étroit. ENCHIR-TAZMA Entre le village arabe de Khramt et la Siliana, sur un plateau rocheux qui borde la rivière en la dominant d'une vingtaine de mètres, s'étendent, sur une superficie d'environ 50 hectares, les ruines d'une cité agricole ; les Arabes appellent ces ruines l'Enchir- Djemàa (corruption de la dénomi- nation d'Enchir-Tazma retrouvée par M. Acquaviva, le gérant du domaine de la Société foncière à Gaffour, dans des titres de propriété établis par des notaires indigènes et datant de quatre vingts ans). A la limite nord de ces ruines, au sommet d'un mamelon qui commande tout le terrain environ- nant, se dressent les débris imposants d'une citadelle dont l'angle nord mesure encore 8 mètres de hauteur. La largeur des murs (2 mètres), les matériaux dont ils sont faits, fortes pierres de toutes provenances, mon- tants ou seuils de portes, fragments de conduites, pressoirs de moulins, etc., dénotent un fort byzantin. LIEUTENANT HILAIRE ET VELLARD. — DÉFENSE DE LA VALLÉE DE LA SILIANA 833 La ville romaine, dont la position était naturellement forte du côté de la Siliana, protégée qu'elle était par un alignement de rochers et par la rivière elle-même, était sans défenses du côté de la montagne ; élever de ce côté un mur d'enceinte eût été un travail coûteux et long, et hors de proportion sans doute avec l'effectif de la garnison : les Byzantins se bor- nèrent à la construction d'un fort d'arrêt, long de 32 mètres et large de 27, sur un emplacement fort judicieusement choisi, découvrant bien le terrain Bordj de G'affour o FlG. 2. environnant, position naturellement renforcée du côté du sud, c'est-à-dire du côté le plus dangereux, par la profonde coupure que forme le ravin encaissé de l'oued Dechrat-el-Khramt. ENCHIR-ABD-ES-SEMED A trois kilomètres en aval de l'Enchir-Tazma et sur la même rive, ense- velies sous une brousse inextricable, sont les ruines d'une autre cité agri- cole, un peu moins importante, l'Enchir-Abd-es-Semed. Nous y trouvons, presque entièrement rasée au niveau du sol, l'enceinte rectangulaire d'un deuxième fort byzantin, construit comme le précédent en grands matériaux ; la face nord-ouest seule présente quelques assises encore intactes. Ces ruines bordent le coude que la Siliana forme en cet endroit. De même que sa voisine, cette ville était naturellement forte du côté de la rivière, la rive y étant escarpée et rocheuse ; mais elle était ouverte vers la 53* 834 ARCHEOLOGIE montagne. Là, les Byzantins avaient placé leur fort au bord même de la rivière (1), utilisant probablement les fondations d'un important édifice romain, car la situation en est trop heureuse et trop centrale, pour n'avoir pas été choisie par les Romains pour l'emplacement de quelque monu- ment de leur cité, peut-être leur plus beau temple. Plus grand que celui de FEnchir-Tazma, ce fort mesure 30 mètres sur 3o, les grandes faces étant parallèles à la rive. Inscription funéraire Croquis au 20.000 Cette partie du cours de la Siliana, où les Byzantins avaient construit deux forteresses, se prêtait tout particulièrement à la défense de la vallée : elle y est[en effet comme étranglée entre les contreforts des deux aligne- ments montagneux qui courent sur ses rives, le djebel Abdallah-ben-Cheïd à gauche, les hauteurs du Kef-el-Azreg à droite ; de nombreux ravins, perpendiculaires à son cours, tous escarpés et profonds, opposaient autant d'obstacles à la marche d'une armée ennemie, qui, obligée de s'allonger sur l'unique voie qui devait desservir cette partie de la vallée, pouvait être tenue en échec par des forces bien inférieures et se trouvait, en tout cas, dans la nécessité, pour avancer, d'emporter d'assaut ces forts qu'elle ne pouvait tourner. ENCHIR-TAMBRA Pour retrouver des restes de fortifications, il faut descendre la Siliana jusqu'à l'Encbir-Tambra, à dix-sept kilomètres en aval, sur la rive droite. (1) Ce fort, qui s'élevait entre deux ravins assez profonds, n'avait en somme qu'une face qui ne fût point couverte par un obstacle naturel. LIEUTENANT H1LAIRE ET VELLABD. — DÉFENSE DE LA VALLÉE DE LA SILIANA 835 ^Tambra ~-<\^ <^ Là était un troisième fort, construit, en forme d'heptagone irrégulier, au bord même de la rivière, sur un large tertre qui la domine de dix mètres. Il se trouvait naturellement renforcé sur trois de ses faces par la Siliana et la profonde coupure de l'oued El-Chaïr. Les ruines en sont complète- ment envahies par les cactus d'un jardin planté sur l'emplacement même du fort; quelques pans de murailles (1) émergent seuls du linceul de terre et de verdure qui recouvre ses débris ; mais il est facile néan- moins d'en suivre le tracé, une sorte de large parapet, sem- blable à celui d'un ouvrage de campagne actuel, s'étant sub- stitué à la muraille enterrée. Ce fort était plus important que ceux de l'Enchir-Tazma et de l'Enchir-Abd-es-Semed : il avait 185 mètres de périmètre et cou- vrait une superficie de 1850 à 1900 mètres carrés (2). C'est un peu au sud de l'Enchir-Tambra que viennent mourir les der- nières ondulations des hauteurs de la rive droite et que s'ouvre, vers Tunis et Zaghouan, comme un grand couloir resserré entre le djebel Cre- chem-Ahmar et le djebel Mounchar, au sud, et le djebel Rihan, au nord, la riche plaine des Ouled-er-Riah. La voie romaine, desservant Onellana (Zaghouan), Thuburbo Majus (Pont-du-Fahs), Avilla, Bisca (Enchir-Bijga), et se rattachant à Coreva (Enchir-Dermoulîa) à la grande voie de Carthage à Theveste, passait dans ce couloir, contournait par le sud et l'ouest le djebel Rihan et longeait la Siliana. On ne peut s'expliquer la présence à l'Enchir-Tambra d'une aussi impor- tante citadelle qu'en admettant qu'il y ait eu là un point de passage de la Siliana. De quelle utilité, sans cela, eût été cet ouvrage, construit précisé- ment à un endroit où la rive droite cesse momentanément d'être hérissée d'obstacles naturels? La topographie du lieu elle-même corrobore cette supposition, malgré l'absence de vestiges de pont (3) ou de route : la il) Les murs, larges de deux mètres, sont formés de grands matériaux empruntés à des édifi romains; il y a jusqu'à des cippes funéraires. l ' lces (2) Des Arabes nous ont affirmé qu'il y a un certain nombre d'années, la porte de la roi voyait en C. Cette partie est aujourd'hui complètement abolie. ' ine se (3) Une grande quantité de pierres de toutes dimensions, qui obstruent en cet endroit le lii d rivière pourraient à la rigueur passer pour les derniers débris d'un pont. Il est vrai que cps ont pu rouler de la berge. Peut-être aussi, les sables déposés par la rivière ont-ils enseveli flT t. nient les ruines de ce pont. Des Arabes n'ont pu retrouver dans le lit de la rivière une »ros" • cription qu'ils y avaient vue autrefois et dont ils connaissaient parfaitement l'emolacameiit '"t »able l'a recouverte, nous ont-ils dit. M 836 ARCHÉOLOGIE rivière en ce point est constamment guéable ; de plus, au couloir de la plaine du Fahs correspond, sur la rive gauche, dans la chaîne du djebel Abdallah-ben-Cheïd, une trouée que suit un bon sentier, très fréquenté des Arabes de l'Arossa, aboutissant à Aïn-Younès, c'est-à-dire à l'ancienne voie de Theveste. Il n'y a pas d'autre col réellement praticable dans cette chaîne de la rive gauche, entre le djebel el Akhouat et l'Eochir-Dermoulia. Il est presque certain qu'en ce point fortifié d'Enchir-Tambra il y avait un passage mettant Zama en communication avec Thuburbo Majus et établis- sant en outre, entre cette dernière ville et Thubursicum Bure, par la trouée d' Aïn-Younès, une communication bien plus directe que par Coreva. KSAR-HELLEL A quatre kilomètres au sud-est d'Enchir-Tambra, sur la rive droite de l'oued bou-Zid, sont les ruines de Ksar-Hellel, où nous avons trouvé des traces évidentes de l'occupation byzan- Ruines _l^ tine, une petite église trifoliée notam- Croquis au 10000. r o ment. Au point culminant de la vaste colline que recouvrent les ruines, se ntin q dressent les restes d un monument qui nous a paru être un édifice romain transformé par les Byzantins en un FIG o réduit défensif. De la construction romaine subsistent trois larges portes cintrées, accolées, et des débris de murs qui en marquent le périmètre, lequel ne fut pas conservé entière- ment pour le fortin. Les Byzantins, utilisant un mur de refend EF, avaient réduit les dimensions de l'édifice primitif, renforçant les murailles de leur ouvrage au moyen de matériaux enlevés des murs abandonnés : £.îL0 1 c'est ainsi qu'on retrouve dans les murs du monument ° ■ j i Fjl byzantin un large seuil qui y fut placé avec tout un I M LwwJ Pâté de blocage qui y Prière encore aujourd'hui, une grande pierre à laquelle tient encore un fragment de cintre garni de blocage, tous détails qui nous font croire à un fortin, à un réduit pour les habitants de cette bourgade agricole, organisé à la hâte, aux jours de revers sans doute, par la transformation d'un monument que sa construction soignée et sa situation dominante désignèrent pour cette nouvelle destination. Il ne serait pas admissible, dans ce cas, que les Byzantins eussent laissé subsister dans leur fort les trois portes de l'édifice romain : deux d'entre elles au moins avaient dû LIEUTENANT IIILAIRE ET VELLARI). — DÉFENSE DE LA VALLÉE DE LA SIL1ANA 837 être bouchées avec des moellons (qui s'en seront détachés depuis), et peut-être les trois, la porte du réduit étant, dans ce cas, en 0'"..., plus FlG. 7. étroite que les portes cintrées, et surtout mieux placée au point de vue du flanquement. ENCHIR SIDI-AHMED A huit kilomètres en aval d'Enchir-Tambra, sur la rive gauche, sont des ruines que les Arabes nomment l'Enchir-Sidi-Ahmed. Là, couronnant une berge haute de huit à dix mètres au pied de laquelle primitivement passait la rivière (1), était un édifice byzantin rectangulaire mesurant 35 mètres sur 40 ; les murs en sont en grande partie détruits ou enterrés, et l'on ne peut guère, sans des fouilles préalables, déterminer avec quelque certitude la destination de ce monument. Il est possible que ce fut, en dernier lieu tout au moins, un fort : sa forme rectangulaire, sa situation dominante au bord même de la rivière, les matériaux disparates encore à leur place dans les débris des murs ou qui jonchent le sol à l'intérieur ou autour de cette ruine (fragments de frises ornées de sculptures, fragments de con- duites, bases honorifiques) rendent en somme cette hypothèse fort admis- sible. Peut-être, si ce fut réellement un réduit fortifié, avait-il été, comme celui de Ksar-Ellel, moins fortement construit que les trois premiers dont nous avons parlé, soit qu'il provînt d'un édifice organisé défensivement en grande hâte, dans un cas pressant, soit que la promixité de la solide forteresse d'Enchir-Tambra le réduisît au rôle effacé d'un simple poste d'observation. ENCHIR-EL-BAGHLA Ces ruines ont été décrites par Tissot. . Nouveau photomètre, p. 147. Brouardcl (Dr). — Pasteur et son oeuvre, p. 41. Brown-Séquard (Syndrome de), p. 229, £588. Buisson. — Densité des masses cuites, p. 155, * 217. Bureau de l'Association, p. 82. des lre et 2e sections, p. 131. — 3e et 4e sections, p. 139. de la 5e section, p. 144. — 6e section, p. 151. — 7e section, p. 157. — 8e section, p. 161. — 9e section, p. 169. — 10e section, p. 194. — 11e section, p. 198. — 12e section, p. 211. — — 13e section, p. 234. — 14e section, p. 243. — 15e section, p. 249. — 16e section, p. 255. — 17e section, p. 259. de l'Archéologie, p. 270. Buisson (R. du). — Synopsis des Hymé- noptères, p. 195, * 467. Cachexie paludéenne, p. 228. Caféiers (Plantation des), p. 238. Cannât. — Discussion sur les fouilles à Carthage, p. 275. Calcul des 'probabilités, p. 135. géographique des périodes de l'his- toire de l'Afrique, p. 246, 2 668. Calendrier (Formules duj, p. 137, * 115. Calorvmétrie (Mesures calorimétiiques, p. 146. Calvados (Travaux militaires romains), p. 272. Camp militaire de Sousse, p. 272. ■ Cancer de l'ampoule de Vater, p. 219, * 559. du pancréas, p. 222. Captuge (Travaux de), p. 276. Caractères taœonomiques p. 181, 2 440. Carbure de calcium, p. 149. Carrés magiques aux deux premiers degrés, p. 135. 54* 850 TABLE ANALYTIQUE Carrés maxima (Décomposition d'un nom- bre en ses), p. 136, * 73. Cartaz(A.). — Paralysie faciale d'origine otique, p. 223, * 569. Carte géologique d'Algérie, p. 165. d'Afrique, p. 245. Cartes géographiques, p. 52. marines de la Régence de Tunis, p. 244. Carthage (Congrès de), p. 79. (Comité local du Congrès de), p. 88. (Magon, agronome carthaginois), pp. 240, 246, *668. (Fouilles à), p. 273. — (Musée de), p. 286. Cartographie en France, p. 248, * 687. Catat (Dr). — Paludisme à Madagascar, p. 233, * 610. Populations madécasses, p. 244, *652. Catois. — Traitement des plaies, p. 219. Les eczémas des muqueuses, p. 219. Cayeux (L.). — Silex formés en deux te'mps, p. 167, * 290. Centre vaccinogène de Tunis, p. 267, * 742. Céphalopodes du crétacé des Basses-Alpes, p. 167, * 287. Ceres af ricana, p. 275, * 803. Chabert. — Discussion sur les plantes vasculaires de la Tunisie, p. 179. Chaldéens (Géodésie des), p. 133. Chaleur spécifique, p. 148. (Influence de la), p. 158. Chambrelent (Dr). — Mortalité puerpé- rale, p. 262. Chareneey (Comte de). — Les jours et les mois en basque, p. 248, * 676. Charpentier (A.). — Photométrie, p. 148. Chemins de fer tunisiens, p. 244. Chemtou (Distribution des eaux à), p. 276. Chenel. — Travaux de captage des eaux d'Aïn'R'ézat, p. 276. Chevreux (Ed.) — Dragages à bord du yacht Melita, p. 194. Chimie, p. 151, * 213. végétale, p. 181, *440. agricole, p. 241. Chlorure d'aluminium, pp. 154, 155. Chlorures d'acides, p. 155. Chrétienne (Tombeau de la), p. 271, * 767. Chrysidides (Famille des), p. 195, * 467. Circonférence (Division de la), p. 138. Citernes et barrages romains et arabes, p. 275, * 799. Cités romaines d'Afrique, p. 278. Classification décimale, p. 15. des régions montagneuses, p. 165. raisonnée des mosaïques, p. 278. Clauteau. — Densité des masses cuites, p. 155; * 217. Climat de la région de la Méditerranée, p. 248. Climatologie, p. 157, * 226. Climats (Étude des), p. 247. Clinique (Résistances électriques en), p. 145, * 187. Code de Commerce (Revision du), p. 253, * 715. Coefficients de résistance et de sécurité, p. 14(i, * 146. Coléoptères (Accouplement chez les), p. 195. Colliguon. — Géométrie des masses, p. 132, * 6. Remarques sur la suite des nombres naturels, p. 132, * 17. Colonies (Propagation de la langue fran- çaise aux), p. 258. (Stations estivales aux), p. 268. Colonisation de Madagascar, p. 28. (Développement de la), p. 249. p. 250, * 693. Conibet. — Effets Thomson et Peltier, p. 145, * .181. Comité local de Carthage, p. 88. Commerce (Ports de) de la Régence de Tunis, p. 139, * 134. en Tunisie, p. 245. du Golfe de Gabès, p. 248. (Revision du Code de), p. 253, * 715, des anciens, p. 276. Commissions permanentes, p. 87. Compte rendu financier, p. 128. Conditions physiologiques en photométrie, p. 148. économiques du commerce à Rome sous les rois, p. 276. Conférence , faite à Tunis, p. 283. Conférences, pp. 1, 15, 28, 41, 52, 67, 72, 283. (Commission des), p. 87. Congrès de Carthage, p. 77. de Saint-Étienne, p. 87. Conseil d'administration, p. 82. Construction (Matériaux de), p. 140, * 146. Contrat de khammès en Tunisie, p. 252. Contrée (Représentation d'une), p. 137, * 106. Contributions dans la Régence de Tunis, p. 251 . Conventus civium romanorum, p. 279, *823. Coquilles crétaciques, p. 162, * 243. Cossmann. — Coquilles crétaciques de France, p. 162, * 243. Courant faradique, p . 149, * 205. Courants de ville, p. 148. Courjon. — L'électricité statique régula- teur de l'énergie nerveuse, p. 226, * 583. Coyne. — Diphtérie observée aux sourdes- muettes de Bordeaux, p. 231, * 605. Discussion sur la fièvre typhoïde, p. 265. Craie (Coquilles crétaciques), p. 162, * 243. Craie (Silex de la), p. 167, * 290. TABLE ANALYTIQUE 8ol Cratère ancien (Minéraux d'un), p. 167, 2 293. Crétacé des fiasses-Alpes, p. 167, * 287. Crova. — Étalons en lumière, p. 149. Crucifères, p. 176, * 403. Culte de Mercure, p. 272, * 778. de Saturne, p. 280. Culture des oasis, p. 175. Cyclamen Persicum, p. 181. Cynophagie dans l'Afrique du Nord, p. 207. ■Dahra (Le), p. 16"), * 275. - oranais, p. 245, * 657. (Occupation romaine du), p. 271, * 752. (Notes anthropologiques p. 271, *761. sur le), Date (Fixation d'un jour pour une) quel- conque, p. 276. Dates (Vérification et recherche des), p. 137, * 115. Debray. — Maladie de la fève, p. 174. Décomposition d'un nombre en ses puis- sances maxima, p. 136, * 73. Décret, p. I. Di'jinse de la vallée de la Siliana, p. 281, * 829. Délégués de l'Association, p. 83 ■ des Sections, p. 84. officiels, p. 91 . Délisle (Dr F.). — Madagascar. — La colo- nisation et les Hovas, p. 28. Démographie algérienne, p. 198. Deneux. — Ensablement de l'Afrique du Nord, p. 158. Densité des corps, p. 148. électrique, p. 149, * 205. Dent de sagesse (Névralgie occasionnée par une), p. 228. Dépopulation de la France depuis dix ans, p. 204. Desfaniaines (Plantes indiquées par), p. 176, * 365. (Lettres écrites par), p. 181, *434. Dessèchement du lac de Fetzara, p. 269. Dettes publiques (Amortissement des), p. 249. Delatlre (Les fouilles du Révérend Père) à Cartbage, p. 273. Diphtérie observée aux sourdes-muettes de Bordeaux, p. 231, * 605. (Inhalations antidiphtériques), p. 233. Direction, du vent, p. 157. Discours, pp. 97, 98,' 119, 128, 169, 270. ■lisière (P.). — La navigation entre la France et la Tunisie, p. 98. Dissociation des hydrates salins, p, 151. Distribution des eaux (Travaux de), p. 276. Djebel -bou- Korneïn (Herborisation au), p. ]H2. Djebel- Gouraya (Constitution géologique du), p. 164. l»«»Hî h du I iisiicl. — Commerce en Tunisie, p. 244. Doimiersue (F.). — Les Hauts-Plateaux oranais, p. 176, * 374. - Plantes intéressantes de la province d'Oran, p. 182, * 455. Faune herpétologique de la province d'Oran, p. 196, * 477. La Vella glaïu-escens Coss., p. 234. Itoumet- Ada iison. — Plantes vascu- iaires de la Tunisie, p. 179. Cyclamen Persicum, pp. 181, 182. Dragages à bord du yacht Mélita, p. 194. Drapeyron. — Périodes de l'histoire de l'Afrique ancienne, p. 246, * 668. Drouet. — Discussion de la mortalité puerpérale, p. 262. Dubois (M.). — Méthode d'étude des cli- mats, p. 247. Notions de faune et de flore en géo- graphie, p. 247. La Tunisie, p. 283. llucroquet (L.). — Sculpture sur bois à Tunis, p. 275. Dufour. — Fabrication de l'hydromel, p. 235, * 615. bumont (A.). — Démographie algérienne, pp. 198, 199. Discussion sur l'industrie préhisto- rique, p. 200. ■ Dépopulation de la France depuis dix ans, p. 204. Dureté des matériaux, p. 141. Dutailly (G.). — Asparaginées, p. 175, *327. Eau (Bacille de la fièvre typhoïde dans F), p. 264, * 733. • potable des cités d'Afrique, p. 278. Eaux mères (Bains d') à domicile, p. 232. (Aménagement des), p. 240, * 640. (Bactéries dans les), p. 264, * 730. d'Aïn-R'ézat, p. 276. Economie politique, p. 249, * 693. Écrans de Fresnel, p. 147, * 189. Eczémas des muqueuses, p. 219. Eeckmann. — Présentation d'une carte d'Afrique, p. 245. Effets Thomson et Peltier, p. 145, * 181. sensitifs du courant faradique, p. 149, * 205. Ègouts de Tunis, p. 140. El Alia (Légende sur le domaine d'), p. 272, * 788. (Nécropole phénicienne d'), p. 273. El-Djem (Travaux hydrauliques des Ro- mains), p. 277. Électricité, pp. 145, 147, 148, 149, 219, 226, *583. atmosphérique, p. 268, * 749. Elevage du mouton, p. 238. El-Kantara (région d'), p. 162. lillie (IL). — Photographie stêréoscopique composée, p. 146. 832 TABLE ANALYTIQUE Elsner (Procédé d'), p. 264, * 733. Émigration des Français, p. 249. Endartérite infectieuse, p. 231. Endométrites (traitement des), p. 232. Energie nerveuse, pp. 226, * 583. EtifidavUle (Excursion à), p. 298. Ensablement de l'Afrique du Nord, p. 158. Enseignement, p. 255. agricole, p. 238. de la topographie en France, p. 246. Ensilage, p. 237, * 619. Entre- Deux- Mers (Relief de 1'), p. 166. Éocène inférieur, p. 163. Éphémérides astronomiques, p. 132, * 43. Epidémies, p. 268, * 749. Époque romaine (Régime des populations tunisiennes à F), p. 277. * 807. (Convenues civium romanorum) , p. 279, *823'. Érosion glaciaire, p. 162. Escande. — Densité des masses cuites, p. 15% *217. Esprit public (Influence de l'Enseignement sur F), p. 255. Estomac (Acidité gastrique), p. 213. Etalon secondaire (photométrie), p. 145. de lumière, p. 149. Été (Station d') aux Colonies, p. 268. Éther méthylsalicylique, p. 180. Éthers phénoliques, p. 155. Étincelle élei trique (Son action dans le trai- tement, des plaies), p. 219. Étranglement d'une hernie, p. 215. Etude des climats, p. 247. Europe (Relations avec l'Afrique du Nord dans l'antiquité), p. 203. Evaporomètres, pp. 157, 160. Événements composés, p. 131, *1. Excursion générale à Bizerte, p. 289. en. Kroumirie, p. 294. à Kairouan, etc., p. 298. Excursions et visites, p. 285. Exploration de la Régence de Tunis, p. 181. *434. (Emploi des indigènes à F), p. 247. Explorations botaniques en Tunisie, p. 169. Fabre (A.). — Théories des parallèles , p. 138. Fages (de). — Ports de commerce de la Régence de Tunis, p. 139, * 134. Faguet (C). — Hernie inguinale propé- ritonéale, p. 215. Sutures tendineuses, p. 217. Fallot. — Relief de l'Entre-Deux-Mers, p. 166. — — Constitution du Langhien, p. 166. Fanatiques musulmans, p. 246. Faune malacologique du nord de l'Afrique, p. 165. barbaresque, p. 195, * 467. herpétologique, p. 196, * 477. en géographie économique, p. 247. FaTrot (C). — Association en matière coloniale, p. 250, * 693. Fécondation de l'œuf de Thysanozon Broe- chi, p. 196, * 484. Femmes musulmanes, p. 203. Fer (Action du), p. 152. Féret. — Aménagement des eaux, p. 240, *640. Photométrie de l'acétylène, p. 150. Fi rment soluble d'un glucoside, p. 180. Ferment d'oxydation, p. 153, * 213. Ferrand (X.J. — Poussée des terres, p. 141. Ferray (Éd.). — Ossuaire de Saint-Vigor, p. 205, *50l. Féry. — Les écrans de Fresnel, p. 147. * 189. Fetzara (Dessèchement du lac de), p. 269. Fève (Maladie de la), p. 17 i. Fibromes de l'utérus, p. 211, * 532. Ficheur(E.). — Formations oligocènes de FAurès, p. 162. Constitution géologique du Djebel- Gouraya, p. 164. Carte géologique détaillée de l'Algé- rie, p. 165. Discussion sur le Dahra, p. 166. Fièvre intermittente parfaite à sulfate de quinine, p. 212. typhoïde, p. 264, * 733. Fil conducteur spécial, p. 132. d'acier (Sondeur Éinile Belloc a p. 141, * 149. secondaire des bobines, p. 149, *205. Finances (Commission des), p. 87 . de l'Association, p. 128. Fleury. — Dicussion sur la question pro- posée à la 17e Section, p. 261. sur la mortalité puerpérale, p. 262. — sur la variole, p. 267. Flore du département de l'Aube, p. 176, *360. algologique de l'Algérie, p. 177.* 406. en géographie économique, p. 247. Foley (P.). — Magon, agronome cartha- ginois, p. 240. Folie lypémaniaque, p. 230. * 600. Forest (J.). — Production des plumes d'autruche de Barbarie, p. 240. Formations oligocènes, p. 162. Formules du calendrier, p 137, * 115. relatives aux effets Thomson et Peltier, p. 145, * 181. Fouilles faites à Sousse, p. 272. à Carthage, p. 273. Fouriiier de Flaix. — Impôts en Tu- nisie, p. 253, * 709. Foveau de Cournielles. — Rhéostats, p. 148. Électricité atmosphérique et épidé- mies, p. 268, * 749, , Français (Émigration des;, p. 249. TABLE ANALYTIQUE 853 France (Navigatkm entre la) et la Tunisie, pp. 98, 247. (Dépopulation de la), p. 204. Lacs du sud-ouest de la), p. 243, * 642. (Enseignement de la topographie en), p. 246. (Retard de la cartographie), p. 248, £687. Franchet. — Observations sur les Tricho- laena, p. 173. Fresnel (Écrans de), p. 147, * 189. Frondcrr anglo-russe en Asie centrale, p. 41 Fruils (Phénomènes du la maturation des), p. 178, £412. charnus acides, p. 181, £445. Fit mariées, p. 176, * 403. Gabès, (Pintadine du golfe de), pp. 194, 196, * 458. (Golfe de), p. 248. Gadeau de Kerville (H). — Accou- plement chez les Coléoptères, p. 195. Galante (É.). — Les finances de l'Asso- ciation, p. 1^8. dardes (L.). — Vérification et recherche des dates, p. 137, * 115. dlauchery. — Un Melcanthus hybridus, p. 180, £421. Gauckler. — Allocutions, pp. 270, 282. Discussion sur l'architecture des mosquées, p. 275. Mosquées de Tunis, p. 275. Discussion sur le régime des popu- lations de la Tunisie à l'époque romaine, p. 278. Eau potable des cités romaines d'Afrique, p. 278. Classification des mosaïques afri- caines, p. 278. Discussion sur les mosaïques romaines de Sousse, p. 279. Gayon. — Discussion sur la vinification. p. 236. (■iélineau. — Observations de phobies essentielles, p. 224. Génie civil et militaire, p. 139, £ 134. fjienlil L.). — Cratère ancien des environs d'Aïn-Temouchent, p. 167, £ 293. Géodésie, p. 131, £ 1. des Cbaldéens, p. 133. Géographie (Art de lire les cartes), p. 52. p, 243. £ 642. économique, p. 247. (noms géographiques), p. 258. Géologie et Minéralogie, p. 161, £ 243. Géométrie des masses, p. 132, £ 6. du triangle, p. 137, £ 58. Géométrogrufie, p. 136, £ 58. diérard (Dr E.) — Acide urique, p. * 214. 154, Gerber (Dr C.). — Acides organiques dans les plantes, p. 156, £ 222. Suc cellulaire des mésembryanthé- mées, p. 174, £ 316. Maturation des fruits, p. 178, £ 412. Quotient respiratoire des fruits char- nus acides, p. 181, £445. Herborisation à Ilammain-el-Lif p. 182. Visite au jardin du général Moham- med Baccouch, p. 184. Visite au Jardin- d'Essai de Tunis, p. 187. (.hattas (A.). — Le contrat de Kham- mès en Tunisie, p. 252. Gillot (Dr). — Anatomie végétale, p. 177. Ginestous. — Baromètre enregistreur, p. 159. Évaporomètre enregistreur, p. 160. Gisements aurifères de Sibérie, p. 164, £ 270. préhistoriques, pp. 208, 270, £ 508. Glaciers, p. 162. Glucoside de l'éther méthylsalicylique, p. lr>0. Glycosurie dans le cancer du pancréas, p. 222. Goguyex (A.). — Pénétration commerciale, p. 248. Ports de Bizerte et de Bougherara- Gigthis, p. 253, £ 721. Golfe de Gabès, pp. 194,196, £458. Gomme syphilitique double de la moelle, p. 229, £ 588. Gornard. — La mer chez soi, p. 232. Granat. — Commerce des anciens, p. 276. Voies de communication dans la Tunisie, p. 282, £ 840. Granulophore intra-utérin, p. 232. Gravé (D.). — Représentation d'une con- trée donnée, p. 137, £ 106. Graziaui. — Fouilles faites à Sousse, p. 272, G lignons d'olives (Traitement des), pp. 141, 238, £ 627. Griolet (Aîné). — Conséquences de l'hip pophagie, p. 265, £ 735. Grotte des Spélugues, p. 168, £ 305. Groult. — Les femmes musulmanes, p. 208. Groupe 1er, p. 131, £ 1. 2°, p. 144, * 181. 3% p. 161, £ 243. 4e, p. 234, £ 615. Gsell. — Tombeau de la Chrétienne, p. 371, * 767. Guébhard (ï)r A.). — Carte géologique, p. 162. Guillaume. — Unité d'éclat, p. 150. Guvot (Cap.).— Enseignement de la topo- graphie en France, p. 246. Uammam-el-Lif (Herborisation à), p. 1*2. Ilannezo (Cap.). — Mosaïques romaines trouvées à Sousse, p. 279, £ 816. 854 Hannezo (Cap.).— Ville deLeptis minor, p. 281. Hanot(V.). — Cancer de l'ampoule de Vater, pp. 219, 222, * 559. Gomme syphilitique double de la moelle, p. 229, * 588. Ilariot. — Flore du département de l'Aube, p. 176, * 360. Haimaud. — Projet de règlement dans la Régence de Tunis, p. 251. IIaug(E.). — Classification des régions montagneuses, p. 164. Hauts- Plateaux oranais, p. 176, * 374. Hélices du département d'Oran, p. 196, * 478. Herbier Lamy de la Chapelle, p. 174, *320. Herborisation à Hammam-el-Lif, p. 182. Hernie inguinale, p. 215. Heure décimale, p. 138. Hexachlorophénol a, p. 154. Ililaire (Lieut.). — Défense de la vallée de la Siliana à l'époque byzantine, p. 281 , * 829. Hippophagie (Conséquences de 1'), p. 265, * 735. Histoire de l'Afrique ancienne , p. 246, *668. des carrières de marbre de Simitthu, p. 272, * 792. llomiorat- Bastide. — Céphalopodes du crétacé des Basses-Alpes, p. 167, *287. Hôpitaux (Mortalité puerpérale en dehors des), p. 262. Hova (Les), p. 28. Hydrates salins, p. 151. Hydrogène (Son action), p. 151. Hydromel (Fabrication de 1'), p. 235, * 615. Hygiène, p. 259, * 730. Hyménoptères (Synopsis des), p. 19r>, * 467. Hypnose (Folie lypémaniaque guérie par 1'), p. 230, * 600. Impôts en Tunisie, p. 253, * 709. Incendies des montagnes d'Annam, p. 248. Indigènes algériens et tunisiens, p. 247. Industrie préhistorique, p. 199. découlant de la sculpture sur bois, p. 275. Inhalateur antidiphtérique, p. 233. Inscription funéraire, p. 202. Insectes nuisibles de Tunisie, p. 197, * 490. Installation rurale dans l'Afrique romaine, p. 280. Intérêt (Taux de F), p. 249. Irrigation en Tunisie, p. 159. Jacques. — Appareil enregistreur, p. 159. •fallu (Ed.). — Fil conducteur spécial, p. 132. Jambe (Tumeur de la), p. 215, * 542. «fannettaz. — Dureté des matériaux, p. 141. TABLE ANALYTIQUE .):i n ni n — Egouts de Tunis, p. 140. Jardin du général Mohammed- Baccouch, p. 184. d'essai de Tunis, p. 187. •Ion in. — Fibromes de l'utérus, p. 211, *532. Jour (Fixation d'un) pour une date quel- conque, p. 276. «Jumelle (H.). — Le Sakharé , p. 181, * 428. Kairouan (Excursion à), p. 298. Kélotomie, p. 215. Khammès (Le contrat de), p. 252. Hilian. — Monographies paléontolo- giques, p. 165, * 300. Kroumirie (Excursion de la), p. 294. Kystes (Reins polykystiques), p. 224, * 573. dentaires suppures, p. 227. La Baume-Pluvinel (de). — Photo- graphie quantitative, p. 144. Laboratoire de chimie agricole de Tunis, p. 241. de vinification, p. 241. Lacs de Syrie, p. 177, * 406. du sud-ouest de la Fiance, p. 2'i3, *642. Lait (Mouillage du), p. 151. Lampe à naphtaline, p. 145. Lamu de La Chapelle (Herbier), p. 174, *320. Laiielongue. — Néphrectomie, p. 224, * 573. Langhien inférieur, p. 166. Langue française (Sa propagation), p. 258. Lantier. — Inhalateur antidiphtérique, p. 233. Conservations de membres blessés, p. 233. Lapparent (A. de). — L'art de lire les cartes géographiques, p. 52. Laurin. — Peuplement français en Tu- nisie, p. 245. Laussedat (Col.). — Projet d'observa- toire à Tunis, p. 132. Lacements forcés, p. 215. Lebon (A.). — La législation ouvrière, p. 67. Légende arabe, p. 272, * 788. Léger (L.). —La Bohème et les Tchèques, p. 72. Législation ouvrière, p. 67. Le Grix (Dr). — Mal de mer, p. 218. ■ Le granulophore intra-utérin, p. .32. Lemoine (E.). — Calcul des probabilités, p. 135. ■ — Géométrie du triangle, p. 136, * 58. Décomposition d'un nombre entier en ses puissances maxima, p. 136. 2 73* Léotard. — Le Niger français, p. 247. Leseœur (H.). — Le mouillage du lait, p. 151. Dissociation des hydrates salins, p. 151. TABLE ANALYTIQUE 8o5 Letaille (J.). — Discussion sur les voies de communication dans la Tunisie, p. 282. Letort. — Amortissement des dettes publiques, p. 249. L. 135, 2 45. plaisances maximu (Décomposition d'un nombre en ses), p. 136, 2 "3- Pyohémie, p. 227. Question proposée à la discussion de la 5e Section, p. 144. de la 13e Section, p. 235. de la 17e, Section, p. 259. Quinine, p. 212. en Algérie, p. 229. «tiioiiiani. —Ruines d'Alt hiburus, p. 281. Quotient respiratoire des fruits charnus acides, p. 181, 2 445. Uaces noires, p. 209, 2 511. Radiation invisible de l'électricité, p. 14'. liage à Tunis, p. 268. 838 TABLE ANALYTIQUE Râteau (A.)-— Planimètre Amsler, p. 138, *130. Rangé. — Notations acoumétriques, p. 216, * 553. Raulin (V.). — Observations pluviomé- triques, p. 158, * 239. Ravard (Cap,)- — Tombeau du camp de Teboursouk, p. 273, * 796. Réactif de l'albumine, p. 153. Réaction colorée de l'anhydride sulfurique, p. 153. Rebillet (Command.). — Le Sahara algé- rien et tunisien, p. 243. Reboisement des plateaux calcaires, p. 248, *691. Reboisements en Algérie, p. 159. Recherches zoologiques à bord du yacht Melita, p. 194. Régence de Tunis, p. 139, * 134. (Exploration de la), p. 181, * 434. (Cartes marines de la), p. 244. (Règlement dans la), p. 251. Régime des populations en Tunisie à l'époque romaine, p. 277, * 807. Règlement, p. VII. dans la Régence de Tunis, p. 251 . Reins polykystiques, p. 224, * 573. Relief de l'Entre-Deux-Mers, p. 166. Renard. — Simplification de l'orthogra- phe, p. 258. Rendement lumineux de l'arc électrique, p. 149. Représentation d'une contrée donnée, p. 137, * 106. Reptiles de Tunisie, p. 191, * 471. Résistance (Coefficients de), p. 140, * 146. Résistances électriques, p. 145, * 187. Ressources budgétaires de Tunisie, p. 253, * 709. Rey-Pailhade (J. de). — Ephémérides astronomiques dans le système décimal, p. 132, * 43. Ferments d'oxydation, p. 153, * 213. Rhéostats, p. 148. Rhynchelytrum, p. 173. Richet (Ch.). — La méthode en biblio- graphie et la classification décimale, p. 15. Rivière (Dr). — Discussion sur la démo- graphie, p. 198. L'industrie préhistorique en Tuni- sie, pp. 199, 200. Discussion sur l'ossuaire de Saint- Vigor, p. 206. — sur la cynophagie, p, 208. Rivière (Ém.). — La grotte des Spélu- gues, p. 168, * 305. Le menhir de Boussy-Saint-An- toine, p. 210, * 524. Travaux militaires romains du Cal- vados, p. 272. Rogée. — Un cas d'endartérite infectieuse, p. 231. Romains (Travaux hydrauliques dos), p. 277. Rome (Commerce à) sous les rois, p. 276. Roze (E.) — Deux plantes tunisiennes du xive siècle, p. 175, * 324. Ruines d'Althiburus. p. 281. Sabaehuikoflf (Th.). — Gisements pré- historiques, p. 208, * 508. Gisements préhistoriques de Trans- baïkalie, p. 270. Sabatier (P.). — Action de l'oxyde cui- vreux, p. 155. Sac propéritoncal, p. 215. Sahara algérien, p. 243. Sahel tunisien (Huileries du), p. 238,*627. Saint-Antoine (Chutes), p. 247.. Saint- Etienne (Organisation du Congrès de) p. 87. SaintrVigor (Ossuaire de), p. 205, *501. Sakharé (Le), p. 181, * 428. Saladin (T.). — Citernes et barrages, p. 275. * 799. Architecture comparée des basiliques et des mosquées, p. 275. Sa I let . — Problèmes de mécanique , p. 138. Sarrautou (de). — L'heure décimale, p. 138. Saturne (Culte de ), p. 280. Saugrain (G.). — Baisse du taux de l'intérêt, p. 249. Sekulten (Dr). — Conventus civium romanorum, p. 279, * 823. Sciences mathématiques, p. 131, *1, physiques et chimiques, p. 144, * 181- naturelles, p. 161, * 243. médicales , p. 211, * 532. économiques, p. 234, *615. Scrotum (Sac scrotalj, p. 215. Sculpture sur bois à Tunis, p. 275. Séance d'ouverture, p. 97. Séances des Sections, p. 131. Secours dans la Régence de Tunis, p. 251. Secrétaires des sections, p. 84. Sectes fanatiques musulmanes, p. 2'i6. Sections, 1™ et 2e, p. 131, * 1. 3e et 4e, p. 139, * 134. Section 5e, p. 144, * 181. 6e, p. 151, * 213. 7e, p. 157, * 226. 8e, p. 161, * 243. 9e, p. 169, * 316. 10e, p. 194, * 458. He? p. 198, * 494. 12e, p. 211, * 532. 13e, p. 234, * 615. 14e, p. 243, * 642. 15o, p. 249, * 693. 16e, p. 255. 17e, p. 259, * 730. Sous-Section d'Archéologie, p. 270, *752. TABLE ANALYTIQUE 859 Sections (Présidents, Secrétaires et Délé- gués), p. 84. (Séances des), p. 131. Sécurité (Coefficients de), p. 140, 1 146. Séismes, p. 158, * 238. SelsdeThalassa, p, 232. *cuderens (L'abbé J.-B.). — Action de l'hydrogène, p. 151. Action du fer, p. 152. Sensibilité farador-culanée, p. 149, *205. Série pour déterminer le coté d'un poly- gone régulier de n côtés, p. 133. récurrente, p. 136, * 78. Serpent* de Tunisie, p. 169, * 471. Services maritimes postaux, pp. 143, 247. Sei-Tonnet (Lieut.) — Cartes marines de la Régence, p. 244.. Discussion sur la création d'une Sec- tion de la Société de Géographie com- merciale à Tunis, p. 244. Projet de règlement en Tunisie, p. 251. Sibérie orientale (Gisements aurifères), p. 164, * 270. XVIe Siècle (Plantes tunisiennes du), p. 175, *324. Siège de Paris (Méthode antiseptique du), p. 233. Sigalas. —Mesures calorimétriques, p. 146 Silex formés en deux temps, p. 167, * 290. (Industrie préhistorique du), p. 199. Simitthu (Carrières de marbre de), p. 272, * 792. — — (Distribution des eaux à), p. 276. Simmons. — Probabilités des événe- ments composés, p. 131,'* 1. Sinus maxillaire (Kystes dentaires du), p. 227. Solutions acides et neutres du nitrate d'argent, p. 152. Sondeur É. Beiloc, p. 141, * 149. Sourdes-muettes (Diphtérie chez les), p. 231, * 605. Sousse (Camp militaire de), p. 272. ■ (Mosaïques romaines de), p. 279, * 816. (Excursion à), p. 298. Spasme de la paupière, p. 227. Spélugues (Grotte des), p. 168, * 305. Station entomologique de Paris, p *490. Stations préhistoriques du département d'Oran, p. 203, * 478. estivales aux colonies, p. 269. Statistique, p. 249, * 693. Statuts, \>. m. Suc cellulaire des mésembrvanthémées, p. 174, * 316. Suite des nombres naturels, p. 132, * 17. Sulfate de quinine, p. 212. Sulfure de carbone (Traitement des grignons d'olives par le), pp. 141, 238, * 627. 197, Sutures tendineuses, p. 217. Syndrome de Brown-Séquard, p. 229, * 588. Synopsis des hyménoptères, p. 195, * 467. Syphilis (Gomme syphilitique double), p. 229, * 588. Syrie (Lacs de), p. 177, * 406. Systématique (La), p. 177. Système décimal (Éphémérides astrono- miques dans le), p. 132, * 43. convergent des écrans de Frcsnel, p. 147, * 189. Systèmes isogonaux du triangle, p. 137, *89. Table des matières, p. 309, * 862. Tables astronomiques et géographiques, p. 132, * 43. Tarry. — Carré magique aux deux pre- miers degrés, p. 135. Tatouages tunisiens, p. 200. Taux de L'intérêt, p. 249. Tchèques (Bohèmes et), p. 72. Téboursouk (Tombeau découvert à), p. 273, 2 796. Teisserciif de Bort (L.). — L'Associa- tion française en 1895-1896, p. 119. Tendons (Sutures tendineuses), p. 217. Terrains secondaires, p. 167. Terre (Voyage de la) à la Lune, p. 138. Thalassa (Sels de), p. 232. Thévenet. — Climatologie de l'Algérie, p. 157, * 226. Appareil enregistrant la direction du vent, p. 157. Évâporomètres enregistreurs, p. 157. Influence du vent, p. 158. Perturbations séismiques, p. 158, * 238. Thomson (Effets) et Peltier, p. 145, * 181. Tirard (P.) (Note de) sur les travaux militaires romains, p. 272. Tombeau de la Chrétienne, p. 271, * 767. néo-punique, p. 273, * 796. Topographie (Enseignement delà), p. -'«G- en France, p. 248, * 687. Tourtelot. — Névralgie avec spasme de la paupière, p. 227. Conséquences d'une pyohémie, p. -27. Névralgie occasionnée par une tient de sagesse, p. 228. Toutain (J.). — Carrières de marbre de Simitthu, p. 272, * 792. Culte de Saturne, p. 280. Toutée (Cap.). — Discussion sur la vini- fication, pp. 235, 237. Trabaud. — Enseignement et espril public, p. 255. Une éducation parfaite, p. 257. Trabut. — Discussion sur les plantes vasculaires de Tunisie, p. 180. — sur la vinification, p. 237. Enseignement agricole, p. 238. 860 TABLE ANALYTIQUE Traditions antiques en Tunisie, p. 275, * 799. Traitement des grignons d'olives, pp. 141, 238, * 627. Transbaikalie (Gisements préhistoriques de), pp. 208, 270, * 508. Transformation continue, p. 136, * 58. Travaux imprimés présentés à la 10e Sec- tion, p. 197. 13e Section, p. 242. 14e Section, p. 248. -: militaires romains, p. 272. de captage, p. 276. hydrauliques, p. 277. Treille. — Fièvre intermittente parfaite à sulfate de quinine, p. 212. ■ Megalosplénose, p. 228. La quinine en Algérie, p. 229. Tremblement (Picrotoxine et), p. 230. Triangle (Géométrie du), p. 136, * 58. (Systèmes isogonaux du), p. 137, *89. Tribunaux français (Compétence des) en Tunisie, p. 253, * 715. Triiholœna, p. 173. Tunis (Projet d'observatoire à), p. 132. Tunis (Régence de), p. 139, * 134. (Égouts de), p. 140. (Jardin du général Mohammed Bac- couch), p. 184. (Jardin d'essai de), p. 187. (Laboratoire de chimie agricole de), p. 241. (Laboratoire de vinification), p. 241. (Règlement dans la Régence de), p. 251. - (Centre vaccinogène de), p. 267, * 742. (Vaccinations antirabiques à), p. 268. (Mosquées de), p. 275. (Sculpture sur bois à), p. 275. (Conférence faite à), p. 283. Tunisie (Navigation entre la France et la), p. 98. (Ports de Bou-Grara), p. 142, *154. (Services maritimes), p. 143. (Irrigations en), p. 159. (Explorations botaniques en), p. 169. (Plantes de), p. 175, * 324. (Plantes de) indiquées par Desibn- taines, p. 176, * 365. (Fleur algologique de la), p. 177, *406. (Plantes vasculaires de), p. 179. (Exploration de la), p. 181, * 434. (Campagne du yacht Meiita sur les côtes de), p. 194. (Reptiles de), p. 196, *471. (Pintadine du golfe de Gabès), pp. 194, 196,* 484. (Insectes nuisibles de), p. 197,* 490. (Industrie préhistorique en), p. 199. Tunisie (Tatouages), p. 200. (Femmes musulmanes de), p. 208. (Alimentation du bétail), p. 237, *6I9. (Aménagement des eaux en), p. 240, *640. (Le Sahara), p. 243. (Cartes marines de la), p. 244. (Commerce en), p. 245. (Peuplement français en), p. 245. (Indigènes de la), p. 247. (Émigration en), p. 249. (Deux ambassades de), en France, p. 2^2,* 697. (Contrat de Khammès en), p. 252. (Impôts en), p. 253, * 709. (Tribunaux français en), p. 253, * 715. (Variole en ), p. 267, * 742. (Carrières de marbre de Simitthu), p. 272, * 792. (Fouilles à Sousse), p. 272. (Légende arabe), p. 272, * 788. (Nécropole phénicienne d'El Alia), p. 273. (Découverte d'un tombeau à Tebour- souk), p. 273, *796. (Fouilles à Carlhage), p. 273. (Mosquées de), p. 275. (Traditions antiques en), p. 275,*799. (Travaux de distribution des eaux), p. 276. centrale (Régime des populations à l'époque romaine), p. 277, * 807. (Travaux hydrauliques des Romains en), p. 277. Mosaïques romaines de Sousse), p. 276. (Lemta), p. 281. (Voies de communication dans la), p. 282, * 840. (Conférence sur la), p. 283. Turquan. — Émigration des Français, p. 249. Tylenchus devaslatrix , p. 174. Unité d'éclat, p. 150. Unités magnétiques, p. 148, * 193. Urine (Bile dans 1'), p. 153. (Acidité urinaire), p. 213. Usomètre (Dureté des matériaux), p. 141. Utérus (Fibromes de 1'), p. 211, * 532. (Granulophore intra-utérin), p. 232. Utilisation médicale des courants de ville, p. 148. Vaccinations à Tunis, pp. 267, 268, * 742. Vallée de la Stliana, p. 281, * 829. Van der Strient (O.). — Œuf de Thy- sanozoon Brocchi, p. 196, * 484. Vapeur d'eau (Influence de la), p. 158. Variole en Tunisie, p. 267, * 742. Yassel. — Ports de Bou-Grara, p. 142. * 154. TABLE ANALYTIQUE *ti| Vassel. — Pintadine du golfe de Gabès, pp. 194, 1%, * 458. Discussion sur les insectes nuisibles de Tunisie, p. 191. Voter (Ampoule de), p. 219, * 359. VeUa glabrescens Coss, p. 234. Vol lard. — Défense de la vallée de la Si- liana à l'époque byzantine, p. 281, * 829. Vent (Direction du), p. 157. (Influence du), p. 158. (Appareil enregistreur du), p. 157. Verne (Jules) (Voyage de la Terre à la Lune de), p. 138. Villes (Plantations dans les), p. 142, * 164. Vincent (G.). — Compétence des tribu- naux français en Tunisie, 'p. 253, * 715. Vin de palmier, p. 240. Vinification dans les pays chauds, p. 235. (Laboratoire de), p. 241. Violle (J.). — L'arc électrique, p 144. Visite de la Section de botanique au jardin du général Mohammed Baccouch, p. 184. Visite au jardin d'essai de Tunis, p. 187. au laboratoire de chimie agricole de Tunis, p. 241. de vinification, p. 241. au Bardo, p. 285. —au musée de Cartharge, p. 286. Vitrac (Junior). — Tumeur à myéloplaxes, p. 215, il: 542. Néphrectomie, p. ±1\, 2 573. Vœu émis par lesliv et 2e Sections, pp. xo, 138. par la 13' Section, p. 241. — — — par la 16e Section, p. 238. Voisin (A.). — Folie lypémaniaque, p. 230, * 600. Volvulus et lavements forcés, p. 215. Yacht Melita Campagne du), p. 194. Zaghouaii (Excursion à), p. 298. Zenger. — Expériences de 1885 sur la photographie, p. 147. Zoologie, p. 194, * ;i5-<. TABLE DES MATIÈRES SECONDE PARTIE NOTES ET MÉMOIRES [J 2 a] Simmons (le Rd T.-C). — Sur la probabilité des événements composés ... f [R 2 b] Collignon (Éd.). — Applications diverses de la géométrie des masses ... 6 [I 9 b] — — Remarques sur la suite des nombres entiers 17 [v; Rey-Pailhade (J. de). — Projet de tables astronomiques et géographiques dans le système décimal 43 [A 1 b] Arnoux (G.). — Essais de psychologie et de métaphysique positives .... 45 [K 21 a S] Lemoine fÉ.). — Questions relatives à la géométrie du triangle, à la géométrografie et à la transformation continue. . . 58 [I 18 c] — — Sur la décomposition d'un nombre en ses carrés maxima. 73 [I 17 b, H 12 e] Maillet (Ed.). — Sur la formation des nombres entiers par som- mation des termes d'une série récurrente 78 [K 2 d] Barbarin (P.). — Systèmes isogonaux du triangle 89 [U io b] Gravé (Dr D.-A.). — De la meilleure représentation d'une contrée donnée 106 [U] Gardés (L.-F.-J.). —Du calendrier au point de vue de la recherche ou de la véri- fication des dates liS [X 6] Râteau (A.). — Sur le planimètre Amsler 130 [627.2 (611)] Pages (de). — Les Grands ports de commerce de la régence de Tunis. 134 [620 l] Nivet. — Contribution à l'étude des coefficients de résistance et des coeffi- cients de sécurité des matériaux de construction 146 [551.46] Belloc (É.). — Sondeur É. Belloc. Appareil de sondage à fil d'acier. . . 149 [927.2 (611)] Vassel (E.). — Les ports de Bou-Grara 154 [715] Poisson (J.). — Etude sur les plantations urbaines et celles de Paris en parti- culier 1b-1 [537.322] Combet. — Extension des formules de thermodynamique relatives aux effets Thomson et Peltier 181 [537.733] Bergonié (J.). — Mesure des résistances électriques en clinique .... 187 [535.1] Féry. — Les écrans de Fresnel considérés comme système convergent. . . 189 [538.10] Blondel (A.). — Sur la question des unités magnétiques 193 [537.87] Bordier (Dr H.)- — Variation de la sensibilité farado-cutanée avec la densité électrique. Influence de la résistance du fil secondaire des bobines d'in- duction sur les effets sensitifs du courant farad ique 205 [615 35] Rey-Pailhade (J. de). — Sur l'existence simultanée de deux ferments d'oxydation dans certains végétaux ^13 TABLE DES MATIÈRES 863 [547.7] Gérard (E.). — Fermentation de l'acide urique par les microorganismes . 214 [664.il Buisson, Escande et Clauteau. — Détermination de la densité des masses * . 217 cuites .... -"■' [543.8] Berg (A.) et Gerber (G.). — Méthode de recherche de quelques acides orga- niques dans les plantes 222 [551 56 (65 j] Thévenet. — Climatologie de l'Algérie 226 [534.81] — — Appareil destiné à inscrire d'une façon précise les os- cillations horizontales du sol dans une perturbation séismique 238 [551.57(65)] Raulin (V.). — Observations pluviométriques sur la côte septen- trionale de l'Afrique ^39 [564.3] Cossmvnn. — Observations sur quelques coquilles crétaciques recueillies en France ^° [553.41 (57)] Levât (Ed. -David). — Constitution géologique des gisements aurifères de la Sibérie orientale 270 [550 <65j] Pallary (P.). — Notes géologiques sur le Dahra oranais 275 [5645 (4495)] Honnorat-Bastide (Ed. -F.). — Sur une forme nouvelle ou peu connue de céphalopodes du crétacé inférieur des Basses-Alpes. (Ammonites José- phine nov. sp>). 287 [551.8] Cayeux (L.). — De l'existence de silex formés en deux temps. Conséquences au point de vue de la période de formation des silex de la craie 290 Gentil (L.). — Sur les minéraux d'un cratère ancien des environs d'Aïn-Temouchent (Algé 293 [550.4] Kilian (W.). — Sur l'utilité de monographies paléontologiques pour l'étude des dépots mésozoiques du sud-est de la France • • 300 [551 (44)] Rivière (É.). — La grotte des Spélugues 305 [581.14] Berg (A.) et Gerber (C). — Sur les acides contenus dans le suc cellu- laire des mésembrvanthémées 316 Malinvaud (E.). Les potamogeton de l'herbier Lamy de la Chapelle 320 [581.9 (611)] Roze (E.). — Sur deux plantes tunisiennes du xvie siècle 324 Dutailly (G.). — Recherches sur le développement des asparaginées 327 [581.9(44 33)] Hariot (P.). — Sur la flore du département de l'Aube 360 [581.9 (611;] Bonnet (Dr Ed.). — Remarques sur quelques plantes indiquées en Tunisie par Desfontaines et qui n'y ont pas été récemment retrouvées 365 [581 9 (65;] Doumergue (F.). — Les hauts plateaux oranais de l'ouest au point de vue botanique 374 [58 3 123] Lignier (O.). — La fleur des crucifères comparée à celle des fumariées. 403 [589.3 (61;] Belloc (É.). — Aperçu de la flore algoiogique d'Algérie, de Tunisie, du Maroc et de quelques lacs de Syrie 406 [581.12] Gerber (Dr C). — Sur quelques phénomènes de la maturation des fruits charnus acides *" [580] Gauchery. — Sur un melianthus hybride • • 421 [580] Jumelle (H.). — Le Sakharé • 428 [5809 (61-1)] Bonnet (Dr Ed.).— Lettres écrites par Desfontaines pendant son explo- rât ion de la régence de Tunis (1783-1784) • • • 434 [580.1] Battandier. — Contribution à l'étude des caractères taxonomiques tirés de la chimie végétale . .• 440 [581.121 Gerber (Dr). — Variations du quotient respiratoire dans les fruits charnus acides avec les diverses parties du péricarpe 445 [581 9 (65;j Doumergue (F.). — Notes sur quelques plantes intéressantes de la province d'Oran 45<> Vassel (E.). — Sur la pintadine du golfe de Gabès 458 Buysson (R. du). — Synopsis des hyménoptères de la famille des chrysidides appar- tenant à la faune barbaresque 467 Olivier (E.). — Les serpents de la Tunisie 471 [59812 (65)] Doumergue. — Contributions à la faune erpétologique de la pro- 477 vince d'Oran SÙi TABLE DES MATIÈRES [594.3 (65)] Pallary (P.). — Description de quelques nouvelles espèces d'hélices du département d'Oran 478 [591.166; Van der Stricht (0.). — La maturation et la fécondation de l'œuf dû « Thysanozoon Brocchi » 484 [632 (611-65)] Marchal (Dr P.). — Sur les insectes nuisibles de Tunisie et d'Algérie. 490 [571 (65)] Pallary (P.). — Troisième catalogue des stations préhistoriques du dé- partement d'Oran 494 571 92(44 24)] Ferray (Éd.). — Os'suaire de Saint-Vigor 501 [571 (57)] Sabachnikoff (Th.) et David-Levat (Éd.). — Gisements préhistoriques de Transbaïkalie 508 [572 2 (61)] Bloch (Ad.). — Sur des races noires indigènes qui existaient ancien- nement dans l'Afrique septentrionale 511 [571 94 (44-36)] Bivière (É.). — Le menhir de Boussy Saint-Antoine et nouvelles recherches à Brunoy 5-4 [618.14.636.8 -f 615.364] Jouin (Dr F.). — Du traitement des fibromes de l'utérus par la médication thyroïdienne 532 616 51 + 615 364] MossÉ. — Effets de la médication thyroïdienne dans deux cas de psoriasis 540 [616 994 + 617 5846] Auché et Junior Vitrac. — Tumeur à myéloplaxes non sarcomateuse (myélome) de la jambe 542 [612 858 71] Baugé (P.). — Sur les notations acoumétriques 553 [6175532951.646] Hanot (V.). — Cancer de l'ampoule de Vater 559 [616 842] Cartaz (A.). — De la paralysie faciale d'origine otique. 569 [617 558 187] Lanelongue et Junior Vitrac. — Deux cas de néphrectomie pour rein polykystiqui'. — Guérison 573 [615 848 4- 616 8] Courjon. — Considérations pratiques sur l'emploi de l'élec- tricité statique comme régulateur de l'énergie nerveuse 583 [616 86 -i- 616 360 13] Lévi (L.). — Tremblement hépatique 585 [613 83 -+- 616 951] Hanot (V.) et Meunier (H.). — Gomme syphilitique double de la moelle épinière ayant déterminé un syndrome de Brown-Séquard bilatéral. 588 [616 84 6184-1-612 82171] Voisin (A.). — Folie lypémaniaque guérie par l'hyp- nose et accouchement normal durant l'hypnose 600 [616 931 -h 614 512] Coyne (P.). — Sur quelques faits de diphtérie observés aux sourdes-muettes de Bordeaux 605 [616 936] Catat (P.). — Notes sur l'infection paludéenne 610 [663 l] Dufour (L.). — Sur la fabrication de l'hydromel 615 [633 (611)] Minangoin (N.). — Alimentation du bétail tunisien. — Pratique de l'ensilage 619 [633] Mocqueris (P.). — Méthode de traitement des grignons d'olives au moyen de sulfure de carbone à l'usine des huileries du Sahel Tunisien 627 [631 (611)] Féret. — Sur l'aménagement des eaux en Tunisie 640 [551 48 (441)] Belloc (É.). — Les lacs de Lourdes et de la région sous-pyrénéenne. 642 [5729 (69j] Catat (Dr). — Origine des peuples malgaches 652 [916 65,0 Pallary (P.). — Notes géographiques sur le Dahra oranais 657 [902 (611)] Drapeyron^(L-). — Calcul géographique et chronologique des périodes de l'histoire de l'A frique ancienne dont Carthage fut la capitale (S72 av. et 698 ap. J.-C). 668 [491 69] Charencey (le Comte de). — Des noms de jours et de mois en basque. . . 676 [912] Martel (E.-A.). — .Retard dé la- cartographie et de la topographie. officielles en France 687 [634 9] — — Le reboisement des plateaux calcaires . 691 [338 l] Favrot (G.)- — De l'association en matière coloniale. — Associations fami- liales métairie 693 [933 03 (61lj] Bonnet (Dr Ed.). —Deux ambassades tunisiennes à la cour de France (1728-1777), d'après les comptes rendus manuscrits des secrétaires interprètes du roi. 697 [336 l (611)] Fournier de Flaix (E.). — Les ressources budgétaires delà Tunisie en 1896 709 TABLE DES MATIÈRES 865 [347 7 (6ilj] Vincent (G.)- — Revision du livre II du Code de Commerce .... 715 [9611] Bertholon (Dr) et Goguyer. — Les deux grands ports tunisiens de Bizerte cl liougherara-Gigthis t. . . . . 721 [613.34] Besson (Dr A.). — Recherche des bactéries pathogènes dans les eaux. . . 730 [614.511] — — Fièvre typhoïde d'origine hydrique. — Découverte du bacille dans l'eau par le procédé d'Elsner 733 [613 28] Griolet Aîné. — De quelques conséquences de l'hippophagie 735 [614 521(611)] Loir (Dr). — Le centre vaccinogène de Tunis 742 [6135] Foveau de Courmelles (Dr). — Contribution à l'étude de l'électricité atmo- sphérique et de ses relations épidémiologiques 749 [937 (397)] Pallary (P.). — Sur l'occupation romaine dans le Dahra oranais. . . 752 [571 (657)] — — Notes palethnologiques sur le Dahra oranais 761 [939 7] Gsell. — Le tombeau de la chrétienne 767 [292 (397)] Moimer (A.). — Le culte de Mercure dans l'Afrique romaine 778 [892 7] Novak (D.). — Légende sur l'ancien domaine d'El-Alia 788 [892 73] Toutain (J.). — Sur l'histoire des carrières de marbre de Simitthu. . . . 792 [971 9 (611)] Ravard (Cap.). — Découverte d'un tombeau dans le camp de Tebour- souk (tombeau attribué à l'époque néo-punique) 796 [722.7 (611)] Saladin (T.). — Les survivances des traditions antiques depuis l'occu- pation arabe en -Tunisie 799 [292 (611)] Audollent (A.). — Ceres africana 802 [939 7] Blanchet (P.). — Le régime des populations dans la Tunisie centrale à l'époque romaine 807 [729 7 (611)] Hannezo (Cap.). — Les découvertes de mosaïques à Sousse (Tunisie). 816 [321 (397)] Schulten (Dr). — Les conventus civium romanorum dans l'Afrique romaine "23 [9397] Hilaire (Lieut.) et Vellard. — La défense de la vallée de la Siliana pendant l'occupation byzantine 829 [913 (39 7)] Granat. — Les voies de communication de la Tunisie 840 TABLES Table analytique 847 — des matières 862 IMPRIMERIE CHAIX, RUE BERGERE, 20, PARIS. — 15196-8-96- 55* Association Française T. XXV - PL I 21 22 27 28 M . Pissarro, ad nat. phot. Sohier, l'.\i;is M. COSSMANN. - COQUILLES GRÉTACIQUES DE FRANCE. dation française T. XXV. - PI. II M. Pissarro, ad nat. plmt. Sohier, Paris M. GOSSMANN. - COQUILLES CRÉTACIQUES DE FRANCE. Faguel del imp Ed, G. DUTAILLY__ CONVALLARIA _ POLY rr Tome XXV. PI. III / Paris Bénard Uth >NATUM__TOVARIA R'JSCUS Association Française. Faquct Jcl lmj> Ed g.dutailey:_ paris Tome XXV. PL ] V 25 ^è; a k 38 /, /arts RILLIUM _ MEDEOLA Associatior Faquei ^ langouîx, / Verkné Oul>&oun&): ^ \ v> vA 0 10 20 30 10 50 J/ Echelle enVerstes Edouard Rouveyre, Editeur, Pans, MM_ T^ SABACHNIKOFF et D. LEVAT. - T. XXV FL. VI District aurifère de Kara (CabwetdeSM) tohmskiy Zavod ZOOVerstes Itinéraire de M M" Th Sabachmkoff et Levai Placers aurifères jy, Poste Route postale S Télégraphe Route carrossable .St Stamtza de Cosaques — _ Bac 0 ("hef-heu d'arrondiss1- ■ que U&ZJ ire de Tchita à Strétinsk par la vallée de l'Oi L Co' 'e de Dunkercïue" Pans i] ! Français T.XXV.H.VÏÏ. /.i/A./fu/nvi,,!,, /,',. EMILE BELLOC-LELAC DE LOURDES (HAUTES-PYRÉNÉES).