COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1864. COMPTES RENDUS DES SÉANCES MEMOIRES LUS r_ r A LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1864. Paris. — Imprimé par E. Thunot et G*, me Racine. 26. COMPTES RENDUS DES SÉANCES ET MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. TOME PREMIER DE LA QUATRIÈME SÉRIE ANNÉE 1864 SEIZIÈME DE LA COLLECTION. -•«»•<« PARIS J.-B. BA1LLIÈRE et FILS, LIBKAIBES DE L'ACADÉMIE IMPERIALE DE MÉDECINE, 19, rue Hautefeuille. LONDRES, NEW-YORK, Rippolyte Bailmè»e, 119, Regent-Street. ! Baolièbe Brikheas, 440 , Broadway. Madrla. C. Dailly .Baiïïièrc , plaza del Principe Alfon»o, 16. 1865 LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. EN 1864. COMPOSITION DU BUREAU. Président ^•r»é*w©l. M. Rayer. Vtce-pré«I4eat«. . . . ( M. Jacquart. ( M. Luys. f M. Dumontpallier. ) M. Benj. Bail. j M. Laborde. \ M. Paul Bert. M. Gallois. M. Fourni er (Eug.) ' MEMBRES HONORAIRES. MM. Amiral. MM. De Quatrefages. Bernard (Claude). Serres. Bouillaud. Valenciennes. Dumas. Velpeau. Flourens. N... Littré. N... Milne Edwards. N... Montagne. MEMBRES TITULAI RES-HONORAIRES. MM. Béraud. MM. Bourguignon. Bernard (Charles). Broca. Bouchut. Cbarcot. Bouley (Henri). Davaine. VL* W VI tfM. Depaul. MM. Leconte. Follin. Morel-Lavallée. Giraldès. Regnauld. Goubaux. Sappey. Hiffelsheim. Verdeil. Houel. Verneuil. Laboulbène. Vulpian. Le Bret. MEMBRES TITULAIRES. MM. Balbiani. MM. Leblanc (C). Bail. Leven. Bastien. Le Gendre. Berthelot. Liégeois. Blot. Lorain (Paul). Chatin. Luys. Corail. Magitot. Dareste. Marey. Dumontpallier. Martin-Magron. Fournier (Eugène). Micbon. Gallois. Milne Edwards (Alphonse Gubler. Moreau (Armand). Guillemin. Ollivier. Hardy. Ordonez. Hillairet. Rayer. Jacquart (Henri). Robin (Charles). Laborde. Soubeiran (J. L.). Lancereaux. Vidal (E.). MEMBRES ASSOCIÉS. MM. Agassiz. MM. Owen (Richard). Baer (de). Paget (James). Bennett (Hughes). Panizza (Bartolomeo). Dufour (Léon). Pouchet père. Ehrenberg. Purkinje. Gurlt (Ernst-Friedrich). Schwann. Huss (Magnu6). Siebold. Jones (Bence). Sédillot. Lebert (H.). Valentin. Liebig (Justus). Wagner (Rudolph). Mohl (Hugo von). vu MEMBRES CORRESPONDANTS NATIONAUX. MM. Beylard à Paris. Blondlot à Nancy. Brown Séquard à Londres. Chaussât à Aubusson. Chauveau à Lyon. Coquerel (Charles) à l'île Bourbon. Courty à Montpellier. Desgranges à Lyon. Deslongchamps à Caen. Dufour (Gustave) à Rome. Dugès aîné au Mexique. Duplay à Paris. Ebrard à Bourg. Faivre (E.) à Lyon. Germain de Saint-Pierre., à Nice. Gosselin à Paris. Guérin (Jules) ; à Paris. Ehrmann à Strasbourg. Huette à Montargis. Jobert (de Lamballe) à Paris. Lecadre au Havre. Leroy de Méricourt. à Brest. Leudet (Emile) à Rouen. Martins (Charles) à Montpellier. Ollier à Lyon. Rouget à Montpellier.' Stoltz à Strasbourg. MEMBRES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS. Grande-Bretagne. MM. Berkeley (M. J.) à Kings-Cliff. Bowman (W.) à Londres. Carpenter (W. B.) à Londres. Goodsir (John) à Edimbourg. Grant (R. E.) à Londres. Jacob (A.) à Dublin. Jones (Wharton) à Londres. Maclîse à Londres. Marcet à Londres. VIII MM. Nunneley à Leeds. Qaekett à Londres. Redfern à Aberdeen. Sharpey à Londres. Simon (John). . à Londres. Simpson à Edimbourg. Thomson (Allen) à Glasgow. Toynbee à Londres. Waller à Londres. Williamson à Londres. Allemagne MM. Bischoff à Munich. Brûcke (Ernst) à Vienne. Carus (V.) à Leipzig. Dubois-Reymond à Berlin. Henle à Gœttingue. Hering. à Stuttgardt. Hirschfeld (Ludovic) à Varsovie. Hoffmeister à Leipzig. Hyrtl à Vienne. Kœlliker , à Wiirzbourg. Ludwig à Vienne. Mayer à Bonn. Heckel (Albert) à Halle. Rokitansky à Vienne. Stannius à Rostock. Stilling àCassel. Virchow à Berlin. Weber (Wilhelm-Kduard). . à Leipzig. Weber (Ernst-Heinrich). . . à Leipzig. ■elglqne. MM. Gluge à Bruxelles. Spring. .à Liège. Thiernesse à Bruxelles. Danemark. M. Hanoover à Copenhague. Nèie. M. Santesson à Stockholm. Hollande. MM. Donders i* à Utrecht. Hartig à Utrecht. Van der Hœven à Leyde. faine. MM. Duby à Genève. Miescher à Bâle. ■«•Ile. MM. Martini à Naples. Vella à Turin. Portugal M. De Mello à Lisbonne. Étetft-iMa. MM. Bigelow (Henry J.) à Boston. Draper à New-York. Leidy (Joseph) à Philadelphie. Brésil. M. Abbott à Bahia. SOCIETE DE BIOLOGIE FONDÉE DANS LE MOIS DE MAI 1848. DÉCRET IMPÉRIAL du 15 novembre 1884, RECONNAISSANT LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGI1 ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE. Napoléon, Par la grâce de Dieu et la volonté nationale , Empereur des Fran- çais, à tous présents et à venir, salut. Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de l'Instruction publique ; Vu la demande formée par ta Société de Biologie de Paris; Vu l'art. 910 du Gode Napoléon ; Vu les documents à l'appui, faisant connaître la composition de la Société, ses statuts, sa situation financière et ses travaux ; Vu l'extrait du testament olographe du docteur Jean-Ernest Godard, daté de Jérusalem, le 4 septembre 1862, déposé en l'étude de M* Four- mer, notaire à Bordeaux, le 23 octobre de la même année; Vu l'acte de décès du testateur; Vu la délibération de la Société portant acceptation du legs de cinq mille francs (5000 fr.) à elle fait par le docteur Godard ; Notre conseil d'État entendu, XII Avons décrété et décrétons ce qui suit : Article 1". La Société de Biologie de Paris est reconnue comme établissement d'utilité publique. Art. 2. Les statuts de la Société sont approuvés tels qu'ils sont annexés au présent décret. Aucune modification ne pourra y être faite sans notre autorisation. Art. 3. La Société de Biologie est autorisée à accepter aux clauses et con- ditions iudiquées, le legs d'une somme de cinq mille francs (5000 fr.) à elle fait par le docteur Jean-Ernest Godard, suivant son testament olographe daté de Jérusalem, le 4 septembre 1862. Art. 4. Notre Ministre secrétaire d'État au département de l'Instruction pu- blique est chargé de l'exécution du présent décret. Fait au palais de Gompiêgne, le 15 novembre 1864. Signé Napoléon. Par l'Empereur, Le Ministre secrétaire d'État au département de l'instruction publique, Signé V. Duriiy. XIft STATUTS DE LÀ SOCIÉTÉ I)E BIOLOGIE. ARTICLE 1". La Société de Biologie est instituée pour l'étude de la science des êtres organisés, à l'état normal et à l'état pathologique. Art. 2. La Société est composée de membres titulaires, de membres hono- raires, de membres associés et de membres correspondants. Art. 3. Les membres titulaires sont nommés par voie d'élection. Leur nom- bre est fixé à quarante. Art. 4. Les membres honoraires sont élus directement par la Société. Les titulaires peuvent aussi devenir honoraires, sur leur demande, après neuf ans d'exercice. Le nombre des membres directement nommés est fixé à quinze. Le nombre des titulaires-honoraires est illimité ; ceux-ci conser- vent les droits et prérogatives des membres titulaires. Ils continuent d'acquitter la contribution annuelle, mais ils ne sont pas passibles des amendes. Art. 5. Le nombre des membres associés est ûxé à vingt. Art. 6. Le nombre des membres correspondants est fixé à quatre-vingts. XIV Art. 7. La Société est administrée par un président perpétuel, deux vice- présidents, quatre secrétaires, Un trésorier et un archiviste. Art. 1 Le président est élu à la majorité absolue des suffrages des mem- bres de la Société tant titulaires qu'honoraires. Il dirige les discus- sions et fait exécuter le règlement. Art. 9. Les vice-présidents, les secrétaires, le trésorier et l'archiviste sont élus à la majorité absolue des suffrages des membres présents au jour préalablement fixé pour" l'élection. Le temps de leur exercice est d'un an. Ils peuvent être réélus. Art. 10. Les secrétaires rédigent les procès-verbaux des séances. Ils sont chargés de la rédaction et de la publication des travaux de la Société et de la correspondance. Art. il. Le trésorier est chargé de recouvrer les sommes dues à la Société et d'acquitter les dépenses. L'archiviste est chargé de veiller à la con- servation des ouvrages» des manuscrits, des pièces d'anatomie, etc., adressés à la Société ou acquis par elle. Art. 12. Tous les ans, une commission de trois membres examine les comptes du trésorier et le catalogue tenu par l'archiviste. Art. 13. L'archiviste est responsable des objets qu'il aura prêtés sans un reçu d'un membre de la Société. Art. 14. Lorsqu'une place de membre titulaire est vacante, il est procédé à l'élection* un mois après la déclaration de la vacance. XV Art. 15. Une commission fait un rapport sur les travaux des candidats; ce rapport est discuté en comité secret. Art 16. L'élection se fait à la séance suivante, à la majorité absolue des membres présents. Art. 17. La nomination des membres honoraires, associés et correspon- dants, est soumise aux mêmes règles que celle des membres titu- laires. Art. 18. Les correspondants peuvent prendre part aux discussions qui s'en- gagent dans la Sociétéj mais ils n'ont pas voix délibérative. Art. 19. Les membres titulaires et les membres titulaires-honoraires acquit- tent une cotisation personnelle, dont le taux est fixé par la Société. Art. 20. Les ressources de la Société se composent : 1° De la contribution annuelle de ses membres; 2° Des frais de diplôme ; 3* Des amendes; 4° Du produit des publications; 5° Des dons et legs que la Société est autorisée à recevoir. Art. 21. Le Bureau soumet à la Société les projets d'acquisition ou d'aliéna- tion de biens immeubles, de placements définitifs en rente sur l'État ou autres valeurs, et les acceptations de dons et legs. Les acceptations de dons et legs sont soumises à l'approbation du gouvernement. Art. 22. Tout membre qui refuse d'acquitter la contribution annuelle ou les amendes par lai encourues est considéré comme démissionnaire. II est procédé à sou remplacement. XVI Art. 23. Les frais de diplôme sont dus par les membres titulaires. Les membres honoraires, associés et correspondants, en sont exempts. Le titulaire élu est tenu de retirer son diplôme dans l'espace d'un mois. Art. 24. Les membres titulaires signent la feuille de présence. Les ab- sences, hors le cas de congé, sont passibles d'une amende dont le taux est fixé par le règlement. Art. 25. Les membres titulaires dont l'absence, hors le cas de congé, se prolonge au delà de trois mois, sont considérés comme démission- naires. Art. 26. Toute proposition tendant à modifier les statuts de la Société doit être signée par cinq membres titulaires au moins. Elle est discutée dans une séance fixée spécialement pour cet objet, de manière qu'il y ait entre le jour du dépôt de la proposition et celui de la discussion un intervalle d'un mois au moins. Pour que la délibération soit vala- ble, l'assemblée doit réunir les deux tiers au moins des membres ti- tulaires et titulaires-honoraires. Les modifications aut statuts sont soumises à l'approbation du gouvernement. Art. 27. Un règlement particulier, soumis à l'approbation du ministre de l'instruction publique, détermine les conditions d'administration in- térieure, notamment les frais de diplôme, le taux de la contribution annuelle et celui des amendes, et en général toutes les dispositions de détail propres à assurer l'exécution des statuts. Les présents statuts ont été délibérés et adoptés par le Conseil d'État, dans sa séance du 20 octobre 1864. Le conseiller d'État, secrétaire général du Conseil d'État, Signé C. Boilay. Pour copie conforme : Le secrétaire général du ministère de l'instruction publique, Charles Robert. xvii RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. Article l,r. Les séances de la Société oot lieu tous les samedis, de trois heures et demie à cinq heures et demie. Art. 2. Les mémoires lus à la Société et les notes résumant les communi- cations verbales sont remis aux secrétaires, séance tenante. Art. 3. La contribution annuelle est fixée à 1 5 francs. Art. 4. Les frais de diplôme sont fixés à 15 francs. Art. 5. Les absences des membres titulaires, hors le ca3 de congé, sont passibles d'un franc d'amende par séance. Arv. 6. Les amendes sont payables tous les six mois sur avertissement du trésorier. Le ministre secrétaire d'État, au département de l'instruction pu- blique, Vu l'art. 27 des statuts de la Société de Biologie, statuts approuvés par décret du 1 5 novembre 1864 ; b XVIII Vu le projet de règlement ci- joint présenté par la Société le 5 jan- vier 1865, Arrête : article 1er. Le projet de règlement intérieur de la Société de Biologie est ap- prouvé. art. 2. Nulle modification ne pourra y être faite sans notre autorisation. Fait à Paris le 12 janvier 1865. Signé V. Duruy. Pour ampliation : Le Secrétaire général, Charles Robert. CONCOURS POUR LE PRIX GODARD 1864 COMMISSAIRES : Charcot, Martin-Magron, Robin, Vulpian, gubler, rapporteur. Séance du 4 février 1865. PRESIDENCE DE M. RAYER. M. le Président perpétuel ouvre la séance en prononçant l'allo- cution suivante : Messieurs et chers collègues, Notre séance offre aujourd'hui un intérêt que vous sentez bien mieux que je ne pourrais l'exprimer : on y décerne un prix, et ce prix est dû à la libéralité d'un de nos confrères enlevé à la science et à notre affection par une mort prématurée. La biologie, fractionnée dans l'Académie des sciences, moins large- ment représentée à l'Académie de médecine, méritait bien, par son extrême importance dans l'ordre scientifique, de trouver une place où elle fût cultivée pour elle-même. Aussi en Un petit nombre d'an- nées notre Société a-t-elle exercé une haute et salutaire influence sur les progrès de la science des êtres vivants et sur les applications de la biologie à la médecine. Telles étaient les pensées qui animaient Godard, Je n'essayerai pas de rappeler en ce moment la part active que Go- XX dard a prise aux travaux de la Société de biologie : cette tâche a été dignemeDt remplie par MM. Martin -Magron et Bail, dans deux savantes notices dont vous avez gardé le souvenir. Mais je tiens à redire que Godard, mourant sur une terre étrangère, a songé à la science qui dure, aux labeurs qu'elle exige, aux travailleurs qui s'y consacrent. Triste et touchant spectacle, et bien digne d'admiration ! En ce mo- ment suprême, Godard trouva sans doute une consolation dans le sentiment qui dicta ses dernières volontés ; notre devoir, à nous, est d'honorer sa mémoire en faisant fructifier pour la science, ce #oble adieu d'un esprit élevé et d'un cœur généreux. La parole est donnée à M. Gubler, qui lit le rapport suivant : Messieurs, ^ C'est la première fois que le concours est ouvert pour le prix fondé par notre digne et regretté collègue, Ernest Godard. Quatre ouvrages seulement ont été présentés. MM. Gharcot, Martin-Magrou, Robin, Vul- pian et Gubler, rapporteur, ont été nommés pour vous en rendre compte. Après avoir pris individuellement connaissance de ces travaux, vos commissaires se sont réunis le mercredi 7 décembre 1864 pour en discuter la valeur relative. Je suis chargé de vous faire connaître le résultat de leurs délibérations. Parmi les ouvrages envoyés, un seul est manuscrit, il a pour titre : « Essai sur la vie, » et le pli cacheté qui l'accompagne porte pour épigraphe : Spiritus inttu allt totamqne Infuse per artos Mens agitât molem. C'est une dissertation estimable dans laquelle l'auteur, s'inspirant de la philosophie spiritualiste et du dogme chrétien, soutient énergi- quementquelavie n'est pas inhérente à la matière, qu'elle ne résulte point de l'organisation, et s'efforce de prouver l'identité du principe vital et de l'âme. De si bonnes intentions et des convictions si chaleu- reuses ne méritent assurément que des éloges, mais cet éloquent plaidoyer relève plus de l'Académie française que de notre Société. L'un des trois ouvrages imprimés a pour titre : Petit traité de la machine humaine ou rudiments de la science de l homme physique; par le docteur Ignotùs. Il s'adresse, cela va de soi, aux gens du monde XXI (l'auteur dit aux ignorants), et sa destination est d'apprendre à ceux qui ne sont pas médecins les éléments de l'anatomie et de la physio- logie humaines. Ce livre renferme quelques erreurs imputables aux typographes, et de nombreuses inexactitudes qui accusent l'inadver- tance de l'auteur. Une seconde édition, revue et corrigée, remplirait mieux le but modeste que le docteur Ignotls s'est proposé, mais elle n'intéresserait pas davantage la Société de biologie qui s'occupe de l'avancement de la science et non de la vulgarisation de ses notions élémentaires. Viennent maintenant les deux ouvrages sur lesquels a dû se con- centrer toute l'attention de vos commissaires. M. le docteur Samuel Chédevergne, ancien interne des hôpitaux de Paris, nous a fait parvenir sa thèse intitulée : De la fièvre typhoïde et de ses manifestations congeslives, inflammatoires et hémorrhagi- ques sur les principaux appareils de l'économie {cerveau, moelle, poumon, etc.) ; Stéatose du foie. M. Chédevergne a recueilli les faits sous les yeux et avec les conseils de nos savants confrères MM. Bou- vier et Cazalis ; c'est assez dire qu'il a obéi à une direction scientifique excellente. Aussi son premier travail révèle-t-il déjà les qualités d'un anatomo-pathologiste habile et d'un clinicien exercé. Dans la première partie de son travail, M. Chédevergne donne la relation d'une petite épidémie de fièvre typhoïde observée à l'hôpital des Enfants ; dans la seconde il parcourt dans une série de chapitres les points principaux de l'histoire pathologique de cette grave affec- tion, en s'appuyant sur les observations précédemment exposées et sur d'autres faits recueillis chez des adultes à la Maison municipale de santé. Chemin faisant, il touche à des points accessoires, quoiqu»* d'un intérêt véritable; mais il s'arrête plus longuement sur un trai*. peu connu de l'anatomie pathologique du foie et sur les lésions de-i centres nerveux en rapport avec les symptômes cérébro-spinaux, su. lesquels un autre jeune médecin, très-distingué aussi, M. le docteur Fritz, venait d'appeler l'attention. Nous ne pouvons suivre l'auteur dans cette longue exposition. Contentons-nous de signaler au passage les points nouveaux ou litigieux. M. Chédevergoe insiste sur la fréquence de ce qu'il nomme l'angine pultacée dans le cours de la dothiénentérie. Sa remarque est fon- dée, seulement nous aurions souhaité de trouver une analyse plus attentive du phénomène désigné sous cette dénomination, et par suite XXII une synonymie exacte de cet élément morbide. Le mot pultacée n'ex- prime qu'un aspect des substances variées qui peuvent tapisser l'ar- rière-gorge; la mollesse pâteuse appartient aussi bien au produit de la sécrétion des glandules et aux couches épithéliales chargées de mucédioées qu'aux produits d'exsudation inflammatoire. Or le mu- guet est très-commun dans la fièvre typhoïde, et tout porte à croire que si la recherche en avait été faite on aurait trouvé, par le papier réactif, une acidité excessive de la bouche et, à l'aide du microscope, des spores et des filaments d'Oïdium albicans. Une particularité à laquelle M. Ghédevergne consacre à juste titre des développements étendus, c'est la surcharge graisseuse des cel- lules d'enchyme hépatique qu'il rapproche d'une lésion analogue due à l'empoisonnement par le phosphore et connue sous le nom de stéatose du foie. On doit savoir gré à l'auteur d'avoir appelé l'attention sur cette infiltration granulo-graisseuse dont on ne s'était pas occupé jusqu'en ces derniers temps, bien qu'elle n'eût pas échappé à tous les anatomistes; car elle a été mentionnée déjà, par Wagner et Buhl, en Allemagne, ainsi que par M. Cornil, dans une observation lue à la So- ciété médicale d'observation en 1862. A ce fait, M. Ghédevergne rattache la teinte subictérique, remarquée sans doute par chacun de nous dans les fièvres continues et dans beaucoup d'autres maladies aiguës , mais sans chercher, comme pour la stéatose elle-même, le mécanisme probable de sa formation. Est- elle le reflet de la cholépyrrhine préalablement formée dans le foie, puis résorbée; indique-t-elle, au contraire, dans le sang l'excès de la matière colorante qui dérive de la dénutrition globulaire, en d'autres termes, s'agit-il d'un ictère biliphéique ou bien d'un ictère héma- phéique? L'auteur n'agite pas cette question. Chez deux sujets qui offrirent, l'un des accès éclamptiques, l'autre de l'amblyopie, de la dilatation pupillaire et de la somnolence, M. Chédevergne, ayant observé de l'albuminurie, conclut à l'exis- tence de symptômes urémiques. Sans entrer dans la discussion de la doctrine de l'urémie, il est permis d'élever quelques doutes sur la réalité des phénomènes urémiques ou urinémiques dans Ces deux cas de fièvre typhoïde, d'abord parce que la présence de l'albumine étant constante dans l'urine des typhoïdes, il serait aussi rationnel de met- tre sur son compte tous les accidents cérébraux notés dans le cours de cette affection que de lui attribuer ceux qu'ont présentés les deux XXIII malades de' M. Cazalis ; ensuite parce que le premier pourrait bien n'avoir pas eu la fièvre typhoïde, et que, pour le second, il serait fa cile de trouver une autre explication des phénomènes observés. En effet, le sujet atteint d'éclampsie était au sortir d'une fièvre éruptive que M. Chédevergne suppose lui-même avoir pu être une scarlatine. La seule circonstance qui l'ait fait incliner vers une fièvre typhoïde, c'est l'apparition de taches papuleuses rosées. Or de semblables papu- les ont été vues dans la phthisie galopante et dans l'érysipèle interne vérifiés par l'autopsie, elles ne sauraient donc avoir un caractère pa- thognomonique absolu. De plus, on ohserve à la suite de la rougeole comme de la scarlatine des manifestations cutanées reproduisant plus ou moins cette forme anatomique, ce qui autorise à penser que l'auteur aura eu sous les yeux un exemple à! exanthème scarlatineux secondaire. Quant à l'autre cas, où les accidents encéphalopathiques ont revêtu le caractère soporeux ou comateux, pourquoi ne pas le placer à côté de ses congénères, dans lesquels la même forme symptomati- que a pu s'expliquer logiquement par des lésions cérébrales, telles que congestions, infiltration séreuse sous-arachnoïdienne et épan- chements intraventriculaires ? Ceci nous conduit au chapitre le plus intéressant peut-être de la thèse sur la fièvre typhoïde, celui dans lequel, mettant en regard les symptômes et les lésions, l'auteur trouve dans les variations des dés- ordres anatomiques et de leurs sièges la raison des troubles fonction- nels divers observés du côté des centres nerveux. Après notre regret- table collègue Piédagnel {Gaz. méd., 1839), et nombre d'autres mé- decins, M. Chédevergne a dit là-dessus de fort bonnes choses, et c'est un de ses principaux mérites. Cependant nous ferions quelques ré- servés sur l'interprétation du délire. De même que la paralysie ou les convulsions, le délire peut reconnaître les conditions pathogéniques les plus contraires : tantôt unefluxion sauguine, une irritation etmême une phlegmasie ; tantôt l'anémie, ou bien le défaut d'excitation nor- male par un sang altéré. Ainsi, le délire par asthénie cérébrale se montre non-seulement à la suite des hémorrhagies, mais même en l'absence de toute perte sanguine, par le fait soit d'un principe sep- tique, soit d'une altération qualitative ou quantitative des globules. Voilà pourquoi l'opium et les alcooliques réussissent souvent, à l'ex- clusion des émissions sanguines et des sédatifs, contre le délire de la fièvre typhoïde, de l'érysipèle, etc. A la vérité, M. Chédevergne a ren- XXIV contré invariablement au moins de la congestion encéphalique, mais il y a des congestions veineuses et même des exhalations séreuses ultimes qui sont dénuées de valeur causale, et d'ailleurs d'autres ob- servateurs ont vu manquer les traces d'hyperémie active, ce qui s'ac- corde bien avec l'idée de deux espèces de délire, distinctes autant sous le rapport génétique que sous le rapport thérapeutique. M. Chédevergne n'ayant pas vu de paralysie dans le cours ou à la suite de la fièvre typhoïde, néglige cette complication, heureusement peu fréquente. « Je dois me borner, dit-il, comme je m'en suis pres- te crit la nécessité, aux commentaires de mes observations. » Ec effet, ce sont des études et non un traité complet que notre jeuue confrère a voulu nous donner. Mais la douleur cervicale postérieure étant la règle générale au début de la fièvre typhoïde, on s'étonne qu'elle ait pu échapper à un observateur aussi attentif que sagace. Par ses propres efforts, M. Chédevergne arrive à établir l'analogie de certains troubles intellectuels et sensitivo-tnoteurs et des lésions correspondantes, chez les sujets atteints de fièvre typhoïde, avec les désordres fonctionnels et anatomiques de la paralysie générale. Ces résultats, donnés sous la responsabilité d'un seul, auraient acquis une plus grande valeur probatoire aux yeux du public médical si l'auteur, s'étayant des observations antérieures, avait invoqué à l'ap- pui de sa manière de voir l'autorité d'un médecin tel que M. Beau, par exemple, à qui la science est redevable d'un mémoire important sur ce sujet. Les chapitres consacrés aux manifestations du côté de la peau, des systèmes respiratoire et circulatoire, ainsi qu'à quelques autres points de pathologie et au traitement de la fièvre typhoïde sont loin d'offrir l'intérêt que nous avons trouvé dans la description des symp- tômes cérébro-spinaux. Cependant ils renferment aussi des détails bien observés. En résumé, M. Chédevergne a fait une thèse remarquable, dont les principales parties ont été fort bien traitées et ne manqueront pas d'être utilisées dans l'histoire dogmatique de la fièvre typhoïde. Son œuvre, essentiellement personnelle, a les inconvénients et les avan- tages attachés à ce genre de travaux. On y reconnaît la netteté de vues, limité de doctrines, la fermeté d'inductions d'un esprit déjà mûr. Nous nous plaisons à mettre ces qualités en lumière. Dans l'ombre du tableau, nous trouverions l'oubli de la plupart des travaux antérieurs XXV et le délaissement, ou du moins l'usage trop restreint de certaines méthodes de précision auxquelles les sciences médicales doivent en partie leurs progrès récents. Les Recherches critiques et expérimentales sur les mouvements ré- flexes, par M. Jules Cayrade (docteur en médecine à Decazeville, Avey- ron), n'ont pas coûté, ditron, moins de deux années d'études et de vi- visections à leur auteur qui trace, d'après les documents connus et d'après ses propres observations, le tableau méthodique et complet de l'une des parties les plus neuves et les plus intéressantes de la phy- siologie. M. Cayrade débute par une histoire détaillée des mouvements ré- flexes, dont on trouve les premiers indices dans l'antiquité médicale sous les noms de sympathie et de consensus. Les phases principales de cette histoire peuvent se résumer ainsi : 1° André Dulaurens fait du système nerveux l'agent des sympathies. 2* Astruc émet une théorie un peu trop mécanique, mais imagée, par laquelle il admet le premier la réflexion de l'impression transmise aux centres. 3' Robert Whytt localise dans la moelle aussi bien que dans le cerveau la réaction sympathique. 4* Prochaska démontre la nécessité des nerfs de senti- ment pour conduire l'impressiou, réfléchie ensuite sur les nerfs moteurs. En France, Legallois prouve l'autonomie non-seulement de la moelle entière, mais de chaque tronçon de moelle par des expé- riences en partie confirmées plus tard par les observations de Lal- lemand. 5" Marshall Hall et Mtiller établissent, chacun à son point de vue, la théorie des actions réflexes, le premier créant une force ex- cito-motrice de la moelle complètement indépendante. 6* Enfin, MM. Longet, Debrou, Gl.JBeroard, Brown-Séquard, Ghauveau, Lan- dry, Martin-Magron, etc., achèvent de constituer la doctrine des ac- tions réflexes. Dans un second chapitre, M. Cayrade établit cette définition pro- visoire : « On désigue sous le nom de mouvements réflexes des mou- vements involontaires consécutifs à une impression.» Puis il cherche s'il faut que l'impression soit perçue ou non, et s'arrête à cette der- nière opinion qui est celle de M. J. Béclard. 11 fait voir ensuite que l'impression et le mouvement réflexes suivent les mêmes voies que la sensibilité et le mouvement volontaires. Enfin, s'appuyant sur les expériences de Legallois, de MM. Chauveau et Longet, il établit jjue ta propriété de réaction n'appartient pas à la moelle tout entière, 6 s XXVI mais seulement à la substance grise. D'ailleur3 les nerfs de la vie or- ganique aussi bien que ceux de sentiment excitent les mouvements réflexes pour l'intermédiaire du centre spinal. En outre, l'impression partie des fibres du grand sympathique peut se traduire par des réactions sur les muscles de la vie de relation et réciproquement. La volonté exerce une puissante action modératrice sur les phénomènes réflexes. Après cela, l'auteur passe successivement en revue l'in- fluence de la température, du sang, des sections de la moelle à diffé- rentes hauteurs, de la nature de l'excitant et de lintensité des exci- tations : celle du repos, des excitations modérées et des points excités sur les mouvements réflexes. Il détermine le sens longitudinal et transversal qu'affecte la propagation de l'action réflexe, la relation existant entre les points excités et les mouvements produits. Étudiant les mouvements réflexes limités à la vie organique, M. Cay- rade, d'accord avec Lallemand, MM. Longet, Bidder, Cl. Bernard et Rouget, reconnaît aux ganglions du grand sympathique, non pas une autonomie absolue, ainsi que le voulait Bichat, mais le pouvoir de fonctionner comme centres d'actions réflexes. L'auteur insiste sur les phénomènes réflexes dans les nerfs vaso-moteurs, dont la con- naissance due aux belles recherches de Waller, de MM. Cl. Bernard, Schiff et Brown-Séquard, est si utile à l'interprétation de phénomè- nes pathologiques inexpliqués jusqu'ici. Il rappelle à ce sujet les tra- vaux de M. le docteur Catien,- ceux de M. Brown-Séquard sur les pa- ralysies par anémie réflexe; ceux enfin de M. Bernard sur les condi- tions prochaines des variations de température dans les membres paralysés. Ces généralités épuisées, M. Cayrade étudie l'action des substances toxiques sur la force excito-motrice. Sous ce rapport les poisons se partagent en deux divisions : ceux qui augmentent et ceux qui di- minuent le pouvoir réflexe. C'est ici que l'auteur, suivant la voie ex- périmentale, arrive à des résultats nouveaux et d'un intérêt majeur. En tête des substances qui exagèrent les manifestations de la force excito-motrice se place naturellement la strychnine. Avec Vandéen, Marshall Hall, MM. Brown-Séquard, Bonnefin etMartiu-Magron, l'auteur admet que cet alcaloïde agit sur la moelle, non pour l'exciter directe- ment, mais pour la rendre excitable. Si l'on provoque des excitations modérées et répétées, la moelle perd, sans secousses violentes, cet excès de force, qu'elle recouvre d'ailleurs avec une rapidité cinq ou XXVII six fois plus grande que dans l'état normal; d'où l'utilité d'exciter les tétaniques faiblement et à intervalles rapprochés, ainsi que le dé- montre une expérience dans laquelle M. Cayrade, après avoir empoi- sonné deux grenouilles, laisse l'une dans le repos tandis qu'il excite l'autre toutes les dix minutes. La première meurt dans les convul- sions, la seconde survit. Tous les auteurs qui ont décrit l'empoisonnement par la strychnine n'avaient trouvé à signaler que des convulsions et des attaques téta- niques. M. Cayrade, procédant par une intoxication plus lente et plus ménagée, a pu saisir des altérations fonctionnelles moins pro- fondes, et constater dans les extenseurs une prédominance de con- tractilité dont l'observation est devenue pour lui le point de départ d'une série dé recherches expérimentales pleines d'intérêt. Dans l'opinion de l'auteur, cette prédominance doit s'expliquer soit par la suprématie des extenseurs sur les fléchisseurs, soit par l'action exclusive de la strychnine sur le premier ordre de puissances contractiles; en conséquence il institue des expériences dans le but de vérifier l'une de ces présomptions. Premièrement, il s'assure par l'examen direct, sur une grenouille empoisonnée dont le train posté- rieur est dépouillé, que durant l'attaque tétanique les extenseurs sont très-durs, tandis que les fléchisseurs conservent une certaine mollesse. Secondement, il coupe sur une grenouille les extenseurs, sur une autre les fléchisseurs, et aucune attaque tétanique ne peut être provoquée chez la première. En troisième lieu, il fait la section des extenseurs d'un côté, l'autre membre restant indemne et l'irrita- tion du côté opéré ne détermine le tétanos que dans le membre in- tact.Enfin, après avoir dénudé l'extrémité inférieure d'une grenouille, isolé le tronc nerveux et coupé en travers à la jambe et à la cuisse toute l'épaisseur des fléchisseurs et des extenseurs, il empoisonne la grenouille par la strychnine et voit manifestement à chaque secousse convulsive le tronçon supérieur des extenseurs se raccourcir de 1 . à 2 millimètres, tandis que les fléchisseurs ne subissent aucune dimi- nution de longueur. Certes, l'erreur est facile quand il s'agit d'expériences aussi déli- cates, et deux de nous, MM. Martin-Magrou et Vulpian, font quelques réserves relativement à la facilité d'atteindre uniquement les exten- seurs et à la constance des résultats indiqués ; mais votre commission ne s'accorde pas moins à reconnaître que, dans l'ensemble, ces faits XXVIII plaident en faveur de l'idée que les effets de la strychnine se mani- festent de préférence du côté des muscles dévolus à l'extension. D'ailleurs cette opinion s'appuie sur des observations antérieures de notre éminent collègue M. Martin-Magron. Mais l'interprétation du phénomène n'est pas trouvée pour cela, car en dehors du dilemme que s'est posé l'auteur de la thèse, il y a place au moins pour une troisième supposition dont votre rapporteur assumé toute la responsabilité. Elle consiste à dire qu'il existe dans le centre spinal une région tenant sous sa dépendance les muscles extenseurs, et que cette région jouit d'un moindre pouvoir condensa- teur pour la force excito-motrice, d'où, à tension égale, l'intensité plus grande des décharges, et les contractions plus violentes des muscles correspondants. Les trois points sur lesquels repose cette théorie sont faciles à justifier. D'abord, la localisation du centre ex- cito-moteur des muscles extenseurs, dans une région circonscrite de la substance grise de la moelle, ne saurait répugner aux physiolo- gistes à une époque où la tendance localisatrice gagne tous les jours du terrain. Ensuite, il faut bien admettre un pouvoir condensateur dans la moelle, puisqu'elle jouit à un degré plus ou moins élevé, selon le sujet et les circonstances, de la faculté de se charger de force, faculté inversement proportionnelle à celle de la dépenser, c'est- à-dire de déterminer dès contractions sous l'influence des excitants. Il est instructif de mettre en regard de cette prédominance des manifestations actives vers les extenseurs, quand la force excito- motrice s'exalte, le phénomène contraire généralement observable, si ce n'est observé, dans les paralysies. Cet affaiblissement motile des extenseurs s'expliquerait dans l'hypothèse précédente par une dimi- nution naturellement plus considérable du pouvoir excito-moteur dans la portion du cordon rachidien dévolue aux extenseurs. Pour faire mieux saisir ce mécanisme, prenons une comparaison dans l'é- lectricité. Supposez une machine à frottement fonctionnant dans l'air sec, et dont le conducteur métallique est terminé à une extrémité par une sphère parfaite, à l'autre par un ellipsoïde allongé; si vous approchez successivement la main de la sphère, puis de l'ellipsoïde, vous ressentirez en dernier lieu une secousse beaucoup plus forte et à plus grande distance. C'est limage des deux divisions du centre spinal, agissant l'une sur les muscles fléchisseurs, l'autre sur les exteuseurs. Une autre conséquence découle de cette diversité de XXIX forme. Que le milieu devienne humide et passablement conducteur, le fluide électrique se conservera un peu vers la boule, tandis qu'il se perdra rapidement par la pointe mousse, et la tension deviendra nulle de ce côté. Ainsi les extenseurs souffrent davantage de la pri- vation d'influx nerveux dans les cas d'asthénie médullaire, parce qu'une disposition anatomique inconnue rend leur centre particulier d'innervation moins apte à condenser et à retenir la force. Mais ce n'est pas ici le lieu de développer nos idées personnelles; hâtons-nous de revenir à l'ouvrage de M. Gayrade. A la suite de la strychnine viennent la morphine, la narcotine et la picrotoxine, substances également considérées comme pouvant exa- gérer les actions réflexes. Quant à la morphine, la pathologie con- firme en partie les résultats des vivisections. Les deux autres poisons sont peu connus du clinicien, et paraissent avoir une action com- mune qui les rapproche, en même temps qu'elle les différencie de la strychnine. Leurs effets se font sentir non plus uniquement ou pré- férablement sur une portion du centre spinal, mais à peu près indif- féremment sur l'ensemble de la substance grise, de telle sorte que les convulsions atteignent simultanément et uniformément toutes les régions musculaires. Ces phénomènes sont surtout bien pronon- cés dans l'intoxication par la picrotoxine, étudiée pour la première fois par M. Bonnefiu. M. Gayrade signale à bon droit une curieuse circonstance de cet empoisonnement : c'est que l'animal, saisi de convulsions pendant l'exécution d'un mouvement, affecte parfois les positions les plus bizarres. Cette remarque nous suggère un rappro- chement qui, à défaut de justesse absolue, aura du moins le mérite de mnémoniser les faits. Tandis que la strychnine donne le tétanos, la picrotoxine, dirions-nous, engendre la catalepsie. Glissant sur quelques autres substances, douées à titre accessoire de la propriété d'augmenter le pouvoir réflexe, l'auteur passe à l'é- tude de celles qui diminuent la force excito-motrice, et se contente d'exposer brièvement l'état des connaissances sur l'acide cyanhy- drique, à propos duquel des dissentiments profonds séparent les observateurs : l'éther, le chloroforme, dont l'histoire thérapeutique appartient à un grand nombre d'expérimentateurs, enfin l'aconi- tine si bien étudiée par MM. Liégeois et Hottot. M. Cayrade consacre ensuite à la physiologie comparée des mouve- ments réflexes dans la série animale un chapitre où se trouvent uti- XXX lises les travaux de MM. Galmeil, Yersen, Gratiolet, Bouillaud, Lon- get, Landry, etc., et particulièrement ceux de notre distingué collègue M. Faivre. Cela fait, l'auteur aborde la théorie des mouvements ré- flexes et déclare, après Marshall-Hall et M. J. Béclard, que la moelle épinière, y compris ses prolongements dans le bulbe, la protubérance et les tubercules quadrijumeaux, est seule nécessaire aux actions réflexes. Ce qu'on a désigné sous le nom d'actions réflexes cérébrales diffère essentiellement des phénomènes à proprement parler réflexes, par cette circonstance : qu'au lieu d'être excitées par une impression sensitive, elles sont produites à l'occasion d'un acte psychique. Quant aux centres multiples dont la moelle serait pourvue, M. Cayrade n'y croit pas, et he veut en reconnaître qu'un : le centre respiratoire dans le bulbe. Les autres ne sont pour lui, bien qu'il n'emploie pas cette expression, que des points d'intersection des fibres sensitives et motrices affectées à une région ou à un appareil organique. Re- prenant ensuite la théorie de Marshall Hall, traduite et formulée en langage clair et précis par M. J. Béclard, M. Cayrade se range avec M. Liégeois à l'opinion qui admet dans les nerfs sensitivo-moteurs deux espèces de fibres et sensitives et motrices, les unes conduisant le sentiment et le mouvement volontaire, les autres les impressions non perçues et les mouvements réflexes. Quant à l'échange d'impres- sion entre les fibres sensitives et motrices réflexes, il se fait par l'in- termédiaire de la substance grise, aboutissant des impressions et centre d'irradiation pour les mouvements indépendants de la volonté. Le microscope entre les mains de Schilling, Bidder, Koelliker, M. Ro- bin, etc., démontre en effet que beaucoup de fibres issues de la péri- phérie s'arrêtent à différentes hauteurs dans le cordon rachidien, et n'atteignent pas l'encéphale. Viennent ensuite des considérations sur les actions réflexes pathologiques. L'auteur s'occupe d'abord des convulsions par actions réflexes dans l'hystérie, l'épilepsie, le tétanos, la rage, etc. Puis il traite des actions réflexes pathologiques des nerfs vaso-moteurs, rappelle à ce propos les orchites-bascule de M. Ricord, et met en relief la théorie ingénieuse de M. Brown-Séquard qui attri- bue te qu'il nomme des paralysies réflexes aux contractures vascu- laires dans les méninges cérébrales et spinales, et à l'anémie consé cutive. Enfin l'ouvrage se termine) par quelques remarques sur les mouvements réflexes au point de vue du diagnostic et de la thérapeu- tique des paralysies. XXXI Dans cette exposition difficile, l'auteur uë s'écarte pas un instant des faits bien établis qu'il vérifie presque toujours et contrôle quel- quefois. Il ne cesse de sappuyer sur l'autorité des maîtres en physio- logie : de MM. Longet, Bernard, Brown-Séquard, Martin-Magron, et de quelques savants plus jeunes, mais qui marchent dignement sur les traces de leurs aînés.. Telle est dans ses parties principales la thèse sur les mouvements •réflexes. L'ordonnance du travail est bonne, les déductions en sont logiques, le style simple et sobre. Presque toutes les conclusions de l'auteur sont acceptables dans l'état actuel de nos connaissances. En un mot l'œuvre de M. J. Cayrade porte l'empreinte sévère de la science moderne, et, par son sujet comme par la manière dont il est traité, elle est conforme aux tendances et à l'esprit de la Société de biologie. En conséquence, Messieurs, votre commission s'est trouvée una- nime pour vous proposer de décerner le prix Godard à cette excel- lente monographie sur les mouvements réflexes, et d'accorder à son auteur, M. Jules Cayrade, la somme affectée à cette récompense ho- norifique. Mais, vu le mérite très-réel du travail de M. Chédevergne, elle a résolu de faire à la Société la proposition d'accorder, à ce concurrent une mention honorable. Les conclusions de ce rapport sont adoptées à Cunànimitè par la Société. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE F F LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JANVIER 1864; Par M. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire. PRESIDENCE DE M. RMER. 1. — Anatomie, Note sur le lieu précis ou se montre le premier pojnt d'ossification des os longs ; par M. le docteur Charles Robin , professeur d'histologie à la Faculté de médecine de Paris, etc. Le point d'ossification des cartilages précédant l'humérus, le radius, le cubitus, le fémur, le tibia et le péroné, commence sous forme d'une tache grisâtre, devenant bientôt opaque. Ce point débute au milieu de la longueur de ces cartilages , milieu qui en est la partie la plus mince. Ce n'est pas au centre du cylindre qu'il apparaît, mais à son côté interne, immédiatement sous le périchondre qui deviendra périoste , mais séparé de lui par une mince couche de substance hyaline épaisse d'un cen- tième de millimètre environ. A cette époque , le périoste est encore C. R. 1 2 formé de corps fibro-plastiques fusiformes; par la direction de ceux-ci et par la teinte plus foncée de la mince couche qu'ils forment, il tranche sur la substance transparente du cartilage et sur les chondroplastes larges, arrondis ou ovoïdes, devenus larges en cet endroit, dont elle est parsemée (1). Ce point osseux est en forme de cône, à sommet mousse tourné vers l'axe du cartilage que d'abord il n'atteint pas, et sa base s'arrête net où cesse le cartilage sans empiéter sur le périoste qu'elle ne touche pas tout à fait. Cette base s'élargit à mesure que le sommet gagne du côté opposé, pour dépasser bientôt l'axe du cartilage et at- teindre le périchondre du côté externe de l'organe, au côté diamétrale- ment opposé à celui où la tache osseuse a débuté. Lorsque le point os- seux atteint ce côté opposé, il s'est tellement élargi à sa base qu'il a perdu sa forme conoïde pour prendre celle d'un disque séparant le car- tilage en deux moitiés, l'une supérieure, l'autre inférieure. Dès l'époque où ce point osseux conique a empiété sur les deux tiers de l'épaisseur du cartilage, sa base est assez large pour qu'il ait déjà l'air d'un disque, surtout si au lieu de regarder l'organe en voie d'ossifi- cation par l'une de ses faces antérieure ou postérieure, il est placé de manière que cette base soit tournée sous le microscope vers l'œil de l'observateur. Ainsi ce point osseux apparaît et s'avance dans le cartilage sous forme de cône aplati de haut en bas; il atteint le côté opposé et prend la forme d'un disque complet au milieu de l'os dont le cartilage préexistant est ainsi divisé en deux moitiés, avant que ce cartilage', le périchondre et ce point osseux lui-même possèdent des capillaires et de la moelle. La substance du sommet du cône osseux qui empiète de plus en plus sur le cartilage est éloignée de tout périoste pendant cette progression et ne peut être considérée comme produite par celui-ci. Il en est de (1) Ce serait vouloir se mettre de parti pris en contradiction avec la réalité que de chercher dans ces conditions, de la génération des os, qui sont les plus habituelles, à faire provenir les pstéoplastes d'une modifi- cation quelconque des corps fibro-plastiques (cellules plasmaliques) de quelques auteurs) ou de leurs noyaux, ainsi qu'ont voulu le faire quel- ques médecins, puisque ces éléments n'existent pas dans le cartilage où naît la substance osseuse. Nulle part, du reste, on ne voit à la place où naissent les maxillaires, les os de la voûte du crâne, non plus que dans le périoste les corps fibro-plastiques, ni les noyaux embryoplastiques rangés régulièrement autour des capillaires, comme le sont dans un ordre déterminé les ostéoplastes autour des canaux vasculaires dans le tissu osseux. 3 même des faces supérieure et inférieure de ce point osseux médian quand il a pris la forme d'un disque qui s'épaissit de plus en plus pour former bientôt un cylindre osseux diaphysaire, à mesure que ces deux faces empiètent sur le cartilage en s'avançant du côté des extrémités articulaires. Au fond, ici encore, ce fait rentre dans le cas de l'autogenèse os- seuse, ayant seulement lieu au sein du cartilage et non au milieu du tissu embryoplastique bordant la bouche, par exemple, ou du tissu fibreux des parois encéphaliques; et dans ce cas-là pas plus que dans ceux-ci on ne peut saisir la production ou prétendue sécrétion de l'os par un autre tissu, tel que le périoste, par exemple, ni le passage du noyau des corps fibro-plastiques de ce dernier à l'état d'ostéo- plastes. D'un embryon à l'autre on trouve des différences sensibles touchant l'ordre de l'apparition de ces points osseux. Quant à l'époque de leur apparition, la plupart des auteurs la font de cinq à huit jours plus ré- cente qu'elle n'est en réalité, ainsi que le montrent les renseignements précis que parfois on peut prendre à cet égard. Sur un embryon long de 24 millimètres du périnée au vertex, la petite plaque triangulaire osseuse représentant la mâchoire supérieure à son début était longue d'un demi-millimètre; le point osseux de la mâchoire inférieure était grêle, long d'un millimètre ; celui du cartilage de la clavicule ocoupait toute l'épaisseur de celle-ci et était long d'un millimètre. Le point os- seux conoïde placé au côté cubital du cartilage de l'humérus n'empiétait pas au delà de la moitié de l'épaisseur de ce cartilage. Un point os- seux de même forme existait sur le milieu de la longueur du cartilage du radius à son bord cubital et n'empiétait pas jusqu'au milieu de son épaisseur. A ce niveau, le bord opposé du cubitus, c'est-à-dire celui qui correspond au doigt auriculaire, présentait à la loupe et sous le microscope, une petite tache grisâtre plus foncée que le reste du carti- lage, mais non opaque. Un point osseux formant un petit disque occupait toute l'épaisseur du milieu du fémur et était un peu plus épais du côté interne de cet organe qu'au côté externe. Sur la face interne du cartilage du tibia exis- tait un point osseux conoïde empiétant déjà sur les deux tiers de la partie moyenne de ce cartilage. Le bord tibial ou interne au cartilage du péroné montrait, vers le milieu de sa longueur, une tache grisâtre demi-transparente, analogue à celle indiquée plus haut sur le cubitus, mais plus foncée. Sur un embryon déjà long de 30 millimètres depuis le périnée jus- qu'au vertex, les petites lames osseuses triangulaires du maxillaire su- périeur étaient longues d'un millimelrp; celles plus allongées presque quadrilatères, du maxillaire inférieur, avaient prés de deux tiers de mil- limètre de large et étaient longues de 2 millimètres et demi. Le point osseux de la clavicule avait 2 millimètres de long. Celui de l'humérus était cono'ide, comme sur l'autre embryon, mais plus gros ; il empiétait déjà sur les deux tiers de l'épaisseur du cartilage précédant cet organe, sans que, contrairement à ce qu'on voyait sur l'embryon ci-dessus, il y eût .encore trace sur le radius et sur le cubitus de point d'ossification, ni même de la tache grisâtre qui en annonce l'apparition. Sur le fémur le point d'ossification occupait toute l'épaisseur du car- tilage, mais était un peu plus épais vers sa face interne qu'à sa face externe. Sur le tibia existait un point d'ossification empiétant sur les trois quarts environ du cartilage, mais sans points osseux ni tache gri- sâtre même, dans le milieu du péroné. Ainsi dans les deux embryons les points d'ossification étaient plus avancés à la cuisse et à la jambe qu'au bras et à lavant-bras; mais le plus jeune avait déjà un point os- seux au radius et des traces d'apparition prochaine de l'os au milieu du cubitus et du péroné, alors qu'il n'y en avait pas sur ces derniers cartilages chez un fœtus plus long de 6 millimètres pour le tronc et la tête seulement. On remarquera aussi que ces points osseux des trois os longe de chaque membre apparaissent à leur côté interne, de sorte qu'il n'y a que pour l'humérus que le lieu occupé au début par ce point osseux conique, coïncide avec l'endroit qu'occupera plus tard le canal nourri- cier de l'os. Toutes les fois que l'os naît ctans un cartilage et se substitue à lui, celui-ci a déjà, lors de l'apparition de la substance osseuse, la forme générale de l'organe osseux qui le remplace peu à peu ; mais jamais l'os ne se produit dans tout le cartilage à la fois, et lors de son apparition il n'a ni la forme du cartilage au sein duquel il naît, ni celle qu'il aura par la suite. Ce dernier fait, du reste, s'observe également pour les os qui naissent sans cartilage préexistant. Toutes ces données prouvent qu'on ne peut avoir une notion exacte du développement du système osseux en général et de chaque os en particulier, si on l'étudié, ainsi que cela est l'usage, en faisant abstrac- tion de la forme et des autres caractères du cartilage préexistant à Tos; si Ton détruit ce cartilage par la putréfaction pour ne conserver que l'organe osseux qui vient de se substituer à lui. Il importe, au contraire, de savoir pour chaque os quand et comment naît le cartilage qui le précède, quand et comment naît la substance osseuse dans celui-ci. Enfin, il n'importe pas moins de suivre ensuite et d'une manière paral- lèle, en quelque sorte, les phases du développement des deux parties, cartilagineuse et osseuse, de chaque pièce squelettique jusqu'à ce que 5 celle-ci soit entièrement substituée à la première; car le cartilage con- tinue à présenter des changements évolutifs considérables, après l'ap- parition de l'os dans son épaisseur. Ces notions une fois acquises, en procédant de cette manière, vien- draient changer en bien des points les idées qui régnent encore sur ce qu'on nomme les lois de l'ostéogénie en particulier et sur le système osseux considéré soit dans la série des vertèbres, soit sur chaque espèce animale en particulier. En conduisant à déterminer exactement la nature réelle des tissus par la connaissance des éléments qui les composent et par celle de leur mode de naissance et de développement, l'anatomie générale apporte ainsi de notables modifications dans la manière, jusqu'à présent adoptée, d'envisager les systèmes anatomiques, et donne à leur étude une impor tance plus grande que celle qu'on croyait devoir lui attribuer 1;. 2" De la boule graisseuse de Bichat; par MM. Charles Robin et Gimbert. Lorsqu'on enlève la peau de la joue sur un enfant ou sur certains mammifères, on trouve dans le triangle formé par le muscle grand zygo- matique, le bord antérieur du masséter et le bord supérieur de la branche horizontale du maxillaire inférieur une masse adipeuse con- sistante, distincte du tissu graisseux -voisin, d'un volume, d'une forme et de dimension variables, suivant une série de conditions que je spé- cifierai plus loin. C'est cet organe que Bichat décrivait sous le nom déboule adipeuse. Expression impropre dans le sens rigoureux du mot, car la forme sphérique est loin d'être la seule qu'elle affecte constam- ment, mais qui est juste, en ce que toujours, quelle qu'elle soit, cette forme est une modification, une dépendance de la forme sphérique. Cette boule n'est point, isolée, comme on le croirait de prime abord; elle est le centre de développement d'un système adipeux avec lequel elle a la connexion la plus intime. Pour plus de simplicité dans la description, nous étudierons d'abord !a boule isolément, puis ses dépendances. Les premiers éléments de la boule et du tissu adipeux en général, apparaissent sur l'embryon humain vers le soixantième jour de la vie intra-utérine. Il se dépose d'abord de simples cellules adipeuses invi- d) J'établis d'abord que les os'existent à l'état cartilagineux avant de devenir solides par l'addition du phosphate de chaux, et je montre en- suite que c'est dans cet état primitif qu'il faut les observer, si l'on veut acquérir des notions exactes sur les phénomènes de leur formation. Serres, Comptes rendus de l'Académie des sciences, I8GI, t. LUI. 6 sibles à l'œil nu qui bientôt se multiplient et se groupent en petits lo- bules apparents, ressemblant tout à fait à des grains de semoule. Ces lobules se multipliant^ augmentant de volume, et s'agglomérant entre eux finissent par former une petite masse sphéroïde d'aspect jaunâtre plongée dans un tissu cellulaire très-lâche. Dès lors la bouie de Bichat est constituée. A partir de ce moment, elle va augmenter de volume, de consistance, changer de forme, d'aspect, suivant telle ou telle condition d'âge, de rapport, soit avec les organes voisins, avec le degré de masti- cation, succion, etc. Au moment de la naissance, elle a généralement la forme d'une sphère aplatie de dehors en dedans, ayante peu près 8 milli- mètres de diamètre transversal antéro-postérieur, et 3 à 4 millimètres d'épaisseur; elle est placée en avant du bord antérieur du maxillaire qu'elle touche par sa circonférence; elle est jaunâtre, très-granuleuse d'aspect, et les cellules qui la composent sont encore à l'état fœtal. A cette époque elle est déjà entourée d'une masse celhileuse qui semble constituer son milieu de développement, l'isoler du tissu graisseux sous-cutané, et que nous verrons former plus tard une membrane cellu- leuse. A mesure que le sujet grandit, la boule augmente de volutne ; chez un enfant de 2 ans elle a déjà des dimensions doubles, triples. Nous avons très-bien vu cet état chez un fœtus très-près de la naissance, et chez lequel déjà on a découvert très-bien la Communication du tissu adipeux de la boule avec celui de l'article. Cet organe adipeUx est des plus remarquables ; sa partie princi- pale est située entre le buecinateur en dedans, le masséter en dehors ; elle dépasse le bord antérieur de celui-ci d'une manière constante chez quelques sujets, et dans certains mouvements de la mâchoire seulement chez d'autres, pour s'avancer sous la partie antérieure du grand zygo- màtique eh haut, sous la couche adipeuse sous-cutanée de la joue en bas. — En bas, cette masse adipeuse repose en quelque sorte sur le fond du sillon qui existe entre les dernières molaires et le bord antérieur de la branche montante du maxillaire inférieur. Cette masse arrondie ou ovoïde, aplatie, est particulièrement celle que Bichat appelait boule graisseuse de la joue. Elle a le volume d'une grosse amande ou environ, chez l'adulte elle offre une surface nette, lisse, entourée et séparée du tissu adipeux j ainsi que des muscles voisins, par une mince couche de tissu amineux lâche qui permet de l'isoler facilement^ même chez le fœtus. En arrière, cet organe adipeux appuie contre 1 apophyse coronoïde et l'insertion du temporal, et là se prolonge par une bandelette un peu plus tenace que le reste de son tissu ; cette bande aplatie se dirige en arrière et embrasse l'apophyse coronoïde et l'insertion du muscle tem- poral à celle-ci. Là cette bande se prolonge entre ce muscle et l'arcade zygomatique jusqu'à sa racine transverse, où elle se termine en pointe 7 chez les jèunës sujets. Mais chez l'adulte elle s'élève plus haut en s'é- talàht sur le tendon du temporal où elle forme une couche graisseuse assez épaisse près de l'arcade, et interposée à ce muscle et à l'aponé- vrose temporo-zygomatique. L'àiltre partie de ce prolongement qui embrasse le bord antérieur du temporal remonte plus ou moins haut, suivant les sujets, et se termine soit en pbinte, soit en s'élargissâht éh forme de spatule, et alors s'en- fonce dans la fosse temporale contre la face interne du muscle de ce nom, soûs lequel elle se terminé par un bord bien limité. Au niveau de la basé de l'apophyse coronoïde, la boule adipeuse se prolonge par sa face interne en une bande qui se porte transversale- ment en dedans contre les insertions postérieures du buccinateur, s'en- fonce en s'épaississant Cdrttré le bord postérieur du maxillaire supérieur jusque dans les fosses zygomatiqUë et ptérygo-maxillaire et se termine eh arrière par une ektrémité renflée qui est logée entre le constricteur supérieur du pharynx et les muscles styliens. En haut cette portion pé- nètre dans la fente sphêro-mâxillaire jusque dans l'orbite contre le cous- sinet adipeUx oculaire, ou quelquefois se continue avec lui. C'est par la bdUle soUs-màssétérine que débute le développement de tous ces organes premiers adipeUx. Celle-là se montre vers la fin du deuxième mois sous forme d'une petite masse demi-transparente, gela- tihifdrme, rougeâtre, facile à isoler, riche en vaisseaux capillaires. Dans le Cours du troisième mois il s'y produit de petits grains jaunes repré- sentant les lobules adipeux eh voie de développement. Vers l'époque- de là naissance elle est sphèroïdale, àpiatie de dehors en dedans, large de 8 à 10 millimètres sUf une épaisseur moitié moindre. A deux ails elle a doublé de volume ; elle est quelquefois chez les enfants du double plus grosse d'un côté que de l'autre. Parfois elle envoie un prolonge- ment aplati, à bords mousses, qui cohtourne transversalement, sous Forme de demi-anneau, le bord antérieur du massétef, et s'étend sous le tissu adipeux propre de la joue, Contre la face externe de ce muscle au-dessous du grand zygomatique où il se termine en forme d'olive ou de petite amande à surface lisse. Ce prolongement n'est pas habituelle- ment de même forme des deux côtés sur le même sujet ; il est simple, bilobé ou même trilobé, et toujours à surface lisse, glissant sur le ttids- séter et sur le tissu adipeux voisin pat l'intermédiaire d'Une mince couche de tissu lamineUx très-extensible et peu résistant, qui laisse fa- cilement énucléer ces masses adipeuses. Vers l'âge de 3 à 4 ânS ou environ, la boule â pris une consistance plus ferme, et ses divers prolongements autour des muscles mastica- teurs et de la partie supéro-latérale du pharynx, mieux limités, s'isolent facilement des muscles et des os qu'ils touchent. Partout ce tissu dp- 8 venu plus compacte a pris une couleur jaune citron, une surface lisse et brillante, avec une mince couche de tissu lamineux humide entre elle et les organes contigus. Cet organe conserve cet aspect assez longtemps; ses dimensions va- rient peu depuis l'âge de 4 à 5 ans; elles diminuent avec l'âge et les maladies. Le chat, le chien et le lapin en sont dépourvus ; elle existe chez le porc et le rat. Cet organe et ses prolongements autour des insertions inférieures du temporal, en avant des ptérygoïdiens et entre les muscles sty liens et le constricteur supérieur, ont pour usage de combler les vides qui tendent à se former entre ces muscles et les os voisins, ainsi qu'entre le massé- ter et le buccinateur surtout, pendant les mouvements de mastication, de déglutition et de phonation. Pendant qu'en se contractant, ils se renflent en un point, la boule adipeuse ou ses prolongements, selon les muscles dont il s'agit, comprimés là, glissent vers l'excavation qui tend à se produire du côté de l'insertion opposée du muscle ; elle maintient ainsi un équilibre dans le volume relatif de chaque région et, par ce côté physique, prévient les tiraillements exercés sur les organes voisins directement actifs physiologiquement parlant. Dans les autres régions de la face, le tissu adipeux interposé aux muscles se continue avec celui qui est sous-cutané et dont il n'est pas séparé par une aponévrose; il n'est pas non plus séparé des muscles, ceux-ci manquant d'aponévrose d'enveloppe. Il s'enfonce entre les os de la face et ces muscles au delà de leurs points d'attache, et se pro- longe entre eux et la couche glandulaire sous-muqueuse des lèvres jusque dans le repli médian labio-gingival. Avant de terminer cette communication, nous ajouterons encore ici quelques mots touchant le coussinet adipeux de l'orbite. Il se présente sous forme d'une masse conoïde, moulée sur la cavité orbitaire dans laquelle sont comme noyés tous les autres organes de cette cavité, à l'exception de l'élévateur de la paupière supérieure qui forme comme un ruban rougeâtre à sa surface supérieure et médiane et la glande lacrymale en dehors et en avant. Il s'arrête au bord posté- rieur de celle-ci, mais se prolonge en une petite masse molle, à extré- mité mousse, le long de son bord supérieur et interne jusqu'au-dessus de l'angle externe de la paupière supérieure. Sur le milieu cette masse adipeuse s'avance en s'amincissant au-dessus du globe de l'œil jusqu'au bord frontal de l'orbite, et communique là avec le tissu adipeux de la région sourcilière sans descendre dans la paupière. Au bas et sur les côtés, il s'avance aussi en s'amincissant beaucoup au-dessous et de chaque côj,é du globe oculaire jusqu'au bord inférieur de l'orbite où il 9 se termine nettement, sans communiquer avec le tissu adipeux de la face ni remonter dans la paupière inférieure. Il n'est séparé de l'os que par le périoste, et empiète par une couche mince sur la face externe des quatre muscles droits et du grand oblique. En arrière, il s'étend jusqu'au trou optique et à la fente sphénoïdale sans pénétrer dans la cavité crânienne, mais par la fente sphéno- maxillaire en bas et en arrière, il se continue avec le tissu adipeux des fosses temporales et zygomatiques. La masse principale de cet organe premier formant coussinet, se trouve en arrière du globe de l'œil, dont elle est séparée par la capsule fibreuse ou aponévrose orbitaire, et elle est comme logée dans l'espace circonscrit par les muscles droits. Elle est traversée d'avant en arrière par les vaisseaux et nerfs allant au globe de l'œil. Ce coussinet est toujours d'un blanc jaunâtre, plus pâle que le tissu adipeux des autres régions. Il est plus mou et plus élastique; le tissu lamineux qui l'entoure, ou mieux le sépare des muscles, des nerfs, et qui le partage en lobules, est lui-même très-mou, comme glutineux, et il s'œdématie facilement; il est également très-vasculaire. Depuis l'époque de son apparition jusqu'aux premiers mois qui suivent la naissance, cet organe premier est facile à isoler des autres organes de l'orbite, et il est surtout remarquable par son aspect d'une petite masse gélatiniforme demi-transparente, rougeâtre, dans laquelle sont parsemés les lobules adipeux encore petits, larges seulement de quel- ques dixièmes de millimètre, et ressemblant à des grains de semoule. Iï. — Anatomie pathologique. 1" PRÉSENTATION RELATIVE A DIVERSES LÉSIONS DE NUTRITION, CONSÉCUTIVES aux hémiplégies anciennes; par M. Bouchard, interne des hôpitaux. Une femme (Hasard, Marie-Catherine), âgée de 79 ans, morte à la Salpêtrière. dans le service de M. Charcot (saile Saint-Jacques, 18), le 21 janvier 1864, était hémiplégique depuis trois ans. La paralysie avait débuté brusquement, mais sans perte de connaissance, par le bras gauche, et en même temps la parole était devenue impossible; il y avait eu aussi paralysie faciale du même côté. La malade put encore retourner chez elle ; mais quelques heures après le début des accidents, la jambe gauche se prit également. Cette paralysie n'a porté que sur le mouvement; la sensibilité a même paru exaltée, et souvent la malade se plaignait de douleurs du côté gauche. L'avant-bras gauche était plus chaud, plus coloré que le droit et présentait un état écailleux de la peau. 10 Ii y a Un ad, là malade se plaignit de céphalalgie et présenta bientôt un délire maniaque très-prononcê.  l'autopsie , on trouve un ramollissement jaune occupant le fond du sillon de îtolafldo, une partie de la circonvolution marginale antérieure avec la partie là plus postérieure de la deuxième circonvolution frontale et une certaine étendue de la circonvolution marginale postérieure. Les parties profondes de l'encéphale n'offraient aucune altération. Au contraire, on trouve dans les membres du côté opposé à la lésion les altérations suivantes : Les nerfs dit côté paralysé sont notablement plus volumineux que CeUx du côté sain, cette hypertrophie portant sur le tissu conjonctif in- terposé aux tubes nerveux. Les muscles du côté paralysé sont atrophiés, friables, d'une colora- tiOh jaune rougeâtre. et sous le microscope présentent Un grand nombre de granulations graisseuses dans les faisceaux primitifs dont la striation transversale a disparu. En même temps, ii y a multiplication des noyaux du sarCoiemme et accumulation d'un grand nombre de noyaux embryo- plastiques entre les faisceaux primitifs. Les articulations du côté malade présentent les altérations décrites par M. Teissier et attribuées par lui à l'immobilité prolongée : ramollis- sement, dépoli des cartilages, hyperémie de la synoviale. De plus, les extrémités osseuses sont considérablement raréfiées, et l'épaisseur du tissu compacte y est dans une proportion très-marquée moins considé- rable que du côté opposé. Enfin, la matière médullaire qui, des deux côtés, a subi la transfor- mation graisseuse sénile, est, dans les épiphyses du côté gauche, le siège d'hémorragies formant des ecchymoses plus ou moins étendues et rappelant l'a9pect des os atteints de rachitisme au premier degré. Rien de semblable n'existe à droite. 2° SUPPURATION DES VOIES BILIAIRES ; FIÈVRE INTERMITTENTE SYMPTOMATIQUE ; par M. V. Cornil. D..., âgé de 83 ans, admise à la Salpêtrière le 14 septembre 1854, entre à l'infirmerie le 21 octobre 1863, dans le service de M. Charcot. Le 20 octobre, elle avait éprouvé pendant la nuit un frisson suivi de chaleur et de sueur. Des accès fébriles tout à fait semblables la repren- nent le '2:5, à doux heures du soir, et le 24, à onze heures du matin. Le 25 octobre, elle a été prise d'un frisson violent avec tremblements, qui a duré depuis six heures du matin jusqu'à neuf heures. Pendant ces trois heures, elle était cyanosêe et poussait des cris causés par une douleur qu'elle rapportait à la région du flanc gauche. A la visite du 11 matin, le- faciès de la malade est très-altéré, la peau est chaude, la température centrale est de 40°, le pouls est fréquent, la langue blan- châtre, la bouche amère, la soif vive. L'auscultation de la poitrine est négative, à l'exception d'un bruit de souffle doux au premier temps dii cœur, qui paraît être endocardiaque. Pendant son accès fébrile, elle laisse involontairement échapper ses urines. Le soir, la température centrale est de 40°; la malade se plaint tou- jours de la région splénique. A la percussion, la rate paraît volumineuse et donne environ 12 centimètres de matité dans son plus grand dia- mètre. On prescrit 80 centigrammes de sulfate de quinine. 26 octobre. Nouveau frisson ce matin, à cinq heures, suivi presque immédiatement de chaleur brûlante. La température de la peau est très-élevée au moment de la visite; la température centrale est de 39*4; le pouls esta 96 pulsations. La douleur est à la fois aujourd'hui au flanc gauche et à l'hypocondre droit. On la provoque très-vive par la pression au niveau des fausses côtes droites. On prescrit 1 gramme de sulfate de quinine. 27 octobre. La malade a été abattue hier pendant toute la journée. Elle n'a pas eu de frisson. Ce matin, la face est très-altérée, la peau possède une teinte jaunâtre plombée. Le pouls est à 80 pulsations. La température centrale est abaissée à 37°|; la douleur de la malade est la même aux régions splénique et hépatique. Les urines sont très-chargées et laissent déposer un sédiment rouge. Pas d'albumine. On continue le sulfate de quinine à la dose de 1 gramme. 28 octobre. Dans la journée d'hier, la malade A éprouvé deux frissons, l'un à midi, l'autre dans la soirée. Enfin, elle a été prise par un frisson ce matin, à huit heures. Elle se plaint de douleurs en ceinture allant d'une région hypocondriaque à l'autre. Langue sèche. Amertume de la bouohe. On prescrit 1^,50 de sulfate de quinine. 29 octobre. Elle n'a eu de frissons ni dans la journée d'hier ni ce matin. La douleur, son siège aux hypocondres, dans les reins, l'amer- tume de la boUche, sont les mêmes. La face est jaunâtre, grippée. La peau est brûlante, la température centrale est de 39°*. Làuscultation ne fait rien entendre ni au poumon ni au cœur. La malade a rendu une selle bilieuse. Les urines ne sont pas âlbuminéUses et ne contiennent pas de matière Colorante biliaire. Le soir, à sept heures et demie, frisson peu prolongé. La température centrale, prise quelques minutes après lé début du frisson, donne 40' |. 12 Pendant toute la nuit, elle a ressenti une chaleur brûlante dans tout le corps. 30 octobre. 100 pulsations. Température centrale à 38° {. La face est grippée, les mains violacées. La douleur des hypocondres a cessé com- plètement. On peut presser sur ces régions sans provoquer de dou- leurs. Continuer le sulfate de quinine, 1R,,50. Mort le 31 octobre, à une heure du matin. Autopsie faite le 1er novembre. Le péricarde offre, sur la face anté- rieure du cœur, une petite plaque laiteuse. Le cœur contient du sang noir, sans caillots fibrineux; son volume est normal; l'aorte est suffi- sante. Les orifices auriculo-ventriculaires sont sains. La surface interne de l'aorte est remarquablement saine dans toute son étendue. La plèvre droite renferme quelques cuillerées d'un liquide purulent dans lequel nagent de fausses membranes fibrineuses non adhérentes et molles. Le larynx et la trachée sont normaux. Le poumon droit présente, à la surface da lobe inférieur, des pseudo- membranes infiltrées de pus, molles et peu épaisses. La partie posté- rieure du lobe inférieur est dure, résistante; on voit sur sa surface une plaque rouge lie de vin. Sur une coupe, la plaque précédente corres- pond à un noyau de la grosseur d'une noix, qui est dur et planiforme sur la surface de section. Sa couleur est grisâtre, sans granulations, et Con en fait suinter du pus par la pression. Ce noyau est entouré par un tissu vivement congestionné. Une petite artère pulmonaire de la grosseur d'une plume de corbeau, qui se rend à cette portion du pou- mon, est remplie par un caillot fibrineux adhérent. Ce caillot se termine brusquement à la limite externe du noyau de pneumonie purulente, et le reste du calibre de l'artère pulmonaire, en remontant dans ses bran- ches plus volumineuses, est complètement libre. Le reste du lobe infé- rieur offre sur la surface de coupe de petits points rouges ecchymo- tiques. Les lobes supérieur et moyen sont congestionnés, ainsi que le poumon gauche. Le foie est volumineux, mou; les lobules hépatiques sont assez gros, rouges à leur centre fc gris à leur périphérie. La vésicule biliaire est pe- tite, ne contient pas de calculs volumineux, mais seulement une assez grande quantité de gravier rouge biliaire. Les conduits biliaires sont presque tous remplis par de petits graviers dont les plus gros ont la grosseur d'un petit pois, qui sont durs, rugueux, rouges, et de sable fin de même nature; ils sont composés de pigment et n'oblitèrent en aucun point les voies biliaires dans lesquelles ils sont libres. Tous ces canaux sont dilatés. En pratiquant une coupe à la face inférieure du foie, on 13 tombe dans un accès purulent. Le liquide qui s'échappe est épais, comme gélatineux ou caséeux, blanchâtre; il est moins fluide, moins jaune que le pus ordinaire; il ressemble un peu à de i'amidon cuit. La poche qui renferme ce pus est anfractueuse et paraît lobulée à première vue; en l'ouvrant entièrement, on voit qu'au lieu d'une cavité unique, on a affaire à plusieurs canaux ramifiés qui se continuent directement avec les canaux biliaires voisins et viennent se rendre dans l'une des deux branches principales du conduit hépatique. Les parois en sont formées par une membrane mince à fibres circulaires avec de petites glandes. Ce sont des canaux biliaires dilatés, de la grosseur du petit doigt, et pleins dun liquide purulent. Dans le liquide de cet abcès on ne trouve pas de calculs biliaires. Les éléments anatomiques de ce pus sont des leucocytes à plusieurs noyaux mesurant de 0,009 à 0,014, et des cellules en fuseau et cylindriques. Le tronc et les branches de la veine porte sont libres. La rate est volumineuse, molle, diffluente; elle mesure 13 centimètres en longueur. Les reins ne sont pas altérés. Vessie normale. Le canal digestif, ou- vert dans toute son étendue, ne présente aucune lésion. L'utérus est petit; le vagin contient un liquide purulent, et sa mu- queuse est tapissée par une couche pseudo-membraneuse mince et molle, sous laquelle elle est injectée. Pas d'escarres. Aucune solution de continuité de la peau. Les muscles psoas, iliaque et cervicaux sont sains; les côtes sont friables. Les veines des membres ne renferment pas de caillots. III. — Pathologie comparée. Sur l'altération graisseuse sénile des vaisseaux de l'encéphale CHEZ CERTAINS MAMMIFÈRES; par M. VuLPIAN. M. Vulpian a cherché si chez les mammifères, lorsqu'ils avancent en âge, les vaisseaux de l'encéphale présentent les altérations que l'on constate chez l'homme dans la vieillesse. Il a constaté que des granula- tions graisseuses commencent à se déposer dans les parois des vaisseaux encéphaliques chez le chien, alors même qu'il est encore jeune. Ainsi l'on trouve déjà de fines granulations graisseuses sur quelques vaisseaux de petites dimensions à l'âge de 15 mois ou de 2 ans. La quantité de ces granulations augmente ensuite avec l'âge. On ne voit pas, ou du moins ce doit être très-rare, des altérations concomitantes dans les cellules nerveuses. Il faudrait, il est vrai, pour s'assurer du fait, pouvoir exami- ner des animaux très-âgés, et c'est ce que l'on n'a pas pu faire. C'est 14 dans les vaisseaux de la substance grise dus diverses parties de l'encé- phale, mais spécialement dans ceux des hémisphères cérébraux, qu a lieu surtout le dépôt des granulations graisseuses. On peut observer des altérations du même genre chez le lapin, chez le rat, et il est probable qu'il en est de même au moins chez la plupart des mammifères. Dans les premiers mois de la vie les vaisseaux ne présentent rien de sem- blable. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE FEVRIER 1864, Par M. le Docteur DUMONTPALL1ER, secrétaire. PRÉSIBIMÏ DE II. UWL 1. — Anatomie pathologique. ' i ' De l'altération de l'aorte et du plexus cardiaque dans l'angine de poitrine; par M. Lancereaux. L'incertitude des données que nous possédons jusqu'ici relativement au mode de production de l'angine de poitrine m'engage à faire part à la Société de quelques faits qui pourront peut-être servir à éclaircir un jour la pathogénie de cette affection. Obs. —Un homme robuste, âgé de 45 ans, et qui à plusieurs reprise» avait été traité à l'Hôtel-Dieu dan9 le service de clinique de M. le professeur Hostan, succomba tout à coup à un accès d'angine de poitrine. Après avoir été militaire pendant quatorze ans, ce malade qui, en Afrique, s'était adonné à des accès d'absinthe, habitait dans ces derniers temps Paris, où il exerçait la profession de terrassier. Au mois d'octobre 1862. 10 revenant de son travail et ayant en face un vent froid et humide, il fut pris d'un accès d'étouffement qui l'obligeait à s'arrêter à chaque in- stant ; la nuit il ressentit des douleurs dans les bras. A cette époque, soif très-vive et depuis longtemps exagérée ; appétit violent. Des accès analogues au précédent et occasionnés, soit par le travail, soit par le café, soit par la marche contre le vent, surviennent de nouveau ; le malade en compte plusieurs jusqu'au mois de janvier, où il se trouve un peu mieux ; serrement épigastrique très-douloureux remontant vers la gorge, s'y fixant et produisant une sensation d'étranglement; douleur parfois s'irradiant dans le bras gauche; anxiété précordiale intense, frissons, douleurs dans les oreilles; exagération de certaines sécré- tions, sueurs abondantes au visage, impossibilité de retenir l'unne : tels sont les principaux phénomènes de ces accès dont la durée est gé- néralement courte, de quelques minutes seulement. En février et en mars, les accès deviennent plus fréquents. En mai, le malade est un peu mieux; au commencement de juin, il est prisa deux jours d'intervalle de deux nouveaux accès, dont le dernier est suivi de vomissements muqueux verdâtres. Le même accident se pro- duit encore le 16 du même mois et dans les mois qui suivent. Dans l'intervalle des accès, ce malade n'est pas entièrement bien portant; il accuse des palpitations, une gêne et une sorte de malaise à la région précordiale, quelquefois même de la douleur. Il est«du reste essoufflé sitôt qu'il monte un escalier ou qu'il marche un peu vite. À la base du cœur, l'oreille a la sensation d'un bruit de souffle peu prononcé, mais néanmoins très-distinct, qui a son siège à l'orifice aortique. Fréquence plus grande des accès dans le mois d'octobre ; intensité plus considéra- ble sur la fin de novembre et dans les premiers jours de décembre. Le 5 de ce mois, survient un accès d'une violence inaccoutumée, et le 7, à dix heures du soir, la mort eut lieu tout à coup au début d'un nouvel accès. A l'autopsie, on constata l'existence d'une lésion de l'aorte. Entre les deux orifices des artères coronaires rétrécies au point de permettre à peine l'introduction d'un stylet, se trouve une plaque saillante de plu- sieurs centimètres d'étendue, à rebords festonnés, et composée en grande partie de tissu conjonctif de nouvelle formation. Situé entre la couche interne et la couche moyenne, le néoplasme paraît contenir dans son épaisseur de fines arborisations ; la tunique externe de l'aorte était en tout cas, au niveau surtout de son adhésion à l'artère pulmo- naire, le siège d'une vascularisation anormale extrêmement riche. Le plexus cardiaque qui, comme on sait, repose sur cette portion du vais- seau artériel, participait à cette vascularisation, et quelques-uns de ses filets se trouvaient compris dans une sorte de gangue ou de plasma 17 appliqué à sa tunique externe épaissie. L'examen microscopique des filets nerveux et des ganglions montra d'une façon positive que de nombreux noyaux ronds se trouvaient interposés sous forme d'amas entre les éléments tubuleux qu'ils comprimaient plus ou moins ; la por- tion médullaire de ces éléments était d'ailleurs grisâtre et grenue. Ainsi, à la lésion de l'aorte venait s'ajouter une altération manifeste du plexus cardiaque, et dans la paroi du vaisseau, comme au sein du plexus nerveux, on constatait l'existence d'une vascularité exagérée et d'une hyperplosie des éléments de substance conjonctive. Un tubercule calcaire, provenant sans doute d'un ganglion lymphati- que crétacé, se rencontrait en outre au niveau du point de récurrence du nerf laryngé inférieur gauche, où il adhérait au névrilème. Les val- vules aortiques à peine altérées étaient seulement un peu épaissies au niveau de leur bord adhérent. Le coeur, sain, contenait en petite quan- tité un sang noir et liquide. Les autres organes n'étaient pas lésés, le foie excepté, lequel était un peu gros. Rapproché de deux cas que j'ai eu l'occasion d'observer dans ces dernières années, et dans lesquels la mort étant survenue subitement, je trouvai à l'autopsie , une lésion aortique ayant même siège, mêmes caractères, et donnant également lieu à un rétrécissement notable des artères coronaires ; ce fait porte à penser que l'angine de poitrine pour- rait bien, dans quelques ras au moins, reconnaître pour cause une al- tération du plexus cardiaque; car si dans les deux derniers faits le plexus cardiaque ne fut pas examiné, l'altération de l'aorte à son ni- veau indique suffisamment qu'il ne devait pas être entièrement intact. Dans une autre circonstance et chez un malade qui, avec une affection cardiaque en apparence légère, offrait de temps à autre de violents accès de dyspnée, je rencontrai encore une lésion aortique très-analo- gue. On ne peut nier en tout cas, en présence des résultats expérimen- taux fournis par la galvanisation du pneumo-gastrique, que l'altération du plexus cardiaque ne rende compte des symptômes et de la termi- naison brusque et si souvent funeste des accès d'angine de poitrine. Les faits dont il vient d'être question me paraissent, quoi qu'il en soit, mériter une certaine attention, quand surtout on sait la fréquence dés lésions aortiques dans les cas d'angine de poitrine ; de leur connais- sance d'ailleurs résultent des indications thérapeutiques spéciales. A la phlegmasie de l'aorte et du plexus nerveux doivent en effet s'adresser les moyens de traitement, et comme pour arriver à un résultat utile en pareil cas, il importe de connaître les influences sous lesquelles se sont développées ces lésions, nous dirons que deux fois la diathèse rhuma- tismale, une fois l'abus du tabac et de l'absinthe ont paru produire les modalités pathologiques dont il s'agit. C. R, ï 18 IL — Pathologie 1* Ictère grave; atrophie rouge aiguë du foie; par le docteur Jules Worms. Obs. — Tiéret, soldat au 4e régiment de voltigeurs de la garde, âgé de 29 ans, est au service depuis huit ans. C'est un individu trapu et très- fort. Il n'a jamais été malade et ne passe pas pour avoir été ivrogne. Ses camarades supposent qu'il a eu dans les dernières semaines qui pnt précédé sa maladie quelques chagrins d'amour. Il est établi que le jeudi 18 février il se portait parfaitement bien. Le lendemain, il monte la garde, se plaint au poste d'être sans appétit çt de se sentir mal à l'aise. Le samedi, il fait une promenade à pied avec ses amis pour se remettre. Le dimanche, il se sent plus mal, éprouve des frissons, de l'abattement; il lui est impossible de se lever. Il éprouve des douleurs dans le ventre, et ses camarades remarquent l'apparition de la jaunisse. Dans la journée du lundi, l'abattement est à son comble, il survient des vomissements bilieux. On transporte le malade â l'hô- pital dans la soirée du lundi (quatrième jour depuis l'invasion de la maladie). Le médecin qui le reçoit constate un ictère d'intensité moyenne, un refroidissement notable de la peau, un pouls lent et à peine sensible, un état d'abattement physique et d'anéantissement in- tellectuel qui lui fait porter le pronostic le pius grave. Le malade succombe dans la matinée de mardi, après être resté de- puis la veille au soir dans un état de .torpeur constant et sans avoir rendu de matières stomacales ou intestinales, et n'avoir présenté aucune hémorrhagie. L'autopsie est faite douze heures après la mort. La peau présente une coloration ictérique peu intense; mais les sclé- rotiques sont jaune ocre. Aucune ecchymose n'existe sur le corps; les gencives sont recouvertes d'une croûte sanglante. Les poumons sont congestionnés aux deux bases. Le cœur droit est rempli de sang poisseux, coagulé à peine dans quelques points. Les petits caillots sont gélatiniformes. Le cœur gauche renferme du sang liquide grumeleux. Pas de coagu- lations dans les vaisseaux. La rate mesure 14 centimètres de long sur 10 de large; elle est très- .iiolle et friable. L'estomac renferme 550 grammes de liquide noir d'encre; le micro- scope démontre que cette matière noire qui dépose au fond du vase est constituée uniquement par des globules de sang déformées. Le grand i.ul-de-sac de l'estomac présente des ecchymoses très-petites, nom- breuses et disséminées. La couche muqueuse est ramollie. •Iv. Les reins ne présentent aucune altération ni apparente ni histolo s;ique. Les parois de la vessie sont normales Le bord inférieur du foie se trouve à trois travers de doigt au-dessus du rebord costal. Il présente une coloration rouge foncée. Il est très- petit et ressemble à un foie d'enfant. Le diamètre transverse n'est que de 24 centimètres; le perpendiculaire de la vésicule à l'émergence de la veine cave 15 centimètres. Le foie ne pèse que 940 grammes (le poids moyen du foie de l'adulte est de 1,200 grammes). La vésicule renferme GO grammes de bile très-noire et épaisse. La capsule de Glisson est plissée, épaissie en certains points et for- mant sur la glande des arborescences. Il est évident qu'il a constitué. un revêtement trop ample pour la glande diminuée de volume. La substance hépatique est très-ramollic et friable. A l'œil nu on n'est pas frappé par une notable modification d'aspect des différentes coupes du foie. Il y a bien un point liséré jaune, mais qui est loin de présenter cette marqueterie propre à la cyrrhose. L'examen microscopique révèle les faits suivants : Les cellules hépatiques sont complètement détruites. Çà et là seulement on voit des lambeaux d'enveloppes cellulaires. Les granulations pigmentaires en grande abondance. Quelques noyaux de cellule libres et subissant un commencement de transformation graisseuse ; mais en somme il y a à peine des globules de graisse. En somme, les caractères morbides du foie sont : 1" Une diminution approximative d'un quart sur le poids et le volume du foie; 2° La fonte complète des éléments glandulaires, les cellules hépati- ques; 3° L'absence presque complète de la graisse; 4° L'abondance de granulations pigmentaires. 2° Albuminurie saturnine; par MM. A. Ollivier et Dodueil, INDIVIDU ROBUSTE QUI, AU BOUT Df. DEUX MOIS DE SÉJOUR DANS UNE FABRIQUE DE BLANC DE CÉRUSE, EST PUIS DE COLIQUES DE PLOMK; ALBUMINURIE. MORT TRENTE-CINQ JOURS APRÈS DE PLEURO-PNEUMOME. AUTOPSIE : LISIONS RÉ- NALES COMMENÇANTES, PRÉSENCE DU PLOMB DANS LES REINS. Joseph Ducarme, âgé de 28 ans, chauffeur, entre le 30 décembre 1863 dans le service, de M. Pelletan. à la Charité, salle. Saint-Michel, n* f». 20 Cet homme est dune vigoureuse constitution ; il n'a jamais eu de mala- die antérieure sérieuse. Manquant d'ouvrage, il entre à la fabrique de Clichy, où il reste deux mois; il s'est très-bien porté pendant les six premières semaines. Les accidents datent de quinze jours; d'abord peu intenses, ils ont progressivement augmenté. Au moment de l'entrée à l'hôpital, les douleurs abdominales sont très- vives; elles siègent surtout dans les régions ombilicale et épigastrique. Le ventre est rétracté ; la pression modérée, avec la paume de la main, augmente un peu la douleur. Le malade n'est pas allé à la selle depuis trois jours ; son appétit a diminué, la langue est blanche, le liséré gingival est très-marqué. Le pouls est calme; la percussion et l'auscultation n'indiquent au- cune lésion thoracique. Le soir même de l'entrée à l'hôpital, on administre au malade un éméto-catarthique assez énergique. 31 décembre. Le malade a eu de nombreuses évacuations; il est un peu soulagé. Les urines sont assez limpides, peu colorées. La chaleur et l'acide nitrique y décèlent une forte proportion d'albumine. (Pres- cription : bouillon de veau, lavement purgatif des peintres, une pilule d'extrait thébaïque 0,05, cataplasmes laudanisés, bouillons et potages.) 1er janvier. Les douleurs sont encore assez vives; la proportion d'al- bumine n'a pas varié. (Prescription : médecine commune du Codex.) L'emploi d'un purgatif plus ou moins énergique est ainsi continué presque chaque jour. Les coliques diminuent lentement. L'examen des urines est fait avec exactitude. Aucune variation n'est constatée jusqu'au 12 janvier; mais le 13, le précipité est beaucoup •moins abondant. Il reste assez faible pendant six jours; mais le 21, la quantité d'albumine apparaît de nouveau aussi forte qu'au début. Le malade prend quelques bains sulfureux ; son appétit revient gra- duellement; il mange deux portions. Aucune autre variation n'est constatée du côté de la sécrétion rénale. Les autres symptômes s'améliorent, mais avec beaucoup de lenteur. 28 janvier. Le malade éprouve depuis hier une vive douleur dans l'hypocondre droit. La pression est intolérable dans cette région. (Fric- tions belladonées.) 30 janvier. La douleur de l'hypocondre n'a pas disparu. De nouveaux accidents se montrent dans le thorax. Nous trouvons de la matité dans le tiers inférieur du poumon droit. Cette matité est presque absolue, tout à fait en bas. A l'auscultation, on perçoit quelques râles crépitants •t de la broncho-égophonie. Les crachats sont un peu visqueux, mais 21 n'ont rien de bien caractéristique. Le pouls est rapide et la dyspnée assez intense. (Potion avec tartre stibié.) , 31 janvier. Les phénomènes thoraciques augmentent un peu déten- due. L'état général est mauvais. (Potion stibiéer vésicatoire; entre deux cuillerées de la potion contro-stimulante, on donne une cuillerée do vin de quinquina.) 2 février. Le malade continue à s'affaiblir; la pleuro-pneumonie lait des progrès; on entend de la broncho-égophonie, du souffle mêlé de râles crépitants, 36 respirations par minute, pouls faible, 104 pulsa- tions. Le malade succombe dans la nuit du 4 au 5 février. Les urines n'ont pas cessé d'être albumineuses. L'autopsie est pratiquée le 6 février. A la base de la poitrine du côté droit, nous trouvons dans la plèvre un épanchement purulent d'environ 300 grammes. Entre les deux feuil- lets de la plèvre du même côté existent plusieurs petites collections purulentes en nappe. Presque tout le lobe inférieur du poumon droit est atteint de pneu- monie au second degré. Le péricarde renferme près de 1 50 grammes de sérosité louche. La séreuse est un peu injectée, mais elle n'est le siège d'aucun enduit. L'intestin est revenu sur lui-même; il présente une injection mo dérée. Les vaisseaux des reins se dessinent d'une manière très-nette à la surface de l'organe. Lorsqu'on pratique une coupe, on constate une in- jection des substance corticale et médullaire. Dans la substance corti- cale à la teinte rouge s'ajoute une nuance jaunâtre bien manifeste. L'examen microscopique nous montre que les tubuli sont presque complètement remplis de cellules dissociées et de granulations. Dans les points où il n'existe à l'œil nu que de l'injection, les cellules épithé- liales apparaissent granuleuses; dans ceux qui sont, au contraire, colo- rés en jaune, la paroi des cellules disparaît et le contenu granuleux s'accumule dans les tubes. Ce contenu, hâté par l'acide azotique et par l'alcool, se coagule. On calcina les deux reins en les arrosant d'acide azotique. Le résidu fut repris ensuite par l'eau distillée, puis abandonné au repos pendant vingt-quatre heures; on filtra le liquide ainsi obtenu, puis on versa quelques gouttes de sulfhydrate d'ammoniaque, et il se forma un léger précipité noir. III. - Pathologie comparée. DU SARCOPTE DE LA GALE CHEZ LE RAT , par M. LeGROS. Ayant eu dernièrement à ma disposition trois rats atteints de la gale, j'en ai profité pour étudier le sarcopte particulier à cette espèce. C'est au jardin des plantes que ces animaux ont été pris : ils servaient à des expériences physiologiques dans le cabinet de M. le professeur Longet, à l'Ecole pratique. L'affection se trouvait limitée aux oreilles et aux parties génitales. On trouve, sur ces points, des croûtes jaunâtres en assez grand nombre, envahies par l'insecte parasite; les oreilles sur- tout, chez un de ces animaux, étaient tellement malades qu'elles n'é- taient plus reconnaissables : elles formaient de chaque côté de la tête deux monticules, sur lesquels les sarcoptes, avec leurs œufs et leurs nvmphes, étaient rapprochés au point de se toucher. Examinés au microscope, les insectes adultes présentent une grande ressemblance avec le sarcopte de l'homme, mais ils en diffèrent par plusieurs particularités intéressantes. Le sarcopte du rat n'a point, comme celui de l'homme, le ventre couvert de poils; la partie posté- rieure du corps en est également dépourvue ; sur les parties latérales, les poils que l'on remarque sur le parasite de l'homme sont remplacés '"V de petites saillies cornées; enfin, chez celui du rat, les pédicules qui supportent les ventouses sont beaucoup plus courts. Ces différences paraissent suffisantes pour que l'on soit autorisé à considérer le sarcopte du rat comme une espèce à part : elle n'est d'ail- leurs décrite dans aucun ouvrage. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE r . r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE MARS 1864; ( Pa-r M. le Docteur DUMONTP ALLIER, secrétaire. PRESIDENT M M. RAYER. 1. — Physiologie. î?R>kENt PRÉCIS OtF SE PRODUIT CHEZ LA GRENOUILLE LE BATTEMENT DU COEUR : par M. Judée. Le 6 août 1862, j'incisai sur la ligne médiane et de haut en bas la peau de la poitrine d'une grenouille de belle grosseur; je pus voir ainsi par transparence fonctionner le cœur de cet animal. En prenant quelques précautions il me fut facile alors de constater qu'à un moment donné ce cœur offrait comme une pulsation, et que cette pulsation avait lieu lorsque cet organe avait acquis son plus grand volume. J'attaquai par une seconde incision longitudinale les parties molles, de façon à permettre au cœur de faire hernie à travers la plaie, et je vis 24 de la manière la plus manifeste qu'à chaque diastole seulement cette hernie se produisait et qu'immédiatement après elle disparaissait. La hernie, dans ces cas, était la plus forte, ou mieux se produisait au moment où la dilatation était arrivée à son apogée, c'est-à-dire lorsque la portion ventriculaire, en s'allongeant, avait fait disparaître presque complètement l'oreillette. Je répétai un grand nombre de fois ces deux ordres d'expériences, et j'arrivai toujours aux mêmes résultats. L'année suivante, à peu près à la même époque, je recommençai mes expériences sur les grenouilles. J'enlevai à un certain nombre d'entre elles les couches de fibres musculaires placées au devant du cœur; je vis d'abord : 1° que la portion auriculaire du cœur, soit pendant la diastole, soit pendant la systole, conservait sa coloration rouge; 2° que la portion ventriculaire pâlissait seulement pendant la systole, et encore d'une façon incomplète. Je constatai ensuite que bien que l'oreillette conservât sa coloration, elle n'en chassait pas moins le sang dans le ventricule avec une certaine force. Sous l'influence de cette contraction, le ventricule se dilatait brusquement, principalement dans le sens de sa longueur. Cette dilatation, considérée en elle même, présentait des particula- rités sur lesquelles je crois devoir insister : ainsi, quoique extrêmement brusque, on pouvait cependant la décomposer en deux espèces de temps. Dans le premier temps, l'allongement se produisait principale- ment vers la pointe du cœur; dans le second, il se passait, vers la base du ventricule qui semblait courir au devant de l'oreillette dont le vo- lume devenait de moins en moins appréciable au moment où l'allonge- ment du ventricule était arrivé à son apogée, une sorte de soulèvement du cœur, ou mieux encore un battement se produisait, et immédiate- ment après le ventricule pâlissait, autrement dit se contractait. En résumé, en faisant l'expérience dans ces conditions, voici ce que l'on observait : d'abord allongement de la portion ventriculaire, jus- qu'au moment où cet allongement était le plus considérable, sorte de soulèvement du cœur, puis immédiatement après raccourcissement. Ces diverses expériences me semblent démontrer de la façon la plus nette que tout au moins chez la grenouille le soulèvement du cœur, c'est-à-dire le battement du cœur, ne se produit ni pendant la diastole ni même, à proprement parler, pendant la systole du ventricule, mais bien plutôt entre les deux, précisément au moment où chez les animaux pourvus de valvules les leurs se relèvent, tandis que les autres s'abais- sent; autrement dit encore, à l'instant où le cœur commence à durcir. 25 li. — Pathologie. Plusieurs attaques de coliques de plomb chez un homme robuste oui ne fit jamais d'excès alcooliques; albuminurie persistante; urémie a forme dyspnéique; a l'autopsie, néphrite parenchymateuse; pas d'oedème des méninges ; la consistance et le volume du cerveau ne sont pas aug- MENTÉS ; par le docteur Auguste Olxivier. Ferdinand Vidal, âgé de 32 ans, entre le 26 février 1864 à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Charles, n* 10, dans le service de M. le pro- fesseur Piorry. C'est un homme d'une haute stature, à large poitrine et bien musclé ; il est seulement un peu pâle et ne présente aucune trace d'ictère. Son père est mort à 70 ans, nous dit-il, des suites d'un asthme, et sa mère d'un accident pendant une grossesse. Ses frères et ses sœurs se por- tent très-bien. A l'âge de 18 ans, il eut une légère blennorrhagie qui dis- parut en très-peu de temps; depuis lors aucune autre maladie véné- rienne. Il ne fit jamais d'excès alcooliques. A aucune époque il n'é- prouva de douleurs rhumatismales ; sa nourriture a toujours été bonne et son logement salubre. II est marié depuis huit ans et n'a pas d'en- fants. Travaillant au tuyautage des chaudières de machines à vapeur, il manie fréquemment le blanc de céruse et le minium. En 1852 (c'était la deuxième année qu'il exerçait ce métier), il fut pris de coliques de plomb qui durèrent près d'un mois. Au sortir de l'hôpital, il put reprendre son travail. Depuis cette époque il eut à di- verses époques des attaques de coliques saturnines. En 1862, il alla en Amérique pour monter des machines destinées à fabriquer de la glace au moyen de l'ammoniaque. Sa santé fut bonne, en apparence du moins, pendant onze mois. Il était à Lima depuis peu de temps, lorsqu'un jour il perdit connaissance au milieu de son travail. On la transporta immédiatement à l'hôpital, où il resta quarante-quatre jours. Il ne tarda pas à tomber dans une agitation très-grande, puis dans un délire furieux, et Ion dut le lier dans son lit pendant dix-huit jours. On le saigna, on lui appliqua des sangsues derrière les oreilles et des vésicatoires aux aines et aux jambes. Les médecins qui le soignè- rent, et qui lui donnèrent plus tard ces renseignements, lui dirent qu'il avait été empoisonné par le plomb. Il portait du reste, à cette époque, un liséré gingival bleuâtre bien prononcé. A peine rétabli, il revint en France. Il chercha à reprendre aussitôt son travail, mais il ne le put. 11 avait sans cesse de la courbature, des maux de tète; ses digestions étaient mauvaises. Il y a vingt jours, il s'a- perçut que ses paupières étaient bouffies, au point de l'empêcher de 2b fermer les yeux. Cette bouffissure ne tarda pas à se propager à la lace, au cou, au tronc, puis aux membres. La vue devint faible, et l'urine, excrétée dans les vingt-quatre heures, diminua de quantité. Jamais le malade ne fit attention à la coloration de ses urines. Son état ne s'amé- liorant pas, il vint alors à l'hôpital de la Charité dans l'état suivant : Bouffissure de la face et œdème presque généralisé; à l'auscultation, quelques râles sous-crépi tants en arrière de là poitrine ; pas d'épanche- ment pleurétique; un peu d'hébétude ; réponses lentes mais nettes ce- pendant. De temps à autre, il semble au malade qu'il a un nuage de- vant lés yéûx. Les urines sont rares, très-albumineuses (chaleur et acide nitrique;, et l'examen microscopique permet d'y reconnaître un grand nombre de dépouilles épithéliales. 28 février. Le malade accuse de la céphalalgie et a quelques nausées; il est toujours un peu somnolent et éprouve de la gêne dans la respira- tion, gêne qui, par instants, devient plus prononcée, surtout vers lé soir. L'examen du thorax ne révèle que quelques râles sous-crépitants eh arrière. 1" mars. Gêne de la respiration, plus grande par moment; voix un peu rauque ; bruit laryngo-trachéal ; à l'auscultation et à la percussion, on ne trouve qu'un peu d'oedème pulmonaire en arrière et en bas. Lek battements du cœur sont précipités, mais ne s'accompagnent pas dé bruits anormaux. L'état des reins n'a pas changé. L'œdème est géné- ralisé ; pas d'ascite. 6 mars. Véritables accès d'orthopnée ; du côté du thorax, mérite ab- sence de signes Capables d'expliquer suffisamment la dyspnée; inspira- tion bruyante ; somnolence. Les jours suivants, les mêmes phénomènes ne firent que s'aggraver, et le malade succomba comme asphyxié le 12 mars. Autopsie faite trente-six heures après la mort. Pas trace de putréfac- tion. Ûmne. Les méningés né sont pas épaissies et se détachent «isémeut; elles ne sont pas injectées. Le cerveau est un peu pâle, et sa Consis- tance n'est pas augmentée; les circonvolutions ne Semblent pas non plus aplaties. Un très-grand nombre de coupes pratiquées en tous sens ne permettent de reconnaître aucune trace de foyers hémorrhagiqueS soit anciens, sôit récents. La protubérance, lé bulbe et le cervelet offrent le même état que le cerveau. fJûrynx et poumons. Léger œdème des deux replis aryténo-épi^k>t- tiques, mais cependant, non assez développé pour Oblitérer l'orifice su- périeur do larynx. Il n existe ri mjeenon tii sur «es replis ni sur le reste de là muquêàSe îàryngfce. Lés pouvons sont un peu congestionnés ; œdème pulmonaire en àr rière et en bas ; pas d'épanchement pleural. Le péricarde ne contient point de liquide; le cœur gauche est un peu hypertrophié; les valvules auriculo-ventriculaires et artérielles ne sont point altérées. Petit caillot dans le ventricule droit. L'artère pulmo- naire, examinée aussi loin que possible, ne présente rien de particu- lier. Abdomen. Il n'existe pas d'épanchement péritonéâl. Le foie est nor- mal et la rate volumineuse. Les reins sont atrophiés; la membrane fibreuse qui les enveloppe se détache aisément, et au-dessous d'elles, on aperçoit un très-grand nom- bre de granulations. L'examen histologique a été fait par mon excellent âmi SI. Cornil. « Lès granulations qui ont à l'œil nu tous les caractères des vraies granulations de Bright, qui font saillie à la surface, et existent dans toute l'épaisseur de la substance corticale, sont entourées à leur péri- phérie d'un cercle vasculaire très-développé. Elles sont un peu moins opaques que le tissu qui les entoure, qui estgris jaunâtre, tandis qu'elles- mêmes ont une certaine transparence et une coloration grise. Je les ai étudiées sur des coupes parallèles ou normales à la surface du rein, et lé plus grand nombre d'entre elles nous a donné les résultats suivants: « La granulation elle-même vue sur une coupe était composée par un groupe de tubes urinifères contournés avec un ou plusieurs glomérules de Màlpighi. Les parties constituantes du rein qui composaient la gra- nulation brightique paraissaient à un grossissement de 40 diamètres beaucoup plus transparents que les parties environnantes. Ces derniè- res étaient à ce faible grossissement opaques à la lumière directe, blan- ches à la lumière réfléchie, caractères qui devaient tout d'abord faire penser à une dégénération graisseuse avancée du contenu des tubes urinifères. Il y avait en outre une grande différence de volume entre les éléments de la granulation et de sa périphérie : Les tubes urinifères qui faisaient 'partie de la granulation avaient leur volume normal. ^'Qiim Q4 _ 0m,",05de diamètre); ceux du contraire de la substance cor- ticale environnante étaient atrophiés, et réduit à la moitié ou au tiers de leur âiamètre normal (0°"n,02 — 0m,n,03). Les cloisons interpo- sées aux tubes urinifères, cloisons qui sont composées, comme on le sait, de tissu conjonctif et de capillaires, étaient minces dans la granula- tion et plus larges dans le tissu périphérique où les vaisseaux capillaires étaient distendus et remplis de sang. Ainsi, à un faible grossissement, les éléments du rein qui formaient, la granulation paraissaient sains ; les tubes urinifères étaient transparents, leurs diamètres et la trame cel- lulo-vasculaire du rein étaient normaux ; au contraire, le tissu rénal pé- 28 riphérique aux granulations était très-altéré, les tubes urinifères étaient très-petits, leur contenu était opaque et les capillaires injectés. « A un grossissement de 200 diamètres, on pouvait voir très-nette- ment sur les mêmes coupes que les tubes urinifères de la granulation étaient remplis par des cellules épithéliales pavimenteuse à noyau sphé- riquede dimension normale, contenant elles-mêmes des granulations très- fines dont la majorité disparaissait par l'addition d'acide acétique ou de soude : quelques-unes d'entre ces cellules contenaient aussi des granu- lations graisseuses extrêmement fines; qu'au contraire, dans les tubes urinifères du tissu périphérique à la granulation se trouvaient des cel- lules très-petites et toutes pleines de granulations graisseuses plus ou moins volumineuses de 1 à 3 millièmes de millimètre. Là, en outre, les cloisons qui séparaient les tubes ouïes glomérules présentaient des granulations .pigmentaires colorées, trace persistante d'hyperémie, et des granulations graisseuses généralement situées autour des noyaux ou dans leur intérieur. Ces mêmes granulations pigmentaires et graisseuses existaient dans un grand nombre des glomérules. «Les pyramides de Malpighi étaient presque à l'état normal, et les tubes partiellement altérés. « Ainsi, en résumé, ces reins offraient la dégénération graisseuse des cellules épithéliales, des vaisseaux capillaires et des glomérules qui sont la caractéristique de la néphrite albumineuse ou parenchymateuse persistante. Dans ce cas, les granulations de la substance corticale (troi- sième degré de M. Rayer) étaient constituées par un tissu rénal presque sain, tandis que dans les parties voisines, les tubes urinifères étaient atrophiés et leurs cellules en pleine dégénération graisseuse. « Ce fait, que j'ai eu l'occasion de constater plusieurs fois de la con- servation du diamètre des éléments du rein dans la granulation brighti- que, tandis que les mêmes éléments s'atrophiaient dans le tissu voisin, rend parfaitement compte de la saillie des granulations à la surface ré- nale ; en effet, la partie du rein qui s'atrophie se condense et s'affaisse, tandis que l'ensemble des éléments qui conservent leur volume pri- mitif reste au même niveau, et par conséquent fait saillie au-dessus de la partie qui s'affaisse. » On retrouva dans les reins des traces manifestes de plomb. COMPTE RENDU DES SÉANCES LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D' AVRIL 1864, Par M. le Docteur DUMONTP ALLIER , secrétaire. PRESIDENCE DE M. MER I. — Anatomie pathologique. Mixome fibreux scrotal ; par M. Louis Odier, interne des hôpitaux. Emile Petit, âgé de 16 ans, tailleur de pierre, doué d'une robuste constitution, entre le 9 avril 1864 à l'hôpital Beaujondans le service de M. Morel-Lavallée pour se faire enlever une tumeur scrolale. Il nous raconte que cette tumeur a débuté il y a six ans sans cause connue, qu'elle s'est accrue lentement jusqu'en 1862, où son volume est resté stationnaire ; elle n'a jamais déterminé de douleurs, a com- mencé à se développer au fond du scrotum, bien au-dessous des testi- cules, et ne révèle sa présence que par la gêne qu'elle occasionne. Le jour de l'entrée du malade à l'hôpital, nous constatons que son état général est excellent. La tumeur scrotale a le volume des deux poings réunis, elle est 30 ovoïde, à diamètre transversal un peu supérieur au diamètre vertical, portant quelques bosselures vagues ; elle est de consistance fibreuse, non douloureuse à la pression. Recouverte par la peau du scrotum, qui pré- sente des veines dilatées, elle est mobile sur toute sa surface, sauf en un seul point à gauche, où il y a une adhérence intime entre la peau et la tumeur. Cette adhérence serait récente, au dire du malade, et due à une contusion qui aurait amené un peu d'inflammation en ce lieu. Les testicules sont intacts et situés au-dessus de cette grosseur. On dirait en voyant cette production scrotaie, quelle y a été déposée comme une pomme dans un sac. Les ganglions sont normaux, l'état général excellent. Le 13. M. Morel-Lavallée enlève la tumeur en faisant deux incisions elliptiques tranversales qui se réunissent par leurs extrémités, et qui embrassent toute la portion de peau adhérente à la tumeur, puis par une dissection minutieuse , il détache la tumeur des tissus ambiants. Le malade n'a pas été chloroformé. Il n'y a pas eu d'hémorrhagie. Réunion de la plaie au moyen de serre-fines. La cicatrisation se fait rapidement, et le malade sort guéri au bout de trois semaines. Examen de ta pièce. La tumeur enlevée a une forme ovoïde du vo- lume d'un œuf de dinde, Sa surface est presque lisse, et présente néan- moins de petits mamelons circonscrits par des tractus de tissu con- jonctif. Sa consistance est élastique et ferme. La couleur de sa surface est jaunâtre, semi-transparente, rappelant un peu le lipome. La surface de section présente des tractus d'apparence fibreuse entre croisés les uns avec les autres. En le raclant avec un scalpel, on obtient un liquide tout à fait transparent qui ne contient que des globules san- guins. La coloration de la surface de coupe est jaunâtre, semi-transparente, ^'apparence colloïde, un peu poisseuse au toucher. En imprimant de petits mouvements à la tumeur, on détermine une sorte de tremblement qui rappelle un peu celui de la gélatine. La vascularisation n'est pas très-prononcée : on y voit cependant de petites traînées rouges qui ne sont autre chose que des capillaires. Ces vaisseaux sont plus nombreux dans de certaines parties qui présentent alors une coloration uniforme. Nous devons à l'obligeance de notre ami et collègue, M. Cornil, la note suivante sur l'examen microscopique : « Le liquide pris en raclant la tumeur présente des globules san- 31 guins, des débris de fibres, el en aucun pojnl on ne trouve des cellules épithéliales volumineuses. « En examinant des coupes minces, on voit des fibres qui s'entre- croisent en diverses directions. Ces fibres sont assez transparentes, et contiennent des noyaux volumineux. En certains points, surtout dans des îlots circonscrits par des fibres, on trouve un grand nombre de noyaux réunis. Dans d'autres endroits, au milieu des tractus fibreux les plus considérables, on trouve des fibres élastiques fines en nombre con- sidérable. « Les noyaux observés dans cette tumeur mesurent de 0"m,004, à 0min,006 de diamètre. Quelques-uns de ces noyaux sont plus volumi- neux, iJS'Sont granulés et vésiculeux. Enfin on trouve des cellules gra- nuleuses et arrondies, ayant encore de O^QOS à O^.Ol qui contiennent un noyau.;? Jïn résumé, ce que nous avons sous les yeux est une forme de tumeur fibreuse décrite par Virchow sous le nom de mixoma fibrosum dans son livre Des tumeurs, vol. I, 1863, 15e leçon. II. — Physiologie pathologique. Note sur la cause de la coloration rouge dans l'inflammation ; REcrtËA- ches expérimentales ; par MM. Alfred Estor et Camille S.\int4*IWHie, professeurs agrégés à Montpellier. Nous avons été frappés de l'analogie qui existe entre les phénomènes de coloration rutilante observés dans les veines des organes glandulaires au moment de leur activité fonctionnelle (Cl. Bernard, Journal ée physiologie), et les phénomènes offerts par le sang dans les tissus en- flapimés dont la rougeur est, on le sait, un phénomène très-constant. En conséquence, nous avons institué des expériences sur le dosage de l'oxygène dans le sang des parties enflammées. Nous déterminons ufte inflammation très-vive sur la patte d'un chien à l'aide de cautérisations profondes et transcurrentes. Après des temps variables après Ja cauté- risation (de 30 à 50 heures), nous retirons 15 grammes de sang dans la veine crurale du .membre sain et 15 grammes de sang dans la veine crurale du sang enflammé. Nous dosons ensuite l'oxygène en déplaçant ce gaz par l'oxyde de carbone, selon la méthode de M, Cl. Bernard- Nos dosages corrigés ont donné en volumes d'oxygène rapporté^ % 100 volumes de sang : 32 Expérience. Côté enflammé. Côté sain. I 6,01 2,41 ni 6,04 2,40 IV 4,74 2,36 V 3,60 2,40 VI 4,80 2,40 Nous avons dosé de plus l'acide carbonique dans les expériences II et VII. Enfin l'oxygène contenu dans le sang artériel a été dans l'expé- rience VI = 7,20. Nous concluons : 1° A la simple vue, quand l'inflammation est vive le sang veineux du côté enflammé est plus rouge que celui du côté sain ; 2* Le sang veineux du côté enflammé renferme constamment plus d'oxygène que le sang du côté sain. Le rapport est de 1 à lr50 ou 2,50; 3» Le sang veineux du côté enflammé contient aussi plus d'acide car- bonique ; 4° Comme à une plus grande quantité d'oxygène correspond, on le sait, une coloration plus ou moins rutilante du sang veineux, nous concluons que c'est à l'état rutilant du sang veineux qu'il faut attribuer la couleur rouge des parties enflammées. III. — Pathologie. 1* TuBERCULISATION PULMONAIRE; APHÉMIE ET PARALYSIE DE LA SENSIBILITÉ DO CÔTÉ DROIT DUES A UNE PLAQUE DE RAMOLLISSEMENT SUPERFICIEL DES CIRCONVOLUTIONS DU LOBE POSTÉRIEUR GAUCHE ; par M. CoRML. Le 16 février 1864 est entré à Lariboisière, n° 19, salle Saint-Landry, dans le service de M. le docteur Hérard, le nommé Jiraudou (Joseph), âgé de 31 ans, journalier. Il est incapable de donner des renseignements tant soit peu suivis sur son état antérieur, car toutes les fois qu'il essaye de parler, il ne prononce, malgré ses efforts, que des mots mal articu- lés, il bégaye et laisse sa phrase inachevée pour en commencer une autre également inintelligible. Tout ce que nous avons pu recueillir en fait d'antécédents par l'in- firmier qui a causé avec les personnes qui l'ont accompagné, c'est qu'il était malade depuis environ quatre mois, que son état a empiré depuis quinze jours, et que hier matin en venant de Saint-Denis pour se faire recevoir à l'hôpital à Paris, il fut pris subitement en chemin de fer, sans perdre connaissance de cet embarras de la parole qu'il conserve encore et dont il paraît très-affecté. Etat actuel. La face est légèrement animée et couverte de sueur, 33 n'offrant rien autre de particulier à noter. La température de la peau est peu élevée, son pouls est régulier et n'indique qu'un peu de fré- quence ; la langue est couverte d'un enduit brunâtre, elle ne présente aucune déviation et jouit librement de tous ses mouvements; la bouche est mauvaise, le malade éprouve de la soif, mais il n'a pas complètement perdu l'appétit, il n'y a pas de nausées ni de vomissements. L'aspect du ventre n'offre rien à noter, la pression y révèle seulement un peu de douleur; depuis quelque temps le malade paraît avoir deux à trois selles diarrhéiques par jour. Il n'y a rien à noter du côté de la vue et de l'ouïe; les mouvements et la force musculaire sont parfaits, autant que sa faiblesse due à sa maladie générale peut le permettre ; mais la sensi- bilité cutanée fait défaut à tout le côté droit jusqu'à peu de distance de la ligne médiane. Le malade est insensible de ce côté aux piqûres d'é- pingle, et n'apprécie nullement la température ni la forme des corps avec lesquels on met sa main en rapport. La sensibilité musculaire paraît intacte, le maladeaccusant de la douleur lorsqu'on presse un peu fortement ses masses musculaires. Il a le sentiment de l'attitude dans laquelle on place son membre en lui fermant les yeux, et il se sert par- faitement de son membre insensible pour boire; sa marche paraît n'offrir rien d'anormal ; il sent le sol sous ses pieds. Il porte un vésicatoire au bras droit. L'examen de la poitrine par la percussion donne en avant de la ma- tité dans làs creux sous-claviculaires plus marquée à droite, en arrière un son obscur, surtout aux sommets. L'auscultation fait entendre à droite du souffle caverneux et du gargouillement ; à gauche faiblesse de res- piration et des râles sous-crépitants. En arrière et encore en haut, les mêmes bruits éloignés et de la faiblesse de respiration. Le malade tousse et expectore abondamment des crachats muco-purulents ; il se plaint du mal de gorge, l'inspection directe des parties n'indique rien. Son intell gence, malgré l'embarras de la parole et l'impossib lité qu'il éprouve d'exprimer ses idées, paraît intacte ; il ne sait lire ni écrire, mais par des signes et les mots inarticulés qu'il prononce, il répond affirmativement ou négativement et à propos sur les questions qu'on lui adresse. Trois ou quatre jours après son entrée on commence à constater une amélioration sensible au point de vue de la parole et de la sensibilité cutanée qui commence à revenir par le membre inférieur. Depuis cette époque jusqu'au 24 avril, jour de la mort qui est survenue par les pro- grès de la tuberculisation pulmonaire, le malade avait recouvré peu à peu complètement la parole et la sensibilité, sauf un léger bégayement qu'il conservait encore, et une sensibilité obtuse qu il conservait sur une plaque cicatricielle qu'il portait à l'avant-bras droit. C. R. S 'M Nécropsie faite le 26 avril 1864. Cœur sain. Adhérences des plèvres des deux côtés, exsudations fibrineuses en forme de langue de chat sur la plèvre du lobe inférieur du poumon droit. Poumons. Caverne aux deux lobes supérieurs communiquant directe- ment avec les bronches. Foie. Adhérences anciennes; à la coupe la périphérie des lobules pa- raît grise et leur centre rouge. Reins assez gros, mous ; la substance corticale, dont la surface est lisse présentée la coupe une coloration grisâtre opaque. Uate normale. Intestin. Ulcérations arrondies, possédant à leur centre et à leurs bords des granulations tuberculeuses à la surface péritonéale corres- pondante. Crâne mince, dure-mère saine, pie-mère œdémateuse, surtout au niveau de l'endroit ramolli ; elle se détache aisément. Après avoir enlevé la pie-mère et constaté que les circonvolutions du lobe frontal ont leur consistance et leur coloration normales, ainsi que la scissure de Sylvius et l'insula de Reil, on voit que la deuxième des circonvolutions du lobe postérieur gai che qui naît de la circonvolution postérieure du sillon de Rolando présente une plaque d'environ 12 cen- timètres carrés, déprimée, de coloration jaunâtre, opaque à sa surface. On voit en outre, sur cette surface qui est lisse et polie, de petites ar- borisations vasculaires injectées. La consistance de cette partie est molle, tremblotante comme de la gélatine; la pie-mère n'y adhère pas, et lorsqu'on en fait une coupe on apprécie le ramollissement du tissu qui la forme. Au-dessous de la couche superficielle qui est jaunâtre, comme il vient d'être dit, et qui représenté le vestige de la substance grise corticale des circonvolutions, se trouve un tissu mou parfaitement blanc, ramolli, d'une étendue de près d'un centimètre. Lorsqu'on fait une préparation microscopique de cette portion de cerveau, on peut enlever un lambeau de la portion jaunâtre corticale qui se détache facilement du tissu sous-jacent; cette membrane portée sur la lame de verre donne, quand on la prépare, un liquide laiteux comme une émulsion, et opaque qui est uniquement constituée par des granulations graisseuses les unes libres, les autres réunies sous forme de corpuscules granuleux. La membrane tout entière présente un substratum composé de vaisseaux les uns injectés, les autres vides; ces derniers couverts de corpuscules granuleux. Dans la partie blanohe sous-jacente l'examen microscopique démontre ;5o des cellules nerveuses et des tubes nerveux ; des gouttelettes de sub- stance médullaire, et une grande quantité de granulations graisseuses libres ou réunies sous forme de corpuscules granuleux. Rien dans tout le reste du cerveau examiné partout sur des tranches minces. Pas de tubercules ni dans la substance cérébrale ni dans la pie-mère qui accompagne les vaisseaux de la scissure de Sylvius. Dans cette observation, un malade qui jusque-là parlait bien, est pris tout d'un coup, dans le parcours de Saint-Denis à Paris en chemin de fer, d'un embarras de la parole; il bredouille, a perdu la mémoire des mots; il est paralysé de la sensibilité du côté droit; son intelligence pa- raît intacte; il comprend et exécute ce qu'on lui demande de faire. Pendant l'espace de deux mois que nous l'observons à l'hôpital, la sen- sibilité revient peu à peu et avec elle l'usage de la parole ; il conserve seulement un peu de bégaycment. D'après les symptômes, il est bien certain que tes troubles de. la sensibil té et de la parole sont venus, et se sont amendés en même temps. Or l'autopsie nous montre une lésion unique; nous sommes donc parfaitement en droit de rapporter à la lé- sion observée les troubles de la parole, bien que le siège de l'altération anatomique soit en arrière de la circonvolution postérieure du sillon de Rolande. Cette observation, du reste, n'est pas, nous devons le dire, complète- ment analogue à celles rapportées par MM. Broca, Charcot, etc.; la perte du langage articulé n'était dans notre cas ni aussi absolue ni aussi persistante. 1" Phlébite spontanée de la veine fémorale chez un jeune sujet; par M. le docteur Peter. Un jeune homme de 16 ans entre le 26 mars 1864 à l'Hôtel-Dieu, ser- vice de M. le professeur Trousseau. Il a une fièvre vive, un aspect typhoïde, il raconte que sa maladie a débuté quatre jours avant son entrée à l'hôpital par une vive douleur dans l'aine droite, et il croit que cette douleur est due à ce qu'il avait beaucoup scié de bois la veille. Quoi qu'il en soit, le pied droit est rouge et tuméfié, le mollet et la cuisse sont également tuméfiés. Il y a de plus une douleur intense dans toute la partie interne de la cuisse et dans la région inguinale correspon- dante. Cette douleur augmente par la pression, et l'on sent profondé- ment, sur le trajet des vaisseaux fémoraux, un cordon dur et cylin- droïde au milieu d'un empâtement périphérique. On diagnostique une phlébite. Violente impulsion du cœur, sans bruit de souffle à la pointe. Soif ar- 36 dente; fièvre intense. Albuminurie très-légère. Loquacité pendant le jour, délire tranquille la nuit. Le 29, huitième jour de la maladie, vomissements et délire dans la journée. Mort à six heures du soir. A l'autopsie, on trouve que la veine fémorale est oblitérée dans toute son étendue, c'est-à-dire de l'arcade fémorale jusqu'à l'anneau du troisième adducteur. La veine poplitée est également oblitérée jusqu'au tiers inférieur de la jambe exclusivement. La veine iliaque externe, la veine iliaque primitive et la veine cave sont complètement perméa- bles. A l'intérieur de la veine fémorale on constate que les parois du vais- seau ont plus que quintuplé d'épaisseur, l'ouverture restant béante comme le ferait l'incision d'une artère. Cette altération des parois com- mence au point de jonction de la fémorale avec la S3phène interne et se prolonge vers le pli de l'aine. Malgré1 cette altération des parois, la tunique interne a conservé sa blancheur et son poli habituel. Dans toute l'étendue où existe l'épaississement des parois vasculaires se trouve un caillot grisâtre, formé de couches concentriques, dont les plus externes sont les plus cohérentes, et dont la couche tout à fait exté- rieure adhère intimement à la tunique interne, de sorte qu'il faut un certain effort de traction pour l'en détacher; on peut même soulever tout le vaisseau en tirant sur le caillot. La partie centrale de celui-ci est formée de couches mal agrégées, comme pultacées, à demi liquides, et qui s'écrasent à la moindre pression. Cependant il n'y a pas là de col- lection liquide et jaunâtre, semblable à du pus, et qui en pareille occur- rence est formée par de la fibrine à l'état liquide. Au niveau de ce caillot, la veine fémorale présente une dilatation ampullaire telle que son calibre est plus considérable que celui de la veine cave inférieure. Ce caillot se termine en haut par un prolongement fibrineux, caudi- forme, de 1 centimètre environ de longueur; en bas, au contraire, on n'observe plus qu'un caillot rouge noirâtre, de formation évidemment très-récente. Le caillot de la veine poplitée est également un caillot cruorique, et à son niveau, comme dans les points de la veine fémorale où le caillot a cet aspect, les parois vasculaires n'ont pas augmenté d'épaisseur. Sur un point de la tunique 'nterne de la veine fémorale, là où elle a augmenté d'épaisseur et près du confluent de la veine saphène interne, se voit une te >l,° très-blanche, de 2 millimètres de diamètre, très-régu- lièrement circulaire, faisant à peine saillie au-dessus de la tunique interne. Dans le voisinage on découvre une dizaine de petits points semblables, du volume d'une tête d'épingle. Cette tache est formée par 37 un dépôt interstitiel d'un peu plus de 1 millimètre d'épaisseur, consti- tué, ainsi que le prouve le microscope, par une matière granuleuse, amorphe, et de nombreux noyaux, c'est-à-dire par une substance qui n'est autre que la matière des exsudats phlegmasiques. La veine fémorale, au niveau des points où elle est ainsi altérée, est intimement adhérente au tissu cellulaire ambiant, et sa tunique externe est très-dépolie. 11 n'y a pas de caillots dans V artère pulmonaire, examinée dans toutes ses divisions. Les poumons sont absolument intacts. 11 n'y a rien au cœur. Hyperémie notable du cerveau à sa surface et surtout à sa base; il y a un peu de piqueté cérébral. Nulle part il n'y a de trace de phlegmasie méningée. Il n'y a d'épanchement ni dans la cavité de l'arachnoïde ni dans les ventricules. Les plaques de Peyer sont saines. La membrane muqueuse de l'estomac présente quelques érosions lon- gitudinales, probablement cadavériques, car il n'y a pas d'injection à l'entour. On n'a malheureusement pas examiné les reins. En résumé, il y a ici tous les caractères d'une coagulation faite sur place dans la veine fémorale, et toutes les altérations anatomiques de la phlébite : épaississement des parois vasculaires et dépôt fibrineux inter- stitiel. La cause de l'affection est obscure, et la marche en a été rapidement funeste, sans qu'il soit possible de comprendre la cause prochaine de la mort, sinon par une adultération hypothétique du sang. 3° Glycosurie aiguë; par le docteur M. Peter. N... âgé de 28 ans, entre le 24 mars 1864 dans la salle Sainte-Agnès, à l'Hôtel-Dieu, service de M. le professeur Trousseau. .C'est un homme maigre, chétif, qui depuis deux mois s'est livré à un travail bien au-dessus de ses forces; il a été véritablement surmené. Depuis cette époque il a maigri, pâli et perdu ses forces. Cependant son appétit s'est accru et il éprouve une soif ardente depuis trois semaines. N... entre à l'hôpital avec un aspect typhoïde type; sa langue est sèche et râpeuse, son œil ébrieux. sa marche hésitante et chancelante. Il a une légère céphalalgie. Il y a huit jours une épistaxis pou abon- dante a eu lieu. Il tousse un peu depuis si'if.emaines. Pouls à 108; peau sèche. On constate que le foie est volumineux, el dobordo les fau$5«j côîcs 33 de trois travers de doigt; il envahit tout l'épigastre; il n:est d'ailleurs pas douloureux. La respiration est normale, le murmure vésiculaire s'entend partout avec une égale clarté. Le premier jour de sa résidence à l'hôpital, cet homme boit 18 litres d'eau de Vichy et mange deux portions seulement. Il rend à peu près 18 litres d'une urine qui pèse 1040, réduit énergiquement la liqueur de Frommherz et décolore 30 à 40 gouttes de teinture d'iode. Il a pris comme médicament 10 grammes de craie lavée. Le 28, il ne boit que 9 litres, urine en proportion; le liquide pèse 1029 et présente les mêmes réactions. A partir du 29, l'urine est rendue en quantité plus considérable que celle du liquide ingéré; ainsi, le 29, le malade boit 8 litres de liquide et rend 9 litres 1/2 d'urine; le 30, il boit encore 8 litres et en urine 9; le. 1" avril, il boit G litres seulement et urine 9 litres. La densité de l'u- rine oscille entre 1027, 1023 et 1030. L'état général est mauvais; il y a de la langueur, de la fièvre, mais pas de malaise nettement accusé. Absence de sueurs. Le 5 avril, 6 litres de boisson et 8 litres 1/2 d'urine ; le ti, 4 litres i/2 de boisson et 6 litres 1/2 d'urine. Le 11, la fièvre augmente, le pouls est à 112, le malade ne peut plus se lever, il reste immobile dans son lit; l'appétit a complètement dis- paru; la soif a notablement diminué; il ne boit plus que 2 litres et a uriné 1850 grammes seulement d'un liquide toujours très-riche en gly- cose. Il n'y a pas de céphalalgie, pas de troubles de la vue. Le foie est toujours aussi volumineux, toujours indolent. Les reins sont indolents. La mort a lieu le 13 avril, après une agonie paisible. A l'entrée du malade on avait été frappé de la coloration presque bronzée de sa face et de la couleur noirâtre de son pénis. A Yautopsie, on ne trouve aucune altération des capsules surrénales. Les reins ne sont ni plus volumineux ni plus vasculaires qu'à l'état normal. L'intestin, l'estomac et les poumons ne présentent aucune al- tération. Le foie a doublé de volume; le lobe droit a 19 centimètres de hauteur; le lobe gauche, qui s'étend jusqu'à la rate, est long de 20 cen- timètres, et la longueur totale du foie est de 34 centimètres. L'organe est granuleux dans toute son étendue; sa couleur est d'un gris jaunâtre uniforme, sa densité considérable; il résiste à la pression et ne se laisse pas pénétrer par le doigt. Il crie sous le scalpel et la surface de sa coupe, au lieu d'être lisse, est granuleuse elle-même. La capsule fibreuse et les trabécules qui segmentent le foie ont augmenté d'épaisseur; mais ce sont surtout les acini qui ont notablement augmenté de volume ce 39 sont eux qui font à la coupe cette saillie qu'on a indiquée. Aussi l'hy- pertrophie ne porte pas tant sur les parties fibreuses que sur la partie fondamentale et sécrétante du foie. Au microscope, on constate que les cellules hépatiques, loin d'être détruites ou atrophiées, ont augmenté de nombre et de volume. Le quatrième ventricule, comparé à celui d'un individu mort tout au- trement, ne présentait aucune différence appréciable. La vascularisation n'y était pas plus considérable et la couleur y était la même. Au-des- sous de la membrane ventriculaire on ne trouvait pas au milieu des cellules nerveuses ces dépôts de matières hématiques, ces globules granuleux signalés dans quelques cas de diabète. Réflexions. — II est impossible de ne pas être frappé, dans ce fait, de la corrélation qui existe entre l'hypertrophie de la partie sécrétante du foie et la glycosurie. Ainsi, la production de glycose augmente dans l'organisme au point que ce produit doit être éliminé par les rôins> et voici qu'on trouve non-seulement une augmentation de volume de l'or- gane, mais surtout dans l'organe ainsi modifié, une augmentation de volume et de nombre des éléments sécréteurs. Tout cela est d'accord avec la théorie glycogénique de M. CL Bernard. D'un autre côté, l'affection ayant duré peu de temps et la polyuriè ayant été peu considérable, il n'y a pas eu hypertrophie notable des reins. Il convient de noter ici que M. le docteur Luys, qui a fait l'exa- men du quatrième ventricule de notre malade, a affirmé qu'il existait une lésion caractérisée par une coloration jaunâtre de la paroi du qua- trième ventricule et un état variqueux des vaisseaux superficiels. Tou- tefois, M. Luys reconnaît que ces altérations ne sont pas aussi nettement accusées que dans certains faits de diabète à marche chronique. C© qui est également remarquable, au point de vue symptomatique, c'est la rapidité insolite de la marche et la ressemblance que Cette ma- ladie a présentée avec la dothinenlérie (par l'affaissement et la stu- peur) et même avec la phthisie aiguë (par le marasme). Combien de diabétiques perdent chaque jour et pendant longtemps de plus grandes quantités de glycose que cet homme, qui ne meurent pas aussi rapide- ment ni avec le même corlége de symptômes typhoïdes! •i° Syphilis congénitale; péri-hépatite syphilitique; gommes du foie et décollement des épiphyses ; par M. Ranvier. D... Z..., couturière, âgée de 18 ans, entre le 19 janvier 1864 dans le service de M. Simonet à l'hôpital de Lourcine. Légèrement lympha- tique et délicate de constitution, cette jeune fille est enceinte de six mois; elle e«t atteinte de plaques muqueuses peu saillantes de l» 40 ■vulve et de l'anus, d'adénopathie inguinale, double, spécifique, d'adé- nopathie cervicale postérieure, de plaques opalines aux amygdales et d'une roséole discrète généralisée. Tous ces accidents remontent à un mois ; il nous est impossible d'a- voir des renseignements plus précis sur leur début. Aucun traitement n'a été suivi jusqu'à ce jour. Dans le service, cette malade ne fut soumise à aucune médication spécifique. Sous l'influence de badigeonnage avec une solution de nitrate d'argent au centième, les plaques muqueuses disparurent au bout de quinze jours. La roséole s'éteignit spontanément. Aucun accident nouveau n'était survenu, quand les premières dou- leurs de l'enfantement se firent sentir dans la journée du 16 mars. On transporta alors cette femme dans le service de M. Verneuil, elle y ac- coucha dans la soirée, au huitième mois de sa grossesse, d'une petite fille chétive, qui au moment de sa naissance ne présentait aucune ma- nifestation syphilitique. Cette enfant fut nourrie par sa mère; elle prit bien le sein. Aucun traitement ne fut prescrit ni à l'une ni à l'autre. Le 10 avril, on examine cette enfant pour la seconde fois, et on lui trouve au niveau de l'olécrane gauche une ulcération d'un centimètre de diamètre à bords réguliers, taillés à pic, épais et décollés, dont le fond est pulpeux et grisâtre. L'os n'est pas mis à nu. La fille de salle et la religieuse du service racontent alors qu'une semaine ; près sa naissance, cette petite fille présenta au même point une tumeur, qu'elles avaient d'abord prise pour un furoncle. Cette tu- meur dure, rouge et de la grosseur d'une petite noisette, s'est ramollie peu à peu et a donné lieu à une ulcération qui s'est ensuite agrandie. MM. Verneuil et Simonet n'hésitent pas à considérer cette ulcération comme le résultat de la fonte d'une gomme syphilitique. Le lendemain, on trouve sur les grandes lèvres quelques papules sèches à peine saillantes. On voit aussi à la face trois papules sem- blables. L'amaigrissement se prononce davantage, et la mort survient le 13 avril sans être précédée d'aucun phénomène spécial. La mère a une nouvelle éruption de plaques muqueuses, mais aucun autre accident. Autopsie trente heures après la mort. Le foie revêt une coloration jaune assez foncée, sans présenter toutefois la nuance indiquée par M. Gubler. Cet organe paraît augmenté de volume ; sur sa face inférieure on distingue deux petites tumeurs saillantes de 5 à 6 millimètres, éten- dues de 3 à 4 centimètres, se fondant par leurs bords avec le reste de h eurfacc hépatique et d'une couleur plus pâle que celle des autres 41 portions du foie. Une tumeur semblable s'observe sur la face supérieure. Sur des coupes on voit qu'à leur niveau le parenchyme est modifié. A côté de ces altérations circonscrites, on remarque encore une lésion généralisée ; en effet, l'organe a une consistance augmentée dans toutes ses parties ; on en déchire difficilement le parenchyme, quand bien même on a commencé par diviser les tissus avec un instrument tran- chant. On distingue alors sur les parties divisées des petits points blan- châtres un peu translucides, ayant d'un demi à 1 millimètre de dia- mètre. Dans les petites tumeurs dont il a été fait mention, ces points sont plus gros et plus nombreux. Sur des coupes fines on peut voir, à l'aide d'un grossissement de 250, que ces points blancs sont formés par du tissu conjonctif dont les élé- ments, en active prolifération, sont traversés par des vaisseaux et des conduits biliaires. Cette hyperplasie ne s'est pas faite seulement autour des vaisseaux, elle s'est étendue aux îlots hépatiques tout entiers, dont chaque cellule est séparée de ses voisines par une couche de tissu conjonctif semblable à celui qui s'est développé entre les lobules. Ces cellules ont subi des modifications importantes ; elles ont perdu leur forme polygonale, sont revenues sur elles-mêmes et se sont chargées de granulations pigraen- taires ; on ne distingue plus leurs noyaux, même après addition d'acide acétique. Les poumons, le thymus, les reins, les capsules surrénales et le sys- tème nerveux central n'ont pas paru avoir subi des modifications im- portantes. Les os présentent une altération curieuse. Toutes les épiphyses sont ou complètement détachées de leurs diaphyses, ou si peu adhérentes qu'il suffit du moindre effort pour les en séparer. Sur des coupes pratiquées sur ces épiphyses, suivant la direction de l'os, on a pu observer les détails suivants : la prolifération du cartilage est parfaitement normale, dans la portion à laquelle M. Broca a donné le nom de couche chondroïde. Les cellules cartilagineuses sont déver- sées comme d'ordinaire dans les aréoles osseuses formées par l'incrus- tation des espaces intercapsulaires. Mais l'ossification est tardive, et ce n'est qu'à 1 centimètre de la limite d'ossification apparente que l'on voit apparaître les premiers corpuscules osseux, tandis qu'à l'état nor- mal on les voit se former au plus à 1. millimètre de cette ligne. Je ferai suivre cette observation des considérations suivantes : Dans un travail fait en collaboration avec mon excellent ami, M. A. 01- livier, nous avons soutenu que l'époque d'apparition de la syphilis con- génitale varie suivant que la mère a ou n'a pas été soumise durant sa 42 grossesse au traitement ntercuriel, et que si les accouchées de Lourcine ne mettent que rarement au monde des enfants syphilitiques, il faut l'attribuer au traitement qu'on leur a fait subir dans l'espace de temps qui sépare leur admission de leur accouchement. En effet, la durée moyenne de ce temps est supérieure à quarante jours. Cette observation nous fournil donc un des rares exemples de syphi- lis congénitale observés à l'hôpital de Lourcine. et c'est précisément dans un cas où la mère n'a été soumise à aucune médication spéci- fique. Ce fait clinique vient encore à l'appui de l'opinion des observateurs qui soutiennent que la grossesse arrête la syphilis dans son évolution ; oïl y voit, en effet, les manifestations enrayées spontanément pendant deux mois et reparaître après l'accouchement. Les lésions variées qui ont été trouvées dans le foie sont en rapport avec ce que l'on voit dans la syphilis viscérale, bien plus souvent chez l'enfant que chez l'adulte, la réunion dans un même organe d'altéra- tions diffuses et circonscrites. Enfin, sans -vouloir avec ce seul cas rattacher à la syphilis cette sorte d'arrêt d'ossification que nous avons observé, nous croyons que ia maladie constitutionnelle a pu jouer un rôle important dans la produc- tion de ce fait, dont nous n'avons trouvé d'analogue ni dans la science ni dans nos observations antérieures. COMPTE RENDU DES SÉANCES r r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE MAI 1864; Par M. ljc Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire. PRESIDENCE DE M. RAYER. I. — Chimie physiologique. Sur quelques réactions caractéristiques de l'acide urique; par M. le docteur È. Hardy. L acide urique traité par le brome ne donne aucun produit de substi- tution, même en opérant sous pression. Soumis à une température do 180" dans des tubes scellés, il se détruit en partie et dégage une quan- tité considérable d'acide bromhydriquë. En présence de l'eau, les substances réagissantes disparaissent sans résidu ni développement de gaz. 11 suffît de verser un excès de brome sur un mélange d'acide urique et d'eau pour obtenir en peu d'instants une dissolution limpide, colorée en jaune par le brome en excès. La tem- pérature du mélange s'élève; si elle est maintenue dans des limites con- venables, l'eau se décompose, Ihydrogène se porte sur le brome avec lequel il forme de l'acide bromhydriquë, et l'otygèoe fait subit 4 l'a- 44 cide des phénomènes d'oxydation très-simples qui le dédoublent seule- ment en alloxane et en urée. Par une évaporation ménagée, on obtient des cristaux d'alloxane rou- gissants à l'air et combinés avec 2 ou 8 équivalents d'eau, suivant qu'ils ont été produits par le refroidissement ou l'évaporation spontanée. Des phénomènes plus complexes d'oxydation se manifestent si la température s'élève pendant la réaction. En évaporant, l'alloxanese sé- pare d'abord, puis une poudre se dépose. Cette poudre est un mélange de bromure d'ammonium et de deux corps qui se différencient par leur solubilité dans l'éther. Purifiés par des cristallisations suffisantes, l'un, insoluble dans l'éther. reproduit les réactions caractéristiques et les chiffres qui correspondent à la composition de l'acide parabanique CWAz'O6; l'autre, soluble dans l'éther, ceux de l'acide oxalique. L'acide urique, traité dans des conditions semblables par l'iode, se transforme également en alloxane et en urée, mais la réaction n'a pas lieu à la température ordinaire, elle nécessite une légère élévation de chaleur ; aussi dépasse-t-on facilement la limite convenable, et l'onn'ob- tient alors qu'un mélange de produits plus complexes. Le chlore se comporte de même. On obtient seulement de l'alloxane et de l'urée sous la seule condition d'empêcher le liquide de s'é- chauffer. L'action des corps haloïdes en suspension dans l'eau peut donc être assimilée à celle que produit l'acide nitrique dans le procédé habituelle- ment employé pour la préparation de l'alloxane, et n'être regardé que comme un simple phénomène d'oxydation conduisant en définitive à des résultats complètement semblables. L'alloxane chauffé à 160° dans un courant d'air sec perd 2 équivalents d'eau et devient alloxane anhydre CWAz'O8. En présence des bases il se combine à 2 équivalents d'eau et forme Vacide alloxanique. Ce der- nier acide estbibasique et donne naissance à des séries de sels bien dé- terminés; ceux qui ont été décrits sont blancs et incolores. Vient-on au contraire à porter l'alloxane à une température de 260% point auquel il commence à se ramollir pour entrer en fusion, il ne perd également que 2 équivalents d'eau, et présente la composition de l'al- loxane anhydre, mais il présente ce caractère particulier de donner des dissolutions colorées. L'alloxane ainsi modifié est une poudre rouge brique, soluble, sans résidu, dans l'eau à laquelle il communique une teinte rouge assez in- tense. Abandonné à lui-même à l'air libre, mieux encore en dissolution, il reprend l'eau qu'il avait perdue et ne farde pas à ae décolorer. Traité par les bases, l'alloxane modifié fixe 2 équivalents d'eau et . forme un acide d'une composition identique à celle de l'acide alloxani- 45 que, mais qui en diffère par la propriété de former des sels colorés dont quelques-uns sont remarquables par l'intensité de leur teinte et la richesse de leur nuance. Pour rappeler son isomérie avec l'acide alloxanique, nous le nommerons acide isoalloxanique. L'acide isoalloxanique n'a pu être obtenu libre, il s'est toujours trans- formé en composés incolores dans les essais tentés pour l'isoler. Isoalloxanate d'ammoniaque. — L'alloxane modifié immédiatement au sortir de l'étuve est projeté dans de l'ammoniaque froide et concen- trée, il produit une dissolution d'un rouge bleuâtre intense; parle re- froidissement, le tout se prend en masse. Le précipité recueilli sur un filtre et desséché se présente comme une poudre rouge. Lorsque la dissolution ammoniacale est étendue, il suffit d'ajouter de l'alcool pour obtenir le même précipité rouge. L'isoalloxanate d'ammoniaque est insoluble dans l'alcool et dans l'é- ther, soluble dans l'eau à laquelle il communique une teinte foncée. Une très-petite quantité de matière suffit pour colorer un volume d'eau considérable. Cette substance ne s'altère pointa l'air libre, mais chauffée avec de l'eau, elle ne tarde pas à devenir incolore. Analyse : Carbone.... 24,7 24,2 24,3 24,9 C» 24,7 Hydrogène.. 4,5 .... 5,1 5,0 H" 5,1 Azote 29,1 28,8 Az* 28,8 Oxygène 0" 41,4 Ces chiffres conduisent à !a formule C8H* (AzH4)1 Az*0»». Isoalloxanate de potasse. — Une dissolution de potasse avec l'al- loxane modifié prend une teinte indigo très-intense que l'eau en excès fait passer au violet. On précipite le sel bleu par l'alcool. L'eau le dis- sout facilement. Isoalloxanate acide d 'argent. — L'alloxane modifié dissous dans l'eau froide précipite immédiatement par le nitrato d'argent une poudre rouge. La liqueur surnageante reste fortement colorée, et en ajoutant de l'al- cool, laisse déposer la plus grande partie du sel resté en dissolution. L'isoalloxanate d'argent est une poudre d'un beau rouge foncé soluble dans l'eau en excès, peu soluble dans l'alcool. Analyse : Carbone 17,1 C8 18,0 Hydrogène... 2,1 H8 1,5 Azote 11,8 ... Az8 10,5 Argent 40,5 Ag 40,5 Oxygène O1" 29,5 Ce6 chiffres correspondent à la formule C8H8AgAz*010. 46 On obtient avec une grande facilité, à l'aide de l'isoalloxanate d'am- moniaque, des sels doubles d'ammoniaque et de diverses autres bases. Ces sels sont colorés. Isoalloxanate d ammoniaque et d'argent. — Ce sel se prépare en précipitant par le nitrate d'argent une solution ammoniacale d isoalloxa- nate d'ammoniaque. En ajoutant de l'alcool, on complète la précipita- tion. Ce sel est bleu, peu soluble dans l'alcool. Analyse : Carbone 17,5 C8 16,9 Hvdrogènc H6 2,1 Azote' 14,3 ... Azs 14,5 Argent ,. 37,9 Ag 37.2 Oxygène O10 19,3 On en déduit la formule CH^AzH^AgAz'O10. Les isoalloxanates d'ammoniaque et de strontiane, d'ammoniaque et de chaux, d'ammoniaque et de baryte, de plomb ou de mercure, sont également des précipités colorés. Des sels doubles semblables aux pré- cédents se ppéparent pn remplaçant l'ammoniaque par la potasse ou la soude. Nous ajoute ruus que 1 élude de ces divers composés fournit la véritable interprétation de la réaction qui distingue l'acide urique. On sait qu'en évaporant à sec cet acide avec de l'acide nitrique on obtient par des- siccation une coloration rouge qui augmente sous l'influence de quel- ques goutlos d'ammoniaque, et forme la teinte caractéristique de l'acide urique. On considère cette teinte comme résultat, d'une formation de murexide. ou purpurate d'ammoniaque. Les recherches précédentes prouver! que cette coloration est due principalement à l'alloxane an- hydre modifié rbuge, puis après l'addition d'ammonique à l'isoalloxa- nate d'ammoniaque. II. — Anatomie pathologique. Êpilepsie symptomatioue ; examen microscopique d'une petite tumeur DU PÉDONCULE CÉRÉBRAL GAUCHE; par MM. CORNIL et THOMAS. Un homme était entré à l'hôpital de la Charité, service de M. le pro- fesseur Denonvilliers, pour de larges brûlures superficielles. Cet homme, âgé de 30 ans, était épileptique depuis l'âge de 12 ans , les accès convulsifs ne revenaient qu'à de longs intervalles. Pendant son séjour à l'hôpital, ce malade était pris d'attaque épilep- tique à chaque pansement des brûlures. La cicatrisation des brûlures se \- lit cependant régulièrement; mais lorsqu'elle fut complète, le malade eut des attaques épileptiques qui se répétaient 7, 8 et 10 fois par jour. Il a succombé au milieu d un accès. A l'autopsie, on constate que le cerveau est bien développé, il ne présente point de vascularisation exagérée; mais.le pédoncule cérébral gauche est le siège d'une tumeur. Cette tumeur est dure, elle a déter- miné l'atrophie d'une partie du pédoncule. Cette atrophie s'étend à la protubérance et à la pyramide antérieure du côté gauche. Cette tumeur est constituée aussi bien sur des coupes que par la dis- section avec les aiguilles, par un tissu composé de fibrilles extrême- ment fines, de telle sorte qu'avec un grossissement de 500 diamètres, on leur distingue à peine un double contour, et par des noyaux ovoïdes. tes fibrilles sont flexueuses, assez • longues; les noyaux ovoïdes sont pourvus d'un nucléole. Leur longueur est de 6 à 8 millimètres, leur largeur 3 millimètres. On trouve, en outre, dans cette petite tumeur des fibres élastiques et des vaisseaux ; il n'y à pas d'éléments nerveux proprement dits, ni tubes ni cellules. La pyramide atrophiée, examinée comparativement avec celle du côté opposé sur des coupes minces longitudinales ou perpendiculaires à la longueur, après durcissement préalable dans l'acide chromique, nous a donné les résultats suivants : La pyramide du côté sain offre des tubes nerveux larges, à double contour, formés de leur cylindre-axe et de l'enveloppe médullaire. Ils sont pressés les uns contre les autres, et au bord de la préparation on voit des amas globuleux ou granuleux de substance médullaire. Du côté atrophié, au contraire, les tubes nerveux sont minces, le double contour est à peine visible et la substance médullaire a disparu presque entièrement ; leur cylindre-axe est normal. Ils sont séparés les uns des autres sur une coupe par un tissu fibrillaire qui contient une quantité considérable de corpuscules amyloïdes, et quelques noyaux allongés en moindre quantité. Il n'y a pas de corps granuleux de Gluge. Cette altération de la pyramide est absolument la môme qu'on trouve dans les cordons postérieurs des moelles d'ataxie locomotrice : Atrophie des tubes nerveux, disparition de la substance médullaire et formation de corpuscules amyloïdes. Quant à la structure de la tumeur du pédon- cule, elle est la même que celle des parties sclérosées du cervelet que M. Duguest a présentées à la Société anatomique dans trois observa- tions se rapportant également à l'épilepsie. 48 III. — Physiologie et pathologie comparées. Recherches physiologiques et pathologiques sur les couches optiques a propos du tournis chez le moutox ; par le docteur M. Leven. Les couches optiques sont des centres d'innervation pour les mem- bres supérieur et inférieur. Une même piqûre des couches optiques détermine le mouvement de manège indistinctement dans le sens du siège de la lésion ou en sens opposé. La physiologie ne fournit aucun renseignement sur le rôle des couches optiques quant à leur influence sur la fonction de la vision. La pathologie démontre qu'elles ont une influence indirecte sur la vision. Certaines lésions pathologiques des couches optiques, et principale- ment les kystes hydatiques, produisent en môme temps que tous les désordres du mouvement propres au lésions du cervelet, "le tournis, le tremblement, les mouvements choréiques, l'incertitude dans la marche, l'amaurose, qui simple d'abord et se localisant dans l'œil du côté op- posé au siège de la lésion, devient double bientôt, ou bien encore est double d'emblée. Ce sont là des phénomènes que la physiologie, avec ses procédés d'investigation, n'a encore pu réaliser. Les lacunes de la physiologie résultent de ce qu'elle est impuissante à réaliser des altérations analogues à celles des kystes hydatiques qui, comprimant les couches optiques traversées par les pédoncules céré- belleux, déterminent la symptomatologie des affections cérébelleuses. En sorte que dans la très-grande majorité des cas, le diagnostic des kystes des couches optiques et des kystes du cervelet est impossible. L'amaurose ne dépend pas directement de la couche optique. Elle est très-fréquente dans un groupe déterminé des maladies de la couche optique. Ce fait est d'une haute importance, il montre les liens étroits entre la nature de la tumeur cérébrale et les symptômes qu'elle développe. Il montre que l'on n'arriyera à éclairer le diagnostic des maladies du cerveau qu'en tenaat compte de la lésion et de la composition si com- plexe des diverses portions de l'encéphale. Je prouverai, dans une prochaine communication, l'identité des symptômes des kystes hydatiques chez l'homme et les animaux. 49 IV. — Pathologie comparée. Note sur l' anesthésie de la cornée dans l'empoisonnement par le sulfure de carbone; par MM. Georges Bergeron et P. Lévy. A l'occasion d'une observation recueillie par mon collègue et ami M. Lévy dans le service de M. Pidoux, et où il s'agissait d'un ouvrier travaillant le caoutchouc soufflé, nous avons cru devoir, M. Lévy et moi, faire quelques expériences. De ces expériences, j*extrais ici ce qui a trait à un point très-particulier de l'intoxication sulfo-carbonée, c'est-à-dire l'insensibilité cornéenne. Le malade dont nous avons recueilli l'observation présentait cette anesthésie à un haut degré, et cela sans trouble de la vue. Voici ce que deux expériences confirmatives nous ont appris à cet égard. Dans une première expérience faite sur un cochon d'Inde, soumis, sous une cloche tubulée, à l'inhalation du sulfure de carbone, nous avons noté, au bout de quinze minutes, l'anesthésie de la cornée ; elle avait succédé presque immédiatement à la période de résolution et de collapsus, qui survient très-rapidement dans les expériences faites sur les animaux. La sensibilité de la cornée revint environ vingt minutes après que l'animal eut été retiré de la cloche et mis à l'air libre, la sensibilité cutanée avait déjà reparu depuis environ quatre à cinq minutes. Dans trois autres expériences faites, deux sur des chiens, une sur un lapin, nous avons noté cette anesthésie, et toujours nous avons reconnu qu'elle apparaissait un peu avant que la sensibilité cutanée eût entière- ment disparu. c. R. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JUIN 1864 , Par M. le Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire. PRÉSIDENCE DE M. RAYER. I. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 1* Etude d'anatomie pathologique sur un cas de pellagre; lésions de la moelle épin1ère, du coeur et du foie j par m. bouchard. Une femme atteinte de pellagre étant morte il y a quelques jours à la Salpêtrière dans le service de M. Baillarger, j'ai pu faire l'examen né- croscopique de quelques-uns de ses organes, grâce à l'obligeance de M. Regnard, interne du service, qui a présenté l'observation de cette malade à la Société anatomique. M. Baillarger, se proposant de mettre en lumière certains points de ce fait important, je ne puis 'pas reproduire ici l'observation dans tous ses détails. J'en extrais seulement ce qui est nécessaire pour valider le diagnostic. Cette femme paraissait avoir 35 ans. Elle avait été amenée comme 52 aliénée^ sans qu'on eût aucun renseignement sur ses antécédents. Elle portait un érythème pellagreux type sur la nuque, le front, les paupiè- res le nez et le dos des mains; sur cette dernière région 1 érythème était bulleux, et sur toute l'étendue l'épiderme était soulevé comme par l'ampoule d'un vésicatoire. On rencontre rarement dans les pays a pel- lagre des lésions cutanées aussi considérables. Les lèvres étaient cou- vertes de squammes noirâtres et de gerçures aphtheuses; la langue était lisse sans papilles et sillonnée de dépressions qui lui donnaient une aooarence fendillée. La soif était vive, ayec sensation de brûlure à l'é- pigastre; pas de diarrhée. Le délire était général, avec prédominance d'idées ambitieuses. On n'avait rien noté du côté de la locomotion. J'ai pu examiner le foie, le cœur, le cerveau ni la moelle. Le foie était jaune, anémique, de consistance normale, un peu volu- mineux A l'examen microscopique, on trouvait de nombreuses goutte- lettes graisseuses libres, toutes les cellules avaient plus ou moins subi Va dégénérescence graisseuse. Dans quelques-unes la graisse était d.s- séminée en granulations isolées ; dans la plupart on trouvait une ou deux eouttes huileuses dont le volume était souvent assez considérable pour masquer le noyau. Sous ce rapport, ce fait vient donc à l'appui d'une autre observation présentée par M. Vidal à la Société médicale des hô- ^uTcoeur était flasque, jaunâtre; le péricarde viscéral était partout doublé d'une couche adipeuse qui pénétrait plus ou moins profondément entre le* faisceaux musculaires. Le tissu musculaire lui-même présen- tait au microscope une altération graisseuse très-prononcée. Le plus grand nombre des fibres avait cependant conservé l'aspect stné mais Toutes présentaient en grand nombre des granulations moléculaires, jaunâtres, fortement réfringentes, résistant à l'acide acétique, disposées le plus souvent en rangées longitudinales, mais tellement accumulées de distance en distance, qu'en cet endroit les faisceaux primitifs étaient rendus opaques. . . , , , . On a vainement cherché dans le cerveau les lésions de la paralysie générale dont le délire ambitieux et un embarras momentané de la pa- role avaient pu faire soupçonner l'existence. L'encéphale, examiné mi- nutieusement dans son tissu et dans ses enveloppes, n'a fait découvrir aucune altération. J'ai étudié au microscope plusieurs points des circon- volutions pariétales sans trouver dans les cellules ou dans la substance ambiante aucun caractère anormal. La moelle vue extérieurement paraissait saine; mais en pratiquant des sections perpendiculaires à son axe, on découvrait des lésions appré- ciables à l'œil et au toucher. Ces lésions siégeaient dans la substance blanche et suivaient la direction des faisceaux, sans une grande régula- rité toutefois; mais la partie interne et postérieure des cordons posté- rieurs et la partie externe des cordons latéraux m'ont paru être le siège de l'altération la plus marquée et la plus étendue. La lésion était caractérisée par une teinte grise rosée du tissu sans transparence, sans aspect gélatineux. La surface de section était ré- tractée, concave, tandis que tout autour la substance blanche saine faisait saillie et offrait une surface convexe au lieu de la mollesse et de la diffluence du tissu blanc; ces parties altérées avaient une consistance assez ferme, comme élastique. Quelques parcelles de ce tissu examinées à l'état frais montraient un grand nombre de corpuscules amyloïdes, un nombre exagéré des noyaux du tissu conjonctif de la moelle, des vaisseaux qui ne paraissaient pas altérés, des tubes nerveux très-nombreux parfaitement sains n'offrant aucune trace de segmentation. Après avoir fait durcir la moelle dans l'acide chromique, j'ai pratiqué des coupes à différentes hauteurs, j'ai traité les surfaces de section par la solution ammoniacale de carmin concentrée, et j'ai vu que pour dé- terminer une coloration persistante de la substance blanche il fallait un temps considérable, et que la teinte n'était d'ailleurs que fort peu mar- quée, ce qui s'explique par la quantité minime du tissu conjonctif com- paré au grand nombre des tubes. En tout cas, les points qui se coloraient étaient précisément ceux qui à l'état frais m'avaient paru altérés. Ayant enlevé des tranches minces de la moelle perpendiculairement à son axe, j'ai pu constater les altérations suivantes : Tous les vaisseaux, artères, capillaires, veines, offrent un état de di- latation considérable. La vascularisation semble surtout marquée dans les cordons postérieurs et dans les cordons latéraux. Les tubes nerveux sont conservés partout, on ne voit pas ces pla- ques claires à peine parsemées de quelques points opaques, comme cela s'observe dans la sclérose confirmée ; mais cependant les tubes nerveux ne se touchent pas comme dans une moelle normale, ils sont dans plusieurs points, et notamment dans les cordons postérieurs et la- téraux, circonscrits par des lignes claires. Si l'examen porte sur une préparation préalablement colorée par le carmin, on aperçoit dans ces espaces d'ailleurs très-étroits qui circonscrivent les tubes des noyaux de tissu conjonctif disséminés de distance en distance, et incompara- blement plus nombreux qu'à l'état normal. 1! n'y a pas de corps granu- leux. Si l'on répand sur la préparation une goutte de solution aqueuse d'iode, on aperçoit à un faible grossissement un nombre considérable de corps amyloïdes avec une belle coloration violette. Ces corps amy- loïdes sont disséminés partout, dan? tous les cordons de substance blanche et môme dans la substance grise ; mais ils sont de beaucoup plus abondants ùans les cordons postérieurs, et surtout vers l'insertion des racines postérieures sur les cornes de substance grise. Si l'on étu- die plus attentivement leur disposition, on voit que le plus grand nom- bre se groupent le long des vaisseaux. Us sont disposés en chapelet le long des vaisseaux que Ton voit par côté dans une certaine étendue ; ils forment parfois une couronne complétée ceux dont on voit une sec- tion perpendiculaire à l'axe. Ces altérations constituent un degré peu avancé, l'état initial de cette lésion de la moelle qu'on désigne à tort ou à. raison sous le nom de sclé- rose et qui, développée dans les cordons postérieurs, produit l'ataxie locomotrice. Dans ce cas, l'altération est diffuse, mais elle porte plus particulièrement sur les cordons postérieurs et sur les cordons latéraux. Je ne sache pas que cette lésion de la moelle ait été déjà indiquée chez les pellagreux. Toutefois il est probable que c'est à la sclérose qu'il faut rapporter un certain nombre de faits rapportés par les auteurs italiens ou observés par M. Gintrac, dans lesquels il est dit sommairement que la moelle était indurée. Cette lésion de la moelle explique parfaitement les troubles de la myotilité, qu'il est si fréquent de rencontrer chez les pellagreux, au moins à une époque avancée de la maladie, cette faiblesse musculaire plus marquée dans les membres inférieurs et qui, en en général, aboutit à une véritable paraplégie. Toutefois, un certain nombre de malades n'ont qu'une paraplégie apparente : ils ont la démarche titubante, ils font facilement des chutes, mais leurs mouvements peuvent avoir en- core une certaine énergie. Les médecins italiens donnent à cet état le nom de dcbolezza. Hameau avait été plus loin dans l'analyse de ce symptôme. Il fait cette remarque que les mouvements simples peuvent conserver toute leur énergie, mais que les mouvements d'ensemble peuvent manquer de Coordination. Il écrivait en 1829 les lignes sui- vantes, qui pourraient encore aujourd'hui figurer dans une description de l'ataxie locomotrice : « Un symptôme très-remarquable, c'est uta dé- faut d'équilibre dans les muscles locomoteurs; de telle sorte que pen- dant que le malade a réellement assez de force pour marcher d'aplomb, il éprouve tout à coup des tremblements des membres, et il tombe. Il peut se relever lui-même et parcourir encore, s'il veut, un certain es- pace sans rien éprouver, puis il tombe de nouveau. » J'ajoute que l'ataxie locomotrice vraie a été constatée d'une façon très-précise dans la pellagre. M. Billod, dans une note sur la pellagre et le typhus pella- greux lue à l'Académie des sciences dans la séance du 27 octobre 1862, s'exprime ainsi : « Cette même paralysie pellagreuse s'accompagne, dans quelques cas, d'un sentiment de traction en arrière, et dans quel- ques autres d'un défaut de coordination dans les mouvements, qui tend à l'assimiler à l'ataxie locomotrice de M. Duchenne (de Boulogne). Ce caractère m'a paru frappant dans deux cas observés par moi, l'un au grand hôpital de Milan, et l'autre à l'asile de Sainte-Gemmes. » Or n'avons-nous pas dans le fait que je viens de signaler l'explication de ces symptômes? N'est-ce pas à la lésion des cordons postérieurs qu'il faut les rapporter? Quant à la paraplégie vraie, qui n'est pas un symptôme rare de la pellagre-, elle pourrait être produite par la lésion des cordons antéro- latéraux. On pourrait objecter que la paralysie peîlagreuse n'est souvent ni la paraplégie proprement dite ni l'ataxie pure, bien qu'elle emprunte des caractères à l'une et à l'autre de ces maladies. Si le fait que nous avons observé n'est pas une exception, si réelle- ment la pellagre dispose la moelle à devenir le siège d'un processus morbide qui a certaines analogies avec l'inflammation, si la sclérose de la moelle est l'une des causes qui produisent les troubles du mouvement chez les pellagreux, l'objection que je viens de supposer n'aura pas une grande portée. En effet, la malade qui a été l'occasion de cette note n'aurait été ni ataxique ni paraplégique; mais les troubles du mouve- ment auraient procédé chez elle de la paraplégie et de l'ataxie, puisque la lésion de la moelle portait à la fois sur les cordons postérieurs et sur les cordons latéraux. l'ajoute que la sclérose a bien pu passer inaperçue pour les nombreux observateurs qui ont cherché, dans la pellagre, des lésions de la moelle autres que le problématique ramollissement. Ils ne devaient *pas être plus heureux que les médecins qui pendant si longtemps ont méconnu la sclérose dans la paraplégie simple ou dans l'ataxie. Si cette altéra- tion s'observe plus fréquemment depuis quelques années, c'est qu'on commence à la connaître. Indépendamment de l'intérêt que ce fait peut présenter pour l'histoire des altérations anatomiques de la pellagre, il me semble être de nature à jeter un certain jour sur la nature de la sclérose de la moelle. On sait, depuis les travaux de Ludwig Tiïrck, que les cordons de la moelle sont pris d'un travail pathologique à la suite de certaines lésions du cerveau. Cette altération descendante occupe la portion interne des cordons antérieurs et la portion postérieure des cordons latéraux. Les observations du même auteur ont appris que dans quelques cas de lé- sions de la moelle de pareilles modifications de structure surviennent secondairement dans toute l'étendue des cordons postérieurs, au-dessus du point lésé. Nous avons pu étudier récemment ces altérations ascen- dantes et descendantes dans un cas de compression de la moelle par 56 une tumeur épithéliale. La lésion, dans ce cas, est caractérisée essen- tiellement par l'atrophie des tubes et par l'hypergénèse des éléments du tissu conjonctif. Dans l'ataxie locomotrice on trouve également l'atrophie des tubes nerveux et la prédominance des noyaux de la névralgie. Ces deux alté- rations, qui se séparent d'ailleurs par quelques caractères, dérivent- elles d'une même lésion initiale ou ont-elles une origine différente? Dans les faits de L. Turck, les tubes s'altèrent parce qu'ils ont perdu leurs rapports de continuité avec leurs cellules nerveuses d'origine, leurs cellules trophiques; ou parce que ces cellules elles-mêmes sont détruites. Dans ces cas, la multiplication des éléments conjonctifs ne se manifeste dans la moelle que longtemps après le début des accidents, un ou deux mois environ; mais l'altération des tubes, comme cela ré- sulte des expériences de M. Vulpian, commence quatre ou cinq jours après qu'ils ont perdu leurs rapports avec leurs cellules originelles. Ici l'atrophie des tubes est donc manifestement antérieure à la production des éléments conjonctifs. Pour les scléroses vraies, celles de l'ataxie, par exemple, la question est loin d'être résolue. Il peut se faire, en effet, qu'une altération des cellules encore inconnue entraîne secondairement l'altération des tubes, puis la production des noyaux; ou, au contraire, que, les cellules étant saines, il se fasse dans les cordons de substance blanche une production nucléaire primitive par une sorte d'inflammation subaiguë, et que, con- sécutivement à la production de cet exsudât, les tubes nerveux com- primés ou lésés dans leur nutrition subissent une atrophie secondaire. Le fait que nous avons observé semble donner raison à cette hypo- thèse. Ici, en effet, tous les tubes nerveux sont encore intacts; mais déjà on aperçoit dans leurs interstices de nombreux noyaux de tissu conjonctif. et, en rapport avec ce processus, une dilatation notable des vaisseaux de la partie. Cette observation semble donc déposer en faveur de l'opinion qui ▼eut que la sclérose proprement dite, et je prends celle de l'ataxie pour type, soit une lésion primitive de la substance blanche, une sorte de myélite chronique, et non une altération secondaire développée consé- cutivement à une lésion quelconque des cellules nerveuses de la sub- stance grise. >». 2e Altération granolo graisseuse de l'épithêxium des glandes de l'estomac DANS UN CAS D'EMPOISONNEMENT PAR LE PHOSPHORE ; par MM. V. CoRNIL 6t G. Bergeron. (Communication faite le 18 juin 1864.) Nous avons observé dans le service de M. le professeur Tardieu, à l'autopsie d'une jeune fille empoisonnée par le phosphore, une lésion des glandes de l'estomac (1) caractérisée par l'état trouble et la dégé- nérescence graisseuse des cellules épithéllales, lésion anatomique qui avait jusque-là passé inaperçue. Voici le résultat de la nécropsie faite le il juin 1864 : Les poumons présentent des adhérences anciennes et des masses tuberculeuses isolées peu abondantes. Le cœur est d'un rose pâle tirant un peu sur le jaune; il est mou et ses cavités sont complètement vides, sans trace de caillots. A sa face postérieure, et vers la base des ventricules, autour des vaisseaux coro- naires, on voit un certain nombre de petits épanchements sanguins, bleuâtres, de quelques millimètres de diamètre, disséminés sous le feuillet séreux viscéral. A la coupe, les parois ventriculaires sont jau- nâtres et évidemment altérées. Il existe des diffusions sanguines nombreuses, en larges plaques, dans le tissu cellulaire qui entoure la portion descendante de la crosse et de la portion thoracique de l'aorte. Le sang est aussi infiltré dans les mailles de la tunique externe de ce vaisseau. On retrouve des épanchements semblables dans le tissu cellulaire péri-œsophagien. Le sang qui s'écoule des veines caves ne présente pas de caillots; le sérum a de la tendance à se séparer de la partie colorante qui offre un aspect grenu et pulvérulent. Le foie, médiocrement volumineux, un peu globuleux dans sa forme, présente une altération évidente dans sa coloration. Toute la surface est jaune, marbrée de rouge, et présente un aspect granitique très-pro- noncé. On voit que les taches rouges n'existent qu'à la surface, et qu'elles dépendent de l'injection des vaisseaux situés au-dessous de la capsule fibreuse. A la coupe, la consistance de l'organe est faible, et l'on ne trouve plus qu'une coloration jaune uniforme ; les deux substances ne se distinguent plus par leur couleur, cependant la coupe n'est pas lisse, mais manifestement grenue. La vésicule biliaire n'est qu'à moitié remplie. La rate est d'apparence normale; lesglomérules sont très-apparents. Les reins présentent à la coupe une altération marquée; la substance corticale est jaunâtre, anémiée; elle se sépare d'une façon très-nette de la substance tubuleuse qui est d'un rouge brun. (i) Dans les leçons professées à la Faculté en juin 1864, M. Tardieu a rapporté in extenso cette observation et insisté sur l'analogie des altérations de l'épithélium des glandes de l'estomac avec c0!le§ des épithéliuras rénal et hépatique. L'utérus est normal, le col est celui d'une femme qui n'a pas eu d'enfants. Le tube digestif ne présente extérieurement rien à noter, à part une injection marquée de sa portion duodénale. La muqueuse de l'estomac offre de nombreuses ecchymoses superfi- cielles, déchiquetées sur les bords; quelques-unes sont très-petites, sous forme de pointillés. D'autres ont 1 à 2 centimètres de diamètre et paraissent formées par la réunion d'ecchymoses plus petites. Elles sont en grand nombre au voisinage du pylore; on les retrouve très-marquées sur la muqueuse du duodénum. En outre, la muqueuse do l'estomac offre une coloration jaune très- remarquable, et les glandes forment des saillies plus prononcées qu'à l'état normal, ce qui lui donne un aspect particulièrement mamelonné. Les muscles psoas sont mous et peu colorés. Le cerveau n'a pas été examiné. Examen microscopique fait par M. Cornil. — Cœur. Les fibres musculaires du cœur sont friables; elles se déchirent très-facilement dans la préparation. Toutes ces fibres musculaires sont altérées, en dé- génération graisseuse, à un degré plus ou moins avancé. La striation transversale a disparu sur le plus grand nombre, et la striation longi- tudinale est seule conservée. Les fibres primitives sont remplies de gra- nulations graisseuses qui les rendent opaques à un faible grossissement. Les fibres musculaires du psoas offrent aussi une dégénération grais- seuse moins avancée et partielle. Foie. Les cellules hépatiques sont dégénérées dans toute l'étendue des lobules, aussi bien à leur contre qu'à leur périphérie. Les cellules sont tantôt infiltrées de granulations fines avec conservation de leur membrane cellulaire, tantôt elles sont remplies de grosses gouttelettes huileuses. Ces derniers éléments peuvent aussi se trouver dans le tissu intermédiaire aux cellules, ou occuper leur place sans qu'on puisse dis- tinguer le vestige des cellules hépatiques préexistantes. Estomac. La surface de la muqueuse était mamelonnée et jaunâtre. Ces saillies mamelonnées et la coloration étaient dues à une lésion très- manifeste des glandes sur toute la surface de l'estomac, aussi bien à son grand cul-de-sac qu'à la région pylorique; les glandes en tube, exami- nées par dissection simple aussitôt après l'autopsie, étaient opaques à un faible grossissement, et à la lumière directe, blanches à la lumière réfléchie. A un plus fort grossissement, de 200 à 400 diamètres, de gros- seur normale ou un peu augmentées, ces glandes se montraient avec leur membrane d'enveloppe mince et saine, et un contenu composé de cellules épithéliales remplies do fines granulations. Dans un grand nombre de ces glandes, on ne pouvait plus distinguer les cellules épithéliales, mar- 50 quées ou remplies par des granulations plus grosses, jaunâtres et réfrin- gentes (mesurant de 1 à 3 millièmes de millimètre). Toutes ces glandes étaient altérées; aucune d'elles n'avait sa transparence normale. En les traitant par l'acide acétique, on les modifiait à peine, mais la soude dis- solvait une partie des granulations. Il en restait néanmoins encore un grand nombre, notamment les plus grosses, qui ne se dissolvaient qu'avec l'éther ; ainsi le contenu épithélial des glandes était infiltré de granula- tions protéiques et graisseuses, absolument comme le rein et le foie ; les fibres musculaires de l'estomac n'étaient pas altérées. Reins. Sur les coupes de la substance corticale, on voyait à l'œil nu, et mieux avec un faible grossissement, que les glomérules de Malpighi étaient rouges et fortement congestionnées, ainsi que le réseau capil- laire. A un faible grossissement (20 diamètres), les tubes urinifères sont blancs à la lumière réfléchie et noirs à la lumière directe. Ces tubes sont remplis de cellules épithéliales pleines elles-mêmes de granulations albumineuses et graisseuses; dans la majorité des tubuli, les parois des cellules sont conservées, et les granulations ne dépassent pas 3 mil- lièmes de millimètre; mais un certain nombre de tubes possèdent des gouttelettes huileuses atteignant jusqu'à 7 millièmes, et là on ne recon- naît plus distinctement la forme primitive des cellules. Cette altération des tubes rénaux est générale dans toute la substance corticale ; aucun d'eux n'y a échappé. Dans la substance tubuleuse, les tubes droits ne sont pas tous altérés. Les yaisseaux capillaires et ceux des glomérules sont normaux. Ainsi, les glandes de l'estomac subissent dans l'empoisonnement phosphore les mêmes modifications que les tubuli rénaux; les cellules épithéliales sont dans les deux cas infiltrées de granulations albumi- neuses et graisseuses. La muqueuse stomacale était complètement alté- rée dans ce cas, et il est probable qu'il en est de même dans la majorité des empoisonnements par le phosphore. La lésion des glandes était ici la même que dans la terminaison de la gastrite glandulaire par dégéné- ration graisseuse, et l'on pourrait, au point de vue de l'anatomie mi- croscopique, établir entre ces deux maladies le même parallèle qu'entre la néphrite albumineuse (stade de dégénération graisseuse) et la stea- tose du rein due au phosphore. 3° Comparaison d'un polype muqueux bénin du rectum (tumeur adénoïde) avec une variété peu connue de tumeurs encéphaloïdes dç cette muqueuse; par le docteur V. Cobnil. Les polypes bénins du rectum peuvent être constitués par l'hyper- trophie des glandes de Lieberkiihn et par l'hypergénèse de leurs culs- 60 de-sac. Le processus peut se rencontrer complètement isolé (1). C'est ce qui avait lieu dans un polype glandulaire du rectum, enlevé chez un enfant par M. Chassaignac. Dans ce cas, la tumeur tout entière était formée par dés glandes en tube qui s'ouvraient presque toutes à la sur- face du polype, soit isolément, soit par une ouverture commune où venaient aboutir un grand nombre d'entre elles. Ces glandes étaient énormes, bien que conservant leur forme de tubes. Ainsi, elles mesu- raient en longueur 0,5 à 0,8, et en largeur de 0,15 à 0, 25, tandis que lès glandes normales du gros intestin mesurent 0,4 en longueur et 0,5 en largeur. Ce dernier diamètre était par conséquent triplé ou quintu- plé. De plus, au lieu d'être simples, de s'ouvrir isolément à la surface muqueuse, elles étaient composées et pouvaient s'ouvrir au nombre de 15 à 20 dans une dépression de la muqueuse qui leur était commune. Les orifices communs mesuraient jusqu'à 0ma,l en largeur. Les cellules épithéliales contenues dans les tubes glandulaires étaient aussi hyper- trophiées. C'étaient des cellules cylindriques très-régulières, toutes éga- les entre elles, perpendiculaires à la paroi de la glande et ne formant qu'uno seule couche. Elles mesuraient 0,027 à 0,033 en longueur sur 0,003 à 0,005 de largeur. Elles possédaient un noyau ovoïde et un nu- cléole. Le revêtement épithélial des tubes laissait à leur centre une lumière vide. Ce contenu des tubes s'éloignait beaucoup de leur épithé- lial normal qui est formé de cellules nucléaires ou de courtes cellules cylindriques ne dépassant pas 0,012 dans leur plus grand diamètre, et tandis qu'à l'état normal on rencontre des éléments dissemblables à la portion terminale et à leur orifice, dans ce cas d'hypertrophie des glanées, l'épithélium était identique dans toute leur longueur. Le mu- cus contenu dans leur orifice commun était composé généralement de cellules cylindriques distendues et tendant à devenir sphériques. Ainsi ces glandes avaient changé de type : de simples elles étaient devenues composées, probablement par la formation de bourgeons creux partis des culs-de-sac préexistants, leur épithélium s'était accru en même temps que leur diamètre transversal. Cependant, et c'est là un fait important sur lequel nous reviendrons, elles avaient conservé leur membrane glandulaire propre, et le tissu conjonctif qui les entou- rait était normal. II est facile de comprendre que la muqueuse, en vertu de ces chan- gements, devait être le siège d'une tumeur saillante dans l'intestin, et (1) Voir pour la description d'autres variétés de polypes muqueux de l'intestin et de l'estomac, une communication que j'ai faite à la Société de biologie en 1863, {Comptes rendus, p. 145, et Société anatomique 1863, p. 582.) 61 comme elle glisse facilement sur le tissu sous-muqueux, on s'explique la tendance de pareilles tumeurs à se pédiculiser. C'est là, on le voit, un mode très-simple de production de tumeurs adénoïdes par hyper- trophie et hypergénèse des glandes en tube. Les polypes du genre qui précèdent sont très-fréquents chez les en- fan'.s, et sans aucune gravité. Voici maintenant une variété de tumeurs très-voisine des polypes bénins comme structure et comme mode de formation, et cependant toute différente au point de vue du pronostic. Sur la muqueuse du rectum, de l'intestin grêle, de l'estomac et de la véhicule biliaire j'ai rencontré plusieurs fois des tumeurs molles et fon- gueuses à leur surface, formées de bourgeons blanchâtres, vascularisés, imbibés de suc laiteux très-abondant. Par leurs caractères à l'œil nu, aussi bien que par leur marche clinique de progression fatale et de gé- néralisation, elles répondent à la dénomination de carcinome médullaire ou encéphaloïde Elles ont été regardées par Reinhardt (1), qui le premier en a fait l'examen microscopique, comme des hypertrophies des glandes en tube de l'estomac. Virchow (2), Bidder (3), Foerster(4) et E. "Wagner (5) en ont rapporlé des exemples de la comparaison desquels résulte une analogie complète, et les regardent soit comme un cancer médullaire, soit comme un cancroïde à cellules cylindriques (Cylinder epithelial krebs). La description que je vais en donner, d'après mes examens mi- croscopiques, concorde parfaitement avec celle des auteurs ci-dessus, et ces tumeurs constituent une variété bien tranchée. Ces tumeurs se présentent sous l'aspect de bourgeons ou de plaques saillantes plus ou moins étendues, vascularisés à leur surface, mous, qui sulcèrent tardivement et qui habituellement n'intéressent que la muqueuse. Lorsqu'on les presse, on fait sourdre à leur surface des gout- telettes d'un suc laiteux très-abondant. Sur une surface de section nor- male à la muqueuse, on reconnaît qu'elles possèdent une disposition fasciculée, que les fibres lamineuses et les vaisseaux qui les composent sont parallèles entre eux et perpendiculaires à la surface de la mem- brane. L'examen microscopique du suc laiteux montre uniquement des cel- lules épithéliales cylindriques exactement semblables à celles de la (1) Annalen der Berliner Charité krankenkauses. 1851, p. 98. (2) Gaz. méd. de Paris, 7 avril 1855. (3) MnUer's \rch. 1852, p. 178. (4) Arch. fur path. Anat. t. XIV, p. 91 1858. (5) Arch. fur phys. Heilk. 1858, p. 306, 02 muqueuse intestinale et habituellement accolées les unes aux autres sous forme de lamelles, comme cela s'observe toujours sur les membranes qui en sont tapissées. Ces cellules très-régulières, à peu de chose près semblables les unes aux autres, mesurent 0,020 à 0,025 en longueur 0,005 et à 0,007 en largeur. Elles possèdent un noyau ovoïde de 0,007 à 0,009 de longueur. Leur extrémité ou base libre est un peu évasée et terminée par un bord à double contour. Pour savoir d'où viennent ces cellules et quelle est leur disposition relativement à la trame de la tumeur, il est nécessaire de la faire dur- cir afin de faire des coupes parallèles ou perpendiculaires à la direction générale des bourgeons encéphaloïdes. Sur le9 premières on reconnaît de longues et étroites cavités folliculeuses séparées les unes des autres par de longues papilles parallèles entre elles et contenant des vaisseaux. Cette couche, qui a de 2 à 5 millimètres, est une altération de la mu- queuse môme, ainsi qu'on peut s'en assurer par sa continuité directe avec la muqueuse voisine et par sa situation au-dessus des couches musculaires. Les mêmes préparations examinées à un grossissement de 200 diamè- tres présentent les follicules précédents, soit sous forme de tubes al- longés, soit de cercles, soit de figures elliptiques, suivant que la coupe est parallèle, perpendiculaire ou oblique relativement à leur direction. Partout ces longues cavités folliculeuses sont tapissées par une coupe de Tépithélium cylindrique régulier que nous venons de décrire. Ces cellules s'implantent directement sur la paroi, sans l'interposition d'une membrane propre hyaline glandulaire. Elles se forment en quantité considérable et subissent des altérations telles que le passage à l'état graisseux et à l'état vésiculeux. Elles laissent à leur centre une lumière vide ou canal ; les follicules s'ouvrent directement à la surface des bour- geons, de telle sorte que, par la pression, les gouttelettes de liquide lai- teux qu'on en fait sourdre no sont autres que leur contenu. Ainsi constituées par de longues cavités folliculaires tapissées par un épithélium cylindrique semblable à celui de la muqueuse intestinale, ces tumeurs se condensent comme les hétératopies épithéliales les plus graves. Après avoir envahi la muqueuse elles s'étendent t en profon- deur et se substituent aux couches musculaires. Nous les avons vues détruire et perforer la cloison recto-vaginale, envahir les ganglions lymphatiques, et plusieurs observations attestent quelles ont donné lieu à des dépôts secondaires dans le foie et le poumon. Si nous comparons ces tumeurs malignes avec le polype muqueux décrit plus haut et qui est dû à une hypertrophie et hypergénèse des glandes en tube, nous verrons qu'entre, ces deux productions si diffé- rentes comme gravité il existe la plus grande analogie de structure. 03 Toutes les deux, en efïet, sont constituées par de grands follicules qui contiennent dans leur intérieur des cellules épithéliales identiques, im- plantées perpendiculairement aux parois du follicule. A un examen mi- croscopique superficiel de préparations de ces deux tumeurs, il serait très facile de prendre l'une pour l'autre. Cependant il existe une diffé- rence radicale : c'est que dans l'hypertrophie glandulaire simple la pa- roi hyaline des follicules est conservée intacte, tandis qu'elle fait défaut dans l'autre cas, où les cellules s'implantent directement sur le tissu lamineux peu abondant ou sur les parois des capillaires qui constituent la trame de là production morbide. De cette absence de paroi propre résulte une friabilité extrême de la tumeur dont on ne peut connaître la structure qu'après l'avoir fait macérer dans un liquide durcissant. A i'œil nu la différence est plus tranchée encore; la tumeur adénoïde faitunesaillieen forme de polype; elle est petite, bien limitée, semi-trans- parente, et ne donne pas de suc laiteux à la pression ni sur une coupe. La tumeur maligne, au contraire, tend incessamment à envahir les par- ties voisines, à s'accroître en surface et en profondeur; les bourgeons mous qu'elle présente sont vascularisés et riches en suc laiteux abon- dant qui sourd à leur surface et baigne la coupe qu'on en fait. L'abon- dance de ce liquide est due à ce que les cellules formées en quantité considérable ne sont pas maintenues en place par une paroi glandulaire résistante et peuvent se déplacer en toute liberté. L'opacité de ce li- quide est encore rendue plus grande par ce fait qu'un nombre plus ou moins grand de cellules est en dégénération graisseuse. Ces caractères, fournis par la simple vue, ont fait ranger ces produc- tions morbides dans la. classe des cancers encéphaloïdes par la majorité des anatomo-palhologistes, tandis que leur examen microscopique les fait considérer par d'autres comme des cancroïdes (1). Quant au mode de développement de ces tumeurs épithéliales, on doit se demander quelle est l'origine de ces grands follicules en cœcum tapissés par un épithélium cylindrique. La réponse ne me paraît pas douteuse : ils occupent la place des glandes; ils sont parallèles les uns aux autres et perpendiculaires à la surface de la muqueuse où ils s'ou- vrent; à l'origine, ils ne dépassent pas la couche de tissu conjonctif sous- muqueux; ils contiennent des cellules épithéliales semblables comme forme, comme dimension et disposition aux cellules que l'on trouve dans les glandes hypertrophiées des polypes glandulaires. D'après ces faits, nous nous croyons pleinement autorisé à les regarder comme des (1) Nous renvoyons pour la critique de ces dénominations à ce que nous en avons dit dans un mémoire inséré dans le Journal de physiolo- gie, année 1864, p. 472. 64 glandes en tube altérées. Leur lésion consisterait, dans co cas, dans l'hypertrophie et l'hypergénèse de leurs cellules épithéliales et dans la disparition de leur membrane propre. II. — Physiologie comparée. Sur les mouvements qui se manifestent dans la tache germinativê chez quelques animaux; par M. B.ilbiam. (Lu à la Société de biologie dans une de ses séances du mois de février 1864.) Depuis la découverte des phénomènes de mouvement dans les cel- lules, les exemples de contractilité de ces éléments se sont tellement multipliés queKoelliker a pu se demander à bon droit si cette propriété ne devait pas être considérée comme indistinctement dévolue à toutes les cellules animales. Mais dans tous les faits de ce genre connus jus- qu'ici, les mouvements ne paraissent se passer que dans le contenu de la cellule ou le cytoplasma, et personne n'a encore signalé l'existence de phénomènes analogues ayant pour siège le contenu du noyau, c'est- à-dire le nucléole ou la tache germinativê. L'objet de cette communication est de montrer que ee dernier élé- ment peut lui-même présenter des phénomènes de contractilité bien évidents et capables d'amener des modifications importantes dans son aspect et sa configuration extérieure. Mais à la différence de ce qui se passe dans le contenu de la cellule où ces mouvements sont toujours d'un seul et même ordre et rappellent plus ou moins ceux des amibes pendant la progression, d'où le nom de mouvements amœbïfôrmes qui leur a été donné, les contractions qui ont lieu dans l'intérieur de la vé- sicule germinativê appartiennent à deux types bien distincts, dont l'un a la plus grande analogie avec les mouvements amœbiformes précé- dents, tandis que l'autre, d'une nature toute spéciale, ne peut être com- paré qu'à ces pulsations périodiques qui se manifestent dans la vésicule contractile des infusoires et des rhizopodes. Je décrirai successivement chacune de ces deux sortes de mouvements. 1* Mouvements amœbiformes de la tache germinativê. — Je ne les ai encore observés jusqu'ici que chez certaines espèces d'Aranéides (Epéi- res, clubiones, saltiques, lycoses, .etc.). Us rappellent tout à fait ceux qui ont été signalés dans quelques éléments anatomiques simples, tels que les globules blancs du sang des vertébrés, les corpuscules sanguins des invertébrés, les cellules hépatiques du lapin, les cellules pigmen- taires des batraciens, les zoospermes des vers nématoïdes, etc. De même que dans les exemples qui viennent d'être cités, ces mouvements de la tache germinativê sont caractérisés par la production de prolongements transparents ayant presque toujours la forme de lobe9 arrondis qui s'a!- 65 longent et se rétractent alternativement. Ces expansions peuvent se pro duire tantôt sur certains points déterminés de la tache, tantôt sur tout son pourtour, de manière à entourer le corpuscule germinatif d'un limbe mince et transparent, diversement lobé ou festonné. On remarque là, en un mot, les mêmes phénomènes que ceux qui ont été décrits pour la plupart des autres éléments cellulaires contractiles. Ces mouvements peuvent être observés dans des ovules parvenus à différents degrés de développement, pourvu que ceux-ci n'aient pas encore été obscurcis par l'accumulation des granules vitellins dans leur intérieur. Cependant, dans les plus jeunes de ces éléments, lorsqu'ils n'ont pas encore dépassé un diamètre de 5 à 6 centièmes de millimètre, la tache offre fréquem- ment une forme régulièrement arrondie et ne subit que rarement les déformations dont nous venons de parler (chez l'épéire diadème entre autres). C'est principalement sur les ovules qui ont atteint 1 à 2 dixiè- mes de millimètre que les mouvements peuvent être le plus manifeste- ment aperçus. Les contractions dont il est ici question ne peuvent pas être attribuées à de simples phénomènes d'échange entre les éléments anatomiques et les liquides qui les entourent, car elles se produisent sans l'interven- tion d'aucune liqueur particulière ajoutée à la préparation. On peut les observer pendant plusieurs heures consécutives lorsque, pour empêcher l'évaporation, on a eu soin d'entourer la lamelle de verre qui recouvre la préparation d'une bordure de cire, suivant la recommandation de Lieberklihn pour l'observation des mouvements de contraction dans les globules blancs du sang. Ce qui prouve d'ailleurs que ces mouvements se manifestent également chez l'animal en vie, et sont par conséquent d'un ordre purement physiologique , ce sont les variations nombreuses qu'offre dans son aspect la tache germinative dans les divers œufs d'un même ovaire au moment où l'on soumet ceux-ci à l'inspection microsco- pique. On s'assure ainsi que les phénomènes que l'on a sous les yeux ne sont que la continuation de ceux qui se sont accomplis pendant la vie, et qui persistent dans l'organe extrait du corps tant que celui-ci conserve sa vitalité propre. 2° Mouvements de contraction des vacuoles de la tache germinative. — Ce second genre de mouvements offre plus d'intérêt que le précédent en raison de son analogie avec les contractions que nous voyons exécu- ter à certains organes des animaux dont les fonctions nous sont bien connues. Il a pour siège les vacuoles ou espaces remplis d'un liquide transparent que l'on remarque dans la tache germinative d'un grand nombre d'animaux. J'ai observé pour la première fois ce genre de con- tractions sur les ovules du faucheur commun {Pkalartgium opilio). Chez cette arachnide, la tache germinative a une forme presque régu- C. R, 5 66 lièrement arrondie, mais elle paraît comme spongieuse on boursoufflée par suite du grand nombre de lacunes ou cavités dont sa substance est creusée. Quelques-unes de ces cavités sont placées dans l'intérieur de la tache et ne font aucune saillie à l'extérieur; d'autres, au contraire, s'élèvent plus ou moins au-dessus de la surface en soulevant sous forme d'une ampoule la couche la plus externe de la substance du corpuscule. Le nombre de ces ampoules est très-variable ; on peut en compter de- puis une seule jusqu'à quatre, cinq et davantage, diversement groupées à la surface de la tache. Lorsqu'on porte son attention sur une de ces vésicules superficielles, on ne tarde généralement pas à la voir grossir insensiblement, en môme temps que la couche de substance qui forme sa paroi extérieure se soulève en s' amincissant de plus en plus; puis, assez brusquement, cette paroi se rompt comme sous la pression d'un liquide intérieur, et ses bords se rétractent vers la base adhérente de l'ampoule qui se trouve ainsi transformée en une petite cupule ou exca- vation superficielle. Peu à peu cette excavation tend à se combler par le soulèvement de son fond qui graduellement se rapproche de la sur- face du corpuscule, et bientôt il ne reste plus aucune trace de l'ampoule ni de l'excavation qui lui a succédé. Pendant que ces phénomènes s'ac- complissent, une ampoule voisine, ou plus ou moins distante de la pre- mière, s'est accrue de la même manière, et après avoir fait une saillie plus ou moins considérable à la surface de la tache germinative, dispa- raît de même après la rupture de sa paroi extérieure. Toutes les vési- cules de la périphérie éclatent ainsi successivement ; mais pendant ce temps, des vacuoles fort minimes placées plus profondément dans l'in- térieur de la tache, ont grandi et se sont rapprochées de la surface du corpuscule germinatif au-dessus de laquelle elles finissent par proéminer plus ou moins, de manière à y former de nouvelles ampoules qui se comportent comme les précédentes. Il n'est pas rare de voir deux va- cuoles voisines, au lieu de gagner isolément la périphérie, arriver à se toucher , puis, par suite de la rupture de la cloison de séparation, se fondre en une seule vacuole plus grande qui vient faire saillie à l'ex- térieur. Au moment où les ampoules ont pris tout leur développement, et où leur rupture est imminente, la saillie qu'elles forment au-dessus du ni- veau du corpuscule peut égaler plus de la moitié du diamètre de celui- ci, surtout dans les jeunes ovules où la tache est plus petite, ou dans les taches accessoires d'un volume moindre qui accompagnent, dans quel- ques cas, la tache germinative principale. Dans plusieurs ovules où les dimensions de cette dernière étaient de 0"m,0254 à 0B,o\0432, les am- poules s'élevaient à une hauteur de 0mm,0108 à 0œB,,0180 au-dessus du niveau de celle-ci. Il est impossible, lorsqu'on assiste à ces phénomènes, de n'être pas immédiatement frappé de leur ressemblance avec ceux que présentent certains rhizopodes actinophryens. L'aspect des corpuscules germina- tifs creusés d'un grand nombre de vacuoles, ressemble, à s'y mépren- dre, au parenchyme celluleux des actinophrys, surtout, comme cela a lieu quelquefois, lorsque ces animalcules ont rentré leurs pseudopodes. Le jeu des vésicules contractiles à leur surfaoe ajoute un trait de plus à cette ressemblance. De même que chez les actinophrys, les contrac- tions de la tache germinative sont loin de se faire d'une manière régu- lière et rhythmique, et l'on constate souvent des intervalles assez longs, d'un quart-d'heure, d'une demi-heure et même davantage entre deux pulsations successives. Cependant, malgré ces analogies, il existe des différences essentielles entre les vacuoles contractiles du corpuscule germinatif et les vésicules pulsatiles des rhizopodes. En effet, ch«z ces derniers, la vésicule, après avoir disparu à la suite d'une systole, se re- forme toujours sur le même point du corps de l'animal, tandis que les ampoules de la tache germinative se produisent pour ainsi dire au ha- sard sur tous les points de la surface du corpuscule, à mesure qu'elles s'élèvent de son intérieur vers la périphérie. Une autre différence non moins capitaie, c'est que, chez les actinophrys, la vésicule représente un véritable organe de circulation qui a pour mission de distribuer dans le parenchyme de l'animal le liquide qui s'est accumulé dans son inté- rieur, tandis que les ampoules contractiles de la tache germinative éva- cuent au dehors le liquide qui les distend et le versent dans l'intérieur de la vésicule germinative ou de Purkinje. Les phalangides ne sont pas les seuls animaux qui présentent ces phé- nomènes. La plupart des aranéides sont dans le même cas, et l'on peut, dans la tache germinative de leurs œufs, observer à la fois les mouve- ments amœbiformes précédemment décrits et ceux qui ont leur siège dans les vacuoles creusées dans l'épaisseur de cet élément. Chez quel- ques myriapodes, tels que les géophiles, où la tache germinative se présente habituellement sous la forme d'un gros globule régulièrement sphérique, on remarque fréquemment dans son intérieur une ou plu sieurs cavités susceptibles de se dilater et de se contracter alternative- ment. Au moment de la diastole, chaque cavité se rapproche graduelle- ment de la surface du corpuscule, mais ne s'élève jamais au-dessus de son niveau comme chez le phalangium. La systole ne paraît pas non plus s'effectuer de la même manière que chez ce dernier, car, au lieu d'être évacué à l'aide d'une rupture brusque de la paroi extérieure de la vacuole, le liquide qu'elle renferme est chassé au dehors et ver? ù dans la cavité de la vésicule de Purkinje à travers un orifice étroit, percé dans la paroi amincie de la vacuole et qui met celle-ci on commi:- 68 rycation directe avec cette dernière cavité. Enfin chez un animal appar- tenant à une classe toute différente, Y hélix pomatia, la tache germina- tive renferme aussi une ou plusieurs vacuoles contractiles semblables à celles des géophiles, et qui communiquent également par un pertuis étroit avec le liquide de la vésicule de Purkinje. Bien que je n'aie pu observer directement les contractions de la tache germinative que dans le petit nombre d'espèces précédemment indi- quées, je suis néanmoins porté à croire que ces mouvements ont une grande généralité et se retrouvent probablement dans les œufs de tous les animaux. J'ai examiné sous ce rapport de nombreuses espèces, tant vertébrées qu'invertébrées, et s'il ne m'a été que rarement donné d'a- percevoir les contractions de la tache germinative, du moins j'ai pu con- stater, dans la très grande majorité de ces espèces, l'existence de va- cuoles dans cet élément de l'œuf. Il nous reste à nous demander quelle est la signification des faits qui viennent d'être décrits. Il est évidemment impossible d'établir dès ce moment aucune hypothèse plausible à cet égard. Nos idées sur les fonc- tions des cellules, sur les propriétés physiques et chimiques de leurs différents éléments composants sont encore si incomplètes, que toute tentative de ce genre serait pour le moins prématurée. Sommes-nous môme bien certains d'avoir des notions anatomiques complètes sur la structure de ces éléments qui nous paraissent si simples, et assurés qu'ils n'offrent pas une complication que ne nous permettent même pas d'entrevoir nos moyens d'investigation actuels? Ce qui paraît mieux éta- bli, c'est l'importance du rôle que joue le noyau, avec le nucléole in- clus, comme élément de nutrition et de conservation de la cellule. C'est évidemment dans ce sens qu'il faut cherchera interpréter tous les phé- nomènes qui s'accomplissent dans son intérieur. L'analogie si frappante, signalée plus haut, que présentent au premier aspect les vacuoles con- tractiles de la tache germinative avec les vésicules pulsatiles des rhizo- podes, avait d'abord fait naître en moi la pensée de l'existence d'une circulation intra-cellulaire; mais malgré ces ressemblances apparentes, les phénomènes se présentent en réalité, comme on l'a vu, avec des ca- ractères si différents, que j'ai dû, sinon renoncer absolument à une pa- reille assimilation, du moins l'ajourner jusqu'au moment où des notions plus complètes nous seront acquises sur les conditions anatomiques et physiologiques des cellules. III. — Pathologie. 2* Vaiuole in utero; par M. Legros, interne des hôpitaux. Le fœtu,« que je présente à la Société était atteint de variole; cetac- 61) cident n'est pas très-rare, mais certaines circonstances bizarres donnent quelque intérêt à mon observation. Le 18 mai, à l'Hôtel-Dieu, une femme venait de faire une fausse couche; le cordon avait été rompu, et je dus extraire le placenta. Après la délivrance j'examinai l'enfant : il était couvert de pustules de variole; la mère n'en présentant pas de traces : elle portait de belles cicatrices de vaccine, et n'avait pas eu la petite vérole. Cette femme, âgée de 21 ans, n'a jamais fait do grandes maladies: il y a six mois elle arriva à Paris et eut à cette époque des rapports sexuels avec un homme convalescent de variole. Le coït avait été suivi d'une grossesse pénible ; les fonctions digestives avaient été troublées et très-affaiblies, et la malade entre à l'Hôtel-Dieu le 10 mai dans une salle où il n'y avait point de malades atteintes de variole. Le 17, elle est prise des premières douleurs ; le 18 au matin Pavor- tement a lieu. L'âge du fœtus parait correspondre à l'époque des premiers rapports de la mère avec son maître (cinq mois environ) ; cette femme affirme du reste qu'elle n'avait pas eu de rapports sexuels antérieurs. Elle a quitté l'hôpital douze jours après l'accouchement. Il est bien certain que l'enfant a contracté la variole sans que la mère ait éprouvé les mômes accidents. Doit-on admettre que la mère a été exposée quelques jours avant l'avortement à la contagion variolique, et que le virus, innocent pour elle, a pu atteindre l'enfant? Cazeaux cite des exemples où la mère n'a été que le conducteur du principe contagieux. Ou bien pourrait-on admettre cette opinion bizarre que le père,vario- leux au moment de la fécondation, aurait communiqué le virus à l'en- fant, et que cinq mois après !e virus se serait manifesté? Une telle opinion paraît contraire à tout ce que l'on sait de la contagion de la variole; mais elle n'est pas aussi extraordinaire qu'on pourrait le croire au premier abord si l'on considère certains faits parfaitement con- nus. Ne sait-on que, lorsqu'une femme enceinte gagne la variole, le fœtus est atteint quelquefois assez longtemps après la guérison de la mère? De plus, lorsqu'un père syphilitique engendre un enfant syphili- tique, la diathèse ne se manifeste pas immédiatement, quelquefois même elle ne se manifeste que plusieurs jours, plusieurs semaines après la naissance; le virus est donc resté à l'état latent pendant plusieurs mois. Y aurait-il quelque chose de semblable dans le fait dont il s'agit? Serait-ce là une incubation de longue durée, ou bien n'y a-t-il qu'une coïncidence? C'est ce que l'observation de cas analogues éclaircira sans doute. 70 2° Du leptothhix duccali.s; par M. G. Pouchet. Jusqu'ici le leptothrix buccatis a été décrit comme naissant sur un slroma granuleux formé de matières animales en putréfaction au mi- lieu desquelles on peut apercevoir des vibrions, et qui constitueraient l'algue parasite un véritable terrain. Nos observations nous ont conduit à envisager tout autrement ce stroma. En étudiant les langues dont Pépithélium tout entier se renou- velle à la fois dans certaines maladies, on peut découvrir, sur les extré- mités flabelliformes de certaines papilles caliciformes, de petites masses d'une matière granuleuse absolument semblable à celle du stroma dé- criteomme terrain du leptothrix. Cesmasses, qu'on peut étudier au début, quand elles n'ont encore que O^jOSO à 0"m,050 de diamètre, offrent ceci de particulier d'être nettement limitées, sur les points où elles n'adhèrent pas au tissu épithélial, par une ligne de contour très-âne et très-distincte qui enveloppe les granulations; en sorte que l'ensemble rappelle assez bien ces œufs que certains gastéropodes aquatiques dé- posent sur les herbes des mares. Ce contour éloignerait seul toute idée dé matière animale morte; mais on voit très-bien que cette masse gra- nuleuse-grandit jusqu'à envelopper toute l'extrémité flabelliforme de la papille. Elle peut môme coiffer celle-ci, et dans ce cas la masse granu- leuse, toujours terminée par une ligne de contour extrêmement fine et distincte, rappelle assez bien une petite vessie à couleur qu'on aurait piquéo par le goulot sur un poinçon. 11 suit de là que cette matière granuleuse n'est point un terrain pour le Leptothrix buccalis, mais bien un état du végétal. Celui-ci sous cette forme, grandissant toujours, tend à envelopper totalement la papille, et c'est alors qu'il donne naissance aux filaments décrits depuis longtemps. En môme temps la périphérie de la masse granuleuse perd son contour soit par des actions de frottement, soit par la mort partielle de la masse elle-même; et c'est évidemment dans ce dernier cas seulement qu'on a pu y voir des vibrions. IV. — Pathologie expérimentale. Contribution a l'étude des conditions pathogéniqijes des kystes sanguins de l'arachnoïde; recherches expérimentales sur les animaux; par J. V. Laborde. Remise dans ces derniers temps à l'ordre du jour scientifique, la question si controversée du mode de formation des hémorrhagies intra- arachnoïdiennes, ne semble pas près de toucher à une solution défi- 71 nitive, malgré les efforts de quelques pathologistes , et peut-être à cause même de ces efforts. Une des raisons principales (car nous ne voulons pas les examiner ici toutes) de ces difficultés d'aboutir, c'est la tendance exclusiviste de quelques auteurs puisée dans un amour exces- sif des innovations exotiques. Loin de nous, assurément, l'intention de blâmer cette noble passion qui consiste à chercher partout, ici et ail- leurs, la vérité en fait de science pour laquelle, nous le savons, il n'y a pas de nationalités; mais il nous semble — et qu'il nous soit permis de le dire — que ce travail d'importation scientifique auquel on s'a- donne aujourd'hui avec une incroyable ardeur, gagnerait singulièrement à être pratiqué avec un peu moins de préoccupations personnelles et un peu plus de critique. Déjà nous avons essayé de réagir contre l'opinion qui attribue exclu- sivement les hémorrhagies intra-arachnoïdiennes à la rupture des vais- seaux nouvellement développés dans une néo-membrane préexistante ; sans nier la possibilité, la réalité, la fréquence même de ce mode pa- thogénique, nous avons montré qu'il en existait un autre selon lequel l'épanchement sanguin s'étant primitivement produit à la façon de la plupart des hémorrhagies encéphaliques, devenait le point de départ et l'occasion d'un enkystement consécutif. A l'appui de ce fait nous avons fourni des preuves anatomiques et cliniques; nous venons y ajouter aujourd'hui le témoignage complémentaire des preuves expérimen- tales. On peut facilement produire chez les animaux des kystes sanguins dans la cavité arachnoïdienne, et l'on doit se rappeler le cerveau et le crâne appartenant à un tout jeune chien, que j'ai montrés dernière- ment à la Société. A la face interne de la boîte crânienne du côté droit on apercevait distinctement une petite tumeur oblongue située longitu- «Uïttlement, parallèle au sinus longitudinal supérieur; cette tumeur constituée par un caillot sanguin et comme appendue à la voûte du crâne, était complètement entourée par une membrane mince, transpa- rente, laquelle adhérait parfaitement à la dure-mère pariétale, et n'af- fectait avec le feuillet viscéral de l'arachnoïde sur lequel elle reposait, que des rapports de contiguïté sans adhérences. On reconnaît à ces dispositions les conditions topographiques habituelles des kystes héma- tiques intra-arachnoïdien chez l'homme : l'analogie est telle qu'on ne peut en vérité se défendre à priori d'une complète assimilation patho- génique. Mais voyons de plus près comment se passent les choses dans la production artificielle de ces hémorrhagies. Le procédé opératoire que j'emploie est des plus simples : sur un animal (chien ou chat) très-jeune, âgé de quelques semaines à l mois, et dont le crâne est .encore très-mince et peu résistant, je dénude celui- 72 ci dans une suffisante étendue, à l'aide d'une incision longitudinale pra- tiquée sur la ligne médiane au niveau de la suture antéro- postérieure ; sur les côtés de cette suture, à 2 millimètres environ, soit à droite, soit à gauche, j'enlève avec un emporte-pièce ou avec des ciseaux (si cela est possible) une rondelle de la paroi osseuse de la voûte crânienne sans intéresser la dure-mère dont j'ai alors sous les yeux la face ex- terne; puis, par une ponction très-légèrement faite à cette dernière, j'introduis par son plat un ténotome à lame très-étroite, et tournant en haut le tranchant, j'incise au niveau du sinus longitudinal supérieur. Le sang jaillit aussitôt, et pour qu'il ne s'écoule pas au dehors, il faut avoir le soin de clore avec le doigt la petite ouverture faite à la dure-mère; bientôt on sent une petite tumeur se produire sous celle-ci. Je réunis par une suture les téguments crâniens incisés, et j'ai, en outre, l'habi- tude d'appliquer au niveau de la suture une petite bande légèrement compressive, afin que si le sang continue à couler, il ne fasse pas irrup- tion entre la dure-mère et l'os, ce qu'il est très-difficile d'éviter com- plètement. Les choses étant ainsi, l'animal est abandonné à lui-môme, mais il présente alors et consécutivement des phénomènes qu'il n'est pas sans intérêt d« signaler. Les voici tels que nous les avons observés et notés dans deux de nos expériences; la première concerne l'animal dont je viens de montrer le cerveau. Exp. I. — Opération telle qu'elle vient d'être décrite, pratiquée le 27 février 1864 chez un chien âgé de 1 mois, sur l'hémisphère crânien du côté droit. A peine la suture du péricrane est-elle faite, que l'animal est pris de phénomènes convulsifs dans les pattes avec prédominance dans celles de droite; les convulsions se continuent, avec quelques in- termittences, pendant dix minutes environ. Lorsque l'animal essaye de marcher ou qu'on l'y excite, il chancelle et tombe irrésistiblement sur le train de derrière; les membres sont le siège d'une profonde anes- thésie, car le contact d'un charbon ardent n'est presque pas senti. Abandonné à lui, il tombe dans une espèce de torpeur très-analogue à un état comateux auquel il est très-difficile de l'arracher ; le soir ce- pendant (quatre ou cinq heures après l'opération), il paraît un peu plus éveillé; il tête sa mère et boit du lait qu'on lui présente, mais il ne peut marcher; il ne tarde pas à retomber dans un sommeil profond. Le lendemain (28 février), l'animal se tient mieux sur ses pattes; il marche, mais en chancelant et traînant le train de derrière ; si l'on vient à comprimer légèrement la portion du crâne qui était mise à nu, on dé- termine aussitôt des accidents semblables à ceux qui ont été signalés plus haut, et parmi lesquels domine l'état comateux avec semi-résolu- 73 tion des membres. Il est sacrifié à l'aide de l'intoxication par la strych- nine vingt-quatre heures après l'opération. Nous avons montré et décrit ci-dessus la pièce anatomique : nous ajouterons ici que le feuillet viscéral de l'arachnoïde et à fortiori la substance cérébrale ont été parfaitement respectés par les instruments introduits dans la cavité arachnoïdienne. Exp. II. — Le 7 avril 1864, sur un jeune chat âgé de 15 jours, je pra- tiquai, par le procédé qui vient d'être décrit, la piqûre du sinus longi- tudinal supérieur à gauche de la suture médiane. Immédiatement après l'opération, qui ne fut troublée que par un peu d'hémorrhagie externe, l'animal placé à terre, sur les pattes, fléchit, chancelle aussitôt qu'il veut se mettre en marche, et tombe sur le côté droit du corps, où il est facile de constater l'existence d'une paralysie presque complète. Il cesse tout mouvement et demeure comme assoupi avec accélération des mouvements respiratoires. L'expérience a été commencée à deux heures; à cinq heures et demie, la paralysie est en- core plus prononcée. Lorsqu'on l'excite à marcher, l'animal qui, d'ail- leurs, n'a cessé de dormir d'un sommeil profond, tombe irrésistiblement sur le côté droit; il traîne les pattes de ce même côté, celles de der- rière plus particulièrement. . Le lendemain, à une heure (vingt-quatre heures après l'opération), les mêmes phénomènes paralytiques persistent : même au repos l'animal est comme renversé sur le côté droit, sur lequel il lui est impossible de se teniï. Il est sacrifié à l'aide de l'intoxication par la strychnine; il n'est pas indifférent de noter que les phénomènes convulsifs déterminés par celle- ci ont eu pour premier et principal siège la patte antérieure du côté droit. Le crâne étant ouvert avec grand soin, on voit attenant à la voûte pariétale et à la face interne de la dure-mère, du côté gauche, une masse sanguine oblongue, tumenteuse à sa surface, occupant au moins la moitié antérieure de la cavité crânienne ; cette masse est comme em- prisonnée dans une toile membraneuse qui adhère à la dure-mère, mais qui n'affecte avec le feuillet viscéral de l'arachnoïde sur lequel elle repose que des rapports de contiguïté. La petite tumeur étant isolée et plongée dans l'eau, on aperçoit dans toute son évidence une membrane mince, transparente, tumenteuse, partout continue à elle-même et en- kystant une certaine quantité de sang, en partie liquide, en partie coagulé. L'examen microscopique révèle dans le produit membraneux l'exis- tence des éléments suivants : granulations fibrineuses abondantes, mê- /^\0 A L X/ o ao; .aï* 74 lées de tractus fibrillaires et de quelques fibres rares de tissu cellulaire en voie de formation ; granulations transparentes en petit nombre ; glo- bules sanguins ; plusieurs cristaux d'hematoïdine ; enfin plusieurs traî- nées nucléaires qui nous ont paru être les linéaments d'une néo-vascu- larisation commençante. Les conclusions à tirer de ces expériences sont trop évidentes pour que nous ayons à y insister; l'analogie entre ces résultats et ceux fournis par l'observation clinique est telle qu'il est impossible de ne pas leur attribuer un même mode pathogénique. V. — Pathologie comparée. Considérations sur un cas de diabète sucré, développé spontanément chez un singe; par le docteur Bérenger-Féraud, chirurgien de 1" classe de la marine. On a observé bien des maladies de l'espèce humaine chez les divers animaux de l'espèce zoologique; la pneumonie, la tuberculose, la dy- senterie, les affections vermiueuses, se rencontrent fréquemment chez les quadrumanes, les carnassiers, les ruminants, etc., etc., mais je ne sache pas qu'on ait rencontré jamais le diabète sucré spontané chez les animaux réduits en domesticité. Si l'on a constaté quelques fois une polyurie simple chez le cheval, on n'a pas encore trouvé chez les ani- maux la glycose urinaire en ces proportions élevées qui constituent la cruelle affection que nous venons de nommer. Il ne répugne cependant pas d'admettre que le diabète peut se déve- lopper spontanément chez quelques animaux. Probablement même, si on ne l'a pas encore rencontré, c'est parce qu'il a échappé jusqu'ici aux investigations par l'obscurité de ses symptômes. Ayant eu l'occasion de constater un cas de diabète spontané bien ca- ractérisé chez un singe femelle, je l'ai étudié avec soin et j'en rapporte aujourd'hui l'histoire complète. I. — Un singe femelle, dont je vais noter avec soin l'observation, in- téressante à plus d'un titre, pesait 2",020; son pelage était blond, rou- geâtre, bien fourni, luisant; il paraissait adulte ; néanmoins il n'a jamais dû concevoir, car ses organes génitaux et ses seins étaient dans un par- fait état d'intégrité ; il était très-vif, très-gai et eût été très-agile s'il n'avait pas porté une fracture mal consolidée du fémur droit et un cal volumineux aux premiers métacarpiens de la main gauche. Cet état de choses dura jusque vers le mois d'octobre. A cette époque il y eut un changement notable dans la manière* d'être de l'animal. Les fruits frais dont il avait fait surtout usage jusqu'alors continuaient à lui 75 plaire beaucoup, mais comme les pommes devinrent bientôt le seul des- sert, il contracta l'habitude de manger du pain imbibé de sauce, il prit goût au potage gras, à la viande rôtie et enfin ne mangea plus que des aliments très-animalisés. Depuis trois mois je cherchais à provoquer cette transformation, qui allait me fournir un sujet curieux d'études; car, préoccupé des théories de M. Bouchardat sur l'étiologie de la phthisie pulmonaire (suppl. à V Annuaire de 1861), ie voulais voir si un singe, nourri avec des substances très-riches en éléments azotés et respira- toires* résisterait à cette phthisie qui l'attaque fatalement jusqu'à pré- sent dans nos latitudes. II. — Un autre singe mâle, de la même espèce, mais d'un pelage vert gris, ne s'habitua pas aux alimenta animaux, ne mangea plus que quelques radis, quelques fruits secs et de la salade. Il succomba en septembre à une phthisie galopante. Le singe femelle, au contraire, gagna encore en embonpoint, devint gras même ; seulement, phénomène très-explicable, du reste, après quelques jours de diarrhée fétide, il excréta des matières fécales, en tout semblables aux matières fécales humaines, tandis qu'il n'avait rendu jusque-là que de petites scyballes ou de petits cylindres très-durs, très-secs et tout à fait inodores. Au mois de novembre 1863, au milieu de la santé la plus florissante, l'animal ressentait des démangeaisons vives à l'extrémité de la queue, il commença à la mordre souvent jusqu'au sang. Je note ce phénomène parce qu'il est très-fréquent chez les singes qui sont tenus en domesti- cité. Les matelots disent et croient fermement que quand on donne de la viande à un singe, il mange sa queue jusqu'à la racine et meurt bientôt. J'ai essayé de saupoudrer cette queue avec de la quinine, de Pa- loès, etc., etc., je l'ai trempée dans du goudron, dans des matières fé- cales môme : rien ne put corriger l'animal. Cependant il faut constater qu'en six mois il n'apas perdu plus d'une vertèbre coccygienne qui tomba nécrosée en février. Au molâ de janvier 1864, l'animal maigrit assez rapidement, quojque ayant conservé un grand appétit, toujours largement satisfait. On com- mença à constater que ses urines, abondantes, laissaient en s'évapo- rant une tache blanchâtre efflorescente. Son poil devint plus rugueux, ses dents incisives inférieures s'ébranlèrent, et il en perdit deux. Son caractère si pétulant fit place à un calme inaccoutumé. Il dormit da- vantage. Au mois de février, pendant que j'étais absent du bord, un de mes camarades, voulant essayer encore de corriger l'animal de sa mauvaise 7(3 habitude, prit dans ma pharmacie del'exlrait de belladone, pensant que c'était une substance très-amère, et en fit une application sur l'extré- mité de la queue. Il en mit environ 1 gramme. L'animal goûta comme de coutume la substance, puis frotta longtemps sa queue par terre pour l'en débarrasser, et continua à se mordre de temps en temps. Pendant une semaine on ne constata rien chez l'animal, mais au commencement d« mars, quand je revis l'animal, je remarquai qu'il perdait chaque jour de son agilité, de sa gaieté. Je l'observai avec soin et je constatai qu'il avait les pupilles très-dilatées, quoique parfaitement contractiles, ce- pendant que sa vue, si perçante jusque-là, semblait un peu affaiblie. Le 18 mars, deux heures après s'être éveillé et avant de manger, l'a- nimal eut quelques mouvements spasmodiques. On eût dit des secousses électriques. Ses pupilles étaient très-dilatées, ses yeux, démesurément ouverts, étaient hagards. Sa vue fut plus faible à partir de ce moment. Le 19, il eut plusieurs atteintes de ces mouvements convulsifs passa- gers. J'observai encore ces phénomènes du côté des yeux. Le soir il n'y voyait plus assez pour se conduire. Le 20, attaque qui dure dix minutes et qui surprend la bote au mo- ment où je l'observais. Voici comment se passa la scène : l'animal était accroupi près de la cheminée et me semblait dormir ; je l'appelai, il leva la tête et tourna les yeux de mon côté. Tout à coup il pousse un petit cri plaintif; ses pupilles, déjà très-dilatées, se dilatent encore; ses pau- pières sont extraordinairement écartées, puis survient un mouvement spasmodique de tout le corps. L'animal veut marcher, il fait deux ou trois pas mal coordonnés, tourne sur lui-même comme les animaux aux- quels on a lésé un pédoncule cérébelleux, a une nouvelle secousse, crie faiblement deux ou trois fois et tombe enfin sur le côté droit, les mem- bres roidisen pronation, les doigts contractés et fléchis dans l'articula- tion de la première avec la deuxième phalange, le pouce ramené vers la paume de la main, les mâchoires serrées. Quand il reprit ses sens, je le rapportai près du feu; une demi-heure après, au moment où je le prenais pour le porter auprès de ses aliments, nouvelle attaque en tout semblable à l'autre, et durant un quartd'heure. Frappé de ces accidents divers, j'eus l'idée d'analyser les urines, je les trouvai d'une densité de 1 ,032, pâles, peu odorantes, acides, rédui- sant fortement le sous-nitrate de bismuth, brunissant la potasse causti- que et contenant 28 grammes de glycose par litre. Je constatai que la face inférieure de la queue, qui est au contact avec les organes génitaux, était couverte d'une poussière blanchâtre, granuleuse, qui n'était autre chose que de la glycose. Les urines de l'animal étaient, ai-je dit, très- abondantes, il est difficile de les évaluer d'une manière précise ; cepen- dant il en excrétait environ 400 grammes en vingt -quatre heures. La 77 soif était constante, l'appétit bien conservé, quoique l'amaigrissement fît des progrès. Presque à chaque repas il y avait des régurgitations d'ali- ments, les dents étaient vacillantes et déchaussées. Presque toutes les incisives branlaient et paraissaient devoir bientôt tomber. J'instituai aussitôt le traitement suivant dont j'ai pu apprécier l'effi- cacité dans le diabète : teinture d'iode, 10 gouttes dans 200 grammes d'eau; suppression des fruits sucrés, des féculents, du cidre; régime azoté; viande et poisson à discrétion. Les vomissements cessent deux jours après; la semaine suivante les dents semblent plus solides; l'eau iodée, qui répugnait les deux premiers jours, est bue ensuite volontiers. Les mouvements sont plus assurés, les forces reviennent bien, et le 30 mars, l'animal est de nouveau à l'état de parfaite santé, si nous faisons abstraction de la vue, qui est toujours totalement abolie. L'urine est moins dense et contient moins de glycose. En voici les analyses som- maires : DATES. DENSITE. GLYf.OSl* grammes- 19 mars 1864... 1,030 28 25 »» 1.030 20 28 ». 1.026 14,10 31 » 1,022 10,10 5 avril 1,019 8 10 - 1,019 6 15 - 1,020 2,50 17 - 1.024 8 18 - 1,024 6,20 19 - 1,020 4,50 20 - 1,020 2,50 21 - 1,020 6 22 - 1,022 4,30 24 - 1,022 2,50 25 - 1,022 10,10 26 - 1,016 " 1 27 - » - 29 - » » OBSERVATIONS. Les analyses ont été faites avec la potasse caustique, le sous-ni- trate de bismuth et le réactif de Fehling. très-peu d'urine ; pas de glycose. Le 16 avril, l'animal était dans l'état le plus satisfaisant, et je me fé- licitais des résultats de la médication ; mais on lui laissa par mégarde boire une assez grande quantité de cidre, 150 à 200 gr. Le 17 au matin, il a une crise assez forte, j'analyse ses urines que je trouve : à 1,024 de densité et contenant 8 grammes de glycose. Je lui fais reprendre de l'eau iodurée qu'on avait cessé à tort de lui don- 78 ner, je fais surveiller do nouveau l'alimentation qui avait été moins ri- goureuse depuis le 5 avril. Le 18, quelques légères secousses; l'urine examinée ne contient que ^",20 de glycose. Le 19. mieux, 4r.50 de glycose. Le 20, la santé parait revenue, 2f,,50 de glycose. Le 21, à dix heures du matin, on a malheureusement encore l'idée de lui donner quelques gorgées de cidre pourvoir si les phénomènes spns- modiques reviendront. Le soir à huit heures et dans la nuit, il a quatre ou cinq mouvements nerveux, pénibles maispassagers; glycose 6 p. 1,000. Le 22, je lui fais donner encore de l'iode; il va bien jusqu'au 25 ; glycose, 4 et 30 p. 1,000; mais à cetleépoqueonluilaissereprendreses mauvaises habitudes ; il boit du cidre, mange des fruits sucrés, raisins secs, pommes et les crises reviennent fréquentes et longues. (Glycose, 10", 10 p. 1,000). Dans l'intervalle, il sommeille, reste accroupi, triste et de mauvaise humeur; chaque fois qu'on le touche il se fâche et cherche à mordre. Peu à peu il se refroidit, perd ses forces, n'a presque plus d'excrétion urinaire ou alvine, boit avec peine un peu de lait sucré. * Les 2b et 27, j'analyse les urines et ne trouve plus de trace de glycose. Le 28, l'animal a deux fois des mouvements spasmodiques. A un cer- tain moment il se lève spontanément et grimpe le long des barreaux d'une chaise, la tête branlante, les mouvements mal coordonnés, et arrivé au sommet du dossier se laisse tomber en cherchant à saisir un point d'appui imaginaire; comme je le survenais, je l'empêchais de se faire du mal en tombant. Je le fis recueillir et remettre dans le panier qui lui servait de couche; il y resta sans rien dire, sans remuer même. Je suis persuadé que ces mouvements insolites qu'il venait d'avoir alors étaient une manifestation de délire; il avait la peau chaude et sèche, les pupilles, très-dilatées jusque-là, s'étaient contractées au point que le point noir central était à peine visible. L'animal a dormi ainsi jusqu'au 30, ne répondant pas quand on l'ap- pelait, ne remuant pas quand on le touchait, insensible à tout, ne vou- lant rien boire, rien manger, et semblant devoir mourir à chaque instant. Le 30, à dix heures du matin, je crus qu'il était mort; ses membres étaient froids, roidis en pronatioh, sa face décomposée, sa bouche ou- verte et laissant voir une langue froide décolorée ; les artères ne bat- taient plus, à peine sentait-on un frémissement à la région cardiaque, les mouvements respiratoires étaient insensibles; en le touchant, il 79 ouvrit les yeux dont les pupilles étaient très-contractées. Je constatai qu'il n'y voyait pas, comme précédemment ; son intelligence n'était cependant pas abolie, car un de mes camarades, pour lequel il avait eu toujours une prédilection marquée, pouvait en l'appelant lui faire rouvrir les yeux. Vers deux heures, les mouvements respiratoires s'affaiblissent, la ri- gidité cadavérique s'empare de la queue et des membres ; enfin, à cinq heures, après avoir poussé deux ou trois petits cris, il s'éteint défini- tivement. Je pris aussitôt un morceau de son foie que je fis bouillir; je retirai l'urine que contenait sa vessie, et traitant ces liquides par la potasse caustique et par le sous-nitrate de bismuth, je n'y rencontrai aucun des caractères de la glycose. Autopsie faite dixvhuit heures après la mort. Poids de Tanimal..., 1,820 grammes. Longueur totale du nez au bout de la queue..., 74 cent. Longueur de la queue..., 36 cent. Longueur des membres antérieurs..., 30 cent. Circonférence thoracique..., 275 cent. Circonférence abdominale..., 21 cent. Longueur du nez au conduit auditif externe... , 9 cent. Longueur du menton au conduit auditif externe, 11 centim. Longueur du nez au trou occipital, 19 centfm. Circonférence du crâne, 24 centim. Habitude extérieure. Rigidité cadavérique marquée, amaigrisse- ment, fausse articulation à la partie moyenne du fémur droit, cal volu- mineux à la main gauche. Tête. Les pupilles sont modérément dilatées, les cristallins sains ; la rétine ne me présente rien d'anormal. La bouche contient quelques mucosités, les dents sont presque toutes branlantes, deux incisives manquent, et deux molaires sont cariées assez profondément. La boîte crânienne ouverte, je ne vois rien d'anormal dans la dure- mère, peu de sang dans les sinus, le cerveau est pâle. Quand il est dé- taché et examiné avec soin, on voit qu'il porte plusieurs masses tuber- culeuses denses. Trois dans l'hémisphère droit, une dans l'hémisphère gauche ; elles sont situées de la manière suivante : A droite, une première masse près de la grande scissure interhémi- sphérique, sur la face supérieure de l'organe, perpendiculairement au- dessus du bord postérieur du corps calleux. Uùe seconde masse sur le côté externe de la superficie cérébrale, au niveau de l'extrémité antérieure du cervelet. 80 Une troisième masse au niveau du point qui correspond au lobule de l'insula. A gauche, une masse tuberculeuse également concrète et volu- mineuse, occupant presque toute la partie de la face inférieure qui ré- pond au cervelet. Rien d'anormal aux nerfs optiques, au cervelet, au quatrième ventri- cule, à la protubérance ; j'ai cependant examiné avec soin tous ces points. Thorax. Les masses pulmonaires et cardiaques réunies pèsent 46 grammes. Tubercules miliaires peu développés aux poumons, rien d'a- normal dans l'organe central de la circulation. Abdomen. Il n'y a pas d'épanchement séreux. Le péritoine est criblé de tubercules à l'état cru, et quelques-uns à l'état de ramollissement. Le tube digestif ne présente rien d'anormal, le gros intestin contient quelques matières fécales. Le foie est volumineux, il pèse 116 grammes; sa capsule péritonéale contient beaucoup de tubercules, son tissu est sain sans congestion sanguine ni décoloration. La vésicule biliaire contient un peu de bile verte porracée, assez dense. La décoction du foie faite cent dix-huit heures après la mort, me fournit une coloration brune évidente à la potasse caustique; ce fait est à noter, et je rappelle que la décoction faite au moment de la mort n'avait produit aucun brunissement de la potasse. Le pancréas contient deux petites masses tuberculeuses ramollies, il se déchire très-facilement. Le sein droit pèse 78,850. Le sein gauche pèse 7g,10. Ils contiennent quelques tubercules à l'étal miliaire sans congestion ni décoloration. La rate est allongée, réniforme, de couleur violette dense ; elle pèse 7 grammes. Membres. Le fémur droit porte à sa partie moyenne une fracture non consolidée, et atteinte de pseudo-darthrose. Le foyer de la fracture contenait à l'autopsie un vaste abcès tuberculeux sans communication au dehors; l'os est malade, il est gonflé et vers son extrémité inférieure, au condyle externe, on voit une fente de 2 millimètres, en tout sem- blable à l'éclatement que produirait un corps trop volumineux enfoncé de force dans le canal médullaire. M. le docteur Vulpian, qui a eu l'extrême obligeance d'examiner au microscope les petites masses contenues dans le péritoine, le cerveau, l'enveloppe de la rate, du foie, etc., etc., a constaté que nous avons eu bien réellement affaire à de la matière tuberculeuse. 81 Qu'il me soit permis maintenant de terminer par quelques réflexions. Connaissant les faits si communs de la tuberculisation pulmonaire chez les animaux de la zone torride apportés dans nos climats, j'ai voulu voir les résultats que donnerait une modification raisonnée de leur alimentation, et j'ai essayé de faire manger aux deux singes que je possédais des substances plus riches en matières alibiles que celles qui font leur nourriture habituelle. -Un des deux animanx n'a pas voulu accepter ce régime et a succombé bientôt à la tuberculose aiguë. L'autre s'y est parfaitement prêté, au contraire, et a très-bien supporté les premiers froids. Mais si son exis- tence entretenue aussi artificiellement a semblé d'abord devoir se pro- longer, l'œuvre de destruction a rapidement repris le dessus, et la mort est survenue dans un temps relativement court. En effet, au milieu des attributs d'une santé florissante, quelques phé- nomènes insidieux se présentèrent : ce fut d'abord un amaigrissement rapide, malgré la riche nourriture consommée. Une soif impérieuse se manifesta; les urines devenues plus abondantes commencèrent à laisser par l'évaporation, sur les poils de la queue de l'animal et aux endroits où il urinait habituellement, un résidu blanchâtre pulvérulent ou pois- seux donnant aux réactifs les colorations que donnent la glycose, et au goût la saveur caractéristique du sucre de la seconde espèce. Puis une amaurose survint, des phénomènes convulsifs, etc, etc. ; bref, neuf mois après son arrivée en France, le second singe que j'avais rendu omnivore succomba comme le premier resté frugivore, avec cette différence ce- pendant que la maladie présenta d'autres symptômes d'évolution. Le moment n'est pas propice pour des considérations étendues sur la nature et le mécanisme du diabète. Je n'entrerai pas, à propos du fait que j'ai l'honneur de rapporter, dans l'exposition d'idées personnelles que je crois neuves, touchant la genèse du diabète sucré. Ce travail, dont j'aurai bientôt réuni tous les éléments, trouvera sa place dans un» étude ultérieure; mais je ne puis m' empêcher de le dire aujourd'hui par anticipation, le diabète, dont la nature et la genèse ont paru si obscures dont le traitement a été si indécis et trop souvent impuissant, serait tout à coup éclairé, peut-être, du jour le plus favorable, serait combattu par une thérapeutique réellement efficace, sans doute, si l'on admettait, plus généralement et plus largement qu'on ne le fait encore, cette opi- nion : qu'il est le symptôme d'une désassimilation profonde, d'une alté- ration par affaiblissement du dynamisme vital, si 1 on suivait avec soin les indications thérapeutiques qui découlent de cette manière de voir. C. R 82 2* Nouvel exemple de rétention d'urine survenue pendant la vie intra-uté- rine, ET DUE A UNE OBLITÉRATION DE LA PORTION PROSTATIQUE DE l'uRETHRE ; note communiquée à la Société par M. Depaul, avec la pièce anato- mique à l'appui. Sophie V..., âgée de 22 ans, cuisinière;1 d'une bonne constitution, offrant une conformation normale du bassin; primipare, a été réglée à 17 ans, et depuis régulièrement huit jours tous les mois. Elle entre à l'hôpital le 18 juillet 1864. On diagnostique chez elle une grossesse de huit mois. Le ventre est peu développé. D'après les renseignements qu'elle donne, elle serait enceinte depuis le 7 novembre 1863. Il y a eu des vomissements pen- dant les cinq premiers mois. Les douleurs ont commencé le 1"9 juillet à quatre heures du soir ; elles étaient peu marquées. Le moment de la rupture des membranes est inconnu, parce qu'il s'est écoulé une très-petite quantité d'eau. A l'entrée de la malade à la salle d'accouchements le 20 juillet, à sept heures du matin, la dilatation n'est point complète; elle l'est le 21 juillet à cinq heures du matin, et la terminaison a lieu à sept heures du matin le même jour. On avait constaté une présentation du sommet oc- cipito-iliaque gauche antérieure. Le travail actif avait duré dix-huit heures ; la délivrance fut naturelle. L'enfant est du sexe masculin ; très- faible, il a fait à peine quelques inspirations. Poids. 3", 130 grammes. . ., (somm. omb. 26. Longueur totale.... 53 centimètres , . „_ to. f 12 centimètres, o. m.... 14 — bip 9 — s. o. b.. 10 - Long, du cordon ... 69 — Cet enfant a offert tout d'abord un développement anormal de l'ab- domen qui coïncidait avec la petite quantité de liquide amniotique. Ces deux circonstances ont dû influer sur la lenteur du travail. Il est mort quelques instants après l'accouchement. Le lendemain, on a en vain tenté d'introduire une sonde (très-fine) dans la vessie. A Fautopsie on a trouvé toutes les parties normales, excepté la vessie très-développée, surtout par ses fibres longitudinales, et présentant : Une hauteur de M centimètres. Une largeur de 7 83 Elle est pleine de liquide. Les uretères sont également très-développés et sont pris tout d abord, à cause de leur aspect bosselé, pour des circonvolutions de l'intestin. Ils ont au moins 2 centimètres de largeur, et sont très-distendus par l'urine. Il n'y a plus trace de valvules à leur point de jonction avec la vessie qui est également pleine d'urine. Les reins sont aussi très-dévcloppés ; celui du côté gaucho surtout. A lapalpation, ils donnent la sensation d'un kyste à parois minces, rempli de liquide; c'est qu'en effet l'accumulation d'urine dans lo bassinet a causé l'atrophie de la substance du rein et l'a transformé en Aie poche à parois minces, comme les organes qui lui font suite. Une bougie très-fine introduite dans l'urèthre, donne l'explication de tous ces phénomènes en permettant de reconnaître une oblitération fibreuse, ou plutôt une imperforation de oe canal, située au-dessous du pubis, à l'union de la portion musculeuse et de la portion prostatique. Il est impossible de franchir ce point, et la dissection montre une inter- ruption du canal formée par un tissu fibreux très-résistant. Le développement de l'abdomen est donc dû à une accumulation d'urine dans les organes excréteurs, accumulation qui a déterminé l'a- trophie (par compression) des autres organes abdominaux. On retire près de 500 grammes de liquide de ces divers organes. Les poumons qui n'ont fait que quelques inspirations sont peu déve- loppés ; ils se sont très-bien distendus par l'insufflation. Le fœtus ne présente pas d'autre anomalie. Examen chimique, par M. L. Hébert. — L'urine, examinée à la de- mande de M. le professeur Depaul, renfermait tous les éléments de l'u- rine normale, avec prédominance marquée des phosphates alcalins et terreux ; elle contenait, en outre, comme élément étranger, une assez forte proportion d'albumine. Il m'est impossible de me rappeler les proportions relatives de ces di- vers matériaux. Sur les causes de la mort d'un sanglier; calculs très-nombreux arrêtés entre le col de la vessie et la valvule uréthrale ; caillot sanguin volumineux dans le péricarde; rupture du tronc aortique ; couimuni- cation faite à la Société de biologie, dans la séance du 11 juin 1864, par M. Arm. Goubaux. Presque tout Paris a pu voir le sanglier qui fait le sujet de cette ob- servation; il appartenait à M. Bailly, entrepreneur de déménagements, *»l occupait une loge située à l'angle de la rue Bonaparte et de la place 84 Saint-Sulpice, où il était tous les jours exposé aux regards du public. Cet animal, qui était habituellement soumis à un régime mixte (on le nourrissait de matières végétales, de débris de cuisine, H de temps en temps on lui donnait des pigeons), a été trouvé mort dans sa loge le 3 février 1864; il était âgé d'environ 12 ans et pesait 129k,300. M. Bailly, désirant conserver la tête de ce sanglier, me fit prier de faire les préparations préalables et apporter le cadavre à Alfort. L'occasion qui se présentait à moi de faire un squelette naturel d'un animal de cette espèce, me fit quelque peu modifier les désirs de M. Bailly, dans le but de faire plusieurs recherches anatomiques qui me servirait un jour pour l'examen comparatif des organes du sanglier à ceux du cochon. Je fis l'autopsie du cadavre le 5 février, et voici ce que je remarquai touchant les causes de la mort de ce sanglier. Cavité thoracique. Les poumons sont sains, mais le lobe gauche pré- sente dans son épaisseur, vers les deux tiers postérieurs de sa surface externe, une tumeur qui est due à la présence d'un échynocoque. Le péricarde est distendu par un caillot de sang au milieu duquel le cœur se trouve en quelque sorte emprisonné. J'ai recherché avec soin d'où le sang avait pu s'échapper, et j'ai reconnu qu'il existait une dé- chirure du tronc aortique, sur la face droite et au niveau de son origine, c'est-à-dire immédiatement au-dessus des valvules sigmoïdes. Cette déchirure, qui était dirigée presque horizontalement, avait une étendue de 6 millimètres d'avant en arrière : c'est par elle que le sang s'est échappé, et s'est répandu dans la cavité du péricarde où il s'est coa- gulé. • Cavité abdominale. Tous les organes ont été trouvés sains. Les reins n'ont été examinés qu'à leur surface extérieure. Je me suis repenti plus tard de ne les avoir examinés qu'imparfaitement; on verra bientôt pour quelle raison. La vessie était énorme, mais elle n'était cependant pas complètement remplie d'urine. Elle reposait par toute l'étendue de sa face inférieure sur la paroi inférieure de la cavité abdominale, et sa face supérieure était en rapport, d'avant en arrière, avec l'estomac et la masse intesti- nale. Son extrémité antérieure ou son fond répondait à la face posté- rieure du foie. C'était véritablement quelque chose de curieux que ce volume énorme et ces rapports de la vessie. J'enlevai ensuite les organes génitaux et les plaçai dans un bocal con- tenant un liquide conservateur, pour en faire ultérieurement la dissec- tion et un examen plus attentif, lorsque je pourrais en avoir le temps. Le mercredi 13 avril, j'ai fait cette dissection et cet examen. J'ai trouvé entre le col de la vessie et la valvule uréthrale une très-grande 85 quantité de calculs de volumes très-variés, que j'ai fait sécher en les étendant sur une feuille de papier, et que j'ai conservés ensuite dans un tube. Dans le reste de l'urèthre, c'est-à-dire à partir de la valvule jus- qu'à l'extrémité libre, il y avait une sorte de bouchon muqueux ou gé- latineux, de couleur rougeâtre, qui remplissait assez exactement tout le calibre du canal de l'urèthre. {Nota. Les pièces avaient été conservées dans une solution d'acide phénique.) Ces calculs sont extrêmement nombreux ; il y en a plusieurs milliers. Leur volume varie dans une très-grande proportion : il en est beaucoup qui ont le volume d'un grain de poussière; d'autres celui d'un grain de millet; d'autres, enfin, s'élèvent jusqu'au volume d'un pois. De môme que le volume, la forme est aussi très-variable. En effet, beaucoup sont presque régulièrement sphériques ; d'autres sont aplatis sur leurs faces où très-sensiblement ovoïdes, mais il est remarquable que les calculs les plus gros présentent tous sur une de leurs faces une petite pointe. Ils ont une couleur jaune brunâtre, et sont formés de couches concen> triques d'une très-mince épaisseur. Il n'y avait aucun calcul dans la vessie ni dans les portions d'uretères qui étaient restées attachées à cet organe. Si j'avais rencontré ces cal- culs lorsque j'ai fait l'autopsie du cadavre, je n'aurais pas manqué d'exa- miner l'état du bassinet de chacun des reins. Peut-être cette cavité en contenait-elle encore un certain nombre, car il est peu probable que tous, sans exception, se soient accumulés dans la première portion du canal de l'urèthre. Je ne puis non plus dire d'une manière certaine si l'un des calculs les plus volumineux s'était engagé dans le canal et l'avait obturé au niveau de la valvule uréthrale, parce que l'idée ne me vint pas de faire cette constatation au moment où je rencontrai tous ces calculs. Que ce soit là la cause de leur arrêt dans la portion pelvienne, du canal de l'urèthre, c'est possible; mais il pourrait tout aussi bien se faire que ces calculs se fussent agglutinés de manière à obturer ce canal, en raison de leur forme, de la même manière que, quand on fait couler du plomb de chasse dans un entonnoir avec de l'eau, il arrive souvent que ces grains de plomb se massent dans la douille, et que bientôt il n'en passe pas un seul à l'extrémité de cette douille. J'ai constaté maintes fois ce que je viens de dire en faisant, avec mon collègue M. Colin, des injec- tions de plomb de chasse dans la jugulaire, lors de nos Etudes expéri- mentales sur les embolies pulmonaires. J'ai remis quelques-uns de ces calculs à M. Clément, chef de service de physique et de chimie à l'Ecole impériale vétérinaire d'Alfort ; il a eu la complaisance de les analyser, et m'a communiqué à ce sujet la note suivante : 8G « Ces calculs sont formés de phosphate ammoniaco-magnésien. « Réduits en poudre, ces calculs ont une teinte jaunâtre moins fon- cée que celle qu'ils présentent lorsqu'ils sont entiers. « Ils sont insolubles dans l'eau, se dissolvent Facilement dans les acides dilués, tels que les acides azotique et chlorhydrique, sans faire une effervescence. « Triturés dans un mortier en présence de la potasse caustique, ils exhalent une odeur sensible d'ammoniaque, et de plus ils répandent des vapeurs blanches à l'approche d'une baguette de verre imprégnée d'a- cide azotique ou d'acide chlorhydrique à peine fumant. « La solution acide de ces calculs, traitée par une solution faible d'ammoniaque, laisse déposer un précipité blanc de phosphate ammo- niaco-magnésien. COMPTE RENDU DES SÉANCES r r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE JUILLET 1864; Par M. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire. PRESIDENCE DE M. RAYER. I. — Histoire naturelle. i°SuR UNE LIGULE (LIGULA MINUTA) DE LA TRUITE DU LAC DE GENEVE ; par M. C. Davaine. J'ai eu trois fois l'occasion d'examiner des truites du lac de Genève (Salmo lemanus) qui étaient remarquables par leurs grandes dimensions^. Dans la cavité abdominale de ces truites, j'ai trouvé un grand nombre de petits helminthes cestoïdes, pour la plupart enkystés. Ils apparte- naient au genre ligule, et je ne sache pas qu'ils aient été décrits. Cet helminthe est blanc, aplati, rubané, offrant un grand nombre de rides transversales, mais non des articles distincts. Très-contractile et variable, il a dans sa plus grande protraction 15 millimètres au plus de longueur. Après la mort ou à l'état de repos, l'une des extrémités, pro- 88 bablement l'antérieure, acquiert environ te double de la largeur du reste du corp9 ; elle est comme échancrée en avant ou obcordiforme. Pendant la vie et dans la protraction, elle s'allonge, se rétrécit et se termine par une pointe incessamment variable. On n'y remarque ni ventouses ni crochets. Les rides du corps sont beaucoup plus nom- breuses vers cette extrémité qui paraît plus active que l'autre, celle-ci, qui est sans doute la queue, se termine- assez brusquement par une pointe obtuse (dans l'état de protraction). La structure de ce ver est difficile à déterminer; des canaux excré- teurs nombreux forment par tout le corps une sorte de réseau ; les cor- puscules calcaires sont en nombre considérable ; on ne distingue au- cune trace d'organes génitaux. Sur l'une des truites, le plus grand nombre des ligules étaient à l'état crétacé, fait qui montre que ces en- tozoaires n'atteignent point dans ce poisson leur développement com- plet. Les ligules se trouvaient généralement dans de petits kystes situés sous le péritoine qui revêt les appendices pyloriques ou entre ces appendices; il s'en trouvait aussi à la surface de l'estomac, du foie, et dans les parties avoisinant le duodénum"; il y en avait très-peu sur le reste de l'intes- tin. Quelques-unes étaient libres dans la cavité du péritoine; enfin dans 1 une de ces truites un certain nombre de ces helminthes existaient dans la cavité de plusieurs rameaux de la veine porte, baignant dans le sang comme les hématozoaires. Toutes ces ligules ne différaient les unes des autres sous aucun rapport. Les appendices pyloriques étaient remplis et comme bourrés d'un nombre considérable de bothriocéphales ; d'un autre côté les ligules existaient à la surface ou dans le voisinage de ces appendices. Y aurait- il quelque rapport entre les uns et les autres de ces entozoaires? Schrank a décrit sous le nom de Ligula truttœ (Ligula nodosa, Rud.) une ligule qu'il trouva entre les appendices pyloriques de la truite sau- monée (Salmo trutta) ; mais cette ligule différait de la nôtre par l'exis- tence d'une série longitudinale de points enfoncés, par celle d'un no- dule à l'extrémité caudale, et surtout par la longueur qui était de 7 centimètres. Il n'est donc pas probable que ces deux ligules soient 'de la même espèce ; c'est pourquoi je propose pour celle que je viens de décrire le nom de Ligula minuta. 2° Recherches sur les anguillcles du vinaigre; par M. Da vaine. Les anguillules du vinaigre n'ont encore été observées que dans ce liquide. Elles ont fourni longtemps un argument sérieux en faveur de la génération spontanée ; car le vinaigre étant un produit de l'industrie de 89 l'homme, elles n'ont pu naître qu'après l'invention de cette liqueur. Cet argument est sans valeur aujourd'hui que la question de la génération spontanée a été rejetée dans les infiniment petits. M. Davaine s'est donc proposé de rechercher quel est, dans la nature, le séjour de ces helminthes. Dans ce but, il s'est livré à quelques expériences sur leur vitalité, expériences qui ont montré que ces animaux ne vivent point dans de Peau acidulée sans qu'il y ait dans cette eau une matière amy- lacée ou sucrée. Les acides minéraux, même très-dilués, les tuent ra- pidement. Ils vivent au contraire très-bien dans un liquide neutre s'il contient une matière sucrée. Poursuivant cet ordre de recherches, M. Davaine a constaté que les anguillules du vinaigre se développent par myriades dans tous les fruits, après qu'on y en a mis quelques-unes. Leur propagation est même beau- coup plus active que dans le vinaigre. La pêche, la prune, l'abricot, le raisin sont les fruits dans lesquels elles paraissent se reproduire avec le plus de rapidité; mais elles se développent aussi très-rapidement dans la poire, la pomme, la cerise, la fraise, la groseille, le melon, etc. Elles vivent et se propagent encore dans beaucoup de légumes, mais avec des différences qui paraissent en rapport avec le plus ou moins de sucre qu'ils contiennent; ainsi la betterave et l'oignon sont très-favorables à leur multiplication ; elles prospèrent moins dans la tomate, la carotte, le potiron, le navet. Toutefois elles vivent et se propagent dans le suc extrait de ces légumes. Elles se reproduisent en quantité prodigieuse dans la colle de pâte aigrie. D'après ces faits, il est rationnel de croire que, dans la nature, l'an- guillule du vinaigre vit dans les fruits qui tombent à la surface du sol et qu'elles se perpétuent en passant d'unjruit dans un autre ou dans des racines qui contiennent de la fécule ou du sucre. Elles peuvent arriver dans le vinaigre lorsqu'elles se sont propagées dans quelque grappe de raisin qui était en contact avec le sol. IL — Histologie botanique. SUR lis CARACTÈRES HiSTOLOGIQUES OFFERTS PAR LA SLOISON DANS LA FAMILLE des Crucifères; par M. Eue. Focrnikh. Il y a longtemps que M. Chatin et d'autres anatomistes ont commencé à appeler l'attention sur un sujet encore assez neuf aujourd'hui : je veux parier de la concordance des caractères histologiques avec les carac- tères morphologiques. On a parfaitement prouvé qu'ils peuvent servir à la classification, notamment dans les Santalacées, et certaines plantes aquatiques. Pour les cryptogames, cela est connu de tous les botanistes qui se servent de ces caractères pour en déterminer les espèces. 90 Bien qu'on n'ait pas besoin de les employer dans le môme but pour la classification dos plantes plus élevées en organisation, il n'est pas in- utile de montrer qu'ils varient encore dans la même proportion que les caractères tirés de la forme extérieure des organes. Il est môme possible qu'ils fournissent des moyens utiles pour la délimitation des genres dans certains cas difficiles. J'ai aujourd'hui pour but d'exposer à la Société quels sont les carac- tères histologiques offerts par la cloison du fruit dans les Crucifères, et comment ils peuvent servir à la classification des plantes de cette fa- mille. Cette cloison est formée par une ou plusieurs lames celluleuses, aux- quelles s'ajoutent, dans certains cas, des faisceaux fibro-vasculaires. Le nombre des lames qui la forment varie chez des espèces très-voisines sans que leur texture varie ; on a alors sous les yeux les cloisons dites transparentes ou spongieuses; cela n'a pas grande importance au point de vue taxonomique. Les cellules qui constituent ces lames présentent des caractères fort différents. Tantôt elles sont sphériques et renferment encore des grains de chlorophylle, comme des cellules de parenchyme; c'est ce que j'ai ob- servé dans les genres Cardamine et Deularia, genres voisins, réunis par quelques auteurs. Tantôt elles sont transparentes, à parois minces et rectilignes. Alors tantôt elles sont allongées transversalement, comme dans les Farsetia, Alyssum, ou longitudinalement, ou bien encore elles sont polygonales et irrégulières, comme dans les Draba, Cochlearia, Kernera et Came- tinu. Tantôt elles sont des parois sinueuses, mais encore minces, comme dans le Sisyvibrium Alliaria. Tantôt ces parois sont épaissies, quelquefois jusqu'à ne laisser qu'une fente étroite libre dans l'intérieur de la cellule. Cet épaisissement est toujours plus avancé dans les cellules du milieu de la cloison que dans celles des bords. Quand les cellules ont des parois rectilignes, cet épais- sissement se fait d'une manière régulière, ordinairement avec ponctua- tions; ces interruptions n'existent pas dans YErysimum orientale. Quand les cellules ont des parois sinueuses, si les sinuosités do deux cellules voisines se touchent par leur convexité, les parois s'encroûtent, d'abord, et postérieurement l'espace qui sépare les deux parois (Erysi- mum cheiranlhoïdes). - Les cellules contiennent quelquefois des cristaux attaquables par l'a- cide chlorhydrique (Sisymbrium pannonicum, Cardamine impatiem). Les faisceaux fibro-vasculaires contiennent des vaisseaux proprement 91 dits et un autre élément que j'appellerai libres nervales. Ces fibres sont des cellules allongées, sinueuses, de longueur et de diamètre inégaux, à parois épaissies, mais inégalement et percées de canalicules nombreux qui ne traversent pas toujours toutes les couches d'accroissement, et qui s'abouchent ordinairement avec les canalicules creusés dans les parois des fibres voisines. Ces fibres sont arrondies à leurs extrémités. Souvent elles se dilatent sur un point de leur trajet, ordinairement à leurs extrémités; parfois deux fibres voisines s'envoient des branches anatomiques dont la cavité communique largement avec celles de la fibre d'où elles émanent; ces branches s'accolent l'une à l'autre, mais généralement elles ne communiquent pas autrement qu'à l'aide des ponctuations dont leurs parois sont creusées. Les fibrts nervales existent constamment dans les faisceaux de la cloison, que les botanistes descripteurs, pomment nervures. Mais les vaisseaux proprement dits y sont rares. Je ne les ai rencontrés qu'une fois dans YHugueninia lanacetifolia; ce sont quelques vaisseaux po- reux très-minces, placés à l'intérieur du faisceau qui occupe le milieu de la cloison. Tantôt le vaisseau de la cloison est simple comme dans le cas que je viens de citer ; il se ramifie alors seulement sous la base du style. D'autres fois il produit des arcades latérales qui quelquefois s'anasto- mosent entre elles, comme je l'ai vu chez les vrais Farsetia. Dans les Sisymbrium Sophia, S. Alliaria, S. Irio, il existe deux faisceaux quelquefois réduits à une seule cellule. Dans les Hesperis ma- tronalis et H Orsiniana, on trouve des fibres nervales étendues dans tous les sens sur les lames cellules de la cloison, qu'elles couvrent d'un réseau fort élégant. Dans les Maithiola et Matcolmia, il existe sur ces lames, dont les parois sont fortement épaissies, une lame formée de fi- bres nervales droites et verticales n'occupant que le milieu de la cloison. Il est à remarquer que M. H. de Mohl, dans le Bolanische Zeitung de 1863, p. 264, a décrit dans le carpophore du fruit des Ombellifères les mêmes fibres nervales que je viens de faire connaître dans le fruit des Crucifères. M. Chatin a fait des observations inédites analogues à celles de M. de Mohl sur les Ombellifères. 1IÏ. — Chimie physiologique et pathologique. Recherches de qcelqces matières organiques par la dialyse; par le docteur E. Hardy. La pénétration réciproque de deux liquides séparés par une membrane 92 a été l'objet de travaux qui remontent au siècle dernier, et ont entre eux un certain parallélisme. Le premier, l'abbé Nollet eut l'Idée de placer dans un vase d'eau une fiole remplie d'alcool et fermée par une membrane; il constata que l'al- cool augmente considérablement de volume et de poids. L'histoire de l'Académie des sciences^ année 1748, contient les nombreuses recher- ches de ce physicien, lesquelles peuvent être regardées comme l'ori- gine de la dialyse. Plus tard, Dutrochet, sur de semblables expériences, établit la théo- rie de l'endosmose. Dans ces derniers temps, M. Grahain généralisa ce principe et sut le rattacher à la diffusion moléculaire. Au moyen de ce nouveau procédé d'analyse, il a séparé l'acide arsénieux, l'émétique, la strychnine, des matières organiques avec lesquelles ces substances avaient été mélan- gées. Sur ces traces, d'autres expérimentateurs ont depuis isolé plusieurs agents toxiques, morphine, digitaline, etc. Par la môme méthode, en plaçant sur un dialyseur l'urine d'un malade soumis à l'usage de la santonine , nous avons constaté le passage de ce médicament dans l'eau environnante; quelques gouttes d'ammoniaque ont produit une teinte rouge Caractéristique. Le même moyen nous a servi pour séparer l'acide urique de l'urate de soude. L'urate de soude se dialyse parfaitement, tandis que l'acide uri- que ne traverse le dialyseur que d'une manière insensible et impar- faite. Nous avons également employé la dialyse et l'analyse chimique pour l'étude de concrétion que nous devons à l'obligeance de M. Charcot. Ces dépôts proviennent de l'articulation du genou d'un malade atteint de goutte. Ils tapissent toute l'étendue de la face articulaire de la ro- tule, et se présentent au centre, sous la forme de filaments réunis en groupes rayonnes, plus épais dans les parties concaves, et s'épanouis- sant sur les bords en couches à peu près uniformes. Très-adhérents à l'os, ils n'en sont séparés qu'avec effort à l'aide d'un instrument tran- chant. Au microscope, à la lumière directe, ils présentent l'aspect de petites masses blanches, en faisceaux radiés, et à la lumière réfléchie laissent apercevoir sur les bords les sommets de quelques cristaux ter- minés en biseau. Ces formes, trop incertaines pour permettre de déter- miner nettement le système cristallin, paraissent dériver du prisme rec- tangulaire droit. Ces concrétions, placées sur un dialyseur avec de l'eau à 40°, passent en partie et laissent un dépôt insoluble des matières organisées aux- quelles elles adhèrent. On peut les dissoudre également en les traitant par l'eau à l'ébullition. 93 La dissolution contient des traces de chlorure , de l'acide urique, de la soude et de la magnésie. Par une évaporation ménagée, on obtient la séparation des sels. L'acide urique combiné aux bases se dépose en masses blanches, mamelonnées, à texture cristalline. On reconnaît l'a- cide urique en le chauffant avec quelques gouttes d'acide nitrique, et en évaporant- à sec. Il se manifeste une coloration refuge, comme nous l'avons démontré précédemment, à l'alloxane modifié, qui, traitée par l'ammoniaque, donne lieu à une couleur rouge intense en se trans- formant en isoalloxanale d'ammoniaque. On détermine la "présence des bases en calcinant dans une capsule de platine ; il reste un résidu blanc alcalin qui a donné les réactions carac- téristiques de la soude et celles de traces de magnésie. Ainsi donc la dialyse et l'analyse chimique démontrent que ces con- crétions de nature goutteuse ne sont formées ni par l'acide urique libre, ni par l'urate de chaux , mais doivent leur origine à des dépôts d'urates alcalins mêlés à une faible proportion d'urate de magnésie. IV. — Anatomie pathologique. 1° Sur l'existence et la recherche des bactéridies dans la pustule maligne ; par le docteur C. Da vaine. M. Davaine met sous les yeux de la Société des préparations d'une pustule maligne dans lesquelles on constate la présence d'un grand nombre de bactéridies. La pustule avait été extirpée par M. le docteur Raimbert et desséchée aussitôt à l'air libre. Les bactéridies existaient au centre et dans la couche superficielle de la petite tumeur; elles avaient été mises en évidence par l'addition d'une solution concentrée de potasse caustique. M. Davaine fait suivre cette présentation des réflexions suivantes : Plusieurs observateurs se sont occupés de la constitution anatomique de la pustule maligne, mais ils. n'y, ont rien découvert de particulier ou de caractéristique. Un histologiste des plus autorisés, M. le docteur Ro- bin, a fait aussi l'examen d'une pustule maligne que lui avait remise M. le docteur Maunoury (de Chartres). Au rapport de ce médecin, « cette pustule ne présentait au champ du microscope rien de particulier, si ce n'est une apparence granuleuse qui se remarque dans tous les tissus gangrenés. (Cité par Raimbert, Traité des maladies charbonneuses, p. 191, note.) Je ne puis admettre qu'il n'y avait rien de particulier dans cette pustule ; elle contenait certainement des bactéridies comme celle que nous venons d'examiner, mais ces corpuscules ont dû passer in- aperçues, parce que, à cette époque, l'attention n'avait pas encore été 94 appelée sur eux et parce que les* moyens de les dégager des tissus n'ont sans doute pas été employés. J'ai rappelé cette recherche infructueuse d'un savant histologisle, afin de montrer l'importance qu'il y a de la faire avec certains soins parti- culiers. Dans les tissus très-vasculaires, tels que ceux de la rate et du foie, les bactéridies se montrent très-facilement, s'ils sont frais,1 en les dilacérant dans une goutte d'eau placée sous le microscope ; mais lors- que ces tissus ont été desséchés ou durcis par l'alcool ou par l'acide chromique, les bactéridies ne se dégagent pas aussi aisément; alors il faut tiaiter Une parcelle de ce tissu par la potasse caustique qui en dissocie les éléments ou qui les dissout; après un contact plus ou moins long, les bactéridies, qui ne sont point altérées, apparaissent avec leurs caractères ordinaires. Il est probable que dans une pustule maligne à l'état frais, les bacté- ridies se montreraient, soit dans la sérosité des vésicules, soit dans le tissu même, sans qu'on ait recours à la potasse caustique; mais lorsque cette pustule a été desséchée ou placée dans un liquide conservateur, elle doit être traitée comme les tissus dont nous avons parlé. Le contact de la potasse doit être assez prolongé. Pour dégager ensuite les bacté- ridies des tissus environnants, il sera quelquefois nécessaire de malaxer un peu la parcelle en observation en faisant glisser les lames de verre l'une sur l'autre avec une légère pression. Les bactéridies se répandent ainsi autour de cette parcelle et elles deviennent très-apparentes. Cette petite manœuvre aurait encore un autre avantage : lorsque des cristaux de margarine seraient renfermés dans les vésicules adipeuses du derme où ils pourraient être pris pour des amas de bactéridies, elle les ferait sortir de ces vésicules, et bientôt leurs aiguilles, au contact de la po- tasse caustique, seraient altérées ou dissoutes. Le traitement par la potasse caustique sera nécessaire même lorsque les bactéridies, dans une pustule fraîche, seraient apparentes sans cet alcali. La même épreuve devra être répétée avec l'acide sulfurlque; cet acide laisse les bactéridies intactes pendant un certain temps ; il faut savoir cependant qu'il les pâlit et qu'à la longue il les altère. Cette double épreuve aura pour but de s'assurer que les corpuscules observés ne sont point des cristaux en aiguille. v° Arkêt de développement de l'embryon humain; par M. G. Pouchet. Une femme D..., âgée de 25 ans, grande et blonde, atteinte d'hysté- ricisme, jouit, en dehors de ces accidents nerveux, d'une santé satis- faisante. Elle est accouchée une première fois à terme. Les règles, aprè% avoir reparu à la suite de celte couche, firent défaut au commencement 95 de février 1864. La femme D... crut d'abord à un retard et continua de s'occuper aux travaux de sa maison. Le 18 février, pendant la nuit elle ressentit quelques douleurs dans le bas-ventre, et elle perdit une certaine quantité de sang. Comme elle souffrait de coliques, elle fit demander un médecin vers le matin, dont l'attention fut éveillée par la persistance des douleurs. Le toucher va- ginal fit reconnaître une dilatation du col assez considérable pour lais- ser librement passage au doigt. Il y avait probablement eu fausse couche. En'examinant les caillots rendus par la malade, on trouva au milieu de l'un d'eux une vésicule claire, transparente, grosse comme une noix, c'est-à-dire mesurant environ 0,135 de long. Cette vésicule ressemblait assez à une hydatide, et sur un des points de la paroi on distinguait à son extérieur un petit corps blanc gros comme un grain de riz à peu près, recourbé en forme de croissant et paraissant appliqué par sa face concave à la paroi de la vésicule. On mit ce produit dans de l'alcool affaibli, et il s'y conserva très- bien sans que le liqiùde, non plu3 que la paroi de la vésicule perdît rien de sa transparence. En examinant plus attentivement ce produit pathologique, il fut facile de reconnaître que c'était un produit de conception, en d'autres termes le contenu pathologique d'un œuf. Le petit corps appliqué contre la paroi de la vésicule à son intérieur était un embryon, et la vésicule elle-même représentait l'amnios ; seu- lement tandis que les dimensions de celles-ci indiquaient comme la suppression des règles de la femme une grossesse de six semaines, l'em- bryon par son développement semblait indiquer une conception remon- tant à huit jours. Il y avait eu selon toute apparence mort de l'embryon et continuation de vie et de développement des membranes de l'œuf. On sait depuis longtemps qu'il peut en être ainsi, mais on croit généra- lement que l'embryon, quand il succombe dans cette première période de son existence, se dissout rapidement dans le cours de l'amnios, en sorte qu'on retrouve à peine la trace de son insertion à l'intérieur de la poche où il vit. Dans le cas présent il n'en a pas été ainsi, et il sem- blerait qu'on eût plutôt affaire à un cas d'arrêt de développement du fœtus qu'à un cas de mort, tant on retrouve les éléments qui le consti- tuent alors d'une intégrité parfaite. En examinant l'embryon à la loupe, il est impossible de ne pas le reconnaître pour tel. On distingue l'extrémité céphalique avec les lobes cérébraux nettement accentués. On distingue également très-bien l'ex- trémité caudale et les quatre moignons qui deviendront les membres. Sur la région convexe on voit également une double ligne plus foncée allant d'une extrémité à l'autre de l'animal, et qui accuse le rudiment du système nerveux. Si l'on poursuit plus loin l'examen et qu'on re- 96 cherche avec le microscope l'état des éléments anatoœiques, on les retrouve également reconnaissables pour la plupart. On voit les grandes cellules pâles, aplaties, polyédriques, à noyau volumineux plus foncé qui forment le revêtement de l'embryon et qui se continuent avec les cellules épithéliales de l'amnios. On distingue en écrasant une parcelle de la masse céphalique les myélocites très-reconnaissables, et apparte- nant pour la plupart à la variété noyau libre. On voit aussi en môme temps au milieu d'eux un certain nombre de cellules polyédriques à noyau qui sont peut-être un état antérieur des cellules cérébrales. En portant sous le microscope une parcelle de l'embryon prise dans la région do l'abdomen, on reconnaît très-bien/à leurs caractères pro- pres, des cellules embryonnaires très-abondantes, et qui persistent en- core malgré la rapidité avec laquelle on croit généralement que ces petits éléments se détruisent quand la vie les abandonne. La pré- sence de ces cellules embryonnaires, encore reconnaissables plus que toute autre chose, pourrait faire incliner à croire qu'il y a eu arrêt de développement de l'embryon plutôt que mort de celui-ci. Il eût alors fallu que tous ces éléments se fussent conservés pendant près d'un mois intacts au milieu du liquide amniotique. Cela est possible, mais ne pa- raît pas probable. Il semble plus conforme aux idées aujourd'hui ré- gnantes d'admettre que la circulation de l'embryon étant venue à s'ar- rêter au moins à l'extérieur de celui-ci, il a continué de vivre comme peuvent vivre les membranes de l'œuf elles-mêmes et les expansions placentaires, c'est-à-dire de proche en proche et sans l'intermédiaire d'aucune circulation, aux dépens des tissus de la mère. La vésicule qui enveloppait cet embryon avorté était dense, résistante, extrêmement mince. Elle était constituée par de grandes cellules polyé- driques, très-finement granuleuses, avec de gros noyaux ovoïdes pour la plupart, sphériques quand ils étaient de moindre dimension, mesurant de 0",007 à 0m,014, à contour très-net, à granulations moins fines et plus pressées que dans le corps de l'élément, avec une à trois de ces granulations plus grosses, brillantes. Les cellules mesuraient elles- mêmes de 0",020 à 0m,040. A l'extérieur du tissu amniotique qui forme la vésicule, on distinguait les restes du tissu allanloïdien avec des corps fusiformes déformés et dont le noyau hypertrophié montrait parfois deux ou trois nucléoles brillants. On voyait aussi çà et là des corps fibro-plastiques étoiles également déformés. Quant à la vésicule ombilicale, elle était représentée par un repli de l'amnios qui commençait à la partie ventrale de l'embryon et se per- dait insensiblement sur l'enveloppe. Les éléments n'ont pu en être étu- diés, non plus que l'organe de la circulation de l'embryon dont l'état histologique eût peut-être fourni quelque renseignement utile sur la 97 question do savoir si le jeune individu avait, continué de vivre sans être relié par la circulation allantoïdienne à lanière. 3° COMMUNICATION INTER-AUR1CULAIRE AVEC HYPERTROPHIE CONSIDÉRABLE DU COEUR droit; par M. Anger, prosecteur des hôpitaux. Le cœur qui présentait ces lésions appartenait à une femme de 30 ans environ, dont le cadavre a été apporté à l'amphithéâtre des' hôpitaux. Le péricarde, énormément distendu, contenait quelques cuillerées d'une sérosité limpide. Le cœur était considérablement hypertrophié. La par- tie ventriculaire mesure de haut en bas 16 centimètres, et en circonfé- rence 29 centimètres. Il est facile de voir que l'augmentation du volume tient surtout à l'hypertrophie du ventricule droit et de son infundi- bulum. La cloison inter-auriculaire présente une large perforation, assez ré- gulièrement circulaire et à bords arrondis de 5 centimètres de diamètre. Des tractus nombreux s'étendent d'une partie à l'autre de la circonfé- rence de cet orifice anormai et forment une sorte de grillage percé de trous irréguliers qui devaient permettre un libre passage du sang. Lorsque l'on examine avec soin ces tractus, on reconnaît, après ma- cération dans l'alcool, qu'ils sont formés de fibres musculaires recou- vertes par un mince feuillet séreux. Les oreillettes sont dilatées, l'orifice auriculo-ventriculaire droit agrandi, la valvule tricuspide épaissie vers les bords et insuffisante. La valvule mitrale est également épaissie, mais elle ne présente point d'in- suffisance. L'artère pulmonaire, véritablement anévrismatique, a un diamètre de 5 centimètres; ses parois sont un peu amincies, ses tuniques paraissent saines, ses valvules l'obturent complètement. Le canal artériel était certainement oblitéré depuis la naissance; il nous a été presque impossible d'en retrouver les traces. Nous n'avons pu nous procurer aucun renseignement sur le sujet pré- sentant cette persistance du trou de Botal. L'autopsie nous a permis de constater l'intégrité des autres organes et l'absence absolue d'hydro- pisie. Nous avons noté un développement anormal du tissu adipeux avec une teinte très-blanche des téguments dans toute l'étendue du corps. Point de trace de cyanose, point d'altération des phaiain^es unguéales, comme cela s'est présenté dans quelques observations ana- logues. 4° Note sur les altérations du tissu musculaire dans la paralysie dite essentielle de l'enfance; par J. V. Laborde. Il est peu de maladies qui aient donné lieu à plus de confusions que c. R. 7 98 celle qui a été si improprement dénommée paralysie essentielle de Venfance. Nous sommes en mesure de démontrer, par des preuves di- rectes et positives, que cette affection n'est rien moins qu'essentielle, attendu qu'elle est constituée par une lésion primitive du système ner- veux spinal ; mais ce nest point de cette lésion que je veux m'occu- per aujourd'hui, devant consacrer bientôt à son étude un travail com- plet. Je désire seulement attirer l'attention de la Société sur une alté- ration particulière du tissu des muscles frappés par cette espèce do paralysie, altération qui n'a pas été, que je sache, décrite jusqu'à pré- sent ni peut-être observée. On a regardé jusque dans ces derniers temps, et sur la foi de M. Du- chenne (de Boulogne), la dégénérescence graisseuse comme l'expres- sion unique des altérations du tissu musculaire dans la paralysie de l'en- fance; le résultat de nos recherches impose, comme on va le voir, une assez large restriction à cette loi un peu prématurément posée. Et d'a- bord, de l'une des autopsies qu'il nous a été permis de pratiquer, il res- sort qu'après deux années de paralysie plus ou moins complète (paraly- sie ayant sa source dans une lésion primitive et parfaitement détermi- née de la moelle épinière), les muscles atteints peuvent n'en subir aucune dégénérescence, etne présenter qu'une simple modification atro- phique exprimée seulement par de la pâleur et de Y amincissement do la fibre musculaire. Quelque remarqùableet intéressant que soit le fait , en raison surtout de la lésion myéli tique coexistante, nous ne ferons ici que l'énoncer pour arriver à l'objet essentiel de notre communica- tion. Il s'agit de l'état morbide révélé par l'examen histologique des mus- cles ou plutôt des vestiges de muscles que je viens de mettre sous les yeux des membres de la Société, avec les dessins où ils ont été repré- sentés ; nous avons pu suivre et étudier cet état morbide à toutes les périodes successives et progressives de son évolution, laquelle se trouve assez exactement exprimée par les cinq degrés qui suivent : 1° Dans un premier degré, on aperçoit comme des traces évidentes de la striation des faisceaux musculaires ; mais cette striation est sin- gulièrement diminuée : elle est comme espacée; les larges intervalles où elle n'existe plus sont remplis de granulations moléculaires opaques, dont un grand nombre recouvrent aussi les faisceaux striés persistants. Ces granulations survivent complètement au traitement par l'éther et par l'alcool ; leur nombre diminue sensiblement sous l'influence de l'a- cide acétique peu étendu. Cet état^ qui paraît être une des premières phases du travail morbide, se rencontre dans les muscles les moins al- térés en apparence, et qui ont conservé quelques faisceaux rougeâtres encore visibles à l'œil nu. .99 2" A un degV'é pl%s .ïincv., la striation ne laisse presque plus de trace appréciable ; seules ) libres longitudinales, presque dépourvues d'ondulations, apparaissent dans }es faisceaux primitifs et secondaires; le composé granuleux est toujours très-abondant. 3° Dans un troisième degré, la striation a complètement disparu; les faisceaux de -fibres longitudinales qui seuls persistent sont eux-mêmes plus rares; en tout cas, ils sont comme étouffés sous des amas de gra- nulations de môme nature que celles dont il vient d'être question. Les espaces interfasciculaires sont remplis do fibres serrées de tissu cellu- laire avec quelques noyaux épars. 4° La quatrième phase du processus morbide ne représente plus, pour ainsi dire, que le squelette du faisceau musculaire; tout au plus contient-il encore quelques linéaments de fibres longitudinales; c'est l'état granuleux qui domine, caries granulations composent à elles seu- les le contenu desdits faisceaux; ceux-ci d'ailleurs sont devenus très- rares; les espaces qu'ils laissent entre eux sont plus larges qu'à l'état normal, et les fibres de tissu cellulaire y sont, en conséquence, relati- vement plus abondantes. 5° Enfin, au degré ultime de l'altération, non-seulement toute trace du tissu musculaire proprement dit a disparu, mais encore le composé granuleux n'existe presque plus, comme si son rôle était accompli ; seuls les tubes vides transparents et hyalins du myolemme persistent; quelques rares granulations se voient le long de leurs parois; ces tubes sont d'ailleurs très-espaces et entourés de fibres de tissu cellulaire et libreux auxquelles se mêlent quelques éléments de tissu élastique. Les deux derniers degrés expriment l'état des muscles qui ont tota- lement perdu leur aspect normal et ne sont plus constitués que par une sorte de cordon grisâtre d'apparence fibreuse. Telle est l'altération que nousa offerte le tissu musculaire dans le cas dont il s'agit; cette altération se prête à une interprétation facile : il s'agit d'une destruction progressive de la fibre musculaire avec état granuleux sans substitution graisseuée; c'est une atrophie complète que l'on pourrait appeler granuleuse; le muscle, en dernière analyse, se trouve réduit à son état embryonnaire, et encore n'est-ce qu'un état embryonnaire imparfait. Nous bornerons là nos réflexions, nous proposant de revenir, en dé- tail, sur les questions intéressantes que soulève le fait et sur les lumiè- res qu'il est de nature à projeter sur la solution de plusieurs problèmes pathologiques. 100 V. — Physiologie expérimentale. Recherches sur l'opium et ses alcaloïdes; par M. Claude Bernard. (Communication faite à la Société de biologie, séance du 30 juil- let 1861.) J'ai fait cet hiver au Collège de France des expériences sur l'opium et ses alcaloïdes. Je désire, en communiquer quelques résultats à la Société. J'ai expérimenté sur six des principes de l'opium, savoir: la mor- phine, la narcéine, la codéine, la papavérine. la narcotine et la thé- baïne. Je ne parlerai pour aujourd'hui que des propriétés soporifiques et toxiqxies de ces substances. Il n'y a parmi les principes de l'opium que trois substances sopori- fiques qui sont dans l'ordre de leur activité : la narcéine, la morphine et la codéine. De plus ces trois substances font dormir d'une manière différente : la morphine avec un sommeil lourd suivi de demi-paralysie du train de derrière et un effarement très-grand des animaux au réveil ; la codéine avec un sommeil léger et beaucoup d'excitabilité, et pas d'effarement ni de demi-paralysie du train de derrière au réveil. Quant à la narcéine, elle donne un sommeil profond et très-calme sans exci- tabilité ; l'effarement et la demi-paralysie au réveil sont beaucoup moins prononcés qu'avec la morphine. Je vais me borner a montrer à la Société la puissance dormitive de la narcéine. On peut mettre ainsi les animaux dans un état de som- meil qui rend très-faciles les opérations physiologiques les plus délir cates. J'injecte sur un jeune chien dans le tissu cellulaire sous-cutané de l'aisselle, à l'aide d'une petite seringue à bout piquant, 1 centi- mètre cube et demi d'eau contenant en dissolution environ 7 à 8 centigrammes de narcéine très-pure. Cette narcéine- m'a été fournie par M. Guillemette. Au bout d'un quart d'heure à peu près, l'animal, qui était criard, s'est calmé et entre dans un sommeil des plus profonds. On peut tirer la langue , ouvrir la gueule de l'animal sans qu'il fasse aucune résis- tance; son corps est flasque, ses membres relâchés, et l'animal ne ma- nifeste aucune excitabilité quand on frappe sur la table. Quant aux propriétés toxiques des alcaloïdes de l'opium, elles n'ont aucun rapport avec leur action soporifique. L'alcaloïde le plus toxique est la thébaïne. Ensuite dans l'ordre de toxicité viennent la codéine, la papavérine, la narcéine, la morphine et la narcotine. Pour faire ces expériences comparatives, il faut avoir des animaux très-comparables; aussi ai-je pris pour cela des jeunes moineaux qui sont très-sensibles 101 aux actions toxiques. A l'aide de la petite seringue de Pravaz, on peut injecter goutte à goutte des solutions au vingtième et avoir des effets trèsrcomparables. Je vais injecter sur trois moineaux dans le tissu cel- lulaire sous-cutané de la partie interne de la cuisse (en faisant faire quatre demi-tours au piston de la seringue) 2 gouttes de narcéine, 2 gouttes de chlorhydrate de codéine et 2 gouttes de chlorhydrate de thébaïne : toutes les solutions sont au vingtième, c'est-à-dire à 5 pour 100. Le moineau à la thébaïne meurt au bout de deux ou trois minutes dans de violentes convulsions et avec roideur cadavérique très -rapide. Le moineau à la codéine s'endort d'abord un peu et resté calme; mais bientôt il est pris d'agitation et de mouvements comme tétaniques, puis il meurt en quelques minutes avec de violentes convulsions. Le troisième moineau à la narcéine dort tranquillement; on peut le prendre dans la main et le mettre entre les pattes du chien, son compagnon de sommeil. La codéine est donc beaucoup plus toxique que la narcéine et la mor- phine. L'opinion contraire règne parmi les médecins, et voici comment je l'explique : c'est que la morphine cause facilement des vomissements et des accidents qui ne sort pas mortels, mais qui en ont imposé, tan- dis que la codéine ne produit pas ces accidents aussi vite, quoiqu'elle tue à des doses beaucoup plus faibles. J'expliquerai ultérieurement tout cela en détail en donnant à la Société mon mémoire complet, qui ne renferme pas moins de deux cents expériences sur l'opium et ses alca- loïdes. Le moineau et le chien à la narcéine dorment toujours profondément jusqu'à la fin de la séance. Dans la séance suivante, M. Claude Bernard renvoie au président le chien avec la note qui suit : Le chien qui a été opéré samedi dernier devant la Société de biologie était encore à neuf heures du soir profondément endormi, comme on l'a vu. Le lendemain il a été trouvé éveillé et gambadant joyeusement. Le chien était alerte et. bien portant, et le profond sommeil narcéique dans lequel il avait été plongé n'avait eu aucune conséquence sur l'état normal de sa santé. VI. — Pathologie. Endocardite ulcéreuse; ictère; par J. Luïs. La nommée J..., couturière, âgée de 52 ans, est entrée à l'hôpital Neçker le 20 juillet 1864. D'unç bonne santé habituelle, elle a commencé à ressentir depuis quelques jours seulement.des douleurs sourdes dans la région do l:hy- pocondre gauche, suivies de vomissements. 10-2 Lors de son entrée, cette malade ne présentait d'autres symptômes morbides que ceux qui caractérisent habituellement l'embarras gas- trique; il y avait en même temps de la constipation. Elle ne paraissait se plaindre que dune pesanteur dans la région épigastrique, sans que l'on perçût par la palpation rien qui indiquât une tuméfaction appré- ciable des organes abdominaux. L'examen des poumons ne révéla rien d'anormal, mais en faisant l'inspection de la région précordiale, on pou- vait percevoir avec l'application méthodique de la pulpe des doigts dans la région sous-mammaire, l'existence d'un frémissement significa- tif, et au niveau de la pointe du cœur; et d'une autre part, l'ausculta- tion pratiquée en ce point permit de constater la prolongation très-ac- centuée du premier bruit, tandis qu'au niveau de la base nous perçûmes l'existence d'un dédoublement du second bruit très- marqué, avec un bruit de souffle aspiratif. Le pouls dans les deux radiales était régulier et petit, et non accéléré. En présence de ces signes physiques si accu- sés, des dénégations de cette malade qui nous disait avec assurance n'avoir jamais été atteinte d'affection rhumatismale, et qui ne présentait aucune apparence d'anxiété ni d'anhélation, nous crûmes prudent d'at- tendre pour formuler un diagnostic, croyant voir apparaître dans un délai plus ou moins éloigné les symptômes habituels des affections car- diaques. Cette malade fut purgée pour faire cesser la constipation qui durait depuis quelques jours, et l'on prescrivit en môme temps de la glace à l'intérieur contre les vomissements qui persistaient encore. Deux jowrs après son entrée, nous vîmes apparaître une coloration jaunâtre d'abord sur la conjonctive ; peu à peu cette teinte se généra- lisa, si bien qu'en peu de temps nous vîmes la coloration ictérique de la peau s'accentuer de plus en plus. Les urines furent examinées à plusieurs reprises; traitées par les réactifs, elles ne décelèrent aucune trace d'albumine; la matière' colorante de la bile y était accumulée en ^rès-fortes proportions; les matières fécales furent trouvées complète- ment décolorées : elles avaient une teinte argileuse très-accentuée. Peu à peu les symptômes précédents allaient'en s'aggravant, l'ictère devint de plus en plus intense; les vomissements étaient incessants, le matin surtout, les ressources habituelles de la pharmacopée successive- ment employées furent impuissantes à les arrêter. Les matières vomies examinées étaient visqueuses et composées soit de débris alimentaires, soit de matières muqueuses. Il n'y eut pas d'hémorrhagïc soit sous la peau, soit à la surface des muqueuses. L'examen de la région hépatique l'ait à plusieurs reprises ne nous révéla jamais d'augmentation bien no- table du foie, il était à peine douloureux à la palpation et à la percus- sion; la raie n:était pas augmentée de volume. Les bruits du cœur per- 103 sistaient, quoique moins accentués, avec les caractères que nous leur avions trouvés au début; il n'y avait pas de fièvre. En présence de cet ensemble de symptômes insolites dans lesquels nous pouvions affirmer, d'une part l'existence d'une lésion siégeant dans le cœur gauche (souffle aspiratif au deuxième bruit du cœur), et d'autre part celle d'un ictère permanent , nous émîmes l'idée que nous pour- rions bien nous trouver en face d'une endocardite ulcéreuse avec ictère. Les forces de la malade allaient peu à peu en déclinant, son intelli- gence, qui avait été jusqu'ici très-nette, commença à faiblir, et deux jours avant de s'éteindre, elle tomba dans un état de subdélirium con- tinu. Elle mourut le 3 août, après environ treize à quatorze jours de maladie. Autopsie. Le cœur est légèrement augmenté de volume; on trouve sur le péricarde quelques taches blanchâtres et des adhérences intimes entre la crosse de l'aorte et l'artère pulmonaire. Ces deux vaisseaux étaient littéralement soudés l'un à l'autre d'une façon complète. Le cœur droit offre quelques plaques athéromateuses sur les valvules auriculo-ventriculaires et sigmoïdes. Cette dégénérescence est beau- coup plus accusée à gauche : là la valvule mitrale forme un cône so- lide dans la cavité ventriculaire, tant ses parois sont épaissies 8t indu- rées^ c'est à peine si ce canal infundibuliforme peut admettre la pulpe du petit doigt. Au niveau du bord adhérent de la valvule, on constate que la ma- tière athéromateuse a érodé l'endocarde, et qu'en ce point il y a en deux endroits une véritable ulcération endocardite; cette surface ul- cérée offre en même temps quelques apparences de fongosilés vascu- laires. Les sigmoïdes aortiques sont aussi indurées sur leurs bords libres. L'aorte présente dans toute sa continuité, jusqu'à sa bifurcation en iliaques primitives, des incrustations athéromateuses très-mullipliées. Les poumons sont œdématiés et gorgés de sang noir. L'estomac offre plusieurs sigillations rougeâtres ecchymotiques au ni- veau de la grande courbure, sans ulcération de la muqueuse. Le foie a son volume et sa consistance habituels ; sa coloration est d'un vert olive très-foncé. La vésicule biliaire est atrophiée et réduite a une petite poche fibreuse contenant un calcul du volume d'une noi- sette. Au point de jonction du canal cystique et du canal cholédique, il existe un noyau de tissu fibreux dur et résistant, au niveau duquel les vaisseaux et conduits biliaires sont confondus. Il est impossible d'y retrouver l'artère hépatique et les parois dites veine porte : ce que l'on peut seulement dire, c'est que les voies biliaires sont obstruées complètement, attendu que le canal cholédoque, examiné à partir du 104 duodénum, était privé de matière biliaire, et qu'au contraire, au delà de l'obstacle, les conduits biliaires intrahépatiques étaient gorgés de bile. Toutes les cellules du foie, examinées en différentes régions, étaient complètement détruites. La rate présentait à sa surface quelques taches fibrineuses blanchâ- tres qui ne dépassaient pas l'épaisseur de sa membrane fibreuse; peu de traces d'infarctus dans son intérieur. Les reins, fortement imprégnés de matière biliaire, n'offrant aucune altération de tissu appréciable. Les centres nerveux' n'ont pas été examinés. Cette observation est un nouveau fait à ajouter à ceux qui existent déjà dans la science, d'endocardite ulcéreuse. avec ictère. Faut-il ad- mettre qu'il y ait entre ces deux lésions des rapports de cause à effet? Faut-il supposer que quelques débris fibrineux détachés de la surface d'une ulcération de- l'endocarde et projetés dans l'arbre artériel aient pu ainsi, sous forme d'infarctus, s'arrêter dans les ramifications de l'artère hépatique, troubler les fonctions du foie et amener ainsi secondaire- ment un ictère permanent? Rien ne nou» autorise, dans le cas actuel, à admettre ou à rejeter complètement cette interprétation. Nous avons, iî est vrai, recherché inutilement à isoler l'artère hépatique au niveau duhiledu foie; mais l'impossibilité de cette recherche elle-même sem- ble impliquer qu'il yavaiteu en ce niveau vraisemblablement un travail morbide rapidement accompli. Il y avait en effet chez cette malade des lésions multiples du côté du foie. Nous constatâmes ainsi, d'une part, l'existence d'une ancienne altération qui se déclarait par une oblitéra- tion de la vésicule biliaire, et, d'autre part, une lésion plus récente, l'existence de ce noyau de tissu fibreux faisant obstacle à la libre circu- lation de la bile. Ce noyau oblitérateur avait évidemment dû se produire dans les derniers temps de la vie de cette malade, puisque les effets morbides à l'aide desquelsil a décelé sa présence, l'oblitération des voies biliaires, s'en sont révélés en quelque sorte sousnosyeux : nous avons vu directement en effet la coloration jaune s'accentuer de plus en plus tous les jours, et indiquer, par sa permanence, la permanence de la cause qui l'avait fait apparaître. Nous sommes donc porté à admettre qu'un ancien travail morbide s'était passé du côté des voies cystiques, et y avait déterminé la formation d'adhérences, et que dans les derniers temps une complication était venue se surajouter à celte ancienne lé- sion et déterminer l'obstacle à ia circulation de la bile. L'existence de taches f>brineusés dans l'épaisseur de la coque fibreuse de la rate porte seulement à supposer que si des molécules fibrineuses détachées d'ul- cérations endocardiques, ont pu ainsi déterminer à distance des dépôts emboliques, ces mêmes molécules, projetées dans l'artère hépatique, 105 ont pu vraisemblablement déterminer à la suite des lésions homolo- gues ; l'impossibilité dans laquelle nous nous sommes trouvé de pouvoir disséquer l'artère hépatique nous prive sur ce point d'une affirmation satisfaisante. Nous ferons encore remarquer, au point de vue du mécanisme du bruit de dédoublement paru au deuxième temps de la révolution du cœur, qu'il existait des adhérences intimes entre la crosse de l'aorte et l'artère pulmonaire; que ces deux troncs vasculaires étaient soudés l'un avec l'au.tre, et que lacoalescence morbide a dû vraisemblablement porter quelque trouble dans leur indépendance fonctionnelle. COMPTE RENDU DES SÉANCES r _ r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'AOUT 1864; Par M. le Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire. PRESIDENCE DE M. RAYER. I. — Anatomie pathologique. Calculs volumineux paraissant sitiks dans i.a substance rénale; transfor- mation PRESQUE COMPLÈTE DE L'UN DES REINS EN UNE MASSE DE GRAISSE; par M. Anger, prosecteur des hôpitaux. Les calculs développés dans le tissu du rein sont rares, beaucoup plus rares que ceux que l'on rencontre dans le bassinet ou les calices. Dans le cas qui a été soumis à noire observation, et dont voici les piè- ces, les deux reins étaient malades, et dans l'un et l'autre il existait des calculs volumineux. Les uns étaient situés à la superficie du rein, les autres en occupaient la profondeur. Le plus grand nombre logé dans des excavations anfractueuses présentait cette forme bizarresur laquelle les auteurs ont tant insisté. Quelques autres étaient assez régulière- 108 ment arrondi, quoique offrant à leurs surfaces des aspérités nom- breuses. Ils étaient tous logés dans des dilatations kystiques du tissu du rein exactement moulées sur eux et par conséquent de même forme. Toutes ces dilatations étaient tapissées d'une muqueuse épaisse et communi- quaient les unes avec les autres; c'étaient évidemment des canalicules dilatés. Un ou deux des calculs étaient entourés d'un liquide purulent épais; les autres paraissaient plongés dans une urine assez transpa- rente. J'appellerai l'attention sur l'état d'un des reins dont le tissu est à peine feconnaissable, tant il est perdu au milieu de la graisse; cette graisse est à l'état libre et donne au rein qu'elle a envahi l'aspect d'un véritable lipome. Ce n'est point là un fait précisément nouveau : un cas de ce genre est rapporté dans le Traité des maladies des reins de M. Rayer, et un autre exactement semblable a été observé il y a deux ans à l'Hôtel-Dieu, dans le service de M. Horteloup. L'analyse chimique des calculs n'a point été faite. Le plus grand nombre présentait une teinte jaune et était probable- ment d'acide urique. Les deux plus volumineux avaient à peu près le diamètre du petit doigt et étaient d'une blancheur remarquable, et pré- sentaient une cassure cristalline. II. — Physiologie expérimentale. Sur des reproductions animales; par M. Gros, interne des hôpitaux. J'ai montré à la Société quelques exemples de reproductions animales: ce sont les expériences de Spallanzani sur les salamandres que j'ai ré- pétées, en examinant jour par jour les résultats obtenus et l'évolution des nouveaux éléments histologiques. J'ai obtenu la reproduction des queues, des pattes et des yeux de sa- lamandres ; voici ce que j'ai observé : Si l'on coupe la patte d'une salamandre, on voit le lendemain la plaie recouverte de cellules épidermiques ; deux jours après l'amputation, une substance amorphe s'épanche entre la couche d'épiderme et la solution de continuité; au bout de cinq ou six jours, cette substance amorphe, demi-transparente, a repoussé l'épiderme et forme une sorte de calotte à l'extrémité du membre. Quinze jours après la section, on trouve un moignon conique ; on ne tarde pas à voir se développer à l'extrémité de ce moignon de petits tubercules qui s'allongent peu à peu et forment de petits doigts. Au bout d'un mois, le membre est complet, c'ëst-à-dire qu'il contient toutes les parties qui constituent le membre normal ; mais ces parties 109 n'ont pas encore acquis le volume qu'elles doivent avoir; l'animal évite encore de se servir de sa nouvelle patte, qu'il rapproche du corps en nageant au lieu de l'écarter; ce n'est qu'au bout d'un mois et demi à deux mois que la patte est vraiment utile à l'animal; à cette époque, elle est à peu près semblable à celle que l'on a enlevée. Je ferai remar- quer ici que la nouvelle patte parcourt des phases semblables à celles qui ont accompagné la formation de la patte enlevée; en effet, chez la jeune salamandre, on trouve d'abord à la place des membres des moi- gnons qui ne tardent pas à devenir coniques; au bout du cône naissent les doigts, et la patte se trouve constituée ; de plus la jeune salamandre, en nageant, rapproche ses pattes de son corps, comme la salamandre adulte rapproche sa patte régénérée. Mais l'analogie n'existe pas seule- ment dans la forme extérieure , on la trouve encore dans l'évolution des nouveaux éléments histologiques. En effet, dans la substance semi-transparente qu'on trouve dès les premiers jours entre l'épiderme et la solution de continuité, on rencon- tre d'abord une substance amorphe et des granulations, puis dés noyaux embryo-plastiques; ces noyaux, beaucoup plus gros que chez l'homme, précèdent toujours la reproduction, comme ils précèdent la. formation des tissus dans l'embryon. Dès le cinquième jour après l'amputation, on trouve des noyaux qui se transforment en corps fusiformes, et des fibres lamineuses ne tardent pas à apparaître. ■ Du dixième au quinzième jour, on reconnaît près de l'os qui a été coupé des noyaux de cartilage. Vers le vingtième jour, on trouve un cône cartilagineux qui fait suite à l'os ancien; l'extrémitéTle l'os est enchâssée dans le cartilage; la reproduction du cartilage marche peu à peu jusqu'à l'extrémité du membre, dont il semble diriger le développe- ment; il précède, en effet, la formation des muscles et des nerfs. Le squelette cartilagineux du membre est tout d'abord d'une seule pièce, même lorsque les formes sont déjà assez nettement accusées; les arti- culations se montrent peu à peu et, progressivement, en commençant dans les parties où a débuté la reproduction. Au bout d'un mois et demi, les articulations sont formées et l'ossification commence. Le développement des muscles est facile à suivre : des noyaux alignés donnent naissance au myolemme nouveau, qui se continue parfaitement avec l'ancien, et que l'on voit très-nettement vers le quinzième jour; après un mois, de nouveaux noyaux se développent dans l'intérieur du myolemme pour donner naissance aux fibres musculaires. Quant aux nerfs, voici leur mode de développement : pendant les pre- miers jours qui suivent l'amputation, l'extrémité des nerfs coupés subit la dégénérescence graisseuse, mais cette dégénérescence ne remonte 110 jamais bien haut; au bout de dix jours, on commence à voir sur les côtés et en avant du tronçon des noyaux un peu allongés, très-rapprochés ; ces noyaux s'entourent d'une substance amorphe jaunâtre et forment une sorte de corps fusiforme dont les extrémités effilées se réunissent pour former des fibres de Rémak, qui ne tardent pas à devenir des tubes nerveux. Il y a de grandes variations dans le temps qu'il faut pour la reproduc- tion d'un membre ou d'un organe, suivant la saison, suivant l'âge des animaux et suivant la nourriture qu'on leur donne. La reproduction est presque nulle en hiver, active au printemps, très-active en été; quel- quefois en été, lorsqu'on ampute la patte d'une salamandre, il se fait un véritable phlegmon; cet accident m'est arrivé deux fois, et les salaman- dres sont mortes. J'ai donc été forcé, pour indiquer le temps nécessaire aux différentes phases de la reproduction, de prendre la moyenne de tous les résultats que j'avais obtenus. Les jeunes salamandres régénèrent leurs membres beaucoup plus vite que les adultes; chez une très-jeune salamandre, j'ai vu la queue se ré- générer complètement en trois semaines. Enfin, il est évident que plus on nourrira ces animaux et plus la re- production sera active. J'ai essayé de faire des autoplasties sur des salamandres, j'ai con- stamment échoué; il semble, du reste, qu'il y a antagonisme entre la reproduction animale et la réunion immédiate des tissus; les conditions nécessaires à la reproduction animale sont contraires à la réunion par première intention, et vice versa. On ne connaît pas bien, du reste, les conditions qui favorisent la re- production des tissus. Certes c'est sur les animaux dont l'organisme est le plus simple que l'on rencontre les plus beaux exemples de régénéra- tiens animales : l'hydre, le Ver do terre, les colimaçons, les salamandres, les poissons, les lézards; mais il y a des exceptions; ainsi, par exemple, les insectes ne reproduisent pas un de leurs membres coupé. J'ai con- servé pendant trois mois un dytique auquel j'avais coupé une patte, il n'y a pas eu reproduction. Les larves des insectes, au contraire, peuvent reproduire certaines parties de leur corps, surtout si l'époque de leur transformation est encore éloignée. J'ai montré à la Société deux larves de fourmilion auxquelles j'avais coupé une patte depuis quinze jours: chez l'une, qui était près de l'époque de sa transformation, il n'y a eu aucun changement; chez l'autre, plus jeune, la patte se régénérait. Si on mutile une larve peu de temps avant sa transformation, l'insecte par- fait est privé du membre qu'on a coupé; j'ai fait l'expérience sur des fourmilions et sur des chenilles. 111 Une patte de salamandre retranchée plusieurs fois de suite peut-elle se régénérer indéfiniment? Cela est probable; j'ai montré à la Société une patte qui se reproduisait pour la troisième fois. La régénération de la queue se fait tout aussi facilement que celle des pattes et suit la même marche. Les yeux se régénèrent à la longue, lorsqu'on a eu soin de ne pas tou- cher au nerf optique; j'ai enlevé, il y a cinq mois, les yeux à plusieurs salamandres en prenant cette précaution, et aujourd'hui ces organes commencent à apparaître; chez une autre salamandre j'ai enlevé un œil. il y a treize mois, en arrachant le nerf optique, et rien ne se repro- duit. J'ai montré un autre fait assez curieux,: j'avais coupé une patte lon- gitudinalement, en enlevant la portion externe du membre et deux doigts; les parties enlevées ne se sont pas régénérées, et l'animal a con- servé une moitié de patte terminée par deux doigts qui se sont légère- ment inclinés en dehors. On voit donc que le membre nouveau passe par tous les états em- bryonnaires, et. comme l'embryon, il peut être atteint de monstruosités, de vices de conformation ; on trouve quelquefois deux queues aux lé- zards qui ont été mutilés, et j'ai vu chez une salamandre une patte ré- générée qui ne portait qu'un seul doigt. Il est impossible à l'homme de réparer la perte d'un membre, mais il peut reproduire isolément la plupart de ses tissus (excepté peut-être les muscles); on connaît la reproduction des os, des nerfs, des vaisseaux, des tendons, etc.; on sait que l'inflammation est contraire à la régéné- ration, mais il est probable qu'il y a d'autres conditions favorables ou défavorables, et je crois qu'il n'est pas seulement intéressant, mais qu'il est utile de s'occuper des reproductions animales. 111. - Physiologie pathologique. Apiiasie sans lésion de f.a troisième cirgonvoj.ution frontale gauche; par M. Cn. Bouchard. La femme qui fait le sujet de l'observation suivante était atteinte d'à-, phasie depuis plusieurs années ; elle a été examinée par un grand nombre de médecins. M. Trousseau a souvent fixé l'attention sur elle dans ses leçons et en a parlé avec quelques détails dans sa Clinique médicale de C Hôtel Dieu de Paris (1865, t. II, p. 587). Nous avons pu compléter cette observation à la Salpêtrière, dans le service de M. Charcot, où la malade a succombé, et nous pensons qu'il y aura quelque intérêt à rapprocher des phénomènes observés pendant la vie le résultat de l'exa- 142 men nécroscopique que nous avons fait avec le plus grand soin en pré- sence de M. Charcotet de M. Broca.. D'après les renseignements que nous avons recueillis et qui diffèrent peu de ceux que M. Trousseau a consignés dans son livre, Adèle Anse- lin, qui avait jusque-là joui d'une excellente santé, aurait eu à 20 ans un rhumatisme articulaire aigu, et à la suite des palpitations. Elle avait été réglée à 15 ans, et n'a jamais eu d?enfants. C'est vers le milieu de sa vingt-septième année qu'elle a été prise des accidents pour lesquels elle a été traitée successivement à la Pitié, à l'Hôtel-Dieu et enfin à la Salpêtrière. Adèle Anselin était à cette époque employée chez un marchand de vins; elle avait un amant avec lequel elle voulait rompre. Celui-ci fu- rieux la frappa violemment de nombreux coups à la poitrine et à l'aine, alors qu'elle était aune époque menstruelle. Le lendemain, sans perdre connaissance, elle fut prise subitement de paralysie de tout le côté droit et d'impossibilité absolue de prononcer aucune parole. I! paraît qu'à cette époque la face était déviée à gauche. On la transporta à la Pitié, salle Saint-Charles, où elle passa quatre mois. Quelque temps après sa sortie de cet hôpital, elle entra à l'Hôtel- Dieu, dans le service de M. Trousseau, pour une pneumonie aiguë. On constata alors l'existence d'une endopéricardite chronique avec insuffi- sance de la valvule mitrale. Elle resta toute une année à l'Hôtel-Dieu, et eut pendant ce temps quelques hémoptysies liées sans doute à l'état du cœur. Quand elle en- tra à la Salpêtrière, le 8 décembre 1863, la santé générale était assez satisfaisante, mais l'hémiplégie persistait; la paralysie du bras droit était complète et s'accompagnait d'un léger état de contracture; la jambe droite exécutait seulement quelques mouvements; la face, qui au mo- ment du début était déviée à gauche, offrait, au contraire, une légère déviation à droite, sans doute par le fait d'une contracture permanente développée secondairement dans les muscles paralysés, comme cela avait eu lieu pour le bras. La pupille gauche était plus dilatée que la droite. L'auscultation rév.élait un bruit de souffle au premier temps à la pointe du cœur. Nous avons pu observer cette malade pendant sept mois, et nous l'a- vons surtout étudiée au point de vue des troubles de l'intelligence et du langage. Je transcris textuellement les notes que j'ai recueillies à cette époque : La malade exécute facilement les mouvements des lèvres et de la langue; son larynx paraît aussi fonctionner régulièrement; cependant elle n'a à sa disposition que trois expressions dont elle se sert sponta- nément. Si elle veut appeler sur elle l'attention de quelqu'un, elle crie: 113 Maman, maman. Si on lui fait une question, elle répond invariablement : Peux pas dire. Si l'on insiste, elle témoigne son impatience par l'excla- mation : Oh malheur! Indépendamment de ces trois paroles qui sont tout son langage spontané, on peut l'amener à dire son nom Adèle, à la condition de le prononcer avant elle, et elle ne le répète d'ailleurs que d'une façon peu intelligible. Si on lui demande de dire le nombre de di- vers objets qu'on lui montre ou la date du jour, elle ne trouve pas immé- diatement le mot, mais alors elle compte depuis un et s'arrête au chiffre exact. Toutefois, il faut que ce chiffre ne dépasse pas quinze ou seize ; car alors elle s'embrouille, recommence sans plus de succès, s'impatiente et devient incapable ensuite de compter jusqu'à un nombre moins élevé. C'est à ces quelques mots que se borne chez elle la faculté d'expri- mer sa pensée par le langage articulé. Le langage écrit est mieux con- servé. Ainsi elle écrit spontanément de la main gauche et assez correc- tement quelques phrases courtes comme celle-ci : Monsieur, je vous remercie de toutes vos bontés; puis elle signe son nom Adèle Anselin, auquel elle ajoute toujours celui de son ancien amant. Elle peut aussi écrire quelques mots qu'on lui dicte ou qu'elle vient de lire, mais elle se fatigue rapidement à cet exercice, oublie des lettres, les substitue les unes aux autres, s'aperçoit d'abord de ces erreurs, biffe les mots in- corrects, les recommence sans mieux réussir, puis enfin ne trace plus que des caractères indéchiffrables. La mimique est très-accentuée, mais peu intelligible et très-incomplète ; c'est ainsi que malgré beaucoup de gestes elle reste quelquefois longtemps à faire deviner qu'elle veut manger. Malgré l'impossibilité où elle se trouve d'exprimer spontanément et directement ses pensées, sa physionomie est pourtant assez intelligente et les facultés intellectuelles, d'une façon générale, sont conservées dans de certaines limites. En lui parlant sur divers sujets, en lui faisant des questions variées, on constate par les signes de l'affirmation ou de la négation qu'elle comprend assez facilement à peu près tout ce qu'on lui dit et que son jugement ne manque pas d'une certaine justesse. Ce- pendant son intelligence a subi un abaissement notable. Elle s'occupe d'enfantillages, un rien suffit à la faire rire, elle manque de la réserve habituelle. Ainsi un matin à la visite elle montre en riant aux élèves sa chemise tachée par le sang des règles, non par grossièreté, mais comme un objet de curiosité. La mémoire, comme on va en juger, a surtout subi une notable dimi- nution. Elle lit très-souvent, mais plusieurs fois de suite le même roman avec le même plaisir. Elle déclare d'ailleurs qu'elle oublie très-vite ce qu'elle a lu. Cependant elle le comprend. Quand on lui fait lire une phrase d'un seul trait, elle peut l'écrire immédiatement alors qu'elle n'a G. R. 8 114 plus le livre sous les yeux. Si la phrase est un peu longue ou si oh laisse plusieurs minutes s'écouler entre la lecture et l'écriture, elle ne peut plus l'écrire ou ne trace que des caractères indéchiffrables. Alors si on lui. cite plusieurs phrases au hasard, parmi lesquelles on place celle qu'elle a lue, il arrive assez souvent qu'elle s'arrête au moment où l'on prononce cette dernière. Au bout d'un quart d'heure d'exercices de ce genre, elle finit par ne plus rien comprendre. Les idées écrites restent mieux dans sa mémoire quand elles sont en môme temps reproduites par une image. Un jour je lui montre une gra- vure représentant une femme accoudée à une fenêtre dans une attitude méditative. Au-dessous étaient écrits ces mots : Elle passait des jour- nées ejitières à regarder les nuages. A quelque- temps de là, je lui de- mandai ce que faisait la dame que je lui avais montrée sur la gravure; elle leva les doigts vers la fenêtre et me fit voir des nuages. Or je me suis assuré à diverses reprises qu'elle garde moins longtemps le souve- nir des idées seulement écrites. De même elle conserve très-bien Ja mémoire des figures et reconnaît au premier coup d'oeil les personnes qu'elle a connues avant et depuis sa maladie. Pendant tout le temps que cette malade passa à la Salpêtrière, on ne constata aucune modification dans ses facultés intellectuelles ni dans son aptitude à exprimer ses idées. Le 20 janvier 1864, elle fut prise d'un accèsde suffocation qu'on con- sidéra comme un asthme cardiaque. Le 4 février, le même accès se re- produisit, et le lendemain on vit survenir une hémoptysie, puis tout rentra dans l'état normal. Le 13 juillet, à la visite du matin, on trouva la malade dans un état d'agitation extrême avec oppression, cyanose, envies de vomir, douleur précordiale. A l'auscultation le murmure respiratoire était remarqua- blement pur. Ces symptômes s'aggravèrent, la cyanose augmenta, la face devint bouffie, l'oppression devint de l'orthopnée, et la malade suc- comba le 19 juillet 1864 avec les signes d'une gêne énorme de la cir- culation. L'autopsie fut faite vingt-trois heures après la mort par une tempéra- ture très-élevée. On trouva des végétations en guirlande des valvules sygmoïdes de l'aorte, quelques plaques athéromateuses non ulcérées du commence- ment de ce^tte artère, un rétrécissement considérable avec insuffisance de l'orifice mitral. Le cœur était volumineux, dilaté, partout adhérent au feuillet pariétal du péricarde. La cavité de cette séreuse n'existait plus, il y avait symphyse cardiaque complète. Les reins et la rate présentaient à leur surface des cicatrices dépri- Î.I5 mées. Dans la rate en particulier, le tissu rétracté présentait des stries jaunes, denses, resjtes d'anciens infarctus. A l'ouverture du crâne, il s'écoula une quantité énorme de sérosité sanguinolente. La pie-mère était extrêmement congestionnée. Les ar- tères cérébrales ne présentaient aucune altération calcaire ou athéro- mateuse, on ne trouvait aucune concrétion à leur intérieur. Les artères sylviennes, plus particulièrement examinées à ce point de vue, avaient leur calibre parfaitement libre. Le cerveau était généralement mou, surtout l'hémisphère gauche. La pie-mère une fois dégorgée était très-mince, non adhérente; mais, vu la mollesse des circonvolutions, il était difficile de l'enlever sans léser ces dernières. Toutefois on a eu besoin de plus de précautions pour dé- tacher la pie-mère à gauche qu'à droite. Les circonvolutions mises à nu étaient généralement rosées et pré- sentaient de distance en distance des plaques rouges pointiliées, comme d'hémorrhagie capillaire. Il en existait en particulier une plaque vers le milieu de la troisième circonvolution frontale gauche et une à la par- tie la plus inférieure de la circonvolution frontale postérieure gauche, c'est-à-dire tout proche de la racine de la troisième circonvolution frontale. On trouvait de plus des plaques disséminées de ramollissement jaune superficiel siégeant sur les deux hémisphères. Sur l'hémisphère gauche il existait une semblable plaque à la réunion de la circonvolution marginale postérieure et de la seconde circonvolution pariétale. Une autre siégeait à la partie la plus inférieure de Yinsula; et, de plus, la circonvolution postérieure de l'insula était atrophiée. Sur l'hémisphère droit on trouva aussi une plaque jaune de la partie la plus inférieure de la circonvolution frontale postérieure, descendant jusque dans la scissure de Sylvius et empiétant un peu sur la racine de la troisième circonvolution frontale. La seule lésion constatée dans les parties centrales était un ramollis- sement jaune occupant la partie supérieure et antérieure du noyau in- tra-ventriculaire du corps strié du côté gauche. Comme conséquence de cette lésion et comme preuve de son ancien- neté, on constatait une atrophie du côté gauche de la protubérance annulaire et une atrophie très-marquée avec teinte gris jaunâtre de la pyramide antérieure gauche. De cette atrophie résultait une hypertro- phie apparente de l'olive gauche. L'examen microscopique des points en apparence les plus altérés de la troisième circonvolution frontale gauche en démontrant l'intégrité de son tissu, prouve que l'altération apparente dépendait seulement d'une congestion survenue dans les derniers moments de la vie et de 116 1 imbibition cadavérique. Les cellules nerveuses étaient par.aitement intactes, il n'y avait pas de prédominance du titsu conjonctif, pas de corps amyloïdes, pas de corps granuleux, pas de granules d'hématoï- dine , les capillaires étaient sains, à l'exception de quelques-uns, très- rares, où Ton voyait un commencement d'altération athéromateuse. Je me bornerai à faire suivre cette observation des quelques considé- rations suivantes : Ce fait n'est pas confirmatif de la théorie de M. Broca, puisque la troisième circonvolution frontale gauche était intacte. Il n'ajoute et n'ôte rien à la théorie de M. Dax, puisque les deux hé- misphères étaient malades. Il peut à la rigueur rentrer dans la loi de M. Bouillaud, puisque la racine de la troisième circonvolution frontale droite était altérée; à plus forte raison si, à l'exemple de M. Trousseau, on veut donner le nom de lobe autérieur à tout ce qui est en avant du sillon de Rolando. Alors les lésions de rinsuta et du corps strié seraient comprises dans cette portion du cerveau. On ne peut dans ce cas rapporter l'aphasie à une lésion de l'olive gauche, puisque la saillie de cet organe n'était que relative, due à l'a- trophie de la pyramide. La coexistence des diverses plaques de ramollissement cérébral avec les traces d'infarctus des reins et de la rate et avec les lésions du cœur gauche rend vraisemblable l'opinion émise par M. Trousseau que l'affec- tion cérébrale avait été la conséquence d'une embolie partie des val- vules malades. Toutefois, comme les artères n'ont pas été trouvées oblitérées, il s'est agi, dans ce cas, d'embolies capillaires. Enfin ce fait est confirmatif de l'opinion qui fait de la coexistence d'une maladie du cœur avec l'hémiplégie droite et l'aphasie un signe important pour le diagnostic entre l'hémorrhagie et le ramollissement du cerceau. II. — Pathologie. 1" Fausse articulation établie dans la continuité de la première côte ; par M. Anger, prosecteur des hôpitaux. Les fractures des côtes qui s'observent si souvent dans la pratique se consolident avec une grande facilité. Dans le plus grand nombre des cas, cette consolidation ne parait pas notablement entravée par les mouvements d'inspiration et d'expiration, qui cependant s'opposent à une immobilisation complète. Les fausses articulations sont rares, et même les recueils scientifiques n'en contiennent-ils peut-être que bien peu d'observation9. 117 Cette rareté des articulations pathologiques établies entre deux frag- ments d'une côte nous paraît donner un certain intérêt à une observa- tion anatomique, que nous avons faite sur le cadavre d'un homme âgé de 60 ans environ, apporté pour les dissections à l'amphithéâtre des hôpitaux. La première côte est brisée probablement depuis plusieurs années, et les deux fragments non réunis jouent librement l'un sur l'autre ; ils sont gonflés à leurs extrémités, et les mouvements qu'ils exécutent ont donné lieu à un endurcissement remarquable et à un poli des nouvelles sur- faces articulaires, qui rappelle en tout point l'intérieur d'une jointure En faisant jouer le fragment sternal sur le fragment vertébral, on voit facilement que les mouvements ne sont possibles que dans un sens et que la conformation des nouvelles surfaces articulaires ne permet pas d'autre mouvement que celui qui se rapporte à l'élévation et à l'abais- sement du sternum. La fausse articulation est établie à 4 centimètres du sternum; du reste le fragment antérieur est intimement uni au sternum. Il y a véritable- ment continuité de tissu. Ajoutons que les cartilages costaux sont ré- sistants et peu flexibles. Le sujet portait sur le corps d'autres traces de violences que nous nous contentons de mentionner en particulier, une fracture de la ro- tule dont les deux fragments étaient réunis par un cal fibreux. Nous n'avons aucun renseignement sur le genre de mort du sujet, l'autopsie avait été pratiquée dans les hôpitaux. Les physiologistes se sont souvent demandé si la première côte était animée de mouvements. Haller la regardait comme immobile, et Magen- die lui accordait des mouvements assez étendus. On a fait valoir un grand nombre d'arguments pour et contre ces deux opinions. On a in- voqué le raisonnement, l'observation, l'expérience. Le fait pathologique qui précède nous parait venir à l'appui de l'opi- nion du célèbre professeur du Collège de France. COMPTE RENDU DES SÉANCES r r LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE SEPTEMBRE 1864 Par M. le Docteur DUMONTP ALLIER, secrétaire. PRESIDENCE DE M. RATER. I. — ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 1* Conclusions principales d'cn mémoire sur les altérations anatomiques DU REIN DANS L'ALBUMINURIE \ par M. V. CORNIL. 1* La congestion rénale ne suffit pas pour produire l'albuminurie pour que l'albumine passe dans l'urine, il est nécessaire qu'avec la con- gestion coexiste une lésion anatomique des cellules épithéliales des tu- buii. 2° Cette lésion des cellules épithéliales qu'on trouve constamment dans toute albuminurie, quelque légère, quelque passagère qu'elle soit, consiste dans la tuméfaction trouble des cellules épithéliales remplies d'abord de granulations protéiques, puis de granulations graisseuses. Cet état du contenu des tubes urinifères se rencontre, (a) dans la né' 120 phrite albumineuse passagère, (p) dans la néphrite albumineuse persis- tante. 3° La néphrite albumineuse passagère (nephritis catarrhalis de Vir- chow et Rosenstein) s'observe très-souvent dans la fièvre typhoïde, le typhus, le choléra, la fièvre puerpérale, l'érysipèle, etc. Elle est carac- térisée par l'état des cellules dont nous venons de parler. 4" La néphrite albumineuse persistante ou parenchymateuse comprend trois formes : (a) La néphrite albumineuse simple qui peut succéder à la forme pré- cédente, et qui en diffère seulement par des lésions plus profondes, plus générales, débute par une tuméfaction trouble des cellules et se termine par leur transformation complète en granulations graisseuses. C'est la plus fréquente de toutes les lésions du rein qui causent l'albuminurie. (b) La néphrite albumineuse avec dégénération graisseuse des vais- seaux (artères, vaisseaux des glomérules, réseau capillaire). Bien que ces lésions puissent exister avec une néphrite albumineuse simple, on trouve en même temps, dans le plus grand nombre des cas, une atrophie commençante du rein et des granulations brightiques; ces granulations de la substance corticale du rein, toujours causées par l'atrophie des tubuli qui entourent la granulation, tandis que dans le nodule lui-même les tubuli et les glomérules conservent leur volume normal, n'ont pas besoin pour se produire de l'hypergenèse du tissu conjonctif du rein. On peut distinguer deux espèces de granulations du rein, suivant que le tissu même de la granulation est plus ou moins altéré que les parties qui l'entourent. Cette forme de maladie du rein succède toujours à la précédente. (c) La néphrite albumineuse avec la dégénération dite amyloïde des vaisseaux. Il en existe deux variétés, suivant que les parties altérées se colorent seulement en brun par l'iode et l'acide sulfurique ou passent au contraire par toute la série des couleurs du prisme. Cette forme suc- cède parfois à la forme (a) et n'en est qu'une complication. 5° Les cylindres épithéliaux et hyalins se rencontrent dans tous les cas en grand nombre dans l'urine des albuminuriques; ils peuvent se rencontrer, mais alors ils sont très-rares dans l'urine normale. Les cylin- dres hyalins cireux et encroûtés de granulations graisseuses ou couverts de cellules en dégénération graisseuse ont seuls de la valeur pour le diagnostic de la néphrite albumineuse persistante ou parenchymateuse. 6° La dégénération graisseuse des cellules peut se rencontrer dans les tubuli, bien qu'il n'y ait pas ou qu'il y ait très-peu d'albumine; ainsi que cela s'observe surtout dans les cas d'empoisonnement par le phos- phore et dans l'ictère très-prononcé, quelle que soit du reste sa cause. 121 2* Poumons d'un ours,- présentés par M. Milne Edwards. Examen microscopique; par M. Cornil. M. Milne Edwards présente les poumons d'un ours qui a succombé aux progrès d'une tumeur blanche de la patte. Les poumons offraient à leur surface des granulations d'apparence tuberculeuse. Ces granu- lations étaient constituées par des saillies arrondies gris jaunâtre, variant du volume de grain de millet à celui d'une noisette. Le tissu qui les entoure est , à la surface du poumon , congestionné , rouge et affaissé. Ces petites tumeurs saillantes avaient d'abord fait penser à une tuberculisation pulmonaire. A un examen très-attentif on reconnut que la plèvre elle-même ne possédait pas de granulations mi- liaires semi-transparentes, et que toutes les tumeurs proéminentes étaient situées sous la plèvre et appartenaient uniquement au poumon. Ces tumeurs étaient molles, faciles à déchirer et à écraser; on obtenait alors un liquide louche, puriforme. Sur une surface de section du pou- mon, elles montraient la môme coloration grise qu'à leur surface, et elles étaient légèrement granuleuses, donnant par le raclage un liquide puriforme; elles ne contenaient pas d'air, ne crépitaient pas et plon- geaient faiblement dans l'eau. Le tissu pulmonaire qui les entourait était très-rouge et congestionné, affaissé et non crépitant dans des places limitées (atelectasie), mais dans la plus grande partie du poumon il donnait par la pression un liquide coloré en rouge- par le sang, un peu louche et spumeux. Nous l'avons étudié au microscope à l'état frais et après l'avoir fait durcir dans l'acide chromique; voici ce que nous avons vu : les masses grises présentaient des alvéoles pulmonaires remplies, d'éléments épi- théliaux presque tous granuleux et contenant des granulations grais- seuses fines; les cellules étaient pavimenteuses, ou sphériques, ou ▼ésiculeuses; elles contenaient un ou plusieurs noyaux; il y avait aussi des globules muqueux et des leucocytes granuleux. Ces éléments remplissaient complètement sans les distendre les alvéoles pulmonaires, et il n'y avait pas avec eux de fibrine. La même structure existait dans les plus petits comme dans les plus gros de ces îlots gris, sans qu'il y eût en aucun point de granulations miliaires tuberculeuses. Le tissu pulmonaire congestionné montrait des alvéoles contenant une grande quantité de cellules épithéliales pavimenteuses ou vésicu- leuses, des globules muqueux et même des leucocytes. Ces éléments, qui ne remplissaient pas les alvéoles, n'étaient pas, comme les précé- dents, en dégénération graisseuse. Il y avait là, avec la congestion, une hypergenèse très-manifeste des cellules épithéliales; car on sait qu'à l'état normal, les cellules sont rares dans les poumons. çy 122 Ainsi ces poumons présentaient trois lésions qui s'unissent habituel- lement dans la pneumonie catarrhale : 1° la congestion avec hyperge- nèse de jeunes cellules; 2° l'atelectasie; 3° des îlots ou lobules dont les alvéoles étaient remplis par des cellules épithéliales ou leurs dérivés (cellules distendues, globules muqueux, leucocytes), en dégénérescence granulo-graisseuse. Il n'y avait pas de tubercules, bien qu'au premier abord on eût pu croire à une tubercuiisation pulmonaire. Ce qui don- nait l'apparence de cette lésion, c'est la proéminence des lobules ma- lades à la surface des poumons, saillie qui, dans ce cas, était beaucoup plus accusée que dans la pneumonie catarrhale (lobulaire) de l'homme. II. — PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. Note sur l'hypertrophie du ventricule gauche du coeur dans la maladie de Bright; par le docteur Auguste Ollivier. Bright passant en revue les principales lésions qu'il avait rencon- trées dans cent cas d'affection rénale avec urines albumineuses, s'ex- prime ainsi à propos des altérations du cœur : « Ces altérations, sont très-dignes de remarque ; leur grande fréquence démontre qu'il existe entre elles et l'affection dont nous parlons, une importante et étroite connexion. Dans 27 cas, on ne découvrit aucune trace de ma- ladie, et dans 6 autres, comme on ne nota rien de particulier, il est probable que le cœur était à l'état normal. Les altérations consis- taient spécialement en une hypertrophie avec ou sans lésions valvu- laires, et chose intéressante, sur 52 cas d'hypertrophie, on ne put trouver aucune lésion valvulaire dans 34 cas; toutefois, dans 11 de ces derniers, les tuniques de l'aorte étaient plus ou moins altérées. Par conséquent, chez -23 malades il n'y avait probablement point de cause organique capable d'expliquer l'hypertrophie notable qui avait atteint surtout le ventricule gauche. Ce fait nous conduit naturellement à re- chercher une autre tjause, moins locale, du surcroît d'activité qu'avait dû éprouver le cœur, et voici l'explication qui paraît la plus vraisemr blable : ou le sang altéré produit directement sut le cœur une excitation irrégulière et inaccoutumée, ou bien il agit de telle manière sur les ca- pillaires de l'organisme que le cœur est forcé de se contracter avec plus d'énergie pour rendre possible la circulation dans les branches les plus éloignées du système vasculaire (1). » (1) Bright. Tabular view of the morbid appearences in 100 cases connected with albuminous urine in Guï's Hospital Reports, Vol. I, 1836, p. 396 et 397. 123 La fréquence, dans la néphrite albumineuse, d'une hypertrophie du ventricule gauche, sans autre altération cardiaque ou pulmonaire, n'est pas admise par tous les auteurs; suivant M. Rayer (1), les exemples en seraient même assez rares. Ayant eu l'occasion d'observer deux faits de ce genre, j'ai pensé qu'il serait peut-être intéressant de les rapporter ici et de les comparer. Bright, comme on peut le voir dans le passage cité plus haut, ne se prononce point sur le mécanisme de l'hypertrophie du ventricule gau- che; mais l'une de ses deux hypothèses, à savoir l'embarras de la cir- culation capillaire tant générale que rénale, fut adoptée par la plupart des médecins anglais qui vécurent après lui (2). Cette opinion a été re- prise par M. Traube (3) qui, n'envisageant que la gêne de la circulation rénale, a proposé l'explication suivante. Sous l'influence de la maladie, les capillaires des reins s'altèrent, se rétrécissent et la circulation de ces organes devient de plus en plus difficile. La pression du sang aug- mentant alors au-dessus des artères rénales, la ventricule gauche se contracte plus énergiquement et par suite s'hypertrophie. Suivant M. Traube, cette hypertrophie du ventricule gauche dans les cas d'al- buminurie chronique indiquerait que les reins sont atrophiés. Cette théorie rencontra beaucoup d'incrédules. Il est évident que toutes lés fois qu'il existe, en même temps que l'hypertrophie du ven- tricule gauche, de la péricardite ou des lésions valvulaires, on ne sau- rait décider si l'hypertrophie est primitive ou consécutive à ces lésions. Mais dans les cas où les valvules sont intactes et qu'il a été, pour ainsi dire, permis de suivre le développement de l'hypertrophie ventricu- laire, l'opinion de M. Traube mérite d'être prise en sérieuse considé- ration. L'expérimentation physiologique aurait pu résoudre cette intéressante question de pathogénie; malheureusement les deux essais que j'ai faits jusqu'ici ont été sans succès. Dans une précédente communication (4) à la Société, j'ai rapporté l'histoire d'un jeune homme de 20 ans (Manceau Louis), atteint d'albu- minurie saturnine persistante, et qui ne présentait aucun signe d'affec- tion cardiaque lorsque je le vis pour la première fois à l'hôpital de la Charité en 1863. Une année après ce même malade revint à la Charité, (1) P. Rayer, Traité des maladies des reins, t. II, p. 259. (2) George Johnson, On the diseases of tlie Kidney, 1852, p. 246. (3) Traube, Ueber Zusammenhang zurischen Haerz und Nieren- kraukeiten, Berlin, 1856. (4) Comptes rendus de ta Société de biologie, août 1864, et Gaz. médic. de la même année, p. 246. \n et je pus alors constater une augmentatin dans l'impulsion cardiaque; il mourut quelques jours après. Je rappellerai sommairement ce que l'autopsie révéla du côté du cœur et des reins : « Le cœur est très-volumineux et n'est pas surchargé de graisse. Les parois du ventricule gauche, qui est extrêmement saillant, ont 3 centi- mètres et demi d'épaisseur; elles sont cinq fois plus épaisses que celles du ventricule droit; leur tissu est ferme. Les valvules aortiques et mi- trale ne sont le siège d'aucune altération appréciable; il en est de même pour les valvules du cœur droit. Les vaisseaux des glomérules et surtout les capillaires qui entourent les tubes urinifèresont leurs parois infiltrées de granulations graisseuses situées le plus souvent autour des noyaux allongés de ces capillaires. » Dans le mois de janvier 1864 (1), j'ai également présenté à la Société les reins et le cœur d'un homme de 32 ans atteint d'albuminurie satur- nine et qui succomba eu présentant l'ensemble de phénomènes décrits sous le nom d'urémie dyspnéique. A l'autopsie on trouva le ventricule gauche un peu hypertrophié; les valvules auriculo-ventriculaires et ar- térielles n'étaient point altérées. Les reins étaient atrophiés et offraient la dégénération graisseuse des cellules épithéliales, des vaisseaux capil- laires et des glomérules qui sont la caractéristique de la néphrite albu- mineuse ou parenchymateusc persistante. Enfin le fait suivant n'est pas moins intéressant que les deux précé- dents, au double point de vue de l'hypertrophie ventriculaire simple et des lésions rénales. Coliques de plomb, albuminurie persistante, péricardite; somnolence, con- vulsions, puis coma, a l'autopsie nkporite pare.nciiymateuse avec altération des vaisseaux ; hypertrophie du ventricule gai i.iik sans lésions valvulaires. —Le nommé Laurent (Hubert), âgé de 33 ans, peintre en bâtiments, est admis le 13 juillet 1864 à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Michel. Cet homme est bien constitué, non amaigri, mais seulement un peu pâle; il n:a jamais fait d'excès alcooliques; à aucune époque il n'a éprouvé de rhumatisme soit articulaire, soit musculaire; il n'a jamais eu non plus d'attaques épileptiques. C'est la troisième fois qu'il est atteint de coliques de plomb, et c'est là du reste la seule maladie qu'il ait eue autrefois. Indépendamment de la douleur abdominale et de la constipation, le malade. présente de l'arthralgie aux coudes, aux ge- noux et aux pieds, mais les muscles extenseurs des avant-bras ne sont point affaiblis. La respiration s'exécute normalement; l'auscultation du (1) Voy. p. ?ô. 125 cœur fait entendre des battements profonds et un peu rudes, mais sans souffle bien apparent. La sensibilité générale (toucher, pincement, tem- pérature) n'est point altérée ; seulement, depuis la dernière attaque de coliques qui remonte à deux mois environ, la vue s'est troublée, et.il est toujours resté un certain degré damblyopie. Depuis cette époque aussi le malade a des sifflements dans les oreilles. Aujourd'hui il n'y a pas trace d'oedème ni à la face ni aux extrémités inférieures. Les urines traitées par la chaleur et par l'acide nitrique donnent un abondant pré- cipité albumineux ; en outre, l'examen microscopique permet de décou- vrir un grand nombre de dépouilles épithéliales très-granuleuses. Le 17 juillet, les coliques ont disparu et le ventre est libre, mais le malade accuse une grande lassitude. Le 1" août, les douleurs arthralgiques n'ont pas encore disparu; in- somnie. Le 3, le malade s'est refroidi en sortant d'un bain sulfureux. Le 5, malaise général, inappétence, soif vive; respiration, 28; aucune espèce de râles dans les poumons; pouls à 104 pulsations; palpitation, sensation de constriction au niveau du cœur. A l'auscultation on entend un bruit de frottement assez prononcé dans toute l'étendue de la région cardiaque. (Plusieurs vésicatoires sur cette région.) Les mêmes symptômes persistent jusqu'au 15. Le 17, le malade dont la respiration était plus libre et les palpitations bien moins fortes se plaint de céphalalgie et d'un peu d'étourdissement ; il a quelques nausées. Le 18, abattement, somnolence. Le 19, assoupissement continu; quelques mouvements convulsifs, un peu d'écume à la bouche, dans la soirée véritable coma qui dure toute la nuit. Le 20, la sensibilité et le mouvement reviennent un peu, mais dans la journée nouvelles attaques convulsives auxquelles succède bientôt' le coma. Cet état ne fait que s'aggraver et le malade succombe le lendemain matin. Autopsie faite vingt-quatre heures après la mort. Le cadavre ne pré- sente aucun signe de décomposition, et il n'y a pas trace d'oedème. Les méninges, non infiltrées de sérosité, se détachent aisément des circonvolutions qui ne sont point aplaties ; la substance cérébrale a sa consistance ordinaire; elle est uniformément pâle, et des coupes prati- quées en tous sens ne révèlent rien de particulier. Les ventricules la- téraux renferment deux cuillerées de sérosité transparente. La seule altération que l'on rencontre dans les poumons consiste dans un peu d'emphysème au niveau du bord antérieur de ces organes. 126 Lorsqu'on ouvre le péricarde, on aperçoit des adhérences en divers points de !a face antérieure du cœur; elles sont filamenteuses, se rom- pent facilement et semblent de formation toute récente. Au niveau du bord gauche, il existe dans une étendue de 5 millimètres une adhérence blanchâtre et assez résistante. Le ventricule gauche est globuleux et tressaillant ; ses parois ont 2 centimètres 1/2 d'épaisseur , tandis que celles du ventricule droit atteignent environ 1 centimètre. Lès val- vules aortique et pulmonaire, ta valvule tricuspide, sont parfaitement saines et suffisantes. La valvule milrale est légèrement opaque dans une étendue de 4 millimètres carrés au niveau de l'insertion de l'une des colonnes charnues; cependant cette valvule peut se fermer hermé- tiquement, car l'eau versée dans le ventricule gauche ne peut passer dans l'oreillette correspondante. Les cavités des deux ventricules ne sont pas sensiblement agrandies. Le rein droit a 10 centimètres de long sur 4 centimètres 1/2 de large, et 3 centimètres d'épaisseur. Le gauche a 11 centimètres de long, 4 1/2 de large et 3 d'épaisseur. Lorsqu'on détache là capsule fibreuse de ces organes, on aperçoit une surface mamelonnée recouverte de granulations excessivement nombreuses. A la coupe, la surface corticale est épaissie et paraît jaunâtre. A l'autopsie, on trouva les tubes urinifères remplis de granulations protéiques et graisseuses; il existait en même temps une dégénération athéromateuse des vaisseaux, des glomérules et des capillaires qui en- tourent les tubes urinifères. Il fut malheureusement impossible d'enlever les yeux pour constater l'état de la rétine. Ces trois observations viennent évidemment à l'appui de la théorie proposée par M. Traube ; dans l'une d'elles, la nature nous fit, pour ainsi dire, assister à une expérience physiologique : quelque temps avant la mort du malade on put constater une augmentation de volume du cœur qui n'existait pas l'année précédente. Néanmoins cette théo- rie, pour être établie d'uno manière définitive, aurait encore besoin d'ob- servations plus nombreuses. Il est une dernière particularité sur laquelle je désire appeler l'atten- tion, c'est que les trois malades dont il a été question plus haut étaient atteints d'albuminurie saturnine. L'albuminurie saturnine se comporte donc comme les autres formes d'albuminurie, et présente les mêmes complications. 127 III. — Pathologie. 1° Nombreuses coliques de plomb; accès épileptiformes ; albuminurie persist tante et trè$-prononcée | atrophie musculaire progressive. mort avec DES SYMPTÔMES d'aSPHYXIE. AUTOPSIE : NÉPHRITE PARENCHYMATEUSE AVEC GRANULATIONS ET LÉSION ATHÉBOMATEUSE DES VAISSEAUX. HYPERTROPHIE DU COEUR CONSIDÉRABLE LIMITÉE AU VENTRICULE GAUCHE SEULEMENT; PAS DE LÉ- SIONS valvulaires; par M. le docteur Auguste Ollivier. Manceau (Louis) âgé de 20 ans, peintre en bâtiments, entre le 3 juillet 1863 à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Louis, n° 2, service de M. Beau. Jeune homme bien musclé, face colorée. Rien de particulier à noter du côté de ses antécédents. A l'âge de 18 ans, blennorrhagie qui per- sista deux mois. 11 n'eut pas d'autres maladies que des coliques de plomb. Peintre depuis l'âge de 14 ans, >1 a déjà eu cinq attaques de coliques qui ont duré en moyenne quinze *a dix-huit jours; à la dernière, il eut plusieurs attaques épileptiformes. Le 27 juin, dixième attaque. 11 reste chez ses parents pendant cinq jours; puis n'allant pas mieux, il entre à la Charité. Indépendamment des douleurs abdominales, le malade accuse des crampes dans les jambes, surtout dans les mollets; pas d'art hralgie, pas de paralysie du sentiment ou du mouvement; seulement un peu de tremblement des mains, qui du reste existe depuis deux à trois ans; aucun trouble des sens. L'examen du thorax ne révèle rien d'anormal ; peau sèche, brû- lante, pouls à 104. Les urines sont extrêmement albumineuses; l'exa- men microscopique y fait reconnaître des desquamations épithéliales; enfin à l'analyse chimique, on y trouve des traces de plomb. (Huile de ricin, 30 grammes.) Le 7, les coliques sont. moins fortes, cependant insomnie, quelques légères douleurs lombaires; pouls plein, fort, à Î04; peau chaude. Mômes caractères des urines. Le 10, il n'existe plus de douleurs abdominales ni lombaires; le ma- lade se lève, se promène et mange deux portions ; les urines sont tou- jours aussi albumineuses, le pouls est toujours à 90 pulsations. S'ennuyant à l'hôpital, le malade demande sa sortie, puis revient quel- ques jours après avec des coliques. Il veut encore sortir au bout de quatre jours. Enfin, le 12 août, il est admis dans le service de M. le pro- fesseur Natalis Guillot, salle Saint-Félix, n° 16. Coliques assez violentes pour empêcher le sommeil et pour arracher par moments des cris au malade; peau brûlante, soif vive, pouls à 108; constipation opiniâtre, ventre rétracté. Sous l'influence de bains répé» 128 tés, de purgatifs et de cataplasmes laudanisés, les symptômes s'amen dèrent, et le 16, ils avaient presque complètement disparu. Le malade mange avec appétit deux portions, et cependant son pouls s'accélère toujours (110 à 120); il maigrit graduellement. Les garde- robes sont toujours rares et ne s'obtiennent qu'au moyen de lavements purgatifs; il y a de temps à autre des douleurs sourdes dans l'abdomen; peu à peu les extenseurs de la main droite perdent de leur force; enfin les urines sont toujours très-albumineuses. Le 24, réapparition des coliques dans toute l'étendue de l'abdomen. Quand la main droite est fléchie, impossibilité de la relever complète- ment; à gauche, l'extension de la main est possible. Le malade peut remuer ses deux membres inférieurs lorsqu'il est couché, mais dans la station verticale, il dit que ses jambes sont roides et difficiles à fléchir et la marche est très-pénible ; pas de troubles de la sensibilité. (Bains, huile de ricin, 20 grammes.) Les coliques diminuent au bout de deux jours; alternatives de consti- pation opiniâtre et de garde-robes régulières; les urines renferment une quantité d'albumine telle que quelques gouttes d'acide nitrique y déterminent un précipité très-abondant en tout semblable à du blanc d'œuf. Le 27, la paralysie des muscles extenseurs des membres supérieurs augmente ; le malade relève encore ses bras, mais ce n'est qu'avec beau- coup de peine, et l'on est obligé de le faire manger; aucune des sensibi- lités n'est altérée ; même roideur des membres inférieurs. (Iodure de potassium ,1 gramme.) Le 22 septembre, l'amaigrissement de tout le corps, malgré la face, malgré l'appétit du malade, est très-prononcé ; il existe depuis plusieurs jours des douleurs sourdes dans l'abdomen et la région lombaire ; le ventre est très-aplati ; constipation presque continuelle ; aucun trouble de la sensibilité générale ni des sens spéciaux ; l'intelligence est très- nette, seulement le malade se met à pleurer pour le plus léger motif; pas d'embarras de la parole ni de tremblement de la langue ; impossi- bilité complète de soulever les bras, d'étendre l'avant-bras et la main, tandis que la' flexion se fait encore un peu. Le malade peut étendre ses membres inférieurs, les fléchir, mais moins bien qu'autrefois. On applique le courant électrique (appareil de Morin) aux extrémités supérieures; le malade le sent très-bien, pousse des cris, mais ses membres restent immobiles ; il n'en est plus de môme aux ex- trémités inférieures, toutefois les contractions musculaires sont faibles. Atrophie musculaire extrêmement prononcée aux membres supérieurs, où les extenseurs de la main, les muscles des éminence thénar et hy- pothénar ont presque disparu ; absence complète d'oedème; urines et 129 garde-robes volontaires. Mômes caractères des urines; l'examen micro- scopique y montre la présence de cylindres épithéliaux bien arrêtés à leurs bords; les cellules y sont jaunâtres, granuleuses et en grande quantité. (Même traitement par l'iodure de potassium; bordeaux; deux côtelettes.) 14 octobre. L'atrophie musculaire a augmenté considérablement et a envahi les membres inférieurs; pouls toujours très-fréquent (120 à 130). L'appareil respiratoire ne présente rien de particulier et l'atrophie ne semble pas encore avoir atteint le muscle diaphragme; toujours autant d'albumine dans l'urine; pas trace d'œdème, pas de symptômes autres que ceux signalés précédemment. Le malade demande encore une fois sa sortie (1). Le 5 août 1864, Manceau (Louis) est rapporté à la Charité, salle Saint- Félix, n" 6, dans l'état suivant : Léger œdème des extrémités inférieures, ainsi que des paupières, amaigrissement très-prononcé, impossibilité de rester debout. C'est à peine si le malade peut soulever ses membres supérieurs. Respiration accélérée, anxieuse. A l'auscultation, râles sibilants disséminés et quel- ques râles sous-crépitants en bas et en arrière ; fortes palpitations, im- pulsion cardiaque notablement augmentée, absence de bruits anor- maux à la base et à la pointe du cœur. Les sens spéciaux ne semblent pas altérés, mais le malade se plaint constamment et ne peut rester en place par suite de douleurs dans tous les membres. L*intelligence est intacte. Les urines sont toujours extrêmement albumineuses, et à l'examen microscopique, on y découvre un grand nombre de moules granuleux des tubes urinifères. La respiration devint de plus en plus haletante, et le malade suc- comba à dix heures du soir. Autopsie. Les méninges se détachent aisément; elles sont très-con- gestionnées. La consistance du cerveau ne semble pas augmentée; des coupes pratiquées en tous sens ne montrent rien de particulier. Les poumons offrent un certain degré de congestion et d'œdème, sur- tout à la partie postérieure. Le cœur est très-volumineux et n'est pas surchargé de graisse. Les (1) Bien que le commencement de cette observation eût déjà été pu- bliée {De Calbuminurie saturnine, Archives générales de médecine, nov. et déc. 1863) nous avons désiré la rapporter in extenso, afin qu'on pût comparer les phénomènes que nous avions observés il y a un an avec les résultats de l'examen cadavérique. C. R. 9 130 parois du ventricule gauche, qui est extrêmement saillant, ont 3 centi- mètres 1/2 d'épaisseur ; elles sont cinq fois plus épaisses que celles du ventricule droit; leur tissu est ferme. Les valvules aortique et mitrale ne sont le siège d'aucune altération appréciable ; il en est de même pour les valvules du cœur droit. Le sang contenu dans les deux cavités cardiaques est liquide et noirâtre. Il n'existe aucun épanchement ni dans le péricarde ni dans les plè- vres. On ne trouve que de la congestion dans le foie et dans la rate. Les reins sontpetits ; le droitmesurey centimètres de longueur, 3 cen timètres de large ; son épaisseur à sa partie interne est d'enviro'n 2 cen- timètres. Le rein gauche a 9 centimètres de long; l'épaisseur et la lar- geur sont à peu près les mêmes que pour le rein droit. La note suivante nous a été remise par notre ami M. Cornil, qui a fait avec nous un examen attentif du tissu rénal : « La surface du rein est granuleuse; les granulations sont petites, jaunâtres, miliaires. et saillantes, entourées par un réseau vasculaire, particulièrement veineux, bien injecté. Sur la coupe de la substance corticale on retrouve les mêmes granulations qui ne se distinguent plus là par le relief; elles sont reconnaissables par leur coloration différente de celle du reste du rein; elles sont en effet plus jaunes et plus opaques que le tissu rénal qui les entoure. La substance tubuleuse est conges- tionnée et rouge, tandis que la nuance générale de la substance corti- cale est jaunâtre et opaque. « En faisant des coupes minces de la substance corticale on recon- naît : « 1* Que les tubes urinifères de* granulations sont distendus, plus gros qu'à l'état normal, opaques à un faible grossissement, remplis de granulations protéiques et graisseuses situées autour des cellules épi- théliales "bu dans leur intérieur; « 2* Que les tubes urinifères et les glomérules appartenant au tissu rénal voisin de la granulation sont atrophiés, plus petits que les précé- dents de la moitié ou même des deux tiers. Les tubes contiennent des cellules également infiltrées de granulations graisseuses, mais ces cel- lules sont très-petites, tandis que celles des tubes appartenant à la gra- nulation sont, au contraire, très-grosses, distendues et même parfois vésiculeuses ; « 3° Oue les vaisseaux des glomérules, et surtout les capillaires qui entourent les tubes urinifères, ont leurs parois infiltrées de granulations graisseuses situées le plus souvent autour des noyaux allongés de ces capillaires. « 1) résulte de cet examen que nous avions affaire au troisième degré 131 de la néphrite albumineuse de M. Rayer, ou à la néphrite parench) ma- teuse avec granulation et lésion athéromateuse des vaisseaux. » L'examen microscopique des muscles et des nerfs n'a malheureuse- ment pu être fait, et le rachis n'a pas été ouvert. 2" Tubercule du testicule; par M. Louis Odier. interne des hôpitaux. Le sujet de cette observation, homme de taille ordinaire, présente tous les attributs du tempérament lymphatique : d un embonpoint ordi- naire, il a les chairs flasques, la peau fine et blanche, les yeux bleus, les cheveux et la barbe blonds. Nous apprenons de notre malade que ses parents ont joui d une bonne santé et sont morts âgés sans avoir fait une longue maladie. Lui-même a toujours été bien portant, sauf qu'il a eu une tumeur blanche du genou droit. Le 6 janvier 1864, il ressentit à la suite d'une course rapide une dou- leur au niveau de la partie droite du scrotum. Le 7 janvier, la douleur continuant, il reconnut en portant la main au niveau du point douloureux que le testicule droit était plus volumineux que l'autre. Le 12 janvier, la tuméfaction du testicule droit a presque triplé le volume de l'organe : la douleur est lourde, et continue. Le 20 janvier, il entre à la Maison de santé, service de M. Demar- quay, y reste jusqu'au 17 mars, et le quitte parce que ses ressources ne lui permettent pas de payer la pension. Il nousdit avoir été traité pendant huit jours par des cataplasmes, huit jours par l'emplâtre de Vigo, et enfin par la compression avec le Vigo répétée deux fois durant dix jours, deux abcès dont on voit aujourd'hui les traces, se sont ouverts. Le 18 mars, à son arrivée dans le service de M. Morel-Lavallée, nous constatons l'état suivant : Le scrotum présente une tumeur à droite. Le testicule droit est rem- placé par une tumeur de forme presque sphérique du volume d'un œui de poule, uniformément développée, sans bosselure, en sorte qu il n'est pas possible de distinguer l'épididyme du testicule. Le canal déférent se continue avec la partie supérieure de la tumeur. Il est un peu plus dur et plus engorgé. Par la palpation, la tumeur présente une rénitence uniforme due à une tension intérieure; pas de transparence, presque pas de douleur. La peau qui fa recouvre est un peu rouge et lisse dans toute l'étendue, sauf en un point, où elle présente une adhérence entière avec les par- lie» subjacentes, et l'orifice d'une fistule qui donne issue à un peu de 132 pus. Il y a sur le testicule gauche une trace d'ancienne fistule oblité- rée, mais l'organe est sain. Etat général bon ; point de tuberculisation pulmonaire. Le 19 mars, ponction exploratrice qui ne donne issue à aucun liquide et qui prouve que la tumeur est solide. Le 1er avril, M. Morel enlève le testicule. Examen de la pièce : On trouve la matière tuberculeuse sous forme de masse compacte oc- cupant le testicule et l'épididyme qui sont confondus. Cependant l'ex- trémité postérieure du testicule présente encore un petit espace intact recouvert de bourgeons charnus. Le centre du noyau tuberculeux est complètement ramolli et présente môme par points des espaces remplis de substance liquide purulente. La coque, dure et résistante partout, plus épaisse en avant qu'en arrière, a 1/2 centimètre d'épaisseur. La tu- nique vaginale est adhérente au testicule et au scrotum partout. Cette substance tuberculeuse recouvre, comme je l'ai dit, une portion du testicule encore intacte. Cette disposition de la matière tuberculeuse rend fort bien compte de ce qui se passe habituellement en pareil cas, à savoir : L'élimination spontanée de la matière tuberculeuse lorsque la maladie est abandonnée à elle-même et la possibilité de cicatrisation plus ou moins complète jusqu'à ce qu'un autre noyau tuberculeux dé- veloppé dans le testicule ou l'épididyme se ramollisse à son tour. Le malade, après être resté quinze jours dans le service, a demandé à rentrer dans sa famille : à ce moment la plaie était presque entière- ment cicatrisée. Nous avons appris depuis qu'il avait succombé subitement peu de jours après avoir quitté l'hôpital. 3° ÀNÉVRISME DE LA CROSSE DE L'AORTE ; TRACHÉOTOMIE; MORT; AUTOPSIE. (Ob- servation recueillie à l'hôpital Beaujon dans le service de M. Morel- Lavallée, par M. Louis Odier, interne des hôpitaux.) Lehouerff (Georges), âgé de 49 ans, jardinier, doué d'une robuste con- stitution, se présente le 5 avril à la consultation. Il nous dit que depuis deux heures il a de la difficulté à respirer, qu'il a probablement quelque chose au cou et qu'il sent un obstacle au fond de la gorge. En effet, nous constatons une gêne notable de la respiration : l'inspiration est difficile, tandis que l'expiration se fait naturellement. M. Morel-Lavallée examine sa gorge, ne trouve aucune rougeur, aucun gonflement, et les doigts introduits jusqu'à la base de la langue permettent de reconnaître l'inté- grité des replis muqueux; pas de toux, voix normale, pas de douleur dans la poitrine. Interrogé avec soin, cet homme nous assure que la veille il était bien portant, et que pendant la nuit il avait dormi comme 133 d'habitude. Nous cherchons à savoir quel était son état, de santé habi- tuel ; mais il est préoccupé de sa dyspnée qui l'effraye, et nous dit sim- plement qu'il lui est quelquefois arrivé d'avoir des accès d'étouffement. L'absence complète de fièvre, son état général nous tranquillisent, et nous l'engageons à rentrer chez lui, à prendre un bain de pieds sinapisé, et à revenir nous voir dans le cas où la respiration deviendrait plus difficile. Le 6 avril on amène, à neuf heures, ce malade à peu près asphyxié. L'inspiration est excessivement difficile, tandis que l'expiration se fait librement; l'oreille, appliquée sur les parties latérales du rachis, no perçoit plus le bruit respiratoire; la face est cyanosée, les yeux sail- lants, injectés; il y a insensibilité de la peau; les extrémités sont refroi- dies; la mort paraît imminente, et M. Morel-Lavallée pratique immé- diatement la trachéotomie. La canule est introduite rapidement. Il s'écoule assez de sang par la plaie pour nécessiter l'emploi du perchlo- rure de fer. Le malade est immédiatement soulagé et nous remercie de lui avoir sauvé la vie.^La respiration s'établit régulièrement, les signes de l'asphyxie disparaissent, et le soir on prescrit une potion calmante et du bouillon. Le 7, on change la canule. Le malade demande à manger. Le 8, au moment de la visite, nous remarquons un peu d'accélération de la respiration : on prescrit 15 grammes d'huile de ricin, le malade n'ayant pas été à la selle depuis huit jours. Le 9, accès de dyspnée durant une partie de la journée, disparaissant après l'emploi de sinapismes aux extrémités. Pas de fièvre, pas de cha- leur à la peau ; la langue est bonne. Le 10, nouvel accès de dyspnée plus fort que celui de la veille du- rant une partie du jour. Le malade ne veut pas manger. La canule est changée. Les mucosités bronchiques sont peu abondantes. En l'auscul- tant en arrière, la respiration canulaire s'entend et masque le murmure vésiculaire. (Sinapismes, julep gommeux avec sirop de morphine et d'é- ther à 30 grammes.) Le 11 au matin, nous trouvons le malade assis sur son lit; dyspnée aussi intense que le 6 avril, commencement d'asphyxie. M. Blumenthal, mon collègue, est frappé de la force du pouls radial à droite, et sup- pose l'existence d'un anévrisme de la crosse de l'aorte en examinant le malade. M. Morel-Lavallée arrive pour la visite, trouve le malade pres- que asphyxié, et prescrit des sinapismes aux extrémités et sur la poi- trine ; on fait brûler du papier nitré ; mais à onze heures le malade ex- pire. L'Autopsie faite vingt-quatre heures après la mort, nous fournit les faits suivants : 134 La cavité thoracique, que nous pouvons seule ouvrir, est vidée , l'appareil respiratoire présente une congestion générale de tous les tissus. Au niveau de la portion transe erse de la crosse de l'aorte existe une poche anévrismale du volume d'un œuf de poule qui paraît comme un diverticulura de cette artère, dont la portion ascendante est énormé- ment dilatée. Son orifice de communication avec le vaisseau est circu- laire, et permet l'introduction du pouce. Ses parois, qui sont en conti- nuation directe avec celles de l'artère, sont très-amincies. A l'intérieur on trouve des caillots passifs remplissant la tumeur, tandis que ses parois sont doublées par un caillot actif, fibrineut, formé de couches superposées. A l'extérieur du sac on voit les organes voisins adhérera l'anévrisme au moyen de tissu cellulaire assez résistant; la trachée elle-même ne peut être séparée de la tumeur; sa paroi antérieure déprimée présente à sa face interne trois ulcérations. Les ganglions lymphatiques sont plus volumineux en ce point; l'un d'eux renferme même du pus. La trachée, incisée dans toute sa longueur, ainsi que le larynx, ne présentent qu'un peu de rougeur sous forme de pointillé. Le nerf récurrent gauche n'a pu être suivi malheureusement dans toute son étendue, et cela par suite de la rapidité avec laquelle l'au- topsie a dû être faite. Néanmoins la portion de ce nerf, qui passe entre la trachée et l'œsophage à gauche, se trouve comprimée au niveau de la tumeur anévrismale, et adhère intimement aux parties voisines. Le pneumo-gastrique lui-même nous paraît rougeâtre au niveau du point où il donne naissance au nerf récurrent. Les artères qui naissent de la crosse de l'aorte présentent diverses modifications : 1* l'artère carotide gauche au niveau de son origine a un orifice qui permet seulement l'introduction d'un stylet fin; 2* la sous-clavière gauche n'est plus perméable : son calibre est réduit au tiers de son volume ordinaire; 3" le tronc brachio-céphalique est per- méable et présente un diamètre plus grand. La trachée a été incisée sur l'isthme même du corps thyroïde, et la distance qui sépare la partie inférieure de l'incision de la tumeur n'est que de 2 centimètres. Le cœur n'est point hypertrophié. Les valvules sont normales. Le pé- ricarde présente quelques taches laiteuses. Cette observation confirme jusqu'à un certain point la remarque de certains médecins anglais, à savoir que la trachéotomie faite dans le cas d'anévrisme de la crosse de l'aorte, alors qu'il y a une dyspnée exces- sive, peut prolonger la vie du malade de quelques jours. En effet, lors de son entrée à l'hôpital, ce malade était sur le point de mourir as- phyxié, et l'opération lui a donné cinq jours d'existence. 135 4° Abcès pulmonaires ; asphyxie; trachéotomie; pleurésie; vomique; péricar- dite; mort. (Observation recueillie àj'hôpital de la Pitié, dans le ser- vice de M. Richet, par M. Louis Odier, interne des hôpitaux.) Une femme de 26 ans, enceinte de sept mois, est apportée à i'bôpital et présente les signes rationnels d'un œdème de la glotte. L'asphyxie est imminente, le pouls est petit, fréquent, et il y a immobilité de la surface du corps. La trachéotomie est pratiquée; immédiatement après cette opération, la respiration se fait avec facilité, mais elle reste fré- quente, et dès le lendemain la malade indique qu'elle souffre dans ia région supérieure du sternum. La respiration restant toujours très-fréquente, on suppose que la ca- nule est trop petite, et on la remplace par une canule plus grosse. La douleur sternale persiste et la respiration reste à 40 par minute. Trois jours après l'opération, le 15 août, la canule est enlevée, la ma- lade peut parler en montrant le doigt sur la plaie trachéale; le larynx est donc libre. Il y a de la toux sans expectoration. Du 15 au 25 août, il y a un peu d'amélioration dans l'état général, cependant l'examen de la poitrine dévoile l'existence de râles sibilants dans les deux poumons, de plus, au niveau du lobe inférieur du pou- mon droit, il y a du souffle et un peu d'égophonie. La malade se plaint surtout de souffrir dans la partie médiane et supérieure de la poitrine. A la fin d'août, la plaie de la trachéotomie n'est point solidement cica- trisée, et après un violent effort de toux, la plaie trachéale devient fis- tuleuse. Le 1" septembre, c'est-à-dire quinze jours après l'opération, la ma- lade est prise de quintes de toux dont le caractère rappelle la toux de la coqueluche, et l'expectoration devient purulente. L'enfant s'agite beaucoup dans la matrice. Le 3 septembre, la malade a eu des accès de toux encore plus vio- lents, et elle a tendu, après une vive douleur éprouvée dans le sommet de la poitrine du côté droit, une grande quantité de crachats purulents. Cette expectoration est nummulaire, et bien que très-abondante, elle ne se présente point avec les caractères ordinaires des voraiques, consé- quences d'abcès pulmonaires ou pleuraux. Les sommets des poumons ne présentent point les signes de la tuberculisation en voie de ramollis- sement. Le 7 septembre, môme expectoration à la suite d'accès violents de toux. Jusqu'au 10 septembre, la malade remplit chaque jour un crachoir de crachats nummulaires ; de plus, le même jour elle se plaint de palpita- tions et craint de mourir étouffée. 136 Le 11 septembre, la malade dort de neuf heures à deux heures du matin. Elle est alors réveillée par un accès de suffocation intense qui se prolonge jusqu'au matin à huit heures. Nous trouvons alors le 12, à la visite, notre malade avec une orthop- née considérable; elle a toute son intelligence, supplie qu'on lui sauve la vie, et dit qu'elle sent un poids sur la poitrine, qu'elle va étouffer. Son faciès est hagard, les extrémités sont froides, le pouls filiforme. M. Labbé, qui remplace M. Richet dans le service, trouve que les bruits du cœur sont éloignés et sourds : il envoie chercher M. Malice, un des médecins de l'hôpital ; mais l'asphyxie fait des progrès rapides, et la malade expire peu de minutes après l'arrivée de M. Matice. M. Labbé, avec M. le professeur Gosselin, pratiquent de suite l'opéra- tion césarienne. L'enfant est retiré mort du ventre de la mère. Autopsie. L'autopsie, pratiquée vingt- quatre heures après la mort, nous a permis.de constater que les lésions sont toutes limitées à la ca- vité thoracique. Les autres organes sont sains. La région sous-hyoïdienne nous montre la plaie de la trachéotomie ci- catrisée dans les trois quarts supérieurs, tandis que le quart inférieur permet encore l'introduction d'un stylet que l'on conduit jusque dans la trachée. En disséquant la région, on voit que des adhérences se sont établies entre la peau et la trachée. Le tissu cellulaire voisin ne pré- sente aucune trace d'inflammation. Le sternum enlevé, nous trouvons une collection purulente occupant tout le médiastin antérieur. Elle renferme du pus crémeux dont une partie s'est déposée sur les parois de manière à constituer une couche épaisse. Ces paroissont devenues fibreuses et même cartilagineuses par place ; fermé de toute part, ce kyste purulent présente au niveau de l'articulation de la deuxième côte avec le cartilage sternal un pertuis qui permet de pénétrer dans une autre poche que nous allons décrire. On enlève l'arbre aérien : le sommet du poumon droit adhère à la cage thoracique, et ce n'est qu'avec beaucoup de peine que l'on par- vient à l'en détacher. L'espace qui sépare le sommet du poumon droit de la trachée est creusé par une collection purulente pouvant loger un œuf de poule. Le pus crémeux qu'elle renferme forme sur les parois une couche assez ferme et continue, tandis que la partie centrale du kyste est encore fluide. Les parois de cette cavité présentent une grande épaisseur et une consistance fibro-cartilagineuse. , La partie externe de cette poche est formée, aux dépens du tissu pulmonaire même dont elle est séparée, par des tissus fibreux épais. Elle est percée d'un petit orifice qui communique avec les bronches du quatrième ordre du lobe supérieur. 137 La paroi antéro-interne, fibro-cartilagineuse, présente une ouverture établissant une communication avec la collection purulente du mé- diastin. A la paroi postéro-interne existe également un orifice, par lequel le pus a fusé entre la trachée et l'œsophage qu'il a décollés de manière à former à droite de la trachée une autre poche purulente moitié moins grande que la précédente et à structure analogue. Le pneumo-gastrique droit compris dans l'épaisseur de la paroi in- terne de la collection purulente décrite en deuxième lieu ne peut en être séparé par la dissection : ce nerf nous paraît aplati et étalé en ru- ban ; sa coloration est normale, ainsi que sa consistance. Au niveau de la partie postérieure du lobe inférieur droit se trouve une autre collection purulente enkystée, renfermant environ 45 gram- mes de pus crémeux e,t indépendant, des autres lésions. Le poumon gauche est congestionné; on n'y trouve ni abcès ni tu- bercules. La face interne de la trachée et des bronches droites est d'un rouge brun uniforme, avec une. vascularisation très-prononcée: rugueuse au toucher, recouverte de mucus et de stries de pus. La muqueuse est épaisse, se détache avec beaucoup de peine, Aucune trace de compres- sion de la trachée. Le larynx est sain. Les glanglions bronchiques sont normaux. L'œsophage est intact. Le péricarde est fortement distendu ; il laisse échapper en l'incisant une quantité de liquide citrin transparent qu'on peut évaluer à 250 grammes. Sa face interne présente tous les signes d'une péricardite ai- guë : elle est rugueuse, grisâtre, tapissée dans toute son étendue par de fausses membranes très-minces qui s'enlèvent facilement par petits lambeaux de 1/2 centimètre. Aucune trace de vascularisation au niveau de vaisseaux cardiaques, c'est-à-dire à la base du cœur, les pseudo-membranes présentent une organisation plus avancée ; elles sont un peu plus nombreuses. La péri- cardite est complètement indépendante de l'abcès du médiastin. Le cœur est mou et flasque. Les orifices sont normaux, ainsi que l'endocarde. Réflexions. L'examen nécropsique permet d'établir les considérations suivantes : 1° L'intégrité de la muqueuse laryngée doit faire rechercher ailleurs la cause de la suffocation. 2° La nature des lésions (l'épaisseur des parois du kyste, leur aspect 'ibro-cartilagineux) fait remonter le développement de la maladie bien £W o 138 avant le moment où la malade est entrée à l'hôpital, et conséquemment la trachéotomie ne saurait avoir aucune relation de cause à effet sur la production de ces kystes. 3° Le pneumo-gastrique droit, par suite de la compression qu'il a dû subir, peut avoir joué un certain rôle dans les phénomènes morbides qui ont nécessité la trachéotomie. 4° Quant aux altérations pulmonaires, il est probable que leur point de départ a été cette pocho purulente siégeant entre la trachée et le poumon droit, poche qui s'est ouverte : 1° Dans le médiastin antérieur; 2° Dans le poumon ; 3° Entre l'œsophage et la trachée pour former une autre collec- tion purulente. 5° La péricardite doit-elle être regardée comme une inflammation par propagation de l'abcès du médiastin? 6° La pleurésie enkystée au niveau du lobe inférieur droit du pou- mon paraît être indépendante des autres lésions. Reprenant maintenant ces lésions au point de vue de symptômes, nous pouvons établir les points suivants : 1° Rien pendant la vie n'a annoncé l'existence de la première col- lection purulente située entre le poumon et la trachée. 2° Les douleurs sternales dont la malade se plaignait pendant toute la durée de la maladie sont dues à l'abcès du médiastin. 3° Les douleurs au moment de la déglutition s'expliquent également par l'existence de cette poche purulente entre la trachée et l'œso- phage. 4° Les vomiques sont consécutives à la perforation pulmonaire, et si la malade n'a pas rendu des flots de pus tout à coup, mais de petits crachats distincts, cela est dû à la petitesse de la perforation et au petit calibre de la bronche ouverte. 5° La mort est due à la péricardite aiguë. 6° L'accélération de la respiration et de la circulation pendant toute la durée de la maladie pourrait être expliquée par la compression qu'a subie le pneumo-gastrique droit dans l'épaisseur de la partie flbro-carti- lagineuse. Ces altérations du pneumo-gastrique ont, du reste, déjà été l'objet de travaux nombreux. Il suffira de consulter à cet effet ce qu'en dit M. Romberg dans son remarquable Traité des maladies du système nerveux, chapitre intitulé : Des paralysies respiratoires, et dans son livre intitulé : Clinische ergebnisse, p. 165. En Angleterre, M. le docteur Gardner mentionne également des faits analogues à l'article Anévrisme de la crosse de l aorte. 139 Je rappellerai aussi l'observation très-curieuse que mon collègue et ami M. Sottas a présentée dernièrement à la Société des hôpi- taux, observation qui est un exemple frappant de paralysie respira- toire par suite d'une altération d'un des pneumo-gastriques. Je pourrais également y joindre l'observation d'anévrisme de la crosse de l'aorte que j'ai présentée à la Société de biologie, où les symptômes de dyspnée pouvaient être rattachés à la compression du pneumo-gastrique par la tumeur anévrismale. Constatons en terminant ces remarques que quelle que soit l'inter- prétation qu'on veuille donner aux faits précédents, il n'en est pas moins établi que la* trachéotomie était indiquée, et si elle n'a pas sauvé les malades, elle leur a prolongé la vie, et dans le cas qui fait le sujet de cette communication, la malade a vécu un mois après l'opération. IV. —Pathologie comparée. ANATOMIE PATHOLOGIQUE, STRUCTURE DES DENTS. M. Georges Pouchet présente une dent incisive d'éléphant dans la- quelle un ivoirier a trouvé logé à une certaine profondeur un petit bis- caïen. Cette dent appartient à un éléphant d'Asie, adulte selon toute apparence. Les faits de ce genre, regardés de s.out temps comme extra- ordinaires par les ivoiriers d'Orient, ne sont pas rares aujourd'hui parce que des pièces analogues ont toujours été conservées avec grand soin, et presque tous les musées possèdent aujourd'hui de semblables échan- tillons. Quand on croyait à la métamorphose des tissus les uns dans les au- tres, cet enclavement de corps solides à l'intérieur de la substance solide des dents s'expliquait sans difficulté. On admettait que le corps étranger arrêté dans la pulpe se trouvait tout naturellement enclavé dans la dentine quand celle-ci se substituait à la pulpe. On sait aujour- d'hui qu'il n'en est pas ainsi, et que le trou que se fait le projectile à travers la dentine se bouche par une véritable cicatrisation. Ce qu'il reste seulement à savoir, c'est si cette cicatrisation peut prendre place dans toute la longueur de la dent ou seulement dans les parties encore environnées de parties molles telles que le périoste alvéolo-dentaire ou la gencive. Sous ce rapport, la pièce présentée à la Société offre un certain intérêt. Elle comprend une portion de dent longue de 8 centimètres environ; une coupe pratiquée à 1 centimètre d'une des extrémités laisse voir le biscaïen. En sorte que l'on peut étudier en réalité la dent sur trois cou- pes : l'une 1 centimètre au-dessous de la blessure, l'autre au niveau du projectile, la troisième 7 centimètres au-dessus. 140 Première coupe. Cette coupe offre la structure normale régulière- ment quadrillée. On voit au centre un trou irrégulier bouché 1 milli- mètre au-dessus par le projectile. Autour du trou central on voit deux couches d'ivoire épaisses chacune de 1 centimètre environ, et une troi-, sième à la périphérie ne mesurant guère que 2 millimètres d'épaisseur. Une fêlure profonde de 1 centimètre environ dans la direction d'un rayon, aboutissant à une autre petite fêlure perpendiculaire à elle, an- nonce la violence du choc qu'a reçu la dent. Cette fêlure est seulement en partie comblée par de la dentine de nouvelle formation. Deuxième coupe. Cette coupe montre le projectile logé vers le cen- tre de la dent. La moindre distance de sa périphérie à celle de la dent est de 15 millimètres. Cette distance est celle qui la sépare du point même par lequel il est entré. Il a pénétré jusqu'à la cavité qui existait dans la dent, comme le montre la coupe première, et s'est arrêté contre les parois de cette cavité. La structure quadrillée de l'ivoire est rem- placée sur le trajet qu'a suivi la balle par un aspect bouillonné qui rap- proche assez l'aspect de cette dentine de nouvelle formation de l'as- pect des ambres les plus recherchés. Au même niveau on voit à la surface de la dent la cicatrice rugueuse et un peu excavée du trou que le projectile s'est fait dans la dentine. Troisième coupe. Cette coupe, pratiquée à 7 centimètres au-dessus du projectile dans la partie même où la dentine prend incessamment naissance offre un intérêt tout particulier. La cavité de la pulpe n'est pas conique, comme cela est ordinaire. Vers le bord inférieur de la dent, ces parois, épaisses de 7 millimètres environ, sont constituées par deux couches concentriques d'ivoire qui se continuent au reste tout autour de la dent. Mais vers le bord supérieur de la dent, en dedans de ces couches, empiétant par conséquent sur la cavité de la pulpe, on trouve un second système de lignes losangiques disposées autour d'une petite cavité qui est la continuation de celle dans laquelle le projectile a pénétré. Ce système anormal de couches d'ivoire, en partie quadrillé, en partie bouillonné, emplit le tiers supérieur à peu près de la cavité de la pulpe. De plus, en examinant les couches les plus externes de l'ivoire, on trouve, au même niveau que la cicatrice, et relié à elle par une crête un peu saillante qu'on peut suivre sur la face de la dent, on trouve un petit espace dans lequel les lignes losangiques sont interrompues pour faire place à une même couche d'ivoire bouillonné se dirigeant de la périphérie de la dent vers son centre. De toutes ces apparences, M. J. Pouchet croit que l'on peut conclure que la rénovation de la dentine a pour condition au moins le voisinage des tissus vasculaires voisins, f Hte crête qu'il observe à la face de la 141 dent, et qui se traduit encore 7 centimètres au-dessus par une altéra- tion de la dentine pendant qu'au-dessous à 1 centimètre la fêlure ne s'est pas cicatrisée, le porte à penser que dans ce cas au moins il est in- dubitable que la blessure a été faite à l'endroit même où la dentine est en voie de formation, et que celle-ci n'a été atteinte par le projectile qu'à travers les gencives ou les maxillaires. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS D'OCTOBRE 1864, Par M. le Docteur DUMONTPALLIER, secrétaire. PRÉSIDENCE DE M. RATER I.— TÉRATOLOGIE. Recherches sur la production artificielle des anomalies de l'organisation , par M. Camille D a reste. Lorsque l'embryon de la poule se développe d'une manière normale, l'aire vasculaire, c'est-à-dire l'ensemble des vaisseaux qui se forment dans le feuillet vasculaire, et qui sont le point de départ de la circula- tion vitaline présente un contour sensiblement circulaire. L'embryon occupe un des diamètres de ce cercle, de telle sorte qu'il partage l'aire vasculaire en deux parties à peu près égales. L'une des anomalies qui se sont rencontrées le plus fréquemment dans mes expériences sur la production artificielle des monstruosités est une déformation très-remarquable de l'aire vasculaire qui s'allonge notable- ment suivant un de ses diamètres, et prend ainsi un contour elliptique. 144 La position de l'embryon dans l'aire vasculaire ainsi déformée est va- riable; mais elle est toujours excentrique, de telle sorte que les deux parties de l'aire vasculaire qui occupent la gauche et la droite de l'em- bryon présentent une inégalité souvent très-considérable. Cette déformation de Taire vasculaire a très-peu d'importance au point de vue de la physiologie, d'autant plus qu'elle n'a qu'une exis- tence temporaire, et qu'elle s'efface à une époque plus ou moins avan- cée de l'incubation. Mais, au point de vue spécial où l'auteur s'est placé dans ses expériences sur la production des monstres, cette anomalie.est fort intéressante, car il est arrivé à la produire d'une manière constante, et à déterminer exactement les conditions physiques qui la produisent. J'ai reconnu, en effet, que ce fait se produit toujours dans une des ma- chines à incubation qui servent à mes expériences, et qui ne se produit que dans cette machine ; que, par conséquent, c'est dans la manière dont la machine échauffe les œufs et dans réchauffement inégal des di- verses parties du blastoderme qu'il faut chercher la cause de la défor- mation de l'aire vasculaire. Cette machine est un appareil à circulation d'eau chaude. L'eau cir- cule dans des tuyaux cylindriques en cuivre, et les œufs, placés obli- quement par rapport aux tuyaux et maintenus en contact avec eux à l'aide d'une pièce de flanelle, ne reçoivent la chaleur qui les échauffe que par un point de leur surface. J'ai voulu savoir si la propagation de la chaleur qui se communique ainsi à la surface de la coquille est égale dans tous les sens, ou bien si elle présente des inégalités comparables à celles que Senarmonta con- statées ç n étudiant la propagation de la chaleur dans les cristaux. Les figures elliptiques que je voyais se dessiner dans le feuillet vasculaire me rappelaient les ellipses de cire fondue que Senarmont observait dans ses mémorables expériences. J'ai donc examiné la forme des lignes pro- duites par la fusion d'une couche de cire étendue, soitsurun œuf entier, soit sur des fragments de coquille, en échauffant la cire sur un seul point. Or dans toutes ces expériences, la fusion de la cire a dessiné des cercles : ce qui voulait dire que la chaleur se propage dans les co- quilles avec une vitesse égale dans tous les sens. Il fallait donc chercher comment, dans ma machine, le blastoderme est placé relativement à ces zones de chaleur qui se propagent dans l'intérieur de l'œuf, à partir du point de contact avec les tuyaux, et dont la température décroît avec l'éloignement du point de contact. Dans quelque position que l'on place un œuf, le jaune vient toujours se placer dans la partie la plus élevée de la cavité de la coquille, et la cicatricule qui se transforme en blastoderme aux débuts de l'incubation, occupe toujours le point le plus élevé du jaune. 145 Dans la plupart des machines à couver, les œufs sont placés dans des tiroirs remplis d'air chaud, de telle sorte que tous les points de leur surface reçoivent l'influence d'une chaleur sensiblement égale, et, par conséquent, le blastoderme n'est ni plus ni moins échauffé que les au- tres régions de l'œuf. Dans l'incubation naturelle, les faits ne se passent pas absolument de même, puisque le contact de la poule, qui agit comme source de cha- leur, n'a lieu que par une partie de la surface supérieure de l'œuf. Mais l'œuf s'échauffe encore par une assez grande étendue, et son point culminant, celui où se forme le blastoderme, se trouve toujours dans la région directement échauffée. Il en est tout autrement dans ma machine à incubation. Ici, les œufs étant placés dans une position oblique, leur point de contact avec la source de chaleur, point dont la position est d'ailleurs très-variable, ne coïncide jamais avec le point culminant de l'œuf, celui où la cicatricule se transforme en blastoderme et où se forme l'embryon. J'ai pensé que ce défaut de coïncidence entre le point d'application de la chaleur et le point où se développe l'embryon devait être la cause de la déformation de l'aire vasculaire : mais j'ai voulu en avoir la dé- monstration. Il existe une machine à incubation, celle de l'Américain Cantelo, qui reproduit très-exactement toutes les conditions de celle qui m'a servi dans mes expériences, avec cette seule différence que les œufs, en contact immédiat, par un point seulement avec la source de chaleur, sont placés horizontalement au-dessous d'elle, de telle sorte qu'il y a coïncidence entre le point par où l'œuf s'échauffe et celui par où se développe l'embryon. La forme de l'aire vasculaire dans les œufs couvés dans la machine de Cantelo devait donc me servir à vérifier mon hypothèse. MM. les di- recteurs du jardin d'acclimatation ayant bien voulu mettre à ma dispo- sition une semblable machine, j'ai constaté, conformément à mes pré- visions, que les œufs qui y sont renfermés possèdent une aire vasculaire sensiblement circulaire, partagée par l'embryon en deux moitiés à peu près égales, et que, par conséquent, la déformation produite dans ma machine résulte de la cause que j'avais supposée. En effet, la chaleur des tuyaux, en se communiquant à la coquille de l'œuf, s'y propage dans tous les sens en occupant successivement des zones concentriques de plus en plus grandes, mais en diminuant con- stamment d'intensité. Si, comme c'est le cas de la couveuse de Can- telo, le point d'où se répand la chaleur coïncide avec le point où est placé le centre du blastoderme, la propagation de la chaleur et le dé- veloppement du blastoderme marchent en quelque sorte parallèlement, C R. 10 146 et par conséquent l'aire vasculaire se forme dans toute la zone iso- therme qui présente une température assez élevée pour déterminer son développement, et elle prend un contour circulaire comme cette zone elle-même. Si, comme dans ma machine à incubation, le centre d'où se répand la chaleur ne coïncide pas avec le centre du blastoderme, les différentes parties du blastoderme s'échauffent inégalement, puisque celles qui se rapprochent de la source de chaleur sont plus échauffées que celles qui s'en éloignent. L'inégale répartition de la chaleur des deux côtés du centre du blastoderme y déterminent donc un dévelop- pement très-inégal des deux moitiés de l'aire vasculaire, et l'on voit alors la forme circulaire, qui est l'état normal, remplacée par une forme elliptique. Ces expériences me donnent donc un résultat que je n'avais pu obte- nir encore dans mes études sur la production artificielle des monstres, puisqu'elles me fournissent un procédé sûr pour imprimer à l'organisa- tion une modification prévue d'avance : il me reste maintenant à en faire varier le mode d'application pour en tirer toutes les conséquences qu'il est capable de donner. II. — Anatomie pathologique. Des kystes cérébraux (hydatiques ou cysticerqoes) chez lbomme; par le docteur Leven. Les kystes hydatiques siégeant dans le cervelet développent une symptomatologie qui ne diffère point de celle des diverse vymeurs en général. Il n'en est pas de mémo de ce genre de kystes siégeant dans le cer- veau. Ceux-ci ne déterminent point de phlegmasie dans Je tissu cérébral; leur volume augmente peu à peu, et ils tendent à se diriger tpujours vers les ventricules latéraux. Ils compriment le plancher du ventricule, déterminent l'atrophie des diverses parties qui constituent le plancher inférieur. Le pédoncule cérébelleux supérieur de la couche optiquo et du corps strié. Ce genre de tumeurs seul est susceptible d'engendrer de telles désor- ganisations dans le cerveau; les tubercules, les cancers sont bornés dans leurs effets, déterminent des phlegmasies périphériques, et leur symptomatologie se complique de celle de congestions, d'hémorrhagies et de ramollissements qu'elles entraînent. Il n'en est pas ainsi des hydatides ou des cysticerques* 147 Le chapitre sy'mptomatologique diffère donc entièrement de celui des autres tumeurs. Il est complexe et comprend les signes des altérations du cervelet et des altérations de la couche optique. Je groupe en deux classes ces kystes : 1* Kystes siégeant à la surface du cerveau. 2' Kystes siégeant au niveau des ventricules latéraux. J'ai collecté 30 observations qui suffiront pour la description sympto- matologique. 1* Kystes siégeant à la surface du cerveau. Les symptômes principaux sont : céphalalgie, accès épileptiformes. 2' Kystes siégeant au niveau des ventricules latéraux. Dans un cas où le kyste siégeait au-dessous du ventricule, le phéno- mène fourni s'était manifesté (observation de Cavière). Les principaux symptômes consistent en troubles variés de la moti- lité, lesquels sont ; Tremblement , Faiblesse dans la marche. . Station difficile ) 15 cas. Chutes fréquentes Mouvements choréiques L'hémiplégie est plus rare et ne s'est présentée que 10 fois et dans une période avancée de la maladie. Aphémie complète ou incomplète, 9 fois. Les troubles de la sensibilité sont bien plus rares, on ne les rencontre que dans 7 cas; ceux de l'intelligence, dans 13 cas. Les organes des sens subissent des désordres fonctionnels fréquents, comme dans les affections du cervelet. Le strabisme n'a pas été observé, mais l'amaurose, d'abord simple, puis double dans la moitié des cas; la surdité, 4 fois, et des hallucina- tions de la vue, 2 fois; accès épileptiformes, 15 fois; vomissements, 6 fois; mort dans le coma, 8 fois; mort subite, 4 fois. Ainsi, malgré la complexité des phénomènes, on peut les grouper et les rattacher aux désordres anatomiques que produisent les kystes, et ils nous apprennent en même temps la pathologie du cervelet dans le cerveau. 148 III. — Physiologie pathologique. Influence de la respiration sur la circulation, modifications du pouls causées par la thoracentèse dans les épanchements abondants de la plèvre; par le docteur V. Cornil. D'après les conseils de mon excellent ami M. Marey, j'ai étudié au sphygmographe le pouls radial des malades qui entraient, pendant l'an- née 1864, avec une affection thoracique, dans le service de M. Hérard, dont j'étais alors interne. Le résultat général de ces recherches est que dans tous les cas où la respiration est gênée, soit par une pneumonie, soit par une tuberculisation, un emphysème, un épanchement pleuré- tique, etc., le summum de hauteur de la diastole est très-peu élevé sur le tracé sphygmographique (fig. 1, 5, 7 et 9), en outre, les pul- sations sont en général fortement dicrotes (fig. 7), et la ligne d'en- semble du tracé présente des ondulations qui correspondent à chaque mouvement respiratoire (fig. 9). Ces caractères, faiblesse et dicrotisme de la pulsation, peuvent s'expliquer par la moindre quantité de sang lancé à chaque systole du cœur gauche, et par la tension et l'élasticité moindres des artères qui en sont la conséquence, (Marey Physiologie médicale de la circulation du sang, 1863, p. 280). En effet, sous l'in- fluence d'une maladie du poumon qui supprime la fonction d'une par- tie plus ou moins considérable de cet organe, l'hématose ne peut plus se faire que sur une quantité de sang veineux plus petite qu'à l'état normal, nonobstant la vitesse augmentée des battements du cœur. Il en résulte que, d'un côté, le sang noir stagne et s'accumule dans le système veineux périphérique, et que, d'un autre côté, le cœur gauche reçoit moins de sang artérialisé, d'où la faiblesse et le dicrotisme des pulsa- tions artérielles. C'est là un mécanisme analogue à celui qu'a donné M. Marey pour la théorie de l'effort [loc. cit., p. 296 et 297). Nous pourrions choisir une maladie quelconque du poumon pour su- jet d'étude ; mais dans aucune- les modifications du pouls ne se produi- sent plus nettement et plus vite que dans les épanchements pleuréti- ques considérables, traités par la thoracentèse. Nous avons recueilli cinq de ces faits qui sont aussi rigoureux que des expériences de phy- siologie, et qui nous ont donné des tracés sphygmographiques identi- ques dans leurs résultats principaux. Obs I. — Le nommé Gauthret, âgé de 21 ans, couché au n° 30 de la salle Saint-Vincent (service de M. le professeur Tardieu, remplacé par M. Besnier), entre à l'hôpital Lariboisière avec une pleurésie aiguë et récente du côté gauche qui a débuté sans point de côté. Le cœur bat à droite du sternum. Matité absolue, absence de vibrations et de murmure 149 vésiculaire dans toute la hauteur du poumon gauche du sommet à la base. Le malade étouffait, son pouls donnait le tracé suivant (fig. 1). Fig. «. Nous pensâmes, mon collègue Bergeron et moi que la thoracentèse était indiquée; nous la fîmes le 18 septembre, à dix heures du matin, et retirâmes 5 litres de sérosité claire. Aussitôt après l'évacuation du liquide, le pouls commença à se rele- ver, tout en conservant son dicrotisme (fig. 2). Fig. 2. Huit heures après, à six heures du soir, la hauteur des pulsations ra- diales était accrue de plus du double (fig. 3), bien que le dicrotisme fût très-marqué et que les pulsations fussent aussi fréquentes (12U par mi- nute). Le 20 septembre, le pouls ne donne que 96 battements par minute, et le dicrotisme est normal (fig. 4). Fig. 4. Le malade allait mieux, mais il se reforma néanmoins un épanche- ment, et la guérison se fit encore longtemps attendre. Obs. II. — Au n° 21 de la salle Saint-Napoléon fservice de M. Cusco), 150 se trouvait un garçon jeune et très-vigoureux atteint d'un épanchement pleurétique du côté droit ; tous les signes, matité, absence de vibra- lion, etc., en furent très-bien constatés. Il y avait en outre cette parti- cularité que la région mammaire droite était œdémateuse, tuméfiée et slmuiail Bh leifi de femme. Le 13 octobre, \e pouls^ petit (H dicrote, donnait le tracé Suif 8ht : % s. La ponction faite le 14 par M. Cusco donna issue à 3 litres de sérosité. Le lendemain 15 octobre, la dyspnée avait disparu, le sommet de la poitrine à droite était sonore, et le pouls était à peu près normal. Fig, e. Le sommet des pulsations s'est relevé; il n'y a plus de dicrotisme, et de plus les pulsations ont diminué de nombre dans la proportion de 8 à 11. Le mieux ne se maintint pas; l'épanchement se reforma» peu k fieu, et le 27 octobre il était assez considérable pour menacer la irle. Leffealade étouffait ; son pouls était redevenu dicrote et très-fréqoétit (flg. 7). Fig. 7. Une nouvelle thoracentèse devenue nécessaire fut pratiquée le 28 oc- tobre à dix hetires du matin. Le soir, à cinq heures* ie mieui-étre du malade se traduisait par le tracé sphygmographiqué suivant. Fig. 8. 151 Le malade succomba plus tard, et l'autopsie démontra une tubercu- lisation pulmonaire. Cette observation est bien probante puisque deux fois dans son cours la gêne de la respiration a causé la petitesse extrême et le dicrotisme du pouls redevenu presque normal après chacune des deux ponctions thoraciques. Les tracés que nous avons donnés jusqu'à présent ne montraient pas, si ce n'est la Ggure 8, de sinuosités ducs aux mouvements respiratoires. Dans l'observation suivante, ces lignes onduleuses étaient extrêmement marquées. Obs. III. — Le nommé Àlbourdin, malade du service de M. Oulmont, présentait les signes d'un épanchement considérable du côté droit : le pouls exploré aux deux radiaircs plusieurs jours de suite, du 27 octobre au 3 novembre, nous a toujours donné au sphygmographe une ligne où les diastoles artérielles étaient à peine marquées, et où les mouvements respiratoires déterminaient des ondulations comprenant 3 ou 4 pulsa- tions (fig. 9). Fig. 9. La thoracentèse faite le 4 novembre évacua 2 kilog. 300 grammes de sérosité purulente. Six heures après la ponction, nous obtenions le tracé suivant (fig. 10), dans lequel les pulsations ont pris une grande amplitude, bien que la ligne générale du tracé reste onduleuse. Fisr. 10. Dans nos cinq observations, le siège de l'épanchement était trois fois à gauche et deux fois à droite : malgré la déviation du cœur qui donne aux premières une plus grande gravité, il n'y avait pas de différence sensible dans les tracés graphiques du pouls répondant au siège de l'é- panchement à droite ou à gauche. Avant la thoracentèse, le pouls était faible, dépressible; le tracé sphygmographique montrait des pulsations extrêmement petites et dicrotes ; après la ponction, elles redevenaient amples, et le dicrotisme cessait le lendemain ou les jours suivants. L o- 152 pération avait encore pour avantage de diminuer presque aussitôt, et dans le pi as grand nombre des cas (3 fois sur 5), la fréquence du pouls. Dans certains cas de pneumonie aiguë avec hyperémie collatérale in- tense du poumon, une saignée produit sur le pouls un résultat analogue, dû aux mêmes causes. C'est ce que, de tout temps, les observateurs ont exprimé en disant que dans la pneunomie, le pouls faible et opprimé avant la saignée devient ample et fort après cette opération. Ces modifications heureuses de la circulation, qui sont un des plus précieux avantages de la thoracentèse, sont dues à ce que le poumon se dilatant mieux, artérialise une plus grande quantité de sang veineux, et que le cœur gauche peut lancer plus, de sang dans le système ar- tériel. En supprimant la compression du poumon, la ponction thoracique fait cesser la gêne de la circulation du sang noir dans le système veineux, et pour mieux établir la véracité de ce résultat, nous citerons l'exemple suivant qui nous a vivement frappé : un malade du service de M. Hérard était atteint d'une pleurésie avec épanchement considérable; à la suite de cette pleurésie, il lui étaitsurvenu un œdème des membres inférieurs que n'expliquaient ni l'examen des urines ni l'état du cœur. On fit la thoracentèse, et !e même jour l'œdème des extrémités diminua, puis disparut complètement en quelques jours. D'après ces faits et les tracés graphiques du pouls que nous venons de donner, nous devons conclure que la ponction de la plèvre dans les épanchements a pour effet constant et immédiat de régulariser la cir- culation, d'élever la tension du sang dans les artères et de faire cesser la gêne de la circulation veineuse. IV. - Pathologie comparée. Cas d'obstruction du tube digestif par un corps étranger chez un gal- linacé (Phasianus nvcthemerus, Lin.), rapporté par 0. Larcher, interne des hôpitaux. La pièce que j'ai l'honneur de présenter à la Société a été recueillie sur un jeune faisan argenté, âgé de 5 mois. Il vivait jusqu'ici dans les i. i eures conditions, quand avant-hier il voulut tirer avec son bec l'un des bouts dune corde qui servait à clore une porte de séparation. Trouvant une résistance d'abord assez grande, et sans doute pour la mieux vaincre, il avala une faible portion de la corde et continua de tirer avec acharnement. La corde, devenue libre enfin par l'une de ses extrémités, l'animal conserva l'autre dans la première partie de son œsophage. Alors il fit de violents efforts pour s'en débarrasser, et n'y 153 pouvant parvenir il essaya de l'avaler, co qu il fit en grande partie, ainsi que l'autopsie nous l'a démontré. C'est dans ces conditions que nous sommes intervenus, mon père et moi, afin de délivrer la pauvre bête. Nous essayâmes d'abord d'extraire le corps étranger, en combinant nos efforts ; l'un introduisant deux doigts dans les voies supérieures de la digestion, de façon à les main- tenir béantes, et l'autre exerçant -sur le bout de corde qui demeu- rait à l'extérieur, des tractions modérées. Néanmoins, et malgré toutes les précautions que nous y apportâmes, nos tentatives furent inutiles : nous rencontrions, en effet, une puissante résistance qui nous semblait résider, ou bien dans un nœud qui se serait fixé en un point rétréci du trajet ; ou bien dans l'effet des contractions de l'estomac sur l'extré- mité de la corde qui peut-être était arrivée déjà jusqu'à lui. Nous pûmes seulement extraire un morceau du corps étranger, long de 0"\17b et dont le diamètre était de 0m,005. Nous en pratiquâmes la section aussi profondément que put nous le permettre l'introduction de longs ciseaux ; et nous sentîmes manifestement, à travers les parties molles, que l'extrémité la plus voisine du morceau que nous abandon- nions aux voies digestives, était demeurée fixe dans la position qu'elle occupait; nous n'avions donc rien gagné dans ce sens, et la laxité des tissus avait seule permis à l'œsophage de céder un peu à nos trac- tions. L'animal parut éprouver un soulagement marqué après la section et le refoulement du morceau restant. Cependant, quelques instants- plus tard il éprouva une véritable syncope qui dura environ cinq minutes. Après quoi, l'animal se releva sur les pattes, marcha sans trop d'hési- tation et avala assez facilement quelques gorgées d'eau que nous lui avions ingérées pour provoquer les mouvements de déglutition. Le reste de la journée se passa assez calme, et l'animal paraissait devoir aller mieux. Néanmoins, le lendemain matin, il expira avec les signes de l'asphyxie. A I'actopsje, qui fut pratiquée quelques heures plus tard, nous trou- vâmes les divers organes dans les dispositions suivantes : 1° L'œsophage était rempli par une portion du corps étranger, dans sa partie inférieure seulement, c'est-à-dire depuis un espace situé à 0"',00r> au-dessus de l'embouchure du jabot jusqu'au niveau de l'estomac glan- duleux, le jabot étant d'ailleurs complètement sain et vide de tout con- tenu. Ce dernier fait semblerait prouver que, si la plupart des matières ingérées dans le tube digestif des gallinacés sont d'abord reçues dans le jabot, d'autres peuvent franchir ces voies et, sans s'y arrêter, parvenir directement dans l'estomac musculeux; de ce nombre peuvent être accidentellement les corps étrangers, tels que celui qui nous fournit le 154 sujet.de cette communication; et de ce nombre sont probablement aussi, d'une manière constante, les matériaux, tels que cailloux qui, indépendamment des produits qu'ils peuvent fournir à l'économie, in- terviennent essentiellement dans la partie mécanique du travail di- gestif. 2° Toute la cavité du ventricule succenturié était obstruée par le corps étranger, et le produit de sécrétion de cette partie du tube diges- tif était abondamment versé autour de lui. 3" Enfin, la cavité du gésier, dont la couehe épithéliale se détachait avec une extrême facilité, renfermait un corps globuleux moulé sur les parois qui l'entouraient, et recouvert, sur quelques points, de petits cailloux pareils à ceux que les gallinacés ont l'habitude d'avaler. Cette masse noirâtre obstruait à la fois l'orifice duodénal de l'estomac mus- culeux et l'orifice par lequel elle se continuait elle-même avec la por- tion de corde qui venait de traverser le ventricule succenturié. Les dimensions du corps globuleux, prises sur place, étaient de 0nl,035 sur 0ra,045 en diamètre. Cette masse défoulée donnait uile longueur de 0m,180; sa consistance et son aspect annonçaient le commencement d'un travail de désorgani- sation. 4° Le tube intestinal était entièrement sain et ne contenait aucune portion du corps étranger. 5° En revanche, la trachée, dans sa partie la plus inférieure, et les bronches à leur origine, étaient aplaties par suite de la pression fixe qu'avait exercée le morceau de corde. On trouvait, d'ailleurs, les pou- mons affaissés, revenus sur eux-mêmes ; ce qui indiquait suffisamment le défaut d'arrivée de l'air dans leurs cellules, et par suite l'asphyxie à laquelle l'animal avait succombé. Le fait que nous venons de rapporter nous a paru intéressant à plu- sieurs titres : 1° Il fournit un nouvel exemple de la tendance qu'ont les gallinacés à avaler des corps étrangers. 2° La nature du corps étranger lui-même ne le rendant pas apte à servir au travail mécanique de la digestion et la longueur assez rn-ande de la portion ingérée (en tout Ûm,475) expliquent le peu de fréquence des accidents de ce genre. 3* Nous voyons que, d'instinct, et n'ayant pu, comme le font souvent dès oiseaux d'un autre ordre (les goëlands, par exemple), rejeter un corps étranger trop volumineux, l'animal essayait de l'avaler, sans s'ef- frayer de sa grande longueur. Ce qu'il avait fait, nous le faisons d'ordi- naire chez l'homme quand un corps étranger a été imprudemment intro- duit dans les voies digestives. nous ne pouvons l'enlever, et espé- 155 rant le voir dissoudre dans l'estomac ou rejeter au dehors par l'intestin, nous essayons de le faire pénétrer plus avant, soit par des manœuvres directes, soit en engageant le malade à faire des efforts de déglutition. Or ce que l'animal avait fait d'instinct, ce que nous faisons chez l'homme, nous avons tenté de l'appliquer ici; seulement, la longueur assez grande des parties parcourues et obstruées par le corps étranger, et la. compression que la portion restante exerça sur le point de bifur- cation de la trachée, expliquent notre insuccès ; si donc ce point eût pu être franchi, ou si, ce que nous ferions volontiers en pareille circon- stance, l'œsophagotomie eût été pratiquée, les manœuvres étaient, ce nous semble, complètement justifiées, ici comme chez l'homme. 4° Nous ferons remarquer enfin l'immense force de résistance dé- ployée par l'estomac musculeux, durant nos tentatives de traction, et l'obstacle que cette résistance a nécessairement apporté au succès de nos efforts. COMPTE RENDU DES SÉANCES LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE NOVEMBRE 1864; Par M. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire. PRÉSIDENCE DE M. RAYER. I. — Histologie. Note sur l'état de la graisse dans les muscles ; par MM. Ch. Robin et Reynal, membres de l'Académie impériale de médecine, etc. Dans toutes les viandes de boucherie que nous avons examinées, la graisse présentait une disposition fondamentale commune que nous si- gnalerons d'abord. Nous noterons ensuite certaines particularités propres aux viandes de qualités différentes.. Les muscles sont formés, comme on sait, de faisceaux primitifs ou striés, polyédriques par pression réciproque, épais de 1 dixième de millimètre en moyenne. Ils sont réunis par 'contiguïté immédiate, sauf interposition de tubes nerveux et de fins capillaires, en faisceaux se- condaires, épais de 1 millimètre ou environ. Ces derniers faisceaux sont 158 entourés d'une couche de tissu cellulaire ou lamineux formant entre chacun d'eux upa ploison quand, on Ips considère réunis, Dans ces cloisons existent chez l'homme et chez les animaux non engraissés des capillaires, des artérioles et des vénules, puis en outre, soit quelques vésicules adipeuses isolées, soit des traînées de ces vési- cules, ou enfin chez quelques sujets de vrais lobules adipeux par agglo- mération de vésicules. Dans Joutes les viandes grasses que nous avens observées, l'engrais- sement résultait de la multiplication de ces vésicules pqipeuses dans les cloisons du tissu cellulaire ou lamineux interposées aux faisceaux secondaires; vésicules disposées soit en traînées ou prismes dirigés dans le sens des faisceaux musculaires, soit en couches jaunâtres entourant ces derniers et faisant disparaître en quelque sorte le tissu lamineux devant le tissu graisseux. On ne trouve jamais de vésicules adipeuses entre les faisceaux striés ou primitifs mômes, mais seulement dans les cloisons séparant les faisceaux secondaires que forment ces faisceaux primitifs. Les vésicules de nouvelle génération, dont résulte l'engraissement, sont du reste semblables, prises individuellement, à celles que l'on trouve en petit nombre dans les mêmes cloisons chez les animaux non engraissés. Mais, considérées dans leur réunion en tant que tissu adi- peux, le tissu d'engraissement qu'elles forment diffère du tissu adipeux naturel sous-cutané ou d'interposition en ce qu'elles ne sont pas dispo- sées comme dans ce dernier en lobules polyédriques ou lenticulaires, séparés et entourés par du tissu lamineux pur et par des capillaires. Elles sont accumulées d'une manière homogène, sans subdivision de couches ou traînées graisseuses en ces lobules susmentionnés. Quant aux particularités propres aux viandes de qualités différentes, nous signalerons que dans toutes les viandes primées les faisceaux pri- mitifs et secondaires n'offraient pas des différences très-notables au point de vue du volume par rapport aux viandes de moindre qualité; mais les faisceaux primitifs étaient notablement plus tendres, plus fa- ciles à rompre, et surtout les cloisons du tissu cellulaire interposées aux faisceaux secondaires y étaient plus minces et plus molles que dans ces dernières. Les couches ou traînées de tissu adipeux y étaient plus uniformément distribuées entre les faisceaux secondaires, c'est-à-dire en couches ou traînées plus minces, mais plus nombreuses. Quant aux viandes de moindre qualité, les couches adipeuses étaient épaisses en certains points, nulles ailleurs, irrégulièrement distribuées en un mot. Graisse dite brûlée. Les parties altérées sont les marbrures jaunâtres, citrines, marquées de taches rougeâtres vers la périphérie. m L'altération consiste en une destruction des vésicules adipeuses dont la paroi est détruite par la gFaisse modifiée chimiquement, en ce qu'au lieu d'être homogène elle est en partie à l'état cristallin. Les cristaux sont en aiguilles courbes, fines, ressemblant à celles de la margarine et de la stéarine. Cette destruction est, analogue à celle qui survient quel- quefois chez l'homme, dans les lipomes volumineux, lorsque les cellules adipeuses atteignent deux dixiprnes de millimètre ou environ, détermi- nant probablement l'atrophie des capillaires par compression, suite du trop grand développement des vésicules adipeuses; la paroi de celles- ci se détruit et, consécutivement, la graisse des unes et des autres se mélange, passe en partie à l'état cristallin et forme une masse morti- fiée, sorte de corps étranger autour duquel se congestionnent les capil- laires du tissu périphérique non altéré. Or c'est cet état que l'on observe dans la graisse que nous avons ob- servée, dont toutes les vésicules adipeuses sont énormes. Les taches rougeâtres qui se voient autour des parties citrines, altérées par des- truction des vésicules adipeuses, sontformées par de petites infiltrations sanguines et par quelques capillaires pleins de globules sanguins adhé- rents les uns aux autres. On sait que des exemples de mortification analogue et parfois plus considérable encore s'observent dans les lipomes volumineux chez l'homme. ^ voyez Ch. Robin, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales. Paris, 1865, in 8°, tome IJ, p. 27, article Apipppx.) Le seul auteur qui se soit occupé des questions précédentes est, parmi ceux que nous avons pu consulter, de Blainville, qui s'exprime ainsi sur ce point : « On en trouve parfois (du tissu adipeux) entre les muscles et même dans quelques cas entre leurs faisceaux et leurs fibres. Il s'est rencontré dans ces derniers temps encore des pathologistes assez arrié- rés pour nous dire que dans les cas de ce genre, la chair musculaire est convertie en graisse. Vous savez fort bien que si quelquefois les muscles sont comme remplacés par des masses graisseuses, ce n'est pas que leur tissu particulier ait subi une transformation; mais cette anomalie dépend d'une accumulation si considérable de substance adi- peuse entre les fibres de ces organes, que celles-ci s'atrophient et qu'elles sont comme perdues au milieu de la graisse qui les sépare et les entoure. C'est ce qu'on peut observer chez les animaux engraissés à la manière anglaise; vous trouverez leur graisse, notamment celle des moutons, entrelardée d'une graisse abondante, dan* laquelle toutes les fibres sont en quelque sorte plongées; de là cette saveur, cette délicatesse qu'a la chair des animaux engraissés en Angleterre. » (De Blainville, Cours de pnysiologie. Paris, 1829 in 8°, t. I, p. 358, De la graisse.) 160 11. — Physiologie expérimentale. 1° De l'alcaloïde de la fève du Calabar et expériences physiologiques avec ce même alcaloïde; par MM. Amédée Vée et Manuel Leven. Depuis plusieurs mois, l'attention des physiologistes et des médecins a été vivement attirée par les propriétés spéciales de la fève du Cala- bar. Cette semence, connue de quelques naturalistes seulement pen- dant plusieurs années, occupe aujourd'hui une place importante dans la matière médicale, plusieurs accidents, dont le dernier a causé la mort d'un enfant et mis en danger l'existence d'un grand nombre d'antres, sont venus montrer l'intérêt qui s'attache à l'exacte détermination de ses propriétés physiologiques. Mais un élément important a manqué jusqu'ici pour cette étude: on n'a pas réussi à isoler la matière qui donne à la fève du Calabar son ac- tion toxique. La tentative la plus sérieuse qui ait été faite dans ce but est due à MM. Jobst et Hesse. Ces chimistes ont obtenu, par un procédé compliqué, une matière d'un jaune brun, amorphe, se séparant de ses dissolvants sous la forme de gouttes huileuses à réaction alcaline, véné- neuse à dose très-faible, qu'ils ont considérée comme un alcaloïde lui imposant le nom de physostigmine. Le nom ù'ésérine, plus euphonique, et préférable à notre avis, aété également proposé pour le principeactif encore inconnu de la fève du Calabar. La physostigmine de MM. Jobst et Hesse ne possède certainement, pas les caractères d'un principe immédiat; c'est, comme l'expérience nous l'a montré, un mélange de plusieurs corps dont un alcaloïde cristallisa- blé forme une notable partie. L'un de nous a pensé qu'on obtiendrait dans l'analyse de la fève du Calabar un résultat plus satisfaisant en adoptant un procédé d'extraction plus simple pour éviter les chances d'altération qui résultent de l'évaporation répétée de dissolutions aqueuses et de l'action des réactifs employés. La marche suivie ne dif- fère pas sensiblement de celle qni a été conseillée par M. Stries pour la recherche des alcaloïdes dans les organes d'un animal empoisonné. La fève du Calabar, réduite en poudre fine, est épuisée par l'alcool à 95° (centésimaux) employé froid. Les liqueurs alcooliques, distillées avec précaution, en commençant par les plus étendues, laissent un extrait qu'on mélange intimement avec de l'acide tartrique en dissolution con- centrée; après un contact suffisamment prolongé, on étend d'eau, on filtre, puis on sursature la liqueur filtrée avec du bicarbonate de po- tasse en poudre; on filtre de nouveau, et l'on agite à plusieurs reprises avec de l'éther qui laisse par l'évaporation l'alcaloïde mélangé de sub- stances étrangères. On le dessèche en l'exposant sous une cloche au- 161 dessus de l'acide sulfunque, et on le reprend par l'éther anhydre qui le laisse déposer a peu près pur. Par des cristallisations reposées, soit dans l'éther, soit dans l'alcool, on parviendrait sans doute à le débarrasser entièrement de la matière colorante rouge qui l'accompagne; mais elle y adhère avec tant d'opiniâtreté qu'il est très-difficile d'en séparer lc^ dernières traces si l'on opère sur des quantités un peu grandes. L'ésérine est solide, cristallisable, douée d'une saveur très-faiblement amère qui ne se développe que lentement. Elle est soluble dans l'éther. l'alcool, le chloroforme, fort peu dans l'eau, à laquelle elle communi- que cependant une réaction franchement alcaline. Les cristaux sont des lamelles très-minces,, de forme rhombique parfaitement régulière, ou altérée par des modifications sur les angles obtus, se colorant dans la lumière polarisée. Les acides dissolvent facilement Yésérine, et le* dissolutions ainsi obtenues précipitent par les réactifs généraux des al- caloïdes. Chauffée sur une lame de platine elle fond, répand d'abondan- tes vapeurs blanches et brûle sans résidu. Ses sels, presque tous solu- bles, seront l'objet d'une étude ultérieure. L'ésérine en dissolution agit promptement sur la pupille humaine. Une seule goutte d'une dissolution au millième introduite dans l'œil suffit pour prévenir une contraction excessive et persistante. 2° EXPÉRIENCES COMPARATIVES AVEC L* EXTRA 11 DE LA 1 EVE DE CALABAK ET LALCALOÏDE ÉSÉR1NE. Exp. I. — Extrait de la fève de Calabar. Nous injectons 20 milli- grammes d'extrait sous la peau d'un cochon d'Inde. Après dix minutes, affaiblissement du train postérieur. Après une demi-heure, faiblesse du train antérieur; yeux larmoyants, aucune contraction pupillaire; mais convulsions des globes oculaires en haut. Après une heure, mort. Exp. II. — On injecte im',b de l'alcaloïde sous la peau d'un cochon d'Inde. Après cinq minutes, paralysie du train postérieur. Après quinze minutes, paralysie des membres antérieurs; aucune contraction pupillaire; respiration lente et saccadée; pupilles dilatées. Mort après une demi-heure. Exp. III. — Nous injectons 5 milligrammes de l'alcaloïde ésérine sous la peau d'un cochon d'Inde. Après dix minutes, paralysie du train postérieur (mouvement et sen- sibilité); la pupille n:est pas modifiée. G. R. li 162 Après un quart d:houre, paralysie généralisée au train antérieur et postérieur; pupilles dilatées. Respiration irrégulière et mort. Exp. IV. — Nous injectons sous la peau d'un lapin 1 centigramme d'ésérine en dissolution dans l'acide chlorrhydrique. Apres dix minutes, mouvements convulsifs du train postérieur; la pupille n'a pas varié ; faiblesse du train postérieur et antérieur. Après un quart d'heure, paralysée généralisée, et l'animal rend une quantité abondante de salive. Après vingt minutes, contraction énorme de la pupille; la respiration devient irrégulière et mort. Après la mort, les pupilles se dilatent lentement. Anatomie pathologique. Les mouvements du cœur suspendus, on ne peut les exciter; le cœur contient peu. de sang. Poumons pâles et exsangues; le sang se coagule au contact de l'air. Les mouvements vermiculaires de l'intestin sont abolis ; les mouve- ments fibrillaires du système musculaire de la vie de relation subsis- tent. Le cerveau et la moelle paraissent sains; aucune injection; pas d'hy- perémie ; point iïépanchement ventriculaire. Observations, Nous signalons dans nos expériences : 1° la puissance de cet alcaloïde, qui frappe successivement le système musculaire de- puis les membres inférieurs jusqu'à la tête; 2° La dilatation de la pupille aussi fréquente que la contraction; 3° La mort paraît provoquée par l'arrêt des battements du cœur. 3° Notes pobr servir a l'histoire de l'asphyxie ; par M. P. Bert. Je me suis occupé de rechercher le temps que mettent à mourir, quand on les plonge sous l'eau, des vertébrés appartenant à différentes espèces. Mes expériences ont porté principalement sur les animaux à sang chaud. Les résultats auxquels je suis arrivé jusqu'ici ne présentent pas encore une grande importance. Je me décide cependant à les pu- blier ; et cela, non-seulement parce qu'ils ne me paraissent pas dénués de tout intérêt, mais encore parce que les occasions de multiplier les expériences sont assez rares, et que peut-être la lecture de cette note déterminera quelques personnes à agir sur des animaux que je n'ai pas encore eus à ma disposition. Lorsqu'un animal est plongé dans l'eau, il présente une période d'a- gitation violente à laquelle succède une période de calme avec des mouvements inspiratoires profonds; ceux-ci diminuent, puis cessent, 163 et l'animal reste immobile, quelquefois après un mouvement violent d'expiration. C'est cette immobilité définitive, depuis longtemps précé- dée par la disparition de la sensibilité, que j'ai prise pour date de la mort; le cœur continue à battre pendant un temps variable. Ceci dit, voici les résultats de mes expériences : Mammifères. — Phoque (Phoca vitulina, Lin.), I" de long, pris depuis quinze jours, à jeun depuis ce temps. Dernier mouvement vers 15™; dernier battement du cœur, 28m. Chien, 4°% 4m15% 4«"30% 5m; moyenne, 4m25\ Chat, 2m 50% 3m 3'; moyenne, 2m 57% Lapin, à jexin depuis vingt-quatre heures, 2" 30% 2a 30% 3U, 3m, 3m 20', 3m 45s; en digestion, 2ra 15% 2m,30% 4m; moyenne, 3'" 7*. Rats d'eau {Arvicota ampldbius, Lin.), un peu fatigués, 1"' 50% 2", 2ra 30% moyenne, 2m 50s; 2m 17'. Rat blane (Mus rattus, Lin.), lm25% 1™ 30% l'D30% lm 40"; movenne, l-30\ Oiseaux. — Chouette effraie (Strix fiammea, Lin.), 21" 10'. Moineau franc (Passer domeslicus, Briss.), 35% 40*. Alouette commune (Alauda arvensis, Lin.), 30% 40*. Alouette cochevis (Alauda crislata, Lin.), 50*. Roitelet huppé (Regulus cristatus, Lin.), 20'. Grimpereau familier (Certhia familiaris, Lin.), 28'. Hirondelle de fenêtre (Hirundo urbica, Lin.), 45*. Etourneau (Slurnus vulgaris, Lin.), lm 30*. Pigeon biset, lm 10», lm 20%- lm 20% i- 20*, lm 25, lœ 25*, 1- 30'; moyenne, 1° 13'. Poule, 3D% 3"' 15% 3" 15% 3m 30% 3m 30% 4'" 40*; moyenne, 3- 38*. Dindon adulte, un peu malade, 2m 306; âgé de 13 jours,- 1"20*. Chevalier à pieds verts (Totanus gtareola, Temm.), bien vif, mais une aile cassée, lm 30', \m 30*. Chevalier à pieds rouges (Totanus ochropus, Lin.), lm 25*. Tourne-pierre (St7-epsilas interpres, Lin.), bien vif, mais une aile cassée, lm 30*. Râle d'eau (Ballus at/uaticus, Lin.), bien vif, mais une aile cassée, 4" 30*. Râle marouette (Rallus porzana, Lin.), bien vif, mais une aile cas- sée, 4m. Goëland brun (Larus fuscus, Lin.), bien vif. mais les deux ailes cas- sées, 4m. Canard sarcelle (Anas querquedula. Lin.), bien vifs, mais une aile cassée, 7m, 7'" 30"; moyenne, 7"1 15'. Canard domestique, 7*, 7m 30% 8m, I0œ ; moyenne, 8m75. Ifi-'l Oie domestique, 7m, 7" 30% 8m; moyenne, 7'" 30*. Grèbe castagneux {Podiceps minor, Lin.), fatigué, 2", 2ra 30* ; Irais pris, bien portant, 3'" AU'. Il serait évidemment prématuré de rien conclure d'un nombre aussi restreint d'expériences; je me permettrai seulement d'en dégager quel- ques observations qui ne me semblent pas sans intérêt. La durée de la vie n'est aucunement en rapport avec la taille des animaux. On voit en effet qu'un râle d'eau, oiseau de la grosseur d'une grive, a mis beaucoup plus de temps à se noyer (4m 3(J6) que des pigeons (moy. lm 13s), et même que des poules. De même la petite sarcelle d'hi- ver résiste bien plus longtemps qu'un dindon. Il ne paraît même pas que la taille présente une grande importance dans les oiseaux du même groupe : les sarcelles, en effet, résistent à peu prés autant que les oies. Et cependant il est vrai de dire, d'une manière très-générale, que les petits animaux sont plus vite asphyxiés que les gros. Le minimum do résistance, en effet, est présenté par les passereaux, et surtout par le plus petit d'entre eux. le roitelet huppé (20"). Parmi les oiseaux (pie j'ai étudiés, les râles et les canards me parais- sent être ceux qui se noient le plus lentement; ce sont là, ce me semble, les plongeurs par excellence. Les grèbes (vulgairement plongeons), con- trairement à ce que l'on pouvait attendre à priori, résistent moins, quoique mieux organisés pour la locomotion entre deux eaux. Les petits échassiers de rivage s asphyxient aussi vite (pie les passereaux de leur taille. Lorsqu'on plonge dans l'eau un oiseau aquatique, comme un canard, il reste en général calme pendant un temps assez considérable, 2m ou 3m par exemple; si l'on y met au contraire une poule, elle s'agite pres- que aussitôt et fait des efforts violents pour s'échapper. Cette différence, qu'expliquent si aisément les habitudes de l'animal, n'est certainement pas sans influence sur la durée de la vie. J'ai cru remarquer, en effet, —et ceci concorde avec les principes physiologiques,— que les mouve- ments considérables accélèrent la mort. , C'est ainsi que la poule qui est morte en 4"' 40' était restée presque complètement immobile pendant la durée de la submersion. J'ai saigné des lapins soit à l'artère fémorale soit à la veine jugulaire, avant de les submerger, sans remarquer de différence notable dans la durée de leur résistance à l'asphyxie. L'état de jeûne ou de digestion ne m'a pas fourni non plus de modifications importantes. Les blessures, les fatigues qui atteignent un animal en pleine santé, accélèrent incontestablement la mort. Je citerai, comme exemple, ces grèbes fatigués par un voyage de deux jours, sans eau, qui sont morts en 2m et 2m 30*, tandis qu un oiseau de même espèce, que j'avais pris 165 moi-même à la main, cl que j'ai noyé de suite, a fait ses derniers mou- vements à 3'" 40*. J'ai cru remarquer le contraire pour les maladies qui épuisent lente- ment l'organisme ; il m'a semblé qu'elles lui donnaient une résistance beaucoup plus grande à l'asphyxie ; ce qui serait en rapport avec cer- tains faits d'asphyxie dans une atmosphère confinée signalés par M. Cl. Bernard. Ces circonstances diverses sont loin de rendre compte de toutes les différences que les expériences révèlent entre les individus. Ces pro- blèmes, au reste, sont extrêmement compliqués, et il importe, avant toutes choses, de les réduire à des faits simples. La présente note ne doit être considérée que comme un travail d'énumération et de consta- tation. Elle suffit à montrer, en tout cas, qu'en parlant de la résistance à l'asphyxie, il n'est pas permis de s'exprimer d'une manière aussi vague que le font en général nos livres de physiologie ; il ne suffit pas de dire : les animaux, les oiseaux, etc.. il faut évidemment désigner nominati- vement l'espèce dont il est question. SvR/LA QUESTION DE SAVOIR SI LES MAMMIFÈRES PLONGÉS DANS l'eau AT- TIRENT LE LIQUIDE PAR ASPIRATION DANS LEURS POUMONS. — Cette qUOStiOll ne présente au point de vue physiologique qu'une importance médiocre ; mais aux yeux du médecin et du médecin légiste, elle prend un très- grand intérêt. Aussi a-t-elle été le sujet de maintes discussions que je me garderai de rappeler ici, et encore aujourd'hui est-on loin de s'entendre sur sa solution. Pour les uns, l'animal immergé continue à exécuter des mouvements inspiratoires efficaces qui font pénétrer dans ses poumons non plus de l'air, mais de l'eau; pour d'autres, ces mou- .vements n'ont aucun résultat, à cause d'une occlusion spasmodique de la glotte, qui ferme le passage au liquide; enfin, récemment, M. Beau a soutenu que ces mouvements cessent complètement après l'immer- sion. Pour ma part, j'ai toujours vu les mammifères plongés dans l'eau se débattre violemment, avec intelligence et conscience, pendant un temps variable, puis tomber dans une période de collapsus à laquelle suc- cèdent une série de mouvements inspiratoires évidents et très-nombreux dans certains cas. Pendant la période d'agitation, aucun de ces mouve- ments ne parait être exécuté, mais l'animal rend toujours par les na- rines une certaine quantité d'air libre; souvent aussi, la fin de la der- nière période est marquée par une expiration d'un peu d'eau écumeuse. Enfin, toutes les fois que j'ai eu occasion d'examiner les poumons d'un mammifère noyé, je les ai trouvés plus ou moins remplis d'eau rare- ment libre, presque toujours écumeuse. La quantité d'eau ainsi introduite dans les voies respiratoires varie 166 beaucoup. Dans quelques cas, — qui paraissent assez rares, — elle est très-considérable. Je citerai comme exemple une expérience faite sur un chien pesant 10 kilogrammes environ, qui fut retiré de l'eau après 6m d'immersion, le dernier mouvement, inspiratoire ayant eu lieu à 4m. Les poumons de cet animal pesaient 500 "grammes ; en les exprimant fortement, on put en faire sortir 200 grammes d'eau, pour la plus grande partie écumeuse : après dessiccation, ces poumons ne pesaient plus que 17 grammes. Ils contenaient donc 483 grammes d'eau, soit venue de l'extérieur, soit appartenant au sang et au tissu pulmonaire lui-même. Il est donc bien évident que cet animal avait à plusieurs reprises libre- ment attiré dans ses poumons une notable quantité d'eau. Dans la majorité des cas, au contraire, on peut à peine exprimer du poumon quelques grammes d'eau écumeuse. Aussi beaucoup de per- sonnes n'ont pas fait difficulté d'admettre que cette eau s'était intro- duite dans une première inspiration, inspiration de surprise, ou encore dans les moments qui précèdent immédiatement la mort, la glotte étroi- tement fermée supposant à l'entrée du liquide pendant le reste du temps. Je suis loin de dire, comme on le verra par la suite, que les choses ne se passent pas ainsi dans un certain nombre de cas; mais ce que je nie, c'est qu'on fût en droit de baser cette conclusion sur la faible quantité d'eau trouvée dans le poumon. Les deux expériences suivantes expliqueront ma pensée : 1° Un chien de moyenne taille est plongé sous l'eau et retiré immé- diatement après le dernier mouvement inspiratoire. Les poumons et la trachée sont pleins d'eau écumeuse qui s'en échappe à la section, mais dont quelques gouttes à -peine sortent par la trachée quand on retourne l'organe. Le tout pèse 200 grammes: après dessiccation, il reste 20 grammes de matière. 2° Chien do même taille. Dans ia uachée est placé un bouchon, que traverse un tube de verre coudé dont l'extrémité plonge dans Un vase rempli d'une quantité connue d'eau. L'animal inspire régulièrement l'eau du vase, et expire une petite quantité d'écume. Quand il meurt, 375 centimètres cubes d'eau ont été aspirés ; les poumons, extraits de suite, présentent le mémo aspect que ceux du n° 1, et l'on n'en peut faire sortir que h grammes d'eau libre; comme eux ils pèsent 200 grammes, et, par une assez singulière coïncidence, comme eux ils ne laissent que 20 grammes de matière après dessiccation. Il est évident que dans ce dernier cas l'eau a été absorbée par le sys- tème capillaire efférent du poumon au fur et à mesure de son introduc- tion; mais qui me dit qu'il n'en a. pas été du même dans la première expérience? C'est chose certaine, du moins, qu'on ne peut eu aucune 167 façon juger de la quantité" d'eau qui a réellement pénétré dans les pou- mons d'un animal noyé par celle qu'on y retrouve après la mort. Le meilleur moyen de se rendre un compte exact des choses est à coup sûr d'employer le système des pesées. C'est ce que je n'ai pas manqué de faire ; je liais l'œsophage d'un chien au milieu du cou pour éviter l'introduction de l'eau dans les voies digestives, je lui fermais également le prépuce et l'anus, pour me "nettre en garde contre les déperditions excrémentitielles ; cela fait, je le pesais, après avoir mouillé son poil jusqu'à un certain degré. Je le noyais alors, l'essuyais jusqu'au même degré, et le pesais à nouveau. Or, dans certains cas, j'ai trouvé que le poids n'avait pas varié sinon de quelques grammes dus peut- être à l'eau restée dans les poils ; mais dans d'autres, la différence s'est présentée considérable : c'est ainsi qu'un chien de 13", 5 pesait 1 kilo- gramme de plus après qu'avant l'immersion, et cette grande augmen- tation ne peut être mise sur le compte d'un défaut de précision dans le mode expérimental. Il est donc incontestable que l'eau pénètre quelquefois en quantité très-notable dans les poumons des noyés ; il est certain aussi que, d'au- tres fois, il ne s'en introduit que très-peu. Je n'hésite pas à croire que la plus grande partie de cette eau entre pendant cette dernière période de l'asphyxie par submersion dans laquelle la sensibilité et la volonté ayant disparu, l'animal fait des efforts inspiratoires dont l'occlusion spasmodique de la glotte n'arrête pas toujours suffisamment l'effet. 11 resterait à déterminer dans quelles circonstances et pour quelles rai- sons tantôt la glotte se maintient hermétiquement fermée, tantôt au contraire elle permet l'aspiration de l'eau. M. Beau, qui affirme que les animaux submergés n'exécutent aucun mouvement inspirartoire, explique ce fait que je ne puis considérer comme exact, par une sorte d'avertissement donné au noyé par les nerfs de la cinquième pairo, lorsqu'ils se trouvent au contact de l'eau. Pour démontrer sa proposition, ce savant médecin fixe un tube à la trachée d'un chien, et immerge complètement le tube et l'animal à l'exception de la tête ; l'animal, dit-il, continue à respirer assez régu- lièrement, et l'eau pénètre à chaque inspiration dans le poumon. J'ai répété cette expérience et obtenu le même résultat. Mais si l'on ren- verse les conditions, si l'on plonge le chien tout entier sous l'eau, tête comprise, en ne laissant sortir à l'air que l'extrémité du tube, on voit que l'animal continue à respirer librement. Il est donc évident qu'il n'a reçu aucun avertissement de ses nerfs submergés. En résumé, pendant la première période de la submersion, agitation violente, mais cessation volontaire des mouvements inspiratoires, l'ani- mal ayant conscience du danger qu'il court, et étant averti de fermer 168 sa glotte par l'eau qui en a touché la face supérieure ; plus tard^perte de la volonté, mouvements inspira toires inconscients qui, la glotte cé- dant tôt ou tard, font pénétrer dans les poumons une quantité variable d'eau, dont une grande partie peut être absorbée parles veines pulmo- naires : telle me paraît être la réponse à la question posée en tête de ce paragraphe. En tout cas, il y a toujours de l'eau dans les poumons des animaux noyés, et, d'accord avec M. Tardieu, j'attribue à la présence de cette eau la difficulté qu'on éprouve à rappeler à la vie les noyés, difficulté beaucoup plus grande que pour les strangulés. Asphyxie dans une atmosphère confinée des vertébrés a respiration aérienne. --Lorsqu'on maintient un animal dans une atmosphère cor finée, il y meurt après avoir absorbé une grande partie de l'oxygène et exhalé une quantité toujours un peu moindre d'acide carbonique. On s'est préoccupé 'depuis Lavoisier de rechercher à quelle composition centésimale de l'air correspond la mort de l'animal et quelle est la pro- portion minimum d'oxygène compatible avec la vie. Il m'a semblé, d'a- près un grand nombre d'expériences dont je vais rapporter quelques résultats, que les évaluations des autours étaient en général trop élevées quant à cette proportion d'oxygène. Dans ces dernières années, les re- cherches de W. Miiller et de Valentin ont en partie rectifié les idées reçues à ce sujet; mais elles ne me paraissent pas avoir enlevé tout in- térêt aux faits qui vont suivre. Je dois prévenir que, dans toutes mes expériences, les animaux ont été placés sous des cloches, en pleine li- berté, sur le mercure ou sur l'eau, selon les nécessités de l'expérience; j'ai apporté tous mes soins à ce qu'ils fussent autant que possible à l'aise et à l'abri des circonstances qui auraient, pu hâter leur mort : froid, etc. Pour les animaux dits à sang chaud, la mort ne survient dans l'air confiné que lorsque la proportion d'oxygène est descendue au-dessous de 4 ou 5 centièmes. Les oiseaux se comportent comme les mammifères, en ce sens que la limite supérieure paraît être la'même dans les deux groupes. J'ai vu, en effet, des chats, des hérissons et aussi des pigeons, des moineaux, des chevaliers, laisser dans l'air où ils mouraient 3, 4 et quelquefois 5 p. 100 d'oxygène. Mais dans d'autres circonstances, et sous d'autres conditions pour la plupart encore inconnues, quelques in- dividus de cete mêmes espèces sont arrivés à un épuisement plus consi- dérable. Cependant la limite inférieure n'a jamais été, pour les oiseaux, moin- dre de 2 p. 100, tandis que, pour certains mammifères, elle est descen- due beaucoup plus bas. Ce sont les lapins et surtout les rats et les souris qui m'ont présenté les chiffres les plus remarquables; il m'est arrivé fréquemment de voir des rats résister à la mort jusqu'à ce que leur at.- 169 mosphère ne contînt plus que 1, que 0,8 et môme dans un cas que 0,25 p. 100 d'oxygène. Les vertébrés à respiration aérienne autres que les mammifères et les oiseaux, à savoir les reptiles et les batraciens, fournissent, comme on doit bien s'y attendre, des résultats fort différents selon l'époque de l'année où on les observe et selon la température. Ces deux éléments du problème, dont W.Edwards a autrefois montré l'importance, ont été confondus dans mes expériences : les unes ont été faites en hiver et au froid, les autres en été et au chaud. Or tandis que, dans le premier cas, ces animaux épuisent presque complètement — comme on le sait depuis longtemps — l'oxygène, à ce point de pouvoir, selon la comparaison de Vauquelin, être assimilés à des bâtons de phosphore propres à l'analyse de l'air ; dans le second cas, au contraire, ils présentent à la privation d'oxygène une susceptibilité au moins égale à celle des animaux à sang chaud ; j'en ai même vii mou- rir dans des atmosphères qui auraient été incontestablement très-suffi- santes à entretenir sans souffrance apparente la vie de rats ou de lapins. Il va sans dire que dans ces conditions leur mort est infiniment plus rapide, toutes choses égales d'ailleurs, qu'à une basse température, et qu'elle arrive presque aussi vite que celle des vertébrés dits supérieurs. Ainsi, en août et à 27", un lézard gris est mort en quarante-huit heures dans 250 cent, cubes d'air, tandis que pendant novembre et décembre, à 10°, un lézard des souches a mis soixante-dix jours pour mourir dans 775 cent, cubes. Les conditions remarquables à tant d'égards dans lesquelles se trou- vent certains mammifères et certains oiseaux nouveau-nés et qui les rapprochent à un tel degré des reptiles, m'ont déterminé à expérimen- ter sur eux. Le seul résultat constant qu'ils m'aient offert est relatif à la durée de leur résistance à l'asphyxie, beaucoup plus grande, eu égard au volume de l'air employé, que celle des animaux adultes. Mais quant à la composition de l'air devenu mortel, elle a notablement varié; et cela s'explique aisément, car si ces jeunes animaux peuvent s'abaisser au rang d'animaux à sang froid, ce n'est que sous des influences morbi- des et bientôt mortelles, sans pouvoir s'arrêter à cet équilibre de faible échange qui caractérise les véritables animaux à sang froid soumis à une basse température^ Fort étonné de la quantité relativement grande d'oxygène que les rep- tiles laissent pendant l'été dans l'air devenu irrespirable pour eux, j'ai cherché ce qu'il adviendrait si l'on faisait mourir ces animaux dans une atmosphère très-riche en oxygène. Les plongeant alors dans de l'air qui contenait jusqu'à 60 ou 80 p. 100 de ce gaz et 40 ou 20 p. 100 d'azote, j'ai vu que la mort survenait lorsque la proportion d'acide carbonique 170 formé s'élevait à 15 ou 17 centièmes. En faisant alors une semblable sé- rie d'expériences sur des animaux à sang chaud, j'ai constaté que ceux- ci vivaient encore parfaitement dans celte atmosphère devenue mortelle pour les reptiles et les batraciens, et que l'animal ne mourait qu'après avoir formé et expiré de 25. à 30 centièmes d'acide carbonique. J'ai même cru remarquer que la proportion mortelle, si l'on peut ainsi dire, dé ce gaz, variait dans des limites assez étroites par rapport à chacune des espèces animales sur lesquelles j'ai fait expérience. Ainsi, pour les rats et les souris, elle était ordinairement de 25 p. 100, descendant ra- rement au-dessous de 23, s'élevant rarement au-dessus de 27; pour les chats et les chiens, elle oscillait très-peu autour de 30 ; de même pour les oiseaux (pigeons, chevaliers, moineaux) ; enfin les lapins succombaient plus tard, et l'un de ces animaux a laissé après la mort un gaz riche de 43 p. 100 d'acide carbonique. Cette susceptibilité des animaux à sang froid pour l'acide carbonique explique en partie pourquoi ils épuisent beaucoup moins que les ani- maux à sang chaud l'oxygène de l'air où on les confine. On pourra re- marquer qu'elle est en rapport avec la théorie généralement admise qui considère l'acide carbonique comme simplement dissous dans le sang; mais je veux me garder, dans ces notes préliminaires, de toucher en rien aux idées théoriques, dont le développement devra venir plus tard et comme conséquence des faits préalablement consignés. J'appellerai seulement l'attention sur deux corollaires des résultats mentionnés en dernier lieu. Certains paléontologistes, considérant que les reptiles semblent être apparus à la surface de la terre avant les oiseaux et les mammifères, ont cru pouvoir rapporter ce fait à la présence dans l'air d'une plus grande quantité d'acide carbonique, compatible seulement avec la vie d'animaux à respiration peu active. En admettant comme définitivement démontrée cette antériorité des reptiles, il est évident qu'il ne faudrait pas l'attribuer à la cause, invoquée, puisqu'une quantité d'acide carbo- nique mortelle pour eux paraît à peine gêner la respiration d'un animal à sang chaud. Le chiffre élevé auquel peut atteindre la proportion d'acide carboni- que d'une atmosphère suroxygénée avant de tuer le mammifère qui y est renfermé, montre que, dans l'asphyxie par l'air ordinaire confiné, la mort survient à cause de la disparition de l'oxygène, el que l'influence de l'acide carbonique produit, qui ne paraît guère dépasser 15 ou 17 cen- tièmes, y est pour peu de chose. Nous allons voir, en effet, que la ri- chesse initiale de l'atmosphère en oxygène ne paraît guère influer sur la richesse terminale en acide carbonique, pourvu toutefois que le premier de ces chiffres soit quelque peu supérieur au second. 171 J'ai fait périr dans une atmosphère suroxygénée de jeune mammifères nouveau-nés (rats, chats) ; ils se sont conduits comme les animaux adultes de leur espèce. Il va sans dire que, pour ces expériences, comme pour celles qui ont été rapportées ci-dessus, j'ai entretenu autour de ces jeu- nes animaux une température suffisante pour les préserver d'un refroi- dissement extérieur rapidement mortel. J'ai signalé plus haut la grande importance de la température pour la composition de l'air dans lequel on laisse mourir les animaux à sang froid. J'ai dû me préoccuper de cette condition pour le cas d'une atmo- sphère suroxygénée ; or ici son influence a paru réduite à néant, et quel- que température qu'il fît, à quelque époque de l'année que j'aie expérimenté, j'ai toujours vu la mort des reptiles et des batraciens sur- venir avec une semblable proportion d'acide- carbonique produit, ou plutôt les variations de cette proportion n'ont été aucunement en rap- port avec les variations dans la température. Mais, comme on doit le deviner., le temps misa former la proportion fixe d'acide carbonique était d'autant plus considérable que le thermomètre baissait davantage. On aurait pu attribuer à priori une certaine importance à la propor- tion initiale d'oxygène que contient l'atmosphère où l'on plonge un ani- mal; or il n'en est rien. Pourvu que cette quantité excède de quelques centièmes la proportion d'acide carbonique mortelle pour cet animal, il meurt lorsqu'est atteinte ladite proportion; ou quand celle-ci varie, c'est sans nulle relation avec la proportion initiale ou terminale du gaz vivifiant. Sans changer davantage cette proportion à peu près fixe d'acide car- bonique, j'ai pu enrichir successivement d'oxygène l'atmosphère où se trouvait renfermé l'animal, au lieu d'introduire immédiatement celui-ci dans un milieu très-oxygéné. Enfin ce chiffre de l'acide carbonique n'a pas varié notablement quand j'ai remplacé dans la constitution de l'atmosphère suroxygénée l'azote par l'hydrogène. Bien plus, cette atmosphère n'étant composée que d'oxygène et d'acide carbonique, contenant, par exemple,90 p. 100 d'oxygène et 10 p. 100 d'acide carbonique, j'ai vu la proportion de ce dernier monter à sa valeur habituelle. J'ai dû me préoccuper de l'influence quepouvaitexcercersur la compo- sition d'une atmosphère devenue mortelle, quelle que fût sa composition primitive, la capacité de cette atmosphère. Mais je ne suis arrivé encore à aucun résultat concluant, et les faits desquels les auteurs allemands ont cru pouvoir conclure que plus l'atmosphère est grande, moins son oxygène peutêtre épuisé, ne me semblent pas à l'abri de toute critique. Je reviendrai, du reste, sur ce sujet dans la suite de ces notes sur l'as- phyxie. Ainsi ferai-je encore pour l'influence des changements considé- 172 râbles dans la pression atmosphérique, influence qu'il sera bon d'étudier au point de vue de l'état où se trouvent les gaz flans le sang. Je terminerai cette note par une petite remarque': lorsqu'on introduit dans un gaz irrespirable (azote, hydrogène) un oiseau qu'on y fait périr, il est indispensable, si l'on veut supputer le temps qu'il met à y mou- rir, de tenir compte de la capacité du vase où ce gaz est contenu. Par exemple, un moineau placé dans 125 cent, cubes d'azote, y périt en 60 secondes en moyenne, tandis que dans 2,250 cent, cubes du même gaz, la durée de sa résistance s'abaisse à 30 et même à 20 se- condes. Cette différence s'explique évidemment par ceci : que la quan- tité d'air contenue dans les cellules pulmonaires de l'oiseau forme une proportion non négligeable dans les 125 cent, cubes de gaz et peut conserver la vie pendant quelques instants, tandis qu'elle se perd, pour ainsi dire, dans la grande masse des 2,250 cent, cubes. Respiration cutanée des batraciens dans l'eau aérée. — C'est un fait généralement admis depuis les travaux de W. Edwards que les ba- traciens sont aptes à respirer par la peau l'air dissous dans l'eau, en d'autres termes que leur peau se comporte comme une branchie. Cepen- • dant cet auteur n'avait pas appuyé cette idée, — tout à fait en rapport, du reste, avec les enseignements de la physiologie comparée, — sur la seule preuve qui soit irréfutable : je veux parler de l'analyse des gaz de l'eau avant l'immersion de l'animal et après sa mort par asphyxie, .l'ai cru bien faire de combler cette petite lacune, et le résultat de l'expé- rience a été tel qu'il devait être : l'air dissous dans l'eau, au début de l'expérience, contenait 2G p. 100 d'oxygène; lorsqu'une grenouille, qui avait été plongée dans cette eau, fut morte, on ne trouva plus que de* traces d'oxygène à peine capables de colorer le pyrogallate de potasse. 4° Expériences de greffe animale; par M. Paul Bert. Les Bulletins de la Société contiennent déjà deux notes présentées sous ce titre. Dans la première {Bull. 1863, p. 22), il était question de deux animaux d'espèce différente, mus ratlus et mus striatus, accolés l'un à l'autre par le flanc, dont la peau avait été préalablement sec- tionnée. La seconde (Bull. 1863, p. 179) contient l'histoire d'une queue de rat, dont l'extrémité écorchée avait été introduite sous la peau du dos de l'animal, et dans laquelle, après qu'on l'eût plus tard amputée près de sa base, la circulation se rétablit et la sensibilité revint. Ce dernier ordre de faits mériterait plutôt, si l'on veut encore aller demander au règne végétal une expression comparative, le nom de marcotte que celui de greffe, car les connexions normales qui assu- raient l'existence de la queue en place n'ont été détruites que lorsqu'il 173 son était déjà développé d'autres; en telle sorte que cet organe n'a jamais été réduit à lui-même, et sa vie jamais compromise. Quant aux faits de la première catégorie, je leur ai donné le nom de < ire ffe par approche, toujours en vue des mômes comparaisons qui pré- sentent des avantages mnémotechniques ; mais il n'y a là, à vrai dire, qu'une cicatrisation ordinaire entre deux plaies cutanées, lesquelles appartiennent à deux individus différents. La véritable greffe consiste en ceci : qu'une partie séparée complète- ment du corps d'un animal est ensuite replacée en tel lieu qu'elle continue à vivre, comme si ses rapports nourriciers n'avaient en rien été interrompus. Ce qui la. caractérise, c'est l'isolement dans lequel s'est trouvée pendant un temps la partie détachée, privée des liens vas- culaires qui lui apportaient sa nourriture, réduite à ses propres res- sources, et condamnée à mort si cet isolement dure trop longtemps: ce sont ensuite les conditions d'existence retrouvées, les connexions réta- blies, la solidarité nutritive acquise de nouveau, et la vie, un temps en péril, désormais assurée. Que si l'on suppose cette séparation non fatale à la partie isolée, que si l'on admet qu'elle puisse vivre ainsi, de par elle-même, en puisant dans les milieux qui l'entourent les matériaux nécessaires à entretenir les évolutions vitales, pn passe ainsi de la greffe animale à cet ordre de phénomènes si remarquables présentés par beaucoup d'animaux infé- rieurs (Planaires, Lombrics...), et même jusqu'à un certain degré par la queue des jeunes têtards de grenouille (A.. Vulpian). Mais les milieux extérieurs ne suffisent pas à la greffe, il lui faut le contact de milieux intérieurs, de cette lymphe plastique qui s'épanche à la surface des plaies, et c'est là ce qui la distingue nettement des faits que je viens d'indiquer. Voici un exemple de greffe proprement dite : je coupe la queue d'un rat et l'écorche; par un trou fait à la peau de l'animal, j'introduis un instrument mousse qui creuse une petite loge, et alors dans celte loge je fais glisser la queue écorchée; un point de suture suffit ensuite à lui fermer la retraite. Dans ces conditions, en agissant sur des rats, la réussite est con- stante ; j'ai toujours vu la greffe prendre, et cela sans phénomènes in- flammatoires. Si l'on tue l'animal quelques mois après, on retrouve la partie introduite en bon état apparent, on voit les vaisseaux cutanés s'a- boucher avec les siens, et bien plus, si cette queue était toute jeune au moment où on l'a séparée, on constate qu'elle a grandi, qu'elle s'est développée régulièrement et qu'elle a acquis à peu près les mêmes di- mensions que si elle fût restée en place ; on est bien en droit de se demander où s'est alors réfugié ce principe vital directeur dont les dis- 174 ciples de certaine école soutiennent à force d'imagination l'existence chimérique. J'ai choisi dans mes expériences le rat, parce que cet animal présente, entre autres avantages, celui de suppurer difficilement ; le tissu cellu- laire sous-cutané, qui est très-lâche chez ces animaux, m'a paru préfé- rable à ce point de vue et à plusieurs autres; enfin j'opère avec la queue, non-seulement parce que son ablation est sans importance pour l'animal, mais surtout parce que la réussite de la greffe est beaucoup plus sûre, avec cet organe qu'avec une patte, une mâ- choire, etc. Ce sont là les meilleures conditions de réussite ; mais bien évidem- ment elles sont loin d'être indispensables ; les greffes sous-cutanées de pattes, de colonnes vertébrales, pour être difficiles, n'en donnent pas moins quelquefois des résultats satisfaisants. J'ai même pu greffer dans le péritoine, à l'exemple de Hunter, des testicules, des utérus, des ovaires : les testitules subissent des modifications semblables à oelles qui. suivent la section du cordon des vaisseaux spermatiquos ; les utérus se développent énormément, gonflés par une formation très-àbondante de pus concret. Ayant introduit dans la cavité abdominale d'un rat toute la colonne vertébrale avec la base du crâne d'un rat nouveau-né, j'ai vu se développer un énorme kyste purulent, très-vasculaire, et dans les parois duquel j'ai retrouvé le squelette introduit, encore très-recon- naissable dans sa forme, et devenu au moins de la tailie d'un squelette de rat adulte; la base du crâne même avait de beaucoup dépassé les dimensions normales; enfin la cavité médullaire s'était complètement oblitérée. Pour terminer, je dirai que toutes les tentatives que j'ai faites pour greffer dans le péritoine des embryons et même des œufs de mam- mifères, sont restées sans résultat; ainsi est-il encore advenu de la greffe sous-cutanée de mâchoires de rats nouveau-nés dont j'espérais voir grandir les incisives à peine sorties. Revenant maintenant à notre greffe-type, queue de rat sous peau de rat, nous devons nous demander ce qu'il advient non-seulement de l'organe tout entier, mais de chacun des éléments anatomiques qui le constituent. Disons d'abord que, selon des circonstances dont nous par- lerons tout à l'heure, les résultats d'une tentative de greffe peuvent être de trois sortes ; ou la partie introduite n'est pas supportée, et il y a inflammation, suppuration, puis élimination : ou la greffe réussit, et cette partie continue à vivre et à se développer; ou enfin, après être restée sous la peau sans exciter de réaction, après s'être en apparence parfaitement greffée, cette partie, un mois ou même plus après l'opéra- tion, commence à diminuer de dimensions et se résorbe lentement jus- qu'à disparaître tout.à fait. 175 Quant aux éléments anatomiques, ceux que nous avons examinés se sont conduits ainsi qu'il suit, dans le cas bien entendu de la greffe par- faitement réussie : les uns continuent à vivre et à jouir de toutes leurs propriétés vitales, tels sont les éléments osseux, cartilagineux, tendi- neux, lamineux; d'autres disparaissent peu à peu, comme la fibre mus- culaire qui perd ses stries et se réduit à son enveloppe; la fibre ner- veuse, enfin, présente les phénomènes successifs de dégénérescence et de réintégration qu'ont si bien décrits MM. Philipeau et Vulpian. Je dois dire encore que les greffes de moelle épinière ne m'ont pas jusqu'à présent réussi, et que je ne puis savoir comment se comportent sous ce rapport la cellule et la fibre des centres nerveux. Ces recherches mi- crographiques devront être répétées et étendues au plus grand nombre possible d'éléments anatomiques. Il sera, en outre, fort intéressant de suivre la marche des transformations que subissent les éléments anato- miques dans les cas de résorption lente dont j'ai dit un mot tout à l'heure. Il y a dans l'existence de toute partie greffée trois stades bien dis- tincts ; pendant le premier, elle est séparée du corps auquel elle appar- tenait, et soumise à l'action des milieux extérieurs ; pendant le second, elle est à l'abri de ces milieux, et baignée immédiatement par le plasma épanché autour d'elle; le troisième marque son admission définitive dans le nouvel organisme, dont les vaisseaux sanguins se mettent en communication directe avec les siens propres. Je ne puis dire encore exactement à quel moment se fait cet abouchement vasculaire ; il est probable . que o'est alors seulement que les éléments anatomiques peuvent manifester leurs propriétés de développement et de pullula- tion. Je ne pouvais manquer d'étudier l'influence que les circonstances extérieures à la partie destinée à la greffe exercent sur le résultat de l'opération. Ces circonstances peuvent avoir trait au premier et au se- cond des stades ci-dessus indiqués; pour le premier, on peut faire varier les milieux extérieurs dans leur nature, la durée de leur action, etc.; pour le second, changer l'espèce de l'animal sur lequel doit être trans- portée la greffe, ou encore prendre un animal atteint de maladie, etc., en un mot, changer les milieux intérieurs. Sous ce dernier rapport, mes expériences sont encore peu nombreuses ; je puis seulement dire que la possibilité de greffer sur un animal une partie provenant d'un animal d'autre espèce ne paraît pas pouvoir per- sister quand l'intervalle zoologique est un peu grand ; au delà des li- mites du genre, j'ai jusqu'à aujourd'hui toujours obtenu résorption ou élimination après inflammation suppurative quelquefois très-violente. Mais ces expériences ont besoin d'être variées et multipliées. 176 J'arrive aux milieux extérieurs; ici encore les résultats que je puis enregistrer sont en petit nombre, mais non dépourvus d'intérêt. Des queues de rat écorchées, et renfermées dans des tubes bouchés remplis d'un air saturé d'humidité, ont été greffées avec succès après quarante-huit heures de séparation, la température oscillant très-peu autour de 11°; mais après soixante-treize heures (température 15 à 18° il y a eu élimination. L'eau tue plus vite les éléments anatomiques; la greffe a pu réussir après un séjour de neuf heures à la température de 18°; mais après seize heures (température 14 à 17") il y a eu suppuration éliminatrice. J'ai noté la température, parce que cet élément a une grande influence sur le résultat; je me suis assuré que les propriétés vitales élémentaires se conservent beaucoup plus longtemps quand elle ne s'élevait que de quelques degrés au-dessus de zéro. M. Ollier avait déjà constaté ce fait. Quant à l'action des températures extrêmes, j'ai vu. se greffer des queues de rat qui étaient restées trois heures dans la glace fondante, ou même plongées dans un mélange réfrigérant où le thermomètre a mar- qué — 7° et — 12". En ayant immergé une pendant douze minutes dans de l'eau qui passa pendant ce temps de 50" à 40", elle a subi la résor- ption dont j'ai parlé plus^haut, et cela si lentement qu'aujourd'hui, après deux mois et demi, ses dimensions sont à peine réduites do moitié. Le dessèchement par l'exposition pendant 24 minutes dans le vide et en présence de l'acide sulfurique ne m'a pas semblé jusqu'à présent tuer les éléments anatomiques; ils m'ont même paru résister, une fois desséchés, à la température de l'étuve de Gay-Lussac, prolongée pen- dant dix heures. Si la résorption ne s'empare pas plus tard de ces gref- fes en apparence réussies, on aura là chez les animaux supérieurs un phénomène semblable à celui que présentent les tardigrades, certains rotifères, etc.; et ces expériences fourniront une nouvelle preuve de cette vérité que les propriétés élémentaires sont les mêmes dans toute la série animale, et qu'il n'y a au point de vue physiologique, entre les êtres, que des diversités d'harmonie et d'équilibration, et non des dif- férences essentielles. Des queues de rat écorchées, placées dans des tubes bouchés et ren- versés sur le mercure, résistent parfaitement à l'exposition pendant onze heures à 18", dans les gaz oxygène, hydrogène, azote, acide car- bonique, oxyde de carbone. J'ai même eu une greffe après quarante- trois heures de séjour dans l'oxygène (15°) ; mais après cinquante heures (17°) il y a eu élimination partielle et résorption : de même pour l'acide carbonique; j'aurai cependant à revoir comparativement l'action de ces deux derniers gaz. Le contact de la vapeur d'iode iode au fond d'un tube bouché, queue suspendue) n'a pas empêché la greffe, quoiqu'il y ait eu élimination partielle- La greffe a encore été possible après l'immersion pendant quatre heures dans l'eau saturée d'acide carbonique; l'acide sulfurique au mil- lième (séjour de deux heures, puis trois heures dans eau pure à 20°), la glycérine, l'alcool, l'urée au cinquantième, les chlorures de sodium et de potassium à la dose de six centièmes, l'eau phéniquée au centième à peu près (mêmes conditions que pour l'acide sulfurique), n'ont pas tué davantage la greffe. J'ai eu résorption lente à la suite d'exposition pendant trois heures dans la vapeur d'éther, deux heures dans la vapeur de benzine, quarante minutes dans l'ammoniaque gazeuse (lavage à l'eau pure pendant quatre heures), onze heures dans les vapeurs d'acide phénique (sans lavage) ; puis à la suite d'immersion pendant trois heures (3vec bain consécutif de deux heures dans l'eau pure) dans acide chromique au millième, acide phosphorique au cinq-centième, acide sulfurique au centième, potasse et soude au cinquantième, carbonate de soude, carbonate de potasse et chlorure d'ammonium à 6 p. 100, glycérine au tiers, etc., résorptions qui se sont opérées avec une rapidité variable et des circon - stances particulières sur lesquelles j'insisterai dans une autre occasion. Enfin, j'ai vu l'inflammation suppurative éliminer très-vite des queues de rat qui avaient, toujours dans les mêmes conditions de durée et de lavage, séjourné dans l'acide phosphorique, l'acide acétique et l'eau broraée au centième, etc.. Ces expériences ont besoin d'être répétées, multipliées^ variées, celles surtout qui ont donné pour résultat la résorption ou l'élimination. J'aurai notamment à mieux étudier les limites extrêmes de température que peuvent supporter les éléments anatomiques des animaux supé- rieurs, à- comparer l'action de divers acides, déjà expérimentés par rap- port aux cils vibratiles, aux spermatozoïdes, etc.. à rechercher lin-, fluence de certains poisons, etc., etc.. Les constatations diverses que j'aurai occasion de faire seront consignées dans des notes ulténeures. III. — Pathologie. De la variole et de la syphilis chez un enfant nouveao-né. Communication de M. le docteur G. Bargioni. Dans la Gazette médicale du 24 septembre est consignée l'observa- tion de syphilis congénitale communiquée par M. Ranvier à la Société de biologie. Je rapporte ici une observation analogue que j'ai recueillie en 1862 à l'hôpital de Santa-Maria Nuova de Florence, et que j'ai publiée C. R 12 17.8 au mois de juillet 1864 clans lo Sperimentate (1 . M. Ranvier ayant dit que cette observation n'avait pas d'analogues dans la science, je crois être utile en donnant connaissance de l'observation ci-jointe. Cette observation présente un double intérêt scientifique, car on y voit réunis sur le môme sujet les deux principes de la variole et de la syphilis, dont l'enfant avait été atteint dans le sein même de la mère. L'enfant Thamar F..., reçu avec sa mère dans la clinique obstétricale le 5 décembre 1861, était né le 19 novembre de la même année. Au moment de la naissance, le médecin constata sur les fesses quatre pus- tules qu'il diagnostiqua pustules varioliques. et ce diagnostic fut con- firmé par MM. les professeurs de l'Ecole de Florence. Quelques jours après apparut sur tout le corps de l'enfant, et principalement aux extré- mités et à la partie externe des fesses, une éruption en grande partie pustuleuse, en partie constituée par une forme mi-vésiculeuse, mi-bul- leuse, on pourrait dire une éruption pempliigoïde. On découvrit, en effet, à la plante des pieds des débris de petites croûtes minces, indices certains d'une éruption antérieure de pemphigus. L'existence d'autres symptômes syphilitiques corroborait cette manière de voir (coryza, pla- ques muqueuses aux lèvres, onyxis au pouce de la main droite, physio- nomie sénile). L'enfant étant mort le vingt-deuxième jour de sa nais- sance, l'autopsie offrit les altération* suivantes : 1° un amas de matière jaunâtre, grumeuse, semblable à celle qui constitue d'ordinaire les gommes syphilitiques, entre la dure-mère et l'os frontal; le microscope démontre dans cette matière des granulations graisseuses, des globules purulents en voie de formation, et dans le voisinage de la dure-mère des corpuscules du tissu conjonctif; 2° dans le parenchyme pulmonaire des petits dépôts d'une matière jaune grisâtre endurcie, et d'autres qui étaient ramollis, et dans lesquels la matière diffluente était composée de globules purulents ; 3" une collection de pus dans l'articulation hu- méro-cubitale droite, avec érosion des cartilages; 4" dans les points de connexion des épiphyses aux diaphyses de la plus grande partie des os longs, des dépôts d'une matière grumeuse de couleur jaunâtre ( par la présence de cette matière on pouvait facilement détacher une portion de l'os de Vautre). Cette matière se trouvait aussi infiltrée dans la sub- stance osseuse elle-même, et mêlée dans quelques articulations à des petits débris d'os nécrosé surtout au niveau de l'extrémité inférieure du fémur gauche, où l'on trouva en outre un séquestre du volume tfunpelit pois. Au microscope on reconnut que cette matière était prin- cipalement composée de globules purulents en voie de formation, de granulations graisseuses, et de quelques Oiobules fusiformes à noyau. Le (i)Voy. lo Sperimentate, Luglio, 1863. 179 foie, un peu plus volumineux que d'ordinaire, n'offrait rien d'anormal ; le thymus était sain. Ce qui précède démontre, ce me semble, l'analogie de ce fait avec celui de M. Ranvier. Notons toutefois que M. Fœrster (de Wurzbourg) vient de publier un mémoire sur la syphilis congénitale : dans les 36 cas observés par lui, il n'est jamais question, parmi les altérations ana- tomo-pathologiques, de déposition gomnieuse dans le système osseux. COMPTE RENDU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE PENDANT LE MOIS DE DÉCEMBRE 1864; Par M. le Docteur DUMONTPALLIER , secrétaire. PRESIDENCE DE M. RATER. I. — Anatomie botanique. Sur l'existence de véritables fibres corticales dans le corps ligneux de quelques végétaux : par M. Chatin. Le beau travail de M. Decaisne sur le gui commun (Viscum album) a établi que dans cette espèce parasite les fibres corticales, loin d'être confinées dans le parenchyme cortical comme dans la généralité des plantes, constituent des faisceaux additionnels situés vers la pointe in- terne des faisceaux ligneux entre eux et la moelle. J'ai montré (Anatomie comparée des végétaux) que l'observation de M. Decaisne s'applique à l'ensemble du nombreux genre Viscum, à l'ex- clusion du Viscum oxicedri, qui doit former, par Tanatomie aussi bien que par la morphologie, le nouveau genre Arcenthobium. Les feuilles elles-mêmes du Viscum contiennent, d'après mes observations, dès pa- quets de fibres corticales dont la disposition rappelle celle existant 182 dans la tige. Mes recherches établirent en outre que dans plusieurs Vis- cum (V. luberculalum, V. aptiytlum, V. articulalum, etc.), des fibres corticales sont entremêlées aux éléments du corps ligneux. Or ce dernier état anormal, la présence de fibres corticales dans l'é- paisseur même des faisceaux ligneux, je viens de le constater, à ma très- grande surprise, dans quelques légumineuses, notamment dans les gen- res Ulex et Medicago. Dans ces plantes, où existent d'ailleurs des faisceaux corticaux normalement placés en dehors des faisceaux ligneux, les fibres corticales supplémentaires forment le plus souvent des amas diversement placés au milieu ou sur les bords des masses de tissu li- gneux. Des fibres corticales font d'ailleurs partie ici, comme dans le Viscum, du squelette fibrô-vasculaire des feuilles. II.— Anatomie et physiologie végétales. Du SYSTÈME LATICIFÈRE ; DE LA STRUCTURE DES FEUILLES CARPELLAIRES ET DE LA RESPIRATION DES FRUITS DANS LA FAMILLE DES CRUCIFÈRES; par M. Eue Fournier. J'ai déjà entretenu la Société, au printemps dernier, de la structure du fruit des Crucifères. Dans cette première communication, je me suis principalement occupé de la texture de la cloison, et j'ai montré que cet organe contient des cellules, et souvent aussi des fibres, dont les rapports et les caractères histologiques peuvent servir à caractériser les genres et quelquefois les espèces. Je continuerai aujourd'hui l'exa- men du fruit des Crucifères, en y joignant quelques remarques sur l'a- nalogie que présente la texture du fruit dans quelques autres families. Les remarques que j'ai à présenter aujourd'hui à la Société portent sur trois points principaux. Je traiterai de la présence d'un système laticifère dans ces fruits, de la structure des feuilles carpellaires, et de la respiration interne des fruits. 1° Système laticifère. — On observe dans la cloison de toutes les Crucifères, sur ses bords et près du placenta, des cellules rameuses, contenant souvent un liquide jaunâtre, qui réfracte fortement la lumière. Ces cellules sont fort irrégulières, souvent mal accusées, et quand on les observe à la maturité complète, paraissent être seulement des ves- tiges d'une formation qui a du être plus développée et plus important» quand le fruit était plus jeune, et que les cellules de la cloison renfer- maient encore de la chlorophylle. Ce système me parait devoir être étudié avec plus d'intérêt chez certains Sisymbrium à cloison très- épaisse, se rapprochant beaucoup du genre Malcolmia, et pour lesquels, dans un travail monographique actuellement en cours de publication 183 je propose de créer la section Malcolmiastrum. La cloison de ces plantes se compose d'une lame cellulaire antérieure et d'une autre pos- térieure, toutes deux formées de cellules allongées transversalement et dont les parois sont épaissies à la maturité. Entre les deux se trouve une membrane formée de fibres allongées, étroitement juxtaposées, et reliés entre elles par des ponctuations. Ces fibres n'occupent pas tout l'espace qui s'étend d'un placenta à l'autre entre les deux lames cellu- laires de la cloison. Il reste de chaque côté de la membrane, entre chacun de ses bords et le placenta voisin, un espace libre où se déve- loppe la formation que je regarde comme une formation laticifère. Chez le Sisymbrium rigidum Bieb., on voit partir des bords de cette membrane des branches horizontales, qui s'anastomosent entre elles à plein canal et pour ainsi dire par inosculation, bien que provenant de fibres différentes, et se dirigent vers le placenta. La communication qui s'établit entre les fibres longitudinales et les branches horizontales, de même qu'entre ces branches elles-mêmes, provient probablement de la destruction de cloisons qui séparaient primitivement les éléments de ce système. On observe dans le Sisymbrium persicum, sur le côté d'un fascicule médian de fibres très-épaissies dans leur intérieur, une fibre un peu rameuse de calibre beaucoup plus large et à paroi plus mince que les autres, qui émet perpendiculairement à sa direction des bran- ches très-fines, munies à leur sommet d'une ponctuation qui les met en communication avec un système de cellules rameuses analogues à celles du S. rigidum, mais en différant, parce qu'elles sont de temps à autre interrompues dans leur lumière par des cloisons perforées. Dans le S. binerve, l'ensemble du système que je viens de décrire ressemble plus encore à celui du S. rigidum, parce que les parois des fibres lon- gitudinales et des cellules transversales rameuses sont épaissies; mais il existe encore des parois munies de ponctuations, et peut-être perforées à leur niveau qui séparent les cellules et les fibres. Je crois, jusqu'à plus complet examen, que le mode de formation des branches horizontales d« la cloison du 5. rigidum peut être soupçonné. S'il a lieu tel que je viens de l'indiquer, il est bien difficile de ne pas voir dans ces branches et leurs communications un système laticifère; ces faits tendraient à fortifier l'opinion qui a été d'abord émise par M. Unger et que partage actuellement M. Trécul, d'après laquelle les laticifères procèdent de la réunion de séries cellulaires, concordent avec la destruction des cloi- sons qui en séparaient les éléments. 2* De la structure des feuilles carpellaires. — On compare très-gé- néralement le carpelle à la feuille proprement dite. Cette assimilation, très-ingénieuse au point de vue philosophique, ne se soutient pas com- plètement au point de vue anatomique. La feuille, en effet, se compose 184 d'un parenchyme, revêtu de chaque côté d'un épiderrae, et parcourue par des faisceaux fibro-vasculaires isolés. Le péricarpe est bien autre- ment compliqué, et se distingue surtout de la feuille par l'existence de membranes fibreuses diversement disposées. Il est vrai que l'existence de ces* membranes n'est pas constante. Ainsi, dans les carpelles des Delptiiniwn on n'en trouve aucune trace» tandis qu'il en existe au moins deux, dont les fibres se croisent dans le mésocarpe des Nigella. Il en existe d'après M. Jochmann [De structura Umbeltiferarum, 1855) dans la lamelle qui ferme lés loges de la pomme, et je n'en ai pas-trouvé dans la poire. Il n'y en a pas de trace dans le Reseda ; dans les Cappari- dées les fibres allongées dont elles se composent ordinairement, accom- pagnent les vaisseaux dans les valves du fruit, sans former une mem- brane spéciale. Dans les Crucifères, cette membrane est constante. Elle est placée dans chaque valve en dedans du parenchyme, et elle est im- médiatement recouverte par l'épiderme interne du fruit. Souvent il existe dans ces fruits deux ou trois membranes analogues, et alors la direction de leurs fibres s'entre-croise; s'il n'en existe qu'une seule, elle est toujours longitudinale. La direction de ces fibres peut quelque^ fois expliquer la déchirure et l'enroulement des valves du fruit. Dans les Crucifères la déchirure a toujours lieu dans le sens longitudinal, c'est-à-dire que les valves commencent par se séparer de l'axe au som- ' met ou à la base du fruit, et parfois elles s'enroulent dans le sens lon- gitudinal (Cardamine). Dans les Légumineuses de nos pays, la déhis- cence (Pisum, Lathyrus, Vicia, Phaseotus) a lieu d'abord latéralement, et chaque valve se roule sur elle-même d'un côté à l'autre. Or il existe dans leur intérieur. Dans les Ombellifères, ces fibres forment également des plexus divers des fibres transversales. Dans l'intérieur du péricarpe, d'après M. Jochmann; M. de Mohl a également parlé de ces fibres {Bot. teit., 1863, n° 36). Pour ne pas être taxé d'ignorance, nous devons ajouter qu'il existe des feuilles pourvues de fibres longitudinales analogues à celles que nous venons de signaler dans le péricarpe de plusieurs familles de plantes. Nous pouvons citer à cet égard les Conifères et les Gnétacées. (Voyez Hartig, Naturgeschichte der forstiichen Culturpflanzen Deut- schlands, taf. 18, f. 15 et 16; Link, Elementa philosophiee botanicx, ed* ait. 1837, I, p. 471; Thomas, Zur verg lekhenden Anatomie der Coni- feren-Laubblxtter, in Pringslieins Jafirbuecher, 1864, t IV, l'e partie, p. 43 ; J. Hooker, On Welwitschia, a new genus of Gnetacese, in Transac- tions of the Linnean Society, vol. XXIV, part. I, 1863.) Mais la diffé- rence essentielle entre la texture des carpelles et celle de ces feuilles gît en ce que dans celles-.ci les fibres allongées sont regardées par les auteurs comme de nature libérienne, à cause de l'existence d'une. 185 couche de rénovation dans l'intérieur de ces feuilles, tandis que dans le péricarpe ces fibres, placées en dedans des vaisseaux ponctués et des vaisseaux spiro-annulaires, sont de nature ligneuse. 3° Respiration intente des fruits.— On sait qu'en général les fruits, pendant leur développement, sont ouverts à la partie supérieure. C'est un état qui se conserve jusqu'à la maturité dans ceux des Résédacées. 0»je regarde comme un fait intéressant la présence des stomates sur la face interne des parois ovariennes des Reseda; ce fait physiologique est en rapport avec la pénétration de l'air dans la cavité ovarienne. Dans d'autres fruits, l'existence des mêmes faits prouvera que la cavité ovarienne communiquait avec l'atmosphère dans le jeune âge de la plante. M. Schleiden {Grundzuege der Botanik, 4e éd., p. 491) dit qu'il existe des stomates dans l'intérieur de l'ovaire des Passiflores, et à la face interne des valves des Crucifères. J'en ai observé aussi sur la cloi- son du Sisymbriwn persicum et de plusieurs autres espèces du même genre. Je dois rappeler à cet égard ce que j'ai exposé dans ma com- munication précédente, c'est que la cloison des Crucifères renferme, dans le jeune âge, de la chlorophylle, qui en disparaît par les progrès du développement. J'ajouterai que le style de ces plantes est creux, -et que la coupe de cet organe, faite à la maturité, montre un vide dans son intérieur. L'ovaire des Crucifères se trouve évidemment accomplir des fonctions respiratoires pendant un temps plus ou moins long. 111. — Anatomie et physiologie du système nerveux. Remarques sur l'opinion émise par MM. Jacubowitsch et Rouoanowsky RELATIVEMENT A l' ACTION DE CERTAINS POISONS SUR LES ÉLÉMENTS ANATO- MIQUES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL; par M. A. VuLPIAN. M. Jacubowitsch, dans le mémoire qu'il présentait à l'Académie des sciences en 1857 (31 août), disait que « dans tous les cas où il avait « essayé de tuer subitement par les narcotiques (acide prussique, nico- « Une, conine, etc.), les animaux destinés à ses études, les prépara- « tions du cerveau et de la moelle épinière devenaient tout à fait inu- « tiles pour ses recherches histologiques, parce que les éléments nerveux « et 'cellulaires se trouvaient entièrement détruits; les membranes en « étaient déchirées, les cylindres d'axe séparés des cellules et mis en « pièces, et le contenu des cellules était racorni et diminué... Ces ob- « servations, ajoutait-il. donnent l'unique explication saisissable de l'ac- « tion mortelle et soudaine des narcotiques en général et des alcaloïdes o en particulier. » Je cherchai alors à contrôler les assertions de M. Ja- cubowitsch, et je ne pus arriver à constater nettement ce qu'il avait vu. Je trouvai que chez des animaux empoisonnés par la strychnine, la ni- 4- 186 cotine, le curare, les celiules de la moelle épinière fie différaient sous aucun rapport des cellules provenant d'animaux morts d'une autre façon. De plus, je faisais ressortir la difficulté que l'on éprouverait à expliquer comment des animaux ainsi empoisonnés pouvaient revenir à la vie dans certains cas, si de pareilles lésions existaient en réalité. Dans une de nos dernières séances, M. Roudànowsky a entretenu la Société des résultats de ses investigations sur la structure du système nerveux et nous a montré de remarquables préparations. Il est arrivé aussi de son côté à des résultats analogues à ceux qu'avait cru obtenir M. Jacubowitsch relativement à l'action de certains poisons sur le sys- tème nerveux central. « Quelques-uns de ces poisons, dit-il, les plus « énergiques, comme la strychnine et la nicotine, altèrent les cellules u nerveuses et leurs embranchements... Les altérations, après la nico- « tine, étaient indiquées par la forte pigmentation et la destruction des « cellules nerveuses avec leurs prolongements seulement dans la moelle « épinière où commencent les nerfs vagues et hypoglosses. Dans ce cas, « les cellules nerveuses et leurs prolongements sont devenus brun foncé « et ont pris un aspect de désorganisation... De ce que nous venons de « dire, on peut conclure qu'il suffit d'une goutte d'un énergique poison « pour tuer un grand animal, non parce qu'il altère chimiquement la « métamorphose de tout l'organisme, mais parce que ce poison détruit « les petits organes, comme les cellules nerveuses, qui sont l'origine « des nerfs des principaux organes de la vie. » (Comptes rendus de C Académie des scier.ces, 12 décembre 1864.) Cette fois encore j'ai voulu voir si je pourrais constater les mêmes faits que M. Roudànowsky. J'ai empoisonné des animaux (surmulots) avec de la nicotine et j'ai cherché, mais en vain, des lésions bien mani- festes des éléments du bulbe rachidien et de la moelle épinière. J'a examiné ces organes, soit immédiatement, soit en employant à peu près le procédé de M. Roudànowsky, c'est-à-dire en faisant de minces coupes après avoir fait congeler le bulbe et la moelle à une température de 18 degrés centigrades au-dessous de zéro (mélange réfrigérant de glace et de sel marin). Pourtant j'ai bien vu sur les préparations de M. Rou- dànowsky la pigmentation indiquée par cet anatomiste, mais je n'ai pu la retrouver de mon côté. Je suis disposé à penser que le pigment exis- tait chez les animaux observés par M. Roudànowsky avant qu'ils fussent soumis à l'action des substances toxiques. Il faut le remarquer en effet, les notions que nous possédons sur le développement du pigment ne nous permettent guère d'admettre qu'il puisse se former en quelques instants, ou même en une ou deux heures; et cependant il en serait ainsi dans les faits en question. Quant à la destruction des cellules nerveuses et de leurs prolonge- . 187 ments, je rappelle d'abord que je ne l'ai pas observée. Et puis, l'argu- ment que j'employais contre l'opinion de M. Jacubowitsch conserve ici toute sa force. La nicotine peut amener chez les animaux supérieurs la mort apparente pendant quelques instants après lesquels la vie renaîtra d'elle-même complètement. D'autre part, cette substance toxique agit sur les batraciens comme sur les mammifères, et certes il serait difficile d'admettre que ses effets fussent dus chez les uns à une autre cause que chez les autres. Or la nicotine paraît tuer les grenouilles ; mais le plus souvent ne détermine qu'une léthargie semblable à celle qui se manifeste sous l'influence du curare, et les animaux empoisonnés sor- tent de cette léthargie au bout de vingt-quatre ou de quarante-huit heures pour recouvrer la plénitude de leur vie et de leur activité. Ce que nous di- sonslà de la nicotine, nous pouvons le répéterde lastrychnine. On observe la même léthargie et le même retour à la vie chez les batraciens. Chez les mammifères, la mort parla strychnine offre aussi ce caractère qu'elle n'est qu'apparente au moins pendant quelques instants. Si la mort devient définitive, c'est que la respiration pulmonaire est suspendue et que ces animaux ne jouirsent pas, comme les batraciens, d'une respiration cu- tanée suffisante pour entretenir les battements du cœur. Mais si l'on pratique la respiration artificielle, le cœur continue à battre, et si la quantité de poison employée n'est pas trop forte, on pourra, en entre- tenant pendant un temps suffisant 1) la respiration artificielle, ramener l'animal à la vie. Tous les physiologistes ont vu des faits de ce genre. Comment comprendre de pareils résultats si les cellules nerveuses étaient réellement détruites? Nous ne pouvons pas concevoir une re- production rapide de ces éléments, et cependant, dans quelques cas, il faudrait que des cellules nouvelles eussent repris en moins d'une heure les fonctions de celles que l'on prétend détruites. Il nous est donc permis de ne pas admettre l'opinion de MM. Jacu- bowitsch et Roudnnowsky sur le mécanisme de l'action des poisons dont il s'agit. Nous croyons bien comme eux que ces substances produisent des modifications dans les éléments anatomiques du système nerveux central, mais pour nous, ces modifications sont relativement légères, en tout cas temporaires, et non pas profondes et presque irréparables, comme celles qu'ils décrivent. (1) Lorsqu'on est forcé de prolonger trop longtemps la respiration artificielle, pendant plusieurs heures, il y a un refroidissement considé- rable, il s'accumule une grande quantité de liquide dans les bronches et l'insufflation pulmonaire ne peut plus oxygéner le sang. 188 IV. — Physiologie expérimentale. Note relative a l'action du venin des batraciens venimeux sur les animaux qui le produisent par M. A. Vulpian. Ea 1856, j'ai publié dans les Mémoires de la Société de biologie une» note sur l'action comparée des venins du crapaud, du triton et de la salamandre terrestre (1). Dans cette note je rappelais une des conclu- sions que j'avais tirées de mes premières études sur le venin des cra- pauds (Soc. de biologie, Comptes rendus, 1854,"p. 133 et suiv.), à savoir que ce venin n'exerce aucune action toxique sur les crapauds. Les es- sais que je fis en 1856, en insinuant le venin de triton sous la peau des triions, ou le venin de la salamandre terrestre sous la peau de la sala- mandre terrestre, me donnèrent également des résultats négatifs, et je crus pouvoir conclure de ces diverses expériences que le venin des ba- traciens venimeux n'empoisonne pas l'animal qui le sécrète. Cette con- clusion était trop absolue* M. Cl. Bernard, qui fit des expériences nou- velles sur ces venins, reconnut que l'on peut empoisonner les crapauds avec leur propre venin, et je fus bientôt à môme de confirmer ce qu'a- vait vu M. Cl. Bernard. Je constatai aussi comme lui que le venin de crapaud calamité a une action plus énergique sur le crapaud commun que n'en a sur ce dernier animal son propre venin, et réciproquement. Il est certain en tout cas que la quantité de venin de crapaud commun nécessaire pour empoisonner un animal de cette espèce est, comme l'a constaté M. Bernard, considérablement plus grande que celle qui suffit à empoisonner une grenouille. J'ajoute qu'il faut aussi une proportion bien plus forte de ce venin pour tuer un crapaud que pour tuer un tri- ton. Il est probable que dans mes premières expériences, j'avais eu en- tre les mains des crapauds dont le venin était relativement peu actif, et c'est pour cela que je n'avais pas réussi à empoisonner les crapauds sur lesquels j'avais fait mes essais. Il faut donc modifier complètement la conclusion à laquelle j'étais arrivé, et au lieu de dire que le venin de crapaud n'empoisonne pas les crapauds, il faut dire qu'il ne les empoi- sonne qu'à fortes doses. L'effet est d'ailleurs le même que sur les autres batraciens, et comme l'a indiqué M. Bernard, il arrête aussi- les mouve- ments du cœur des crapauds. Lors de mes premières expériences, je n'avais eu à ma. disposition qu'une seule salamandre terrestre, et la seule tentative que j'avais faite m'avait donné lieu de penser que le venin de cet animal n'agit point (1) Étude physiologique des venins du crapaud, du triton et de la. salamandre terrestre. (Mémoires de la Société de biologie, 1856, p. 125 et suiv.) 189 sur lui. Dans ces derniers temps, j'ai pu répéter mes essais. J'ai re- connu que le venin de la salamandre terrestre produit chez les animaux de cette espèce des phénomènes d'intoxication semblables à ceux qu'il détermine chez les grenouilles. Seulement il faut une plus grande quantité de venin, et l'effet est bien plus lent à se manifester. 11 n'est quelquefois appréciable qu'au bout de vingt-quatre ou même de qua- rante-huit heures, tandis que les premiers signes d'intoxication se mon- trent une heure ou deux heures après l'introduction du venin sous la peau chez les grenouilles, chez les crapauds et chez les tritons. Il rap- pelle que les phénomènes provoqués par ce venin diffèrent beaucoup de ceux que Ton observe chez les animaux empoisonnés par le venin du crapaud ou par celui du triton, animal qui se rapproche tant de la salamandre terrestre. Tandis que l'effet le plus saillant dans ce dernier cas est l'arrêt des mouvements du cœur et l'abolition ultérieure de la contractilité des divers muscles, le venin de la salamandre terrestre produit un état convulsif très-remarquable, que j'ai décrit ailleurs et qui avait déjà été signalé par MM. Gratiolet et Cloez, et il paraît n'avoir aucune influence sur le cœur. De plus, bien que plus violent en appa- rence, à cause de la forme des troubles qu'il suscite, il tue les animaux empoisonnés bien plus lentement que le venin du triton, et surtout que celui du crapaud (1). Enfin, je dirai de nouveau que tous les essais que j'ai faits jusqu'à (1) Le venin de la salamandre terrestre a une action très-énergique sur les mammifères. Je citerai comme exemple le fait suivant : On fait une plaie à la région dorsale sur un lapin encore très-jeune, et l'on introduit, à onze heures vingt minutes du matin, une quantité assez considérable de venin de salamandre terrestre (venin desséché depuis plus de quinze jours, délayé avec de l'eau). A onze heures et demie, le lapin, qui est dans un bocal, fait deux bonds subits. On le tire du bocal, on le meta terre. Il est chancelant, il tremble; ses membres postérieurs sont un peu écartés, mais il les met sous lui et se met à marcher à reculons pendant quelques instants. Il s'arrête alors, saute verticalement à une assez grande hauteur, retombe sur ses pattes, puis sur le flanc, et paraît avoir une certaine peine à trouver son équili- bre. Au bout de deux ou trois minutes, la difficulté de la marche de- vient très-grande; il relève la tête en arrière, agite tantôt un membre postérieur, tantôt, l'autre, tombe, se relève, retombe. Il y a une irrégu- larité des mouvements vraiment comparable à celle que produisent les plaies du cervelet. A onze heures quarante minutes, il pousse un petit cri suivi d'une convulsion tétanique des membres antérieurs qui sont étendus etroides, tandis que les membres postérieurs sont agités de se- 190 présent pour • empoisonner les tritons ou salamandres aquatiques avec leur propre venin ont donné des résultats négatifs. Ce venin qui a, comme celui du crapaud, la propriété d'arrêter les mouvements du cœur, alors que l'animal paraît encore plein de vie, produit assez faci- lement cet effet lorsqu'il est insinué sous la peau d'un crapaud, et il pa- raît au contraire ne pas agir sur les tritons eux-mêmes, .le ne veux pas être aussi affirmatif que lors de mes premières recherches. L'analogie, malgré l'insuccès de mes tentatives, me porte à croire que, soit en em- ployant une plus grande quantité de venin, soit en usant d'un venin plus actif que celui dont j'ai pu disposer, on parviendrait à empoison- ner les tritons avec leur propre venin. Toujours est-il que, même si cette présomption se réalisait, il faudrait encore établir comme, un fait bien réel que le venin de triton a une action bien plus puissante sur les grenouilles (1) et sur les autres batraciens venimeux que sur les tritons eux-mêmes. En résumé, chaque espèce de batraciens venimeux n'est pas d'une façon absolue en sûreté contre son propre venin, comme me l'avaient fait pens~er mes premières expériences; elle n'a qu'une grande résis- tance à l'action de ce venin. Ce fait est surtout frappant lorsqu'il s'agit de deux batraciens dont le venin a une action analogue, par exemple le crapaud et le triton. Le venin du triton n'abolit les mouvements du cœur du triton qu'avec la plus grande difficulté, si même il y réussit, et au contraire le venin du crapaud arrête assez rapidement et coro- cousses convulsives. A partir de ce moment, il ne . se relève plus. Se- cousses convulsives des membres à chaque instant ; cris plaintifs, fré quents et assez faibles; grincement de dents. La langue est mordue de temps en temps, et la bouche se remplit d'écume sanguinolente. Il y a évidemment une asphyxie progressive par cette écume. Mort à onze heures cinquante-cinq minutes.' Sauf la présence de l'écurne sanguino- lente dans les bronches, on ne trouve aucune lésion des divers organes. Rien à noter dans l'encéphale qui a été examiné avec soin. Les effets du venin de la salamandre terrestre sur les oiseaux et les mammifères ont été étudiés par MM. Gratiolet et Cloez. [Comptes ren- dus de VAcad. des sciences, 21 avril 1851 et 11 mai 1852.), (1) Les grenouilles possèdent elles-mêmes une petite quantité de ve- nin dans leurs follicules cutanés, si l'on en juge par l'irritation des con- jonctives ou de la pituitaire déterminée quelquefois parles gouttelettes imperceptibles qui jaillissent de ces glandes lorsque l'on coupe la peau de ces animaux. M. Brown-Séquard signalait l'existence d une humeur toxique chez les grenouilles dans une des séances où je rendais compte de mes premières expériences sur les crapauds et les tritons. iyi plétement ces mouvements chez le triton. Réciproquement le venin du crapaud n'abolit les mouvements cardiaques chez les animaux de ce genre que lorsqu'il est très-actif ou lorsqu'il est insinué sous la peau en grande quantité, tandis que le venin du triton suspend les mouve- ments du cœur chez le crapaud presque aussi facilement que chez la grenouille. Les conclusions de mes premières recherches étant ainsi modifiées, les effets du venin des batraciens venimeux cessent de présenter le ca- ractère exceptionnel qu'ils offraient sous ce rapport, car on sait main- tenant que le venin de la plupart des animaux venimeux, sinon de tous, peut agir d'une façon plus ou moins énergique sur les animaux qui le produisent. Y. — Pathologie. Contributions a l'histoire de la péricardite tuberculeuse ; par M. Proust» chef de clinique. On a pu observer dernièrement à l'hôpital de la Charité, dans le ser- vice de M. le professeur Natalis Guillot, dont je suis le chef de clinique, un malade qui a succombé à une péricardite chronique. Le diagnostic de cette affection a donné lieu à des considérations cliniques importantes qui me paraissent devoir être relatées ici. Voici l'histoire du malade et les réflexions que ce cas intéressant a suggérées. Le 10 novembre 1364, est entré au n° 11 de la salle Saint-Charles le nommé Roque, âgé de 25 ans, exerçant le métier de couvreur, et de- meurant rue de Paris, n° 100. Ce jeune homme, qui paraît d'une assez bonne constitution, n'a jamais fait jusqu'alors de maladie sérieuse. Au 15 août dernier, il s'est re- froidi en chemin de fer, a tremblé un peu, s'est couché le lendemain, n'est resté au lit que vingt-quatre heures, et a pu reprendre le surlen- demain ses occupations habituelles; toutefois cet homme prétend que depuis plusieurs mois il maigrissait; un mois environ avant son entrée à l'hôpital, ses jambes ont enflé : voilà les seuls renseignements qu'il donne; d'ailleurs à aucune époque il n'a eu de douleur à la région pré- cordiale; pas de dyspnée appréciable : jamais de battements de cœur; il éprouvait seulement un peu d'essoufflement depuis une quinzaine, lorsqu'il montait un escalier ou quand il faisait une course assez longue. L'hérédité interrogée n'apprend rien. Au moment de son entrée, le malade offre l'état suivant : œdème des membres inférieurs très-prononcé; les jambes et les cuisses mêmes sont énormément tuméfiées; la pression y est douloureuse, et la partie pressée conserve l'empreinte du doigt; le scrotum et la verge sont éga- 192 lement œdématiés (il faut sonder ce malade, le cathétérisme est assez laborieux) à cause de l'œdème du prépuce). Ascite légère; œdème peu marqué des parois abdominales. Pas d'infiltration séreuse de la face ni des autres points du corps. Les caractères de cet œdème, son début progressif par les membres inférieurs, indiquaient un examen particulier du cœur et de son enve- loppe. La région précordiale n'est le siège d'aucune voussure ; on y constate plutôt une dépression. La palpation et l'inspection laissent voir un peu au-dessous du mamelon un mouvement léger d'ondulation, mais on n'y sent aucune impulsion nette : la matité qui donne normalement la per- cussion dans cette région, a beaucoup augmenté ; mesurée diagonalc- ment de l'extrémité droite supérieure à l'extrémité gauche inférieure, elle est de 22 centimètres ; elle est également accrue de haut en bas. La forme de cette matité est celle d'un cône tronqué dont la base serait en haut. Dans toute cette étendue les battements du cœur sont sourds : ils sont plus nettement perçus à la base du cœur; ils offrent leur régu- larité normale, et dans aucun point on n'entend de bruit de souffle. — Le pouls est petit, un peu fréquent, il n'offre pas d'irrégularité bien marquée; lorsque cependant on a le doigt pendant un certain temps sur l'artère radiale, on sent une pulsation manquer, ou au moins être fort petite. — Les veines du cou sont tuméfiées; il n'y a pas de pouls veineux. Quelques râles muqueux sont perçus en arrière et des deux côtés , la respiration s'entend moins bien à gauche et en bas ; la poitrine dans ce point est déprimée et rétrécie, comme cela s'observe à la suite d'an- ciennes pleurésies. Rien à la partie antérieure de la poitrine. Toux assez fréquente. Expectoration muqueuse abondante. Foie augmenté de volume : 15 centimètres de haut en bas; la per- cussion est douloureuse. Légère teinte subictérique. Rien du côté de l'appareil digestif ni du système, nerveux. Les urines, plusieurs fois examinées, n'offrent aucune altération. Cet état se prolongea pendant plusieurs jours sans modification bien sensible : il y avait de l'insomnie et l'appétit commença à diminuer. On fit appliquer plusieurs fois des ventouses scarifiées sur la région pré- cordiale, des ventouses sèches sur la partie postérieure de la poitrine et des drastiques furent administrés tous les deux ou trois jours. La dyspnée allait comme l'œdème toujours en progressant; le cathé- térisme devenait d'une difficulté extrême. Les phénomènes morbides allèrent toujours en augmentant; l'oppression s'accrut encore par la complication d'un épanchement dans la plèvre droite (matité, souffle doux, égophonie à la base et en arrière) ; enfin après plusieurs attaques 193 de dyspnée d'une horrible intensité, le malade succomba le 1" décembre, à une heure du matin. L'autopsie eut lieu le 3 décembre, à huit heures du matin. A l'ouverture de la poitrine on constate que le péricarde est énormé- ment distendu : il se présente sous la forme d'une immense poche fluc- tuante, s'étendant du bord latéral droit du sternum jusqu'à l'extrémité gauche de la cage thoracique. Cet épanchement refoule le diaphragme et le poumon gauche qui est comprimé, et dont le volume a très-sensi- blement diminué. — Aucun liquide dans la plèvre gauche ; la plèvre droite, au contraire, est le siège d'un épanchement considérable, le li- quide qu'elle renferme est séreux, et offre une coloration légèrement rougeâtre. Le liquide contenu dans le péricarde offre les mêmes caractères. Aucune fausse membrane ne nage dans ce liquide. Il est extrêmement abondant, et une expérience bien simple m'a permis d'en mesurer la quantité précise. Une incision assez petite faite au péricarde permit l'écoulement de tout le liquide pathologique; une fois l'évacuation faite, je remplis de nouveau la cavité du péricarde à l'aide d'eau contenue dans une éprou- vette graduée. Par ce procédé je trouvai une capacité de 15ài, 600 gram- mes. Pour contenir une aussi grande quantité de liquide le péricarde était énormément distendu, et cette dilatation était telle que lorsque le liquide fut évacué l'organe présentait encore les dimensions suivantes, le cœur, étant bien entendu, contenu dans l'intérieur de la poche : En avant tcansversalement. ... 26 centimètres. — de haut en bas. .... 28 — Une des causes qui empochaient l'organe de revenir sur lui-même était l'énorme épaississement du feuillet pariétal. Dans certains points ce feuillet mesurait 9 millimètres (c'était l'épaisseur minima) et dans d'au- tres on avait jusqu'à 12 millimètres; la surface externe n'offrait aucune particularité digne d'être signalée, mais il n'en était pas de même de l'interne. Elle offrait suivant les points où on l'examinait deux aspects bien différents. Presque partout elle était inégale et paraissait revêtue de fausses membranes récentes à saillies rugueuses comme villeuses, et que le grattage même léger enlevait facilement. L'autre aspect plus rare était le suivant : Sur une surface d'un rouge uniforme plus régulier, plus égale, on constatait des granulations arron- dies de la grosseur d'une lentille, d'un blanc jaunâtre, assez dures. Cet aspect qui s'observait en plusieurs endroits ressemblait assez à la sur- face interne d'une aorte athéromateuse. De ces diverses granulations blanc jaunâtre, les unes étaient plus dures, d'autres plus molles, les c. R. 13 194 unes plus blanches les autres plus jaunes; leur volume était inégal, et elles semblaient être les âges divers d'un produit morbide obéissant à une »ême évolution. La surface interne du feuillet viscéral était tout à fait villeuse et iné- gale; les fausses membranes qui le recouvraient offraient des saillies de i à 2 centimètres; c'étaient de véritables valves, de couleur jau- nâtre, de consistance assez grande, appliquées inégalement Tune sur l'autre; cet aspect tout à fait remarquable était surtout prononcé à la partie postérieure. Le cœur tapissé par ces fausses membranes donnait les dimensions suivantes : Circonférence de la base 28 centimètres. De haut en bas en avant 15 — — en arrière. ... 11 — La paroi antérieure du ventricule gauche incisée mesurait 31 milli- mètres; mais la coupe de cette surface de section offrait un aspect dif- férent suivant le point où on l'amenait. La partie interne mesurant 15 millimètres, correspondait aux fibres charnues du cœur qui n'offraient à l'œil nu d'autre altération qu'une teinte un peu pâle, et une consistance un peu molle. Le reste de cette surface de section mesurant 16 millimètres, offrait en allant de l'intérieur vers l'extérieur une partie d'un blanc jaunâtre, assez dure; puis une partie rosée offrant une assez grande similitude avec les fibres muscu- laires; enfin la dernière partie la plus externe était constituée par les fausses membranes villeuses, irrégulières, et de consistance moindre que celle des parties que je viens de décrire. La coupe de la paroi antérieure du ventricule droit mesurait ^milli- mètres, mais sur ces 15 millimètres 12 étaient constitués par de fausses membranes, et les 3 millimètres internes étaient seuls composés par des fibres musculaires. La cavité du ventricule gauche ne renfermait au- cun caillot ; le cœur droit seul contenait quelques filaments fibrineux. Le poumon droit, revêtu de fausses membranes, était petit, revenu sur lui-même. Le volume du poumon gauche était également diminué: mais il n'offrait à la surface aucune pseudo-membrane. Tous deux lais- saient voir et permettaient de sentir, disséminés sur toute la surface externe, de petites granulations grises, de consistance cartilagineuse. En incisant les deux poumons on constatait à leur intérieur les mêmes granulations qui s'observaient dans toute l'étendue aussi bien au som- met qu'à la base. Mais dans aucune des granulations on ne constatait ni ramollissement, ni points jaunâtres ; au sommet des deux poumons toutefois où il y avait trois tubercules crétacés. Foie congestionné. Reins offrant la même altération. 195 Le cerveau et la moelle n'ont pas été examinés. L'ensemble des phénemènes généraux observés chez le garçon, la marche progressive et ascendante de l'œdème, les caractères de la dyspnée, dirigeaient facilement l'attention vers une affection du cœur ou de ses enveloppes. Mais lorsqu'il s'agissait de faire un diagnostic plus précis, de localiser davantage la lésion, de nombreuses difficultés se présentaient, et la présence de signes contradictoires rendait toute con- clusion douteuse. Trois opinions en effet pouvaient être soutenues, et chacune d'elles avait en sa faveur des raisons presque également plausibles. On pouvait avoir affaire à une maladie organique du cœur avec hypertrophie et hy- dropéricarde consécutifs, ou bien il s'agissait simplement d'un épanche- ment dans le péricarde, ou bien enfin le malade succombait à une pé- ricardite avec adhérences. La matité considérable observée à la région cardiaque, l'absence de choc, les bruits extrêmement sourds et perçus seulement avec netteté à la base, plaidaient en faveur d'un épanchement dans le péricarde ; mais un épanchement assez considérable pour donner lieu à une matité aussi étendue ne devait-il pas produire une certaine voussure? et chez notre malade au lieu de voussure on observait une dépressien. Cette dépression faisait songer à des adhérences résultant d'une ancienne péricardite : aussi le diagnostic de péricardite avec adhérence fut-il également discuté ; mais dans cette hypothèse ou aurait dû entendre un bruit de souffle, et dans aucun point un bruit anormal n'était perçu ; en outre, la matité était bien étendue pour une péricardite avec adhé- rence. Enfin à aucune époque le malade n'avait souffert de rhumatisme. Comme chacune des deux hypothèses précédentes n'était pas complète- ment satisfaisante, on songea aussi à une affection organiqne du cœur avec hypertrophie et hydropéricarde consécutifs. L'affection organique du cœur est plus fréquente d'une manière générale que la péricardite avec ou sans épanchement. De plus, l'absence des battements et le ca- ractère profond des bruits pouvaient s'expliquer, si l'on admettait cette opinion, par un certain degré d'épanchement dans le péricarde; mais alors cette hydropéricarde eût été secondaire, comme l'épanchement pleural. Comme l'ascite l'hypertrophie et l'hydropéricarde secondaires rendaient bien compte de la matité. On pouvait cependant objecter à ce diagnostic la rareté des affections cardiaques à un âge aussi peu avancé, le malade n'ayant que 25 ans ; enfin la maladie avait eu une marche bien rapide. Des trois hypothèses successivement émises l'autopsie donna raison à l'idée d'épanchement péricardique. Il n'y avait aucune adhérence et les orifices du cœur étaient parfaitement intacts. Cet épanchement con- 196 Sidérable (plus d'un litre et demi de liquide) expliquait l'étendue de la matité, l'absence des bruits à la pointe, les phénomènes généraux; un seul symptôme faisait défaut, et son absence contrastait avec la quan- tité énorme du liquide; il n'y avait eu aucune voussure à la région pré- cordiale. C'était là une anomalie importante, et c'était sur l'absence de ce symptôme que l'idée d'épanchement avait été écartée pendant la vie. L'examen attentif de la position de la tumeur, de ses rapports avec les parties voisines, ne m'eût pas permis de trouver la raison de l'absence de la voussure. Le péricarde distendu, au lieu de faire saillir la région précordiale, s'était porté en bas et au dehors, et avait refoulé le dia- phragme et le poumon gauche qui était très-comprimé. Pourquoi cette disposition? Je constate le fait, mais j'en ignore la raison. Cette péricardite chronique s'était développée lentement et ne s'était accompagnée, ni au début ni à une période plus avancée, de douleurs, d'anxiété, ni de gêne à la région précordiale, M. le professeur Bouillaud a depuis longtemps insisté (1) sur le début insidieux d'un grand nombre de péricardiles dont le diagnostic ne peut être porté que par l'existence de signes physiques. Or chez notre malade cet examen local du cœur donnait des résultats très-insuffisants; à aucune époque le doigt ne per- çut aucun frottement et Toreille n'entendit aucun bruit de froissement. Le défaut de ces divers signes rendait, on le voit, un diagnostic précis extrêmement difficile. J'ai déjà dit que l'absence de voussure contrastait avec la quantité énorme du liquide renfermé dans le péricarde, mais cette abondance du liquide aurait-elle dû faire songer à une ponction du péricarde (2), dans le cas même où l'on eût été certain de l'existence de l'épanchement? Je ne le crois pas si en effet on ne trouveras de contre-indication dans les qualités du liquide, il n'en est plus de même du caractère des fausses membranes qui tapissaient la cavité péricardique, et l'épaisseur énorme du feuillet pariétal (plus d'un centimètre dans certains points) rendait impossible toute idée de curation. Même après une opération faite sans accident, jamais ce feuillet si épais, si énormément distendu n'aurait pu revenir assez sur lui-même pour s'appliquer d'une façon convenable sur le feuillet viscéral. Ce dernier présentait aussi des altérations fort graves et l'examen des parois des deux ventricules y faisait constater (1) Bouillaud, Traité clinique des maladies du cœur (1841). (2} Riolan, Enchiridion anat., lib. III. Lugduni Batavorum (1643); Van Swieten, Commentaires sur Boerhaave; Senac (Traité de la struc- ture du cœur et de ses maladies), Paris, 1749; Trousseau, Clinique de l'Hôtel-Dieu, 1864; Aran, cité par Trousseau. 197 des lésions assez avancées pour mettre la vie de ce malade en danger et rendre ains! inutile la guérison des altérations péricardiques, si cette guérison même eût été possible. Je laisse de côté en-ce moment la difficulté et les périls de l'opération. Après l'exposé de ces considérations cliniques et thérapeutiques, et avant d'aborder l'étude de la nature de la péricardite, il est certain? points d'anatomie pathologique sur lesquels il est, je crois, utile d'in- sister. J'ai déjà suffisamment signalé la quantité énorme de l'épanche- ment, et il suffit de consulter les bulletins des Sociétés anatomique et de biologie, les divers recueils, pourvoir combien cette quantité dfilkniWo dans le péricarde est rare et exceptionnelle (1). Pinaud (2) a trouvé deux litres d'un liquide sanguin ; Gosselin (3) si- gnale également un épanchement péricardique de un kilogramme ; Tardieu (4), 750 grammes; Macquet(5), un litre de liquide ; Broca 800 grammes de sang dans le péricarde; Barth (6) un litre et demi de liquide sanguinolent (7). Souvent la quantité de liquide n'est pas si- gnalée, et la péricardite n'est constituée que par des fausses membranes ou quelques adhérences. Je ne reviendrai donc pas sur ce point, et je désire appeler mainte- nant l'attention sur la composition des fausses membranes péricardites et la transformation des fibres musculaires du cœur. (1) Voyez à ce sujet : Bulletin de la Société anatomique. Thierry, p. 209, année 1828. — Ripault, p. 63, 1833. — Fleury, p. 163, 1838. - Lenepveu p. 306, 1838. — Bourdon, p. 74. 1840. —Bourdon, p. 107, 1840. — Renauldin, p. 170, 1840. — Lambron, p. 268, 1840. — Castel- nau, p. 274, 1842. — Bailly, p. 31 4, 1 842. — Demoncy. p, ^ 04, 1843. — Lunier, p. 201, 1847. — Mailliet, p. 54, 1848, — Caudmont, p. 362, 1848. — Notta,p. 190, 1848. — Lucien Corvisart, p. 306, 1848. - Barth, p. 353, 1848. — Hérard, p. 86, 1850. - Hérard, p. 43, 1850. — Barth, p. 116, 1850. - Bouneau, p. 39, 1851. — Barth, p. 68, 1851. — Du- foux, p. 84, 1851. — Maihgault, p. 348, 1852. —Goupil, p. 248, 1853. — Axenfeld, p. 361, 1853. — Duchaussoy, p, 242, 1854. — Berlin, p. 214, 1857. - Baudot, p. 135, 1860. (2) Bull, Soc. anal., p. 47, année 1826. (3) Bull. Soc. anat., p. 175, année 1838. (4) Bull. Soc. anat., p. 292, année 1844. (5) Bull. Soc. anat., p. 248, année 1849. (6) Bull. Soc. anat., p. 146, année 1853. (7) Comparez : Grisolle, Traité de pathologie interne, p. 427, hui- tième édition, 1 volume ; Frank, Louis cités par Grisolle ; Béhier et Hardy, Traité de pathologie interne, p. 932, 2e édition, 2 volumes. 198 Ces produits pseudo-membraneux se présentaient, comme je l'ai déjà dit, sous la forme d'un énorme dépôt gris jaunâtre, grossièrement lo- menteux. L'aspect extérieur de ces saillies villeuses et mamelonnées y faisait supposer qu'une quantité énorme de graisse devait entrer dans leur composition, e» malgré cela ce dépôt qui était constitué par une substance élastique jaunâtre, était dépourvue de graisse; elle se com- posait presque entièrement de fibrine, affectant sous le microscope la forme fibrillaire ; on n'y voyait en aucun point de traces d'organisation. Un morceau de cette masse fibrineuse lavé dans l'éther, n'abandonnait pas dégraisse; ce lavage ne détachait de la masse qu'une faible quan- tité de granulations amorphes et des cristaux en aiguilles insolubles dans l'eau. Quant à la composition histologique du tissu cardiaque, il affectait les dispositions suivantes : les fibres musculaires des colonnes charnues laissaient apercevoir facilement sous le microscope les striations longi- tudinales et transversales sans modification manifeste. On remarquait cependant une fragilité exceptionnelle des fibres primitives qui se frag- mentaient facilement pendant les préparations. La fibre prise dans le milieu des parois du cœur offrait la môme particularité sans présenter de traces de transformation graisseuse. Elle ne différait de celle des co- lonnes que par une moins grande quantité de fibres lamineuses. La couche musculaire voisine du péricarde qui était manifestement jaunâtre à l'œil nu, était remarquable sous le microscope par un com- mencement d'atrophie de la fibre primitive dont la largeur avait diminué d'un tiers environ. En môme temps on observait une infiltration grais- seuse constituée par des granulations et des gouttelettes solubles dans l'éther. La striation dans les deux sens tendait à s'effacer, et Ton trou- vait çà et là des fibres entièrement granuleuses. J'aurais maintenant à donner la structure histologique des granula- tions d'apparence tuberculeuse trouvées dans la surface interne du feuillet pariétal; mais cette description trouvera mieux sa place tout à l'heure, lorsque je traiterai de la nature de la péricardite, cette ques- tion va maintenant m'occuper. Nous avions sous les yeux les lésions d'une péricardite; mais quelle était la nature de cette péricardite? Etait-ce une inflammation chro- nique ayant succédé à un état aigu dont la cause probable eût été le refroidissement éprouvé par le malade au milieu du mois d'août; on s'arrêtait d'abord à cette interprétation ; mais en examinant avec soin la face interne du feuillet pariétal, on était frappé de l'apparence tuber- culeuse des granulations assez nombreuses qui s'y trouvaient. Ces gra- nulations rappelaient la disposition tuberculeuse de l'infiltration obser- vée sur les membranes. 199 Lorsque je présentai la pièce à la Société de biologie, l'apparence de ces granulations fut signalée par M. le docteur Gubler qui insista sur cette origine tuberculeuse possible, et dit avoir observé plusieurs faits de cette nature. L'examen microscopique pouvait seul en dernier ressort trancher la difficulté. Or voici ce que cet examen apprit : ces granulations étaient composées des mêmes éléments qui caractérisent histologiquemént la granulation grise, c'est-à-dire un semi9 granuleux très-confluent, des corpuscules irréguliers et des cytoblastions bien conformés, le tout ac- compagné de cellules allongées semblables aux éléments fibro-plastiques. Aucune trace de graisse. Les granulations, discrètement disséminées dans les deux poumons, offraient la même composition histologique; j'ai fait l'examen microscopique avec mon excellent ami, le docteur Chalvet, et mon distingué collègue le docteur Bail est arrivé de son côté au même résultat. Si, à la nature histologique tuberculeuse des granulations pul- monaires et péricardiques se joint ce fait que j'ai trouvé au sommet des deux poumons quelques tubercules crétacés, je crois que la dénomina- tion de péricardite tuberculeuse pourra paraître légitime. Mais cette diathèse tuberculeuse ne s'était révélée chez notre malade que par un commencement d'amaigrissement. Toutefois, nous ne sommes pas arrivé au dernier terme du problème. Deux cas, en effet, peuvent encore se présenter : ou bien nous avons eu affaire à une localisation de la tuberculisation sur le péricarde, comme sur les plèvres et les poumons; ou bien notre malade a eu sou9 l'in- flueooe d'un refroidissement une péricardite qui a débuté vers lç mi- lieu du mois d'août ; cette péricardite n'a pas guéri, et grâce à des lésions persistantes, la diathèse tuberculeuse s'est éveillée et a manifesté sur le péricarde une de ses localisations par le dépôt des granulations dé- crites. La quantité énorme de l'épanchement et l'intensité des lésions inflammatoires plaident en faveur de cette manière de voir; et dans le cas de péricardite tuberculeuse que renferme la science, on n'a constaté le plus ordinairement que des adhérences, et quand l'épanchement a été observé, ce qui a été rare, il ne parait pas avoir été considérable ; je dis il parait, car les divers auteurs sont peu explicites sur ce point; mais de leur silence même, je conclus à une quantité de liquide peu considérable; car s'ils eussent vu ua litre et demi de liquide dans le pé- ricarde, cela les eût frappés, et ils n'auraient pas manqué de le con- stater. M. Leudet, qui a insisté sur ces péricardites secondaires (1), dit simplement : « La forme pseudo-membraneuse avec épanchement était (t) Arch. gén. de méd., cinquième série, t. XX. Des péricardites se- condaires, p. 11. 200 aussi fréquente que la forme sèche dans la phthisie pulmonaire. Les fausses membranes sans liquide c Uniquement appréciable étaient quel- quefois très-nombreuses, mais plus souvent elles se bornaient à quel- ques fausses membranes, molles, jaunâtres.» Quatre ans avant ce tra- vail, en 1858, mon savant ami, le docteur Jaccoud (i), dans un historique très-complet sur cette question, à propos d'une observation de tuber- culisation généralisée, présenté à la Société anatomique, n'a noté également que des adhérences, des fausses membranes et point de li- quide. Quoi qu'il en soit de cette interprétation, la péricardite tuberculeuse avec ou sans épanchement est rare, et M. Jaccoud, dans le travail cité, n'a pu réunir que 7 observations; ce sont les suivantes : « En 1735, Guillaume Agricola décrit une adhérence presque com- plète après une inflammation delà poitrine (Commerc. litt.,anno\Tih, hebd. 8); il fait observer que le cœur était étonnamment augmenté, ainsi que la capacité de ses ventricules, de ses oreillettes et de la veine cave; il ajoute enfin que les poumons étaient remplis de tubercules. Sénac, dans son Traité sur la structure du cœur (1749), consacre un article spécial à l'adhérence du péricarde, cite un cas où Cheselden rencontra une adhérence chez un phthisique. Corvisart (Essai sur les maladies du cœur, 1818, 3e édit.), cite un cas où les granulations du péricarde sont signalées, il se rattache peut-être à la péricardite tubor- culeuse, ainsi que Laënnecle pense (Auscult., p. 372), mais il est bien difficile de le décider en raison de l'absence de détails. L'illustre auteur dn Traité d'auscultation signale pour la première fois d'une manière nette la possibilité des péricardites tuberculeuses : « Une éruption tu- berculeuse, dit-il, peut quelquefois se développer dans la fausse mem- brane, et faire passer la péricardite aiguë à l'état chronique, comme cela arrive fréquemment dans les fausses membranes pleurétiques et périto- néales. J'en ai vu deux exemples et il en existe un troisième, autant qu'on en peut juger, malgré la brièveté de la description dans l'ouvrage de Corvisart. M. Louis, dans la 2e édition do ses Recherches sur la phthisie, cite un fait dans lequel il trouve des granulations grises, demi- transparentes, sous la membrane séreuse du péricarde ; il ajoute qu'elles avaient été probablement la cause excitante de la péricardite. Rilliet et Barthez (Maladies des enfants, t. III, p. 77) ont vu. deux fois le péri- carde tapissé de fausses membranes tuberculeuses formant des plaques analogues à celles de la plèvre; le cœur avait son volume normal. Ils citent à ce sujet une observation du docteur Fauvel qui montre des tu- (1) Bulletin de la Société anatomique, 1858, p. 306. 201 berculeuses développées dans le tissu sous-séreux viscéral ; elles avaient pénétré peu à peu entre les fibres charnues, quelques-unes d'entre elles étaient sur le point de perforer l'endocarde. Une hypertrophie du cœur en avait été la conséquence. » Dans aucun de ces faits, l'examen microscopique n'a été pratiqué : il n'en est plus de même dans celui de Jaccoud où cet examen a été fait par Luton et Luys, et a confirmé la nature tuberculeuse des granula- tions. Dans ce cas, le péricarde est soudé à la plèvre. Le feuillet fibreux et le feuillet séreux pariétal sont hypertrophiés et très-adhérents. La cavité a entièrement disparu; à sa place est une substance d'aspect fibreux, rougeâtre, parsemée de granulations très-fines, de nature tu- berculeuse, adhérente au feuillet pariétal et au feuillet viscéral qu'elle unit intimement. Il semble au premier abord, que les fibres du cœur sont hypertrophiées seules, et que le péricarde est réduit au feuillet ex- térieur signalé plus haut. Mais par une dissection attentive, on parvient à isoler les feuillets les uns des autres et de la substance déposée dans leur cavité. Cette substance présente à la base du cœur un maximum d'épaisseur qui a environ 9 à 10 millimètres (1). Cette description anatomo-pathologique méritait cette mention,- parce que c'est le premier cas où l'examen microscopique ne laisse aucun doute sur la nature des granulations. Dans les huit faits dont je viens de donner un court expose, il ne s'agit que d'adhérences de péricarde; dans le cas de Leudet il y a deux sé- ries : la première renferme les adhérences qui étaient au nombre de 1 4 sur 1,003 autopsies; et sur ces 14 cas d'adhérence, l'adhérence était générale 7 fois; la deuxième série renferme les cas où il a observé des produits phlegmasiques récents; ces cas, qui étaient au nombre de 8, sont ceux dont nous pourrions rapprocher notre observation, mais l'ab- sence de détails ne nous permet pas d'établir les ressemblances et les différences. Bamberger (2) a rencontré 11 fois la péricardite chez les phthisiques, et Guersburg (3) dit que la péricardite est assez souvent un des accidents terminaux de laphthisie pulmonaire. A ces divers exemples de péricardite tuberculeuse, je puis ajouter en- core quatre autres faits, dont deux toutefois sont d'une interprétation contestable et ne pourraient bien être que des cas de péricardite chez des tuberculeux. Le premier a été présenté à la Société anatomique en 1832 par Le- (1) Jaccoud, loco cit., p. 308. (2) Citation empruntée à Leudet, toc cit., p. 9. (3) Citation empruntée à Leudet, loc. cit., p. 10. 202 noir (1); malgré la concision de la description, on voit qu'il s'agissait bien d'une péricardite tuberculeuse. Le second est de Camille Gros (2) ; il y avait une adhérence complète du péricarde et l'on y observait des granulations tuberculeuses. Les deux autres sont de Macquet (3) et de Millard (4). Macquet en faisant l'autopsie d'un tuberculeux trouva un litre de liquide dans le péricarde; il y avait de fausses membranes tuberculeuses sur la plèvre, mais il ne signale aucune granulation sur le péricarde. Enfin, dans le fait de Millard, il y avait une péricardite hémorrhagique, et l'on consta- tait quelques granulations. Quoique ces exemples de péricardite tuberculeuse soient assez nom- breux, le fait dont je viens de donner l'observation ne me parait pas offrir moins d'intérêt : il présente certaines particularités sur lesquelles il était bon d'insister, et c'est ce qui ma décidé à le publier. Mais est-il possible d'établir des points de ressemblance et de diffé- rence entre le malade que j'ai observé et les divers faits que je viens d'examiner ; et peut-on, par la comparaison de ces divers cas, essayer de tracer l'histoire de la péricardite tuberculeuse? Je ne le crois pas. La plupart des auteurs ont donné des relations trop succinctes; un certain nombre ne s'est nullement occupé du rapport qui a dû exister entre les symptômes et les lésions; quelques-uns même, méconnaissant complè- tement l'étude clinique, ne se sont attachés qu'à une description anato- mique incomplète, où la caractéristique histologique est tout à fait lettre- morte. De cet ensemble incohérent, on ne pourrait tirer aucune conclusion précise, je préfère donc m'abstenir. L'insuffisance des matériaux et le caractère incomplet des descriptions ne m'ayant pas permis de tenter l'esquisse de la péricardite tuberculeuse; j'ai voulu seulement faire connaître un fait qui, réuni à d'autres, aidera à constituer cette histoire. Cette observation de péricardite, en laissant même de côte toute ques- tion dénature, a donné lieu à des considérations cliniques dont la va- leur n'aura pas échappé. (i) Bull. Soc. anat., p. 51, 1832. (2) Bull. soc. anat., p. 7, 1859. (3) Idem, p. 248, 1849. (4) idem, p. 255, 1856. FIN DES COMPTES RENDUS DES SÉANCES. MÉMOIRES LUS r -r A LA SOCIETE DE BIOLOGIE PENDANT L'ANNÉE 1864. Mémoire &LR LES GOlKCfftEftCÈS îWTHOLOGtOtïËS m RHUMATISME ARTICULAIRE CHROMIQOE LS A 1.4 fcocu.ii: Pal1 SI, V. CfOSfcftlls* î.iViîirt àt $ UôpiJjtii, ttembre (te h govlétd de l'Kîlogfc, fit. L'œuvre capitale de la pulliologie e?t du rauptuc-tet'* de réunit les affections qui, par leur coïncidence fréquente, par leurs rapports de succession, montrent manifestement quelles appartiennent à une même famille pathologique, à une même dyscrasic. Tous les méde- cins sont d'accord sur la haute importance de semblables rapproche- ments qui ont constitué l'histoire aujourd'hui si bien conflue de ta syphilis et de la scrofule- Mais n Ion est d'accord sur l'utilité* du but à atteindre, la difficulté commence avec tes moyens qu'il faut em- ployer pour y parvenir. Il ne s-uffit pas en effet de présenter quelques observations plus ou moins- concluantes \ il faut avant tout résister à l'entraînement qui porte à généraliser les faits- isolés qui owt le plus frappé, l'esprit. C'est avec des résultats de statistique exprimés rigou- reusement par des chiffres qu'il faut se présenter à ses lecteurs, si Tonne veut pas agir seulement sur leur imagination. Or la sfatisPî- que doit, pour être définitive, porter sur un nombre considérable de faits, et notre seule ambition, en publiant le petit nombredeceus que nous avons observés, est de lui apporter un tribut utile. 4 L'histoire du rhumatisme chronique a été parfaitement faite dans les thèses soutenues par MM. Charcot (en mars 1853), Trastour (en no- vembre 1853), Vidal (1854), Plaisance (1) (1858). Nous avons nous-même recueilli les matériaux qui servent de base à ce mémoire à l'hospice de la Salpêtrière où le rhumatisme chroni- que entre pour 1/15 ou 1/20 dans les admissions d'infirmes. Notre relevé porte sur 64 observations, dont 9 suivies de nécropsie ; ce sont celles des malades reçues pendant l'année 1863 dans les salles d'infirmerie du service de M. Charcot, et en outre celles des infirmes admises dans les dortoirs des bâtiments Saint-Jacques et Saint-Charles. Ces dernières font partie de notes prises par MM. Charcot et Vulpiau sur toutes les malades, au nombre de 660, couchées dans ces dortoirs, notes qu'ils ont bien voulu mettre à ma disposition avec une obli- geance dont je ne saurais trop les remercier. Nous étudierons les maladies qui coïncident avec le rhumatisme chronique dans l'ordre suivant : 1° Maladies de la peau, des yeux et des ganglions lymphatiques; 2° Des organes de la circulation, de la respiration et de la diges- tion; 3° Des organes urinaires: 4° Du système nerveux; 5" Les complications ultimes, telles que la gangrène, les escarres et les abcès. T MALADIES HE LA PEAU. Nous avons interrogé presque toutes nos malades, les deux tiers environ, sur leurs antécédents du côté des téguments pour savoirsi elles avaient eu dans leur première enfance des gourmes , de l'eczéma du cuir chevelu, et plus tard dans la jeunesse, et l'agc mûr des affections cutanées. Nous ne trouvons l'eczéma du cuir chevelu pendant l'enfance que dans 5 observations : dans quatre de ces cinq cas, il a coexisté avec des glandes suppurées au cou et sous les mâchoires inférieures qui ont laissé leur trace indélébile et ca- ractéristique; dans ces quatre faits, l'eczéma et les glandes étaient manifestement sous l'influence de la scrofule. (1) La Thèse de M. Plaisance a été rédigée d'après les conseils et les notes de M. Charcot. 5 Quant aux maladies de peau persistantes chroniques, nous n'en avons trouvé que trois cas : deux cas à' acné rosacé de la face et un cas d'eczéma nummulaire qui répond très-bien à la description qu'en a donnée M. Bazin, et qu'il rapporte à l'arthritis. Voici l'observation de cette malade, qui a du reste séjourné quel- que temps dans le service de M. Bazin : RHUMATISME ARTICULAIRE SURAIGU ; ECZÉMA NUMMULAIRE. Obs. I. — Annebèque, âgée de 62 ans, a été admise à la Salpôtrière en mars 1862. Son père a été hémiplégique ; sa mère a eu, dit-elle, des douleurs et de la paralysie, mais la malade n'en a pas conservé un souvenir précis. Elle n'a eu pendant son enfance ni gourmes ni glandes au cou, n'a jamais eu de logement humide: Réglée depuis l'âge de 1 5 jusqu'à 52 ans, elle avait souvent pendant sa jeunesse des furoncles, surtout dans l'ais- selle. Elle a été toute sa vie sujette aux migraines siégeant d'un seul côté de la tête (hémicranie) et accompagnées de vomissements. Ces mi- graines reviennent encore maintenant toutes les trois semaines. Mariée à l'âge de 28 ans, elle a eu trois enfants. Il y a dix-huit ans, époque à laquelle notre malade est venue habiter Paris, elle a fait une longue maladie qui l'a retenue neuf mois à la Cha- rité, et qu'on a appelée pneumonie et fièvre inflammatoire. Quelque temps avant sa mésopause, elle a éprouvé au poignet, aux articulations métacarpo-phalangiennes et au genou du côté droit des douleurs qui l'obligeaient à rester au lit deux ou trois jours, se passaient pour revenir ensuite. Elle se rappelle bien avoir eu en même temps que ces douleurs du gonflement et de la rougeur à la peau au niveau des ar- ticulations. A l'âge de 52 ans, survient une tuméfaction douloureuse de la région inguinale et de l'œdème dé tout le membre inférieur du côté droit. La malade y éprouvait des douleurs très-vives, et en même temps les arti- culations des deux masses devinrent douloureuses, à droite plus qu'à gauche, où la douleur et la tuméfaction siégeaient surtout à l'articula- tion métacarpo-phalangienne du pouce. Pendant la convalescence de cette attaque de rhumatisme, qui a duré six mois, il lui vint sur la jambe droite une éruption eczémateuse, et ses cheveux tombèrent à la suite d'un eczéma nummulaire du cuir chevelu. Depuis un an l'eczéma a passé sur la jambe gauche. La malade prétend que lorsque ses jambes ne sont pas œdématiées, elle a de l'op- pression, et qu'elle entend des sifflements dans la poitrine. État actuel. Femme de forte constitution, à tempérament sanguin. G •I,es jointures de la main droite *ont noueuses el leurs mouvements sont bornés. Sur les deux jambes on observe des plaques arrppdjes nummu- htire-s d'eczéma à suiface rouge, généralement peu humides et recou- vertes de minces squammes; pas d'hémorrho\'des. Nous avons rapporté l'observation de cette malade, bien qu'elle lût lu seule de nos rhumatisantes qui présentât une maladie cutanée per- sistante. Ce qui nous y engage, c'est que, parlée antécédents et la constitution du sujet, aussi bien que par les symptômes de l'érup- tion, elle répond pleinement aux caractères assignés par M. Bazin aux arthritides. Mais n'oublions pas qu'elle est isolée ; que, d'un autre coté, un plus grand nombre de nos rhumatisantes étaieut scrofuleusos cm tpbercujcuscs, comme pous le verrons bientôt, et pour ces raisons, gardons-nous bien de conclure sans plus ample informé sur la na- ture de ces affections cutanées. Une affection cutanée, que nous retrouvons dans quatre de nos ob- servations, nous a paru mériter une mention toute spéciale en raison de ses récidives très- fréquentes chez ces mêmes maladies: c'est Véry- sipèle. Trois de nos malades, en effet, ont présenté cette forme d'éry- sipèle à répétition , et l'une d'elles en particulier avait eu pendant long- temps un érysipèle à la face tous les mois à l'époque de la menstrua- tion. On trouvera plus loin (Etard,obs. 5) la suite de Ihistoire d'une malade commencée dans la TA èse de M. Glinrcoi(i), laquelle nous offrira un exemple de cette complication en morne temps qu'une ma- ladie de Bright chronique.. 2° MALADIES DES VEUX. Nous trouvons des inflammations oculaires dans trois de nos ob- servations : dans celle d'Etard (obs. 5), chez nnQ malade qui a offert en même temps un eczéma de la tête et des glandes au cou, et dans la suivante : KiK'MATISME ARTICI LAIRE CHROMQl'E SURVENU PEU DE TEMPS APRES 1-' ACCOUCHEMENT J PLI-SIEURS OPHTHALMIES ; JRITIS. Obs. U.— H..., née le 13 novembre i8l2, entrée à la Saipétrière en juin 1847. Femme brune, colorée, dont le père ot la mèro, morts du choléra, n ont jamais eu de rhumatisme. Elle n'a jamais habité de logement hu- I; /.oc. cit.. p. 31. 7 mide. Elle vit à la campagne jusqu'à l'âge de 22 ans, époque où elle vient à Pans comme cuisinière. Elle n'a jamais eu de glandes au cou ni de maladie cutanée. Réglée pour la première fois à 22 ans, elle accou che à 30 ans à terme et sans accidents d'un enfant qui est actuellement bien portant. Elle se lève le lendemain de ses couches et travaille huit jours après. Six semaines après son accouchement débutent les pre- mières douleurs rhumatismales par le cou-de-pied droit et les articula- tions métacarpo-phalangiennes de la main gauche. Les douleurs se gé- néralisent rapidement et continuent pendant trois ans en augmentant tous les jours ; elle continue maintenant son état qu'elle interrompt de temps à autre pour se reposer. Enfin elle cesse de travailler et se fait admettre à la Salpêtrière, après être restée couchée complètement pendant quatre ou cinq mois à l'hôpital Necker. Depuis quatorze ans, les deux genoux sont dans la flexion permanente, et la malade ne peut se mouvoir. On l'assied sur une petite voiture pour la promener. Elle peut à peine se servir de ses mains et mange avec une fourchette à long manche. Les doigts sont dans l'extension et l'abduction. Elle a eu déjà à trois reprises différentes, dans les services de M. Barth et de M. Cusco à l'infirmerie de la Salpêtrière, des ophthàlmies, a été atteinte en outre de pneumonie en 1853. Elle entre à l'infirmerie, salle Saint-Jacques, n° 11, le 3 octobre 1863. Depuis huit jours elle a des douleurs névralgiques fixées surtout aux points sus-orbi taire, sous-orbitaire et mentionner du côté droit. Cette névralgie a précédé l'ophthalmie qui la fait en même temps souffrir. Les paupières de l'œil droit sont tuméfiées, la conjonctive palpébrale et bul- baire est rouge, injectée, et elle forme un chémosis œdémateux autour de la cornée, Celle-ci présente un léger trouble. L'iris est de coloration g*is£tre. On prescrit: Calomel, 10 centigrammes; collyre, avec 5 centigram- mes de nitrate d'argent. Le 13 octobre, l'inflammation oculaire a diminué sous l'influence de la salivation mercurieîle. La coloration grise de l'iris est toujours la même ; la pupille déformée est rétrécie du côté droit ; les vaisseaux for- ment autour de la cornée un cercle rouge sombre; les douleurs névral- giques ont cessé. On supprime le calomel. Le 27 octobre, l'inflammation oculaire est terminée ; l'injection vas- culaire a disparu. On met quelques gouttes de solution d'atropine dans lœilet l'on constate une déformation très-manifeste du bord papillaire qui offre une échancrure en un point de sa circonférence. Sortie le 29 octobre. Ainsi. H... a présenté quatre fois des ophthàlmies, dont la dernière était une iritis avec kérnto-conjonctivite, précédée et accompagnée de névralgie facjale. M. Charcot a vu dans sa clientèle un cas analogue, dans lequel son malade avait eu avant et après le début d'un rhu- matisme noueux, des maux d'yeux un grand nombre de fois. Ces ophthalmies à plusieurs reprises avaient alterné, très-manifestement, avec les affections articulaires. La dernière de ces ophthalmies, obser- vée par M. Charcot, était une iritis caractérisée par la photophobie, le larmoyement, l'irrégularité et la contraction de la pupille, la teinte opaline des milieux de l'œil et le cercle sclérotidien. Ces faits d'iritis dans le rhumatisme noueux doivent être rappro- chés de ceux que citent Scudamore (1) dans la goutte, Bennett (2) et Watson (3) dans le rhumatisme articulaire aigu, et Fuller (4) dans le rhumatisme noueux. 3° MALADIES DES ORGANES DE LA CIRCULATION. Sur nos neuf observations avec autopsie, nous avons trouvé qua- tre fois, presque dans la moitié des cas, une péricardite, deux fois aiguë et récente, deux fois ancienne et donnant lieu à des adhé- rences généralisées avec oblitération complète du péricarde dans un cas, partielle dans l'autre. Cette coïncidence de la péricardite, qui donne au rhumatisme chronique une ressemblance de plus avec le rhumatisme articulaire aigu, n'avait pas été observée dans les autopsies faites par MM. Char- cot, Trastour et Vidal, lors de leurs premières publications ; M. Charcot l'a rencontrée depuis ce temps plusieurs fois, etRomberg (Klinisclw Wahrnehmungen, t. I, p. 16, et t. II, p. 101) en a cité plusieurs ob- servations. Il est vrai que la péricardite pourrait appartenir au rhumatisme ar- ticulaire aigu qui, dans un petit nombre de cas, précède le rhumatisme chronique, ainsi que Romberg l'a signalé ; mais nous verrons par les deux observations suivantes que la péricardite était bien postérieure à l'invasion du rhumatisme noueux. La péricardite est incompara- blement plus rare dans cette dernière maladie ; nous ne pouvons tou- (1) On goût, etc., fourth édition. (Y) Clinical lectures, 2e édit-, 1858, p. 914. (3) On the principles and practice ofpliysic, t. I, p. 342. {ï} On gont, rheumatic goût, etc., 1856, p. 377. 9 tefois admettre qu'une coïncidence observée quatre fois sur neuFjoil simplement un de ces effets du hasard qui se jouent des observateurs dans certaines séries morbides. Pour juger la fréquence d* lapéri- cardite dans ces cas, c'est exclusivement à l'anatomie py.noiogique qu'on doit avoir recours, car on sait que dans l'état actuel de la scieuce il est le plus souvent impossible de diagnostiquer pendant ta vie une péricardite chronique ayant laissé des adiwences organisées entre les deux feuillets du péricarde. Voici nos deux observations de péricaruï*e aigué, développée dans les deux cas peu de temps avant la mort de* malades : RHUMATISME ARTICULAIRE CHRONIQUE DATANT ^l? QUATORZE ANS J OEDÈME ÉLÉPHAN- TIAQUE DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES; »R^ES DE LA JAMBE; PÉRICARDITE FIBRI- NEUSE RÉCENTE. Obs. III. — L..., âgée de 66 ans, entrée comme infirme à la Salpê- trière en juin 1854. Note prise far M. Charcot en 1862.— Le rhumatisme chronique pour lequel on l'a admise à l'hospice date de 1849; il a débuté après la mé- nopause par le cou-de-pied gauche. Mais déjà après avoir habité de l*âge de 35 à 38 ans dans une habitation humide, la malade avait éprouvé pendant plusieurs mois une douleur dans toute l'étendue du bras gau- che. La malade n'a jamais eu de maux d'yeux, ni de maladie cutanée, ni de glandes au cou, ni d'érysipèles; elle n'a jamais été sérieusement malade ; ses parents, père, mère, frères, n'ont jamais eu de rhuma- tismes. Presque toutes les jointures, bien qu'elles ne soient pas déviées ni très-déformées, sont noueuses; pas d'ankylose , si ce n'est peut- être aux genoux. Les deux coudes, les poignets, présentent un cer- tain degré de rigidité. Presque toutes les jointures ont été ou sont ac- tuellement encore douloureuses, sans rougeur. La marche est impossi- ble à cause d'un œdème éléphantiaque des membres inférieurs qui date presque du commencement de l'affection. La malade est presque constamment assise dans un fauteuil. On la couche et on la lève sans qu'elle puisse pour ainsi dire s'aider. Les moindres mouvements qui ébranlent la totalité du corps lui font pousser des cris. Elle mange dif- ficilement toute seule, bien que faisant usage d'une cuiller et d'un cou- teau à longs manches; mais elle est incapable de boire elle-même. Les bains de vapeur au lit et l'iodure de potassium dont elle fait en- core usage semblent avoir produit une légère amélioration. La malade entre à l'infirmerie, salle Saint- Alexandre, n° 17,1e 1" juin 1863. 10 ï peler uue névralgie réflexe. Si cette interprétation est juste, il est permis de prévoir que des troubles analogues déterminés par un sem- blable mécanisme seront reconnus dans d'autres régions du corps, d'où la nécessité de constituer une nouvelle classe de névralgies, méritant une place séparée, au même titre que les contractures ou les paralysies réflexes. La paralysie du sentiment, qui succède à cette névralgie réflexe, constitue un phénomène non moins digne d'attention. Il nous montre l'évolution parallèle des troubles fonctionnels dans les deux ordres de nerfs qui animent la face. Primitivement, l'irritation du nerf mo- teur s'accompagne de la névralgie du nerf sensitif; secondairement, l'obtusion de la sensibilité se joint à la paralysie motrice, comme si les deux parties de l'appareil restaient toujours étroitement solidaires. Signalons enfin une dernière particularité vraiment remarquable. Sous l'influence du défaut de sécrétion salivaire, c'est-à-dire en l'ab- sence du liquide alcalin normal, la bouche, du côté paralysé, demeure habituellement sèche, fortement acide, et se couvre de muguet, tandis que l'autre côté, lubrifié par la salive parotidienne, reste exempt ^oïdium. Ce fait pathologique vaut une vivisection ; il fournit la meil- leure preuve de l'influence exclusive des circonstances locales sur l'apparition de la mucédinée, et j'y trouve la plus éclatante confirma- tion des opinions émises en 1857, dans mes Études sur l'origine et les conditions de développement de la mucédinée du muguet (1). (1) Travail inséré parmi les mémoires dô l'Académie impériale de mé- decine. OBSERVATION POLYPE DE L'OREILLETTE DROITE ET CONSIDÉRATIONS SUR L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DE CETTE PRODUCTION MORBIDE ; MEMOIRE LU A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Par M. PROUST, Gkef de clinique à la Faculté de médecine de Paris. J'ai observé cette année, dans le service de clinique médicale de l'hôpital de la Charité, un malade qui a succombé avec un polype de l'oreillette droite. Les cas de production polypeuse développés dans les cavités car- diaques sont très-rares ; j'ai pu seulement en trouver dans les divers recueils cinq exemples, et encore l'interprétation de l'un d*eux est fort contestable. En outre, le* accidents que provoquent ces polypes sont d'une détermination difficile, et la nature même de ces tumeurs donne lieu à des considérations d'anatomie pathologique qui ne sont pas dénuées d'intérêt. Ces diverses raisous m'ont engagé à publier l'observation qui suit : Obs. — Le 16 juillet 1864, entre au n° lu de la salle Saint-Charles (hôpital de la Charité) le nommé Perrault (Jean-Victor) âgé de 58 ans, exerçant la profession d'ébéniste, né à Niort (Deux-Sèvres) et demeu- rant à Paris, eloître Saint-Honoré, n° 4. Cet homme était d'une assez bonne constitution, il présentait assez 52 d'embonpoint et n'offrait nullement l'état cachectique. Les symptômes qu'il accusait (dyspnée, essoufflement, battements de cœur, oppression), dirigeaient immédiatement l'attention vers l'appareil circulatoire, et surtout du côté de la région cardiaque. La pointe du cœur battait dans le septième espace intercostal, mais ne se détachait pas nettement ; le cœur était donc augmenté de volume; la percussion confirmait l'existence de cette hypertrophie déjà révélée par le déplacement de la pointe et montrait que cet organe avait trans- versalement de 12 à 13 centimètres. La palpation indiquait l'existence d'un frémissement vibratoire et d'irrégularités dans les battements du cœur. Ces irrégularités étaient rendues plus manifestes par l'ausculta- tion ; les bruits étaient intermittents et inégaux ; en outre, le premier bruit était recouvert d'un bruit de souffle assez doux dont le maxirauor. paraissait être à la pointe. Les caractères du pouls répondaient à ceux qu'accusaient les contractions cardiaques; il était petit, inégal, irrégu- lier, intermittent. Les veines jugulaires, notablement gonflées, étaient le siège du pouls veineux. Le malade, d'ailleurs, n'avait pas de fièvre pouls, 88 à 92). À ces troubles dans les contractions cardiaque, artérielle et veineuse, s'ajoutait aussi une gène de la circulation capillaire ; les lèvres étaient violacées ; les pommettes, dans certains points, ecchymotiques ; on con- statait un léger œdème des membres inférieurs, œdème que la station debout et la marche augmentaient; il n'y avait pas d'ascite; le foie n'était pas notablement augmenté de volume, mais on constatait du côté du cerveau des phénomènes importants; de temps à autre, disait le ma- lade, il était pris de vertige, il avait la tête lourde et était sur le point de perdre connaissance. Les poumons, examinés à leur partie antérieure, n'étaient le siège d'au- cun phénomène anormal; il en était de même en arrière et à gauche, mais à droite, une matité assez accusée à la base s'accompagnait d'une absence complète du murmure respiratoire ; pas d'égophonie; un peu de diminution du frémissement vocal. Les crachats ne présentaient rien de particulier, et jamais il n'y avait eu d'hémoptysie ; les autres appareils n'offraient rien de particulier; l'appétit était bon et les urines normales. La malaiiré s'était développée dans les circonstances suivantes : "Cet homme avait toujours eu une excellente santé jusqu'à il y a quatre mois : à cette époque il avait reçu sur le côté droit un coup assez violent, puis il y a deux mois, il avait remarqué qu'il s'essoufflait en marchant, que le soir les chevilles étaient un peu grosses; graduellement les phéno- mènes avaient marché; la dyspnée était plus intense, les étourdisse- ments s'étaient montrés et l'état était arrivé progressivement ce qu'il est aujourd'hui. Interrogé sur l'existence antérieure des rhumatismes, le 53 malade les niait, il n'avait jamais souffert des jointures. Le diagnostic que je portai fut celui-ci : affection organique du cœur; insuffisance de la valvule mi traie. Quant aux phénomènes que je constatai à la base de la poitrine du côté droit, je les attribuai à l'existence de fausses mem- branes, débris d'une ancienne pleurésie. La contusion éprouvée il y a quatre mois expliquait assez bien la production de ces fausses mem- branes, et la lésion pleurale ne me parut pas devoir être mise sur le compte de l'affection cardiaque. Quant au diagnostic de la maladie du cœur et de l'insuffisance mitrale, il donna lieu de ma part à plusieurs observations. Je remarquai : 1* l'absence de rhumatisme antérieur. 2° L'intégrité de la circulation pulmonaire contrastant avec la présence du pouls veineux ; il n'y avait en effet pas de traces de congestion et d'œdème pulmonaires; on ne pouvait donc pas accuser le cœur droit d'être dilaté secondairement et par stase du sang dans le poumon. Ce- pendant la rareté des affections du cœur droit et le degré peu avancé du pouls veineux me firent admettre une insuffisance mitrale. 3° Enfin, je notai le développement brusque, la marche rapide et continue de la maladie (l'œdème et la dyspnée avaient commencé seulement il y a deux mois). Prescription : Macération de quinquina ; vin de quinquina ; lavement purgatif pour combattre la constipation. Mardi 19 juillet. Aucun changement; la dyspnée a plutôt augmenté. Mercredi 20. Les phénomènes d'oppression s'aggravent de plus en plus ; le malade ne peut pas rester couché ; on entend des râles assez abondants dans la poitrine; ipéca, 1,50. Jeudi 21. Sueurs, refroidissements, plus de pouls, asphyxie. Mort à deux heures de l'après-midi. L'opposition mise à l'autopsie n'a pu permettre que l'examen du cœur. Cet organe est augmenté de volume ; il a 14 centimètres transversale- ment dans son plus grand diamètre, 13 do haut en bas ; il est mou, peu con- sistant. Les parois du ventricule gauche sont légèrement hypertrophiées (17 millimètres). Le cœur gauche n'offre à ses orifices d'autre altération qu'un peu d'épaississement fibreux de la valvule mitrale, mais épaississe- ment très-peu prononcé. Il n'en est pas de môme du cœur droit ; l'oreillette de ce côté est remplie par une tumeur, par des caillots actifs et du sang; on trouve dans le ventricule quelque caillots passifs. La tumeur est pédiculée, son point d'insertion est sur la cloison ; le poids de cette tumeur la fait tomber sur l'orifice auriculo-ventriculaire. Les rapports qu'elle affecte permettent une pression sur les orifice» aortique et auriculo-ventriculaire gauche. 54 S'a forme est irrégulièrement ovoïde; l'extrémité libre est plus volu- mineuse que la partie pédiculée. La surface est irrégulièrement et iné- galement bosselée; dans certaines parties, on constate comme de pe- tits épanchements sanguins; dans d'autres, des duretés comme fibro- cartilagineuses à aspect ramifié ; dans d'autres encore, de petites masses calcaires. Cette tumeur paraît être recouverte dans toute son étendue d'une membrane lisse, mince, se continuant avec l'endocarde ; au niveau du pédicule on observe sur cette membrane des plis et un aspect froncé qui montre bien cette continuité; le pédicule qui s'insère sur la cloison de l'oreillette a pour diamètre 2 centimètres et demi; le plus grand diamètre de la tumeur du pédicule à l'extrémité libre est de 7 centimètres et demi. Lorsque l'oreillette a été ouverte, cette tumeur était entourée de cail- lots fibrineux qui n'offraient avec elle aucuhe adhérence. On observait aussi à la face interne de l'oreillette quelques fibres musculaires qui paraissaient hypertrophiées. L'examen micrographique de la tumeur auquel a bien voulu se livrer mon collègue et ami Bail, a donné les résultats suivants : En grattant avec la pointe d'un scalpel la surface d'une coupe, on trouve : 1° Des globules rouges très-abondants non déformés; 2° Un très-petit nombre de globules blancs; 3° Des gouttelettes graisseuses en très-grande quantité; 4° Quelques granulations moléculaires; 5° Un petit nombre d'éléments fusiformes allongés, offrant presque tous au centre un noyau contenant un nucléole brillant; ces noyaux d'une forme sphéroïdale, à contours nettement limités, sont rendus plus trans- parents par l'acide acétique qui ne les dissout pas, mais qui pâlit les cellules fusiformes et finit par les dissoudre complètement. Ces noyaux ont de 0°"a,005 à 0n"n,008; il existe en outre quelques noyaux libres plus volumineux (0Bm,008 à 0n,m,010) finement granulés et contenant un ou deux nucléoles à leur intérieur. En examinant une coupe mince de la tumeur, elle paraît formée d'une très-grande quantité de fibres entre- lacées de tissu lamineux, dans les mailles duquel sont épanchés le9 globules sanguins et les gouttelettes graisseuses. L'analyse d'une des concrétions calcaires que contenait cette tumeur a prouvé que sa com- position était presque entièrement minérale (carbonate et phosphate calcaire), avec un peu de matière organique, assez pour empocher cette petite masse de faire effervescence avec l'acide acétique avant d'avoir été incinérée. Cette observation me semble devoir donner lieu à deux ordres de 55 considérations ; il s'agit d'abord d'expliquer les troubles fonctionnels observés pendant la vie par les lésions trouvées à l'autopsie ; il faut enfin déterminer la nature de la tumeur. Les productions solides qui naissent dans les cavités cardiaques ne peuvent jamais donner lieu à un diagnostic précis, lorsque le mé- decin n'est pas éclairé par la connaissance d'un état général dia- tbésique ; on le conçoit sans peine, et à priori, cette conclusion devrait être admise quand même les quelques observations que possède la science sur ce point ne viendraient pas à l'appui de cette manière de voir. Mais ici l'expérience, comme nous le verrons tout à l'heure, confirme encore la théorie. Quelques développements sont presque superflus. Qu'un malade présente sur certaines parties extérieures des masses cancéreuses, et que progressivement la circulation cardiaque, la cir- culation générale s'embarrassent, qu'on observe des bruits de souffle, des intermittences et des inégalités dans les contractions du cœur, que le pouls offre les mêmes irrégularités, on pourra soupçonner une tumeur cancéreuse du côté du cœur, et encore il faudra que la marche des phénomènes permette d'éliminer l'idée de ces caillots ul- times que l'on trouve si fréquemment dans les cavités cardiaques, chez les pneumoniques, les rhumatisants, les phthisiques. Mais dans ces cas déjà si difficiles, le médecin a un fil conducteur, et la consta- tation de manifestations cancéreuses externes lui permet de songer à la possibilité d'uue tumeur cardiaque d'origine cancéreuse. Com- bien la difficulté augmente quand on arrive aux cas auxquels je fais allusion en ce moment; on n'est guidé alors que par les troubles fonctionnels, et l'examen physique n'autorise d'autre conclusiou que l'existence d'une affection cardiaque, eu localisant à tel ou tel orifice la lésion valvulaire. C'est ce qui s'est passé dans le fait que je viens d'observer. J'avais noté tous les symptômes dune maladie du cœur, et comme j'avais entendu un bruit de souffle dont le maximum était à la pointe, j'avais diagnostiqué une insuffisance mitrale. L'examen cadavérique a dû modifier ce diagnostic. La présence d'une tumeur à l'intérieur du cœur offrant les caractères déjà décrits, explique parfaitement d'ailleurs les phénomènes observés. Son volume était assez considérable pour apporter les troubles les plus sérieux à la circulation du sang; son siège dans l'oreillette droite permet de comprendre l'existence du pouls veineux contrastant avec l'absence 56 de gêne dans la circulation pulmonaire. Ces deux faits paraissaient en effet contradictoires dans l'hypothèse d'une maladie du cœur gauche. Quand au bruit de souffle, il peut s'expliquer de différentes façons; l'orifice awriculo-ventriculaire était rendu évidemment in- suffisant par cette tumeur qui reposait sur la valvule tricuspide; en- fin, grâce aux rapports qu'elle affectait, elle pouvait également com- primer l'orifice de l'artère pulmonaire, l'orifice aortique et l'orifice mitral. Quoi qu'il en soit, je trouve plus naturel d'attribuer ce bruit de souffle à l'insuffisance de l'orifice auriculo-ventriculaire droit, et je crois qu'il faut tout à fait rejeter comme cause de ce bruit le léger épaississement que présentait la valvule mitrale. Cette tumeur, considérée comme cause de tous ces phénomènes, nous permet encore de comprendre l'absence de rhumatisme anté- rieur dans les antécédents du malade, absence anormale s'il se fût agi d'une affection organique du cœur. Mais l'impossibilité du diag- nostic ne se déduit pas seulement du fait que j'ai observé ; c'est aussi la conclusion légitime à.laquelle conduit l'étude de quelques observations que possède la science sur ce point, et que je crois de- voir relater. La comparaison de ces divers cas aidera d'ailleurs à mieux en caractériser la nature. Ces observations sont au nombre de 5 ; mais l'une d'elles (celle de Rigacci), peut donner lieu à quelques doutes. I. Choisy a observé un polype de l'oreillette gauche : cette tumeur donna lieu à tous les symptômes généraux des maladies du cœur et à un bruit de souffle au premier temps à la pointe. {Bull, de la Soc. anat., 1833, p. 65.) II. Depuysaie a trouvé dans l'oreillette gauche d'un jeune homme phthisique mort à 19 ans, avec tous les symptômes d'une maladie du cœur, une masse polypeuse à plusieurs branches adhérente à la mem- brane interne. Bruifcde souffle au premier temps à la pointe. (Bull, de la Soc. anat., 1842, p. 173.) III. Caron a trouvé développée dans l'oreillette gauche une tumeur polypiforme. C'était un corps mou ayant la forme d'un ovoïde dont la grosse extrémité était tournée en haut, adhérait à la valvule qui obture le trou de Botal par un pédicule solide résistant de 1 centimè- tre à 1 centimètre et demi de longueur. Son extrémité inférieure plongeait dans l'orifice auriculo-ventriculaire qu'il rétrécissait nota- blement. Au point d'adhérence on observait quelques légers fronce- 57 ments. Cette tumeur donna lieu aux troubles suivants : souffle rude au premier temps, maximum à la pointe, frémissement cataire; la pointe bat dans le sixième espace intercostal. Pouls filiforme; œdème, teint violacé. Les artères soulèvent les veines du cou et pourraient faire croire à un pouls veineux. (Bull, delà Soc. anal., 1854, p. 77.) IV. Evangelista Zorrati trouve dans l'oreillette droite d'un malade qui mourut avec tous les symptômes d'une maladie organique du cœur une masse blanche qui remplissait toute cette oreillette. Cette tumeur était inodore, molle, élastique, de forme irrégulièrement al- longée, adhérente dans une petite étendue aux parois de l'oreillette, et se prolongeant dans le ventricule droit dont elle remplissait la ca- vité sans y adhérer. Cette production morbide pesait 4 onces envi- ron ; quelques caillots fibrineux étaient collés à sa surface. Dilatation éuorme du cœur. [Annali universali di med., février 1838, emprunté aux Archives gén. de méd., première série, t. XXX, p. 401.) V. Rigacci découvrit dans le ventricule gauche un corps d'appa- rence charnue et semblable à ce qu'on nomme un polype charnu. De la cloison qui sépare les ventricules naissait un prolongement, une sorte de pédoncule qu'on pouvait considérer comme une racine de la production morbide. Une autre racine formée de deux pédoncules naissait de l'appareil valvulaire auriculo-ventriculaire. Après un court trajet, ces deux racines principales se réunissaient pour former un corps arrondi long de 14 lignes, se terminant par une extrémité, frangée et dont la surface n'était revêtue d'aucune membrane. Enfin une dissection attentive fit voir que ce corps était réellement com- posé de quatre ou cinq couches fibreuses superposées et étroitement unies l'une à l'autre. (Antologia, n* 86, février 1828, emprunté h Ar- chives, première série, t. XVU, p. 276.) Ces cinq observations (je fais des réserves toutefois pour la der- nière) ont avec la mienne les analogies les plus frappantes. Mêmes caractères extérieurs delà tumeur, même mode d'implantation. Dans tous ces cas, les malades sont morts en offrant tous les signes d'une affection organique du cœur, et dans tous le diagnostic a été impossi- ble. Les différences ne commencent qu'au point dé vue du siège de la tumeur, et de quelques symptômes qui ne sont que la traduction de cette différence de siège. Dans les-trois premiers faits, la tumeur po- lypeuse siégeait dans l'oreillette gauche, et dans les deux autres c'é- taient l'oreillette droite et le ventricule gauche qui étaient affectés. 58 L'existence du pouls veineux n'est notée dans aucune de ces obser- vations, et cependant, dans le fait de Zorrati (tumeur de l'oreillette droite), il est probable que ce signe a dû exister. Le bruit de souffle n'est indiqué que dans les trois premières observations; il couvrait le premier temps et avait son maximum à la pointe : il me paraît être dû à l'insuffisance mitrale symptomatique, malgré l'interprétation différente que lui donne Garon. J'aborde maintenant la question de nature de cette tumeur et de son mode de développement. 11 me semble tout à fait inutile d'en dis- cuter l'origine cancéreuse. Les caractères extérieurs, la structure, la disposition pédiculée sur la cloison de l'oreillette, l'absence de toute généralisation diathésique, me semblent des raisons suffisantes pour éliminer cette idée. D'ailleurs la lecture des quelques faits de can- cer du cœur que possède la science suffira pour que je n'aie pas be- soin d'insister (l). (1) Voir à ce sujet : Ségalas. Cancer chez un enfant de tout le ventricule droit et d'une partie du ventricule gauche. {Archiv. gén. de méd., première série, t. IX, p. 132.) Renauldin, Cancer du cœur et des reins. {Archiv. gêner . de méd., deuxième série, t. II, p. 588.) Rokitansky, Cancer de l'endocarde. (Palli. anat., Bd. II, p. 469.) Cruveilhier, Anal, patli.. t. I, p. 40, pi. II. Sims, Mcd.-ch.irug. trans., 1. 1, 18, p. 296, première série. Latliam Ormerod, Lond. med. chirurg. transactions, t. XIII, 1847. (Ormerod cite un fait Hewett, sans autre indication.) Francis, Diathèse cancéreuse; tumeur grosse comme une noix dans l'intérieur du ventricule gauche. Celte tumeur naissait du tissu muscu- laire au-dessous de l'endocarde. (Londonmed. Gar., janvier 1847.) Bauchet, Cancer généralisé à l'aine, au poumon, au cœur : une des végétations fait saillie dans l'oreillette droite. [Bull, de la Soc. anat., p. 65, 1851.) Campana, Diathèse cancéreuse ayant envahi le cœur droit et les plè- vres; quelques petits noyaux dans l'oreillette droite; gros noyau de cancer encéphaloïde dans la paroi antérieure du ventricule droit. {Bull, de laSoc. anat., p. 118; 1859.) Vidal, Cancer du cœur, face supérieure et partie de la face anté- rieure de l'oreillette gauche transformées en tissu squirrheux; intégrité 59 Je ne crois pas davantage qu'il faille discuter plus longuement la possibilité de ces concrétions cardiaques fibrineuses, accidents ulti- mes et fréquents de maladies diverses (t). Mais ici la question est plus complexe. Sans doute cette tumeur n'est pas une de ces concrétions fibrineuses dont je viens de parler; mais n'est-il pas possible d'admettre qu'au début elle a été une con- crétion fibrineuse qui, par les progrès de son évolution, s'est organi- sée, a adhéré aux parois de l'oreillette et s'est pédiculée? C'est aux faits de ce genre que M. le professeur Bouillaud faisait allusion dans un article du journal l'Expérience (1839, p. 275). de l'endocarde: diathèse cancéreuse. (Bull.de la Soc. de biologie, t. III, p. 42.) Bouillaud, Cancer du cœur. (Traité des mal. du cœur, 1841, 2' éd., p. 435.) (1) Voir à ce sujet : Legroux, Recherches sur les concrétions sanguines dites polypifor- mes. (Disserlation inaugurale, 1827.) Bouillaud, Traité des mal. du cœur, deuxième édition, 1841, p. 712.) Bouillaud, Concrétions polypiformes. (Journal C Expérience, 1839, p. 275.) Sonnié Moret, Concrétions polypiformes. (Arch. g en. de médecine, deuxième série, t. XII, p. 349.) FredauH, Des polypes du cœur. (Arch. gén. de méd., quatrième série, t. XVI, p. 499.) Bricheteau, Tumeur polypiforme de l'oreillette droite qui semblait adhérer par un pédicule aux parois de la cavité. (Arch. gén. de méd., deuxième série, t. VI, p. 131.) Labbé, Concrétion fibrineuse polypiforme développée sur une des valves de la valvule mitrale. (Bull, de la Soc. anatom., p. 354, année 1857.) Charcot, Concrétions fibrineuses du cœur. (Bull, de ta Soc. de bio- logie, première série, t. III. p. 189.) Charcot, Concrétions fibrineuses du cœur. (Bull, de la Soc. de bio- logie, deuxième série, 1. 1, p. 301.) Stannius, Ueber kraukhafle Verschliessungen grosserer Venen- stamme. Berlin, 1839. Zwicky, Die melaphormose de Thrombus, 1845. Vogel, Virchow's llandbuch, I. Erlangen, 1854. Virchow, Gesammelle Abhandlungen : die maranlischen Thrombo- sen. Berlin, 1862. 60 « Lorsque les concrétions sont dans un état plus avancé d'organi- sation, elles adhèrent par du véritable tissu cellulaire aux parties sur lesquelles elles se sont développées; greffées ainsi sur des parties vi- vantes, elles se pénètrent de vaisseaux, se durcissent, et c'est alors qu'elles ressemblent réellement à certains polypes fibreux, à des tu<- meurs ou à des végétations fongueuses. » C'est aussi cette interpré- tation que Caron donnait de la tumeur qu'il a observée dans l'oreil • lette gauche. Cependant, Bans rejeter d'une façon absolue cette explication qui ne me paraît pas appuyée d'une démonstration complète, je n'essaye- rai pas de substituer une hypothèse à une autre hypothèse, et je préfère m'en tenir a la constatation pure et simple des faits. Par ses caractères extérieurs et sa texture, cette tumeur mérite le nom de polype; la disposition de son pédicule, la continuité qui exis- tait entre l'endocarde et la membrane d'enveloppe de la tumeur, les plis qui existaient au point d'insertion, lui donnaient une similitude très-grande avec les polypes fibreux qui se portent vers une autre ca- vité, la cavité utérine. De plus, ce polype trouve une caractéristique plus complète par l'examen des éléments anatomiques qui le consti- tuaient (globules rouges, globules blancs, gouttelettes graisseuses, éléments fusiformes et concrétions calcaires). Quant au travail pathologique qui a donné naissance à cette pro- duction polypeuse, je n'aborde pas cette question, n'ayant pour la résoudre aucun élément de jugement positif. REMARQUES SUR LE TISSU MÉDULLAIRE DES OS A l'état normal et a l'état morbide; lues à la Société de Biologie, dans sa séance du 13 août 1864, M. le Docteur Charles ROBIN, Professeur d'histologie à la Faculté de médecine de Paris, etc. g I. — Sur la constitution de la moelle des os en général. En chimie, on commence toujours la description d'un sel par don- ner sa formule, c'est-à-dire par indiquer, les éléments qui entrent dans sa composition ; de môme en anatomie il importe aussi de com- mencer la description d'un tissu par l'indication des éléments anato- miques qui le composent. Ces éléments une fois connus, il reste à examiner leur arrangement réciproque. Le tissu médullaire des os est constitué : 1" par des médullocelles qui en sont l'élément fondamental ; 2° par des myéloplaxes (1) qui en sont des éléments accessoires; 3° par une certaine quantité de sub- stance amorphe, homogène, demi-transparente, qui est un second élé- ment accessoire de ce tissu ; 4° par des vaisseaux capillaires; 5° pat des tubes nerveux qui accompagnent les vaisseaux et qui constituent les nerfs des os; 6° enfin, dans certaines parties seulementdece tis3u (1) Voyez Ch. Robin, Sur deux espèces nouvelles d'éléments analo- miques qui se trouvent dans le canal médullaire des os (Comptes ren- dus et mémoires de la Société de biologie ; Paris, 1 849 ; in 8°, p. 1 50) et Sur la structure d'une epulis du maxillaire inférieur (ibid, 1850 p. 8). 62 on trouve des libres du tissu lamineux et des vésicules adipeuses que je sigDale eu dernier lieu parce que leur existence n'est pas constante et parce qu'on ne les trouve pas dans toutes les portions de ce tissu. Voyons quels sont les caractères extérieurs physiques et chimiques de ee tissu. Le tissu de la moelle des os, comme vous savez, se trouve dans tous les os de l'économie, aussi bien dans les os longs que dans les os courts, et il se prolonge dans un certain nombre de canaux vasculaires des os, jusque sous le périoste, de telle sorte que, en arrachant dans un conduit vasculaire des os un de ces vaisseaux, on le voit entouré d'une petite quantité de moelle représentée par des médullocelles, un peu de matière amorphe, et presque toujours par quelques myéloplaxes. Ce tissu se rencontre en outre le long des conduits vasculaires des cartilages d'ossification ; c'est ce qu'on a appelé la moelle du cartilage. On trouve encore du tissu 'médullaire dans la moelle des côtes, lors que chez les sujets âgés ces organes se creusent de cavités qui rem- ferment des vaisseaux et de la moelle. Il y a donc à étudier la moelle osseuse et la moelle cartilagineuse, mais toutes les deux ont la même texture et la même composition anatomique : dans l'une et l'autre existent lès éléments que j'ai indiqués tout à l'heure. Ce tissu est remarquable par sa mollesse, par sa consistance pâ- teuse qui est par places presque demi-liquide. Mais ce tissu n'est pas un liquide ni une sérosité, comme souvent on l'a écrit; c'est un tissu dont la consistance pâteuse varie un peu d'un sujet à l'autre, d'un âge à l'autre et d'une partie à l'autre des cavités médullaires du squelette. La coloration de ce tissu varie notablement, et à ce point de vue on distingue trois variétés de moelle qui correspondent à trois parti- cularités de texture que j'indiquerai tout à l'heure. La première variété de moelle porte le nom de moelle vasculaire, de moelle rouge, car elle est d'une coloration rouge très-prononcée; on l'appelle aussi moelle fœtale, parce que c'est elle seule qu'on ren- contre dans les os du fœtus. On trouve en second lieu une variété de moelle qui a reçu le nom de moelle gélatiniforme ; c'est une des variétés dans lequellesla moelle des os, aussi bien des os longs que des os courts, présente unedemi- transpareDce particulière, avec une coloration grisâtre ou jaunâtre; sa demi-transparence et sa consistance analogue à celle de la gélatine 63 lui ont valu son nom. Il y a des animaux chez lesquels la moelle con- serve pendant toute la durée de la vie cette disposition gélatini- fornie qui n'est que transitoire chez l'homme. Elle se rencontre acci- dentellement dans certaines conditions pathologiques ou séniles, sur lalongueur de quelques os par suite de certaines altérations morbides du périoste que j'indiquerai dans un instant. La troisième variété de moelle est, au double point de vue de la co- loration et de la texture, celle qui est à peu près la seule décrite sous les noms de moelle proprement dite ou moelle graisseuse. Elle est opaque, jaunâtre, et, par suite, on l'a comparée quelquefois au tissu adipeux. Mais elle en diffère notablement par sa texture, par sa consistance et par la délicatesse de son tissu. Autrefois on avait donné une grande importance à l'étude des ca- ractères chimiques de la moelle; mais on analysait dans la moelle son tissu qui est très-complexe. Or c'est sur l'étude de chaque espèce d'élément anatomique individuellement qu'on doit reporter cette juste importance attribuée à l'examen des caractères chimiques. A quoi peut servir la connaissance de la composition chimique de la moelle, si l'on analyse en même temps des médullocelles, des myélo- pîaxes, de la matière amorphe et des vaisseaux capillaires? D'ail- leurs on choisit toujours la moelle graisseuse pour faire l'analyse, et cependant la moelle gélatiniforme et la moelle fœtale méritent aussi bien d'être connues que la précédente. J'insisterai plus longuement sur la texture, de la moelle. La moelle est un des tissus qui offrent le degré de texture le plus simple. En effet, ce tissu est composé par des éléments qui ont tous la configu- ration de cellules, avec une certaine quantité de>matière amorphe in- terposée. La texture de la moelle consiste donc uniquement en une juxtaposition des éléments anatomiques ayant la forme de cel- lules avec interposition d'une petite quantité de matière amorphe dont la proportion est différente suivant les variétés de moelle. Maintenant, dans ce tissu se rencontrent des vaisseaux capillaires. Leurs mailles ont à peu près deux à trois fois le diamètre des vais- seaux capillaires qui les circonscrivent, comme cela arrive dans ce qu'on appelle les tissus relativement riches en vaisseaux, elles sont à peu près d'égale dimension dans tous les sens. Elles sont polygo- nales à angles arrondis, tandis que nous trouverons d'autres tissus dans lesquels les mailles sont polygonales, mais presque toujours à 64 aDgies nets, aigus ou obtus, ce qui donne à l'ensemble de la disposi- tion des capillaires un aspect tout particulier que ne présentent pas les mailles dont les angles sont arrondis comme dans la moelle. Ces mailles ne sont pas plus nombreuses au contact de l'os que dans les autres portions du tissu ; mais lorsqu'on étudie une injection de la moelle, surtout de la moelle graisseuse, si l'on veut rencontrer des mailles faciles à observer et qui ne soient pas masquées par de la graisse, on est presque toujours obligé de chasser la moelle par un courant d'eau, et alors les vaisseaux capillaires s'aplatissent et se su- perposent contre le tissu osseux. C'est là ce qui a fait dire que les mailles étaient beaucoup plus nombreuses au contact de l'os que dans le reste de l'étendue du tissu. Mais il n'en est rieo. Les capillaires les plus fins qu'on observe dans la moelle offrent aussi cette particu- larité, qu'ils sont plus larges que les derniers capillaires des réseaux du périoste et dutissu osseux. Dans le tissu spongieux particulière- ment et contre l'os même ils ne sont pas nettement cylindriques comme ceux du périoste, et offrent l'aspect de sinus moulés en quel- que sorte sur les parties voisines contre lesquelles s'appliquent leurs parois ; ce fait leur donne un aspect particulier sur les injections, com- parativement aux tissus précédents . Il est quelques faits relatifs aux éléments anatomiques accessoires de la moelle et en particulier aux myéloplaxes qu'il importe de noter. Les myéloplaxes sont des éléments accessoires du tissu médullaire Elles se trouvent toujours à la superficie de la moelle, c'est-à-dire, en quelque sorte, entre la moelle et le tissu osseux; elles sont plus abon- dantes dans le tissu spongieux que dans le canal médullaire des os longs; elles sont aussi plus abondantes dans la moelle fœtale et chez les jeunes sujets que chez les adultes. Mais si chez l'adulte on veut en trouver des quantités notables, il faut les chercher dans le tissu spongieux et surtout au voisinage des cartilages adhérents à la sub- stance osseuse. Enfin, on les trouve d'une manière relativement très- facile dans la moelle des os des jeunes sujets, où elles sont en plus grande abondance qu'aux autres âges, soit que cela tienne à ce que, chez l'adulte, leur quantité a diminué, soit plutôt, à ce que les myélo- plaxes ne se sont pas multipliées proportionnellement aux autres élé- ments qui les accompagnent et à l'augmentation de volume des os et de la moelle; c'est là ce qu'il y a de plus probable. On rencontre des myéloplaxes dans la moelle qui accompagne les vaisseaux dans les 65 canaux vasculaires jusqu'au-dessous du périoste, de telle sorte que lorsqu'on arrache le périoste et qu'on amène des vaisseaux qui péné- traient dans les canaux vasculaires on entraîne aussi des myélo- plaxes. C'est là un fait assez important pour l'étude des productions morbides qui dérivent du tissu médullaire. Un autre élément accessoire dont il importe de dire quelques mots, ce sont les fibres de tissu lamineux qu'on trouve dans certaines por- tions de la moelle, bien qu'il n'y ait pas de membrane médullaire, c'est-à-dire une couche de tissu fibreux située à la face interne des os, enveloppant la moelle, et qu'on puisse comparer au périoste. Il n'y a point de périoste interne; il n'y a point de membrane médul- laire destinée à séparer la substance osseuse de la substance de la moelle (t). La substance de la moelle est en contact immédiat avec la substance osseuse, et ce prétendu périoste interne, auquel on fait jouer un très-grand rôle dans la nutrition des os, n'existe pas. Déjà depuis longtemps on avait cru que cette membraue n'existait que dans le canal des os longs et manquait dans le tissu spongieux; or elle manque aussi bien dans le canal des os longs que dans le tissu spongieux. Mais ce qui existe, et ce qu'on voit facilement dans la va- riété gélatiniforme de la moelle dans la substance amorphe qui prend une part notable à la constitution de cette variété de moelle, c'est une trame de fines fibres lamineuses entre-croisées dans toutes les directions. Ces fibres vont se jeter sur la tunique adventice des vais- seaux, et vont quelquefois adhérer à la face interne des trabécules osseuses. Ce n'est que dans le tissu de la moelle des os longs et dans les plus grands espaces médullaires du tissus spongieux qu'on trouve cette trame fibrillaire. Elle manque dans la moelle qui rem- plit les plus petites cavités du tissu spongieux des extrémités des os et des vertèbres, du sternum, etc. Il importe donc de savoir que dans certaines portions de la moelle on peut trouver entre les autres élé- ments, entre les médullocelles surtout, une trame de fines fibres de tissu lamineux entre-croisées et s'irradiant à partir de certains cen- tres qui sont- généralement représentés par des vaisseaux. Dans la trame de fines fibres lamineuses dont je viens de parler, ces fibres sont généralement isolées, entre-croisées ou non. Autour des (1) Voyez Gosselin et J. Regnauld, Sur la substance médullaire des os. {Archives générales de médecine. Paris. 1849, in-8, t. XX, p. 257.) HÉM. 5 66 Seules osseuses qui traversent certains points du canal médullaire des os longs, ces libres sont plus rapprochées les unes des autres qu'ail- leurs, sans former pourtant des couches ou des faisceaux proprement dits. Rien d'analogue n'existe contre les lamelles limitant les aréoles du ! . aréoles pleines de moelle rouge, ou de cellules uses, selon les circonstances et les os dont il s'agit, éléments qui là touchent directement la substance osseuse. Pourtant çà et là dans la moelle même ces fibres sont disposées en faisceaux onduleux et sont peu serrées les unes contre les autres De ces faisceaux s'irra- dient avec des dispositions variées et très-élégantes des fibres iso- lées, fines, onduleuses, entre-croisées par places, et entre elles sont lesmédullocelles, la matière amorphe qui, par place, existe seule, des capillaires et des vésicules adipeuses. Ces particularités de texture sont développées dès le milieu ou la lin de la deuxième année. Avant on ne trouve dans la moelle, que de rares fibres lamineuses complète- ment développées ; elles sont encore à l'état de corps fibro-plastiques tant fusiformes qu'étoiles, libres ou rapprochées les unes des autres dans un ordre qu'il est difficile de déterminer alors. Parmi les fibres isolées ou en faisceaux lâches complètement développées dont je viens de parler, il eu jours qu'on voit encore à l'état de corps fi- bro-plastiques fusiformes ou étoiles. Par places môme on trouve quelques-uns de ces derniers qui, devenus finement granuleux ou. non. isolés ou plusieurs ensemble, servent de centre d'irradiation à des fibrilles qui partent de plusieurs points de leur périphérie. Dans la moelle graisseuse ou encore transparente, mais devenant grais- ftbro-plastiques déjà passés à l'état de lipeuse complète ou seulement partiellement remplis par plusieurs gouttes d'huile, qui laissent encore voir une partie de la substance azotée. C'est en effet par le passage à l'état de vésicules adi- peuses de fibro-plastiques de la lâche trame lamineuse pré- cédente que. la moelle prend dans certains os l'état adipeux mentionné plus haut. (V. Gh. Robin, Mémoire sur quelques points du développe- ment et du système adipeux; Gaz. mèd. de Paris. 1864, p. 626.) Pen- dant la durée de ces phénomènes ou dans la moelle qui garde l'état tiniforme, on voit sur, vent de ces corps fibro-plastiques passes à l'état des vésicules adipeuses qui servent comme de centre d'irradia- tion à deux ou un plus grand nombre de fibres lamineuses ou qui semblent comme appendus à quelques fibres du réseau fibrillaire 67 délicat décrit précédemment. Dans la moelle transparente des sujets émaciés, ces faits se voient également très-bien, mais le contour des vésicules est plissé et elles ne contiennent plus vers leur centre qu'une ou deux grosses gouttes d'huile d'un jaune foncé réfractant fortement la lumière, avec quelques-unes plus petites, de même teinte ou pâles, qui les entourent. g II.— Des variétés de texture et de couleur présentées PAR LE TISSU MÉDULLAIRE DES OS. Voyons maintenant quelles sont les particularités de texture qui font que dans certains cas la moelle a un-aspect rouge, que dans d'autres elle présente un aspect gélatiniforme, et que dans d'autres circonstances en fin elle offre l'état adipeux qui a presque toujours été pris comme type dedescription de la moelle, bien que les autres variétés aient une égale importance. La moelle foetale ou rouge doit sa coloration à ce qu'elle est com- posée en grande partie de méclullocelles avec une petite quantité de matière amorphe. Les méclullocelles qui, forment environ les huit dixièmes de la masse du tissu avec les vaisseaux, autant qu'on peut le calculer; ces médullocelles sont telles qu'on les décrit à l'état type, c'est-à-dire sans addition de gouttelettes graisseuses dans leur épaisseur. L'accumulation de ces médullocelles avec des vaisseaux et une petite quantité de matière amorphe, a pour résultat la constitution d'une masse de coloration rougeatre. Cette moelle ainsi constituée est petit à petit, par suite des phases du développe- ment, remplacée par une moelle de coloration grisâtre, demi-trans- parente, gélatiniforme. Ce changement de coloration, ce passage de la première variété à la seconde est dû à ce que la substance amorphe interposée aux médullocelles augmente dans certaines conditions d'une manière disproportionnée par rapport aux médullocelles; de telle sorte que dans la moelle gélatiniforme on trouve les médullo- celles écartées les unes des autres par une grande quantité d'une substance homogène demi-transparente, ayant l'aspect gélatiniforme. Cette moelle gélatiniforme peut avoir tantôt une coloration grisâtre, tantôt une coloration jaunâtre presque demi-transparente. Dans le cas où. elle est grisâtre, cela tient à ce qu'il n'y a pas de cellules adi- peuses entre les autres éléments, tandis que lorsqu'elle est jaunâtre, 68 cela tient à ee que les médullocelles écartées les unes des autres sont accompagnées de vésicules adipeuses. Nous avons vu en effet plus haut que c'est par le passage à l'état de vésicules adipeuses des fibres lamineuses encore restées à l'état de corps fibro-plastiques fusiformes ou étoiles dans la trame fibrillaire de la moelle que celle-ci prend l'état dit graisseux. Dans ce cas, la matière amorphe disparait et les fibrilles de la trame ainsi que les médullocelles sont repoussées et comprimées entre les vésicules adi- peuses, ce qui les rend alors* difficiles à voir. Mais dans les cas de nassage de la moelle à l'état gélatiniforme par suite d'émaciation, ou de retour à l'état rouge par suite d'inflammation de la moelle, ou de présence d'une tumeur de l'os ou dans le canal médullaire, la matière amorphe réapparaît, et les médullocelles deviennent de nouveau vi- sibles ou même deviennent plus nombreuses qu'elles n'étaient. Il existe une grande différence de texture entre la moelle devenue ainsi riche en vésicules graisseuses et le tissu adipeux. Dans la pre- mière, les cellules sont simplement juxtaposées avec interposition de médullocelles, et par places avec persistance encore de matière amorphe. Mais les cellules adipeuses ne sont pas disposées ici en lo- bules séparés les uns des autres par des cloisons formées de fibres . lamineuses comme dans le tissu adipeux. De plus, la grandeur et la forme des mailles capillaires sont différentes. De là cette consistance pâteuse, cette mollesse du tissu et plus de facilité à rompre les vési- cules graisseuses que dans le tissu adipeux. Ce passage à l'état adipeux des corps fibro-plastiques de la trame fibrillaire de la moelle a lieu surtout dans certains os, de préférence, si l'on peut dire ainsi, à certains autres. Très-fréquemment, par exem- ple, on trouve des sujets dont tous les os longs sont remplis de moelle de la variété jaune ou adipeuse, tandis que le corps des vertèbres, le sacrum, le sternum, restent remplis de la variété rouge, plus molle, moins pâteuse que la précédente. Les os plats sont quelquefois éga- lement remplis d'une moelle rougeâtre dans leur diploé, tandis que les os longs contiennent une moelle graisseuse jaune. Il faut noter aussi que la vascularité est relativement moindre dans lamoelle grais- seuse que dans la moelle de coloration gélatiniforme ou dans la moelle de coloration rouge. Ces différences de la moelle d'un os à l'autre chez un même sujet doivent être notées et étudiées avec soin; car les altérations de la 69 moelle, encore peu étudiées, ont pourtant une grande influence sur celles des os dans les cavités desquels elles se trouvent. Les variétés rouge, gélatiniforme et graisseuse de la moelle se re- trouvent avec des particularités analogues de texture chez la plupart des mammifères, soit d'une espèce à l'autre, soit sur une même es- pèce d'un âge à l'autre. Chez les ruminants, surtout ceux qui soni soumis à l'engraissement, la moelle passe de bonne heure à l'état adipeux. Chez le porc, elle reste bien plus longtemps d'un gris rou- geâtre, pauvre en vésicules adipeuses, et au contraire plus riche, au moins relativement, en médullocelles et en matière amorphe. Chez les chiens, dès que l'animal a atteint ou environ la taille qu'il doit avoir, la moelle est d'un rouge jaunâtre dans le canal des os longs, et offre une consistance molle et pulpeuse. Elle est alors com- posée pour la moitié ou les deux tiers environ de médullocelles des variétés noyau libre et cellules complètes en proportions à peu près égales. Ces éléments sont contigus ou séparés les uns des autres par une petite quantité de matière amorphe. Çà et là de grandes cellules adipeuses, se brisant à la moindre pression, sont immédiatement plongées dans le tissu précédent, ou y forment de petits amas par leur réunion au nombre de deux, trois, ou environ. Elles donnent ainsi une coloration jaunâtre au tissu. Dans les extrémités de ces os et dans les os courts et plats, la moelle est rouge, formée comme celle qui vient d'être décrite, mais elle manque de vésicules adipeuses, ou n'en contient qu'un très-petit nombre.. Là elle montre encore quelques myéloplaxes de petites dimensions, possédant seulement deux ou trois noyaux, généralement placés près du bord de ces éléments. La moelle ne jouit pas de propriétés autres que les propriétés végé- tatives de nutrition, de développement et de reproduction. Toutefois, les nerfs qui accompagnent ses vaisseaux nourriciers sont sensibles à la piqûre et à la déchirure, comme l'a démontré Duverney (1). (1) Duverney, De la structure de la moelle, 17 juillet 1700. Histoire de l'Acad. royale des sciences, 2' édition. Paris, 1771, in-4°, p. 14, et De la structure et du sentiment de la pwelle, 17 juillet 1700, ibid., p. 202-205. « Il n'y a rien, dit Duverney, dans les animaux qui n'ait sa structure particulière et organique ; et si le premier coup d'oeil ne nous la découvre pas, la recherche de la dissection, ou le microscope. 70 Je ne ferai, à propos des propriétés physiologiques de la moelle, que cette seule remarque : que la moelle riait après le tiisu osseux ; que le tissu osseux commence par être compacte, même lorsqu'il s'agit des os longs, et que ce n'est que par suite de la résorption des par- ties centrales d'un os long, et au fur et à mesure de cette résorption que se produisent des cavités qui se remplissent immédiatement par de la moelle. Ainsi, ce tissu naît très-tard, par rapport à l'apparition des premiers tissus qui viennent former embryon ; de sorte qu'il est impossible, matériellement parlant, d'admettre que le tissu médullaire proviendrait des cellules embryonnaires, comme semblent le suppo- ser quelques auteurs qui voulaient rattacher la génération de tous les éléments anatomiques aux cellules provenant de la segmentation du vitellus par un lien généalogique direct. C'est là un fait des plu» remarquables pour la génération des éléments anatomiques de voir que partout où. existe du tissu compacte, lorsqu'il s'y est produit des cavités par résorption, il nait dans ces cavités et de toutes pièces, molécule à molécule, des médullocelles, des myéloplaxes et de la sub- stance amorphe. ï III. — Sur quelques-unes des modifications morbides DE LA MOELLE DES OS. Les modifications morbides que peut présenter la moelle peuvent êfre, les unes directes, c'est-à-dire que la moelle peut, sans changer de volume, de quantité, présenter certaines altérations, comme on le voit dans le cas d'inflammation de la moelle ou de médulite. Dans ce ou le raisonnement nous la découvriront. » (P. 14.) « La moelle est un amas de plusieurs petites vésicules membraneuses très-déliées qui s'ouvrent les unes dans les autres et qui sont remplies d'une matière huileuse, coulante et liquide. Ces vésicules sont renfermées dans une membrane qui sert d'enveloppe générale à la moelle, et cette membrane, qui est parsemée d'un très-grand nombre de vaisseaux, est d'une tissure encore plus fine que la membrane arachnoïde de la moelle de l'épine.» {P. 202.) La moelle ne sert pas de nourriture aux os. Il y a en effet plusieurs os, comme les osselets de l'oreille, le bois de cerf et de daim, les lames qui séparent les sinus des fosses nasales qui se nourrissent, et pourtant ne renferment pas de moelle. Lorsque sur un animal dont on a coupé un os long on plonge un instrument dans la moelle, il donne des signes manifestes de douleur. (P. 205.) 71 •cas, le phénomène le plus remarquable est le suivant : c'est que lors- que la moelle qui offrait une coloration jaune t, elle prend une coloration rouge intense, ce qui est dû à la multiplication des médullocellès (1) d'une part, et à la disparition d< vésicules adipeuses d'autre part. En allant vers les parties saines, on renconti celles de plus en plus nombreuses ou réciproi en sens inversi voit la graisse diminuer dans les vésicul ju'on s'approche des parties rouges. Il existe des conditions dans lesquelles cette inflami rive à un tel degré d'intensité que les médullocell i >ir de3 matériaux aptes à leur rénovation moléculaire ( moelle se ramollit et se liquéfie; alors aussi elle s'écoule de l'extré- mité des os fracturés ou amputés. Lorsqu'on examine ce liquide, on n'y rencontre absolument que des granulations moléculaires en sus- pension, quelquefois des médullocellès de la variété noyau qui ne se sont pas liquéfiés, et toujours des gouttes d'huile; car néfac- tion amène le passage à l'état liquide de la paroi des vésicules seuses, et par suite les gouttes d'huile deviennent libres. C'est tou- jours là un fait grave, ainsi que cela a été signalé dans l'étude des fractures., surtout de celles des os longs et dans certaines autres conditions pathologiques, comme les amputations suivies des acci- dents dits de l'infection purulente. Une autre particularité assez importante, c'est que très-fréquemment la moelle passe de l'état graisseux ou de l'état rouge qu'on trouve sur les os courts et chez le fœtus, à l'état gélatiniforme, par suite de la pré- sence d'une tumeur dans le voisinage de l'os. Ainsi lorsqu'un ulcère existe sur la face antérieure du tibia, on voit très-fréquemment la moelle à ce niveau présenter un aspect gélatiniforme, tout en con- servant l'état graisseux dans le reste de l'étendue de l'os ; il en est de même lorsque c'est une tumeur qui adhère aux os. Communément aussi, dans le cas de tumeur blanche, la moelle est gélatiniforme dans yne partie de la longueur de l'os, tandis qu'elle conserve son état graisseux ou rouge dans le reste de l'étendue de l'organe. Dans ce cas, (1) Voyez Verneuil, Sur les cellules du tissu médullaire des os et sur leur étal dans l'ostéomyélite. (Comptes rendus et mémoires de la Société de Biologie. Paris 1852, in 8° p. 65.) 72 au sein de cette moelle qui a pris accidentellement l'état gélatiniforme, ]a matière amorphe se produit en quantité considérable entre les élé- ments, et c'est elle qui donne à ce tissu cette demi-transparence toute particulière. Il n'eSt pas rare dans ces différents cas, mais surtout dans ceux de tumeurs blanches, de rettrttver de petites masses jau- nâtres au centre de la portion devenue gélatiniforme, parce que la résorption graisseusse ne se fait pas d'une manière absolue dans toute l'étendue de la moelle. J'insiste là-dessus parce que ces petites masses graisseuses qui restent au centre de la moelle devenue gélatiniforme, donnent un aspect tout particulier à la partie malade. On a souvent cru que ces petites masses jaunâtres étaient des productions nouvelles; il n'en est rien ; ce sont tout simplement des petits amas de cellules, dans lesquelles la graisse ne s'est pas résorbée. Un mot maintenant sur les productions morbides qui dérivent du tissu de la moelle des os, sur les tumeurs qui proviennent de l'hy- pergenèse des éléments constitutifs de la moelle? On a donné, d'une manière générale, le nom de tumeurs myéloïdes aux tumeurs qui dérivent de la moelle. Cette expression peut être acceptée ; mails il importe de savoir qu'elle est mauvaise, en ce sens que ces tumeurs n'ont aucune analogie d'aspect extérieur ni de tex- ture avec la moelle des os ; elles en diffèrent au contraire notable- ment. Je signalerai en premier lieu les tumeurs qui sont dues à l'hyper- genèse des médullocelles ou éléments fondamentaux du tissu médul- laire des os. Ce sont les tumeurs les plus rares, et presque toujours on y trouve beaucoup plus de médullocelles de la variété noyaux libres que de médullocelles de la variété cellules complètes. Ces tu- meurs se rencontrent plus fréquemment dans les portions spongieuses des os et dans les os plats que sur le trajet des os longs. Ces médul- locelles de la variété noyaux libres, en se multipliant ainsi outre mesure, forment une masse plus ou moins considérable, qui offre toujours une coloration d'un gris rougeâtre et une friabilité remar- quable qui n'a rien de comparable à l'aspect de la moelle normale. Cela tient à ce que ces masses morbides sont formées principalement par des médullocelles accompagnées d'une quantité bien moindre de vaisseaux et de matière amorphe interposée que dans la moelle nor- male. Lorsque ces tumeurs augmentent de volume, elles prennent fréquemment une apparence encéphaloïde. L'aspect encéphaloïde n'est 73 qu'une apparence particulière et il n'indique uullement que l'on a sous les yeux telle ou telle espèce de tumeur en particulier; car plusieurs espèces de tumeurs peuvent, à certaines périodes de leur évolution, présenter l'aspect encéphaloïde, c'est-à-dire un état grisâtre ou blanchâtre et une mollesse comparables à ceux de la substance de l'encéphale. Cet état est généralement dû à la production de granu- lations graisseuses, soit dans les éléments constitutifs, soit entre ces éléments. Dans le cas particulier des tumeurs formées par les médul- locelles, l'aspect encéphaloïde résulte de la production de granula- tions principalement graisseuses, qui sont toujours interposées aux médullocelles et il y en a peu dans leur épaisseur. 11 y a ceci de re- marquable que dans ces tumeurs on ne voit pas se produire des vé- sicules adipeuses, malgré la présence d'un certain nombre de fibres lamineuses à l'état de corps fibro-plastiques, comme dans la moelle des os sains. Cette graisse interposée n'est point de la graisse jaunâtre comme celle qui existe dans la moelle normale; c'est une graisse qui réfléchit la lumière en blanc et la laisse difficilement traverser en raison du pouvoir réfringent très-puissant qu'elle possède. Ces tu- meurs sont susceptibles d'envahir le tissu osseux et les tissus voi- sins ; car toutes les fois qu'un tissu est doué de propriété de génération, de nutrition et de développement très-énergiques, ce tissu comprime le tissu voisin, détermine son atrophie et prend sa place. Il est très- commun de voir de ces tumeurs naître dans l'épaisseur d'un os long ou du tissu spongieux, et déterminer la résorption du tissu osseux pour envahir les tissus voisins. La composition des tumeurs dont je parle peut être parfaitement déterminée une fois qu'on connaît celle du tissu médullaire proprement dit. La seconde espèce de tumeur qui se développe aux dépens du tissu médullaire, comprend les tumeurs dites à myéloplaxes, c'est-à-dire des tumeurs résultant de l'hypergenèse des myéloplaxes, éléments accessoires de la moelle. Ces tumeurs peuvent se produire partout où il y a des myéloplaxes, par conséquent aussi bien au centre de l'os, que jusqu'au-dessous du périoste ; car nous avons vu que les myélo- plaxes accompagnent les vaisseaux jusqu'au-dessous du périoste. Ce sont les tumeurs les plus communes parmi celles qui dérivent du tissu médullaire ; leur tissu n'a aucune analogie extérieure avec le tissu de la moelle des os lui-môme; il est d'une coloration rougé et d'une consistance presque comparables à celles du tissu musculaire. 74 La vascularité de ces tumeurs est complètement différente de celles des tumeurs que je viens de décrire tout a l'heure et de celles du tissu normal des os. Ces tumeurs peuvent atteindre des dimensions très-variables d'une région du corps à l'autre, selon qu'on les opère plus ou moins vite. Leur consistance varie selon les périodes de leur évolution. Il n'est pas rare d'en voir qui subissent des phénomènes de ramollissement lorsqu'elles atteignent un volume considérable. Ce ramollissement coïncide presque toujours avec certaines modifications de texture, qu'il est important d'indiquer. En effet, ces tumeurs ont pour élément fondamental des myéloplaxes et pour élément at issez habi- tuellement des fibres de tissu lamineux, soit ù mplet dé- veloppement, soit à Tétai fusiformi ;qua- ble, on n'y trouve presque jamais de méd . Lorsque les myéloplaxes se multiplienJ outre mesure de manière à former des tu- meurs dont le tissu, d'un rouge et d'une consistance musculaires, a un aspect différent de celui de la moelle, les médullocelles, éléments fondamentaux du tissu normal, ne sont pas atteintes d'hypergénèse. Lorsque ces tumeurs acquièrent un certain volume, on voit qu'il se dépose dans l'épaisseur des myéloplaxes, à l'exclusion des autres éléments anatomiques, des granulations graisseuses qui sont dispo- sées de place en place, de telle manière qu'on trouve certaines por- tions de la tumeur qui ont Une teinte jaunâtre ou jaune orangé, séparée par des portions de tumeur qui conservent la '..ration rouge habituelle; il en résulte un aspect marbré très-remarquable. En môme temps il se produit également des granulations graisseuses entre les myéloplaxes. Alors dans toutes ces régions le tissu perd ' de sa consistance que l'on a comparée à celle du tissu musculaire et qui lui a fait donner le nom Vosiêosarcomc. Il est très-commun de voir dans ce cas survenir le ramollissement du produit morbide, et on lui a donné le nom de tumeur encéphaloïde, parce qu'il y a en effet un peu de la consistance et de la coloration de l'encéphale dans les portions de tissu qui ont subi ces modifications de structure intime. Une autre particularité, c'est que ces tumeurs ne sont pas aussi vasculaires que pourrait le faire croire leur coloration d'un rouge musculaire. Elles sont moyennement vasculaires, et il y a beaucoup d'autres produits morbides qui le sont beaucoup plus. Ces tumeurs se développent assez habituellement dans les extré- 75 mités des os longs, au voisinage des articulations ou dans les os courts, en un mot dans le tissu spongieux plutôt que dans la lon- gueur du canal d'un os long. Partout où ces tumeurs se développent, les vaisseaux tant artériels que veineux prennent un grand volume. Il résulte de là que ces tumeurs sont entourées de vaisseaux volumi- neux, et, lorsqu'elles sont traversées par des cloisons de tissu fibreux, comme les vaisseaux de ces cloisons sont très-volumineux, elles pré- sentent souvent des battements; d'où le nom de tumeurs à battements anévrismatiques qu'on leur a quelquefois donné ; mais les vaisseaux qui produisent ces battements sont situés à la surface des tumeurs ou dans les cloisons qui les divisent en plusieurs lobules; ils nais- sent toujours dans la trame même formée par les myéloplaxes, dans laquelle les vaisseaux capillaires sont relativement peu nombreux. Ces tumeurs forment une espèce particulière de produits morbides très-différente des tumeurs qui dérivent des médullocelles au point de vue de la texture et de la forme, et elles diffèrent aussi notable- ment de beaucoup d'autres tumeurs avec lesquelles on les confon- dait sous le nom de cancers, d'ostéosarcômes, etc. 11 importe de no- ter qu'on n'a pas encore observé de cas de génération hétérotopique des éléments constitutifs de la moelle, tandis qu'on a observé des cas de génération hétérotopique des tissus glandulaires épithéliaux et autres. Toutefois dans certaines tumeurs fibreuses, développées quel- quefois au contact du périoste, mais parfois aussi assez loin du pé- rioste, on peut rencontrer des myéloplaxes. Dans le cas de la géné- ration hétérotopique du cartilage, c'est-à-dire dans les encbondro- mes vasculaires, on trouve de la moelle analogue à celle des os; c'est la génération hétérotopique de la moelle qui accompagne la génération hétérotopique du cartilage. Indépendamment de son influence sur la nutrition du tissu os- seux, la moelle joue un rôle relativement à la légèreté des os; elle permet qu'ils soient doués d'un certain degré de résistance en raison de la production d'un canal central et d'une paroi plus ou moins épaisse, sans qu'il y ait réplétion de ce canal par un tissu aussi dense que le tissu osseux lui-même. De là vient que le squelette pèse beau- coup moins que ne semblerait le faire croire le volume considérable que présente l'ensemble des parties similaires appelées osseuses. OBSERVATIONS SUR LA CONSTITUTION DU TISSU ÉRECTILE. Lues à la Société de Biologie, dans sa séance da 87 août 1864. PAR M. LE DOCTEUR CHARLES ROBIN, Professeur d'histologie i la Vacuité de médecine de Pari*. Dans la communication que je vais faire, le temps ne me per mettra pas d'indiquer ce qui revient à chacun des auteurs français et étrangers qui ont étudié avec tant de soin le tissu érectile. Je serai donc forcé de m'abstenir de citations bibliographiques, bien que, plus que toute autre, la description du tissu érectile, que je vais donner d'après mes recherches, dût exiger peut-être une comparai- son de cet ordre. 'il. — COMPOSITION ET TEXTURE PROPRES DU TISSU ÉRECTILE. Le tissu érectile constitue bien une espèce distincte de tissu, con- trairement à ce qu'ont admis quelques auteurs d'après des vues théoriques aujourd'hui contredites par des observations comparatives et embryogéniques surtout, plus précises d'une part, plus générales de l'autre. Ce tissu n'est pas une variété du tissu musculaire à libres lisses, auquel une disposition des vaisseaux, en quelque sorte acci- dentelle par rapport à ce qu'ils sont dans les autres portions de ce tissu, donnerait seulement un aspect particulier, sans lui rien ôter 78 des propriétés du tissu contractile précédent; de telle sorte que l'érection eût été un fait de contraction à un double titre, c'est-à- dire en ce qui concerne la cause de l'érection, d'une part, et en ce' qui regarde la rigidité, d'autre part. 1° Cette contraction commençant vers les vésicules séminales, la portion membraneuse de l'urètre, la prostate (entourées de fibres lisses), le muscle de Willson (muscle à fibres striées), etc., cette contraction, dis-je, mettrait obstacle au retour du sang veineux dans le plexus de Santorini, d'où résulterait une dilatation des aréoles du corps cavernoux, c'est-à-dire l'érection. 2° La contraction survenant alors dans les fibres interaréolaires cau- serait la rigidité par sa lutte énergique contre la tension, ou mieux l'incompressibilité du sang interposé aux trabécules mêmes qui se contracteraient. Mais abordons plus directement le sujet même de cette lecture. Nous connaissons déjà en particulier toutes les espèces d'éléments anatomiques qui se trouvent dans le tissu érectile, et il n'en renferme qui lui soit spéciale, comme les tubes nerveux ou tissu nerveux, par exemple; mais les parties simples dont il est composé offrent là une texture ou arrangement réciproque qu'on ne retrouve nulle part ailleurs dans l'économie. Ce tissu est composé : 1° par un réseau d'énormes capillaires dila- tés de manière à remplir le rôle de réservoirs sanguins, mais n'offrant pas la structure des sinus proprement dits; 2° à ce réseau arrivent, d'une part, des artérioles à tunique musculaire très-épaisse, qui sont flexueuses, à ondulations très-rapprochées, souvent disposées en spirale ou en hélice (artères hélicines) sur une certaine longueur avant de se continuer avec ces capillaires, plus larges qu'elles ne le sont elles-mêmes; 3°de ce réseau partent des veinules; mais dans le tissu des organes érectiles des voies génitales, elles se constituent, en tant que vaisseaux efférents, à la surface des organes premiers que forme le tissu érectile même, plutôt que dans son épaisseur, contrai- rement à ce qui a lieu dans les autres tissus; 4e les mailles limitées par le réseau des capillaires sont comblées par des faisceaux ou tra- bécules anastomosés de manière à entourer ces gros capillaires mêmes; et ces faisceaux sont formés de fibres lamineuses et défibres élastiques en quantité à peu près égale, avec un petit nombre de libres-cellules, de fins capillaires et de tubes nerveux, dans un certain nombre de ces faisceaux, mais non dans tous. Le tissu ainsi composé est mou, extensible, lorsqu'il n'est pas in- jecté de sang ou d'autres liquides; mais lorsqu'on cherche à le déchi- rer, il résiste plus que ne le feraient croire sa mollesse etl'a'spect aréo- laire de sa coupe. Il est d'un gris rougeâtre lorsque, étant privé de iln'apasété lavé, et ildevient blanc sous l'influer) ce d'un courant d'eau. Cette couleur blanche lui est propre avant toute action de l'eau, dès qu'il est privé de sang, sur les animaux chez lesquels le tissu des faisceaux interposés aux mailles capillaires abondent par rapport au nombre et au diamètre de celles-ci, comme on le voit dans la crête et les caroncules des gallinacés. Texture. — Le tissu érectile est essentiellement représenté par un réseau capillaire interposé entre des bronches, des artères et veines honteuses. Mais ces capillaires sont plus larges que les artérioles quïls continuent, et, par places, plus aussi que les veinules qui par- tent de ce réseau; artérioles et veinules auxquelles revient la régle- mentation de l'afflux et du cours sanguin, comme cola est aussi dans, les autres tissus. De cette largeur des capillaires vient l'aspect de si- nus qu'ils offrent et la disposition aréoiuire de la coupe du tissu. Ces tissus sont larges d'un dixième de millimètre à un millimètre et demi quand ils sont distendus vers le centre des corps caverneux, et deviennent étroits, peu réguliers dans l'état de non-distension et de flaccidité du tissu. Autrement ils sont cylindroïdea, toruleux, à mailles plus étroites que les vaisseaux limitants, et Je tissu oui rem- plit ces mailles entoure et soutient ces larges capillaires, forme ce qu'on nomme les lrabecul.es du tissu. C'est dans la profondeur des organes érectiles, le long de leurs trabécules, que les artères s'épanouissent en capillaires, tandis que c'est à la surface de ces organes que naissent les veines correspon- dantes qui en rapportent le sang. Les plus petites artères sont re- marquables par leurs ondulations très-rapprochées sur les unes, par leur disposition réellement en spirale ou en hélice (artères hélicines de J. Muller) sur les autres. Les veines efférentes sont onduleuses, au moins près de leur ori- gine, mais non, à proprement parler, disposées en spirale comme le sont plusieurs des artères. La disposition hélicoïde, ou à flexuosités onduleuses très-rappro- chées, des artères n'est pas caractéristique des tissus érectiles ni spécialement propre à ce qui est doué d'érectilité ; on la retrouve sur les artères dans tous les tissus des organes qui sont le siège de fré- quents gonflements ou augmentations de volume dans les trois di- mensions, comme les'ovaires, le pavillon des trompes, le tissu mus- culaire de l'utérus, où elle a été bien représentée par M. Rouget, puis aussi dans la muqueuse de celui-ci. Chez les mammifères dont la muqueuse utérine n'est pas caduque, la disposition spirale se réduit à desimpies ondulations, parfoismêrne peu marquées, lorsque les artérioles passent de la tunique muscu- laire dans la muqueuse. Dans celle-ci pourtant les subdivisions et les réseaux sont beaucoup plus nombreux que dans la couche musculaire que traversent les artères et les veines ; elles lui donnent ainsi une vascularité bien plus grande, disposition frappante dès le niveau du plan de contact ou d'adhérence de ces deux membranes. Cette diffé- rence s'observe aussi lorsqu'on vient à comparer la vascularité de la muqueuse vésicale à celle du tissu lamineux et du tissu musculaire sous-jacents. Toutes les fois que des artères hélicoïdes sont accompagnées par une ou deux veines satellites, ces dernières sont simplement ondu- leuses, et parfois le sont fort peu. Lorsque, dans le tissu érectile, on suit les artères à l'aide de la dissection et du microscope, on remarque qu'elles se subdivisent assez brusquement en artérioles spirales ou très-flexueuses, dont la paroi musculaire est plus épaisse relativement que dans les autres tissus, fait très-tranché particulièrement dans le tissu érectile des caroncules et des crêtes des gallinacées. Lorsqu'on parvient à suivre ces artérioles jusqu'au point où cesse d'exister cette tunique à fibres- cellules circulaires et où, par conséquent, on arrive aux capillaires à paroi simple, on voit ces derniers s'élargir plus ou moins brusque- ment et plus ou moins régulièrement en cône, au lieu de continuer à diminuer de diamètre et à se réduire .en capillaires les plus fins, comme dans les autres tissus. Ils acquièrent ainsi un diamètre plus large que celui des artérioles et des capillaires à deux tuniques qu'ils continuent, puisqu'ils atteignent jusqu'à 1 millimètre et même 1 mil- limètre et demi vers le centre des corps caverneux. Ils n'en sont pas moins anastomosés fréquemment ensemble, et ils circonscrivent des espaces ou mailles bien plus étroits que les conduits limitants; en augmentant de diamètre à compter de luge fœtal, les parois de ces conduits n'ont pas pris une structure correspondante à celle que 81 présentent ailleurs les Vaisseaux, à mesure qu'ils prennent ce volume. Ce sont les cavités de ces conduits relativement larges, à structure de capillaires, ou les orifices, la lumière, de chacun de ceux qui sont ouverts sur la coupe du tissu érectile, qu'on appelle les aréoles de ce tissu, aréoles dont la largeur indique le diamètre des conduits ou- verts, largeur qui augmente de la surface vers le centre des organes érectiles, et se montre plus étroite dans le tissu spongieux de l'urètre et du gland que dans celui des corps caverneux proprement dits. Ces vaisseaux relativement larges sontcylindroïdes comme les au- tres capillaires, et leur coupe présente une forme circulaire plus ou moins régulière sur les pièces injectées fraîches. La forme polyédri- que des aréoles des pièces sèches, préparées par insufflation surtout, est un résultat artificiel de la dessiccation. Ces capillaires sont fréquemment anastomosés dans tous les sens, d'espaces en espaces, dont la lougueur est mesurée à peu près par le propre diamètre de ces capillaires ; d'où il résulte que ces anastomoses sont d'autant plus fréquentes que les vaisseaux sont plus petits, comme on le voit en plusieurs points de la surface des organes érec- tiles. Puis elles deviennent plus éloignées les unes des autres et, par suite, les vaisseaux- semblent plus longs dans le grand axe de l'or- gane érectile dont il s'agit, au moment où vont naître les veines effé- rentes. Celles-ci se constituent du reste brusquement en veines propre- ment dites, comme les artères se sont brusquement subdivisées, et • ces veinules d'origine à trajet contourné sont, comme les artérioles terminales, plus petites par places que les capillaires en sinus dont elles viennent; mais elles ont la structure des veines ordinaires de ce volume. Ces capillaires n'ayant plus le volume capillaire conservent pourtant la structure des capillaires propres les plus fins. Malgré leur largeur, ils sont composés d'une seule tunique épaisse de 2 à 3 millièmes de millimètre, homogène, sans stries ni granulations, avec des noyaux peu nombreux d'espace en espace, occUpaut l'épaisseur de la mem- brane en dedans ou en dehors de laquelle ils font une légère saillie. Cette tunique n'est pas attaquée par l'acide acétique; elle adhère for- tement au tissu interposé ou trabéculaire, dont elle ne peut être détachée que par lambeaux, et auquel elle adhère d'une manière mém. 6 82 immédiate ; mais sur les coupes du tissu on la voit dépasser le tissu des trabécûles sous forme d'une bande claire épaisse de 2 à 3 milliè- mes de millimètre, et en même temps çà et là on voit les noyaux indiqués plus haut. Les conduits sanguins du tissu érectile n'ont pas d'autre paroi que celle-ci, et en la considérant comme tunique de Bichat, ils n'ont pas à leur face externe comme les sinus des os, etc., une tunique à fibres longitudinales, tandis que les veines, parfois plus petites, qui en viennent et percent l'enveloppe fibreuse des organes érectiles, ont des parois à structure telle que celle des veines générales de ce vo- lume. La face interne de ces conduits, relativement larges et à structure de capillaires, n'est pas tapissée d'une couche épithéliale, même dis- continue, pas plus que n'en possèdent les capillaires proprement dits des autres tissus. C'est ce que montre bien leur examen fait compa- rativement à celui de la face interne des vaisseaux qui ont réellement un épithélium, comme les artères, les veines, l'endocarde, contre lesquels les cellules et surtout leur noyau se voient facilement. Les auteurs qui ont décrit les aréoles des organes érectiles comme tapissées d'un épithélium très-adhérent au tissu même des trabé- cûles, difficile à isoler, etc., avaient certainement sous les yeux la paroi propre des capillaires mentionnée plus haut, qu'ils ont consi- dérée comme un épithélium, bien qu'elle n'en ait pas les caractères. Le tissu interposé aux vaisseaux précédents se présente sur la coupe des organes érectiles sous forme de faisceaux, colonnettes ou trabécûles anastomosés les uns avec les autres, limitant des aréoles ou espaces qui sont la lumière d'autant de branches de ce réseau vasculaire; d'où l'aspect caverneux ou spongieux des surfaces de section et de déchirure de ce tissu. Ces faisceaux remplissent en fait chacun exactement une des mailles circonscrites par ces conduits sanguins à paroi unique et mince, qui leur reste adhérente et les tapisse quand on les isole. Ils ont depuis quelques centièmes de millimètre de large et d'épaisseur jusqu'à 1 millimètre environ, mais alors ils sont aplatis, lamelleux, bien plus minces que larges. Us sont ainsi plus larges ou environ de même largeur que les con- duits interposés quand ces derniers sont vides, ou presque vides, sur lès organes érectiles à l'état de flaccidité. Ils sont bien plus étroits et 83 presque perdus à côté de ces vaisseaux, quand ces derniers sont pleins de sang ou d'injection. Le tissu de ces faisceaux est mou, bien que tenace et résistant à la déchirure, extensible et élastique, grisâtre tant qu'il n'a pas été lavé. Il est plus mou, plus extensible, plus élastique que celui des enveloppes fibreuses des organes érectiles et s'en détache assez faci- lement par la traction ou le raclage. 11 n'est pas un prolongement des faisceaux de ces enveloppes iibreuses ; il est plus riche en fibres élas- tiques et ses fibres lamineuses sont moins cohérentes, moins rigides. Les faisceaux de ce tissu sont grisâtres, demi-transparents sous le microscope, striés finement, et ces stries parallèles entre elles in- diquent la direction de leurs fibres constituantes; elles sont circu- laires par rapport à l'axe du vaisseau, ou si l'on veut par rapport au centre de chaque aréole ou lumière des conduits coupés. La dilacération et les réactifs montrent dans chaque faisceau : 1° Des fibres lamineuses molles, disposées en nappes, assez peu cohérentes, avec une petite quantité de substance amorphe translu- cide entre elles et les autres éléments; 2° Des noyaux embryoplastiques, à peu près autant que dans le tissu lamineux sous-cutané; 3° Des libres élastiques fines, flexueuses, parallèles aux fibres la mineuses, souvent anastomosées, représentant uue masse à peu près aussi considérable que celle des fibres lamineuses et bien plus abon- dantes que dans les enveloppes fibreuses des organes érectiles; 4° Dans quelques trabécules, mais non dans toutes, existent des fibres-cellules disposées en un ou deux petits faisceaux, ne représen- tant certainement pas le dixième de la masse totale que forment les fibres lamineuses et élastiques. Ces éléments contractiles sont en tous cas bien moins abondants qu'on n'a cru le voir d'après des vues plus hypothétiques que fondées sur l'observation, et émises surtout dans le but d'expliquer certains phénomènes de l'érection ; 5" Quelques trabécules, les plus grosses, montrent dans leur épais- seur soit un capillaire proprement dit. soit une artériole spiroïde ou non, l'ait signalé depuis longtemps par divers auteurs, tels que Koel- liker, etc. L'acide azotique, étendu de quatre à cinq fois son volume d'eau, durcit et resserre un peu les faisceaux ou trabécules qui remplissent les mailles du tissu. Portés alors sous le microscope après diiacéFa- tioti, Ces derniers offrent une certaine analogie par leur aspect strié en long avec les faisceaux de fibres-cellules dont les éléments n'ont pas encore été isolés. Mais en ajoutant alors de l'acide acétique à la préparation, l'on voit ces vaisseaux se gonfler, devenir transparents; alors les fibres élastiques qui étaient rapprochées les unes des autres par suite du resserrement causé par l'acide azotique, et qui donnaient aux faisceaux l'aspect strié, s'écartent graduellement; elles devien- nent aussi nettement visibles que sur les faisceaux qui n'avaient pas été traités par l'acide azotique, mais restent toutefois plus flexueuses. On ne voit nullement dans ces vaisseaux les noyaux allongés dispo- sés parallèlement, caractéristiques des fibres-cellules et de leurs faisceaux que le même traitement met en évidence sur les prépara- tions faites comparativement à l'aide du tissu musculaire de l'intes- tin ou de la vessie. g 11. — Comparaison du tissu érectile a quelques-uns DES TISSUS NORMAUX CONFONDUS AVEC LUI. Les conduits sanguins à la réplétion desquels le tissu érectile doit son érection diffèrent donc des veines, bien qu'ils aient le volume de beaucoup d'entre elles, car ils sont en réseau comme les capillaires qui ne sont pas encore réunis en veines. Us n'ont, en outre, que la mince et unique paroi des capillaires les plus fins, et ce n'est qu'à la face profonde ou au sortir de l'enveloppe fibreuse des organes érec- tiles qu'ils prennent les parois ayant la structure de celle des veines. Par suite, on ne peut les confondre avec les veines des couches, réseaux ou plexus veineux des autres parties des organes génitaux qui, ayant encore des artères en hélices ont été considérées comme érectiles par suite de l'abondance et du volume relatif de leurs veines (muqueuse de la portion membraneuse de l'urètre chez l'homme, de l'urètre de la femme, tissu sous-muqueux du vagin, ovaire, pa\illon de la trompe, etc.). Ces organes, en effet, sont congestibles, physiquement ou patholo- giquement, mais non érectiles à proprement parler, et ce sont des veines qui font suite à un réseau capillaire ordinaire proportionné au volume des artères, mais qui ne représentent pas ce réseau, comme dans les tissus érectiles. De plus, entre ces vaisseaux il n'y a pas une trame de structure uniforme et spéciale,, comme, au eon- 85 traire, en ont une les organes érectiles, trame représentée par les trabécules. Chez les nouveau-nés, les artères comme les veines sont plus ou moins fréquemment ramifiées et anastomosées, mais fixes et très- peu flexueuses. Puis elles deviennent flexueuses à mesure qu'elles grossissent avec l'âge. Les veines sont alors tortueuses, presque con- tiguës, à anastomoses rapprochées, mais moins que dans les tissus érectiles; et surtout elles ont des parois plus épaisses, à structure telle que celle des veines ordinaires de ce volume, et isolables par la dissection des tissus ambiants qui n'ont pas une structure spéciale comme la trame du tissu érectile. Aussi vont-elles toujours en augmentant de volume, de flexuosités avec l'âge, et même elles deviennent variqueuses, ou dans d'autres cas elles se distendent indéfiniment jusqu'à rupture et formation d'un tbrombus, quand l'obstacle à l'écoulement se présente. Dans le tissu érectile, rien de pareil n:a lieu; la structure de la pa- roi unique, mince, ne s'y prêterait pas (car elle se romprait), lors même que dans ces organes érectiles la dilatation ne serait pas arrê- tée, fixée et maintenue à un point déterminé par leur enveloppe fibreuse et par les trabécules, inextensibles au delà d'un certain de- gré de réplétion. Les différences que je viens de signaler, 1° d'une part, entre les conduits sanguins du tissu érectile et la trame propre qui leur est interposée sous forme de trabécules, et 2° les artères spiroïdes, les veines flexueuses, grosses, nombreuses et graduellement dilatables avec l'âge du tissu sous-muqueux de quelques organes, d'autre part, s'appliquent en tout point également aux parties suivantes : ce sont, en premier lieu, les vaisseaux dépendantdu plexus utéro-ovarien, qui sont fréquemment ramifiés et anastomosés le long du bord adhérent, ou hile,de l'ovaire, qu'ils débordent, sans pénétrer, à proprement parler, dans le corps de l'organe, bien que le tissu propre de celui-ci en re?. çoive des artérioles et des veines plus ftu moins grosses. Quand ils sont remplis, ces vaisseaux forment là, entre les deux feuillets de l'aileron postérieur des ligaments larges, un renflpment que M. Rou- get considère comme du tissu érectile, et qu'il a appelé bulbe ou corps spongieux de C ovaire. Ces conduits sanguins sont fréquemment ramifiés et anastomosés, mais fins et très-peu flexueux dans le jeune âge. Plus tard les artères 86 deviennent flexpeuses ou même 6piroïdes, et sont comme perdues entre les veines simplement llexueuses, mais bien plus dilatées rela- tivement ; de sorte que les rapports de celles-ci comme satellites des premières, bien que persistant, ne peuvent être retrouvés qu'avec peine et par une dissection attentive de leurs nombreuses et grosses anastomoses. Le tissu propre du corps même de l'ovaire a été appelé bulbe et ooriion vasculaire ou bulbeuse de C ovaire par M. Sappey, et considéré par lui comme du tissu érectile. Mais ni le plexus contigu au bord adhérent de l'ovaire, ni le tissu propre du corps de l'ovaire n'ont la composition anatomique et la texture du tissu des corps caverneux, lu gland, du bulbe de l'urètre et de celui du vagin. L'état spiroïde les artères, le volume et les flexuosités des veines qui arrivent aux )rganes érectiles ne sont pas ce qui caractérise anatômiquement le issu érectile même, ainsi qu'on l'a vu plus haut. Le plexus précédent et le tissu de l'ovaire ont bien des artères lexueuses ou même spiroï'des, des veines très-grosses et llexueuses :hez l'adulte; mais ces conduits conservent leur structure propre et e réseau de capillaires qui leur est interposé n arien de spécial, :ontrairement à ce qui est dans le tissu des organes érectiles énu- nérés plus haut. En outre, la trame interposée entre ces capillaires liffère dans l'ovaire, dans les trompes, dans les ligaments larges, mis dans l'utérus, dans la muqueuse vaginale, dans celle de l'u- ètre, etc., tandis qu'elle reste semblable à elle-même dans le tissu es corps caverneux, du gland, du bulbe de l'urètre et de celui du agin, sans pouvoir être assimilée à celle de l'ovaire, des ligaments irges, de l'utérus, etc. Ainsi il n'y a entre ces organes d'analogies qu'en ce qui regarde 2S flexuosités et le volume des artères et des veines, c'est-à-dire des aisseaux qui pénètrent dans ces organes et de ceux qui en sortent; nais il n'y en a pas entre le tissu propre des uns et celui des autres, ui se trouve en quelque sorte interposé aux vaisseaux afférents et fférents des organes qui en sont formés. Aux faits précédents il importe d'ajouter ceux qui suivent, qui, ien que d'un autre ordre, ne sont pas sans valeur tant intrinsèque ue comparative. Chez l'homme et les autres mâles des mammifères, le système des rganes premiers, constitué par le tissu érectile, est représenté par 87 les corps caverneux, le bulbe et la portion spongieuse de l'urètre avec le gland. Or, de même que pour tous les autres tissus doués d'une véritable autonomie au point de vue de la composition anato- mique élémentaire, de la texture et des propriétés, nous trouvons dans le sexe femelle les organes premiers correspondants composés du même tissu : ce sont les corps caverneux du clitoris, les bulbes du vagin et le gland du clitoris. Chez les mâles, au contraire, il n'y a pas, dans le testicule ni vers son hile ou ailleurs, d'organes formés de tissu érectile, correspon- dant à ceux que, dans l'ovaire et contre son hile, ainsi que dans l'u- térus et les parois du vagin, on a considérés comme étant aussi de nature érectile; supposition admise à tort, comme nous l'avons vu, puisqu'ils manquent de la texture propre au tissu de ce nom, et n'ont d'autre analogie que celle qui porte sur la configuration et le volume des vaisseaux qui s'y rendent et de ceux qui en partent. Partout enfin on reste frappé de l'uniformité remarquable de tex- ture qu'on observe d'un organe premier à l'autre de ceux que forme le tissu érectile chez l'homme, la femme et les divers mammifères, sauf le diamètre des larges conduits intertrabéculaires à structure de capillaires. Ils sont plus fins, en effet, vers la surface, où ils n'ont qu'un dixième de millimètre ou environ, que vers la profondeur, où ils atteignent un millimètre à un millimètre et demi ; — d'où la dif- férence de diamètre de ce qu'on a nommé les aréoles. —Celles-ci sont plus fines dans le tissu érectile du gland et de l'urètre que dans celui des corps caverneux de la verge , plus fins dans ceux du clitoris que dans celui du bulbe du vagin. Ainsi le tissu érectile est un réseau de capillaires qui, en partant des artérioles pour les suivre jusqu'au point où ils sont le plus min- ces et réduits à une seule paroi, offrent une dilatation régulière, au lieu de devenir de plus en plus étroits comme dans les autres tissus; dilatation qui les amène ainsi a remplir le rôle physique de réservoir au lieu du rôle physique de tubes endosmo-exosmotiques et vecteurs qu'ils remplissent généralement. Du reste, lors de l'apparition des organes érectiles chez le fœtus, ils n'offrent qu'un réseau de capillaires proprement dits, qui naissent et se développent comme ceux des autres tissus ; mais dès l'origine pourtant ils sont plus larges que dans les autres tissus. D'âge en âge on constate que ceux qui n'ont qu'une seule tunique continuent à grandir, sans addition de fibres musculaires et autres, à celle-ci, alors que ceux qui, aux deux extrémités du réseau, si l'on peut dire ainsi, ont pris la structure des artérioles d'une part, des vénulesde l'autre, ne s'accroissant pas plus là qu'ailleurs, restent de la sorte plus étroits que les précédents. g III. — Remarques sur l érection. L'érection n'est, en soi, c'est-à-dire en ce qui se passe d'elle dans le tissu érectilemême,etnondanslesartères afférentes et dansles veines efféreutes, l'érection, dis-je, n'est en soi qu'un phénomène essentiel- lement physique ; c'est un phénomène de réplétion, par un liquide incompressible, de cavités à parois flexibles, mais qui ne sont plus extensibles au delà d'un certain degré ; degré qui est déterminé tant par leur texture propre que par celle de l'enveloppe fibreuse de chaque organe formé de tissu érectile. Après avoir ainsi augmenté de volume jusqu'à ce degré fixe, celui-ci devient relativement incompressible et inflexible ; de là la rigidité. Ainsi les causes de la rigidité ne sont pas autres ici que celles de la rigidité des ventricules sous l'influence de leur réplétion par du sang lors de la systole des oreillettes. Comme sur le cadavre la rigidité sur le vivant est due à l'accumu- lation jusqu'à réplétion et distension d'un liquide incompressible dans le réseau à larges mailles du tissu des corps caverneux, etc. Distension arrêtée et fixée par la membrane fibreuse de chaque or- gane caverneux et aussi par la tension du tissu lamineux et élastique trabéculaire. Une fausse idée du mécanisme de l'érection a fait considérer la ri- gidité comme active et musculaire, analogue au durcissement des muscles et, par suite, due à une cause intime et musculaire placée dans le tissu .érectile même. De là on a admis et cru voir beaucoup de fibres musculaires dans es trabécules intervasculaires, qu'on n'y trouve cependant pas, sans songer que c'était tout donner à ce qui cause, au contraire, l'évacua- tion du tissu ; ou au moins à ce qui cause une diminution de volume pour augmenter la rigidité, en supposant une lutte de ces prétendues libres trabéculaires contre un obstacle à quelque écoulement, tandis que la rigidité augmente avec la distension. 89 Le tissu intervasculaire des organes érectiles, comme leurs enve- loppes, n'a, pendant l'érection môme, qu'un rôle de soutien des min- ces parois qui lui adhèrent et de limitation à la distension tant qu'il y a afflux, rôle auquel succède celui d'évacuateur par rétractitilité élastique dès que se ralentit l'afflux. Mais ce tissu n'a rien dans sa composition intime ou élémentaire qui permette d'assimiler la rigidité à celle qu'amène la contraction dans les muscles qui, elle aussi, mais par un autre mécanisme molé- culaire, rend rigides les fibres qui se contractent. Dans le tissu musculaire, c'est le phénomène d'ordre organique ou vital, contrac- tion oui cause directement la rigidité des éléments mêmes auxquels la contractilité est immanente , et ce sont les éléments contractés qui sont le siège de la rigidité. Dans le tissu érectile , les causes d'ordre organique ou vital , tant relatives à l'innervation qu'à la contractilité , portent sur les artères et les veines se rendant aux organes érectiles , mais ne siègent pas dans leur tissu. La rigidité y est un fait physique dont la cause directe est physique aussi, c'est-à-dire est une distension par un li- quide incompressible de cavités à parois inextensibles au delà de certaines limites ; mais cette cause n'est pas une contraction du tissu de ces parois mêmes. Au point de vue des causes qui la déterminent , l'érection est un phénomène de môme ordre que la rougeur de la face, survenant comme celle-ci sous l'influence vaso-motrice involontaire de certaines impressions visuelles, de contact ou de certaines pensées; mais elle peut survenir en outre sous l'influence de causes analogues à celles qui déterminent des mouvements dits réflexes, c'est-à-dire ayant lieu sans perception préalable d'une impression qui est pourtant trans- mise jusqu'à la moelle épinière. C'est ainsi qu'elle est déterminée par la réplétion de la vessie ou du rectum pendant le sommeil. Une action directe sur le centre vaso-moteur génito-spinal ou lom- baire de la moelle épinière la suscite également, ainsi qu'on le voit dans les expériences et dans les cas de congestion de cet organe du- rant le sommeil, sous l'influence de certains mouvements du tronc, tels que les oscillations répétées d'une voiture en marche, certains efforts, un commencement d'asphyxie par pendaison. Lorsque la rigidité est produite, les muscles à faisceaux striés, c'e'st-à-dire à contractions rapides, mais temporaires et intermit- 90 tentes, soumises à l'influence de la volonté, tels que les bulbo-eaver- neux, ischio-caverneux et peut-être le pubio-urétral, agissent dans l'accomplissement de certains actes qui exigent l'érection; mais là comme partout ailleurs les muscles de cet ordre n'interviennent que par moments d'une courte durée. Ici pas plus qu'ailleurs les muscles ne sont le siège des contractions uniformes et d'une longue durée, dont on a invoqué l'existence, contradictoirement à tout ce qu'on sait de la contractilité ; et cela pour expliquer l'érection par une compression des veines à la base de la verge empêchant l'écoule- ment du sang des corps caverneux aussi longtemps que dure la ri- gidité. Une contraction uniforme de muscles à fibres striées eût-elle lieu aussi longtemps que durent les érections, ce qui n'est pas, trop de veines des organes érectiles de l'homme et de la femme échappent à l'action des muscles précédents en se jetant dans les sous-cutajiées abdominales, les obturatrices, etc., pour que la compression qu'on a admise comme cause d'érection produisit les effets qu'on veut lui faire expliquer. Cette compression, du reste, en mettant tant de fois obstacle au cours du sang dans les veines dorsales de la verge et au- tres, finirait certainement par les rendre variqueuses, ce qui, au contraire, n'a jamais lieu dans ces organes. Ou ne détermine pas plus l'érection en contractant volontairement les muscles du périnée aussi longtemps que possible qu'on ne cause la rougeur par des contractions volontaires des muscles de la face ; car ce sont là des phénomènes congestifs de même ordre survenant dans des tissus différents. Lorsqu'elles sont involontaires, les con- tractions de ces muscles sont de courte durée , comme dans tous les autres muscles. La cause immédiate de l'érection est un relâchement, une dilata- tion artérielle sous l'influence d'une cessation momentanée de l'ac- tion du grand sympathique. Ce relâchement est causé lui-même par telle ou telle impression directe ou indirecte surtout. Cette dilatation des artères des corps caverneux et du bulbe de l'urètre jusqu'aux artères hélicines permet un afflux sanguin plus grand dans des con- duits jusque-là affaissés, et la distension de ceux-ci par accumulation de sang; phénomène ayant lieu pendant que du côté opposé du réseau les causes d'écoulement ordinaire, représentées par l^s veines effé- rentes, ne sont pas changées ou du moins ne le sont pas notablement. 91 Elles sont même plutôt dilatées que resserrées, et ne sont pas plus musculeuses ai plus riches en nerfs que les autres. Ainsi les causes nerveuses de l'érection sont une cessation d'action du grand sympathique, du centre lombo-génital ou spino-génital ; ce sont des causes de relâchement et non de contraction. Ce sont davan- tage des causes de dilatation artérieile que de resserrement vei- neux, resserrement dont les conditions anatomiques n'existent pas. Ces causes nerveuses de relâchement artériel portent sur les nerfs se distribuant dans toute la longueur des artères caverneuses et bulbo-urétrales et dans le tissu érectile môme, et non dans le bassin ou à la base de la verge , où on les a toujours cherchées , sans les dé- terminer nettement, parce qu'elles n'y sont pas, non plus que pour le bulbe du vagin, les organes érectiles de la tête des dindons. Nous voyons donc que l'érection est une activité de l'afflux sanguin dans un tissu particulier, par relâchement et dilatation des vaisseaux afférents, plus qu'une rétention du sang par contraction des vais- seaux efférents. La dilatation des artères se rendant aux organes formés de tissu érectile permet à l'afflux du sang artériel de s'opérer autant que dure celle-là. Les causes éloignées et permanentes de cet afflux sont la contrac- tion permanente du cœur, action d'ordre organique ou vital, ayant pour complément l'action d'ordre physique résultant de l'élasticité des parois artérielles. Aussi voyons-nous, d'après les expériences de Mûller, que le sang qui s'accumule dans les corps caverneux pendant l'érection y est soumis à une pression égale à une colonne d'eau haute de deux mètres; pression égale à celle qu'exerce le sang sur les parois artérielles, ou vice versa, tant qu'il circule dans les artères. C'est réciproquement la hauteur de la colonne d'eau qu'il est néces- saire d'employer pour déterminer l'érection du pénis dont le tissu est mis en communication avec cette colonne de liquide. Cette pression du sang artériel dans les corps caverneux serait au contraire plus considérable si l'érection était due à une contraction de fibres musculaires au sein même de la trame des organes érec- tiles, contraction s'exercant sur le liquide incompressible en lutte* contre le sang arrivant par les artères et contre un obstacle à son issue par les veines. En ce qui concerne les causes de cette tension du sang dans les 02 . artères, ou mieux, la tension des parois artérielles par le sang, l'aua- toraie nous enseigne que l'état de repos des artères, au point de vue de leur propriété physique 4' élasticité, est l'état de retrait jusqu'à oblitération complète; état auquel elles tendent constamment et auquel elles n'arrivent qu'après la mort, lorsque le cœur cessant de leur envoyer du sang, elles chassent leur contenu dans les capillaires et de là dans les veines, par retrait sur elle-même de leur tunique élastique. Leur état de repos, au point de vue de la contractilité des libres- cellules contenues dans cette paroi, est au contraire la cessation de la contraction de celles-ci, permettant une plus grande dilatation de ces vaisseaux par le sang que le cœur y pousse à chaque systole. Quand cette contraction a lieu, elle agit dans le même sens que le retrait élastique des artères et lui vient, en aide lorsque la quantité de sang qui s'écoule par les capillaires n'est pas proportionnée à celle que les ventricules poussent dans les artères. L'élasticité des artères est ainsi continuellement en jeu tant que les ventricules se contractent ; elle se manifeste sous l'influence de la tension continue qui s'exerce surtout du dedans vers le dehors, contre laface internedeces membranes élastiquestubulairesetàfibres élastiques circulaires, etnon surjes extrémités d'une membrane ou d'un ligament, comme on levait pour les autres parties formées de tissu élastique. De là leur tendance an retrait jusqu'à oblitération autour de leur axe longitudinal. Leur extension et leur retrait élastiques se manifestent aussi dans le sens de leur longueur à chaque ondée de sang poussée par les ventricules ; mais ils sont moins marqués que dans l'autre sens parce qu'il y a une fuite constante du liquide du côté des capillaires. Les causes de la cessation de £ érection sont la contraction des ar- tères par influx nerveux réflexe involontaire, amenant la cessation du plus grand afflux sanguin dont il vient d'être question, pendant que les conditions d'écoulement restent les mêmes ou augmentent, si tant est que les veines se resserrent pendant l'érection. Dès lors la pression artérielle incessante, diminuant dans le réseau de larges capillaires du tissu érectile, abandonne le sang à l'influence de l'élasticité des trabécules et des enveloppes fibreuses ; élasticité que jusque-là elle contre-balançait ; élasticité due à leurs nombreuses fibres élastiques indiquées ci-dessus, qui, avec la disposition des veines, montrent tout disposé pour une évacuation et un écoulement plus faciles que la réplétion. Rien ne s'oppose à cet écoulement dès que l'afflux n'a plus lieu. Là aussi agissent les rares fibres-cellules de la trame du tissu érec- tile, fibres- cellules qui servent à compléter cette évacuation et non à l'érection. Du reste, le nombre des fibres élastiques est assez grand pour produire cette évacuation, qui est manifestement purement mé- canique plus qu'active dans l'ordre organique. 11 y a, en un mot, assez des fibres élastiques pour satisfaire à l'évacuation sans qu'il soit besoin de contraction. Ainsi c'est dans l'évacuation et la cessation de l'érection que la trame du tissu érectile est active, et active surtout physiquement, par manifestation de son élasticité, et peut-être un peu organique- ment, par contractilité lente de ses rares fibres-cellules ; tandis que dans l'érection elle n'agit que passivement, par manifestation de l'inextensibilité de ce tissu pour donner la rigidité aux organes qui en sont composés. Les causes de la flaccidité de ces organes sont la réplétion incom- plète dux réseau capillaire, abandonnant à leur propre flexibilité et extensibilité les trabécules du tissu et l'enveloppe des -organes pre- miers qu'il forme. J'ai fait connaître, il y a déjà longtemps, qu'il existe quatre espèces de tumeurs sanguines susceptibles de devenir turgescentes; mais aucune n'offre la structure propre au tissu érectile normal ni, à pro- prement parler, les, phénomènes caractéristiques de l'érection ; elles offrent seulement une turgescence accidentelle. A l'expression tumeur érectile on ne doit par conséquent pas rattacher l'idée de la produc- tion d'un tissu nouveau, anatomiquement analogue au tissu érectile de la verge. Les quatre variétés décrites sont : 1° Les tumeurs (dites érectilès) formées par dilatation des troncs artériels ; 2* Les tumeurs formées par dilatation générale avec dilatation d'espace en espace des vaisseaux capillaires qui ont pour types les nœvi malerni vasculaires, quel que soit leur volume; 3° Les tumeurs formées par dilatation, des veines, dilatation gé- néralement irrégulière : telles sont les hémorrhoïdes, le cirsocèle, le varicocèle, «te. , tumeurs analogues anatomiquement, et dont les 94 symptômes ou phénomènes qu'elles produisent ne varient qu'en rai- son du siège qu'elles occupent ; 4" Les tumeurs formées par érosion et rupture soit des artères, soit des veines (ce qui donne lieu à des épanchemeDts sanguins dans les interstices des fibres des tissus), offrent alors des cavités plus ou moins grandes, limitées par des lamelles de tissu cellulaire ou par celles du tissu spongieux des os, avec ou saos caillots dans les plus grandes cavités. J'y ai joint la description d'une cinquième espèce ou variété de tumeur susceptible de turgescence, formée par des vaisseaux lym- phatiques. Je ne reviendrai pas sur ce sujet, déjà traité dans les Mé- moires de la Société de biologie, année 1853, p. 173, etGazette médi- cale de Paris, 1854, p. 328. NOUVELLES RECHERCHES SUR, LA PHYSIOLOGIE ET liA PATHOLOGIE DU CERVELET PAR LE DOCTEUR M. LEVEN, Membre de la Société de Biologie, etc. Le cervelet est un organe exclusivement moteur ; il n'est pas, comme le pensait Holando, la source de tous les mouvements (1). L'ablation du cervelet ne détruit pas ia faculté de produire des mouvements, mais elle amoindrit la puissance locomotrice. Quel est son vrai rôle dans la production des mouvements, résul- tat d'une harmonie préétablie entre le système nerveux central et le système musculaire? Les vivisections seules ne peuvent conduire à la solution du pro- blème; l'anatomie et la pathologie doivent servir à éclairer la phy siologie de l'organe. gl. Anatomie (2). i" Le cervelet forme un sous-système bien isolé dans l'ensemble (1) Flourens, Système nerveux. Paris 1842, deuxième édition. Bouillaud, Arcfi. génér. de médecine, tome XV, 1827. Schiff, Lehrbuch der physiologie, 1858. R. Wagner, Nachrichten von der Vniversit. der Wisscnschufften. Gottinguen, 1858-60. Brown-Séquart, J. de physiologie de l homme et des animaux, n" XV, p. 415. (2) Le chapitre Anatomie a été emprunté au savant traité du docteur Luys. {Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris 1865.) 96 général des libres du système nerveux. Isolé des appareils cérébro- spinaux proprement dits, ce n'est que par l'intermédiaire des fibres de ses pédoncules qu'il entre en combinaison avec eux et qu'il pro- page son action jusqu'au sein de la substance grise du corps strié. 2° Les fibres de la substance blanche du cervelet émergent de la substance grise corticale sous l'aspect de filaments isolés, et semblent constituées à leur origine par l'apport successif des prolongements des cellules nerveuses de nature dissemblable. 3" Les fibres blanches cérébelleuses, quel que soit leur point d'é- mergence, se dirigent comme des rayons vers un amas de substance grise placée au centre de chaque hémisphère cérébelleux pour se mettre en rapport avec les cellules nerveuses qui s'y trouvent. Cet amas de substance grise (corps dentelé) joue vis-à-vis des fibres céré- belleuses un rôle analogue à celui des couches optiques vis-à-vis des fibres blanches cérébrales. 4° De ce centre commun de convergence partent dans trois direc- tions une série de fibres secondaires, conducteurs efférents qui vont se disséminer au milieu des faisceaux de fibres spinales ascendantes et deviennent les origines de la substance grise périphérique du cer- velet. 5" Ces conducteurs efférents sont entre-croisés ; les fibres efférentes inférieures, « pédoncules inférieurs, » traversent les fibres spinales et se perdent au milieu des réseaux de cellules du corps olivaire du côté opposé; les fibres efférentes moyennes, « pédoncules moyens, » contribuent à former par leurs extrémités périphériques la substance grise de la protubérance. Les fibres efférentes supérieures, « pédon- cules supérieurs, » se perdent après leur entre-croisement dans deux amas géminés de substance grise qui ne sont que les corps olivaires supérieurs, lesquels émettent une série de fibres secondaires rayon- nant dans toutes les directions; un premier groupe de ces fibres se dissémine parmi les fibres spinales antérieures ambiantes; un deuxième groupe sert à former un amas de substance grise, placé comme un centre d'irradiation fibrillaire au milieu d'un cône formé par la juxtaposition des fibres spinales antérieures, lequel entre en rapport avec les fibres spinales les plus internes. Un troisième groupe se dirige en avant, émerge des portions antérieures de la substance grise de Polive supérieure et se dissémine au milieu des fibres spi- uales ascendantes appartenant aux régions bulbaire et sous-bulbaire. 97 « La combinaison de la fibre cérébelleuse avec la fibre spinale an- « téneure est la caractéristique des rapports des fibres pédonculaires « cérébelleuses avec les éléments spinaux antérieurs auxquels elles « sont attachées, et la suivent jusqu'au milieu des grosses cellules « du corps strié. Là, en effet, on constate que ces grosses cellules « destinées à entrer en rapport avec les fibres spinales antérieures' « sont recouvertes d'une série de petites cellules jaunâtres qui ne « sont qu'une expansion lointaine des fibres pédonculaires cérébel- « leuses. Elles apportent ainsi la preuve anatomique directe de la « propagation de l'action du cervelet jusque sur les grosses cellules « de la substance grise du corps strié, lesquelles se trouvent, soit « médiatement, soit immédiatement, ressentir l'influence de l'inner- « vation cérébelleuse » (1). § II. Physiologie et pathologie. Moins développé chez le nouveau-né que le cerveau, le cervelet n'atteint son développement définitif que chez l'adulte; il peut arri- ver a son développement normal alors que le cerveau est frappé d'a^ trophie. indépendant dans sa genèse comme dans sa structure le cervelet lest également dans son rôle physiologique. Ses fonctions ne sont pas soumises à la volonté, mais purement automatiques. Que l'on coupe ou que l'on pique une portion quelcon- que de cet erg^e, l'animal est immédiatement emporté malgré lui dans un mouvement de manège ou de rotation, par une force à la- quelle il cherche à résister. La manifester de cefc force est. le signe pathognomonique d'une lésion d'un hémisphère cérébelleux ou de l'un des pédoncules infé- rieur, moyen ou supérieur. Le mouvement de rotation et celui de manège ne diffèrent pas quant à leur n.Ure; on peut convertir la rotation en ma^ge si l'on maintient l'animal en rotation dressé sur ses pattes. 1,9 mmége se compose de l'entraînement latéral, lequel est le iait initial, puis les muscles latéraux du cou se contractent de manière à déterminer l'inclinaison de la tête et le balancement de la tête sur le cou. Les variations de l'influx cérébelleux produisent des contractions plus ou moins vives de ce groupe musculaire. Bientôt si (1) Leuret etGratiolet, p. 105, Système nerveux. Longet, Anatomie et physiologie du système nerveux, t. I. 98 l'intensité du courant nerveux croit, le cou sinclioera sur le tronc et l'inclinaison ayant dépassé un certain degré, l'animal obéissant au trouble de son équilibre est entraîné dans un mouvement circulaire ; ce n'est pas la paralysie du côté opposé qui peut rendre compte de ces phénomènes singuliers. L'entraînement par lésion cérébelleuse ne saurait être comparé à celui que détermine chez un hémiplégique une lésion cérébrale ; celui-ci est passif, le premier est actif . Mesnet (1) a observé un malade tombant hors du lit toujours du côté droit, bien que le3 deux côtés du lit fussent également libres. Le mouton affecté de tournis et arrivé au dernier terme de la cachexie qu'a engendrée cette maladie est encore tributaire de cette force d'entraînement laté- ral. Que l'on essaye alors que l'animal es,t couché, devenu incapable du plus faible mouvement spontané, de l'étendre sur le côté droit ou sur le côté gauche, on sentira une résistance qu'il oppose à son dé- placement, laquelle atteste jusqu'au dernier instant la lésion cérébel- leuse. L'incurvation violente en arc (2) se manifeste aussitôt. Un grand nombre de physiologistes ont étudié le mouvement de manège et de rotation, Magendie (3), Flourens (4), Serres, Hertwig, Longet (5), Schiff (6), Lafargue, Bernard, Brown-Séquard, Vulpian (7), Ph. Lussana. Magendie le premier a observé sur les animaux le mouvement de rotation en blessant le pédoncule cérébelleux inférieur. Serres, le premier, l'a reconnu chez l'homme. Magendie et Flourens l'attribuent à l'abolition de l'action de l'un des pédoncules. Serres et Lafargue l'expliquent par la prédominance d'action des membres de l'un des côtés du corps, ceux du côté opposé étant nota- blement affaiblis. (1) Mesnet, Des mouvements circulaires, physiologie pathologique du cerveau {Arc h. génér. de médecine, mai 1862). (2) Voir l'observation I de la deuxième série (Patholog. vétérinaire). (3) Leçons sur les fonctions du système nerveux, 1. 1. (4) Physiologie du système nerveux. (5) Traité de physiologie, t. II. (6) Lehrpuch der Physiologie, 1858. (7) Comptes rejvpcs de la Société de biologie (ann. 1861). Des mouve- ments de rotation déterminés par les lésions d.e diverses parties de tencéphate. 99 Selon Sctaiff, il est dû à la paralysie limitée à certains groupes mus- culaires. La théorie de Schiff est en partie acceptée par Longet, qui admet que la torsion de la tête sur le cou développe un vertige parti- cipant à la détermination du tournis. Le vertige, d'après Henle, cause du tournis, est dû à la déviation oculaire. Vulpian a fait une excellente revue critique de toutes ces théories, et conclut en rejetant toutes celles qui ont été émises. Une lésion quelconque du cervelet produit comme premier phéno- mène l'entraînement latéral, puis le balancement de la tête sur le cou, le mouvement de manège, et ces phénomènes diminuent peu à peu ou durent indéfiniment (1). La force qui engendre ces mouve- ments est la seule que le physiologiste peut mettre en évidence par le scalpel ; c'est elle aussi que le pathologiste rencontre dans les ma- ladies. Quant aux forces multiples que Magendie supposait dans le cervelet et les corps striés, elles sont le fruit de l'imagination. L'ex- périmentation ne peut reproduire les mouvements si variés et si har- monieux dans leur variété, qui relèvent des autres portions du sys- tème nerveux central. La force d'entraînement latéral a son maximum d'intensité dans les hémisphères cérébelleux et décroit peu à peu jusqu'à l'extrémité , des expansions cérébelleuses dans le corps strié; rotation dans les lésions des hémisphères et manège dans celles des pédoncules cé- rébelleux supérieurs : ce sont là les deux formes sous lesquelles elle se manifeste le plus ordinairement. Le tournis du mouton, qui n'est que de l'entraînement latéral ou un mouvement de manège, est dû à la compression et à l'atrophie de la couche optique et du corps strié. Le cœnure siège dans le cervelet ou dans le cerveau ; dans le cerve- let, ses symptômes sont ceux des lésions cérébelleuses ; il n'en est pas ainsi si le siège est cérébral. Tant que l'hémisphère cérébral seul est atteint, aucun symptôme; mais dès que le plancher inférieur du ventricule latéral, lequel offre à la vésicule du cœnure des moyens de développement facile, est atteint, la maladie se déclare et elle se divise en deux périodes, la première dépendant de l'altération du pédoncule cérébelleux , la deuxième dépendant de l'altération de la (t) Gratîolet et Leven, Sur les mouvements de rotation sur Caxe, déterminés par les lésions du cervelet (Comptes rendus de l'Académie des SCIENCES, 1860). 100 couche optique et du corps strié proprement dit. La première période est caractérisée par l'entraînement, les oscillations de la tête sur le cou, le manège, la démarche titubante, et la deuxième par l'hémi- plégie. L'entraînement et le manège se produisent habituellement vers le côté où est logée la vésicule, de gauche à droite si la vésicule est dans l'hémisphère droit, et de droite à gauche si elle est dans l'hémi- sphère gauche. Du reste, ces mouvements ne sont soumis à aucune loi; ils ont lieu tantôt dans le sens de la lésion et tantôt en sens op- posé ; une même piqûre des couches optiques peut déterminer suc- cessivement le mouvement à droite et à gauche, et l'on comprend alors les contradictions apparentes des physiologistes, de Flourens, qui constate chez la grenouille le mouvement dans le sens de la lésion, de Longet, qui l'observe en sens opposé, et de Schiff, qui prétend que le sens du mouvement varie suivant la portion de la couche optique détruite. L'hémiplégie est du côté opposé à la lésion. Si une même lésion peut provoquer alternativement l'entraînement à droite et à gauche, ne peut-on pas admettre que la titubation, qui est le fait habituel d'une maladie cérébelleuse, est le résultat de ces entraînements à droite et à gauche, qui diminuent peu à peu et que l'animal subit finalement d'une manière inconsciente (1)? Si, chez l'homme, la titubation est plus fréquente que l'entraînement, ne faut-il pas tenir compte du mode d'évolution de la lésion, laquelle est faite brusquement par le scalpel du physiologiste, et que la nature, au contraire1, prépare avec une grande lenteur? Le cœnure est une cause fréquente d'amaurose (2). L'amaurose, d'abord simple et du côté opposé au. siège de la lésion, devient bien- tôt double ou elle est double d'emblée. Serres, dans le premier volume de VAnatomie comparée du cerveau (p. 718), déclare que la couche optique est l'excitateur à la vue chez l'homme et les mammifères; mais Longet (t. II, Traité de physiol., p. 226), ne pense pas que les couches optiques aient sur la vision l'influence que semble indiquer leur nom, et Gratiolet arrive à cette déduction anatomique : que la (1) Leven et Ollivier, Arch. génér. de médecine, 1862. (2) Girou de Buzareingue , Recueil de méd. vétér., t. VI, 1829. — Reynal, Recueil de méd. vélér., vol. XXXI, 1854. — Davaine, Traité des enlozoaires. 101 destruction de la couche optique dans l'homme et les singes doit anéantir la perception des impressions visuelles. Seulement il se bâte d'ajouter que cela ne doit s'entendre que de la destruction des anneaux fibreux qui composent son écorce blanche; car, dit-il, la destruction du noyau gris qui en constitue le centre n'a pas sur la vision une influence immédiate et réelle. J'ai tenté un assez grand nombre d'expériences, et je crois avoir provoqué Tamaurose croisée chez un animal dont j'avais détruit la couche optique et que j'ai pu observer durant cinq mois; mais je n'avance cette assertion qu'avec une extrême réserve; et chez le même animal, entièrement rétabli, l'entraînement et les oscillations de la tête sur le cou étaient devenus un phénomène persistant. L'amaurose n'est pas rare dans les désor- ganisations profondes de la couche optique, et l'influence physiolo- gique de la couche optique sur la vision est loin d'être encore un problème résolu. '§ ni. Les résultats énoncés ci-dessus sont en partie déduits d'un grand nombre d'observations de cœnures chez le mouton que j'ai eu l'occa- sion de faire. Je les divise en deux séries : 1° Cœnures développés dans le cervelet; 2° Cœnures développés dans le cerveau. Première série. Obs.I. — Mouton âgé de 1 an. Mouvement de manège du côté gauche ; démarche faible ; chutes répétées. Adtopsie. Cœaure dans le lobe cérébelleux gauche. Obs. II. — Mouvement de manège du côté droit; marche titubante; amaurose de l'œil droit. Autopsie. Cœnure dans le lobe gauche du cervelet. Je n'insiste pas sur ces faits de maladies cérébelleuses. (Voir notre premier mémoire.) deuxième série. CŒNURES DÉVELOPPÉS DANS LE CERVEAU. Obs. I.— Mouton de 6 mois. 11 porte la tète haut; entraînement a droite; manège à droite; trois mois après le début de la maladie, hémi- 102 plégie gauche; les forces diminuent; station impossible. L'animal reste couché sur le côté droit. Autopsie. Cœnure dans le lobe droit, ayant détruit une portion de l'hémisphère. La couche optique et le corps strié sont notablemen atrophiés. Ce fait montre les deux périodes successives de la maladie comme nous l'avons signalé plus haut. La force d'entraînement latéral avait persisté jusqu'au dernier instant de la vie, alors môme que l'animal était devenu incapable de faire le moindre mouvement. Obs. II. —Mouton de 8 mois. Balancements de la tête sur le cou vers la droite. Entraînement vers la droite. Hémiplégie droite incomplète. Amaurose de l'œil droit. Mort après cinq mois de maladie. Autopsie. Cœnure dans le lobe gauche. Atrophie notable de la couche optique et du corps strié gauche. L'entraînement latéral était en sens opposé au siège de la vésicule. Obs. III. — Entraînement latéral du côté gauche; oscillations de la tète du même côté; aucun mouvement de manège. Après quelques se- maines, hémiplégie qui augmente peu à peu et devient complète. Amai- grissement et mort. Autopsie. Cœnure dans lé lobe gauche ; atrophie de la couche optique et du corps strié gauche. L'entraînement est du côté où est logée la vésicule, et l'hémiplégie \ sens opposé. Obs. IV. —Manège fréquent et du côté gauche; point de paralysie. Mort subite. Autopsie. — Cœnure ayant comprimé et atrophié la couche optique gauche ; le corps strié est intact. Les manifestations morbides n'avaient duré que quinze jours; le lobe cérébral avait subi une désorganisation étendue sans aucun symptôme. Obs. V. — Entraînement vers la droite. La tête est inclinée vers la droite; accès épileptiformes. Amaurose double. Autopsie. Cœnure dans les deux tiers postérieurs du lobe droit. Cou- che optique atrophiée; corps strié intact. Nous ferons remarquer que les symptômes qui dépendent de l'alté- ration du pédoncule cérébelleux sont plus constants que la para- lysie. Obs. VI. — Tête déviée à gauche; entraînement du même côté; fai- blesse dans la marche. 103 Aotopsie. Cœnure occupant une grande partie du lobe gauche. Apla- tissement de la couche optique gauche. Il est superflu de citer un plus grand nombre de faits ; ils nous montrent suffisamment l'évolution de la maladie que les vétérinaires appellent tournis. Du reste, on peut en quelque sorte la reproduire tout entière par l'expérimentation physiologique; ce qui prouve l'ac- cord parfait de la physiologie et de la pathologie. Je ne rapporterai que quelques-unes de mes expériences. Exp. I. — J'enlève une partie du lobe cérébral gauche d'un cochon d'Inde, et je détruis la couche optique gauche. L'animal a un mouvement de manège de droite à gauche* lequel, après un quart d'heure, se transforme en manège de gauche à droite, puis il se reproduit de droite à gauche. Hémiplégie droite incomplète. Huit jours après l'expérience, l'animal est affaissé du côté droit. La tête est inclinée à droite et à chaque instant tirée du môme côté ; il ne peut la ramener que par un effort de volonté. Si l'inclinaison de la tête a dépassé un certain degré, le mouvement de manège se produit vers la droite. L'œil droit, après quelques mois, semble avoir perdu toute sen- sibilité aux impressions visuelles. L'œil gauche est intact. Cinq mois après l'expérience, la guérison était complète et les trou- bles de la motilité, c'est-à-dire l'entraînement, le balancement de la tête, le manège, avaient survécu à la guérison. Autopsie. Destruction presque complète de la couche optique gauche. Une même lésion peut donc déterminer le manège alternativement à droite et à gauche. Je n'ai pas encore une opinion définitive sur les fonctions des cou- ches optiques par rapport à la vision. Ce point si intéressant nécessite de nouvelles recherches ; les résultats de cette expérience ont besoin d'être confirmés. Exp. IL —J'enlève la portion moyenne du lobe cérébral droit; l'ani- mal est dans la station; aucune paralysie; puis je pique la couche optique droite; l'animal, immobilisé par la blessure de l'hémisphère, est immédiatement, comme une machine, emporté dans un mouvement de manège, lequel se fait dans le sens de la lésion, c'est-à-dire de gauche à droite; le cercle du manège diminue, et bientôt le sens du mouvement devient inverse; hémiplégie gauche incomplète. Deux heures après l'expérience, le mouvement de manège a cessé et ne se reproduit plus que par une excitation vertigineuse que je cherche à lui imprimer. 104 Autopsie. La couch^optique droite porte jusqu'à sa base la trace de la piqûre faite longitudinalement. Exp. III. -Je sectionne le lobe cérébral droit; l'animal s'incline sur le côté gauche, puis se redresse et reste immobile. Je traverse avec une lame de scalpel la couche optique droite; le manège commence immé- diatement en sens opposé à la lésion, c'est-à-dire de droite à gauche- hémiplégie gauche incomplète. Le manège diminue et a cessé après une heure. Autopsie. La couche optique droite est infiltrée de sang; le corps strié est intact. . F Exp. IV. -La couche optique gauche est piquée avec une aiguille Durant deux ou trois minutes, l'animal continue de marcher en ligne droite, puis la progression devient impossible. Le mouvement circu- laire commence de droite à gauche et ne dure que quelques heures- quand il a cessé, les mouvements de progression recommencent. Autopsie. La couche optique gauche porte les traces de la ponction Le mouvement circulaire ne paraît pas immédiatement après la bles- sure. Il y a comme un véritable antagonisme entre la force qui produit le mouvement circulaire contre laquelle l'animal lutte et la force de la progression, qui dépend de sa volonté et ne devient prépondérante que lorsque la force automatique a perdu de sa puissance. Exp. V. - Je sectionne le corps strié droit. L'animal tourne de gauche à droite, il se dresse de temps en temps sur le train postérieur- hémi- plégie gauche incomplète. Une demi-heure après l'expérience, il 'recom- mence à marcher en avant et il meurt, au bout de quarante-huit heures d'une hémorrhagie qui atteint le bulbe. ' Autopsie. La couche optique droite est saine; le corps strié du même côté est en partie détruit. g IV. — Pathologie humaine. HYDAT1DES OU CYSTICERQUES DÉVELOPPÉS DANS LE CERVEAU. Les entozoaires cystiques vivent dans le tissu nerveux de l'encé- phale en vrais parasites ; ils y creusent leur place en comprimant et en atrophiant la substance nerveuse, mais sans exciter jamais ou presque jamais, à la façon du tubercule ou du cancer qui sont en rapport intime de structure avec l'élément nerveux, de congestion ou de ramollissement périphérique. Les manifestations symptomatolo • giques ne sont donc que le pur reflet de la lésion nerveuse qu'a pro- duite le ver vésiculaire. 105 Les maladies du cerveau, résultant de la présence des vers vésicu- laires, doivent être divisées en deux groupes distincts : le premier comprenant les kystes logés à la superficie de l'encéphale, le deuxième, les kystes envahissant les ventricules latéraux. 1* KYSTES LOGÉS A LA SUPERFICIE DE L'ENCÉPHALE. Obs. I. — V. âgé de 41 ans, meurt de dyssenterie après n'avoir pré- senté durant la vie aucun trouble cérébral. Autopsie. Kyste hidatique placé au-dessous de la pie-mère. (Grégorie. Qaz. mêd, t. IV, 1849, p. 665). Les kystes, comme les tumeurs solides, peuvent durant des années séjourner au-dessous des membranes cérébrales sans aucun symp tome. Obs. II. — Un tailleur de pierres âgé de 54 ans est traité à l'hôpital pendant deux mois, affecté de phthisie pulmonaire. Aucun trouble cé- rébral. Autopsie. Vésicules disséminées, du volume d'une noisette, logées au- dessous de !a pie-mère dans la substance cérébrale. Les ventricules la- téraux sont restés sains. (Louis, Recherches sur la phthisie, p. 158.) Obs. III. — Soldat de 23 ans, ressent quelques étourdisseraents et des troubles gastriques; ces symptômes sont passagers et ne reparaissent que le jour de la mort. Vomissements et vertiges qui disparaissent le soir. Mort subite dans la nuit. Autopsie. Échinocoque dans l'hémisphère gauche ; 15 vésicules nageant librement dans le liquide ventriculaire. (Schmeltz Jahrbucher und aus lœn deschen Gesandtem médecin, redigirt von Richter und Winter, BandU6, année 1862, p. 194.) Lorsque le kyste est superficiellement placé, les principaux symp- tômes sont céphalalgie, vertiges et vomissement ; mais dès que les ventricules sont envahis, la symptomatologie devient complexe. La troisième observation pourrait servir de transition du premier au deuxième groupe; les ventricules sont occupés par les vésicules, mais leur plancher n'est pas altéré. 2° Les kystes sont logés dans les ventricules latéraux. Obs. IV. —Homme de 24 ans. Céphalalgies depuis l'âge de 20 ans, s'étendant de la racine du nez au sommet de la tête. Depuis six se- maines, céphalalgies, gravatives; la vue se trouble et baisse peu à peu. roô Marche titubante, oscillations continuelles de la tête; il tourne dans son lit. Abtopsie. Hydatides de la grosseur d'un œuf au-dessous du ventri- cule latéral, à la partie postérieure et latérale du lobe droit. (Carrère^ Dictionn. de méd. et de chir., 1839, p. 154.) Ce fait présente un exemple de manège chez l'homme ; l'entraîne- ment latéral et le manège sont assez rares. Belhomme (Académie de médecine, 1833, Mémoire sur le tournis), cite l'observation d'une femme de 47 ans subissant des mouvements de rotation de droite à gauche et quelquefois de gauche à droite. L'autopsie montra sur les côtés de la gouttière basilaire deux exostoses avec dépression sur les pédoncules du cervelet. Serres (Anqtomie du cerveau, t. II), cite un cas analogue. J'ai observé dans le service de Hérard, en 1864, deux malades dont l'un présentait l'entraînement latéral, et l'autre le mouvement de manège. OBSERVATION DE MESNET. Obs. — D , àgê de 42 ans, entre à l'hôpital le 4 mai 1861. Ma- lade depuis deux ans. Céphalalgies du côté droit, entraînement du côté droit; la nuit, il tombe hors de son lit, bien que les deux côtés du lit soient également libres; marche titubante; paralysie incomplète du bras gauche. Autopsie. Tumeur comprimant le corps strié, lequel est refoulé sur la couche optique. La consistance du corps strié et de la couche optique est diminuée (1). Laborde a constaté chez le vieillard, alors que la couche optique et le corps strié étaient ramollis et profondément désorganisés, l'entraî- nement latéral et une tendance à l'incurvation en arc. Obs. V.— Enfant de li ans. Il est pris de céphalalgie et de mouve- ments choréiques. L'intelligence est restée intacte; aphémie complète. Hémiplégie droite. La vue s'obscurcit, et après un an cécité complète. Il tombe dans le coma deux ans après le début de la maladie. (1) Charcot a observé à la Salpêtrière, chez une femme de 74 ans, morte d'une hémorrhagie cérébrale, laquelle occupait la totalité de la couche optique gauche, l'entraînement continuel de la tète sur le cou à droite. La production de ce phénomène exige une altération profonde de la couche Optique. 107 Autopsie. Hydatides énormes dans le ventricule latéral gauche. (Headington , Abercombie, Maladie de Cencéphale, p. 482, 2e édit., Paris, 1835.) Deux périodes dans cette maladie; la première est caractérisée par la chorée, la deuxième par la paralysie. Obs. VI. — Fille de 10 ans. Mouvements choréiques du côté droit et de la face. Intelligence intacte; aphémie incomplète et analgésie passa- gère du côté gauche. Mort rapide. Autopsie. Deux cysticerques dans la portion postérieure de l'hémi- sphère droit; les portions centrales des ventricules sont ramollies. (Bouchut, Gaz. des hôpit., 1857, p. 81.) Obs. VIL — Garçon de 7 ans. Céphalalgies violentes ; vomissements répétés. L'intelligence baisse; aphémie. Hémiplégie gauche incomplète. L'amaurose est complète durant deux mois, puis l'œil gauche recouvre la vision en partie. A l'âge de 11 ans, l'intelligence avait repris sa vigueur; pupilles dilatées; cécité; strabisme divergent du côté gauche; hémiplégie et hyperesthésie gauche. Pendant le dernier mois, céphalal- gie intense, vomissements, accès épileptiformes et mort dans le Coma. Autopsie. Kyste ayant effacé en partie la couche optique et les corps striés. (Faton, Bull. Soc. anatom. 1848, ann. 23, p. 344.) L'intelligence et la vision n'ont été abolies que momentanément. Ges symptômes passagers dépendent de la compression passagère de certaines portions de l'encéphale, et le symptôme ne persiste que si la lésion est faite. Obs. VIII. — Enfant de 8 ans. Elle ressent des douleurs dans les membres du côté gauche. Le 16 juillet, elle entre à l'Institut polyclinique de Berlin. Hémiplégie gauche complète. La paralysie diminue après un traitement énergique. Le 19 juillet, mouvements convulsifs du bras et du pied. Le 22 juillet, convulsions persistantes, pupilles dilatées. Le 25 août, pupilles immobiles, amblyopie persistante. Le 9 septembre, la paralysie diminue, et le 14, elle est redevenu© complète; amaurose. Le 16 septembre, facultés de l'ouïe et de l'odorat amoindries. Le 15 octobre, nouvelles convulsions et vomissements. Le 31 octobre, stertor et mort dans les convulsions. Autopsie. Atrophie presque complète de la substance cérébrale qu constitue le ventricule latéral; 77 hydatides dans le ventricule latéral, 108 aucune congestion ni dans le cerveau ni dans le cervelet. (Rendtorf, Thèse, 1822.) Obs. IX. — Femme de 37 ans. Depuis un mois, céphalalgies fré- quentes, vomissements (pouls 40 pulsations), paralysie complète du bras et incomplète de la jambre droite, marche titubante, puis station impossible. Mort subite. Autopsie. Trois hydatides dont la plus grosse dépasse le volume d'un œuf, comprimant la couche optique et le corps strié, sans avoir pénétré dans le ventricule droit. (Charcot et Davaine, Gaz. méd., p. 381, ann. 1862.) Obs. X. — Fille de 19 ans. Vertiges qui durent depuis deux ans. Accès épileptiformes. L'œil droit devient insensible à la lumière, et quinze jours après l'œil gauche. Perce de l'ouïe et de l'odorat. Aphémie incomplète. Hémiplégie droite. Coma. Mort. Adtopsie. Hydatide de 3 pouces de longueur et 2 de largeur, péné- trant dans le ventricule droit. (Morrah, Journ. de méd- Sédillot, t. II, p. 342.) Obs. XI. — Homme de 53 ans, tourneur en cuivre. Hémiplégie droite qui disparaît par une saignée, et cinq mois après, hémiplégie gauche disparaissant par le même traitement. Délire, accès épileptiformes, coma et mort. Autopsie. Membranes cérébrales vivement injectées; douze kystes acéphalocystes dans la couche optique gauche et les deux corps striés. Aran, Arch. de méd., 3* série, 1841.) Obs. XII. —Homme de 47 ans. Somnolence continuelle avec délire depuis six semaines. Tremblement des mâchoires. Il entre à Charenton, pupilles dilatées, langage embarrassé, puis tremblement généralisé. Mort au sixième jour de la maladie. Adtopsie. Un ver vésiculaire entre deux circonvolutions; un autre d'ans la substance cérébrale; deux cysticerques entre la couche optique et le corps strié. (Calmeil, Journ. hebdom. de méd., 1828, t. I, p. 44.) Le malade a été considéré comme frappé de paralysie générale. Le siège des kystes dans la substance grise et le plancher du ventricule latéral nous explique les deux symptômes principaux, le délire et le tremblement. Obs. XIII. — D..., charpentier, 64 ans. Démence depuis un mois, lan- gage incohérent; tremblement de la langue; mouvements saccadés des membres; station impossible; coma et mort. Autopsie, Méninges congestionnées; pie-mère adhérente; vésicules 109 hydatiques, quatre dans le lobe gauche et six dans le lobe droit; la face interne des couches optiques est ramollie par la pression des kystes. (Docteur Joire, Gaz. méd., p. 98, ann. 1861.) Ce fait a de grandes analogies avec le précédent; la confusion avec la paralysie générale était encore possible; du reste, la phlôgôse des membranes est très-exceptionnelle. Obs. XIV. — Femme de 83 ans. Affaiblissement intellectuel. Paralysie complète du membre inférieur gauche. Pneumonie. Mort. Autopsie. Cysticerques en grand nombre au-dessous de la pie-mère et dans la substance corticale, plusieurs dans la couche optique droite. (Bouvier, Bull, de l'Acad. deméd., 1840, t. IV, p, 556.) Obs. XV. — Homme de 24 ans,. Céphalalgie. Bourdonnements d'o- reille, faiblesse des membres. Après cinq mois, délire passager, hallu- cinations, pupilles dilatées, amaurose, coma et mort au bout de huit mois de maladie. Autopsie. Cysticerques sous la pie-mère et dans la substance grise, cysticerques dans le cervelet. (Jown. doct. Snellin Hilldesheim.) La faiblesse des membres, l'amaurose peuvent être attribuées au siège des kystes dans le cervelet; le délire et les hallucinations, à leur siège dans la substance grise dli cerveau. Obs. XVI. — Fille de 13 ans. Céphalalgies fréquentes qui durent trois mois; mouvements convulsifs généralisés; contracture des membres; amaurose. Vomissements après six mois de maladie. Coma et mort. Autopsie. A la surface du cerveau et à l'union du tiers antérieur avec le tiers moyen, kyste contenant quinze à vingt vésicules hydatiques; il n'est séparé du ventricule latéral que par une ligne d'épaisseur. (Bec- querel, Gaz. méd., 1837. p. 407.) Obs. XVII. — Homme de 50 an9. Céphalalgies. Accès épileptiformes et affaiblissement de la mémoire; paralysie du bras droit; le gauche est plus faible. Coma et mort. Autopsie. Cysticerques dans le lobe gauche; membranes cérébrales injectées. Exsudats dans le ventricule latéral. (Griesenger, Arch. Heilk, 3, p. 207, 1862.) Obs. XVIII. — Accès épileptiformes. Mort au quatrième accès. Autopsie. Soixante vésicules qui ont envahi jusqu'au pont de Varole. (Schmitz, Jahrbuch. prof. Sangalliy']\àn 1852.) Obs. XIX. — Vieillard mort d'un» apoplexie cérébrale sans symptôme spécial. 110 Autopsie. Cinq cysticerques dans le cerveau comprimant !a couche optique. (Ibid.) Les observations de kystes comprimant les couches optiques sans détermination symptomatologique prouvent que les maladies du sys- tème nerveux 6e prêtent aux plus grandes anomalies. Des. XX. — Fille de 25 ans. Accès épileptiformes depuis sept ans. Affaiblissement intellectuel. Amaurose. Mouvements convulsifs du mem- bre supérieur. Autopsie. Cysticerques du cerveau. (Ibid.) Oes. XXI. — Céphalalgie. Symptômes se rapprochant du tournis du mouton. Mort subite. Autopsie. Hydatides dans le lobe postérieur du cerveau. (Martin et Hev. méd., t. III, p. 201, 1824.) Obs. XXII. — J., âgé de 37 ans. Accès épileptiformes. Démarche lente et incertaine. Chutes répétées. Aphémie incomplète. Autopsie. Hydatides dans les plexus des deux ventricules latéraux. (Gros, Gaz. méd., 1857, p. 738.) Obs. XXIII. — B., 21 ans. Céphalalgie depuis un an. Accès épilepti- formes. Pupilles dilatées. Amaurose complète. Ouïe dure. Station chan- celante. Mort à la suite d'accès épileptiformes. Autopsie. Kystes hydatiques qui refoulent le cerveau vers la droite. Ventricules remplis de liquide. (Grégone, Gaz. méd., t. IV, 1849.) Obs. XXIV. — Femme de 28 ans. Accès épileptiformes, six en vingt- deux mois. Céphalalgies gravatives. Intelligence intacte. Vue et ouïe affaiblies. Faiblesse musculaire. Après quelques mois, cécité; accès ré- pétés; albuminurie. Coma et mort. Autopsie. Dix-sept cysticerques dans la pie-mère ou la substance grise du cerveau, la couche optique et le corps strié; un grand nombre également à la face supérieure du cervelet. (Leudet, Bull. Soc. anat., ann. 28, p. 91.) Obs. XXV. —Fille de 25 ans. Céphalalgie du côté gauche. Hémiplégie du bras droit. Aphémie incomplète. Hébétude. Mort subite. Autopsie. Hydatides au-dessus du ventricule gauche. (Barth, Bull. Soc. anat., t. XXVII, 1852, p. 108.) Obs. XXVI. — Fille de 25 ans. Céphalalgies intolérables du côté droit. Paralysie de la jambe gauche, puis du bras gauche. Dilatation de la pu- pille droite. Amblyopie. Accès épileptiformes. Coma et mort. Autopsie. Hydatides dan* le lobe cérébral droit. (Chomel, Gaz. hôp., t. X, 1836, p. 617.) m Obs. XXVII. — Homme de 60 ans. Céphalalgies. Lassitude des mem- bres inférieurs depuis six semaines. Autopsie. Uq cysticerque dans la couche optique gauche, un autre à la partie postérieure inférieure de l'hémisphère droit. (Laënuec.) Est-il nécessaire de citer un plus grand nombre de faits pour fonder une classification qui se démontre par la physiologie et la pathologie vétérinaires? r Kystes logés a la superficie du cerveau. Nul symptôme ou bien céphalalgies siégeant du côté du kyste ou en sens opposé, partielles ou généralisées, vertiges, accès épilepti- formes, vomissements; chacun de ces symptômes peut exister seul. 2° Kystes situés dans les ventricules latéraux. Ce n'est que très-exceptionnellement que les symptômes ne con- sistent qu'en accès épilepti formes (18* obs.). Ou que les symptômes sont nuls (19* obs.). Dans la grande majorité des cas la symptomatologie est complexe. Description raisonnée des symptômes. L'intelligence n'est troublée que si le kyste siège dans la substance grise ou irrite les membranes cérébrales (12% 13e, 14e obs.). On a confondu avec la paralysie générale des cas de cy3ticerques occupant l'écorce cérébrale et les couches optiques, et altérant l'in- telligence et le mouvement. Les désordres de la sensibilité sont l'anesthésie et l'hyperesthésie hémiplégiques; mais ils sont rares et ne paraissent que dans le quart des cas. Ceux de la motilité ne font presque jamais défaut, et peuvent être classés de la manière suivante : Entraînement latéral Oscillations de la tête sur le cou Mouvements de manège Mouvements choréiques f , , .. , m t, , * dans le tiers des cas. Tremblement Mouvements convulsifs, contracture. Marche saccadée, titubante Station difficile ou impossible Hémiplégie complète ou incomplète. . dans le quart des cas. Àphémie complète ou incomplète. . . . dans le 6* des cas. m L'hémiplégie partielle frappe le bras d'abord plus souvent que la jambe; elle n'est pas brusque comme dans les cas d'hémorrhagie ou de ramollissement cérébral ; elle se développe avec lenteur comme sa cause déterminante et elle parait et disparait à diverses reprises, et ne devient définitive que si la substance nerveuse est déGnitive- ment désorganisée. Elle est moins fréquente que les autres désordres de la motilité signalés ci-dessus, et en général elle leur est posté- rieure. L'aphémie est un symptôme de la lésion des couches optiques et des corps striés. Mais quelle est la portion de l'encéphale dont l'alté- ration ne peut en provoquer la manifestation ? La science possède actuellement des observations d'altération du lobe moyen postérieur, du cervelet, de la protubérance avec aphémie, et les localisateurs me paraissent marcher sur un terrain bien mouvant. Organes des sens. Dilatation pupillaire dans le 5* des cas. Strabisme dans le 25* des cas. Àmaurose dans la moitié des cas. Surdité dans le 7e des cas. Perte de l'odorat dans le 25e des cas. L'amaurose est un symptôme très-fréquent; simple d';J>ord, elle débute du côté opposé à la lésion pour devenir double ou elle est double d'emblée, ou bien encore elle débute dans l'œil du côté de la lésion. Je n'ai observé le strabisme qu'une seule fois. La 10e obser- vation nous montre un malade privé de la vue, de l'ouïe et de l'o- dorat. Faut-il en conclure (t) que les couches optiques soient le vrai cerr- tre de réception pour les impressions sensorielles ? Ce qui me parait démontré par la pathologie, c'est leur influence sur la vision (voir nos observations ci-dessus et celles de Luys, p. 538, 539, 540). L'a- maurose est un fait si commun et l'abolition des autres sens si rare que le rôle des couches optiques dans l'acte de la vision me paraît incontestable, et qu'il me semble dangereux de se prononcer sur le deuxième point. (I) Luys, Recherches sur le système nerveux cérébro-spimU, p. 535. 113 Céphalalgie dans la moitié des cas. Accès épileptiformes id. Vomissements dans le 5' des cas. Coma dans la moitié des cas. Mort subite dans le 5e des cas. Les vomissements paraissent tantôt au début, tantôt vers la fin de la maladie. g V, — Résumé général I. — Le tournis du mouton est produit par le coenure siégeant dans LE CERVEAU OU LE CERVELET, .JBAIS BIEN PLUS SOUVENT DANS LE CERVEAU. 1* S'il siège dans le cervelet : Les symptômes sont ceux des maladies cérébelleuses. 2* S'il siège dans le cerveau : a. Il est sous-jacent aux membraues cérébrales, et alors aucun symptôme ou accès épileptiformes. (Obs. g III.) b. Il envahit les ventricules latéraux. La maladie se divise en deux périodes : la première caractérisée par l'entraînement latéral, les oscillations de la tête sur le cou, le manège, l'amaurose, et la deuxième caractérisée par l'hémiplégie croisée. (2e série, obs. g III.) II. — Physiologie des couches optiques et des corps striés. Une lésion des couches optiques détermine : 1° L'entraiDement latéral, les oscillations de la tête sur le cou, le manège dans le sens de la lésion ou en sens opposé, ou alternative- ment à droite et à gauche. Le manège est persistant si la lésion per- siste. (Exp. I, g III.) Elle ne détermine jamais ni mouvement de rotation ni strabisme. 2° L'hémiplégie croisée qui frappe également le membre supérieur et le membre inférieur. Une lésion persistante des couches optiques peut déterminer à la longue l'amaurose de l'œil en sens opposé à la lésion. (Exp. I, g III.) L'influence des couches optiques sur les fonctions des autres or- ganes des sens, n'a pu encore être précisée par l'expétimentation physiologique (1). (1) Une lésion des corps striés détermine les mômes déswdres dans la locomotion. MÉM S H4 Pathologie humaine. Les entozoaires cystiques (hydatides ou cysticerques) doivent être divisés en deux classes : La première comprenant tes kystes sous-jacents aux membranes cérébrales. Aucun symptôme ou bien céphalalgie, vertiges, accès êpileptiformes, vomissements. La deuxième comprenant les kystes situés dans les ventricules latéraux, et les symptômes les pkis communs sont : 1* entraînement latéral, aaeiUatiôûi de la tête sur le cou, manège, chorée, tremblement généralisé, mouvements convulaifs et marcbe titubante ou station difficile, hémiplégie; 2* aphémie; 3° amaurose, etc., etc. Physiologie du cervelet. CONCLUSIONS. Nous avons étudié dans un précédent mémoire (1) la physiologie et la pathologie du cervelet, des pédoncules inférieurs et moyens, et nous itvons reconnu que les altérations des hémisphères cérébelleux n'intéressaient que la motilité, mais non l'intelligence ni la sensibi- lité, et que les principaux phénomènes morbides de la locomotion étaient l'entraînement latéral, le manège, la rotation, la marche titu- bante. Ce mémoire nous montre que les lésions des portions de l'encé- phale que parcourent les pédoncules cérébelleux supérieurs déter- minent, sauf la rotation, les mêmes troubles de la motilité. Peut-on déduire de là les fonctions vraies du cervelet? Quand le physicien étudie les lois qui régissent le mouvement du système planétaire, il applique à ses observations l'exactitude de la formule algébrique. Le physiologiste, lui, ne peut étudier une por-' tion du système nerveux qu'en le blessant, et la blessure retentit dans le reste du système nerveux dont toutes les parties sont con- nexes. Il est réduit à chercher dans le fait pathologique le fait phy- siologique. Il reste entre le fait pathologique et lé'fait physiologique une laeune qu'aueune hypothèse ne peut servir à combler. Et cependant, quand j'ai vérifié qu'une lésion d'une portion quel- (1) RtCHERCBES SDR LA PHYSIOL. ET PATHOL. DU CERVELET, ArCflW. Çén. de méd., 1862, Leven et Ollivier. 115 conque du cervelet ou de ses pédoncules-manifeste une force décrois- sante depuis l'hémisphère cérébelleux jusqu'à la terminaison des pédoncules cérébelleux supérieurs dans le corps strié, et qui produit eomme phénomène initial et essentiel l'entraînement latéral, puis la rotation ou le manège, et qu'en dernière analyse une altération quel- conque de cet organe aboutit à un équilibre instable, n'est-on pas en droit de conclure avec une grande probabilité que cette force auto- matique qui a sa source unique dans le cervelet, ne se manifestant qu'à l'état pathologique, est à l'état de santé la cause principale d'é- quilibration, et qu'elle fait du cervelet un organe d'équilibration? APPENOICE. L'observation suivante, lue à la Société médicale d'observation le 24 février 1865, nous montre la pathologie réalisant -les troubles du mouvement que détermine l'expérimentation physiologique. Obs. — Il s'agit d'une femme de 35 ans, vigoureusement constituée, qui, le 14 septembre 1864, s'aperçoit le matin en se levant qu'elle se tient péniblement debout, qu'elle chancelle en marchant, ou plutôt, se- lon l'expression consacrée, qu'elle titube. Ces troubles du mouvement sont immédiatement accompagnés d'un autre prénomène, lequel inquiétait singulièrement la malade. Elle ne peut plus aller en ligne droite, et elle est entraînée malgré elle toujours du côté gauche. La parole est légèrement embarrassée, et celte femme, qui conversait avec une grande volubilité, traînait les mots. Elle analysait avec une remarquable précision les symptômes qui s'étaient manifestés si brusquement. L'intelligence est très-intacte; il en est de môme de la sensibilité. Les organes des sens présentaient des désordres très-singuliers. L'ouïe, le goût, l'odorat n'ont subi aucune atteinte. Il n'en est pas de même de l'organe de la vision : strabisme double ; le globe de l'œil gauche est dévié en bas et en dedans; celui de l'œil droit en sens in- verse. Les pupilles se contractent, mais la vision est troublée. Madame D... voyait deux images à une distance moyenne, éloignées de 7 centi- mètres environ l'une de l'autre. Aucun symptôme réactionnel, langue légèrement couverte de saburre, mais point de vomissements; pouls à 65 pulsations; aucun phénomène. 116 morbide ni du côté des poumons ni du côté de l'organe central de la circulation. Je fus appelé par M. le docteur Thierry Mieg qui voulut bien me ren- dre témoin de ce fait si curieux. L'entraînement latéral diminua dès la fin du premier jour. Le strabisme et l'embarras de la parole diminuèrent dès le troisième jour, et au huitième jour le strabisme avait complètement disparu, et il ne resta qu'un seul symptôme ; durant dix mois environ de la faiblesse dans la marche, de la titubation. La cause de la maladie était difficile à reconnaître ; la veille il n'y avait aucun malaise, et aucun excès n'avait été commis. La production rapide des symptômes, l'entraînement latéral, fait pa- thognomonique de toute lésion cérébelleuse ou de ses pédoncules, la faiblesse dans la marche, l'embarras de la parole, le strabisme, le dés- ordre fonctionnel de l'organe delà vision et l'intégrité de l'intelligence et de la sensibilité nous firent diagnostiquer une affection des hémi- sphères cérébelleux, et très-probablement un foyer hémorrhagique à cause de la soudaineté de l'invasion. L'absence de vomissements nous détermina à porter un pronostic as- sez favorable. Nos prévisions ne furent pas trompées. Nous instituâmes un traitement énergique, des médications purgatives durant plusieurs jours de suite, et durant plusieurs mois des pilules de scammonée de temps en temps. Aujourd'hui la malade est entièrement rétablie. Cette observation ue satisfera peut-être pas ceux qui aiment l'ana- tomie pathologique, mais au point de vue de la clinique, elle a un intérêt extrême. Je signalerai d'abord l'enchaînement des phénomènes. L'entraînement se manifeste immédiatement, et il dure un certain nombre heures pour faire place au symptôme ordinaire de toute lésion cérébelleuse, la titubation. La pathologie réalise ici l'expérience du physiologiste. Lorsque le cervelet est lésé brusquement, et si la lésion n'atteint pas le bulbe, le premier symptôme est ordinairement l'entraînement, et si le plus souvent ce phénomène manque, c'est que les lésions, œuvre de la nature, ont un lent développement. Du reste, la tituba- tion n'est, selon moi, que le résultat de l'entraînement à droite et à gauche sous Vinfluence d'une force que développe toute affection du cervelet, et dont le malade est inconscient. H7 Je n'arrêterai pas l'attention sur les autres symptômes, sur l'ab- sence de vomissemeDts dont j'ai tenu compte au point de vue de pro- nostic, et sur la guérison de la malade. J'insisterai surtout sur les troubles de la motilité, et ce que j'ai appelé titubation eût peut-être été appelé par d'autres ataxie, en ap- pliquant à ce mot, avec M. Bouillaud, sa plus large acception. Ce terme, vague dans la nomenclature de l'éminent professeur, a, grâce aux progrès de l'anatomie pathologique, acquis une précision qui en permet une définition réellement scientifique. Et cependant il me semble que dans les ouvrages remarquables qui ont récemment paru en France sur cette matière, où la physiologie a heureusement servi à la solution des parties les plu? difficiles du problème pathologique où la question est traitée avec une clarté et une élégance de langage à laquelle elle était peu habituée, les idées de M. Bouillaud et celles de l'Ecole allemande se sont de nouveau fait jour. L'ataxie spinale est le symptôme de la sclérose des cordons médul- laires postérieurs. Un ataxique fait une dépense énorme de forces pour marcher : il se regarde marcher, il se fatigue promptement et fait un travail colossal pour arriver à un faible résultat : chez lui le cerveau, les cordons antérieurs sont sains, et le fait essentiel, c'est que dans l'ataxie pure les forces musculaires sont intactes; le mou- vement n'est que désordonné, parce que probablement la sensibilité, le régulateur du mouvement, est troublée. Dans les maladies du cervelet, l'incoordination n'est qu'apparente, et les désordres du mouvement ne sont qu'entraînement, manège ou rotation, et comme dernière phase, titubation, station chancelante. Qu'y a-t-il de commun entre ces phénomènes résultant de la mani- festation de cette force d'entraînement, spéciale au cervelet, et l'a- taxie spinale? Du reste, dans aucune observation que la science pos- sède, vous ne retrouverez le fait de l'ataxie. Il est plus difficile de démontrer que les maladies du cerveau n'é- veillent pas le symptôme de l'ataxie. Je me trouve ici en désaccord avec des hommes qui ont une compétence incontestée dans la ques- tion : MM. Bouillaud, Jaccoud, Wunderlich, et notre estimé collègue M. Topinard. Ma démonstration a besoin d'être étayée sur quelque principe phy- siologique que vous me permettrez de vous rappeler. Le cerveau et la moelle, avec des fonctions très-distinctes, concou- 118 retit vers un même huit : par le cervtfw nous pensons et flous vou- lons; par la moelle nous agissons, nous faisons des mouvements; le cerveau commande à la moeWe; il ordonne, si vous me passez cette expression, et la moelle exécute; ces deux grands départements du système nerveux n'empiètent jamais l'un sur l'autre, le cerveau est un pur esprit et la moelle un automate, il n'y a qu'une coordination automatique, dont le siège est dans la moelle, et je n'admets pas la coordination volontaire; cette différence dans nos principes physio- logiques aboutit à nos diversions en pathologie. Et je ne vous citerai qu'un seul exemple, la paralysie générale vraie, la méoingo-enoéphalite diffuse qui a servi de point départ à la plupart des auteurs. Dans la première période de la maladie, alors que l'ataxie a été signalée, vous trouvez, en l'absence même de toute idée délirante, un caractère tranformé, une volonté dont les faiblesses habituelles al- ternent avec de l'exaltation, une conscience qui s'obscurcit, une intel- bgence qui se dégrade insensiblement, que devient le mouvement? Il faiblit comme la volonté dont il n'est et ne peut être que l'expres- sion ; il a aussi ses exaltations comme la volonté, et qui n'a observé chez les paralytques ces violences de mouvements succédant à de la prostration? La démarche est chancelante, dit bien Wunderlich, et c'est là aussi l'opinion de MM. Bouillaud et Jaccoud ; mais la force matérielle des jambes peut être conservée. Où est lunité de mesure pour l'évaluation des forces dans la première période de la maladie. 11 est aussi difficile d'apprécier avec exactitude la diminution des forces musculaires qu'il est difficile d'apprécier les dégradations de la raison au début de la maladie. Selon nous, à toutes les périodes il y a faiblesse de la motilité, et ce que ces savants pathologistes ont dénommé ataxie, ce ne sont que ces excitations passagères dont j'ai parlé plus haut. Y a-t-il donc un rapprochement à faire entre ces symptômes que développe la paraly- sie générale et l'ataxie liée à la sclérose des cordons postérieur» de la moelle ? DE L'ECTROMÉLIE ET DE L'AMPUTATION SPONTANÉE DES MEMBRES CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES MÉMOIRE LU A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Par M. ARMAND GOUBAUX, Membre honoraire de la Société de Biologie. En 1853, M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire me demanda de vouloir bien faire l'opération chirurgicale nécessaire pour rendre un monstre aux conditions normales, ou de sacrifier ce monstre, et, dans tous les cas, de faire une description anatomique de la tête parasitaire, très- difforme, que portait ranimai. Il s'agissait d'un nouveau genre de monstres Polygnathiens auquel M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire avaitdonné le nom de Desmiognathe. Nous fîmes l'opération chirurgicale, M. H. Bouley et moi; je dissé- quai la partie parasitaire et eu fis représenter les diverses particula- rités. L'animal, remis dans les conditions ordinaires, fut rendu à la ménagerie du muséum d'histoire naturelle (1). (1) Voyez : Sur un taureau monstrueux, par greffe d'un individu pa- rasite amorphe sur un individu bien conformé (genre Desmiognathe de M. Isidore Geoffroy-Saint Hilaire); Sur la restitution de celui-ci à l'état normal par une opération chirurgicale et sur l'organisation de la masse parasitaire. Mémoire présenté à l'Académie des sciences dans la séance du 16 avril 1855, et imprimé dans les Mémoires de làSô- aOÉ M iiOMraiz, année 1857, p. 279. 1?0 Lorsque je remis à M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire le résultat des études que je venais de faire, j'eus l'honneur d'avoir avec lui une as- sez longue conversation dans laquelle il me dit des choses qui ne se sont pas effacées de ma mémoire, et qui m'ont d'autant plus frappé que cet illustre savant semblait en quelque sorte prévoir sa fin pro- chaine. Il me dit, en effet : « Je me suis beaucoup occupé de térato- « logie, et il devient nécessaire de remettre mon travail au niveau de « la science qui s'est enrichie d'un très-grand nombre d'observations « et de faits nouveaux. Le temps ne me permet pas de m'en occuper. « Je ne demaude à Dieu que de pouvoir terminer la publication de « mon ouvrage sur l'histoire naturelle (cette publication venait de « commencer). Si quelqu'un voulait s'occuper de tératologie, je pour- « rais lui communiquer toutes mes notes et mes idées sur ce qu'il « faudrait faire » La mort n'a pas permis à M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire de pou- voir mettre ses projets à exécution. Je crois faire aujourd'hui une chose que M. Isidore Geoffroy-Saint- Hilaire n'aurait pas manqué de faire lui-même, c'est d'examiner com- parativement les cas d'ectromélie et ceux d'amputation spontanée des membres. A. Me l'Ectroiuélie. Sous ce titre, je n'ai pas l'intention de m'occuper de tous les mon- stres de la famille des ectromôliens, mais bien seulement de deux des genres de cette famille. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire fait dériver le mot Ectromèle de sxtpùu, je fais avorter, et de [a^oç, membre , et le mot Hémimèle de t,(xi, demi, et de i«.éXo«, membre. Le premier genre est caractérisé par l'absence complète ou presque complète d'un ou de plusieurs membres, et le second par le développement incomplet d'un ou de plusieurs membres, disposé en forme de moignon plus ou moius court, privé de tout vestige de main ou de pied, ou terminé le plus souvent par un ou par quelques doigts imparfaits et rudimentaires. Tous les cas de ce dernier genre ne peuvent pas entrer dans la comparaison que je me propose de faire : on le comprendra du reste par la suite. Les monstruosités de ces deux genres de la famille des ectromé- liens ne sont pas absolument rares, et l'histoire tératologique témoi- gne même qu'elles ont été observées dans diverses espèces. On les duit attribuer très-certainement, dans tous les cas, à un arrêt de dé* 121 veloppement. Je ne veux pas aller au delà pour le moment, en ce qui concerne ces monstruosités ; je me borne à faire connaître leurs ca- ractères essentiels, principaux, pour arriver de suite à l'autre partie démon travail. B. Des amputations spontanée* des membres. On a observé des enfants qui, au moment de leur naissance, man- quaient d'une partie de la longueur de l'un des membres, et l'on a attribué avec raison, selon moi, le retranchement de la partie de ce membre à une amputation spontanée qui s'était effectuée dans l'in- térieur de la matrice, par le fait même d'une constriction opérée sur ce membre par le cordon ombilical. On a remarqué en effet que, dans ces cas, il existait à l'extrémité du membre une véritable cicatrice, ou que cette cicatrice était en voie de formation, mais non encore tout à fait complète. Dans un travail qu'il a lu à la Société de biologie, notre honorable collègue et ami M. le docteur Hillairet, en même temps qu'il a ré- sumé la plupart des observations des auteurs, a publié un fait nou- veau extrêmement intéressant, et en a présenté le sujet à la Société de biologie. Aujourd'hui il ne peut plus y avoir de doute sur le fait de ces amputations spontanées et sur la manière dont elles se pro- duisent. Il s'agit, dans l'observation de M. Hillairet, d'une femme de 30 ans, qui devint enceinte six fois, fit trois fausses couches à trois semaines et à trois mois, eut trois enfants à terme qui avaient un et deux tours de cordon autour du cou, et dont le dernier fœtus, venu dans une fausse couche, avait le cou presque amputé par le corUon (1). Chez ce sujet, que j'ai tenu dans ma main, le cordon ombilical 'décri- vait trois tours complets autour du cou. Nul doute que s'il avait sé- journé plus longtemps dans la matrice, l'amputation du cou eût été complète". Sans m'arréter davantage sur les faits qjii ont été observés dans l'espèce humaine, j'arrive immédiatement à ceux qui ont été observés chez nos animaux domestiques. (1) Voyez Note sur un cas d'amputation spontanée incomplète du tronc et du cou par enroulement et striction du cordon ombilical, chez un fœtus de trois mois; Mémoires de la Société de biologie, année 1856, p. 117. m Ici les faits ne sont plus aussi nombreux, mais j'en trouve un dans la Dote de M. Hillairet, qu'il importe de reproduire ici; j'extrais donc ce qui suit du travail cité plus haut : « Vrolig (1) parle en quelques pages des défectuosités des membres, « qu'il attribue le plus habituellement à un arrêt de développement. « Ce qu'il y a de particulier dans cette assertion de Vrolig, c'est qu'il « signale en même temps les cicatrices qui existent, toujours aux. « moignons et qui doivent éloigner toute#idée d'un simple arrêt de « développement. » « Quelquefois, c'est Vrolig qui parie, l'avant-bras « 'et le membre inférieur sont terminés brusquement, pareillement à « un moignon, et présentent- {'apparence de cicatrices. J'ai vu cela « sur les quatre extrémités d'un veau dont j'ai fait représenter la « forme extérieure et la dissection dans mes tables 68 et 69. Dans « une grande partie des faits connus, cette condition défectueuse « des membres peut être le résultat d:un arrêt de développement. « Dans beaucoup d'autres cependant, c'est l'effet d'une mutilation « produite par la constriction du cordon ombilical ou par de fausses « membraues. Montgomery a donné beaucoup d'exemples de cela « dans son article Fœtus de la Cyclopedy. C'est un fait intéressant « que de ces moignons peuvent croître des rudiments de doigts, « comme le docteur Sympson m'en a moDtrô à la visite que je lui fis « à Edimbourg. » Il est évident, par le passage précédent, que Vrolig a vu deux ordres de faits parfaitemeut distincts : ceux dectromélie et ceux de l'amputation spontanée des membres; il les a vus très-certainement, mais sans doute que ses idées n'étaient pas encore assez complètement arrêtées pour qu'il les séparât définitivement les uns des autres. C'est là ce que je me propose de faire aujourd'hui. L'ectromélie est une monstruosité qui peut exister seule ou qui peut compliquer une autre monstruosité. En effet, on trouve dans la science des arrêts de développement qui portent sur un seul ou sur plusieurs membres, et cependant les individus qui en sont affectés sont, du reste, bien conformés dans tes autres parties. Dans d'autres cas, ainsi que je l'ai constaté, l'ectromélie peut se faire remarquer chez les moustres célosomiens. Quoi qu'il en soit, le fait reste toujours (1) W. Vrolig, art. Tératologie, in Cyclopedy, t. IV, p. 966, a* 4. m le môme, c'est toujours un arrêt de développement. 3e pourrais eu dire autant de riiémimélie. Dans les cas d'amputation spontanée, au contraire, il ne s'agit plus d'un simple arrêt de développement, mais bien du retranchement d'une partie plus ou moins considérable d'un membre ou des mem- bres. Chez un individu, ce retranchement pourra n'avoir porté que sur un ou plusieurs doigts; chez un autre, sur une partie plus consi- dérable d'un membre ou de plusieurs membres, ainsi que Vrolig l'a constaté lui-même chez un veau. Dans tous les cas, le retranchement est évident, car il y a toujours une cicatrice, ou tout à fait complète, ou.e.H voie, de formation. C'est cette cicatrice qui établit le caractère différentiel entre l'arrêt de développement et le retranchement par une amputation spontanée. Je crois que lorsque l'attention des observateurs sera portée sur ces faits, on arrivera à les distinguer facilement les uns- des autres, en deux ordres, parce qu'ils sont en effet bien différents les uns des au- tres. J'admets, avec plusieurs auteurs, que ces amputations sont le ré- sultat de l'enroulement du cordon ombilical et de sa constriction autour de certaines parties ou des membres; mais il reste à démon- trer que le cordon ombilical a une longueur suffisante pour qu'il puisse s'enrouler autour de ces parties. Pour l'espèce humaine, on sait très-exactement quelle est cette longueur. Tiedémann dit que, sur 474 cas qu'il a observés, la lon- gueur moyenne du cordon ombilical est de 54 centimètres, c'est-à- dire à peu près égale à celle du fœtus. Bourgery, qui a fait la citation que je viens de rapporter, ajoute que les longueurs exceptionnelles sont depuis 6 centimètres jusqu'à 170 centimètres (1). J'aime les ob- servations lorsqu'elles sont faites, comme celles de Tiedémann, BUr un grand nombre d'individus. Voyons maintenant quelle est cette longueur chez nos différents animaux domestiques. Beaucoup dauteurs disent qu'il est remarquable que la longueur du cordon ombilical est plus grande chez l'espèce humaine que chez les animaux; d'autres ajoutent qu'elle est plus grande chez la jument que chez la vache, et qu'elle est toujours très-petite chez les carnas- (1) J. M. Bourgery, les Annexes du fœtus et leur développement. Paris, 1846, in-4°. Voir page 71. 124 siers et les rongeurs. La plus simple observation démontre le fonde- ment de ces assertions, mais nous sommes loin d'avoir là tous les faits positifs que nous avons indiqués plus haut. J'ouvre les principaux ouvrages sur l'anatomie des animaux, qui ont paru en France depuis le commencement du siècle (J. Girard, MM. Lavocat, Lecoq, Chauveau), et je n'y trouve absolument aucun chiffre, aucune indication à cet égard. Quant aux auteurs qui se sont occupés de cette détermination, les indications sont fort peu nom- breuses, ainsi qu'on le verra ci -après : 1° Porm la jument. Daubenton (1) dit que, chez une jument pleine qu'il a ouverte, la longueur de la portion du cordon ombilical qui s'étend depuis l'om- bilic jusqu'à l'épanouissement de l'amnios était d'an pied et demi (0",48 environ). Nota. Il ne dit pas à quelle époque de la gestation il a examiné cette jument. Bourgelat (2). La longueur du cordon ombilical est d'environ deux pieds et demi (81 centimètres). Vitet (3), dans un passage écrit peu clairement, dit que la longueur du cordon est d'an pied (0m,32 environ). Delabère-B laine (4) dit que le cordcm ombilical du poulain a deux pieds à deux pieds et demi (de 0"',G4 à 0m,81 environ). /. Bainard (5) dit ce qui suit : « Il est gros et court au début de la « gestation dans la jument et dans la vache, tandis que vers la fin il « égale au moins en longueur la taille du jeune animal (6). Brugnon (1) Histoire naturelle générale et particulière , avec la description du cabinet du roi, par Buffon et Daubenton. Édition in-4" de l'impri- merie royale, t. IV, p. 328. (2) Précis analomique du corps du cheval, comparé avec celui du bœuf et du mouton. 3e édition, an Vil, t. H. *roir p. 195. (3) Médecine vétérinaire. 2e édition, 1783, t. I, p. 678. (4) Notions fondamentales sur l'art vétérinaire. Paris, 1803, t. II, p. 474. (5) Traité complet de la parturition des principales femelles do- mestiques. 1846, 1. 1, p. 140. (6) Beaucoup d'auteurs ont dit cela pour l'espèce humaine. 126 « lui donne 1 mètre de longueur et 9 centimètres d'épaisseur dans la « jument. » Enfin, chez une jument pleine qui, tout récemment, a été sacrifiée pour les travaux anatomiques, j'ai trouvé que le cordon ombilical avait une longueur totale de 0",860. Cette longueur se subdivisait airisi : 1° portion amniotique du cordon, 0m,270; 2° portion allantoï- dienne du cordon, 0m,5.90. le cordon était remarquablement tordu, d'avant en arrière et de gauche à droite. Il décrivait onze tours complets dans sa portion allaotoïdienne et un tour seulement dans sa portion amniotique, et dans cet état il ne mesurait que 0",730 de longueur. Le fœtus n'avait de poils, mais encore assez rares, qu'au- tour des naseaux et des lèvres. Le temps de la gestation était de six mois environ. Le fœtus avait uue hauteur de O^OO (du pied anté- rieur au garrot) et une longueur de 0m,810 (mesuré du bord libre de la lèvre supérieure en regard de l'anus), en suivant la partie supé- rieure du tronc avec le ruban métrique» 2° Pour l'anesse. Aucun auteur n'a fait connaître de chiffre. Daubenton (ouvrage cité> renvoie à la description donnée pour la jument, parce que, dit il, lt parties sont semblables. 3" Pour la vache. Vilet (ouvrage cité). Le cordon ombilical a une longueur de 9 â 10 pouces environ (de 0m,24 à 0m,27 environ). Rainard dit seulemeut, aiDsi qu'on l'a vu plus haut, que le cordon est plus court que chez la jument, fait qui avait été signalé déjà, ainsi que pour la brebis, par l'annotateur de la dernière édition de l'Anatomie de Bourgelat (ouvrage cité). Chez une vache pleine de quatre mois et demi environ , j'ai vu le cordon ombilical se diriger en avant et du côté droit, venir passer en arrière de l'épaule et se terminer vers les trois quarts supérieurs de la hauteur de la poitrine. Chez une re vaHie. pleine de huit mois, le cordon ombilical avait une loncu*ur '6t 0",42u. Enfin, M. G. Colin a trouvé chez une vache pleine de huit mois que le cordon- ombilical avait une longueur de 0",450. 4° POCR LA BREBIS. Daubenton (ouvrage cité, t. V) a examiné une brebis au terme de t26 la gestation, et il a trouvé que le cordon ombilical avait une longueur de 2 pouces à 2 pouces 1/2 (de 0B,054 à 0m,068 environ). D'après M. Rainard (ouvrage cité), à deux mois de gestation, le eordon ombilical a à peine 2 cru 3 centimètres dans la brebis. 5° Pour la chèvre. Daubenlon (ouvrage cité, t. V, p. 84) a examiné une chèvre arrivée près de son terme de gestation, et il a trouvé que le cordon ombilical avait 2 pouces 1/2 de longueur (0n,068 environ). 6° Pour la truie. Daubenlon (ouvrage cité, t. V, p. 154) a trouvé le cordon ombilical d'une longueur de 1 pouce (0n\027) pour un fœtus qui avait 3 pouces 3 lignes de longueur de la tête à l'anus. 7° Pour la chienne. Daubenton (ouvrage cité, t. V, p. 278) a trouvé le cordon ombilical d'une longueur de 1/2 pouce (0m,014) chez un fœtus qui avait 2 pouces 8 lignes (0m,072) du sommet de la tête jusqu'à l'anus. Cette observa- tion a été faite sur une chienne de la race des matins qui avait été alliée à un basset à jambes droites, vers la fin du mois d'avril. Rainard dit que chez les carnassiers (sans disthiction spéciale) le cordon ombilical, à sa naissance, a une longueur de 5 a 6 centi- mètres. 8° Pour la chatte. Daubenton (ouvrage cité. t. VI, p. 32) a trouvé, dans une chatte pleine qu'il a ouverte , que le cordon ombilical avait 4 à 5 lignes de longueur (de 0",009 à O-jOll), chez un fœtus qui avait 4 pouces 3 li- gnes (0m,114) de longueur depuis le sommet de la tête jusqu'à l'anus, et qui avait déjà du poil sur quelques parties du corps. 9° Pour la lapine. Daubenlon (ouvrage cité, t. VI, p. 327) a trouvé chez une lapine, à la veille de mettre bas, que le cordon ombilical avait 11 lignes (0o,,022) de longueur. Voilà toutes les indications que j'ai trouvées dans les auteurs, et j'ai cependant fait des recherches dans un grand nombre. Quelle pauvreté, comparativement à la richesse de renseignements exacts que possède l'anatomie humaine ! 11 faut pourtant s'en tenir là pour le moment. 127 Avec ces quelques chiffres, il n'est pas, possible de savoir, pour au- cune espèce de nos animaux domestiques, quelle est la longueur moyenne du cordon ombilical, et encore bien moins de savoir quelles sont les différences en plus ou en moins que le cordon peut présen- ter, suivaut les individus et dans chacune de nos espèces domes- tiques. Il y a là matière à un grand nombre de recherches, dans lesquelles il faudrait tenir compte surtout de l'époque de la gegla- tion, s.i l'on faisait absolument abstraction de la taille des femelles, qui varie dans une grande proportion, suivant la race à laquelle elles appartiennent. Tout cela est encore à faire. Je conviens que les documents me font défaut pour prouver que, dans quelques cas, assurément rares, le cordon ombilical est assez long pour venir s'enrouler autour des membres et produire une véri- table amputation par suite de la constriction qu'il exerce ûon-seule- ment à leur surface, mais encore sur les parties profondes qui entrent dans leur composition. Cependant, à quoi pouvait-on attri- buer ces faits, dont nous avons déjà parlé d'une manière générale?... Pour moi, il n'y a pas de doute, c'est le cordon ombilical qui produit ces amputations. Si l'on veut bien admettre pour un instant que le cordon ombilical, — dans des cas exceptionnels de longueur, si l'ou veut, — peut entourer un ou plusieurs membres, il n'y a plus de dif- ficulté à admettre ensuite : 1° Que la constriction opérée sur les parties entourées par le cor- don ombilical sera évidemment le résultat des mouvements auxquels se- livre le fœtus dans l'intérieur de l'amnios, mouvements dont on a la preuve certaine par le nombre des tours de spire que le cordon présente toujours sur sa longueur, surtout vers la fin de la ges- tation ; 2° Que le résultat définitif de cette constriction sera l'amputation du membre ou des membres qui sont le siège de l'enroulement. Théoriquement, tout cela se conçoit parfaitement. Si maintenant j'.ajoute que, au moment-dela naissance, on constate à l'extrémité div membre, terminé à la manière d'un moignon, une cicatrice ou tout à fait formée ou en voie de formation, suivaut l'épo- que plus ou moins éloignée déjà où l'amputation a eu lieu, il est évi- dent qu'on ne pourra plus confondre ces faits avec ceux d'Ectromélie, qui sont toujours dus à des arrêts de développement. Pour compléter ce travail, je rapporterai deux observations : la 128 première a trait à 1111 fait d'ectromélie, et la seconde à un fait d'am- putation spontanée de l'un des membres postérieurs. g I. — MONSTRE ECTROMÉLIEN BI-THORACIQUE. — DÉVIATION TRÈS- RE- MARQUABLE DE LA COLONNE VERTÉBRALE. — HERNIE DIAPHRAGMA- TIQUE congéniale. (Observation recueillie sur un fœtus de l'espèce asine.) Les monstres ectromélieDS ne sont pas absolument rares; ils ont été déjà observés dans plusieurs espèces. Le nouveau fait qui vient de se présenter à mon observation m'a paru intéressant sous plu- sieurs rapports, indépendamment de ce qu'il existait chez un indi- vidu de l'espèce asine, espèce dans laquelle M. Isidore Geoffroy-Saint- Hilaire n'en a pas cité d'exemple. J'ai exposé ici tous les détails de la dissection dans le but de don- ner une idée de la disposition des parties dans ce cas d'Ectromélie ; mais j'ai insisté ailleurs (1) sur la déviation vertébrale très-remar- quable que présentait le sujet pour montrer une fois de plus que l'on peut observer cette anomalie chez des monstres de plusieurs genres appartenant à des familles différentes. On sait que chez les célosomiens où les incurvations vertébrales se font ordinairement remarquer, il y a une éventration plus ou moins étendue, par laquelle s'échappent à l'extérieur la plupart des orga- nes que renferme d'ordinaire la cavité abdominale, et que, dans d'au- tres cas, où la fissure s'étend jusqu'à la cavité thoracique, les organes que contient cette cavité peuvent aussi se présenter à l'extérieur. Chez le sujet de mon observation, il n'y avait pas de tissure, ni tho- racique ni abdominale, mais il y avait une ouverture anormale du diaphragme, par laquelle des organes abdominaux avaient pénétré dans la cavité thoracique {tierce diavhragmatique congéniale). J'ajouterai encore que le sujet que j'ai observé était affecté d'ectro- mélie bi-thoracique, c'est-à-dire que l'arrêt de développement por- tait à la fois sur les deux membres antérieurs. Obs. 1. — Un équarrisseur me prévint qu'un ânon, qui était à l'abat- (1) Dans mon Mémoire sur les déviations de la colonne vertébrale, considérées dans la région dorso-lombaire, chez les animaux dômes-' tiques. Voir g III, cinquième observation. Ce mémoire a été présenté à l'Académie impériale de médecine, au mois d'avril 1864. 129 toir, n'avait pas du tout de membres antérieurs. Cet animal me fut ap- porté à l'école d'Alfort dans la journée du 31 janvier 1863. Comme je ne pouvais pas, en raison de mes occupations, faire immédiatement la dissection de cet animal, je l'injectai avec une solution d'acide phé- nique. Le jeudi 5 février, je commençai à l'examiner. Anon, fœtus à peu près à terme, sous poil noir, ayant le bout du nez, le pourtour des yeux et le dessous de la poitrine de couleur blanche. La conformation de cet animal est très-singulière. La tête est portée à gauche, et à son extrémité inférieure en rapport avec la base de la queue et la partie postérieure de la croupe du côté gauche. Dans cet état, l'animal étant couché sur une table et sur le côté droit (relative- ment à la situation actuelle de la tête), le bord inférieur du sternum est tourné en avant du côté de la tête, et il est incliné de gauche à droite et d'avant en arrière, et surtout très- fortement dans ce dernier sens et de haut en bas. Au-dessous du sternum et à droite, on sent les côtes de la paroi thoracique droite. Au contraire, du côté gauche et au- dessus du sternum, on sent un sillon très-profond qui résulte évidem- ment de l'incurvation de la paroi thoracique du côté gauche. Tout cela est disposé de telle sorte que la tête, le cou et toute la parti© de la poitrine correspondant au sternum sont recourbés d'avant en arrière et du côté gauche. De la nuque à l'anus, il n'y a que 0ra,300, c'est-à-dire exactement la longueur de la tête en ligne droite. On ne sent, par l'exploration, à peu près aucune trace du membre antérieur, ni d'un côté ni de l'autre; c'est à peine si l'on sent les épaules. A la surface de la peau, on ne voit aucune cicatrice qui pourrait faire croire à l'amputation spontanée des membres antérieurs. Du reste, il est certain que la région du bras n'existe ni d'un côté ni de l'autre. J'ai apporté la plus grande attention dans cet examen, parce que j^i été à même de constater l'amputation spontanée d'un membre antérieur dans la région de l'avant-bras, sur un lapin qui faisait partie d'une portée composée de dix individus, tous d'ailleurs parfaitement bien conformés. Chez celui qui avait eu l'avant-bras amputé, très-certainement par une striction du cordon ombilical, il existait à l'extrémité du membre an- térieur droit un véritable moignon avec une véritable cicatrice (1). Si l'on cherche à remettre le corps de cet ânon dans la direction normale, il reste toujours du côté gauche le sillon vertical profond dont il a été question précédemment. * Voici les dimensions de cet animal : (1) Le sujet de cette observation m'avait été donné par M. Pollé, ré- gisseur de l'école impériale vétérinaire d'Alfort. MÉM. 9 130 1* Hauteur du corps, mesurée en ligne droite du sommet de la croupe à la pince de l'un des membres postérieurs, 0,m,710; 2" Longueur, de la nuque à l'origine de la queue, en suivant la co- lonne vertébrale qui est un peu concave dans la région du dos, 0",690; 3° Diamètre vertical de la poitrine ou longueur mesurée du bord in- férieur du sternum à la partie supérieure, du dos, O^OO, A. Os des membres ANTÉRIEURS. — i? Du côté droit. Ce membre ne se compose que de deux pièces : l'une est un scapulum, et l'autre est amorphe ou. à peu près. a. La forme générale du scapulum est très-incomplète. Cet os paraît comme tronqué transversalement, un peu au-dessus de son col. En avant de cette extrémité tronquée, irrégulière, on observe une petite pointe aiguë, comme si l'os avait été cassé irrégulièrement. Le carti- lage de prolongement est très-haut en arrière. La fosse sus-épineuse est très-étroite. En définitive, ce scapulum n'est pas entier, et il est surtout remarquable par le manque absolu de son angle glénoïdien. b. A quelque distance au-dessous de l'extrémité inférieure du scapu- lum, et en quelque sorte noyée au milieu des tissus fibreux, graisseux et musculaire, il existe une pièce ou plutôt un noyau Cartilagineux, aplati, discoïde, qui présente dans son épaisseur et vers son centre un noyau osseux arrondi et globuleux. Cette pièce cartilagineuse, par sa forme, me paraît répondre normalement au noyau épiphysaire de l'apo- physe coracoïde; mais il est évident que dans le cas spécial qui m'oc- cupe elle en diffère par ses connexions et par sa situation, et qu'en réalité, elle ne correspond à aucune pièce normale du squelette. 2° Du côté gauche. J'ai observé absolument les mêmes détails que- ceux que je viens d'exposer pour le membre antérieur droit. Les seules particularités à signaler sont les suivantes : Le scapulum est plus petit que celui du côté droit, la pièce cartilagineuse située à quelque distance au-dessous de l'extrémité inférieure du scapulum ne contenait pas de noyau osseux dans son épaisseur. B. Os des membres postérieurs. — Ils sont parfaitement normaux sous tous les rapports. C. Tronc. — J'ai dit plus haut que le tronc était le siège d'une dévia- tion très-remarquable; j'en ai fait l'objet d'une description complète, que je ne crois pas devoir reproduire ici. Dissection. — Membre antérieur gauche, a. Dans la région pectorale, j'ai trouvé les quatre muscles disposés en deux couches, absolument comme à l'ordinaire. Je dirai plus loin ce que l'on remarquait vers leur terminaison. b. Dans la région cervicale supérieure, j'ai trouvé les muscles qui s'attachent à l'épaule avec tous leurs caractères normaux. 131 c. Il en a été de même pour les muscles dy la région spinale. Je di- rai aussi plus loin comment se terminait le grand dorsal ou le dorso- huméral. d. Le panniculc charnu ne présentait rien de notable, au moins dans sa disposition générale. e. Dans la région costale^ le muscle grand dentelé de l'épaule ou le costo-sous-scapulaire n'a rien offert de particulier. (Nota. Il est bien en- tendu que je fais une abstraction complète de la direction anormale que présentaient ces muscles à cause de l'incurvation vertébrale.) f. Dans la région sus -scapulaire ou scapulaire externe, tous les mus- cles étaient atrophiés et très-pâles. g. Les muscles de la région olécranienne ou humérale postérieure sont peu ou point distincts les uns des autres (ceux d'entre eux qui pro- cèdent du scapulum), et ils paraissent venir se terminer en commun au pourtour du noyaudiscoïdequiest situé à quelque distance au-dessous de l'extrémité inférieure du scapulum. C'est aussi à ce même noyau que viennent se terminer par du tissu fibreux les muscles sterno-aponévrotique, sterno-huméral, sterno-pré- scapulaire, sterno-lrochinien et mastoïdo-huméral. Les muscles adduc- teurs du bras et grand dorsal se terminaient en se confondant avec ceux de la masse olécranienne. C'est là tout ce que j'ai pu voir. Voyons maintenant les vaisseaux et les nerfs. Artères. — En arrivant vers l'extrémité intérieure du scapulum. le tronc axiliaire donnait naissance à une artère sous-scapulaire bien dis- tincte et à plusieurs autres divisions très-diverses qu'il m'a été impos- sible de déterminer nettement : il aurait fallu pour cela faire une in- jection et une dissection minutieuse* Nerfs. — J'ai disséqué les nerfs suivants comme divisions du plexus brachial : a. Le nerf du muscle grand dentelé de l'épaule ; b. Celui de l'adducteur du bras et du grand dorsal ; c. les nerfs pour les muscles de la région pectorale; d. Le nerf sus -scapulaire; e. Les nerfs sous-scapulaires; f. Enfin un faisceau que j'ai décomposé en trois nerfs, évidemment les trois nerfs humoraux : ils étaient peu volumineux et se perdaient vers le côté interne de la masse cartilagineuse informe, située à quel- que dislance au-dessous du scapulum. Membre antérieur droit. — Je me bornerai à di're que la dissection m'a fait reconnaître les mêmes muscles, vaisseaux et nerfs, et que tout m'y a paru disposé absolument de la même manière que du côté gauche. Cavité abdominale et cavité thoracique. — A l'abattoir et avant que 132 l'on me remît l'animal, les rats avaient dévoré les parois inférieures de l'abdomen et une partie de l'estomac et des intestins. J'ai vu cependant les deux reins et les deux testicules dans la cavité abdominale. Le diaphragme n'avait point été intéressé, mais il livrait passage, à travers une ouverture anormale parfaitement nette, à une partie du foie que j'ai reconnu pour être le lobule de Spigel. Quant au foie, il était oouché le long des vertèbres dorsales et du côté droit, par conséquent, dans la cavité thoracique. L'ouverture qui lui avait donné passage était, comme je l'ai déjà dit, à contour très-net, à bords minces, arrondis, et avait 5 centimètres de diamètre : elle était placée du côté droit, immédiate- ment au-dessus de l'ouverture qui donne passage à la veine cave posté- rieure et au-dessous de la partie charnue périphérique du diaphragme. Il eût été intéressant d'examiner la moelle épinière de cet animal, mais je fus obligé d6 ne pas faire cet examen, attendu que j'avais l'in- tention de préparer le squelette pour le déposer au cabinet des collec- tions de l'École. g II. — AMPUTATION SPONTANÉE DU MEMBRE POSTÉRIEUR GAUCHE. On a apporté dans mon service, le jeudi 1" décembre 1864, le ca- davre d'une chèvre, sans me donner aucun renseignement particulier. Cet animal était âgé d'environ 4 ans, de taille moyenne et sous poil gris très-foncé. Il était remarquable par l'absence d'une partie du mem- bre postérieur gauche. La hauteur de son corps mesurée du garrot au sol était de 0I8,702, et sa longueur du bout du nez à l'anus, en suivant la ligne médiane avec le ruban métrique, de ln,350. Son poids, à la bascule, était de 30 kilogrammes 200 grammes. Examen duiriembre postérieur gauche, à l 'extérieur. — Ce membre se termine au niveau de la partie postérieure du ventre. A son extré- mité, on ne voit absolument aucune cicatrice ; la peau y est couverte de poils tout aussi longs et tout aussi abondants que dans les parties voi- sines; elle n'a aucune adhérence contre nature avec les parties qu'elle recouvre, et elle glisse très-facilement sur elles. D'après les différents caractères qui viennent d'être indiqués, on ne saurait admettre, par con- séquent, que ce membre est plus court que celui du côté droit parce qu'il a été amputé. Par l'exploration, on sent parfaitement le fémur, qui a sa direction normale oblique de haut en bas et d'arrière en avant. L'extrémité infé- rieure de ce membre se termine par une partie arrondie suivant ses deux diamètres, mais dont l'antéro-postérieur est beaucoup plus consi- dérable que le transversal. Je crois y sentir la rotule et une partie du tibia. 133 J'ai remarqué, en enlevant la peau sur ce membre, à son extrémité inférieure et du côté interne surtout, que le tissu cellulaire subjacent avait plus de consistance que partout ailleurs dans les parties environ- nantes. De plus, la face interne de la peau a présenté, au même endroit, un petit enfoncement de forme conique dont le sommet examiné à la surface extérieure de la peau est dépourvu de poils. D'après cette seule considération que je n'avais pu apprécier en examinant seulement l'ex- trémité du membre, je suis porté à croire, avant toute dissection, qu'il s'agit chez ce sujet d'un exemple d'ampution spontanée opérée dans la matrice par le cordon ombilical lai-même. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point; je passe tout de suite à l'examen du squelette. Colonne vertébrale. — Région lombaire. — Elle est assez fortement concave sur sa face inférieure et convexe sur sa face supérieure. En avant, sa direction est un peu sinueuse d'avant en arrière, mais cette déviation dans ce sens est peu prononcée ; elle était nécessitée, très-pro- bablement, par l'absence du membre postérieur gauche comme colonne de soutien, et pour reporter l'appui de la partie postérieure du corps, exclusivement sur le membre postérieur droit. Bassin. — Le coxal droit est plus rectiligne que celui du côté gauche. Ce dernier est courbé en arc d'avant en arrière, et la partie moyenne de sa courbure se trouve au niveau de la cavité cotyloïde. La région ischio-pubienne du coxal gauche est plus étroite que celle du coxal droit. Le trou ovalaire ou sous-pubien du côté gauche a son grand axe plus oblique que celui du côté droit; il est plus étroit, mais il est plus étendu d'avant en arrière et de gauche à droite. L'ouverture antérieure du bassin a son grand diamètre ou de haut en bas dirigé un peu de droite à gauche. Le sacrum participe un peu à la direction vicieuse du coxal ; il est dévié de droite à gauche. Son angle postérieur est à gauche de la ligne médiane. Enfin, le coccyx, dont l'extrémité antérieure est dirigée à gauche, re- prend peu à peu sa direction normale. Membre postérieur droit. — Tous les os de ce membre sont bien conformés et ne présentent absolument rien de particulier, ni sous le rapport du volume, ni sous celui de la longueur, ni sous celui de la di- rection. Membre postérieur gauche. — Abstraction faite de la hanche, ce membre se compose de la cuisse et d'une partie seulement de la jambe. Le pied manque dans son entier. Examinons ces os en particulier. 1" Cuisse . — Le fémur est moins cylindrique que celui du membre 184 droit, et son diamètre antéro-postérieur est aussi un peu plus considé- rable. En effet, on constate que : a. La longueur du fémur, mesurée du sommet du trochanter à la par- tie inférieure du condyle externe est Pour le fémur gauche de 0n,,192. Pour le fémur droit de 0m,203. tf. Le diamètre antéro-postérieur, mesuré avec m compas d'épajs- seur, à la partie moyenne de la longueur, est Pour le fémur gauche de 0m,021. Pour le fémur droit de O^Ol?. c. Le diamètre transversal, mesuré de la même manière et aussi vers la partie moyenne de la longueur est Pour le fémur gauche de 0m,013 Pour le fémur droit de 0m,016 Vexlrémité supérieure est à peu près normale, car il n'y a de no- table que la partie de los qui supporte la tête, c'est-à-dire le col qui est comme rongé d^ns toute sa partie antérieure Corps. — J'ai dit plus haut ce qui a trait à son vohime et à son épais- seur suivant ses deux diamètres. La situation du tronc nourricier. est normale. La surface du corps n'est pas tout à fait aussi régulière que- dans l'état normal ; on y remarque quelques légères saillies et de légers enfoncements qu'on n'y observe pas ordinairement, et qui, par consé- quent, ne sont pas sur le fémur du côté droit. Il faut encore signaler la présence de deux petites tubérosités ou éminences anormales : l'une est située vers le milieu de la hauteur de l'angle plan externe, et l'autre à 2 centimètres plus bas sur le milieu de la face postérieure. On verra plus loin quel était l'usage de ces deux petites tubérosités. Extrémité inférieure. — La trochlée est comme refoulée d'avant en arrière; ses bords et son extrémité supérieure sont irréguliers. La sur- face articulaire est surtout irrégulière vers cette même extrémité; elle y est comme rongée, au lieu d'être tout à fait lisse et polie. Quant aux condyles, — dont je ne puis voir qu'une partie, mais ia plus grande par- tie, parce que la pièce est disséquée en squelette naturel, — ils sont à peu près normaux, car il n'y a guère que le bord antérieur de l'interne qui soit aminci dans la partie qui remonte pour se continuer avec le bord correspondant à la trochlée fémorale. A cette même extrémité du fémur et au-dessus du condyle externe, il y avait une membrane fibreuse blanche qui formait une ouverture ovalaire dont le diamètre vertical était de 0W,013 et le diamètre trans- versal de O^OOS. Cette membrane fibreuse blanche n'était autre chose 135 que le périoste lui-même, un peu épaissi, mais sans aucune trace in- flammatoire ; je l'ai enlevée et j'ai pénétré directement dans l'intérieur du canal médullaire. Celui-ci était complètement rempli par le suc mé- dullaire qui avait toutes les propriétés normales. Lorsque j'ai eu enlevé toute la graisse de l'intérieur du canal médullaire, j'ai pu constater que les parois de ce canal étaient minces, presque translucides dans toute la moitié inférieure de ce fémur. A la partie correspondante de cette même extrémité, c'est-à-dire au-dessus du condyle interne, il y avait une ouverture beaucoup plus petite, mais de même forme que celle qui vient d'être décrite : elle était aussi fermée par le périoste épaissi, et communiquait aussi avec le canal médullaire. Enfin, une troisième ou- verture, plus petite encore que la précédente, mais toujours avec les mêmes caractères, se trouvait entre les deux précédemment décrites. Nous reviendrons plus tard sur ces ouvertures qui aboutissaient, je le répète, dans le canal médullaire de l'os, et qui étaient fermées par le pé- rioste épaissi, mais ayant tous ses autres caractères normaux 2° Jambe, (a) La rotule ne présente absolument rien de particulier quant à sa forme, à sa situation et aux ligaments qui la maintiennent en place. (6) Tibia. Je crois devoir dire ici, tout d'abord, que le tibia du mem- bre postérieur droit a une longueur de 0m,249. Le tibia du membre postérieur gauche est très-incomplet ; on ne re- trouve qu'une portion de cetx)s, et elle correspond tout à la fois à son extrémité supérieure et à la plus grande partie de la crête ou du bord antérieur de cet os. La forme générale de ce fragment est à peu près celle d'un prisme, dont la base répondant à l'extrémité supérieure est antérieure et inférieure ; sa position est invariable et celle de l'extrême flexion de la jambe sur la cuisse. . La surface articulaire de l'extrémité supérieure répond aux condyles du fémur, et la tubérosité antérieure donne attache au ligament rotu- lien antérieur. Sur la face externe il y a trois ouvertures qui aboutissent directement dans l'intérieur du canal médullaire, elles étaient fermées par un épais- sissement du périoste. Sur la face interne etprèsde l'angle plan interne, il y a cinq ouvertures qui présentent toujours les mêmes caractères qui ont été indiqués. La face postérieure, assez rugueuse et irrégulière, et en partie formée par une lame fibreuse blanche qui ferme encore une ouverture aboutissant aussi dans le canal médullaire qui est rempli de graisse dont les propriétés physiques sont normales. Ces lésions des os sont celtes de l'ostéite raréfiante du professeur Gerdy) Le sommet de ce fragment du tibia est terminé en pointe mousse ; il s'en détache, ainsi que de l'angle plan externe, des fibres ligamenteuses 136 blanches qui vont s'attacher sur le corps du fémur aux deux petites tubérosités anormales qui y ont été signalées. En examinant avec attention le trajet du ligament latéral externe do l'articulation fémoro-tibiale, et en tenant compte de la position du .ibia, qui est celle de l'extrême flexion sur le fémur, on arrive à cette con- clusion qu'il semblerait que ce fût le péroné (ligamenteux chezlachèvre) qui vint s'attacher directement sur la tubérosité anormale située vers la partie moyenne de la longueur de l'angle plan externe du fémur. En résumé, l'extrémité libre du membre postérieur gauche de cette chèvre était formée par l'articulation de la cuisse avec la jambe. Ainsi, on trouve en avant la rotule, puis le ligament rotulien antérieur qui repose sur la partie moyenne de l'extrémité inférieure du fémur entre les deux condyles, et tout à fait en arrière la tubérosité antérieure de l'extrémité supérieure du tibia. C'est à partir de ce dernier point que le tibia se relève presque verticalement pour venir se placer à la face postérieure du fémur dont il occupe environ le quart inférieur, comme s'il était placé dans l'extrême flexion. Avant de rendre compte de la dissection des membres postérieurs, je dirai quelques mots relativement aux organes des cavités abdominale et thoracique. Cavité abdominale. Tous les organes sont sains ; tous ont leur dimen- sions normales. Cavité thoracique. Les deux sacs pleuraux contiennent une très- grande quantité de liquide de couleur citrine. Certainement ce double épanchement a été la cause de la mort de l'animal. Les poumons sont sains. Il faut noter cependant que le lobe droit contient quelques échi- nocoques dans son épaisseur : cela n'est pas rare dans les animaux de cette espèce, et surtout chez les moutons. DISSECTION DES MEMBRES POSTÉRIEURS. A. Les muscles, les vaisseaux, les nerfs et les articulations du mem- bre postérieur droit n'ont présenté rien de particulier à noter. B. Membre postérieur gauche. — 1° Muscles. a. Région de la croupe. Tous les muscles sont sains et normaux. b. Région crurale antérieure. — 1° Le fascia lata a sa forme nor- male ; son aponévrose a été suivie jusqu'à la rotule ; il ne présente rien de particulier à noter. 2° Le droit antérieur de la cuisse. Il est plus à découvert qu'à l'état normal à cause de l'atrophie de ses voisins ; il est pâle et flasque dans les deux tiers inférieurs de sa longueur. 3° Triceps crural. — Le vaste externe est atrophié dans presque 137 toute sa longueur; il laisse à découvert le droit antérieur beaucoup plus qu'à l'ordinaire ; il est pâle et flasque dans ses deux tiers inférieurs. Le vaste interne présente les mômes caractères que la portion précé- dente. Enfin le crural, qui est très pâle, mou et flasque, se sépare très- nettement de ses voisins. c. Région crurale interne on sous-pelvienne de la cuisse. — 1° Le long adducteur de la jambe est à peu près normal, mais cependant très-pâle, à partir du milieu de la longueur du fémur. 2" Le court ad- ducteur de la jambe est très-mince, pâle et flasque ; il ne présente de fibres musculaires que dans une très-petite étendue après son origine. Dans le reste de son étendue ou dans la plus grande partie de sa lon- gueur, il est réduit à l'état d'une véritable aponévrose. 3° Le pectine est seulement un peu décoloré vers son insertion. 4* Le sous-pubio- fémoral est normal vers sa partie supérieure, mais à partir de l'endroit où il est traversé par l'artère fémorale jusqu'à son insertion, il est tout à fait fibreux et blanchâtre. 5*, 6*, 7° et 8°. Les deux muscles obtura- teurs, les jumeaux du bassin et le grêle interne sont normaux, d. Région plurale postérieure. — 1° Le muscle long vaste ou ischio- tibial externe est normal dans la région de la croupe et dans le tiers supérieur seulement de la région de la cuisse. Dans les deux tiers infé- rieurs il est tout à fait fibreux et peu distinct des tissus blancs environ- nants. 2° Le muscle ischio-tibial moyen ou postérieur, ou le demi-ten- dineux est mince, flasque, pâle, dans les deux tiers supérieurs de sa lon- gueur, et tout à fait fibreux inférieurement. 3° Enfin le muselé ischio- tibial interne ou le demi-membraneux est, de même que le précédent, mince, flasque, pâle, dans les deux tiers supérieurs de sa longueur et tout à fait fibreux inférieurement. Muscles de la jambe. Les muscles qui prennent naissance sur chacun des angles plans ou au-dessus des condyles du fémur sont reconnais- sablés par leurs attaches, mais ils sont tout à fait décolorés et ne peu- vent être suivis ou disséqués à cause de l'aspect fibreux qu'ils prennent presque immédiatement ou au niveau de l'articulation fémoro-tibiale. Quoi qu'il en soit, voici ce que j'ai reconnu : 1* Entre le condyle externe et le bord externe de la trochlée fémo- rale, l'origine, par un tendon commun de la portion moyenne du flé- chisseur du métatarse, de l'extenseur propre du doigt interne et de l'extenseur commun des phalanges. 2* Sur la face antérieure du tibia, immédiatement au-dessous de la coulisse située entre la tubérosité antérieure et la tubérosité externe de l'extrémité supérieure du tibia, l'origine de la portion interne du fléchisseur du métatarse. 3" Sur la partie externe du condyle externe et au-dessous du liga- 138 ment latéral externe de Farticulation fémoro-tifaiale, un tendon répon- dant à l'origine du muscle poplité. 4° A la face postérieure du tibia quelques fibres appartenant à la par- tie supérieure du muscle perforant ou fléchisseur profond des pha- langes. Tous ces muscles étaient très-courts, décolorés, et dégénéraient bientôt en tissu fibreux blanc Région sous-lombaire. Les muscles de chacune des régions sous- lombaires étaient normaux sous tous les rapports. Vaisseaux et nerfs. A. Sur le membre postérieur droit, il n'y a rien eu à noter. B. Sur le membre postérieur gauche, les vaisseaux et les nerfs n'ont rien présenté de remarquable dans les deux tiers supérieurs de la cuisse. Dans le reste du membre la dissection était impossible à cause de l'état fibreux, de la mollesse et de la flaccidité des parties. J'ai vu l'artère fémoro-poplitée. et elle était extrêmement petite, mais je n'ai pas cherché à la suivre au delà, ce qui n'aucait, du reste, pu être effec- tué sans une injection préalable. j'ai dit que je n'avais pu avoir aucun renseignement sur le sujet de cette observation . Par cela même je suis réduit à faire des hypo- thèses ou à interpréter les faits que j'ai observés et dont je viens de rendre compte. ïl n'y a pas de doute pour moi, cette chèvre a eu le membre posté- rieur gauche amputé par le cordon ombilical. Une amputation faite par le chirurgien n'aurait certainement pas les caractères qui ont été remarqués, ni en ce qui concerne l'os, ni en ce qui concerne les par- ties molles environnantes. On trouvera sans doute que le caractère auquel j'ai attaché beau- coup d'importance manquait chez cet animal, en ce sens qu'il n'y avait pas de cicatrice bien évidente à l'extrémité du moignon. Je dois convenir que cela est vrai, mais je dois rappeler aussi que, après la dissection, il m'a été possible de voir que la portion de peau re- couyraqt l'extrémité du moignon portait très-certainement une petite cicatrice. De ce que cette cicatrice ne se trouve plus aujourd'hui en rapport de dimensions avec celles de l'extrémité du moignon, ce n'est pas une raison pour conclure que le fait auquel j'attribue le retranchement d'une partie de ce membre ne soit pas exact. Sr l'am- putation a été effectuée de bonne heure, à une époque peu avancée de la gestation, alors que le membre était encore très-petit, il ne 139 peut y avoir eu qu'une cicatrice très-petite, dont les dimensions, à supposer qu'elles soient restées invariablement les mêmes, .ne sont nullement en rapport aujourd'hui avec celles du moignon, et c'est pour cette raison qu'elle se trouvait presque complètement masquée par les poils abondants qui recouvraient la surface de la peau, môme à l'extréjnité du moignon. Une anse simple du cordon serait insuffisante pour effectuer con- sécutivement l'aaiputation du membre autour duquel elle se serait produite, il faut donc que le cordon ombilical décrive au moins un tour complet, et que ce tour complet se serre de plus en plus par suite des mouvements qu'exécute le fœtus. Or pour le cas spécial que j'examine en ce moment, il faut que le tour du cordon se soit produit autour de la partie supérieure de la région de la jambe, en passant dans le pli que forme, à la partie postérieure du membre, la région de la fesse en se réunissant à celle de la jambe. De cette manière, la jambe a dû être maintenue sur la région de la cuisse dans un état d'extrême flexion, et la con striction du cordon ombilical a dû, peu à peu, amener la séparation des parties situées au-dessous de l'endroit où elle s'exerçait, et en der- nier lieu produire l'amputation du membre. Je ne crois pas, en effet, que l'amputation puisse jamais s'effectuer d'emblée. Avec les hypothèses que je viens de faire, on comprend parfaite- ment ce qui a pu avoir lieu, et l'effet qui en est résulté sur les par- ties situées au voisinage du moignon. Il serait inutile d'insister da- vantage. Le fait que je viens de rapporter n'est p«js le seul que j'aie observé, mais c'est le seul qui m'ait fourni l'occasion de faire une dissection complète. Je ne citerai donc les deux observations suivantes que pour mémoire, et pour montrer que l'amputation spontanée des membres, peut se faire remarquer sur les animaux des diverses espèces domes- tiquesw A. M. Pollé, régisseur de l'Ecole impériale vétérinaire d'Alfort, m'a donné un lapin qui faisait partie d'une portée composée de dix indi- vidus, tous bien conformés, et qui avait le membre antérieur droit amputé à peu de distance au-dessous de l'articulation huméro- radiale. L'extrémité du moignon portait une cicatrice, et cette cicatrice ne pouvait laisser aucun doute sur les circonstances après lesquelles elle avait dû se produire. 140 B. Le cabinet des collections de l'Ecole impériale vétérinaire d'Al- Fort possède un fœtus (pièce n° 1159) auquel il manque une grande partie des deux membres antérieurs. 11 s'agit ici d'un chien sous poil marron, à peu près à terme. Voici ce que j'ai constaté par l'examen de ce sujet. Du côté gauche le membre est coupé vers la partie moyenne de l'humérus. On voit, à l'extrémité du moignon, très-court et très-peu détaché du tronc, une cicatrice assez nette, déprimée relativement aux parties environnantes qui sont couvertes d'un poil abondant. Du côté droit, la disposition générale est la même que du côté gauche, mais je n'ai pu constater aucune cicatrice à l'extrémité du moignon qui est couvert de poils assez longs et tourbillonnants. L'amputation de ce membre est peut-être antérieure à celle du mem- bre du côté gauche. La dissection ferait peut-être constater la cica- trice, mais il s'agit d'une pièce que je ne puis pas disséquer. RÉSUMÉ. Je me suis proposé d'établir dans le travail précédent : 1" Qu'il faut distinguer l'ectromélie des faits d'amputation sponta- née des membres; 2° Que l'ectromélie, de même que l'hémimélie, est toujours le ré- sultat d'un arrêt de développement; 3° Que l'amputation spontanée des membres est le résultat de l'en- roulement du cordon ombilical autour des membres ; et de la con- striction qu'il opère sur les parties qui les composent. 4° Enfin, que le moyen de distinguer l'ectromélie de l'amputation spontanée des membres, est la présence d'une cicatrice à l'extrémité du membre ou des membres, laquelle constitue alors un véritable moignon. J'aurai peut-être l'occasion de revenir un jour sur ce même sujet. t f VALEUR SEMEIOTIQUE DE L'APHASIE DANS LE DIAGNOSTIC DE L'HÉMORRHAGIE DU CERVEAU ET DU RAMOLLISSEMENT PAR OBLITÉRATION DE L'ARTÈRE DE SYLVIUS; Mémoire communiqué à la Société de Biologie en septembre 1864 M. -le Docteur E. LANOEREAUX, Chef de clinique de la Faculté de médecine. Depuis les belles recherches de M. le professeur Bouillaud sur les fonctions des lobes antérieurs du cerveau et celles plus récentes de M. Broca, tendant à localiser, dans la partie postérieure, des circon- volutions frontales, le siège de la faculté du langage articulé, les ob- servateurs n'ont pas manqué qui ont fait remarquer la coïncidence fréquente des troubles du langage articulé avec les affections cardia- ques et vasculaires. Dans un travail antérieur (1), j'ai moi-même in- sisté sur cette fréquence que le mode de distribution de l'artère syl- (1) De la thrombose et de l 'embolie cérébrales, th. de Paris, 1862, p. 61. 142 vienne parait suffisamment expliquer d'après les études les plus mo- dernes. On sait, en effet, que l'artère de Sylvius envoie une de. ses bran- ches aux. circonvolutions frontales postérieures. Cette artère vient- elle à s'oblitérer, les circonvolutions cessent d'être alimentées et deviennent le siège d'un ramollissement trop fréquemment incurable. Pfertant de cette donnée anatorriique, je me stiis demandé si l'alté- ration du langage articulé, si le symptôme aphémie ou aphasie ne pourrait pas servir à élucider le diagnostic souvent obscur de l'faé- morrhagie et du ramollissement cérébral consécutif à l'oblitération de l'artère de Sylvius. J'en appelai sur ce point à l'observation clinique, et les faits suivants sont venus me donner Une réponse que chacun pourra apprécier. ALCOOLISME CHRONIQUE J RHUMATISME ARTICULAIRE SUBAIGC } HÉMIPLÉGIE SUBITE A DROITE AVEC APHASIE ; OBLITÉRATION DE l'aRTÈRE DE SYLVIUS GAUCHE ; RAMOLLISSEMENT CONSÉCUTIF DE LA SUBSTANCE NERVEUSE CORRESPONDANTE. Obs. I. — G..., journalière, âgée de 57 ans, esl couchée le 5 août 1864 au n* 23 de la salle Saint-Antoine (Hôtel-Dieu) , service de M. le professeur Rostan, suppléé par M. Hérard. Cette femme jouit depuis longtemps d'un embonpoint remarquable, devenu aujourd'hui monstrueux (développement excessif de l'abdomen; à la face interne des genoux, tumeurs adipeuses du volume d'une tète de fœtus) et qu'elle a vu s'accroître progressivement en môme temps qu'elle se livrait à des excès d'eau-de-vie, de bière et d'absinthe. Elle dit n'avoir jamais eu de pituites le matin, mais fréquemment de l'in- somnie, des cauchemars, des crampes et des fourmillements dans les membres; pour toute maladie, dans sa jeunesse, une attaque de rhu- matisme articulaire qui dura un mois. Depuis quatre jours elle éprouve des douleurs dans la plupart des jointures, mais surtout dans les épaules et les genoux, et malgré le vo- lume énorme que présentent normalement ces derniers, il est cepen- dant manifeste qu'ils sont gonflés et qu'ils renferment du liquide. La réaction fébrile est peu intense; le pouls irrégulier bat 90 fois par mi- nute; irrégularité des battements du cœur; dédoublement du second bruit, absence de souffle; bronchite légère. Rien du côté des au- tres appareils. Appétit diminué. Rhumatisme articulaire avec en- docardite très-probable, tel fut le diagnostic porté. (Repos, diète, appli- cation de laudanum sur les articulations.) Pendant 14 jours, l'état de cette malade changea frrt peu; mais le 143 15 août elle perd tout à coup connaissance et se trouve paralysée de tout le côté droit. Après deux jours passés dans un état semi-comateux, la connaissance revient et la malade comprend les questions qu'on lui adresse, mais elle ne peut y répondre. Le pouls est fréquent, il oscille entre 100 et 120; la peau est chaude, la langue sèche et fuligineuse; fièvre. Le deuxième et le troisième jour qui suivirent l'attaque, on note dans les membres paralysés une augmentation de température qui persiste. Le 20 août, à la Visite, l'intelligence paraît nette, mais il y a impossi- bilité pour la malade de trouver les mots les plus usuels, non pas qu'elle ne puisse articuler, car elle parvient quelquefois à prononcer même fa- cilement certains mots. Application à là nuque de quatre ventouses scarifiées, Le 25, nouvelle application de ventouses, mais sans résultat. A partir de Ce jour, diarrhée. Le 28, la malade est inclinée sur le côté gauche, elle est somnolente, mais semble toujours comprendre les questions qu'on lui adresse. Les pupilles sont normales; la langue sèche et fuligineuse ; la peau chaude, le pouls à 112; diarrhée. Les jours suivants l'état empire sans cependant rien présenter de par- ticulier, et le 31 août la mort survient dans un coma profond. Autopsie. — Le cadavre n'offre rien de particulier à l'habitude exté- rieure, si ce n'est cette sorte d'aspect monstrueux dû au développement extraordinaire du système adipeux. La paroi abdominale est considéra- blement épaissie, sa partie supérieure retombe sur l'inférieure à la ma- nière d'un épais tablier; incisée, on remarque que la masse de graisse a plus que l'épaisseur de la largeur de la paume de la main. Les épiploons sont très-volumineux, le mésentère renferme aussi une grande abondance de graisse. Aux intestins sont appendus des pelotons graisseux du volume du petit doigt. Les cuisses sont démesurément grosses; à la face interne des genoux existent deux Mpômesdu volume d'une tête de fœtus à terme ; à la coupe la graisse est ici blanchâtre et non jaune comme partout ailleurs. Les surfaces articulaires fémoro- tibiales sont irrégulières et un peu érodées, surtout du côté du fémur. Absence complète d'oedème. Crâne. Les vaisseaux qui rampent à la périphérie de l'hémisphère gauche du cerveau sont beaucoup plus développés que ceux du côté droit. A l'origine do l'artère sylviehne gauche existe un caillot rou- geàtrd se prolongeant dans les collatérales qui en émanent et qui sont au nombre de trois. Sérosité peu abondante dans le ventricule. Le corps strié est en partie ramolli, ainsi que la partie postérieure 144 des circonvolutions dans une étendue de 2 à 3 centimètres (en profon- deur). Thorax. Le cœur est volumineux. Sa face antérieure est surchargée d'une graisse jaunâtre et presque demi-liquide. Son tissu est flasque et mou. Les cavités droites sont dilatées. L'oreillette gauche a son volume normal, l'auricule est dilaté ; l'endo- carde est blanchâtre» L'orifice mitral circulaire permet l'introduction de l'extrémité des deux premiers doigts; il est plutôt insuffisant que rétréci; la valvule raitrale est épaissie à son bord libre ; sa lame postérieure forme une sorte de bourrelet épais, dur, comme cartilagineux; sa lame antérieure est simplement épaissie, d'un blanc jaunâtre, quelques tendons sont plus volumineux; les colonnes charnues sont normales. La cavité ven- triculaire gauche est un peu grande. L'aorte renferme plusieurs plaques athéromateuses jaunâtres. Les poumons emphysémateux au niveau de leur bord antérieur, sont œdématiés vers leur partie postérieure. La branche droite de 1 ar- tère pulmonaire est presque complètement obturée par un caillot ar- rondi à son extrémité cardiaque et qui se prolonge par son extrémité périphérique dans les branches de bifurcation ; ce caillot adhère à la paroi artérielle. A gauche on trouve dans l'une des principales bran- ches artérielles un caillot à cheval sur l'éperon avec prolongements dans les branches de bifurcation. Abdomen. Sur la face convexe existe une petite tumeur jaunâtre d'apparence caséeuse. Rate et pancréas sains. Estomac un peu petit; plaques d'injection vasculaire au niveau de la grosse tubérosité et de la partie moyenne de l'organe. La surface interne du cœcum présente une coloration noirâtre sous forme de plaques, mais sans ulcérations. Le colon descendant offre des ulcérations qui paraissent dues à des altérations glandulaires. La mu- queuse rectale est injectée et parsemée de petites ecchymoses. Les reins sont enveloppés d'une atmosphère graisseuse considérable. Leur volume est normal, leur surface irrégulière, leur tissu flasque et mou, la substance^corticale est colorée en jaune, dégénérescence grais- seuse. Vutérus est petit. Sur son fond sont insérés trois petits polypes ayant chacun le volume d'une petite noisette. L'ovaire gauche contient une tumeur fibreuse grosse comme une noisette. Le vagin présente à sa partie moyenne'un rétrécissement parfaitement circulaire qui ne permet que l'introduction du petit doigt. Derrière le rétrécissement existe une poche peu large qui renferme un liquide- noirâtre sécrété par l'utérus. Thromboses veineuses des membres inférieurs commençant à la partie moyenne des veines crurales et remontant à gauche jusqu'à la veine cave, à droite jusqu'à l'arcade de Fallope; ce qui donne lieu de supposer qu'un caillot a occupé la veine iliaque primitive gauche et qu'il s'est plus tard détaché pour aller former l'obstruction pulmonaire. Le caillot du côté gauche se termine en pointe à son extrémité centrale ; celui du côté droit, au contraire, est renflé à son extrémité cardiaque. La veine cave est parfaitement libre. RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU; RÉTRÉCISSEMENT AVEC INSUFFISANCE MITRALEJ HÉ- MIPLÉGIE DROITE, APHASIE; EMBOLIE TRÈS-PROBABLE DE L'ARTÈRE SYLVIENNE GAUCHE. Obs. II. — Le nommé L.., âgé de 51 ans, a eu, il y a déjà longtemps, une attaque de rhumatisme articulaire aigu qui a laissé à sa suite une endocardite chronique. Le 21 janvier 1864 il entre, pour une affection cardiaque, -à l'hôpital de Lariboisière, dans le service de M. le docteur Hérard, qui constate un souffle très-fort au premier temps et à la pointe. Le 25, il perd subitement connaissance et reste paralysé de tout le côté droit ; les jours suivants, perte de la parole et obtusion de l'intelligence. La paralysie, d'abord complète, diminue progressive- ment dans le membre inférieur, ainsi que du côté de la face où elle . disparaît en partie; mais le membre supérieur s'améliore à peine (1). Le malade vient à l'Hôtel-Dieu le 21 juin, amené par M. Hérard qui prend le service de la clinique. C'est alors qu'il me fut possible de l'observer. C'est un homme grand, fort, robuste, au visage coloré et au nez très- injecté. H n'a pas d'œdème des membres inférieurs; cependant le -soir, il présente, à différentes reprises, un peu de gonflement au niveau des malléoles. La plupart des fonctions s'accomplissent bien, excepté toutefois celles du cœur et du cerveau. La région cardiaque porte des traces de ventouses; elle n'est pas voû- tée; le cœur n'est pas notablement augmenté de volume; le premier bruit normal est accompagné d'un souffle peu rude qui s'entend surtout à gauche, ayant son maximum à la base et se prolonge vers la pointe. Le deuxième bruit n'est pas dédoublé, mais il semble qu'il soit accom- pagné parfois d'un souffle très-léger. L'orifice aortique est parfaitement (1) Je tiens ces premiers renseignements de mon collègue le docteur Cornil. MÉM. 10 146 intact, car aucun bruit ne s'entend dans l'aorte ni dans les artères du cou. Le pouls est petit, faible, irrégulier et intermittent toutes les 6 ou 8 pulsations. La jambe droite est incomplètement paralysée; le malade la traîne en marchant, il fauche. Le membre supérieur droit est compk-tement paralysé; le malade ne peut lui imprimer le moindre mouvement; la main est froide et violacée; l'avant-bras et le bras ont leur température normale. Les yeux se ferment très-bien des deux côtés. La bouche est déviée à droite et en haut; tous les mouvements de la langue et des lèvres s'exécutent parfaitement; le malade ne bredouille nullement; cepen- dant il ne peut articuler que quelques mots, et ce sont les plus usuels: oui, non, monsieur. Il lui est presque impossible d'en prononcer d'au- tres, et en particulier ceux qui commencent par la lettre H. Il signe son nom, mais il ne peut écrire le mot oui, même avec un modèle; il essaye d'écrire le mot non sans pouvoir l'achever. Néanmoins le malade paraît avoir conservé à un haut degré certains sentiments, en particulier celui de la famille, de la reconnaissance et du plaisir. Ainsi, quand on lui parle de sa fille, il pose la main sur son cœur pour montrer combien ii l'aime; chaque matin il n'oublie pas de serrer affectueusement la main d'un élève qui lui donne fréquemment du tabac et des cigares. Dans les derniers temps de son séjour à l'Hôtel-Dieu, ce malade sem- blait trouver plus facilement les mots ;{i\ paraissait plus apte à la con- versation. En l'y exerçant fréquemment, on parvenait à lui faire pro- noncer d'une façon très-distincte des phrases assez longues; il lui arri- vait souvent même d'en construire spontanément. Mais au milieu de celles-ci comme de celles-là, il était parfois arrêté par un mot ou par un membre de phrase, et il lui était impossible d'aller plus loin. En voici deux exemples : un élève lui disait Monsieur Lucas se porte bien; il comprenait très-bien, ce qu'indiquait un sourire de sa part; mais es- sayant de répéter, il lui était impossible de dire plus que Monsieur Lucas... Très- souvent, le malin, il nous chantait le premier couplet de la Marseillaise; seulement, arrivé au cinquième vers, il s'arrêtait brusquement ; quelqu'un le disant alors pour lui, il achevait très-bien le couplet. Le 8 décembre le malade est envoyé à Bicêtre sans qu'il soit rien survenu qui mérite d'être noté. Il ne nous paraît pas possible de nier le symptôme aphasie dans les deux observations qui précèdent. Mais dans l'observation II faut-il voir une lésion cérébrale consécutive à l'obstruction de l'ar- tère de Sylvius'? C'est là un point sur lequel le doute n'est guère pos« 147 sible, vu l'existence d'une affection cardiaque et surtout d'une lésion delà valvule mitrale. Ces faits, d'ailleurs, ne sont pas uniques et nous en pourrions citer ici un plus grand nombre. Dans le tableau qui ter- mine notre thèse inaugurale, la perte ou l'embarras de la parole est notée 12 fois sur 46 cas d'oblitération des artères carotides ou syl- viennes, 9 fois avec l'oblitération des artères cérébrales gauches, et 3 fois avec l'obstruction des artères cérébrales droites. Ainsi l'aphasie, dans certains cas, peut être un symptôme du ramollissement cérébral consécutif à l'oblitération des artères de Sylvius et principalement de l'artère du côté gauche. On ne s'étonnera pas que ce symptôme puisse faire défaut quand on sait que l'artère sylvienne est suscep- tible d'être oblitérée au delà de la branche qu'elle envoie aux circon- volutions frontales postérieures, que le point d'origine de cette bran- che n'est pas toujours le même, et qu'enfin la partie postérieure du, lobe frontal peut être alimentée en partie par des rameaux vasculaires provenant d'une autre source. Toutefois, pour montrer que l'aphasie est un signe appartenant au ramollissement cérébral plutôt qu'à l'héraorrhagie du cerveau, il faut prouver par des faits qu'ordinairement dans l'hémorrhagie cérébrale la faculté du langage articulé n'a pas subi l'altération dite aphémie ou aphasie; c'est le but des trois observations suivantes recueillies dans le même moment que les deux cas de ramollissement ci-dessus rappor- tés. M'appuyant sur ce que les malades avaient conservé la faculté du langage articulé, j'ai pu, dans ces trois faits, avancer qu'il s'agis- sait, non pas d'un ramollissement cérébral, mais bien d'un foyer hé- morrhagique (l). HÉMIPLÉGIE SUBITE A DROITE AVEC PERTE DE CONNAISSANCE; CONSERVATION DE LA MÉMOIRE DES MOTSJ ABSENCE D'APHASIE ; HÉMORRnAGIE CÉRÉBRALE A «AUCHE AVEC IRRUPTION DU SANG DANS LES CAVITÉS VENTRICULA1RES. Le 6 septembre 1804, la nommée L..., âgée de GO ans, ravaudeuse, est tout à coup frappée, immédiatement après son repas, de perle de connaissance et de paralysie de tout le côté droit. Apportée le lende- main à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Antoine n° 26, elle a à peine recouvré la connaissance; elle est somnolente, dans un état demi-comateux, couchée sur le dos, la bouche et les yeux déviés à gauche. Les mem- bres du côté droit sont paralysés et dans la résolution la plus complète ; '1} M. le docteur Hérard avait alors quitté le service de la clinique. 148 cependant quelques mouvements volontaires peuvent encore être im- primés à la jambe; la sensibilité est partout diminuée, mais non abolie. La langue est difficilement portée hors de la bouche; ses mouvements sont très-embarrassés ; la malade articule difficilement, mais elle ré- pond aux questions qu'on lui adresse. Le pouls est régulier, il bat environ 60 fois par minute. Rien dans les appareils. Lavement purgatif. Le lendemain, 8 septembre, même état général. Somnolence un peu moins marquée; la malade comprend peut-être un peu mieux, sa parole est embarrassée, mais elle trouve les mots qui doivent servir à ses ré- ponses; le pouls s'accélère. Sinapismes. Le 9, fièvre; pouls plus fréquent et irrégulier; peau plus chaude. Ventouses scarifiées à la nuque. Le 10, les phénomènes de réaction sont un peu calmés ; la ma- lade articule avec plus de facilité, mais vers cinq heures du soir elle est tout à coup prise d'une sorte d'accès qui dure environ un quart d'heure, et qui se caractérise par de l'orthopnée et de l'accélération de la respiration, une teinte pâle puis violacée de la face, de la roideur dans tout le côté non paralysé. A six heures je vois la malade : elle est abattue, l'œil inquiet et hagard, la parole complètement perdue, la face un peu violacée et inondée de sueur, la peau est chaude et sudorale, les membres dans une résolution complète, le pouls est accéléré, assez fort, le cœur bat assez violemment, mais les râles nombreux qui rem- plissent la poitrine empêchent d'en distinguer les bruits. Elle succombe dan* cet état le lendemain, à sept heures du matin. AuTorsiE. Rigidité cadavérique très-marquée; putréfaction peu avan- cée. Ballonnement du ventre. Crâne. Intégrité des os. Suffusiou sanguine cadavérique des méninges cérébrales vers la partie moyenne des hémisphères; pas de suffusion des méninges cérébelleuses. Artères cérébrales parfaitement saines; pas de dépôts athéromateux. L'hémisphère gauche est un peu plus saillant que le droit; au niveau de son lobe sphénoïdal, les circonvolutions sont un peu molles; on y sent une sorte de fluctuation profonde. Le corps calleux est incisé; les ventricules latéraux contiennent une petite quantité d'un sang noir liquide ; à la partie antérieure et supé- rieure du corps strié gauche, existe une déchirure qui permet l'intro- duction d'un manche de scalpel. Des coupes horizontales étant faites, on trouve immédiatement au-dessous du corps calleux un caillot noir, assez ferme, du volume d'une grosse noix. Il est contenu dans une ca- vité irrégulière dont la limite en avant est la partie moyenne du lobe frontal où elle se termine en pointe; tandis que, en arrière, elle se un termine au niveau de la partie réfléchie du ventricule latéral; en de- hors elle est séparée de la surface des circonvolutions par une épais- seur d'un 1/2 centimètre ou de 1 centimètre au plus; en dedans elle laisse intacte la couche optique ainsi que la plus grande partie du corps strié qui répond à la paroi ventriculaire. Du reste, le corps strié est dé- truit dans toute son épaisseur, comme s'il avait été tranché antéro-pos- térieurement à l'aide d'un couteau. Thorax. Le cœur, un peu volumineux, est chargé de graisse à sa base et au niveau du ventricule droit. État à peu près normal des cavités droites, orifice pulmonaire sain, épaississement de l'une des lames de la valvule tricuspide. La cavité ventriculaire gauche est élargie; l'endocarde est blanchâtre ; le bord libre de la valvule mitrale est épaissi; cette val- vule est raccourcie ainsi que ses tendons; les valvules aortiques sont simplement blanchâtres. Les poumons sont congestionnés (congestion passive). Les artères et les veines pulmonaires sont libres; l'aorte est saine dans toute son étendue. Abdomen ballonné; intestins largement distendus par des gaz, du reste sains. • V estomac est dilaté; les glandes et les replis de sa muqueuse sont saillants. Foie un peu gras, diminué de volume. Pancréas, raie, reins normaux. Vessie saine. Dans Vutérus, tumeurs fibreuses interstitielles du volume d'une prune. HÉMIPLÉGIE SUBITE AVEC PERTE DE CONNAISSANCE. LÉGER EMBARRAS DE LA PA- ROLE, COMA, MORT, AUTOPSIE, HÉMORRHAGIE DU CENTRE DE l'hÉMISPHÈRE GAUCHE. Obs. IY. — Le 21 septembre 1864 entre à l'Hôtel-Dieu, salle Saint- Antoine, n° 17, la nommée L..., âgée de 67 ans, cuisinière, femme forte et bien constituée, qui a été la veille au soir frappée subitement d'apo- plexie. En même temps qu'elle a perdu connaissance, elle a été para- lysée de tout le côté droit. Le 21, au moment de la visite, la malade a en grande partie recouvré la connaissance ; elle articule quelques mots en réponse aux questions qu'on lui adresse ; elle trouve facilement le mot propre, malgré un certain embarras de parole ; somme toute, elle a conservé la mémoire des mots. Paralysie complète du mouvement, sensibilité seulement un peu diminuée. Fréquence du pouls. Elévation de la température qui paraît plus marquée à droite. Quelques heures après somnolence et coma, gêne progressive de la respiration, élévation plus grande de la température et mort. 150 Autopsie. — Cerveau. Méninges normales ; suffusion sanguine cadavé- rique, excepté au niveau des méninges cérébelleuses. Injection de la masse encéphalique, renflement et fluctuation à la partie externe de l'hémisphère cérébral gauche. Les ventricules sont larges, et con- tiennent un liquide légèrement coloré en rouge. Au centre de l'hé- misphère gauche se trouve un caillot noir du volume d'un œuf et de formation récente. Les parties externes du corps strié et de la couche optique sont en partie détruites et comme décollées de l'encéphale. Les circonvolutions cérébrales sont respectées. Rien dans l'hémisphère droit ni dans le cervelet. Artères sylviennes épaissies et blanchâtres. Plaques athéroraateuses sur le trajet des vaisseaux. Cœur volumineux, chargé de graisse. Hypertrophie de la paroi ven- triculaire gauche. Epaississement des valvules aortiques au-dessous du tubercule de Morgagni. L'aorte thoracique est amincie ; la tunique moyenne semble avoir subi une dégénération graisseuse, tandis que la tunique interne est le siège de dépôts calcaires. Poumons congestionnés, œdématiés surtout vers les parties déclives. Petits noyaux tuberculeux dans l'un d'eux. Reins petits, granulés à la surface. Atrophie de la substance corti- cale (néphrite interstitielle). Foie d'un- volume normal. Masses crétacées au-dessous de la capsule au niveau de la face inférieure du lobe droit. Rate ferme, normale. Estomac rempli d'un liquide jaune verdàtre qui colore la membrane muqueuse ; état mamelonné de cette membrane vers la région pilo- rique. Usure du cartilage rotulien de l'articulation fémoro-tibiale gauche. Ossification des cartilages costaux ainsi que des artères iliaques primi- tives et internes. hémorragie cérébrale gauche, hémiplégie de tout le côté droit ; paraly- sie de la langue; conservation de la mémoire des mots et de la fa- culté de les articuler; légère paralysie des yeux ; resserrement des pupilles; paralysie du col de la vessie. Obs. V. — Il y a trois jours, le nommé P..., âgé de 56 ans, perd subite- ment connaissance à onze heures du soir. Quand il revient à lui, on con- state qu'il a perdu la parole et qu'il est complètement paralysé de tout le côté droit : face, tronc et membres. Diminution de la sensibilité sur tous les points paralysés; la sensibilité est parfaitement conservée sur tout le côté sain, le malade est transporté à l'Hôtel-Dieu le 8 sep tembre. Le 0 au matin nous le trouvons dans une somnolence et un coma 151 auxquels on l'arrache assez difficilement ; )a religieuse de service a remarqué qu'il ronfle à peu près continuellement. Il commence à re- couvrer l'usage de la parole; il trouve à l'instant les mots dont il veut se Servir, mais il ne les articule pas distinctement , ainsi il nous répond, la question aussitôt posée, qu'il n'a pas mal à la tête. Il remue très-bien la langue dans la bouche, mais il ne peut la porter au dehors. Du reste, l'état de la paralysie n'a pas varié : résolution complète des membres, déviation de la commissure labiale droite vers la ligne médiane. Le malade porte difficilement les yeux du côté paralysé ; la paupière supé- rieure droite n'est pas notablement abaissée. Le premier bruit du coeur est un peu rude, mais il n'est accompagné d'aucun souffle. Le pouls est à 64. La peau n'est pas chaude. L'intestin est paresseux ; pas do selles. Un lavement purgatif. On rapproche au moyen d'une bandelette de diachylon les lèvres d'une plaie de 3 centimètres que le malade s'est faite au front en tom- bant ; la réunion se fait en trois jours. Le 10 et le 11, même état comateux ; pupilles contractées, mais égales. Toujours un peu de strabisme. Peau chaude ; pouls à 68. Quatre ventouses scarifiées à la nuque pour 200 grammes de sang. Le 12, face pâle; langue sèche; ballonnement du ventre. Le malade perd ses urines. Peau sèche et un peu plus chaude; pouls à 64. Bain. Le 13, bouche très-sèche. Pouls à 64. La paupière supérieure droite est plus abaissée. Le 14 et le 15, faciès meilleur et plus éveillé. Moins de somnolence. Les mouvements de la langue paraissent plus faciles; pour la première fois le malade peut la porter hors de la bouche. Le 23 septembre, l'état général du malade est sensiblement le même; seulement on s'aperçoit que la respiration est gênée, et I'auscultatiun vient révéler l'existence d'une pleurésie droite; la fièvre commence à s'allumer. Les jours suivants elle augmente, l'état cérébral reste le même. Le 1" octobre, le malade a beaucoup maigri, et cet amaigrisse- ment va progresser jusqu'à la mort. A dater de ce jour la peau prend une teinte cachectique jaunâtre. Le 3 surviennent des frissons erratiques qui se répètent plusieurs fois le jour, et qui indiquent que la pleurésie passe à l'état purulent. Cet état continue jusqu'au H octobre, jour où le malade succombe sans qu'aucun phénomène insolite soit survenu. Je crois inutile de dire que la pleurésie a été attaquée par les moyens ordinaires. Autopsie vingt-quatre heures après la mort. Malheureusement l'exa men du cerveau ne nous fut pas permis; mais le cœur, soigneusement examiné, a été trouvé sain dans sa structure ; ses orifices et ses valvules étaient de même que les gros vaisseaux qui partent de sa base complé- 152 tement intacts. Les poumons étaient intègres, à part la compression de l'un d'eux, la plèvre droite contenait environ deux litres d'un pus de bonne nature. Rien du côté des autres appareils. On pourrait peut-être penser qu'il ne s'agit pas d'une hémor- rhagie cérébrale dans ce dernier fait, mais le début brusque et pour ainsi dire foudroyant de la paralysie £t surtout l'absence de toute lésion du côté du cœur ou de l'aorte ne sont nullement en faveur de l'idée d'un ramollissement consécutif à une oblitération artérielle, la seule lésion supposante. Les cinq faits qui précèdent, observés dans l'espace de quelques semaines, frappèrent vivement notre attention, et nous portèrent à penser, tout d'abord, que la difficulté de différencier, dans certains cas, l'hémorrhagie, cérébrale du ramollissement apoplectiforme, se trouvait enfin en partie levée. Toutefois un examen plus approfondi du sujet et une plus longue réflexion nous font croire aujourd'hui que l'aphasie, pour avoir une valeur réelle dans le diagnostic des affections de l'encéphale, doit être accompagnée de quelques autres signes d'une importance incontestable. Ainsi, lorsque chez un malade ayant subitement perdu connais- sance, on voit persister une hémiplégie avec aphasie, il y a lieu de songer à un ramollissement plutôt qu'à une hémorrhagie céré- brale ; et ce diagnostic sera confirmé par l'existence d'une affection concomitante du cœur et surtout d'un rétrécissement mitral. Au contraire, une hémiplégie subite de cause cérébrale et sans aphasie est plutôt l'indice d'une hémorrhagie du cerveau ; l'absence de lésion cardiaque appuiera fortement ici le diagnostic. C'est là le fait ordi- naire et qui s'explique facilement d'ailleurs, puisque le siège d'élec- tion des foyers sanguins du cerveau est la partie externe du corps strié. Mais on conçoit très-bien .que ces foyers puissent s'étendre parfois jusqu'aux circonvolutions et les détruire en partie; nous avons vu un cas de ce genre dans lequel le malade était aphasique. Il y a plus , l'hémorrhagie peut envahir primitivement la partie posté- rieure du lobe frontal et produire l'aphasie; c'est précisément ce qui existait dans un des faits observés par M. Broca (1), mais alors il n'y avait pas d'hémiplégie. Donc, en résumé, le diagnostic du ramollissement apoplectiforme, ;i) Bull. Soc. anat., 1861, p. 399. 153 consécutif à l'oblitération de l'artère de Sylvius, repose sur la réu- nion de plusieurs conditions, savoir : les symptômes d'une lésion du cœur ou des gros vaisseaux, une hémiplégie subite avec aphasie. La persistance des deux derniers symptômes, en l'absence d'une affec- tion cardiaque, permettra de soupçonner avec raison ce ramollisse- ment qui, cette fois, tiendrait à la thrombose de l'artère de Sylvius. MÉMOIRE LA CHALEUR ANIMALE La a la Société de Bielogie, dan» sa séance du 1& jailht t M 5, PAR M. BERTHEiQT. La vie a été comparée à une flamme dès les temps les plus an- ciens; mais c'était là une métaphore jpoétique jusqu'au jour où La- voisier reconuut que les animaux absorbent de l'oxygène et rejettent de l'acide carbonique par le fait de la respiration. Il chercha dans ce double phénomène l'origine de la chaleur ani- male, c'est-à-dire de cette production continuelle de chaleur qui maintient à une température presque invariable lé corps de l'homme et des animaux supérieurs. Lavoisier assimila la production de la chaleur animale à celle qui résulte de la combustion directe du car- bone et de l'hydrogène. Cette opinion a servi de point de départ à un grand nombre de travaux et d'expériences depuis la fin du dix-huitième siècle. Je n'ai pas l'intention de les rappeler ici, et je me bornerai à renvoyer au livre classique que M. Gavarret a publié sur la chaleur animale. Mais depuis quelques années les théories des physiciens et des chimistes, sur la chaleur, ont éprouvé des changements considérables. On a éta- 156 bli des relations directes d'équivalence entre le travail mécanique et les effets produits par la chaleur. Ces derniers effets eux-mêmes doi- vent être regardés aujourd'hui comme la représentation du travail moléculaire effectué par les affinités chimiques. J'ai poursuivi l'application de ces idées à la formation synthétique et aux. métamorphoses des composés organiques, et je suis arrivé à des résultats nouveaux que j'ai développés, depuis un an, dans plu- sieurs mémoires présentés à l'Académie des sciences, et surtout dans les leçons que j'ai professées au Collège de France (1). Dans la communication que j'ai l'honneur de faire aujourd'hui à la Société, je me propose d'appliquer les mêmes idées et les mêmes dé- ductions à la question de la chaleur animale, et de montrer comment elle me paraît devoir être envisagée dans l'état présent de la science. Établissons d'abord les données fondamentales du problème, indé- pendamment de toute hypothèse, et nous bornant à des notions po- sitives et expérimentales. Les animaux sont le siège d'un grand nombre de phénomènes chi- miques. Ils absorbent continuellement de l'oxygène, ils consomment des aliments; d'autre part, ils rejettent au dehors de l'acide carboni- que et divers produits excrémentitiels. De tels effets représentent les deux termes extrêmes et opposés de toute une série de métamor- phoses chimiques accomplies dans les tissus des animaux, en partie aux dépens des matières ingérées, en partie aux dépens des tissus animaux eux-mêmes. Or ces métamorphoses chimiques répondent en général à des effets calorifiques qui en sont la conséquence. Il s'agit de chercher quelle peut être la relation entre la chaleur produite par un animal et celle qui résulterait des réactions chimiques effectuées dans ses organes et dans ses tissus. Les deux quantités sont-elles égales? sont-elles différentes? Dans ce dernier cas, quelles peuvent être les causes des différences observées, et comment ces causes peuvent-elles être dis- cutées par la méthode expérimentale? Voilà ce qu'il s'agit d'examiner. Quatre données essentielles dominent la question, savoir : 1" La comparaison entre Vétat initial d'un animal au commence- Il) En cours de publication dans la Revue des cours scientifiques, 1865. Paris, Germer-Baillère. 157 ment d'une période quelconque de son existence, et son état final à la fin de cette même période ; 2° L'étude des travaux extérieurs qui peuvent être accomplis par l'animal ; 3e L'étude individuelle des métamorphoses chimiques, qui s'effec- tuent réellement dans les tissus de l'animal, et spécialement des phé- nomènes ft oxydât ion, cette dernière étaut envisagée relativement aux principes définis contenus dans l'animal, et non relativement à leurs éléments, contrairement à ce que l'on a fait presque toujours. Je trai- terai également à ce propos les productions d'eau et d'acide carbo- nique par dédoublement, sans l'intervention de l'oxygène libre et les oxydations incomplètes. 4° L'étude des réactions d'hydratation effectuées dans l'animal, eu vertu de la fixation ou-de la disparition d'une certaine quantité d'eau, lesquelles peuvent donner lieu à des phénomènes calorifiques nota- bles, quoique négligés jusqu'à pîésent. Examinons ces quatre ordres de données fondamentales. I. — Etat initial et état final. Étant donnée une série de transformations chimiques, opérées sur divers corps simples ou composés, lorsqu'ils n'éprouvent ou ne trans- mettent aucune action extérieure, la chaleur dégagée dans cette série de transformations dépend uniquement de l'état initial et de l'état final du système. C'est là le théorème fondamental de la thermo- chimie. ■,-.._■ Pour en faire l'application à la chaleur animale, il semble donc qu'il faudrait connaître précisément quelles sont la nature et la proportion des principes immédiats qui constituent le corps des ani- maux, au commencement ou à la fin d'une période quelconque de leur existence. Mais cette connaissance est presque impossible à acquérir, surtout quand on envisage un animal vivant. On y supplée en admettant que l'état initial est identique à l'état final; en d'autres termes, on me- sure la chaleur produite par un animal durant une certaine période de son existence, et l'on admet qu'à la lin de cette période, il se re- trouve précisément clans les mêmes conditions et avec la même com- position chimique qu'au commencement. Lavoisier, le premier, remarque expressément que l'animal doit 158 posséder à la fin de L'expérience la même température qu'au début, et se trouver placé dans des circonstances qui n'altèrent sensiblement ni son sang ni ses humeurs. La même condition se retrouve dans ce que M. Boussingault appelle la ration d'entretien, ration telle que les aliments et l'oxygène introduits dans le corps s'éliminent complète- ment sous forme d'acide carbonique et des produits excrémentitiels. Si l'on admet que cette condition est réalisée, la chaleur dévelop- pée par les réactions chimiques pourra être calculée, en comparant la nature et la quantité des aliments et de l'oxygène ingérés avec la na- ture et la proportion des produits éliminés ; on rapproche ensuite cette quantité de chaleur tic celle que l'animal a réellement produite. Mais, il faut le dire, dans les expériences relatives à la chaleur animale, cette identité de l'état initial avec l'état final de l'animal a été supposée, faute de pouvoir la démontrer. Dans une expérience de quelques heures, et en opérant sur un animal renfermé, privé d'exercice, et jusqu'à un certain point de lumière, mis en rapport avec un air plus ou moins vicié, en un mot placé dans des conditions physiologiques anormales, il est peu vraisemblable que l'état chimi- que de l'animal n'éprouvé aucun changement; il faudrait évidemment prendre de3 périodes plus longues, telles que vingt-quatre heures au moins, opérer dans des conditions physiologiques meilleures, et véri- fier par des essais au moins grossiers la réalité de la supposition. Pour qu'il fût permis de négliger les changements chimiques sur- venus dans un animal, dans la détermination de la chaleur produite par les réactions, on pourrait encore opérer sur un animal adulte pendantune période assez longue, pour que les quantités totales de cha- leur dégagées fussent très-grandes, relativement aux différences dues aux variations inconnues de la composition chimique de l'animal. Il est très-douteux que cette condition puisse être remplie dans une expé- rience de quelques heures; il faudrait une période de plusieurs se- maines, peut-être de plusieurs mois, sur un animal bien portant, pour autoriser cette 4iypothèse. Iî. — TRAVAUX EXTÉRIEURS. Une question nouvelle a été introduite dans la question de la cha- leur animale depuis quelques années : c'est la nécessité de tenir compte des travaux extérieurs qui peuvent être accomplis par un animal. Le travail moléculaire développé par les affinités chimiques 159 ne se dépense pas seulement sous forme de chaleur; mais une partie se retrouve nécessairement dans les travaux extérieurs accomplis par l'animal. Alors même qu'il paraît immobile, l'appel continuel de l'air extérieur dans ses poumons et l'expulsion incessante de ce mémo air, après qu'il a servi à la respiration, représentent un travail nota- ble effectué par ses muscles. D'ailleurs un animal, maintenu immo- bile dans un appareil, est dans dés conditions physiologiques anor- males : en général les réactions chimiques dans les tissus tendent, dans ces conditions, à se ralentir et probablement à changer de na- ture. Au contraire, les réactions chimiques s'activent dans un animal en mouvement : nous savons aujourd'hui que la contraction musculaire est accompagnée par la disparition de l'oxygène dissous dans le sang et par l'apparition d'une plus grande quantité d'acide carbonique. Déjà Lavoisier avait observé qu'un homme qui travaille absorbe plus d'oxy- gène et produit plus d'acide carbonique. Dès que les travaux exté- rieurs accomplis par l'animal deviennent un peu considérables, les réactions chimiques, sous l'influence de certaines conditions physio- logiques déterminées parle système nerveux, deviennent asse2 ac- tives pour suffire, nou-seulementà l'entretien de la température nor- male et au travail extérieur, mais pour produire un excès de chaleur qui vient élever la température de l'animal. Je n'insisterai pa*s davantage sur cette question dû travail extérieur : il me suffit d'avoir montré qu'elle doit entrer en ligne, toutes les fois que l'on veut comparer la chaleur produite par un animal avec celle qui résulterait des réactions chimiques accomplies dans ses Ussu9. J'arrive maintenant à l'étude desdites réactions. III. — Oxydations. En général on a envisagé les réactions produites dans le corps des animaux et capables de développer de la chaleur, comme des oxyda- tions. En comparant l'oxygène absorbé avec l'acide carbonique éli- miné, on en déduit, à l'exemple de Lavoisier, le poids du carbone brûlé (équivalent à l'acide carbonique) et celui de l'hydrogène brûlé (équivalent à l'oxygène) ; on calcule alors la chaleur produite, en sup- posant que la production de l'acide carbonique et celle de l'eau ont dégagé la même quantité de chaleur que si elles avaient eu lieu au moyen du carbone de l'hydrogène et de l'oxygène libre. On a trouvé 160 ainsi (1) une quantité de chaleur égale aux neuf dixièmes environ de la chaleur réellement cédée par l'animal au calorimètre dans les ex- périences; résultat suffisant pour montrer que la chaleur animale dé- pend des réactions chimiques effectuées dans les tissus, mais qui ne peut pas être regardé comme la démonstration d'une rigoureuse équi- valence. D'ailleurs l'écart deviendrait plus grand, si l'on tenait compte des travaux extérieurs. Je me propose d'examiner de plus près les bases de ce calcul. 11 part d'une hypothèse inexacte. En effet, les animaux ne brûlent pas du carboné libre et de l'hydro- gène libre; mais ils introduisent dans leur corps des aliments, c'est- à-dire des principes organiques très-divers, très-complexes, et dans lesquels l'état de combinaison des éléments est déjà très-avancé. D'au- tre part, les animaux rejettent continuellement au dehors, non-seu- lement de l'acide carbonique, mais encore de l'eau, de l'urée, et d'au- tres produits excrémentitiels également très-complexes. Dès lors il faudrait tenir compté, pour calculer la chaleur animale, de l'état réel des corps introduits et des corps rejetôs : c'est la rela- tion chimique entre ces deux ordres de principes qui détermine la quantité de chaleur produite (en supposant d'ailleurs l'état final et l'état initial de l'animal identiques). Or, 1° l'oxygène n'agit pas ici sur du carbone libre, et, d'autre part, le carbone, suivant les combinaisons dans lesquelles il est en- gagé, dégage des quantités de chaleur variables ; 2° L'hydrogène brûlé dans l'organisme par l'oxygène extérieur, dé- gage une quantité de chaleur qui varie suivant la combinaison que l'on considère ; 3° L'acide carbonique produit aux dépens du carbone et de l'oxy- gène des principes organiques, peut répondre à un dégagement de chaleur, indépendamment de l'oxygène extérieur; il en est de même de l'eau produite aux dépens de l'hydrogène et de l'oxygène de ces mêmes principes. Cette dernière source de chaleur a été jusqu'ici for- mellement méconnue (2). Précisons ces idées par quelques exemples : (1) De la chaleur produite par les êlres vivants, par Gavarret, p. 221, 1855. (2) Voir l'ouvrage cité plus haut, p. 280. 161 ( Nous allons chercher combien de chaleur dégage : 1° Une même quantité d'oxygène, en s'unissant à divers composés orgaDiques définis; 2° Une même quantité d'acide carbonique développée ; 3° Une même quantité d'eau produite; 4° Là production d'un volume d'acide carbonique égal au volume de l'oxygène absorbé. I. — Fixation de l'oxygène. On doit distinguer les oxydations complètes, qui fournissent uni- quement de l'eau et de l'acide carbonique, et les oxydations incom- plètes. Oxydations complètes. — 2 équivalents d'oxygène, O*, combinés avec le carbone, G2, pour former l'acide carbonique. . .. dégagent Avec l'oxyde de carbone, C'O2, pour former l'acide carbonique L'hydrogène, H*, pour former l'eau. • L'acide formique, C2H20* (H208 ; C20*) L'acide oxalique,. C4H208( id. ) L'alcool, | C*H602.... ( id. ) L'acide stéarique et les acides gras en général, environ id. 53,000 — On voit que l'oxydation complète d'un composé organique, par une même quautité d'oxygène, peut fournir jusqu'au double de la chaleur de combustion du carbone. En général elle fournit un nombre voisin de 50 à 55,000, c'est- à-dire notablement plus élevé que 47,000, à cause de la combustion de l'hydrogèue. Au contraire, ce nombre est le même pour certains corps très-oxygénés, tels que l'acide oxalique, et pour certains corps très-riches en carbone et en hydrogène, tels- que les corps gras. Oxydations incomplètes. — Examinons maintenant les oxydations incomplètes, c'est-à-dire celles qui n'aboutissent pas à l'eau et à l'a- cide carbonique. 2 équivalents d'oxygène fixés sur le carbone C2,pour former l'oxyde de carbone C202, dégagent 25,000 calories. Sur le gaz des marais C2HS pour former de l'alcool métbylique, dégagent 40,000 — gagent 47,000 calories. id. 69,000 — id. 69,000 — id. 96,000 - id. 54,000 - - id. 53,000 - 162 Dans cette réaction, il n'y a point formation d'eau. Sur le gaz des marais,—^-, pour former l'acide formique (en for- mant de l'eau) dégagent 38,000 calories. Sur l'alcool, pour former l'aldéhyde, (avec formation d'eau), environ. . id. 55,000 — Sur l'aldéhyde, pour former l'acide acétique {sans production d'eau). id. 55,000 — C*H*Os ■ Sur l'alcool — r — pour former l'a- 0 cide oxalique (formation d'eau). . id. 53,000 — Citons encore, comme l'exemple jusqu'ici unique en chimie orga- nique, d'une oxydation accompagnée par une absorption de chaleur, la combinaison du carbone avec l'oxygène, en présence de l'eau, pour former l'acide formique (tf+lFO^ + O^tflPO*; elle semble répondre à une absorption do 2,000 calories. Lorsqu'on oxyde des corps homologues de plus en plus condensés, les quantités de chaleur dégagées au début de l'oxydation par les mêmes quantités d'oxygène fixées, sont d'autant plus considérables que l'équivalent est plus élevé. En effet : Alcool méthylique. C2 H* 02 + Û* dégage 2 x 37,000 Alcool ordinaire... CkHG0* + Ofc id. 2x53,000 Alcool amylique . . . C'^O* + O* id. 2 X 65,000 Alcool éthalique... C3!H3*02-f-0* id. 2x90,000 Ainsi une même quantité d'oxygène, en se fixant sur des corps tels que les alcools pour les transformer en acides correspondants, dégage des quantités de chaleur qui varient dans des limites fort étendues, savoir 37 et 90,000. Le dernier chiffre qui répond à l'oxydation d'Un corps gras véri- table, est presque double de celui qui répond au carbone libre. C'est là un fait fort intéressant, en raison de la présence des corps gras dans l'économie. Ceci ne s'applique d'ailleurs qu'à la fixation dos premiers équiva- lents d'oxygène, lesquels ne changent pas le nombre des équivalents de carbone, contenus dans une molécule du composé résultant. L'exemple de l'alcool ordinaire semble indiquer que la même rela- 163 lion subsiste, tant que le nombre d'équivalents de carbone ne dimi- nue pas dans le composé produit par oxydation. Ainsi la formation De l'aldéhyde C4H*0* Celle de l'acide acétique C*H*0* Celle de l'acide oxalique C4IF.08 Au moyen de l'alcool C4H60«, dégagent à peu près la même quantité de chaleur, pour un môme poids d'oxygène consommé. De même, la formation de l'alcool méthylique. . . C!H4Os Et celle de l'acide formique C'IFO4 Par l'oxydation des gaz des marais . . G2H*. La production ou la non production de l'eau libre parait exercer peu d'influence sur ce résultat. Il en serait autrement s'il y avait combustion complète du carbone, c'est-à-dire transformation totale du composé en eau et acide carbo- nique. Dans cette circonstance, les divers corps d'une même série dégagent tous à peu près la même quantité de chaleur, pour une même quantité d'oxygène fixé. C* H4 O4 Ainsi, pour O9 fixé, l'acide acétique.... — -. — dégage 55,000 l'acide butyrique. ,. C8 H8 O4 id. 50,000 J'acide valérianique. C10Hl0O4 id. 50,500 lucide margarique . C3!H3204 id. 52,000 l'acide stéarique. .. C3GH3604 id. 53,000 Tous ces nombres s'éloignent peu de 52,000, qui répond à C*H* + O6 3* - Ou voit que pour une même quantité d'oxygène lixé, et dans une combustion complète, les acides gras ne dégagent pas plus de chaleur que les autres acides, contrairement à ce qui arrive lors de leur oxy- dation commençante. II. — Formation de l'acide carbonique. A quoi répond la formation d'un équivalent d'acide carbonique, C*0*=44 grammes? Trois cas doivent être distingués, selon que cet acide résulte d'une décomposition ou d'une oxydation complète, ou d'une oxydation par- tielle. 164 1° Dédoublement. — On a admis, en général, que le carbone et l'oxygène fournis par des composés organiques tout formés, ne pro- duisent pas de phénomènes calorifiques sensibles, en donnant lieu à l'acide carbonique. Cette conclusion est vraie pour certains corps, tels que l'acide acétique, dont la décomposition en acide carbonique et gaz des marais C*H*0» = GîO» + G,H*, ne donne lieu à aucun effet calorifique tranché; mais elle est inexacte dans la plupart des cas. N Tantôt la production de l'acide carbonique répond à un dégage- ment de chaleur. Ainsi, dans la fermentation, le sucre de raisin dé- gage 35,000 calories pour C*0* formé, CuHiî0iî_ 2C*H80ï + 2G*o». L'acide formique se dédoublant en acide carbonique et hydrogène, C«H«0»=C,0*+IP; dégage 27,000 calories. Au contraire, l'acide oxalique, en se décomposant en acide carbo- nique et hydrogène G*H,08=2C,0* + H^ -absorberait — ^ — calories pour 0*0*, et l'acide valérianique 18,000 calories : C1'Hl,0*=C8H10 + G,0\ Ainsi la formation de l'acide carbonique par dédoublement peut répondre soit à une absorption, soit à un dégagement de chaleur. Il n'est donc pas permis de raisonner sur la chaleur qui répond à cette formation, lorsqu'elle a lieu par dédoublement, sans en con- naître l'origine. Je ferai encore observer que le contraste entre les résultats fournis par les trt)is acides formique, acétique, valérique, lesquels appartiennent cependant à une même série, s'oppose à ce que l'on regarde de pareilles formations d'acide carbonique comme dues nécessairement à une combustion interne. 2e La formation de l'acide carbonique par oxydation répond tou- jours à un dégagement de chaleur. Distinguons les phénomènes re- latifs à une oxydation complète et ceux qui concernent une oxydation partielle. Oxydations complètes. — Voici divers chiffres, tous relatifs à la for- 165 mation de 44 grammes ss C*0* d'acide carbonique, par une oxyda- tion complète. Carbone libre..... C*+0* dégage 94,000 calories. Oxyde de carbone. C8Os+0« id. 69,000 — Acide formique. .. C*H*0* (C*0») id. 96,000 - Gaz des marais.... C«H* (C«0*) id. 210,000 - Gazoléfiant ~^- id. 167,000 — Cyanogène ^-~ (C«0*) id. 135,000 - On voit que la production d'une môme quantité d'acide carbonique par oxydation, donne des quantités de chaleur qui varient de 69 à 210,000, c'est-à-dire de 1 à 3. Ces variations dépendent, dans la plupart des cas, de la quantité d'oxygène consommée, laquelle varie, selon que l'on s'adresse à un corps déjà oxydé (oxyde de carbone, C'0*+0*), à un corps exempt d'oxygène (C*+0*), ou enfin à un corps hydrocarboné (gaz oléfiant, G*; gaz des marais, 08; etc., etc.). Mais la quantité de chaleur développée peut être aussi fort diffé- rente pour une même quantité d'oxygène consommée, une même quantité d'acide carbonique étant produite, comme le prouvent la combustion de l'oxyde de carbone (69,000) comparée à celle de l'a- cide formique (96,000), et celle du carbone (94,000) comparée à celle du cyanogène (135,000V Nous reviendrons sur ce point. Il est intéressant de comparer la chaleur produite par l'oxydation des acides gras, lors de la formation d'une même quantité d'acide carbonique : Acide formique. . '. C* H* O* C*0* 96,000 - acétique.... C* ^* °* C'O* 105,000 C8 H8 O* - butyrique.. u " u C'O* 124,000 - valérique. . * C'O* 131,000 - margarique. u ° u C»0* 149,000 - stéarique... "8 C*0* 153,000 16G Ces uombros montrent, que dans la série des acides gras, l'oxyda- tion, en donnant naissance à une même quantité d'acide carbonique, produit des quantités de chaleur de plus en plus considérables, à me- sure que l'équivalent s'élève. Pour l'acide stéarique, le chiffre est supérieur de moitié* à celui du carbone. Cet effet résulte de la proportion décroissante (comme poids absolu de l'oxygène e^ de l'accumulation de l'hydrogène. La limite serait 155,000 qui répond à C2H2. Oxydations incomplètes. — Signalons encore la chaleur dégagée, lorsqu'un corps se transforme par. oxydation dans un corps . ftomplogue inférieur : genre d'oxydation si commun dans les réactions de labora- toire, et auquel on a attribué souvent uu certain rôle en chimie phy- siologique. La transformation de l'acide stéarique, C3cH38Ov., en acide marga- rique, C32H320\ par oxydation, produit 2ŒQ\ pt 2H2Os, et dégage 2x 187,000 calories; Celte de l'acide margariqv"?, G32H3204, en acide butyrique, CSH8G\ prpd:uit'12C2Ov+i2H?02, et dégage 12x156,0.00 calories; Celle de l'acide butyrique en acide acétique, G*HE DEGENERESCENCE DITE AMYLOÏDE OU CIREUSE Mémoire présenté à la Société de Biologie, dans sa séance dn 26 mai 1865, M. G. HAYEM, Interne des hôpitaux. (Voyez planche II. La dégénérescence cireuse, appelée lardacée par Rokitanski, amy- loïde par Virchow. est aujourd'hui assez bien connue dans sa nature. Mais les termes qui ont été employés pour la désigner, la comparai- son qui a été faite par les premiers observateurs de la substance dite amyloïde avec la matière amylacée ou les corpuscules du même nom, l'idée aussi que les réactions de l'amyloïde devaient la rapprocher de la cellulose végétale ou de l'amidon, toutes ces particularités ont jeté sur cette question une sorte de confusion; et il n'est peut-être pas inutile, avant d'exposer à la Société l'étude apatomique et clinique des deux faits que nous allons rapporter, de chercher à bien définir 208 ce que l'on doit entendre par îa matière amyloïde, d'indiquer les moyens de la reconnaître avec ou sans le secours du microscope et enfin de circonscrire les limites de ce que l'on doit appeler dégéné- rescence amyloïde. Nous nous appuierons pour cela sur des travaux dont nous avons pu par nous-même vérifier les principaux résultats. ï. — Matière dite amyloïde. 1° CARACTÈRES PHYSIQUES ET CHIMIQUES DE LA MATIÈRE DITE AMYLOÏDE. La matière amyloïde n'a commencé à être connue que lorsque Vir- chow indiqua la réaction iodo-sulfurique qui la caractérise. Envisagée isolément, c'est une substance hyaline presque complè- tement transparente, d'un reflet grisâtre ou très-légèrement bleuâtre, d'un pouvoir réfringent peu considérable. Elle s'offre sous le champ du microscope sous la forme de concrétions de dimensions variées, tantôt isolées, tantôt réunies en blocs d'aspect plus ou moins fendillé, et ces caractères suffisent pour la distinguer des éléments figurés. Elle est insoluble dans l'eau, l'alcool, l'éther et l'acide acétique étendu ; elle se gonfle dans l'acide acétique concentré et disparait dans les alcalis concentrés. La teinture d'iode lui donne une coloration rougeâtre ou jaune rougeàtre d'une intensité variable. L'eau iodo-iodurée donne une coloration plus franche. Lé chlorure de zinc iodé préparé par Busk pour l'étude des corps amylacés, donne à la matière amyloïde une coloration rouge encore plus foncée. Un certain nombre d'essais ont pu me convaincre que c'était le réactif le pius sensible. Après l'action de ces trois préparations d'iode, si l'on ajoute avec précaution une petite quantité d'acide sulfurique, on obtient une co- loration bleuâtre ou d'un violet sale, coloration qui persiste ordinai- rement quelques jours. Si la quantité d'acide employé est trop con- sidérable, la coloration se produit rapidement et disparait de même, et il devient quelquefois impossible de la saisir. 2° CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DES CORPUSCULES DITS AMYLACÉS OU AMYLOÏDES ET DE LA MATIÈRE AMYLOÏDE. C'est dans les corpuscules des centres nerveux que Virchow a dé- 509 couvert la réaction avec l'iode. Plus tard lorsque rencontra dans uii grand nombre d'organes une substance qui, après s'être colorée en rouge, prenait par l'addition de l'acide sulfurique une coloration bleue, il admit deux formes de matière amyloïde, l'une caractérisée par des corpuscules prenant la coloration violette avec l'iode, la deuxième à l'état d'infiltration dans les organes, se révélant par la réaction iodo-sulfurique. On en vint donc à considérer les corpuscules des centres nerveux, ceux de la prostate et la substance amyloïde infiltrée, comme des variétés de forme d'une substance qui se rapprocherait de l'amidon végétal. Cette confusion n'existe plus aujourd'hui, et les différences entre ces matières reposent non-seulement sur les caractères physiques et les réactions chimiques, mais aussi sur l'analyse élémentaire. Les corpuscules dits amylacés ou amyloïdes, découverts en 1842 par Valeutin dans le système nerveux, ont été depuis rencontrés dans presque toutes les parties du corps, soit comme production physio- logique, soit à l'état pathologique. Ils peuvent offrir des formes et des dimensions assez variables; mais ils ont habituellement une confi- guration et une structure qui rappellent plus ou moins celle des grains d'amidon. Ordinairement isolés, de forme discoïde à contour net, foncé, à aspect demi-transparent, grisâtre, ils offrent une série de couches concentriques, et, si on les examine avec la lumière polari- sée, ils présentent une sorte de croix ou une longue ligne obscure (Busk). Sous l'influence de l'iode, ces corpuscules prennent, non une teinte rouge plus ou moins franche comme la matière amyloïde, mais tou- jours une teinte bleue ou violette très-intense. Busk a trouvé qu'après l'action du chlorure de zinc iodé, si l'on ajoute de l'acide sulfurique, ils prennent l'aspect de petits sacs bleus à parois minces et sans ré- sistance. J'ai pu voir un très-grand nombre de fois ces corpuscules, et par- ticulièrement ceux de la prostate, prendre sous l'influence du chlo- rure de zinc iodé une teinte tellement foncée qu'elle se rapprochait du noir. Aussi il me parait inutile de retracer les nombreuses variétés de forme et de siège qui se rapportent à ces corpuscules, qui ont été retrouvés par Carter dans la plupart des tissus et liquides de l'orga- nisme, dans certaines altérations du poumon par Friedreich, dans mém. M 210 l'épaisseur et à la surface de la peau par M. Luys, dans un grand nombre de produits pathologiques par Gaïrdner, Sanders, Busk, Carter. Il suffit, en effet, de bien se rappeler que leur forme n'est jamais celle des concrétions amyloïdes et que le môme réactif, l'iode, donne à la matière amyloïde une coloration d'un rouge en général peu vif, tandis qu'il colore les corpuscules amylacés en violet intense. Si Ton se met maintenant sur le terrain de la pathologie, on trouve encore des différences considérables. Les corpuscules amylacés peuvent se multiplier en très-grand nombre, mais ils ne forment jamais par leur production une véritable dégénérescence. Dans les premières observations d'atrophie de la moelle avec phénomènes ataxiques publiées en France, et particulièrement dans celle de M. Laborde {Bulletin de la Société de biologie, 1859), la lésion qui frappa le plus l'attention fut l'abondance des corpuscules dits amy- lacés ou amyloïdes. Mais on sait aujourd'hui que ce n'est pas là la lésion principale, et que la dégénérescence amylo'ïde ou amylacée de la moelle ne constitue pas une altération particulière. Dans toutes les autres productions pathologiques où ces corpuscules ont été ren- contrés, ils étaient toujours comme élément accessoire et secondaire, toujours déposés en dehors des éléments mêmes des tissus entre les éléments de la trame interstitielle, tandis que nous verrons plus loin un processus tout différent caractériser la dégénérescence amyloïde. .Cependant l'analyse chimique seule pouvait démontrer la diffé- rence complète de nature entre ces éléments et la véritable matière amyloïde. La difficulté assez grande de se procurer une quantité notable de corpuscules amylacés s'est opposée jusqu'à présent à des résultats complets sur ce point. Cependant Paulizky , dans sa thèse (1 857) , dit avoir obtenu une transformation des concrétions prostatiques en glucose, et M. Berthelot a trouvé dans les corpuscules amylacés découverts par M. Luys dans la peau, des analogies avec l'amidon végétal (Mé- moire sur les corpuscules amyloïdes comme productions normales à la surface de la peauy Société de biologie, 1859). D'-un autre côté, les résultats obtenus pour la substance amyloïde sont tout différents. 3° COMPOSITION CHTMIQPE DE LA MATIÈRE DITE AMYLOÏDE. Toutes les tentatives faites pour transformer en oucre la substance 2ii amyloïde infiltrée dans les différents organes ont échoué ; mais quel- ques chimistes parvinrent à isoler cette matière et la soumirent à . l'analyse élémentaire. Les analyses publiées jusqu'à présent soDt celles de G. Schmidt (1) et de Friedreich et Kékulé (2). Nous rapporterons en quelques mots les résultats obtenus par ces derniers. Leur analyse a été faite à l'aide d'un fragment de rate dont la dé- générescence cireuse était excessivement avancée en certains points. Après s'être assurés que la substance contenue dans la rate donnait les réactions caractéristiques des substances aîbuminoïdes et non celles d'une matière amylacée , ils ont pris des fragments très-fins de la partie la plus cireuse pour les soumettre à une série de la- vages. Un premier lavage à l'eau froide a entraîné une petite quantité d'al- bumine solubie. Le lavage à l'eau chaude donna après réduction des cristaux abon- dants de chlorure de sodium et des cristaux qui ressemblaient à ceux de la leucine. Les lavages successifs à l'alcool et à l'éther donnèrent, après l'éva- poration, de la cholestéarine et des gouttes d'huile qui, après un refroidissement très-grand, fournirent des cristaux en forme d'ai- guilles. La partie principale resta non dissoute, sous forme d'une masse blanche cireuse, contenant la matière amyloïde donnant encore, la réaction iodo-sulfurique et des débris de vaisseaux. En triturant alors dans l'éther et en clarifiant, on finit par séparer presque com- plètement la substance amyloïde des débris de vaisseaux et l'on obtint une poudre blanche presque parfaitement pure et donnant la réaction caractéristique. L'analyse élémentaire de cette substance desséchée mise en regard, par ces auteurs, de celle de l'albumine, donne le tableau suivant : "■ (1) C. Schmidt, Veber dus sogenn. thier. amyloïde. (Ankalen der CHEMIE UNI} PHARMACIE, CX, 1859.) (2) Friedreich et Kékulé, Zur amyloïd Frage. (Arce. de Virceow, p. 50, 1859, t. XVI.) m ALBUMINE D'APRÈS Matière amyloïde. Diirilâs et Cahours. Lieberkûhn. Rûling. C = 53,58 53,5 53,4 53,5 53,5 53,8 H = 7,00 7,1 7,2 7,3 7,0 7,1 Az= 15,04 15,8 15,7 15,7 15,6 15,5 D'où ils concluent avec raison que, contrairement à l'opinion de Meckel, la rate amyloïde ne contient qu'une certaine quantité de cholestéarine, qu'elle ne renferme aucun corps semblable chimique- ment à l'amidon ou à la cellulose , qu'enfin la matière amyloïde est une substance analogue aux matières albuminoïdes. Les travaux de C. Schmidt, analysés par M. Berthelot, donnèrent à peu près le même résultat. II. — DÉGÉNÉRESCENCE DITE AMYLOÏDE. Gomme on le voit d'après les recherches de ces auteurs, la sub- stance amyloïde est maintenant chimiquement connue quant à sa composition élémentaire. C'est une substance azotée, par conséquent les noms d'amylacé et d'amyloïde qui ont -été employés jusqu'ici pour la qualiGer sont inexacts et consacrent une erreur. Le nom de substance albuminoïde serait plus correct et très-propre à empêcher toute confusion avec les corps amylacés, dont la multi- plication est due à une hypergénèse et non à une véritable dégéné- rescence. Au contraire, cette sorte de pétrification des organes, selon l'ex- pression de Virchow, par des concrétions d'une substance azotée présentant seule jusqu'à présent la réaction iodo-sulfurique, telle que plusieurs auteurs l'ont indiquée, constitue bien réellement une dégénérescence particulière, qu'on pourrait peut-être désigner plus exactement sous le nom de dégénérescence albuminoïde. Déjà C. Schmidt, après avoir démontré la nature azotée de la sub- stance amyloïde, avait remarqué qu'il n;y avait plus aucune raison de lui conserver son nom. Mais les principes albuminoïdes sont va- riés, ils jouent un rôle important dans la plupart des processus pa- thologiques, et il est évident que l'expression plus exacte de dégé- nérescence albu minoïde est cependant encore incomplète. Néanmoins nous ne pouvons flous empêcher de blâmer aussi celles de lardacée et de cireuse, qui ce tiennent compte que de l'apparence extérieure 213 des organes. Celle-ci, en effet, est variable et trompeuse; l'ioduratîon lardacée pas plus que l'aspect cireux ne sont suffisamment caracté- ristiques. L'expression d'amyloïde peut donc être provisoirement conservée, mais à la condition de réserver le nom de corps amylacés aux corpuscules de la prostate, à ceux des centres nerveux et à leurs analogues, et de se rappeler que la matière dite amyloïdeestune sub- stance azotée, analogue aux principes albuminoïdes. Sans reprendre la description générale de la dégénérescence, nous indiquerons les moyens les plus propres à la faire reconnaître avec ou sans le secours du microscope, et quelques particularités qui ressortent de nos pro- pres études. 1° CARACTÈRES DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DITE AMYLOÏDE. Lorsqu'elle est générale dans un organe, les caractères à l'œil nu sont si décisifs qu'il n'est pas besoin du secours du microscope, quel- quefois même les réactifs sont inutiles. Mais souvent on rencontre des organes où l'altération est au début ; elle n'a encore frappé que les vaisseaux ou bien elle n'atteint que des points disséminés du parenchyme ; dans certains cas elle se trouve mêlée à un autre genre d'altération qui masque plus ou moins entièrement l'aspect cireux particulier de l'organe. Dans ces cas, cependant, il est rare que les réactifs convenablement employés ne parviennent pas à dévoiler les points amyloïdes. Après que les organes ont été débarrassés du sang qui s'écoule des vaisseaux par un lavage rapide dans une cuvette ou sous un filet d'eau, on verse sur les points suspects de l'eau iodée, ou mieux du chlorure de zinc iodé. (L'usage de la teinture d'iode et particulièrement de la teinture d'iode concentrée peut très-bien rester sans résultat, et il est préfé- rable d'eu rejeter complètement l'emploi. On verra dans l'observa- tion II que la teinture d'iode étendue n'a donné de réaction caracté- ristique que pour le foie et la rate, parce que la dégénérescence excessivement prononcée dans ces organes les avait rendus très- anémiques.) Au bout de quelques secondes on voit apparaître une série de points et de lignes plus foncées, tirant sur le rouge sombre. Au début de la dégénérescence on voit seulement une série de lignes indiquant la distribution vasculaire; dans les cas, au contraire où elle est très- 244 prononcée, dans le foje et la rate par exemple , quelquefois aussi dans les reins, des points plus ou moins étendus du parenchyme prennent la même coloration et forment des dessins variables, sépa- rés par des. lignes plus pâles. Lorsque la réaction parait douteuse, il suffît souvent de renouve- ler le iavage à l'eau iodée pour la produire, ou de comparer le point qu'on examine avec une tranche fraîche du même organe. C'est parce que quelquefois on croit que la réaction doit, pour ainsi dire, sauter aux yeux, qu'on peut laisser passer inaperçue la dégénérescence amyloïde. Si l'on vient maintenant à toucher légèrement les points qui ont subi l'action de l'iode avec l'extrémité d'une baguette de verre trempée dans l'acide sulfurique, on voit survenir rapidement une coloration formée habituellement d'un violet sale plus ou moins in- tense. L'examen microscopique devient alors un complément de l'examen à l'œil nu, mais il est indispensable, si l'on veut se rendre compte d'une façon précise du mode d'envahissement de 1» dégéné- rescence amyloïde et des lésions inflammatoires ou simplement irri- tatives qu'elle détermine. (Après avoir examiné des coupes fines des organes que l'on met dans une goutte d'eau ou de glycérine pour se rendre compte d'abord de l'aspect sans l'intervention du réactif, on lave ensuite les prépara- tions avec un pinceau trempé dans l'eau iodée, et quelque temps après on ajoute avec une grande précaution une petite quantité d'a- cide sulfurique. Si l'on veut laver les coupes avec une petite quantité de chlorure de zinc iodé, il faut se rappeler que le chlorure de zinc ne tarde pas à détruire les éléments anatomiques, et qu'il ne laisse, pour ainsi dire, que le squelette amyloïde de l'organe.} 2° MODE D'EN\AniSSEMENT ET SIÈGE DE LA DÉGÉNÉRESCENCE DITE AMYLOÏDE La plupart des auteurs s'accordent à reconnaître, avec Virchow, que les vaisseaux sont le point de départ de la dégénérescence amy- loïde. Elle débuterait par les fibres-cellules de la paroi des artérioles, et s'étendrait aux capillaires, et plus tard seulement aux autres par- ties des organes. Mais E. Wagner, dans ses Études sur la dégénéres- cence lardacée, et en particulier celle du foie (Arckiv, der Helkunde, 6e livraison), a yu toujours la dégénérescence débuter par la tunique interne des artérioles et par la membrane hyaline des capillaires. La 215 tunique moyenne et l'externe seraient seulement refoulées de dedans en dehors. Aussi le premier effet de l'infiltration amyloïde est le ré- trécissement des vaissseaux et l'anémie de l'organe. Sur un assez grand nombre de coupes de divers organes atteints de dégénéres- cence amyloïde, nous avons pu reconnaître l'exactitude de la des- cription de E. Wagner, particulièrement en ce qui touche les capil- laires du foie. Ils ne tardent pas, en effet, à être transformés en cylindres hyalins présentant extérieurement des noyaux petits el brillants; leur surface est comme mamelonnée ou fendillée, tandis que le canal est plus ou moins complètement effacé, et il apparaît sur une coupe transversale comme un petit point central. Nous avons retrouvé exactement la même apparence dans les capillaires des pou- mons et des bronches (obs. II). Lorsque les vaisseaux sont ainsi infiltrés, on ne tarde pas à voir dans les autres éléments des organes, des concrétions ou des blocs de substance amyloïde. Un certain nombre d'entre elles flottent libre- ment sous forme d'agrégats dans le liquide de la préparation; mais la plus grande partie de la substance est évidemment contenue dans les éléments figurés eux-mêmes. Le fait n'a pas été contesté pour la rate et les ganglions lymphatiques; mais tandis que Frerichs, Vir- chow et Frieidreich admettent l'infiltration amyloïde des cellules hépatiques, E. Wagner, en s'appuyant sur un grand nombre d'exa- mens, la nie complètement. Dans l'observation I, malgré l'état avancé de la dégénérescence dans certains acini du foie, il m' a été impossi- ble, à l'aide de coupes fines ou de dilacérations, de voir nettement des concrétions amyloïdes dans les cellules elles-mêmes; mais pour les reins, les poumons, le cartilage et même le tissu connectif lui- même, l'infiltration amyloïde des élémens figurés ne paraît pas dou- teuse. Pour les reins, l'observation I offre un exemple remarquable de dégénérescence amyloïde des canalicules eux-mêmes, et, contrai- rement à ce qui arrive habituellement, ce sont les canaux des pyra- mides qui présentent l'altération la plus avancée. Mais il est un point de détail qu'il nous a été impossible de trancher, c'est de savoir si l'Infiltration de substance amyloïde se fait dans l'épaisseur même des canalicules urinifères, ou bien si la substance amyloïde se moule pour ainsi dire dans le canalicule en refoulant au centre les cellules épithéliales. On verra, d'après la description et les figures, que la coupe perpendiculaire des canalicules offre l'apparence d'un anneau 216 circonscrit au centre par une ligne très-nette, et que sur les coupes longitudinales la paroi du canalicule est bien définie. 11 est donc pro- bable que c'est cette paroi elle-même du canalicule qui se tuméfie et s'infiltre de matière amyloïde. Dans l'observation II, la dégénéres- cence très-étendue des bronebes et des poumons nous a permis de suivre les progrès de l'infiltration amyloïde dans les éléments figu- rés. Nous avons pu nous convaincre de la présence de la substance amyloïde dans l'intérieur des cellules épithéliales des alvéoles, dans la trame interstitielle et jusque dans le cartilage des bronches. On peut comprendre alors qu'une pareille production de sub- stance albuminoïde, dans un grand nombre d'organes et dans la plu- part de leurs éléments, ne peut résulter que d'un trouble profond de la nutrition, et que le nom de dégénérescence est parfaitement ap- proprié à ce processus pathologique. L'étiologie montre d'ailleurs aussi que cette altération prend naissance dans les cas où l'organisme est affaibli par des affections chroniques de longue durée, dans les cachexies. C'est ainsi que les tubercules pulmonaires, la syphilis, l'hydrargyrose, les affections chroniques du cœur et des reins, ont été signalés comme les causes les plus ordinaires. Mais les suppura- tions chroniques des os paraissent être, jusqu'à présent, une des causes les plus puissantes, et il est très-probable que c'est sous cette influence que l'affection s'est développée dans les deux ob- servations suivantes. Le foie, la rate et les reins sont le siège de prédilection de la dé- générescence amyloïde, et ce sont presque toujours ces organes qui ont servi de types dans les descriptions qui ont été données; mais la substance amyloïde peut se développer aussi dans la plupart des au- tres organes. C'est ainsi qu'on la voit dans les ganglions lymphati- ques, la muqueuse des voies digestives, le mésentère, les capsules surrénales, plus rarement dans le -pancréas, la muqueuse des voies urinaires, la prostate, la langue, etc. Elle est très-rare dans les bronches et surtout dans les poumons, et la seconde observation est remarquable parce qu'elle en montre un exemple très-net, dans lequel les symptômes ont été tout à fait ceux de la phthisie pulmonaire. Je n'ai pu retrouver dans les auteurs une seule observation analogue. 217 III. — OBSERVATIONS. OSTÉITES SCROFCLEUSES MULTIPLES; TUMEUR CÉRÉBRALE; DÉGÉNÉRESCENCE AMY- LOÏDE DE PLUSIEURS ORGANES ET PARTICULIÈREMENT DU FOIE ET DES RFINS. Obs. I. — P... était entré à l'hôpital des Enfants à 7 ans et demi, en septembre 1861, pour y être traité d'une coxalgie du côté droit. En janvier 1865, il est couché au n° 8 de la salle Saint-Marcou, dans le service de M. Millard. Il est alors âgé de 11 ans. Malade depuis plus de cinq ans, il garde le lit depuis son entrée à l'hôpital. Il est brun, son teint a une coloration jaunâtre, pâle, cachectique. Il présente un degré de marasme extrême. On trouve au niveau de la hanche droite une tuméfaction diffuse de la région trochantérienne, et plusieurs fistules guéries avec cicatrices d'in- cisions faites les années précédentes; trois fistules dans le voisinage du trochanter donnent issue à un pus abondant, mal lié et presque tou- jours fétide. L'exploration par le stylet, le palper ne fournit rien de remarquable. L'articulation est entourée d'un tissu lardacé qui fait corps avec la peau et qui ne permet pas de reconnaître l'état des par- ties profondes. Depuis longtemps les mouvements actifs sont abolis dans le membre inférieur de ce côté, les mouvements passifs sont limi- tés et très-douloureux. L'articulation métacarpo-phalangienne du cinquième doigt du côté droit présente une tumeur blanche aussi ancienne que la coxalgie avec trajets fistuleux, suppuration intarissable, raccourcissement du cin- quième métacarpien et par suite du doigt. Pendant les premières années de la maladie, l'état général, d'abord assez bon, s'altéra lentement, mais on ne remarqua rien du côté du système nerveux. Il n'y eut pas non plus d'autres accidents pouvant se rattacher à la scrofule, comme des adénites ou des scrofulides, et aujourd'hui l'on ne retrouve aucune cicatrice scrofuleuse. On ne peut pas recueillir des renseignements sur les parents. L'en- fant n'a qu'une mère peu vigoureuse, d'une mauvaise santé. Il n'a ni frère ni sœur. Il y a environ six mois, en 1864, il eut dans le service et pour la première fois, une attaque épileptiforme très-violente sans paralysie consécutive, et un mois après une seconde attaquo du même genre. De plus, il eut aussi à ce moment des vomissements très-rebelles, et, depuis, il vomit assez souvent ses aliments sans cause apparente. En l'interrogeant, on s'aperçoit que" ses réponses sont lentes et un peu vagues; mais il n'y a rien du côté de la vue, ni du côté de la sen- 218 sibilité et de la motilité. Iî continue, comme l'année dernière, à vomir de temps en temps ses aliments. On ne constate, cependant, rien de remarquable du côté du tube digestif. L'appétit est bien conservé; mais il y a quelquefois des selles diar- rhéiques. Le ventre est souple et l'on sent facilement que le rebord du foie descend à deux travers de doigt au-dessous des fausses côtes et que la rate est très-tuméfiée. Les organes thoraciques ne fournissent en avant aucun symptôme. La respiration est rude aux deux sommets, mais la sonorité est parfaitement conservée, et il n'y a jamais eu de toux, ni d'expectoration. Dans la nuit du 24 janvier au 25, le malade est atteint, sans phéno- mènes précurseurs, d'hémiplégie du côté gauche. Le 25, à la visite, on trouve le bras et la jambe de ce côté complètement résolus, sans con- tracture ; mais la sensibilité est conservée. La paralysie faciale est peu accusée-: la commissure gauche est abaissée et rapprochée de la ligne médiane, la langue est légèrement déviée du côté paralysé. Aucun symptôme du côté des sens ou de l'intelligence; pas d'embarras de la parole. Le pouls est calme, l'appétit conservé. A partir de ce moment le malade reste paralysé, il laisse assez sou- vent échapper ses matières, surtout lorsqu'elles sont liquides. L'intelli- gence s'affaiblit un peu ; somnolence presque continuelle et délire tran- quille la nuit. Les urines examinées à cette époque sont blanchâtres et légèrement troubles; elles contiennent quelques sels, mais pas d'al- bumine. 23 mars. Depuis deux mois presque, on n'observe pas de phénomènes particuliers. La paralysie faciale a presque complètement disparu, tan- dis que celle des membres est restée ce qu'elle était. L'intelligence et les forces ont diminué lentement et aujourd'hui le petit malade arrivé au dernier degré de l'épuisement et du marasme, offre de la stomatite et du muguet. Le pouls est petit, vif, l'appétit perdu. La tête est lourde et le malade se plaint depuis quelques jours de céphalalgie du côté droit. 11 marmotte presque constamment des mots inintelligibles et ne répond plus aux questions. Cependant la mort ne survient que le T( mars au matin, sans qu'on ait à noter quelque chose de spécial. , \utopsie vingt-quatre heures après la mort. Crâne. La surface extérieure est insymétrique, les bosses sont plus développées à gauche qu'à droite. La partie frontale surtout est très* épaisse et très-dure à casser. Encéphale. La dure-mère est un peu épaisse et opaline. Après l'avoir incisée on voit, à la superficie des hémisphères, les circonvolutions for- tement pressées les upes contre les autres, surtout du côté droit. L'en- lèvement de l'encéphale est rendu un peu difficile parce qu'il est plus 219 exactement adapté qu'à l'ordinaire dans l'intérieur du crâne, et à cause de l'adhérence des lobes sphénoïdaux droits à la dure-mère. Les sinus ne renferment qu'une petite quantité de sang liquide. Le cerveau placé sur sa convexité paraît plus gros du côté droit que du côté gauche ; en même temps, à la palpation, on sent qu'il renferme au-dessous des circonvolutions sphénoïdales de ce côté, une masse dure et ferme. Ces circonvolutions ont un aspect chagriné jaunâtre, ou une coloration gélatineuse due à leur amincissement. L'arachnoïde de îa base est opaline, épassie, le tissu cellulaire sous-arachnoïdien est in- filtré d'une petite quantité de sérosité louche, accumulée surtout dans les espaces arachnoïdiens. Le long des vaisseaux artériels dont les parois sont saines, l'arachnoïde présente de petites taches blanchâtres ou de petites traînées opalines; mais point de granulation miliaire. Dans le fond des sillons on trouve quelques vaisseaux sinueux et injectés. Les méninges se détachent facilement de la substance corticale, excepté au niveau des circonvolutions sphénoïdales droites. Entre les deux circonvolutions longitudinales de la base des circon- volutions sphénoïdales gauches, on trouve, au-dessous de l'arachnoïde, un petit caillot jaune brunâtre, qui est pour ainsi dire moulé entre les deux circonvolutions dans le sillon qui les sépare. 11 est lâchement uni à la face profonde de l'arachnoïde par des tractus cclluleux teintés de sang anciennement épanché. Coupé perpendiculairement à sa longueur, ce caillotoffre une tranche de forme triangulaire, à sommet moulé exac- tement sur le fond du sillon, et, la substance cérébrale voisine parfaite- ment saine, n'a eu certainement aucune part à sa formation. A l'aide de coupes on constate que l'encéphale a une coloration pâle ; mais mm consistance normale. Le ventricule latéral gauche et le noyau blanc do l'hémisphère de ce côté sont sains. Le ventricule latéral droit est déformé par une saillie, et, en continuant la coupe, on incise un tissu morbide, ferme, entouré de parties ramollies. L'examen de l'hé- misphère droit fait connaître alors qu'il s'y est développé une tumeur très- volumineuse et irrégulière, qui occupe le noyau extra-ventricu- laire du corps sirié, toute la partie sphénoïdale du noyau blanc de Thé- misphère et qui, après avoir envahi tout le groupe de l'insula, arrive jusqu'au fond de la scissure de Sylvius, où elle est directement tapissée par les vaisseaux et la pie-mère. A la base de l'hémisphère la tumeur est recouverte, comme nous l'avons dit, par les circonvolutions sphénoï- dales amincies, réduites presque toutes à uno couche molle, d'appa- rence gélatineuse. La partie du noyau gris externe du corps strié, non envahie par la tumeur de même que les* portions voisines du noyau blanc de l'hémisphère, sont ramollies d'une coloration un peu jaunâtre et ont les caractères du ramollissement celluleux. Le noyau intra-ven- 220 triculaire du corps strié et la couche optique sont simplement refoulés sans autre altération et il en résulte une déformation du ventricule la- téral et du troisième ventricule. La masse morbide .peut s'énucléer facilement de la substance nerveuse à laquelle elle adhère faiblement, et alors elle offre une surface lisse, ma- melonnée, d'un blanc jaunâtre ou rosé. Elle est ferme et résistante, un peu élastique, sa coupe est dure, lisse, d'aspect blanc grisâtre ou jau- nâtre. Quelques endroits ont une couleur translucide, gélatineuse, et partout la vascularisation paraît très-pauvre. Le corps calleux, la voûte à trois piliers, la toile choroïdienne sont sains de même que le qua- trième ventricule. Le cervelet est pâle, anémié comme le reste de l'encéphale et un peu mou; la protubérance est insymétrique, le côté droit paraît à la surface et sur des coupes moins développé que le gau- che. Le pédoncule cérébral droit est un peu moins gros que le gauche. La moelle allongée n'offre pas d'altération appréciable. Moelle. La dure-mère rachidienne est épaisse et opaque ; elle présente une teinte violacée à sa faee interne et adhère presque partout, mais faiblement à l'arachnoïde. Cette dernière, épaisse, opaline, contient des traînées blanchâtres. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien est séreux et contient quelques filaments blanchâtres, comme de petites fausses membranes ; les vaisseaux sinueux sont peu gorgés de sang. Ces lésions, surtout marquées à la partie postérieure, sont les mêmes que celles des méninges cérébrales. La moelle est dure, résistante, et n'offre pas à l'œil nu la moindre altération. L'examen histologique de l'encéphale fournit les renseignements suivants : la substance ramollie autour de la tumeur présente les mêmes éléments que ceux qu'on trouve dans tous les foyers de ramollissements celluleux. On y voit un grand nombre de corps granuleux et de petits amas de gouttelettes ou de granulations graisseuses et une trame va- guement fibrillaire avec des noyaux fusiformes ou arrondis. Une coupe fine de la tumeur, vue à un faible grossissement (50 d.), montre une substance un peu grenue et opaque et des vaisseaux peu nombreux qui se détachent sur le fond gris jaunâtre de la coupe. A un plus fort grossissement (300 d.), on voit un grand nombre de corps fusi- formes pâles et allongés, rassemblés sous forme de faisceaux, et en d'au- tres points un grand nombre de petits noyaux ou de petites cellules ; de distance en distance, on aperçoit des dessins arrondis qui ressem- blent à des globes formés par un arrangement concentrique de corps fusiformes. Les vaisseaux, peu abondants, sont gros, ne contiennent pas de sang, et ont sur leur paroi une quantité considérable de noyaux. Tous ces éléments sont réunis par une matière grenue, un peu jaune et opaque, riche en granulations graisseuses. L'acide acétique rend la pré- paration très-claire, pâle, et montre que tous les éléments sont infiltrés do fines granulations brillantes de nature graisseuse. Sur certaines coupes, les corps fusiformes abondent et l'apparence fasciculée est très- manifeste; sur d'autres, au contraire, les noyaux et petites cellules prédominent, mais presque partout on rencontre ces dessins arrondis formés de couches concentriques, d'éléments analogues à des corps fusiformes. Cette tumeur cérébrale est donc, en résumé, d'une nature analogue aux tumeurs embryo et fibro-plastiques ; elle est très-riche en fibrine et en granulations graisseuses, et ses éléments figurés sont d'une nature peu accentuée. Elle se rapproche aussi des tumeurs nommées par M. Ro- bin tumeurs à myélocytes. Thorax. Quelques adhérences celluleuses des plèvres cèdent très- facilement. Les poumons sont parfaitement sains, le droit présente seulement un peu de stase sanguine à la base et le long de son bord postérieur. Les bronches contiennent une petite quantité d'écume. Le cœur et le péricarde sont sains. Les ganglions bronchiques et ceux du cou sont plutôt petits que gros; quelques-uns présentent de petits foyers apoplectiques. Foie. Son volume considérable est de beaucoup supérieur à celui d'un foie d'adulte ; son bord dépasse de trois à quatre travers de doigt la ligne inférieure des côtes. L'hypertrophie est générale. La surface par- faitement lisse a un aspect moucheté, la capsule laissant apercevoir par transparence un mélange de points jaunes ou grisâtres et de points rou- geàtres. Le tissu se coupe facilement sans crier sous le scalpel. La sur- face de coupe offre un aspect granulé remarquable. Les granulations sont formées par les acini hypertrophiés qui atteignent presque tous le volume d'une grosse tête d'épingle et font un peu saillie sur la coupe. Leur coloration est jaunâtre, mais presque tous présentent en un point une teinte opaline, translucide, comme gélatineuse, d'une ap- parence tout à fait particulière. Le. point central occupé par la lumière de la veine sus-hépatique centrale est très-marqué et le pourtour de l'acinus nettement circonscrit par une ligne rouge Un peu déprimée. De plus, de distance en distance, on aperçoit de petites plaques d'une coloration gélatineuse ou mieux cireuse, faisant une légère saillie sur la surface de coupe, un peu dures sous le doigt, et qui paraissent formées par un petit groupe de cinq à dix acini. La déchirure du foie est assez facile et rend très-évidente l'hyper- trophie de chaque acinus. La teinture d'iode affaiblie donne la réaction caractéristique de la dégénérescence amyloïde. La vésicule biliaire est remplie d'une bile muqueuse, peu abondante et faiblement colorée. 222 Ce foie est soumis à l'examen microscopique. A 1 état frais et à un faible grossissement, on voit que les points qui ont à l'œil nu un aspect gélatineux ou vitreux sont plus transparents que le reste de l'acinus, qu'ils siègent dans l'épaisseur même de celui-ci. A un plus fort grossis- sement (300 d.), dans les points les plus foncés, on constate que les cellules hépatiques sont presque toutes remplies de granulations grais- seuses ou de gouttes de graisse et dans les points clairs on voit quelques gouttelettes graisseuses, des cellules hépatiques paraissant distendues par une substance hyaline,* et un réseau très-élégant de corpuscules • conjonctifs et de noyaux. Sur des coupes minces faites après le durcis- sement dans l'acide chromique, il est facile de compléter l'étude des portions amyloïdes des acini. L'inûltration amyloïde n'est pas disséminée dans toute l'étendue des acini; elle siège particulièrement en certains points, au niveau des- quels les vaisseaux capillaires sont convertis en trabécules de substance hyaline, laissant apercevoir les noyaux des capillaires; de plus, un grand nombre de cellules hépatiques semblent remplies de !a même matière et converties en sorte de blocs amyloïdes pressés les uns contre les autres. Dans les autres points, les cellules hépatiques sont disten- dues par des gouttes de graisse plus ou moins volumineuses. Le réactif iodo-èulfuriquè ne laisse pas de doute sur la nature amyloïde de l'af- fection et sar son siège, non-seulement dans les capillaires, mais aussi en dehors d'eux. L'acide acétique éclaircit les préparations sans en changer l'aspect , et donne lieu à la formation d'un grand nombre de gouttes de graisse ou d'huile. Dans le tissu interstitiel qui sépare les acini, on voit une multiplication très-grande des noyaux. Le pancréas est un peu dur, mais sans altération préalable. La rate est très-tuméfiée ; elle ne mesure pas moins de 16 centimètres de long sur 8 de large et 6 à 7 d'épaisseur. Elle est ferme et ne pré- sente pas à l'œil nu la moindre altération ; mais la teinture diode y dévoile la présence d'une quantité notable de matière amyloïde. Le rein droit a un volume plutôt gros que petit; sa capsule se dé- tache facilement et laisse voir une surface lisse et saine. A la coupe, le tissu est dur et résistant, surtout au niveau des pyramides. La surface de section est lisse et montre un peu d'hyperémie dans la couche cor- ticale. Les pyramides présentent une coloration mate , d'un blanc jau- nâtre ou d'un aspect un peu vitreux, en même temps leur consistance est comme ligneuse. Cette altération porte sur toutes les pyramides et dans presque toute leur étendue, mais principalement sur celles du centre de l'organe, qui sont plus dures et d'un aspect blanc vitreux plus prononcé. Les calices, le bassinet et l'urètre sont sains. Le rein gauche a le même volume que le droit; sa capsule saine 223 chargée à l'extérieur d:un tissu cellulo-adipeux abondant et dur, se dé- tache facilement de la surface de l'organe et laisse voir une surface unie et lisse, mais parsemée de quelques taches jaunâtres ou grisâtres. A la coupe on voit que le sommet des deux pyramides les plus centrales est détruit et converti en un détritus pulpeux jaunâtre et grisâtre. La pyra- mide au-dessus de ces dernières présente, près de son sommet, un foyer ramolli rempli de la même matière. Le reste de ces trois pyramides et les autres pyramides de l'organe sont dures, ligneuses, d'une coloration géla- tineuse ou vitreuse, et en faisant une coupe perpendiculaire à la lon- gueur des pyramides^ on voit que l'altération porte sur toute leur épais- seur, que leur aspect tubulé et fascicule a presque complètement disparu pour faire place à une apparence comme lardacée , ou mieux cireuse; et au milieu de ce tissu altéré on trouve, surtout au voisinage des parties déjà molles et converties en détritus pulpeux, de petits points ramollis, d'où la pointe du scalpel extrait difficilement une ma- tière pulpeuse, tenace, d'un blanc jaunâtre» La substance corticale est un peu hyperémiée et présente des lignes irrégulières, grisâtres, comme dans la néphrite au début. L'action de la teinture d'iode étendue fait apparaître dans les pyramides et la couche corticale une série de lignes rouges caractéristiques, et dans cette dernière, des points rouges qui représentent les glomérules de Malpighi. Les calices et le bassinet sont élargis et présentent une muqueuse très-épaisse, d'aspect granuleux, recouverte d'une sorte de couche granuleuse jaunâtre. L'uretère très- élargi représente un canal de la grosseur d'une plume d'oie* La mu- queuse présente dans toute son étendue le même aspect et la même altération que celle des calices et du bassinet. La muqueuse vésicule offre aussi le même revêtement par une sub- stance granuleuse et pulpeuse jaunâtre, et l'on voit en deux points une taehe ecchymotique très-rouge, récente. L'urine contenue dans la vessie est un peu "louche, pâle; elle laisse déposer par le repos une couche floconneuse peu épaisse. La partie supérieure traitée par la chaleur et l'acide nitrique contient une quan- tité notable d'albumine. Dans la partie inférieure on voit au microscope des leucocythes granuleux et gonflés par leur séjour dans l'urine et un petit nombre de cellules épithéliales non altérées, nucléaires, pavimen- teuses et cylindriques, mais point de cylindres fibrineux. Les capsules surrénales sont saines, L'examen histologique des reins fait voir des lésions multiples. Sur une coupe loagitudinale des pyramides (flg. 1) le tissu interstitiel (i) est très-épaissi ; il présente une quantité considérable de noyaux allongés ou arrondis et de corps fusiformes parfaitement développés et pressés les uns contre les autres. En certains endroits, cette production est m tellement abondante qu'on aperçoit à peiné les tubes entre les corps fusiformes. Les tubes (a, 6, c, d, e) présentent des altérations profondes et variées. La plupart d'entre eux ont une paroi hyaline excessivement considérable qui empêche de voir le contenu et qui offre à la sur- face des sortes de fentes ou fissures presque toutes dirigées transver- salement {d) ; quelques-uns contiennent encore , dans leur canal rétréci, quelques cellules épithéliales très-altérées, granulo-graisseuses et tas- sées l'une contre l'autre, et quelques gouttelettes graisseuses (a, b, c, é). Ceux des tubes dont la paroi propre n'est pas notablement épaissie con- tiennent des cellules épithéliales granuleuses, teintes ou non par une extravasation sanguine (a, e). Quelques tubes paraissent vides et des- quames en partie ou en totalité; la plupart sont variqueux, comme bri- dés en certains points et comprimés par les éléments du tissu inter- stitiel (*), tandis qu'en d'autres ils sont dilatés en forme de poche ou de cul-de-sac où les cellules ont été refoulées et tannées. Outre l'épais- sissement considérable de ces tubes, on peut voir dans le sens de leur longueur des corps fusiformes très-déliés avec un très-petit noyau, éléments beaucoup plus grêles et plus délicats que ceux de la trame interstitielle, mais se détachant nettement et avec finesse sur la paroi hyaline du tube. Les vaisseaux sanguins contiennent peu de sang, leur paroi très-épaissie est infiltrée de matière hyaline. Des coupes faites à l'état frais ou après le durcissement dans l'acide chromique, perpendi- culairement à la longueur des pyramides, permettent fort bien de com- pléter l'étude de cette double altération des tubes et du tissu intersti- tiel (fig. 2). On se rend mieux compte de cette façon de la diversité dans les diamètres des tubes et de l'irrégularité de l'épaississement d6 leur paroi. Celle-ci (a) bombe pour ainsi dire sur la coupe et présente quelquefois des fentes incomplètes (6) qui partent du centre comme les rayons d'une roue, et aussi une apparence spéciale comme vitreuse, caractéristique de l'infiltration amyloïde. Dans quelques tubes le canal est presque complètement effacé et il apparaît comme un point noir central ou à peu près {c). Dans d'autres, très-réduit de volume, il est représenté par une fente ou un espace irré- gulier comblé par les cellules épithéliales altérées (d). Quelques tubes ont été coupés au. niveau de points dilatés, d'autres au niveau de points desquames ; il en résulte une grande diversité dans l'aspect qu'offrent les différents points de ces sortes de coupes. En dehors des tubes le tissu interstitiel est épaissi (i) d'une façon irrégulière et de distance en distance ; en dehors des tubes et des vaisseaux, on aperçoit des amas de concrétions amyloïdes ayant exactement le même aspect que la sub- stance qui infiltre les canalicules. Dans les points des pyramides où l'altération a été portée jusqu'à la formation d'un détritus caséeux, on trouve au milieu d'un peu de substance grenue un très-grand nombre de noyaux et de corps fusi- formes en voie d'évolution ou parfaitement développes, des cellules épithéliales et quelques fragments de tubes dans lesquels les cellules sont plus ou moins altérées. Le dépôt caséeux que nous avons décrit sur la muqueuse des con- duits excréteurs de l'urine, n'était autre chose qu'une sorte de revête- ment pseudo - membraneux , montrant au microscope une matière amorphe grenue ou fibrillaire d'aspect jaunâtre et de petits corpuscules granuleux ressemblant à des leucocythes altérés. Les deux reins présentent tous deux, dans l'épaisseur de leurs pyra- mides, les altérations que nous venons de décrire; mais ce n'est que dans le gauche qu'on trouve des points complètement détruits. En de- hors des pyramides, dans la couche corticale et les colonnes de Berlin, les tubes et les glomérules de Malpighi offrent une infiltration amyloïde moins générale. Quelques tubes et quelques glomérules sont infiltrés, tandis que les autres présentent l'aspect trouble et granuleux des cel- lules épithéliales, tel qu'on le voit dans le premier degré de la néphrite parenchymateuse. Le diamètre total des canalicules est très-variable, soit de 0,03 à 0,0G, et celui de la paroi propre épaissie de 0,009 à 0,02. L'eau iodée et l'acide sulfurique ne peuvent laisser aucun doute sur la nature amyloïde de ces diverses altérations. Le premier de ces li- quides donne le long des vaisseaux et dans toute l'épaisseur de la paroi des canalicules une coloration rougeâtre, et en ajoutant un peu d'acide avec précaution, cette coloration se transforme en violet pâle et sale. Le tube digestif ne présente aucune lésion: le péritoine est sain; les replis du mésentère contiennent une graisse résistante au milieu de la- quelle on trouve des ganglions plutôt petits que gros, sans altération apparente. Mais on ne soumet pas ces diverses parties à l'action de l'iode. Les ganglions lombaires et iliaques sont presque tous petits, pâles et enfouis dans un tissu cellulo-adipeux très-dense , qui présente de nombreux tractus fibreux, et conserve ce même caractère dans toute la partie qui tapisse le fond de la cavité abdominale et les parois du bassin. V articulation de la hanche présente sommairement les lésions sui- vantes. A travers les parties molles, trajets fistuleux multiples, les uns oblitérés, les autres conduisant dans l'articulation. Celle-ci offre un détritus osseux, putrilagineux, noirâtre, rougeâtre, avec un pus peu abondant, fétide, et des fongosités grumeleuses. Tout autour le tissu cellulaire, les aponévroses, les muscles sont convertis en une seule hf.m. 15 226 masse lardacée, dans l'épaisseur de laquelle on reconnaît à peine les divers tissus qui la composent, et qui forme plutôt une coque qu'une paroi à l'abcès articulaire. Sa structure est cellulo-adipeuse ou fibro- adipeuse, et dans les couches les plus externes on retrouve quelques fibres musculaires jaunes et graisseuses. Dans la fosse iliaque, le muscle iliaque, l'aponévrose et le tissu cellulo-adipeux du bassin, forment aussi une paroi épaisse, qui tend à s'amincir et à se perforer dans le point d'intersection du muscle iliaque et du psoas, et en pénétrant par ce point affaibli on tombe dans un abcès ossifluent rempli de pus sanieux, au fond duquel on trouve le périoste épaissi et décollé. Il m'a semblé, sans dissection complète, que cet abcès iliaque interne communiquait avec l'articulation par deux trajets un peu irréguliers passant sous le ligament de Gimbernat. Os. On n'a pu examiner que le fémur à sa partie supérieure et moyenne, l'os iliaque en entier et la partie articulaire des vertèbres sa- crées. Toutes ces portions étaient malades à un degré excessivement avancé. — Fémur. La tête n'a pas quitté la cavité cotyloïde, son carti- Jage articulaire est détruit, et la surface osseuse est irrégulière et usée, surtout à la partie supérieure. Sur une coupe, le tissu osseux friable est creusé d'espaces médullaire rougeâtres, jaunâtres ou gélatineux, larges et séparés par de minces cloisons osseuses. Le col présente à la coupe les mômes altérations, et, de plus, une portion jaune, dure, faisant corps avec le reste de l'os. Le grand trochanter non encore ossifié, entouré par les tissus indurés, se détache facilement des portions osseuses ma- lades. Au-dessous du col le corps du fémur est réduit à une coque os- seuse épaisse de 1 et demi à 1 millimètres.- Le canal médullaire, élargi d'autant, contient une masse rougeâtre , violacée avec des points de couleur variable, d'une consistance semi-fluide. Cette moelle altérée s'écoule facilement, et laissse voir à la face interne de la coque osseuse un réseau spongieux peu abondant et formé de fines cloisons osseuses. L'os iliaque et la portion attenante des vertèbres sacrées présentent des lésions analogues qu'il est inutile de décrire en détail. Je note seu- lement que l'os des iles est malade dans toute son étendue, et que le périoste se décolle presque partout facilement. Les cartilages des symphyses pubienne et sacro-iliaque sont le siège d'une coloration sanguine foncée. Les nerfs du plexus lombaire sont compris dans le tissu lardacé qui forme les parois de l'abcès de la fosse iliaque interne. Ils m'ont paru altérés. En aucun point il n'y avait de granulation miliaire des os, aucun se» questre détaché. m MAL DE POTT DORSAL. SYMPTOMES DE PHTHIS1E PULMONAIRE. A I. AUTOPSIE DÉGÉ- NÉRESCENCE AMYLOÏDE D'fN GRAND NOMBRE D'ORGANES ET PARTICULIÈREMENT DES BRONCHES ET DES POUMONS. Obs. II. — L garçon de 12 ans, entre le 3 mai 1865 aux Enfants malades, dans le service de M. Millard. Iljest dans un état cachectique très-prononcé : pâle, amaigri, faible au point de ne plus pouvoir mar- cher; sa peau a une teinte blafarde, anémique, ses conjonctives sont décolorées, ses doigts ont la forme en massue qu'on remarque quelque- fois chez les phthisiques. D'ailleurs aucune cicatrice sur le corps. La colonne vertébrale présente une gibbosité considérable, dont le sommet siège à la partie moyenne de la région dorsale ; elle représente presque un angle droit. Cette déformation remonte à plusieurs années, au moins deux ans; elle serait survenue graduellement. L'enfant ne peut donner que peu de renseignements sur son compte, il a perdu sa mère depuis longtemps et vit avec son père, probablement dans de mauvaises conditions. Sa santé, d'abord bonne, s'altéra progressivement; il est surtout ma- lade depuis trois mois. Il n'a jamais été paralysé, et aujourd'hui l'or, ne constate ni abcès ni trouble de la motilité ou de la sensibilité. II ne tousse que depuis deux ou trois mois, et dit n'avoir jamais cra- ché de sang. La gibbosité vertébrale a déterminé une déformation cos- tale qui porte surtout sur les fausses côtes, dont le bord est relevé en avant. La dyspnée est assez grande, le nombre des respirations aug- menté; mais pas de fièvre, pouls faible et régulier. La poitrine amaigrie a conservé partout sa sonorité ; celle-ci est môme exagérée, particulièrement en avant sous la clavicule droite. A l'auscultation on entend en avant sous la clavicule droite, du souffle caverneux et du gargouillement; en même temps le retentissement de la voix et de la toux est exagéré. On entend aussi du souffle caverneux et du gargouillement à la base du poumon gauche en avant, et surtout en arrière. Dans tout le reste de la poitrine on entend un mélange de râles sous-crépitants, la plupart à bulles moyennes et humides: en môme temps l'expiration est rude partout. Les bruits du cœur sont transmis très-nettement à distance dans tous les points de la poitrine; mais il n'y a rien de particulier à la percussion et à l'auscultation dans la région du cœur. Il n'y a presque pas de toux, et l'expectoration peu abondante n'est pas très-caractéristique : les crachats sont constitués par du muco-pus peu aéré. L'appétit est assez bien conservé, le foie ne déborde pas les fausse!» ■m côtes, la raie ne paraît pas volumineuse; les garde-robes n'oli'rent rien de particulier. 11 n'y a jamais eu de diarrhée. Les urines ne contiennent pas d'albumine. Le traitement consiste en toniques : sirop de proto-iodure de fer et vin de quinquina. Les jours suivants, l'affaiblissement fait des progrès assez rapides. La dyspnée augmente et l'appétit diminue. Le 16 mai le malade se plaint d'une gêne du côté gauche, et l'on con state un peu de matité à la base du poumon gauche. Le malade se tient toujours de ce côté, et bientôt il présente les signes d*une asphyxie lente. Les urines examinées encore une fois ne présentent toujours pas d'albumine. La dyspnée devient très-grande, le malade se tourne du côté de la fenêtre et réclame de l'air jour et nuit, les lèvres et les ex- trémités deviennent violacées, et la mort a lieu le 21 mai, à cinq heures du matin. Autopsie trente heures après la mort. Thorax. Adhérences faibles à la base et en arrière du poumon gauche. La plèvre viscérale est épaissie et couverte d'une couche dense de fibrine, la plèvre pariétale est très-vascularisée, à droite adhérences faibles et épaississement des plèvres au sommet. Le poumon droit est presque complètement solidifié; sa surface est lisse, la plèvre viscérale assez épaissie accolée à elle-même presque partout dans l'intervalle des lobes; elle laisse apercevoir Une teinte rougeàtre et rosée au sommet, violacée et plus ardoisée à la base, et quelques points d'emphysème vésiculaire disséminés. A la coupe du lobe supérieur, on trouve une sorte de solidification particulière du poumon. La trame pulmonaire solide forme une masse d'aspect terne gélatineux. 11 s'écoule une quantité assez grande de liquide albumineux et par les extrémités très-larges des bronches une quantité très-abon- dante de muco-pus jaunâtre et peu aéré. On peut voir alors que la masse solide du poulrnon a un aspect tout particulier qui rappelle celui de la cire peinte. En même temps on est frappé par la présence d'une grande quantité de bronches béantes, dilatées, rouges qui se présentent sous la forme d'une petite loge, d'une petite cavité ampullaire, ou sous celle d'un canal irrégulier au milieu du tissu cireux. L'aspect lobulaire parait être indiqué par des lignes blanchâtres de 1 à 2 millimètres de largeur : ce sont des vaisseaux dont la paroi est très-épaissie, et dont le canal se voit comme une ligne rouge circonscrite par deux lignes blan- ches épaisses. Si maintenant on regarde plus attentivement le tissu so- lidifié d'apparence cireux ou gélatineux on aperçoit une grande quan- tité de petites taches d'un bleu jaunâtre, à peine visibles ou au contraire formant de petites plaques disséminées. 229 Ces lésions occupent tout le sommet et presque toute la hauteur du bord antérieur du poumon. Dans les autres parties du lobe moyen et du lobe inférieur, la surface de coupe n'est plus la môme. L'aspect ci- reux est disséminé par plaques plus ou moins larges sur un fond ardoisé qui présente tous les caractères de l'hépalisation chronique, et à ce niveau, les bronches sont moins dilatées; un certain nombre de lobules rougeâtres simplement engoués sont disséminés çà et là. Le poumon gauche présente des altérations tout à fait analogues. Son lobe inférieur offre les mômes lésions que le lobe inférieur du côté droit. Dans le lobe supérieur, les bronches sont excessivement dilatées ; sur une coupe du poumon dans le sens de leur longueur on voit un graDd nombre de ces canaux d'environ un demi-centimètre de largeur, et à peine séparées par un espace de quelques millimètres se perdre, en divergeant un peu, dans un tissu d'aspect cireux où l'on ne reconnaît plus du tout les caractères du parenchyme pulmonaire. Sur des coupes perpendiculaires à la direction des bronches, on obtient, en certains endroits, presque l'apparence d'un gâteau de miel. Et en effet, si l'on ouvre les bronches des deux poumons à l'aide de ciseaux, on les trouve partout remplies de muco-pus très-abondant; à partir des bronches de moyenne grosseur, leur calibre ne diminue pour ainsi dire plus jusqu'à la terminaison ; cette dilatation n'est pas partout uniforme, elle est plutôt en chapelet; enfin un grand nombre de canaux se terminent par une dilatation en ampoule; un certain nombre de ces ampoules n'ont pas moins d'un centimètre de largeur. Dans quelques points, particuliè- rement au sommet des deux poumons, on fait sortir des alvéoles pul- monaires dilatées autour des extrémités bronchiques un pus concret et crétifié en partie; mais nulle part on ne trouve la plus petite granula- tion miliaire ni masse tuberculeuse. La muqueuse des bronches est ferme, elle paraît épaisse, et sur un fond pâle, jaunâtre, se dessine une assez grande quantité de vaisseaux. La teinture d'iode osayée à l'am- phithéâtre sur le poumon et les bronches, ne détermine aucune réac- tion. Les ganglions bronchiques sont très-tuméfiées, particulièrement au niveau de la bifurcation de la trachée. Quelques-uns ont un aspect complètement cireux, d'autres sont tachetés de points d'un blanc jau- nâtre et de points ardoisés. L'un d'eux volumineux, d'aspect très-ar- doisé, est presque complètement ramolli. Le péricarde paraît sain. Le cœur n'offre aucune altération valvulaire, le muscle a un aspect lisse, cireux, surtout à la coupe, et la coloration des fibres charnues est très-pâle. Abdomen. Après l'incision de la paroi abdominale, on trouve dans le '230 bassin une petite quantité de sérosité un peu louche, et le péritoine pariétal est épaissi et blanchâtre. Le foie n'est pas hypertrophié, mais il est d'un poids considérable. La capsule est épaissie, opaque en certains points, et il semble qu'elle a dû s'opposer au développement du parenchyme. Aussi l'organe est dé- formé, comme plissé, mamelonné, et il ressemble un peu au premier abord à un foie cirrhotique. La coloration blanchâtre de la capsule em- pêche, surtout à la convexité, do voir celle du tissu hépatique et dans les points encore transparents la coloration est jaunâtre ou rosée, ta- chetée de points plus rouges ; quelques acini, d'une coloration très- rouge, paraissent compris dans l'épaisseur même de la capsule. A la coupe l'organe est lisse, ferme, il ne crie point sous le scalpel, sa sur- face est comme cirée, d'un brillant mat. Les acini, pressés les uns contre les autres, ont une disposition comme lobulée ; dans ces sortes de lo- bules les parties qui entourent les divisions de la veine porte sont jaunâtres et forment une sorte de dessin branchu dont les intervalles sont comblés par des points plus rouges et d'aspect plus luisant. Il n'y a aucun tractus fibreux, mais seulement quelques veines, de distance en distance, qui semblent comprimées par le tissu voisin. Le tissu se casse plutôt qu'il ne se déchire, et l'on éprouve en le coupant une sen- sation spéciale. La teinture d'iode un peu étendue fait apparaître im- médiatement dans les points les plus foncés, une coloration rouge brun qui rend plus sensible encore cette sorte d'aspect foliacé des parties qui suivent les divisions de la veine porte. La vésicule biliaire plissée, revenue sur elle-même, ne contient qu'une très-petite quantité de bile pâle et aqueuse. La rate, un peu volumineuse, mesure i0 centimètres de long sur 6 de large; elle est ferme, pesante, sa capsule est épaissie. A la coupe elle offre une surface chagrinée, composée principalement de points saillants, brillants, assez régulièrement espacés, qui, sous l'influence do la teinture d'iode, prennent rapidement une coloration d'un rouge brun très-manifeste ; on voit de plus un très-grand nombre de petits * vaisseaux à parois épaisses, simulaat des tractus fibreux et devenant foncés sous l'influence de l'iode. Les reins sont plutôt gros que petits, ils sont lourds et résistants. La capsule se détache facilement; on voit alors une surface lisse et ané- mique tachetée de quelques points un peu jaunâtres. A la coupe la substance corticale dans presque toute son étendue paraît un peu tu- méfiée; elle est en même temps d'une grande pâleur, et la surface de coupe est d'un aspect luisant particulier. Les pyramides sont beaucoup moins anémiées; cependant la teinture d'iode ne produit auotine réac- tion. Ces deux reins présentaient le même degré d'altération. 231 Les uretères et la vessie paraissent sans lésion, de même que le*. capsules surrénales. Les ganglions iliaques sont d'un aspect blanchâtre et mat à la coupe, quelques-uns seulement sont un peu tuméfiés. Le pancréas est mou, il a à la coupe un aspect cireux spécial. L'œsophage et Yestomac ont une muqueuse un peu épaisse, blan- châtre, les premières portions de l'intestin présentent aussi cet aspect, et dans le dernier mètre de l'intestin, outre cette coloration pâle et une vascularisation assez fine par places, on trouve quelques follicules isolés remplis d'une matière blanchâtre dure et entourés d'un cercle vascu- laire; dans les dernières plaques de Peyer, plusieurs follicules gonflés saillants ont une forme de godet et simulent une ulcération; mais un examen attentif montre que la muqueuse n'est pas ulcérée; elle est déprimée d'une façon exagérée au niveau de follicules malades. Il n'y a rien de bien appréciable au niveau du gros intestin. La teinture d'iode répandue sur la muqueuse du tube digestif ne donne lieu à aucune réaction. Le cerveau et la moelle épinièrene présentent aucune altération. Colonne vertébrale. On trouve dans le fond du thorax, en avant de la colonne vertébrale, une poche de la grosseur du poing environ, située un peu au niveau et au-dessous de la bifurcation des bronches et faisant une saillie par conséquent considérable dans le médiastin postérieur, saillie d'ailleurs compensée par la déformation de la colonne vertébrale. Celle-ci forme en effet une gibbosité considérable représentant presque exactement un angle droit. L'abcès contient un pus caséeux abondant et des débris osseux durs et jaunâtres. Au-dessus et au-dessous de cet abcès principal dont la paroi est très-épaisse, on trouve ui;e série de petits abcès dans toute la longueur de la région dorsale; et en effet, toutes les vertèbres dorsales sont malades. Les 1", 2% 3", 4e et 5e dorsales présentent une périostite chronique avec dénudation du corps en avant, au niveau des abcès et sur la coupe antéro-postérieure, un commencement d'ostéite caracté- risée par une irrégularité très-grande des espaces médullaires remplis de moelle rouge ou jaunâtre et un commencement d'éburnation en quelques points. Les 6e et 7e dorsales qui répondent au foyer môme de l'abcès principal, ont complètement disparu; il ne reste plus que les lames et les apophyses épineuses. Les 5e et 8e ne présentent plus que des parties éburnées, jaunâtres, en voie de se nécroser. Les 0% 10' et 1 1e offrent les mêmes lésions que les premières. La 12e seule est à peu près saine. Les disques sont seulement un peu rouges, boursouflés et un peu mous. 232 On voit la, en résumé, les lésions de la périostile et de l'ostéite chro- nique scrofuleuses avec tendance à la terminaison par nécrose. Au ni- veau des vertèbres détruites, la dure-mère un peu épaissie est tapissée du côté du foyer d'une fausse membrane épaisse et la moelle, malgré le coude qu'elle décrit et sa forme un peu aplatie, ne présente pas' d'altération. Examen microscopique. — Le foie et la raie, qui avaient donné une réaction caractéristique avec la teinture d'iode seule, présentent une in- filtration amyloïde déjà très-avancée. Celle do la rate est générale et facile à constater. Dans le foie la substance amyloïde a envahi particu- lièrement le centre des ocini, tandis que leur périphérie est le siège d'une infiltration graisseuse assez marquée. La substance amyloïde se voit seulement le long des capillaires, qui forment par leur infiltration des trabécules très-larges interposées à celles des cellules hépatiques. Quelques concrétions amyloïdes, sous forme de blocs irréguliers, pa- raissent libres dans les préparations. L'eau iodo-iodurée fait prendre à ces éléments une coloration d'un rouge brun peu intense caractéristi- que, et l'addition d'une très-petite quantité d'acide sulfurique change la coloration en violet très-pâle. La capsule de l'organe, si épaissie à la surface, en certains points, est aussi infiltrée de substance amyloïde ; de plus un assez grand nombre de cellules hépatiques sont atrophiées. Il n'y a pas le moindre épaississement du tissu fibreux interstitiel. La tein- ture d'iode n'avait donné aucune réaction appréciable sur les autres organes; mais le lavage à l'eau iodée, puis l'addition d'une petite quan- tité d'acide sulfurique fait apparaître une réaction caractéristique dans les organes examinés; c'est-à-dire les reins, particulièrement dans la substance corticale, le pancréas, le canal intestinal, surtout au niveau des lésions décrites, les ganglions mésentériques, abdominaux, le péri- carde viscéral et les fibres musculaires du cœur, mais à un degré fai- ble, et enfin dans les ganglions bronchiques, les bronches et le tissu pulmonaire. Voici ce que ces derniers organes offrent de spécial : Sur les coupes fraîches du poumon, l'action du réactif iodo-sulfurique fait apparaître une teinte bleuâtre légèrement violacée le long des pe- tites artérioles que l'épaississement des parois faisait ressemblera des tractus fibreux, et déplus, dans le tissu pulmonaire solidifié, une grande quantité de petites taches de même couleur, comme un pointillé bleuâtre ou sous forme de petites plaques. Cette réaction est surtout nette aux deux sommets, mais elle se produit aussi dans le tissu plus ardoisé des parties moyennes et inférieures. La plupart des bronches, et particuliè- rement celles d'un aspect pâle, fournissent la réaction caractéristique. Sûr une coupe fine on voit un épaississement caractéristique des ar- 'érioles, une grande quantité de petits grains qu'on a comparé à des 233 grains de sagou cuit, isolés ou groupés sous l'urine de petits blocs fen- dillés de dimensions variables et un certain nombre de cellules épithé- liales contenant de ces petits grains. En dehors de cette infiltration amyloïde, on constate les caractères de la pneumonie chronique; les alvéoles pulmonaires sont presque toutes complètement remplies de cellules épithéliales altérées la plupart granulo-graisseuses, quelques- unes complètement remplies de grosses gouttelettes de graisse, plus brillantes que la matière amyloïde; ces cellules sont mélangées à quel- ques leucocylhes qui sont presque tous graisseux; on voit enfin un épaississement de quelques cloisons, une injection assez grande des plus fins capillaires et une quantité variable de pigment noir. Le mucus bronchique, excessivement abondant, est composé presque exclusivement de cellules épithéliales, la plupart remplies de granula- tions graisseuses, quelques-unes de concrétions amyloïdes. Si l'on traite maintenant avec précaution les préparations par le chlo- rure de zinc iodé, on voit disparaître peu à peu tous les éléments cel- lulaires et la dégénérescence amyloïde se révèle dans toutes les parties des bronches et des poumons avec les particularités suivantes : L'infiltration amyloïde est générale et d'une intensité beaucoup plus grande que n'aurait pu le faire supposer l'examen sans réactif. Dans les poumons : 1" Tous les vaisseaux sont complètement infiltrés de substance amyloïde, et se dessinent dans l'épaisseur des alvéoles sous l'apparence de chapelets ou de cylindres solidifiés, à la surface desquels on voit quelques noyaux. 2* Un grand nombre d'alvéoles pulmonaires sont presque complète- ment remplies par des concrétions amyloWes tassées les unes contre les autres et rappelant la disposition pavimenteuse; un grand nombre d'al- véoles voisines des extrémités bronchiques sont dilatées et communi- quent entre elles. 3° Les cloisons, épaissies ou non, sont aussi infiltrées de matière amy- loïde sous forme de concrétions de dimensions variables. De sorte qu'il semble que le réactif ait fait apparaître une sorte de squelette amyloïde représentant la charpente du poumon. Dura les bronches. Les vaisseaux sont infiltrés d'amyloïde, il en est do même du tissu sous-muqueux et de plus d'un grand nombre de ebon- droplastes.. En effet, les noyaux de presque toutes les cellules de carti- lage semblent masqués par un ou deux blocs de matière hyaline, fen- dillée, d'un aspect caractéristique, et présentant la réaction iodo-sulfu- rique. Ces deux observations n'offrent rien de spécial au point de vue étiologique. . n r-t A 234 Les deux enfants dont il est question étaient en effet, comme nous lavons dit, dans les conditions les plus favorables au développement de la dégénérescence amyloïde. Chez le premier, l'affection occupe son siège de prédilection, c'est- à-dire la rate, le foie et les reins; mais il faut avouer que les autres organes n'ont pas été examinés particulièrement à ce point de vue. Dans le foie l'affection n'est pas tout à fait au début, mais elle n'a pas envahi la totalité de l'organe. Aussi ne us avons pu voir que la dégénérescence amyloïde semble débuter par un des points de l'inté- rieur des acini et qu'elle peut s'accompagner d'une dégénérescence graisseuse du pourtour des acini, qui masque l'aspect cireux, si Ton ne prête pas une grande attention. Les reins nous offrent quelques particularités anatomiques peu ha- bituelles. Nous avons montré en effet que l'infiltration avait porté d'une façon toute spéciale sur les canalicules urinifères eux-mêmes et surtout sur ceux des pyramides. Il s'est produit de plus, dans l'un d'eux, une sorte de pyélo-néphrite d'un aspect spécial et un commen- cement de destruction des pyramides, qui prouve que la présence de la substance amyloïde a pu déterminer un degré assez intense de né- phrite. Dans la deuxième observation, ce sont surtout les poumons qui méritent de fixer l'attention. Ces organes offraient, rien qu'à l'œil nu et sur les coupes, un ca- chet spécial, presque impossible à décrire, mais tout à fait frappant par son étrangeté. La dilatation des bronches lobulaires très-étendue, excessivement prononcée, criblant pour ainsi dire les lobules de pe- tites ampoules qui ressemblaient sur les coupes à une masse de pe- tites cavernes tapissées par la muqueuse bronchique, l'épaississement des vaisseaux, la coloration, le luisant du parenchyme et sa résistance au doigt, sout les particularités les plus importantes déjà signalées à l'autopsie; et, même sans le secours du microscope ou des réactifs, on ne pouvait penser à les mettre sur le compte d'une hépatisation chronique ou d'une tuberculisation. La dégénérescence amyloïde avait cependant déterminé une sécrétion catarrhale abondante qui remplissait les bronches et les alvéoles et une solidification du pou- mon, qui pouvait jusqu'à un certain point ressembler à de l'hépatisa- tion ou mieux à delà splônisation ; mais après ces caractères spéciaux à l'œil nu qui fixaient vivement l'attention, les réactifs et l'examen ï'ôb microscopique sont venus dévoiler la nature de l'affection. La quan- tité très-grande d'amyloïde trouvée dans les diverses parties des bronches et du parenchyme pulmonaire doit faire admettre que la dilatation des bronches et d'uu certain nombre d'alvéoles n'est ici qu'une lésion secondaire, due probablement à l'irritation chronique des bronches et des alvéoles pulmonaires et à l'infiltration d'un grand nombre de cloisons elles-mêmes par la substance amyloïde, infiltra- tion qui, en les rendant fragiles, a pu déterminer la rupture d'un grand nombre d'entre elles. La dégénérescence amyloïde survenant presque toujours secondai- rement et se produisant pour ainsi dire sourdement, chez des sujets déjà cachectiques, il est rare qu'elle détermine des symptômes im- portants. Chez le malade de l'observation I, les suppurations osseuses et les symptômes de tumeur cérébrale formaient toute la partie importante de la scène pathologique. Le seul signe qui appartienne à la dégéné- rescence amyloïde est la tuméfaction du foie, et il est assez remar- quable que les urines n'aient pas présenté d'albumine, du moins un mois environ avant la mort. L'albuminurie, d'ailleurs, n'est pas un symptôme constant de la dégénérescence des viscères abdominaux.; mais elle manque rarement lorsque les reins sont principalement at- teints, et l'on a vu que dans ce cas ils étaient profondément lésés. Aussi il est probable que l'albumine trouvée dans l'urine à l'autopsie, devait exister aussi du vivant du malade, mais probablement seu- lement dans les derniers jours de l'existence. Chez le malade de l'obs. II, la dégénérescence amyloïde, malgré sa généralisation, n'a déterminé aucun des symptômes habituels; mais uous avons à insister sur un fait bien frappant, c'est la ressemblance complète entre les symptômes thoraciques que nous avons notés el ceux de la tuberculisation pulmonaire. Rien ne manquait à l'auscul- tation et à la percussion pour faire admettre l'existence d'une bronchite tuberculeuse avec cavernes et infiltration tuberculeuse ou caséeuse du poumon. La marche de la maladie et les signes d'as- phyxie lente étaient aussi parfaitement semblables à ce que l'ou observe dans la phthisie pulmonaire; mais les renseignements sur les antécédents font défaut, et l'on aurait peut-être trouvé dans les phénomènes du début quelque chose de particulier. Malgré ces symptômes, en apparence peu nets, il est probable que 236 le diagnostic de la dégénérescence amyloïde deviendra plus facile quand on sera plus habitué à y songer au lit du malade. La lecture des observations déjà assez nombreuses montre, en effet, qu'il y a quelques éléments de diagnostic. Les premiers et les plus importants sont tirés des circonstances éiioiogiques, de l'état cachectique dans lequel se trouvent les malades. Les autres se rapportent à l'examen des viscères abdominaux ; ainsi dans les cas où, dans le cours d'une tu- berculisation lente, ou d'une affection chronique et particulièrement une suppuration des os, on voit survenir un marasme très-prononcé, de l'hydrémie et un gonflement plus ou moins marqué du foie et de la rate; on peut songer à une dégénérescence amyloïde des viscères abdominaux. Si la tuméfaction du foie et de la rate est considérable avec conser- vation de la forme lisse de ces organes, il n'y a pas de doute à con- server. L'examen des urines apprend dans ces cas si les reins parti- cipent ou non à la dégénérescence. Dans un assez grand nombre d'observations, on a trouvé de l'albumine dans les urines; mais celle- ci manque quelquefois. 11 faut alors tenir compte de l'examen micros- copique des urines. Le docteur Braun, cité par M. Jaccoud {Nouveau dict.), a en effet rencontré dans l'urine des cellules épitbêliales in- filtrées de substance amyloïde ; mais on ne sait pas encore si elles peuvent exister sans albuminurie. Si le tube digestif prend part à la maladie, particulièrement l'intes- tin, on peut voir survenir une diarrhée très-intense ; mais nous avons vu que dans l'obs. II, la dégénérescence amyloïde de l'intestin nravait déterminé aucun symptôme, probablement parce qu'il neVétaitpas produit de véritables ulcérations. Enfin l'anasarque ou un marasme très-prononcé achèvent le tableau des signes diagnostiques de la dégénérescence amyloïde des viscères abdominaux, signes qui ont été suffisants dans un grand nombre de cas pour donner une grande solidité au diagnostic clinique. L'observation II montre que la dégénérescence amyloïde de l'appa- reil respiratoire peut exister à un degré assez intense pour simuler une tuberculisation pulmonaire et entraîner rapidement une termi naison funeste, Mais ce seul exemple ne permet pas d'indiquer sur quels signes on pourrait baser le diagnostic de la dégénérescence amyloïde des organes thoraciques. Cependant, d'après la quantité très-grande de cellules épithéliales infiltrées d'amylofilc trouvée 237 dans le mucus bronchique à l'autopsie, il est permis de croire que l'examen microscopique des crachats, du vivant du malade, aurait pu fournir des renseignements précieux et attirer des doutes sur la na- ture tuberculeuse de l'affection pulmonaire. IV. — RÉSUMÉ. Ie La matière dite amyloïde est une substance azotée différant par son aspect, ses réactions et sa composition élémentaire des corps amy- lacés, et se rapprochant des principes albumiuoïdes. 2* Cette matière en sïnfiltrant dans les organes, particulièrement dans les vaisseaux capillaires, détermine une dégénérescence spéciale à laquelle on peut réserver le nom de dégénérescence amyloïde, mais qui serait peut-être mieux nommée dégénérescence albuminoïde . 3° Le chlorure de zinc iodé est le réactif le plus sensible pour re- connaître, sans le secours du microscope, la présence de la matière amyloïde dans les organes dégénérés, en donnant lieu à une colora- tion rouge. 4° La dégénérescence amyloïde des reins peut siéger particulière- ment dans les canalicules urinifères eux-mêmes, et déterminer une sorte de destruction des pyramides (obs. I). 5° La dégénérescence amyloïde peut se développer particulièrement dans les organes respiratoires, et simuler une phthisie pulmonaire (obs. 11). FIN DES MEMOIRES. PLANCHES. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. DESCRIPTION ET ANATOMIE D'UN INSECTE MARrTIME (ANURIDA MARITIMA . (Mémoires, page 189.) Fig. 1. Anurida maritimafort grossie, et, à côté d'elle, mesure de sa longueur naturelle. t. Le même insecte, encore plus grossi, et vu en dessus. 3. Le même, tu en dessous. 4. Le même, vu de profil. 5. Antenne très-grossie, ainsi que toutes les figures suivantes. 6. Ocelles du coté droit. On voit tout à fait en avant l'organe prostemmatique. 7. Organe prostemmatique ou antéoculaire, dessiné sur l'insecte adulte, ayant le pigment sous-cutané. 8. Le même organe après l'enlèvement du pigment. On trouve en dessous, à droite, la cornée d'un stemmate. 0. Organe prostemmatique d'une Anurida marilima très-jeune. 10. Tète de l'insecte adulte, pour montrer la disposition des deux mâchoires et la ma- nière dont elles peuvent se mouvoir isolément, d'arrière en avant. 1 1 . Mandibule détachée et isolée. 12. Ensemble de l'appareil buccal extrêmement grossi. On aperçoit en dehors les mâ- choires, puis les deux mandibules, et au milieu la lèvre inférieure. 13. Lèvre avec sa languette, ayant la forme d'un V irrégulier. 14. Une des pattes de V Anurida maritime. 15. Extrémité terminale de la jambe, et crochet unique représentant le tarse, extrêmement grossis. 16. Appareil digestif de VAnurida maritima. Œsophage court, dilaté en un jabot à la partie postérieure. Ventricule chylifique lisse, suivi d'un intestin grêle très-court, puis d'un CŒcum assez volumineux, enfin du rectum. 17. Appareil générateur mâle du même Insecte, vu en dessus. Il consiste en deux gros cœcums blanchâtres. 19. Appareil générateur femelle, représenté en dessous. On voit dans l'une des gaines ovigères quatre œufs de volume différent et arrondis, enveloppés d'une fine mem- brane, terminée par un filament suspenseur. L'autre gaine renferme des loges ses- silcs et des vitellus espacés. 10. Œuf de VAnurida marilima. 20. Granulations composant le corps graisseux splanchnique, vues à un fort grossisse- ment. FI. 1. D' A. r.atoulhn^ Jet J*irfirt .rculp Aruwu£a mtiriiima . 16 PLAftCfiE H. DEUX CAS DE DÉGÉNÉRESCENCE DITE AMYLOIDE OU CIREUSE. (Mémoires, page 207.) F:s i. Coupe longitudinale des pyramides (!00 diamètres), représentée à l'aide de la chambre claire. *, b, «, d, e. Canal if n les nriniferes dont la paroi amyloide est pins ou moins épaissie et quelque- fois comme fissurée (d), et dont le canal, très-rétréci, contient des cellules épi- théliales tassées, granulo-graisseuses et de* gouttelettes de graisse (a, b, c, e). ». Tissu interstitiel, contenant un très-grand nombre do noyaui et de corps fosi- formes. Fie. 2. Coupe perpendiculaire aux pyramides (300 diamètres), représentée à l'aide de la chambre claire. t, b. Paroi amyloide des canalicules nriniferes. c. Canal rétréci apparaissant comme un point noir. d. Cellules épithéliales tassées dans le canal. f. Espace vide, qui était occupé par un canalicule. i. Tissu interstitiel, contenant une quantité considérable de noyaux et un grand nombre de corps fusiformei, la plupart conpés transversalement. g. Tubes de Henle. Fia. / WBÈBS - ; Fia ?■ litvtiu: ■>//• lmf> Lanercura c^/bru //• l Adénite de forme chronique et généralisée (Adénie de M. le professeur Trousseau) ; observation d'hypertrophie générale des ganglions lym- phatiques; par M. A. Laboulbéne » l83 Adipeux. (Sur quelques points du développement et de l'anatoraie du système); par M. Ch. Robin 27 Albuminurie (Altérations analomiques du rein dans ¥); par M. Comil. liO • —saturnine. Epilepsie saturnine. Atrophie musculaire" progressive avec augmentation de volume des parois du cœur gauche sans lésion val- vulaire; par MM. Ollivter 127 • — iu>m; par MM. Olivier et Dodeuil i» » — urémie à forme dypsnéique chez un saturnin; par M. Ullivier. ... 25 » Alcaloïde (De I') de la fève du Calabar, et expériences physiologiques avec ce même alcaloïde; par MM. Vec et Leten 160 > Amputation spontanée des membres, et eclromélie chez les animaux domestiques ; par M. Goubaux ■ 119 Amyloïde ou cireuse (Etudes sur deux cas de dégénérescence) ; par M. Hayem » Anenthésié de la cernée dans l'empoisonnement par le sulfure de car- bone; par MM. Rergeron et Levy 49 » Angine de poitrine (Altérations de l'aorte et du plexus cardiaque); par M. Lancereaux »s » Anguillules du vinaigre; par M. !)avaine 88 » Anomalies de l'organisation (Recherches sur la production artificielle des); par M. DareMe 143 » Anurida marilima (Mémoire de M. Laboulbéne sur 1',' » 189 f 1 i Les piges indiquées i la. marge sont celles des comptes rendus (C. R.) et des mémoires (M). 246 t. n. m. Aorte i Anévrisme de la crosse de 1' , par M. Odirr 132 » —(Rupture du tronc de I'), chez un sanglier; par M. Goubaui 83 • Aphasie sans lésion de la troisième circonvolution frontale gauche); par - M. Bouchard m » —(Valeur séroéiotique de 1'} dans le diagnostic de l'hémof rhagie et du ramollissement du cerveau; par M Lancereaux ■ iu Apbémieavec ramollissement superficiel du lobe postérieur gauche; par M. Cornil 31 Arachnoïde (Kystes sanguins de P.; par M Ltborde 70 • Articulation (Fausse) établie dans la continuité de la première côte; par M. Anger ' '« » Asphyxie (Note pour servir à l'étude de P); par M. Bert 16'i • Atrophie musculaire dans un cas d'intoxication saturnine; par M. Oili- vier t"'"1 ' " —rouge aiguë dans une observation d'ictère grave; par M. J. Worms. . il » B Bactèridtes dans la pustule maligne; par M Pavaiue 93 • Soûle graisseuse de Bichal; p'ar M. Ch Robin. . i » c Calculs do rein. Transformation presque complète de l'un des reins en- » une masse de graisse; par M. Anger. t07 » Cervelet. Nouvelles recherches sur la physiologie et la pathologie du cervelet; par M. Leveji M Chaleur animale (mémoire sur la) par M. Bertbelol * lis Cœur. (Battements du) chez la grenouille; par M. Judée 93 » —(Observation d'un polype de l'oreillette droite du), et considérations anatomiques et physiologiques sur cette production morbide; par M. Proust » 5i —Communication interauriculaire avec hypertrophie considérable du cœur droit; par M. Anger 97 —Hypertrophie du ventricule gauche dans la maladie de Bright; par M. Ollivicr l« Circulation (Influence des maladies du poumon sur la); Modifications du pouls causées par la ponction de la poitrine dans le cas d'épan- chement abondant dans la plèvre; par M. Cornil. ....... lis Coloration rouge dans l'inflammation (Recherches expérimentales sur la); par MM. Estor et Saintpierre 3i Couches optiques (Recherches physiologiques et pathologiques sur les); par M l.even 48 Crucifères (Caractères histologiques offerts par la cloison dans la fa- mille des); par M. Eug. Fournier 89 — ;Du système laticifére et de la structure des feuilles carpellaires dans la famille des Respiration interne des fruits; par M. Eug. Fournier. 1 8* I) Décret impérial du is novembre i»64, reconnaissant la SocièU' de Bio- logie établissement d'utilité publique a>eut d'éléphant (Structure d'une ; par M G. Pouclicl. 1 39 247 • ». M. Diabète sucré développe spontanément chez un singe; par M. Bérenger- Féraud 74 » Dialyse (Recherches de quelques matières organiques par la); par M. Hardy »i » E Ectroxnélie, et de l'amputation spontanée des membres chez les ani- maux domestiques; par M. Goubaux » us Embryon humain .Arrêt de développement dans I'); par M. G. Pouchet. 94 • Encéphale (Altération graisseuse sénile des vaisseaux de I') chez cer- tains mammifères; par M. Vulpian U » Endocardite ulcéreuse et ictère; par M. Luys 101 » Epiiepsie symptomalique. Tumeur du pédoncule cérébral gauche; par MM. Cornil et Thomas 4« » Epipbyses (Décollement des) des os longs dans un cas 'de syphilis viscérale; par M. Ranvier. W • V Fibres corticales (De l'existence de véritables) dans le corps ligneux de quelques végétaux ; par M. Chatin ibi » G Graisse (De l'état de la) dans les muscles; par MM. Ch. Robin et Rey- nal IS» ». Graisseuse (Altération) sentie des vaisseaux de l'encéphale chez cer- tains mammifères; par M. Vulpian 13 » Greffe animale (Expériences); parM.Bert. 112 > Glycosurie aiguë; par M. Péter 37 » H Hémiplégies anciennes (Présentations relatives à diverses lésions de nutrition consécutives aux); par M. Bouchard - . P > Hypertrophie générale des ganglions lymphatiques (Observation d'); adénite de forme chronique et généralisée (adénie de M. le profes- seur Trousseau); par M. A. Laboulbène * <83 I Ictère avec endocardite ulcéreuse; par M. Luys >0i » —grave: atrophie rouge aiguë du foie; par M. i. Worms. . il ■ Insecte maritime qui forme un genre nouveau dans l'ordre des thysa- noures et la famille des podurides; par M. Laboulbène '» 18» K Kyste» cérébraux (bydatides oc cysticerques) chez l'homme; par M. Le- ven M* • —sanguins de l'arachnoïde (Etudes cliniques et expérimentales sur la palbogénie des); par M. Laborde M » L I Ligula minuta de la truite du lac de Genève; par M. Davaine. S7 > 24« M t. h. a. Maladie de Brigbt déterminant l'hypertrophie du ventricule gauche du coeur; par M. Ollmer m » Myxôme fibreux scrolal; par M. L. Odier 27 » N Névralgie réflexe et plus tard nneslhésie du nerf trijumeau en rapport avec une névrite du nerf facial el une paralysie incomplète du celé correspondant de la face; par M. Gubler . » 43 o Obstruction du tube digestif par un corps étranger chez un gallinacé; par M. Larcher 152 Opium el ses alcaloïdes (Recherches sur I'); par M. Claude Bernard. . 100 > Os (Remarques sur le tissu médullaire des) à l'état normal el a l'étal morbide; par M. Cb. Robin » et Ossification (Premier point d'j dans les os longs. Noie de M. Ch. Robin. i •■ P Pellagre (Lésions de la moelle épiniére, du cœur et du foie dans un cas de); par M. Bouchard si Périoardite tuberculeuse (Contribullonsa l'histoire de la); par M Proust. 191 » Phlébite spontanée chez un jeune sujet; par M. Péter 3S » Phosphore (Altération granulo-graisseusede l'épilhélium des glandes de l'estomac dans un cas d'empoisonnement par le); par MM. Bergeron et Cornii. 56 » Pneumogastrique (Compression probable du) dans un cas d'abcès pul- monaire el du médiastin; par M. L. Odier 135 » Polype inuqueux du rectum comparé avec une variété de tumeur encé- phaloïde de la muqueuse du rectum; par M. Cornii 59 « Poumons d'un ours. Recherches microscopiques sur une lésion dénature inflammatoire; par MM Milne Edwards eiCniml 121 Pustule maligne ^Recherches et existence des bactéridies dans la); par M. Davaine 93 11 Rapport sur le prix Godard; par M. Gubler x\ Rectum (Comparaison d'un polype muqueux avec une tumeur encepha- loïde du); par M. Cornii ,. . .'>9 » Reins. Calculs et transformation du parenchyme de ces organes; par M. Anger ui7 Remarques sur l'opinion émise par .MM. Jacubowitsch et Roudanowski, relativement à l'action de certains poisons sur les éléments anatomi- ques du système nerveux central; par M. Vulpian 185 Reproductions animales; par M- Legros 10s » Respiration. Elude graphique des mouvements respiratoires; par M. Ma- rey Rétention d'urine pendant la vie intra-utérine; parM. Depaul. ... 8i » Llbumatisme articulaire chronique (Coïncidences pathologiques du); par M. Cornii » s :>VJ S C. II. Sarcopte delà gale chez le rat; par M. Legros m Suppuration des voies biliaires avec flévrc intermittente sympiomati- que; par M. V, Cornil 10 SyphilU congénitale. Péribépatite syphilitique avec gommes du foie et décollement des épiphyses des os longs; par M. Ranvier 39 T Tache germinative (Mouvements dans la) chez quelques animaux ; par M. Balbiani et Tissu érectile (Observations sur la constitution du); par M.CIi. Robin. » Trachéotomie dans un cas d'anévrisme de la crosse de l'aorte; par M. L. Odier i3J Tubercules du testicule-, par M. L. Odier i3i D Urine (Pot/. Rétention. d'). Urique (Réactions caractéristiques de l'acide); par M. Hardy 43 V Variole in utero; par M. Legros 68 —et syphilis chez un enfant nouveau-né; par M. Bargioni i?7 Venin des batraciens (Action du) sur les animaux qui produisent le ve- nin; par M. Vulpian 1 83 Voies biliaires (Suppuration des) avec lièvre intermillente symptomaii- que; par M. V. Cornil 10 FIN DE LA TAULE ANALYTIQUE. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Asger Communication inter-auriculaire avec hypertrophie considérable do cœur droit 97 — Calculs du rein. Transformation graisseuse de l'un des reins iot — Fausse articulation établie dans la continuée de la première cdte. . . .-- 116 6 BiiButi Mouvements dans la tache germinalive chez quelques animaui. 64 Barooni. ...... De la variole et de la syphilis chez un enfant non- veau-r.é. 177 Bêrencer-Féracd. Considérations sur un cas de diabète sucré, déve- loppé spontanément chez un singe 74 Bergeron etCoRNU.. Altération de l'épilhélium des glandes de l'estomac dans l'intoxication par le phosphore SS — et Leyy Ànesthèsie de la cornée dans l'empoisonnement par le sulfure de carbone 49 Beat Expériences de greffe animale 173 • — Note pour servir à l'histoire de l'asphyxie iG'i Bertbelot Sur la chaleur animale > Bernard (Claude) . Recherches sur l'opium et ses alcaloïdes ioo Bouchard Présentation relative à diverses lésions de nutrition, consécutives aux hémiplégies ancienne». ... s — Aphasie sans lésion de la troisième circonvolution frontale gauche ni — Pellagre (Lésions de la moelle épinière, du cœur et du foie dans un cas de) Ji c Chatin De l'existence de véritables fibres corticales dans le corps ligneux de quelques végétaux isi Co&çjl (V.). .... Suppuration des voies biliaires; fièvre intermittente symptoinalique 10 •252 V. ». CwtNiL(V.: Aphcinie et ant-sthésie dans un cas de ramollissement supcrliciel du lobe postérieur gauche yi — Coïncidences pathologiques du rhumatisme articu- laire chronique »< — Influence de la respiration sur la circulation ; modi- fications du pouls causées par la thoracentèse dans les cpanchements abondants de la plèvre. ... us — Conclusions sur les «Itérations analomiques du rein dans l'albuminurie '. . . 119 — Comparaison d'un polype muqueux bénin du rectum avec une variété de tumeur encéphaloïdede la mu- queuse du sectum su — ctBer.GERoN. . . Voy. Bergeron. — et A. Milke Edwards. Voy. Milne Edward». — et Thomas. . . . Épilepsie symptoraairque, tumeur dv pédoncule cé- rébral gauche u. D Darf.ste. ...... Recherches sur la production artificielle des anoma- lies de l'organisation 143 Davaine Anguillules du vinaigre 8g — Ligula minuta de la truite du lac de Genève. ... «7 — Sur l'existence et la recherche des bactéridies dans la pustule maligne 93 Depaul Rétention d'urine pendant la vi» intra-utérine, et due à une oblitération de la portion prostatique de l'uréthre 82 DonF.ua et Olliviek. Voy. Ollivier. E Estor et Saintpieuhe. Recherches expérimentales sur la coloration rouge dans l'inflammation 3i F FotiRNiF.n (Eug.). . Caractères hi9tologiques offerts par la cloison dans la famille des crucifères 89 — Du système laticifère. De la structure des feuilles carpellaires et de la respiration des fruits dans la famille des crucifères 132 Gold.vux De l'ectromélie et de l'amputation spontanée des membres chez les animaux domestiques » 119 — Rupture du tronc aortique chez un sanglier. Caillot sanguin volumineux dans le péricarde. Calculs de la vessie et de l'uréthre 83 » ?:>3 r. r m Gldif.r Névralgie réflexe et plus tard aneslhésie du trijumeau . en rapport avec une névrite du facial et une para- lysie incomplète du coté correspondant de la face. > 43 — Rapport sur le prix Godard xix H Hardy Recherches de quelques matières organiques par la dialyse . pi » — Réactions caractéristiques de l'acide unque. ... 43 Hatlh Études sur deux cas de dégénérescence amyloïde ou cireuse » 107 .1 Jvdkf Moment précis ou se produit chez la grenouille le battement du cœur 23 » I. aborde Contribution à l'élude des conditions pathogénique* des kystes sanguins de l'arachnoïde ; recherches expérimentales sur les animaux :o - l.ABoiapÈNE (A). . • Observation d'hypertrophie générale des ganglions lymphatiques, adénite de forme chronique et gé- néralisée (Adénie de M. le professeur Trousseau). 183 — Description et analomie d'un insecte maritime qui forme un genre nouveau dans l'ordre des tbysa- noures et la famille des Podurides (Ânurida mari- time) I8!> » Lanckkmi'x Altération de l'aorte et du plexus cardiaque dans l'an- gine de poitrine i? >• — Valeur sémèiolique de l'aphasie dans le diagnostic de l'hémorrhagie du cerveau et du ramollissement par oblitération de l'artère de Sylvius » ni 1. archer Obstruction du tube digestif par un corps étranger chez un gallinacé . • 152 » I.fcros. ...... Du sarcopte de la gale chez le rat 22 — Reproductions animales 108 - — Variole in utero 6* I.svxn . Des kystes cérébraux chez l'homme M« ► — Nouvelles recherches sur la physiologie et la paiho- logic du cervelet •• 0» — Couches optiques (Recherches physiologiques ei pa- thologiques sur les! 4$ « — et Vée Yoy. Vce. I-BTS Endocardiic ulcéreuse et iciére 101 M AIarey Élude graphique des mouvements respiratoires. . » m ïî>k e a. Mume Edwards et Cobnil. Poumons dur» ours (Examen microscopique d'une lésion inflammatoire des) \%\ O Odibk (I..) liyxOme fibreux scrotal, . . • 11 — Tubercules du testicule 131 — Anévrisme de la crosse de l'aorte; trachéotomie; mort. Autopsie 132 — Abcès pulmonaires; asphyxie ; trachéotomie; pleuré- sie, vomique; péricardite; mort 13s Ollivibb Intoxication saturnine. Albuminurie, urémie à forme dyspneique. Néphrite parencbyraaleuse 24 — Hypertrophie du ventricule gauche du cœwr dairs la maladie de Bright 123 ~ et Oodeuil. . ■ - Albuminurie saturnine 1» Peter Phlébite spontanée delà veine fémorale ceex un jeuae sujet " 3$ • — Observation de glycosurie aiguë il » Poochet (S) Du leptolbrix buccalis ïô • •— Structure d'une dent d'éléphant 13» a — Arrêt de développement de l'embryon hamain. . . 94 • Proust Contributions à l'histoire de la péricardite tubercu- leuse 1*1 - — Observation d'un polype de l'oreillette droite du coeur, et considérations sur l'anatomie et la phy- siologie pathologiques de cette production mor- bide • si R Rarvieh Syphilis congénitale. Périhépatile syphilitique r gommes du foie. Décollement des ëpipbyses. . . 39 » Rater. • • Allocution. Séance du prix Godard xix- Revnal. foy. Cb. Robin et Reynal. Robin (Cb.) Note sur le lieu précis où se montre le premier point d'ossifleation de» os longs — De la boule graisseuse de Bichat. ....... — Sur quelques points du développement et de l'anato- mie du système adipeux — Observation sur la constitution du tissu érectile. r- Remarques sur le tissu médullaire des os a l'étal nor- mal et à l'état morbide — et Retsal. . . . De l'état de la graisse dans les muscles T Tiouas et Cornil, Toy Corn»!. 1 » i • 9 2T * 1T 255 Vee et Levés. ... Oc l'alcaloïde de la fève dé Calabar et expériences physiologiques avec le même alcaloïde KO Vcliman. s Altération graisseuse sentie des vaisseaux de l'encé- phale chez certains mammifères 13 — Noie relative à l'action du venin des batraciens ve- nimeux sur les animaux qui le produisent- ... lat — Remarques sur l'opinion émise par MU. Jactibowitsu et ttoudanowski, relativement à l'action de cer- tains poisons sur les éléments analogiques du sys- tème nerveux central rts w Wo»Ms (S.) Ictère f rave; a irophie du foie ta FLN DES TABLES. LISTE DES OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE. 1864. A Actes de la Société médicale des hôpitaux de Paris; 6e fascicule. 1864. Archives de médecine navale. 1864. Atlas d'ophlbalmologie du docteur Liebreicht. Annuaire de l'Académie royale de Belgique, des sciences, des lettres et des beaux-arts. 1 864 . Azam Recherches sur l'embolie pulmonaire à la suite de fractures des membres. 1864. B Berichte d. math. phys. Classe. 1863, 1 et II. Bulletins de la Société anatomique de Paris. 1863. Bulletins de la Société médicale des hôpitaux de Paris. 1863, Bulletins de la Société médicale du département du Nord. 1864. Bulletins de la Société royale de Londres. 1864. Bulletins de l'Académie royale d'Amsterdam. 1864. Bulletins de la Société des sciences naturelles de Wurzburg. 1864. Bulletins de la Société médicale de Wurzburg. 1864. Bulletins de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts de Belgique; 33e année. 1864. 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